XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 02 avril 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 02 avril 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Port du voile dans le sport

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Piquemal.

    M. François Piquemal

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    Qu’est-ce qu’elles vous ont fait ? Que vous ont fait Camissa, Diaba, Sylvie et Soukamba ? Pourquoi vouloir interdire aux femmes qui portent le voile de pratiquer le sport, au mépris de toutes les conventions internationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est une idée défendue par M. Retailleau le 26 mars dernier lors du meeting de la honte. « À bas le voile ! », voilà ses mots ! Qu’est-ce d’autre qu’un appel à la haine ?
    La proposition de loi d’extrême droite qu’il soutient est une atteinte grave à la liberté de conscience, aux droits de disposer de son corps et à la laïcité. (Mêmes mouvements.) Le sport est un espace où chacune et chacun peut se dépasser, apprendre et s’épanouir. Comme la laïcité, il transcende les barrières religieuses, mais aussi sociales, culturelles et porte des valeurs universelles de respect, d’égalité et de diversité. Au lieu de vouloir en priver des milliers de femmes, vous devriez surtout revoir ses moyens à la hausse, vous qui avez baissé son budget de 200 millions d’euros, mettant ainsi en grande difficulté les clubs sportifs qui se démènent pour faire vivre les valeurs d’inclusion et de tolérance. (Mêmes mouvements.)
    Au lieu de dégager ces moyens, à quoi joue ce gouvernement ? Au concours du pays le plus islamophobe (« Ah ! » sur quelques bancs des groupes RN et HOR), en faisant de la France le seul pays au monde qui interdirait le voile pour les femmes qui font du sport ? (Mêmes mouvements.) Monsieur le premier ministre, condamnez-vous les propos de M. Retailleau et allez-vous lui rappeler qu’il n’a pas à dicter la manière dont les femmes doivent s’habiller ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

    Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

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    Le sujet que vous évoquez a été abordé au Sénat à l’occasion d’une proposition de loi visant à renforcer la laïcité dans le sport, déposée par le sénateur Michel Savin, que le gouvernement a proposé d’amender afin de préciser son cadre d’application. Ce cadre est clair : il est interdit de porter tout signe religieux dans une compétition, qu’elle soit de niveau départemental, régional ou national, organisée par les fédérations françaises délégataires de service public. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
    Dans ces compétitions sportives, le seul insigne que l’on porte est celui de son club, à savoir son maillot. En dehors de ce cadre, le sport est ouvert à toutes et tous, selon un principe défendu par le gouvernement qui attend désormais la suite du parcours législatif de ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Piquemal.

    M. François Piquemal

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    Vos propos demeurent flous et semblent confirmer la position du ministre de l’intérieur –⁠ ce même ministre qui, après s’en être pris aux femmes voilées, s’est attaqué à d’autres libertés publiques en menaçant des groupes de supporters de dissolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Laissez-moi finir en vous citant la banderole des supporters de Toulouse, les Indians : « Retailleau, s’il y en a bien un qui se voile la face, c’est toi !» (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Protestations sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)

    M. Philippe Vigier

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    Minable !

    M. François Piquemal

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    Vive les libertés publiques, vive le sport populaire pour tous et toutes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Dissolution d’associations de supporters

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Courbon.

    M. Pierrick Courbon

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    Une procédure de dissolution vise plusieurs associations de supporters, notamment dans ma ville de Saint-Étienne. Je le redis très clairement : nous sommes tous d’accord pour lutter contre les violences et les discriminations, dans les stades et à leurs abords. Nous condamnons les dérives, qui sont le fruit de comportements individuels, mais, pour garantir la sécurité publique dans les enceintes sportives, la dissolution de nos associations de supporters n’est pas une bonne solution. Elle doit être réservée aux groupuscules hooligans, que personne ici ne défend. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Ce n’est pas simplement le propos d’un supporter, mais ce que disent également, et à l’unisson, des sociologues, des responsables de clubs et d’associations, des acteurs de la sécurité, des élus de tous bords et même deux de vos prédécesseurs au ministère des sports. Réaffirmez ici que votre volonté est de privilégier des sanctions individuelles aux mesures collectives, par définition injustes et inefficaces ! Réaffirmez que pour préserver ce qu’il reste d’un football populaire, nous ne voulons pas de tribunes aseptisées et que le foot a besoin de ses supporters ! (Mêmes mouvements.) Réaffirmez l’importance des associations qui structurent le supporterisme en France, qui sont les partenaires des clubs et des pouvoirs publics ainsi que des acteurs sociaux majeurs dans leurs territoires respectifs !
    Nous étions des milliers à le dire dans les rues de Saint-Étienne samedi dernier. S’y rassemblaient des hommes, des femmes, des enfants, des familles avec des poussettes : nous étions loin de ressembler à un cortège de hooligans, comme se l’imagine peut-être la Place Beauvau ! Hier, la commission consultative de prévention des violences a appelé à la réouverture du dialogue. Nous nous en réjouissons. Le club de l’Association sportive de Saint-Étienne est prêt à y prendre toute sa part, les supporters au sein de leur association également. Vous devez, madame la ministre des sports, y prendre la vôtre.
    Ma question est simple : pensez-vous qu’il existe désormais une autre voie que celle de la dissolution de ces associations et vous engagez-vous à défendre jusqu’au bout les solutions alternatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

    Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

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    Avant tout, je veux dire, comme vous l’avez fait, que les violences n’ont aucune place dans nos stades qui sont des lieux de ferveur et de passion sportive. Les supporters sont l’âme des clubs et doivent pouvoir aller au stade entre amis ou en famille sans craindre des violences et des manifestations de haine. Face aux dérives de quelques-uns qui ternissent l’image du football, la position du gouvernement est claire : priorité aux sanctions individuelles.
    Cette approche, nous l’affirmons et nous la dotons d’outils : c’est tout le sens de la circulaire que Bruno Retailleau et moi-même avons signée le 6 mars dernier et le sens de la convention que nous allons signer à la fin du mois avec le ministre de la justice et la Ligue de football professionnel. Par exception, des sanctions collectives doivent être envisagées face à la répétition d’actes violents commis en réunion. Face aux groupes de hooligans tels que la Légion X, c’est la dissolution qui est la bonne approche.

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    Mme Marie Barsacq, ministre

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    C’est le sens de l’avis rendu hier par la commission consultative et de la décision prise par Bruno Retailleau sur la base de cet avis.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    On a vu ce que ça a donné !

    Mme Marie Barsacq, ministre

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    S’agissant des associations stéphanoises, nous espérons que le dialogue engagé dans le cadre de la procédure avec les deux associations d’ultras évitera d’en arriver à cette mesure de dernier recours. Comme l’a indiqué hier le ministre de l’intérieur, ce dialogue va se poursuivre et j’y prendrai toute ma part.
    Grâce à des engagements clairs de tous les acteurs, j’ai la conviction que nous pouvons éviter d’en arriver à des dissolutions. Ce dialogue doit garantir un climat de ferveur festif et familial. À Saint-Étienne comme dans tous nos stades, nous voulons voir l’image du football que nous aimons tous.
    Pour conclure, je rappelle que le supporterisme français est un atout majeur de nos championnats, que d’autres pays nous envient. Nous avons une occasion de le montrer avec force, à un moment où le football professionnel en a besoin. Pour que le supporterisme continue à avancer dans le dialogue en écartant la violence, je réunirai l’instance nationale du supporterisme le 17 avril prochain. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Courbon.

    M. Pierrick Courbon

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    Vous appelez au dialogue et nous sommes d’accord. Pour dialoguer, il faut des interlocuteurs et pour avoir des interlocuteurs, il faut maintenir ces associations. Je compte sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Port du voile dans le sport

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury

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    La réponse faite à l’instant par Mme la ministre des sports à la question de notre collègue du groupe LFI n’est pas suffisamment claire et mérite plus de fermeté. Nous pensions que la ligne du gouvernement avait été tranchée au sujet de l’interdiction du voile dans la pratique sportive. Cependant, à l’heure où nous parlons, la proposition de loi votée par le Sénat n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale…

    Mme Danielle Simonnet

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    Tant mieux !

    M. Jérôme Nury

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    …et la presse rapporte que le gouvernement envisagerait finalement de ne pas légiférer sur ce sujet.

    Mme Danielle Simonnet

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    Tant mieux !

    M. Jérôme Nury

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    Cette ambiguïté alimente une confusion dangereuse dont profite l’islamisme. En effet, les extrémistes religieux exploitent chaque faille et faiblesse de notre droit pour pratiquer un entrisme insidieux et imposer pas à pas leur idéologie au sein de la société, à commencer par leur vision rétrograde et intolérable de la soumission des femmes.

    M. Louis Boyard

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    Vous êtes islamophobe !

    M. Jérôme Nury

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    Le sport, lieu de rassemblement et d’égalité, ne doit pas devenir un terrain de propagande où prospère le communautarisme. En 2004, nos prédécesseurs ont eu le courage d’interdire les signes religieux à l’école au nom de la laïcité.

    M. Jérôme Guedj

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    Ce n’est pas un sujet de laïcité, comprenez-le une fois pour toutes !

    M. Jérôme Nury

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    Aujourd’hui, il est temps de faire preuve de la même clarté au sein du domaine sportif. Une règle claire qui s’impose à tous, c’est le meilleur moyen de défendre la République et ses valeurs. Avec notre groupe Droite républicaine, nous vous demandons de clarifier enfin la position de votre gouvernement.

    M. Jérôme Guedj

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    Dire des choses pareilles cent vingt ans après la loi de 1905 !

    M. Jérôme Nury

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    Vous engagez-vous à inscrire au plus vite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le texte adopté par le Sénat visant à interdire le port du voile et de tout signe religieux ostentatoire dans le sport ? Oui ou non, monsieur le premier ministre, êtes-vous déterminé à donner à la République les moyens de faire face aux menaces de l’islamisme et du communautarisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Voilà des propos clairs !

    M. Jérôme Guedj

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    Il va falloir qu’on ait un vrai débat !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

    Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

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    Je veux d’abord rappeler ma détermination et celle du gouvernement (M. Emeric Salmon rit) dans la lutte contre les phénomènes de radicalisation et d’entrisme.

    Mme Mathilde Panot

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    Le seul entrisme, c’est celui de l’extrême droite !

    Mme Marie Barsacq, ministre

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    Les comportements qui mettent en danger nos valeurs républicaines doivent être combattus ; c’est vrai dans le sport comme dans tous les champs qui pourraient y être confrontés.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est un mensonge !

    Mme Marie Barsacq, ministre

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    Le 19 février dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi déposée par le sénateur Savin, qui vise à renforcer le principe de laïcité dans le sport. Le gouvernement a amendé ce texte –⁠ je viens de l’expliquer c’est pourquoi je n’y reviens pas. Nous sommes très attachés à rappeler la position du gouvernement, comme l’a fait d’ailleurs le premier ministre hier. Le gouvernement s’est prononcé en faveur de ce texte amendé au Sénat.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Quand sera-t-il examiné ici ?

    Mme Marie Barsacq, ministre

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    S’agissant de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée, le temps gouvernemental, comme vous le savez, est très contraint. Le gouvernement ne dispose que d’une semaine dédiée en avril et d’une en mai. D’autres textes importants, comme ceux relatifs à la lutte contre le narcotrafic, à l’aide active à mourir ou encore à l’aide à Mayotte sont inscrits à l’ordre du jour, ce qui limite considérablement les possibilités. Je sais que ce sujet vous est cher et qu’il suscite beaucoup de débats. Les parlementaires ont la main sur la moitié de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ce qui leur confère des possibilités d’inscrire ce texte –⁠ je ne doute pas qu’ils sauront les utiliser. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)

    Situation en Turquie

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    En Turquie, plus de 2 000 personnes ont été incarcérées ces dernières semaines pour avoir protesté contre le coup de force d’Erdoğan. Après avoir destitué des dizaines de maires kurdes et emprisonné des milliers d’élus, journalistes, militants et intellectuels depuis des années, le régime s’attaque désormais au maire d’Istanbul İmamoğlu, incarcéré avec une centaine de membres de son parti juste avant sa désignation comme candidat à la présidentielle face à Erdoğan, à la suite du vote de 15 millions de citoyens dans une primaire.

    M. Emeric Salmon

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    Ça me rappelle quelque chose !

    Mme Danielle Simonnet

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    Mais le peuple résiste.

    M. Emeric Salmon

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    Ici aussi !

    Mme Danielle Simonnet

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    Plus de 2 millions de personnes ont manifesté : je salue le courage de la mobilisation étudiante malgré la répression. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.) En février dernier, une déclaration historique du leader kurde Öcalan ouvrait une voie possible de paix et de démocratie, mais le régime a décidé d’intensifier sa répression.

    M. Emeric Salmon

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    Ici aussi !

    Mme Danielle Simonnet

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    Face à cette escalade autoritaire, la France doit interpeller la Turquie pour la libération de tous les prisonniers politiques et le respect des droits démocratiques. Il faut aussi exiger que la Turquie cesse ses attaques, qui violent le droit international, contre le territoire syrien du Rojava et son modèle exemplaire féministe, démocratique et pluraliste, qui lutte contre Daech.
    L’alliance entre Trump et Poutine exige que nous repensions notre stratégie géopolitique en la fondant sur une vision émancipatrice du monde. Est-ce parce que la Turquie possède la deuxième plus grande armée de l’Otan, qu’elle dispose d’une solide industrie d’armement et que l’Union européenne lui délègue sa politique migratoire que la France et l’Europe ferment les yeux sur cette dérive totalitaire ? Ce serait là l’enterrement des principes que nous voulons défendre sur la scène internationale, une impasse, une faute.
    Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez, tout comme le président de la République, dénoncé ces graves atteintes à la démocratie en Turquie. Les médias turcs annoncent que vous recevez aujourd’hui votre homologue turc. Quelles pressions comptez-vous exercer pour soutenir le peuple turc mobilisé avec détermination pour la démocratie, les droits humains et la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    Mme Marie Pochon

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le Quai d’Orsay est absent !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    L’appartenance à l’opposition vous conduit à ne pas indiquer à l’avance au gouvernement les questions que vous poserez et les ministres auxquels elles seront destinées. C’est votre droit, mais il se trouve que le ministre des affaires étrangères est précisément en train d’auditionner des responsables diplomatiques au Quai d’Orsay, je l’excuse donc auprès de vous. En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, je dois le suppléer, mais je ne peux pas servir de ChatGPT diplomatique. (Sourires. –⁠ M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.) En revanche, je rappellerai la position du gouvernement français, indiquée à plusieurs reprises tant par Jean-Noël Barrot que par la présidence de la République, sur la situation inquiétante en Turquie.
    Premièrement, nous devons prendre toute initiative diplomatique en direction du gouvernement turc pour rappeler la position de la France, qui consiste à demander le respect des principes démocratiques dans tous les pays avec lesquels nous avons des échanges. Le gouvernement turc comme le gouvernement français ont besoin que ces échanges se poursuivent.
    Deuxièmement, dans le cadre de l’Union européenne, le respect des droits de l’homme et des valeurs auxquelles nous sommes tous attachés doit avoir cours, ce qui implique de laisser les minorités et les oppositions exercer leurs droits. Cela s’applique a fortiori à un pays qui a vocation à continuer d’entretenir des relations avec l’Union européenne dans les années à venir.
    Croyez bien que la position du gouvernement est et demeurera d’envisager toute initiative diplomatique permettant de converger vers le respect de ces principes. En revanche, comme nous l’avons fait avec l’Algérie, nous privilégierons toujours la voie diplomatique à celle qui, trop sonore, ne permet pas d’atteindre nos objectifs dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. –⁠ Mme Clémentine Autain s’exclame.)

    Financement des dépenses sociales des départements

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Daubié.

    M. Romain Daubié

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    Hier, le 1er avril 2025, le RSA, allocation supportée financièrement par les conseils départementaux, a été revalorisé à hauteur de 1,7 %. Cette mesure s’inscrit dans une dynamique de dépenses sociales supportées par les départements, qui sont en première ligne pour financer et garantir la solidarité dans les territoires. Soixante-douze conseils départementaux annoncent ne pas vouloir reverser cet argent à la CAF au motif que la hausse du RSA s’additionne à d’autres mesures affectant directement les finances départementales : ces dépenses supplémentaires sont estimées à 3 milliards d’euros en trois ans.
    Dans une situation budgétaire tendue, les nécessaires économies à faire sur les finances publiques relèvent d’une responsabilité partagée. Les départements y ont pris leur part à hauteur de 900 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances pour 2025. Vous comprendrez donc que cette revalorisation soit mal acceptée, surtout compte tenu d’autres décisions comme le gel du reversement de la TVA, la progression des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou encore l’extension de la prime Ségur. En outre, la démographie française laisse entrevoir une forte augmentation prochaine du nombre de bénéficiaires de l’allocation pour les personnes âgées.
    Monsieur le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Qui est-ce ?

    M. Romain Daubié

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    …bon nombre de départements sont déjà en difficulté financière, vous le savez par votre parcours d’élu.

    M. Pierre Cordier

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    Il me semble que François Sauvadet aurait fait un bon ministre !

    M. Romain Daubié

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    Dans ces conditions, la question d’un financement pérenne se pose. La création d’un comité des financeurs dans les prochaines semaines a été annoncée. Quels engagements concrets le gouvernement est-il prêt à prendre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

    M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation

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    Ma collègue Catherine Vautrin et moi-même sommes très vigilants quant à la situation financière des départements et à l’évolution de leurs dépenses. Elle résulte d’un effet ciseaux : les départements sont pris entre la diminution assez forte des recettes liées aux droits de mutation à titre onéreux et l’augmentation des dépenses sociales.
    Nous y sommes attentifs, car cet échelon territorial est très important pour la cohésion sociale du pays. C’est pourquoi le gouvernement n’est pas resté inactif. Dans le cadre de la loi de finances pour 2025, nous avons fortement diminué le prélèvement sur les recettes des départements : leur contribution au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, qui devait s’élever à 500 millions d’euros sur 1 milliard, a été portée à 220 millions. Nous nous sommes également assurés que le taux de couverture des dépenses sociales serait le même en 2025 qu’en 2024.
    Je précise que la revalorisation du RSA résulte de l’application de la loi, non d’une nouvelle décision. Les départements pourront faire face à ce coût –⁠ 69 millions – en augmentant de 0,5 % les droits de mutation pour les trois prochaines années, comme nous leur en avons donné la possibilité.
    Catherine Vautrin et moi travaillons à chiffrer précisément les dépenses des départements entre 2021 et 2024. Sur cette base objective, nous pourrons vous communiquer des éléments pertinents pour le comité des financeurs qui se réunira prochainement. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)

    Financement des structures d’insertion par l’activité économique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Martine Froger.

    Mme Martine Froger

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    Le budget 2025 prévoit une réduction de 50 millions d’euros des aides aux postes pour les structures d’insertion par l’activité économique, ce qui représente 11 000 parcours d’accompagnement en moins pour les personnes les plus éloignées de l’emploi. Par ailleurs, le financement de la formation professionnelle des salariés en parcours est aussi amoindri de 30 millions, alors qu’il a déjà été réduit de 10 millions en 2024. Ces coupes budgétaires visant la formation atteignent le cœur de l’action de l’IAE, notamment tout le travail accompli en faveur des secteurs en tension.
    Depuis le début de l’année, les structures d’IAE ont financé des formations professionnelles sans avoir obtenu d’engagement de remboursement rétroactif par les opérateurs de compétences. C’est l’ensemble du secteur qui tire la sonnette d’alarme, car l’équilibre financier des structures est directement menacé si elles n’obtiennent pas ces remboursements. À ces difficultés s’ajoutent la baisse du soutien des collectivités territoriales, elles-mêmes confrontées à des réductions de dotations, et le retard des versements des fonds européens. La Fédération des entreprises d’insertion indique que 35 % des structures sont déjà en difficulté financière. Dans mon département de l’Ariège, près de 92 emplois sont clairement menacés à court terme par les difficultés d’une entreprise d’insertion.
    Ce désengagement de l’État alors que le chômage repart à la hausse –⁠ le nombre des demandeurs d’emploi a augmenté de 3,9 % lors du dernier trimestre de 2024 – est incompréhensible. Face à l’urgence sociale et aux difficultés croissantes du secteur de l’IAE, comment justifiez-vous ces coupes budgétaires qui menacent directement la pérennité de nombreuses structures et fragilisent notre modèle d’insertion ? Quel message envoyez-vous aux 4 600 structures concernées et aux 300 000 personnes qu’elles accompagnent ? Enfin, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il pour préserver ces structures qui ont montré toute leur efficacité dans l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. –⁠ M. Yannick Monnet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Je vous remercie de votre question qui me donne l’occasion de rappeler l’admiration et le soutien du gouvernement envers le secteur de l’insertion par l’activité économique. Ces structures sont en première ligne lorsqu’il s’agit d’intégrer dans la vie économique les personnes les plus vulnérables et les plus fragiles.
    Je tiens tout de même à remettre les choses en perspective : depuis 2017, le budget consacré à l’IAE est passé de 800 millions à 1,5 milliard d’euros. Les économies réalisées cette année sont de 65 millions, ce qui n’est pas rien, mais reste très restreint au regard de l’effort budgétaire consenti en faveur de l’IAE.
    Par ailleurs, le principal enjeu n’est pas l’entrée dans le dispositif, mais l’insertion réussie des personnes ayant reçu cet accompagnement. Seuls 45 % des bénéficiaires de l’IAE trouvent un emploi durable dans les six mois. Sans entrer dans une logique du chiffre et de la performance, il me semble nécessaire de travailler avec ces structures pour améliorer l’accompagnement, pour tisser des liens plus étroits avec les entreprises et pour instaurer des politiques de filière. C’est précisément ce à quoi Mme Catherine Vautrin et moi-même nous attachons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Remplacement des enseignants

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Madame la ministre de l’éducation nationale, je souhaite vous alerter à nouveau sur un dysfonctionnement lourd de conséquences : le non-remplacement d’enseignants absents dans les écoles. Je parle en mon nom ; beaucoup trop d’établissements de ma circonscription du Val-d’Oise, à Ermont, à Eaubonne, à Saint-Leu-la-Forêt ou encore à Saint-Prix, illustrent ce problème. Je parle aussi au nom de mon groupe Horizons & indépendants, dont tous les députés reçoivent les mêmes alertes semaine après semaine. En vérité, c’est le cas de nombreux collègues de toutes sensibilités politiques car cette situation concerne tous les territoires. Les signalements sont constants : des heures de cours perdues, des semaines sans enseignement, des enfants dont le niveau dégringole, des familles inquiètes et des enseignants épuisés.
    J’ai grandi dans l’école publique, qui m’a beaucoup donné. L’école, ce sont des fondations pour bâtir son avenir, c’est ce que la République a de plus précieux à offrir à chaque enfant : un savoir, un cadre, une chance. S’il ne devait y avoir qu’une priorité, ce serait celle-ci. Désormais, je ne reconnais plus cette école.
    Pourtant, chacun fait ce qu’il peut. Les chefs d’établissement s’organisent, les élus, les maires et les enseignants redoublent d’efforts, les directeurs académiques composent, les rectorats font avec des moyens contraints.
    C’est loin d’être la première fois que j’interpelle votre ministère à ce sujet. J’ai déjà posé cette question ici, publiquement, à plusieurs reprises. (M. Fabrice Brun s’exclame.) Si je reviens devant vous aujourd’hui, c’est parce que, malgré les constats partagés et les intentions affichées, rien ne s’est amélioré sur le terrain. Cette réalité ne peut plus être traitée comme un dysfonctionnement ponctuel : ce que nous vivons est une crise structurelle, profondément ancrée, qui s’explique notamment par la manière dont l’éducation nationale gère ses ressources humaines. Que comptez-vous faire concrètement et sans délai pour garantir ce qui devrait être une évidence, à savoir qu’il y aura un professeur devant chaque classe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Vous avez raison, la question du remplacement est essentielle. Garantir que tous les enseignements puissent être délivrés aux élèves est un enjeu absolument prioritaire. Je m’attache à traduire cette priorité en actes. Grâce à vous, nous avons pu stabiliser le nombre de professeurs pour la prochaine rentrée, malgré la baisse démographique.

    Mme Anne-Laure Blin

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    On ferme des classes !

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

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    Vous avez raison de souligner que certains territoires comme l’académie de Versailles ou celle de Créteil souffrent d’un problème d’attractivité.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Pas tous !

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

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    Pour faire face à cette difficulté, nous agissons en deux temps. Tout d’abord, j’ai fait le choix, pour la prochaine rentrée, d’affecter davantage de postes maintenus grâce à vous aux brigades de remplacement, qui s’en trouveront renforcées ; dans le Val-d’Oise, elles seront augmentées de cinquante professeurs.
    Ensuite, il nous faut aussi agir structurellement. C’est tout le sens de la réforme que le premier ministre et moi-même avons présentée vendredi dernier et qui consiste à revoir le mode de recrutement des professeurs ainsi que leur formation initiale. Pour illustrer les difficultés actuelles, sachez que lorsque le recrutement des professeurs des écoles est passé au niveau master 2, le nombre de candidats au concours a diminué de 45 %. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) Grâce à la réforme, nous recruterons dès la fin de la licence et créerons un parcours de formation de deux ans au sein d’un master professionnalisé. Je suis convaincue que cela permettra d’attirer des professeurs, de redonner l’envie aux jeunes étudiants d’enseigner et de résoudre le problème que vous évoquez.

    Indépendance de l’autorité judiciaire

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Depuis lundi dernier, la justice de notre pays est la cible de violentes charges qui remettent en cause son impartialité. Des attaques graves et inacceptables contre l’État de droit par des responsables politiques livrent des magistrats à la vindicte populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.) Monsieur le premier ministre, vous vous dites « troublé » par la condamnation, pour détournement de fonds publics, de vingt-quatre cadres du Rassemblement national, dont Mme Le Pen.
    Hier, dans cet hémicycle, devant la représentation nationale, vous vous êtes aussi questionné sur l’exécution provisoire prononcée par les juges. Pourtant, en 2017, garde des sceaux éphémère, vous avez présenté la loi pour la confiance dans la vie politique, qui crée une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité pour de nombreuses infractions, en maintenant la possibilité de l’exécution provisoire. (Mêmes mouvements.) Pourquoi ce qui vous semblait juste alors est-il à présent la cause de vos tourments ? À notre tour d’être stupéfaits par votre frilosité à reconnaître cette décision rendue au nom du peuple français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et SOC.)
    L’indépendance de l’autorité judiciaire doit plus que jamais être protégée. Face aux attaques proférées, depuis l’étranger, contre le modèle français par des États et des leaders illibéraux, autoritaires et populistes, notre pays a le devoir de défendre avec fierté et gravité le principe intangible de la séparation des pouvoirs, qui fonde l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.)
    La France saura-t-elle se montrer digne de son histoire républicaine, devenue une référence universelle pour les démocraties modernes ? Sans trembler et sans tergiverser, le gouvernement peut-il, d’une voix ferme, donner les preuves de son respect de l’autorité judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    D’une voix ferme –⁠ j’espère – et avec certitude, j’affirme ici que les décisions de justice, la décision des magistrats et la personne même des magistrats doit être soutenue de toutes les manières par tous ceux qui siègent sur ces bancs –⁠ je l’espère – et par le gouvernement en tout premier lieu.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est la loi !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ensuite, vous avez soutenu quelque chose d’inexact. Jamais la question de l’inéligibilité n’a fait l’objet d’interrogations ou de critiques. Lorsqu’ont été commis certains actes qui transgressent les principes qui nous sont chers –⁠ je le crois – à tous, l’inéligibilité est liée directement à la condamnation. Le seul sujet qui a fait l’objet d’interrogations sur de nombreux bancs est l’exécution provisoire. Or celle-ci ne figure pas dans la loi que vous avez évoquée, à laquelle elle est très antérieure. Elle avait été définie par le Parlement en lien avec bien d’autres faits. Ainsi, le seul sujet qui fait l’objet d’interrogations, depuis longtemps, est la question de l’exécution provisoire –⁠ nombre de vos collègues l’ont dit –, or l’instance pertinente pour répondre à cette interrogation est le Parlement. C’est le Parlement qui doit s’en saisir, car c’est la loi qui définit l’exécution provisoire et c’est en vertu de la loi que la décision a été prise.
    Si la loi doit être discutée, c’est au Parlement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Barèges.

    Mme Brigitte Barèges

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    Le 9 février 2021, le tribunal correctionnel de Toulouse m’a privée brutalement de tous mes mandats en prononçant à mon encontre une peine de douze mois de prison avec sursis, de 15 000 euros d’amende et de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. En deux jours, j’ai été démissionnée de mes mandats de maire de Montauban, présidente de l’agglomération et conseillère départementale. Tout cela pour un prétendu détournement de fonds lié à un emploi supposé fictif, sans enrichissement personnel, partant d’une plainte déposée par mes opposants politiques un mois avant les élections municipales.

    Mme Hanane Mansouri

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    Comme par hasard !

    Plusieurs députés des groupes UDR et RN

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    Une honte !

    Mme Brigitte Barèges

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    Onze mois plus tard, le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Toulouse m’a totalement relaxée…

    M. Frédéric Weber

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    Et voilà !

    Mme Brigitte Barèges

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    …et a balayé ce jugement. Pourtant l’avocat général avait réclamé dans ses réquisitions que ma peine d’inéligibilité soit alourdie d’un an pour éviter que je puisse me représenter en 2026 aux élections municipales.

    M. Frédéric Weber

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    Scandaleux !

    Mme Brigitte Barèges

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    Alors, je voudrais dire tout mon soutien à la présidente Marine Le Pen. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
    Je mesure, pour l’avoir vécu, ce qu’elle ressent de cette épreuve brutale : l’humiliation, le sentiment d’injustice, la désespérance. J’admire son courage et sa résilience. Je veux lui dire qu’il existe des juges qui honorent la justice en laquelle je crois et que j’ai servie pendant trente ans en tant qu’avocate. J’affirme notre soutien à la magistrate menacée.
    Mais je veux dire aussi que nous avons hélas la démonstration qu’il faut réformer l’exécution provisoire en matière électorale (M. Inaki Echaniz s’exclame) comme le Conseil d’État l’a suggéré le 27 décembre dernier, ainsi que le Conseil constitutionnel, qui vient de rappeler la nécessité de « la préservation de la liberté de l’électeur ». Ma question, monsieur le premier ministre, est donc simple : inscrirez-vous au Sénat sans délai la proposition de loi que présentera l’UDR sur ce sujet, si celle-ci venait à être adoptée dans cette assemblée ? (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    Je tiens à vous remercier pour le ton de votre question, qui permet d’évoquer ce sujet avec la gravité dont nous devons tous faire preuve. Je m’inscris dans la continuité de ce qu’a dit le premier ministre pour rappeler qu’au moment où l’idée même de démocratie est remise en cause de maintes manières dans le monde entier, nous ne pouvons pas, en France, en remettre en cause les fondements.

    Mme Brigitte Barèges

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    Non !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Ainsi, le gouvernement ne peut pas commenter et moins encore contester une décision de justice. En revanche, dans le strict respect du principe de la séparation des pouvoirs, la justice est rendue, le gouvernement ne commente pas mais le Parlement peut modifier la loi…

    Mme Brigitte Barèges

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    Tout à fait !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …qui a donné lieu à une condamnation. Le Parlement peut donc se saisir de cette question puisque la loi a vocation à évoluer si et seulement si le Parlement en décide de la sorte. S’agissant de l’inscription des textes de loi, le ministre des relations avec le Parlement peut vous répondre directement. Vous avez naturellement tout loisir, avec le groupe UDR, de présenter une proposition de loi. L’Assemblée nationale l’examinera et en fonction du vote qui en résultera, le gouvernement prendra l’engagement de permettre la navette parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)

    Pénurie de médicaments

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc.

    Mme Angélique Ranc

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    Avant toute chose, je ne peux intervenir dans cet hémicycle sans mentionner le scandale démocratique qui touche Marine Le Pen. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et EcoS.) C’est pourquoi j’appelle nos millions d’électeurs, réduits au silence, à se rassembler à nos côtés, dimanche à 15 heures à Paris, place Vauban. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    J’en viens à ma question qui s’adresse à Mme la ministre de la santé. En 2025, se soigner en France est devenu un cauchemar ; trouver un rendez-vous médical, un exploit ; obtenir un traitement, un parcours du combattant. Je ne parle pas de médicaments dits de confort, mais bien de traitements vitaux. Désormais, les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur connaissent des pénuries alarmantes.
    Certes, le problème n’est pas nouveau, mais il explose. Les chiffres sont accablants : au 31 décembre, 400 de ces médicaments étaient encore indisponibles. Pendant que les patients peinent à obtenir leurs traitements, ces mêmes médicaments restent disponibles ailleurs dans le monde. Pourquoi certains pays sont-ils livrés pendant que la France subit des pénuries ? Les pharmaciens n’en peuvent plus. Chaque semaine, ils passent des heures à appeler confrères, grossistes et laboratoires pour tenter de trouver ces traitements essentiels ; ils sont à bout. Il faut revaloriser le prix des médicaments pour garantir leur disponibilité, donner à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé les moyens de sanctionner les laboratoires qui ne respectent pas leurs obligations et mettre fin à cette absurdité où malades et professionnels de santé doivent quémander des traitements vitaux.
    Je vous en donnerai un exemple frappant : la semaine dernière, un professionnel de santé m’a alertée sur le cas de Marie-Laurence, l’une de ses patientes. Elle souffre d’une maladie nécessitant du Praluent, un médicament non substituable commercialisé en France. Pourtant, aucune pharmacie de l’Aube ne peut lui en fournir. Ce médicament est introuvable depuis plus de deux mois. Son état se dégrade. Dans quelques semaines, elle perdra définitivement l’usage de ses jambes. Le Praluent peut sauver sa mobilité ; son absence la condamne au handicap. Madame la ministre, combien de Marie-Laurence devrons-nous voir souffrir avant que le gouvernement ne prenne enfin des mesures fermes et surtout efficaces ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Vous nous interrogez d’abord sur les causes des pénuries. Vous le savez, celles-ci sont multiples : dans certains cas, elles s’expliquent par des épidémies saisonnières, des déséquilibres dans les chaînes de production, des pressions sur les marchés mondiaux ou par la situation économique mondiale. L’important est de chercher quelles réponses nous pouvons trouver ensemble. Depuis plusieurs mois, le gouvernement a d’abord travaillé sur les 600 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur sur lesquels doivent concentrer nos actions, car ils permettent de répondre aux attentes des patients. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré un pilotage avec l’ANSM pour anticiper les pics et s’assurer d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.
    Ensuite, l’un des leviers essentiels est la souveraineté industrielle : nous intensifions nos efforts pour produire en France. En effet, tous les médicaments ne sont pas produits sur notre territoire, mais nous y avons relocalisé quarante-trois médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Un autre levier réside dans l’organisation de la distribution dans notre pays –⁠ qui est le fruit du travail du législateur –, avec l’ordonnance de dispensation conditionnelle, la dispensation à l’unité, la traçabilité grâce au portail DP-Ruptures. L’une des réponses au cas de difficulté d’approvisionnement que vous signalez dans votre département de l’Aube réside dans ce logiciel des pharmaciens qui permet de trouver des médicaments.
    Enfin, des négociations très importantes sont en cours sur le paquet législatif pharmaceutique européen. En effet, c’est au niveau européen que nous pourrons discuter les prix ; or discuter les prix, c’est discuter de la disponibilité dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Guerre commerciale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Dans quelques heures, le président des États-Unis d’Amérique annoncera de nouveaux droits de douane envers ses principaux partenaires commerciaux. Même si nous n’en connaissons pas encore les modalités –⁠ droits universels ou droits réciproques –, tout porte à croire qu’il s’agira d’une véritable déclaration de guerre commerciale envers nos entreprises, nos viticulteurs, nos agriculteurs, nos artisans, nos industries. Comme toute guerre, la guerre commerciale fait malheureusement des victimes et détruit des vies. Elle détruit la vie des consommateurs à travers l’inflation, qui entraîne des fins de mois plus difficiles pour des personnes qui ont moins de moyens pour vivre dignement. Elle détruit aussi la vie des producteurs qui ont mis toute leur passion, un travail acharné et du capital dans leur entreprise et qui ne pourront plus exporter leurs produits, ce qui entraînera la perte de leur outil de travail, de la passion d’une vie, ainsi que la destruction de milliers d’emplois et des territoires sinistrés.
    Parce que nous partageons avec les États-Unis d’Amérique une longue histoire d’amitié, parce que nous nous sommes toujours aidés dans les moments difficiles, de la bataille de Chesapeake aux plages de Normandie, parce que nous pensions partager les mêmes valeurs – celles du monde libre –, parce qu’il serait absurde de se lancer dans une guerre commerciale qui ne ferait que des victimes, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre, que compte faire le gouvernement pour éviter le déclenchement d’une telle guerre commerciale, tout risque de surenchère et, surtout, pour protéger les consommateurs, ainsi que les producteurs français et européens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ M. Lionel Vuibert applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    La fin de votre question résume très bien la situation : une guerre commerciale serait néfaste pour toutes les parties –⁠ absolument toutes. Elle le serait, bien sûr, pour les pays européens, pour la France et ses exportateurs, mais aussi pour les États-Unis, dont les importateurs, les consommateurs et l’économie seraient directement touchés.
    Une guerre commerciale n’a que de mauvaises conséquences. Elle ralentit les exportations, crée un effet inflationniste, entraîne de l’attentisme et du ralentissement dans les investissements. Cela, nous ne le voulons pas. Nous voyons déjà, depuis quelques jours, les réactions des marchés boursiers qui sont dans l’attente, craignant une éventuelle guerre commerciale.
    Puisque vous la demandez, je répète avec clarté la position du gouvernement : nous voulons à tout prix éviter une escalade et une guerre commerciale. Nous pensons que, jusqu’au dernier moment, cela restera possible. La position de la France et de la Commission européenne restera toujours la même : la coopération avant la confrontation.
    S’il devait y avoir, cette nuit, de nouvelles annonces de hausse des droits de douane visant les produits européens, la Commission européenne devra répondre. C’est une question de rapport de force et d’affirmation de la puissance commerciale qu’est l’Union européenne. Il serait impensable de ne pas répondre à une nouvelle agression commerciale.
    Cela devra se faire en respectant une seule condition, pour être crédible et possible : que l’Europe et l’ensemble des États membres restent unis. Comme l’a dit la porte-parole du gouvernement ce matin, nous travaillerons donc, au cours du mois d’avril, à trouver une réponse proportionnée à ces attaques injustifiées.
    Vous avez eu parfaitement raison de mentionner les difficultés et les craintes que nos filières peuvent nourrir. Le gouvernement en est conscient, notamment la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, qui est venue en aide aux filières du vin et des spiritueux.
    Je me rendrai moi-même vendredi en Champagne, afin de dire à nos producteurs que nous serons toujours –⁠ toujours ! – à leurs côtés pour les protéger dans un tel contexte. C’est vrai pour les vins et les spiritueux ainsi que pour toutes les filières françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ M. Patrick Hetzel applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Roland Lescure.)

    Présidence de M. Roland Lescure
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.
    J’en profite pour rappeler à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique qu’après l’heure, ce n’est plus l’heure. Je sais qu’il n’est que 15 h 05, mais comme c’est la deuxième fois que cela m’arrive en deux jours, avec deux ministres différents, je souhaite rappeler à l’ordre le gouvernement dans son ensemble : il importe de respecter l’ordre du jour et les horaires de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire l’Assemblée elle-même.

    2. Adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

    Commission mixte paritaire

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (nos 1198).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Danielle Brulebois, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    Ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) a pour objet de transposer plusieurs directives européennes et de les mettre en cohérence avec notre droit national. Il a fait l’objet d’un accord entre les deux chambres en commission mixte paritaire (CMP), lundi 31 mars, sous la présidence de Gérard Leseul. Je tiens à remercier députés et sénateurs et à souligner la mobilisation de chacun des rapporteurs des commissions permanentes saisies sur ce texte : Mickaël Bouloux, Philippe Gosselin, Marie Lebec et Vincent Thiébaut. Je les remercie pour la qualité du travail qu’ils ont accompli et pour leur volonté de faire converger nos deux assemblées.
    Nous avons d’abord veillé à ne pas faire de surtransposition pour éviter de dégrader la compétitivité de nos entreprises et ajuster au mieux le poids des normes d’origine européenne, tout en ne perdant jamais de vue notre objectif de simplification, car celle-ci est très attendue par le monde économique.
    Ce texte, dense et complexe, présente un éventail de dispositions concernant des domaines très divers. Il peut paraître hétéroclite, mais rassemble en réalité de nombreuses mesures très concrètes, qui auront une réelle incidence sur la vie de nos concitoyens. Je me félicite par exemple que l’on soit revenu sur la disposition prévoyant la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035, trop radicale et éloignée de la réalité quotidienne des ménages.
    Sur les autres articles relatifs aux transports, le travail conjoint avec le Sénat a conduit à des avancées en matière de décarbonation du secteur aérien ainsi qu’à des évolutions bienvenues en matière de régulation économique aéroportuaire. Nous adaptons également notre législation aux nouvelles exigences européennes en matière de services numériques multimodaux et de sécurité ferroviaire pour faciliter et sécuriser les déplacements de nos concitoyens.
    En ce qui concerne les treize autres articles dont la commission du développement durable s’est saisie au fond, en particulier ceux relatifs aux énergies renouvelables, au droit de l’environnement et au droit de la santé, nous nous sommes efforcés, tout au long de la navette, de ne pas surtransposer le droit de l’Union, afin de ne pas pénaliser nos entreprises et nos collectivités territoriales. Les deux tiers des intercommunalités, celles situées en zone rurale, seront ainsi exemptées des obligations nouvelles relatives aux réseaux de chaleur dans leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET).
    Un compromis a été trouvé à propos de l’article 23, qui visait à permettre le lancement d’appels d’offres dépassant les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette disposition a été remplacée, en CMP, par la faculté d’inscrire dans la PPE des objectifs de capacités attribuées, ce qui permettra de sécuriser le lancement des prochains appels d’offres, pour l’éolien en mer notamment.
    S’agissant des articles délégués à la commission des affaires économiques, le travail mené avec le Sénat a permis de renforcer les outils nécessaires à l’équilibrage de notre système électrique ainsi que le barème des sanctions applicables aux manquements aux exigences d’intégrité et de transparence sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz. Il a également permis d’apporter d’utiles clarifications au sujet des obligations de solarisation des parcs de stationnement.
    Je souhaite également dire un mot des principaux articles délégués à la commission des finances, qui étaient au nombre de douze. Deux sujets ont fait l’objet de débats particulièrement riches. D’une part, les amendements adoptés pendant la navette sur l’accès au registre des bénéficiaires effectifs permettent de garantir une transparence accrue et de soutenir les acteurs engagés dans la lutte contre les pratiques frauduleuses. D’autre part, les dispositions concernant l’application de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD, ont fait l’objet d’un compromis constructif. Un équilibre a été trouvé entre le respect des engagements européens et la nécessité de transparence des entreprises, d’une part, et la nécessité de réduire les contraintes pesant sur elles, d’autre part, afin de ne pas les exposer à une concurrence déloyale face aux pays européens qui n’ont pas transposé la directive.
    Enfin, sur les articles délégués à la commission des lois, deux seulement restaient en discussion. Je salue le travail des rapporteurs et me réjouis du compromis trouvé sur l’article 14, qui crée un régime juridique unique et solide pour l’action de groupe.

    M. Philippe Gosselin

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    Merci !

    M. le président

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    Merci de conclure.

    Mme Danielle Brulebois, rapporteure

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    De nombreuses séances de travail assidu, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont permis d’aboutir à un texte consensuel et équilibré, très soucieux de protéger les entreprises et les citoyens, que ce soit en matière économique, sociale, environnementale ou en matière de sécurité. Je vous invite donc, chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.

    Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique

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    Monsieur le président, vous avez bien fait de me rappeler à l’ordre : je suis désolée de vous avoir fait attendre.
    Le projet de loi du gouvernement comportait initialement quarante-deux articles, visant à mettre notre droit en conformité avec des textes législatifs européens récents.
    Je salue le travail des rapporteurs des commissions du développement durable, ainsi que des rapporteurs des commissions saisies pour avis, avec lesquelles nos échanges constructifs ont consolidé plusieurs mesures du projet de loi de manière à lever toute ambiguïté sur son interprétation, en évitant des cas de surtransposition, dans l’intérêt de nos entreprises et des citoyens.
    Le texte élargit le champ matériel de l’action de groupe. Le gouvernement sera attentif à l’entrée en application de cette disposition, qui est de nature à affaiblir le monopole de l’action syndicale et à déstabiliser les modalités de règlement des conflits –⁠ notamment à l’amiable – déjà en vigueur. Le gouvernement poursuivra son action pour simplifier la vie économique et il fait confiance au dialogue social.
    Nous vivons aujourd’hui la fin d’une longue saga, qui a débuté avec la remise du rapport d’information relatif à l’action de groupe rédigé par les députés Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky. La proposition de loi qui en a résulté a pu être partiellement reprise dans le compromis issu de la CMP, de même qu’une grande partie des volontés du gouvernement figurant dans ce projet de loi Ddadue. Je tiens à saluer tout le travail qui a été fait sur ce sujet depuis plusieurs années, notamment celui du député Philippe Gosselin et du sénateur Christophe-André Frassa.

    M. Philippe Gosselin

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    Quatre années !

    Mme Clara Chappaz, ministre déléguée

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    Le compromis final a permis d’aboutir à des convergences sur plusieurs thèmes, comme l’absence de mise en demeure préalable obligatoire, sauf dans le domaine du travail, l’application des nouvelles dispositions aux actions de groupe portant sur des faits antérieurs, ou la date à partir de laquelle les victimes potentielles peuvent rejoindre une action de groupe. Certains sujets ont fait l’objet de débats plus étendus, par exemple la qualité à agir. Sur cette mesure, le choix des parlementaires permet de retenir la nécessité, pour une association, d’obtenir un agrément pour intenter une action de groupe. Cet agrément ne sera facultatif qu’à la condition que l’association existe depuis deux ans, et que son action soit circonscrite à une cessation de pratique illicite.
    Concernant l’amende civile, les parlementaires ont fait le choix de la rendre possible, quel que soit le type de responsabilité engagé, contractuel comme extracontractuel, et dès lors qu’une faute lucrative a été commise. Dans l’ensemble, le gouvernement salue et soutient les mesures ainsi adoptées.
    Le texte revient ensuite sur la transposition de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD. D’une part, le texte voté par la commission mixte paritaire tend à dépénaliser les sanctions qui avaient été introduites au moment de la transposition de cette directive, en supprimant notamment la sanction pénale en cas d’absence de nomination d’un auditeur extra-financier. Cette dépénalisation permettra d’aboutir à un régime plus équilibré pour les entreprises auxquelles s’applique la directive.
    Je remercie vivement la commission mixte paritaire, qui a d’autre part pris le parti de préserver nos entreprises d’une distorsion de concurrence en anticipant l’issue de négociations à Bruxelles sur la révision de ladite directive. En effet, le texte voté non seulement reporte de deux ans l’entrée en vigueur des obligations de reporting extra-financier pour les entreprises auxquelles elles ne s’appliquent pas encore, en ligne avec l’orientation prise au niveau européen, mais il va également plus loin, grâce à certaines dispositions permettant dès à présent la simplification de ces obligations pour les entreprises qui y sont déjà soumises.
    Le texte contient également des dispositions visant à mieux protéger le secret des affaires, de manière à préserver la compétitivité de nos entreprises. Sur le plan économique et financier, il est bienvenu que soit précisé qu’en cas de conflit de lois touchant les cryptoactifs, on retiendra, ce qui est plus simple, celle du système où la négociation des titres a eu lieu.
    Le projet de loi autorise en outre le gouvernement à transposer une directive relative aux crédits aux consommateurs, ce qui contribuera à protéger ces derniers, et apporte des compléments concernant la transposition des obligations des établissements de paiement ou de monnaie électronique participant à un système de paiement, ainsi que de la directive qui encadre les fonds d’investissement alternatifs. Dans le domaine de la transition écologique et du droit de l’énergie, il ajuste et précise les obligations en matière d’efficacité et de rénovation énergétiques, afin de réduire de 30 %, d’ici à 2030, la consommation d’énergie finale ; il donne aussi à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) le pouvoir de surveiller les marchés de gros de l’énergie.
    L’importance majeure du volet consacré aux transports traduit notre ambition d’une mobilité plus durable, plus intelligente, mieux connectée. Ces dispositions s’articulent autour de trois axes. Premièrement, la modernisation en profondeur de notre secteur aérien, reposant elle-même sur deux piliers : d’une part l’accélération de la transition environnementale –⁠ électrification obligatoire des postes de stationnement des avions et nouveau cadre ambitieux pour le développement des carburants durables –, d’autre part l’adaptation de la régulation économique des aéroports, ce qui permettra de mieux articuler les concessions avec la politique tarifaire, au profit à la fois des usagers et de la compétitivité de nos plateformes.
    Deuxièmement, nous faisons entrer nos transports dans l’ère du numérique en créant un cadre harmonisé au niveau européen en vue du déploiement de systèmes intelligents, de l’accès en temps réel des voyageurs aux informations multimodales et du partage des données de mobilité, dans le respect de notre souveraineté numérique. Concrètement, tout cela simplifiera le quotidien de nos concitoyens.
    Troisièmement, nous renforçons la sécurité, en particulier dans le domaine ferroviaire, par l’harmonisation européenne de nos standards, afin d’accompagner l’évolution du secteur tout en continuant d’assurer aux voyageurs un haut niveau de sécurité.
    En matière de santé est prévue, à l’issue d’un programme spécial de mise à niveau, la reconnaissance automatique du diplôme des infirmiers en soins généraux formés en Roumanie.
    Enfin, en matière de circulation des personnes, le texte transpose les nouvelles dispositions européennes sur la carte de séjour pluriannuelle passeport talent portant la mention « carte bleue européenne », ainsi que sa variante talent famille, délivrée aux proches des travailleurs hautement qualifiés. Il prévoit également que l’accès à la carte de résident de longue durée UE soit étendu aux titulaires d’une carte bleue européenne ayant effectué une mobilité en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Julie Ozenne.

    Mme Julie Ozenne

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    L’intitulé technocratique de ce texte, nouveau cheval de Troie législatif, cache deux dérives inquiétantes : d’un côté, un recul démocratique, de l’autre, et de manière purement française, des régressions juridiques ou environnementales.
    Concernant les actions de groupe, la rédaction retenue par la CMP reste floue, avec un champ d’application large, sauf en matière de santé publique –⁠ cette restriction n’est pas un détail, puisqu’elle exclut les scandales sanitaires, la sécurité des soins, certains défauts de médicaments, cas de figure où l’action de groupe serait pourtant essentielle.
    Dans le domaine du travail, imposer une mise en demeure réduit fortement l’effet dissuasif de la procédure. En outre, pourquoi supprimer l’exécution provisoire automatique des décisions, outil efficace pour faire cesser les abus ?

    M. Philippe Gosselin

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    C’est d’actualité !

    Mme Julie Ozenne

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    Pourquoi, au lieu de mieux protéger consommateurs et citoyens, affaiblir un dispositif adopté à l’unanimité par notre assemblée ?
    Il est également envisagé de retarder de deux ans, pour certaines entreprises, l’application de la CSRD, composante essentielle du pacte vert pour l’Europe : cela suscitera de l’incertitude parmi celles qui sont déjà engagées. De même que le devoir de vigilance ou le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (DSA), la CSRD compte parmi celles de nos normes qui influent sur les chaînes de valeur mondiales. Alors que certains, ici, cherchent à les affaiblir, d’autres pays les considèrent avec envie ou inquiétude : assumons notre rôle de leader ! À l’approche des discussions concernant le paquet omnibus, rappelons que les règles au sujet du reporting extra-financier, du devoir de vigilance ou de la taxonomie verte ne freinent pas l’Europe : elles la rendent plus compétitive, plus souveraine et plus solide.
    Le texte va même au-delà du droit européen, mais pour en détourner l’esprit ! L’article 25 prévoyait que les projets d’exploitation d’énergies renouvelables échappent aux dispositions concernant les espèces protégées, ce à quoi nous nous opposions. L’adoption d’un amendement très mal inspiré a ouvert la porte à la possibilité que n’importe quel projet contourne la directive « habitats » ! Cela constitue un cavalier, c’est dangereux, et surtout illégal.
    L’article 28 prévoit que la durée des contrats concernant les aéroports puisse être portée à dix ans : l’Europe n’exige pas cette mesure, qui enferme nos infrastructures dans un modèle dépassé, contraire à l’urgence écologique. Pourquoi répéter les erreurs commises au sujet des autoroutes ?
    À l’article 39, la suppression de certaines consultations touchant les risques d’inondation et le recul en matière de révision des plans de prévention fragilisent notre capacité à anticiper les catastrophes climatiques.
    Introduit au Sénat, l’article 39 bis, visant à repousser de cinq ans l’interdiction des polystyrènes dans les emballages alimentaires, pots de yaourt ou barquettes de viande, applique une vieille recette des lobbys, les « 3D » : « deny, deceive, delay –⁠ nier, tromper, retarder ».
    Ce texte ne tend donc pas à des adaptations techniques, mais à une dérégulation environnementale déguisée. Sous l’influence des lobbys, il détourne le texte, je le répète, en y glissant des mesures sans lien avec son objet. Agir de la sorte revient à affaiblir la parole publique et nourrir l’idée que Bruxelles impose des normes absurdes, alors que la plupart de ces dérives viennent de Paris.
    L’Union européenne n’est pas une contrainte, mais une force : nous lui devons le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), la législation touchant les services numériques, la fin des véhicules thermiques prévue en 2035, outils dont un État, seul, ne pourrait supporter le poids. Elle constitue notre meilleur moyen d’anticiper les transitions, de construire une prospérité durable. C’est pourquoi nous sommes pro-européens et défendrons le pacte vert contre ceux qui veulent le détricoter. Or, tel qu’adopté par la CMP, ce projet de loi est un triple échec : démocratique, par sa méthode opaque et son recours abusif aux ordonnances ; juridique, par ses atteintes aux droits fondamentaux ; écologique, par les régressions qu’il assume. Nous ne validerons pas ces reculs sous couvert de droit européen : nous sommes là pour protéger l’intérêt général, pour préparer l’avenir. Le groupe Écologiste et social votera contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul

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    Fort de ses quarante-deux articles, ce projet de loi, issu de nos débats et des travaux de la CMP que j’ai eu l’honneur de présider, vise à transposer des directives et adapter le droit français à des règlements européens récents : cela laisse malheureusement peu de place à la créativité. Les articles en cause sont pour la plupart très techniques.
    Comme tous les textes dits Ddadue auxquels, depuis plus de dix ans, nous nous habituons progressivement, celui-ci aborde des sujets aussi importants que divers, ayant trait à notre vie économique, sociale, environnementale. Je l’ai déjà indiqué lors de son examen en première lecture, cette technique de transposition requiert des parlementaires et de leurs collaborateurs une gymnastique, une agilité particulières en vue de tenter de maîtriser les incidences concrètes des mesures transposées, ainsi que des nombreux amendements déposés par les uns et les autres.
    En matière de transition écologique, le projet de loi vise à faciliter le développement de l’éolien en mer, à assurer par des contrôles l’effectivité du devoir de diligence de certains opérateurs économiques qui mettent des batteries en service ou sur le marché, et prévoit une obligation de reprise de déchets liés à ces batteries. Il comporte également des dispositions relatives au MACF, notamment une nouvelle sanction applicable aux importateurs pendant la phase de transition qui doit durer jusqu’à la fin de cette année, et transpose en droit français la définition de l’hydrogène renouvelable, ainsi que celle de l’hydrogène bas-carbone, le nucléaire y étant explicitement mentionné. Nous regrettons en revanche l’insuffisance de plusieurs dispositions applicables au titre du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (Corsia).
    Le texte vise à doter les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de la capacité de contrôler le respect des dispositions du règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (Afir) entrant dans leur champ de compétence, et prévoit en cas de non-respect un régime d’amendes administratives. Cela permettra de mieux encadrer l’influence commerciale et de lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
    Le projet de loi apporte également des précisions en matière d’ouverture du registre des bénéficiaires effectifs aux personnes qui démontrent un intérêt légitime à consulter ces informations, outil essentiel à la lutte contre la criminalité financière. Si cette transposition se fonde sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il est bon que nous ayons pu retravailler sa rédaction en vue de la totale transparence de ce registre en lien avec la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
    Instaurée par la loi Hamon du 17 mars 2014, l’action de groupe permet aux victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel d’agir collectivement en justice : Mme la ministre a rappelé il y a quelques instants les contours de ce dispositif, qui, tel que le texte prévoit de le refondre, a suscité le débat à l’Assemblée comme au Sénat, avant de faire l’objet en CMP d’un accord sur le principe d’une sanction civile dont le montant sera affecté à un fonds consacré au financement des actions de groupe.
    Nos travaux ont tenu compte de l’annonce par la Commission européenne d’une révision concernant la taxonomie verte, la CSRD et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D). Nous pouvons le regretter, mais le paquet omnibus de simplification, adopté par la Commission le 26 février, par le Conseil le 26 mars, et qui devrait l’être demain par le Parlement européen dans le cadre du trilogue, nous oblige : il comprend une directive stop the clock qui repousse en 2028 l’application des exigences en matière de reporting, afin de donner aux organes législatifs le temps de débattre des changements globaux. L’accord trouvé en CMP prévoit de ramener à deux ans le report de publication et de préserver en partie le secret des affaires, c’est-à-dire d’autoriser l’entreprise à ne pas publier d’informations susceptibles de porter gravement atteinte à sa position commerciale, sous réserve d’une délibération du conseil d’administration et de la transmission de ces informations à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
    Nous déplorons cependant, plus largement, un mouvement de dépénalisation des manquements des entreprises à leurs obligations déclaratives, notamment imposées par la CSRD.
    Si, au terme de cette navette parlementaire, je salue l’implication des rapporteurs, la qualité des débats, il convient de souligner encore une fois le caractère technique et complexe, comme dans tous les projets de loi de ce type, des sujets abordés : nous aurions souhaité davantage de temps pour l’examiner et plus d’échanges avec le gouvernement, afin d’en mesurer complètement les conséquences sur notre législation. Cela dit, le groupe Socialistes et apparentés ne s’opposera pas à son adoption.

    M. Philippe Gosselin

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    Je vous rejoins sur le fond, monsieur le rapporteur !

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Roseren.

    M. Xavier Roseren

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    Au nom du groupe Horizons & indépendants, je remercie les membres de la commission mixte paritaire, dont le travail a permis d’aboutir à un accord sur ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Le texte aborde de nombreux champs essentiels de l’action publique : l’économie, l’énergie, l’environnement, la santé ou encore les transports. Il vise à mettre en conformité notre droit avec plusieurs directives européennes dans une logique de clarté, d’efficacité et de respect des engagements de la France. Au-delà de la transposition, c’est bien l’ambition d’améliorer concrètement notre droit qui s’exprime ici.
    Je souhaite m’arrêter sur l’un des articles les plus significatifs du texte, qui a concentré l’attention des parlementaires tout au long des débats : celui qui réforme le régime des actions de groupe. Ce nouveau cadre était attendu, tant les actions de groupe sont restées très peu utilisées depuis leur création en 2014. Une procédure trop complexe, un champ d’intervention trop restreint et un nombre trop limité d’acteurs habilités avait rendu le dispositif inefficace. Partant de ce constat largement partagé, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis et apporte une réponse pragmatique et équilibrée.

    M. Philippe Gosselin

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    Tout à fait !

    M. Xavier Roseren

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    Le texte issu de la CMP tend à étendre le champ d’application des actions de groupe à l’ensemble des domaines du droit, à l’exception de celui de la santé publique, qui reste encadré par des dispositions spécifiques. Il introduit la possibilité d’une sanction civile en cas de faute lucrative, ce qui permettra à la justice de mieux réprimer les manquements délibérés tout en alimentant un fonds destiné au financement des actions de groupe. Le dispositif est renforcé sur le plan procédural grâce à une meilleure lisibilité et à des critères d’habilitation assouplis : les associations, sous réserve d’exister depuis au moins vingt-quatre mois et d’avoir une activité effective, pourront désormais engager une action de groupe en cessation de manquement.
    Plusieurs compromis importants ont été trouvés au cours de l’examen du projet de loi, qui méritent d’être soulignés. Tout d’abord, s’agissant de la directive CSRD, le report de deux ans pour les deuxième et troisième vagues donne à l’ensemble des acteurs le temps nécessaire pour se préparer sereinement. Un tel délai est en effet salutaire pour garantir la bonne application du nouveau régime. Ensuite, le gel des indicateurs sur la vague 1 constitue une mesure de prudence, qui vise à mesurer les effets obtenus avant d’aller plus loin. En effet, un dispositif de protection du secret des affaires a été introduit afin de rassurer les entreprises : celles-ci ne seront pas contraintes de publier des informations sensibles ou stratégiques si elles sont mises en cause dans le cadre d’une action de groupe. Cette disposition garantit un équilibre entre transparence et protection de l’activité économique.
    Au-delà de ces avancées, c’est un véritable appel à la prudence qui se dessine, notamment en lien avec la directive omnibus. Les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), demandent à la fois simplification et stabilité. Prendre le temps d’adapter les dispositifs, ce n’est pas renier nos engagements en matière de durabilité : c’est la condition pour qu’ils soient pleinement tenables et acceptables sur le terrain –⁠ il ne s’agit pas de freiner la transition, mais de l’ancrer dans le réel.
    Toutes ces évolutions vont dans le bon sens : elles facilitent l’accès au droit pour les citoyens confrontés à un préjudice collectif ; elles offrent aux structures engagées dans la défense des droits de nouveaux leviers d’action, plus simples et plus directs ; elles préservent les garde-fous indispensables en matière de financement, de prévention des conflits d’intérêts et de transparence vis-à-vis des personnes représentées. En somme, ce texte ne se contente pas de respecter une obligation européenne ; il améliore un outil essentiel de justice collective, en le rendant plus clair, plus accessible et plus efficace.
    Le groupe Horizons & indépendants votera pour ce texte qui tend à renforcer les droits des citoyens face aux manquements collectifs, à favoriser une justice plus accessible, plus équitable et mieux adaptée aux enjeux de notre temps et à permettre de faire vivre pleinement le droit là où la réponse individuelle ne suffit pas.

    M. le président

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac

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    Je profite de l’examen de ce projet de loi pour faire un plaidoyer en faveur de l’Union européenne. Le travail n’est pas aisé, tant ce texte fourre-tout est de nature à apporter de l’eau au moulin de ses détracteurs, lesquels ne cessent de pointer le manque de lisibilité des institutions communautaires.
    Je reconnais bien volontiers que les politiques menées par l’Union européenne posent un problème d’intelligibilité. Je suis néanmoins convaincu de la nécessité d’une Europe plus forte. Le contexte géopolitique actuel me donne raison, puisque la méfiance vis-à-vis de la Russie est de mise et que nous ne pouvons plus compter sur notre partenaire historique américain. Il nous faudra faire mieux en matière de défense, mais notre principal atout est notre capacité à nous constituer en un marché plus fort et intégré. À cet égard, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne ne constitue pas une révolution ; il permet néanmoins à l’Union de faire un pas de plus en matière d’harmonisation.
    Notre assemblée n’en est pas à sa première transposition. Régulièrement, nous devons nous prononcer sur l’adaptation de notre droit aux évolutions constantes des textes européens. Grâce à ce travail essentiel, la France ne figure plus parmi les mauvais élèves en matière de respect des délais de transposition des directives –⁠ nous pouvons nous en féliciter. Cependant, le devoir de se conformer au droit européen ne doit pas nous aveugler : même si nos marges de manœuvre sont contraintes, nous devons veiller à ce que les adaptations demandées respectent les principes fondamentaux qui régissent notre République. De ce que nous avons pu en voir dans un délai aussi contraint, moins de vingt-quatre heures, le texte issu de la commission mixte paritaire me semble respecter cet équilibre. C’est pourquoi nous y sommes, dans ses grandes lignes, favorables.
    Ceci étant dit, je formulerai quelques remarques tant sur le fond que sur la forme. En matière de transition écologique, les mesures d’adaptation au droit de l’Union européenne auraient sans doute mérité un texte ad hoc. C’est le cas en particulier de celles relatives à la transition énergétique et à sa planification. Le projet de loi Ddadue prévoit par exemple la possibilité de lancer des procédures de mise en concurrence non prévues par la programmation pluriannuelle de l’énergie en cours afin d’aller au-delà des objectifs de production d’énergies renouvelables initialement fixés. Rappelons que le gouvernement n’a toujours pas soumis au débat parlementaire la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors que le code de l’énergie lui imposait de le faire au plus tard en juillet 2023.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est un vrai sujet !

    M. David Taupiac

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    Tant que nous n’aurons pas déterminé le mix énergétique, les opposants aux énergies renouvelables trouveront toujours du grain à moudre pour contester les dispositions visant à accélérer leur développement.
    S’agissant des actions de groupe, il était nécessaire de dépasser les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat afin que la France puisse enfin être dotée dans ce domaine d’un régime juridique efficace. J’exprimerai un seul regret sur le compromis trouvé : le texte issu de la CMP impose aux associations d’avoir un objet statutaire comportant la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, ce qui est de nature à restreindre le nombre d’organisations concernées, alors que nous aurions souhaité donner qualité à agir au champ le plus large possible d’associations.
    Enfin, la directive européenne CSRD encadre depuis début janvier le reporting extra-financier des très grandes entreprises. L’obligation de publication devait être étendue aux entreprises de plus de 250 salariés dès 2026 et aux PME cotées dès 2027. Les acteurs économiques, qui redoutent un poids administratif excessif, nous ont alertés à ce sujet. Le texte de la CMP propose de décaler de deux ans ces obligations, en accord avec les dispositions qui viennent d’être adoptées au Parlement européen dans le cadre du vote sur la procédure d’urgence dite stop the clock –⁠ voilà qui devrait laisser aux PME et aux ETI le temps de se préparer.
    Mais soyons vigilants : il faut savoir lâcher du lest pour préserver les acquis, mais sans pour autant laisser les acteurs économiques croire que toute réglementation est susceptible d’être détricotée, ce qui aurait pour effet de les conduire au passéisme.
    Ces remarques faites, je réitère la volonté de mon groupe de voter pour le projet de loi. Ce texte technique a un caractère disparate, mais il est indispensable pour assurer le respect de nos engagements européens.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Nous discutons aujourd’hui d’un texte portant transposition de diverses directives européennes. « Diverses » est un euphémisme tant le nombre de directives et de domaines que ces dernières entendent réglementer sont nombreux. Finance, énergie, transport, santé, circulation des personnes : tout y passe.
    Alors qu’il y a quatre ans, les députés Jean-Louis Bourlanges et André Chassaigne –⁠ grand député, alors membre de la commission des affaires européennes –, publiaient un rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes qui insistait ardemment sur l’importance de « conserver une cohérence thématique » au sein des textes concernés, on ne peut constater que vous avez fait fi de leurs recommandations. Ce texte fourre-tout comprend nombre de dispositions problématiques.
    On note certes quelques avancées, telles que le renforcement du pouvoir de contrôle de l’AMF sur les transactions et la gouvernance de l’entreprise ainsi que l’ouverture de l’intérêt à agir, pour une action de groupe, à des associations déclarées depuis au moins deux ans et à des associations ad hoc. Mais ces mesures, d’ailleurs très floues, ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Partout dans ce texte, au milieu d’un flot ininterrompu d’harmonisations sans effet notable, vous insérez des dispositions qui auront pour effet d’affaiblir notre cadre juridique dans de nombreux domaines.
    En matière financière, vous autorisez le nantissement par cryptoactifs –⁠ vous permettez donc, pour garantir une transaction, de mettre en gage des cryptomonnaies telle que le bitcoin. Alors que notre économie voit déjà sa stabilité en partie menacée par les aléas des marchés financiers, vous proposez de lui faire prendre encore plus de risques en la faisant reposer sur des monnaies qui n’ont d’autre intérêt que la spéculation. Si cette disposition créée un appel d’air et que cette méthode de nantissement se systématise, un effondrement des cours sur fond de panique financière risquerait de ne pouvoir être stoppé.
    En matière de droit du travail dans le domaine ferroviaire, en supprimant le renvoi à l’arrêté ministériel du 7 mai 2015 fixant la liste des tâches critiques pour la sécurité ferroviaire qui justifieraient la vérification par un médecin des aptitudes physiques ou psychologiques et en laissant aux exploitants la charge de les définir, vous affaiblissez les droits des travailleurs –⁠ les Ddadue sont comme toujours de véritables chevaux de Troie pour tenter de mettre en pièces le droit du travail et la protection des travailleurs.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    M. Nicolas Sansu

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    En matière de régulation, en allongeant de cinq à dix ans la durée des contrats de régulation économique et aéroportuaire, vous limitez la capacité de l’État à ajuster les conditions contractuelles en fonction des évolutions du marché. Vous risquez ainsi de déséquilibrer ces contrats après cinq années d’application, au détriment des usagers et passagers. Or cela n’était nullement exigé par l’Union européenne.
    En matière environnementale, alors que chaque année est plus chaude que la précédente et que toutes celles de l’ère industrielle, que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de presque 60 % en trente ans et que l’essentiel des garanties environnementales sont assurées par des règles de soft law, vous modifiez le code de commerce pour exonérer les filiales de l’obligation de publier un rapport environnemental dès lors que la société mère en présente un. Vous faites de nouveau des cadeaux incompréhensibles à des multinationales ; sous prétexte d’appliquer une logique qui vous est propre, vous vous en prenez un peu plus chaque jour à la transparence en matière d’environnement et rendez plus facile, pour les filiales, le maquillage des effets de leur activité.
    Votre tendance à regrouper des textes sans rapport entre eux nuit à un travail législatif de qualité. De la même manière, vous proposez de réviser l’article L 311-10 du code de l’énergie afin d’autoriser le lancement de procédures de mise en concurrence pour l’octroi d’aides à des projets d’énergies renouvelables. Une telle disposition est de nature à accélérer le déploiement de l’éolien en mer en permettant de lancer des appels d’offres en vue de la réalisation d’installations de production d’une capacité supérieure aux objectifs prévus pour 2028, mais elle méconnaît le rôle du Parlement, qui doit normalement se prononcer sur toute modification des objectifs en matière d’énergie renouvelable dans le cadre des débats sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, pour garantir une approche cohérente de notre politique énergétique nationale. Le projet de loi Ddadue vous permet ainsi de revenir sur un principe que nous avions pourtant adopté.
    La transposition des différentes directives aurait tout à fait pu être échelonnée et faire l’objet de plusieurs textes thématiques, ce qui aurait facilité l’examen approfondi de leurs dispositions. Vous ne pouvez pas vous cacher sans cesse derrière l’Union européenne pour tenter de faire reculer les droits. L’Union et sa réglementation trop libérale tendent à oublier les peuples, mais elle est aussi un prétexte facile.
    Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne saura voter favorablement pour le texte que vous nous soumettez –⁠ nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet

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    À l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, le fameux projet de loi Ddadue est de retour dans notre hémicycle après les travaux de la commission mixte paritaire, et nous voilà de nouveau confrontés à ce véhicule législatif inadapté, patchwork baroque de mesures excessivement diverses –⁠ dont quelques cavaliers européens à propos desquels on peut s’interroger sur leur légitimité à figurer dans le texte… Droit bancaire, monétaire et financier, droit de la commande publique, droit de la consommation, droit de l’énergie, droit des transports, droit de l’entrée et du séjour, droit de l’environnement et lutte contre les émissions de gaz à effet de serre : voilà le programme stupéfiant de ce texte et sur lequel, malgré la complexité de chaque domaine traité, il est attendu de la représentation nationale qu’elle formule une position cohérente.
    Nous aurions envie, au groupe UDR, de lui donner un avis favorable eu égard à certaines mesures contenues dans ce texte et qui nous semblent bénéfiques, telles que le durcissement de la sanction pénale de la conduite sans assurance ; l’article 41, qui renforce les pouvoirs d’information de l’ANSM –⁠ l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – pour l’appuyer dans sa lutte contre les ruptures d’approvisionnement de dispositifs médicaux ; la dépénalisation des manquements aux obligations déclaratives de la CSRD, qui libère nos entreprises d’une menace injustifiée ; ou encore, et peut-être surtout, le non-rétablissement par la CMP, dont nous nous réjouissons vivement, de l’article 35, qui tendait à interdire dès 2035 la vente de voitures thermiques. C’est grâce aux voix du RN et de l’UDR que l’Assemblée, dans l’hémicycle, s’était refusée à transposer cette folie dans notre droit national. Mais le combat contre cet aberrant horizon d’interdiction ne saurait s’achever avec cette suppression ; il doit se poursuivre à Bruxelles et nous comptons pour cela sur l’action du gouvernement.
    D’autres mesures, en revanche, nous conduiraient à rejeter ce texte car il contient des dispositions nuisibles pour notre pays, au premier rang desquelles les normes issues de la directive RED III, qui contraint les États à ce qu’au moins 42,5 % de leur consommation énergétique globale soient issues d’énergies renouvelables d’ici 2030. Tout d’abord, la politique énergétique de la France n’a pas à s’écrire à Bruxelles, mais ici, dans cet hémicycle. Ensuite, consentir à cette directive nous semble relever du syndrome de Stockholm sachant que nous n’avions déjà pas atteint les objectifs de la directive RED II, nous rendant passibles d’une amende de près de 1 milliard d’euros, et que notre mix énergétique est déjà décarboné à 95 %. Nous payons dans ce domaine l’échec des gouvernements successifs à imposer à l’Union européenne la reconnaissance de l’énergie nucléaire comme énergie centrale, si ce n’est première, dans la transition écologique et énergétique du continent. La présence de l’article 42 nous inciterait également à rejeter le texte puisque ses dispositions visent à transposer une directive qui prévoit de faciliter l’obtention d’un titre de séjour de longue durée pour les travailleurs dits hautement qualifiés.
    Au-delà du caractère hautement hétéroclite de toutes les mesures contenues dans ce texte, ce qui suffit à démontrer l’inadéquation totale de ce véhicule législatif annuel, nous tenons également à souligner que ce projet de loi ne fait pas honneur à l’Assemblée nationale car il nous enferme dans un simulacre de liberté parlementaire où nous n’avons en réalité d’autre liberté que celle de consentir ou, éventuellement, de surtransposer. Or l’Assemblée nationale de la République française mérite mieux que d’être réduite au rôle, digne d’un parlement de l’Ancien Régime, de chambre d’enregistrement des directives de l’Union européenne.
    Au vu de l’amoncellement des mesures contenues dans ce texte et de l’inadaptation totale du véhicule législatif qui nous est imposé, des contradictions entre mesures négatives qui annulent les mesures positives, et du fait surtout que nous sommes les détenteurs de la souveraineté nationale et non les transcripteurs obéissants du droit européen, l’Union des droites pour la République s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Timothée Houssin.

    M. Timothée Houssin

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    Nous nous prononçons à nouveau aujourd’hui sur le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne. Dans ce catalogue à la Prévert de dispositions touchant les règles financières, juridiques ou d’aménagement du territoire que représentent les quarante-deux articles du texte, l’essentiel concerne les mesures liées à des choix énergétiques. Le projet de loi entend en effet imposer les règles d’exception nécessaires à l’application, à marche forcée, des politiques énergétiques dictées au niveau européen et avalisées par la Macronie et ses alliés LR. Et force est de constater que ces choix ne sont pas ceux des Français.
    Sur le fond, les règles de droit européen que nous étudions aujourd’hui sont la conséquence d’un biais idéologique majeur : celui consistant pour l’Union européenne à définir des objectifs nationaux fondés sur des minima de production d’énergies renouvelables et non d’énergies décarbonées, alors que le mix électrique français est déjà décarboné à 95 % grâce au nucléaire.
    Mais ce texte pose surtout un problème de forme car les objectifs en matière de politique énergétique française devraient être votés par la représentation nationale non dans le cadre de la transposition de règles européennes, mais dans celui de la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le gouvernement refuse jusqu’à présent de débattre avec nous. Cette semaine encore, 160 sénateurs et de nombreux professionnels du secteur réclamaient la tenue de ce débat majeur ! En commission du développement durable d’abord, puis dans l’hémicycle lors de la première lecture ou par des questions au gouvernement, les élus du Rassemblement national, mais aussi d’autres groupes, n’ont cessé d’interpeller le gouvernement sur ce sujet. Posons donc encore une fois la question à la Macronie : quand étudierons-nous la programmation pluriannuelle de l’énergie dans cette assemblée ?

    M. Kévin Mauvieux

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    Bonne question !

    M. Timothée Houssin

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    À force de poser la question, nous comprenons le sens de l’absence de réponse… Le gouvernement entend fuir le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie qui fixe des objectifs en matière de production et de consommation d’énergie sur la période 2025-2035 ; il entend adopter les choix énergétiques qui lui sont imposés par Bruxelles et qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises, au pouvoir d’achat de nos compatriotes et détruisent notre souveraineté énergétique par décret ! Nous sommes donc dans un pays où la politique énergétique pour la décennie à venir, qui engage des investissements par centaines de milliards d’euros et qui est un élément clé de la compétitivité de nos entreprises, représentant de surcroît 10 % des dépenses des ménages à l’heure où des millions de Français qui travaillent ne parviennent pas à boucler les fins de mois, ne serait pas débattue par les représentants du peuple ! Mais dans quel pays sommes-nous ? Dans quelle démocratie sommes-nous ? On est en droit de se poser la question.

    M. Anthony Boulogne

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    Tout à fait !

    M. Timothée Houssin

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    La récente actualité politico-judiciaire ne doit pas faire perdre de vue au gouvernement que l’absence de consultation de l’Assemblée nationale sur la programmation pluriannuelle de l’énergie pourrait être une cause légitime de censure et entraîner sa chute. La majeure partie des Français et nombre d’élus s’opposent en effet à ses choix énergétiques. Et l’examen de ce projet de loi le démontre puisque la représentation nationale, en particulier le groupe Rassemblement national, a par ses amendements abouti à des modifications majeures.
    Ainsi, ce sont les amendements du Rassemblement national qui ont permis de supprimer l’article 35, qui visait à avancer à 2035 l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique ou hybride ; cette mesure aurait achevé de détruire notre industrie automobile au profit des géants américains et chinois. La Cour des comptes européenne jugeait elle-même cet objectif irréaliste ! Elle pointait du doigt nos faibles capacités de production et la dépendance extrême de l’Europe aux importations de ressources en provenance de pays tiers, mais aussi les conditions sociales et environnementales dans lesquelles ces matières premières sont extraites.
    Victoire également à l’article 23, largement réécrit, qui dans sa version initiale permettait au gouvernement de dépasser les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie en matière d’énergies intermittentes, notamment s’agissant de la création de nouveaux parcs éoliens offshore, faisant fi des problématiques créées par le développement déraisonné d’énergies non pilotables.
    À l’article 25, la nouvelle rédaction du Sénat, maintenue en commission mixte paritaire à une voix près grâce aux députés du Rassemblement national, permet dorénavant de limiter les contraintes pesant sur le développement de notre industrie et sur le travail de nos agriculteurs.
    Victoire encore en matière de réforme du régime juridique de l’action de groupe, car la version européenne inscrite dans les articles 14 à 19 a été supprimée au profit d’une réécriture conforme à ce que notre assemblée a voté le 8 mars 2023.

    M. Philippe Gosselin

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    Je confirme.

    M. Timothée Houssin

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    Cette action de groupe à la française permettra à des personnes victimes d’un même dommage de la part d’un professionnel ou d’une personne publique de se regrouper au sein d’associations pour saisir la justice tout en évitant les abus.
    En première lecture, j’étais monté à la tribune pour annoncer que sur ce texte, les députés du Rassemblement national auraient à cœur d’être pragmatiques et de défendre à la fois l’environnement et les intérêts français par leurs amendements et leurs votes. Si le texte initial comportait de multiples lignes rouges pour notre groupe, force est de constater que nous avons obtenu des victoires majeures, nombre d’entre elles ayant été supprimées. C’est pourquoi nous nous abstiendrons plutôt que de rejeter ce texte au risque de voir revenir en nouvelle lecture des éléments dont nous nous réjouissons de la modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Maxime Michelet applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Contrairement à ce que le représentant du Rassemblement national vient de dire à cette même tribune, les textes de type Ddadue ne visent pas à transposer tel quel, sans discussion, des directives, ni à les surtransposer. Une directive européenne, contrairement à un règlement européen, est un texte que nous devons adapter à notre droit national : elle fixe des objectifs et nous devons définir les moyens pour y parvenir.

    M. Emmanuel Maurel

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    Merci pour le cours !

    M. Olivier Becht

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    Il est vrai que nous avons trop souvent tendance, en France, à les surtransposer. C’est un peu curieux pour une république, mais notre pays tend à être plus royaliste que le roi en édictant plus de normes que ce que lui demande l’Union européenne. Ayant compris qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter encore davantage de contraintes pour nos concitoyens et pour nos entreprises, nous nous sommes contentés, dans ce texte, d’instituer ce que nous demandaient les directives européennes.
    C’est ainsi le cas en matière de services financiers : je pense notamment aux règles qui régissent les cryptomonnaies et les cryptoactifs, ainsi qu’aux règles financières et bancaires portant sur les virements instantanés. C’est également le cas notamment d’un certain nombre de règles qui permettent dans les marchés publics de faire appel à ce qu’on appelle des prestations innovantes et donc de favoriser l’innovation et surtout nos entreprises de proximité. Ce sont des normes importantes.
    Et puis de l’autre côté, il y a évidemment les enjeux environnementaux. Dans ce domaine, nous sommes finalement parvenus à un texte relativement équilibré avec la volonté d’atteindre des objectifs nouveaux en allant plus loin dans la décarbonation de notre économie : je pense notamment au développement plus ambitieux du SAF, le Sustainable Aviation Fuel, un kérosène légèrement décarboné, mais aussi aux exemptions aux règles assurant la protection d’espèces menacées afin d’accélérer l’utilisation des énergies renouvelables. Certes, j’entends ce que disent nos amis écologistes : ne va-t-on pas finalement trop loin dans les exemptions ? Mais le problème, si on souhaite à tout prix protéger toutes les espèces, c’est qu’on ne pourrait plus installer d’éoliennes…

    M. Kévin Mauvieux

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    Eh oui !

    M. Olivier Becht

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    …parce qu’elles peuvent menacer certaines espèces d’oiseaux, ce qui nous priverait d’une partie de notre capacité à développer les énergies renouvelables et donc d’atteindre nos objectifs de décarbonation. Or, en la matière, l’enjeu est tout de même très clair : il ne s’agit pas de protéger une espèce, mais de protéger toutes les espèces, c’est-à-dire la biodiversité. C’est bien l’objectif de la décarbonation et de la transition énergétique.
    Pour conclure, je rappelle que nous avons soutenu –⁠ et même proposé, n’est-ce pas, madame la rapporteure ? – la suppression de l’article 35 qui prévoyait d’avancer à 2035 au lieu de 2040 le passage de la voiture thermique à la voiture électrique.

    M. Kévin Mauvieux

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    Heureusement qu’on était là !

    M. Olivier Becht

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    Nous avons considéré que nos entreprises nationales et européennes n’étaient pas prêtes car même si elles savent aujourd’hui fabriquer des véhicules électriques, encore faut-il que ceux-ci soient à un prix suffisamment abordable pour que nos concitoyens puissent se les payer. Il faut encore laisser un peu de temps, sans renoncer évidemment à l’objectif visé.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République vous invite à adopter ce texte. (Mme la rapporteure applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Ferrer.

    Mme Sylvie Ferrer

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    Lundi 31 mars, Emmanuel Macron a réuni un conseil de planification écologique. L’événement a été couvert par le bruit médiatique que faisaient alors une poignée de délinquants siégeant encore parmi nous. Depuis la dissolution ratée, je ne doute plus du sens du timing du chef de l’État, mais je regrette toujours autant que l’écologie passe au second plan (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Alors que la France a été condamnée à deux reprises pour inaction climatique et que des reculs environnementaux majeurs se préparent au travers du projet de loi de simplification de la vie économique ou de la proposition de loi sur l’agriculture du sénateur Duplomb, certains collègues se sont réjouis des maigres avancées écologiques inscrites dans le projet de loi Ddadue que nous examinons. Pourtant, il y avait urgence à transposer, voire à surtransposer, le droit environnemental européen. En effet, pendant que nous discutons, les derniers progrès obtenus à l’échelle européenne sont attaqués par les suppôts d’un néolibéralisme plus sauvage que jamais. À leur larcin d’hier, ils ajoutent l’hypothèque de l’avenir.
    Ce projet de loi était donc l’occasion d’inscrire dans le droit certaines mesures du pacte vert, afin de rendre leur remise en cause plus difficile et d’ainsi garantir leur application. La loi –⁠ s’il est besoin de le rappeler – demeure l’expression de la volonté générale et de la souveraineté populaire. Elle reste ainsi le garde-fou ultime face aux dérives politiques.
    Certes, après le vote à venir, le climat n’aura pas un avenir plus sombre qu’avant, mais il sera toujours loin d’être sauvé et l’heure ne sera pas aux réjouissances. Pour illustrer mon propos, je vais revenir sur trois articles du texte particulièrement révélateurs. L’article 25 va autoriser des dérogations au code de l’environnement pour la construction de certaines infrastructures énergétiques et, ainsi, potentiellement menacer des espèces protégées. Il est bien la preuve que certains de nos collègues n’ont pas encore bien assimilé les rapports complexes entre la biodiversité et l’environnement. Je répète qu’agir pour le climat au détriment de la biodiversité est une grande sottise.
    L’article 29 va imposer une part de carburant alternatif dans l’aviation. Il s’agit d’un pis-aller qui témoigne du refus d’interroger la place de l’aviation dans notre système de transports. La Convention citoyenne pour le climat (CCC) avait pourtant émis de nombreuses recommandations à ce sujet, notamment celle de supprimer les vols intérieurs courts. L’usage de biocarburants n’est qu’une fuite en avant qui risque de nuire aux forêts, du bois étant souvent nécessaire à leur fabrication.
    Enfin, l’article 35, qui fixait à 2035 la date de la fin de la vente des voitures thermiques neuves, a été supprimé par les députés de l’extrême droite et de la droite de plus en plus extrême.

    M. Julien Guibert

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    Merci !

    Mme Sylvie Ferrer

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    La suppression de cet article ne changera rien, mais elle envoie un mauvais signal.
    Des députés, notamment du Rassemblement national, ont dit que les voitures électriques coûteraient plus cher à l’achat que des véhicules thermiques. C’est vrai, sauf si l’on tient compte du prix de l’électricité, qui est moins chère que l’essence et qui le serait encore moins si les eurodéputés du RN daignaient prendre part aux votes du Parlement européen, notamment à ceux concernant le marché de l’électricité. (« Elle a raison ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Julie Ozenne applaudit également.)

    M. le président

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    Sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Pascal Lecamp.

    M. Pascal Lecamp

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    Avant toute chose, je tiens à exprimer ma reconnaissance à l’ensemble des rapporteurs pour leur travail précieux d’amélioration de ce projet de loi, qui vise à adapter notre législation aux évolutions du droit de l’Union européenne dans des domaines essentiels.
    Les projets de loi dits Ddadue sont devenus des exercices réguliers pour notre assemblée. Ils ne se limitent pas à une simple mise en conformité juridique, mais traduisent pleinement notre engagement en faveur d’une Europe cohérente, intégrée et solidaire. Les députés Démocrates y sont particulièrement attachés. Comme le rappelle parfois notre groupe, cette démarche pourrait d’ailleurs s’appliquer dans d’autres domaines, par exemple la simplification administrative, avec des véhicules législatifs réguliers qui permettraient, par petites touches, des transformations progressives, constantes et cohérentes du droit.
    Les dispositions du Ddadue, dont le champ va du droit de la consommation aux transports en passant par la régulation financière, ont une apparence technique, mais elles ont un impact direct sur le quotidien des Français. Elles témoignent de notre volonté de faire avancer la construction européenne dans une dynamique d’harmonisation et de progrès partagé.
    Avec le quatrième texte de ce type en quatre ans, nous abordons des enjeux déterminants pour notre pays. Je ne vais pas reprendre la liste dressée par les collègues qui m’ont précédé. Je me contenterai de revenir sur un sujet clé, qui a fait l’objet de discussions dans les deux chambres du Parlement et lors de la CMP : la réforme du régime juridique des actions de groupe.
    Nous avons en effet ici un bel exemple de dialogue entre le droit européen et le droit français.

    M. Philippe Gosselin

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    Un dialogue fructueux !

    M. Pascal Lecamp

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    En 2020, les colégislateurs européens ont adopté une directive permettant à une association d’exercer une action en justice pour le compte de plusieurs personnes victimes de dommages de même nature causés par un même auteur. Il s’agit de faciliter les recours collectifs, dits aussi class actions, dont les conditions d’accès sont encore trop limitées.
    En parallèle, en 2020, une mission flash a constaté que seules trente-deux actions collectives avaient été intentées en France depuis 2014, date de leur création, avec un taux de succès limité à 20 %. Les députés Laurence Vichnievsky, ancienne collègue du groupe Démocrates désormais membre du Conseil constitutionnel,…

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    M. Pascal Lecamp

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    …et Philippe Gosselin, qui va me succéder à la tribune, ont ensuite déposé une proposition de loi pour faire progresser le dispositif. Leur texte a été adopté par l’Assemblée en 2023 et par le Sénat en 2024.
    Certaines de ses dispositions, après accord de la CMP, ont été intégrées au projet de loi Ddadue, qui tend à transposer la directive de 2020. Ce sont donc deux mouvements convergents, l’un du législateur européen et l’autre du législateur national, qui se retrouvent dans ce texte. Je salue le compromis trouvé entre sénateurs et députés au sein de la CMP en faveur de la quasi-universalité du régime des actions de groupe, du principe de la sanction civile et de la possibilité pour des associations non agréées de disposer, sous conditions, de la qualité à agir.
    Je conclurai par un commentaire plus général sur le projet de loi Ddadue. La liste à la Prévert permet d’éviter l’accumulation de retards dans les transpositions comme les contentieux avec la Commission européenne sur ce fondement, ainsi que le rappelaient deux illustres anciens collègues, les présidents Bourlanges et Chassaigne, dans un rapport de 2021. Cependant, cette construction du texte rend difficile la contribution éclairée et minutieuse des parlementaires. Nous gagnerions à aborder plus en amont les sujets sur lesquels portent les textes Ddadue, avec de vrais débats nous permettant de mettre en perspective leurs enjeux européens et nationaux. Nous subissons tous cette complexité, qui nuit au pouvoir de la représentation nationale.
    Vous l’aurez compris, le groupe Démocrates votera en faveur de ce texte, tout en appelant à un travail approfondi, avec l’aide et l’accompagnement du secrétariat général des affaires européennes, sur la coordination au quotidien entre les législations française et européenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous sommes une nouvelle fois réunis pour examiner un texte européen un peu particulier. Dans les campagnes, il arrivait qu’on chasse le dahu. Aujourd’hui, il s’agit du Ddadue, qui traite d’économie, de finance, d’environnement, d’énergie, de transport, de santé, de circulation des personnes, etc. On pourrait parler d’un inventaire à la Prévert,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Laissez donc Prévert tranquille !

    M. Philippe Gosselin

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    …mais l’auteur cher à mon département de la Manche mérite mieux que ces textes européens, qui manquent de poésie.
    Ces textes sont souvent très techniques, ardus et compliqués. À défaut d’être un dahu, il faudrait être un mouton à cinq pattes ou un couteau suisse pour tout en comprendre. (Sourires.)

    M. Emmanuel Maurel

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    C’est un festival !

    M. Philippe Gosselin

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    Il faudrait être bon, voire excellent, sur tous les sujets, qu’ils concernent l’économie, la finance, la santé ou la circulation –⁠ j’en passe, et des meilleurs. Quelles que soient les qualités de mes collègues, même ceux qui en ont plus que moi, une telle femme ou un tel homme est presque introuvable.
    Nous en arrivons à la conclusion d’une CMP dont les débats ont parfois été un peu âpres. Les rapporteurs ont travaillé avec beaucoup de talent pour rapprocher les propositions des deux assemblées, qui pouvaient être un peu éloignées. Nous avons encore quelques divergences. Nous reverrons peut-être certains textes un peu plus tard, mais, pour le moment, il y a urgence à adopter celui qui nous est soumis. En effet, nous avons des retards dans l’adaptation de certains règlements ou directives et dans leur transposition.
    Je ne répéterai pas sur ce qui a été dit à propos des voitures, de l’éolien en mer, du devoir de vigilance ou des pouvoirs de la DGCCRF. Tout cela représente des contrôles supplémentaires, ou parfois allégés, parfois des opérations transfrontalières. Entre le paquet « omnibus » et le reporting, il y a, pour beaucoup de nos concitoyens, s’ils nous écoutent, de quoi y perdre leur latin, à défaut d’enrichir leur vocabulaire en anglais.
    Sans en appeler à la formule « à tout seigneur, tout honneur » et sans en faire l’alpha et l’oméga du texte, je vais revenir en revanche sur quelques points concernant les actions de groupe, qui se retrouvent dans le projet de loi après avoir connu bien des vicissitudes. La proposition de loi à leur sujet a été déposée pendant la XVe législature et examinée pendant la XVIe. D’une certaine façon, nous l’adoptons aujourd’hui, au cours de la XVIIe. Pourvu que la promulgation intervienne avant une XVIIIe législature issue d’une nouvelle dissolution ! Nous n’en sommes évidemment pas là, et toute référence de mes propos avec le passé, le présent ou le futur serait purement fortuite.
    En dépit de quelques points de divergence, nous avons pu nous mettre d’accord sur une action de groupe rénovée, alors que le bilan que Laurence Vichnievsky et moi avons tiré en 2020 de sa précédente version était très mitigé. Nous avions ensuite déposé une proposition de loi qui avait pour ambition de vulgariser, de rendre accessible l’action de groupe, et qui avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée. Aujourd’hui, grâce à l’accord trouvé avec le Sénat, grâce au rapporteur Frassa, nous avons une action de groupe ambitieuse, une action de groupe à la française qui ne singe pas la class action. Je sais que c’était une crainte du monde économique. Nous n’avons évidemment aucune volonté de nuire aux entreprises françaises.

    Mme Julie Ozenne

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    Vous vous êtes couchés !

    M. Philippe Gosselin

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    Nous aurons donc désormais une universalité du champ matériel –⁠ c’est important – qui ne connaît qu’une exception, la santé publique. Nous aurons aussi –⁠ autre point important – une procédure harmonisée pour l’ensemble des actions de groupe, avec le maintien d’une mise en demeure uniquement pour celles fondées sur un manquement au code du travail, conformément à ce que souhaitait le Sénat. Les sanctions civiles pour faute lucrative sont introduites dans la législation, avec un montant plafonné au quintuple du profit réalisé et avec un versement à un fonds spécifique. La date d’entrée en vigueur sera celle que souhaitait l’Assemblée nationale. Nous divergions sur le point de la qualité à agir. L’agrément d’associations restera possible, mais ses critères sont désormais fixés par la loi et non plus par décret. D’autre part, certaines associations non agréées pourront également agir. Le texte a été rénové, et c’est ce qui importait le plus.
    Pour le groupe de la Droite républicaine, le projet de loi Ddadue, en faveur duquel il votera, est l’occasion de rappeler son engagement pour une Europe forte et respectueuse des peuples qui la composent. Michel Barnier a raison d’affirmer qu’il faut urgemment mettre un terme à trente ans de bureaucratie excessive, d’absence de politique industrielle et de naïveté européenne.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien, Michel Barnier !

    M. Aurélien Le Coq

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    Mais il n’y est pas parvenu !

    M. Philippe Gosselin

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    Eh bien chiche ! Qu’enfin l’Europe engage, si besoin, le bras de fer avec le reste du monde, plutôt que s’égarer dans les méandres de ses normes.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Philippe Gosselin

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    Ce message concerne non seulement le Ddadue mais aussi, comme vous l’aurez compris, la situation internationale actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    M. le président

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
    Les amendements nos 6 et 5 du gouvernement sont rédactionnels.

    (Les amendements nos 6 et 5, acceptés par la commission, modifiant l’article 1er, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 3 du gouvernement est rédactionnel.

    (L’amendement no 3, accepté par la commission, modifiant l’article 2, est adopté.)

    M. le président

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    Nous avons achevé l’examen des amendements.

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        159
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                63
                    Contre                42

    (L’ensemble du projet de loi est adopté.)

    M. le président

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    L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi, et l’Europe est sauvée !

    M. Emeric Salmon

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    C’est vite dit, ça !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Elle est sauvée grâce au RN…

    3. Création d’un institut Océan de l’Université des Nations unies en France

    Suite de la discussion d’une proposition de résolution

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution tendant à créer un institut Océan de l’Université des Nations unies en France (no 853 rectifié).
    Je remercie les collègues qui quittent l’hémicycle de le faire de manière calme, voire silencieuse.

    Discussion générale (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Je ne voudrais pas importuner ces pauvres gens qui descendent tranquillement les marches pour rejoindre d’autres activités –⁠ certainement nécessaires et utiles à notre parlement…

    M. Philippe Gosselin

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    C’est un postulat.

    M. Paul Molac

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    Il faut dire que nous sommes toujours en train de courir trente-six lièvres à la fois et qu’il est nécessaire de hiérarchiser nos activités.

    M. Philippe Gosselin

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    Il arrive aussi que nous cherchions des moutons à cinq pattes !

    M. Paul Molac

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    Eh oui ! Et, hélas, il arrive aussi assez souvent que cela ne casse pas trois pattes à un canard. (Sourires.)
    Mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner la proposition de résolution tendant à créer un institut Océan de l’Université des Nations unies en France. Comme je suis un député breton, ce sujet appelle évidemment toute mon attention, d’autant plus que mon collègue de Brest est présent pour défendre la candidature de l’UBO, l’université de Bretagne occidentale –⁠ il est lui-même Brestois et je crois qu’il a quelques attaches avec cette université.
    Alors que la France s’apprête à accueillir à Nice la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, il est nécessaire de porter un regard critique sur l’état actuel des océans. Ce dernier est préoccupant. Alors que l’océan est un allié majeur dans la lutte contre le changement climatique, car il absorbe les émissions de dioxyde de carbone et la chaleur de l’atmosphère d’origine humaine, il ne cesse de se dégrader –⁠ du fait de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, qui réchauffent et acidifient les océans, du fait des atteintes à la vie sous-marine et terrestre que cela induit, du fait enfin de l’augmentation considérable de la quantité de plastique et de la surexploitation des ressources. Les océans ne vont pas bien et la responsabilité en incombe, malheureusement, aux activités humaines.
    La sauvegarde des océans passe, les experts le soulignent depuis de nombreuses années, par une coopération étroite entre, d’une part, les différents niveaux de gouvernance, d’autre part, les scientifiques. Les instituts de l’Université des Nations unies visent justement à répondre à ces exigences en développant des actions de recherche et des programmes de formation dans des domaines d’une importance particulière.
    Alors que la surface de la Terre est à 70 % couverte par les océans, ceux-ci ne font pas l’objet d’un institut spécifique. Telle est l’anomalie à laquelle la présente proposition de résolution tente de remédier.
    La France dispose d’une responsabilité particulière en la matière et peut être un acteur majeur de la recherche océanographique. Rappelons en effet qu’elle accueille le siège de la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco, chargée de conduire la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable 2021-2030, et que la France détient la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde. Elle est donc une voix qui compte à l’échelle mondiale.
    Elle est enfin à la pointe de la recherche océanographique, laquelle est pour une bonne part localisée à la pointe de la Bretagne, en particulier dans le département du Finistère –⁠ qui, comme chacun le sait, se dit penn ar bed, c’est-à-dire non pas le bout mais le début du monde : il faut faire attention, car le terme penn peut être ambigu.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Parlez français !

    M. Paul Molac

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    Certainement, cher ami –⁠ pardon pour cette petite digression sur les langues.
    Depuis des années, l’université de Bretagne occidentale se prépare ainsi à accueillir ce premier institut de l’Université des Nations unies consacré aux océans. Depuis 2017, sous le label Ocean University Initiative –⁠ I can speak english as well (Sourires) –, en liaison avec le Campus mondial de la mer et avec le soutien des collectivités territoriales de Bretagne, l’université de Bretagne occidentale met en place les conditions d’accueil de cet institut. Outre le fait que Brest est une région maritime par excellence, la ville accueille tout un écosystème de recherche et de formation, regroupant près de 7 000 chercheurs et enseignants désireux de recevoir cet institut, et il existe bien d’autres centres de recherche dans le département du Finistère, par exemple à Roscoff. Il existe donc à l’UBO un réseau réunissant les conditions d’accueil de l’institut de l’Université des Nations unies dédié à la science et à la gouvernance de l’océan et des littoraux.
    Il ne manque plus qu’une chose : que l’État s’y mette ! Tel est le sens de cette proposition de résolution : solliciter le soutien de l’État et lui demander d’accorder les financements nécessaires pour que l’institut voie le jour.

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Paul Molac

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    Comme j’ai épuisé mon temps de parole, je m’arrêterai là, après avoir dit que le groupe LIOT ne pense que du bien de cette proposition de résolution et qu’il la soutiendra. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq –⁠ nous quittons la Bretagne pour remonter un peu vers le nord, le long du littoral.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Accueillir en France l’institut onusien de la mer et des océans, ça a du sens –⁠ c’est même une question de bon sens, de beau sens. La France est un grand pays maritime, les Français sont un peuple de marins –⁠ même si ce n’est pas le cas de tous. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient sans réserve ce projet et, par conséquent, la proposition de résolution. La France, qui détient le second domaine maritime mondial et qui a démontré à travers l’histoire son appétence à œuvrer en faveur des océans, de la préservation des ressources maritimes et de la recherche, peut légitimement soutenir devant l’ONU qu’elle a de grands atouts pour accueillir le futur institut.
    Il faut développer les coopérations, la recherche, la surveillance des océans : c’est une impérieuse nécessité. La protection de l’environnement va de pair avec celle des océans ; c’est un défi majeur pour notre avenir et pour celui des générations futures. Cela l’est encore davantage dans une période où les États-Unis, sous l’ère Trump, se désengagent de l’humanité pour ne considérer l’environnement et les ressources naturelles que comme des enjeux exclusivement économiques, des richesses à capter pour alimenter leurs propres besoins, leur recherche insatiable et destructrice du profit.
    Bien sûr –⁠ cela ne surprendra pas le collègue Cadalen –, j’aurais préféré que la Normandie et Le Havre se mobilisent pour candidater à l’accueil du futur institut.

    Mme Ségolène Amiot

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    Vous avez déjà le mont Saint-Michel. Ça ne vous suffit pas ? (Sourires.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Hervé Morin et Édouard Philippe auraient pu y penser. Toutefois, force est de constater qu’autour de Pierre-Yves Cadalen, les Bretons se sont emparés du sujet et ont su créer avec excellence les conditions d’un tel accueil. Chapeau, les Bretons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Eléonore Caroit et M. Paul Molac applaudissent également.)
    Quoi qu’il en soit, quel message puissant que de valider la création de cet institut en cette année 2025, déclarée année de la mer –⁠ de la mer en commun –, et à quelques semaines de l’accueil, en juin, à Nice, de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan ! De plus, notre pays a autorisé, en 2024, la ratification de l’accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, ce qui va aussi dans le bon sens. Cet accord porte sur la protection de l’océan situé en dehors des zones économiques exclusives et du plateau continental des États côtiers et compte déjà 112 États signataires. Il renforce le droit international sur les océans –⁠ par exemple à travers des organismes comme le futur institut de l’Université de l’ONU en France – et offre de nouvelles perspectives pour protéger la mer, pour mieux l’étudier, pour restreindre les conséquences des activités humaines sur les écosystèmes marins, ou encore pour agir vers un accès et un partage plus juste des produits de la mer.
    Mais pour faire tout cela, nous devons délivrer un signal fort et adopter à l’unanimité cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sophie Mette applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Fayssat –⁠ nous descendons en Méditerranée.

    M. Olivier Fayssat

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    Au groupe UDR, nous sommes évidemment conscients des conséquences majeures du réchauffement climatique sur les écosystèmes sous-marins. Ces écosystèmes sont pourtant essentiels à l’humanité ; je pense en particulier au phytoplancton, ces microalgues qui représentent 45 % de l’oxygène que nous respirons sur Terre. Il est difficile de disposer de projections exactes sur les températures à venir mais, dans tous les cas, les chiffres sont alarmants. De nombreux chercheurs estiment que d’ici à 2100, la température des océans augmentera de 0,8 à 3 degrés –⁠ avec des conséquences considérables sur l’humanité.
    Toutefois, ce grand défi ne saurait être relevé uniquement par la création d’instituts en tous genres et encore moins par des dépenses publiques incontrôlées et inefficaces. Le coût de l’institut Océan de l’Université des Nations unies sera d’environ 37 millions d’euros. Ne soyons pas dupes : c’est bien l’État, c’est-à-dire les Français, qui le financeront majoritairement. C’est précisément le mal profond de nos finances publiques : considérer que pour résoudre chaque problème, il suffit de créer un énième organisme et d’ajouter une ligne budgétaire. Avec plus de 1 200 agences et opérateurs pour un coût annuel de 80 milliards d’euros, l’État français souffre d’une organisation coûteuse, inefficace et dispersée.
    Il n’en demeure pas moins que, face à ce défi de taille, la France doit devenir le pilote de la recherche océanographique mondiale. Nous en sommes capables, avec ou sans cet institut. Si certains sont dans la repentance permanente, je profite de l’occasion pour rappeler que nous sommes un peuple qui possède une tradition scientifique très forte et, surtout, qui fait preuve d’une ingéniosité rare. La France n’a pas attendu les instituts des Nations unies pour devenir une grande nation de chercheurs ! Nous avons offert à l’humanité l’aviation, l’automobile, les vaccins et même le code civil. Par sa volonté de promouvoir le progrès humain, la contribution historique de la France à l’humanité est considérable.
    Au groupe UDR, nous assumons d’être le parti du progrès économique et social. À tous les sceptiques qui voient la fin du progrès technique comme une fatalité inéluctable et qui en appellent à la décroissance économique, je répliquerai en citant les noms de Louis Pasteur, de Pierre et Marie Curie, d’Antoine Lavoisier. Notre héritage scientifique est immense. Pourtant, lors de la crise du covid-19, nous étions le seul pays du Conseil de sécurité de l’ONU incapable de développer son propre vaccin. C’eût été impensable il y a quelques années !
    Fidèle à une tradition technophile qui croit en la science, le groupe UDR appelle à renouer avec notre héritage scientifique. Notre pays demeure la deuxième puissance maritime mondiale. Avec 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, notre domaine maritime s’étend sur les cinq continents, de l’Indo-Pacifique, qui abrite 1,6 million de nos compatriotes, aux Amériques et jusqu’en Antarctique. Cette position singulière a permis à la France et à ses nombreux explorateurs de développer une intimité particulière avec le grand large. Nous avons donc un rôle de premier plan à jouer dans la gouvernance internationale des océans.
    Cependant, nous doutons sincèrement que l’implantation de cet institut de l’Université des Nations unies soit suffisante. D’abord, l’enjeu est immense. En plus de cette installation, il conviendrait de faciliter la mobilisation de capitaux privés pour accélérer les travaux de recherche.
    De nombreuses solutions technologiques pourraient contribuer à la dépollution des océans. Je pense notamment aux filtres marins autonomes pour capturer les plastiques, aux drones sous-marins pour nettoyer les déchets en profondeur et aux solutions biologiques comme les micro-organismes pour décomposer les polluants. Ces solutions ont en commun de venir du secteur privé. Elles ont aussi en commun de manquer de financement.
    Notre conviction, c’est que l’État ne peut pas tout. Pour relever ces défis majeurs, il faudra absolument organiser une meilleure répartition des efforts entre le pilotage des projets par le secteur public et le potentiel d’innovation exceptionnel du secteur privé.
    L’implantation de l’institut Océan en France ne fera pas à elle seule de notre pays un leader en matière de recherche océanographique. Nous devrons aussi solliciter les acteurs privés, qui feront émerger les solutions de demain.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UDR s’abstiendra sur la proposition de résolution.
    Je terminerai en renouvelant mon soutien à Marine Le Pen, à titre personnel, ainsi qu’au nom de tout le groupe UDR. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    Je ne vois pas bien le rapport,…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est un naufrage en pleine mer !

    M. le président

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    …mais nous allons poursuivre en mer Méditerranée.
    La parole est à Mme Alexandra Masson.

    Mme Alexandra Masson

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    Je veux commencer en étant très claire : la proposition de création d’un institut Océan destiné à intégrer le réseau de l’Université des Nations unies n’est pas une mauvaise chose, elle est même nécessaire.
    Rappelons quelques faits. L’océan couvre 70 % de la surface de la planète ; il produit plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons ; et il constitue une source d’énergie, de ressources, d’emplois et de lien culturel pour des centaines de millions d’êtres humains.
    Or l’océan est aujourd’hui gravement menacé. Il est le réceptacle de plus de 11 millions de tonnes de déchets plastiques par an. Il subit l’acidification, la désoxygénation, la montée du niveau des eaux, la destruction des habitats côtiers.
    Face à ces constats, la réponse doit être globale, coordonnée et scientifique. C’est dans cet esprit que la création d’un institut international consacré aux océans prend tout son sens.
    La France a une responsabilité particulière en la matière. Nous disposons du deuxième espace maritime au monde, avec plus de 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, répartis sur tous les océans. Ce patrimoine exceptionnel, que nous devons à nos territoires d’outre-mer, fait de nous une puissance maritime, écologique et stratégique. La tenue à Nice au mois de juin de la prochaine conférence des Nations unies sur l’océan, l’Unoc 2025, constitue une reconnaissance éclatante de ce rôle.
    Dans un tel contexte, la création d’un institut Océan affilié à l’Université des Nations unies est tout à fait légitime. Brest représente-t-elle pour autant la meilleure solution géographique pour accueillir cet institut ? Cette ville est certes un pôle important de recherche maritime, mais d’autres sites existent en France, qui peuvent prétendre à ce rôle avec une légitimité au moins équivalente, sinon supérieure.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le Havre !

    Mme Dominique Voynet

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    Besançon !

    Mme Alexandra Masson

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    Je pense d’abord aux territoires ultramarins. En première ligne, ils subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique sur l’océan : blanchissement des coraux, montée des eaux, cyclones, érosion côtière, raréfaction des ressources halieutiques. Installer un institut international de l’océan dans un territoire ultramarin, ce serait faire acte de cohérence politique et d’efficacité scientifique.
    Évidemment, je pense aussi à la Méditerranée, une mer fermée, à haute densité de population, l’une des plus polluées au monde, un carrefour de civilisations et d’enjeux stratégiques. Parmi les territoires méditerranéens, je veux souligner le potentiel d’un site entre la principauté de Monaco, la ville de Menton et le centre océanographique de Villefranche-sur-Mer. Pourquoi choisir cet endroit ? Tout simplement parce qu’un écosystème scientifique, diplomatique et environnemental de rayonnement mondial y existe déjà.
    À Monaco, l’Institut océanographique, le Musée océanographique, la fondation du prince Albert 1er et celle du prince Albert II sont des références planétaires en matière de recherche marine et de diplomatie écologique. Le rôle historique de la principauté de Monaco dans la protection des mers est unanimement salué dans le monde.
    À Menton, à la frontière italienne, la coopération transfrontalière et la vocation méditerranéenne sont profondément ancrées. La ville est idéalement située pour incarner un projet tourné vers la Méditerranée.
    À quelques kilomètres à peine, à Villefranche-sur-Mer, se trouve l’un des centres de recherche océanographique les plus prestigieux d’Europe : rattaché à Sorbonne Université, au centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Université Côte d’Azur, ce site participe à de grands programmes de recherche internationaux.
    Implanter l’institut Océan dans ce triangle stratégique –⁠ Monaco-Menton-Villefranche –, c’est faire le choix d’un territoire où la science marine est déjà mondialement reconnue ; d’un site qui marie excellence académique, diplomatie climatique et coopération transfrontalière ; et d’un lieu d’accès facile, bénéficiant d’un rayonnement européen et méditerranéen.

    M. Paul Molac

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    Il fallait faire la demande !

    Mme Alexandra Masson

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    Enfin, je pense à l’enjeu de la visibilité mondiale de cet institut. Je le répète : je ne suis pas contre le projet ; je suis pour une vision plus ambitieuse, pour un institut fort, utile, capable d’attirer des chercheurs du monde entier, d’irriguer les politiques publiques et d’influencer les négociations internationales. Or pour cela, il faut choisir le bon lieu.
    Ce choix doit faire l’objet d’un appel à candidatures transparent, d’une évaluation indépendante et d’un débat parlementaire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir l’ambition de cet institut, mais à exiger une méthode rigoureuse, équitable et ouverte pour en définir les contours.
    Il ne s’agit pas de refuser un tel institut ni d’en freiner la création, mais de vouloir mieux, plus grand, pour nos océans. C’est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    Sur cette proposition de résolution, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Pour conclure cette discussion générale, je donne la parole à une députée dont la circonscription est baignée par deux océans, au moins une mer et comporte même un golfe à l’appellation actuellement un peu controversée, Mme Eléonore Caroit.

    M. Philippe Gosselin

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    La proximité de la Manche et de l’Atlantique, c’est bien aussi !

    Mme Eléonore Caroit

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    Nous sommes réunis pour parler de l’océan, un océan qui couvre près de 70 % de notre planète, la planète bleue ; un océan qui est non seulement le berceau de la biodiversité, mais aussi le garant de l’équilibre climatique global. Pourtant, l’océan suffoque. Il suffoque sous le poids de la pollution, plastique et chimique, de la surexploitation, de l’acidification, de la disparition de la biodiversité marine –⁠ autant de signaux qui doivent nous alerter et nous appeler à l’action. En tant que parlementaires, nous devons être responsables de la protection de l’océan.
    À deux mois de la troisième conférence des Nations unies sur l’Océan (Unoc 3), qui se tiendra à Nice, la France se trouve face à une occasion exceptionnelle de montrer son engagement en faveur de la préservation de l’océan.

    Mme Christine Arrighi

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    C’est du « en même temps » ?

    Mme Eléonore Caroit

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    Aujourd’hui, nous avons la possibilité de soutenir la création de l’institut Océan de l’Université des Nations unies.

    Mme Christine Arrighi

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    Et les ZFE ?

    Mme Eléonore Caroit

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    Lors de l’événement SOS Océan, qui s’est tenu avant-hier à Paris, le président de la République a détaillé les huit priorités de notre pays pour l’Unoc 3 : permettre l’entrée en vigueur du traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ) ; promouvoir une pêche durable respectueuse des écosystèmes pour notre souveraineté alimentaire ; protéger 30 % de nos océans d’ici à 2030, en augmentant le nombre et la protection des aires marines protégées ; décarboner le transport maritime ; mettre un terme à la pollution plastique ; mobiliser de nouveaux financements pour construire une économie bleue durable ; renforcer la coopération internationale pour une gouvernance efficace des océans car la cause des océans nous unit ; enfin, défendre la science et soutenir la recherche pour mieux protéger les océans.

    Mme Clémence Guetté

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    Avec 5 milliards seulement ?

    Mme Eléonore Caroit

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    L’implantation de l’institut Océan à Brest, ville qui a accueilli le One Ocean Summit et où l’on trouve déjà l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ainsi que le Campus mondial de la mer, constituerait une marque de sérieux et un signal fort d’engagement en faveur de la science.
    Le président de la République l’a rappelé : pour pouvoir créer un cadre afin de préserver les océans, il faut avant tout explorer et comprendre. Pour cela, nous avons besoin de la recherche scientifique. L’apport de la science est déterminant. Précédée par le One Ocean Science Congress, qui se tiendra à Nice du 3 au 6 juin prochain, l’Unoc 3 nourrit aussi l’ambition de renforcer la place de l’expertise scientifique dans les décisions à venir. À l’heure où les chercheurs sont empêchés d’exercer leurs missions aux États-Unis, nous devons valoriser leur expertise et mener des politiques publiques qui en tiennent compte, en France, en Europe et dans le monde.
    En cette Année de la mer, l’implantation en France d’un institut de l’Université des Nations unies sur les océans serait donc bien plus qu’un projet académique ; ce serait la création d’une force de frappe scientifique au service de la coopération internationale, d’un lieu où la formation et la recherche s’uniraient pour façonner des solutions durables, en collaboration avec nos partenaires internationaux.
    J’ai conscience qu’il s’agit d’un projet ambitieux, dont le coût est estimé à près de 37 millions d’euros. L’importance de cet engagement financier nous invite à envisager des sources de financement alternatives –⁠ nous étudions par exemple le régime du mécénat bleu. Il ne saurait en tout cas faire obstacle à la réalisation d’un projet nécessaire.
    Un tel engagement nous oblige à considérer cet investissement en faveur de l’océan pour ce qu’il est : un pari sur l’avenir que notre pays doit assumer. Fort de sa zone économique exclusive de plus de 11 millions de kilomètres carrés et du rôle de leader qu’il occupe à l’international sur des sujets comme le deep sea mining –⁠ exploitation minière des fonds marins –, notre pays est un acteur majeur de la gouvernance océanique mondiale.
    Mes chers collègues, comme je vous le disais, l’implantation de l’institut Océan de l’Université des Nations unies en France serait bien plus qu’un projet académique. C’est un projet de société, que nous pouvons faire advenir, un engagement fort que nous devons prendre en tant que parlementaires, pour faire de la France un pionnier de la recherche océanographique. Je vous invite à soutenir sans réserve cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Bravo !

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    Nous filons vers l’océan Indien : la parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.

    M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

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    Nous pouvons partir d’un constat assez partagé : l’océan n’a jamais été aussi menacé. La dégradation des écosystèmes marins, les pollutions, dont la pollution plastique, l’acidification, le réchauffement climatique, la pêche illégale, l’exploitation des ressources minérales, gazières et fossiles, voilà autant de pressions sur l’océan.
    Par son histoire, sa géographie et ses engagements internationaux, la France joue un rôle de premier plan sur la scène multilatérale en faveur de la préservation de l’océan. En amont du sommet des Nations unies sur les océans que nous accueillerons à Nice du 9 au 13 juin, notre pays a intensifié ses efforts pour promouvoir la gouvernance durable des espaces maritimes, la préservation de la biodiversité marine et la lutte contre la pollution plastique.
    Je pense au One Ocean Summit qui s’est tenu à Brest –⁠ ville qui vous est chère, monsieur le député Cadalen, ainsi qu’à M. Didier Le Gac – en février 2022 et qui a marqué un tournant dans notre engagement collectif pour la protection des océans. Ce sommet a réuni des chefs d’État, des scientifiques, des représentants de la société civile, des élus et des acteurs économiques autour d’une ambition commune : préserver les richesses de l’océan et garantir sa durabilité pour les générations futures.
    La prise de conscience allant croissant, les engagements furent au rendez-vous. Une coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer, déterminante pour l’adoption de l’accord dit BBNJ sur la biodiversité en haute mer, a vu le jour. Le label « Green Marine Europe », réunissant les principaux armateurs pour agir contre le réchauffement climatique, a été créé. L’Union européenne s’est engagée à se doter d’un jumeau numérique de l’océan rassemblant les données existantes afin de le cartographier.
    Je pense aussi à l’accord se rapportant à la Convention des Nations unies relative au droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable des zones marines ne relevant pas des juridictions nationales, plus communément appelé accord BBNJ. Il s’agit d’une véritable victoire diplomatique, la France ayant été parmi les premiers pays à signer cet accord, dès septembre 2023 au siège des Nations unies à New York. Le Parlement en a autorisé la ratification à la fin de l’année dernière.
    La proposition de résolution visant à créer un institut Océan de l’Université des Nations unies en France présentée aujourd’hui s’inscrit dans la droite ligne des engagements qu’a pris la France et de l’agenda qu’elle a défendu lors du One Ocean Summit.
    Le gouvernement français est mobilisé sur ces enjeux, à l’aube de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, plus grande conférence internationale relative à l’océan, que nous co-organisons avec le Costa Rica et qui se tiendra à Nice en juin prochain.
    La science et l’éducation à l’océan seront au cœur de l’Unoc ; la protection de l’océan ne pourra se faire sans une coopération scientifique internationale renforcée ni sans l’engagement d’étudiants et de citoyens formés et sensibilisés à ces enjeux. L’Unoc sera ainsi l’occasion de valoriser les avancées et données scientifiques, en particulier dans le cadre du One Ocean Science Congress, qui précédera la conférence.
    Ce congrès réunira les meilleurs experts mondiaux pour partager les dernières avancées scientifiques et définir les priorités de recherche pour les années à venir. Les États seront informés des conclusions des scientifiques la veille de l’ouverture de la conférence, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan qui aura lieu le 8 juin. D’autres résultats scientifiques seront mis à l’honneur, et seront par ailleurs entérinés la transformation de la société Mercator Ocean en organisation internationale ainsi que le soutien renforcé à la plateforme Ipos –⁠ International Platform for Ocean Sustainability, Plateforme internationale pour la durabilité de l’océan –, qui est une interface entre science et politique susceptible d’accompagner les États souhaitant accomplir leurs objectifs de protection de l’océan.
    Nous accueillons favorablement tout projet consistant à protéger l’océan et à renforcer la présence d’organisations internationales en France. Si le gouvernement, dans le contexte budgétaire actuel, ne peut donner une suite favorable à cette proposition de résolution, l’État entend continuer à travailler avec l’Université des Nations unies et les collectivités locales associées pour parvenir à une offre consolidée, dans le prolongement de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan. Nous continuerons à étudier la possibilité d’installer un institut Océan de l’Université des Nations unies en France, car nous sommes convaincus qu’il est pertinent d’éclairer les décideurs politiques à l’aide de la meilleure connaissance scientifique disponible sur l’état de santé de l’océan.
    Un dernier mot, mesdames et messieurs les députés : parmi les priorités de l’Unoc figure l’entrée en vigueur du BBNJ, que j’évoquais en introduction. Je salue à cet égard l’engagement de la députée Eléonore Caroit (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR),…

    M. Gabriel Attal

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    Moi aussi !

    M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué

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    …qui s’acquitte d’une mission déterminante pour faire avancer la ratification de cet accord au sein des différents États parties. Son travail, ainsi que l’implication de nombreux parlementaires de tous bords, nous rapproche des soixante ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur de l’accord d’ici à juin prochain.

    M. Gabriel Attal

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    Un travail remarquable ! Bravo, Eléonore Caroit !

    M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué

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    J’y prends moi-même toute ma part lors des entretiens bilatéraux que je peux mener.
    La protection de l’océan est une responsabilité collective ; c’est pourquoi je vous appelle à vous mobiliser, à vous engager et à utiliser vos réseaux. Évoquez cette grande conférence internationale qu’est l’Unoc, évoquez l’enjeu de la ratification du BBNJ ; et surtout, évoquez l’enjeu qui nous concerne tous, celui qui a trait à la protection et à la pérennité de nos océans. Votre soutien est crucial pour que la France continue d’œuvrer et de rayonner en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. –⁠ M. Philippe Gosselin et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)

    Vote sur la proposition de résolution

    M. le président

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    Je mets aux voix la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        138
            Nombre de suffrages exprimés                103
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                103
                    Contre                0

    (La proposition de résolution est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)

    M. le président

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    L’Assemblée nationale a adopté la proposition de résolution, et les océans sont sauvés !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    4. Contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de  Mme Léa Balage El Mariky, M. Stéphane Mazars et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes (nos 960, 1174).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Vous le savez, notre pays a connu, en 2024, deux périodes de transition au cours desquelles les premiers ministres Attal et Barnier, accompagnés de leurs équipes respectives, ont conservé leurs ministères en attendant la nomination de leurs successeurs –⁠ soixante-sept jours pour le premier, près de trois semaines pour le second. Sous la Ve République, jamais une telle incertitude institutionnelle n’avait duré si longtemps.
    On le sait : dans un régime parlementaire –⁠ et la Ve  République en est un –, un gouvernement ne peut en principe exercer son pouvoir qu’en vertu de la confiance que lui accorde la représentation nationale, c’est-à-dire nous. Dès lors que ce lien est rompu, par l’effet d’une motion de censure par exemple, il perd son titre et ne peut légitimement gouverner. Si la continuité de l’État implique qu’il reste en exercice en attendant la formation d’un nouveau gouvernement, c’est uniquement sous une forme édulcorée : il doit s’en tenir à l’expédition des affaires courantes et n’est plus compétent pour adopter des orientations politiques.
    C’est la raison pour laquelle sa responsabilité ne peut plus être engagée. « On ne tue pas les morts », dit-on. Il est évident que ces périodes de transition ne peuvent rester inoffensives sans un contrôle démocratique digne de ce nom. Or, au cours de la bien nommée trêve olympique, les parlementaires ont assisté impuissants au spectacle de l’expédition des affaires courantes, alors même que de nombreuses décisions prises au cours de cette période touchaient aux libertés publiques. Tout au plus étions-nous informés par voie de presse.
    Le paradoxe est donc le suivant : au moment même où le gouvernement perd sa légitimité politique, le Parlement voit ses capacités singulièrement réduites. Il est évident que nous ne pouvions pas, en tant que parlementaires, laisser perdurer un tel angle mort. C’est tout l’intérêt de la mission d’information flash que nous avons menée avec mon collègue Stéphane Mazars –⁠ je le remercie –, dont les conclusions ont été rendues le 11 décembre dernier.
    À la suite de la présentation du rapport de cette mission, tant le président de la commission que la présidente de l’Assemblée nationale ont souhaité que nous puissions agir pour renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes. C’est le sens de la présente proposition de loi.
    Son objectif est simple : garantir que la continuité de l’État ne se fasse pas au détriment de notre démocratie parlementaire, donc consolider le rôle du Parlement dans ces temps de transition dont le nombre pourrait augmenter et la durée, s’allonger.
    Dans cet esprit, l’article 1er du texte propose une innovation majeure : permettre à certains parlementaires –⁠ les présidents des assemblées et les présidents des commissions permanentes, auxquels la commission des lois a ajouté les présidents des groupes parlementaires – de saisir le juge administratif contre des décisions qui outrepasseraient le cadre strict de l’expédition des affaires courantes et urgentes.
    Ce droit de recours n’existe pas aujourd’hui. La jurisprudence administrative a toujours refusé de reconnaître un intérêt à agir aux parlementaires dans ce type de configuration. Il revient donc au législateur –⁠ c’est-à-dire à nous – de combler ce vide juridique.

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Certains nous objectent que cela contreviendrait à la séparation des pouvoirs. Permettez-moi de le dire franchement : cet argument est commode, mais il est fallacieux. La séparation des pouvoirs ne signifie pas que l’exécutif agit sans contre-pouvoir ; elle signifie au contraire que chaque pouvoir limite l’autre. Si nous voulons que, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », comme le disait Montesquieu, alors il faut renforcer le contrôle parlementaire.
    Alors que nous assistons au développement de dérives autoritaires, que la hiérarchie des normes vacille, que la séparation des pouvoirs est attaquée jusque dans les démocraties les plus établies, il est de notre devoir de protéger l’État de droit.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Tout à fait !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Par cette disposition, nous apporterons une pierre modeste, mais solide, à l’édifice. Elle ne tend pas à entraver l’exécutif. Elle vise simplement à renforcer les prérogatives du Parlement lorsque le gouvernement ne peut plus être renversé. C’est tout à la fois une précaution et une exigence républicaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, LIOT et GDR. –⁠ M. Philippe Gosselin applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Avant d’évoquer l’article 2 de la proposition de loi, je tiens à souligner que je souscris pleinement aux propos de ma collègue Léa Balage El Mariky. Il ne nous semble pas opportun d’étendre davantage le champ des parlementaires ayant intérêt à agir. La commission des lois a rejeté les amendements en ce sens, pour plusieurs raisons.
    Si l’on s’alignait sur ce qui est prévu pour le contrôle de constitutionnalité, comme un amendement le prévoit, pourquoi 60 députés auraient-ils intérêt à agir, mais pas 59 ? Cela irait à l’encontre de l’esprit même de l’intérêt à agir en droit administratif, qui dépend de la qualité de la personne.
    Si l’on étendait l’intérêt à agir à un cinquième des membres d’une assemblée, comme le prévoit un autre amendement, cela instaurerait un déséquilibre inexplicable entre l’Assemblée et le Sénat, puisque les deux chambres ne comptent pas le même nombre de membres : 116 députés seraient nécessaires pour avoir intérêt à agir, mais seulement 70 sénateurs.

    M. Philippe Gosselin

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    Pour la saisine du Conseil constitutionnel, il faut 60 députés ou 60 sénateurs.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Pour toutes ces raisons, il nous semble préférable d’adopter le texte issu de la commission ou, éventuellement, de rétablir la proposition de loi initiale. À titre personnel, je m’en remettrai à votre sagesse sur les deux amendements visant à rétablir le périmètre du texte initial –⁠ autrement dit, sans les présidents des groupes.
    J’en viens à l’article 2 de la proposition de loi. Celui-ci est une réponse à l’un des constats que nous avons faits dans le cadre de notre mission flash : la faiblesse du contrôle exercé par le Parlement à l’été 2024, tant au moment où il ne siégeait pas que pendant la session ouverte de droit pour quinze jours à compter du 18 juillet 2024.
    Je souhaite d’abord actualiser un constat : pendant la période d’affaires courantes de décembre 2024, le contrôle parlementaire a été un peu plus important que pendant l’été précédent, même s’il pourrait encore être renforcé. Nous avons ainsi noté plusieurs éléments intéressants. D’abord, le dépôt des questions écrites est resté possible, contrairement à ce qui s’était passé à l’été 2024. Ensuite, s’il n’y a pas eu de séquence de questions au gouvernement, il y a eu néanmoins des questions au premier ministre, une fois celui-ci nommé et alors que les ministres du gouvernement précédent expédiaient toujours les affaires courantes. Cela a d’ailleurs permis de l’interroger sur la situation urgente de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido. Enfin, les commissions se sont réunies et, pour certaines, ont auditionné des ministres démissionnaires quand l’urgence de la situation le justifiait. C’est le cas de la commission des finances, qui a entendu les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur le projet de loi spéciale. C’est également le cas de la commission des affaires étrangères, qui a auditionné le ministre démissionnaire Jean-Noël Barrot sur la situation en Syrie à la suite de la chute du régime.
    Nous tenons à saluer ce travail et ces échanges, qui nous semblent être de bonnes pratiques à appliquer durant de telles périodes. Nous formons d’ailleurs le vœu qu’elles se généralisent en cas de périodes d’affaires courantes qui dépasseraient une courte durée.
    Il n’en demeure pas moins que ce contrôle doit être renforcé. C’est tout l’objet de l’article 2 de la proposition de loi, qui prévoit, sur le modèle de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, une information du Parlement sur l’activité du gouvernement en période d’affaires courantes. Le gouvernement devrait, dans ce cadre, transmettre sans délai aux deux assemblées les mêmes actes que ceux pouvant faire l’objet d’un recours introduit par des parlementaires en application de l’article 1er : ordonnances, décrets, textes réglementaires et individuels pris par les ministres, nominations sensibles.
    L’article 2 permettrait en outre à l’Assemblée nationale et au Sénat de requérir toute information complémentaire. Enfin, il prévoit la remise au Parlement, par le nouveau gouvernement, d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.
    La commission des lois a adopté ce dispositif en y apportant des modifications marginales, touchant au périmètre des actes administratifs concernés.
    Nous espérons que la proposition de loi fera l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée, comme ce fut le cas au sein de la commission des lois –⁠ celle-ci l’a adoptée la semaine dernière à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs des commissions. –⁠ M. Vincent Caure applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement

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    La présente proposition de loi soulève la question de l’évolution de nos pratiques institutionnelles et politiques ainsi que celle de l’adaptation du fonctionnement de nos institutions, dans le souci de consolider notre démocratie.
    Certains ont pu estimer que le retour, comme l’an dernier, de longues périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire constituait la manifestation d’un dysfonctionnement institutionnel. D’emblée, je veux souligner ici qu’une telle affirmation doit être relativisée au regard de notre histoire politique, car cette méthode de gestion des affaires publiques est bien connue de notre pays. Elle est par construction temporaire et placée sous le contrôle exigeant du juge administratif. Surtout, elle constitue une nécessité pour assurer la continuité de la vie de la nation dans des périodes de perturbations politiques.
    En effet, je rappelle que, sous la IIIe République, 109 gouvernements, d’une durée moyenne de sept mois, se sont succédé, traversant 437 jours de crise. Sous la IVe République, 20 gouvernements se sont succédé, traversant 347 jours de crise. Il est vrai qu’avec la Ve République, l’avènement du fait majoritaire a permis de mettre un terme au fléau de l’instabilité gouvernementale dont a souffert notre pays et de lui assurer une stabilité politique. Toutefois, vous le savez, en démocratie, rien n’est jamais acquis, et les résultats des élections législatives de 2022 et de 2024, avec une Assemblée nationale qui se caractérise désormais par une plus grande diversité de ses forces politiques,…

    M. Xavier Breton

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    C’est dit gentiment !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …nous rappellent à quel point le recours à un gouvernement expédiant les affaires courantes peut s’avérer indispensable.
    Il est légitime que, dans ce contexte, votre assemblée ait souhaité se saisir de la question du contrôle du gouvernement par le Parlement –⁠ conformément à sa mission constitutionnelle résultant de l’article 24 de notre loi fondamentale – dans une période si particulière pendant laquelle les mécanismes de contrôle politique ne peuvent plus jouer de manière totalement efficiente.
    À cet égard, chacun d’entre nous a particulièrement à l’esprit la période des affaires courantes de l’été 2024 –⁠ vous l’avez évoquée, madame la rapporteure. Au cours de cette période, notre pays a fonctionné soixante-sept jours sous l’autorité d’un gouvernement qui, bien que démissionnaire, a continué d’exercer des prérogatives, certes limitées mais parfois sensibles, au nom de la continuité de l’État, alors même que le lien de responsabilité qui l’unissait au Parlement était distendu. Depuis les débuts de la Ve République, jamais une période de transition gouvernementale n’avait duré aussi longtemps, ce qui explique que vous ayez souhaité vous emparer du sujet. Le gouvernement considère comme bienvenu et légitime le souci que vous exprimez de renforcer les mécanismes de contrôle parlementaire dans de telles périodes spécifiques.
    Je tiens à rendre hommage à cette initiative des députés Léa Balage El Mariky, Stéphane Mazars et Florent Boudié, président de la commission des lois. Elle s’appuie sur le travail rigoureux mené dans le cadre de la mission d’information flash lancée par la même commission en octobre 2024. En la matière, je relève également la proposition de loi déposée par le président Jérémie Iordanoff ainsi que celle du président Gérard Larcher et de la sénatrice Sylvie Vermeillet. Ces deux derniers textes soulèvent des questions connexes mais se rapportent à un contexte plus large pendant lequel le contrôle politique du gouvernement par le Parlement trouve pleinement à s’appliquer et pour lequel le recours à un mécanisme de contrôle juridictionnel me semble poser quelques questions plus délicates.
    Le texte qui requiert aujourd’hui notre attention ne remet nullement en cause la répartition des compétences entre les pouvoirs publics constitutionnels, ni leur équilibre. Il ne pourrait d’ailleurs en être autrement, puisque le champ d’action de la loi ordinaire en ces matières est par nature restreint, les grands équilibres de nos institutions relevant de la Constitution.
    Toutefois, il est vrai qu’existe, dans ces périodes de gestion des affaires courantes, une asymétrie entre un pouvoir exécutif qui dispose encore d’une capacité, certes restreinte mais réelle, de prendre des décisions réglementaires et individuelles et un Parlement dont les moyens de contrôle se trouvent, de fait, très limités.
    Nous ne partons pas d’une page blanche : le champ des affaires courantes est strictement encadré et placé sous le contrôle du juge administratif. Le Conseil d’État en a validé le principe et tracé les limites dans l’arrêt Brocas du 19 octobre 1962. Auparavant, les affaires courantes avaient été définies par Maurice Faure de la manière suivante : « ce ne sont pas les affaires secondaires et subalternes, mais les affaires dont l’urgence vient à échéance au moment où un gouvernement, bien que renversé, n’est pas encore remplacé par un autre ministère ». Autrement dit, les affaires courantes recouvrent les affaires ordinaires –⁠ c’est-à-dire les actes dont la nécessité résulte de la marche normale des services de l’État –, les mesures de pure administration –⁠ qui ne nécessitent aucune appréciation juridique ni politique particulière – et les affaires urgentes –⁠ qui requièrent des décisions que la nécessité immédiate et objective commande de prendre sans attendre la nomination d’un nouveau gouvernement.
    Ainsi, entre le 16 juillet et le 21 septembre 2024, 340 décrets ont été pris, soit moitié moins qu’au cours de la même période l’année précédente. La commission des lois constate, dans son rapport d’information, que le gouvernement démissionnaire de l’été 2024 a globalement respecté le cadre jurisprudentiel établi par le Conseil d’État et précisé par le secrétariat général du gouvernement (SGG) dans une note rendue publique. On peut d’ailleurs comparer ces chiffres aux 488 décrets et 800 arrêtés signés par le gouvernement d’Edgar Faure à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale le 30 novembre 1955.
    Dès lors que les mécanismes de contrôle politique ne peuvent qu’imparfaitement jouer leur rôle en période d’affaires courantes, faut-il permettre aux parlementaires d’avoir recours au juge administratif ? Chacun ici comprend que la réponse est délicate, car elle est de nature à placer le juge dans une position d’arbitre de conflits entre pouvoirs publics constitutionnels, alors que tels ne sont ni son rôle ni sa vocation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans sa jurisprudence, le Conseil d’État fait preuve d’une certaine prudence lorsqu’il s’agit de reconnaître l’intérêt à agir des parlementaires, ès qualités, en matière de recours pour excès de pouvoir. En revanche, cette restriction ne fait pas obstacle à ce qu’un parlementaire puisse invoquer, comme tout requérant, une qualité personnelle pour justifier d’un intérêt à agir, dès lors qu’il est affecté de façon suffisamment directe et certaine par un acte qu’il souhaite attaquer.
    À cette question la proposition de loi initiale apportait une réponse nuancée, que le gouvernement estime raisonnable : elle introduisait une ouverture qu’elle limitait aux seuls présidents des assemblées parlementaires et présidents des commissions permanentes.
    Certes, il n’est pas habituel que la question de l’intérêt à agir, traditionnellement régie par la jurisprudence administrative, soit réglée par la loi. Toutefois, de notre point de vue, le caractère si particulier de ces périodes d’expédition des affaires courantes est de nature à justifier une intervention du législateur.
    En commission, la liste des parlementaires justifiant d’un intérêt à agir a été élargie aux présidents de groupe politique. Je comprends les raisons qui sous-tendent cette extension : il s’agit notamment de permettre que puissent agir en justice les parlementaires issus de groupes qui, en raison des équilibres politiques de leur chambre, n’ont pas accès aux fonctions citées dans la liste initiale.
    Le gouvernement prend acte de l’équilibre auquel est parvenue la commission des lois. Il me semble nécessaire de s’en tenir à cette solution dès lors qu’elle organise un accès au recours pour excès de pouvoir sans pour autant menacer nos pouvoirs publics de paralysie. Aller au-delà conduirait nécessairement à transporter au sein des prétoires de la justice administrative des débats de nature politique entre pouvoirs publics constitutionnels. Chaque acte pris par un gouvernement expédiant les affaires courantes, y compris le plus anodin, pourrait donner prétexte à un recours juridictionnel. C’est pourquoi, le gouvernement sera défavorable à tous les amendements visant à étendre encore la liste des parlementaires se voyant reconnaître un intérêt à agir.
    La proposition de créer une obligation de transmission au Parlement de certains actes pris par l’exécutif en période de gestion des affaires courantes paraît bienvenue : le gouvernement ne formule aucune objection sur ce point.
    Je note que le texte de la proposition de loi se borne à reprendre ce qui trouve à s’appliquer dans le cas où l’état d’urgence est engagé sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 et ce qui s’est pratiqué pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire. À période exceptionnelle, contrôle parlementaire exceptionnel : cela est parfaitement légitime ! Sur ce point également, le travail de votre commission a permis de définir un équilibre satisfaisant aux yeux du gouvernement en rationalisant le champ des actes administratifs qui doivent être transmis.
    À l’heure où la stabilité démocratique est un bien précieux…

    M. Xavier Breton

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    Oh oui !

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, n’est-ce pas ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …au moment où nos concitoyens aspirent à des institutions exemplaires, transparentes et responsables, le gouvernement salue votre volonté de mieux encadrer juridiquement des situations de transition qui, par le passé, ont pu créer de l’incertitude.
    Il est de notre responsabilité collective de faire vivre un Parlement qui contrôle, un exécutif qui rend compte, un État qui agit dans les limites de ses compétences. Les travaux de la commission ont démontré la réalité de cette conscience collective et nous nous en réjouissons. C’est pourquoi, au nom du gouvernement, je souhaite que ce texte puisse prospérer dans un climat de dialogue, de confiance et de coopération entre les pouvoirs publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Faisant suite aux excellents travaux de nos collègues Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars, le texte que nous examinons vise à renforcer le contrôle du Parlement sur le gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. C’est un texte bienvenu même s’il reste quelque peu timide.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Un texte équilibré, plutôt !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Si l’expérience d’un gouvernement démissionnaire n’était pas inconnue des Républiques précédentes, en particulier de la IVe République –⁠ Mme la ministre l’a rappelé –, elle fût plus rare sous la Ve République et elle soulève une problématique très différente.
    En effet, alors que la IVe République prévoyait une procédure d’investiture du président du Conseil par le Parlement, l’article 8 de notre Constitution donne tout pouvoir au président de la République pour nommer le premier ministre et former un gouvernement avec lui sans délai contraignant ni nécessité d’un vote de confiance –⁠ et croyez bien que je le déplore. Parce que ce dispositif laisse une grande marge de liberté à l’exécutif, nous avons connu, l’année dernière, une période d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire particulièrement marquante.
    À la suite des élections législatives de 2024, provoquées par une dissolution incompréhensible et hautement perturbatrice de notre vie politique, le président de la République a choisi de décréter une invraisemblable trêve olympique et de renvoyer au mois de septembre la nomination d’un premier ministre ; il a en outre fait un choix orthogonal au barrage républicain qui s’était exprimé dans les urnes. Ce premier ministre, en la personne de Michel Barnier, n’aura d’ailleurs pas tenu bien longtemps.
    Ainsi, les ministres du gouvernement Attal ont-ils expédié les affaires courantes du 16 juillet au 21 septembre, date de nomination du nouveau gouvernement, soit pendant une période exceptionnellement longue de soixante-sept jours que rien ne venait justifier ! Une telle durée amène à s’interroger sur le pouvoir de contrôle du Parlement lorsque la censure d’un gouvernement démissionnaire est impossible.
    Le texte que nous étudions vise précisément à accroître ce contrôle pendant les périodes d’expédition des affaires courantes, notion définie depuis 1952 par la jurisprudence du Conseil d’État, qui l’entend –⁠ un arrêt rendu depuis juillet 2024 en témoigne – de manière fort large.
    L’article 1er est le plus important. Il octroie un intérêt à agir spécifique à certains parlementaires afin de former un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif à l’encontre de certains actes administratifs édictés lorsque le gouvernement expédie les affaires courantes.
    Un débat intéressant a eu lieu en commission pour déterminer qui devait bénéficier de cette possibilité. Ainsi que je m’y étais engagé, j’ai retravaillé mon amendement visant, sur la base d’une suggestion de Daniel Labetoulle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, à ouvrir cette faculté à l’ensemble des parlementaires.
    Sur ce point, je sais qu’existent avec les rapporteurs des divergences de vues…

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure et M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Des nuances !

    M. Jérémie Iordanoff

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    …ou des nuances : je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. En tout état de cause, je demeure convaincu qu’il est nécessaire de doter les parlementaires d’un réel outil de contrôle de l’activité normative du gouvernement, démissionnaire ou non, et je sais que nous aurons des débats à ce sujet.
    L’article 2 de la proposition de loi prévoit une information du Parlement sur l’activité du gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. C’est une disposition bienvenue qui va de soi.
    Le groupe Écologiste et social votera en faveur du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    L’été 2024 a marqué un tournant inédit dans notre vie institutionnelle : pendant soixante-sept jours, le gouvernement a expédié les affaires courantes. Cette période record sous la Ve République –⁠ la durée moyenne de gestion des affaires courantes était jusqu’ici de deux semaines – a mis en évidence les fragilités de notre système de contrôle démocratique dans ces moments de transition.
    Il faut le dire clairement –⁠ vous l’avez fait, madame la ministre : le gouvernement démissionnaire a respecté le cadre fixé par le secrétariat général du gouvernement et le Conseil d’État, qui sont respectivement chargés du contrôle a priori et a posteriori de la légalité de son action. Ainsi, en 2024, aucun acte du gouvernement démissionnaire n’a-t-il été suspendu ou annulé par le juge administratif au motif qu’il aurait excédé le champ des affaires courantes.
    Cela étant, durant cette période, le contrôle parlementaire aurait pu –⁠ et dû – être renforcé. Car ces semaines d’entre-deux ne sont pas anodines : elles plongent nos institutions dans une forme d’incertitude puisque le gouvernement reste en place mais avec des marges d’action réduites.
    Dans ce contexte, le rôle du Parlement devient d’autant plus essentiel. C’est précisément parce que cette période sort de l’ordinaire que notre capacité de contrôle doit pleinement s’exprimer.
    La proposition de loi que nous examinons a été déposée pour tenir compte de cet enjeu. Elle s’appuie sur les travaux de la mission d’information lancée à l’automne dernier, et son ambition est claire : garantir que le Parlement reste pleinement actif, même quand le gouvernement est en sursis.
    Le texte apporte deux avancées majeures.
    En premier lieu, il donne aux présidents des assemblées et des commissions permanentes la possibilité de contester devant le juge administratif un acte réglementaire pris en dehors du champ des affaires courantes. C’est une avancée démocratique qui permet au Parlement de défendre ses prérogatives face à un exécutif dépassant le périmètre d’action autorisé. Le juge administratif n’ayant jamais reconnu l’intérêt à agir des parlementaires ès qualités, il est nécessaire de combler un vide tout en restant prudents. En conséquence, ce droit est réservé aux présidents des assemblées et des commissions permanentes afin d’éviter les blocages ou les recours abusifs.
    Nous proposerons ainsi de revenir sur un amendement adopté en commission qui avait étendu aux présidents de groupes la reconnaissance de l’intérêt à agir. En effet, si le rôle institutionnel des présidents d’assemblée ou de commission justifie qu’ils puissent agir, il n’en va pas de même pour les présidents de groupes dont la démarche apparaîtrait inévitablement plus politique que juridique.
    En second lieu, le texte consacre une avancée grâce à l’information systématique du Parlement sur l’activité gouvernementale durant la période d’expédition des affaires courantes, dès l’acceptation de la démission du premier ministre. En application du principe simple mais fondamental de la nécessaire transparence, devront notamment être transmis les ordonnances du président de la République et les décrets qu’il signe, en particulier ceux portant nomination en conseil des ministres, ainsi que l’ensemble des actes réglementaires pris par les ministres et leurs circulaires de portée générale.
    Cette proposition de loi ne remet en cause ni la continuité de l’État, ni la stabilité de nos institutions. Elle ne restreint pas l’action du gouvernement lorsqu’elle est indispensable ; elle rétablit l’équilibre entre les pouvoirs exécutifs et législatifs, qui est toujours nécessaire, y compris en période transitoire car notre démocratie parlementaire doit rester pleinement active, même entre deux gouvernements.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme la rapporteure et M. le rapporteur applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Moulliere.

    M. Jean Moulliere

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    Durant l’été 2024 une situation inédite s’est produite : pour la première fois sous la Ve République, un gouvernement démissionnaire a assuré l’expédition des affaires courantes pendant soixante-sept jours. Cette période a été longue mais bien menée : du 17 juillet au 21 septembre 2024, le gouvernement démissionnaire du premier ministre Gabriel Attal a exercé cette mission en respectant, « de manière générale, les limites jurisprudentielles des affaires courantes ». La preuve en est qu’aucune décision prise durant cette période n’a fait l’objet d’une suspension ou d’une annulation par le juge administratif au motif qu’elle excédait les prérogatives d’un gouvernement démissionnaire.
    Ces constats figurent dans le rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, publié en décembre 2024.
    À l’époque, le groupe Horizons & indépendants avait salué la mission d’information ainsi que son caractère transpartisan. Cette initiative a en effet permis de réaliser un bilan ex post approfondi sur la gestion des affaires courantes. Un tel travail parlementaire était non seulement une nécessité démocratique, mais aussi une illustration supplémentaire de l’investissement de notre assemblée dans sa mission constitutionnelle de contrôle du gouvernement pendant une période à laquelle notre pays n’est, fort heureusement, que peu habitué depuis 1958.
    Le rapport de la mission flash a toutefois mis en lumière les lacunes du contrôle du Parlement sur l’action d’un gouvernement démissionnaire. En effet, aucune disposition de notre droit ne prévoit une saisine de l’une des chambres, ou des deux, alors même que le risque d’un dépassement de ses prérogatives par le gouvernement démissionnaire existe. Conformément aux principes démocratiques fondamentaux de notre pays, il est essentiel que le Parlement puisse pleinement exercer son rôle de contrôle et pas seulement de manière ponctuelle à l’occasion d’une mission flash.
    Le groupe Horizons & indépendants avait souligné la qualité et la richesse du rapport d’information. Aujourd’hui, il salue sa traduction législative : les mesures proposées apparaissent en effet nécessaires. Même lorsque le gouvernement expédie les affaires courantes, le contrôle parlementaire de son action doit être garanti. La séparation des pouvoirs et l’équilibre institutionnel fixés par notre Constitution ne disparaissent pas du seul fait qu’un gouvernement est démissionnaire.
    Pour toutes ces raisons, notre groupe soutient pleinement cette proposition de loi. Nous approuvons tout particulièrement les dispositions visant à inscrire dans la loi une information du Parlement sur l’activité du gouvernement en période de gestion des affaires courantes, à l’image de ce qui est prévu par l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
    Toutefois, notre groupe est opposé à l’extension aux présidents des groupes parlementaires de la reconnaissance de l’intérêt à agir. Une telle mesure risquerait d’introduire une politisation excessive des recours pour excès de pouvoir.
    Nous proposerons un amendement visant à limiter le champ ouvert à l’article 1er aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes. C’est ce que prévoyait la version initiale de la proposition de loi et cela semble suffisant dans la mesure où la présidence de la commission des finances est réservée à un groupe d’opposition en vertu des dispositions de l’article 39 de notre règlement. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    En 2024, les soixante-sept jours du gouvernement démissionnaire de notre collègue Gabriel Attal ont été marqués par une absence totale de contrôle du Parlement. Cette période incertaine n’a fait que renforcer le sentiment d’affaiblissement de notre démocratie.
    C’est paradoxal : alors qu’un gouvernement démissionnaire a perdu toute légitimité, il gagne une liberté d’action qu’un gouvernement de plein exercice n’a pas !

    Mme Christine Arrighi

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    Eh oui !

    M. Paul Molac

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    Pendant ces soixante-sept jours, certes dans un périmètre restreint, les membres du gouvernement ont pu agir sans jamais informer le Parlement ni rendre de comptes, et sans aucun contrôle parlementaire. Or on parle tout de même de 340 décrets et 1 650 arrêtés en trois mois, dont plusieurs nominations et choix stratégiques.
    Ainsi, en période d’affaires courantes, notre assemblée perd ses principales armes : sa capacité de censurer le gouvernement, ou la possibilité de le questionner du fait de l’absence de questions au gouvernement.
    Cette proposition de loi vise donc avant tout à protéger le Parlement face à l’action de l’exécutif, et le groupe LIOT soutient une logique d’équilibre. La continuité de l’État et des services publics est nécessaire afin de ne pas tomber dans l’instabilité, mais il faut assurer une juste information des parlementaires et le contrôle du gouvernement.
    Notre groupe salue le choix de définir plus précisément les trois cas où le gouvernement voit son action limitée : la démission acceptée par le président, la censure et le rejet du discours de politique générale. Nous aurions également souhaité qu’en cas de dissolution, et donc en cas d’élections anticipées, l’exécutif se cantonne également aux affaires courantes.
    Nous sommes évidemment favorables à la création de ce nouveau régime d’information et de contrôle des assemblées en période d’affaires courantes. La liste des actes concernés, qui s’inspire du régime de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, est très complète, ce qui redonnera toute son utilité au contrôle parlementaire.
    Nous soutenons aussi les dispositions de l’article 1er, qui donnent intérêt à agir aux présidents des chambres et des commissions pour contester la légalité de certains actes devant le juge administratif. En commission, notre groupe a fait adopter un amendement qui étend cette faculté à tous les présidents de groupe, seul moyen de préserver les droits des groupes minoritaires et d’opposition.
    Nous constatons que le texte comporte un angle mort : il ne traite que des circulaires et des instructions sans prendre en considération certains actes dits de droit souple, comme les recommandations ou les communiqués, qui peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif lorsqu’ils ont une portée normative. Il est nécessaire de compléter le dispositif prévu.
    Nous avons conscience que le champ d’action des rapporteurs avait des limites dès lors que plusieurs modifications éventuelles relevaient d’une révision constitutionnelle ou, tout simplement, des bonnes pratiques.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Absolument.

    M. Paul Molac

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    Nous voulons toutefois signaler deux omissions.
    Si la proposition de loi encadre ce que peut faire un ministre démissionnaire, et donc en creux, ce qu’il ne doit pas faire, il nous semble qu’il conviendrait également de rappeler les devoirs du gouvernement démissionnaire. Je rappelle que les ministres concernés perçoivent toujours leur traitement. En 2024, beaucoup de territoires se sont retrouvés délaissés. Certains députés ultramarins de notre groupe ont souligné l’impossibilité d’obtenir des informations ou une aide de l’administration centrale et du gouvernement durant cette période.
    En outre, comme le proposait la mission flash, il aurait été utile de s’inspirer du fonctionnement des commissions d’enquête et de pouvoir convoquer les ministres démissionnaires pour les auditionner sous serment. Ainsi, la commission des finances, qui ne disposait pas de certains documents budgétaires pourtant indispensables, aurait peut-être pu plus facilement répondre à l’inquiétude relative à la situation budgétaire.
    Malgré ces deux réserves, notre groupe votera pour la proposition de loi. (Mme la rapporteure et M. le rapporteur applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Brugerolles.

    M. Julien Brugerolles

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    À la suite des élections législatives de l’été dernier et de la démission du gouvernement Attal, notre pays a traversé une période sans précédent dans l’histoire de la IVe et de la Ve République.
    Pendant soixante-sept jours, le gouvernement démissionnaire a assuré l’expédition des affaires courantes. Ce contexte inédit explique pourquoi le groupe Écologiste et social a demandé la création d’une mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire.
    Il s’agissait de déterminer si les décisions prises par les ministres démissionnaires entre le 16 juillet et la nomination du gouvernement Barnier, le 21 septembre, étaient justifiées.
    Bien que la notion d’affaires courantes ne figure pas dans la Constitution de 1958, elle a été précisée par la jurisprudence administrative. Le Conseil d’État a en effet affirmé que les actes pris par un gouvernement démissionnaire devaient être strictement limités aux affaires courantes, excluant toute décision structurante ou politique.
    La mission flash a utilement permis de clarifier le nombre, la nature et le périmètre des actes édictés par le gouvernement à l’été 2024. Le gouvernement démissionnaire a globalement respecté le cadre jurisprudentiel établi par Conseil d’État et précisé par le secrétariat général du gouvernement.
    Cependant, les rapporteurs ont souligné la faiblesse notable du contrôle parlementaire durant cette période. À notre grand regret, la représentation nationale a été maintenue dans un rôle de spectatrice impuissante.

    M. Paul Molac

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    Tout à fait !

    M. Julien Brugerolles

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    Compte tenu de cette expérimentation démocratique regrettable –⁠ devrais-je dire douloureuse –, lorsqu’une période d’expédition des affaires courantes dépasse quelques heures ou quelques jours, il est impératif que le Parlement assure un contrôle renforcé de l’action du gouvernement démissionnaire, en complément du contrôle juridictionnel par le juge administratif.
    En effet, même si le Parlement ne dispose plus de son outil de contrôle le plus puissant –⁠ la motion de censure –, il peut, et doit, continuer à contrôler l’action du gouvernement démissionnaire : cela implique évidemment de s’assurer que les actes pris par ce dernier entrent bel et bien dans le périmètre des affaires courantes, mais également de vérifier que les actions de représentation du gouvernement démissionnaire n’excèdent pas les limites fixées par la jurisprudence.
    Les dispositions de la proposition de loi, qui reprennent des préconisations du rapport d’information, vont dans le bon sens, et les députés du groupe GDR les voteront.
    Puisque le contrôle parlementaire est nécessairement affaibli en période d’expédition des affaires courantes –⁠ en raison de l’impossibilité pour l’Assemblée nationale de renverser un gouvernement déjà démissionnaire –, la proposition de loi renforce les outils de contrôle à la disposition du Parlement durant cette période spécifique.
    L’intérêt à agir octroyé aux présidents des assemblées, aux présidents des commissions permanentes et aux présidents des groupes parlementaires, pour exercer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris par le président de la République, par le premier ministre et par les ministres, constitue une avancée notable. En effet, des doutes peuvent survenir quant à la légalité de certains actes administratifs.
    En outre, l’Assemblée nationale et le Sénat pourront requérir toute information complémentaire sur l’activité du gouvernement.
    Enfin, nous saluons la remise par le nouveau gouvernement d’un rapport au Parlement établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.
    Ces mesures permettront de renforcer le contrôle parlementaire durant ces périodes d’exception, qui risquent de se reproduire en l’absence de majorité absolue –⁠ ce qui impliquera de créer des coalitions parlementaires.
    Pour conclure, nous considérons que la période d’expédition des affaires courantes devrait être la plus brève possible –⁠ limitée à quelques jours – comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet

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    Nous vivons des temps institutionnels inédits. En soixante-six ans d’existence, la Constitution de la Ve République n’aura jamais connu temps institutionnels plus incertains que ceux que nous traversons depuis 2022, et plus encore depuis 2024.
    Les dernières élections législatives ont engendré une situation politique sans précédent, qui a notamment eu pour première conséquence la mise en place d’un gouvernement d’affaires courantes d’une longévité exceptionnelle.
    Le gouvernement de Gabriel Attal, sèchement et clairement désavoué dans les urnes, est resté en fonction du 7 juillet au 5 septembre 2024, soit soixante-sept jours. Certes, ses prérogatives étaient limitées, comme en témoigne la diminution des actes dudit gouvernement, mais la durée de ce maintien ne pouvait que susciter des interrogations, l’Assemblée étant privée de son pouvoir de renverser ce gouvernement déjà renversé.
    La mission d’information menée par nos collègues rapporteurs, Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars, visait à répondre à ces interrogations. Nous les remercions pour le travail accompli au service des droits du Parlement.
    Leur rapport d’information illustre bien la faiblesse du contrôle parlementaire durant cette période. Il formule donc onze recommandations destinées à renforcer ce contrôle et à rénover les rapports entre le Parlement, incarnation de la continuité de la représentation nationale, et le gouvernement démissionnaire, exerçant de façon circonstancielle, l’intérim du pouvoir exécutif.
    La proposition de loi ordinaire soumise à nos délibérations traduit en deux articles les trois recommandations de leur rapport d’information relevant du domaine de la loi.
    Le premier article tend à réaffirmer la souveraineté du Parlement sur les actes d’un gouvernement démissionnaire en renforçant et en élargissant les procédures pour excès de pouvoir durant les périodes d’affaires courantes. En commission –⁠ et nous saluons ce vote –, l’intérêt à agir a été étendu aux présidents des groupes parlementaires. L’extension à des groupes de députés ou de sénateurs –⁠ qui existe pour d’autres procédures – serait bienvenue.
    Le second article vise à inscrire dans la loi le devoir d’information du gouvernement démissionnaire vis-à-vis du Parlement, non seulement durant la période d’affaires courantes, mais également à l’issue de cette période par la transmission d’un rapport global. Ces dispositions améliorent la communication, la transparence et le contrôle du Parlement sur les actes et décisions du gouvernement. Nous ne pouvons que les saluer.
    Le groupe de l’Union des droites pour la République votera donc en faveur de cette proposition de loi de nature à renforcer le contrôle parlementaire de l’action d’un gouvernement privé de légitimité politique et institutionnelle.
    Le vote de ce texte devra nécessairement être suivi de celui de la proposition de loi constitutionnelle, également cosignée par nos deux collègues rapporteurs, et qui vise à inscrire dans notre texte fondamental les dispositions d’ordre constitutionnel nécessaires.
    Cependant, notre vote favorable s’accompagnera d’un vœu politique, celui que ces dispositions, nécessaires et utiles, soient rapidement rangées au rayon des mesures d’exception dont il n’est nul besoin de faire usage.
    Ce concept de gouvernement d’affaires courantes devrait être étranger aux institutions de la Ve République, institutions qui –⁠ jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron – avaient garanti la stabilité, la continuité et l’efficacité de l’action gouvernementale.
    S’il n’est pas inutile de pallier les défaillances conjoncturelles de nos institutions, comme nous le faisons, il est essentiel d’œuvrer à les restaurer en rétablissant les équilibres et les principes qui ont fait de la Constitution de 1958 la loi fondamentale la plus durable de notre histoire constitutionnelle, pourtant riche en expérimentations.
    Puissent les gouvernements d’affaires courantes, symptômes d’une période de crise qu’il nous faut refermer au plus vite, appartenir très rapidement aux livres d’histoire plutôt qu’aux manuels de droit constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho

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    La longue période de vacance du pouvoir que nous avons traversée pendant l’été 2024 a été révélatrice de la faiblesse de notre institution : durant les soixante-sept jours qui ont suivi la démission d’un gouvernement Attal irremplacé, le Parlement s’est tu. Alors que notre système bicaméral, garant du contrôle de l’action du gouvernement démissionnaire, aurait dû pouvoir l’exercer en vertu de l’ouverture, le 18 juillet 2024, de la session de droit, le contrôle parlementaire s’est avéré particulièrement faible. Clôture des questions écrites, refus d’autoriser l’Assemblée nationale à en déposer de nouvelles, réunions rarissimes des commissions : pendant près de deux mois, le Parlement n’a pas joué son rôle.
    Cet affaiblissement de notre institution semble s’accentuer de jour en jour : le second quinquennat d’Emmanuel Macron en a été l’artisan zélé. Par vingt-trois applications de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution de la part du gouvernement Borne et trois de la part des gouvernements Barnier et Bayrou, c’est un mépris caractérisé du travail parlementaire qui a été signifié aux représentants de la nation. La dissolution de l’Assemblée –⁠ décision verticale prise de manière intempestive, dans un contexte sécuritaire fragilisé par des Jeux olympiques menacés d’attaques terroristes – a également manifesté le dédain dans lequel l’institution est tenue.
    Dans ce contexte, l’exigence de renforcer l’action du Parlement en période d’expédition des affaires courantes apparaît comme une évidence. Le gouvernement démissionnaire, provisoire par définition, doit rendre des comptes sur ses actions au même titre qu’un gouvernement en exercice.
    S’il est apparu aux auteurs du rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information flash qu’il n’y avait pas eu de violation manifeste ou importante du périmètre des affaires courantes, il n’existe aucun moyen de s’assurer qu’une telle situation ne pourra pas se produire à l’avenir.
    C’est la raison pour laquelle les députés du groupe Rassemblement national plaident pour un renouvellement des rapports entre le Parlement et le gouvernement démissionnaire et pour un raffermissement du rôle des deux chambres, dans une période aussi délicate.
    Nous voulons conférer à soixante députés ou soixante sénateurs un intérêt à agir par la voie du recours pour excès de pouvoir contre certains actes pris lorsque le gouvernement expédie les affaires courantes. Adopter l’amendement que nous avons déposé en ce sens permettrait de consolider le rôle du Parlement. Cette modification législative serait par ailleurs plus respectueuse de la représentativité de l’hémicycle.
    En ouvrant à soixante députés ou sénateurs la possibilité d’une telle saisine, sur le modèle de la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, nous nous assurerions de la plus grande légitimité des recours, dans la mesure où ils seraient exercés par un personnel politique reflétant les opinions des Français. La limitation de l’intérêt à agir aux seuls présidents des assemblées parlementaires et des commissions permanentes est insatisfaisante, en ce qu’ils peuvent être élus au gré de stratégies politiques excluant des pans entiers de la représentation nationale. Les petits enjeux partisans et les unions de fortune ne devraient pas avoir droit de cité lorsque sont en jeu la légitimité et le bon équilibre de nos institutions.
    Mesdames et messieurs les députés, notre institution souffre d’un affaiblissement tributaire de la verticalité du pouvoir gouvernemental. La crise politique que nous avons traversée, qui ne fait sans doute qu’ouvrir le chapitre d’une ère troublée, nous intime d’agir. À l’heure où les Français ont soif d’être sincèrement représentés, le renforcement du contrôle du Parlement permettrait à nos administrés d’être assurés qu’il existe encore un pouvoir capable de garantir l’équilibre des pouvoirs dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ M. Philippe Gosselin applaudit également.)

    M. José Gonzalez

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Caure.

    M. Vincent Caure

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    Je tiens tout d’abord à saluer le travail des deux corapporteurs Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars, ainsi que la démarche transpartisane engagée et soutenue par le président de la commission des lois.
    Comme cela a été dit, en période d’expédition des affaires courantes, la responsabilité de l’exécutif ne trouvant plus sa traduction dans le contrôle par l’Assemblée nationale du gouvernement, elle doit passer par le contrôle de légalité des principaux actes administratifs qu’édicte le gouvernement démissionnaire. Voilà le principe fondamental qui permet, dans ces circonstances particulières, de garantir l’État de droit, donc notre démocratie.
    Notre droit positif, dans son état actuel, le garantit déjà. On l’a dit : cela ne résulte ni de la Constitution ni de la loi, mais de l’apport jurisprudentiel ancien du Conseil d’État. Aujourd’hui, notre tâche est d’étendre ce droit par la loi, de réduire l’asymétrie, pour reprendre les termes de la ministre Sophie Primas, qui peut exister entre l’exécutif et le législatif pendant les périodes d’expédition des affaires courantes.
    Rappelons tout d’abord que la notion d’affaires courantes, bien que peu utilisée sous la Ve République –⁠ moins en tout cas que sous les précédentes, notamment la IVe –, est une notion ancienne et normale dans une démocratie parlementaire, puisqu’elle est par essence liée au fait qu’un gouvernement puisse perdre sa légitimité, soit par sa démission, dès lors qu’elle est acceptée par le président de la République, soit du fait du retrait de la confiance que lui accorde l’Assemblée nationale. Dans ces deux cas, le gouvernement est démissionnaire en droit.
    Depuis le moment où survient le fait générateur de cette perte de légitimité jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement, court une période d’expédition des affaires courantes qui, sans être définie par un texte, n’en dispose pas moins d’une définition jurisprudentielle ancienne, puisque le Conseil d’État a considéré qu’elle relevait d’un « principe traditionnel de droit public ».
    Il y a là déjà une différence –⁠ voire un fossé que l’on peut vouloir combler – entre la France et d’autres démocraties européennes, plus accoutumées aux changements de gouvernement intempestifs et aux alternances parlementaires. En France, sous l’empire de la Ve République, les périodes d’expédition des affaires courantes, ainsi que l’exercice et le fonctionnement du gouvernement qui les caractérisent, sont moins fréquentes.
    Dans les périodes de gestion des affaires courantes, le gouvernement se borne, en application de la jurisprudence susmentionnée, à expédier les affaires courantes en tant que telles, c’est-à-dire à gérer, d’une part, l’ordinaire, d’autre part, les affaires urgentes liées à la continuité de l’État et à la sécurité de la nation et des citoyens.

    (À dix-sept heures cinquante, M. Xavier Breton remplace M. Roland Lescure au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Xavier Breton
    vice-président

    M. Vincent Caure

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    Faisons tout de suite droit à la vérité, comme l’ont fait les rapporteurs en commission et aujourd’hui encore : malgré la durée record –⁠ soixante-sept jours – de la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024, le nombre d’actes réglementaires pris a fortement diminué par rapport à la même période lors d’une année normale d’exercice gouvernemental. Il n’y a eu ni excès, ni abus, ni dérive. Aucun des recours engagés contre des actes pris par le gouvernement démissionnaire l’été dernier n’a abouti.
    Néanmoins, rien ne nous empêche désormais d’améliorer l’état de notre droit, pour le présent, comme bien sûr pour le futur. Par ailleurs, le fait que nous puissions avoir le présent débat témoigne de la robustesse de notre démocratie et de la capacité dont dispose son parlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ça, c’est vrai !

    M. Vincent Caure

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    Nous avons donc la possibilité, grâce au travail des rapporteurs et du président de la commission des lois, d’améliorer le contrôle du Parlement, ce qui constitue un objectif sur lequel nous nous retrouvons tous, le groupe Ensemble pour la République le premier. Nous avons la possibilité de renforcer le poids du Parlement en tant que contre-pouvoir, quand le principal instrument de ce dernier, à savoir la mise en cause de la responsabilité du gouvernement, a disparu.
    Le groupe Ensemble pour la République soutient pleinement la logique des deux corapporteurs, suivant laquelle il convient d’étendre à certaines autorités parlementaires –⁠ non à toutes – la capacité d’agir devant le juge administratif pour contester la légalité d’actes pris par un gouvernement démissionnaire.
    En cantonnant cette nouvelle faculté aux présidents des deux assemblées, aux présidents des commissions permanentes –⁠ une présidence revenant nécessairement à l’opposition – et aux présidents de groupe, introduits dans cette liste au cours des travaux de la commission des lois, il me semble que nous sommes parvenus à un point d’équilibre à préserver.
    Nous traçons ici le bon chemin : celui d’une extension du contrôle juridictionnel qui ne nous fait pas courir le risque d’ouvrir trop de portes, d’importer l’opportunisme politique dans les prétoires, ni donc d’ajouter à l’incertitude politique qui caractérise les périodes d’expédition des affaires courantes la crainte de voir se mener la lutte politicienne devant les juridictions administratives. Il s’agit de garantir les droits et de protéger les citoyens d’actes réglementaires pris en excès de pouvoir, non de permettre une saisine générale et généralisée du juge administratif sur chaque acte.
    Enfin, le principe d’information de droit du Parlement, sur lequel je ne m’étendrai pas, est pleinement justifié au regard de la nature des périodes dont nous parlons. C’est un principe sain, modelé sur ce que prévoit déjà la Constitution en matière d’état d’urgence.
    Pour toutes ces raisons, le groupe EPR soutiendra ce texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est la concrétisation partielle des travaux de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. Ces travaux ont précisément souligné la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période d’expédition des affaires courantes, dont la séquence politique de l’été dernier a très concrètement démontré la réalité.
    En effet, depuis les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, nous avons connu deux périodes d’expédition des affaires courantes : la première a commencé après la démission du premier ministre Gabriel Attal, dont le gouvernement démissionnaire a géré les affaires courantes pendant soixante-sept jours –⁠ durée inédite dans l’histoire des deux dernières Républiques –, tandis que la seconde a débuté après la censure du gouvernement Barnier. Dix-neuf jours se sont alors écoulés avant la nomination d’un nouveau gouvernement.
    La récurrence de ces situations, dans un contexte politique où les gouvernements qui s’enchaînent ne tirent leur légitimité que du fait du prince, et non des urnes, mène à ce constat évident : elles sont amenées à se produire et se reproduire jusqu’à ce que les Français se dotent d’une nouvelle Constitution et d’une VIe République,…

    M. Philippe Gosselin

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    Il y a toujours un bon prétexte pour la caser !

    M. Jean-François Coulomme

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    …purgées des dérives et des aberrations de cette Ve République en soins palliatifs. Il est donc dans l’immédiat effectivement indispensable de légiférer à ce sujet pour nous adapter à une réalité politique délétère.
    Selon des principes jurisprudentiels, lorsqu’un gouvernement démissionnaire reste en place et n’est pas immédiatement remplacé, il assure le fonctionnement minimal de l’État et ne dispose plus de sa pleine compétence. Il ne peut ainsi gérer que les affaires dites ordinaires, c’est-à-dire liées au fonctionnement normal de l’État, sans aucune appréciation de nature politique ni choix juridique délicat, ainsi que les affaires dites urgentes, c’est-à-dire celles dont le traitement immédiat est dicté par une impérieuse nécessité.
    La mission flash avait soulevé des interrogations quant au respect de ce périmètre jurisprudentiel des affaires courantes, après la démission du gouvernement Attal. Ces interrogations portaient notamment sur neuf nominations d’ambassadeurs, sur le déclassement de l’emploi de directeur de cabinet du préfet du Nord pour y nommer l’ancien chef de cabinet du ministre de l’intérieur ou encore sur 547 –⁠ 547 ! – mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Cela montre à quel point il est important de légiférer pour renforcer le contrôle exercé par les parlementaires lors de ces séquences politiques où le Parlement voit justement son contrôle sur le gouvernement diminuer drastiquement, ce qui remet en cause l’équilibre des pouvoirs et leur impérieuse séparation.
    Cette proposition de loi prévoit des avancées positives évidentes en matière de contrôle parlementaire, mais son champ demeure néanmoins très limité. Nous regrettons que la proposition de loi constitutionnelle défendue par les rapporteurs n’ait pas également été mise à l’ordre du jour. Cela aurait permis d’inscrire la pratique de l’expédition des affaires courantes dans le cadre constitutionnel, afin d’éviter les flous et les abus.
    En effet, une telle loi constitutionnelle aurait permis de préciser la règle d’incompatibilité entre la fonction de ministre et le mandat de député. Cela nous éviterait de revivre la situation inacceptable que nous avons connue l’été dernier, lorsque des ministres démissionnaires ont participé à l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, ce qui constitue une grave atteinte à la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.
    De plus, selon nous, et conformément à des recommandations de la mission flash, il manque dans cette proposition de loi l’inscription de certaines pratiques, comme l’organisation de commissions d’enquête, le dépôt de questions écrites ou la tenue des questions au gouvernement, mais aussi la réunion de plein droit du Parlement après un certain délai, qui serait à fixer par les législateurs.
    Les amendements déposés par le groupe LFI-NFP visent donc à étendre l’intérêt à agir à tous les parlementaires, à garantir la réunion de plein droit du Parlement afin d’examiner des propositions de loi, à garantir la possibilité de poser des questions écrites et orales à un gouvernement démissionnaire et à son premier ministre, à limiter à cinq jours la durée d’exercice d’un gouvernement démissionnaire et à s’assurer que les ministres démissionnaires ne peuvent participer à l’élection des présidents des deux chambres et des membres de leurs bureaux.
    Je vous vois dubitative, madame la ministre, mais je crois qu’il s’agit là d’une demande largement partagée dans cet hémicycle.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous aurons ce débat.

    M. Jean-François Coulomme

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    Pour toutes ces raisons, nous voterons pour cette proposition de loi indispensable, malgré son périmètre bien trop limité au regard des enjeux démocratiques auxquels nous faisons face. Pour les mêmes raisons, et tant d’autres encore, nous invitons toutes les Françaises et tous les Français à signer dès à présent la pétition pour la VIe République et pour la convocation d’une assemblée constituante (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP)

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    M. Jean-François Coulomme

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    …déposée sur la plateforme des pétitions citoyennes de l’Assemblée nationale sous le numéro 2793. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Philippe Gosselin

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    C’est de la com’ !

    M. le président

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin

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    Au lendemain du second tour des élections législatives de juillet dernier, le président de la République a fait le choix, contraire à l’esprit de nos institutions, de ne pas inviter la coalition électorale arrivée en tête à former un nouveau gouvernement.
    Il a d’abord maintenu le gouvernement de Gabriel Attal en place, en refusant pendant huit jours d’accepter la démission du premier ministre, avant d’annoncer que ce dernier expédierait les affaires courantes jusqu’à la conclusion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Ainsi, du 16 juillet au 21 septembre, pour une durée record sous les IVe et Ve Républiques, M. Attal a expédié les affaires courantes jusqu’à la nomination de Michel Barnier.
    Avant d’aborder cette période, je voudrais revenir sur celle qui l’a précédée, du 8 au 16 juillet : de facto, ni la présente proposition de loi ni le rapport de la mission flash l’ayant inspirée ne l’ont étudiée. Or le gouvernement Attal, bien qu’ayant remis sa démission et se trouvant dès lors dépourvu de légitimité parlementaire, a pris durant cette période plusieurs actes majeurs qu’il n’aurait pas pu prendre une fois sa démission acceptée. Je pense, par exemple, au décret du 9 juillet relatif aux procédures de suspension du repos hebdomadaire en agriculture. Cela pose la question du moment à partir duquel l’expédition des affaires courantes devrait débuter –⁠ en l’occurrence, ce pourrait être dès la publication du décret de dissolution puisque l’Assemblée nationale n’est plus en mesure de contrôler l’action du gouvernement.
    J’en viens à la période formelle d’expédition des affaires courantes. Il y a quelques mois, chers rapporteurs, vous produisiez un rapport d’information de grande qualité, qui dressait le bilan de la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024 et formulait des recommandations pour renforcer le contrôle du Parlement.
    Notre débat vise à appliquer celles de vos recommandations qui relèvent du domaine de la loi ordinaire. En effet –⁠ et c’est la dimension quelque peu frustrante de ce débat –, le cœur de l’organisation du contrôle parlementaire relève d’évolutions constitutionnelles ou au moins d’une loi organique. Ces évolutions sont d’autant plus nécessaires que la longue période d’affaires courantes de l’année dernière a eu lieu en dehors de la session ordinaire et, pour ce qui est du mois de juillet, dans un contexte d’installation de la XVIIe législature qui ne permettait pas à l’Assemblée nationale d’exercer son pouvoir de contrôle de manière réactive.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est le moins qu’on puisse dire !

    Mme Mélanie Thomin

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    Il nous faudra donc, pour l’avenir, imaginer des outils permettant de mieux subordonner l’action du gouvernement expédiant les affaires courantes au contrôle du Parlement, y compris en amont des actes les plus sensibles.
    Pour ce qui fait le cœur de nos débats du jour, la rédaction initiale de votre article 1er visait à reconnaître un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents de leurs commissions permanentes pour ester contre les actes réglementaires pris par un gouvernement démissionnaire.
    Comme d’autres, le groupe Socialistes et apparentés a soutenu en commission un amendement visant à étendre cet intérêt à agir aux présidents des groupes de l’opposition. En effet, à l’exception de cette législature très particulière par construction, les fonctions de président de commission sont toujours occupées par des députés appartenant à des groupes soutenant le gouvernement en place, à l’exception du président de la commission des finances. La probabilité que ceux-ci attaquent une décision d’un gouvernement qu’ils soutiennent est tout de même assez faible.

    M. Jérémie Iordanoff et M. Paul Molac

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    Eh oui !

    Mme Mélanie Thomin

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    Sous peine de priver l’article 1er de portée réelle, il nous fallait donc étendre cet intérêt à agir, ce que nous avons fait.
    Nous soutiendrons l’amendement du groupe écologiste qui propose d’octroyer à tout parlementaire un intérêt à agir. Cette proposition a pleinement du sens pour les actes relatifs à l’application et à l’exécution des lois.
    Nous ne pouvons que soutenir les dispositions de l’article 2 qui s’inspirent de celles que nous avions nous-mêmes intégrées dans le régime de l’état d’urgence. Malheureusement, la portée de cet article risque d’être limitée, dès lors que ces actes sont déjà pour l’essentiel publiés au Journal officiel. Son ambition demeure donc très limitée et en l’absence de mesures d’ordre individuel significatives, son apport n’est pas comparable au dispositif de même nature inclus dans le régime de l’état d’urgence.
    Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra donc cette proposition de loi, en espérant qu’à l’occasion d’une prochaine révision constitutionnelle, nous puissions collectivement progresser vers un contrôle réel et ambitieux du gouvernement par le Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    À chaque période un peu trouble de notre vie politique et de notre vie en société, nous nous posons des questions bien légitimes. Ce fut le cas avec le statut de l’état d’urgence sanitaire et des nécessaires pouvoirs de contrôle du Parlement, dans cette période où les restrictions de liberté étaient très importantes. Je ne ferai pas de comparaison hasardeuse, mais c’est sans doute une forme de covid qui a atteint le gouvernement de ce pays, en tout cas une maladie qui l’a contraint à renoncer à son activité habituelle pendant plus de soixante-sept jours. Une telle période, si on la fait débuter à la dissolution plutôt funeste du 9 juin 2024, s’est étendue à presque trois mois sans réel gouvernement à même de prendre des décisions plus ou moins importantes.
    J’entends dire parfois qu’il n’est pas nécessaire que le Parlement contrôle de façon aussi directe un gouvernement démissionnaire qui effectue des tâches presque subalternes : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Je crois au contraire que l’article 24 de la Constitution nous donne toute satisfaction : le Parlement, bien sûr, vote la loi et évalue les politiques publiques, mais il contrôle également l’action du gouvernement, que celui-ci soit démissionnaire –⁠ terme absent de cet article – ou non. Le Parlement dispose donc de pouvoirs constitutionnels très clairs qu’il est en droit de revendiquer dans leur plénitude.
    La notion d’affaires courantes est d’ailleurs assez ancienne. Madame la ministre, vous évoquiez la IIIe République. Sous la IVe République également, Edgar Faure parlait de gouvernement à secousses pour décrire la situation d’une année complète sans gouvernement. Nous n’en étions pas là l’an dernier ! En la matière, même s’il nous faut aller plus loin, nous ne partons donc pas d’une page blanche : vous avez évoqué à juste titre l’arrêt Brocas –⁠ rendu par le Conseil d’État le même jour que l’arrêt Canal qui n’avait pas plu au général de Gaulle (Mme la ministre sourit) ; nous vivions en effet une période de tâtonnement où l’on considérait le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel comme les chiens de garde de l’exécutif.
    Je veux saluer nos collègues Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars pour leur rapport tout à fait intéressant, qui nous permet justement d’aller au-delà des dispositions existantes. À ce stade, on en retient un intérêt à agir pour des parlementaires : présidents des assemblées –⁠ cela paraît tout à fait légitime –, présidents des commissions permanentes –⁠ c’est intéressant. La question de son extension aux présidents de groupes, voire à chacun des parlementaires –⁠ députés et sénateurs – se pose, dans la logique du droit d’amendement qui est individuel et qui s’étend bien évidemment aux non-inscrits, ce qui illustre le fait qu’il n’est pas conditionné à l’appartenance à un groupe politique de la majorité ou de l’opposition, mais qu’il s’agit d’un droit intrinsèquement attaché à chaque parlementaire –⁠ je tenais à le rappeler avec force.
    De même, la proposition qui s’inspire du mode de saisine du Conseil constitutionnel et qui fait l’objet d’amendements à cette proposition de loi est intéressante. Elle permettrait à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil d’État en ayant un intérêt à agir. C’est un argument convaincant. En 1974, pour qualifier la réforme de la saisine du Conseil constitutionnel voulue par le président Giscard d’Estaing, on avait parlé de l’embryon d’un statut de l’opposition, formule qui illustrait l’intérêt pour un droit protecteur. Nous pourrions nous inscrire dans cette évolution.
    L’extension du champ des actes contestables va tout à fait dans le bon sens et pourrait éviter la signature de décrets controversés. De plus, le Parlement doit être davantage informé et exercer un contrôle plus structuré, grâce à des transmissions d’informations similaires à celles que prévoit la loi de 1955 sur l’état d’urgence, ou au contrôle, certes a posteriori mais intéressant, du gouvernement démissionnaire par la remise d’un rapport dans un délai de deux mois –⁠ ce rapport vient assez rapidement, mais tout de même après coup.
    Sans doute pourrions-nous aller plus loin, mais cela supposerait l’existence d’une majorité à même de voter une révision de la Constitution : nous en sommes loin.
    Le groupe Droite républicaine votera avec détermination pour ce texte. Je remercie de nouveau nos deux rapporteurs qui ont réalisé un très bon travail, utile non seulement pour le Parlement mais aussi pour la nation, puisque nous sommes des élus de la nation et que nous représentons chacune et à chacun de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je veux rappeler brièvement la genèse du travail qui nous a conduits aujourd’hui jusqu’en séance publique. Il s’agit d’une initiative du groupe Écologiste et social qui avait souhaité créer une mission d’information sur la période du gouvernement démissionnaire et sur la question de la gestion des affaires courantes.

    M. Philippe Gosselin

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    À juste titre !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Le bureau de la commission des lois avait alors considéré de façon unanime que ce travail devait s’engager à très court terme et nous avions nommé Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars pour conduire cette mission. Nous avions également souhaité que la commission des lois puisse s’en saisir et l’examiner dans un délai très bref, ce qui a été fait.
    La proposition de loi issue des travaux de la mission d’information a fait l’objet d’un vote en conférence des présidents, qui lui a donné le caractère transpartisan dont témoignait déjà la collaboration des deux rapporteurs. Voilà comment est né ce texte.
    Madame la ministre, vous avez eu raison de dire, il y a quelques instants, que l’existence d’un gouvernement démissionnaire ne constitue pas un dysfonctionnement institutionnel. Peut-être s’agit-il d’un dysfonctionnement politique dans la mesure où nous avons été habitués à la stabilité de la Ve République, mais non d’un dysfonctionnement institutionnel. En tout cas, le sujet n’est pas là ! En revanche, il y a bien des vides juridiques, et il nous revient, en tant que parlementaires, de tirer les leçons de cette période d’expédition des affaires courantes relativement longue de soixante-sept jours.
    À cet égard, il faut débattre du périmètre de l’intérêt à agir, de la nécessaire information du Parlement dans cette période et des règles qui doivent présider aux relations entre le Parlement et le gouvernement démissionnaire.
    S’agissant de l’intérêt à agir, dans la mesure où les rapporteurs ont essayé de construire un texte consensuel qui fasse si possible l’unanimité –⁠ c’est un signal que nous voulons adresser à nos concitoyens –, je pense qu’il faut rester prudent dans les choix que nous ferons dans quelques heures ici même et plus tard au Sénat.
    En incluant dans le périmètre de l’intérêt à agir le président ou la présidente de l’Assemblée nationale, le président ou la présidente du Sénat –⁠ pourquoi pas, demain, une présidente du Sénat ? –, les présidents des commissions permanentes et les présidents de groupes, nous respectons la nécessité que des formations politiques opposées au gouvernement démissionnaire puissent agir en recours pour excès de pouvoir. Il s’agit d’un équilibre normal et recherché dans une démocratie qui doit demeurer vivante, y compris en période démissionnaire.
    Je serais pour ma part plus prudent sur l’élargissement de ce périmètre à un nombre plus large de parlementaires –⁠ soit à tous les parlementaires, soit à quelques-uns d’entre eux sur le modèle de la saisine du Conseil constitutionnel – qui ferait courir le risque de l’hyperpolitisation de l’intérêt à agir. Or, ce que nous recherchons, quelles que soient nos sensibilités, ce n’est pas de politiser le contrôle renforcé du gouvernement démissionnaire, mais de faire en sorte que ce contrôle soit possible, selon un intérêt à agir partagé. Je rappelle d’ailleurs que les présidents ou les présidentes des commissions des finances sont forcément issus de l’opposition.

    M. Emeric Salmon

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    Mais il y a plusieurs oppositions !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Il est également indispensable que l’information nécessaire circule entre le gouvernement démissionnaire et le Parlement.
    Quels que soient les choix que nous ferons au cours de nos débats, il était très utile que nous ne sortions pas de la période de gouvernement démissionnaire sans en tirer des leçons sur les cadres que notre démocratie doit impérativement fixer s’agissant d’une situation dont certains considèrent qu’elle est ubuesque, d’autres qu’elle est injuste mais qui en tout cas, en matière juridique et de contrôle démocratique, a posé d’immenses problèmes.
    C’est pourquoi je suis très heureux que nous puissions débattre de cette proposition de loi. Je tiens à remercier de nouveau nos deux rapporteurs pour le travail très subtil qu’ils ont accompli, résultat de nombreux d’échanges. Il a abouti à cette proposition sur laquelle la commission des lois s’est exprimée à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs des commissions. –⁠ M. Philippe Gosselin applaudit également.)

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Cet amendement que j’ai évoqué lors de la discussion générale vise à introduire dans le texte un dispositif global permettant aux parlementaires de contester certaines normes produites par le gouvernement.
    De jurisprudence constante, le Conseil d’État estime qu’un parlementaire n’a pas, en cette seule qualité, intérêt à agir contre les actes administratifs, y compris contre le refus du pouvoir réglementaire d’édicter un décret d’application d’une loi pourtant promulguée ; je vous renvoie à la décision Masson du 23 novembre 2011. Alors que les membres d’une assemblée délibérante locale ont toujours intérêt à agir contre les actes de l’exécutif local, alors que soixante députés ou sénateurs peuvent déférer une loi votée au Conseil constitutionnel avant sa promulgation, le prétoire du juge administratif demeure fermé aux parlementaires à moins qu’ils se prévalent d’une autre qualité, ce qui aboutit à des situations ubuesques ou à des dénis de justice. Nous sommes nombreux à faire ce constat ; ainsi, en commission, j’ai évoqué la décision Dosière du 26 avril 2013 et M. Delaporte a cité le cas du recours infructueux de M. Dominique Potier.
    C’est la raison pour laquelle l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, Daniel Labetoulle, avait proposé de faire évoluer cette jurisprudence, en reconnaissant aux parlementaires un intérêt à agir contre les actes administratifs de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement.
    Cette proposition, reprise par l’amendement, a une portée plus large que le dispositif prévu originellement dans la proposition de loi. J’aimerais connaître l’avis des rapporteurs et de Mme la ministre à ce sujet.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    J’ai signé la proposition de loi que vous avez déposée en décembre, par laquelle vous proposez d’étendre à tous les parlementaires l’intérêt à agir contre un certain nombre d’actes administratifs. Cette mesure va bien au-delà du débat d’aujourd’hui, qui concerne la gestion des affaires courantes.
    La rédaction de l’amendement, certes modifiée depuis l’examen en commission, me semble encore problématique car elle s’étend à un champ très large, à savoir « tout acte administratif de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement ». En outre, la méconnaissance des compétences et prérogatives du Parlement me semble plutôt constituer un moyen à soulever qu’une manière de définir l’extension de l’intérêt à agir. Pour notre part, nous ne souhaitons pas limiter les moyens qui peuvent être invoqués devant le juge, la légalité de l’acte attaqué faisant automatiquement partie des moyens soulevés.
    Je vous invite à retirer l’amendement car le texte se concentre sur les actes administratifs des gouvernements démissionnaires. Je comprends pourquoi vous l’avez déposé –⁠ c’est un amendement d’appel, et je me réjouis que nous puissions débattre de l’opportunité d’étendre à tous les parlementaires l’intérêt à agir contre l’ensemble des actes du gouvernement –, mais ce n’est pas l’objet de la proposition de loi. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Par cet amendement, vous entendez élargir davantage encore l’intérêt à agir des parlementaires contre les actes gouvernementaux. Vous souhaitez d’une part étendre à tous les parlementaires sans exception l’intérêt à agir visé par l’article 1er, d’autre part rendre susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir « tout acte administratif de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement » ainsi que tous les actes pris en application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
    Les auteurs de cette proposition de loi et la commission qui l’a enrichie ont réussi, me semble-t-il, à trouver un équilibre que je qualifierai –⁠ comme M. le président de la commission – de subtil. En effet, le texte élargit l’accès au recours pour excès de pouvoir sans organiser pour autant la paralysie des pouvoirs publics.
    Au nom du gouvernement, je suis donc défavorable à l’extension supplémentaire de l’intérêt à agir que vous proposez, car elle pourrait conduire à l’embolie des pouvoirs publics. Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Nous n’avions pas soutenu cet amendement en commission, mais nous le soutiendrons dans sa nouvelle rédaction, quand bien même son adoption ferait tomber les amendements suivants. En effet, il est bien plus ambitieux que la proposition de loi et donnerait aux parlementaires un intérêt à agir auprès du Conseil d’État au-delà du contexte de gestion des affaires courantes. J’invite l’ensemble des députés qui aimeraient que le Parlement soit respecté et qu’il dispose de plus de prérogatives à voter l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Je conteste votre lecture de l’amendement, car le deuxième paragraphe, commençant par « Entrent notamment dans la catégorie mentionnée », constitue une précision du premier et ne limite donc pas son champ d’application. Néanmoins, je prends note de vos remarques.
    Je conteste aussi l’idée que l’extension de l’intérêt à agir mènerait à l’hyperpolitisation de la fonction de contrôle et à l’embolie de la justice administrative. Je conçois toutefois qu’on veuille s’en tenir au cadre de la proposition de loi qui, comme l’a rappelé M. le président de la commission, revêt un caractère transpartisan. Je retire donc l’amendement ainsi que l’amendement no 3 qui devait le suivre.
    Je regrette de ne pas vous avoir convaincus, car je demeure moi-même convaincu de l’importance du sujet. J’espère que les sénateurs élargiront le champ de l’intérêt à agir, comme ils l’ont déjà fait dans le cadre d’une autre proposition de loi.

    (L’amendement no 1 est retiré.)

    M. le président

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    Il en est donc de même de l’amendement no 3.

    (L’amendement no 3 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de six amendements, nos 2, 8, 16, 20, 15 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 16 et 20 sont identiques.
    La parole reste à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Cet amendement de repli vise à étendre à l’ensemble des parlementaires l’intérêt à agir contre les actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. M. Gosselin l’a dit, l’intérêt à agir doit être apprécié eu égard à notre fonction parlementaire, qui implique le contrôle des actes administratifs. Je ne crois pas qu’il y ait de risque d’embolie de la justice administrative.

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 8.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Il vise à ce que tous les parlementaires, non seulement les présidents de groupe et les présidents de chambre, puissent saisir le Conseil d’État en période de gestion des affaires courantes. En effet, réserver cette possibilité à la présidente de l’Assemblée nationale, par exemple, prive les députés de recours pendant plusieurs jours. Nous avons été élus le 7 juillet et investis immédiatement de nos prérogatives, alors que Mme Braun-Pivet n’a été élue présidente de l’Assemblée nationale que le 19 juillet, plus de dix jours plus tard. Quant aux présidents de commission, dont il sera question dans d’autres amendements, ils n’ont été élus que le 20 juillet. Leur réserver l’exclusivité du recours revient à se priver d’intérêt à agir pendant plus d’une dizaine de jours.
    De plus, même si le texte avait été en vigueur, je doute que Mme Braun-Pivet ou M. Larcher, étant donné l’accord entre Les Républicains et les macronistes, auraient saisi le Conseil d’État sur la suspension du repos hebdomadaire des ouvriers agricoles occupés aux vendanges, sur les nominations décidées par le président de la République ou sur d’autres décisions comme l’application de la réforme du choc des savoirs, mise en œuvre sans aucune légitimité à la rentrée 2024 par Mme Belloubet, alors ministre démissionnaire.
    C’est pourquoi nous souhaitons élargir l’intérêt à agir à l’ensemble des parlementaires. Cela sera notamment utile à ceux qui n’appartiennent pas à un groupe ou qui sont en désaccord avec leur groupe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Sur les amendements identiques nos 16 et 20, je suis saisi par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
    Sur l’amendement no 15 et sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Anne Bergantz, pour soutenir l’amendement no 16.

    Mme Anne Bergantz

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    Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous demandons que l’intérêt à agir soit étendu aux présidents de commission permanente, mais non aux présidents de groupe parlementaire. S’il paraît justifié que les présidents des assemblées parlementaires et ceux des commissions permanentes puissent disposer de ce pouvoir en raison de leur rôle institutionnel, il n’en va pas de même pour les présidents des groupes politiques, dont la démarche serait par nature politique.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Moulliere, pour soutenir l’amendement no 20.

    M. Jean Moulliere

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    La commission a étendu aux présidents de groupe parlementaire l’intérêt à agir en matière d’excès de pouvoir. Comme le président de la commission des lois, le groupe Horizons & indépendants considère que les présidents des deux chambres parlementaires et ceux des commissions permanentes suffisent à représenter les intérêts du Parlement, d’autant que la présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale revient à l’opposition. L’amendement vise donc à revenir à l’esprit initial de la proposition de loi en retirant aux présidents de groupe l’intérêt à agir.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 15.

    Mme Marie-France Lorho

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    Il vise à promouvoir une meilleure représentativité des parlementaires ; à cette fin, il prévoit que soixante députés ou soixante sénateurs soient désignés comme personnalités ayant intérêt à agir.

    M. le président

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    L’amendement no 17 de M. Gérault Verny est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Je répondrai de manière générale concernant le périmètre des personnalités ayant intérêt à agir contre les actes d’un gouvernement démissionnaire. L’article 24 de la Constitution dispose que le rôle du Parlement, comme institution, est de contrôler l’action du gouvernement.

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    C’est pourquoi nous avions d’abord limité l’intérêt à agir aux présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et des commissions permanentes. En commission, M. Mazars et moi avons souhaité trouver un compromis avec les députés désireux d’étendre l’intérêt à agir. Les commissaires aux lois ont voté à la majorité pour inclure dans le dispositif les présidents de groupe parlementaire.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est quand même le minimum !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Nous nous rapprochons ainsi de dispositions similaires votées au Sénat. Je vous invite à en rester là.
    Mme Cathala a fait valoir qu’avec ce texte, aucun recours n’aurait été possible pendant une dizaine de jours en juillet 2024. C’est inexact car le gouvernement n’est démissionnaire qu’à partir du moment où le président de la République accepte la démission du premier ministre ; on peut le regretter, mais tel est bien le droit positif. En l’espèce, la démission du premier ministre a été acceptée le 16 juillet, effective le 17 et l’élection de la présidente de l’Assemblée nationale s’est tenue le 18 juillet. Il y aurait donc eu vingt-quatre heures de latence, c’est vrai ; néanmoins, le président du Sénat, les présidents des commissions permanentes du Sénat et les présidents de groupe parlementaire auraient eu intérêt à agir pendant ce laps de temps. Le recours devant le juge administratif aurait donc été possible si le gouvernement démissionnaire avait outrepassé manifestement ses compétences. Enfin, le juge administratif nous a indiqué lors des auditions qu’il peinerait à remplir son office si un grand nombre de recours étaient déposés.
    Enfin, je me réjouis que le Rassemblement national souhaite s’en remettre à la sagacité des juges pour contester la légalité d’actes administratifs. (Mme Mathilde Feld applaudit.)
    Mon corapporteur et moi sommes défavorables à l’extension du périmètre des personnalités ayant intérêt à agir. Sur les amendements nos 16 et 20 tendant à supprimer l’équilibre trouvé en commission, nous formulerons plutôt un avis de sagesse…

    M. Philippe Gosselin

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    Ah non, pas de sagesse !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    …même si, à titre personnel, j’y suis plutôt défavorable.

    M. Philippe Gosselin

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    Il faut le dire !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    En effet, nous avons réussi à créer un consensus pour étendre l’intérêt à agir aux groupes parlementaires et aux présidents de commission qui, je le rappelle, passent parfois de la majorité à l’opposition avec les changements de gouvernement, de sorte qu’ils ne constituent pas un ensemble politique monolithique.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Je m’associe aux avis donnés par ma corapporteure et souhaite répondre à Mme Cathala, qui avait formulé une réflexion intéressante en commission sur le fait qu’il pouvait y avoir un décalage entre le début de la législature et l’élection de la présidence de l’Assemblée nationale, celles des présidences des commissions et la nomination par chaque groupe de son président. Comme vient de le dire Léa Balage El Mariky, dans la situation que nous avons connue l’été dernier, l’impossibilité d’utiliser le dispositif que nous cherchons à instaurer n’aurait été réelle que pendant une seule journée. En outre, le Sénat et ses organes auront toujours la possibilité de saisir le tribunal administratif. Dans toutes les hypothèses, même les plus maximalistes, l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, celle des présidents de commission et la nomination des présidents de groupe interviendra avant l’expiration du délai de deux mois qui permettra à chaque parlementaire ou en tout cas aux organes du Parlement de faire un recours pour excès de pouvoir. Les droits des organes que nous avons identifiés comme étant ceux susceptibles de former les recours sont donc totalement préservés dans toutes les hypothèses, même les plus pessimistes.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Sur l’amendement no 2 de M. Iordanoff, j’ai eu l’occasion de dire que je n’étais pas favorable à une telle approche maximaliste qui ne fait aucun cas des écueils que pourrait produire une telle mesure, notamment du risque de contestation systématique des actes du gouvernement devant un juge administratif pour des raisons purement politiques. L’avis du gouvernement sur l’amendement no 2 est donc défavorable.
    Sur l’amendement no 8 de Mme Cathala, je reprends les excellents arguments développés par les deux rapporteurs sur la solidité de la Ve République. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Vous lui attribuez des défauts, mais elle présente en l’occurrence une certaine robustesse, y compris celle de prévoir une deuxième chambre qui reste solide même pendant une période électorale, puisque seule la moitié de son effectif est concernée. L’avis du gouvernement sur l’amendement no 8 est donc aussi défavorable.
    Les amendements identiques nos 16 et 20 tendent à supprimer les présidents des groupes parlementaires de la liste des personnes autorisées à présenter un recours, liste dans laquelle ils ont été inclus par un amendement adopté en commission, alors que les auteurs du texte ont clairement indiqué que leur proposition s’inscrivait dans une logique institutionnelle et non partisane. Le contrôle du gouvernement démissionnaire revient en effet au Parlement et non à des groupes politiques particuliers. Il est donc normal que le pouvoir de saisir le juge administratif soit confié aux autorités qui disposent d’une légitimité propre, les présidents de groupe représentant les sensibilités politiques du Parlement. Le gouvernement s’en remet néanmoins à la sagesse de l’Assemblée quant à la question de savoir si étendre le dispositif à ces derniers est nécessaire ou si elle ouvre la voie à des contentieux inutiles. Sagesse, donc, sur les amendements identiques nos 16 et 20.
    Enfin, l’avis du gouvernement sur les amendements nos 15 et 17 est défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce débat est important. Certaines personnes qui ont déposé des amendements ont exprimé le souci très légitime que l’ensemble du spectre politique puisse contrôler l’action du gouvernement. La rédaction de l’article 1er  issue de la commission résout à mon sens le problème, car elle permet aux présidents des deux chambres, des commissions permanentes et des groupes politiques de saisir le Conseil d’État. Les avis exprimés par les rapporteurs nous semblent donc équilibrés. Entre trente-cinq et quarante parlementaires, qui présentent une certaine diversité politique, pourraient ainsi exercer ce contrôle.
    Par ailleurs, à la suite des rapporteurs, je souhaite répondre à Mme Cathala qui a laissé entendre que pendant quelques jours il ne pourrait y avoir aucun recours. C’est faux, car le Sénat ne peut pas être dissous. Les sénateurs pourraient donc, s’il y avait une difficulté particulière, saisir la justice en effectuant un recours pour excès de pouvoir.
    À titre personnel, je suis donc contre tous les amendements en discussion commune, car l’article 1er me semble très bien écrit à ce stade.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je l’ai dit à la tribune, je fais partie des parlementaires qui s’interrogent sur un droit individuel à agir. Je fais le parallèle avec l’article 44, alinéa 1, de la Constitution, qui reconnaît aux membres du Parlement un droit d’amendement : de même que les parlementaires ont le droit de saisir l’Assemblée, et à travers elle l’opinion, d’amendements qui peuvent changer le droit positif, de même ils devraient avoir le pouvoir correspondant, à savoir un intérêt à agir.
    J’entends bien que l’exercice d’un intérêt à agir individuel puisse être un peu compliqué, qu’il ne soit pas simple de gérer 577 sujets de discorde, auquel il faut ajouter 348 sujets de discorde avec les sénateurs. Au moins, qu’on ne supprime pas, comme le proposent Mme Bergantz et M. Moulliere, avec qui je suis plutôt en phase habituellement, l’intérêt à agir pour les présidents de groupe. Je le dis franchement : sauvegardons au moins cela.
    Pour répondre aux différents arguments qui ont été avancés, je rappelle par ailleurs que, de 1958 jusqu’à ces dernières années, en raison du fait majoritaire, on savait qui était dans la majorité et qui était dans l’opposition, constituant la force d’alternance : une fois c’était toi, une fois c’était moi.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’était tellement chouette ! (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin

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    À présent, ce n’est plus comme cela. Nous savons bien ici que les majorités sont à faire ou à défaire pratiquement au jour le jour dans cet hémicycle. Il n’est donc pas certain que les présidents de groupe ou les présidents de commission auront forcément un intérêt à agir parce qu’ils sont dans l’opposition, car il n’y a pas une mais plusieurs oppositions. Je souhaite, car il s’agit d’un principe démocratique, que toutes les oppositions puissent saisir et s’exprimer. C’est pourquoi je voterai contre les amendements identiques nos 16 et 20.
    À défaut d’accorder à chaque parlementaire un droit individuel à agir, l’amendement no 15 de Mme Lorho tend à l’accorder à soixante députés et soixante sénateurs. Prenons pour exemple ce qui se fait pour le Conseil constitutionnel : la saisine par soixante députés et soixante sénateurs a été considérée comme une grande avancée démocratique en 1974. Le président Giscard d’Estaing nouvellement élu avait alors voulu faire de son mandat un septennat moderne, qui parle à l’opinion publique ainsi qu’à l’opposition et qui soit respectueux des droits du Parlement. Nous avons ici une belle occasion d’élargir l’intérêt à agir. Soixante députés et soixante sénateurs, ce n’est pas tout le monde, ça enferme un peu, mais cela permettrait aussi aux parlementaires non inscrits, qui par définition n’appartiennent à aucun groupe, de participer à une telle saisine. Je soutiendrai donc clairement, comme le groupe de la Droite républicaine, l’amendement no 15 de Mme Lorho.

    M. Philippe Vigier

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    Il a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    J’entends les réponses des rapporteurs et de la ministre sur la question de savoir qui peut saisir le Conseil d’État. Dans un esprit de consensus, je retirerai l’amendement no 2.
    Néanmoins, j’attendrai le vote sur les amendements nos 16 et 20 pour déterminer mon vote sur les amendements suivants. S’ils devaient passer, cela limiterait beaucoup la portée de cette proposition de loi. En effet, statistiquement, depuis le début de la Ve République, il y a des majorités très larges ; par conséquent, si nous limitons l’intérêt à agir aux présidents des deux chambres et aux présidents des commissions, il est peu probable que l’opposition ait un droit de recours. Si les amendements nos 16 et 20 devaient être adoptés, je pense qu’il faudrait voter l’amendement no 17 de M. Verny.
    Je regrette que la ministre n’ait pas exprimé une position plus ferme et plus claire sur les amendements nos 16 et 20. Je veux bien retirer l’amendement no 2, mais je voudrais alors que nous restions à l’équilibre trouvé en commission au lieu d’aller en deçà.

    M. Paul Molac

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    Très bien !

    (L’amendement no 2 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Emeric Salmon.

    M. Emeric Salmon

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    Je serai bref. Vous devinez bien que je suis favorable à l’amendement no 15 de Mme Lorho qui, je pense, est le mieux écrit, par parallélisme des formes, comme l’a dit M. Gosselin. Une soixantaine, c’est déjà le nombre nécessaire pour le dépôt d’une motion de censure ou d’une motion référendaire, comme pour la saisine du Conseil constitutionnel. Cette disposition permet à tous les députés d’agir, qu’ils fassent partie d’un groupe ou d’un intergroupe, car les groupes plus petits se forment en intergroupes. L’amendement no 8 de Mme Cathala et l’amendement no 2 que M. Iordanoff a retiré, qui étaient rédigés différemment mais qui donnaient le même résultat, aboutiraient peut-être à une embolie du Parlement, en donnant trop de puissance aux parlementaires. À l’inverse, les amendements nos 16 et 20 de nos collègues Bergantz et Moulliere sont sans doute trop restrictifs. Je rappelle par exemple que le président de la commission des finances doit appartenir à l’opposition, mais qu’actuellement il y a plusieurs oppositions –⁠ il faut prendre ce fait en considération.
    L’amendement no 17 de M. Verny est un amendement de repli. Si l’amendement no 15 n’est pas adopté, nous voterons évidemment pour l’amendement no 17.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Notre collègue Gosselin a parlé de l’intérêt à agir comme d’un droit individuel, au même titre que le droit d’amendement. Cependant, le droit d’amendement individuel est constitutionnel. En revanche, le droit individuel à l’intérêt à agir n’est jamais reconnu en réalité, ou très rarement. Nous essayons de le faire, mais c’est parce que nous avons une qualité spécifique qui est celle d’être parlementaire, en l’espèce président de groupe, président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ou président d’une des commissions permanentes qui les composent.
    L’intérêt à agir est toujours défini par rapport à notre lien avec l’acte qui est contesté. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons octroyer l’intérêt à agir seulement aux présidents des deux chambres, aux présidents des commissions et aux présidents de groupe, pour défendre l’institution qui peut être lésée, notamment parce qu’un gouvernement démissionnaire aurait pris des décisions au-delà de ses compétences, qui se limitent alors aux affaires courantes et urgentes.
    Monsieur Gosselin, vous avez dit être favorable à l’amendement no 15 de Mme Lorho ; pourtant celui-ci prive les présidents de groupe d’un intérêt à agir.

    M. Philippe Gosselin

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    Effectivement, il manque quelque chose !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Votre groupe ne pourrait donc plus bénéficier de cette qualité. Votre lecture de l’amendement no 15 a peut-être été rapide.

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    En tout état de cause, étant donné l’esprit constructif dans lequel nous menons ces discussions et notre effort vers un dispositif, sinon équilibré, du moins qui permette que cette proposition de loi fasse la navette parlementaire et puisse être adoptée au Sénat, de même que notre collègue Iordanoff a retiré l’amendement no 2, j’appelle Mme Bergantz et M. Moulliere à retirer les amendements nos  16 et 20, pour que nous nous en tenions au dispositif adopté en commission, qui me semble être la position susceptible d’obtenir la majorité, voire l’unanimité, dans cet hémicycle.

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Comme l’un des orateurs l’a dit, si nous devions adopter l’article 1er tel qu’il est issu de nos travaux en commission, en effet, trente-six parlementaires très précisément auraient intérêt à agir, sénateurs et députés confondus. Pardon de considérer que c’est considérable.

    Mme Ségolène Amiot

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    Ça ne fait pas beaucoup sur 60 millions de Français !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Ne parlez pas sur ce ton, car nous sommes à l’initiative de ce texte qui permet d’instaurer un cadre, là où il y a un vide juridique. Nous débattons donc de façon véritablement sereine.
    En commission des lois, nous avons accepté d’élargir cette possibilité aux présidents de groupe. Monsieur Gosselin, les formations politiques, notamment celles d’opposition, pourront donc agir, interpeller l’opinion publique et déposer un recours pour excès de pouvoir. Il me semble que nous atteignons notre objectif commun.

    M. Emeric Salmon

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    Comme pour les motions de censure !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Madame Lorho, permettez-moi de vous redire que, si nous étendions cette possibilité à soixante députés et soixante sénateurs, nous supprimerions l’intérêt à agir des présidents de groupe. Par conséquent, cela pénaliserait les groupes dont les effectifs sont inférieurs à soixante députés ou sénateurs. Je rappelle que, pour constituer un groupe, il faut dix sénateurs au Sénat et quinze députés à l’Assemblée.
    Votre amendement, qui est plus restrictif et moins-disant, réduit la liberté d’action. Les trente-six parlementaires rempliraient bien la mission qui leur est conférée par ce texte : permettre aux oppositions de déposer un recours pour excès de pouvoir. L’équilibre me semble atteint avec la proposition que nous avons faite au terme des débats en commission des lois.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Aux termes des articles 24 et 48 de notre Constitution, l’Assemblée a un pouvoir de contrôle sur le gouvernement. Je suis tout à fait étonné, et je pense que les spectateurs aussi,…

    M. Thibault Bazin

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    Et même les téléspectateurs qui nous suivent !

    M. Jean Moulliere

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    Ce n’est pas un spectacle, ici !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Il a raison !

    M. Jean-François Coulomme

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    …de voir que l’Assemblée nationale peut se résigner à abandonner ce pouvoir, de telle sorte qu’un gouvernement démissionnaire se retrouve à exercer un pouvoir de contrôle sur nous-mêmes.
    Vous ne devriez pas tomber dans cette servitude volontaire ! Emparons-nous plutôt de tout le pouvoir dont nous avons été chargés par la volonté du peuple français. Dans une période où le gouvernement est démissionnaire, nous avons justement besoin d’un pouvoir accru de contrôle sur tous les actes administratifs, les décrets et les ordonnances. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    J’entends notre collègue du Rassemblement national, qui prétend être aussi dans l’opposition, dire que cela risquerait de donner trop de pouvoir aux parlementaires.

    M. Emeric Salmon

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous confirmez le fait que vous êtes un peu antiparlementaristes sur les bords, en ne vous saisissant pas de ce pouvoir. C’est très étonnant : vous tous, qui êtes députés, allez donner raison aux gouvernements démissionnaires successifs. Prenez garde : un jour, un gouvernement issu de nos rangs fera des choses que vous réprouverez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Madame la rapporteure, je ne sais pas si c’est mon enthousiasme face à cette idée, que j’ai aussi eue, des soixante députés ou sénateurs, qui m’a légèrement égaré, ou bien le respect que je porte à ma collègue Lorho. Toujours est-il qu’il n’est pas question de supprimer l’intérêt à agir des présidents de groupe.
    Je souhaitais présenter un sous-amendement, afin de conserver les présidents de groupe, mais il se trouve qu’il est un peu tard –⁠ je me tourne vers le président et les rapporteurs, qui pourraient éventuellement le faire…
    Je ne voterai donc pas pour l’amendement, mais je suggère que le Sénat, dans le cadre d’un dialogue entre les deux assemblées, prenne en compte cette demande, qui est en réalité une exigence démocratique.

    M. le président

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    La parole est à M. Emeric Salmon.

    M. Emeric Salmon

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    Monsieur Gosselin, je ne comprends pas votre position. Après avoir soutenu cet amendement, vous dites que vous l’avez mal lu. L’intérêt que nous avons à voter la loi ne doit pas dépendre de notre propre position. Votre groupe compte quarante et un élus…

    M. Thibault Bazin

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    Quarante-sept !

    M. Emeric Salmon

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    …ou plutôt quarante-sept, donc vous êtes en dessous de la barre des soixante. Il vous suffirait de vous allier avec un autre groupe. Aujourd’hui, nous sommes cent-vingt députés.

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Vous avez été moins de soixante !

    M. Emeric Salmon

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    Certains souhaitent sans doute que nous soyons moins demain. Nous votons pour la règle de soixante, car nous ne craignons pas un tel changement.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Je demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    Nous en venons au vote sur les amendements en discussion commune.

    (Les amendements identiques nos 16 et 20 sont retirés.)

    (L’amendement no 8 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 15.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        144
            Nombre de suffrages exprimés                144
            Majorité absolue                        73
                    Pour l’adoption                51
                    Contre                93

    (L’amendement no 15 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 17 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        147
            Nombre de suffrages exprimés                147
            Majorité absolue                        74
                    Pour l’adoption                147
                    Contre                0

    (L’article 1er est adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 13, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur l’amendement no 14, par le groupe Rassemblement national.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    À la faveur de la discussion sur l’article 2, je souhaite revenir sur un point évoqué dans la discussion générale par plusieurs orateurs : le contrôle des commissions permanentes sur les membres du gouvernement, en période d’expédition des affaires courantes. Nous avons connu une telle période durant soixante-sept jours, ce qui est très long.
    Le 9 septembre 2024, la commission des finances, dont je suis membre, a auditionné le ministre des finances de l’époque, Bruno Le Maire, et le ministre des comptes publics, Thomas Cazenave, qui avaient accepté de répondre à l’invitation du président de la commission des finances. Cette audition s’imposait pour des raisons évidentes, étant donné la situation budgétaire.
    Plusieurs orateurs ont évoqué l’hypothèse d’un refus des ministres. Cette situation aurait posé un vrai problème, en raison de l’importance de ces sujets de finances publiques, sur lesquels les parlementaires doivent exercer leur pouvoir de contrôle.
    J’ai déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable, car il violait manifestement la séparation des pouvoirs. Je tiens à dire aux rapporteurs et au gouvernement que le problème évoqué dans la discussion générale et sur lequel je reviens ici mériterait d’être creusé.
    Le droit gagnerait à être clarifié par un texte précisant les modalités d’audition des membres du gouvernement par les commissions permanentes en période d’expédition des affaires courantes. Autrement, cela risque de poser de vrais problèmes de contrôle de l’action du gouvernement.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.

    M. Emeric Salmon

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    Sur le fondement de l’article 54 de notre règlement. Hier, M. Sitzenstuhl s’est amusé à brandir cet article quand nous déviions un peu du sujet. Aujourd’hui, il prend la parole pour parler d’un autre sujet que l’article 2. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pas du tout !

    M. Emeric Salmon

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    Je tiens à lui rappeler avec sympathie que, quand on fait des rappels au règlement aux autres, on se les applique aussi à soi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Ce n’est pas la Star Academy !

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 13.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Il tend à limiter la durée pendant laquelle le gouvernement expédie les affaires courantes, puisqu’il n’a échappé à personne que les résultats des élections du 7 juillet 2024 ont été niés par le président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Cela devrait être le sujet principal de notre débat, puisque nous avons connu une période d’expédition des affaires courantes d’une durée inédite de soixante-sept jours, qui dépasse les périodes les plus longues de la IVe et de la Ve République.
    Le texte n’aborde pas la définition problématique des affaires courantes par le secrétariat général du gouvernement, qui est une administration de Matignon. Je ne vois pas en quoi le secrétariat général du gouvernement est légitime pour le faire.
    Nous avons constaté, au cours des soixante-sept jours de l’été dernier, un certain nombre d’abus : je pense à des nominations, à la mise en place de certaines réformes, à des annonces et à la gestion des Jeux olympiques, qui ont été l’excuse pour appeler à une pause démocratique et continuer à nier le résultat des élections. Il faut donc limiter cette période d’expédition des affaires courantes car, en l’état des textes, elle aurait pu se poursuivre jusqu’en 2027 –⁠ il n’y a aucune limite.
    Nous avons également observé une nouvelle dérive au cours d’une seconde période d’expédition des affaires courantes, à Noël, quand le gouvernement a préparé la loi spéciale et l’a présentée en Conseil des ministres : une première pour un gouvernement dont l’action était censée se limiter à l’expédition des affaires courantes ! Et cela a donné lieu à des annonces qui ne relevaient pas du tout des affaires courantes. Je pense par exemple à M. Retailleau, qui a voulu profiter de la chute de Bachar al-Assad pour expulser directement les réfugiés syriens.
    Il importe donc de restreindre la période d’expédition des affaires courantes et nous proposons, avec cet amendement, de la limiter à cinq jours.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Vous souhaitez limiter à cinq jours la période d’expédition des affaires courantes. On est très loin de ce que nous avons connu l’été dernier, et même au cours du mois de décembre… Aucun pays ne limite cett période à une durée aussi courte. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Même en Espagne, il faut attendre deux mois avant que de nouvelles élections soient organisées. Votre proposition est très éloignée de la pratique constitutionnelle en vigueur dans les autres pays.
    Votre amendement méconnaît par ailleurs l’article 8 de la Constitution, qui ne fixe aucun délai au président de la République pour nommer un nouveau premier ministre, puis un nouveau gouvernement. Nous pourrions tout à fait connaître –⁠ comme vous l’avez dit, du reste – une période d’expédition des affaires courantes de plusieurs mois. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons prévoir, le cas échéant, un contrôle démocratique plus efficient que celui qui existait jusqu’alors –⁠ et qui est pratiquement nul.
    Votre proposition est en complet décalage avec le temps politique que nous connaissons. Nous sommes persuadés, avec Léa Balage El Mariky –⁠ et je pense que ce point de vue est partagé sur de nombreux bancs – que nous entrons dans un nouveau temps politique et que nous allons avoir à connaître des périodes d’expédition des affaires courantes de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues.
    C’est la raison pour laquelle nous devons imaginer, pour ces périodes-là, un mode de gestion qui permette aux formations politiques de discuter entre elles au sein de cette assemblée, de former des coalitions et, sur la base de ces coalitions, de trouver un programme commun, à l’instar de ce qui peut se produire en Belgique ou aux Pays-Bas –⁠ puisque ce sont les pays que nous avons étudiés dans le cadre de nos travaux.
    Ces périodes d’expédition des affaires courantes ne doivent pas être vécues comme des drames. Il faut au contraire les aborder assez sereinement, demander aux formations politiques de discuter entre elles et faire en sorte que le Parlement puisse contrôler les actes pris par le gouvernement démissionnaire, afin qu’aucun abus ne soit commis. Vous l’avez dit vous-même : il y a des risques d’abus. Même si je ne partage pas forcément votre point de vue sur certaines des décisions qui ont pu être prises, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut exercer un véritable contrôle au cours de ces périodes, qui sont amenées à se multiplier et à être de plus en plus longues. Il importe que les formations politiques fassent preuve de maturité et qu’elles parviennent à trouver des consensus et à former des coalitions, que nos concitoyens appellent d’ailleurs de leurs vœux. (M. Jean Terlier applaudit.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Comme le rapporteur l’a dit très justement, aucune règle de la Constitution de 1958 n’impose de délai au président de la République pour nommer un gouvernement. En toute hypothèse, ce n’est pas à la loi ordinaire de fixer un tel délai, qui ne peut relever que d’une procédure de révision de notre Constitution. Pour cette raison technique, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    J’ai l’impression qu’on se fait de nœuds au cerveau et je vais expliquer où je veux en venir. On a actuellement, en France, des gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois correctement ; on a actuellement, en France, de très gros problèmes d’insécurité,…

    M. Emmanuel Fernandes

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    On a des délinquants !

    M. Kévin Mauvieux

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    …de très gros problèmes liés à l’immigration, à l’accès aux soins, etc. Et nous passons trois heures à discuter d’un texte qui vise à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes !

    Mme Mathilde Feld

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    C’est fondamental, c’est un peu la base de la démocratie !

    M. Kévin Mauvieux

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    Vous êtes en train de monopoliser trois heures du temps parlementaire pour essayer de gérer ces périodes qui sont dues à vos magouilles…

    M. Nicolas Sansu

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    Parole d’expert !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Rendez l’argent !

    M. Kévin Mauvieux

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    …entre groupes politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Exclamations sur de nombreux bancs.)
    Si vous le permettez, je vais aller au bout de ma démonstration. Souffrez que j’expose la réalité, mes chers collègues !
    Si nous avons manqué pendant des semaines d’un gouvernement digne de ce nom, c’est parce que les LFI, les macronistes et les LR se sont mariés, ont formé une sorte de trouple, pour pouvoir maintenir leurs petits sièges confortables.

    Mme Ségolène Amiot

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    Rendez l’argent !

    M. Kévin Mauvieux

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    Si ce faux trouple ne s’était pas constitué, si vous aviez été honnêtes envers les électeurs…

    M. Inaki Echaniz

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    Rendez les 4 millions que vous avez pris dans les caisses !

    M. Kévin Mauvieux

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    …et si vous aviez maintenu vos candidats aux élections, nous aurions aujourd’hui une majorité. La constitution de cette majorité que les Français appellent de leurs vœux aurait permis d’avoir un gouvernement digne de ce nom, donc d’éviter d’avoir à expédier les affaires courantes pendant plusieurs semaines.
    En réalité, vous êtes en train d’essayer de trouver une solution pour gérer les périodes d’expédition des affaires courantes que vous créez vous-mêmes avec vos alliances contre-nature entre les pro-Hamas, ceux qui se disent favorables à l’autorité et à la fermeté et ceux qui se disent macronistes.

    M. Emmanuel Fernandes

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    En taule, les escrocs !

    M. Kévin Mauvieux

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    Bref, le parti unique se réunit, il crée les conditions de l’absence de majorité et il passe trois heures, ensuite, à vouloir corriger les conditions… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe RN, ainsi que quelques députés du groupe UDR, applaudissent ce dernier.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Notre collègue du Rassemblement national a parlé de magouilles. Quand on pense au jugement de 152 pages qui a été publié lundi, c’est assez savoureux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce sera bientôt votre tour pour une affaire semblable !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Pour revenir à ce que vous appelez des magouilles électorales, je vous confirme, monsieur, que nous ne voterons jamais pour vous, quelles que soient les circonstances. (Mêmes mouvements.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Elle n’est pas là, Chikirou ?

    Mme Gabrielle Cathala

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    J’en viens au fond de l’amendement. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l’article 8 de la Constitution. Cet article dispose que le président de la République « nomme » le premier ministre, et non qu’il le « choisit ». (Mêmes mouvements.) En effet, dans un pays qui respecte la tradition républicaine, le président de la République doit nommer la personne qui émane de la coalition arrivée en tête aux élections. (M. Christophe Bex applaudit. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Or ce n’est pas ce qui s’est passé le 7 juillet dernier. Et c’est pourquoi nous souhaitons mieux encadrer ce type de situation.

    M. Théo Bernhardt

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    Vous avez voté ensemble ! Regardez votre coalition, qui remplit les deux tiers de l’hémicycle !

    Mme Gabrielle Cathala

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    J’aimerais revenir au débat précédent, parce que j’ai l’impression que certains d’entre vous aiment être dépossédés de leurs prérogatives. Nous avons proposé que tous les parlementaires puissent saisir le Conseil d’État, ce qui n’était pas grand-chose. Du reste, soyons honnêtes, ce texte n’est qu’une succession de mesurettes, alors qu’il faudrait une réforme constitutionnelle d’ampleur.
    Si cela ne vous dérange pas qu’il y ait vingt-cinq 49.3 en deux ans,…

    M. Théo Bernhardt

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    Il ne fallait pas voter pour Macron !

    M. Kévin Mauvieux

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    C’est vous qui avez voté pour Macron !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …si cela ne vous dérange pas de ne voter ni sur le projet de loi de finances, ni sur le budget de la sécurité sociale, si cela ne vous dérange pas que la présidente de l’Assemblée nationale décide là, au dernier moment, que nous allons peut-être siéger ce week-end pour examiner le projet de loi de simplification de la vie économique, si cela ne vous dérange pas que le règlement puisse être réformé une nouvelle fois pour que l’opposition ait moins de pouvoir, eh bien, interrogez-vous sur votre mandat de parlementaire et sur le sens que vous lui donnez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous avez évoqué la Belgique : ce pays respecte, comme d’autres régimes parlementaires européens, la tradition démocratique qui consiste à laisser à la coalition arrivée en tête le soin de déterminer qui sera son premier ministre. Il revient ensuite à ce dernier de former un gouvernement. Ce n’est pas au président de la République d’inviter à l’Élysée les différentes formations issues des élections législatives et de les mettre ensemble pour trouver un premier ministre.
    Pourquoi y a-t-il intérêt à inscrire une durée maximale dans la loi ? Je vous renvoie à ce qui s’est passé en 1997 : à l’époque, M. Chirac a tout de suite reconnu sa défaite aux élections et, dès le lendemain, la nomination de M. Jospin, qui avait été choisi par la coalition arrivée en tête, a été annoncée au Journal officiel. Je ne vois pas pourquoi nous n’aurions pas pu faire la même chose ici.

    M. le président

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    Merci de conclure.

    M. Philippe Vigier

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    Revenons au texte !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Nous devrions même limiter la durée pendant laquelle le président de la République peut refuser la démission du premier ministre qui a été vaincu. Rappelez-vous, l’été dernier : M. Attal a tout de suite présenté sa démission et le président a laissé traîner les choses pendant des jours, pour nous empêcher d’avancer ici, à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    J’aimerais réagir aux propos de notre collègue du Rassemblement national. Je suis assez choqué (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) de l’entendre dire qu’on ne devrait pas prendre du temps pour discuter de cette période, somme toute assez anormale dans la vie du pays, qui consiste à avoir un gouvernement démissionnaire.
    Vous, vous mobilisez des heures et des heures pour parler des étrangers, de l’immigration, des questions sécuritaires (Exclamations sur les bancs du groupe RN), qui sont certes des questions importantes, mais il y en a d’autres qui méritent qu’on leur consacre du temps à l’Assemblée nationale : je pense à la santé, aux services publics, à l’éducation. En termes de temps perdu, vous avez aussi votre part ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 13.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        143
            Nombre de suffrages exprimés                141
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                20
                    Contre                121

    (L’amendement no 13 n’est pas adopté.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous l’avez, votre réponse : voilà ce que vous pesez !

    M. le président

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    L’amendement no 18 de M. Gérault Verny est défendu.

    (L’amendement no 18, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 14.

    Mme Marie-France Lorho

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    Je propose de supprimer les alinéas 9 et 10, c’est-à-dire l’obligation faite au nouveau gouvernement de remettre au parlement un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé, dans la mesure où ce bilan peut être fait par le gouvernement démissionnaire lui-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 6, par le groupe Ensemble pour la République ; sur les amendements nos  10 et 11, par le groupe La France insoumise ; sur l’article 2, par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 14 ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable. Demander au nouveau gouvernement de remettre, dans un délai de deux mois à compter de sa nomination, un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé, me semble constituer une avancée dans le contrôle démocratique du Parlement sur les actes du gouvernement. Nous tenons à cette disposition : c’est l’un des éléments importants du texte.
    Le gouvernement démissionnaire ne peut pas produire lui-même ce rapport puisque, dès lors qu’un nouveau premier ministre a été nommé, le gouvernement démissionnaire n’existe plus ; il n’a plus d’existence juridique. Seul le nouveau gouvernement peut produire un tel rapport.
    Nous avons auditionné le secrétariat général du gouvernement : il nous a dit que cela ne pose aucune difficulté, même pour le nouveau gouvernement, d’établir la liste de tous les actes pris par le gouvernement démissionnaire et de l’adresser au Parlement.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 14.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        149
            Nombre de suffrages exprimés                149
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                53
                    Contre                96

    (L’amendement no 14 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 4 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Même avis.

    (L’amendement no 4 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il s’agit presque d’un amendement rédactionnel, mais il me semble important. Dans le rapport qui sera remis par le nouveau gouvernement, il est prévu que soient mentionnés les déplacements des ministres. Il me semble utile de préciser qu’il s’agit des déplacements effectués par les ministres « dans l’exercice de leurs fonctions », et non en tant que personnes privées.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Il faut éviter les lois bavardes. Il va de soi que les déplacements qui figureront dans ce rapport sont ceux que les ministres auront faits dans l’exercice de leurs fonctions. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Cette précision me semble également relever d’une forme d’évidence mais je m’en remettrai, sur cette question, à la sagesse de votre assemblée.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je ne suis pas d’accord avec le rapporteur : il me semble important de préciser les choses pour éviter les zones grises.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 6.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        147
            Nombre de suffrages exprimés                80
            Majorité absolue                        41
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                40

    (L’amendement no 6 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Monsieur Sitzenstuhl, je vous propose de retenter votre chance avec l’amendement no 7.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Cela me permettra de répondre aux collègues du Rassemblement national, car j’ai travaillé ce texte : je l’ai lu ligne par ligne. (Les députés du groupe RN font mine d’applaudir.) Il s’agit en quelque sorte d’un amendement d’appel visant à clarifier l’objet du rapport. Certains déplacements du ministre des armées, par exemple, peuvent être couverts par le secret de la défense nationale : il importe donc que les informations qui relèvent de ce secret, n’ayant pas vocation à être rendues publiques, ne figurent pas dans ce rapport.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    J’avais compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel : la question, superfétatoire, ne s’est jamais posée lorsque nous avons adopté les lois relatives à l’état d’urgence sanitaire. Bien entendu, rien de ce qui touche au secret-défense n’a alors été et ne sera communiqué au Parlement ni a fortiori rendu public. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Je partage votre souci de précaution, mais le régime juridique de communication des informations relevant du secret de la défense nationale s’applique d’ores et déjà. Afin que vous soyez rassuré, sagesse.

    (L’amendement no 7 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous en sommes au repli du repli : il s’agit de solliciter du gouvernement que, dans sa bienveillance, il réponde aux questions écrites et orales des parlementaires lorsque, démissionnaire, il expédie les affaires courantes. Puisqu’il continue d’agir durant cette période, pourquoi ne rendrait-il pas compte de ses actes ? Les sénateurs ont ce superpouvoir ; pourquoi ne l’obtiendrions-nous pas ? La dernière fois que ce cas de figure s’est produit, au mois de juin, nous n’avons plus pu poser de questions !

    M. Philippe Vigier

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    Il n’y avait plus d’Assemblée !

    M. Jean-François Coulomme

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    Rappelons d’ailleurs que les questions écrites, la plupart du temps, restent des mois sans réponse : pour certaines, nous attendons toujours. Quoi qu’il en soit, accordez-nous les mêmes pouvoirs qu’à nos collègues du Sénat et laissez-nous poser des questions, même celles auxquelles vous ne voulez pas répondre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 10 ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Le sujet des questions écrites et orales a été traité par la mission d’information flash dont les travaux ont débouché sur cette proposition de loi : nous avons identifié les points relevant d’une réforme de la Constitution, que nous appelons de nos vœux, et, avec ma corapporteure et le président de la commission des lois, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à renforcer le Parlement en période d’expédition des affaires courantes, dans laquelle les questions des parlementaires au gouvernement sont abordées. En revanche, ce point ne relève pas du texte que nous examinons, comme vous-même, monsieur Coulomme, l’avez indiqué lors de la discussion générale.
    Par ailleurs, si nous avons souffert, cet été, de ne pouvoir adresser au gouvernement des questions écrites ou orales, au mois de décembre, en revanche, nous pouvions déposer des questions écrites et il s’est tenu une séance de questions au premier ministre, lesquelles ont notamment porté sur le drame causé à Mayotte par le cyclone Chido.
    Vos demandes seront satisfaites dans le cadre d’une réforme constitutionnelle que nous appelons de nos vœux.

    M. Jean-François Coulomme

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    Lors de l’avènement de la VIe République, en somme…

    Mme Christine Arrighi

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    Voire de la VIIe !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    C’est donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Même avis. L’amendement est satisfait : il ressort du rapport de la mission flash sur le régime juridique des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire que cet objectif, au demeurant légitime, peut être atteint sans aucune évolution du droit.

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Nous souhaitons sécuriser, en l’inscrivant dans la loi, la possibilité de poser des questions écrites, auxquelles nous réclamons d’ailleurs des réponses, ou des questions au premier ministre, dont la tenue est décidée par la conférence des présidents. Peut-être Mme la ministre estime-t-elle l’amendement satisfait en raison du silence de la législation ; reste qu’en juillet dernier, nous n’avons eu droit à aucune séance de questions orales. Quant aux questions écrites, lorsque nous nous connections, en tant que parlementaires, à la page internet prévue à cet effet, celle-ci affichait quelque chose comme « inaccessible » ou « erreur 404 ». Or, cet été, la vie politique ne s’est pas interrompue : le conflit en Ukraine, le génocide à Gaza…

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est obsessionnel !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …ou encore la publication d’un rapport des Nations unies très critique au sujet de la gestion des Jeux olympiques, auraient mérité que nous puissions interroger le ministre des affaires étrangères ou le ministre de l’intérieur lors d’une séance de questions au gouvernement. En outre, le gouvernement démissionnaire de M. Attal se consacrait alors à préparer intégralement le budget présenté par M. Barnier, et qui a déterminé une austérité jamais vue depuis trente ans. Tout cela, je le répète, aurait mérité qu’il y ait en juillet des questions au gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Ce que vous souhaitez relève de votre assemblée –⁠ de la conférence des présidents, vous l’avez dit, et du bureau, qui peuvent parfaitement organiser des séances de questions au gouvernement, de questions orales sans débat, ou la remise de questions écrites. Contrairement à ce qu’affirmait M. Coulomme, le Sénat ne dispose d’aucun superpouvoir ! Je vous confirme donc que l’amendement est satisfait.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 10.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        163
            Nombre de suffrages exprimés                161
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                103
                    Contre                58

    (L’amendement no 10 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 11 tombe.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        162
            Nombre de suffrages exprimés                162
            Majorité absolue                        82
                    Pour l’adoption                161
                    Contre                1

    (L’article 2, amendé, est adopté.)

    Explications de vote

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff (EcoS)

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    Nous nous félicitons que les deux articles du texte aient été adoptés et voterons en faveur de l’ensemble. Il reste certes du travail en matière de contrôle parlementaire des actes du gouvernement, mais nous le ferons dans un autre cadre.

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz (Dem)

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    Le texte issu de nos débats se révèle nécessaire, équilibré. Je tiens néanmoins à rappeler qu’au cours de la période inédite que nous avons vécue l’été dernier, le gouvernement démissionnaire s’en est tenu aux affaires courantes : aucune de ses mesures n’a été suspendue ou annulée par le juge administratif. Par ailleurs, afin de favoriser le progrès de la discussion, nous avons retiré l’amendement no 16 : notre argument concernant une saisine institutionnelle plutôt que politique n’a pas été entendu. Le problème que pose la possibilité d’un recours pour excès de pouvoir accordée aux présidents des groupes parlementaires subsiste donc. En dépit de cette réserve, la proposition de loi rétablit un équilibre nécessaire entre exécutif et législatif, et le groupe Les Démocrates votera pour.

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Nous vivons des événements peu communs : dissolution, absence de majorité, Assemblée nationale qui ne siège pas durant trois mois. Il est donc nécessaire d’adapter la loi à ces circonstances, assez inédites sous la Ve République.
    Quant à notre collègue du Front national (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), je lui répondrai que nous ne choisissons pas à titre individuel les textes qui nous sont soumis : soit le gouvernement nous les impose, soit nous les retenons collectivement. Notre travail consiste à les discuter, les améliorer. Mme Lorho l’a fait, en déposant et soutenant des amendements ; vous auriez dû le faire, au lieu de croire que vos obsessions sont aussi les nôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho (RN)

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    Je l’ai dit dans mon propos liminaire, l’été 2024 a révélé la faiblesse de notre institution. La nécessité de renforcer l’action du Parlement en période d’expédition des affaires courantes constitue une évidence. En dépit du fait que notre collègue Gosselin n’ait plus soutenu mon excellent amendement no 15,…

    M. Philippe Gosselin

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    Parce qu’il y manquait un élément !

    Mme Marie-France Lorho

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    …le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Caure.

    M. Vincent Caure (EPR)

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    Le groupe Ensemble pour la République votera pour le texte et salue le travail accompli par les rapporteurs. Quand les affaires courent, comme dirait Philippe Gosselin, il devient nécessaire que les parlementaires disposent de nouveaux droits, afin de pouvoir agir et contrôler le gouvernement. L’équilibre de l’article 1er, obtenu en commission et que vous avez réussi à préserver, est le bon : il maintient l’intérêt à agir des présidents des groupes plutôt que de leur substituer, ainsi que le souhaitait notre collègue Lorho, soixante députés et soixante sénateurs. Il y a là, pour une démocratie, quelque chose de sain, même si l’on peut penser que nous ne revivrons pas de sitôt les soixante-sept jours de l’été 2024. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP)

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    Nous voterons pour ce texte, tout en en rappelant les insuffisances : de même que celle qu’a suspendue l’affaire Benalla, la réforme constitutionnelle promise n’aura sans doute jamais lieu. On nous affirme également qu’au cours de ces soixante-sept jours, jamais le gouvernement n’a abusé de son pouvoir ; or, d’une part, le fait de ne pas respecter le résultat des élections a constitué un grave abus (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ « Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe RN) ; d’autre part, tous les actes du gouvernement démissionnaire, soit plus de 2 000 décrets et arrêtés, n’ont pas fait l’objet d’une saisine du Conseil d’État. Par conséquent, il est faux de dire que tout a été accompli dans la légalité, d’autant que le périmètre des affaires courantes, donc les pouvoirs du gouvernement démissionnaire, est déterminé par les services de Matignon, ce qui est très problématique.
    J’invite donc tous ceux qui nous regardent à signer, sur le site de l’Assemblée nationale, notre pétition, afin que nous ayons enfin un débat sur la VIe  République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous en sommes à plus de 10 000 signatures ; il en faut 100 000 pour que la pétition soit discutée en commission des lois, à moins que cette dernière décide de l’enterrer pour que nous n’en discutions jamais –⁠ comme celle pour la dissolution de la Brav-M, la brigade de répression de l’action violente motocycliste, et celle visant à instaurer un référendum d’initiative citoyenne, conformément aux demandes des gilets jaunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin (DR)

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    Après cette page de pub de nos collègues Insoumis à une heure de grande écoute –⁠ on n’est jamais mieux servi que par soi-même, vous avez raison, il y a peu de chances qu’on soutienne votre volonté de VIe République, vous pourrez attendre longtemps (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) –, je m’exprimerai brièvement sur cette proposition de loi qui fait suite à l’excellent travail de nos collègues. Nous ne sommes sans doute pas parvenus à un texte totalement définitif, mais les échanges ont été nourris et fructueux. Les propositions, à défaut d’être adoptées dans cette assemblée, sont sur la table pour rejoindre le palais du Luxembourg.
    Le texte peut encore évoluer, mais il y a une volonté commune de mieux contrôler les affaires courantes d’un gouvernement démissionnaire qui s’éterniserait dans l’instabilité et dans l’incertitude –⁠ soixante-sept jours ! Espérons que nous ne connaîtrons pas de nouveau une période aussi longue prochainement, mais gouverner c’est prévoir : nous disposerons d’instruments utiles pour renforcer les pouvoirs du Parlement, notamment son pouvoir de contrôle. Cela paraît légitime dans une démocratie –⁠ pouvoirs et contre-pouvoirs sont des éléments indispensables. Le groupe Droite républicaine votera bien sûr pour ce texte –⁠ nous le reverrons, mais c’est un vote positif.

    M. Philippe Juvin

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    Très bien !

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        168
            Nombre de suffrages exprimés                168
            Majorité absolue                        85
                    Pour l’adoption                168
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure

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    Je tiens à vous dire mon émotion. Quand j’ai été élue en juillet 2024, je m’étais fait une promesse : celle de défendre l’État de droit qui est attaqué dans certains propos politiques, par celles et ceux qui souhaitent le fragiliser pour mieux prendre le pouvoir, l’accaparer et ne jamais le rendre. C’est la raison pour laquelle parfois, il faut regarder les trous qu’il y a dans la raquette de nos institutions. Il y avait un trou : celui du contrôle des actes pris par un gouvernement démissionnaire. Je suis très heureuse que nous ayons adopté à l’unanimité ce texte qui est une première pierre –⁠ peut-être pas la principale – permettant de renforcer l’édifice de nos institutions.
    Mon collègue Stéphane Mazars, que je remercie sincèrement, et moi-même avons mené un travail collectif et transpartisan. Je remercie également Antoine Stephany, administrateur de la commission des lois, qui nous a accompagnés tout au long de la mission d’information, de la rédaction de la proposition de loi et de la proposition de loi constitutionnelle visant à renforcer le Parlement en période d’expédition des affaires courantes –⁠ je vous invite à la découvrir et à la soutenir également.
    Je remercie aussi l’ensemble de nos équipes : Aubin, qui travaille auprès de Stéphane Mazars, Imane, Annabelle, Erwan et Sophia qui ont travaillé à mes côtés pour permettre que cette proposition de loi soit adoptée, mais surtout qu’elle soit comprise par nos concitoyens –⁠ nous ne le faisons pas seulement pour nous, mais d’abord pour celles et ceux que nous défendons, pour l’État de droit et la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Je remercie le groupe écologiste d’avoir proposé cette mission flash (M. Daniel Grenon applaudit)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Bravo ! Excellent !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    …à laquelle je me suis associé, ainsi que le président de la commission des lois, qui a tout fait pour que tout se passe vite et bien. Nous avons conduit la mission d’information, nous avons présenté nos conclusions à la commission, qui a adopté le rapport à l’unanimité. Nous avons donc proposé cette proposition de loi qui a été adoptée à l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
    Je me permets enfin un petit clin d’œil : nous avons créé le droit pour des parlementaires de saisir un tribunal pour faire valoir les grands principes auxquels nous sommes tous très attachés –⁠ dans cette semaine si particulière, cela a beaucoup de sens. Merci à Léa Balage El Mariky et au groupe Écologiste et social de nous avoir proposé un tel moment d’expression démocratique. (Les députés du groupe EPR se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et Dem.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    5. Lutte contre les déserts médicaux

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Guillaume Garot et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (nos 966, 1180). (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Dans nos campagnes, dans nos quartiers populaires, dans de trop nombreux territoires de France, montent l’inquiétude, l’angoisse, et de plus en plus, la colère, quand les Français voient leur généraliste partir en retraite sans être remplacé ou quand il leur faut des semaines –⁠ des mois – pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmo ou un dermatologue. Pas moins de 6 millions de Français sont sans médecin traitant ; 8 millions vivent dans un désert médical.

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Cette détresse, les cahiers de doléances rédigés au moment de la crise des gilets jaunes en sont pleins ; cette colère, elle n’est pas éteinte –⁠ l’absence de médecins et l’incapacité à être correctement soigné selon le lieu où l’on habite nourrissent un sentiment d’abandon, qui est délétère pour notre République, laquelle a failli dans sa promesse d’égalité de tous devant la santé.

    M. Fabrice Brun

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    Il n’y a plus d’équité d’accès aux soins !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Nous payons tous l’impôt, nous nous acquittons tous des mêmes cotisations sociales, mais nous ne sommes pas égaux dans l’accès aux soins. C’est une terrible injustice ; un terrible échec collectif, aussi, dont chacun, majorités de gauche, de droite, du centre, syndicats professionnels, a une part de responsabilité. Le moment est venu de réparer cette injustice ; nous ne devons nous interdire aucune solution.

    Mme Delphine Batho

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    Très bien !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Il y a urgence à agir : les inégalités ne cessent de se creuser entre les territoires, donc entre les Français. Entre 2010 et 2023, le nombre de médecins par habitant a augmenté de près de 28 % dans les Hautes-Alpes, de près de 23 % dans les Pyrénées-Atlantiques et de 21 % en Haute-Savoie –⁠ même si de fortes disparités existent au sein de ces départements ; il a en revanche diminué de près de 16 % dans la Creuse, de 12 % dans l’Indre et de 13 % dans le Gers.
    Je viens devant vous aujourd’hui au nom de 255 députés, de gauche, de droite et du centre, qui ont cosigné cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)

    M. Christophe Bentz

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    Vous avez oublié le premier parti !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Elle est le fruit d’un travail de bientôt trois années, mené par le groupe de travail transpartisan contre les déserts médicaux. Nous avons auditionné des dizaines d’acteurs de notre système de santé, en particulier nos médecins, dont nous mesurons l’engagement auprès de leurs patients. Nous avons sillonné la France pour aller à la rencontre des citoyens qui souffrent et attendent des solutions. À chaque réunion publique, les salles étaient pleines –⁠ bien davantage d’ailleurs que dans nos réunions de campagne électorale.

    Mme Delphine Batho

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    Absolument !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Notre diversité a été une grande richesse : ce que nous vous proposons est l’aboutissement d’un cheminement collectif et d’un compromis équilibré, entre des sensibilités très différentes. Nous sommes convaincus que notre proposition de loi peut nous rassembler ce soir, autour de l’exigence de trouver des solutions et de redonner espoir à des millions de Français car partout, nous entendons la même demande : « Agissez ! »

    M. Thibault Bazin

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    Il faut faire attention aux faux espoirs !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Nous vous proposons d’agir : par la régulation de l’installation d’abord, comme c’est le cas pour les autres professions de santé –⁠ les pharmaciens, les masseurs-kinésithérapeutes, les sages-femmes, les infirmières, et, depuis le 1er  janvier, pour les dentistes.

    M. Jean-Yves Bony

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    La fausse solution !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    La régulation n’est pas la coercition. Le principe de liberté d’installation prévaut : il est inchangé pour 87 % du territoire. Il est simplement encadré pour les 13 % restants, afin de ne pas concentrer davantage l’offre de soins, là où les besoins de santé sont suffisamment pourvus.
    Agir ensuite par la démocratisation de l’accès aux études de médecine. Ainsi, pour que davantage de jeunes issus du milieu rural et des quartiers populaires entament ce parcours universitaire, nous proposons une première année en santé dans chaque département, en particulier dans les zones sous-dotées.

    M. Christophe Bentz

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    Ça, c’est une bonne idée !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Agir aussi par le rétablissement de la permanence des soins pour mieux répartir l’effort entre tous les médecins libéraux et salariés. Il s’agit de garantir partout l’accueil de patients qui, sinon, se tournent vers des services d’urgences déjà engorgés.
    Agir enfin en supprimant la majoration des tarifs de consultation pour les patients sans médecin traitant afin de mettre fin à cette double peine qu’est le fait de n’avoir pas de médecin et d’en être sanctionné.
    Nous savons que la situation se dégrade à un rythme rapide. Pire encore, si l’on envisage l’horizon 2032, près de 30 % des médecins généralistes en activité partiront en retraite. Nous n’avons plus de temps à perdre !
    Bien sûr, il serait faux de dire que rien n’a été fait depuis toutes ces années : une politique très incitative a été développée à travers les maisons de santé pluridisciplinaires, les centres de santé, de très nombreuses aides sociales et fiscales à l’installation, la fin du numerus clausus, les postes d’assistants médicaux, les guichets uniques départementaux, etc. Ces mesures d’incitation ont été utiles, et il n’est pas question, je le dis, de les remettre en cause. Mais reconnaissons tout de même qu’elles ont coûté fort cher et qu’elles n’ont pas produit les effets attendus. Elles étaient nécessaires et donc utiles, mais pas suffisantes faute d’une régulation pouvant leur donner pleine efficacité. Car c’est un ensemble de mesures assurant la cohérence entre incitation et régulation qui permettra enfin d’être efficaces face à la désertification médicale.
    Pour conclure, je veux vous dire que, bien sûr, nous entendons la voix des opposants à notre proposition de loi. Et nous leur répondrons. Je veux d’ailleurs à cet instant saluer l’engagement du ministre de la santé, qui a toujours été un artisan du dialogue…

    M. Jean-François Rousset

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    Absolument !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    …pour que les échanges puissent avoir lieu en permanence. Mais nous entendons chaque semaine, dans nos circonscriptions, la voix de ceux qui n’ont plus de médecin et qui attendent enfin des réponses. C’est le début d’un processus parlementaire qui améliorera le texte en l’enrichissant. Nous avons la charge de l’intérêt général, mes chers collègues, et le devoir d’avancer sur cette question pour que nul ne se sente plus abandonné. Car je veux le redire : quand les déserts médicaux avancent, c’est la République qui recule.

    Mme Stéphanie Rist

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    Ça, c’est vrai !

    M. Guillaume Garot, rapporteur

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    Notre responsabilité ce soir est donc grande ! Nous avons la capacité de retrouver le fil de notre histoire, de renouer avec une France où chacun se sent respecté à égalité de droits et de devoirs, et où la République est présente pour chacun. C’est le sens de notre combat contre les déserts médicaux, un combat qui nous rassemble et que, j’en suis sûr, vous partagez avec nous car, chers collègues, nous légiférons sous le regard des Français, et nos compatriotes comptent sur nous. Alors ne les décevons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Ce soir, c’est un objectif commun qui nous réunit : celui de la lutte contre la désertification médicale qui, comme vous le savez, touche l’ensemble de nos territoires, exacerbe les inégalités de santé et menace le droit de nos concitoyens à avoir accès à des soins adaptés et de qualité proches de chez eux. C’est un enjeu qui n’est pas nouveau mais qui s’enracine et dont les causes sont anciennes. La désertification médicale entraîne une perte de chance pour les Françaises et pour les Français.

    M. Fabrice Brun

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    Les Ardéchois en savent quelque chose !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    La réalité, nous la connaissons bien. La situation est grave et il nous faut la regarder en face : nous manquons de médecins. Dire cela, ce n’est pas chercher des coupables, ni même régler des comptes a posteriori, c’est seulement énoncer des faits. Cette réalité, c’est celle d’une véritable crise démographique. Vous la vivez chaque jour dans vos circonscriptions puisqu’il y a au moins 577 déserts médicaux en France…
    C’est le premier sujet sur lequel les Français m’interpellent lorsque je me déplace dans le pays. C’est aussi le premier sujet sur lequel vous, députés de tous les territoires et de tous bords politiques, m’alertez au quotidien, et ce à juste titre. Ancien élu local et député d’un territoire rural, je sais combien c’est une préoccupation de tous, de tous les instants, et qui doit mobiliser l’énergie de tout le monde. La semaine dernière encore, j’étais dans l’Allier, venu assister à une réunion publique organisée par Nicolas Ray, et c’est aussi ce qu’on m’a dit : « Nous n’avons pas de médecin, nous n’avons plus de médecin. » Vous savez que je suis un ministre qui n’aime pas forcément rester dans son ministère et j’entends le même constat partout, sans exception et dans tous les territoires, y compris à la montagne, chez moi, dans l’Isère, mais aussi en Savoie, dans le Jura, du Grand Est à l’Occitanie, dans nos communes rurales comme dans nos grandes métropoles.

    M. Fabrice Brun

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    C’est tout de même moins vrai à Nice ou à Lyon.

    M. Yannick Neuder, ministre

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    C’est un défi immense auquel nous faisons face, hérité de choix irrationnels faits il y a plusieurs décennies et remis en cause bien tard alors que les besoins de santé de nos compatriotes sont inéluctablement appelés à augmenter sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et de la hausse des maladies chroniques, des polypathologies et de la dépendance. C’est un défi encore plus immense quand on pense qu’aujourd’hui, nous formons autant de médecins qu’en 1970… alors que la population française a augmenté de 15 millions d’habitants et qu’il faut désormais 2,3 jeunes praticiens pour compenser un départ en retraite.

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. Jean-François Rousset

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    Tout à fait !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Monsieur le rapporteur, le constat que vous et vos cosignataires dressez est évident et je le partage entièrement. Je cite à cet égard l’exposé des motifs de votre proposition de loi : « L’enjeu des inégalités d’accès aux soins n’est pas nouveau, mais l’urgence continue de grandir. » Je voudrais donc commencer en saluant votre investissement sur cet enjeu, investissement auquel vous vous consacrez avec conviction depuis des années. Je veux aussi saluer le travail que vous avez effectué depuis trois ans avec les parlementaires de tous bords…

    M. Christophe Bentz

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    Pas tous !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    …engagés à vos côtés.
    La proposition de loi que vous soumettez à notre examen est le fruit d’un travail au long cours effectué avec les meilleures intentions dans l’objectif, que l’on partage, d’une meilleure prise en charge partout et pour tous. Cependant,…

    M. Philippe Vigier

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    Ah !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    …si votre diagnostic est bon, à savoir celui d’une pénurie, et si votre engagement transpartisan est sincère, il faut se rendre à l’évidence : une pénurie de médecins, même régulée, restera une pénurie.

    M. Vincent Descoeur et M. Fabrice Brun

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    Eh oui !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    La première question qu’il faut se poser est donc la suivante : pourquoi y a-t-il une pénurie ? C’est que nous payons aujourd’hui le prix des politiques malthusiennes du passé (Mme Béatrice Bellamy applaudit), quand on a voulu à une époque rationner l’offre de soins, et donc le nombre de médecins, pour réduire les coûts, celui des consultations et celui des prescriptions de médicaments notamment.
    Une fois qu’on a compris cela, une nécessité s’impose : celle de former plus, mieux et partout. Nous devons raisonner avec une ambition qui va au-delà du fait de gérer une pénurie. Le docteur Martial Jardel, généraliste et cofondateur de Médecins solidaires, que j’ai rencontré hier dans le cadre d’un groupe de travail, m’a dit : « Je préfère demander un peu à beaucoup de médecins que demander beaucoup à trop peu de médecins. »
    Je n’ignore pas la nécessité de trouver, à côté du « former plus » et donc du temps long, des solutions à court et moyen terme pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Nous devons ainsi, d’une part, augmenter durablement nos effectifs grâce à un véritable choc de formation et, d’autre part, mobiliser dès aujourd’hui toutes les ressources dans les territoires, engager tous les acteurs du système de santé et capitaliser sur toutes les initiatives existantes de nature à transformer l’organisation des soins.

    Mme Stéphanie Rist

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    Très bien !

    M. Jean-François Rousset

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    Il a raison !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Par ailleurs, je ne crois pas que l’on puisse gérer la ressource humaine médicale sans tenir compte de l’adhésion des professionnels aux mesures proposées. L’adhésion, c’est fondamental pour une réforme d’ampleur de notre système, dans la santé comme dans l’enseignement, dans le secteur public comme dans l’entreprise.

    Mme Marie Pochon et M. Hadrien Clouet

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    Et la réforme des retraites ?

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Comment imaginer transformer un système sans agir avec celles et ceux qui le font tenir debout et avancer ? Oui, je l’affirme avec clarté : lorsque la contrainte est subie, elle peut s’avérer contre-productive. Et dans la situation présente, vous n’êtes pas sans savoir les risques clairs de déplaquage, de déconventionnement, de départ à l’étranger et même de changement de métier.

    M. Jean-Claude Raux

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    Pas vous !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Sans oublier le risque de perte d’attractivité de l’exercice médical au moment même où notre enjeu est de le rendre attirant.
    Ainsi, un médecin de moins dans un centre-ville bien doté n’est pas forcément un médecin de plus dans une commune rurale… C’est prendre le risque de finir avec deux médecins de moins partout.

    M. Fabrice Brun

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    Il a raison !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Je pose alors la question aux 254 cosignataires de cette proposition de loi : lequel d’entre vous serait-il prêt à refuser l’installation d’un médecin sur son territoire ? Je veux éviter à tout prix de fracturer notre système de santé et nos territoires, alors même que nous avons besoin dans ce pays de rassembler pour mobiliser toutes nos forces vives.

    M. Nicolas Sansu

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    Vous rassemblez toujours au même endroit !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Mesdames, messieurs les députés, ma priorité, vous l’avez compris, est aussi la vôtre : il s’agit de consacrer toute notre énergie à former plus de médecins, à augmenter durablement la ressource médicale dans nos territoires et à engager l’ensemble de nos soignants autour d’une nouvelle organisation qui les mobilise. C’est ainsi seulement que nous relèverons de manière structurelle le défi de l’accès aux soins.
    Pour y parvenir, il y a des leviers que nous pouvons activer immédiatement : je pense notamment à tout ce que nous avons fait pour sécuriser l’exercice et favoriser la réussite aux EVC, les épreuves de vérification des connaissances, des 20 000 Padhue, ces praticiens à diplôme hors Union européenne qui assurent une part non négligeable de la réponse aux besoins de santé dans nos territoires ; je pense aussi, bien sûr, à l’institution de la quatrième année d’internat de médecine générale, soit 3 700 docteurs juniors qui vont arriver, mieux accompagnés et sécurisés, dans vos circonscriptions dès le mois de novembre 2026 –⁠ je travaille sans relâche avec les agences régionales de santé (ARS), les élus locaux et les collectivités territoriales afin d’identifier des terrains de stage diversifiés et en nombre suffisant pour les accueillir dans les meilleures conditions et leur donner envie de rester là où ils s’engagent. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit.) Je précise que l’engagement des docteurs juniors sera évidemment valorisé en zone sous-dense tout comme le sera leur participation à la PDSA, c’est-à-dire à la permanence des soins ambulatoires. Je veillerai à ce que l’ensemble des décrets nécessaires soient prêts avant l’été.
    Voilà des pistes concrètes pour augmenter tout de suite les effectifs sur le terrain. Pour le succès de cette mesure, je compte sur la participation de tous, de vous tous, dans tous les territoires.
    J’ai toutefois bien conscience que ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi la première de mes priorités est de réussir le choc de formation dont j’ai parlé. La suppression du numerus clausus en 2019 a constitué un premier pas important. Mais il faut aller plus loin et nous libérer définitivement de la contrainte restante du numerus apertus.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Je le disais quand j’étais parlementaire ou élu local, et je ne change pas de discours une fois devenu ministre : il nous faut nous débarrasser du numerus apertus.

    M. Thibault Bazin

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    Et au plus vite !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Souvenez-vous de nos débats à ce sujet en commission des affaires sociales.
    En termes de capacités de formation, je plaide pour une inversion de la logique qui nous a guidés jusqu’ici. Il faut absolument commencer par identifier et prendre en compte les besoins de santé des territoires, puis il faut que ce critère devienne prioritaire pour déterminer localement les capacités de formation.
    Il faut par ailleurs endiguer les départs d’étudiants vers l’étranger.

    M. Fabrice Brun

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    Un véritable scandale !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Un sur dix environ va se former en Roumanie, en Espagne, en Belgique, au Portugal, etc. Ceci résulte de l’incapacité de notre système national de formation à intégrer ces étudiants.

    M. Jean-Yves Bony et M. Thibault Bazin

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    Excellent !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Nous créons nos propres Padhue. Il faut arriver à faire revenir ces quelque 5 000 médecins en formation qui ont quitté notre pays parce qu’ils ont été rejetés par un numerus apertus, trop difficile.
    Ces trois sujets sont au cœur de la proposition de loi que j’ai présentée et qui a été votée par l’Assemblée nationale en décembre 2023. Cette semaine, lors de mon audition par les commissions des affaires sociales et de l’éducation du Sénat, j’ai réaffirmé mon intention qu’elle puisse être adoptée le plus rapidement possible.
    Ma stratégie contre la désertification repose sur le socle d’une formation renforcée, préalable indispensable à toute action de long terme. Il s’agit d’une stratégie globale dont l’objectif est que la nouvelle génération de soignants que nous formons transforme les pratiques et les modes d’organisation territoriale des soins.
    Je veux réussir cette transformation avec comme maîtres mots la confiance et la responsabilité des acteurs de la santé. Je n’ai jamais dit que les médecins n’avaient pas de responsabilités à assumer dans la lutte contre la désertification médicale. Nous en avons tous, que nous devons envisager dans une logique collective, partenariale et contractuelle.
    Il faut d’abord changer de paradigme. En effet, le temps du médecin qui travaille seul appartient au passé. Le médecin de demain sera au cœur des parcours de soins de proximité. Concrètement, cela signifie que les médecins devront s’engager pour améliorer l’accès aux soins, se mobiliser pour répondre aux besoins en soins non programmés comme pour assurer la permanence des soins ambulatoires, et plaider pour le développement de l’exercice coordonné et de la pratique pluriprofessionnelle.
    Nous développons tout ceci dans les services d’accès aux soins (SAS), dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), dans les centres de soins non programmés, dans les maisons médicales de garde et dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, ces dernières étant de plus en plus nombreuses et très attractives pour la jeune génération de médecins. Nous soutenons leur engagement avec des aides à l’installation, avec le déploiement, cher à Agnès Firmin Le Bodo, des assistants médicaux, qui soulagent les médecins, et, bien sûr, avec la revalorisation de la consultation à 30 euros.
    Toutes les mesures d’accès direct et de délégation de compétences conçues et votées ici grâce à l’engagement des parlementaires sont synonymes de ressources humaines mieux cordonnées et plus efficaces et, donc, de gains de temps précieux pour les soignants. Je pense aussi à la délivrance d’antibiotiques par le pharmacien à partir de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod). Ceux de la cystite et de l’angine permettent d’éviter 9 millions de consultations médicales par an, réduisent le recours aux urgences et simplifient l’accès aux soins, sans nuire à la sécurité. On peut également mentionner la transformation du métier d’infirmier et le développement de sa pratique avancée. Pour continuer à progresser dans ce sens, le mois dernier, une loi majeure a été adoptée en première lecture ici même.

    M. Jean-Yves Bony

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    Des décrets, monsieur le ministre !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Je souligne d’ailleurs que l’effort de formation sur lequel j’ai tant insisté s’applique également, de manière évidente, aux effectifs paramédicaux. Je pense notamment au grand pacte de formation sur lequel nous travaillons avec les régions, qui a permis de créer 5 870 nouvelles places en instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) depuis 2019. Le premier dossier dont je me suis saisi, le jour de mon arrivée au ministère, le 24 décembre 2024, a été celui de la sécurisation d’une enveloppe de 215 millions d’euros, approuvée par le premier ministre, dans le projet de loi de finances pour 2025. Elle a permis de garantir ces places et ces filières de formation en régions, et de les inscrire dans Parcoursup.
    La confiance que j’évoquais est celle que je place dans tous les acteurs de santé et, plus largement, dans tous les acteurs territoriaux. En effet, une grande partie de la solution au problème dont nous débattons se trouve entre leurs mains.
    Rien ne serait pire que de lier par la loi les mains des acteurs de la santé (M. Nicolas Sansu s’exclame), les empêchant d’avoir l’agilité essentielle pour faire face aux défis qui sont devant nous. En effet, si l’État doit rester le garant des valeurs qui fondent notre système et si c’est au niveau national que doivent être définies les grandes priorités, l’enjeu, aujourd’hui, est de faciliter l’émergence de réponses territorialisées.

    M. Nicolas Sansu

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    Ça fait des années qu’on le fait !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Partout en France, de nombreux exemples peuvent nous inspirer. J’ai mentionné Médecins solidaires, qui organise des relais hebdomadaires de généralistes là où les besoins sont les plus importants.

    Mme Delphine Batho

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    Dans dix endroits en France !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Quand j’étais vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai soutenu le développement de Swing, une application gratuite pour les médecins libéraux, qui leur permet de gérer et de s’échanger des remplacements sur un territoire.
    Pour transformer le fonctionnement et l’organisation territoriale de notre système de santé, il n’y a ni solution miracle ni solution unique. En revanche, il y a un chemin à tracer résolument, avec les médecins, avec tous les professionnels de santé, avec les élus locaux, avec tous les acteurs engagés…

    M. Fabrice Brun et M. Vincent Descoeur

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    C’est pour cela qu’on compte sur vous !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    …et, naturellement, avec le Parlement.

    M. Nicolas Sansu

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    Les élus locaux ne demandent que ça !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    C’est la raison pour laquelle j’ai ouvert hier, à la demande du premier ministre, des concertations qui dureront tout le mois d’avril. Elles rassembleront des experts issus de tout le pays, des médecins, patients, internes, doyens, membres des ARS, qui se sont distingués en mettant en place localement des solutions innovantes ayant démontré leur efficacité et pouvant nous inspirer. Elles rassembleront aussi, bien évidemment, des parlementaires issus de l’ensemble des groupes politiques ainsi que des élus locaux qui, dans leur territoire, éprouvent particulièrement la désertification médicale.
    En effet, monsieur Garot, s’il y a une chose que votre proposition de loi prouve, c’est que le combat pour l’accès aux soins est légitime et fédérateur mais qu’il n’a pas de couleur politique. Je connais votre engagement et votre investissement personnel sur ce sujet. Mon objectif est bien évidemment de m’appuyer sur vos travaux et sur toutes les expériences de terrain pour arriver très rapidement à des mesures pragmatiques et opérationnelles. Le rendez-vous est pris, et nous devons absolument réussir ensemble. Nous le devons à tous nos concitoyens.
    Je ne doute pas que vous répondrez tous présents. Vous pouvez compter sur mon engagement pour donner corps à notre objectif : avoir un système de santé qui fonctionne mieux, qui aille de l’avant, qui soit attractif pour les jeunes et qui se donne les moyens de les former ; un système de santé qui réponde aux attentes légitimes des Français en matière d’accès aux soins, dans un contexte où les besoins sont croissants en raison du vieillissement de la population et de l’explosion des maladies chroniques.
    C’est ma seule ambition en tant que ministre de la santé. Elle m’honore autant qu’elle m’oblige et je suis déterminé à réussir, avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane ;
    Discussion de la proposition de loi visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures dix.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra