M. Philippe Latombe

Les Démocrates

Vendée (1re circonscription) | Mandat en cours
  • Si le projet de loi confortant le respect des principes de la République poursuit des objectifs louables, certains cependant soulèvent des questionnements juridiques qu’il me semble important de préciser :

    L’article 19 instaure une procédure visant à assurer l’effectivité d’une décision de justice exécutoire constatant l’illicéité d’un site internet et ordonnant son blocage ou son déréférencement.

    Certes, le Conseil d’Etat a estimé dans son avis que le dispositif proposé ne contrevient pas aux exigences résultant de la Constitution et du droit de l’Union, dont il rappelle qu’elles ne permettent pas de procéder à l'interdiction des sites et contenus miroirs, quels que soient le degré et la gravité de leur illicéité, sans l'intervention d'un juge.

    Cependant, à travers cet article, la France réécrit unilatéralement les principes encore en vigueur de la directive e-commerce datant de 2000, alors que le Digital Service Act qui en envisage la réforme n’est pas encore passé par l’étape législative au parlement européen. La situation va conduire nécessairement la France vers un texte qui sera en contrariété avec le droit européen, et donc anti-conventionnel. Il était donc contre-productif de se précipiter à légiférer sur un tel sujet.

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  • Si le projet de loi confortant le respect des principes de la République poursuit des objectifs louables, certains articles cependant soulèvent des questionnements juridiques qu’il me semble important de préciser :

    L’article 21, en s’attaquant à l’instruction en famille, remet en cause une liberté fondamentale historique de notre pays. En effet, les parents ont le devoir d’éduquer leurs enfants mais la liberté du mode d'instruction qu’ils choisissent.

    L’instruction en famille, qui concerne environ 0,4% des enfants, est déjà réglementée et surveillée par l’Education nationale. Elle concerne souvent des enfants à besoins spécifiques que l’Education nationale peine à accueillir dans de bonnes conditions.

    Or, ce n’est pas au sein de ces familles que se pose le problème de la radicalisation des enfants, mais dans d’autres structures ou au sein de familles qui ne se sont pas déclarées et ne respectent pas la réglementation existante. L’article 21 est donc contre-productif et stigmatise à tort des familles qui dans leur très grande majorité se conforment à la loi. Il ne contribue pas à régler le problème de la radicalisation des enfants dans certaines familles.

    L’assouplissement voté par amendement de cet article 21 au dernier moment ne résout pas une aberration juridique, puisque l’on soumet à autorisation les parents désireux de pratiquer l’IEF, alors que la même obligation n’est pas demandée aux établissements scolaires hors contrat, seulement soumis à déclaration. Il y a donc une inégalité de traitement devant la loi, d’autant plus dommageable que c’est dans certains établissements hors contrat que se posent des problèmes de radicalisation.

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  • Je voterai contre la proposition de loi Sécurité globale , malgré les ultimes tentatives de la rendre plus acceptable au regard des libertés publiques, parce que ce dispositif législatif présente des risques potentiels d’atteintes à la vie privée, aux principes d'égalité devant la loi et de proportionnalité d'individualisation des peines, à la liberté d'informer. Voilà qui fait beaucoup dans un domaine, celui des libertés fondamentales, où le moindre franchissement des lignes pose problème, me pose problème, surtout dans une démocratie censée porter haut l’étendard historique des libertés.

    Le code pénal  et la loi de 1881 protègent déjà nos forces de l’ordre et je rappelle que le droit d’informer appartient à chaque citoyen. Par ailleurs, le terme de « manifeste » ne rend pas le délit d’intention plus acceptable au regard du droit. La police et la gendarmerie nationales sont des institutions publiques et républicaines à qui tout citoyen doit le respect, c‘est incontestable. J’ai toujours clairement affiché mon soutien aux forces de l’ordre. Cependant, leurs agents doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle public dans l'exercice de leurs fonctions.

    Par ailleurs, et dans le même esprit, si je suis un défenseur des nouvelles technologies, je ne souhaite pas pour autant qu’il en soit fait un usage systématique : le recours à des technologies potentiellement invasives et intrusives ne peut se faire que dans un champ d’application extrêmement borné et circonstancié sur le plan juridique. Plus encore, le vide du texte sur la reconnaissance faciale laisse la voie libre à des ordonnances ultérieures qui permettraient l’usage décomplexé d’une telle technologie.

    Mais bien au-delà de toutes ces réserves sur le fond, et la liste n’en est pas ici exhaustive, je regrette les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé le débat parlementaire. Je laisserai de côté l’argumentation « sommaire » d’un collègue partisan du dispositif, me conseillant en pleine commission des lois, d’aller me faire « déniaiser ». La vulgarité du propos n’a d’égale que l’absence très « globale », effectivement, de considération manifestée à l’égard de la représentation nationale et de son rôle.

    Pas d’étude d’impact, pas de saisine de la CNIL, pas d’avis du Conseil d’Etat portant sur l’ensemble du dispositif, une simple proposition de loi qui finit par ressembler à un projet de loi, mélange des genres inadmissible. Pourtant l’idée d’un continuum de sécurité et d’une montée en compétence des polices municipales aurait pu être un beau projet, celui, circonscrit, de la proposition de loi initiale. Et cela aurait dû s’en tenir à cela.

    Je rappellerai le dépôt « en force » par le gouvernement de tant d’amendements importants, après la commission des lois, juste avant la séance, comme ceux sur l’article 22, heureusement retirés depuis, qui avaient été déposés sans en avoir prévenu le Conseil d’Etat,  pourtant sollicité en amont sur ce seul article ; la tentative avortée d’habilitation à légiférer par ordonnance. On parle aussi d’un futur décret en Conseil d’Etat qui annihilerait le rôle du parlement

    Enfin, le futur article 25 du projet de loi séparatisme opportunément dévoilé au tout dernier moment, est infiniment plus large et répressif que l’article 24 de la proposition de loi Sécurité globale et ce, sans que les parlementaires en aient été informés dans des délais suffisants pour leur permettre de déposer des amendements éclairés, une condition pourtant nécessaire pour la clarté et la sincérité des débats parlementaires, un principe constitutionnel, consacré en 2005, et présenté comme une garantie nécessaire pour assurer le respect des règles énoncées à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (« La loi est l'expression de la volonté générale ») et au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants »).

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  • La proposition de loi sur la lutte contre les contenus haineux sur internet constitue un cas d’école de ce que le législateur se doit d’éviter quand il accomplit sa mission.

    C’est en effet l’exemple même d’un projet aux intentions louables, dont il ne viendrait à personne l’idée de contester la finalité, mais dont la mise en œuvre contient en germe un certain nombre d’effets pervers qui, non seulement rendront le dispositif inefficace, mais en plus risquent de porter atteinte à nos libertés fondamentales, et en particulier à celle d’expression.

    Par ailleurs, les conditions dans lesquelles s’est déroulé le travail parlementaire participent d’un déséquilibre malheureusement récurrent entre l’exécutif et le législatif, au détriment évident de ce dernier.

    Mes objections porteront à la fois sur le fond et la forme.

    Sur le fond tout d’abord :

    Ce dispositif confie à des organismes privés étrangers, les GAFA, une mission de « gendarmes de l’internet ». Alors que par ailleurs, le législateur manifeste sa volonté de limiter l’hégémonie des grands réseaux sociaux, il est ici donné à ces derniers le moyen de renforcer leur pouvoir économique, a contrario de nos intérêts nationaux et européens, et de décider seuls, en l’absence du juge, de ce qui peut ou non se dire sur Internet.  

    Le montant des amendes que les GAFA encourent, en cas de défaillances dans leur activité de contrôle, les encourage à une modération excessive, entraînant un risque de sur-censure, notamment de ce que l’on appelle les contenus gris, plus difficiles à caractériser. Le recours à des algorithmes, mis en place afin de permettre une modération plus rapide et moins coûteuse, ne fera qu’accentuer ce risque.

    Sur la forme ensuite :

    Cette PPL prend appui sur un rapport mais n’a été étayée par aucune étude d’impact. Alors que ce dispositif a, dès le départ, suscité une levée de boucliers de la part de parlementaires très au fait des sujets numériques, d’associations du numérique, du CNB, de la CNIL, du Conseil national du Numérique, de l’Union européenne…, le gouvernement est resté sourd à des arguments pourtant convergents.

    Les tâtonnements se sont succédé : sur le harcèlement sexuel par exemple, d’abord taxé de cavalier législatif par le gouvernement puis réintégré à la faveur d’un sous-amendement de la rapporteure, contrairement à l’avis de l’Union européenne, ou sur le harcèlement scolaire, autant de difficultés pour délimiter le champ couvert par le dispositif.  Les réécritures successives aussi, preuves, s’il en était, que la rédaction n’avait pas été mûrement travaillée en amont.

    Pire encore, le recours à la procédure d’urgence a limité de façon drastique le temps et le débat parlementaires sur un sujet pourtant particulièrement complexe.

    Enfin, que dire du dépôt, en catastrophe et en seconde et définitive lecture, d’un amendement du gouvernement, non discuté en commission, portant sur le terrorisme et la pédo-criminalité. S’il est un sujet dont il aurait fallu débattre pendant des mois, en multipliant les auditions, pour prétendre respecter nos principes démocratiques, c’est bien celui du terrorisme. Il avait été abordé lors des discussions au Sénat. Pourquoi attendre le dernier jour pour faire voter un tel amendement, à la sauvette. Amateurisme ou mise de côté délibérée du parlement ? La question mérite d’être posée.

    Pour ces nombreuses raisons, et dans un souci de cohérence avec mes convictions profondes, je ne voterai pas cette proposition de loi. Considérant les débats suscités à l’intérieur et à l’extérieur des deux Chambres, je demande au gouvernement de déférer la loi sur la lutte contre les contenus haineux sur Internet au Conseil constitutionnel, afin que ce dernier puisse en évaluer la constitutionnalité.

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