Accueil > Projet de loi de finances pour 2011 > Les comptes rendus des réunions des commissions élargies > Compte rendu

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 2010

Présidence de M. Jérôme Cahuzac,
président de la Commission des finances,
et de M. Pierre Méhaignerie,
président de la Commission des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

Projet de loi de finances pour 2011

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, madame la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, je suis heureux de vous accueillir, avec M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires sociales.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dans le projet de loi de finances pour 2011.

Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à favoriser les échanges entre les ministres et les députés, en donnant toute la place à l’exercice des questions et des réponses.

Le bon déroulement de la discussion suppose que chacun dispose d’un temps raisonnable pour s’exprimer, sans empiéter, par des interventions un peu longues, sur le temps de parole des collègues.

M. Marc-Philippe Daubresse m’a indiqué qu’il souhaiterait, après avoir échangé avec nos rapporteurs, s’absenter de notre réunion, le temps d’aller assister au conseil des ministres, à l’issue duquel il nous rejoindrait.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » voit, en 2011, son périmètre à peu près stabilisé, ce qui constitue une bonne chose pour le suivi et le contrôle. Elle traduit l’effort de l’État en faveur de la solidarité, hormis les crédits consacrés spécifiquement à la santé, qui relèvent de la mission « Santé » – hier, dans l’hémicycle, nous avons parlé de l’AME, l’aide médicale de l’État –, et ceux consacrés aux contrats aidés ainsi qu’aux dispositifs en faveur du retour à l’emploi, financés par la mission « Travail et emploi ».

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est composée de cinq programmes, d’importance budgétaire très inégale.

Le programme 304, « Lutte contre la pauvreté », est doté de 705 millions d’euros, contre 1,607 milliard en 2010, pour s’adapter à l’évolution du RSA – revenu de solidarité active – activité.

Le programme 106, « Action en faveur des familles vulnérables », bénéficie de 232 millions, contre 408 millions en 2010, du fait du transfert de l’API –allocation de parent isolé – vers le RSA majoré.

Le programme 157, « Handicap et dépendance », est doté de 9,884 milliards d’euros, contre 9,105 milliards en 2010. Il représente environ 80 % des crédits de la mission, l’AAH – allocation aux adultes handicapés – représentant à elle seule environ 80 % de crédits du programme 157.

Le programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », est doté de 18,6 millions d’euros, contre 17,7 millions en 2010.

Enfin, le programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », est doté de 1,530 milliard.

Le total des crédits de la mission s’élève par conséquent à 12,366 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 12,7 milliards en 2010, cette baisse s’expliquant par la montée en charge plus lente que prévue du RSA activité et par le transfert de l’API vers le RSA. Pour ce qui concerne la programmation pluriannuelle, une progression de 3,4 % par an est prévue en 2012 et 2013

Monsieur le ministre, où en est la montée en charge du RSA activité, financé par le FNSA – fonds national des solidarités actives –, lequel est alimenté par la taxation de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et la contribution du budget de l’État ? Quelles sont les perspectives avec l’entrée en application du RSA jeunes au 1er septembre 2010 et l’entrée en vigueur du RSA dans les départements d’outre-mer ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon au 1er janvier 2011 ? La contribution d’État suffira-t-elle ? Pourrez-vous aussi faire un point à propos du retour à l’emploi des bénéficiaires ?

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les conséquences de la RGPP – révision générale des politiques publiques – sur la nouvelle architecture de l’administration centrale en matière sanitaire et social, avec la création des ARS et de la DGCS, les agences régionales de santé et la direction générale de la cohésion sociale ?

Pourrez-vous aussi aborder la question du handicap et de la dépendance, à la lumière notamment du rapport de la Cour des comptes, commandé par les deux Commissions réunies aujourd’hui, au sujet de l’évolution de la charge de financement de l’AAH ? Ce rapport, rendu public la semaine dernière, fait apparaître une progression de 4 milliards à 6,2 milliards entre 2000 et 2010, soit plus 53 %, du fait, d’une part, de l’engagement du Président de la République d’augmenter cette prestation de 25 % pendant son mandat, et, d’autre part, de l’accroissement important du nombre de bénéficiaires – notamment ceux relevant de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire d’un taux de handicap compris entre 50 et 79 %, la progression du nombre de bénéficiaires plus handicapés étant beaucoup moins rapide.

J’aimerais également obtenir des informations à propos de deux décrets concernant le handicap : celui relatif à la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi » ; notion issue de la loi de finances pour 2007 et qui se substitue à celle d’« impossibilité de se procurer un emploi » ; celui relatif aux règles de cumul entre AAH et revenus du travail. L’entrée en application de ces décrets était prévue antérieurement mais a été reportée au 1er janvier 2011.

Enfin, pourriez-vous détailler les actions prévues dans les domaines de la lutte contre les violences faites aux femmes et de l’égalité salariale, ce dernier point ayant alimenté les débats lors de la récente discussion sur la réforme de retraites, l’inégalité salariale générant une inégalité en matière de retraite ?

M. Paul Jeanneteau, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, pour le handicap et la dépendance. Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre 80 % des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », est doté de 9,884 milliards d’euros pour 2011, dont près de 7 milliards d’euros au titre de la seule AAH. Ce programme bénéficie d’une augmentation de 8,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

Ces moyens importants permettent d’apporter un appui au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, de poursuivre – notre collègue Binetruy l’a dit – la revalorisation du montant de l’AAH pour se rapprocher de l’objectif de plus 25 % d’ici à 2012 et de déployer le plan de création de places dans les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, avec l’ouverture prévue de 1 000 places l’an prochain.

Dans un contexte budgétaire contraint par la nécessité impérieuse de réduire les dépenses publiques, cet effort financier significatif consenti au nom de la solidarité mérite d’être particulièrement salué.

J’ai décidé, cette année, d’axer mon rapport budgétaire pour avis sur la question de l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail, afin de dresser un état des lieux et de revenir sur les évolutions intervenues depuis la loi fondatrice du 11 février 2005.

L’intégration professionnelle des personnes handicapées joue un rôle essentiel pour leur participation à la société et leur accès à une vie autonome. Au-delà des enjeux économiques et sociaux, il s’agit d’une question majeure de par ses dimensions citoyenne et éthique. Une société s’honore lorsqu’elle sait tendre la main aux plus fragiles de ses membres et s’ouvrir pleinement, notamment en aménageant la cité pour la rendre accessible dans tous ses aspects, qu’il s’agisse des bâtiments, des déplacements, de la culture ou la citoyenneté.

Je ne reprendrai pas la totalité des données chiffrées figurant dans mon rapport pour avis, mais j’ai noté avec satisfaction que l’emploi des personnes handicapées a globalement progressé dans le secteur public comme dans le secteur privé depuis la loi de 2005, que la part d’entreprises n’employant directement aucun travailleur handicapé suit une diminution régulière, que le taux d’emploi des travailleurs handicapés progresse ou encore que le nombre de travailleurs handicapés dans les établissements de vingt salariés et plus du secteur privé est en hausse. Toutefois, le taux de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de vingt salariés reste inférieur à l’objectif de 6 % fixé par la loi de 2005. Les personnes handicapées continuent en effet à rencontrer globalement davantage de difficultés à accéder à un emploi ou à le conserver. Le taux de chômage des personnes possédant une reconnaissance de handicap dépasse le double de celui de l’ensemble de la population en âge de travailler : il s’est stabilisé à 19 % en 2007, contre un peu plus de 8 % pour tous les publics.

Ces difficultés semblent résulter d’une conjonction de plusieurs facteurs : faible niveau de qualification des demandeurs d’emploi handicapés ; problèmes d’aménagement de poste, d’accessibilité des locaux et plus largement de la cité ; manque de passerelles entre le secteur protégé et le milieu ordinaire ; délais requis pour certaines démarches dans le parcours d’insertion ou encore des freins d’ordre psychologique ou culturel.

C’est d’autant plus dommageable que de nombreuses personnes entendues ont souligné la productivité et la motivation souvent très fortes des personnes en situation de handicap, sans oublier la valeur ajoutée économique et financière mais surtout sociale et humaine que leur recrutement représente pour l’ensemble de l’entreprise.

C’est pourquoi il convient de poursuivre les efforts engagés afin de fluidifier les parcours et de renforcer tous les maillons de la chaîne d’accès à l’emploi. Pour cela, il faut favoriser l’accès de tous à la formation pour promouvoir l’égalité des chances, en poursuivant les efforts importants en matière de scolarisation et d’accès aux formations supérieures ; clarifier la gouvernance en consolidant le pilotage par l’État des multiples acteurs compétents dans ce domaine, notamment en développant les plans régionaux d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, les PRITH ; adapter la notion d’« obligation d’emploi », simplifier les démarches pour les entrepreneurs et poursuivre les actions de formation et d’information au sein même des entreprises ; rapprocher de l’emploi en milieu ordinaire les publics qui en sont éloignés, en multipliant les passerelles entre le secteur protégé et le milieu ordinaire de travail, en poursuivant le soutien aux entreprises adaptées, en améliorant l’évaluation de l’employabilité des personnes handicapées et en encourageant le retour à l’emploi des bénéficiaires de l’AAH ; prévenir la désinsertion professionnelle, dans la mesure où, sur plus de 200 000 personnes par an reconnues inaptes au travail, environ 120 000 sont licenciées et seulement 20 000 intègrent un parcours de reconversion professionnelle.

Compte tenu de la complexité des dispositifs existants et du besoin de clarification, tant pour les entrepreneurs que pour les travailleurs handicapés, ne serait-il pas envisageable, madame la secrétaire d’État, que les MDPH deviennent des guichets d’information uniques ? Elles pourraient alors être explicitement chargées non pas de faire – elles n’ont bien sûr pas les moyens, par exemple, de procéder au placement des personnes –, mais de faire savoir, c’est-à-dire d’informer les employeurs et, le cas échéant, de les orienter vers un réseau de correspondants identifiés au sein des différents organismes locaux concernés. Je signale que plusieurs MDPH assument déjà ce rôle d’information et d’orientation.

Plus globalement, quelles mesures avez-vous mises en œuvre pour remédier aux difficultés de fonctionnement rencontrées par les MDPH ?

Quelles actions le Gouvernement mène-t-il ou envisage-t-il afin de développer les passerelles entre le secteur protégé et le milieu ordinaire de travail ? Je pense notamment aux ESAT « hors les murs », malheureusement moins financés que les ESAT classiques, et aux dispositifs expérimentaux comme le PASSMO – passerelle vers le milieu ordinaire.

Enfin, quelles sont les principales orientations de la réforme en cours de l’AAH, engagée notamment afin de clarifier sa finalité et de faciliter l’insertion professionnelle des personnes handicapées ? Qu’en est-il en particulier des expérimentations censées être prochainement conduites dans une dizaine de départements concernant l’évaluation de l’employabilité, pour faire suite aux conclusions du rapport Busnel ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, pour la solidarité. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », après plusieurs retraitements, est marquée par une baisse de crédits de 2,7 %. Les crédits consacrés au handicap connaissant une augmentation importante, comme l’a souligné notre collègue Jeanneteau, il est clair, par déduction, que les crédits consacrés aux mimima sociaux ainsi qu’aux dispositifs d’aide à la parentalité, de conseil conjugal et familial et de protection des personnes fragiles accusent des baisses relativement conséquentes.

Après retraitement, les crédits en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes diminuent de 6,1 %. Quels efforts seront consentis afin de poursuivre les missions définies pour l’exercice 2010, année de grande cause nationale, en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les disparités dans l’entreprise ? Les crédits consacrés à l’égalité professionnelle chutent de 8 %. Ceux dévolus à l’égalité en droit et en dignité atteignent 12,2 millions d’euros, soit une hausse apparente de 15,4 %, toutefois amputée par des retraitements.

Les crédits en faveur du soutien aux familles vulnérables souffrent d’un désengagement important, depuis plusieurs années, notamment pour ce qui concerne l’accompagnement de la parentalité : entre 2007 et 2011, les crédits sont passés de 25 millions d’euros à moins de 10 millions d’euros, soit une baisse de plus de 60 %. Là encore, madame la secrétaire d’État, avec de telles restrictions, comment les objectifs fixés pourront-ils être atteints ?

Le RSA appelle plusieurs constats, monsieur le ministre.

Le rendement de la contribution sur les revenus du capital est largement inférieur aux prévisions : il n’atteindra guère plus de 1 milliard d’euros au lieu des 1,5 milliard d’euros attendus. Même si cette diminution s’explique évidemment par la crise financière, des politiques fortes s’imposent afin de poursuivre l’accompagnement des personnes relevant du RSA, surtout dans le contexte actuel.

Vous avez décidé de réduire de manière drastique la subvention budgétaire accordée au FNSA en 2011. Vous me rétorquerez que c’est assez compréhensible au regard de la montée en charge relativement lente du RSA, notamment du RSA activité. Je regrette cependant qu’à la même occasion vous programmiez une diminution non moins élevée des moyens affectés à l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, qui passeraient de 150 millions d’euros en 2009 à 84 millions en 2011, alors même que, dans le contexte actuel, ces crédits seraient plutôt nécessaires pour accompagner les personnes concernées.

Les crédits inscrits pour le RSA jeunes reflètent les doutes que ce dispositif vous inspire à vous-même, monsieur le ministre. En tout état de cause, sur les 160 000 bénéficiaires potentiels annoncés initialement, les crédits inscrits permettront tout au plus de servir l’allocation à 48 000 personnes. Au 9 octobre 2010, selon vos chiffres, 5 635 demandes de RSA jeunes avaient été déposées. Quel est l’écart entre le nombre de demandes et le nombre de dossiers acceptés ? Il est question que le nombre de bénéficiaires ne soit finalement que de 15 000, au lieu des 160 000 prévus. Pouvez-vous nous le confirmer ?

S’agissant de l’expérimentation d’un revenu contractualisé d’autonomie de 250 euros pour certains jeunes, là encore, l’effectif de 9 500 bénéficiaires semble hors de proportion avec la situation sociale catastrophique de la jeunesse d’aujourd’hui. La somme de 250 euros ne semble pas non plus à la hauteur pour qu’il soit permis de parler d’ « autonomie ». Pouvez-vous nous dire ce qu’il en sera véritablement ?

L’extension du RSA à l’outre-mer sera un événement important en 2011. Il existe un différentiel significatif entre le RSTA – revenu supplémentaire temporaire d’activité – et le RSA. Les perdants risquent d’être nombreux, en particulier à cause de différentiels de politiques familiales et individuelles. Comment anticiperez-vous ce phénomène ?

Dans la deuxième partie de mon rapport pour avis, j’ai dressé un premier bilan du RSA.

Sa mise en œuvre est d’abord marquée par une montée en charge très lente. En outre, le trouble s’empare des différents partenaires, qui semblent avoir du mal à se coordonner, certains d’entre eux signifiant même que, pour la partie socle, le nouveau dispositif fonctionne moins bien que le revenu minimum d’insertion. Des questions sont également soulevées à propos de la différenciation entre accompagnement social et accompagnement professionnel, qui semble distendre les liens et empêcher une prise en charge globale.

Monsieur le ministre, l’expérience du RSA doit naturellement être poursuivie, en particulier parce qu’elle est trop récente pour que des conclusions définitives puissent être tirées, mais plusieurs questions méritent d’être posées.

Quelles mesures entendez-vous étudier pour éviter que ne se concrétise la crainte de perdre des droits connexes, parmi lesquels la couverture maladie universelle complémentaire – CMUC –, qui semble décourager les reprises d’emploi ?

Quelles pistes pourriez-vous envisager afin d’éviter que le RSA ne favorise les emplois à temps très partiel et – j’ai découvert ce problème lors des auditions – ne décourage la bi-activité des couples, donc l’emploi féminin ?

Chacun a compris que le RSA jeunes ne produira pas les effets escomptés pour le public visé. Avez-vous déjà réfléchi à son évolution ? Quelles pourraient être les orientations dans ce domaine ?

Comment parvenir à unifier les périodes de référence pour le décompte des ressources prises en considération en vue de l’ouverture des droits aux différentes prestations sociales que sont les aides au logement, la CMUC, la prime pour l’emploi – PPE – ou le RSA ? Le représentant de l’Assemblée des départements de France m’a fort justement fait observer qu’un ménage ne peut pas gérer son budget alors qu’il ignore sur quel pouvoir d’achat, sur quelles ressources il peut compter.

Serait-il envisageable de réfléchir à l’opportunité de périodicités autres que trimestrielle pour la déclaration des ressources RSA, mensuelle pour limiter les indus, annuelle pour les allocations de faible montant ?

Serait-il possible d’obtenir de Pôle Emploi une clarification de la vision de la mission qui lui a été confiée ? En auditionnant M. Christian Charpy, nous avons compris qu’il ne considère pas devoir mener une action spécifique en direction du public percevant le RSA. Cela provoque évidemment une sorte de partie de ping-pong entre les départements, qui jugent que cela ne leur incombe plus, et Pôle Emploi, qui estime ne pas disposer des moyens pour mettre tout cela en place.

Au-delà des mesures de nature à améliorer l’efficacité de la gestion du RSA, il apparaît qu’un certain nombre de critiques à son encontre – caractère familial de la prestation ; risque de développement d’emplois à temps très partiel ; opportunité, durant une période d’explosion du chômage, d’un dispositif favorisant ceux qui travaillent – pourraient converger pour justifier une architecture complètement différente.

Premièrement, que penseriez-vous d’un revenu d’existence individuel décent, prenant en compte l’extrême difficulté qu’ont certains exclus à entrer dans le monde du travail ? Le bénéfice de ce revenu pourrait être subordonné à une limite d’âge, un critère objectif de cette nature n’étant pas stigmatisant.

Deuxièmement, une mesure de soutien aux revenus modestes du travail, individualisée et indépendante de la composition du foyer, bref, une « PPE boostée », est-elle susceptible de constituer une piste de travail ?

J’espère que cette discussion sur le RSA ne clora pas la réflexion relative à un dispositif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion à la fois plus efficace, plus juste et plus respectueux de la dignité des personnes.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. Jean-Marie Binetruy m’a interrogé sur la montée en charge du RSA, notamment du RSA activité. Les chiffres publiés en août 2010 font état de 1,797 millions de foyers bénéficiaires du RSA, dont 1,149 millions pour le RSA socle – ancien RMI – contre 1,145 millions en juillet. Lors d’une audition à laquelle assistait le rapporteur spécial, j’avais indiqué que je m’attendais à une stagnation du nombre de bénéficiaires du RSA socle. Les chiffres tendent à confirmer cette prévision de sortie de crise.

Le RSA socle et activité est perçu par 193 304 foyers, contre 191 981 en juillet, et le RSA activité seul par 455 634 foyers. Le nombre de RSA activité est passé de 414 000 en juin 2009 à 648 938 en août 2010, soit une progression de 57%. On peut certes choisir de voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein ; pour ma part, j’ai toujours tablé sur une montée en charge progressive. Souvenez-vous qu’il a fallu cinq ans pour voir doubler le nombre de bénéficiaires du RMI, dix ans pour le voir tripler. Cette montée en charge progressive du RSA activité s’explique aussi par un contexte de sortie de crise, avec la reprise du travail intérimaire et du travail à temps partiel, qui avaient été les premiers touchés par la crise économique. Mes services vont par ailleurs s’intéresser aux disparités qui existent entre départements – dans le Loir-et-Cher, où je me suis rendu la semaine dernière, la progression est de 72 %. Ces disparités s’expliquent notamment par la nature de l’emploi dans les différents départements. Dans les départements ruraux, on constate ainsi une nette montée en puissance du RSA versé par les MSA.

L’État verse actuellement 110 millions d’euros par an au titre du RSA activité, tandis que les départements consacrent 539 millions au RSA socle. En juin 2009, nous étions à 44 millions pour le RSA activité et 438 millions pour le RSA socle. On assiste donc bien à une montée en puissance.

Le rapporteur spécial et Christophe Sirugue ont parlé du RSA jeunes. Je suis heureux de reprendre avec ce dernier le débat de qualité que nous avions eu lorsque j’étais rapporteur de la loi sur le RSA. J’indique que 5634 dossiers de RSA jeunes ont été constitués. Néanmoins, il faut attendre trois mois pour disposer de chiffres définitifs : le logiciel de la CNAF a beau s’appeler CRISTAL, il est si rigide qu’il faut un certain temps pour assurer une réelle transparence ! Les dossiers de RSA jeunes sont d’ailleurs plus longs à constituer que les autres : il faut vérifier la condition de deux ans d’activité au cours des trois dernières années, ce qui s’avère complexe lorsqu’on est en présence, comme souvent chez les jeunes, de carrières fracturées. Quoi qu’il en soit, les dossiers concernent plutôt le RSA activité que le RSA socle, et les demandeurs sont en majorité âgés de vingt-deux, vingt-trois ou vingt-quatre ans. Cela confirme que les jeunes commencent le plus souvent à travailler à temps partiel après vingt et un an et qu’ils ne réunissent les conditions requises – il est vrai assez restrictives, monsieur Sirugue – qu’à l’approche de vingt-cinq ans. Du moins aurons-nous réussi à gommer ce seuil, qui n’était pas juste. Vous savez sans doute qu’un recours contre le décret sur les critères d’accès au RSA jeunes a été déposé au Conseil d’État. Or ce décret reprend exactement le dispositif que mon prédécesseur Martin Hirsch avait présenté aux Commissions des finances et des affaires sociales l’an dernier. Il a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État, et nous avons tenu compte de toutes ses observations. Je serais donc très étonné que le recours aboutisse.

En ce qui concerne le RSA DOM, nous avons obtenu un arbitrage interministériel qui permettra au dispositif de démarrer au 1er janvier 2011. La transition entre le RSTA, complément de revenu d’activité, et le RSA, allocation versée au foyer, devait fatalement faire des gagnants et des perdants. Toutefois, nous n’avons pas voulu pénaliser les personnes qui avaient déjà bénéficié du RSTA, d’autant que les accords Bino ne s’appliquent pas de la même manière aux Antilles et à la Réunion. Comme le proposait l’excellent rapport de votre collègue René-Paul Victoria, nous avons décidé d’offrir le choix entre RSTA et RSA, l’option exercée étant définitive. Les deux prestations – non cumulables, donc – seront maintenues jusqu’à fin 2012, afin d’assurer une sortie en douceur du dispositif. Nous avons dû mettre au point une « tuyauterie » assez complexe, car le RSTA était géré par la caisse générale de sécurité sociale – CGSS – tandis que le RSA l’est par les CAF, mais nous y sommes parvenus ! L’État devra certes apporter un financement de quelque 200 millions d’euros supplémentaires jusqu’à fin 2012, mais l’arbitrage a été rendu au bénéfice des usagers.

Jean-Marie Binetruy s’est interrogé sur le point de savoir si la contribution de l’État au RSA serait suffisante. Les prévisions de montée en puissance du dispositif étant particulièrement optimistes, les sommes provisionnées n’ont pas été, loin s’en faut, entièrement dépensées. Les commissaires de la Commission des finances ne me feront pas grief d’avoir souhaité que la dépense soit ajustée au plus près ! Cela étant, le RSA est un droit : ce n’est pas le budget qui crée le nombre de bénéficiaires, mais le nombre de bénéficiaires qui détermine la contribution budgétaire. Nous avons estimé le rendement de la taxe de 1,1 %, et déduit en fonction de cette estimation une contribution de l’ État de 700 millions d’euros en 2011 et en 2012. Vos collègues du Sénat m’ont fait observer qu’il restait de l’argent dans cette dotation ; je leur ai indiqué que dans le cadre de la maîtrise de la dépense publique, il avait été redéployé de manière à ajuster les prévisions budgétaires au plus juste.

En 2010, le rendement prévu pour la taxe de 1,1 % était de 1,210 million d’euros ; en 2011, il sera de 1,168 million, avec une subvention d’équilibre de 700 millions d’euros ; en 2012, il sera de 1,218 million, avec une subvention d’équilibre de 700 millions d’euros – cela avec des prévisions volontaristes sur les différents RSA.

Nous avons tablé sur une continuité dans la montée en puissance du RSA activité – on passerait de 1,313 million en 2010 à 1,803 million en 2011. Pour le RSA jeunes, nous avions provisionné 20 millions d’euros pour cette année. J’ai provisionné 75 millions d’euros, ce qui correspond à peu près à 15 000 jeunes. Lorsque j’ai avancé ce chiffre, on m’a dit que mes prévisions étaient très restrictives. Au vu des premiers dossiers qui arrivent, je constate qu’elles étaient plutôt pertinentes… Il est vrai que 160 000 jeunes pourraient potentiellement bénéficier du RSA jeunes ; mais, en bon ingénieur que je suis, j’ai essayé d’ajuster les chiffres, et je pense que ma prévision est plutôt bonne.

Pour le RSA outre-mer, nous ajustons, comme je vous l’ai dit, avec 200 millions d’euros. Les chiffres sont assez volontaristes. Avec 700 millions de dotation budgétaire, nous n’avons donc guère d’inquiétude sur notre capacité à financer le dispositif. Néanmoins, les marges de manœuvre sont faibles.

J’en viens à l’APRE, l’allocation personnalisée de retour à l’emploi. Devant les nombreuses distorsions qui existent, nous avons mis en œuvre un dispositif de simplification d’une dizaine de mesures – M. Binetruy a bien voulu assister à leur présentation. En tenant compte de l’argent qui n’a pas été dépensé, nous disposons de 110 millions d’euros provisionnés pour l’APRE – 20 millions pour Pôle Emploi et 90 millions pour les départements.

S’agissant de la CMU, je répondrai précisément par écrit à Christophe Sirugue, afin de lui montrer qu’il n’existe pas de difficulté.

L’Assemblée nationale a déjà eu l’occasion d’aborder les questions de la trappe à temps partiel – que j’avais moi-même soulevée dans mon rapport – et de la bi-activité des couples. Il faut attendre la sortie définitive de la crise pour disposer d’une vraie mesure. Le comité d’évaluation que j’ai installé avec les partenaires sociaux n’a d’ailleurs pas encore rendu ses conclusions. Je les transmettrai bien entendu au rapporteur dès que nous en disposerons.

J’en viens à l’unification des différentes prestations, en particulier l’APL, l’aide personnalisée au logement. J’ai réuni la semaine dernière deux groupes pilotes d’usagers issus de deux départements. Deux pistes sont à l’étude, celle de la mensualisation – notamment pour les personnes bénéficiant de plus de 160 euros de RSA – et celle de l’annualisation, pour les petites prestations. Cela permettrait aux usagers de faire des prévisions budgétaires beaucoup plus justes.

Je me tourne enfin vers le président Pierre Méhaignerie, qui avait, le premier, soulevé la question de l’articulation entre PPE – prime pour l’emploi – et RSA. Je suis pour ma part tout à fait ouvert à une réflexion sur l’amélioration – voire l’unification – du dispositif. Dans l’hypothèse où vous chargeriez un député de se pencher sur cette question, je suis même disposé à lui fournir l’assistance de mes services.

Je rejoins à présent le Conseil des ministres, mais je serai de retour sitôt qu’il sera achevé.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Malgré la crise et les contraintes budgétaires qui sont les nôtres, puisque le Premier ministre a demandé aux membres du Gouvernement de réduire leur budget d’environ 5 %, les crédits des trois programmes qui relèvent du ministère du travail et de la solidarité sont en augmentation de 5,5 % par rapport à 2010.

Les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » s’élèvent ainsi à 9,9 milliards d’euros, soit une hausse de 8,6 %. Le Président de la République l’avait dit clairement au comité d’entente des associations représentatives des personnes handicapées le 13 septembre, il n’y aura pas d’économies sur le champ du handicap, et notre solidarité sera totale. Les crédits inscrits pour l’AAH, l’allocation adulte handicapé, s’élèvent donc à 7,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 10,5 %. Comme vous le savez, le Président de la République s’est engagé à augmenter l’AAH de 25 % d’ici à 2012. Le montant de l’allocation s’élèvera à 743,62 euros d’ici à la fin 2011, contre 711,95 aujourd’hui.

Le décret sur la déclaration trimestrielle des ressources est en phase finale d’élaboration, monsieur Binetruy : je l’ai moi-même signé, ainsi qu’Éric Woerth, et il a été transmis au Premier ministre. La déclaration trimestrielle permettra de mieux ajuster les revenus des allocataires en activité en milieu ordinaire à leur situation financière réelle. Aujourd’hui, il existe un décalage d’au moins un an ; or nous voulons mieux accompagner les personnes handicapées.

En ce qui concerne le cumul intégral, allocation et salaire pourront être cumulés de façon intégrale pendant les six mois suivant la reprise d’un emploi, et ce jusqu’à 1,3 SMIC – contre 1,1 aujourd’hui. La réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2011. Des mesures d’accompagnement et d’information seront mises en place avec les CAF, les MSA, les MDPH – maisons départementales des personnes handicapées – et les associations de personnes handicapées.

Pour améliorer l’accès à l’emploi des personnes handicapées, le Gouvernement a décidé de mieux armer les MDPH pour apprécier les critères de restriction substantiels et durables pour l’accès à l’emploi. Pour près de 300 000 personnes ayant un taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 % mais inférieur à 80 %, l’attribution de l’AAH dépend en effet de la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi compte tenu du handicap. Cette condition a remplacé celle d’une impossibilité de se procurer un emploi. Le décret précisant cette notion sera soumis à la consultation dans les prochains jours et publié d’ici à la fin de l’année. Ce texte permettra d’harmoniser les pratiques des MDPH quant à l’attribution et au renouvellement de l’AAH, en limitant les risques de divergence d’interprétation de cette notion jusqu’ici particulièrement délicate à appréhender.

Sur la base du rapport Busnel de janvier 2010, intitulé « l’emploi : un droit à faire vivre pour tous », le Gouvernement a décidé de soumettre à l’expérimentation un nouveau processus dynamique d’évaluation de l’employabilité des personnes handicapées, ciblé sur les primo-demandeurs. L’expérimentation sera lancée d’ici à la fin de l’année, pour dix-huit mois, dans dix MDPH volontaires : celles de l’Allier, des Hautes-Alpes, de l’Hérault, de la Loire, du Loiret, du Maine-et-Loire, du Morbihan, du Pas-de-Calais, des Hautes-Pyrénées et du Val d’Oise. Un bilan en sera tiré fin 2012. À cette occasion sera notamment examinée l’opportunité de modifier les critères d’attribution de l’AAH en tenant compte de l’évaluation de l’employabilité en complément de la détermination du taux d’incapacité permanente.

Aider les personnes handicapées à être pleinement des citoyens de notre société, c’est aussi leur offrir la possibilité d’intégrer une structure médico-sociale d’aide par le travail. Là encore, nous mettons en œuvre une promesse du Président de la République. Ainsi, 1000 places d’ESAT – établissement ou service d’aide par le travail – seront créées l’année prochaine, et nous assumerons le financement des 117 211 places déjà créées. Les crédits de cette action s’élèvent à 2,6 milliards d’euros, dont 1,4 milliard pour le financement des places d’ESAT et 1,2 milliard pour l’aide aux postes, soit une augmentation de 2,9 %.

J’attire votre attention sur une mesure forte, attendue par l’ensemble du secteur : des crédits d’investissement – 12 millions d’euros en triennal – permettront une remise aux normes des établissements qui en ont besoin.

Vous avez raison, monsieur Jeanneteau : un poste en ESAT ne peut être une fin en soi, et tout doit être fait pour garantir un meilleur accès en milieu ordinaire. Près de 22 millions d’euros sont donc mobilisés sur trois ans pour garantir l’effectivité de la convention PASSMO –passerelle vers le milieu ordinaire –, grâce à laquelle une entreprise qui recrute un travailleur handicapé peut être aidée financièrement pendant trois ans, soit une durée suffisamment longue pour consolider l’embauche. Cette entreprise bénéficiera automatiquement d’une aide pour financer du tutorat pendant trois ans car l’accompagnement de la personne handicapée est indispensable. Au total, elle pourra percevoir près de 33 000 euros sur trois ans – 9 000 euros par an et par travailleur recruté de la part de l’AGEFIPH, l’association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, et plus de 2 100 euros par an de la part de l’État pour le tutorat. Nous ferons le bilan de cette convention expérimentale dans les trois ans.

La formation des jeunes handicapés, si importante, passe notamment par des stages en entreprise. Vous avez récemment proposé, monsieur Jeanneteau, que la qualité de travailleur handicapé soit automatiquement reconnue aux jeunes de plus de seize ans bénéficiaires soit de la prestation de compensation du handicap – PCH –, soit de l’allocation compensatrice pour tierce personne – ACTP –, soit de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé –AEEH. Je partage votre avis et vous encourage à déposer un amendement sur la proposition de loi du sénateur Paul Blanc, qui sera bientôt examinée par votre Assemblée.

Le Gouvernement souhaite par ailleurs garantir aux MDPH tous les moyens de fonctionnement qu’il apporte en qualité de membre du groupement d’intérêt public. Nous nous sommes employés à ce que les moyens en personnels de l’État soient mis à disposition des MDPH ou compensés. En 2010, nous avons œuvré, comme je m’y étais engagée, à compenser l’intégralité des postes. Pour 2011, 23,5 millions d’euros correspondant au stock de postes vacants depuis plus d’un an sont inscrits au programme 157. Les vacances constatées au cours de l’année feront l’objet d’un financement de gestion sur les programmes supports.

Pour une meilleure lisibilité, la plupart des financements dévolus aux MDPH ont été regroupés sur une seule ligne budgétaire. Au total, 47,2 millions d’euros sont inscrits pour assurer le fonctionnement des MDPH.

J’ajoute que la loi du 11 février 2005 a rendu obligatoire la présence dans chaque MDPH d’un référent « insertion professionnelle ». Des conventions entre les MDPH, Pôle Emploi et Cap emploi sont signées pour s’assurer que les personnes disposent d’un référent unique pour le suivi de leur parcours professionnel. J’ai également signé une charte avec les grandes entreprises du CAC 40, afin qu’elles dédient, sur les salons, une information spécifique aux jeunes en situation de handicap. En matière de formation, les personnes handicapées et leurs familles ont en effet tendance à s’autocensurer ; et s’il existe des possibilités de recrutement pour les personnes handicapées, le taux de qualification n’est guère supérieur, pour 80 % d’entre elles, au niveau du brevet.

J’en viens au programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », qui a pour objectif de faire coïncider l’égalité des droits avec l’égalité réelle. Il occupe une place très importante. La baisse d’environ 10 millions d’euros des crédits n’est qu’apparente, la gestion du réseau régional et départemental du droit des femmes ayant été transférée au programme 124.

En 2011, 19 millions d’euros seront consacrés à des actions en faveur de l’accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique, associative, de l’égalité professionnelle, de l’égalité en droits et en dignité, et de l’articulation des temps de vie. Cet effort permet de financer le Centre national d’information des droits des femmes et des familles, le numéro 3219 et les associations qui oeuvrent contre les violences faites aux femmes.

En cette année où la lutte contre les violences faites aux femmes a été érigée au rang de grande cause nationale, nous avons mis en œuvre nombre de programmes et diffusés des clips d’information sur ce sujet. Nous continuerons à développer ces actions : 157 femmes sont décédées en 2008 suite à des violences conjugales, 140 en 2009.

La proposition de loi Copé-Zimmermann sur la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d’administration a été votée au Sénat la semaine dernière – j’étais moi-même présente au nom du Gouvernement. Grâce à un dispositif de sanctions adapté, ce texte permettra d’inscrire la présence des femmes dans les milieux économiques. Près de 6 000 femmes devraient ainsi être nommées dans les conseils d’administration.

Un dispositif majeur a enfin été adopté avec l’article 31 de la loi portant réforme des retraites, qui pénalise financièrement les entreprises qui n’élaboreront pas un plan d’action pour lutter conter les écarts de salaires. Cette pénalité pouvant s’élever jusqu’à 1 % de la masse salariale.

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, nous poursuivrons les actions que nous avons engagées. Ainsi, la feuille de route interministérielle élargit son champ d’application aux agressions sexuelles et à la prostitution. Elle assurera la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010, qui prévoit notamment l’ordonnance de protection des victimes et l’utilisation du bracelet électronique pour protéger les femmes.

Monsieur Sirugue, les moyens affectés aux contrats d’égalité sont reconduits à hauteur de la consommation réelle, soit 750 000 euros.

Le programme 106, « Action en faveur des familles vulnérables », illustre l’important soutien que l’État apporte à ces familles. Ce programme, d’un montant de 232 millions d’euros, se divise en deux actions : l’action 1, qui concerne l’accompagnement des familles dans leur rôle de parents, est dotée de 12,5 millions d’euros : l’action 2, qui est relative à la protection des enfants et des familles, est dotée, elle, de 219 millions d’euros.

Pour comparer ces crédits avec les 409 millions d’euros alloués en 2010, il faut tenir compte de la généralisation du RSA aux départements d’outre-mer à compter du 1er janvier 2011, qui se traduit par la suppression des crédits correspondant à l’allocation de parent isolé – API – dans le programme 106.

Je mettrai tout à l’heure en place le Comité national de soutien à la parentalité annoncé par le Premier ministre dans le cadre du Comité interministériel de prévention de la délinquance. Afin de répondre concrètement aux attentes de nos concitoyens, chaque département sera doté d’un comité départemental de soutien à la parentalité, placé sous l’autorité du préfet et auquel collaboreront les associations familiales.

La baisse relative des crédits finançant les actions en faveur de la politique d’aide à la parentalité est plus que compensée par l’augmentation des crédits de soutien à la parentalité, décidée dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012. Cette convention, signée par l’État et la CAF, prévoit que les crédits atteindront 53 millions d’euros en 2012, soit une augmentation de 15,5 % par an.

L’action 3 consacre à la protection de l’enfance et des familles plus de 219 millions d’euros, dont 213 millions d’euros destinés à contribuer au financement de la protection juridique des majeurs. Celle-ci a été réformée par la loi du 5 mars 2007, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Désormais l’État finance des mesures lourdes comme la tutelle, la curatelle et la mise sous sauvegarde de justice.

L’action 3 permet également de subventionner l’Agence française de l’adoption (AFA). Cette agence, créée en 2005 sous forme de groupement d’intérêt public, associe l’État, les départements et des personnes morales de droit privé.

L’action 3 contribue en outre au financement du groupement d’intérêt public de l’enfance en danger, le GIPED, chargé du service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, et de l’Observatoire national de l’enfance en danger.

Le programme 124 de la mission « Solidarité » comporte deux mesures phares en matière de modernisation de l’administration. Deux réseaux distincts ont vu le jour, à la suite de la mise en place de la RGPP et de l’application de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 : les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, qui mutualiseront les moyens territoriaux dans le cadre de la réforme territoriale de l’État ; les vingt-six agences régionales de santé , les ARS, créées en 2010, qui unifieront le pilotage de la santé dans les régions et accroîtront l’efficacité du système en rapprochant l’administration de l’État et celle de la sécurité sociale.

J’en terminerai avec la réorganisation de l’administration centrale. En 2010, la Direction générale de l’action sociale (DGAS) a été transformée en Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et ce pour une plus grande efficacité. Elle comprend plusieurs services, dont le service du droit des femmes et de l’égalité. En plus d’améliorer la coordination et la mutualisation des moyens, cette instance permettra aux administrations de se consacrer davantage à au fond des politiques et moins aux aspects matériels de la gestion.

M. Gérard Gaudron. Comme chaque année, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » revêt une importance singulière puisqu’elle montre l’attachement que la Nation porte aux plus faibles d’entre nous. Notre majorité poursuit sa mobilisation à l’égard des plus faibles afin d’atténuer les effets de la crise qui affecte tant nos compatriotes. Nous devons toutefois veiller à assurer la pérennité de nos efforts de solidarité nationale.

L’effort financier que consacre l’État aux plus démunis est durable puisque ce budget connaît, pour la période 2010-2013, une progression qui correspond à plusieurs réalités.

Tout d’abord, depuis le 1er septembre dernier, le RSA est généralisé à tous les actifs de moins de 25 ans. Notre majorité a relevé le défi de la réforme des minima sociaux, qui s’est traduite par la mise en place du RSA. Dès 2011, celui-ci s’appliquera aussi dans les départements et certaines collectivités d’outre-mer.

Sans reprendre le débat sur la mise en place du RSA, je rappelle que sa vocation première consiste à permettre le cumul du revenu du travail et des prestations de solidarité, dans le but clairement affiché de rendre l’assistanat moins attractif.

En matière de handicap et de dépendance, s’ il convient de se réjouir de l’allongement de la durée de la vie, le défi pour notre société est d’assurer à chacun la possibilité de vieillir dans les meilleures conditions. Dans cinq ans, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans passera de 1,3 million à 2 millions de personnes. Les crédits prévus pour 2011 consacrent une enveloppe de 9,88 milliards d’euros au financement de mesures en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Certaines ont d’ores et déjà été engagées, elles se poursuivront au cours des prochaines années.

S’agissant de l’action « Adultes handicapés », le Président de la République a confirmé le 13 septembre dernier son engagement d’augmenter de 25 % l’allocation adulte handicapé (AAH) d’ici à la fin de son mandat. Depuis 2007, l’AAH a augmenté de près de 15 %, ce qui représente 1,4 million d’euros. La réforme de l’AAH, destinée à favoriser l’emploi des personnes handicapées, prévoit de faciliter le cumul de cette allocation avec un salaire. Elle entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier prochain.

Madame la secrétaire d’État, vous avez récemment dressé un premier bilan de la création de nouvelles places d’accueil pour les personnes handicapées en établissements et services : en deux ans, 18 660 places ont été créées et 5 500 nouvelles places seront ouvertes cette année.

En 2011, l’État poursuivra son soutien aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Soucieux d’assurer aux élèves handicapés la scolarisation à laquelle ils aspirent, nous nous sommes fixé pour objectif de scolariser, d’ici à la fin de l’année, 200 000 enfants handicapés. Actuellement, 185 000 sont scolarisés, soit 30 000 de plus qu’il y a trois ans et 40 % de plus qu’en 2005.

Le plan Solidarité Grand âge a atteint 91 % de ses objectifs en matière de place. Il se poursuivra en 2011 avec la création de 85 000 places sur les 93 000 prévues.

Le PLFSS que nous venons d’adopter réaffirme la place des aînés et des personnes handicapées dans notre société à travers des priorités budgétaires.

Les actions en faveur des familles vulnérables sont également remarquables. Les crédits de ce programme, qui s’élèvent à 231,85 millions d’euros, sont destinés aux familles monoparentales. Depuis le 1er juin 2009, l’allocation pour parent isolé (API) est intégrée au RSA afin de favoriser le retour durable à l’emploi.

Le volet portant sur la lutte contre les maltraitances, qu’elles soient commises contre des enfants ou des femmes, est fondamental tant les chiffres de la violence progressent de façon inquiétante.

La protection des majeurs vulnérables fait également partie de notre programme.

En ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes, si l’égalité des droits est acquise dans notre pays, l’égalité réelle peut encore être améliorée : en 2011, 18,63 millions d’euros seront consacrés à diverses actions visant à promouvoir cet objectif. La lutte contre les écarts de salaire est une priorité. Un programme d’action interministériel en matière d’égalité entre les femmes et les hommes va se concrétiser. Autre signe fort, la réactivation du Comité interministériel du droit des femmes.

Malgré un exercice budgétaire contraint, la volonté du Gouvernement et de la majorité de concrétiser nos engagements en faveur des personnes et des familles en difficulté reste intacte. Ce budget s’adresse, une fois encore, à ceux qui en ont le plus besoin, sans oublier personne. Il traduit notre volonté de faire en sorte que nos compatriotes les plus en difficulté puissent conserver les aides qu’ils perçoivent de la solidarité nationale, et que ces aides soient augmentées, ou tout au moins pérennisées.

Le groupe UMP approuve et soutient la détermination du Gouvernement et votera ce projet de budget.

Mme Monique Iborra. Je regrette le départ du ministre de la jeunesse et des solidarités, qui démontre, une fois de plus, le mépris du Gouvernement à l’égard des députés.

La loi de finances dans laquelle s’inscrit cette mission se caractérise par le refus du Gouvernement d’augmenter les recettes fiscales – à l’exception de la réduction de certaines niches fiscales. La politique qui en résulte cause des dégâts majeurs aux politiques publiques, y compris celles que vous avez mises en place récemment ou que vous comptez mettre en place prochainement. Cela vaut pour l’emploi, en particulier celui des jeunes, l’éducation, la fonction publique, les investissements publics – je pense aux collectivités locales, que vous étranglez financièrement – et les budgets sociaux.

Mon intervention portera sur deux points : le RSA et l’aide à la parentalité.

Aux dires du ministre, le RSA souffre d’un problème de logiciel mal adapté, de tuyauterie en quelque sorte – il est vrai qu’il a été ingénieur. Le RSA nous a été présenté en 2008 comme la mesure phare du mandat du Président de la République, censé remplacer avantageusement le RMI et faire disparaître les travailleurs pauvres des statistiques.

Selon les premières évaluations, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le RSA est un demi-succès – ou un demi-échec, selon que l’on considère que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Néanmoins, la lenteur de la montée en charge du RSA activité et les témoignages des acteurs que nous avons auditionnés montrent que des erreurs ont été commises tant dans la conception même du dispositif que dans sa mise en œuvre, qui s’apparente à une véritable « usine à gaz », erreurs que ne régleront pas vos tentatives de simplification.

Erreur de conception, car vous avez fait le pari que le moteur essentiel du dispositif serait le gain financier pour les bénéficiaires. Or, ce gain est parfois minime, voire fluctuant, ce qui ne permet pas au bénéficiaire de se projeter dans un avenir proche.

Erreur de mise en œuvre car vous avez fait du RSA un dispositif d’assistanat au lieu de développer l’autonomie des personnes par le biais d’un accompagnement conciliant insertion sociale et insertion professionnelle. Au lieu de cela, vous avez complètement désorganisé le dispositif qui existait au sein des conseils généraux, et pour le fonctionnement duquel, d’ailleurs, vous ne leur donniez pas les moyens financiers nécessaires.

Dans le domaine de l’insertion professionnelle, vous avez fait intervenir un nouvel acteur, Pôle Emploi. Or celui-ci ne propose aucun accompagnement spécifique, de l’aveu même de son directeur. Là aussi, mes chers collègues, vous démolissez l’existant en le remplaçant par des politiques que vous appelez réformes, mais qui restent, pour la plupart d’entre elles, inefficaces et injustes.

Parce que cette politique est un échec, vous réalisez des économies tant sur le fonds national des solidarités actives, que vous imputez très fortement, que sur l’aide personnalisée de retour à l’emploi, qui passera en 2011 de 150 à 84 millions d’euros.

Pour autant, les besoins ont-ils disparu ? Assurément non, bien au contraire. La situation des plus fragiles reste très préoccupante. Pour eux, la crise est permanente. Au-delà des économies réalisées, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour y remédier ?

J’en viens au désengagement du Gouvernement en matière d’accompagnement des parents et de parentalité. J’ai bien entendu vos explications, madame la secrétaire d’État. Il est prévu que la CAF intervienne, aux côtés de l’État, dans le cadre d’un contrat d’objectifs, et que les préfets président les réunions des comités départementaux de pilotage. Nous doutons de l’efficacité d’une telle « usine à gaz » – une de plus ! Ne vaudrait-il pas mieux, madame la secrétaire d’État, encourager la création de maisons des parents et d’écoles des parents ?

M. Claude Leteurtre. Ce projet de loi de finances, qui s’inscrit certes dans un contexte budgétaire contraint, ne prévoit aucun crédit complémentaire pour financer les charges des établissements. La simple reconduction des moyens indispensables nécessiterait une augmentation de 1,36 %, au lieu de celle prévue de 0,72 %. C’est la qualité de l’accompagnement des personnes handicapées qui est menacée au sein des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), des entreprises adaptées et des services mandataires.

Si nous pouvons nous réjouir de l’inscription d’investissements et de l’ouverture d’autorisations de paiement à hauteur de 4 millions d’euros, les crédits de paiement, eux, ne s’élèvent qu’à un million d’euros. Selon les associations, les investissements devraient s’élever à 9 millions d’euros, avec des crédits de paiement à hauteur de 4,5 millions d’euros.

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit de supprimer 500 aides aux postes au prétexte qu’elles n’ont pas été consommées l’an dernier. Le budget sera donc amputé d’autant. Or, cette non-consommation s’explique pour des raisons très simples. Il convient de réintégrer ces aides dans le budget.

Le fonctionnement des MDPH est très médiocre et souvent moins efficace que celui des COTOREP. En dépit de l’effort de l’État de reconduire les crédits nécessaires – ceux-ci passent de 21 à 47 millions d’euros –, pouvez-vous me dire comment tout cela va se traduire concrètement ? Les responsables départementaux, quelle que soit la majorité en place, s’inquiètent quant à la capacité de l’État à faire face à ses obligations.

L’exonération du versement transport est très intéressante pour les ESAT, mais il ne s’agit que d’une tolérance. Elle est actuellement mise à mal ici ou là. Pouvez-vous nous confirmer que les ESAT sont exonérés du versement transport ?

J’en termine avec la question de la désinsertion professionnelle. L’incapacité de travailler concerne chaque année 200 000 personnes, tandis que 120 000 d’entre elles sont licenciées. En dehors du dispositif PASSMO, comment envisagez-vous de remédier à une situation très coûteuse pour la société et destructrice pour les personnes concernées ?

Mme Martine Billard. Les conditions d’examen des budgets se dégradent de plus en plus : nous allons examiner le budget de la solidarité en une heure et demie ! De plus, le document budgétaire qui nous est transmis comporte très peu de tableaux comparatifs. Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les budgets d’une année sur l’autre, ce qui ne nous aide pas à en comprendre les enjeux, d’autant que le périmètre lui-même a subi de nombreux changements. Par exemple, s’agissant du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes », madame la secrétaire d’État, je ne retrouve pas les chiffres que vous avez cités. Nous manquons singulièrement d’éléments d’analyse.

Le premier point sur lequel j’interviendrai concernera le RSA. Dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, avec un taux de chômage de 10 %, je suis surprise d’entendre notre collègue de l’UMP parler d’assistanat. Les chômeurs apprécieront. Je suis certaine que tous préféreraient travailler plutôt qu’être contraints d’accepter une allocation pour vivre et faire vivre leurs familles. Le faible nombre de personnes qui recourent au RSA activité , par rapport aux estimations, s’explique par la volonté de nos concitoyens de vivre de leur travail.

Le ministre nous a rassurés sur la problématique des droits connexes. Je ne partage pas son analyse, pas plus que le rapporteur. La suppression de l’exonération de la redevance télévisuelle ainsi que l’augmentation, dans la plupart des communes, de la taxe d’habitation pèsent sur les allocataires du RSA, en particulier le RSA socle. La situation des allocations s’est donc dégradée.

Quant au RSA jeune , il n’apportera aucune aide aux moins de vingt ans, dont un certain nombre vivent dans la misère et sans aucun droit.

Le budget réservé à l’expérimentation sociale a été divisé par deux par rapport à 2010, à trois par rapport à 2008. Il était alors de 15 millions : il ne sera plus que de 5 millions en 2011, avec une baisse de 60 % des subventions aux organismes de l’économie sociale. Quelle contradiction avec l’annonce des 100 millions d’euros du grand emprunt ! À moins qu’il n’ait comme conséquence de faire diminuer les budgets destinés à l’économie sociale.

En ce qui concerne l’accompagnement des parents dans leur rôle éducatif, la secrétaire d’État évoque une baisse « relative » des aides. Cette diminution, qui s’élève tout de même à 2,2 millions d’euros, est en contradiction avec la suppression des allocations familiales pour responsabiliser les parents. Comment responsabiliser les parents des enfants qui commettent des actes délictueux si vous diminuer les aides à la parentalité ?

Enfin, il est difficile de juger le programme 137, compte tenu des modifications que vous avez apportées. La seule augmentation, dont nous nous réjouissons car elle est le fruit d’une bataille livrée par l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée, concerne l’action 3, « Égalité en droit et en dignité », qui inclut la lutte contre les violences faites aux femmes. Les autres aspects de la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes ne connaissant aucune progression réelle, nous ne pouvons qu’être déçus par ce projet de budget. Dans ce domaine, si notre législation a accompli de grands pas en avant au cours des cinquante dernières années, de grandes inégalités persistent.

Le groupe GDR votera contre ce projet de budget qui risque de faire régresser la lutte contre les inégalités.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Plus que jamais, notre société doit se soucier de solidarité. Or les MDPH rencontrent des difficultés tant dans leur financement que dans leur fonctionnement. Ainsi, pour 2011, la participation de l’État à leur fonctionnement sera d’un montant identique à celui prévu dans le précédent projet de loi de finances. De plus, comme l’a démontré dans son rapport le sénateur Paul Blanc, il existe des disparités importantes entre les départements, ce qui soulève la question de l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. Et les difficultés ne font que s’accroître lorsque les financements annoncés ne sont pas attribués. Selon l’enquête menée par l’association des directeurs de MDPH, l’État doit encore 34,3 millions d’euros aux MDPH, ce qui ne leur permet pas de garantir un fonctionnement de qualité. Vous leur avez accordé l’an dernier 10 millions d’euros pour résorber cette dette, mais le compte n’y est pas. Les conseils généraux ont d’ailleurs lancé un cri d’alerte à ce sujet. Aussi, avant d’envisager d’étendre les missions des MDPH, il faudrait d’abord leur donner les moyens de fonctionner.

Les objectifs de la loi de 2005 en matière d’incitation à la vie professionnelle pour les personnes handicapées sont, hélas, loin d’être atteints. La crise a certes eu pour elles des incidences, comme pour le reste de la population. Mais précisément, loin de baisser la garde, il importe de faire preuve d’une vigilance accrue. Leur taux de chômage atteint 20%, soit deux fois plus que la moyenne de la population active. Il ne faut donc surtout pas remettre en cause les mesures de soutien. Or, les transferts de charges opérés sur l’AGEFIPH l’amèneront à réduire, voire à suspendre, certaines de ses aides. La diminution de 12% de la subvention spécifique aux entreprises adaptées entraînera, quant à elle, la destruction de 500 postes. Il est inacceptable, dans le contexte actuel, de réduire ainsi drastiquement les moyens de l’AGEFIPH et du FIPHFP (fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), outils essentiels pour permettre aux personnes handicapées l’accès au droit commun. Comment justifier ce choix ?

Si nous avons bien noté la revalorisation de l’AAH, nous désapprouvons l’obligation de déclaration trimestrielle, supposée faciliter l’ajustement des revenus. Il n’en sera rien car dès qu’une personne trouve un emploi, elle perd immédiatement le bénéfice de l’allocation, mais si elle perd cet emploi, elle devra de nouveau justifier de son droit à en bénéficier. Nous craignons que la multiplication des démarches ne conduise les personnes à renoncer à leurs droits.

Nous attendons du Gouvernement qu’il prenne mieux en compte la situation des personnes handicapées et qu’il entende les demandes des représentants du secteur, notamment des associations aujourd’hui confrontées à de sévères difficultés.

Mme Marianne Dubois. Je me félicite de la revalorisation de l’AAH, conformément à l’engagement pris de l’augmenter de 25% d’ici à 2012. Il est prévu de réformer les modalités de son attribution. Cette réforme permettra-t-elle de gommer les disparités territoriales ? L’économie escomptée de 339 millions d’euros ne risque-t-elle pas de réduire encore le niveau de vie, déjà faible, des personnes handicapées ?

Je souhaite maintenant appeler l’attention sur la situation des travailleurs handicapés en ESAT. L’espérance de vie de ces personnes, comme celle de la population générale, a augmenté et il n’est pas rare aujourd’hui qu’elles restent en ESAT jusqu’à l’âge de leur retraite, ce qui était exceptionnel par le passé. Faute de places suffisantes en maisons de retraite spécialisées, des ESAT les gardent parfois au-delà de l’âge de la retraite. D’où un taux de rotation de plus en plus faible dans ces établissements. Comment remédier à la situation sans déraciner des personnes qui n’ont bien souvent eu pour seule famille et seul lien social que leur ESAT ?

M. Dominique Baert. Je regrette que M. Daubresse nous ait quittés pour rejoindre le Conseil des ministres, car c’est à lui que s’adressait l’essentiel de mes questions, mais je ne doute pas que ses collaborateurs les lui transmettront.

La plupart des lignes de crédit de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » diminuent de manière significative : ce constat épargne de longs commentaires ! Lors de sa prise de fonctions, l’actuel ministre de la jeunesse et des solidarités actives avait parlé de simplifier les conditions d’accès au RSA, notamment en facilitant la constitution des dossiers. Il n’est pas revenu sur ce point dans son intervention tout à l’heure. Qu’en est-il ? On constate aujourd’hui sur le terrain que les difficultés d’accès à la prestation entravent son essor. Que compte faire le Gouvernement pour y remédier ?

Pour ce qui est du RSA jeunes, la dotation prévue de 75 millions d’euros est sans rapport avec les 5 600 demandes aujourd’hui formulées. Comptez-vous élargir le RSA jeunes en simplifiant ses conditions d’accès ? Où en est-on de la mise en place des laboratoires territoriaux expérimentaux de jeunesse sur plusieurs sites, envisagée par le ministre ? Comment le Gouvernement compte-t-il y parvenir sans solliciter les collectivités locales, déjà étranglées ?

Les agences régionales de santé (ARS), dont les moyens figurent dans cette mission, subissent actuellement des gels de crédits. Ceux-ci ont-ils vocation à perdurer ? Peut-on espérer un déblocage d’ici à la fin de l’année ?

Un mot de la départementalisation des CAF. Vous connaissez, madame la ministre, la situation spécifique de la région Nord-Pas-de-Calais qui compte un très grand nombre de caisses sur son territoire. La départementalisation a quelque chose d’aberrant si elle a pour conséquence l’homogénéisation des politiques menées et de la gouvernance. Les présidents des caisses ont demandé que cette dernière puisse être adaptée aux réalités locales, militant pour une gouvernance de proximité. Après avoir été encouragés en ce sens, ils ont, semble-t-il, reçu récemment une fin de non-recevoir. La situation est aujourd’hui bloquée. Pouvez-vous faire le point ?

Une dernière remarque : M. Daubresse a évoqué tout à l’heure en même temps que le RSA, le RSTA, le revenu supplémentaire temporaire d’activité. Qu’il me soit permis de lui faire observer que les deux n’ont rien à voir. Le RSTA est issu de l’accord Bino, signé suite au mouvement social de l’hiver 2008-2009 dans les Antilles, alors que le RSA est expérimenté, lui, depuis la loi TEPA. La disparition programmée du RSTA fin 2012 me paraît violer l’accord Bino et fait courir un risque pour la paix sociale dans nos départements d’outre-mer.

M. Michel Heinrich. La loi dispose que les frais de transport collectif des personnes handicapées travaillant en ESAT sont pris en charge par le budget principal d’activité de ces établissements – qui est celui doté par l’État. Sur le terrain, la loi ne semble pas partout lue de la même manière. En effet, certaines autorités de tarification ne tiennent pas compte dans le calcul de la dotation de contraintes comme l’absence de transports en commun dans certains secteurs ni du degré d’autonomie des travailleurs handicapés, certaines leur demandant même une participation aux frais de transport, sans aucun fondement juridique à mon avis. En effet, l’article L 344-6 du code de l’action sociale et des familles dispose qu’une participation forfaitaire peut être demandée pour les frais de repas, mais ne dit rien d’une participation éventuelle aux frais de transport. Certaines dérives sur le terrain risquent d’empêcher l’embauche en ESAT des personnes handicapées les moins autonomes ou de celles vivant dans des secteurs sans transports en commun, et pour lesquelles il convient donc d’organiser un transport collectif spécifique. J’aimerais des précisions sur l’interprétation des textes.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Les crédits du programme « Égalité des hommes et des femmes », nous dit le rapporteur spécial, accompagneront en 2011 la mise en place du troisième plan de lutte contre les violences faites aux femmes, lequel devrait être élargi à d’autres violences que celles commises au sein du couple, comme les mariages forcés et les mutilations sexuelles. On se demande bien comment cela serait possible avec un budget en diminution d’au moins 6% !

Le Gouvernement a déclaré 2010 année de la lutte contre les violences faites aux femmes. Cela ne se traduit, hélas, pas dans les budgets proposés. Plusieurs associations qui accomplissent pourtant un travail remarquable en faveur des femmes ne sont pas reconnues à la hauteur qui conviendrait. Je pense notamment au Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles, le CNIDFF, qui, avec ses 114 centres sur l’ensemble du territoire national, remplit une tâche essentielle d’accueil et d’orientation, à la Fédération nationale solidarité femmes, la FNSF, qui s’occupe des femmes victimes de violences, et au Mouvement français pour le planning familial qui a un rôle essentiel de prévention des violences. Pourquoi ces associations ne font-elles pas l’objet de plus de considération ?

Les crédits alloués aux délégations régionales aux droits des femmes sont aujourd’hui répartis exclusivement en fonction de la population. Or, les frais de déplacement sont beaucoup plus élevés en zone rurale qu’en zone urbaine. Certaines délégations ne peuvent faire autrement que de présenter un budget déficitaire. Comment le Gouvernement compte-t-il réparer cette injustice territoriale ?

M. Yannick Favennec. Le bénéfice de la suppression de la demi-part fiscale dont bénéficiaient dans certains cas les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, sera désormais réservé à ceux ayant supporté, à titre exclusif ou principal, la charge d’un ou plusieurs enfants pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls. Pour tous les autres, cet avantage sera progressivement réduit pour disparaître totalement en 2013. Je souhaite appeler votre attention sur la situation des personnes veuves. Il faudrait, me semble-t-il, distinguer entre leur situation et celle des parents isolés, le veuvage, étant, lui, subi. L’attribution d’une demi-part supplémentaire permettait d’atténuer la pression fiscale pesant sur les veufs et veuves, dont la situation financière est souvent délicate. Ces personnes n’ont pas toujours droit à la pension de réversion de leur conjoint décédé, ne perçoivent pas de prestation compensatoire ni de pension alimentaire. Elles ne comprennent pas la suppression de cette demi-part, qu’elles ressentent comme une injustice. Des dispositions pourraient-elles être prises afin de ne pas les pénaliser et de préserver leur pouvoir d’achat ?

Mme Dominique Orliac. Notre collègue Chantal Robin-Rodrigo m’a priée de lire sa question qui concerne les jeunes, les grands absents de votre politique, dit-elle.

En deux ans, leur taux de chômage de longue durée a explosé à 72%. Leur taux de chômage moyen atteint 25 %, et même deux fois plus dans les banlieues. Le chômage de masse frappe d’abord la jeunesse. L’entrée dans la vie active est de plus en plus difficile et se fait souvent dans la précarité. L’inquiétude et l’angoisse minent toute une génération, durement frappée par la pauvreté : 20 % des 18-24 ans ont un revenu inférieur à 60 % du revenu médian, constat affligeant. Et les mesures prises par le Gouvernement sont insuffisantes : l’accès au RSA jeunes est si restrictif qu’il ne devrait pas bénéficier à plus de 3% des 18-25 ans. Comment dans ces conditions, parler de nouvelle avancée sociale ? À quand des mesures budgétaires concrètes en faveur de notre jeunesse ? À quand une politique de l’emploi luttant efficacement contre les discriminations et l’emploi précaire ?

Vos discours sur la solidarité envers les plus fragiles sont eux aussi en contradiction avec la réalité, poursuit notre collègue. Pis, dit-elle, l’État ne respecte pas ses engagements, notamment ceux qu’il a pu prendre dans les conventions annuelles d’objectifs et de moyens signées avec les conseils généraux et Pôle Emploi, fixant le nombre de contrats uniques d’insertion cofinancés par les départements pour faciliter l’insertion des bénéficiaires du RSA. Dans les Hautes-Pyrénées, l’État refuse de revoir à la hausse le nombre de contrats, fixé à 338, alors que les besoins vont croissant. Résultat : le conseil général, sans aucune marge de manœuvre, est contraint d’arrêter toute nouvelle embauche dans le secteur non marchand et ne peut envisager pratiquement aucun renouvellement au profit des ateliers et chantiers d’insertion. L’État tiendra-t-il parole dans le cadre des conventions qu’il a signées avec les départements ? Débloquera-t-il de nouveaux contrats ?

M. Jean-Luc Reitzer. Ma première question a trait aux ateliers et chantiers d’insertion, conventionnés par l’État. Ces structures salarient près de 65 000 personnes par an, les formant et les accompagnant dans leur parcours d’insertion. Elles souhaitent que l’État maintienne le nombre et la prise en charge financière des contrats aidés, et que l’aide à l’accompagnement soit déplafonnée. En effet, cette aide est aujourd’hui limitée à 15 000 euros par action et à trois actions par structure, ce qui est insuffisant, disent-elles, pour assurer leur développement et leur professionnalisation. Que compte faire le Gouvernement pour conforter ces structures qui réalisent un remarquable travail sur le terrain ?

Ma deuxième question concerne l’allocation équivalent retraite, l’AER, supprimée en 2008, puis rétablie en 2009. Ses bénéficiaires actuels ignorent si elle sera reconduite en 2011. Est-il envisagé de prendre un décret prolongeant cette allocation, dans les mêmes conditions qu’en 2010 ?

Mme Geneviève Levy. Élue locale d’une grande agglomération, j’ai l’expérience de la mise en œuvre des politiques sociales au quotidien et je sais l’engagement total de l’État pour protéger les plus faibles de nos concitoyens, comme en atteste d’ailleurs ce budget. Je souhaite notamment souligner, madame la ministre, le travail réalisé en matière de politique familiale. Même s’il reste encore du chemin à parcourir, l’effort consenti en 2011 est notoire.

Les fortes disparités constatées d’un département à l’autre dans le fonctionnement des MDPH entraînent une certaine désaffection à l’égard de ces structures alors même qu’elles ont effectué un travail important. Nous aimerions disposer d’informations plus précises, concernant notamment l’évaluation de leur fonctionnement.

Mme Cécile Gallez. Je me réjouis des crédits prévus au bénéfice des personnes handicapées. Certains travailleurs handicapés en ESAT peuvent rejoindre une entreprise classique après un passage en entreprise adaptée. Il est, hélas, très difficile d’y trouver des places. Après m’être beaucoup battue il y a deux ans, j’ai péniblement réussi à en obtenir sept. Comment pourrait-on en créer davantage ?

Autre question : combien de temps un jeune ou un demandeur d’emploi qui crée son entreprise peut-il espérer le maintien du RSA, à quel taux et sur quels critères ?

M. Michel Bouvard. Les indicateurs de la mission et des programmes que nous examinons aujourd’hui, comme de beaucoup d’autres, varient d’une année sur l’autre, ce qui rend très difficiles les comparaisons. Je formule le souhait que les commissions parlementaires soient davantage associées à la mise au point de nouveaux indicateurs et que ceux-ci aient une certaine stabilité, faute de quoi il nous est difficile d’apprécier l’évolution des politiques.

S’agissant des ESAT, comment arbitre-t-on entre les augmentations de capacités et les besoins de reconstruction des établissements existants qui ne sont plus aux normes ?

Le désengagement de l’AGEFIPH dans un certain nombre de secteurs, sans crédits de substitution, risque de poser des problèmes, notamment dans l’enseignement supérieur où des mesures avaient été prises il y a quelques années pour que les étudiants sourds et malentendants puissent bénéficier d’un interprétariat en langue des signes. On ne sait plus aujourd’hui comment financer ce dispositif.

M. Élie Aboud. Je me félicite de l’augmentation de 8,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 des crédits du programme « Handicap et dépendance », qui représentent 80 % du total de ceux de la mission.

Ma question porte sur les handicapés vieillissants, dont les problèmes sont souvent assimilés à ceux des personnes âgées que la dépendance conduit à un handicap. Les établissements hospitaliers rencontrent des difficultés majeures dans l’accueil de ces personnes, faute notamment de passerelles suffisantes entre le secteur médical et le secteur médico-social – ce sera d’ailleurs l’une des tâches des ARS que d’en créer, en particulier sur le plan budgétaire.

M. Maxime Gremetz. Madame la ministre, vous vous êtes élevée contre le vote par le Parlement de l’allongement du congé de maternité. Un milliard et demi d’euros, ce n’est pas possible, avez-vous dit !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Mais non !

M. Maxime Gremetz. Ne faites donc pas une crise de nerfs comme vendredi dernier ! Je vous ai bel et bien entendu dire qu’il était exclu d’allonger le congé maternité en France parce que cela coûterait trop cher. Fort heureusement, le lendemain, votre collègue, Mme Bachelot, se déclarait, elle, favorable à cet allongement. Quelle est donc la position du Gouvernement ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Comme toujours, la vérité se trouve plutôt dans la nuance. Il me semble utile de rappeler que la France est, parmi tous ses voisins européens, l’une seule à accroître son effort en matière de politiques sociales. En revanche, nous avons clairement un problème de gouvernance de ces politiques. Quand il y a plusieurs pilotes dans l’avion, il est difficile d’identifier les responsabilités et de s’assurer de la qualité de la gestion.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur Gremetz, pour ce qui est de la durée du congé de maternité, avec seize semaines, la France se situe dans la fourchette haute en Europe.

M. Maxime Gremetz. Non.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. La plupart des femmes bénéficient en outre du congé dit pathologique.

Nous ne sommes pas opposés à l’allongement proposé. Il faut simplement savoir qu’il coûterait 1,3 milliard d’euro. Une réflexion est en cours au sein du Gouvernement, aucune décision n’ayant à être prise dans l’immédiat. Il faudrait sans doute aussi réfléchir à une meilleure répartition entre les congés pris par le père et par la mère à l’arrivée d’un enfant, comme l’ont fait d’autres pays européens.

Pour le reste, monsieur Gremetz, comme vous n’étiez pas en séance vendredi soir, je vous indique que, suite à une erreur de procédure, le Gouvernement n’a pas pu s’exprimer sur les amendements de suppression de l’article 55. Ce n’est pas au parlementaire chevronné que vous êtes que j’apprendrai que le président de séance doit demander l’avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements. Il se trouve que vendredi soir le président de séance a omis de demander l’avis du Gouvernement sur lesdits amendements. C’est sur ce point et ce point seul que je lui ai demandé de donner la parole au Gouvernement pour que celui-ci puisse faire connaître son avis. Libre ensuite aux parlementaires de se prononcer dans le sens qu’ils souhaitaient !

Madame Iborra, madame Billard, les crédits d’État destinés à l’aide à la parentalité s’élèvent à 7,5 millions d’euros, à 6 millions d’euros pour les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (RÉAAP) et à 1,5 million d’euros pour la médiation familiale. Ces crédits manifestent à quel point l’État est conscient de sa mission d’accompagnement des parents – et cela d’autant plus que la COG qui le lie à la CNAF se traduit par une augmentation de 15,5 % par an des crédits destinés à la parentalité, qui passeront donc de 30 à 53 millions d’euros d’ici à 2012, atteignant 46 millions en 2011.

Madame Iborra, vous avez procédé à un amalgame entre les crédits de soutien à la parentalité et les dispositifs complémentaires qui seront évoqués ultérieurement et qui sont destinés à être au plus près des parents. Pour avoir participé aux conseils pour les droits et devoirs des familles dans les communes – de droite ou de gauche – qui en ont installé, je puis témoigner que cet outil, prévu par la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance, permet de répondre aux difficultés que connaissent certaines familles en plaçant le maire au centre du dispositif et en l’entourant d’une équipe pluridisciplinaire.

M. Maxime Gremetz. C’est une usine à gaz !

Mme Nadine Morano , secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Allez à Orléans, et vous verrez qu’il ne s’agit pas d’une usine à gaz !

Madame Billard, madame Clergeau, je précise que la lutte contre les violences faites aux femmes est la grande cause nationale pour la seule année 2010, et non pas pour 2011.

Pour ce qui est du programme 137, nous nous attachons à éviter tout saupoudrage, en vue d’une plus grande efficacité. Nous finançons les têtes de réseau des fédérations nationales de solidarité des femmes, le Centre national d’information sur les droits des femmes, le Mouvement pour le planning familial et la plateforme d’appel du « 3919 ». Nous avons donc budgétisé au plus près la dépense constatée, avec 750 000 euros pour les contrats de mixité professionnelle. Vous convenez d’ailleurs que l’action 3, « Égalité en droits et en dignité », augmente de 15,4 %.

Du reste, les budgets ne sont pas le seul moyen d’agir pour l’égalité des droits. J’en veux pour preuve les mesures adoptées la semaine dernière au Sénat dans le cadre de la proposition de loi Copé-Zimmermann, qui permettront la nomination de près de 6 000 femmes dans les conseils d’administration et qui engagent ainsi une dynamique. De même, l’article 31 de la loi portant réforme des retraites sanctionne, pour la première fois, les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale.

M. Maxime Gremetz. Sans obligation de résultat !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. C’est une avancée nouvelle.

Monsieur Leteurtre, vous soulignez à juste titre, à propos de l’investissement en faveur des ESAT, que 1 million d’euros en crédits de paiement est inscrit au PLF, au lieu de 4 millions. De fait, seuls les travaux réalisés en 2011 sont financés, car il convient, compte tenu de la durée de tels travaux, de caler les financements sur leur rythme d’exécution. En revanche, pour l’avenir, 12 millions d’euros sur trois ans seront consacrés à l’investissement. Il s’agit, je le souligne, d’une dépense nouvelle.

Bien que le Comité interministériel du handicap ait été créé pour coordonner l’ensemble des champs politiques dans ce domaine, les aides aux postes dans les entreprises adaptées relèvent plus particulièrement de la compétence de M. Laurent Wauquiez. Je vous invite donc à lui reposer la question demain matin, lorsque vous l’auditionnerez. Pour ma part, je puis au moins vous indiquer que nous avons pris depuis le début de la crise plusieurs mesures destinées à aider les entreprises adaptées. Tout d’abord, comme toutes les autres, ces entreprises ont bénéficié du dispositif d’amélioration de l’indemnisation du chômage partiel, qui intervient à partir de 60 % à 75 % du salaire brut.

Nous avons également permis le maintien partiel de l’aide aux postes en cas d’absence pour maladie des salariés handicapés et nous améliorons le mécanisme de suivi de la consommation d’aide aux postes, afin de permettre un redéploiement en cours d’année vers les entreprises adaptées les plus dynamiques, qui sont souvent celles qui recrutent le plus.

Monsieur Heinrich, monsieur Leteurtre, les frais de transport collectif sont en effet inclus dans le budget des ESAT et le montant pris en compte en est discuté avec l’ARS dans le cadre de la procédure de tarification. Pour apprécier la légitimité des demandes budgétaires des ESAT en la matière, l’ARS doit tenir compte de l’existence de systèmes de transport public collectif et de la capacité des travailleurs handicapés à les utiliser seuls. Je note les témoignages apportés sur la diversité des pratiques en la matière. Une enquête annuelle est réalisée auprès des ESAT sur les coûts de fonctionnement et il sera procédé à une analyse particulière de la ligne « transport ».

Le Gouvernement a engagé un travail plus global sur les frais de transport des personnes handicapées. Nous avons ainsi inclus le financement des transports pour l’accueil de jour et avons prévu de poursuivre ce travail sur le reste du champ, à commencer par les internats, car certains enfants handicapés ne rentrent dans leurs familles que toutes les quatre ou cinq semaines, faute de transports et parce que les établissements sont trop éloignés de leur domicile. Un groupe de travail a été mis en place sur cette question, ainsi que sur les ESAT.

Madame Carrillon-Couvreur, dans le système actuel, une personne handicapée qui tente aujourd’hui une insertion professionnelle et perd son emploi devrait attendre entre treize et vingt-quatre mois pour retoucher l’AAH à taux plein. Dans le système que nous mettrons en place, ce sera chose faite dès le trimestre suivant, ce qui assurera une meilleure réactivité dans l’accompagnement des personnes handicapées.

Pour ce qui est du fonctionnement des MDPH, évoqué également par Mme Levy, je rappelle que, comme je m’y étais engagée, l’intégralité des postes vacants aura été compensée en 2010. Pour 2011, le PLF prévoit également la compensation de ces postes, à hauteur de 23,5 millions d’euros, correspondant au stock des postes vacants depuis plus d’un an et inscrits au programme 107. Afin de donner de la visibilité aux MDPH, l’essentiel des financements qui leur sont dus – correspondant à l’ensemble des crédits de fonctionnement et au stock des postes vacants – a été regroupé sur une seule ligne budgétaire. La circulaire du 14 avril 2010 précise également les mesures à prendre pour améliorer la gestion des ressources humaines dans ces établissements. La proposition de loi de M. Paul Blanc adoptée par le Sénat lundi dernier et prochainement examinée par votre assemblée améliorera le statut des personnes recrutées dans les MDPH et permettra d’apporter de nouvelles garanties en termes de gouvernance.

En matière d’emploi des personnes handicapées, nous sommes conscients des difficultés, mais nous constatons aussi, malgré la crise économique et financière qui aurait pu inciter à les licencier en priorité, une régression du taux de chômage des personnes handicapées. Notre société sait, quand elle le veut, se montrer très solidaire.

Des progrès ont été réalisés, le taux d’emploi progressant de 2,6 % pour le privé en 2008 et de 4,4 %. En outre, 49 % des entreprises dépassent désormais le taux de 6 % de personnes handicapées, et seules les personnes employées dans les milieux ordinaires, soit 80 000 travailleurs, sont aujourd’hui concernées par l’ajustement triennal de l’AAH. Le décret prévoit encore qu’une personne perdant son emploi sort du dispositif de trimestrialisation.

Madame Clergeau, je le répète, c’est pour l’année 2010 que la lutte contre les violences faites aux femmes a été proclamée grande cause nationale. Pour ce qui concerne le planning familial, un dispositif de financement très clair a été adopté dans un cadre triennal pour 2009-2011, selon un protocole décliné en deux parties : le financement des établissements d’information, de consultation et de conseil en matière familiale, qui bénéficie de 2,1 millions sur le programme 106 et de 500 000 euros sur le programme 147 « Politique de la ville », et le financement des actions conduites par le Mouvement du planning familial en sa qualité de tête de réseau, à hauteur de 50 000 euros pour le programme 106 et de 213 000 euros pour le programme 137.

Monsieur Aboud, madame Dubois, je rappelle que M. Jeanneteau a rédigé l’an dernier un excellent rapport sur les personnes handicapées vieillissantes. Au 31 décembre dernier, 868 places ont été notifiées en médicalisation, soit 35 % du plan, et 7 251 places, soit 56 % du plan, en maisons d’accueil spécialisées (MAS) et en foyers d’accueil médicalisés (FAM). De plus, les modalités d’accompagnement ne répondent pas à un schéma unique et font aujourd’hui l’objet de nombreuses expérimentations en établissements – maintien dans les structures ou à domicile, avec un accompagnement de services et une coordination des interventions nécessaires. Les travailleurs handicapés en ESAT qui vieillissent y restent jusqu’à l’âge de la retraite et le taux de rotation est faible.

Le Gouvernement a fait du développement des établissements pour personnes handicapées vieillissantes une priorité : dans le cadre du plan de création de places annoncé par le Président de la République, 2 500 places sont réservées à la médicalisation de foyers de vie et 13 000 à la création de places en MAS et en FAM destinées aux personnes les plus lourdement handicapées.

Madame Gallez, la création de places dans les entreprises adaptées est un autre dispositif relevant de la compétence de M. Wauquiez, qui sera devant vous demain matin. Les places sont réparties entre les régions. La création de places nouvelles suppose donc le plus souvent de pouvoir consolider les aides aux postes consommées pour pouvoir les redistribuer vers les régions où les besoins de création se font sentir. Nous avons mis en place à cette fin un système d’information plus performant.

Monsieur Michel Bouvard, le Gouvernement a résolu de ne pas arbitrer entre la création et la rénovation de ces places, mais de faire les deux. Nous poursuivons le plan de création de places, qui est un engagement du Président de la République, et mettons par ailleurs en œuvre une aide à l’investissement de 12 millions d’euros sur trois ans, effort important qui correspond à une dépense nouvelle. La rénovation des ESAT ne se limite pas à la reconstruction des murs : il faut aussi mieux accompagner ces établissements dans leur modernisation. Un groupe de travail a été créé à cette fin avec les gestionnaires.

Monsieur Baert, la départementalisation des CAF devrait aboutir d’ici à la fin de 2011, conformément au calendrier inscrit dans la COG. Ce calendrier sera tenu. Pour ce qui concerne les huit CAF du département du Nord, un groupe de travail commun entre les services de l’État et les CAF concernées est toujours en cours, afin de déterminer la spécificité de cette structuration dans le respect du principe d’une CAF par département. Il s’agit notamment d’arrêter les règles d’attribution des dotations d’actions sociales respectueuses de chacun des huit territoires couverts aujourd’hui par les CAF.

Monsieur Favennec, la modification, à la fin de 2008, du dispositif de la demi-part supplémentaire pour les personnes seules procède d’une réflexion parlementaire accompagnée par le Gouvernement. Le dispositif adopté après la Seconde Guerre mondiale pour prendre en compte la situation des veuves de guerre était dérogatoire, car il n’avait pour contrepartie aucune charge effective de famille. La situation étant désormais différente, le Parlement a décidé de recentrer le dispositif. Celui-ci n’a, du reste, pas été entièrement supprimé, mais il est désormais réservé aux personnes ayant supporté seules la charge d’un enfant pendant au moins cinq ans. Par ailleurs, afin d’éviter une sortie trop brutale du dispositif, l’avantage a été maintenu provisoirement, pour trois ans, avec une dégressivité annuelle, pour les personnes qui en bénéficiaient en 2008 mais qui ne remplissent pas la nouvelle condition. La suppression du bénéfice de cette demi-part pouvait avoir des conséquences, notamment sur la taxe d’habitation, pour les contribuables concernés. Les députés ont donc adopté, en accord avec le Gouvernement, lors de l’examen de la première partie de la loi de finances pour 2011, un amendement prorogeant d’une année le dispositif transitoire. Cette solution constitue un juste équilibre entre la nécessité de maîtriser l’impact de ce régime transitoire sur les finances publiques et le souci de lisser les ressauts d’imposition à un niveau acceptable pour les contribuables concernés.

Madame Levy, la disparité de fonctionnement des MDPH est un fait, car elle a donné lieu à un rapport. La CNSA joue un rôle d’animateur du réseau des MDPH, qui se voit conforté par la COG en cours de négociation entre l’État et la CNSA. Le décret relatif à la restriction durable et substantielle d’accès à l’emploi et la circulaire en cours de préparation donnent aux MDPH davantage d’outils encore pour s’harmoniser. Je le répète : la proposition de loi de Paul Blanc apporte des modifications importantes au statut du personnel.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je tiens à appeler l’attention de M. Daubresse sur le fait que, même lorsque le Conseil des ministres se réunit, la priorité pour le ministre compétent devrait être de répondre aux questions qui lui sont posées en commission élargie.

Mme Annick Girardin. L’une des dispositions prévues dans le cadre de la mission que nous examinons est la généralisation du RSA dans les départements et collectivités territoriales d’outre-mer à compter du 1er janvier 2011. On peut se féliciter que l’ancienne allocation de parent isolé, désormais intégrée au RSA, soit ainsi étendue à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que je l’avais demandé ici même à plusieurs reprises. Toutefois, comme l’ont souligné certains de mes collègues, le RSA n’a pas été appliqué en outre-mer, dès son origine, au prétexte que des mesures d’adaptation étaient nécessaires. Le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), s’il constitue certes un dispositif de solidarité intéressant, n’a quant à lui pas sa place dans le présent débat.

Si des adaptations, notamment en matière de seuils de ressources, étaient nécessaires, je vous prierais de bien vouloir préciser, à la lumière du rapport de M. René-Paul Victoria, quelles elles seraient et comment elles seraient mises en œuvre.

Si ces adaptations n’étaient pas nécessaires, les Français d’outre-mer auraient été abusivement privés d’un dispositif de solidarité dont tous les autres Français ont bénéficié depuis ses débuts. Si tel était le cas, le Gouvernement, j’imagine, en tirerait toutes les conséquences et nous proposerait des dispositifs de compensation.

M. le président Pierre Méhaignerie. M. Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, répondra par écrit, dans les huit jours qui viennent, à toutes les questions qui lui ont été posées.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt-cinq.

© Assemblée nationale