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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 9 janvier 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Rétention de sûreté et déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Discussion des articles

Article 1er

MM. François de Rugy, Michel Vaxès, Jean-Marie Le Guen.

Amendements identiques nos 71, 94 ; amendements nos 72, 73, 58.

Rappel au règlement

MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le président.

Amendements identiques nos 59, 95 ; amendements nos 110, 1, 65.

Rappels au règlement

Mme Élisabeth Guigou, MM. Jean-Marie Le Guen, Serge Blisko, le président.

MM. Jean- Paul Garraud, le président.

Amendements nos 63, 74, 69, 64, 2, 3, 75 rectifié, 4, 77, 5, 6, 7, 8.

Amendements nos 78, 9, 10, 11, 79, 80, 12 ; amendements identiques nos 13, 81.

Amendements nos 82, 14, 15, 83, 16, 17, 18, 84, 19, 20, 85, 86, 21, 22, 87, 23, 24, 25, 88, 26, 27, 89, 90, 28, 29 rectifié, 93, 30, 96, 31, 32.

Article 2

Amendements nos 97, 33, 34, 98, 100 rectifié, 99.

Article 12

Amendement nos 68 et 57.

Rappels au règlement

MM. Serge Blisko, le président.

MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Serge Blisko, le président, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Article 3

M. Paul Jeanneteau, Mme Henriette Martinez, MM. Dominique Raimbourg, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Blisko, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Amendements nos 101, 35, 36, 37, 38, 39, 105, 40, 102, 41, 42, 43, 66 rectifié, 44, 45, 47, 106, 48.

Article 4

Amendements nos 103, 49, 50, 51, 52, 67.

Article 5

Mme la ministre.

Amendement n° 53.

Article 6

Amendements nos 111, 54, 55, 112, 113, 104.

Articles 7 et 8

Article 9

Amendement n° 56.

Article 10

Article 11

Après l'article 12

Amendements nos 107 deuxième rectification, 108.

Article 13

Vote sur l’ensemble

Mme la garde des sceaux.

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Rétention de sûreté
et déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental (nos 442, 497).

Discussion des articles

M. le président. Nous abordons l’examen des articles.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, permettez-moi de commencer cette intervention sur l’article 1er en vous faisant part d’une récente expérience. Il se trouve que ma circonscription accueille les trois établissements pénitentiaires de l’agglomération nantaise : un centre de détention, une maison d’arrêt et un établissement pénitentiaire pour mineurs, déjà construit mais qui n’est pas encore entré en fonctionnement. Le 19 novembre, à l’initiative du GENEPI, nous avons, avec quelques députés et sénateurs de toutes tendances politiques, fait usage de nos prérogatives de parlementaires pour visiter la maison d’arrêt de Nantes. Étant nouveau député, c’était pour moi la première fois que je visitais un tel établissement. Celui-ci, comme malheureusement beaucoup d’autres, souffre autant de la vétusté de ses locaux que de la surpopulation. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour me faire une nouvelle fois le porte-parole des personnels pénitentiaires, qui attendent avec impatience l’ouverture du chantier de la nouvelle maison d’arrêt de Nantes.

J’en reviens au projet de loi. Comme les quatre parlementaires avec qui j’ai visité la maison d’arrêt, j’ai été frappé de constater qu’un très grand nombre de détenus – par définition condamnés à de courtes peines ou placés en détention préventive – étaient atteints de troubles psychologiques ou psychiatriques. De l’aveu même des représentants de l’administration pénitentiaire qui nous accompagnaient – car nous n’avons pas voulu effectuer cette visite par surprise –, 30 à 40 % des détenus, dans l’agglomération de Nantes, sont atteints de troubles plus ou moins graves, ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur le fonctionnement des établissements : il en résulte des tensions entre les détenus, et le travail du personnel est rendu encore plus pénible.

Cette expérience ne fait que conforter ma conviction : votre projet de loi ne répond pas à la difficulté qui se pose à la société française – comme à de nombreux autres pays – et qui, au-delà du risque de récidive lié à des problèmes psychiatriques, concerne plus généralement l’accompagnement des détenus atteints de ces troubles. Telle est la première raison de notre opposition à l’article 1er.

Il est vrai qu’un des objectifs de l’enfermement est la protection de la société contre des individus dangereux. Cependant – et le constat me semble largement partagé, au-delà des clivages politiques –, la prison, dans son état actuel, n’est pas adaptée pour accueillir les personnes atteintes de troubles psychiatriques. Certains en viennent même à dire qu’elle ne sert pas à grand-chose puisque les personnes condamnées, quelle que soit la durée de leur peine, finissent toujours par en sortir, et se retrouvent au point de départ une fois celle-ci purgée. Les parents d’un détenu m’ont ainsi confié leur désarroi face à cette situation.

Personnellement, je n’ai pas peur de l’expression « hôpital-prison » : la question ne doit pas être taboue, à condition de prendre en charge dès les premières semaines d’incarcération les détenus atteints de troubles psychiatriques.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. François de Rugy. Cette forme spécifique de détention doit en effet être conçue comme une alternative aux peines classiques d’emprisonnement. Ce n’est donc pas au terme de la peine qu’il faut y recourir, mais dès le début, comme c’est d’ailleurs le cas dans les pays auxquels vous vous référez volontiers dans l’exposé des motifs. Pour cette seconde raison, mes collègues Verts et moi-même ne pouvons pas accepter le dispositif proposé à l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L’article 1er, qui instaure le dispositif le plus dangereux de ce projet de loi, me fournit l’occasion de souligner quelques contradictions dans les propos tenus depuis quelques semaines aussi bien par le Gouvernement que par la commission – contradictions révélatrices des difficultés qu’éprouve votre majorité à défendre ce projet, et du même coup, de la fragilité de vos arguments. Peut-être allez-vous nous apporter ce soir quelques éclaircissements et lever quelques ambiguïtés.

Vous nous avez dit hier, madame la garde des sceaux, que la justice devait se tenir à l’écart des tumultes et des émotions passagères, et nous partageons pleinement cette opinion. C’est justement pourquoi nous ne comprenons pas que vous puissiez justifier votre texte par la liste détaillée des derniers faits divers ayant marqué la conscience collective !

D’autre part, le 11 décembre, devant la commission des lois, vous déclariez aux collègues de votre majorité qui vous demandaient d’élargir le champ d’application de l’article 1er que « si le texte limite la rétention de sûreté aux auteurs de crimes graves commis sur des mineurs de quinze ans, c’est parce qu’un champ beaucoup plus large aurait fait courir un risque d’inconstitutionnalité en raison de la difficulté à définir la notion de dangerosité ». Malgré ce risque, vous soutenez aujourd’hui les amendements de votre majorité, qui rendent justement cet élargissement possible !

Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez défendu le 12 décembre devant notre commission un amendement qui tend à élargir le champ d’application de la rétention de sûreté pour y inclure les victimes mineures de plus de quinze ans. Selon vous, « cet amendement ne remet pas en cause les conditions d’application des circonstances aggravantes contenues dans le code pénal pour certains crimes et délits commis sur des mineurs de quinze ans mais procède à un élargissement très limité du champ d’application de la rétention de sûreté, dans la mesure où sont uniquement visés les auteurs de certains crimes commis sur les mineurs ». Pourtant, hier, vous avez fait adopter un nouvel amendement par la commission qui inclut les victimes majeures lorsque le crime a été commis avec une circonstance aggravante – un amendement semblable à celui qu’un de nos collègues avait proposé le 12 décembre et que vous aviez rejeté.

Pourquoi tant d’inconstance ? Ne s’agit-il pas, malgré vos dénégations, de céder aux pressions de l’opinion publique et de donner satisfaction aux demandes, abondamment relayées par les médias, du père de la jeune femme tuée en novembre dernier par un violeur récidiviste ? Si nul ne doit sous-estimer son immense souffrance, que répondrez-vous aux parents de victimes d’un crime puni d’une peine inférieure à quinze ans de détention, dont la souffrance est tout aussi insupportable ?

Un autre point mérite un éclaircissement, monsieur le rapporteur. Devant notre commission, et pour justifier le nouveau dispositif, vous avez déclaré le mois dernier que les différentes mesures existantes ne suffisaient pas dans le cas de personnes particulièrement dangereuses qui ont purgé leur peine, dont le risque de récidive est particulièrement élevé, mais qui, ne souffrant pas de troubles mentaux, ne relèvent pas d’une hospitalisation d’office.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès. Quelque chose m’échappe, je l’avoue, dans ce raisonnement. Le placement en rétention n’a-t-il pas pour but de faire bénéficier les personnes retenues d’une prise en charge médicale et sociale spécifique ? Et si le condamné ne souffre pas de troubles mentaux, à quoi peut bien servir cette prise en charge ?

M. le président. Monsieur Vaxès, concluez, je vous prie.

M. Michel Vaxès. Avant que nous n’examinions l’article 1er, ces questions doivent recevoir des réponses claires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous traitons dans ce projet de loi, et singulièrement à l’article 1er, de sujets éminemment délicats : au-delà même des crimes que des faits divers ont illustrés ces derniers mois se pose un problème philosophique fondamental pour toute société qui réfléchit sur elle-même : comment concilier la politique de santé mentale, la liberté des individus et le droit de la société à se défendre ? Indiscutablement, la réponse donnée à ce problème sert de « marqueur » pour une société.

Je souhaite l’aborder d’un point de vue qui aurait dû s’imposer d’emblée, celui de la santé mentale. Est-il utile de s’étendre sur le sort qui lui est réservé en France ? Une telle situation n’est pas seulement imputable à la majorité actuelle – loin de là –, même si elle est en place depuis maintenant plus de six ans. C’est le pays tout entier qui, depuis plusieurs décennies, a failli dans ce domaine, qu’il s’agisse de l’offre de soins destinée à certaines catégories de populations – notamment les plus violentes et celles qui sont incarcérées – ou de la prévention.

Lorsque je vous ai interpellé hier sur ce sujet, madame la ministre, vous m’avez répondu que des textes antérieurs avaient instauré des dispositifs de dépistage. Sans doute faisiez-vous référence à la loi de prévention de la délinquance, votée pendant la précédente législature, ou bien à la loi de prévention de la récidive adoptée cet été. Mais j’ai consulté ces textes, et je n’y ai vu aucun élément ayant un rapport avec la prévention – notamment celle des premiers passages à l’acte.

Dans d’autres pays, des politiques sont mises en œuvre pour éviter que des individus soumis à des pulsions de perversion aillent jusqu’au bout de leur logique, avec des passages à l’acte qui revêtent, semble-t-il, des formes de plus en plus graves. Mais notre pays tend à ignorer les politiques de prévention, d’alerte, de dépistage et de traitement avant le passage à l’acte.

Traiter de sujets aussi importants sous l’emprise de l’émotion sans le B.A-BA, donc sans mettre en place une véritable politique de prévention de santé publique, est une importante tache sur le travail législatif.

Nous avons déjà insisté à plusieurs reprises : même lorsqu’il y a eu déjà passage à l’acte pendant les parcours de répression et éventuellement de détention, la psychiatrie en milieu carcéral est insuffisamment et mal traitée. Nous avons également dit que les parcours de sortie créés par la loi de 1998 pour les délinquants sexuels existaient peu dans notre pays, faute de moyens et de volonté politique.

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Donc, non seulement il n’y a pas de prévention primaire, mais il n’y a pas non plus ce que l’on appelle dans le langage de santé publique de prévention tertiaire.

Ainsi, en légiférant comme vous le faites, vous nous prouvez que vous n’avez pas la volonté de prévenir les passages à l’acte. La situation des victimes ne semble pas vous préoccuper. J’insisterai à nouveau sur ces questions. On ne peut en effet donner à nos concitoyens le moindre sentiment de véritable sécurité si l’on ne pose pas le problème de la prévention. Se situer simplement dans la prévention de la récidive ou dans le constat d’un crime déjà accompli est un aveu d’échec. Je ne comprends pas que votre politique, par ailleurs discutable, se situe sur cette partie du parcours du délinquant et non beaucoup plus en amont afin d’éviter que nos concitoyens ne soient confrontés à cette violence.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 71 et 94, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Serge Blisko. Cet amendement tend à supprimer l’article 1er. M. Le Guen vient en effet de le préciser, cet article a la velléité de répondre – mais il y répond mal ou pas du tout – à une situation dramatique : celle des malades mentaux que l’on peut qualifier de dangereux. Il y a beaucoup à dire sur ce concept de dangerosité, Michel Vaxès et Dominique Raimbourg l’ont largement évoqué hier soir. Certains malades mentaux peuvent porter atteinte à la société en blessant, tuant ou violant. En réponse à ce phénomène, vous avez décidé de créer des centres de sûreté : les centres médico-socio-judiciaires. Nous vous excusons pour cette fois, madame Dati, mais nous vous posons à nouveau cette question : pourquoi votre collègue ministre de la santé n’est-elle pas présente ? Je me tourne également vers M. Karoutchi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Elle sera là demain !

M. Serge Blisko. C’est tout de même extraordinaire, car vous créez une structure sous la double administration de la justice et de la santé !

Je tiens par ailleurs à vous remercier, madame la garde des sceaux, pour le travail accompli par l’administration pénitentiaire : les personnels font le maximum dans des conditions difficiles. Nous les avons rencontrés, comme vous qui étiez à Melun lundi. Nous avons visité beaucoup d’établissements, tels les services médico-psychologiques régionaux. Les établissements pénitentiaires comptent aujourd’hui 20 à 30 % de malades mentaux, dangereux pour les codétenus, pour les gardiens, pour l’administration, mais aussi pour eux-mêmes. Il n’y a jamais eu autant de suicides en prison ! Ce n’est pas simplement parce qu’ils vivent dans de mauvaises conditions, mais parce que l’on ne parvient plus à les soigner. Vous le savez, ces malades se suicident beaucoup au cours de la première semaine ou du premier mois de leur détention, et ces actes – c’est ce qui est le plus navrant – sont surtout le fait de personnes condamnées aux plus courtes peines. L’administration pénitentiaire est donc confrontée à un véritable problème. Or il n’y a pas de politique de santé publique. Les moyens accordés aux SMPR, qui sont censés traiter les détenus, mais qui n’existent pas dans tous les établissements pénitentiaires, sont misérables.

Face à ces situations – et c’est là que nous sommes en total désaccord –, vous proposez de créer une structure supplémentaire. Nous aurions pu dire « banco », approuver cette idée, si cette création était assortie de moyens suffisants et que vous vous y impliquiez fortement. M. le rapporteur Georges Fenech qui est, je le crois, un honnête homme, a été très troublé lors de l'audition de responsables du ministère de la santé. « On verra » nous disaient-ils. Nous avions le sentiment qu’ils ne se sentaient pas concernés, qu’ils attendaient une demande de l’administration pénitentiaire ou du ministère de la justice pour affecter des médecins. Mais, combien de médecins, de psychologues et avec quel statut ? C’est comme si ces fonctionnaires pensaient qu’ils seraient en retraite quand ce dispositif se mettrait en place et qu’ils avaient donc le temps de voir !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Oh !

M. Serge Blisko. Il y a là une démission de l’État. L’État, et le docteur Le Guen le disait – excusez-moi, cher collègue de vous appeler « docteur Le Guen » –,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous sommes tous députés ici !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est moi qui ai « passé » le plus de temps en prison, je peux vous le dire ! J’y ai passé six mois !

M. Serge Blisko.…l’État a démissionné en matière de santé publique. Nous avons aujourd’hui un manque criant en la matière. Je vous demande, madame la garde des sceaux, de reprendre les choses en main. Des personnes dangereuses ne peuvent en effet pas supporter la détention. Nous devons donc muscler, réarmer les structures existantes. De ce point de vue, ce centre médico-socio-judiciaire n’a de médical que l’apparence et son nom est superfétatoire. Ce n’est pas la bonne solution. Nous devons donc reprendre la discussion.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 94.

M. Michel Vaxès. Lorsque l’on pose des questions, on aimerait obtenir des réponses, sinon à quoi sert la discussion dans notre enceinte ? Vous en êtes le garant, monsieur le président. Chacun, je le pense, comprendra que nous revenions sur les questions restées sans réponse. Ainsi, s’agissant de cet article 1er, de deux choses l’une : soit vous n’avez pas la réponse et l’incohérence de votre texte est patente, soit vous l’avez et nous aimerions l’entendre.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, et je me permettrais de vous citer pour que les choses soient claires: « Les différentes mesures existant aujourd’hui sont insuffisantes à l’égard de personnes particulièrement dangereuses, dont le risque de récidive est particulièrement élevé, qui ne relèvent pas d’une hospitalisation d’office car ne souffrent pas de troubles mentaux, et qui ont purgé la totalité de leur peine. Leur prise en charge en milieu ouvert ne suffit pas : il était donc nécessaire de prévoir une procédure permettant de placer ces condamnés en rétention à l’issue de leur détention. » Si je comprends bien, ces personnes ne souffrent de rien. Si tel n’est pas le cas, expliquez-nous ce que vous entendez par « troubles mentaux ».

Mais vous ajoutez, quelques pages plus loin : « Les condamnés susceptibles de relever du champ d’application de la rétention de sûreté devront être convoqués par le juge d’application des peines pour procéder à un bilan de leur suivi médical et psychologique en détention, au vu duquel ils pourront se voir proposer un traitement. » De quoi les traitera-t-on, puisqu’ils ne sont pas atteints de troubles mentaux ?

Vous poursuivez en précisant que ces troubles se soignent et je vous cite à nouveau : « Les personnes placées en centre de rétention de sûreté bénéficieront d’une prise en charge médicale et sociale spécifique, dispensée par une équipe pluridisciplinaire. La rétention prendra fin dès lors que la dangerosité particulière qui l’aura motivée prendra fin également et que la personne pourra bénéficier d’un autre mode de suivi. » Autrement dit, vous estimez, dans un premier temps, que ces personnes ne sont pas malades et vous considérez, dans un second temps, qu’elles le sont et qu’elles peuvent être soignées. Il est très intéressant de constater que Mme la garde des sceaux nous dit la même chose en prenant, pour illustrer son propos, l’exemple néerlandais dont je rappelle qu’il n’est pas du tout la copie conforme de votre projet, loin de là. Pour prouver l’efficacité du dispositif néerlandais, vous nous dites que vous avez visité un hôpital fermé pour délinquants dangereux. Tout y était fait pour faciliter la réinsertion et, je vous cite : « Après une année de soins, le taux de récidive était ramené de 43 % à 13 %. » Pourquoi ne pas accepter que cette prise en charge se fasse au début de la peine ?

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

M. Michel Vaxès. Puisque, en une année, on fait tomber le taux de récidive de 43 à 13 %, si on agit dès le début de la peine, en quinze ans, non seulement on ramènera à zéro le taux de récidive, mais on contribuera à la socialisation du détenu qui aura purgé sa peine.

Si vous ne m’apportez pas de précisions, je resterai sur mon idée première qui est que vous prévoyez une mort sociale, la mort physique ayant été abandonnée il y a quelques années.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.

M. Georges Fenech, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous avons longuement expliqué ce dispositif hier. Je répondrai donc à MM Blisko et Vaxès sans toutefois reprendre toute la discussion générale, à moins de considérer qu’elle n’a servi à rien. J’ai profité de cette journée de « vacation » pour me replonger dans l’excellent rapport de notre collègue M. Goujon, qui s’est déplacé aux Pays-Bas pour visiter notamment le fameux centre Pieter Baan d’Utrecht et s’intéresser au dispositif de tutelle pénale judiciaire. Je me suis dit que nous avions vraiment beaucoup de retard et qu’il était temps de le combler en nous inspirant de pays qui ont mis en place des législations permettant une diminution extrêmement significative – de deux tiers à un tiers – du taux de récidive. De même, l’exemple allemand montre le succès de la rétention de sûreté.

La commission a émis un avis défavorable aux deux amendements, car ils proposent tout simplement de supprimer le cœur du dispositif de la rétention de sûreté et la surveillance judiciaire. Cette rétention de sûreté, messieurs Blisko et Vaxès, je le rappelle, est prise dans des conditions résiduelles. Il ne s’agit pas d’enfermer automatiquement dans ce type d’établissement des personnes qui auraient purgé leur peine. En effet, nous l’avons expliqué hier et vous l’avez très bien compris, avant de prendre toute décision, une commission pluridisciplinaire émettra un avis après avoir consulté des experts, puis une commission composée de trois magistrats de la cour d’appel se prononcera avec les garanties procédurales que sont la présence d’un avocat et la possibilité de faire appel.

M. Michel Vaxès. Vous répondez à côté !

M. Georges Fenech, rapporteur. Je ne réponds pas à côté, je dis que ce dispositif est respectueux des libertés ! Il s’agira ensuite, bien sûr, de faire fonctionner ces établissements. Je reconnais bien volontiers, monsieur Blisko, que, lors de certaines auditions, le corps médical nous a fait des réponses quelque peu incertaines. Il faut toutefois construire ces établissements et les faire vivre. Nous y parviendrons grâce à la mise en place de cette double tutelle santé- justice.

Pour toutes ces raisons, ces amendements doivent être rejetés.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. L’objectif de ce texte, c’est de prévenir la récidive de crimes odieux par des individus reconnus dangereux avant la fin de leur peine.

Trois expertises considéraient M. Evrard comme dangereux, avant qu’il ne termine sa peine, avec un risque fort de récidive. Aujourd’hui, nous n’avons pas de moyen de prendre en charge ce type de délinquants. Vous savez qu’en détention on ne peut obliger personne à se soigner.

M. Évrard a dit au juge d’application des peines qu’il ne voulait pas se soumettre à des soins, qu’il ne voulait pas qu’on annihile sa libido. Or il est reconnu comme dangereux avec un risque fort de récidive.

N’est-il pas de notre responsabilité d’éviter de laisser sortir ce type de délinquants qui risquent de commettre des crimes aussi odieux que ceux qu’ils ont commis avant d’être incarcérés ? Que dois-je répondre aux familles de victimes qui ne comprennent pas qu’on ait laissé dans la nature un individu reconnu comme dangereux, la seule erreur de leur enfant ayant été de le croiser ?

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi ne pas procéder à un internement d’office ?

Mme la garde des sceaux. Ce texte concerne uniquement les criminels reconnus comme dangereux par une commission pluridisciplinaire.

Mme Élisabeth Guigou. Dans le cas de M. Evrard, l’internement d’office était possible.

Mme la garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur Blisko, de nombreux détenus sont atteints de troubles mentaux. Nous allons créer des hôpitaux prisons. C’était un engagement du Président de la République. Il y aura à partir de 2009 dix-sept unités hospitalières spécialement aménagées. La première sera créée à Lyon en juin 2009. Ces unités prendront en charge les détenus atteints de troubles mentaux, qui pourront être soignés dans le cadre de leur détention.

Actuellement, il y a 971 personnels, 288 psychiatres dans les unités de consultation et de soins ambulatoires et dans les SMPR, 149 personnes dans le secteur psychiatrique. Nous allons créer dès 2008 des unités mobiles dans les vingt-six SMPR, avec deux psychiatres et un psychologue. Nous avons donc débloqué des moyens.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne vous reproche même pas de ne pas les mettre à niveau !

Mme la garde des sceaux. Les criminels seront reconnus dangereux par les commissions pluridisciplinaires, dans lesquelles siègent des psychiatres, s’ils sont atteints de troubles du comportement. Nous ne sommes pas dans le champ du trouble mental. Ils seront placés, par une décision prise par trois magistrats, dans un centre de rétention de sûreté. Il est en effet de notre responsabilité que des délinquants récidivistes qui ont commis des actes graves sur des mineurs et qui sont reconnus comme dangereux, avec un risque de récidive, ne sortent pas totalement libres. Il s’agit d’éviter qu’ils ne commettent à nouveau les crimes les plus odieux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Notre objectif, c’est de sauver la vie des mineurs qu’ils risquent de croiser, de préserver nos enfants.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous, c’est de les tuer, bien sûr !

Mme la garde des sceaux. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Vous pensiez qu’une hospitalisation d’office pouvait être suffisante. Pas pour ce type de criminels dangereux qui présentent des troubles du comportement. Il faut une hospitalisation, parce que la plupart d’entre eux refusent de se soigner en détention. Vous avez passé du temps en prison, vous avez pu voir des criminels extrêmement dangereux qui ont un passé pénal lourd pour des crimes sur enfants et qui ont toujours refusé de se soigner. Doit-on les laisser ressortir librement ? Nous pensons que non.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Hier, nous avons eu une longue discussion générale. L’opposition a présenté une exception d’irrecevabilité et une motion de renvoi en commission, et les premiers amendements qu’elle défend visent à supprimer l’article 1er.

Cet article, c’est la mesure phare du projet, l’instauration de la rétention de sûreté. Comme vient de le rappeler la garde des sceaux, il s’agit d’évaluer la dangerosité des détenus les plus dangereux. J’ai d’ailleurs présenté avec le rapporteur et M. Garraud un amendement qui vise à ne pas faire de distinction selon l’âge des victimes.

Tous ceux qui sont intéressés par cette question savent qu’il y a en prison des gens qui relèvent de la psychiatrie et du soin. Mme la garde des sceaux vient de rappeler que l’on allait créer des unités hospitalières spécialisées. À côté de la rétention de sûreté, cela permettra de combattre la dangerosité.

Nous sommes là au cœur même de la finalité de ce projet de loi, qui vise à prévenir la récidive. On ne peut donc que se prononcer contre ces amendements, car, s’ils étaient votés, ils videraient le projet de loi de sa substance.

M. Serge Blisko. C’est ce que nous souhaitons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Essayons d’être précis dans un domaine évidemment complexe qui donne lieu à des approches subjectives, y compris au plan scientifique.

Je conteste la distinction que vous faites entre troubles du comportement et troubles psychiatriques. Elle vaut uniquement pour les questions de responsabilité pénale. Je maintiens que, dans les deux cas, on peut prononcer une hospitalisation d’office.

Dans l’affaire à laquelle vous avez fait référence, madame la garde des sceaux, même si aucun membre du groupe socialiste n’a voulu le relever, il y a eu indiscutablement un dysfonctionnement administratif. Cette personne aurait pu en effet être signalée au préfet, qui aurait pu demander l’hospitalisation d’office. Il est vrai que la culture de notre administration en matière de santé publique est assez faible, pour ne pas dire autre chose.

Bernard Debré a souligné que ce projet de loi était dans la continuité de l’hospitalisation d’office. De fait, il n’apporte rien de plus.

Nous avons aujourd’hui un problème avec la psychiatrie. Nous menons depuis vingt ans une politique systématique de fermeture des asiles, en partie justifiée, qui a été amplifiée par une politique administrative consistant à fermer des lits pour des raisons budgétaires, et l’administration, voire le personnel médical, prennent peut-être un peu trop le parti de faciliter la sortie des personnes en se disant que c’est à la société de les gérer.

Le projet de loi tend à repousser vers les dispositifs répressifs pénitentiaires des personnes qui, indiscutablement, devraient être d’une façon ou d’une autre prises en charge dans une logique asilaire et psychiatrique. La psychiatrie et la santé mentale dans notre pays sont des questions dont il faut débattre politiquement, publiquement, avec les responsables des politiques de santé mentale, avec les praticiens de santé mentale.

Dans mon arrondissement de Paris, le nombre de sans domicile fixe augmente de façon considérable et il me semble, avec ma petite expérience, que ce sont très souvent des personnes en grande difficulté psychiatrique, avec éventuellement des problèmes de très forte addiction. Aujourd’hui, ces gens-là ne peuvent être pris en charge par le secteur psychiatrique, ils sont renvoyés dans la rue. Dans la logique que nous défendons aujourd’hui, nous serons peut-être amenés demain à en faire des détenus de nos prisons. Croyez-vous que ce soit la seule réponse ?

Je le dis avec humilité, nous devrions poser le problème de la santé mentale dans notre pays. Nous devrions interpeller les psychiatres, les académies scientifiques pour savoir si les réponses qui sont apportées aujourd’hui, y compris par l’administration, et nous sommes tous responsables de la situation de ce point de vue, sont les bonnes.

Vous êtes en train de pousser vers l’institution pénitentiaire des gens qui devraient relever de structures de soins psychiatriques et de politiques de prévention, quand des crimes ont été commis et quand ils n’ont pas encore été commis.

Si une personne ressent des pulsions de perversion, vers qui peut-elle se tourner ? Dans la société française, on ne parle pas de ces choses-là. On ne peut pas demander ça au médecin généraliste, il n’est pas formé pour cela. Y a-t-il des structures adaptées, des numéros verts, des antennes, des lieux où ceux qui ressentent leurs premiers symptômes de perversion peuvent aller ?

Vous savez que 80 % des crimes et des déviations sexuelles naissent dans les familles. Vous connaissez la réalité de nos campagnes, de nos villes, de nos banlieues, des milieux déshérités. C’est à ce niveau que se fabriquent les violences sexuelles et les perversions. Et quelle est la réponse de la société ? Rien du point de vue des politiques de santé mentale. Très peu de chose du point de vue des structures de soins psychiatriques.

Ce que l’on propose, et ce projet ne fait malheureusement qu’aller dans ce sens, c’est une réponse répressive et pénitentiaire qui, on le sait, va fabriquer du hors droit, pour ne pas dire plus, et qui nous posera des problèmes éthiques fondamentaux. L’injonction de soins a ses limites. Nous touchons au non-droit, ce qui, au niveau des valeurs de notre société, est extrêmement préoccupant.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je suis d’accord avec vous, madame la garde des sceaux : il convient d’examiner les choses avec beaucoup de calme et de sérénité.

Vous nous avez dit en commission que les détenus dangereux refusaient les soins. S’ils refusent ces soins pendant les quinze ans que dure leur incarcération, j’ai du mal à imaginer qu’ils les accepteront une fois leur peine purgée. (« Justement ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est donc bien la perspective d’une peine perpétuelle que vous nous proposez.

Je crois pour ma part qu’il est possible de les soigner. L’exemple néerlandais en est une belle illustration, comme l’est le fait admirable, rapporté par M. Garraud, que des pervers sexuels lui ont confié préférer rester chez eux plutôt que de courir le risque de céder à leurs pulsions. Cette conscience de leur propre dangerosité, chers collègues, est en elle-même la preuve qu’il est possible de les soigner voire de les guérir, à condition qu’il y ait une prise en charge.

Nos débats démontrent depuis hier que la prévention est un objectif commun à l’opposition et à la majorité. Mais pour prévenir efficacement ce type de comportement, il faut assurer un suivi médical et psychologique le plus précoce possible, comme aux Pays-Bas, d’autant que la prise de conscience de la nécessité des soins peut demander quelques années.

Je partage le point de vue de notre collègue Le Guen sur la classification des pathologies. Si la prise en charge des pathologies lourdes est assurée par la psychiatrie, les troubles du comportement et autres déviances peuvent également être traités, à condition qu’on s’en donne les moyens.

Nous ne devons pas priver ces personnes de toute perspective de resocialisation en les considérant comme des « prédateurs », pour reprendre le terme choquant employé par un de nos collègues.

Mme Henriette Martinez. Ça existe !

M. Michel Vaxès. C’est grave, car cela signifie la déshumanisation et le renoncement à la socialisation de ces personnes. C’est d’autant plus grave que cela exprime la philosophie de ce projet de loi. Comme cela a été rappelé, des mesures similaires ont été décidées dans les années trente, et on a vu ce qui est advenu huit ans plus tard. Je ne veux pas dire par là que c’est la finalité de votre projet de loi ; je veux dire qu’en inscrivant des dispositions de ce type dans les tables de la loi, on court le risque d’autoriser des pratiques inimaginables aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. On comprend l’incompréhension de M. Vaxès, monsieur Le Guen, étant donné la grande confusion que vous entretenez à propos de ces centres fermés en dépit de votre promesse liminaire d’être précis. Je dois donc préciser certains points.

Il faut partir d’une réalité que personne ne peut nier : il existe des criminels dont les actes ont montré qu’ils étaient très dangereux, et qu’ils le restaient, sans souffrir d’aucune maladie mentale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Marie Le Guen. Selon quels critères ?

M. Jean-Paul Garraud. Vous avez raison, monsieur Vaxès, de dire que ces troubles de la personnalité ou du comportement doivent être traités le plus tôt possible. Cela suppose des moyens, et je vous fais remarquer que vous n’avez voté ni le budget de la justice, ni celui de la santé, et je vous engage à le faire à l’avenir.

M. Christian Paul. Nous les voterons quand ils seront suffisants !

M. Jean-Paul Garraud. Dans ces centres fermés, des traitements adaptés pourront être dispensés à ces individus qui ne font pour l’instant l’objet d’aucune surveillance quand ils sont relâchés.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous confondez responsabilité pénale et maladie mentale.

M. Jean-Paul Garraud. L’actualité nous prouve régulièrement, hélas, la réalité de ce fait.

Il faut également rappeler, pour situer notre débat, que la mesure proposée n’est pas automatique, mais relève de l’appréciation du juge, dont la décision devra indiquer si la personne en cause peut faire l’objet d’un placement en centre de sûreté. Ce sera donc à l’autorité judiciaire de décider.

M. Michel Vaxès. C’est donc une peine !

M. Jean-Paul Garraud. À moins de ne pas lui faire confiance, je ne vois pas pour quelle raison on ne lui donnerait pas un outil supplémentaire pour statuer. Cela me semble au contraire tout à fait approprié. S’ils ne l’estiment pas opportun, les juges ne prononceront pas ce placement. Mais s’il peut servir à sauver une victime potentielle, il faut y recourir.

Je veux souligner également, après Mme la garde des sceaux, qu’on ne peut pas retenir dans des asiles psychiatriques des personnes qui souffrent de troubles mentaux importants. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Marylise Lebranchu. Ah bon ?

M. Jean-Marie Le Guen. L’hospitalisation d’office, vous connaissez ?

M. Jean-Paul Garraud. Vous invoquez, monsieur Le Guen, une prétendue politique asilaire. Mais on ne peut pas retenir dans les hôpitaux des personnes qui souffrent de troubles mentaux importants et présentent une forte dangerosité, heureusement !

M. Jean-Marie Le Guen. De quoi parlez-vous ?

M. Jean-Paul Garraud. Puisqu’on ne peut pas les enfermer dans des asiles, que faisons-nous alors des grands criminels particulièrement dangereux – je parle de ceux qui ne relèvent pas de l’hospitalisation d’office, bien entendu –et qui ne présentent pas des troubles mentaux si importants qu’ils échappent à la responsabilité pénale? En effet, ce texte ne concerne évidemment pas ceux qui sont déclarés pénalement irresponsables du fait d’une maladie mentale.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle incompétence !

M. Jean-Paul Garraud. Ceux-là partent dans le circuit médical. Nous parlons là de centres fermés destinés à des individus dont les troubles du comportement ou de la personnalité pourront y être traités, même sur le plan médical.

Voilà exactement de quoi nous parlons. Il ne faut pas dire tout et n’importe quoi, comme vous le faites depuis hier soir.

M. Jean-Marie Le Guen. Et dans le n’importe quoi vous vous y connaissez !

M. Jean-Paul Garraud. J’espère vivement que nous pourrons avoir ce soir un débat serein, quoique contradictoire.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux ?

Mme la garde des sceaux. Dans l’état actuel du droit, monsieur Le Guen, l’hospitalisation d’office de droit commun suppose trois conditions cumulatives : l’existence de troubles mentaux  nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes, le malade étant susceptible de porter atteinte à lui-même ou à autrui.

Mme Marylise Lebranchu. Et l’atteinte grave à l’ordre public !

Mme la garde des sceaux. S’agissant d’une personne détenue, la nécessité que l’état du malade impose des soins immédiats s’ajoute aux trois conditions précédentes.

Quant à la pédophilie, elle est considérée comme une perversion, un trouble du comportement.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas ce qu’a dit le Président de la République lors de la campagne électorale !

Mme la garde des sceaux. En tout cas, ce n’est pas un trouble mental relevant de l’hospitalisation d’office aux termes du code de la santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous parlez là d’une classification de santé publique !

Mme la garde des sceaux. Ce que je veux dire, c’est que Évrard ne réunissait pas les quatre conditions cumulatives qui auraient permis une hospitalisation d’office, puisqu’il n’a pas été déclaré irresponsable et qu’il n’était pas considéré comme atteint de troubles mentaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) L’expertise fait mention de troubles du comportement et de perversion inaccessible à une psychothérapie. Pour ce type de criminels dangereux et présentant une potentialité de récidive – je vous renvoie là encore aux termes de l’expertise –, il faut bien trouver un dispositif qui pare aux risques de récidive.

J’ajoute que les délinquants de ce type relèvent d’un traitement médico-psychologique, et non pas forcément de la psychiatrie.

J’observe, monsieur Le Guen, que nous partageons la conviction qu’il convient de priver de liberté les personnes reconnues comme dangereuse et présentant un fort risque de récidive, puisque l’hospitalisation d’office est bien une privation de liberté.

M. Jean-Marie Le Guen. Il n’y a aucun problème !

Mme Élisabeth Guigou. Nous sommes tous d’accord là-dessus !

Mme la garde des sceaux. Vous avez cependant contesté la privation de liberté des délinquants dangereux.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Personne n’a jamais dit ça !

Mme la garde des sceaux. Je vous ai déjà indiqué, monsieur Vaxès, qu’on ne peut obliger personne à se soigner. Certains détenus pervers comme Évrard, bien qu’inaccessibles à une psychothérapie, selon les termes de l’expertise, acceptent les soins pour pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle et les arrêtent une fois qu’ils l’ont obtenue.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! La vie, c’est parfois compliqué !

Mme la garde des sceaux. D’autres au contraire refusent totalement les soins pour pouvoir être libérés. Nous souhaitons, nous, que les délinquants les plus dangereux présentant un fort risque de récidive puissent être soignés et qu’ils ne retrouvent la liberté que s’ils acceptent ces soins.

C’est ce qui nous différencie : vous souhaitez, vous, qu’ils sortent à l’issue de leur peine, sans aucune contrainte.

M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout !

Mme la garde des sceaux. Nous souhaitons, nous, qu’ils puissent être soignés et qu’ils ne sortent pas tant qu’ils n’auront pas été soignés. («  Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Si, comme l’a remarqué M. Garraud, nous avons par moments le sentiment de parler de tout et de n’importe quoi, c’est qu’il n’y a eu aucune connaissance préalable du sujet de tous ces débats.

La meilleure preuve est que nous sommes obligés de parler de l’affaire Évrard, sans qu’aucun de nous ne connaisse ce dossier dans le détail, notamment les expertises, puisqu’il est en cours d’instruction. Tout ce qu’on peut en dire sans risque d’erreur, c’est qu’aux termes de la loi sur la surveillance judiciaire de décembre 2005, un bracelet électronique aurait dû permettre de surveiller à tout instant le condamné. Mais l’entrée en application de ce dispositif était suspendue au décret créant la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui n’a pas été publié avant le 1er août 2007. Or M. Évrard a été libéré en juillet 2007 et les faits en cause ont eu lieu, à ma connaissance, en août 2007.

Nous ne sommes donc pas en présence d’un vide juridique, mais d’un dysfonctionnement politique et administratif qui a retardé l’entrée en application d’un dispositif de contrainte à l’issue de la peine.

Mme Élisabeth Guigou. Exactement !

M. Dominique Raimbourg. Il ne suffit pas de changer la loi pour changer la réalité : il faut aussi s’en donner les moyens.

J’attire enfin votre attention sur l’importance de ce qu’a dit M. Le Guen : c’est parce que nous sommes passés de 140 000 lits de psychiatrie dans les années 1970 à 40 000 lits aujourd’hui que nous sommes confrontés à ces difficultés. L’évolution doctrinale de la psychiatrie rejette de nombreux malade vers les soins ambulatoires. Aujourd’hui, les hôpitaux psychiatriques ne prennent en charge que les psychotiques, dans le cadre de traitements courts et dans la perspective d’un retour rapide dans la cité, considérée comme un espace de soins. Il aurait été préférable de repenser le traitement des troubles mentaux de façon à prendre en compte les risques de dérapage.

Vous voulez y répondre, madame la garde des sceaux, par un enfermement pénal. Or, s’il faut un enfermement, mieux vaudrait un enfermement sanitaire, plus respectueux du droit des personnes.

Il fallait penser tout cela. Il fallait connaître la réalité des phénomènes, sans nous référer sans cesse à des faits divers qui n’ont pas toujours de rapport avec le fond des choses et dont nous n’avons connaissance que par les journaux. Enfin, il fallait repenser l’articulation entre le pénitentiaire et le sanitaire. Tout cela n’a pas été fait. Vous ne pouvez pas nous demander de voter un texte qui bouleverse à ce point toutes nos normes juridiques et qui risque de créer une catégorie de gens qui ne sortiront jamais du lieu où vous les enfermerez, si réelles que soient la difficulté du problème auquel vous voulez remédier et les douleurs qu’il peut provoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 71 et 94.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 72.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Les articles 1 à 4 du projet de loi demandent à une juridiction de prévoir dix ans à l’avance qu’une personne présentera des difficultés justifiant le réexamen de sa situation. L’amendement n° 72 s’inscrit dans une série d’amendements présentés par notre groupe et ayant pour objet de prévoir la prise en charge de ces personnes dès le début de leur incarcération. Une juridiction ne saurait en effet avoir une vision prédictive à si long terme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Pour les mêmes motifs que pour l’amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable à l’amendement n° 72, qui propose la suppression pure et simple du nouvel article 706-53-13 du code de procédure pénale, instaurant la rétention de sûreté, et qui définit son champ d’application.

Pour conclure définitivement à ce propos, j’ajouterai à l’intention de M. Jean-Marie Le Guen que, s’il faut sans doute une nouvelle réforme de la santé psychiatrique dans notre pays – il a fallu attendre 150 ans celle de 1990, qui a réformé une vieille loi de 1838, et ce n’était pas simple –, ce n’est pas là l’option prise par le Gouvernement, et je le comprends parfaitement. Le texte que nous examinons ne se situe pas dans le même domaine et ne touche pas à la loi de 1990, à la santé psychiatrique : il se préoccupe de ceux qui sont passés à l’acte et ont des problèmes de comportement criminogène.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors, ne nous parlez pas des victimes !

Mme Marylise Lebranchu. C’est vous qui allez faire des victimes !

M. Georges Fenech, rapporteur. La situation est très claire. Ne mélangez pas les problèmes : il y a, d’un côté, la loi de 1990, les préfets et les hospitalisations d’office pour les malades mentaux qui n’ont pas commis de crime. Ce soir, nous nous occupons de ceux qui sont passés à l’acte et qui ne sont pas irresponsables pénaux.

M. Jean-Marie Le Guen. Les autres ne vous intéressent pas !

M. Georges Fenech, rapporteur. L’amendement, je le répète, a donc été rejeté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Je reprends à mon compte les arguments de M. le rapporteur. Je tiens toutefois à apporter une précision à propos de la loi de 1990 sur la santé mentale et des modalités de l’hospitalisation d’office. Je rappelle, monsieur Le Guen, que, lors de l’examen du projet de loi sur la prévention de la délinquance, qui comptait cinq articles visant à réformer l’hospitalisation d’office, vous considériez qu’il s’agissait d’une criminalisation et souhaitiez qu’on ne touche pas à l’hospitalisation d’office,…

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr ! Vous avez d’ailleurs retiré le texte !

Mme la garde des sceaux. …même pour les personnes les plus dangereuses. C’est la raison pour laquelle nous avons disjoint les cinq articles de ce texte.

M. Serge Blisko. À la grande émotion des psychiatres !

Mme la garde des sceaux. Avis défavorable, en tout cas.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Je tiens à revenir sur le processus. Nous sommes tous désireux d’éviter que les délinquants sexuels récidivent et nous voulons tous protéger la société de ces délinquants potentiellement récidivistes. Il est évident que nous voulons tous protéger les victimes. La discussion porte donc uniquement sur la meilleure façon d’y parvenir. Nous ne cessons de répéter qu’il faut d’abord se donner les moyens de faire fonctionner l’injonction de soins dès le début de la détention.

Certes, comme vous le soulignez, certains refusent de se soigner, mais on peut, pendant quinze ans, utiliser les moyens que nous donne la loi de 1998 pour faire fonctionner l’injonction de soins. On ne peut, assurément, obliger personne à se soigner – le corps médical le refuse, et à juste titre. En revanche, la loi prévoit un dispositif associant à la proposition de soins, si le détenu l’accepte, la possibilité de remises de peine ou de mesures de libération probatoire. Ne me dites pas que, durant ces quinze années en prison, en prenant le problème dès le début, on ne peut pas réussir, en conjuguant l’action de l’administration pénitentiaire, des services d’insertion et de probation et des médecins, à persuader la personne concernée par l’injonction de soins – laquelle a certes un aspect contraignant –, d’accepter ces soins.

Le préalable est qu’il ne faut pas envisager d’emblée l’enfermement. Or tel est précisément le sens de cet article : dans quinze ans on enfermera des gens parce qu’on présuppose qu’ils auront refusé de se soigner. Cela revient à baisser les bras en matière d’injonction de soins. Donnons-nous d’abord les moyens – nous y avons insisté hier et aujourd’hui – de faire fonctionner ce système.

Si les médecins considèrent qu’une personne sur le point d’être libérée, qu’elle ait ou non accepté des soins, reste dangereuse, il existe le mécanisme de l’hospitalisation d’office. À cet égard, madame la garde des sceaux, je ne suis toujours pas convaincue par vos arguments.

Plusieurs problèmes se posent : celui de l’état de la psychiatrie, celui de la responsabilité face à cette décision très difficile ou celui du manque de structures adaptées – raison pour laquelle je ne critique pas la création de ces centres particuliers, car il faut bien rénover les structures et le vieux système asilaire n’était évidemment pas adapté. Il ne s’agit pas, cependant, d’un problème immobilier : il faut savoir si l’on fait de l’enfermement – nécessaire – de ces délinquants qui ont purgé leur peine une décision médicale ou judiciaire. Si vous en faites, avec ce texte, une décision judiciaire, vous prêtez la main à un scandale qui s’aggrave année après année : on se débarrasse des malades mentaux dans les prisons, on se décharge d’un problème sur le système judiciaire. Il est tellement plus facile de dire qu’on va les enfermer, les oublier et ne plus en entendre parler !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! Ce n’est pas nous, c’est la société !

Mme Élisabeth Guigou. Il s’agit donc là d’une responsabilité collective, à propos de laquelle nous n’avons pas suffisamment donné l’alerte. Le problème est celui de la classification psychiatrique, des moyens de la psychiatrie et de la prise de responsabilité des psychiatres et de l’ensemble du système de santé publique. C’est à ce niveau qu’il faut traiter ce problème, sans quoi il n’y aura jamais de fin à ce système pervers dans lequel on enferme de plus en plus de malades mentaux, y compris des psychotiques, dans les prisons, où on ne peut pas les soigner correctement et dans lesquelles on envisage, faute de trouver d’autres solutions, un enfermement à vie au motif d’une dangerosité potentielle, non prouvée, et d’actes qui n’ont pas été commis. Voilà le côté dangereux de ce texte.

Je ne mets pas en cause la sincérité de vos intentions, ni de la nécessité que vous avancez de protéger la société, mais il me semble que nous devrions éviter de créer plus de problèmes que nous n’en avons déjà à résoudre. Il s’agit là d’une question compliquée, qui met en jeu beaucoup de choses. Je regrette d’autant plus l’absence de Mme la ministre de la santé à vos côtés et à ceux de M. Karoutchi, car elle est, elle aussi, concernée au premier chef.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je crois utile de revenir, car c’est bien le cœur du débat, sur l’hospitalisation d’office. J’entends bien tout ce qui a été dit sur la récidive, mais il me semble que nous avons aussi la responsabilité collective d’éviter la première victime.

Il y a actuellement dans les hôpitaux psychiatriques français des personnes qui souffrent de graves troubles du comportement et qui ont été classées comme telles. Il y a un risque à dire à l’Assemblée nationale et dans le Journal officiel que le placement d’office n’est possible qu’en cas de maladie mentale reconnue – étiquetée – comme telle. Nous connaissons tous des cas de personnes souffrant de graves troubles du comportement et qui ont été placés à la demande d’un préfet ou d’un maire – je pense notamment à une personne placée à la demande de sa mère, qui est allée prévenir le maire qu’il allait y avoir un crime et qu’il fallait faire quelque chose. Il s’agit bien de troubles du comportement, d’une perversité qui a été considérée comme assez grave et dangereuse pour autrui pour qu’il y ait hospitalisation d’office. Ces personnes ne restent pas, il est vrai, dans les hôpitaux psychiatriques ordinaires. Dans les situations très graves, on peut décider de les acheminer vers Cadillac, Sarreguemines, Villejuif ou les quartiers de Cachan.

Or je crains qu’à force de dire que l’hospitalisation d’office n’est pas possible pour ce qu’on appelle des troubles du comportement et qu’il faut identifier la maladie mentale, ne se pose un problème pour ces personnes actuellement hospitalisées. L’hospitalisation d’office ne me semble pas être une atteinte à leur liberté. Au contraire, la dangerosité exprimée, vérifiée, et parfois même dite, la justifie pleinement. Il s’agit d’une protection pour eux-mêmes et pour la société et nous n’avons pas intérêt à déclarer qu’elle n’est possible que si la maladie est étiquetée. Je tenais à attirer votre attention, chers collègues, sur cette interprétation très stricte du texte.

Il serait contraire à la logique législative de citer des cas, mais telle est bien la situation que connaissent aujourd’hui ces hôpitaux, qui sont insuffisants. Certains psychiatres, qui connaissent bien le cheminement vers Cadillac, Sarreguemines ou Villejuif, savent qu’il est difficile de trouver des places, connaissent les difficultés des personnels et celles qu’éprouvent les psychiatres pour trouver des solutions. Or ces personnes doivent rester hospitalisées tant qu’elles sont considérées comme très dangereuses, pendant un an, deux, trois ou dix.

Nous devons faire face à ce problème et en parler. La société française a nié la maladie mentale au point que les hôpitaux psychiatriques manquent de moyens. Mais on a tort de nier la maladie mentale et de ne pas vouloir étiqueter ces troubles du comportement comme des troubles liés à un dysfonctionnement mental – n’étant pas médecin, je ne sais pas comment désigner cela. Il faut certes éviter la seconde victime, celle de la récidive, mais il faut aussi éviter la première. Si l’hospitalisation d’office n’est pas assez claire pour chacun dans notre société, il faut revenir dessus, mais je ne pense pas que ce soit le cas.

Il faut enfin envisager, dans une loi pénitentiaire qui reste à concevoir, de permettre l’hospitalisation d’office à l’intérieur du centre de détention, à défaut de pouvoir le faire pour les maisons d’arrêt. C’est indispensable. Nous aurons alors en droit, dès le début, la possibilité de faire soigner ces personnes, ce qui réduira les risques.

Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, même si vous n’étiez pas encore en poste à cette époque, nous avons connu des drames à l’intérieur même des centres de détention et des gens qui étaient en détention pour des choses beaucoup moins graves ont perdu la vie. C’est là encore une chose dont il nous faut tenir compte. L’hospitalisation d’office, que le droit français prévoit pour les citoyens qui sont à l’extérieur, doit pouvoir se faire à l’intérieur des centres de détention, faute de quoi nous ne réglerons pas le problème.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Il me semble nécessaire de préciser quelques points pour éviter une certaine confusion – le terme est, du reste, médical.

La grande difficulté consiste à nous rappeler que nous traitons de cas particuliers, qui ne concernent pas l’immense majorité des personnes atteintes de maladies psychiques dans notre pays.

En psychiatrie, je le rappelle, il faut parler d’abord de la structure de la personne. Et, de fait, il est ici question de problèmes de structure, c’est-à-dire de l’organisation du psychisme, du mode de fonctionnement psychique, qui ne guérit pas. Or vous ne cessez d’évoquer, chers collègues de l’opposition, des pathologies psychiatriques classifiées dans une nosographie – on peut se reporter, à cet égard, au dixième chapitre de la classification internationale des maladies mentales de l’OMS, censée représenter un système continental face au DSM nord-américain des maladies psychiatriques.

Mais nous parlons ici de personnes qui n’ont pas de sentiment de culpabilité et qui ne demandent pas de soins – parce que, madame Guigou, pour soigner quelqu’un, il faut qu’il y ait une demande –, ou alors qui, fort intelligemment, font une telle demande pour sortir plus tôt et recommencer. C’est là toute notre difficulté : ne pas confondre les deux clivages, d’un côté, celui entre la santé et la maladie, et, de l’autre, celui entre le normal et le pathologique. Nous parlons aujourd’hui du second clivage. Il faut reconnaître que certaines personnes ont une organisation psychique pathologique, mais qui ne relève pas forcément de la maladie mentale et qui ne provoque pas de troubles justifiant une hospitalisation d’office – même en milieu carcéral, parce qu’elles peuvent s’y comporter alors de manière parfaitement adaptée et saine.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors, pourquoi élargissez-vous le dispositif existant ?

M. Nicolas Dhuicq. Ils ne feront aucune demande sincère de soins. Ce sont ces personnes qui relèvent du texte de loi qui vous est proposé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais non !

Mme Marylise Lebranchu. C’est l’inverse !

M. Nicolas Dhuicq. Pour les raisons que j’ai exposées, notre groupe ne peut que rejeter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l’amendement n° 73, de repli.

M. Dominique Raimbourg. L’amendement vise à répondre à la question qui nous est posée de façon lancinante et à juste titre : comment lutter contre la récidive ? Il propose de prévoir un réexamen régulier des personnes condamnées dès leur incarcération, pour éviter bien évidemment le recours à une rétention de sûreté et pour mettre en place les éléments permettant une sortie dans de bonnes conditions. C’est une des réponses au problème de la récidive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement puisque ce qu’il propose se pratique déjà.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Par cet amendement, nous demandons que la personne condamnée puisse bénéficier d’un accès aux soins, c’est-à-dire qu’on n’attende pas dix à quinze ans avant d’estimer qu’elle est très difficilement récupérable, qu’il faut empêcher sa sortie et la mettre dans ces fameux centres de rétention. Nous faisons un pari sur l’expertise psychiatrique. Je dis cela sous le regard aigu et vif du chirurgien Bernard Debré, notre collègue, qui voudrait évidemment que tout le dispositif soit beaucoup plus tranchant. (Sourires.)

M. Bernard Debré. Vous parlez à ma place ! Je n’ai rien dit !

M. Serge Blisko. C’était pour voir si vous suiviez, monsieur Debré ! Nous sommes au cœur du problème : comme l’a dit Mme Lebranchu, vous vous soumettez à des classifications qui ne visent qu’à exonérer un certain nombre d’institutions psychiatriques, d’hôpitaux et de psychiatres de la responsabilité qu’ils ne veulent plus endosser.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Serge Blisko. On peut comprendre leurs raisons : depuis deux cents ans, ils assument la responsabilité – on sait que c’est très difficile – de prévenir, de garder et de soigner, autrement dit de traiter, des personnes qui ne peuvent pas vivre normalement dans la société. Je constate que, dans vos propos, vous avalisez l’échec et l’inertie de la psychiatrie, monsieur Dhuicq.

M. Jean-Marie Le Guen. Exactement !

M. Nicolas Dhuicq. C’est la gauche qui a mis en place le système actuel !

M. Serge Blisko. Une telle analyse venant de vous me surprend parce que je rencontre beaucoup de psychiatres, et nous en avons auditionné un certain nombre lors de la préparation de l’examen du projet de loi ; quel est leur titre de gloire ? Ils me l’ont dit : c’est de réduire la durée d’hospitalisation. Pour eux, plus elle est courte, mieux c’est. M. Le Guen l’a dit tout à l’heure, avec sa franchise habituelle : moins il y a de lits, plus cela arrange les agences régionales de l’hospitalisation. Mais, indépendamment de ces contingences basses et matérielles, qu’est-ce que cette course à la réduction du nombre de lits, au raccourcissement des séjours, à la diminution des hospitalisations d’office ? Il y a là quelque chose qui me heurte, docteur Debré, parce que si les psychiatres ne veulent plus s’occuper des cas les plus difficiles, d’autres s’en chargeront, avec d’autres méthodes, et dès lors ce sera beaucoup plus radical (« M. Debré n’est pas psychiatre ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – je crois d’ailleurs que vous l’avez écrit dans un article de journal. Vous avez dit que rien ne vous choquait dans ce domaine.

Mme Valérie Rosso-Debord. N’importe quoi, monsieur Blisko ! Vous venez de franchir la ligne jaune !

M. Serge Blisko. Mais, au-delà de tout cela, je rappelle que la psychiatrie n’est pas une spécialité médicale comme une autre, qu’elle doit avoir une éthique spécifique. Elle a une responsabilité devant la société, responsabilité qui est décuplée quand on a affaire à des personnes extrêmement dangereuses. Je vous interpelle quelque peu vivement, mais je crois que vous êtes de taille à répondre. En l’absence regrettable de tout représentant du ministère de la santé – que nous déplorons une fois encore, mais passons –, je vous demande ce que vous nous proposez. Défendez-vous une vision humaniste, une manière française de pratiquer la psychiatrie ? Ne fuyez pas votre responsabilité, ne faites pas de quatre jours d’hospitalisation psychiatrique l’idéal de votre travail. Car les malades qui ne seront pas à l’hôpital, vous les retrouverez dans la rue, défoncés, et dans les centres d’urgence, jusqu’au jour où ils deviendront criminels parce qu’ils auront besoin d’argent pour se droguer ou pour boire. Et ça, vous le savez très bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le débat que nous menons est tout à fait à l’honneur du Parlement, et, au-delà des dispositions qui seront votées, il permettra peut-être à une partie de la société – si certains consentent à écouter nos modestes interrogations – d’avancer dans sa propre réflexion.

Cela étant, je voudrais exprimer mon étonnement devant la contradiction entre deux argumentations.

Tout d’abord, notre rapporteur nous dit, avec le soutien de Mme la garde des sceaux, que si nous parlons de la santé, c’est hors sujet. Le texte porterait sur le système pénitentiaire et sur un problème de structures juridiques. On ne s’intéresse d’ailleurs pas tant aux criminels qu’aux récidivistes criminels, ce qui n’est pas exactement la même chose – mais un récidiviste, cela suppose tout de même qu’il a d’abord été l’auteur d’un premier acte criminel. Notre rapporteur nous dit donc que nous sommes dans une logique pénitentio-pénitentiaire, judicio-judiciaire, qu’il faut y rester et qu’il n’est pas question de parler de santé publique. De plus, Mme la garde des sceaux nous a rappelé que nous sommes intervenus lors du débat sur le texte relatif à la prévention de la délinquance, au printemps dernier, pour nous plaindre du renforcement des contraintes liées à l’hospitalisation d’office. Dont acte. Le ministre de l’intérieur de l’époque, qui n’était pas sans avoir une certaine force de conviction, a tout de même dû retirer cinq articles de son projet de loi après que nous eûmes bataillé sur cette question.

En effet, chaque fois que nous examinons un texte ayant un impact sur la santé publique, les forces de l’ordre public, qu’il s’agisse du ministère de l’intérieur ou du ministère de la justice – pour une fois rassemblés –, interviennent pour demander un renforcement de leurs prérogatives par rapport à l’appareil sanitaire. Ils croient agir ainsi en fonction des demandes de celui-ci, mais ils se trompent, ils mettent à bas certaines normes déontologiques et d’approche pratique. Ils devraient plutôt se tourner vers l’appareil de santé publique pour l’interpeller. Après avoir obtenu du ministre de l’intérieur, au printemps dernier, qu’il retire cinq articles de son projet de loi, nous n’osons pas en espérer autant aujourd’hui, même si nous aimerions que vous reconsidériez votre projet de loi parce que, une fois encore, vous empiétez sur le domaine de la santé publique.

Ensuite, M. Dhuicq expose un certain nombre de considérations, justes du point de vue scientifique. Mais je n’interrogerai pas Mme la garde des sceaux sur ce qu’elle pense de la DSM 4 et des normes de l’OMS, ni sur le point de vue du gouvernement français à propos de la réforme des normes de la DSM 5, parce que, s’agissant de santé mentale et de psychiatrie, les sujets dont nous parlons ne sont pas mesurés par la biochimie ou par la radiologie avec des isotopes – fussent-ils du cerveau ! Nous n’en sommes pas encore là – n’est-ce pas, Bernard Debré ? –, nous nous situons seulement aux confins des sciences humaines. Dès lors, est-il légitime de valider la catégorie scientifique dont vous avez parlé, monsieur Dhuicq, c’est-à-dire celle regroupant des individus pervers qui ne seraient pas des malades mentaux, mais qui auraient des comportements de leur propre point de vue irrépressibles ? Bref, vous faites une description mystique du mal absolu. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit de personnes qui auraient des comportements nécessairement criminels, non pas par intérêt ou par pathologie, mais par essence.

Mme Valérie Rosso-Debord. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour ma part, j’interpelle les médecins-psychiatres qui ont conçu cette catégorie et je leur demande : êtes-vous sûrs de ce que vous dites ? Sous prétexte que vous ne disposez peut-être pas de soins adaptés à ces comportements, avez-vous véritablement le droit d’établir la classification que M. Dhuicq nous a décrite, même si elle est exacte du point de vue scientifique ? Car une telle classification met hors-jeu les personnes qui ne relèvent ni du domaine de la santé mentale ni du système pénitentiaire. Théoriquement, la peine prépare, soit par la dissuasion, soit par la sanction, à la réinsertion de l’individu, alors que cette classification détermine des personnes qui ne seraient sensibles ni à l’une ni à l’autre. Quel en est alors la conséquence ? J’interpelle les médecins-psychiatres sur ce point.

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Camille de Rocca Serra. C’est un monologue, monsieur le président !

M. Jean-Marie Le Guen. Je me demande quelle est la nature exacte de cette classification et si nos experts en psychiatrie et en santé mentale n’ont pas à revoir certaines catégories. Notre législation s’adapte-t-elle à des catégories injustifiées pour traiter inhumainement des personnes ? Cela soulève des questions qui ne sont pas seulement juridiques, mais aussi d’ordre scientifique.

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Raimbourg. Tranchez dans le vif, mon cher collègue !

M. Bernard Debré. J’ai été très surpris d’être interpellé puisque je ne vois pas ce que peut faire le chirurgien dans le domaine de la santé mentale, à moins que vous ne vouliez dire qu’il y a des méthodes définitives pour traiter certains malades… que je n’ai pas prônées, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Le Guen. Certains l’ont fait ! Pas vous !

M. Bernard Debré. Je vous remercie de cette précision me concernant, monsieur Le Guen. Cela étant, je crois que vous êtes, comme M. Blisko, totalement hors sujet.

Monsieur Blisko, vous avez évoqué la diminution des lits de psychiatrie. Heureusement qu’il y a eu diminution car cela prouve que des maladies psychiatriques se soignent à présent. On n’est plus au XIXe siècle ou au début du XXe siècle ! On a heureusement fait des progrès !

Mme Élisabeth Guigou. Bien sûr !

M. Bernard Debré. Des malades qui devaient être enfermés n’ont plus besoin de l’être, et nous avons donc logiquement diminué le nombre de lits en psychiatrie.

Monsieur Le Guen, vous avez évoqué l’hospitalisation d’office. Nous disposons d’un panel de traitements : certains malades relèvent de l’article 122-1 et sont à ce titre jugés irresponsables, d’autres peuvent préventivement relever de l’hospitalisation à la demande d’un tiers ou de l’hospitalisation d’office, et puis il y a des malades qui doivent, du fait des actes qu’ils ont commis, être placés dans des structures spécialisées qui les empêcheront de récidiver.

J’ajoute que, si jamais certains de nos concitoyens lisent nos débats, ils comprendront peut-être que nous sommes totalement à côté de la plaque ; et si jamais, en plus, ce sont des victimes, ils se demanderont vraiment si certains d’entre nous ne devraient pas être hospitalisés à la demande d’un tiers. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marylise Lebranchu. Il n’y a rien à garder de ce projet de loi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 58.

La parole est à M. Claude Bodin, pour le soutenir.

M. Claude Bodin. L’amendement vise à substituer, à l’alinéa 4 de cet article, aux mots : « à quinze ans », les mots : « à dix ans ». En effet, on constate que très peu d’auteurs de crimes dont nous traitons aujourd’hui sont condamnés à des peines de privation de liberté d’une durée supérieure ou égale à quinze ans. C’est pourquoi, pour donner une réelle efficacité au dispositif, il convient d’abaisser le critère de durée de la peine à dix ans, d’autant plus qu’il a souvent été constaté que la violence des crimes sexuels commis par un individu augmentait avec l’âge. Il faut donc prendre en charge ces délinquants le plus tôt possible, afin d’optimiser leurs chances de guérison et de réinsertion rapide dans la société.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Je comprends parfaitement l’objectif de l’amendement de notre collègue Bodin, mais la commission l’a rejeté pour conserver une hiérarchie dans la gravité des mesures : la surveillance judiciaire s’applique à des condamnés à dix ans de prison ; nous proposons que la rétention de sûreté, plus grave puisqu’il s’agit d’une privation de liberté, touche des personnes condamnées à quinze ans minimum. Autant garder cette hiérarchie. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Permettez que je demande d’abord à M. Bodin s’il maintient son amendement.

M. Claude Bodin. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement 58 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement, au titre de l’article 58-1.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à le M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

le M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, je souhaitais intervenir sur cet amendement.

M. le président. Mais il a été retiré, monsieur Le Bouillonnec !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Soit, mais dans l’intérêt du débat, quand un amendement est déposé et qu’il fait l’objet d’observations de la part de la commission, il est légitime que tout le monde s’exprime. Si le retrait de l’amendement ne sert qu’à accélérer la discussion, cela nous conduira à revenir sur le sujet lors de l’examen de l’amendement suivant. Je trouvais très pertinent – excusez-moi d’avoir cette prétention – de commenter, au nom de mon groupe, cette première proposition qui consistait à baisser le seuil de sanction.

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, votre argumentation n’est pas bonne : il fallait reprendre l’amendement à votre compte si vous vouliez que nous en discutions.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, je vous signale que vous ne m’avez même pas demandé si je voulais le faire.

M. le président. Je n’ai pas à vous le demander !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’ai levé la main. Monsieur le président, j’ai la prétention de fréquenter un tout petit peu cet hémicycle…

M. le président. Moi aussi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quand je lève la main, si vous ne me donnez pas la parole pour que je puisse soit intervenir, soit reprendre l’amendement, le débat est fermé. Cela nous contraindra à reprendre nos arguments lors de l’examen d’autres amendements. Monsieur le président, ne laissez pas de tels sujets échapper au débat.

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, nous venons de passer une heure et demie sur trois amendements. Je crois que j’ai laissé le débat se dérouler et chacun s’exprimer largement. M. Bodin retire l’amendement qu’il a déposé. Je ne peux pas vous laisser discuter d’un amendement qui est retiré, sauf si vous le reprenez. Mais puisque vous ne le reprenez pas, il ne peut pas s’enclencher une nouvelle discussion. Vous connaissez la procédure et le règlement aussi bien que moi !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 59, 95, 110, 1, et 65, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 59 et 95 sont identiques.

La parole est à M. Claude Bodin, pour soutenir l’amendement n° 59.

M. Claude Bodin. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 95.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à supprimer la dernière partie de l’alinéa 4 de l’article 1er, et à ne plus limiter son application aux auteurs de crimes commis sur des mineurs de quinze ans. Le projet, dans sa formulation initiale, centrait les mesures dont nous débattons sur les auteurs de crimes sur mineurs. Mais il semble difficile de hiérarchiser la gravité des crimes en fonction des types de victimes concernées. Une fois enclenchée, cette mécanique de limitation peut induire deux effets pervers. D’abord, un effet de seuil : pourquoi plutôt quinze ans que dix-huit, vingt-trois, trente ou trente-cinq ? Ensuite, on se demande pourquoi on ne définirait pas des catégories de victimes : fille ou garçon, handicapée ou pas, âgée ou non, etc.

Pour éviter d’entrer dans ce genre de considérations susceptibles de conduire à des propos ou des décisions un peu discutables, je propose que cette mesure s’applique à l’ensemble des crimes commis sous forme de meurtre, assassinat, torture ou actes de barbarie ou viols, sans aucune considération ni limitation concernant les caractéristiques ou l’identité de la victime.

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour soutenir l’amendement n° 110.

Mme Henriette Martinez. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les amendements nos 1 et 65.

M. Georges Fenech, rapporteur. Ces deux amendements tendent à élargir le domaine d’application de la rétention de sûreté. Deux extensions sont prévues. L’amendement n° 1 propose d’étendre le champ de la rétention de sûreté aux auteurs d’infractions commises sur des mineurs de quinze à dix-huit ans. On ne fait plus de distinction entre les mineurs de moins de quinze ans et les autres. J’ai eu l’occasion de le dire en commission, et je comprends la position de notre collègue Jean-Frédéric Poisson, on ne peut pas définir la dangerosité en fonction du seul critère de l’âge de la victime.

L’amendement n° 65 va plus loin puisqu’il étend le domaine d’application de la rétention de sûreté à tous les auteurs de crimes, y compris lorsque les victimes sont majeures, mais avec une condition supplémentaire : il doit exister une circonstance aggravante. Monsieur Poisson, je dois vous rappeler que la loi distingue déjà les infractions en fonction de la qualité de la victime, et prévoit des circonstances aggravantes s’il s’agit, par exemple, d’une femme enceinte ou d’une personne handicapée. C’est pourquoi je vous demanderai de retirer vos amendements, parce que ceux que je présente au nom de la commission rétablissent aussi cette hiérarchie dans la gravité. La mesure touche tous les auteurs de crimes graves sur des mineurs – quel que soit l’âge de ces mineurs –, et les auteurs de ces mêmes crimes sur des majeurs, lorsqu’il existe une circonstance aggravante – pluralité de crimes ou préméditation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 59 et 95 ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 110 ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1 et 65 ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable pour les deux amendements.

M. le président. Monsieur Bodin, souhaitez-vous maintenir l’amendement n° 59 ?

M. Claude Bodin. Il est retiré, monsieur le président.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ainsi que l’amendement n° 95 .

Mme Henriette Martinez. Et l’amendement n°110.

M. le président. Ces trois amendements étant retirés, je vais ouvrir la discussion sur les amendements nos 1 et  65.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Ces amendements montrent que nos craintes étaient justifiées. Au départ, le texte ne devait concerner que les actes commis sur des mineurs de quinze ans, par des pédophiles décrits comme particulièrement dangereux et pouvant présenter une structure perverse. Cette catégorie n’a pas été dénombrée ni étudiée dans la population carcérale, mais elle était présentée ainsi : des personnes qui peuvent être particulièrement dangereuses.

Tout à l’heure, M. Poisson expliquait que les seuils sont difficiles à supporter. C’est précisément là que réside la difficulté de ce texte. Qu’il s’agisse de l’âge ou de la qualité de la victime, ou qu’il s’agisse de retenir un quantum de peine à partir duquel va s’appliquer la loi, les seuils sont difficiles à supporter. Aujourd’hui, on nous explique que la loi ne s’appliquera qu’à des personnes condamnées à plus de quinze ans. Mais, comme nous ne connaissons pas vraiment le public visé, que nous n’appréhendons pas bien le phénomène appelé « récidive de grands prédateurs », demain un autre fait-divers dramatique, scandaleux, crapuleux – ils le sont tous, aucun crime n’est sympathique ! – provoquera une remise en question des seuils fixés. On nous dira : le seuil que vous avez instauré est intolérable, les faits dont je suis victime me portent un préjudice très grave, et entraînent un retentissement psychologique très important – ce qui peut être vrai de faits pénalement peu réprimés. On nous demandera alors d’abaisser les seuils. Nous mettons en place une machine à laquelle nous ne pourrons pas résister demain, si nous sommes en présence de faits particulièrement émouvants et mis en scène à la télévision.

Mme Henriette Martinez. Comment peut-on parler de mise en scène ? Pensez aux victimes !

M. Dominique Raimbourg. Nous vous mettons en garde : notre droit ne pourra pas résister à cette mécanique qui va nous emmener vers toujours plus d’émotionnel, sans régler les difficultés. Voilà les raisons pour lesquelles nous nous opposons à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Ces cinq amendements réduits à deux sont quand même, excusez-moi, monsieur Fenech, une sorte de tour de passe-passe. Le projet est très différent de ce qui avait été évoqué au mois de décembre, de ce que vous nous aviez exposé, et du travail effectué par MM. Garraud, Goujon, Gautier et Burgelin. Depuis deux jours à peine, nous avons changé de monde.

Vous affirmiez votre volonté de protéger les plus vulnérables, les mineurs de moins de quinze ans, des pulsions criminelles avec passage à l’acte des pédophiles pervers : viol, torture, assassinat, assassinat puis viol, viol puis assassinat… Je ne vais pas poursuivre la liste macabre. Nous avions compris que nous avions affaire à 10, 15, 20 criminels très dangereux, et qui nous posaient à tous – quelles que soient nos opinions – un problème très lourd, philosophiquement. Nous sommes dans la zone grise, voire noire, de l’humanité. Nous avons tous été confrontés, à des moments divers, à ce type de situation. Il nous faut alors beaucoup d’imagination et de travail – y compris de travail sur nous-mêmes, monsieur Fenech – pour essayer non pas de comprendre, non pas d’analyser, mais de nous empêcher de bondir à travers la pièce en nous écriant : ce n’est pas possible !

Vous aviez proposé une solution avec laquelle nous n’étions pas d’accord, parce que nous pensions qu’elle reposait sur de mauvais fondements et qu’elle allait à l’encontre de nos règles de droit. Je n’y reviens pas pour ne pas alourdir le débat.

En revanche, avec ces amendements tendant à l’élargissement de la mesure, on change de monde, puisque l’on vise tous les criminels dangereux. Il y en a toujours eu, mais certains le sont plus que d’autres et les circonstances peuvent jouer. Vous vous rappelez sans doute les vieux romans de Simenon : l’ancienne génération ne tirait pas sur les gardiens de la paix ou les convoyeurs de fonds. Aujourd’hui on n’hésite plus à le faire, par exemple lors d’émeutes. Bref, de plus en plus de gens seront concernés par votre dispositif. Vous avez évoqué les actes les plus graves, mais vous êtes trop fin juriste, monsieur le rapporteur, pour ignorer le sens de vos propos : la mention des actes commis à plusieurs – combien le sont ? – ou de nuit, rappelle la manière dont notre vieux code pénal – fort estimable par ailleurs – aggravait la description de la commission d’un acte criminel.

Pour ces actes graves, vous suggérez d’examiner la possibilité d’une rétention de sûreté. Mais pour qui ? C’est terrible à dire, mais pensez-vous que le criminel qui tue des vieilles dames – même s’il est récidiviste, comme c’est souvent le cas – pour leur voler leurs bijoux ou leur argent liquide est de même nature que le pervers polymorphe qui, pardonnez-moi l’exemple, viole un enfant sans défense ? Cela n’a rien à voir ! Au nom d’une logique sécuritaire et pour montrer que vous agissez, dans le contexte de difficultés politiques que nous connaissons, vous allez faire enfermer des gens qui n’ont rien à voir avec des psychopathes pervers.

Je me tourne vers M. Garraud, qui a rédigé un rapport sur la dangerosité criminologique et psychiatrique. Nous le savons tous : les types qui, de sang froid et à plusieurs, tuent un convoyeur de fonds lors d’une attaque à main armée n’ont rien à voir avec le pédophile de Roubaix ! Ils seront pourtant passibles de la rétention de sûreté.

M. le président. Monsieur Blisko, veuillez conclure.

M. Serge Blisko. On est en train de jeter à bas nos règles pénales parce qu’en ce mois de janvier, vous avez besoin d’afficher autre chose que des nouvelles alimentant la rubrique people ! Tout cela est absolument aberrant.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. À ce stade de la discussion, chacun peut mesurer la difficulté de légiférer sur les problèmes que nous évoquons.

J’ai cosigné avec M. le rapporteur l’amendement n° 65. La vocation du projet de loi est d’être un texte de protection : elle est de se placer du côté des victimes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En tant que signataires de cet amendement, nous nous sommes donc posé la question : faut-il ou non établir une distinction entre les victimes ? Nous sommes convaincus que non, libre ensuite à nos collègues d’apprécier si le texte doit être amendé en ce sens.

Puisque des exemples concrets ont été cités, comment ne pas se souvenir des frères Jourdain, qui, condamnés à dix-huit ans de réclusion criminelle, ont été libérés à mi-peine ? Ils ont ensuite récidivé, violé, torturé, étranglé et enterré trois jeunes filles d’une vingtaine d’années. Le présent texte prévoit justement une mesure de sûreté qui permettra d’évaluer la dangerosité de ce genre d’individus. Tout à l’heure, deux anciennes gardes des sceaux ont dit combien elles étaient opposées au texte. Eh bien, cela m’a renforcé dans mon soutien au Gouvernement : si des criminels aussi dangereux refusent de se soigner, alors la rétention de sûreté s’appliquera, et ils seront obligés d’aller dans ces unités hospitalières spécialisées créées par le dispositif.

Notre obligation est donc de trouver un juste équilibre, et surtout de ne pas distinguer entre les victimes : tel est le but de l’amendement que je m’honore d’avoir cosigné avec MM. Fenech, Geoffroy et Garraud.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite clarifier la situation qui résulterait de l’adoption de ces amendements.

En premier lieu, la récidive n’y est nullement mentionnée, sinon dans l’exposé sommaire : le dispositif – corrigez-moi si je me trompe – est applicable dès la première décision, dès lors qu’elle entre dans les critères. Il est donc abusif, dans l’argumentaire juridique sur les effets du dispositif, de soutenir qu’il ne concerne que les récidivistes. Rien ne le dit.

Par ailleurs, on sait pourquoi le projet de loi a prévu que l’hypothèse de la rétention devait figurer dans la décision de la juridiction correctionnelle ou d’assises : sans cela, la mesure n’était pas applicable. La juridiction de jugement doit en effet poser l’éventualité de la rétention pour que le juge de l’application des peines mette en œuvre, deux ans avant l’expiration de la peine, le dispositif : il faut le rappeler car on l’oublie souvent. Je le dis à l’attention de collègues qui ne sont pas forcément de grands pénalistes – ce qui est d’ailleurs mon cas – : c’est la seule technique que le Gouvernement a trouvée pour que le dispositif puisse être enclenché deux ans avant l’expiration de la peine. Or cette technique est aberrante sur le plan de la procédure puisqu’une telle obligation incombe à la juridiction de jugement – le plus souvent la cour d’assises –, c’est-à-dire celle-là même qui aura à se prononcer sur la durée de la peine.

Je serais très intéressé par la réflexion de Mme la garde des sceaux sur l’utilisation de la mesure par les cours d’assises. Que se passera-t-il si l’une d’elles estime qu’un individu très dangereux, pas nécessairement récidiviste mais ayant commis un acte inadmissible, est pénalement responsable ? En effet, comme l’a justement souligné hier Mme la garde des sceaux, il ne faut pas confondre : nous ne parlons pas ici de malades mentaux mais de gens dangereux et responsables, puisque cette partie du projet de loi ne concerne pas les individus déclarés irresponsables, qui ne font pas l’objet de condamnations. La cour d’assises, disais-je – puisque c’est surtout elle qui sera concernée –, préférera-t-elle prononcer une peine de quinze ans de réclusion criminelle, moyennant une rétention de sûreté, à une peine de vingt-cinq ans assortie d’une peine de sûreté ? En réalité, si l’intime conviction – essentielle dans une cour d’assises qui représente le peuple français – ne s’y oppose pas, la gravité des faits jugés imposera une peine supérieure à quinze ans : ceux qui connaissent un peu les cours d’assises le savent bien. À mon avis, votre dispositif ne sera donc pas appliqué à des criminels encourant une peine longue, supérieure au seuil des quinze ans, et il sera intéressant d’en observer l’utilisation dans les années qui viennent. Si tel était le but recherché, à quoi bon une telle mayonnaise ?

Il y a un vrai problème technique, s’agissant d’un objectif que nul, par ailleurs, n’a jamais contesté : je le dis, non sans amertume, à l’intention de ceux qui ont prétendu hier que nous étions sans émotion et sans humanité. Nous posons, je le répète, une question technique : le dispositif ne risque-t-il pas de se retourner contre ses objectifs dans les décisions de cours d’assises ?

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je pose notamment la question à ceux qui, lors des auditions de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, ont entendu des jurés de cours d’assises.

Enfin, et j’en termine, vous faites sauter tous les verrous, et plus rapidement encore qu’on ne l’imaginait. Nous attendions que vous nous soumettiez un texte un ou deux ans après le cas qui a inspiré celui-ci. Mais vous choisissez la précipitation et changez la donne : désormais, toute personne ayant commis un acte grave et condamnée à une peine supérieure à quinze ans pourra faire l’objet d’une rétention de sûreté.

M. le président. Merci, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pouvez-vous nous préciser, madame la garde des sceaux, combien de condamnés sont dès aujourd’hui concernés par le dispositif, sachant qu’un amendement tendant à instaurer sa rétroactivité va bientôt nous être soumis ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Fenech, rapporteur. Monsieur Blisko, monsieur Le Bouillonnec, vous nous avez fait part de vos craintes : c’est votre droit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est notre devoir !

M. Georges Fenech, rapporteur. En effet, mais nous nous efforçons, sinon de vous convaincre, du moins de dissiper ces craintes.

Tout d’abord, monsieur Blisko, vous parlez de fuite en avant en évoquant l’élargissement du champ d’application du dispositif. Mais vous raisonnez comme si celui-ci devait s’appliquer de manière automatique. Or ce n’est pas le cas. Je ne vous demande que de faire confiance au juge qui aura à se prononcer sur la rétention, ainsi qu’aux experts – psychiatres et psychologues – qui feront partie de la commission pluridisciplinaire. Élargir le champ du dispositif ne signifie en aucun cas que nous voulons enfermer tout le monde ! Ne seront enfermés dans les centres socio-médico-judiciaires que ceux dont des spécialistes et des magistrats auront jugé nécessaire la rétention pour une période d’un an renouvelable. De même, que la loi prévoie qu’un meurtre puisse être puni de vingt ans de réclusion criminelle ne signifie pas que tout meurtrier, indépendamment des circonstances atténuantes, quels que soient ses antécédents et que le crime soit ou non passionnel, sera condamné à une peine de vingt ans ! Faites confiance aux praticiens qui appliqueront le texte.

Je ne saisis pas davantage vos craintes et vos critiques, monsieur Le Bouillonnec. Nous n’avons jamais dit que le dispositif permettrait de lutter contre les récidivistes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si ! Mais en privé, il est vrai…

M. Georges Fenech, rapporteur. Nous n’allons pas débattre sur des apartés ! Nous avons seulement dit que le texte permettrait de lutter contre le risque de récidive, ce qui est tout à fait différent. Il s’agit d’éviter que l’auteur d’un crime très grave, considéré comme dangereux et potentiellement récidiviste, ne récidive. En réalité, au risque de vous choquer, je dirai que ce texte est de pure prévention, et non de répression : une prévention qui passe certes par des mesures contraignantes, mais qui doit éviter le pire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite répondre à M. Raimbourg.

J’ai bien entendu ce que vous avez dit au sujet du seuil, mon cher collègue, mais celui dont vous avez parlé n’est pas de même nature. Je comprends à quelle fin vous avez joué sur la polysémie du terme, mais on ne peut raisonnablement pas comparer le seuil fixé par le juge qui prononce une peine aux effets de seuil que j’évoquais. Bien essayé, comme dit l’autre, mais l’argument ne me paraît pas tenable.

Par ailleurs, il y a une chose que je ne comprends pas à la lecture de l’article 1er. J’ai rappelé hier à la tribune ce que j’avais indiqué à Mme la garde des sceaux : je suis de ceux qui réclament une loi sur la psychiatrie.

De même, j’ai indiqué hier qu’il ne peut s’agir de certitude, et je rejoins en cela Jean-Marie Le Guen : nul ne peut être certain que la personne, après quinze ans de détention, commettra de nouveau un crime ou n’en commettra pas. Nous sommes d’accord sur ce point.

En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur la gestion politique du doute : nous préférons, pour notre part, le gérer de la façon la plus protectrice, que vous jugez excessive mais qui n’est à nos yeux que superlative. Il s’agit des risques qu’encourent les victimes potentielles.

Monsieur Le Bouillonnec, vous ne pouvez pas nous reprocher d’un côté de faire des récidivistes en puissance, et de l’autre de ne pas les considérer comme tels : cela me paraît contradictoire !

L’amendement du rapporteur ne change pas l’esprit du texte. En prenant en compte l’impossibilité d’évaluer la dangerosité potentielle d’une personne en fonction de la qualité des victimes et en supprimant le seuil tout en maintenant les circonstances aggravantes pour les crimes commis sur des personnes majeures, il me paraît tout à fait conforme à l’esprit du projet de loi. C’est la raison pour laquelle je le voterai.

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Je voterai également l’amendement du rapporteur, qui prend en compte la gravité des faits et supprime un seuil qui me semble inadapté.

Je voudrais dire à nos collègues de l’opposition que j’ai été choquée d’entendre parler de « faits mis en scène », d’« émotions créées par des médias », alors qu’il s’agit de vies brisées, massacrées, d’enfants décédés ou dont la vie ne reprendra jamais un cours normal, de familles qui ne retrouveront jamais la sérénité.

J’ai beaucoup travaillé avec des associations de protection de l’enfance sur des affaires liées à la pédo-criminalité. J’ai rencontré des victimes, dont des enfants, des anciennes victimes devenues adultes, des familles. J’ai également rencontré dans le cadre de ces travaux des pédophiles résilients, qui m’ont dit leur difficulté à contenir leurs pulsions.

Dans ce débat, je le dis très clairement, je suis du côté des victimes, et je suis choquée d’entendre nos collègues défendre avec autant d’acharnement les droits des coupables (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rétention de sûreté, ce sera bientôt pour nous !

Mme Henriette Martinez. …et de ne parler des victimes que lorsqu’il s’agit de leur âge, comme si la gravité des faits était liée à l’âge de la victime.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la loi pénale !

Mme Henriette Martinez. Je suis incapable, chers collègues, de dire s’il est plus grave de violer une gamine de quatorze ans et demi ou une gamine de quinze ans et demi, s’il est plus grave de violer un bébé qu’un gamin de sept ans.

M. Serge Blisko. Arrêtez !

Mme Henriette Martinez. C’est parce que nous aussi, nous réfléchissons, nous avons une conscience, que nous avons à cœur de faire évoluer ce texte, pour protéger la société. Et c’est parce que nous avons à cœur de protéger les victimes avant de défendre les coupables que je voterai cet amendement, qui correspond à l’attente de nos concitoyens, des victimes et de leurs familles, et leur offre la protection que nous devons leur assurer.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour un rappel au règlement.

Mme Élisabeth Guigou. Fondé sur l’article 58, monsieur le président.

Il faut que notre débat reste correct et serein. Nous n’acceptons pas d’être mis en cause de cette façon. Je l’ai dit hier, mes collègues et moi-même l’avons répété, personne ici n’a de l’indulgence ou de la compréhension pour les délinquants sexuels, qu’ils s’attaquent à des femmes ou à des enfants. Ce n’est pas la question !

M. le président. Mais cela n’a pas été dit, madame !

Mme Élisabeth Guigou. Nous avons tous, sur ces bancs, envie que ces personnes cessent de nuire. La question est de savoir comment y parvenir le plus efficacement et dans le respect, bien entendu, des grands principes de notre droit. Nous vous dénions donc, madame, le droit de dire à notre encontre ce que vous avez dit. Il n’y a aucune raison de situer le débat sur ce plan-là. Nous demandons donc une suspension de séance pour y ramener la sérénité.

M. le président. Avez-vous la délégation de votre groupe ?

M. Serge Blisko. Je l’ai, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais dire à Mme Martinez que nous légiférons sur ce qui nous apparaît, et donc sur les faits visibles dans les médias. Mais nous devons savoir de quoi nous parlons. Or la plupart des crimes sexuels, madame, ont lieu dans le silence des familles et ne font pas la une des journaux. L’inceste est une violence grave. En parlant de ces crimes, nous ne parlons pas simplement de ce que nous voyons à la une des journaux, mais d’une réalité sociale dramatique, profondément ancrée dans notre pays, comme dans d’autres d’ailleurs. Ces drames vont au-delà de ceux qui nous sont présentés dans les journaux et nous sommes conscients de ne répondre qu’aux drames dont nous avons connaissance.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, je demande donc une suspension de séance. Et nous en demanderons une chaque fois que le débat suivra cette voie et que l’on dira aux députés de l’opposition qu’ils sont du côté des massacreurs et des violeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Vous n’avez pas honte !

M. Serge Blisko. Ce débat n’est pas digne, et nous souhaitons une suspension de séance pour faire prévaloir le débat démocratique dans cette assemblée.

M. le président. La suspension de séance est de droit et elle vous sera accordée après le vote des deux amendements. Je vous fais simplement remarquer que si Mme Martinez a dit qu’elle était du côté des victimes, elle n’a pas dit que vous étiez du côté des criminels. Ce genre de raccourci n’est pas digne de notre débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(L’amendement est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Paul Garraud. Je souhaite réagir à cette suspension de séance demandée par l’opposition. Cessez donc de nous accuser d’être des adversaires des droits de l’homme ! Vous avez employé hier des termes graves, insidieux, faisant référence aux périodes noires de notre histoire. Vous avez aussi employé ce soir des termes tels que « le mal » ou « des zones d’ombre ». Ceci est inadmissible : vous voulez faire accroire que nous ne soucions pas des droits de l’homme. Pour nous, les droits de l’homme, ce ne sont pas que les droits des auteurs d’infractions, ce sont aussi ceux des victimes, et nous sommes là pour les défendre !

Par ailleurs, en tant que cosignataire d’un amendement qui étend aux grands criminels le dispositif de rétention de sûreté, quel que soit l’âge de la victime, je vous rappelle qu’en commission des lois, madame Guigou, monsieur Raimbourg, vous étiez d’accord pour ne pas faire de différence entre les victimes. Vous vous êtes opposés au principe du centre fermé, mais non à l’extension du dispositif à toutes les victimes, ce qui est compréhensible : que la victime ait dix-huit ans moins un jour ou dix-huit ans et un jour, elle subit le même préjudice, ainsi que sa famille.

Je souhaite, dans la suite de nos débats, que cessent ces procès en sorcellerie, car nous sommes aussi soucieux que vous du respect des droits de l’homme ! De grâce, continuons nos débats dans la sérénité, faisons en sorte de nous entendre et ne nous faites pas passer pour ce que nous ne sommes pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, il y a eu un léger incident de séance, mais je voudrais que nous en restions là, car il s’agit d’un débat de société important. Il est normal qu’un débat démocratique ait lieu dans cet hémicycle et que chacun puisse exprimer son point de vue. D’un côté comme de l’autre, il y a des femmes et des hommes qui défendent le droit et la société, et ils ne sont pas là pour être, les uns du côté des criminels, et les autres du côté des victimes. Le débat est donc recadré et j’aimerais qu’il reprenne dans la sérénité, que chacun puisse exprimer ses positions, mais que l’on n’allonge pas inutilement la discussion, car nous ne sommes pas là pour faire des effets de manches – comme vous pouvez le constater, les tribunes sont vides ! –, mais pour avancer sur un texte important.

Nous en revenons à l’examen des amendements.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 63.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Cet amendement, qui a été accepté par la commission, prévoit d’étendre le dispositif aux infractions d’enlèvement ou de séquestration. On peut imaginer qu’un candidat à un acte de pédophilie soit interpellé avant de passer à l’acte, juste après l’enlèvement ou la séquestration. Il importait donc d’ajouter aux infractions qui entrent dans le champ d’application du dispositif les crimes d’enlèvement ou de séquestration d’un mineur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je suis navré de vous le dire, monsieur Fenech, mais cet amendement m’inquiète un peu. N’y a-t-il pas un risque de dérive dans le cas d’un enlèvement ou d’une séquestration d’enfant, suite à une non-présentation ? Lorsqu’une personne contrevient à la décision du juge aux affaires familiales, on sort du cadre criminel pour entrer dans celui des conflits familiaux. Ne risque-t-on pas de qualifier d’enlèvement ou de séquestration la non-présentation d’enfant ? Je vous demande, monsieur le rapporteur, de nous rassurer sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Sans retomber dans une polémique inutile, et dans un esprit constructif, je souhaite revenir sur les propos de M. Garraud,

Ce que nous contestons, c’est le principe même de ce projet de loi. Nous n’avons cessé de dire qu’il existait des solutions alternatives qui pouvaient fonctionner sans recourir à la rétention de sûreté, laquelle nous paraît, je le répète, une mauvaise solution, susceptible d’aboutir à de dangereuses dérives. Mme la ministre et M. le rapporteur cherchent à nous rassurer en nous disant qu’elle ne s’appliquera que de façon subsidiaire, dans des cas limitativement énumérés, c’est-à-dire de lourdes peines – quinze ans –, et dans des conditions strictement délimitées.

Or nous examinons de nombreux amendements, à l’initiative du rapporteur, qui ne cessent d’élargir le champ d’application de la rétention de sûreté. Vous avez raison, monsieur Garraud, nous avons indiqué en commission que, pour nous, le champ d’application était une question subsidiaire : mais c’est parce que nous contestons le fondement même de ce projet de loi. Je persiste à dire qu’il est dangereux, parce que fondé sur une conception que nous récusons, celle de la dangerosité potentielle, liée non à un acte, mais à la perspective éventuelle que celui-ci puisse être commis, voire à ce qu’est une personne et non à ce qu’elle a fait. C’est ce que nous contestons fondamentalement et qui nous semble susceptible de donner lieu à des dérives – même si telle n’est pas votre intention.

En outre, nous ne sommes pas rassurés par les restrictions qui figurent dans votre projet, puisqu’un amendement vient immédiatement remettre en cause chacune d’entre elles. Nous contestons aussi ces amendements, qui élargissent le champ d’application de cette loi dangereuse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le soutenir.

M. Jean Jacques Urvoas. Par cet amendement – de principe –, nous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article 1er, car il contient deux éléments qui nous posent problème. Le projet du Gouvernement prévoit une peine d’enfermement qui, parce qu’elle est renouvelable, pourra être à vie. Selon le rapporteur, il ne s’agit ni d’une peine d’emprisonnement ni d’une hospitalisation, mais d’une mesure de sûreté dont la nature est indéterminée. S’il est difficile de qualifier de « peine » la mesure de sûreté, c’est parce qu’une peine doit répondre, dans notre droit, à des principes de légalité des délits – impliquant notamment la non-rétroactivité –, de proportionnalité et de nécessité de la sanction.

La ministre et le rapporteur s’appuient sur le fait que le Conseil constitutionnel a considéré que ne constituaient pas des peines des mesures de lutte contre la récidive, comme le fichier judiciaire ou le placement sous surveillance électronique mobile, qui ont été ordonnées au titre de la surveillance judiciaire. C’est ignorer les motivations du juge constitutionnel que d’appliquer les conclusions de sa décision du 8 décembre 2005 à ce cas d’espèce.

En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu’elle constitue ainsi une modalité d’exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ; que la surveillance judiciaire, y compris lorsqu’elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l’application des peines ; qu’elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu’elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu’ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction. Pour notre part, nous estimons qu’une mesure restrictive de liberté comme la rétention de sûreté, qui prévoit un régime d’enfermement similaire à celui d’un détenu, doit être assimilée à une sanction.

Par ailleurs, le concept, discutable, de la dangerosité est caractérisé par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l’une des infractions graves énumérées. À ma connaissance, c’est la première fois qu’est introduite la notion de dangerosité dans la procédure pénale. Comme le rapporteur, j’ai profité de l’après-midi pour consulter certaines études, et je l’invite, ainsi que Mme la garde des sceaux, à relire la recommandation émise en septembre 2003 par le Conseil de l’Europe, qui insiste sur le fait que les travaux relatifs aux prédictions de comportements sont considérés comme aléatoires et que la notion de « dangerosité » est émotionnelle et dénuée de fondement scientifique. Partant d’une base aussi incertaine, il nous paraît délicat d’introduire cette notion dans notre procédure pénale. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Je rappelle à notre collègue Urvoas que la notion de « dangerosité » a été introduite dans le code de procédure pénale par la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui faisait pour la première fois expressément référence à la notion de « dangerosité », même si celle-ci apparaissait déjà en filigrane dans des textes antérieurs, et notamment, madame Guigou, dans la loi du 17 juin 1998.

La commission émet donc un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 69.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement pourrait recueillir l’assentiment général. Il vise en effet à mettre en place un suivi dès le début de l’incarcération, incluant des périodes d’observation des personnes qui pourraient être qualifiées de « dangereuses ».

Nous faisons donc des efforts pour intégrer des concepts avec lesquels nous n’étions pas d’accord au départ, et le dispositif qu’il propose permettrait d’ores et déjà, en prévision de la sortie du détenu, la mise en place d’un suivi, d’un traitement et d’un accompagnement offrant le maximum de garanties pour des gens dont on peut estimer en effet qu’ils présenteront encore un certain caractère de dangerosité au moment de leur libération.

Cet amendement, en améliorant la situation, permettrait d’éviter, comme nous le craignons, de nouvelles victimes. Il me semble donc assez consensuel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je regrette la brièveté des réponses fournies par le rapporteur et le Gouvernement. Madame la ministre, nous vous avons vue souffrir tout à l’heure, lorsque nous vous interrogions sur la situation de la psychiatrie – pénitentiaire ou non – en France. Il est vrai que votre collègue en charge de la santé publique vous a un peu abandonnée en rase campagne. Mais puisque vous nous reprochez, à l’instar de M. Garraud, de ne rien faire que critiquer, nous avons essayé en l’occurrence de vous soumettre une proposition.

Depuis une soixantaine d’années qu’il a été créé, le Centre national d’observation de Fresnes a pour mission – même si c’est moins vrai aujourd’hui à cause du surpeuplement pénitentiaire et du manque de moyens – d’évaluer la dangerosité des détenus et, plus spécifiquement, de ceux qui purgent de longues peines, puisque son rôle premier est d’observer comment se comportent ces détenus, afin de les orienter vers tel ou tel lieu de détention.

Le CNO nous paraît donc, et ce d’autant plus que vous avez le projet, madame la ministre, de le sortir de la prison de Fresnes et d’en faire un établissement plus moderne, un outil particulièrement efficace. Sa philosophie lui a été donnée par Paul Amor, directeur de l’administration pénitentiaire à la Libération, et les personnes qui y travaillent – psychologues, médecins, magistrats de l’application des peines – connaissent les conditions de détention et possèdent cette culture de l’observation, de l’évaluation et de l’orientation qui devraient permettre au CNO de jouer pleinement son rôle, si l’engorgement de nos prisons ne condamnait pas les détenus à attendre très longtemps qu’une place se libère pour eux en centrale après leur évaluation.

C’est donc à un plaidoyer pour un CNO rénové que je me livre ici. Il serait bien plus utile qu’une commission Théodule chargée de décider, treize ans après le prononcé de la condamnation, si le prisonnier peut ou non être relâché. Le CNO pourrait, lui, dès la condamnation, voire en amont, servir de plate-forme d’observation, et je regrette que vous n’ayez pas examiné de manière plus approfondie cet amendement qui proposait une voie d’amélioration de la situation pénitentiaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Fenech, rapporteur. Pour répondre au souhait de Serge Blisko, je vais préciser mon avis défavorable.

Cet amendement est en réalité un contre-projet à la rétention de sûreté.

M. Serge Blisko. Vous l’avez remarqué…

M. Georges Fenech, rapporteur. Le second alinéa prévoit notamment la mise en place de commissions pluridisciplinaires régionales d’observation dans chaque cour d’appel. Cela part d’une bonne intention et nous verrons, dans le cadre de la loi pénitentiaire, ce qu’il en sera des déclinaisons du CNO. En l’état actuel cependant, nous ne pouvons accepter ce contre-projet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 64.

M. Georges Fenech, rapporteur. C’est un amendement de clarification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 2 et 3 de la commission sont rédactionnels et recueillent l’avis favorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75 rectifié.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Plutôt qu’à une commission administrative, cet amendement confie le soin d’examiner le dossier de sortie au juge d’application des peines, qui paraît le magistrat le mieux à même de se prononcer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 76 tombe.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 77.

La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le soutenir.

M. Jean Jacques Urvoas. Nous proposons de supprimer les alinéas 12 à 15 de l’article 1er, qui concernent la commission des mesures de sûreté, présentée par le Gouvernement comme une « commission administrative formée de magistrats ». Une telle qualification nous pose problème, car nous estimons que cette commission est dotée de pouvoirs quasi juridictionnels, voire de pouvoirs d’injonction au juge, qui nous semblent particulièrement inquiétants et presque caractéristiques d’un tribunal d’exception.

En effet, cette commission administrative peut proposer qu’une personne qu’elle considère comme dangereuse fasse l’objet d’une rétention de sûreté, au motif que les obligations qui peuvent être mises à la charge d’un condamné par le juge sont insuffisamment protectrices ou que seule la rétention apporte une garantie de non-récidive. Cette appréciation sur l’opportunité des mesures que seul le juge peut prononcer, parce qu’elles constituent soit des peines, soit des modalités de l’exécution de la peine, nous paraît certainement excessive. En effet, si la commission ne fait que proposer le placement en rétention de sûreté, elle est amenée à se constituer en juge pour ce qui concerne les obligations résultant de l’inscription au fichier national automatisé, de l’injonction de soins ou du placement sous surveillance électronique mobile.

Cette situation est donc particulièrement surprenante, comme l’est d’ailleurs celle dans laquelle se trouve le juge d’application des peines, saisi par cette même commission qui lui propose de décider, en dehors de tout procès, de la mise sous surveillance judiciaire, au motif que la personne qui lui est déférée est dangereuse.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est inexact.

M. Jean Jacques Urvoas. Dans les deux cas, nous estimons que la commission se trouve autorisée par la loi à instrumentaliser un juge du siège, ce qui de notre point de vue n’est pas acceptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable. Vous faites une erreur, monsieur Urvoas : c’est la commission pluridisciplinaire qui est visée par les alinéas 12 à 15, ce n’est pas la commission, effectivement composée de magistrats, qui rend la décision.

Sur un plan plus général, il y a, dans notre droit, beaucoup de commissions administratives dans lesquelles siègent des magistrats n’exerçant pas de pouvoirs proprement juridictionnels – je pense, entre autres, à la CNIL – et il n’y a là rien de choquant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Nous ne discutons pas le fait qu’il y ait des magistrats dans les commissions administratives, mais le fait que ces commissions, composées pour partie de magistrats mais qui ne sont pas des juridictions, puissent contredire une décision judiciaire.

Je me réfère à l’alinéa 13, qui précise le cas où la commission peut demander une rétention de sûreté, si « les obligations résultant de l’inscription dans le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d’être prononcés dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire – il s’agit donc d’une peine prononcée par un juge et non d’une mesure de sûreté, contrairement à la surveillance judiciaire citée ensuite –, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l’article 706-53-13 ».

En mentionnant ainsi le suivi socio-judiciaire, vous donnez à cette commission la possibilité de revenir sur une décision de justice, ce qui est, à nos yeux, inconstitutionnel. Lorsque vous mentionnez la surveillance judiciaire, il s’agit d’une mesure de sûreté ; en revanche, le suivi socio-judiciaire est une peine, puisque la loi de 1998 qui l’a institué en fait une décision de justice prononcée au moment du jugement. Voilà ce que nous contestons fondamentalement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Fenech, rapporteur. Votre raisonnement ne tient pas, madame Guigou. Il n’y a pas de contestation d’une décision de justice, puisqu’un amendement de la commission que nous allons examiner prévoit que le suivi socio-judiciaire est en quelque sorte suspendu pendant la rétention de sûreté pour reprendre après. La peine n’est donc pas remise en cause par une décision de type administratif, puisqu’elle lui survit.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. J’appuie les propos du rapporteur. Il ne s’agit pas de réviser une décision, mais de la compléter, ce qui arrive tout le temps. Un JAP peut en effet rajouter des obligations après qu’une décision de justice a été rendue à l’endroit d’un condamné, parce qu’il considère, par exemple, que cette décision est incomplète, notamment en matière de soins. Il peut, s’il le juge nécessaire, rajouter une obligation de soins à une condamnation qu’il considère insuffisante. Il ne s’agit donc pas de réviser la décision mais de la compléter si elle est jugée insuffisante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission de quatre amendements rédactionnels, nos 5 à 8, qui recueillent un avis favorable du Gouvernement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 78.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Afin de ne pas trop compliquer l’organisation judiciaire, nous proposons qu’au lieu d’une commission régionale spéciale composée de trois magistrats près la cour d’appel, la décision de rétention soit prise par le tribunal d’application des peines. Cela éviterait la création de ce qui constitue à nos yeux une nouvelle juridiction. Cela permettrait également de régler la question de l’appel.

Cet amendement de repli permet d’organiser la décision de rétention et de la faire prendre par des organismes judiciaires qui existent déjà.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car nous sommes dans une autre logique. Certains magistrats nous ont déjà fait la remarque au cours des auditions, mais nous nous trouvons ici dans le cadre de mesures de sûreté, qui ne peuvent être confiées à une juridiction. Il est cohérent, en revanche que cela relève d’une commission administrative composée de magistrats.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission de trois amendements rédactionnels, nos 9, 10 et 11, qui font l’objet d’un avis favorable du Gouvernement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 79.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Force est de constater, comme le rappelait M. Garraud dans son rapport, la situation dramatique de l’expertise.

Or tout repose ici sur l’expertise médico-psychologique ou psychiatrique, puisque c’est sur la base de cette expertise – à laquelle s’ajoute une contre-expertise, qui est de droit – que sera prise la décision d’enfermement, décision particulièrement lourde.

Nous connaissons depuis de nombreuses années les problèmes posés par ces expertises : les affaires récentes le prouvent. N’oublions pas qu’elles visent le noyau dur de la criminalité, la criminalité la plus terrible – avant l’extension que vous avez prônée tout à l’heure. Tout le monde en est d’accord, le noyau dur est le plus complexe à appréhender. Nos collègues qui connaissent ces situations se sont lancés dans une voie hasardeuse, non pas à cause d’une méconnaissance des tenants scientifiques ou des faits, mais parce que la matière est difficile – et le terme « hasardeux » n’est pas péjoratif.

L’enjeu est trop grave pour que la liberté d’une personne dépende de l’avis d’un seul expert. Je plaide donc pour un système fondé sur deux expertises, en espérant, je croise les doigts, qu’elles concordent car, dans le cas contraire, il en faudrait une troisième !

M. Fenech a cité le cas du jeune homme meurtrier à Pau. Dix expertises ont été diligentées ! Neuf ont conclu sur la base de l’article 122-1 du code pénal, donc à l’irresponsabilité, une sur la base de l’alinéa 2 de l’article 122-1, donc à l’atténuation de la responsabilité.

Nous voyons bien, ainsi, les difficultés posées par l’expertise, surtout de la façon dont elle est pratiquée aujourd’hui. À cela s’ajoute, et je me tourne vers M. Garraud dont la critique est justifiée, le manque de moyens et la faible motivation des experts qui en découle, mais également des difficultés objectives à la pratique de l’expertise, décrites dans le rapport : éloignement du centre pénitentiaire du domicile de l’expert, contraintes des parloirs, transfèrements, etc. On connaît la vie pénitentiaire…

Il faudra donc faire un gros effort, d’une part, pour que l’expertise criminologique soit davantage mise en avant dans le cursus universitaire des psychiatres ou d’autres spécialités médicales et, d’autre part, pour revoir la situation, la durée et le sérieux de l’expertise pour la rendre plus attractive.

Le projet de loi prévoit une expertise, alors que nous savons aujourd’hui qu’elle est le parent pauvre de notre système pénal. Notre amendement n° 79 propose donc que deux contre-expertises soient de droit pour le condamné.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Je suis passé un peu vite tout à l’heure sur l’amendement n° 4, qui a été adopté et qui prévoit la dualité d’experts. Dualité d’experts plus contre-expertise de droit égalent trois expertises.

M. Serge Blisko. Voilà !

M. Georges Fenech, rapporteur. Je pense que c’est raisonnable et votre crainte, monsieur le député, n’a plus lieu d’être puisque votre souhait est satisfait.

M. le président. L’est-il vraiment, monsieur Blisko ?

M. Serge Blisko. Oui.

M. le président. L'amendement n° 79 est donc retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 80.

La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le soutenir.

M. Jean Jacques Urvoas. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 19 de l’article 1er. Nous estimons en effet inadmissible qu’une mesure totalement privative de liberté fasse immédiatement suite, sans fait nouveau, à l’exécution d’une peine elle-même privative de liberté. Sur le plan des principes, c’est une transformation considérable apportée aux règles de la responsabilité pénale puisque, en instaurant une peine objective applicable sans infraction nouvelle, le traditionnel lien de causalité entre l’infraction et la privation de liberté est rompu, et la procédure d’exception prévue à cet effet ne peut qu’aviver encore les inquiétudes suscitées par cette disposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement car, s’il était adopté, cela reviendrait à dire que le condamné pourrait se soustraire à la mesure de rétention au moment de sa mise en liberté.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 12.

M. Georges Fenech, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 13 et 81.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il s’agit d’une mesure de clarification.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 13 et 81.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 82.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à limiter la possibilité de prolonger la détention en prévoyant que la rétention de sûreté ne peut être renouvelée qu’une seule fois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission d’un amendement n° 14 de clarification et d’un amendement n° 15 de conséquence, sur lesquels le Gouvernement émet un avis favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 83.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Considérant que la demande de mettre fin à la rétention doit être examinée dans des délais assez brefs, nous proposons un délai de deux mois.

En matière de détention provisoire, le magistrat instructeur ou le juge des libertés doit statuer dans un délai de cinq jours. La chambre de l’instruction doit statuer soit dans un délai de quinze jours, soit dans un délai de vingt jours, si ma mémoire est bonne, lorsque l’intéressé demande une comparution.

En matière de rétention de sûreté, le délai de trois mois pour qu’il soit statué sur la demande d’y mettre fin nous semble trop long.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Il est quand même plus cohérent que la commission régionale qui a prononcé la mesure de rétention soit compétente pour lever éventuellement cette mesure. Nous restons dans la même logique qui consiste à ne pas judiciariser une mesure de sûreté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels ou de coordination de la commission, nos 16 à 17.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Dans la logique de notre constante position, nous demandons que soient supprimées la possibilité d’un placement sous surveillance électronique et celle d’une injonction de soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Avis également défavorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission d’un amendement de coordination n° 19 et d’un amendement rédactionnel n° 20.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 85.

M. Dominique Raimbourg. Il est défendu.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86.

M. Dominique Raimbourg. Défendu.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à deux amendements de la commission, nos 21 et 22.

Peut-être pourriez-vous les soutenir ensemble, monsieur le rapporteur.

M. Georges Fenech, rapporteur. Ces amendements sont défendus, monsieur le président.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement.

Je vais mettre aux voix successivement les amendements nos 21 et 22.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Car amendement vise à supprimer l’alinéa 34 de l’article 1er, qui prévoit que les modalités de restriction des droits d’une personne retenue sont déterminées par décret. Il nous semble que les restrictions aux libertés d’une personne qui n’est pas condamnée – puisque, dans le cas présent, elle est retenue alors qu’elle n’a rien fait – doivent être prévues par la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 23.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission d'un amendement de précision n° 24 et d'un amendement de coordination n° 25.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

M. Dominique Raimbourg. Défendu.

M. le président. Avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de précision n° 26 et d’un amendement de cohérence n° 27 de la commission, sur lesquels le Gouvernement émet un avis favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 89.

M. Dominique Raimbourg. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 90.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à ce que la durée de la condamnation initiale ne puisse être prolongée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission d’un amendement de coordination n° 28 et d’un amendement de cohérence rédactionnelle n° 29 rectifié, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre aux voix successivement.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 91 rectifié et 92 tombent.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 93.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Toujours selon la même logique, cet amendement vise à limiter les possibilités de prolongation d’une mesure privative de liberté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 30 de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de cohérence n° 96 de M. Blisko.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Par cohérence également.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de clarification rédactionnelle, n° 31, de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 32.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet en réponse à Mme Guigou.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe d’ores et déjà qu’à la demande du Gouvernement, les articles 3 à 11 sont réservés jusqu’après l’examen de l’article 12.

La réserve est de droit.

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 70 rectifié portant article additionnel après l’article 1er n’a plus d’objet.

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi d'un amendement n° 97.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Le premier alinéa de cet article soulève le problème important de l’obligation de soins en détention, mais sans le résoudre,. De plus, cette question de l’obligation de soins ne se pose pas avec l’acuité qui a été évoquée aujourd’hui, mais de façon indirecte car, comme l’ensemble des citoyens de ce pays, le condamné n’est pas soumis à une obligation de soins : il peut faire l’objet d’une pression, comme des citoyens libres à qui on essaie d’imposer des examens médicaux.

L’amendement n° 97 vise donc à supprimer l’alinéa 1 l’article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de cohérence, n°s 33 et 34, de la commission, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 98.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le défendre.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement de repli propose d’insérer, à l’alinéa 1 de l’article, après le mot « peines », les mots « sur avis médical ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 100 rectifié.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à supprimer une disposition qui, selon nous, aboutit à une réduction automatique du crédit de peine. La réduction du crédit de peine doit être examinée à chaque fois par le juge d’application des peines, car toute mesure automatique nuit à la réinsertion de l’intéressé. Voilà pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Les bonnes choses ne peuvent durer trop longtemps ! (Sourires.)

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 99.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à réserver au détenu à qui l’on a prescrit un traitement la possibilité de contester son utilité. Il est soumis à une obligation de soins, mais encore faut-il que ces soins soient appropriés à son état.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

M. le président. Les articles 3 à 11 ayant été réservés, nous en venons à l’article 12.

Je suis saisi de deux amendements, nos 68 et 57, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 68.

Mme la garde des sceaux. Cet amendement pallie une faille du dispositif de rétention de sûreté qu’avait signalée M. Fenech à la page 33 de son rapport. Son observation paraissant parfaitement justifiée, nous avons décidé de remédier à cette lacune du texte. Ce qui compte, c’est la dangerosité de la personne au moment de sa libération. Pour les condamnations prononcées avant cette loi, les cours d’assises n’auront évidemment pas pu prévoir que le condamné pourrait être placé dans un centre fermé s’il restait très dangereux au moment de sa libération, puisqu’il s’agit d’une nouveauté créée dans le cadre de ce texte. L’opinion publique ne comprendrait pas que deux détenus présentant un même degré de dangerosité ne soient pas traités de la même façon, que l’un soit libéré et pas l’autre, celui-ci ayant été condamné plus tard et la cour d’assises ayant expressément prévu, dans son cas, la possibilité d’une rétention de sûreté. Cette mesure respecte les exigences constitutionnelles et celles de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Gouvernement a examiné la question avec soin. L’extension du dispositif à des personnes actuellement détenues pose deux problèmes distincts.

Le premier est celui de l’application rétroactive de la mesure. J’ai déjà eu l’occasion de préciser que le Conseil constitutionnel considère que la question de la rétroactivité ne se pose pas pour les mesures de sûreté. J’ai d’ailleurs cité, dans ma présentation du texte et dans ma réponse à la discussion générale, les décisions du Conseil constitutionnel qui rappelaient ce principe. Ces mesures doivent au contraire s’appliquer immédiatement et de façon égale pour tous les condamnés qui répondent aux critères définis par la loi et qui présentent une dangerosité extrême.

En second lieu, le principe selon lequel la privation de liberté doit résulter d’un jugement est certes inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme, mais, dans un arrêt du 27 mai 1997 – Eriksen contre Norvège –, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la privation de liberté devait avoir un lien de causalité avec la condamnation. Or, lorsqu’une personne a été condamnée pour des faits d’une particulière barbarie, tels que des meurtres ou des viols en série, il me semble qu’il existe un lien évident entre l’examen de sa dangerosité, à la fin de la peine, et la condamnation initiale. C’est le raisonnement qu’a tenu l’Allemagne en 2004 : les Allemands n’exigent plus que le jugement prévoie la possibilité d’une détention de sûreté en fin de peine. La dangerosité du condamné et la nécessité d’une mesure de sûreté à son égard peuvent parfaitement découler de sa condamnation, même sans qu’elle le prévoie expressément. Ce principe, nous devons donc l’appliquer aux meurtriers et aux violeurs en série. Il doit être possible d’examiner leur dangerosité à la fin de leur peine.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 57.

M. Georges Fenech, rapporteur. Je retire l’amendement n° 57, puisqu’il est repris dans l’amendement du Gouvernement, auquel la commission est favorable, considérant qu’une application immédiate de la mesure semble constitutionnellement possible. Une mesure de sûreté n’ayant pas, je le répète, la nature d’une peine, elle peut s’appliquer sans rétroactivité à une personne condamnée pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

M. le président. L’amendement n° 57 est retiré.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous prenons connaissance à l’instant de l’amendement n° 68 et de son exposé sommaire. Nous ne contestons pas au Gouvernement le droit de le présenter à ce moment du débat. Mais, tout de même, n’est-ce pas là pousser un peu loin ? Ce texte et cet amendement feront débat : peut-être pas à l’Assemblée – il est trop tard – mais au Sénat et, je l’espère, au Conseil constitutionnel. En tout cas, je ne voudrais pas qu’il fasse débat à la Cour européenne des droits de l’homme, car je ne souhaite pas que nous nous illustrions une fois de plus par notre non-respect des règles.

Les observations formulées tout à l’heure sur la question des mineurs de quinze ans sont tout aussi graves. Car c’est la loi pénale et la loi de procédure pénale qui fixent ces critères, et c’est pourquoi nous les utilisons. C’est nous qui faisons la loi pénale et la loi de procédure pénale, en suivant des principes que – vous ne pouvez pas le contester – vous êtes en train de modifier. La rétention de sécurité s’apparente à une peine, puisqu’elle entraîne une privation de liberté. Cette privation de liberté relève-t-elle de la mesure de sûreté ou de la peine ? Il faudra répondre à cette question, qui ne sera pas réglée par le vote de la présente loi.

On nous a dit d’autre part que cette privation de liberté visait à prévenir la récidive. Il s’agit là d’une nouveauté dans la loi pénale et dans la loi de procédure pénale : nous n’en avions jamais entendu parler.

Notre collègue Jean-Frédéric Poisson a tenu tout à l’heure des propos qu’un juriste ne peut accepter : il a soutenu que, dans le doute, il conviendrait de décider la rétention de sûreté. Je demande que mes propos soient bien enregistrés : c’est la première fois que le doute conduirait à une privation de liberté, alors que nous sommes toujours dans l’application de la loi pénale et de la loi de procédure pénale.

Mme la garde des sceaux a parlé du principe de précaution. Le terme est précis et illustre parfaitement sa volonté, mais, en matière de loi pénale et de loi de procédure pénale, c’est une nouveauté de plus.

La dernière des nouveautés vient de surgir : c’est la rétroactivité. Je sais bien que les décisions du Conseil constitutionnel, les avis du Conseil d’État – celui-ci vous a pourtant contraints à prononcer la décision dans le cadre du jugement et non pas au terme de la peine – ou les décisions de la Cour européenne ne sont pas dénuées de subtilités. Toutefois, c’est la première fois qu’est introduite dans notre droit la rétroactivité de dispositions pénales plus sévères.

Encore les conditions dans lesquelles elles seront appliquées à l’avenir ne sont pas celles que vous mettez en œuvre. Vous précisez en effet qu’elles seront « applicables aux personnes condamnées avant la publication de la loi et exécutant une peine privative de liberté à la date du 1er septembre 2008 ». Pourquoi cette date ? Pourquoi pas le 30 août ? Pourquoi pas le 15 août ? Pourquoi pas le 1er juillet ? Il faudrait répondre à ces questions, madame la garde des sceaux. Il faudrait dire les choses, il faudrait avouer. Pourquoi le 1er septembre 2008 ? Pensez-vous que le choix de cette date va atténuer la validité – ou la non-validité – de ces dispositions ? Je ne le crois pas. Il faut que vous disiez pourquoi vous choisissez cette date et que vous l’expliquiez, surtout, à ceux qui auront été condamnés avant.

Jusqu’à présent, la loi pénale et la loi de procédure pénale posaient comme principe que la rétroactivité n’est possible que si elle sert l’intérêt de la personne concernée – c’était, en tout cas, l’appréciation que faisaient les juridictions. Force est de constater que, pour la première fois, on utilise aujourd’hui la rétroactivité dans une loi de procédure pénale, qu’on la fait appliquer selon un calendrier parfaitement inexplicable – et qui devra pourtant être justifié devant le juge constitutionnel : je vous rappelle, à cet égard, le cas du dispositif sur les successions que nous avons voté cet été.

M. le président. Pourriez-vous conclure, mon cher collègue ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, les conditions d’application de la loi pendant la période transitoire ne sont pas conformes au dispositif que vous mettez en place, puisque toutes les personnes ayant été condamnées par une juridiction qui n’a pas proposé la rétention au moment du prononcé de la sentence ne seront pas concernées par la rétroactivité. Nous contestons donc cette rétroactivité et voterons contre l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je voudrais faire cinq observations pour prolonger la réflexion de mon collègue.

C’est à une heure moins vingt du matin que nous allons statuer sur la rétroactivité d’une loi pénale plus sévère. On peut qualifier cette rétention de mesure de sûreté : il n’en reste pas moins que c’est un enfermement avec application rétroactive d’une mesure pénale plus sévère, ce qui constitue une première dans notre droit.

Nous disions que ce mécanisme risquait de tous nous happer : nous avons là la preuve que cette crainte était fondée.

La rétroactivité que vous proposez est extrêmement forte, puisqu’elle concerne des faits commis et des condamnations prononcées avant la promulgation de la loi. Elle est donc double. Je veux bien me plier aux recommandations de notre président, adopter un ton modéré et ne pas qualifier ce texte comme le flot de mon éloquence pourrait m’y inciter, mais il faut bien reconnaître qu’il est vraiment extraordinaire et que cette disposition est phénoménale.

Ce texte va introduire une extrême complexité technique. Il concerne des faits commis sur les mineurs de dix-huit ans. En droit pénal, la minorité est généralement fixée à quinze ans. On invente donc une notion nouvelle. Les cours d’assises vont être obligées de préciser si les faits ont été commis sur un mineur de quinze ans ou sur un mineur de dix-huit ans. Dans certains cas – notamment des viols, qui peuvent avoir été commis pendant plusieurs années par une personne de l’entourage de la victime –, vous allez compliquer à l’extrême la tâche du magistrat instructeur et celle des cours d’assises. Techniquement, la rétroactivité ne sera possible qu’en cas de crime aggravé parce qu’il y aura eu plusieurs condamnations ou plusieurs victimes : ces conditions d’aggravation ne sont pas celles habituellement retenues. Nous sommes donc en présence d’une complication du droit extrêmement importante. Je crains que plus personne ne soit à même de s’y retrouver.

Enfin, le droit pénal est une règle sociale qui vaut pour tous : lorsque l’on est condamné pour des faits, c’est en application de la règle qui était en vigueur au moment où on les a commis. Le droit pénal s’adresse à des hommes que l’on veut responsables.

Il est bien tard pour être grandiloquent et j’ai parfaitement entendu vos recommandations : permettez-moi cependant de dire que modifier la règle après la commission des faits est une erreur profonde, et je ne crois pas que vous fassiez ainsi avancer la démocratie. Nous nous élevons contre ces mesures et appelons à leur rejet.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Cet article et cet amendement sont extrêmement importants. Certes, ce sont les fondements même de ce projet de loi que nous contestons. Il repose en effet sur une conception qui ne peut pas être la nôtre, qui consiste à condamner une personne à une peine judiciaire en l’absence de fait ou d’acte nouveau commis, sur la simple foi d’une dangerosité virtuelle dont nous ne savons pas comment elle s’apprécie. Il s’agit d’une violation d’un principe fondamental qui s’appuie sur une philosophie connue de tous les traités de droit pénaux, la philosophie positiviste, puisqu’il nous est proposé de se fonder non pas sur les faits mais sur ce qu’est une personne ou sur ce qu’elle est susceptible de faire. Une telle philosophie est en elle-même inacceptable, comme le sont les conséquences qui en découlent. Mais de surcroît, vous proposez une rétroactivité de la loi, ce qui est totalement proscrit en droit pénal.

M. Fenech nous oppose que la rétention n’est pas une peine mais une mesure de sûreté. Nous contestons formellement cette affirmation.

M. Serge Blisko. Bien sûr !

Mme Élisabeth Guigou. Pour nous, il s’agit bien d’une peine. D’ailleurs, si ce n’était pas une peine, pourquoi auriez-vous pris la précaution d’ajouter par rapport à l’avant-projet, à l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, que c’est une juridiction qui doit expressément prévoir dans sa décision le réexamen de la situation de la personne, ou d’écrire dans l’article 1er que la décision de rétention prévue quinze ans après devait être prononcée dès le début de la peine ? Vous instituez la rétroactivité d’une peine que vous avez vous-même qualifiée dans l’article 1er.

Mais il y a pire : la rédaction de ce texte, pourtant très important, est incohérente. L’alinéa 2 de l’amendement précise en effet que les dispositions de l’article 1er sont applicables aux personnes condamnées avant la publication de la loi. Dès lors, les dispositions que vous avez vous-même insérées dans l’article 1er ne peuvent pas s’appliquer puisque le juge n’aura pas pu prononcer la peine de rétention de sûreté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Élisabeth Guigou. Ainsi, non seulement vous violez deux principes fondamentaux qui sont dans notre droit depuis la Révolution française – on ne peut pas être condamné si on n’a pas commis un fait nouveau supplémentaire, la loi pénale ne peut pas être rétroactive – mais, en plus, le Gouvernement dément, dans un amendement, sa propre rédaction de l’article 1er.

Je trouve que cela fait beaucoup ! Espérons que le juge constitutionnel jugera cette disposition inconstitutionnelle, en même temps qu’anticonventionnelle, d’ailleurs, par rapport à nos engagements internationaux.

J’ajoute que l’argument de l’Allemagne ne tient pas parce qu’aucun recours n’a jamais été déposé devant la Cour de justice européenne sur le dispositif allemand. Mais peut-être cela donnera-t-il quelques idées à nos amis allemands par rapport à leur propre dispositif, d’ailleurs largement discuté chez eux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Tout d’abord, il convient de rappeler que le droit est fondé sur un certain nombre de mesures de bon sens. Mettre en place un système qui ne s’appliquerait que dans quinze ans alors que nous savons, et que le texte que nous allons adopter constate, qu’il y a des individus très dangereux serait totalement incohérent.

Faisons un peu de droit. Vous contestez le fait que ce que nous proposons soit une mesure de sûreté. Je vous rappelle qu’il existe des mesures de sûreté en milieu ouvert et des mesures de sûreté en milieu fermé – la différence est acquise – et le système d’application n’est pas du tout le même. Là, nous sommes en présence d’une mesure de sûreté en milieu fermé. À la culpabilité correspond la peine : la juridiction constate qu’un individu a commis des faits et le condamne en fonction de leur gravité et de sa personnalité, à une certaine peine. À l’état de dangerosité correspond la mesure de sûreté : c’est très important, et c’est ce que vous n’avez pas compris.

Mme Élisabeth Guigou. Nous ne pouvons pas le comprendre !

M. Jean-Paul Garraud. Cette distinction s’inscrit dans une évolution du droit dans laquelle nous nous sommes engagés depuis déjà des années, notamment depuis le 12 décembre 2005 avec l’institution du bracelet électronique mobile.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il concerne l’exécution des peines.

M. Jean-Paul Garraud. Cette évolution est notable parce que nous ne sommes plus dans le même système. Et c’est cette nouvelle logique qui nous guide en ce qui concerne la rétroactivité, ou la mesure de sûreté à durée indéterminée mais révisable. Le droit n’est pas figé. Nous sommes là justement pour le faire évoluer. Vous contestez cette évolution mais je vous fais remarquer que les principes sont respectés puisque la mesure de sûreté en milieu fermé à durée indéterminée sera révisable tous les ans. À tout moment, l’individu qui fait l’objet de cette mesure de sûreté pourra saisir la commission pour qu’elle tranche. Et je rappelle qu’en bout de parcours, c’est quand même la Cour de cassation qui pourra être saisie d’un pourvoi sur le placement en rétention de sûreté. Nous évoluons donc, dans le respect des principes, car nous ne sommes plus au xixe siècle, Dieu merci !

Au lieu d’entretenir la confusion intentionnellement, ou du fait d’une mauvaise information, ou par peur de je ne sais quoi…

M. Serge Blisko. Ce qu’on entend nous fait peur, en effet.

M. Jean-Paul Garraud. …reconnaissez que le système évolue et que nous sommes engagés dans un mouvement. Nous allons au bout de cette logique. Il aurait été totalement anormal de nous arrêter en cours de route. Le bracelet électronique mobile est une mesure très importante mais insuffisante pour un certain nombre d’individus très dangereux. Le principe de la mesure de sûreté en milieu fermé sera institué en France, comme il l’est dans d’autres pays de l’Union sans que, je le répète, la Cour européenne des droits de l’homme l’ait jamais condamné.

M. le président. Le débat a été suffisamment éclairant, et nous allons passer au vote.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le président, je souhaite répondre aux arguments que vient d’avancer M. Garraud.

M. le président. Madame Guigou, je vous ai déjà donné la parole. Trois orateurs se sont exprimés au nom du groupe socialiste, un orateur au nom de la majorité. Nous ne pouvons pas prolonger la discussion indéfiniment. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Élisabeth Guigou. D’autres arguments ont été avancés, auxquels il faut répondre.

M. le président. Non, madame, ce n’est pas possible.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous avez raison, monsieur le président, appliquez le règlement de l’Assemblée.

M. Serge Blisko. Rappel au règlement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour un rappel au règlement.

M. Serge Blisko. Nous ne sommes pas là pour retarder les débats ou jouer la montre. Nous avons d’ailleurs accepté, parce que cela nous semblait répondre à une logique politique, que cet article additionnel après l’article 12 soit discuté à la suite des articles 1er et 2.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous discutons d’un simple amendement, non d’un article additionnel !

M. Serge Blisko. Néanmoins, nous émettons les plus grandes réserves, que vous pouvez comprendre parce que nous sommes tous des parlementaires avertis, sur ces modifications profondes qui sont introduites par le biais d’un amendement portant article additionnel. Vous savez à quel point ce procédé est désagréable puisqu’il ne permet pas la discussion.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous avez tout faux ! C’est un amendement à l’article 12 et il a été examiné en commission !

M. Serge Blisko. Pire encore qu’un cavalier, ce qui nous est proposé est une aggravation des articles 1er et 2, c’est un nouveau projet de loi qui a vu le jour depuis hier. Nous étions partis d’une mesure concernant des mineurs victimes de criminels récidivistes, nous sommes aujourd’hui confrontés à son extension à d’autres faits, d’autres personnes, et dans le temps…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. En tout cas, vous, vous n’êtes pas dans le cadre d’un rappel au règlement !

M. Serge Blisko. Je voulais simplement faire remarquer, monsieur Warsmann, que nous étions entrés dans un tout autre débat, politique celui-là. Il faut dire que vous vous êtes fait taper sur les doigts une première fois par le Conseil d’État qui vous a rappelé que la loi pénale ne pouvait pas être rétroactive – ce que savent tous les étudiants en droit de première année qui n’ont pas encore eu la chance de vous avoir pour professeur, monsieur Garraud.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Serge Blisko. Mon rappel au règlement a pour but de demander, monsieur le président, que la discussion puisse se poursuivre encore quelques minutes pour laisser Mme Guigou répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Non, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. Cela ne prendra que cinq minutes. Le Gouvernement s’exprime quand il veut et il ne me revient pas de dire au président quand il doit donner la parole. Néanmoins, je crois que, face à la modification substantielle qui nous est proposée, les droits de l’opposition seraient tout à fait respectés, monsieur le président, si vous nous redonniez la parole pour répondre aux propos de M. Garraud. Celui-ci a quand même dit que le droit évoluait, que nous n’étions plus au xixe siècle…

M. Jean-Paul Garraud. Je m’exprime, j’en ai le droit !

M. Serge Blisko. Il nous a fait sortir du champ du projet de loi.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est inexact !

M. Serge Blisko. Il nous a parlé d’une évolution très importante, qui serait la rétroactivité de la loi pénale. Je pense que cela mérite quelques minutes supplémentaires de discussion.

M. le président. Monsieur Blisko, votre groupe s’est largement exprimé.

M. Serge Blisko. Pas sur ce point !

M. le président. Mme la garde des sceaux a présenté longuement l’amendement. M. Garraud s’est exprimé au nom de son groupe, comme il en a le droit. L’Assemblée est donc parfaitement éclairée et nous allons passer au vote.

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement n° 68.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans l’intérêt bien compris de la suite de nos débats, je souhaite que le questionnement au Gouvernement soit réitéré sur l’amendement et l’article qui viennent d’être adoptés. Mme la garde des sceaux doit éclairer la représentation nationale sur les conditions dans lesquelles elle considère compatible avec les fondements du droit et la Constitution le fait qu’un article adopté par l’Assemblée prévoie que des personnes puissent se voir appliquer une loi qui n’existait pas lors de la commission des faits pour lesquels elles ont été condamnées. La première partie de l’amendement dispose en effet que ces dispositions seront « immédiatement applicables aux personnes faisant l’objet d’une condamnation prononcée après la publication de la présente loi, y compris pour des faits commis avant cette publication ». Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous dire dans quelles conditions quelqu’un peut subir une mesure de sûreté alors que cette mesure n’existait pas lorsque les faits qui lui sont reprochés ont été commis.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le Gouvernement a déjà répondu : il n’a pas à radoter !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, il a été déjà été répondu à votre question par anticipation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vérifierai dans le Journal officiel.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’une heure parce que vous êtes en train de saborder le débat. Avant même que Mme la ministre ait pu s’exprimer, vous nous dites qu’elle a déjà répondu. Demander au garde des sceaux, quelle que soit l’heure, quel que soit le texte, des explications sur l’apparition d’une rétroactivité de la loi pénale ne me paraît pas un crime de lèse-majesté.

Sans doute avez-vous d’autres choses à faire, monsieur le président, avec un emploi du temps chargé et de nombreuses de fêtes et cérémonies en ce mois de janvier, mais ce n’est pas une excuse pour ne pas mener ce débat dans des conditions normales vis-à-vis d’une représentation parlementaire de l’opposition réduite. Mathématiquement, avec quatre députés, celle-ci ne peut pas s’exprimer plus de vingt minutes sur des questions aussi fondamentales. Vous voulez expédier en quelques minutes la violation de principes généraux du droit ?

M. Michel Hunault. Ce n’est pas notre faute si vous n’êtes que quatre !

M. Serge Blisko. Libre à vous de vouloir travailler ainsi, monsieur Hunault. Pour ma part, je pense que vous êtes en train de saborder totalement ce projet de loi.

Ce qu’il en restera, c’est que vous aurez fait passer aux forceps un texte qui représente un recul effrayant sur les principes élémentaires de l’État de droit. Je demande une suspension de séance d’une heure, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Blisko, ni la présidence ni le Gouvernement ni la majorité ne sont responsables de la maigre présence de l’opposition dans l’hémicycle. Tous ceux qui ont voulu s’exprimer ont pu le faire, et très largement.

M. Serge Blisko. Nous voulons nous exprimer sur le fond !

M. le président. Il faut tout de même respecter un minimum de règles.

Mme la garde des sceaux m’a demandé la parole, je la lui donne.

Mme la garde des sceaux. Je reprends les arguments que j’ai déjà développés : le Conseil constitutionnel, dans cinq décisions que j’ai citées lors de la discussion générale, écarte la question de la rétroactivité s’agissant des mesures de sûreté, lesquelles doivent s’appliquer immédiatement et de façon égale à tous les condamnés qui répondent aux critères fixés par la loi et présentent une même dangerosité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Y compris pour les faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi ?

Mme la garde des sceaux. Bien sûr, puisqu’il s’agit d’une mesure de sûreté…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien ! Vous prenez vos responsabilités !

M. Jean-Paul Garraud. Encore faut-il savoir, messieurs, ce qu’est une mesure de sûreté !

Mme la garde des sceaux. …et « dès lors que le législateur a pu, sans méconnaître l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, prévoir son application à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi », selon la décision du Conseil constitutionnel de 2005. Les autres décisions que j’ai citées datent de 1978, 1986, 1994, 2004 et 2005.

M. Serge Blisko. Je maintiens ma demande de suspension de séance d’une heure : c’est trop grave !

M. le président. M. Blisko maintient sa demande de suspension de séance d’une heure et moi, je lui accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le jeudi 10 janvier 2008 à une heure, est reprise à une heure cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (précédemment réservé)

M. le président. Nous en revenons aux articles précédemment réservés, et abordons ainsi les dispositions relatives à l’irresponsabilité pénale.

Sur l’article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre de la santé, à cet instant de notre discussion, j’aimerais faire écho aux propos que je tenais à la tribune, lors de la discussion générale, sur les conséquences que peuvent avoir les sorties de centres ou d’unités pour malades difficiles.

La loi de 1990 prévoit les « modes de sortie » des irresponsables pénaux. Elle est assez claire puisqu’elle précise que « la décision de sortie définitive relève du préfet, à la demande du psychiatre, de la commission des hospitalisations psychiatriques, du président du TGI qui se saisit d’office ou à la suite d’une requête présentée par toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade ».

La même loi stipule ensuite : « En ce qui concerne les personnes en hospitalisation sur demande de la justice, la sortie ne peut être envisagée qu’après avis de deux psychiatres n’exerçant pas dans l’établissement et choisis par le préfet sur une liste d’experts. »

En pratique, l’auteur des faits, placé en hôpital psychiatrique, peut faire l’objet d’une sortie de son établissement, la décision étant prise après avis médical. À sa sortie, bien que les médecins prescrivent un traitement à ces personnes, il arrive qu’elles cessent de le suivre, parfois intentionnellement, et qu’elles commettent ensuite à nouveau des actes similaires à ceux qui furent à l’origine de leur placement.

Il est donc indispensable qu’un strict suivi médical et judiciaire de ces personnes sorties de leur centre psychiatrique soit mis en place, que les « remises en liberté » soient décidées non seulement par des médecins experts, comme c’est le cas aujourd’hui, mais également par le juge. Le sort des criminels déclarés irresponsables pénalement ne peut en aucun cas dépendre d’un seul avis médical, dût-il émaner d’un collège d’experts.

Je souhaiterais donc que le Gouvernement s’engage à lancer une réflexion sur la possibilité de mieux encadrer ces sorties afin qu’elles puissent se faire en concertation entre le corps médical et l’autorité judiciaire et que, en tout état de cause, la justice puisse suivre le parcours des auteurs des faits, permettant ainsi aux familles d’être informées.

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Je veux dire, madame la ministre, à quel point l’article 3 est important. Il rend hommage aux victimes et à leurs familles, qui se battent depuis des années pour mettre fin à une situation dont elles ont profondément souffert : la non-reconnaissance, voire la négation, des actes criminels commis par des malades psychiatriques.

Remplacer, comme nous allons le faire, les ordonnances de non-lieu prononcées sans audience ni débat par des ordonnances d’irresponsabilité pénale, c’est reconnaître que les faits ont bien été commis, par un auteur identifié, coupable mais pas responsable : les familles n’en demandaient pas davantage. C’est pour obtenir cette simple reconnaissance que se battent, dans ma circonscription, Michel et Françoise, ici présents ce soir, dont le père, Germain Trabuc, a été assassiné en 2004 à l’âge de quatre-vingts ans, à coups de hache, par un malade.

Il s’agit aussi, comme vient de le souligner M. Jeanneteau, de mettre fin à l’angoisse qui s’empare des familles à la pensée de la sortie de l’hospitalisation d’office. Maire d’une commune comprenant un hôpital psychiatrique, je sais que la sortie dépend souvent de la décision d’un seul homme. C’est une lourde responsabilité pour lui comme pour la société tout entière. Quand, comment, pourquoi l’auteur des faits pourra-t-il sortir, provisoirement – comme l’assassin de Germain Trabuc – ou définitivement ? Telles sont les questions que se posent les familles. Nous devons les rassurer en soumettant la décision de sortie aux exigences de transparence et de concertation entre plusieurs médecins.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Nous partageons le sentiment de Mme Martinez quant aux difficultés que posent les troubles psychiatriques et nous regrettons que le texte n’ait pu être débattu en présence de Mme la ministre de la santé,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Elle est là !

M. Dominique Raimbourg. …ce qui aurait permis d’approfondir ces questions, étroitement liées au problème de la maladie mentale. À l’évidence, la sortie de l’hospitalisation d’office des malades atteints de troubles psychiatriques ne fait pas l’objet d’un suivi suffisant.

Quant au fond, l’article 3 modifie la façon dont sont rendues les ordonnances de non-lieu pour irresponsabilité pénale, lesquelles – nous l’avons dit hier – sont relativement peu nombreuses : 230 à 250 par an, contre près de 10 000 décisions de classement sans suite pour troubles mentaux. Avec ce texte, nous nous attaquons donc à un seul aspect de la question.

Ensuite, il s’agit, en grande partie, d’une question de présentation et de recueil de la position de la victime. Si une circulaire ou une simple mesure législative avait prévu l’obligation pour le magistrat instructeur de présenter l’information à la victime, avant la notification de l’article 175 ou du non-lieu, la situation serait bien différente. Nous ne serions pas obligés de modifier une procédure dont nous comprenons le bien-fondé mais dont nous n’approuvons pas les modalités techniques.

Mais je m’aperçois que Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports nous a rejoints, ce dont je me réjouis particulièrement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 3 a pour objet d’améliorer le plus possible les conditions dans lesquelles les familles découvrent une réalité judiciaire qui s’impose à elles : la déclaration d’irresponsabilité.

Avant même mes activités parlementaires, au cours d’une vie professionnelle que j’évoque rarement, je n’ai jamais considéré que la justice pouvait, de quelque manière que ce soit, calmer la souffrance de ceux qui avaient perdu un être cher dans des circonstances extrêmement douloureuses. Comme tous les professionnels, j’ai pu mesurer, au lendemain d’une condamnation parfois lourde, le vide dans lequel se trouvent les familles des victimes confrontées à cette incommensurable douleur. Il me paraît fondamental que le processus judiciaire soit le plus attentif possible à ce drame humain.

En la matière, le droit a mis beaucoup de temps à progresser. Nous devons à Robert Badinter l’introduction dans la loi et dans le processus judiciaire de mesures visant à prendre en compte la situation des victimes. Des dispositifs successifs ont ainsi été mis en place, notamment afin de leur rendre la procédure plus accessible. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous rappeler – nul besoin d’être un vieillard – que des faits aujourd’hui passibles de la cour d’assises ne relevaient autrefois que de la correctionnelle. On ne peut donc pas nier que, désormais, la gravité des faits est mieux prise en compte, et nous sommes favorables à cette évolution malgré ce qu’insinue la majorité depuis trois jours.

Mais, sur le fond, le problème reste entier. Comment améliorer la situation des victimes et de leurs familles ? Comment les placer au cœur du processus judiciaire, alors que ce n’est pas en leur nom que la justice est rendue et que la sanction est prononcée ? C’est le cœur du débat. Comment tenir compte de cette réalité ? Comment connaître les faits et décider de leur imputation sans pour autant modifier le sens du procès et de la sanction, qui n’est pas de satisfaire la victime ? La question est complexe. En voulant faire avancer les choses, ce qui est nécessaire, nous risquons en définitive de ne pas atteindre nos objectifs et de ne pas contenter les familles.

J’ai essayé d’imaginer comment se dérouleront les débats à la chambre d’instruction. Quand on va déclarer quelqu’un irresponsable pénalement, ce qui sous-entend que son état de discernement est totalement altéré – même si certaines situations appellent quelques nuances –, comment procéder à l’imputation, puisqu’on ne prononcera contre lui aucune sanction ?

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Un peu de courtoisie, monsieur le président ! Si ce que je dis manque d’intérêt, dites-le moi et je me rassiérai. Mais, dans le cas inverse, laissez-moi aller au bout de mon raisonnement !

M. le président. Allons ! Je vous demande simplement d’en venir à votre conclusion.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Oui, il faudrait être plus bref !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les règles du débat imposeront d’imputer les faits à une personne dénuée de discernement, mais autorisée à exercer tous les droits de la défense. La loi prévoit d’ailleurs que celle-ci soit obligatoirement assistée et puisse être représentée, ce qui est un peu incongru en termes de droit pénal. La solution que vous avez retenue, madame la garde des sceaux, pose problème : comment imaginer que quelqu’un dont l’irresponsabilité va être reconnue participe au débat sur l’imputabilité des faits ? En outre, quelles seront les conséquences d’une telle situation sur l’imputabilité des faits à des complices éventuels ? Nous devons poser ces questions, car certains pays ont retenu d’autres modalités, notamment en associant les victimes à la construction du constat d’irresponsabilité.

M. le président. Nous avons compris le message, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si on impute un fait à quelqu’un, on doit lui permettre d’exercer les droits de la défense, même si on ne le condamne pas, et même s’il n’est pas en mesure de se défendre lui-même. Je tenais à le souligner, mais nous reviendrons à ces explications lorsque nous défendrons nos amendements.

M. le président. Je vous ai laissé vous exprimer, monsieur Le Bouillonnec. Mais je vous rappelle au respect du règlement, qui limite le temps de parole à cinq minutes, ce qui est largement suffisant pour expliquer sa position.

La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Nous sommes extrêmement émus par le sort des victimes d’actes commis par des irresponsables mentaux et, comme vous, madame Martinez, nous avons en mémoire certains drames récents.

Depuis vingt-cinq ans, c’est-à-dire depuis que Robert Badinter a initié les premières politiques d’aide aux victimes en prévoyant leur présence au procès pénal, la loi n’a cessé d’être améliorée à cet égard. Je rappelle par exemple que celle du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence a instauré de nouveaux droits fondamentaux pour les victimes, qui, au cours d’un procès pénal, peuvent demander des expertises, des transports sur place ou des actes d’instruction, de sorte qu’elles ont acquis une place importante dans le procès.

Mais il faut veiller à ne pas dénaturer celui-ci. Je comprends la douleur des victimes, leur volonté d’obtenir des explications et le fait que le terme de non-lieu soit pour elles inacceptable. Mais il faut leur apporter les explications auxquelles elles peuvent prétendre – puisque les faits ont été commis – sans que soient piétinés les principes fondamentaux de notre État de droit. Or l’un d’eux précise que nul ne peut être jugé s’il n’est pas responsable de ses actes. C’est la Révolution, rappelons-le, qui a mis fin au jugement des personnes mentalement irresponsables.

Le projet de loi est certes moins inquiétant que ne l’était l’avant-projet. Mais il pose tout de même des problèmes de nature constitutionnelle.

Il est particulièrement troublant de remarquer que la procédure que vous prévoyez ressemble point pour point à celle de la cour d’assises. Or on doit éviter toute confusion entre l’une et l’autre, notamment en n’imposant pas la présence du malade mental au cours du procès public. Le dispositif que vous voulez mettre en place bafoue le principe de la présomption d’innocence, puisque la chambre de l’instruction sera compétente tant pour évaluer la responsabilité de la personne que pour examiner la manière dont les faits se sont déroulés. M. Le Bouillonnec a insisté à juste titre sur la notion fondamentale d’imputabilité. En chargeant la chambre de l’instruction de déterminer la responsabilité des auteurs présumés, et non pas seulement d’évaluer les charges retenues contre eux, le projet de loi identifie de manière frappante la chambre de l’instruction à une juridiction de jugement. Or c’est précisément la distinction entre ces deux juridictions, l’une d’instruction, l’autre de jugement, qui garantit la présomption d’innocence.

En outre, je doute que cette procédure apporte un réel réconfort aux victimes. La confrontation physique avec un malade mental auteur d’un crime n’apporte ni explication ni réparation. C’est un drame ajouté à un autre drame.

Enfin, je reconnais comme vous, monsieur Garraud, que le droit doit évoluer, mais il doit le faire dans le respect de certains principes fondamentaux. Jusqu’à présent, qu’il s’agisse de la loi Perben ou de la loi Clément de 2005, nous avons discuté des dispositions qui leur demeuraient fidèles. Ainsi, le recours au bracelet mobile n’était prévu que dans le cadre de l’exécution de la peine et dans la limite d’une réduction de sa durée. Ce texte est différent, puisqu’il piétine trois principes fondamentaux.

L’article 3 remet en cause le principe de la présomption d’innocence, issu de l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que tout homme est présumé innocent tant qu’il n’a pas été déclaré coupable.

Il tourne le dos à un deuxième principe, qui veut qu’on ne puisse imposer une peine sans qu’un acte ait été commis, prouvé et jugé.

M. le président. Madame Guigou…

Mme Élisabeth Guigou. Il bafoue enfin le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. Violer la présomption d’innocence, la nécessité d’un acte prouvé pour prononcer une peine et la non-rétroactivité de la loi pénale, voilà qui fait beaucoup pour un seul texte !

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je situerai mon intervention sur un autre plan que mes collègues juristes. Depuis l’Antiquité, on n’a jugé les irresponsables – disons les fous – qu’à de rares moments de l’histoire humaine, estimant qu’ils étaient déjà suffisamment punis par leur folie, qui les retranche du reste de la société, pour ne pas y ajouter une autre peine quand ils contrevenaient aux lois de la cité. Depuis deux cents ans, tout notre appareil judiciaire n’a fait que confirmer ce principe.

Une évolution est intervenue récemment, et nous pouvons nous interroger, en présence des deux ministres, sur les difficultés d’application de l’article 122-1 du code pénal. C’est dans la différence complexe entre l’abolition totale du discernement et son altération que réside la véritable difficulté, puisque c’est ce qui fait que des personnes malades peuvent ou non être condamnées. Sans rappeler tout ce qui a été dit à ce sujet depuis hier, il y a là un vrai problème.

Je ne conteste pas qu’il faille refuser le terme de non-lieu et je fais miennes les observations de mes collègues à ce sujet. Je pense par ailleurs que le sort des deux cents personnes qui bénéficient chaque année des dispositions relatives à l’abolition complète du discernement ne pose pas réellement problème. Leur sort est réglé, puisqu’elles sont hospitalisées d’office.

En revanche, j’éprouve une véritable angoisse en ce qui concerne toutes les personnes qui relèvent de l’atténuation de la responsabilité. Je pense, comme Jean-Paul Garraud, que les évolutions en ce domaine se font par le droit, mais aussi en fonction de la situation de la santé publique. Ainsi, alors que nous étions autrefois confrontés aux problèmes causés par l’alcool, nous devons aujourd’hui faire face au développement de drogues dures comme le crack, qui provoque des flashes meurtriers. Je pense aussi à ces impulsions subites souvent liées à des carences affectives éducationnelles que certains cherchent à compenser par la consommation de ces toxiques. Que disent alors les jeunes une fois qu’ils sont passés à l’acte : « Il m’a regardé, je n’ai pas supporté son regard, je n’ai pas aimé sa réflexion, je n’ai pas supporté qu’il existe ! ». L’autre est ainsi vécu comme extrêmement dangereux : la plupart des gens qui tuent, y compris les schizophrènes,le font parce qu’ils ont peur des autres et non parce qu’ils veulent tuer.

Nous sommes au cœur d’un profond débat anthropologique : sommes-nous sûrs qu’il n’y a pas plus de deux cents criminels incapables de distinguer le bien du mal – pour reprendre des termes simples qu’on entend beaucoup, en particulier dans certains pays ? En effet, celui qui sait distinguer le bien du mal, même après un moment de colère, peut être puni. Mais les personnes qui ne peuvent faire cette distinction n’y arriveront jamais, ou seulement après de très longues années de travail qui doivent commencer bien avant le centre de rétention. Il faut que nous soyons extrêmement attentifs à cette question.

M. le président. Monsieur Blisko, il faut conclure !

M. Serge Blisko. Je termine, monsieur le président, mais je souhaite profiter de la présence de Mme la ministre de la santé pour lui poser une question. Où en est-on à la suite du drame de Pau ? La communauté des hôpitaux psychiatriques – médecins, soignantes, infirmières – avait été très angoissée après un événement qui heureusement n’est pas courant, même si les agressions verbales ou physiques sont nombreuses.

Où en est-on du fameux plan de santé mentale mis en place par M. Douste-Blazy ? Après une période de lancement, j’ai le sentiment qu’il stagne un peu aujourd’hui et, en tant que président du premier hôpital psychiatrique de France, je connais le sujet.

M. le président. M. Blisko, votre temps de parole est écoulé !

M. Serge Blisko. Monsieur le président, je demande que les questions que je pose à Mme la ministre soient bien notées. Il est très important que la prévention ait lieu à l’intérieur et à l’extérieur des hôpitaux avec un système de santé publique plus efficace. Nous sommes souvent interpellés à ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur Blisko, vous m’interrogez légitimement sur la politique de santé mentale menée par le Gouvernement : il s’agit bien d’une de nos priorités. Le plan qui a été lancé par un de mes prédécesseurs, Philippe Douste-Blazy, est actuellement mis en œuvre et se poursuit à un rythme conforme à ce qui avait été initialement prévu. Aujourd’hui, 73 000 lits et places sont consacrés à la psychiatrie générale ; 63 000 infirmiers et près de 14 000 psychiatres participent à la prise en charge des malades mentaux. Le budget alloué aux établissements de santé psychiatrique dépasse les 8 milliards d’euros pour plus de 18 millions de journées d’hospitalisation.

J’ai souhaité faire de la santé mentale l’une de mes priorités et renforcer le plan élaboré par Philippe Douste-Blazy pour la période 2005-2008, en particulier sur la plupart des points que vous avez abordés. J’ai tenu compte des évolutions que vous avez soulignées, comme l’utilisation des cailloux de crack et ses effets dévastateurs sur la santé mentale des personnes qui les utilisent. Ce plan prévoit sur quatre ans près de 290 millions d’euros pour renforcer le fonctionnement des structures et 750 millions d’euros d’investissements pour moderniser plus de 342 structures de psychiatrie. Quant à la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles, elle fait l’objet d’un effort spécifique dont nous reparlerons lorsque nous aborderons le titre II de ce projet de loi, qui concerne plus spécifiquement mon ministère. La rémunération des médecins coordonnateurs sera substantiellement revalorisée : de 426 à 700 euros. J’ai tenu à ce que, dès cette année, des crédits soient consacrés à la création de nouveaux centres ressources pour les auteurs d’infractions sexuelles.

M. Serge Blisko. Merci pour votre réponse, madame la ministre.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 101 tendant à supprimer l’article 3.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le soutenir.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement de suppression se fonde sur le fait que les attentes des victimes auraient pu être satisfaites si la procédure classique avait été appliquée. Il aurait été possible de demander à chaque magistrat instructeur, avant de rendre une ordonnance de non-lieu, de s’en expliquer avec les victimes constituées parties civiles dans le dossier. Il leur aurait expliqué que sa décision ne signifie pas que les faits n’ont pas eu lieu mais qu’il n’y a pas lieu à poursuites eu égard à l’état mental de l’auteur des faits. Il aurait été ainsi possible de procéder à l’audition des victimes et éventuellement à une confrontation avec l’auteur des faits, pour autant que les victimes l’aient souhaité et que l’état de l’auteur l’ait permis. Nous aurions évité les importantes difficultés techniques auxquelles nous sommes confrontés dans ce dossier.

Nous sommes tous d’accord pour faire en sorte que le déroulement de la procédure pénale et l’établissement des faits permettent l’apaisement de la victime. Cette dernière doit pouvoir comprendre les faits et il faut favoriser le plus possible une cicatrisation que seul le temps est à même d’opérer.

Cet amendement n’est pas un amendement anti-victimes, mais une tentative pour faire appliquer la procédure classique afin de venir à bout des difficultés précédemment exposées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par la commission de quatre amendements rédactionnels ou de précision, nos 35 à 38, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision qui vise à réduire les délais.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 105.

La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le soutenir.

M. Jean Jacques Urvoas. Il nous semble que l’alinéa 12 de l’article 3 du projet de loi est contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui, dans son alinéa 3c, stipule que tout accusé a le droit de se défendre lui-même. Or, dans le texte qui nous est présenté, la comparution de la personne concernée devient l’exception, soumise à la discrétion du président de la chambre de l’instruction ou à la demande de la partie civile ou du ministère public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40.

M. Georges Fenech, rapporteur. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 102.

La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le soutenir.

Mme Élisabeth Guigou. L’amendement n° 102 a pour objet de revenir sur une disposition dont nous pensons qu’elle remet en cause la présomption d’innocence. Lorsque l’une des personnes mises en examen est susceptible de faire l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale, le projet prévoit une procédure devant la chambre de l'instruction calquée sur la procédure de la cour d’assises, le texte renvoyant expressément à cette dernière.

Nous souhaitons évidemment que les victimes puissent être éclairées sur tous les éléments du dossier et nous ne voyons pas d’objection à ce que cette procédure se déroule lors d'une audience publique où toutes les personnes concernées seraient entendues. Mais nous pensons que, pour bien la distinguer de celle de la cour d’assises, il faudrait s’inspirer davantage de la procédure de l’appel correctionnel et laisser au président une plus grande latitude. Il pourrait par exemple décider de la présence de la personne en état d’irresponsabilité pénale. Nous éviterions ainsi de porter atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence et nous réduirions le risque d’organiser un véritable préjugement incompatible avec les droits des mis en examen et tout particulièrement, comme l’a souligné M. Le Bouillonnec, avec ceux des coauteurs ou des complices de la personne irresponsable. En effet, pour leur part, ils ne sont pas irresponsables et ne doivent pas être préjugés lors d’une audience consacrée à l’irresponsabilité pénale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 41.

M. Georges Fenech, rapporteur. C’est un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous passons rapidement sur les amendements rédactionnels alors qu’ils ne sont pas nécessairement anodins. Tout bon député d’expérience conseille aux nouveaux élus de prendre garde à ces amendements et j’applique la consigne qui m’a été transmise par mes aînés. Ainsi l’amendement n° 42 améliore le texte pour ce qui concerne la procédure devant la chambre de l’instruction. La proposition relative à l’imputabilité : « si la personne a commis des faits », est remplacée par une formule beaucoup plus juste : « s’il existe des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis des faits. » Il s’agit là d’un progrès et j’en donne acte à Georges Fenech. Cette substitution permet en partie de décrocher du premier des risques que je citais tout à l’heure : évoquer la personne « qui a commis les faits » était caractéristique de l’accusation et devait avoir pour effet de conduire devant la chambre de l’accusation.

Je précise toutefois que cet amendement, comme les deux autres amendements rédactionnels, ne modifie en rien la procédure concernant l’imputabilité, laquelle amènera à examiner la réalité des faits et à voir s’ils ont bien été commis par la personne en question. La présence de cette personne serait donc nécessaire, elle devrait pouvoir participer à la procédure, mais cet exercice lui est impossible puisque tout l’objet de ce travail judiciaire est bien de désigner cette personne comme dénuée de tout libre arbitre, lequel est précisément la condition de la responsabilité.

Je constate que nous n’avons effectué, avec cet amendement rédactionnel, qu’une petite partie du chemin. Il faudra que le Sénat fasse encore quelques avancées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 43.

M. Georges Fenech, rapporteur. C’est un amendement de simplification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 66 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. L’amendement n° 66 rectifié procède à une très utile simplification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de la commission, nos 44 et 45, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 46 de la commission est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 47.

M. Georges Fenech, rapporteur. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 106.

La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour le soutenir.

M. Jean Jacques Urvoas. Au sein du titre Ier de ce projet de loi, l’article 3 se situe dans un chapitre intitulé « Dispositions applicables en cas d’irresponsabilité pénale en raison d’un trouble mental ». Je m’interroge en conséquence sur le fondement de l’alinéa 66, qui indique : « La méconnaissance par la personne qui en a fait l’objet des interdictions prévues par l’article 706-135 est punie, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. » Je ne comprends pas bien comment il est possible de mettre ainsi en cause la responsabilité pénale d’une personne déclarée irresponsable pénalement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. Serge Blisko et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faudrait nous expliquer pourquoi !

M. Georges Fenech, rapporteur. Un irresponsable pénal peut recouvrer sa lucidité à un moment ou un autre. Il sera donc possible de lui notifier à ce moment les mesures en question et il pourra alors être sanctionné en cas de violation de ses obligations.

M. Serge Blisko. Vous êtes spécieux, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. M. Fenech n’est pas spécieux et c’est un excellent rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tombe de l’arbre ! Le texte proposé pour l’article 706-138 du code de procédure pénale dispose, j’y reviens : « La méconnaissance par la personne qui en a fait l’objet des interdictions prévues par l’article 706-135 est punie, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. » Vous prévoyez donc une peine pour sanctionner le comportement d’une personne qui est considérée comme pénalement irresponsable.

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, lorsque l’infraction a été commise, son auteur était irresponsable, on ne peut donc pas envisager de le sanctionner pénalement. Ce qui compte, c’est l’état de ses facultés mentales lorsque l’infraction a été commise. Si son discernement est aboli au moment des faits, il ne peut pas être sanctionné pénalement, même a posteriori, une fois qu’il a recouvré ses facultés mentales. Il y a là une véritable contradiction !

M. Georges Fenech, rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Fenech, rapporteur. Pour que l’auteur de l’infraction puisse être sanctionné, il faut qu’une expertise atteste qu’il a recouvré ses facultés intellectuelles.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais les faits ont été commis alors qu’il était irresponsable !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, la personne qui est déclarée irresponsable pour des faits qu’elle a commis peut faire l’objet d’une hospitalisation d’office ou d’une autre mesure. Mais lorsqu’elle a recouvré ses facultés mentales, on lui notifie des mesures de sûreté. Si, par exemple, elle a tué un de ses voisins, on lui interdit de retourner dans son immeuble ou de détenir une arme. Si elle ne respecte pas ces interdictions, elle commet une infraction, mais celle-ci n’a rien à voir avec le fait initial.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Urvoas ?

M. Jean Jacques Urvoas. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 48.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 103, tendant à supprimer l’article 4.

M. Dominique Raimbourg. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements rédactionnels de la commission, nos 49 à 52 et n° 67, auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Nous entamons l’examen du titre II, relatif à la santé publique. L’article 5 a pour finalité de coordonner les dispositions du code de la santé publique relatives à l’hospitalisation d’office avec la nouvelle terminologie du code de procédure pénale.

L’article L. 3 213-7 du code de la santé publique permet aux autorités judiciaires d’aviser le représentant de l’État dans le département pour qu’il prenne, si nécessaire, une mesure d’hospitalisation d’office quand ces autorités judiciaires reconnaissent l’irresponsabilité pénale de la personne en application de l’alinéa 1 de l’article L. 122-1 du code pénal. S’il est établi qu’au moment des faits incriminés, la personne était atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, son irresponsabilité pénale est reconnue. L’article 5 a pour objet de tenir compte, dans le code de la santé publique, de la nouvelle procédure et des nouvelles décisions prises dans le cadre de ce projet de loi en ce qui concerne l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 5.

Je suis saisi d’un amendement n° 53.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 109.

La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le soutenir.

M. Paul Jeanneteau. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je demanderais volontiers à M. Jeanneteau de retirer sa proposition, car je vais lui opposer, à mon grand regret, un avis défavorable.

Le présent amendement vise à imposer que les personnes visées à l’article L. 3 213-7 du code de la santé publique relatif à l’hospitalisation d’office des personnes qui ont bénéficié d’une déclaration d’irresponsabilité, d’un non-lieu, d’une décision de relaxe ou d’un acquittement en application des dispositions de l’article 122-1 du code pénal soient obligatoirement hospitalisées dans une unité pour malades difficiles. Une telle disposition me paraît trop restrictive, car ces malades peuvent être accueillis, vu leur état psychiatrique et les indications thérapeutiques, dans d’autres unités fermées et sécurisées d’établissements psychiatriques de santé.

En outre, il est important de préciser que le statut des personnes concernées, régi par l’article L. 3 213-7 du code de la santé publique, prévoit des modalités renforcées pour la décision de fin d’hospitalisation d’office, laquelle ne peut être prononcée que sur avis concordant de deux experts psychiatres.

M. le président. Monsieur Jeannetau, retirez-vous votre amendement ?

M. Paul Jeanneteau. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 109 est retiré.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 53.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 6, je suis saisi d’un amendement n° 111.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Cet amendement a trait aux médecins coordonnateurs, pour le recrutement desquels nous rencontrons de grandes difficultés. Certes, Mme la garde des sceaux nous a rappelé qu’elle avait lancé un programme de recrutement pour le 1er mars 2008, comprenant également une amélioration de leur rémunération. Mais nous manquons d’environ 800 psychiatres dans le secteur public hospitalier, ce qui est très inquiétant compte tenu de l’augmentation de ce que l’on nomme, dans notre affreux jargon technocratique, la file active des malades psychiatriques.

Il nous semble donc que le Gouvernement prend un risque en limitant aux seuls psychiatres le rôle de médecin coordonnateur, rôle que des médecins généralistes, formés à cette fonction, pourraient parfaitement remplir. J’ajoute qu’un certain nombre de prisons sont implantées dans des lieux retirés, éloignés des structures hospitalo-universitaires. Je pense notamment à la centrale de Clairvaux ou à celle de Château-Thierry qui, bien qu’accueillant de nombreux malades psychiatriques, n’ont bénéficié pendant plusieurs mois que d’une vacation de psychiatre, un médecin venant de Reims une fois par semaine.

Il est donc urgent de prévoir la possibilité de confier le rôle de médecin coordonnateur à d’autres praticiens que les psychiatres, faute de quoi on en restera aux bonnes intentions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je ne suis pas favorable à cet amendement. Du reste, peut-être M. Blisko n’aurait-il pas le même avis en tant que médecin qu’en tant que parlementaire (Sourires.)

Cet amendement reviendrait à accorder à tous les médecins la possibilité d’exercer la fonction de médecin coordonnateur, ce qui n’est pas l’intention du Gouvernement. En l’état actuel du droit, les médecins non-psychiatres qui ont suivi une formation, dont le contenu doit être défini par arrêté ministériel, peuvent être médecins coordonnateurs. Cette souplesse, qui avait été jugée nécessaire en fonction de la démographie défavorable des psychiatres – que vous avez soulignée à juste titre –, est devenue contestable compte tenu des enjeux de l’injonction de soins, dont le champ a été largement étendu. Elle n’est en effet plus adaptée au regard de la diversité et de la gravité des infractions commises par les personnes relevant d’une injonction de soins.

De surcroît, le rôle de conseil des médecins coordonnateurs vis-à-vis des médecins traitants et, plus généralement, leur participation aux centres « ressources » supposent de réserver ce rôle à des médecins spécialistes du diagnostic et de la prise en charge des personnes ayant des troubles du comportement ou de la personnalité.

Je souhaite donc agir de deux façons. Tout d’abord, j’entends prendre des mesures de fond, qui ne relèvent pas du débat de ce soir, pour renforcer l’attractivité des métiers de la santé – nous aurons l’occasion d’en débattre au cours des mois à venir. Toutefois, un amendement de la commission des lois, qui me paraît particulièrement bienvenu, permet d’aménager une transition en autorisant les médecins qui ne sont pas psychiatres mais qui ont une expérience dans ce secteur à obtenir la labellisation de médecin coordonnateur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 54.

M. Georges Fenech, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Georges Fenech, rapporteur. Il s’agit de l’amendement que vient d’évoquer Mme la ministre concernant les médecins coordonnateurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 112 de M. Blisko. Peut-être pourriez-vous présenter en même temps votre amendement de repli n° 113, mon cher collègue.

M. Serge Blisko. Certainement, monsieur le président.

L’amendement n° 112 a trait à ce qu’il est convenu d’appeler la médecine en milieu pénitentiaire et, plus spécifiquement, à l’ambiguïté du rôle du médecin coordonnateur.

Je rappelle qu’à l’exception de quelques cas prévus dans le code de la santé publique, le secret médical revêt un caractère absolu et s’impose à tous, y compris au patient, qui ne peut délier le médecin de l’obligation de le respecter. Après vérification auprès de la commission déontologique du conseil de l’ordre des médecins, il apparaît que les alinéas 8 et 10 de l’article 6 sont de nature à entraîner des entorses au respect du secret médical.

Nous aimerions que le médecin coordonnateur soit plus qu’un simple coordonnateur de soins, c’est-à-dire qu’il ne se contente pas de rapporter que, d’après son médecin traitant, le patient a effectué toutes les séances de thérapie qui lui étaient prescrites. Sa formation – pointue, comme l’a souligné Mme Bachelot – devrait lui permettre de travailler de façon moins administrative et plus médicale.

Par ailleurs, je veux évoquer le rôle très délicat des praticiens qui dispensent des soins en milieu pénitentiaire. À la suite d’un certain nombre de scandales, une réforme a supprimé la médecine pénitentiaire en 1994, et il convient de saluer le difficile travail effectué par les médecins intervenant aujourd’hui en milieu pénitentiaire, que ce soit dans le cadre des UCSA ou de manière plus ponctuelle. Toute personne, même détenue, a droit au respect du secret médical. Certes, face à un patient suicidaire par exemple, le médecin doit alerter l’administration, mais j’aimerais que vous confirmiez qu’en aucune circonstance il n’est habilité à révéler des informations que le détenu n’aurait pas données, par exemple, au cours de l’instruction ou du procès.

L’article 6, plein d’ambiguïté, mériterait selon nous d’être réécrit. Nous proposons de supprimer ces deux alinéas, au moins provisoirement, en attendant qu’une concertation étroite avec les instances ordinales permette d’aboutir à une meilleure rédaction.

Pour ce qui est de l’amendement n° 113…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. De toute façon, nous sommes défavorables aux deux !

M. Serge Blisko. Cela ne m’étonne guère, car vous vous montrez effectivement très peu ouverts à nos propositions, monsieur le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je suis fidèle à la position de la commission.

M. Serge Blisko. Je n’en disconviens pas. L’amendement n° 113, de repli, prévoit que le condamné donne son consentement écrit à un échange d’informations entre médecins. La moindre affaire dans laquelle un détenu se retournerait contre un médecin en l’accusant d’avoir communiqué des éléments à tort prendrait, dans la caisse de résonance que constitue le milieu pénitentiaire, une dimension extrêmement douloureuse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 112 et 113 ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je comprends très bien que M. Blisko soit attaché au respect du secret médical, qui constitue un élément fondamental du serment d’Hippocrate. La garde des sceaux et moi y avons donc été particulièrement attentives en élaborant ces dispositions, mais nous avons aussi été très marquées par la désastreuse affaire Évrard, qui a récemment défrayé la chronique judiciaire et soulevé une grande émotion parmi nos concitoyens. Cette affaire a été marquée par un défaut de continuité dans la prise en charge d’un malade dangereux par les différents médecins qui ont été amenés à intervenir. Sans les dysfonctionnements qui ont été constatés, il est permis de penser que les choses eussent été différentes. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 112, qui méconnaît le rôle essentiel du médecin coordonnateur et qui, en proposant de supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 6, revient sur l’amélioration importante que permettent ces dispositions en assurant la continuité de la prise en charge médicale des personnes soumises à une injonction de soins entre la détention et la sortie de prison. Actuellement, il est prévu que les expertises médicales et les différents éléments du dossier judiciaire de la personne condamnée soient transmis au médecin traitant par l’intermédiaire du médecin coordonnateur, mais les textes sont silencieux quant à la transmission des informations médicales, pourtant nécessaire à une prise en charge adaptée. Le projet de loi remédie à cette carence en permettant au médecin coordonnateur et au médecin traitant de disposer des informations médicales détenues par les praticiens dispensant des soins en milieu pénitentiaire, dans le cadre d’un secret médical partagé. Ces informations sont nécessaires à l’accomplissement de la mission du médecin traitant, mais aussi de celle des médecins coordonnateurs, qui doivent accompagner la personne condamnée dans son choix du médecin traitant, et peuvent la conseiller à sa demande.

Je ne suis pas plus favorable à l’amendement n° 113. La transmission des informations relatives à la santé mentale de la personne placée sous injonction de soins est indispensable à la cohérence de la prise en charge. Il serait dommage, monsieur Blisko, que votre amendement de repli ait pour conséquence d’empêcher la transmission d’informations. Je veux souligner que la disposition que vous visez ne remet pas en question le principe du secret médical mais prévoit des règles adaptées pour les personnes chez lesquelles une expertise médicale préalable a décelé des troubles psychiatriques. On sait que ceux-ci sont en effet souvent niés par l’intéressé. Des règles spécifiques aux personnes souffrant de tels troubles existent déjà, par exemple en ce qui concerne les modalités de consultation par le malade de son dossier médical. Pour des personnes qui sont souvent en déni de leur maladie, subordonner l’échange d’informations entre médecins à leur accord écrit reviendrait, de fait, à annuler la disposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 104.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. C’est avec plaisir que j’en viens à la défense de mon dernier amendement…

M. le président. Un plaisir partagé, monsieur Blisko ! (Sourires.)

M. Serge Blisko. Je veux d’abord souligner une innovation que l’on n’espérait plus, et dont je me félicite : c’est, si je ne me trompe, la première fois que le mot « libido » apparaît dans un texte de loi ! Cela étant, cette notion revêt un caractère plutôt délicat, et il paraît pour le moins étrange que ce texte ne l’évoque que pour introduire le principe de l’utilisation d’un médicament ayant récemment obtenu l’autorisation de mise sur le marché – l’Androcur – dont on entend exploiter l’un des effets secondaires… N’étant pas seulement parlementaire, mais aussi médecin, je veux attirer votre attention sur le fait que ce médicament n’est pas tout à fait anodin…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. En principe, vous ne devez vous exprimer qu’en tant que député !

M. Serge Blisko. Certes, mais cela ne m’empêche pas de faire référence à des notions d’ordre médical…

Les bienfaits de ce traitement ne me paraissent pas aussi importants que vous le pensez. Quoi qu’il en soit, un détenu soigné à l’Androcur pourrait, bien qu’ayant donné son consentement, se retourner contre l’administration pénitentiaire en raison des effets secondaires non négligeables que peut entraîner ce médicament. L’amendement n° 104 propose donc que de tels médicaments ne soient prescrits que sur avis d’un endocrinologue – en étant bien conscients que ceux-ci sont encore moins nombreux que les psychiatres… Prévoir dans une loi pénale l’utilisation d’un médicament au maniement délicat et qui n’était pas à l’origine destiné à diminuer la libido – ce que notre collègue Bernard Debré pourrait vous confirmer – ne me paraît pas très prudent sur le plan médical.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Je veux préciser à notre collègue Blisko que le terme « libido » figurait déjà à l’article L.3711-3 du code de la santé publique…

M. Serge Blisko. Vous me cassez tous mes effets ! (Sourires.)

M. Georges Fenech, rapporteur. Ce qui a changé, c’est que l’Androcur a désormais obtenu son autorisation de mise sur le marché. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous avez raison de dire, monsieur Blisko, que l’Androcur n’est pas un produit anodin et que ce traitement anti-hormonal doit en principe être prescrit par un endocrinologue. C’est ce qu’indique d’ailleurs l’AFSSAPS dans le rapport public qui accompagne l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament, conformément aux recommandations de bonnes pratiques et de bon usage du médicament. Cependant, exiger dans la loi que ce médicament – absolument indispensable dans certains protocoles de prise en charge – ne puisse être prescrit que par un endocrinologue serait dommageable, non seulement en raison du manque criant de ces spécialistes, comme vous l’avez souligné, mais aussi parce que cela gênerait le renouvellement de la prescription. C’est pourquoi votre amendement, s’il répond à des intentions louables, me paraît incongru du point de vue pratique. Vous êtes médecin, je suis docteur en pharmacie : nous sommes faits pour nous compléter ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 7 et 8

M. le président. Les articles 7 et 8 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 7.

(L'article 7 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. À l’article 9, la commission a présenté un amendement de cohérence n° 59, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 56.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 10 et 11

M. le président. Les articles 10 et 11 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 10.

(L'article 10 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Après l’article 12

M. le président. Nous en venons enfin aux amendements portant articles additionnels après l’article 12.

La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 107, deuxième rectification.

M. Michel Hunault. Cet amendement vise à permettre à certaines collectivités territoriales d’accéder aux informations contenues dans le FIJAIS, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Cette extension donnera la possibilité aux administrations déconcentrées de connaître les antécédents des personnes qu’elles comptent employer pour des activités impliquant un contact avec des mineurs. La consultation du FIJAIS se fera cependant de façon indirecte, par l’intermédiaire des préfets.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Avis favorable dès lors que la consultation du fichier se fera par l’intermédiaire du préfet. La commission appelle d’ailleurs l’attention du Gouvernement sur la grande utilité préventive de ce fichier et lui demande de bien vouloir vérifier que sa consultation est effective dans toutes les préfectures pour les recrutements de personnes en contact avec les mineurs. La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice a eu en effet quelques inquiétudes à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable. Monsieur le président de la commission, nous allons rappeler cette obligation, qui entraîne la responsabilité de ceux qui sont en charge du contrôle.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Il est cependant essentiel de limiter la consultation du fichier aux cas des personnes en contact avec des mineurs, les risques de dérives étant très importants.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission est unanime sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 108.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Au terme de l’examen de ce projet de loi, on mesure bien l’importance des problèmes qu’il vise à résoudre. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre l’an prochain au Parlement un rapport sur les conditions d’application de la loi, compte tenu de la nouveauté du dispositif prévu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Georges Fenech, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

Article 13

M. le président. L’article 13 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 13 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en conclusion de nos travaux, je veux tout d’abord remercier le rapporteur, M. Georges Fenech, le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, et les différents intervenants sur tous les bancs de cette assemblée. Ils ont nourri le débat sur ce texte très important.

Le premier devoir d’un État est de protéger les citoyens : la rétention de sûreté répond à cet objectif, en respectant les exigences de notre État de droit. La justice doit répondre aux attentes des victimes : la déclaration d’irresponsabilité pénale apportera des solutions concrètes à des situations dramatiques. Enfin, il faut améliorer la prise en charge des délinquants les plus dangereux, notamment les délinquants sexuels : ce texte va permettre à la santé et à la justice de répondre à cet objectif. Roselyne Bachelot et moi-même avons souhaité présenter un projet cohérent et pragmatique et nous vous remercions de l’avoir adopté après l’avoir enrichi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à dix heures trente.

Discussion de la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 10 janvier, à deux heures vingt.)