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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 25 mai 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


. Faciliter le maintien et la création d'emplois

Discussion d’une proposition de loi

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique

Exception d’irrecevabilité

M. Alain Vidalies

M. Bernard Gérard, M. Maxime Gremetz, Mme Marisol Touraine, M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Question préalable

M. Jean-Patrick Gille

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur, M. Bernard Gérard, M. Christian Eckert, M. Maxime Gremetz, M. François Rochebloine

Discussion générale

M. Maxime Gremetz

M. François Rochebloine

M. Bernard Gérard

Mme Marie-Odile Bouillé

M. Jean-Paul Anciaux

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Faciliter le maintien
et la création d'emplois

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson et plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d’emplois (nos 1610, 1664).

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, ces dernières semaines, la commission des affaires sociales a examiné trois propositions de loi ayant trait à l’emploi et à l’économie. Deux d’entre elles – dont l’une nous sera soumise jeudi – émanent de l’opposition ; la troisième, que j’ai eu l’honneur de déposer avec plusieurs de mes collègues, est issue de la majorité. Cette proposition de loi se distingue des deux autres par le fait qu’elle vise, non pas à diminuer ou à encadrer davantage les aides données aux entreprises ni à durcir les réglementations en vigueur, mais à assouplir et à sécuriser des dispositifs existants déjà utilisés par les entreprises, dans des conditions cependant souvent risquées ou incertaines sur le plan juridique.

Notre intention – et c’était l’élément fondamental du cahier des charges de cette proposition de loi – était de ne pas entrer en collision avec l’agenda social très fourni du ministre du travail, qui fera largement appel aux discussions avec les partenaires sociaux. Cet objectif nous conduira, du reste, à rejeter plusieurs amendements déposés par certains de nos collègues.

Les huit députés coauteurs de cette proposition de loi ont construit leur texte autour de cinq thèmes principaux.

Ils ont souhaité, tout d’abord, assouplir le dispositif relatif aux groupements d’employeurs et faciliter pour les entreprises le recours à cette solution, avec pour objectif principal de permettre à plusieurs employeurs de recruter un seul salarié chargé d’accomplir des tâches successives et de lutter ainsi contre le temps partiel subi.

Deuxième élément : le prêt de main-d’œuvre, qui nécessite quelques remarques particulières. Des commentaires quelque peu rapides ont assimilé le groupement d’employeurs au prêt de main-d’œuvre, alors que ces deux dispositifs ne sont en rien, ou presque, comparables. En effet, le prêt de main-d’œuvre consiste, pour une entreprise dont le carnet de commande diminue et qui subit ainsi un renchérissement de sa masse salariale, à prêter, pour une durée déterminée et dans des conditions contractuelles parfaitement définies, ses salariés à une autre entreprise qui pourrait en avoir temporairement besoin. Le prêt de main-d’œuvre à but lucratif n’est pas permis dans ce dispositif.

Nous proposons, quant à nous, d’amender l’article du code du travail relatif au prêt de main-d’œuvre non lucratif, afin de sécuriser un dispositif qui a été rendu difficilement compréhensible, en tout cas risqué, par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. En effet, celle-ci a estimé, dans un premier arrêt, qu’il ne pouvait y avoir de but lucratif que si l’entreprise prêteuse s’enrichissait à l’occasion de l’opération de prêt. Mais, dans un deuxième arrêt, elle a jugé que le simple mouvement financier, c’est-à-dire le titre onéreux de l’opération de prêt de main-d’œuvre, pouvait, à lui seul, constituer un but lucratif. Cette jurisprudence a donc fait naître, dans le droit social français, une insécurité juridique à laquelle nous devons aujourd’hui remédier.

Quelques-uns de nos collègues nous expliqueront sans doute que ce dispositif est d’une portée réduite – j’y reviendrai – et qu’il n’est pas opportun de consacrer du temps sur un tel sujet, alors que nous sommes en pleine crise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Vous anticipez les critiques. C’est bien !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. À ceux-là, je réponds que, si les représentants de 1,7 million de salariés des fédérations de la métallurgie prennent le temps de signer un accord de branche sur le prêt de main-d’œuvre, c’est sans doute parce que l’utilité du dispositif est réelle.

Troisième élément : le télétravail. Pratiqué par 7 % des salariés de notre pays, il présente des avantages évidents, que ce soit au plan environnemental ou en termes de qualité de vie pour les salariés. J’ajoute, madame la secrétaire d’État, que son développement permettra de favoriser l’extension des activités et des outils numériques dans notre pays.

La proposition de loi reprend l’esprit des principales dispositions de l’accord national interprofessionnel signé en 2005 par les partenaires sociaux, étendu par le ministre en 2006. Les débats nous donneront l’occasion de préciser que la proposition de loi n’entend en rien s’écarter des garanties apportées par l’accord national interprofessionnel.

Quatrièmement, nous avons souhaité instaurer un contrat de professionnalisation destiné aux jeunes, assorti d’un crédit d’impôt de 1 000 euros par salarié embauché pour les entreprises de moins de 50 salariés. Nous débattrons ultérieurement de la procédure à adopter pour la mise en œuvre de ce dispositif, le Gouvernement préférant un système de primes à celui du crédit d’impôt.

Cinquièmement, nous avons souhaité rétablir l’allocation équivalent retraite pour l’année 2009, afin de permettre aux salariés ne pouvant pas encore liquider leur retraite à taux plein de bénéficier de compléments préservant leur niveau de vie. L’article que nous avions rédigé à cet effet n’a pas pu être débattu en commission, ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Toutefois, un amendement du Gouvernement, adopté tout à l’heure par la commission des affaires sociales, devrait permettre de faire figurer cette mesure au sein du dispositif.

Sur le fond, nous avons eu l’occasion d’entendre en commission un certain nombre d’objections que je vais résumer – sachant que certains des orateurs qui vont me succéder à la tribune seront sans doute plus prolixes que moi sur ce point. Trois objections principales ont été formulées à l’égard de notre proposition.

Premièrement, nous nous emploierions à « détricoter » le code du travail. (« Mais oui, c’est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Deuxièmement, nous aurions l’intention d’affaiblir les droits des salariés et leurs garanties. Troisièmement, nous mettrions en œuvre une espèce d’externalisation forcée, avec toutes les faiblesses que cela implique.

M. Régis Juanico. C’est un bon résumé !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Si c’est un bon résumé, cela montre que j’ai su vous écouter, monsieur Juanico – ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

Nous aurons tout le temps de revenir sur ces objections durant le débat à venir. Dans l’immédiat, je voudrais simplement souligner que nous avons souhaité faire en sorte que les dispositifs que j’ai évoqués précédemment soient d’une utilisation plus simple, plus souple, et présentant une plus grande sécurité pour les entreprises qui y recourent. Ainsi, nous savons qu’actuellement, l’entrée dans un groupement d’employeurs représente une opération complexe et difficile pour une entreprise, le système étant mal compris et la responsabilité in solidum des dettes sociales se révélant trop pesante pour les petites entreprises. De même, les entreprises qui voudraient recourir au prêt de main-d’œuvre se voient souvent alertées par la direction départementale du travail du fait qu’elles doivent veiller à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de voir requalifier ledit prêt de main-d’œuvre en délit de marchandage, une infraction relevant non pas du tribunal de prud’hommes, mais du tribunal correctionnel, ce qui a de quoi faire hésiter bon nombre de chefs de petites entreprises. Plutôt que d’étudier la possibilité de recourir à ce dispositif, les entreprises concernées ont donc tendance à renoncer d’emblée ou à opter pour des mécanismes plus complexes, qui ne facilitent pas leur survie et le maintien du contrat de travail intégral pour les salariés.

Certes, nous avons voulu apporter des assouplissements au système actuel. Cependant, nous nous sommes efforcés, aussi bien dans la première version du texte de notre proposition que dans les amendements, de veiller à ce que chaque assouplissement soit assorti de garanties correspondantes pour le salarié, le maintien des contrats existants et la possibilité pour les salariés d’accéder à toutes les formes de volontariat et de garanties contractuelles possibles. Il ne s’agit donc pas, mes chers collègues, d’une proposition visant à « détricoter », affaiblir, et encore moins à « massacrer », comme je l’ai entendu dire, le droit du travail. Nous avons simplement été guidés par l’idée que tout ou presque doit être tenté pour faire face à la situation de crise que nous traversons actuellement, et qu’en l’occurrence il ne serait sans doute pas inutile de procurer des outils supplémentaires aux entreprises actuellement rebutées par des mécanismes dont l’utilisation est trop complexe.

Enfin, il nous a été reproché – notamment par M. Vidalies, à qui j’ai déjà répondu en commission – l’absence d’études d’impact. J’en conviens. Mais, d’une part, vous conviendrez qu’une étude d’impact sur un sujet pareil est extrêmement difficile à réaliser ; d’autre part – et sur ce point, je me tourne vers M. le président de la commission des affaires sociales – cette proposition de loi pose de façon cruciale la question des moyens qui seront fournis aux commissions pour tenter de déterminer l’impact des propositions qu’elles s’apprêtent à présenter à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Philippe Boënnec. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Alain Vidalies. Où est M. Hortefeux ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’ai beaucoup de plaisir à retrouver l’hémicycle pour y évoquer avec vous la question de l’emploi – une préoccupation essentielle pour les Français – sous la forme de cette proposition de loi présentée par M. Jean-Frédéric Poisson. En tant qu’ancien parlementaire, je suis très attaché à ce que le travail entre l’exécutif et le Parlement se fasse sur des bases saines, c’est-à-dire dans un cadre où l’exécutif ne dispose pas du monopole des idées et des propositions, mais est au contraire très attentif aux informations que les députés, du fait de leur position, peuvent faire remonter du terrain. Il est particulièrement utile, dans la période difficile que nous traversons, de pouvoir en tirer de nouvelles idées et de nouveaux dispositifs ayant vocation à bénéficier à l’emploi. Il est tout à votre honneur d’avoir su mettre en forme ces vraies propositions donnant l’image d’une majorité proposante – pour reprendre une expression à la mode – et nous permettant d’explorer de nouveaux contours en termes de politique de l’emploi.

Cette proposition est très intéressante dans la mesure où elle brasse différents sujets tout en restant fidèle à un principe directeur : s’efforcer d’œuvrer sur tous les dispositifs mettant l’accent sur des formes d’emploi d’avenir. En cette période de crise, il ne faut pas hésiter à faire appel à toutes les solutions qui peuvent nous permettre de gagner ou de préserver ne fût-ce que quelques emplois au moyen de dispositifs innovants, insuffisamment soutenus jusqu’à présent, en adaptant notre cadre juridique pour que ces emplois puissent mieux répondre aux besoins des entreprises tout en apportant de nouvelles garanties pour les salariés.

Depuis 2007, nous avons voulu donner corps au concept de flexisécurité en permettant aux entreprises de construire des possibilités d’embauche et de préservation de l’emploi, tout en apportant une sécurité supplémentaire aux salariés, ce qui est particulièrement justifié en cette période difficile. C’est ce qui a conduit à la mise en place du Fonds d’investissement social, créé sur proposition des partenaires sociaux, avec lesquels nous étudions une meilleure mobilisation des fonds de la formation professionnelle. Le futur projet de loi relatif à la formation professionnelle doit permettre de former, chaque année, 700 000 demandeurs d’emploi ou salariés peu qualifiés supplémentaires. C’est l’occasion pour moi de saluer le travail accompli sur ce sujet par le député Jean-Paul Anciaux.

Dans ce cadre, le texte que nous examinons propose d’apporter de nouvelles réponses concrètes, pragmatiques et immédiatement opérationnelles pour sécuriser les parcours professionnels. Ces réponses résident essentiellement dans cinq propositions. J’évoquerai dans mon intervention celles concernant les groupements d’employeurs, le prêt de main-d’œuvre, le développement de la formation en alternance ainsi que la situation des seniors, tandis que Nathalie Kosciusko-Morizet interviendra sur la question du télétravail.

Les dispositions de cette proposition de loi sur les groupements d’employeur et le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif s’inspirent largement des propositions du rapport remis en février dernier par Thomas Chaudron à Brice Hortefeux sur le tiers employeur – un sujet que le ministre a particulièrement à cœur. Les groupements d’employeurs existent depuis 1985. Ces structures favorisent la pluri-activité et permettent des embauches qui n’auraient pas pu se faire si chaque entreprise avait dû assumer seule la charge administrative ou le coût de l’embauche d’un salarié supplémentaire. D’autres pays se sont, avant la France, engagés sur cette voie ; je pense en particulier à la Belgique, à l’Allemagne ou encore au Canada, qui ont déjà profondément stabilisé ce modèle.

Les témoignages d’entrepreneurs qui utilisent ce système, notamment dans les zones touristiques où il a été expérimenté en priorité, sont positifs. Ainsi, un groupement d’employeurs du sud-ouest a utilisé ce dispositif pour mettre en place un système de salaires et de temps complets, à cheval sur les saisonnalités d’été et d’hiver dans les Pyrénées. Le député Jean-Charles Taugourdeau, défenseur depuis de nombreuses années des groupements d’employeurs, peut également témoigner de l’apport de ses structures.

Pour autant, force est de constater aujourd’hui que 30 000 salariés seulement sont employés dans des groupements d’employeurs, dont la moitié environ dans le secteur agricole – ce qui montre bien que nous n’avons pas utilisé toutes les potentialités de ce dispositif. La proposition de loi permettra de lever des restrictions inutiles et des règles administratives entravant le fonctionnement de ces structures – donc leur développement –, tout en apportant des garanties aux salariés. Ce faisant, on peut espérer doubler le nombre de salariés employés dans des groupements.

Un autre objectif de la proposition de loi consiste à sécuriser les conditions du prêt de personnel à but non lucratif. Nous touchons là l’un des axes essentiels de la politique du Gouvernement, consistant à tout mettre en œuvre pour éviter les licenciements : dans la période que nous traversons, toute solution vaut mieux que le licenciement, qui prive nos entreprises de compétences et place les salariés dans des situations particulièrement difficiles. À cet égard, le prêt de main-d’œuvre a fait ses preuves, et la proposition de loi peut s’inspirer des expériences menées par les partenaires sociaux et ayant fait la preuve de leur efficacité. La branche de la métallurgie a signé le 7 mai dernier, avec quatre organisations syndicales sur cinq – la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC – un accord organisant la mise à disposition de personnel à but non lucratif et apportant des garanties aux salariés.

Le principe est simple : quand une entreprise ne parvient pas à avoir une activité suffisante pour lui permettre de conserver ses salariés, elle peut décider de les mettre à disposition d’une autre entreprise – à condition que toutes les garanties soient apportées –, ce qui leur évite le licenciement en cette période difficile.

Christine Lagarde et moi-même avons soutenu l’expérimentation de ce dispositif dans le cadre des pôles de compétitivité, plus particulièrement des pôles de compétitivité de Grenoble – je pense notamment à STMicroelectronics et à Rhodia.

Si elle est aujourd’hui légale, la mise à disposition de personnel sans but lucratif se heurte aujourd’hui à un obstacle : le fait que la jurisprudence de la cour de cassation ne soit toujours pas stabilisée sur ce point – un problème malheureusement récurrent en matière de droit du travail. Cette incertitude juridique est source d’instabilité pour les entreprises, mais aussi pour les salariés. Sur ce point, votre proposition de loi permettrait d’apporter une clarification et une stabilisation juridique bienvenues. Je souhaite bon courage à ceux qui soutiendront qu’il vaut mieux recourir au licenciement plutôt que de permettre à une entreprise de conserver ses effectifs ! Il est souhaitable de clarifier les règles et c’est ce à quoi procède ce texte en définissant ce qu’est un but non lucratif ainsi que les contours de l’espace nécessaire à la négociation collective.

J’en viens maintenant au troisième sujet, celui de la situation des seniors. De façon salutaire, la majorité avait alerté le Gouvernement sur ce point, ce qui a permis un travail en amont sur l’importante question de l’allocation équivalent retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Vous ne faites que rétablir ce que vous aviez supprimé !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. La mesure proposée s’adresse aux salariés qui disposent de la totalité de leurs droits à retraite mais ne peuvent pas encore bénéficier des dispositions de la loi Fillon.

M. Alain Vidalies. Faire et défaire !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je ne sais pas si faire et défaire est toujours faire, mais ce qui est certain, c’est que critiquer n’est que critiquer, et pas avancer…

M. Christian Eckert. Pyromane !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. L’actuelle majorité est la seule à avoir fait progresser de manière extrêmement satisfaisante, grâce à la loi Fillon, la situation des salariés qui se trouvent dans la situation que je viens d’évoquer.

Face à une crise exceptionnelle, il ne faut pas hésiter à être pragmatique et à réagir vite. Nous sommes conscients de l’urgence de la situation, comme je l’ai démontré en répondant à ce sujet à M. Poisson lors des questions d’actualité. Le Gouvernement a décidé de laisser le travail législatif se dérouler, tout en faisant en sorte d’accélérer la mise en œuvre du dispositif en prenant en parallèle, dans les prochains jours, un décret qui précisera notamment les modalités d’application rétroactive de la mesure à compter du 1er janvier 2009. Notre objectif est de faire en sorte que la proposition de loi puisse aller jusqu’à son terme, mais que les salariés concernés puissent bénéficier dès maintenant des garanties dont ils ont un besoin urgent.

Mais soyons clairs : il est hors de question de renouer avec les vieilles pratique, et rétablir l’AER cette année ne veut pas dire que nous cessons de nous mobiliser en faveur de l’emploi des seniors. Cette dérogation ne concerne donc que les salariés demandeurs d’emploi ayant déjà accumulé les droits à retraite suffisants. Je ne veux en aucun cas rouvrir la boîte de Pandore qui consisterait à remettre en marche la machine à faire des préretraites et à sacrifier l’emploi des seniors, ce qui serait un choix de court terme auquel il a été trop souvent fait appel lors des trente dernières années, ce que nous payons aujourd’hui en termes de sous-activité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Vous persistez dans l’erreur !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. La meilleure preuve en est que nous n’avons pas attendu pour publier les décrets d’application, d’ailleurs issus du projet de loi dont nous avons discuté ici ensemble, à l’époque où Xavier Bertrand était ministre, et qui nous a permis de consolider la réflexion sur la place de l’emploi des seniors dans les politiques de ressources humaines des entreprises.

Dernier point enfin, la situation des jeunes. Vous avez souhaité qu’un des volets de la proposition de loi leur soit consacré, centré plus particulièrement autour du développement des contrats en alternance. Inutile de vous dire à quel point nous partageons votre approche, qui consiste non pas à réinventer des usines à gaz ou à mettre en place de nouveaux contrats spécialement marketés pour les médias mais à s’appuyer sur ce qui existe et qui a fait ses preuves : l’apprentissage et, plus généralement, tous les contrats en alternance. Ainsi, 70 % des jeunes qui passent par ces dispositifs accèdent à un emploi durable ; c’est un des meilleurs outils d’insertion de nos jeunes dans l’emploi.

Vous proposez un dispositif de crédit d’impôt, dispositif auquel le Gouvernement préfère une prime de 1 000 euros, dont le montant est d’ailleurs doublé si le jeune embauché n’est pas titulaire du baccalauréat. Cette prime représente en effet pour l’employeur – nous en avons discuté – une incitation immédiate. En outre, le crédit d’impôt avait surtout la vertu de vous éviter de tomber sous le coup de l’article 40.

Le décret est actuellement examiné par le Conseil national de la formation tout au long de la vie. Compte tenu de la création imminente de la prime et par souci de cohérence, nous clarifierons nos propositions au fur et à mesure du débat en vous donnant toutes les garanties requises. Là encore, votre proposition de loi aura eu un fort effet d’impulsion et d’accélération des mesures gouvernementales.

Sans m’étendre sur le reste des mesures proposées en faveur de l’emploi des jeunes, je m’arrêterai sur un point particulièrement cher à Benoist Apparu, qui œuvre sur ces questions de stage, d’éducation et d’insertion dans l’emploi.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Excellent député !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il a fait des propositions qui vont dans le sens préconisé et annoncé par le Président de la République dans le cadre du plan Jeunes, et son amendement permettra, s’il est adopté, plusieurs améliorations

M. Alain Vidalies. Apparu va être ministre !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il permettra tout d’abord la rémunération des stagiaires dès deux mois de stage, et non plus trois : je rappelle aux donneurs de leçons qu’aucun dispositif n’existait par le passé.

M. Christian Eckert. Qui va payer ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Les entreprises devront ensuite verser à leurs stagiaires une indemnisation de 398 euros par mois minimum ; celles enfin qui embaucheront leur stagiaire en CDD avant fin septembre recevront une prime de 3 000 euros, l’idée étant que le stage ne doit pas constituer un effet d’aubaine pour l’entreprise mais être réellement intégré au cursus de formation et jouer pleinement son rôle de passerelle vers l’emploi.

Sur l’ensemble de ces sujets, votre proposition de loi s’inscrit parfaitement dans la philosophie du Gouvernement et de la majorité : réagir vite en période de crise, explorer toutes les solutions innovantes et miser surtout avec pragmatisme sur des dispositifs qui ont fait leurs preuves et qui seront opérationnels rapidement.

Je tenais donc à vous remercier de nous avoir permis d’avancer sur des sujets aussi divers qu’importants avec toujours cette constance : aller chercher les propositions qui, en cette période de crise, peuvent permettre de mieux protéger nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

M. Alain Vidalies. Elle va nous parler de l’amendement Lefebvre !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur Jean-Frédéric Poisson, mesdames et messieurs les députés, je voudrais saluer à mon tour cette initiative parlementaire et ses coauteurs Jean-Frédéric Poisson, Jean-Paul Anciaux, Gérard Cherpion, Jean-Pierre Decool, Bernard Gérard, Jacques Kossowski, Pierre Morel-A-L’Huissier et Jean-Charles Taugourdeau, tous porteurs d’une ambition forte pour la France en ces temps de crise.

Il s’agit en effet d’écarter les obstacles sur le chemin de l’emploi et de promouvoir plus de souplesse dans l’organisation du travail, en proposant à la discussion du Parlement une action en faveur du télétravail.

C’est là un engagement politique important, à un moment où le retour à l’emploi exige que nous portions une attention particulière à la protection des parcours professionnels, mais aussi que nous explorions des pistes innovantes susceptibles de créer de l’emploi. Le chapitre IV de votre proposition de loi, consacré au télétravail, devrait être l’un des facteurs de changement de l’organisation de la société.

À nos concitoyens qui souhaitent « télétravailler », il faut d’abord garantir un accès Internet à haut débit. Nous nous y employons. Je souhaite rappeler l’engagement du Gouvernement d’apporter à tous les Français, avant la fin de l’année 2010 et sur l’ensemble du territoire, l’accès au haut débit. Cet engagement a été complété récemment à travers le volet numérique du plan de relance, puisque, depuis le 6 mai dernier, 750 millions d’euros sont investis dans les infrastructures à très haut débit et que divers appels d’offre portent sur le serious gaming et le web 2.0.

Le télétravail s’inscrit dans cette grande ambition numérique. Au-delà, il entend associer croissance économique et développement durable. Lors du Grenelle de l’environnement, Jean-Pierre Decool et Bernard Gérard avaient proposé un amendement visant à promouvoir le télétravail, afin de réduire les transports et les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. En effet, le télétravail, même à temps partiel, diminue la consommation d’énergie et la pollution, en même temps qu’il atténue la fatigue du salarié et le coût de ses transports.

À ce jour pourtant, la part de la population active concernée par le télétravail est encore faible. Les télétravailleurs représentent environ 7 % de la population active de notre pays, alors qu’ils sont en moyenne 13 % en Europe et 25 % aux États-Unis. C’est dire si la marge de progression est grande ! La demande existe pourtant dans les grandes entreprises ou chez les travailleurs indépendants ; c’est le cadre législatif et social qui n’est pas adapté, et vous nous proposez ici de l’améliorer.

Je souhaite vous fournir quelques chiffres permettant d’éclairer nos travaux. Sur les 7 % de télétravailleurs, 400 000 sont des télétravailleurs à domicile, à temps complet ou en alternance, et 1,2 million sont des télétravailleurs nomades, partageant leur temps de travail entre plusieurs lieux : chez le client, dans une filiale ou dans un télécentre. Il existe donc une marge de progrès d’autant plus importante que la part des entreprises utilisant le télétravail vient de passer, en un an, de 16 à 22 %. Encore minoritaire au sein des entreprises, le télétravail attend un cadre législatif approprié pour se généraliser.

C’est évidemment dans le secteur tertiaire qu’il est le plus développé : dans les services liés aux technologies de l’information et de la communication et dans les services financiers ; il est également très présent dans les services aux entreprises, les prestations intellectuelles comme le conseil ou la publicité. Il se pratique dans les grandes comme les petites entreprises et parmi toutes les catégories de salariés, même si les cadres sont les plus concernés : Jean-Frédéric Poisson avançait le chiffre de 30 % de cadres pratiquant déjà le télétravail.

Le télétravail est également présent dans les nouvelles formes d’entreprises ; je pense notamment à la micro-entreprise ou au nouveau statut de l’auto-entrepreneur, créé par Hervé Novelli dans la loi de modernisation de l’économie.

Il nous revient donc de favoriser ces nouvelles formes de travail, mais également de protéger les salariés, en les prémunissant notamment contre ce que le professeur Jean-Emmanuel Ray appelle la « télédisponibilité généralisée ».

M. Alain Vidalies. Que c’est bien dit !

M. Maxime Gremetz. La précarité généralisée !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Afin de conjuguer ces différents objectifs, les partenaires sociaux européens ont conclu le 16 juillet 2002 un accord-cadre sur le télétravail, qui a débouché en France, le 19 juillet 2005, sur un accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des partenaires sociaux. Il nous appartient de confirmer ce cadre, et c’est ce que nous faisons ici.

La proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans le droit fil du Grenelle de l’environnement et du plan « France Numérique 2012 », qui avait en effet inscrit le télétravail parmi ses priorités, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Dans le secteur public d’abord, en lançant une étude permettant d’identifier les postes et fonctions pouvant faire l’objet de télétravail. Dans le secteur privé ensuite, en faisant mieux connaître les avantages du télétravail, en donnant un écho national à des expériences pilotes emblématiques et en intégrant le télétravail dans les actions de formation des créateurs et des chefs d’entreprise.

Le dispositif public de soutien au retour à l’emploi peut également contribuer à la promotion du télétravail, par la création, d’une part, d’une rubrique « offres d’emploi télétravail » dans le panel des offres du pôle Emploi et, d’autre part, de bilans de compétence adaptés aux métiers du télétravail.

Le plan France Numérique 2012 prévoit enfin de poursuivre le maillage du territoire en télécentres, par une meilleure intégration dans le réseau des espaces publics numériques, qui permettra de faire bénéficier l’ensemble des publics de ce nouveau dispositif.

Par ailleurs, j’ai récemment été saisie de projets d’installation de télécentres offrant aux salariés, près de chez eux, les moyens de se relier à leur entreprise ainsi qu’un certain nombre de supports professionnels – secrétariat ou cantine, par exemple. Le développement de tels télécentres favoriserait une pratique du télétravail plus conviviale et éviterait l’isolement que certains salariés peuvent craindre s’ils doivent travailler chez eux.

Comme vous le montrez à travers cette proposition de loi, mesdames et messieurs les députés, les principaux obstacles au télétravail résident, non pas dans l’inadaptation du cadre juridique existant, mais dans l’évolution des mentalités et de l’organisation du travail. Le texte proposé en prend la mesure et s’articule autour de deux axes forts : l’inscription dans le code du travail de la définition et des modalités du télétravail, d’une part, la promotion du télétravail dans les maisons de l’emploi et au sein des administrations publiques, d’autre part.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Il me semble particulièrement important que l’administration puisse rendre compte des progrès et des initiatives prises dans ce domaine.

Convaincu que le télétravail constitue une illustration particulièrement frappante de l’apport des nouvelles technologies à l’amélioration simultanée de la qualité de vie, du pouvoir d’achat et du développement durable, le secrétariat d’État chargé du développement de l’économie numérique soutiendra très activement la promotion des projets de télétravail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Une proposition de loi du groupe UMP qui affiche l’ambition de faciliter le maintien et la création d’emplois retient naturellement l’attention dans la situation de crise que nous rencontrons.

Nous examinons ce texte à la veille d’une quatrième journée nationale de mobilisation, au cours de laquelle des centaines de milliers de salariés vont manifester leur inquiétude et leur angoisse face à l’explosion du chômage.

Au premier trimestre 2009, la France a détruit autant d’emplois que pendant toute l’année 2008. Les chiffres mensuels d’augmentation du chômage et les prévisions d’une régression de 3 points de la croissance annoncent une année noire pour l’emploi, qui pourrait se solder par un million de chômeurs supplémentaires à la fin de l’année 2009.

Le plan de relance du Gouvernement est manifestement sans effet majeur sur les conséquences d’une crise dont nous pensons qu’elle ne peut être réellement combattue que par une relance de la consommation, indispensable au retour de la croissance.

Sur la question spécifique de l’emploi, nous vous avons proposé de mettre fin au plus grand plan social de France, à savoir la suppression de 30 000 emplois, chaque année, dans la fonction publique. Nous vous avons proposé de supprimer le mécanisme – redoutable – d’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires : non seulement il coûte 4,4 milliards d’euros par an, mais il revient en réalité à inciter à la destruction d’emplois sur fonds publics. Nous vous avons proposé la création d’emplois jeunes, notamment dans le domaine de l’environnement.

Toutes ces propositions, vous les avez refusées…

MM. Benoist Apparu, Philippe Boënnec et Richard Mallié. À juste titre !

M. Alain Vidalies. … comme vous refusez de reconsidérer la procédure de licenciement économique.

Est-il acceptable que des entreprises performantes et bénéficiaires profitent de la crise pour fermer des sites dans le seul objectif d’améliorer leur profitabilité, allant même jusqu’à refuser tout repreneur comme dans les cas de Continental ou de la Celanese ? Voilà des questions importantes, dont nous aurions pu débattre.

Non seulement vous refusez toutes ces propositions mais vous refusez également d’améliorer la situation des premières victimes de la crise : les demandeurs d’emplois. Nous vous avons proposé de généraliser le contrat de transition professionnelle et de porter sa durée à deux ans. Voilà une véritable proposition : on pourrait voir là la préfiguration de la sécurité sociale professionnelle. Or, vous parlez de flexisécurité, mais on comprend bien que dans ce mot, vous entendez surtout flexi-, et pas souvent sécurité ! Nous vous avions fait des propositions : vous les avez refusées.

Face à la gravité de la crise économique, face à l’explosion du chômage, après le refus de toutes les propositions que je viens de rappeler, le groupe UMP se manifeste enfin avec une proposition de loi qui, d’après son titre, veut faciliter le maintien et la création d’emplois.

Que dire de ce texte…

M. Benoist Apparu. On peut dire qu’il est très bien !

M. Alain Vidalies. … si ce n’est que vous avez choisi délibérément d’ignorer la crise ?

La situation économique, la crise de l’emploi ne sont à l’origine d’aucune proposition, ni même d’aucune analyse. Vous vous exonérez de toute obligation en écrivant que votre proposition n’a pas la prétention de constituer un plan pour l’emploi de plus !

Mme Marisol Touraine. C’est incroyable !

M. Benoist Apparu. C’est lucide !

M. Alain Vidalies. Mais justement, le problème est que, jusqu’à aujourd’hui, le Gouvernement n’a proposé aucun plan pour l’emploi.

M. Benoist Apparu. Vous n’avez pas dû suivre l’actualité récente !

M. Marc Bernier. C’est incroyable, d’entendre ça !

M. Alain Vidalies. C’est donc pour l’essentiel un rendez-vous manqué avec l’emploi que vous nous proposez.

Votre proposition de loi est une suite de dispositions disparates sans lien et sans cohérence, si ce n’est que l’on y voit une nouvelle fois resurgir votre vieux démon : la dérégulation sociale, cette fois par le biais du dévoiement du statut des groupements d’employeurs et l’encouragement au prêt de main-d'œuvre.

M. Régis Juanico. Ils sont incurables !

M. Philippe Boënnec. Démagogie !

M. Alain Vidalies. La seule mesure positive vise au rétablissement de l’allocation équivalent retraite qui, certes, ne figure plus dans le texte en raison de l’application de l’article 40 de la Constitution, mais dont le Gouvernement nous a confirmé qu’il allait la reprendre à son compte.

Il ne s’agit d’ailleurs pas véritablement d’une proposition d’origine parlementaire puisqu’il y a bien longtemps que le Gouvernement, sous la pression, notamment, des organisations syndicales, a répondu à plusieurs reprises qu’il envisageait ce rétablissement.

Je rappelle que l’allocation équivalent retraite fut créée sous le gouvernement de Lionel Jospin par la loi du 28 décembre 2001. Cette allocation concerne les demandeurs d’emplois âgés de moins de soixante ans, mais ayant déjà validé 160 trimestres au régime de l’assurance vieillesse. Ces travailleurs qui, par définition, ont commencé à travailler très jeunes, pouvaient bénéficier de cette allocation spécifique d’un montant d’environ 1 000 euros par mois lorsqu’ils avaient épuisé leurs droits à l’indemnisation chômage. À défaut de bénéficier de l’allocation équivalent retraite, ils étaient renvoyés vers l’assurance spécifique de solidarité, soit 449 euros par mois. Mesdames et messieurs de la majorité, supprimer l’allocation équivalent retraite au 1er janvier 2009, en pleine crise économique et en pleine explosion du chômage, était quand même une idée singulière !

Vous ne faites en réalité que réparer vos errements en rétablissant enfin les droits de ces demandeurs d’emplois. Encore faut-il noter que – selon l’amendement du Gouvernement – vous limitez ce rétablissement à l’année 2009, comme si le problème n’allait pas se poser exactement dans les mêmes conditions au 1er janvier 2010 !

Il paraît que vous voulez revaloriser le travail.

M. Benoist Apparu. Et c’est ce que nous faisons !

Mme Marisol Touraine. Voilà qui reste à voir !

M. Alain Vidalies. Cela commence par prendre en considération ces travailleurs qui ont commencé très jeunes – plus de 160 trimestres de cotisations accumulés avant soixante ans ! Pour revaloriser le travail, il faut absolument les prendre en considération. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Mais qui l’a fait ? Vous avez voté contre la réforme des retraites ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Vidalies a la parole.

M. Alain Vidalies. Vous avez supprimé l’allocation équivalent retraite ! Ces gens se retrouvaient sans rien, dans la misère ; il a fallu le mouvement social, la pression de la gauche et des organisations syndicales pour que vous reveniez sur cette mesure éhontée. Vous ne faites aujourd’hui que réparer une injustice sociale majeure dont vous êtes les responsables !

M. Philippe Boënnec. Caricature !

M. Richard Mallié. La malhonnêteté intellectuelle a des limites, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. Vous nous proposez également une mesure pour soutenir l’emploi des jeunes. Il est vrai que les chiffres sont désastreux et que vous avez refusé la création d’emplois jeunes qui ont pourtant, dans le passé, donné des résultats remarquables.

M. Maxime Gremetz. Vlan ! Voilà un rappel qui fait mal !

M. Benoist Apparu. Pas du tout, monsieur Gremetz !

M. Alain Vidalies. L’idée d’étendre l’aide de 1 000 euros par an pour les contrats de professionnalisation aux entreprises de moins de cinquante salariés est en elle-même une bonne initiative.

Nous partageons l’objectif de toutes les mesures destinées à favoriser l’alternance. Il n’en reste pas moins que la présence de cette disposition dans votre proposition de loi est surprenante : parallèlement, le Gouvernement a déjà, le 24 avril dernier, annoncé des mesures quasi-identiques – en précisant au surplus que leur mise en œuvre interviendrait par voie réglementaire. Je ne croyais d’ailleurs pas si bien écrire en préparant mon intervention : le Gouvernement vient de déposer un amendement pour retirer la seule chose positive de votre proposition de loi, en disant à peu près que vous enfonciez des portes ouvertes, puisque cela était déjà prévu et que cela serait mis en œuvre par voie réglementaire.

Vous affirmez ensuite vouloir, grâce à ce texte, promouvoir le télétravail. Dans ce but, vous nous proposez de transcrire dans la loi les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005. Pour justifier cette démarche, vous expliquez que l’inscription dans la loi permettra d’étendre aux salariés des associations et à ceux de l’agriculture le bénéfice de ces dispositions conventionnelles.

Je pense au contraire que cette démarche est inutile, et au surplus dangereuse – parce que partielle. Si vous voulez transcrire l’accord dans la loi, faites-le en intégralité.

Il est en effet surprenant de constater que vous avez oublié de reprendre des dispositions essentielles de l’accord national interprofessionnel : ainsi, le respect de la vie privée prévu à l’article 6 ou, en matière d’hygiène et de sécurité, le droit de visite du comité Hygiène et sécurité au domicile du salarié ne figurent pas dans la proposition de loi.

En l’état, les salariés, hors du champ de l’accord collectif, resteront de ce fait exclus du bénéfice de ces dispositions. L’inscription dans la loi est une démarche parfaitement inutile : puisque cet accord était déjà étendu, vous savez bien, monsieur le secrétaire d’État, qu’il vous était possible d’user de la voie réglementaire pour faire bénéficier tous les salariés de l’accord tout entier. C’était à la fois plus simple et plus juste : il y a donc ici un effet d’apparence majeur. Faute d’une reprise totale de l’accord, certains seront exclus des bénéfices de ce qui avait été convenu par les partenaires sociaux.

J’en viens maintenant aux deux points durs de votre proposition de loi : le statut des groupements d’entrepreneurs et le prêt de main-d'œuvre.

Le groupe socialiste est favorable aux groupements d’employeurs et il en assume la paternité. C’est en effet sous un gouvernement socialiste que la loi du 25 juillet 1985 a autorisé la constitution des groupements d’employeurs qui recrutent des salariés pour les mettre ensuite à la disposition des employeurs membres du groupement.

Le dispositif initial a été plusieurs fois modifié, et sous tous les gouvernements. Ainsi, le seuil d’effectif des entreprises autorisées à constituer un groupement est passé de 10 à 100, puis 300 salariés et une même entreprise a été autorisée à être membre de deux groupements.

La loi Aubry II du 19 janvier 2000 a autorisé le dépassement du seuil de 300 salariés, sous réserve de la conclusion d’un accord collectif dans l’entreprise intéressée.

J’ai moi-même, avec le groupe socialiste, soutenu l’amendement présenté par notre collègue de l’UMP Jean-Charles Taugourdeau qui étendait aux salariés des groupements d’employeurs le bénéfice de l’intéressement et de la participation dans la loi du 3 décembre 2008.

L’état du droit positif est donc, en quelque sorte, le résultat de notre action commune au fil du temps. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de rappeler mes propos lors de l’examen de la loi du 3 décembre 2008. Je me permets de me citer, puisque vous le faites dans votre rapport : « Je suis heureux que l’on fasse en droit du travail de plus en plus de cas des groupements d’employeurs. Ni leurs salariés ni leurs entreprises ne doivent en effet avoir un statut dérogatoire au droit commun. »

Je ne connaissais pas à l’époque vos propositions d’aujourd’hui ; mais la question reste d’actualité : sous couvert de favoriser les groupements d’employeurs, n’êtes-vous pas en train d’inventer un statut spécifique pour leurs salariés ?

Les objectifs – jusqu’à aujourd’hui partagés – répondaient à la fois aux besoins des entreprises et à la sécurisation des salariés.

Depuis 1985, il s’agissait de permettre à des PME soit de mettre en commun leurs moyens pour recruter un cadre qu’elles ne pouvaient isolément financer, soit d’employer en contrat à durée indéterminée des salariés qui, sinon, en étaient réduits à enchaîner des contrats saisonniers successifs. Ces objectifs, mêmes élargis, sont au cœur de la démarche des groupements d’employeurs. Ils auraient dû y rester.

Dans ce cadre, les résultats obtenus sont certes limités – encore que 30 000 emplois ainsi consolidés et efficaces pour les entreprises ne soient pas négligeables.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Merci !

M. Alain Vidalies. Compte tenu de ces objectifs, c’est naturellement dans le domaine agricole – pour la consolidation des emplois saisonniers – et dans les PME que se concentrent l’essentiel des effectifs.

Vous nous proposez un véritable démembrement des règles en vigueur qui vont aboutir au dévoiement du concept même de groupement d’employeurs, avec un risque majeur de détournement des règles sociales applicables aux salariés.

Vous proposez de supprimer le seuil de 300 salariés et d’ouvrir l’accès au groupement d’employeurs à toutes les entreprises. Cette possibilité pour les entreprises de plus de 300 salariés existe déjà – sous la réserve de la signature préalable d’un accord collectif dans l’entreprise intéressée ! Autrement dit, à ce jour, une entreprise de plus de 300 salariés ne peut adhérer à un groupement d’employeurs qu’après un accord signé dans cette entreprise.

Or, d’autorité, vous décidez qu’il faudra dorénavant un accord national interprofessionnel ou un accord de branche pour définir les droits qui seront accordés aux salariés des groupements.

Le pire, c’est que vous fixez, dans la loi, la date du 1er janvier 2010 comme extinction de l’article L. 1253-5 du code du travail, qui exige le préalable d’un accord dans l’entreprise. Autrement dit, à compter du 1er janvier prochain, il n’existera plus aucune garantie pour les salariés.

J’ajoute que l’UMP fait cette proposition sans aucun respect pour les partenaires sociaux qui, dans cette période, ont d’autres priorités que de négocier, sous la contrainte et en temps limité, un accord national interprofessionnel sur un objet dont la définition est ambiguë ! Vous voulez qu’ils négocient sur les garanties que les entreprises adhérentes de plus de 300 salariés accordent aux salariés des groupements. Mais dans quel but ? Les droits des salariés résultent de la convention collective applicable, et non d’un accord national spécifique – ou alors, on change complètement de système ! C’est toute l’ambiguïté de votre proposition : il faut vous expliquer sur ce point.

C’est le principe même de l’adhésion qui doit être débattu au sein de l’entreprise ; il faut débattre, par exemple, de son opportunité économique et de ses conséquences sociales. Mais à partir du 1er janvier prochain, les salariés seront exclus de cette consultation !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ils ont autre chose à faire !

M. Alain Vidalies. En renvoyant à un accord interprofessionnel ou à un accord de branche avant le 1er janvier 2010, vous nous présentez un leurre pour cacher le véritable objectif, à savoir la disparition pure et simple de la nécessité de l’accord préalable dans les entreprises de plus de 300 salariés.

Vous nous proposez ensuite de supprimer, purement et simplement, l'interdiction d'adhérer à plus de deux groupements d'employeurs. À partir de quelles études, de quels constats ? Vous n'avancez aucune argumentation particulière, vous contentant d’écrire, je cite le rapport : « l'utilité d'une telle disposition n'est pas avérée et c'est pourquoi il est proposé de la supprimer ».

Mme Michèle Delaunay. Ça, c’est un sommet !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Citez le propos en entier, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. Avec un raisonnement pareil, on va faire du droit pendant longtemps.

En procédant ainsi par affirmation, vous vous exonérez de la démonstration inverse, c'est-à-dire de l'existence d'une telle demande ou d'un objectif résultant de la possibilité pour les entreprises d'adhérer à un nombre illimité de groupements. Il est vrai que, sur ce sujet comme sur les autres, votre proposition de loi se caractérise par une absence d'étude d'impact – vous en avez parlé – tout à fait regrettable pour la qualité de notre débat.

Vous supprimez les seuils et vous supprimez la solidarité de plein droit prévue par l'article L.1253-8 du code du travail qui précise : « Les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires. »

Vous proposez d'ouvrir aux membres du groupement la possibilité d'adopter des statuts qui précisent « les règles de répartition des dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires ». C’est tout simplement un transfert du risque sur les salariés ou sur les organismes sociaux.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Mais non !

M. Alain Vidalies. Que se passera-t-il en cas de défaillance, voire de dépôt de bilan, d'une entreprise membre du groupement ? Après l’adoption de votre proposition de loi, ce sera au salarié, bien que salarié du groupement, d'engager des poursuites pour faire valoir ses droits. C'est l'essence même du groupement d'employeurs sur le plan social qui est ainsi remise en cause. D'un dispositif qui faisait consensus parce qu'il correspondait à l'intérêt à la fois de l'entreprise et du salarié, vous ne voulez plus faire qu'une association d'employeurs sans risque. C'est la négation même de la démarche du groupement d'employeurs.

M. Philippe Boënnec. Ce n’est pas le texte !

M. Alain Vidalies. Chacun doit mesurer l'effet cumulatif de vos propositions.

Ainsi, demain, des entreprises de 10 000 ou 20 000 salariés pourront constituer des groupements d'employeurs. Elles pourront décider que chacune n’est responsable que pour les heures de travail effectuées et l'adhésion sera décidée par l'entreprise seule puisque, après le 1er janvier 2010, aucun accord d'entreprise préalable ne sera nécessaire ! Nous sommes bien loin des principes et des objectifs d'origine des groupements d’employeurs.

L'absence de règles, l'absence de responsabilités peuvent conduire à des effets dévastateurs sur le plan du droit du travail.

En résumé, ces propositions sur les groupements d’employeurs ne créeront aucun emploi mais prennent le risque d'ouvrir la porte à tous les abus au détriment des salariés.

Vous rompez ainsi le consensus sur cette belle idée des groupements d'employeurs qui subissent aujourd'hui votre obsession de la déréglementation. Au fond, vous êtes, idéologiquement, imperméables à la crise. Avant la crise, vous déréglementiez, pendant la crise, vous continuer à déréglementer.

M. Christian Eckert. C’est vrai !

M. Richard Mallié. Ça, il fallait l’entendre !

Mme Marisol Touraine. Eh bien, vous l’avez entendu !

M. Alain Vidalies. Vous en serez un acteur avec le travail du dimanche, monsieur Mallié.

Mais le pire n'est jamais sûr et vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin avec l'article 4 de votre proposition, qui élargit dangereusement les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent constituer, avec d'autres personnes physiques ou morales, des groupements d'employeurs.

Nous avons déjà eu ce débat lors du vote de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Le texte issu de ce débat était satisfaisant dans la mesure où il créait la possibilité pour les collectivités territoriales d'adhérer à un groupement d'employeurs, tout en limitant cette possibilité au cadre d'un service public industriel et commercial, à l'environnement ou à l'entretien des espaces verts ou des espaces publics. La rédaction retenue prenait en compte – le débat portait déjà là-dessus – les difficultés liées aux risques de violation du statut de la fonction publique territoriale pour les autres missions.

En supprimant le cadre ainsi défini en 2005, vous créez à nouveau les conditions de ce risque majeur qui nous amène à nous interroger sur la constitutionnalité d'un tel article.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. V’là autre chose !

M. Alain Vidalies. J'observe d'ailleurs que cette initiative n'a été précédée d'aucune consultation, ni des collectivités territoriales et des associations représentatives ni des organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale.

Ce texte est dangereux. Il peut conduire à des abus manifestes. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler les propos de notre rapporteur devant la commission, qui intéresseront grandement, je pense, le Conseil constitutionnel : « il peut être utile pour les collectivités locales de recruter de manière plus souple des collaborateurs. »

Un statut de la fonction publique territoriale existe, qui permet l’égalité d’accès à des emplois publics. Il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur, d’inventer des systèmes de recrutement plus souples. Quand un statut existe, on le respecte et ici, dans le temple de la République et de la démocratie, nous ferions bien d’en faire autant. Lorsque les acteurs découvriront, puisqu’il n’y a eu aucune consultation, la portée de votre proposition, vous verrez bien quelles seront leurs réactions.

Tout est dit : un texte destiné à favoriser les groupements d'employeurs devient un texte sur l'assouplissement des conditions de recrutement dans les collectivités locales !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Vous avez un sens inné de la synthèse, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Naturellement, nous soumettrons, le moment venu, cette initiative à l'appréciation du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. S’agissant du prêt de main-d’œuvre, vous nous proposez de modifier l’article L.8241-2 du code du travail en précisant qu’il n’y a pas de but lucratif dans une opération de prêt de main d’œuvre quand l’entreprise prêteuse n’en tire pas de bénéfice.

La réalité est que cette initiative est destinée à combattre la jurisprudence, principalement l’arrêt de la chambre criminelle du 20 mars 2007 qui a précisé que « le but lucratif au sens de l’article L.8241-1 consiste au profit de l’utilisateur ou du prêteur de main-d’œuvre en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire ».

Vous évoquez d’ailleurs cet arrêt dans votre rapport mais avec un léger oubli, c'est-à-dire que la phrase qui précise que l’interdiction d’un profit concerne aussi bien l’entreprise prêteuse que l’entreprise utilisatrice n’apparaît plus dans votre rapport alors que c’est l’essence même de l’arrêt de la cour criminelle.

M. Régis Juanico. Un hasard ! un oubli !

M. Alain Vidalies. Si votre proposition de loi est adoptée, l’entreprise utilisatrice pourra toujours emprunter de la main-d’œuvre à bas coût sans encourir dorénavant le moindre risque. Chacun peut imaginer les conséquences d’une telle possibilité dans des mains mal intentionnées.

Cette proposition, comme l’ensemble de votre texte, ignore d’ailleurs les dispositions de la loi de janvier 2007 en omettant les partenaires sociaux, ou plutôt en les mettant devant le fait accompli.

Vous évoquez l’urgence sociale alors qu’en réalité, une nouvelle fois, vous fragilisez la situation des salariés.

La cerise sur le gâteau, si j’ose dire, a été déposée cet après-midi – même si la commission l’a repoussée.

Mme Marisol Touraine. Et quelle cerise !

M. Alain Vidalies. Le fait que M. Lefebvre, porte-parole de l’UMP, dépose un tel amendement est hallucinant.

Mme Marisol Touraine. Invraisemblable !

M. Christian Eckert. Révélateur !

M. Alain Vidalies. En effet, M. Lefebvre propose tout simplement qu’un salarié puisse poursuivre l’exécution de son contrat de travail par télétravail – je pense que cela ne devait pas être votre objectif, madame la secrétaire d’État – pendant un arrêt de maladie, un accident du travail et même en congé de maternité.

Mme Marisol Touraine. C’est ahurissant !

M. Alain Vidalies. Ces dispositions datent de la fin du XIXe siècle. Aucune majorité d’ailleurs n’avait imaginé bafouer de tels principes.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. L’amendement a-t-il été adopté ?

Mme Marisol Touraine. M. Lefebvre a osé le déposer !

M. Alain Vidalies. Messieurs de l’UMP, c’est une expression du porte-parole de l’UMP dans le débat public. Cette organisation politique n’étant pas soumise à la loi de la jungle, lorsque ce dernier fait une proposition aussi forte, l’opposition a le droit de la commenter et les salariés celui de s’inquiéter.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Parlez de l’amendement qui a été adopté !

Mme Marisol Touraine. Il s’agit du porte-parole de l’UMP quand même !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. L’amendement de M. Lefebvre n’a pas été introduit dans la proposition de loi !

M. Philippe Boënnec. La commission l’a refusé !

M. Alain Vidalies. À moins qu’il ait l’intention, par une démarche personnelle, de devenir le « monseigneur Lefebvre du code du travail », auquel cas je comprendrai mieux le caractère régressif de ses propositions…

M. Richard Mallié. Elle était facile à faire celle-là !

M. le président. Laissez M. Vidalies aller à sa conclusion, s’il vous plaît.

M. Alain Vidalies. Merci, monsieur le président, mais mon temps de parole n’est pas encore écoulé.

Bien entendu, c’est toujours à l’abri du volontariat du salarié que vous avancez pour proposer ces régressions majeures. Les salariés doivent être volontaires.

M. Christian Eckert. Bénévoles !

M. Alain Vidalies. Volontaires pour travailler le dimanche, volontaires pour le prêt de main-d’œuvre, volontaires pour continuer à travailler s’ils sont malades, volontaires pour continuer à travailler s’ils sont en congé de maternité…

M. Richard Mallié. Arrêtez !

M. Alain Vidalies. Une telle démarche, qui fait en permanence référence au volontariat pour détourner l’application de la règle sociale, est la négation même du lien de subordination, lequel est la raison même de l’existence du code du travail. Cette démarche est dangereuse pour notre contrat social.

Mme Marisol Touraine et M. Christian Eckert. Très juste !

M. Richard Mallié. On n’en est plus à la lutte des classes, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Pour marquer un coup d’arrêt à cette dérive, le groupe socialiste, radical et citoyen vous propose de voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe UMP.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne dirai que quelques mots à la suite de la plaidoirie virtuelle de notre collègue car j’ai eu beau écouter attentivement son propos, je n’y ai pas relevé de motifs qui tendraient à démontrer que cette proposition de loi n’est pas conforme à notre Constitution.

M. Régis Juanico. Il en a parlé deux fois !

M. Alain Vidalies. L’article 4 !

M. Bernard Gérard. Je l’ai écouté avec beaucoup d’attention : il a développé des arguments qui n’ont strictement rien à voir avec la procédure.

Mme Isabelle Vasseur. Comme d’habitude !

M. Bernard Gérard. Il a fait un long plaidoyer sur le fond du dossier, et nous aurons à nous en expliquer tout à l’heure les uns et les autres. Mais le plus stupéfiant est d’évoquer l’irrecevabilité lorsque l’on parle d’emploi.

M. Alain Vidalies. L’article 4 !

M. Bernard Gérard. Irrecevable l’emploi ? Mais c’est invraisemblable d’entendre cela ! Irrecevables les mesures de cette proposition qui tendent à améliorer la situation de l’emploi dans une période de crise ?

M. Régis Juanico. Un emploi au rabais !

M. Bernard Gérard. Irrecevables les mesures créatrices d’emploi, de sécurité pour un certain nombre de salariés, et notamment pour les plus défavorisés ?

Je suis estomaqué d’entendre un collège – qui, dans sa permanence, doit pourtant recevoir des personnes préoccupées par la situation actuelle – nous expliquer avec beaucoup de légèreté que cette proposition de loi est irrecevable.

Irrecevable le fait de rendre du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent à temps partiel en leur permettant d’effectuer des heures supplémentaires ? Mais, en commission, cette mesure a été adoptée à l’unanimité. Il semble que vous ayez oublié votre vote.

M. Dino Cinieri. Absolument !

M. Bernard Gérard. Nous reviendrons sur certains éléments à l’occasion de la question préalable et lorsque nous discuterons de l’article 12 bis. Pour le moment, je considère que les arguments que vous nous avez présentés ne justifient en rien une procédure devant le Conseil constitutionnel fondée sur je ne sais quel article de la Constitution puisque l’intégralité de ce qui devait être fait pour respecter la procédure a été mis en œuvre. Nous proposons donc le rejet de cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe GDR.

M. Maxime Gremetz. Le groupe GDR soutiendra évidemment cette exception d’irrecevabilité.

Il y a dans la présente proposition de loi beaucoup de dangers cachés mais également beaucoup de propagande.

M. Benoist Apparu. C’est un expert qui parle !

M. Maxime Gremetz. J’ai l’impression que vous faites comme votre chef : il y a la crise, il faut parler d’emploi. Mais pour proposer quoi ? C’est quand même extraordinaire ! Calculez : 35 000 emplois créés en vingt ans, cela fait combien par an ?

Quant au télétravail, madame la secrétaire d’État, j’ai la liste des soixante-quinze entreprises de la région picarde qui commencent par licencier les intérimaires, par du chômage partiel, puis délocalisent et licencient. Cela fait des millions d’heures perdues pour les salariés. Si vous voulez tellement créer des emplois, mais empêchez donc les licenciements auxquels procèdent les grands groupes industriels qui encaissent des profits alors qu’ils sont responsables de la crise !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. C’est idéologique ! On vous parle du télétravail !

M. Maxime Gremetz. Et quand on ferme les entreprises, que deviennent les sous-traitants et ceux qui font du télétravail pour les travaux annexes ? (« Cela n’a rien à voir ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le titre de cette proposition de loi est très prétentieux, puisqu’il est question de mesures destinées à « faciliter le maintien et la création d’emplois », mais aucune disposition ne va dans ce sens et j’aurai l’occasion de le démontrer.

Vous citez les syndicats quand ça vous arrange, mais vous n’avez pas parlé, monsieur le rapporteur, de la position sévère de la CGT et de la CFDT à l’égard de votre texte, et c’est bien dommage ! Ce sont pourtant presque les organisations majoritaires.

M. Richard Mallié. On s’en fout de la CGT !

M. Maxime Gremetz. Ces deux syndicats disent non seulement que ce texte ne va rien résoudre, qu’il est de la poudre aux yeux, mais qu’il vise à mettre en cause, une fois encore, les droits des salariés et le code du travail. Notre collègue Vidalies a magistralement souligné les dangers se profilant derrière une proposition qui n’aura aucune efficacité. Voilà pourquoi ce texte est anti-constitutionnel. (« Rien que ça ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous voulez remettre en cause le code du travail !

M. Benoist Apparu. C’est nouveau ça ! Parlez-vous donc du bloc de constitutionnalité !

M. Maxime Gremetz. Vous ne le connaissez pas beaucoup, vous, le code du travail ! La Constitution prévoit le droit à l’emploi, le droit de s’organiser, une égalité de traitement partout dans le pays. Or, là, vous voulez créer des statuts spécifiques sortant du cadre des conventions collectives ! Nous soutenons donc cette exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe SRC.

Mme Marisol Touraine. Bien évidemment, le groupe SRC votera cette exception d’irrecevabilité qui a été brillamment défendue par Alain Vidalies.

C’est l’orientation politique de la proposition de loi que nous récusons. Vous ne trouvez en effet à opposer à la situation sociale catastrophique dans laquelle nous nous trouvons – chômage qui part en flèche, licenciements en augmentation et précarité croissante des jeunes –…

M. Benoist Apparu. On dirait que cela vous fait plaisir !

Mme Marisol Touraine. …que des mesures fragilisant davantage encore la situation des salariés.

M. Benoist Apparu. Qu’est-ce qu’on est méchants !

Mme Marisol Touraine. Pourtant, perdues dans l’ensemble, figuraient quelques dispositions plutôt favorables qui concernaient notamment les jeunes avec le contrat de professionnalisation. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Alors que le Gouvernement a annoncé, il y a quelques semaines, un plan en faveur des jeunes, on pouvait se demander pourquoi un tel dispositif plutôt qu’un plan global cohérent. La démarche était un peu surprenante, mais nous apprenons aujourd’hui que le Gouvernement demande purement et simplement le retrait de cet ensemble de mesures qui étaient les seules positives dans ce texte. Nous n’avons donc plus grand-chose à nous mettre sous la dent !

L’argumentation de M. le secrétaire d’État consiste à dire qu’il vaut mieux accepter les propositions qui sont faites plutôt que des licenciements et que nous aurions bien du mal à expliquer le contraire. Mais avec ce genre de raisonnement, il faudrait demander aux salariés, pour éviter une délocalisation, d’accepter d’aller travailler dans tel ou tel pays pour quelques centaines d’euros ! Tout plutôt que le licenciement ! Tout plutôt que la fermeture des entreprises ! Donc, qu’à cela ne tienne, il faut accepter des salaires de 300, 400, 500 euros, en Roumanie, en Inde ou ailleurs ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Vous vous égarez !

Mme Marisol Touraine. Le raisonnement selon lequel un salarié habitant Lille devrait accepter d’aller travailler, dans le cadre d’un groupement d’entreprises, à Marseille pour éviter un licenciement n’est évidemment pas acceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Arrêtez !

Mme Marisol Touraine. C’est une logique sinon de destruction, du moins de diminution des droits sociaux qui préside à ce texte. C’est si vrai que l’un de vos collègues, porte-parole de l’UMP, a trouvé possible d’aller encore plus loin dans le détricotage de notre droit social en s’appuyant sur les mesures contenues dans cette proposition de loi puisqu’il voudrait faire du télétravail une manière moderne assurément, contemporaine certainement, de contourner les arrêts de travail pour maladie, maternité ou accident du travail.

Il y a donc une contradiction fondamentale entre le discours sur la flexisécurité tenu par la droite, qui explique qu’il faut faire du filet social le bouclier contre la crise, et la réalité des textes présentés, des lois votées, qui visent tous à supprimer des garanties. Pourtant, en période de crise, il n’y a pas d’autre solution que de renforcer les droits des salariés, le bouclier social, les garanties apportées à nos concitoyens les plus en difficulté. Alors, parlons formation professionnelle tout au long de la vie !

M. Benoist Apparu. La semaine prochaine !

Mme Marisol Touraine. Parlons sécurité face aux licenciements !

Mme Isabelle Vasseur. Faites des propositions de temps en temps plutôt que toujours critiquer !

Mme Marisol Touraine. Parlons renforcement des droits des salariés face aux employeurs ! Mais, de grâce, ne prétendez pas qu’en permettant à des entreprises de se prêter des salariés comme si c’était des marchandises vous faites un pas en avant pour la sécurité de nos concitoyens ! Personne ne sera dupe ! Nous voterons donc cette motion de procédure sans aucune hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je voudrais vous livrer quelques informations générales concernant la méthode.

Premièrement, monsieur Vidalies, vous ne m’aviez pas habitué à tronçonner les citations et je déplore que vous ayez recouru à ce procédé. La démonstration de l’utilité des groupements d’employeurs fait l’objet d’un peu plus d’une page du rapport et je regrette que vous en ayez extrait la dernière phrase qui n’est pas révélatrice de ce qui précède.

Deuxièmement, je n’ai pas, dans ma manche, de plan pour l’emploi. Je peux comprendre ce qu’est un plan d’investissement, mais des plans pour l’emploi, s’il y en avait, on les connaîtrait ; si vous en avez, proposez-les et, surtout, proposez-nous des choses qui n’ont pas déjà été mises en place et dont on a vu les différents effets !

M. Dino Cinieri. Ils n’ont rien à proposer !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Troisièmement, je suis désolé, monsieur Vidalies, mais nous n’avons pas dû lire le même texte ! Vous avez évoqué la question de la solidarité entre les entreprises du groupement d’employeurs et vous voulez une « association d’employeurs sans risques » – c’est une des bonnes formules dont vous avez le secret ! Mais le seul objectif de cette proposition de loi est de faire en sorte qu’il y ait deux manières de répondre aux exigences des dettes contractées par les entreprises d’un groupement : l’entente entre les entreprises sous la forme d’un contrat pour faire face aux dettes ou le texte tel qu’il s’applique aujourd’hui. Où voyez-vous la suppression pure et simple de la responsabilité sur les dettes ? Je pense que vous êtes davantage influencé par le fil de votre lecture que par le texte de la proposition !

Quatrièmement, et ce n’est pas la première fois que la question se pose – Benoît Apparu comprendra à quoi je fais référence –, il faut savoir ce que l’on fait des accords nationaux interprofessionnels.

Mme Marisol Touraine. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est un vrai sujet de fond qui concerne la démocratie sociale et que nous avons ébauché l’an dernier à l’occasion du texte sur la représentativité. L’accord national interprofessionnel – ANI – est la résultante d’un rapport de forces dans une négociation. Il y a, pas loin d’ici, des syndicalistes qui ont l’habitude de ces négociations. Au nom de quoi le législateur serait-il obligé de transcrire dans la loi ce qui résulte d’un rapport de forces dans une négociation ?

Mme Marisol Touraine. A ce moment-là, il ne faut pas parler de négociations sociales à longueur de discours !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Dans le rapport de forces d’une négociation, il y a des éléments qui sont concédés, des éléments qui ne relèvent ni du droit ni de la compétence de la loi, des éléments qui sont de niveau réglementaire et non législatif. Il y a donc des éléments d’une nature différente selon les niveaux.

M. Alain Vidalies. C’est intéressant !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Mais bien sûr que c’est intéressant, monsieur Vidalies ! Et si vous lisez l’ANI sur le télétravail, vous verrez qu’il contient des dispositions d’ordre législatif et d’autres qui sont, à l’évidence, d’ordre réglementaire.

Je vais même vous donner un deuxième exemple sur l’harmonisation des lectures. Vous nous dites que nous avons sans cesse le volontariat à la bouche, mais dans quel accord national interprofessionnel ne mentionne-t-on pas le volontariat des salariés ? Citez m’en un ! Je vous renvoie à l’accord national interprofessionnel sur le télétravail dans lequel le volontariat est mentionné. Je vous demande donc, monsieur Vidalies, sur ce point comme sur le reste, de choisir votre camp.

Enfin, si l’alinéa en question de l’article L.8241-2 du code du travail était aussi néfaste, aussi dévastateur, il fallait le supprimer, mes chers collègues !

M. Maxime Gremetz. Vous nagez entre deux eaux !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Or, que je sache, jusqu’à présent il ne vous a pas effrayés ! A ma connaissance, vous n’avez pas eu l’intention de le supprimer, tout simplement parce que le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est une pratique qui n’est peut-être pas courante mais qui existe depuis longtemps. Si elle était aussi effrayante que cela, que ne lui avez-vous fait la peau avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Bravo ! Quel talent ! Il frétille !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mme Marisol Touraine a parlé de garanties sociales et je voudrais simplement corriger une erreur de M. Vidalies,…

M. Dino Cinieri. Une de plus !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. …une lourde erreur. Chacun reconnaît ici que l’inégalité majeure de la société française c’est le différentiel d’espérance de vie selon les catégories professionnels. Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre 2003 pour corriger l’inégalité majeure selon laquelle c’était ceux qui avaient la durée d’activité la plus longue et les retraites les plus petites qui avaient la durée d’espérance de vie la moins longue ?

J’ai cru comprendre que M. Vidalies ne reconnaissait pas que cette garantie sociale relevait de l’action de la majorité de l’époque. C’est pourtant la principale garantie sociale accordée au cours de ces dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. Et la CMU, ce n’est pas une avancée sociale ?

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État,…

M. Maxime Gremetz. Où est M. Hortefeux ?

M. Jean-Patrick Gille. …mes chers collègues, nous examinons ce soir une proposition de loi du groupe UMP, visant à faciliter le maintien et la création d’emplois. Ses auteurs nous assurent qu’elle tend, non à constituer un plan de relance ou un énième plan pour l’emploi, mais à faciliter le développement des formes d’emploi innovantes et dotées d’un fort potentiel de création d’emplois nouveaux : le groupement d’employeurs, le télétravail et le prêt de main-d’œuvre. Mais ceux-ci favoriseront surtout la précarisation du droit du travail.

Je dois cependant à la vérité de rappeler que le texte contenait deux demi-mesures intéressantes : la prorogation d’une année de l’allocation équivalent retraite et le rétablissement d’une aide, sous forme de crédit d’impôt, pour les entreprises embauchant des jeunes en contrat de professionnalisation. On ne peut cependant pas parler de mesures à part entière, car les auteurs du texte ne proposent que de rétablir deux dispositifs supprimés par la majorité. Autant dire qu’ils n’ont pas fourni un gros effort d’inventivité, puisqu’ils se sont contentés de corriger des choix malheureux remontant à l’automne 2007, que la crise et l’aggravation du chômage ont fait apparaître comme de graves erreurs. Encore un effort, chers collègues de la majorité, et vous reviendrez sur la faute originelle du Gouvernement : la loi TEPA de 2007 et le bouclier fiscal !

Malheureusement, ces deux propositions qui pouvaient recueillir notre assentiment – même si nous souhaitons non pas la prorogation pour un an mais le rétablissement de l'AER, comme nous avons obtenu celui de l'AFF – ne font plus débat. L'AER est tombée sous le coup de l'article 40 et le dispositif relatif aux contrats de professionnalisation sera vraisemblablement mis en place par le Gouvernement de manière réglementaire sous forme d'une prime aux entreprises.

Le rappeler permet de souligner une certaine improvisation dans la rédaction de cette proposition de loi, à moins que ces deux mesures n’aient été qu’une manière de l'enjoliver, d'améliorer sa communication, voire de masquer ses éléments plus contestables.

Par ailleurs, deux dispositions nouvelles qui n'ont pas grand-chose à voir avec les précédentes, sont apparues en commission.

L'article 8 bis propose de réduire de trois à deux mois la durée de stage nécessaire ouvrant droit à une gratification, initiative parlementaire qui n'est en fait que la transcription zélée par M. Apparu des souhaits du Président de la République.

L'article 12 bis vise à permettre aux salariés à temps partiel qui le désirent de bénéficier temporairement d'une augmentation de leur horaire. En commission, certains d'entre vous sont allés jusqu'à demander qu’ils bénéficient des heures supplémentaires défiscalisées : on pourrait ainsi embaucher à temps partiel et faire travailler tout le monde à 35 heures avec des charges réduites ! Dans mon département, il existe bien une entreprise qui, selon les semaines, alterne chômage partiel et heures supplémentaires de week-end, et bénéficie donc de deux dispositifs d'aide a priori contradictoires mais qui s'ignorent.

M. Alain Vidalies. Très juste !

M. Jean-Patrick Gille. Nous pensons que l'affaire que nous traitons, un lundi soir et, il faut bien le dire, en catimini, n'est pas aussi anodine qu'on voudrait nous le faire croire, car ce patchwork législatif est cousu de fil blanc. Et ce fil qui relie notamment les trois principales mesures – possibilité de généraliser le groupement d'employeurs par la déréglementation des dispositions encadrant leur mise en place, encouragement de la mobilité professionnelle par la modification de la définition du prêt illicite de main-d'œuvre, et promotion du télétravail – est la volonté de distendre le lien juridique ou géographique entre le salarié et son employeur, pour assouplir les obligations légales et sociales du second.

Le point commun de ces trois dispositions est la volonté d'accroître la flexibilité en déréglementant, sans pour autant apporter de nouvelles garanties ni de nouvelles sécurités aux salariés. Autant dire qu’il s’agit de l’inverse de la flexsécurité.

M. Dino Cinieri. Rien que des discours ! Pas une seule proposition ! Vous n’avez jamais créé un emploi, monsieur Gille !

M. Jean-Patrick Gille. L'objectif avoué est de sécuriser pour l'employeur des pratiques à la limite de la légalité, voire illicites. C'est d'ailleurs ce qui explique l'obstination d'une partie de la majorité sur le travail du dimanche. Contrairement à ce que vous prétendez, vous légiférez non pour mieux réguler le marché du travail, mais pour régulariser des pratiques à la limite de la « licéité », pour les légaliser, voire les généraliser.

M. Richard Mallié. Et alors, ça vous ennuie ?

M. Jean-Patrick Gille. Un peu, oui ! L'objectif recherché est de permettre aux entreprises de substituer le plus possible une relation commerciale avec un prestataire de main-d'œuvre, au contrat de travail jugé trop contraignant pour l'employeur.

M. Maxime Gremetz. Le télétravail, c’est sûr, c’est bien mieux !

M. Alain Vidalies. Surtout le dimanche !

Mme Michèle Delaunay. Et pour les femmes enceintes !

M. Jean-Patrick Gille. Le but est d'externaliser le plus possible la main-d'œuvre pour échapper aux indemnités, aux risques juridiques, voire aux obligations de reclassement que comportent les procédures de licenciement. La première flexibilité que vous recherchez consiste à alléger la responsabilité sociale de l'entreprise à l'égard de ses salariés. Cet affaiblissement des garanties collectives, qui va à rencontre même de la logique de flexisécurité que vous invoquez, commandait déjà la loi sur la modernisation du travail. Il se manifeste aujourd'hui par un accompagnement législatif de l'explosion des communautés de travail.

M. Marc Bernier. Tu parles !

M. Jean-Patrick Gille. Au nom du principe « plutôt un emploi déprécié que pas d'emploi », vous menez depuis des années une politique de détricotage du code du travail, de contournement des garanties collectives, d'inversion de la hiérarchie des normes, qui vous a amenés hier – il y a moins d'un an – à favoriser l'accord d'entreprise sur l'accord de branche ou interprofessionnel, et qui vous conduit aujourd'hui à prôner le gré à gré entre entreprises, car c'est bien ce à quoi tend la promotion des formes de prêt de main-d'oeuvre. Demain, ce sera le retour du journalier, déjà amorcé avec le forfait jour.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Bien sûr ! Avec le retour du paiement par quinzaine !

M. Jean-Patrick Gille. Vous ne croyez pas si bien dire ! Vous profitez de la crise pour déconstruire des protections conquises il y a plus de cent cinquante ans !

M. Marc Bernier. Vous n’exagérez pas un peu ?

M. Jean-Patrick Gille. Mais non ! De la même manière que vous vous êtes refusés à traiter la question des salaires,…

M. Dino Cinieri. Vous ne savez pas ce que c’est que de créer un emploi !

M. Jean-Patrick Gille. …vous refusez d'affrontez celle de la disparition des vrais emplois. Pire, vous l'organisez. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Seul M. Gille a la parole !

M. Jean-Patrick Gille. Quand vous rendrez-vous compte que cette politique de légalisation des sous-emplois contribue autant que la crise à tuer l'emploi, de la même manière que le dispositif d'exonération des heures supplémentaires censé maintenir le pouvoir d'achat des inclus, éloigne chaque jour des jeunes de l'emploi ? Dès lors, comment ne pas comprendre la colère des « Conti », qui ont accepté de revenir à 39 heures et qui vont être licenciés ? Comment ne pas comprendre la colère des salariés contraints, sous l’effet d’un chantage, à accepter une modération salariale voire une baisse de leur salaire pour conserver leur emploi sans garantie dans la durée, alors que leurs dirigeants continuent – parfois, comme à EDF, avec l'accord du Gouvernement – de s'augmenter de manière honteuse ?

Comme nous l'a dit une syndicaliste proche du terrain et au fait de ces nouvelles formes d'emploi, « pour pouvoir garder son emploi il faut accepter n'importe quoi ». Et que dire d'autres formules telles que le portage salarial, le travailleur indépendant, l'auto-entrepreneur, qui peuvent marginalement répondre à des situations précises, mais dont la généralisation ne peut induire qu'une précarisation accrue ?

Comment ne comprenez-vous pas que cette logique, qui en France a produit 6 millions de travailleurs précaires, est, au niveau de l'ensemble de la planète, à l'origine de la crise ? Car la dégradation généralisée de l'emploi a entraîné un recours massif au crédit pour maintenir la consommation, ce qui, aux États-Unis, avec la crise des subprimes, a débouché sur un krach du réseau bancaire mondial, qu'il faut aujourd'hui renflouer et assainir.

En voulant répondre à la crise par la déréglementation et la généralisation de mesures, qui, ponctuellement et bien encadrées, peuvent avoir un intérêt, vous persévérez dans votre volonté farouche d’abaisser à toute force le coût du travail et de déstructurer le marché du travail, tendances qui sont en grande partie à l’origine de la crise. Ainsi, le télétravail, qui est une opportunité pour certains publics, ne doit pas être un prétexte pour remettre les femmes à la maison.

M. Bernard Gérard. N’importe quoi !

M. Jean-Patrick Gille. J’ai d’abord réagi comme vous, mais quand on lit l’amendement qu’a déposé M. Lefebvre, visant à faire travailler les femmes pendant leur congé de maternité, on n’en croit pas ses yeux. Une telle proposition ne vous grandit pas !

M. Régis Juanico. En pleine campagne pour les élections européennes !

M. Dino Cinieri. Monsieur le chargé de mission, ces propos n’engagent que vous !

M. Régis Juanico. C’est votre TVA sociale !

M. Jean-Patrick Gille. Pourquoi ne pas simplement élargir l'accord interprofessionnel et construire les garanties collectives du télétravail, au lieu d’adopter une législation en retrait par rapport à cet accord, notamment sur la question essentielle du respect de la vie privée ?

Puisque vous voulez œuvrer pour « le maintien et la création d'emplois », que nous désirons tous, quel que soit notre groupe politique, n'est-il pas plus urgent de renoncer à supprimer des postes dans le public, de légiférer sur les moyens efficaces de lutter contre les licenciements boursiers et les délocalisations, de construire la sécurisation des parcours professionnels par la généralisation des contrats de transition professionnels, c'est-à-dire de garder une forme de contrat de travail même pendant les périodes de chômage, au lieu d’organiser un concours Lépine du meilleur moyen de contourner la législation du contrat de travail ? Pourquoi ne pas construire le droit à la formation initiale différée, qui a disparu du projet de loi sur la formation professionnelle et qui permettrait à chacun même en période de chômage d'accroître ses qualifications ? Et pourquoi ne pas remettre en place les emplois jeunes, notamment dans le secteur de l’économie verte ? Car notre économie souffre, non d'un contrat de travail trop rigide ni même d’un manque de volonté de travailler – au contraire ! –, mais d'un manque de vrais emplois, c'est-à-dire d'une bonne organisation du travail, d'une bonne répartition du travail – je dis bien répartition et non partage –, et de bonnes garanties individuelles et collectives, assorties d'une rémunération décente. Continuez à légaliser la précarité, la défiance et la colère vont prospérer !

M. Jean-Paul Anciaux. Ce n’est pas notre but !

M. Jean-Patrick Gille. Après avoir essayé de vous sensibiliser au caractère pernicieux, car contre-productif, de la logique que vous suivez, j’en viens aux arguments qui fondent cette motion préalable et qui tiennent à la sous-estimation du caractère insidieusement destructeur, pour le contrat de travail, des principales mesures proposées : l'absence d'une véritable concertation des partenaires sociaux, l'absence d'études d'impact et le risque d’un retour de Bolkestein.

M. Dino Cinieri. C’est nouveau !

M. Bernard Gérard. Vous vous êtes trompé de discours !

M. Jean-Patrick Gille. Commençons par l'absence d'une véritable concertation des partenaires sociaux. Il me semblait que, depuis les funestes expériences du CPE et du CNE, une loi de janvier 2007 sur le dialogue social de M. Fillon, désormais Premier ministre, oblige le Gouvernement, s'il souhaite intervenir ou légiférer en matière d'emploi et de code du travail, à procéder à une concertation des partenaires sociaux. Or, à ma connaissance, celle-ci n'a pas eu lieu sur ce texte.

M. Bernard Gérard. Il s’agit d’une proposition de loi !

M. Jean-Patrick Gille. Même s’il est d’initiative parlementaire et qu'il n'a pas prétention de réformer en profondeur le code du travail, personne n'est dupe. Quelque respect qu’on ait pour le travail des parlementaires de la majorité, nul n'imagine qu'une telle proposition de loi n'a pas reçu l'aval de Matignon et le soutien exprès des cabinets ministériels – on l’a d’ailleurs annoncé cet après-midi –, voire des administrations centrales concernées.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. Jean-Patrick Gille. Par ailleurs, quoi qu’on dise sur la modestie et l'innocuité des mesures proposées, je crains que l'absence d'études d'impact n’entraîne une sous-estimation de leurs conséquences juridiques et sociales. À cet égard, il y a anguille sous roche.

Faut-il, pour faire face à la crise et répondre à la compétition économique mondiale, remettre en cause notre modèle social, que Nicolas Sarkozy, après l'avoir tant décrié, vante désormais à l'étranger, montrant à juste titre comment nos amortisseurs sociaux atténuent pour l'heure les effets de la crise ? Las, le même Nicolas Sarkozy encourage le Gouvernement à démanteler les protections sociales et le contrat de travail. De ce fait, nos collègues de la majorité sont devenus les instruments de ce qu'il faut bien appeler une régression sociale, dont la pertinence économique n'a pas été prouvée et dont nous pensons même qu'elle est contre-productive.

M. Dino Cinieri. N’importe quoi !

M. Jean-Patrick Gille. Vous voulez faciliter le prêt de main-d'œuvre entre entreprises, ouvrant la possibilité de transférer des salariés d'une entreprise à une autre par une simple convention de gré à gré…

M. Dino Cinieri. Cela existe depuis cinquante ans !

M. Jean-Patrick Gille. …mais sans leur verser d'indemnités de licenciement. S'il s'agit de fournir temporairement du personnel sur une mission précise, cela existe déjà : cela s'appelle l'intérim, qui prend en compte la précarité du salarié.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Mais non !

M. Richard Mallié. Ce n’est pas la même chose, l’intérim !

M. Jean-Patrick Gille. J’ai bien compris que ce n’était pas la même chose, mais l’intérim existe !

M. Richard Mallié. Vous n’avez pas compris !

M. Jean-Patrick Gille. Les deux instruments disponibles sont le chômage partiel et l’intérim, lequel prend en compte, dans la rémunération, la précarité du salarié et lui donne des garanties que votre dispositif ne lui offre pas.

M. Jean-Paul Anciaux. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Le lobby patronal s’exerce fort !

M. Jean-Patrick Gille. En voulant sécuriser quelques cas de prêt de main d’œuvre de gré à gré, et à but non lucratif, vous prenez le risque de légaliser des situations, jusqu’ici illicites, de délit de marchandage. Même si telle n’est pas votre intention première, avec le gré à gré tel que vous voulez le développer, vous ouvrez la boîte de Pandore et la possibilité d’un intérim gratuit entre entreprises.

Vous pourriez au moins apporter un minimum de garanties aux salariés en imposant le recours aux contrats de mise à disposition. En effet ceux-ci « ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise » et doivent préciser le motif pour lequel il sont utilisés, le terme de la mission et les caractéristiques du poste de travail à pourvoir, ce qui garantit que le travailleur temporaire n'a pas des conditions de travail inférieures à celles de celui qu'il remplace.

Avec ce contrat de mise à disposition d’ailleurs, la France fait plutôt figure d'exemple aux yeux de l’OIT, car elle a su mettre sur pied un dispositif de travail temporaire efficace socialement et économiquement et qui dépasse justement les relations de gré à gré auxquelles vous nous proposez de revenir.

Par ailleurs, faciliter ou encourager le prêt de main d'oeuvre non lucratif au moment où l'intérim est en chute libre – de moins 35 %, en grande partie à cause des exonérations des heures supplémentaires – ne me paraît pas opportun.

Et si, comme vous le faites valoir, le prêt de main d’œuvre n'est pas lucratif pour le prêteur, au sens où il n'en tirerait pas bénéfice, ne peut-il pas être très avantageux pour l'emprunteur ? L'entreprise locataire aura en effet la possibilité de recourir à une main d'œuvre qui ne sera pas couverte par la même convention collective et être de facto bénéficiaire, tandis que les salariés seront défavorisés. Une telle situation est, dans l'état actuel de la jurisprudence, un délit de marchandage caractérisé ; mais qu'en sera-t-il demain si votre loi passe, puisqu'elle n'interdit plus que le bénéfice pour le prêteur ? En voulant apporter une précision, vous créez une autre incertitude juridique.

Il semble donc nécessaire de mener une analyse juridique plus poussée de la précision rédactionnelle que vous apportez au code du travail, car la notion d'absence de bénéfice est vague et risque de rendre licites certaines formes de délit de marchandage aujourd'hui condamnées. Ce n’est pas forcément votre intention, je veux bien le croire ; mais je vous demande de prêter l’oreille à ce que je viens de dire.

M. Jean-Paul Anciaux. Voilà au moins une proposition.

M. Jean-Patrick Gille. Puisqu’il s’agit d’une question préalable, j'insiste sur l'absence totale d'études d'impact. L’auteur de la proposition l’avait lui-même reconnu. On joue un peu à l'apprenti sorcier avec le code du travail. Comme dans le dessin animé de Walt Disney du même nom, les formules magiques censées faciliter les choses risquent de faire s’emballer la machine et de la rendre complètement ingérable, portant ainsi gravement préjudice aux salariés. En effet, si l'on voit bien les profits que pourraient en tirer les employeurs, les salariés n’y trouvent aucune garantie nouvelle.

Il y a ici comme un recours à la « pensée magique » de la déréglementation qui réglerait tous les problèmes, alors que Thomas Chaudron, l'auteur du rapport sur « les tiers employeurs » dont s'inspire cette proposition de loi, propose de réserver le prêt de main d'oeuvre « aux entreprises justifiant d'une politique de développement de compétences », afin d'éviter la prolifération d'entreprises dont la seule valeur ajoutée est la qualité de leur « vivier » de main d’œuvre.

J’en viens maintenant aux groupements d'employeurs.

Le souhait de lever toutes les précautions qui les encadrent nécessite aussi de mener des études d'impact importantes. En effet, les groupements d'employeurs qui concernent environ 30 000 salariés, sont un dispositif intéressant qui permet de créer et, si l’on me permet ce terme, de « déprécariser » des emplois dans de petites entreprises. C’est indéniable.

J'ai moi-même soutenu localement ce type d'initiatives et je suis engagé dans une action expérimentale, reposant sur le même principe, de groupement d'activité en direction des demandeurs d'emploi, qui consisterait à les embaucher en CDI dans un groupement d'employeur pour progressivement les stabiliser dans l'emploi.

Toutefois supprimer en même temps l'obligation d'appartenir à deux groupements au maximum, les limitations en termes de taille des entreprises éligibles – Alain Vidalies y a insisté – et l'encadrement de la mise à disposition de salariés d'un groupement pour les collectivités locales, tout cela change la nature même du dispositif. On va passer en quelque sorte d'une pratique artisanale à une pratique industrielle de cette forme de prêt de main d'œuvre encadrée et licite.

Dans l'absolu, on peut craindre que les deux novations de la proposition de loi sur les groupements d'employeurs et le prêt de main d'oeuvre fassent système et imaginer la création de groupements d'employeurs qui fonctionneraient comme des « grossistes » de prêt de main d'oeuvre par branche ou sur un territoire. C’est cela qui nous inquiète.

C'est pourquoi il me semble important de réfléchir aux conséquences de ces évolutions qui tendraient à substituer les groupements d'employeurs à la contractualisation classique, et de réfléchir aussi à l'article 3 qui supprime la clause de solidarité entre les entreprises qui les composent.

C'est à mes yeux la mesure la plus grave, puisque, si l’on y réfléchit bien, elle remet en cause la nature, l'esprit même du groupement d'employeurs, à savoir que, dans la rédaction actuelle, « les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires »

Que se passera-t-il en cas de dépôt de bilan d'une des entreprises, ou de licenciements ou encore de plan social ? Il faudrait au minimum maintenir et sécuriser la responsabilité à l'égard des salariés. Il est à noter d'ailleurs que les groupements d'employeurs sont hostiles – M. Taugourdeau l’a signalé également – à la remise en cause de cette responsabilité solidaire qu'ils considèrent à juste titre comme une caractéristique majeure de leur dispositif.

Enfin, rendre les groupements d'employeurs largement accessibles aux collectivités territoriales, c'est donner à celles-ci le moyen de contourner le recours aux emplois statutaires, par l'externalisation voire la privatisation de missions normalement exercées par des fonctionnaires territoriaux.

Contrairement à ce qui est annoncé dans l'exposé des motifs, les quatre premiers articles de la proposition de loi ne lèvent pas les contraintes relatives à la création des groupements d'employeurs, ils en modifient l'objet et l'effet.

Comme le rappelle Emmanuel Dockes, professeur à Paris X Nanterre, les groupements d'employeurs ont été créés pour permettre à des petites entreprises d'embaucher en commun, par exemple une secrétaire ou un comptable. Dès lors, écrit-il : « Pourquoi une entreprise de plusieurs milliers de salariés embaucherait-elle un salarié via le groupement d'employeurs, au lieu de l'embaucher directement, si ce n'est pour séparer la gestion du personnel de la gestion de l'entreprise ? ». Et de conclure : « C'est ce qu'on appelle l'extériorisation de la main d'œuvre ».

M. Maxime Gremetz. C’est un leurre !

M. Jean-Patrick Gille. La conséquence d'une telle généralisation et de l’extension des pratiques de prêt de main d'œuvre est de briser le lien contractuel entre les salariés et l'employeur réel et de transformer les salariés en une marchandise que les entreprises s'échangent au gré de leurs besoins.

Les modifications contenues dans la proposition de loi ne sont donc pas anodines. Il faut en mesurer pleinement les conséquences au regard du code du travail et de l'organisation du marché du travail avant de les adopter.

Je constate par ailleurs qu'il n'est nullement présenté d'estimation, même prudente, sur le nombre de postes qu'elles permettraient de maintenir ou de créer pour reprendre l'intitulé de la loi. Faut-il en déduire que tel n'est pas son véritable objectif ?

Il faudrait aussi, j'y insiste, estimer l'effet dévastateur de cette proposition de loi sur le travail temporaire, c'est-à-dire la forme sécurisée du prêt de main d'œuvre dans notre pays…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Et lucrative !

M. Jean-Patrick Gille.… qui, sous l'effet conjugué de la crise et du dispositif de défiscalisation, est déjà en chute libre. L'intérim est sans doute perfectible, mais il apporte déjà, sous forme d'un modèle économique et social performant, une souplesse au marché du travail.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je note !

M. Jean-Patrick Gille. Avec cette proposition de loi, vous vous engagez dans une forme d'aventurisme législatif et social.

M. Bernard Gérard. Vous préférez l’intérim ! C’est incroyable !

M. Jean-Patrick Gille. Je ne le préfère pas, mais j’ai dit et démontré que l’intérim s’appuie sur un contrat de mise à disposition qui permet de sécuriser le dispositif. Il y aurait évidemment bien d’autres choses à dire sur l’intérim.

Cette proposition de loi est donc inutile, incertaine et dangereuse car elle augmente la flexibilité du travail par l'externalisation de la main d'œuvre, sans apporter de nouvelles sécurités aux salariés soumis à ces nouvelles formes d'emploi. En fait, elle vise à sécuriser les employeurs, au risque de légaliser des pratiques douteuses ; j’en suis persuadé !

Au moment où le Gouvernement refuse obstinément de transcrire la directive européenne sur les services dans une loi cadre, les dispositions proposées pourraient nous ramener à l’origine de cette directive, c’est-à-dire à la directive Bolkestein avec son plombier polonais.

En effet, avec le dispositif de prêt de main d'œuvre de gré à gré, comment contrôler qu'une société ayant des établissements ou des filiales dans divers pays, notamment en Europe de l'Est, ne prête pas ses salariés à une entreprise française qui lui rembourse au prix coûtant ? Si cette société ne fait pas de bénéfice, l'entreprise française, elle, paie en fait ses salariés au prix du salaire de leur pays d'origine en toute légalité, sauf à démontrer que les deux entreprises sont juridiquement liées, pour caractériser le délit de marchandage. Bien sûr, c’est ce qui se passe actuellement, mais on peut faire confiance à l'inventivité de certains pour faire des montages opaques avec des sociétés écrans en cascade de sorte que, in fine, on ne sait plus qui a la responsabilité juridique du salarié.

Vous pourriez me dire que j'exagère…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Mais non, bien sûr !

M. Jean-Patrick Gille. …mais allez donc aux les Chantiers navals de Saint-Nazaire : vous y découvrirez des salariés hongrois qui travaillent pour 3 euros de l'heure ! C’est donc déjà possible, direz-vous, mais si votre loi passe, elle facilitera et sécurisera ce genre de pratique et ce sera bien le retour de la directive Bolkestein.

Il est donc plus urgent de transposer la directive sur les services, dans sa nouvelle formulation, avant la fin de l'année, dans une loi cadre répondant à toutes ces questions et permettant de plus de créer des services publics européens, ce qui pourrait être porteur d’emplois, que de se précipiter pour légiférer sur les dispositifs légaux de prêt de main d'œuvre. Sinon, demain nos enfants, pour travailler en France, devront aller signer leur contrat à l'étranger, avec peut-être une rémunération correcte, mais sans la protection sociale qu'apporte le droit français. C'est déjà ce qui se passe pour bon nombre de jeunes cadres supérieurs qui travaillent à La Défense et signent leur contrat en Suisse !

Cette proposition de loi aboutit a faire en sorte que le prêt de salarié soit considéré comme étant du même domaine que le contrat commercial. Tel est le sujet de fond : le salarié devient une marchandise que l'on s'échange dans le cadre d'un contrat commercial entre une entreprise qui aurait du travail et une autre qui aurait des salariés disponibles à proposer.

Cette pratique remettant en cause le caractère inaliénable de l'être humain, qui ne peut être considéré comme une marchandise, pourrait aboutir à la création de « travailleurs nomades », dans l'obligation de travailler dans plusieurs structures avec lesquelles ils n'auraient plus de lien, alors que tout le monde reconnaît que la notion d'appartenance à l'entreprise constitue une garantie de l'adhésion au projet de l’entreprise.

C'est pourquoi mes chers collègues, et malgré les qualités de son rapporteur, face à l'impréparation et à la précipitation de cette proposition de loi, dont on découvre à chaque instant, en l'absence totale d'études d'impact, les mauvaises surprises et les dangers qu'elle peut contenir pour notre organisation sociale, je vous invite, plutôt que d'ouvrir la boîte de Pandore du prêt de main d'œuvre, qui a été refermée par Louis Blanc avec l'abolition du marchandage, en même temps que de l’esclavage, en 1848, à voter cette question préalable. Cela permettra de soumettre à l'étude de l'ensemble des partenaires sociaux les conséquences juridiques et sociales, à notre avis inacceptables, des propositions qui nous sont soumises.

En effet, sous prétexte de lutter contre la crise en facilitant le maintien dans l'emploi par la mobilité professionnelle et la création d'emploi par le recours au tiers employeur, cette proposition de loi jette les bases d'une nouvelle régression sociale : la commercialisation et l’atomisation des relations de travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Premièrement, monsieur Gille, la question de la relation tripartite de travail est pour nous centrale et très importante. Toutefois, j’ai déjà précisé, en présentant cette proposition de loi, que nous avons écarté toute possibilité de collision avec l’agenda social.

Le type de relations de travail, qui fait intervenir trois parties dans le contrat de travail au lieu de deux, se répand de plus en plus. Le phénomène est appelé à s’amplifier encore avec le développement des services à la personne. Un jour viendra – pour ma part, je souhaite qu’il vienne prochainement – où les partenaires sociaux, puis, quoi qu’il arrive, le Parlement, devront statuer sur ce que doit être la relation tripartite de travail.

Vous parlez de l’évolution de la communauté de travail, de l’évolution du lien entre le travailleur et celle-ci, et du lien entre l’entreprise et le salarié : ces sujets sont au cœur de la question des nouvelles formes de travail. Cependant, mes excellents collègues ici présents, Jean-Paul Anciaux, Bernard Gérard, Jean-Pierre Decool, Pierre Morel-A-L’Huissier, Jacques Kossowski et Gérard Cherpion, n’ont pas voulu aborder ce point dans la proposition de loi car il fait partie de l’agenda social du ministre.

Par ailleurs, vous savez parfaitement que de nombreuses négociations sont en cours sur les conventions collectives comme celles concernant le portage salarial ou les services à la personne ; nous n’avons pas souhaité interférer avec ces discussions.

Deuxièmement, monsieur le député, au risque de vous décevoir, je vous répète que, avec cette proposition de loi, nous n’avions aucune ambition de création ou d’innovation. Nous nous sommes bornés à regarder ce qui existait dans les entreprises, sur le terrain, et à essayer d’améliorer des dispositifs dont beaucoup existent déjà. Aucun des huit signataires de cette proposition de loi n’est candidat au prix Nobel de l’innovation en matière de droit du travail. Ce n’est ni notre style ni notre manière d’approcher ce genre de sujet.

M. Alain Vidalies. Si vous ne l’avez pas fait exprès, c’est encore pire !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Troisièmement, je tiens à préciser que la consultation des partenaires sociaux a eu lieu. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Quand ?

M. Alain Vidalies. Hier !

M. Jean-Patrick Gille. Ce n’est pas sérieux !

M. Maxime Gremetz. Lesquels !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La liste des personnes que nous avons rencontrées figure dans le rapport. J’ai dit à Alain Vidalies, il y a plusieurs jours, que je tenais à la disposition des députés la correspondance écrite des organisations syndicales qui ont voulu me faire part de leur avis, et cela est toujours le cas.

M. Alain Vidalies. Avez-vous lu les communiqués de presse aujourd’hui ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ce n’est pas ma faute si les communiqués de presse diffusés aujourd’hui et les courriers que j’ai reçus il y a quinze jours n’ont pas la même teneur !

Je ne sais pas si les organisations syndicales envoient devant les parlementaires des représentants qui peuvent s’exprimer librement. En tout cas, je détiens des courriers de ces organisations.

M. Maxime Gremetz. Quels courriers ? Et que disent donc ces organisations ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je ne prétends pas qu’ils ne contiennent pas de critiques mais, quoi qu’il en soit, les consultations ont bien eu lieu ; ont répondu ceux qui ont répondu.

M. Maxime Gremetz. Les syndicats majoritaires ont dit non !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Monsieur Gremetz, lisez donc le rapport avant d’invectiver le rapporteur !

M. le président. Seul le rapporteur a la parole !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Pour conclure, je reviens à la question du prêt de main-d’œuvre.

Nous n’avons décidément pas la même lecture de ce dispositif. Je ne comprends toujours pas – peut-être cela sera-t-il plus clair quand nous aborderons l’article 4 – comment vous pouvez considérer que nous assimilons le prêt de main-d’œuvre au travail temporaire. En effet, une entreprise A, qui n’est ni agence de sport, ni agence de mannequins, ni société de travail temporaire, n’a pas le droit de gagner de l’argent en prêtant ses salariés à une entreprise B. Expliquez moi pourquoi elle ferait du prêt de salariés son activité principale alors que cela ne lui rapporte rien ! J’aimerais comprendre dans quelle logique économique vous vous placez ?

M. Alain Vidalies. L’entreprise utilisatrice en tirera-t-elle des bénéfices ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Qui paiera la facture ? Personne n’a intérêt à ce que ces dispositifs perdurent puisque le prêteur ne peut pas gagner d’argent pour un prêt de salariés.

M. Alain Vidalies. L’entreprise utilisatrice en tirera-t-elle des bénéfices ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. L’entreprise utilisatrice pourra en tirer des bénéfices, mais je vous garantis que si ce n’est pas le cas de l’entreprise qui prête, cette dernière s’arrêtera rapidement de prêter.

M. Alain Vidalies. C’est bien ce que nous avions compris : vous revenez sur la décision de la Cour de cassation de 2007 !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je ne suis toujours pas certain d’avoir vraiment compris la position de M. Gille, même s’il semble que s’opposent dans ce débat deux visions du marché.

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. En défendant la question préalable, Jean-Patrick Gille est revenu sur le problème de l’irrecevabilité. Elle ne peut pourtant en aucune manière être alléguée en la circonstance, puisque nous ne débattons pas d’un projet de loi, déposé par le Gouvernement, mais d’une proposition de loi. Les textes sont très clairs à ce sujet (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), il suffit de les lire.

M. Alain Vidalies. Vous contournez la Constitution en passant par une proposition de loi !

M. Bernard Gérard. De toute façon, notre collègue nous a précisé qu’il avait eu des discussions avec les organisations syndicales.

Cela dit, ce n’est pas la première fois que l’opposition tente de nous dispenser des cours de droit. Ses arguments ne sont d’ailleurs fondés en aucune façon, et il ne leur est jamais donné suite.

Pour en revenir à la question préalable, vous avez parlé, monsieur Gille, d’une proposition « inutile, incertaine et dangereuse ». Cependant, si vous prétendez être opposé à 100 % à ce texte, vous semblez tout de même y être favorable à 50 %. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ainsi, vous êtes d’accord avec l’allocation équivalent retraite.

M. Alain Vidalies. Nous ne sommes pas concernés ; c’est une affaire entre vous !

M. Bernard Gérard. Vous êtes aussi d’accord avec le contrat de professionnalisation et les nouvelles mesures. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Quelle subtilité !

M. Bernard Gérard. Vous êtes également favorable au contrat de travail à temps partiel avec les heures supplémentaires. (Mêmes mouvements.)

Selon vous, le groupement d’employeurs avait toutes les vertus lorsque vous l’avez inventé, mais aujourd’hui il serait porteur de toutes les maladies. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Vidalies. Où est M. Hortefeux ? Il n’y a donc pas de ministre des relations sociales dans ce gouvernement ?

M. Bernard Gérard. La défense de la question préalable l’a montré : vous êtes orfèvre en matière de palabres, mais vous aurez à vous expliquer devant vos électeurs. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) …

Mme Marisol Touraine. Ne vous inquiétez pas pour cela : nous sommes prêts !

M. Bernard Gérard. …sur votre attitude concernant un texte qui vise à maintenir et à faciliter la création d’emplois, principale préoccupation des Français alors que nous sommes confrontés à une situation économique et sociale difficile.

Cette proposition de loi tente notamment d’aider les personnes les plus vulnérables. Ce texte se situe en effet dans la droite ligne…

M. Christian Eckert. Oui, très à droite !

M. Bernard Gérard. …du plan de relance que nous avons mis en œuvre contre la crise ; ce plan que vous n’avez de cesse de critiquer ici, mais que vous voulez appliquer chez vous (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) !

M. Alain Vidalies. Il est voté, nous l’appliquons. C’est normal : c’est même cela la République !

M. Bernard Gérard. Vous réclamez l’application de toutes les mesures gouvernementales qui peuvent favoriser vos projets dans vos communes. Vous êtes très heureux de pouvoir solliciter l’État. Localement, c’est vous qui inventez le CTP, vous qui réclamez davantage de formation pour les salariés, vous qui demandez à grands cris des participations de l’État pour construire par exemple un grand stade dans la région du Nord, ce que nous ferons avec Martine Aubry. Vous nous demandez d’appliquer chez vous le plan de relance, en même temps que vous le critiquez dans cet hémicycle.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas vraiment le sujet !

M. Bernard Gérard. Les mesures que nous proposons accompagneront ce qui a déjà été parfaitement mis en œuvre par le Gouvernement.

Dès ce mois de juin, je rappelle qu’une prime de 150 euros sera adressée aux familles les plus modestes bénéficiant de l’ARS. Cela ne compte pas pour l’opposition qui répète que le Gouvernement et la majorité ne font rien. Peut-être dira-t-elle aussi que la prime de 500 euros…

M. Alain Vidalies. Vous nous lisez la même fiche que la semaine dernière !

M. Bernard Gérard. …qui indemnisera ceux qui ne cumulent pas suffisamment de droits pour bénéficier de l’assurance-chômage n’est pas intéressante ? Vous nous direz sans doute…

Mme Marisol Touraine. Mais puisqu’on ne vous l’a pas dit !

M. Maxime Gremetz. Attendez qu’on vous le dise !

M. Alain Vidalies. Il fait les questions et les réponses !

M. Bernard Gérard. …qu’il fallait faire une relance par la consommation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mon cher collègue, il va falloir conclure.

M. Bernard Gérard. Les mesures prévues dans cette proposition de loi vont dans le sens de l’aide à l’économie dans une période de crise.

Il n’est pas question pour nous de déférer aux souhaits de l’opposition en votant cette question préalable qui n’est pas le moins du monde argumentée, ni motivée par ce que nous avons entendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Philippe Boënnec. Vous parlez vraiment comme un ministre ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mes chers collègues de la majorité, puisque vous évoquez la concertation qui aurait eu lieu, je vais vous faire part de quelques-unes des réactions syndicales.

Celle de la CGT étant connue…

M. François Rochebloine. Laissez la à M. Gremetz !

M. Christian Eckert. …je cite FO : « Les salariés ne sont pas des marchandises », et la CFDT : « Laisser les employeurs libres d’organiser le prêt de main-d’œuvre à leur guise est dangereux et inacceptable. »

Quant aux réactions patronales, elles valent leur pesant d’or : « Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais il faudrait encore étendre les primes aux entreprises de plus de deux cent cinquante salariés ». Pour eux, il n’y en a jamais assez. Le même article de presse fait état de la réponse du rapporteur : « Je suis ouvert, nous en discuterons avec le Gouvernement. »

Vous le constatez, les réactions syndicales sont très claires.

Nous nous posons deux questions sur cette proposition de loi. Quel impact a-t-elle sur l’emploi ? Quel impact a-t-elle sur les salariés ?

Pour ce qui concerne l’emploi, vous confessez vous-même, monsieur le rapporteur, qu’il ne s’agit pas vraiment d’une recette miracle pour la crise.

M. Jean-Paul Anciaux. C’est vrai !

M. Christian Eckert. Il y aurait, selon vous, des enjeux pour l’emploi dans le développement des groupements d’employeurs, mais vous ne pouvez rien garantir. Vous l’écrivez même dans votre rapport.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Oui, c’est vrai.

M. Christian Eckert. Jean-Patrick Gille a parfaitement décrit l’impact de ce texte sur les salariés : les risques sont énormes.

M. Jean-Paul Anciaux. Jean-Patrick Gille était le chevalier de l’apocalypse !

M. Christian Eckert. Quelle convention collective s’appliquera dans les cadres nouveaux de travail que vous décrivez ? La protection des salariés disparaît ; il y a quasiment rupture de la notion même de contrat de travail et du lien qui unit entreprises et salariés. Vous cassez ce lien, mais aussi les droits et les devoirs qui vont avec. Il s’agit évidemment là du moyen pour les entreprises d’échapper à un certain nombre de leurs devoirs.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Dans quel article de la proposition de loi avez-vous vu tout cela ? Où est-ce ?

M. Christian Eckert. Certes tous les employeurs ne sont pas des patrons voyous, mais le risque de transformer des groupements d’employeurs en associations de malfaiteur a été parfaitement décrit. En effet, étant donné le nombre de portes que vous ouvrez, les risques sont considérables.

M. Philippe Boënnec. C’est lamentable !

M. Christian Eckert. En ce qui concerne le prêt de main-d’œuvre vous parlez de flexisécurité, mais où est la sécurité. Où est inscrit le droit au refus ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Cela a été adopté par la commission.

M. Christian Eckert. Où sont inscrites les conditions relatives à la protection des travailleurs, à l’éloignement, aux horaires ou aux conditions de travail ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Tout cela figure dans le texte de la commission.

M. Dino Cinieri. Suivez donc le travail de commission !

M. Christian Eckert. On risque des dérives que personne ne souhaite.

Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, le groupe SRC votera la question préalable. Si elle n’était pas adoptée, nous nous battrions pour nous opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous voterons la question préalable.

Monsieur le rapporteur, je suis étonné. Vous avez toujours dit qu’il fallait développer la démocratie sociale et faire des efforts pour la représentativité syndicale. Vous avez défendu la concertation. Dans ce cadre, si les syndicats représentant l’immense majorité des salariés s’opposent à une mesure, il semble difficile de la leur imposer. Or c’est précisément ce que vous faites aujourd’hui.

Vous ne pouvez nier ce qu’est la position de l’immense majorité des syndicats. Vous êtes bien seuls à l’UMP et dans la majorité,…

M. Philippe Boënnec. Vous aussi, vous êtes seul !

M. Maxime Gremetz. …et vous êtes avec le MEDEF.

Pour savoir si une mesure est bonne ou mauvaise pour eux, les dirigeants syndicaux soulignent qu’il suffit de regarder ce qu’en pensent les représentants du MEDEF :.S’ils disent que c’est bon, alors c’est mauvais pour nous, ce qui a toujours été vérifié.

Cela ne vous gêne pas que les syndicats, qui représentent 75 % des salariés, vous disent que ce texte est mauvais ?

M. Philippe Boënnec. Seulement 7 % des salariés sont syndiqués !

M. Maxime Gremetz. Quant aux deux propositions contenues dans ce texte qui, sans être des pas en avant, visaient à corriger des erreurs antérieures, le Gouvernement nous demande de le laisser faire, estimant que les parlementaires n’ont rien à dire. Quel rôle formidable pour les parlementaires ! À chaque fois, leurs propositions tombent sous le coup de l’article 40 de la Constitution avant même que le débat ait pu avoir lieu ici et en commission.

Monsieur le rapporteur, vous qui êtes curieux...

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Merci, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. ...je vous conseille de lire attentivement La Gazette qui se fonde sur les études de l’INSEE.

Vous y apprendrez, par exemple, que « 40 % des salariés de plus de cinquante ans voient le pouvoir d’achat de leur salaire baisser entre 2000 et 2005 » et que « les personnes en situation précaire – temps partiels, intermittents, intérimaires – sont particulièrement pénalisées. Elles perçoivent un revenu salarial annuel moyen deux fois inférieur à celui des salariés en CDI, et elles ont des difficultés à se loger. En trente ans, les salariés précaires sont passés de 17 % à 31 % de la population ».

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec le texte ?

M. Maxime Gremetz. Ne croyez-vous pas que le marché du travail offre déjà assez de flexibilité avec toutes ces formes multiples de CDD, d’intérimaires, de temps partiel subi ou choisi ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, je suis triste pour vous (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) et pour les députés de la majorité qui vont devoir aller expliquer cette proposition de loi.

M. Marc Bernier. Nous avons déjà commencé à le faire, et tout se passe très bien !

M. Maxime Gremetz. Voilà pourquoi le groupe GDR votera la question préalable.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Après M. Vidalies qui s’est exprimé de façon assez remarquable même s’il n’a absolument pas démontré le caractère irrecevable de ce texte, l’intervention de M. Gille a été plutôt fade...

M. Philippe Boënnec. Et longue !

M. François Rochebloine. ...puisqu’il n’a formulé aucune proposition.

Après avoir voté contre l’exception d’irrecevabilité, le groupe Nouveau Centre votera naturellement contre la question préalable...

M. Richard Mallié. Très bien !

M. François Rochebloine. ...car nous avons la chance de pouvoir discuter aujourd’hui d’une proposition de loi présentée par M. Poisson et un certain nombre de députés du groupe UMP qui, sans être parfaite, a au moins le mérite d’exister.

Lorsqu’un employeur est obligé de licencier, il ne le fait pas par plaisir. Il y a même des parlementaires qui se voient parfois dans l’obligation de licencier leur personnel (Sourires.)...

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Nous en connaissons !

M. Benoist Apparu. M. Gremetz en sait quelque chose !

M. Maxime Gremetz. C’est vraiment petit ! Plus petit que je ne l’aurais imaginé !

M. Richard Mallié. Et Mme Royal est aussi passée par là !

M. François Rochebloine. ...et qui ne le font pas par plaisir. Aussi ne faut-il pas donner de leçon.

Nous devons passer maintenant à la discussion générale afin que ce texte soit adopté le plus rapidement possible.

M. Dino Cinieri. Très bien !

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Mes chers collègues, il faut quand même oser mettre dans le titre de la proposition de loi qui nous est soumise qu’elle est faite « pour faciliter le maintien et la création d’emplois » ! C’est pourtant ce que fait la majorité dans le cadre de la niche parlementaire qui lui est réservée.

Vous n’imaginez même pas comment les gens réagissent à cela ! Vous le verrez dans vos circonscriptions.

Force est de constater que les deux articles qui pouvaient être intéressants, même s’ils étaient insuffisants, sont tombés sous le coup de l’article 40. Dans ces conditions, quel est l’intérêt de discuter de ce texte, eu égard au dispositif existant ?

L’article 8 concerne le crédit d’impôt pour les contrats de professionnalisation dans les petites entreprises. En faisant jouer l’article 40, c'est le pouvoir réglementaire qui reprend la main. En fait, on dit aux députés qu’ils ne sont pas capables de légiférer dans ce domaine. La façon dont on traite les droits du Parlement et des parlementaires est extraordinaire !

Alors que la situation de la France est dramatique dans ce domaine – 23 % des moins de vingt-cinq ans sont au chômage, contre 15 % en moyenne en Europe – l’article 12, qui prévoyait le rétablissement de l’allocation équivalent retraite pour 2009, a lui aussi été déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution.

Je me demande donc pourquoi on discute de cette proposition de loi alors que les deux dispositions qui étaient attendues ont été supprimées.

C’est le Gouvernement qui dit : « Attention, c’est moi qui vais rétablir l’AER ! » Il ne veut même pas laisser les députés tirer le bénéfice d’une telle proposition ; je n’invente rien, c’est la réalité.

Le Gouvernement promet de la rétablir par un amendement : non seulement il s’agit d’une méthode sinistre à l’égard des parlementaires mais, surtout, comment se contenter d’un rétablissement pour un an alors qu’un grand nombre de travailleurs, qui ont travaillé plusieurs années et ne retrouveront pas d’emploi – nous le savons déjà – devraient en bénéficier de façon définitive ? Ce ne serait que justice !

Quant aux autres dispositions, elles n’auront aucune efficacité : en revanche, elles comportent des dangers.

Face à la situation dramatique caractérisée par la baisse du pouvoir d'achat et la hausse considérable du chômage – 3 000 chômeurs de plus par jour : tel est le rythme actuel -, vous présentez un texte qui vise à s’attaquer au problème de l’emploi : à votre avis, comment les gens vont-ils réagir ? La situation actuelle se traduit par des centaines de milliers de licenciements d’intérimaires, par des plans de licenciements et de délocalisations pour le seul profit des actionnaires et vous prétendez, avec cette proposition de loi, faciliter le maintien et la création d’emplois ! Avouez que le texte ne va pas bien loin.

Je connais une expression picarde que je ne vous livrerai pas car elle ne serait pas bien reçue dans cet hémicycle ! Je dis donc simplement que vous proposez un cautère sur une jambe de bois, un cautère qui, de plus, fait mal !

L’UMP et le Gouvernement veulent une fois de plus donner l’illusion qu’ils prennent des mesures en faveur de l’emploi. Or votre bilan économique, financier et social montre que, à l’heure actuelle, vous cassez l’essentiel de notre potentiel économique, culturel et technologique avec un seul objectif : permettre aux groupes multinationaux, industriels et financiers, aux banques et aux actionnaires responsables de la crise du système, de la faire payer aux couches populaires. Avec ce texte, vous continuez de privilégier les responsables de la crise.

Vous osez proposer entre autres solutions « le développement du télétravail », lequel, fondé sur un accord de 1985 qui n’avait pas été signé par tous les syndicats, ne concerne, comme Mme la secrétaire d’État nous l’a rappelé, que 7 % des salariés. Comme si les fermetures d’entreprises ne frappaient pas aussi les sous-traitants, les travaux annexes et le télétravail ! Prenons l’exemple de Continental : combien de sous-traitants ou de salariés concernés par le télétravail disparaîtront-ils ? Sans développement industriel ni technologique, il n’y a pas de télétravail. Celui-ci va encore baisser : drôle de solution !

L’article 10, quant à lui, vise à mobiliser les maisons de l’emploi en faveur du développement du télétravail ; aviez-vous les pieds sur terre, monsieur le rapporteur, en formulant cette proposition ? Les personnels des maisons de l’emploi n’arrivent déjà pas à faire face à toutes les demandes qui s’amoncellent compte tenu de l’augmentation du nombre des licenciements et des restructurations ; ils ne sont pas assez nombreux pour traiter efficacement les dossiers dont ils ont la charge ; ils font grève en raison d’effectifs insuffisants, et vous voulez leur donner une mission supplémentaire : le développement du télétravail ! Extraordinaire !

M. François Rochebloine. Ils feront 39 heures !

M. Maxime Gremetz. Allez dans les maisons de l’emploi et vous verrez combien les personnels sont submergés par le nombre croissant de chômeurs tout en souffrant d’un manque de moyens humains et d’une préparation insuffisante à leurs missions. C’est tout simplement se moquer du monde que de leur en donner une nouvelle !

Quant aux groupements d’employeurs, dont la création date de 1985 – je l’ai dit – il s’agit d’une autre baliverne ! L’existence de ce dispositif ne me gêne pas : je crois même que nous avons voté pour sa création. Il faut toutefois tirer les enseignements de son efficacité puisqu’il n’a concerné que 35 000 salariés en vingt-quatre ans. Quelle remarquable, quelle redoutable efficacité ! Pourrait-on faire mieux ? On peut toujours rêver : comment en effet se grouper alors qu’un grand nombre de PME disparaissent ? C’est une mauvaise plaisanterie que de prétendre s’attaquer à la question de l’emploi en recourant à ce dispositif. Vous avez fait preuve d’euphorie.

De plus, avez-vous prêté attention aux déclarations des syndicats sur le prêt des salariés ? Moi qui ai été un militant syndicaliste, j’aurais réagi de la même façon qu’eux. À qui va-t-on prêter des salariés alors qu’on en licencie par centaines de milliers ? Va-t-on prêter à Continental, qui est sur le point de fermer un site de 1 100 salariés, ceux que Goodyear s’apprête à licencier ? Je le répète : c’est se moquer du monde ! Dans quel univers vivez-vous ? La précarité touche des centaines de milliers de personnes, des jeunes surtout, notamment au travers du chômage partiel, et vous nous parlez de prêtez de la main-d’œuvre ! À qui allez-vous prêter de la main-d’œuvre en Picardie où soixante-dix-neuf groupes licencient, dont certains pour délocaliser ?

Par ailleurs, qu’est-ce que cela signifie, « prêter des salariés » ? C’est mettre en cause leur dignité ! Les salariés méritent mieux que cela.

M. François Rochebloine. Vaudrait-il mieux les licencier ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Non, mais on pourrait faire autrement, d’autant qu’il ne sera pas possible au salarié de refuser !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Si !

M. Maxime Gremetz. La mesure lui sera imposée. C’est comme si on prêtait du bétail ou des machines !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Un peu de mesure !

M. François Rochebloine. Quelle comparaison !

M. Maxime Gremetz. Vous rendez-vous compte qu’il s’agit d’êtres humains ? Jamais on n’a assisté à de telles choses !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Si !

Mme Michèle Delaunay. Non !

M. Maxime Gremetz. Non, jamais ! Citez-moi un seul exemple ! Le seul cas est celui d’un ministre du travail qu’on licencie puisqu’on le rend directement à la société civile !

Cette mesure – je partage sur ce point l’opinion des syndicats – met en cause le respect qu’on doit à la dignité des salariés tout en constituant un leurre ; j’ai indiqué pourquoi.

Mesdames et messieurs de la majorité, comme le Président de la République, vous vous êtes mis à l’heure de la communication, des faux-semblants et des effets d’annonce. Prenez garde toutefois ! Avez-vous vu la baisse de la confiance que nos concitoyens accordent au Président de la République ? Or les citoyens sont plus près des députés. Ils vous jugeront à vos actes et à vos votes sur une telle proposition de loi, avec les dangers qu’elle comporte.

Si vous manquez d’imagination et de propositions sérieuses en vue de vous attaquez réellement au problème de l’emploi, je peux vous en suggérer quelques-unes, qui vous seront soumises, ici même, jeudi 28 mai, par le groupe GDR. Des propositions, il en existe : encore faut-il avoir le courage de les appliquer !

Nous vous présenterons des mesures concrètes visant à prévenir et à interdire les licenciements économiques et à sauvegarder l’emploi. Si l’on accepte sans rien dire que des entreprises, qui réalisent des profits extraordinaires et dont les actionnaires s’enrichissent, licencient, alors vous pourrez faire ce que vous voudrez, il ne se passera rien. Il est possible de prendre des dispositions efficaces dont certaines relèvent du domaine législatif. Il faut en effet avoir le courage de légiférer, comme certains l’ont suggéré, sinon, aucune mesure ne sera efficace ; je vous le dis même si je sais d’avance que je n’arriverai pas à vous convaincre.

C’est ainsi que nous proposerons d’augmenter les salaires, de les maintenir dans leur intégralité en cas de chômage technique et de protéger les demandeurs d’emploi. Nous voulons également améliorer l’indemnisation des salariés en cas de licenciement économique et renchérir le coût de celui-ci pour inciter les employeurs à n’y procéder qu’en ultime recours : il faut les en dissuader !

Vous prétendrez que ces mesures sont révolutionnaires. Non, il s’agit de dispositions nécessaires si nous voulons protéger et développer l’emploi tout en préservant notre outil industriel et technologique. Regardez tout ce qui ferme ou part ! Ce sont autant de moyens que la France voit disparaître.

M. le président. Vous devez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je n’ai pas encore épuisé mon temps de parole.

M. le président. Vous parlez depuis quinze minutes. Il faut vous conclure.

M. Maxime Gremetz. Je vais conclure, monsieur le président, puisque vous le souhaitez.

Nous proposerons également des mesures de justice sociale : il ne saurait y avoir de créations d’emplois sans relance par la consommation et la justice sociale.

Il faudrait également lutter contre les paradis fiscaux – ce qui permettrait de « récolter du blé » pour investir –, et répartir de manière plus équitable les revenus au sein de l’entreprise ; c’est la question des trois tiers.

M. le président. Il vous faut vraiment conclure.

M. Maxime Gremetz. Enfin, il faut promouvoir une autre utilisation de l’argent qui permette de sortir de la crise en privilégiant l’emploi et l’investissement plutôt que la spéculation financière, laquelle continue aujourd'hui de sévir.

Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs de l’UMP cette proposition en trompe-l’œil, amputée, de plus, par le couperet de l’article 40, n’est que poudre aux yeux. Elle est même dangereuse pour les droits des salariés en raison de la mise en cause, que vous poursuivez, du code du travail.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. Maxime Gremetz. Nous avons des propositions. Qu’elles vous plaisent ou non, elles existent !

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi de notre collègue Jean-Frédéric Poisson, rapporteur, et de plusieurs députés du groupe UMP, visant à faciliter le maintien et la création d’emplois.

Avant d’évoquer le texte proprement dit, je profite de cette occasion pour souligner que le groupe Nouveau Centre se félicite de la nouvelle organisation de l’ordre du jour de l’Assemblée qui laisse désormais davantage de place aux initiatives des parlementaires.

La période de crise que nous traversons nourrit bien des inquiétudes et attise malheureusement des sentiments de défiance vis-à-vis des responsables politiques qui seront jugés à l’aune de leur capacité à mettre en œuvre des solutions concrètes aux difficultés que rencontrent leurs concitoyens.

Si la question de l’emploi reste plus que jamais la première préoccupation des Français, les solutions proposées pour atténuer les effets de la crise divergent. En effet, on propose deux types de remèdes à une crise dont tous les experts s’accordent pour affirmer que l’ampleur est historique.

Ainsi, la solution défendue par l’opposition depuis le début de la crise s’appuie sur une logique de relance par la consommation financée exclusivement par l’endettement du pays. Le Nouveau Centre estime que cette volonté traduit une vision économique à courte vue, je n’ose pas dire irresponsable.

Depuis le début de la législature, avec notre collègue Charles-Amédée de Courson, nous n’avons cessé de nous battre pour que le principe de responsabilité budgétaire préside à l’ensemble de nos actions, y compris en période de crise. Nous sommes conscients que rappeler nos déficits abyssaux n’a rien de très réjouissant en ces temps incertains pour des centaines de milliers de nos compatriotes. Toutefois, il est de notre devoir de rappeler une réalité : les dettes dues aux emprunts contractés aujourd’hui devront être payées demain par nos enfants et petits-enfants à cause de nos errements d’aujourd’hui.

M. Alain Vidalies. Lefebvre a trouvé la solution en voulant faire travailler les malades !

M. François Rochebloine. Cela est irresponsable, anormal, vous en conviendrez tous. Fermer les yeux sur cette exigence morale, c’est fouler aux pieds le principe de solidarité intergénérationnelle.

Une seconde réponse est possible qui s’appuie sur une autre logique, celle que défend la majorité et qui vise à lutter contre les effets de la crise en maintenant et en stimulant la création d’emplois dans les secteurs les plus dynamiques, même si, il faut le reconnaître, cela est plus difficile.

M. Maxime Gremetz. Oh, oui !

M. François Rochebloine. Au Nouveau Centre, nous partageons cette vision. Comme nos collègues du groupe UMP, et pour paraphraser l’ancien Premier ministre Raymond Barre, nous considérons que « la meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de travailler ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Vidalies. Les chômeurs seront ravis de l’entendre !

M. Christian Eckert. Dites-le donc aux employés de Continental !

M. Régis Juanico. Laissez Raymond Barre dormir, monsieur Rochebloine !

M. François Rochebloine. Nous aurions pourtant bien besoin d’un Raymond Barre, mon cher collègue !

Aussi l’action publique doit-elle concentrer tous ses efforts sur le maintien de l’emploi des salariés dont l’entreprise subit un ralentissement de croissance, ainsi que sur la création de nouveaux emplois durables.

Néanmoins, eu égard à son intitulé, certains ne manqueront pas d’être déçus par les différents domaines abordés par cette proposition de loi. En effet, de prime abord, les mesures décrites dans ce texte peuvent paraître bien modestes dès lors qu’il s’agit de concourir à maintenir et à créer de l’emploi dans un contexte de crise que nous n’avons jamais connu depuis 1929. Il ne faut donc pas surestimer la portée de ce texte.

Pourtant, cette proposition de loi permet de lever un certain nombre d’obstacles à la création ou au maintien de l’emploi. Elle permet d’affiner des dispositifs existants, d’en améliorer la définition et le fonctionnement, et c’est en cela qu’elle est bienvenue. L’intitulé précise qu’il s’agit de faciliter le maintien et la création d’emplois et on peut effectivement penser que cet objectif de facilitation sera atteint lorsque la loi sera votée.

C’est notamment le cas pour les groupements d’employeurs, formule dont on attend depuis longtemps qu’elle puisse se développer et permettre à un salarié de cumuler des emplois à temps partiel tout en lui garantissant une certaine sécurité juridique, cher Maxime Gremetz.

M. Alain Vidalies. Ça, c’était l’idée d’origine !

M. François Rochebloine. Au fil des années, ces formes de gestion mutualisée de l’emploi, initialement réservées au secteur agricole, ont connu de nombreuses évolutions et se sont révélées particulièrement efficaces en cas de fluctuations de l’activité d’une entreprise, tout en garantissant une sécurité statutaire aux salariés concernés.

M. Alain Vidalies. Dans les PME !

M. François Rochebloine. À ce titre, je souhaite que les partenaires sociaux apportent clairement des garanties substantielles aux salariés lors de la conclusion d’un accord national interprofessionnel ou d’un accord de branche, prévus à l’article 2 du présent texte.

M. Alain Vidalies. Il fallait le faire avant !

M. François Rochebloine. Dans le but de faciliter la création d’emplois et pour répondre à l’urgence sociale, peut-être aurait-on pu prévoir des mesures encourageant le développement de l’activité des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, plus spécifiquement orientées vers les publics les plus éloignés de l’emploi.

Concernant le dispositif invitant à la mobilité professionnelle par le biais des prêts de main-d’œuvre à but non lucratif, le groupe Nouveau Centre considère là encore qu’il s’agit d’un outil qui peut se révéler déterminant pour le maintien de l’emploi dans les nombreuses entreprises qui subissent un ralentissement conjoncturel de leur activité.

Cet instrument ne doit toutefois pas être dévoyé, mais utilisé prioritairement comme un rempart contre le chômage partiel ou les licenciements. Il était donc temps de moderniser la loi en la matière, car nous ne pouvons nous permettre de laisser des entreprises licencier leurs salariés – ce qui devrait vous agréer, monsieur Gremetz –, quand d’autres, travaillant dans le même secteur d’activité, aimeraient embaucher mais ne le peuvent pas.

Je ne m’étendrai pas sur le télétravail qu’il est important de développer et de sécuriser ; je sais combien, madame la secrétaire d’État, vous y êtes attachée. Je me réjouirais que le titre IV de la proposition de loi lui confère une réelle reconnaissance institutionnelle. J’avais posé une question écrite il y a quelques années à ce sujet.

En revanche, j’insisterai sur deux points.

Le premier concerne le contrat de professionnalisation.

Incontestablement, les jeunes sont les premières victimes de la crise : souvent, les premiers arrivés dans les entreprises sont aussi les premiers à partir dès que l’activité se ralentit. Martin Hirsch estime que le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans inscrits au chômage pourrait croître jusqu’à 600 000 en 2009, soit une augmentation deux fois plus rapide que pour le reste de la population.

Face à un tel constat, il apparaît urgent de prendre des mesures significatives en faveur de l’emploi et de la formation des jeunes. Le texte propose ainsi que les entreprises ayant recours au contrat de professionnalisation pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans bénéficient d’un crédit d’impôt, de manière à encourager l’utilisation de ce contrat par les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Cette mesure répond à une proposition du rapport Pilliard qui vient d’être rendu public.

Les députés du groupe Nouveau Centre soutiennent l’ensemble des mesures visant à développer les formules d’alternance qui permettent aux jeunes de vivre une véritable immersion dans le monde du travail. Les taux d’insertion en emploi durable une fois ces contrats venus à échéance nous confortent dans l’idée que l’alternance constitue l’une des réponses les plus adaptées à l’augmentation spectaculaire du chômage chez les 16-25 ans.

En revanche, toutes ces mesures guidées par l’urgence ne doivent pas nous faire oublier que si les jeunes subissent aussi durement la crise actuelle, on le doit notamment au climat économique qui n’a fait qu’exacerber les nombreuses difficultés qu’ils rencontraient déjà pour s’insérer durablement dans la vie professionnelle.

Depuis de nombreuses années, le taux d’emploi des 16-25 ans en France est l’un des plus faibles d’Europe avec 28,5 %, et 21,5 % des moins de vingt-cinq ans sont à la recherche d’un emploi, la proportion n’étant que de 10,2 % en Allemagne ; cherchez l’erreur !

M. Christian Eckert. Voilà sept ans que vous êtes au pouvoir !

M. François Rochebloine. Aussi, des réponses structurelles doivent-elles être envisagées.

M. Christian Eckert. Il serait temps !

M. François Rochebloine. Les députés centristes ont toujours considéré que la clef qui permettra d’offrir à nos jeunes un espoir de réussite professionnelle durable se trouve dans la formation initiale et continue. Nous serons donc particulièrement vigilants lors de la réforme de l’orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie, sur l’accroissement des moyens humains et financiers mis au service des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

Par ailleurs, nous souhaitons que cette nouvelle incitation aux contrats de professionnalisation pour les petites entreprises rejoigne l’objectif avancé par le rapport Pilliard. Les conditions de coût doivent être équivalentes pour les deux types de contrats, de manière que ce soit bien la situation de la personne à embaucher qui joue un rôle déterminant dans le choix du contrat utilisé, et non des considérations de coût.

Enfin, nous nous réjouissons de la réactivité manifestée par nos collègues de l’UMP qui, avec l’amendement de Benoist Apparu, ont fait inscrire dans le texte le principe de la rémunération des stagiaires dès le deuxième mois de stage,…

M. Christian Eckert. Qui va payer ?

M. François Rochebloine. …conformément aux engagements pris par le Président de la République le 24 avril dernier.

Le second point concerne le rétablissement de l’allocation équivalent retraite.

Sur ce sujet, le groupe Nouveau Centre regrette que le bureau de la commission des finances ait censuré l’article 12 du texte en vertu de l’article 40 de la Constitution. Une telle pratique interdit aux parlementaires de débattre de leurs propositions et cela au moment même où l’on parle de revalorisation du Parlement.

Fort heureusement, le Gouvernement s’est engagé à réintroduire cette disposition en séance publique, mais il est tout de même paradoxal de devoir s’appuyer sur le concours de l’exécutif pour adopter un article d’initiative parlementaire.

M. Maxime Gremetz. Très bien ! Vous parlez d’or, cher collègue !

M. François Rochebloine. Il s’agit d’un sujet qui nous tient particulièrement à cœur. Nous nous sommes mobilisés pour le report de la suppression de l’AER ou tout au moins l’arrêt de nouvelles entrées dans le dispositif qui figurait dans le projet de loi de finances pour 2008.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. C’est tout à fait vrai !

M. François Rochebloine. Prorogé pour 2008, le dispositif est venu à terme le 31 décembre dernier.

Qu’en raison de la crise et de ses effets, la majorité et le Gouvernement rétablissent aujourd’hui, même temporairement, le dispositif est pour nous une bonne chose. L’attente est forte. Aussi souhaitons-nous que cette mesure soit appliquée le plus rapidement possible dans le but d’apporter une sécurité supplémentaire à des personnes fragilisées sur le plan social.

Je veux également attirer l’attention sur la situation des personnes concernées par l’AER, et insister sur leur difficulté à retrouver un emploi.

M. Maxime Gremetz. Certes !

M. François Rochebloine. Le plus souvent, nous avons affaire à des hommes et des femmes proches de l’âge de la retraite, demandeurs d’emplois de longue durée et très éloignés de l’emploi de par leur parcours professionnel.

Dans le domaine du retour à l’emploi, la problématique des seniors est spécifique, mais plus singulière encore est la situation de celles et ceux qui entrent aujourd’hui dans le champ de l’AER et pourraient demain ne plus bénéficier de cette solution qui requiert donc une attention encore plus soutenue de la part de l’État et du service public de l’emploi.

Le rétablissement de l’AER ayant été annoncé par le Gouvernement comme temporaire, il est impératif, monsieur le secrétaire d’État, que des solutions d’accompagnement adaptées soient définies et appliquées, si l’on veut éviter de placer ces personnes dans des situations sociales difficiles pour ne pas dire dramatiques.

Cette proposition de notre collègue Jean-Frédéric Poisson nous offre l’opportunité d’adopter des mesures pragmatiques, efficaces et directement applicables destinées à faciliter le développement de formes d’emplois innovantes et dotées d’un potentiel de créations d’emplois nouveaux non négligeable. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien au texte et j’espère qu’il en ira de même sur les différents bancs de l’Assemblée. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, monsieur le rapporteur et chers collègues, à partir de combien d’emplois créées notre proposition serait-elle bonne ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Bonne question !

M. Bernard Gérard. Y aurait-il ici un seul député pour considérer que la personne au chômage venant nous rencontrer dans nos permanences n’a pas la même valeur que les autres qui, d’ailleurs, en cette période de crise, pourraient s’inquiéter de l’avenir de leur filière, de leur entreprise, de leur bassin d’emploi ? N’y a-t-il pas ce même désir d’emploi pour tous ceux qui ne goûtent qu’à des morceaux d’emplois et qui attendent de nous que nous sachions répondre à leur attente : celle d’un emploi durable ?

Mes chers collègues, chacun sait que, par son action déterminante dans l’élaboration de ce texte, Jean-Frédéric Poisson a su fédérer les idées nées sur le terrain, dans nos circonscriptions.

Cette proposition constitue incontestablement un outil favorisant la création d’emplois durant la crise et après la crise afin que, mieux armés, nous puissions plus vite rebondir. Tel est l’objet de la réflexion qui a abouti à ce texte et qui tend, dans plusieurs domaines, à créer une nouvelle relation de travail entre l’entreprise et le salarié.

Faciliter la vie des acteurs de l’emploi au quotidien, clarifier des pratiques actuelles qui freinent la création ou le maintien de l’emploi, assurer les droits des salariés, tel est l’esprit de la proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d’emplois que le groupe UMP met ce soir à l’ordre du jour dans le cadre de l’initiative parlementaire.

Dans la situation économique difficile que nous traversons, nous nous devons d’apporter des réponses concrètes à nos concitoyens, puisque l’emploi se trouve au cœur de leurs préoccupations, de celles des familles mais aussi de celles des territoires.

Il convient ici de préciser que si certaines mesures de la proposition de loi sont conjoncturelles, puisque la crise impacte nos activités et nos emplois, l’objectif poursuivi n’est pas de faire un plan pour l’emploi de plus. Le groupe UMP soutient en effet, pour ce faire, les nombreuses mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour une mobilisation pleine et entière en faveur de l’emploi des Français.

Nous saluons la détermination et le pragmatisme du Gouvernement dans la période difficile que nous traversons, qui impose d’accompagner les salariés, les uns pour un maintien dans l’emploi, les autres pour un retour vers l’emploi. L’extension du contrat de transition professionnelle dernièrement annoncée témoigne de cet accompagnement. Ce dispositif efficace a fait ses preuves, puisque, là où il est en place, 70 % des personnes qui en ont bénéficié ont retrouvé un emploi. Je tiens à cet égard à saluer l’action déterminée en la matière de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Très bien !

M. Bernard Gérard. En outre, en choisissant de soutenir l’activité économique et l’investissement en réponse à la crise, le Gouvernement a fait le choix de soutenir l’emploi, ce dont nous devons nous féliciter.

À toutes ces mesures conjoncturelles viennent s’ajouter des mesures structurelles, qui ont vocation à s’inscrire dans la durée tout en accompagnant les actions en cours. C’est dans ce dernier registre que s’inscrit la présente proposition de loi, qui constitue un texte utile, moderne et adapté aux attentes tant des employeurs que des salariés.

Un texte utile, puisqu’il a pour objet de faciliter le développement de formes d’emploi innovantes et dotées d’un fort potentiel de création d’emplois.

Un texte moderne, puisqu’il est le résultat d’une coproduction législative entre parlementaires et Gouvernement. Il est riche de nombreuses contributions issues d’expériences locales. Il est moderne, aussi, puisque axé sur la flexibilité et la mobilité.

Un texte adapté, enfin, aux attentes des employeurs et des salariés, puisque le but est d’élargir les opportunités de mobilité des salariés en leur apportant toutes les garanties de statuts d’emploi sécurisés et fondés sur le volontariat.

La promotion de nouvelles formes d’emploi implique une simplification et une sécurisation des règles de droit en vigueur ainsi qu’une plus grande visibilité.

Les leviers choisis par notre texte sont les groupements d’employeurs, la mise à disposition de personnel, les contrats de professionnalisation, ou encore le télétravail.

Je tiens en premier lieu à m’arrêter sur les groupements d’employeurs, qui, en offrant une structure de mutualisation des ressources humaines, permettent de concilier flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés. Au cours de nos travaux, nous avons eu l’occasion de rencontrer des groupements d’employeurs qui, en nous faisant part de leurs expériences positives, ont souligné les points suivants : le groupement d’employeurs est un outil qui fonctionne et qui permet d’accéder à un emploi durable par un contrat déprécarisé ; le groupement accompagne les entreprises dans leurs besoins de flexibilité et met à leur disposition des salariés fidélisés, aux compétences identifiées, reconnues et validées.

Il me semble intéressant de faire état ici de l’expérience d’un groupement rencontré dans le nord de la France, dans ma circonscription.

Le contexte économique difficile a permis de démontrer la grande solidarité des entreprises entre elles vis-à-vis du groupement d’employeurs. En effet, malgré des charges d’activité souvent en forte baisse, les entreprises adhérentes de ce groupement ont confié dès qu’elles le pouvaient des missions complémentaires au groupement d’employeurs pour maintenir l’emploi.

Cette forme d’emploi, qui assure à ses salariés une déprécarisation de leur situation professionnelle, un maintien et une assurance de pouvoir d’achat ainsi qu’un développement de leurs compétences grâce à la formation, mérite d’être plus visible et de faire l’objet d’une véritable promotion en faveur de son développement.

Le titre Ier du texte que nous vous présentons ce soir met en avant plusieurs mesures visant à lever les contraintes relatives au développement de ces structures. Je ne reviendrai pas sur ces dispositions, qui vous ont déjà été présentées et qui seront encore développées par notre rapporteur, mais je tiens à souligner leur nécessité, ainsi que l’attention qui leur est portée par les groupements rencontrés. Ceux-ci les attendent.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Absolument !

M. Bernard Gérard. Concernant la mise à disposition de personnel, la présente proposition de loi entend clarifier son régime juridique. Les entreprises pourront recourir au prêt de main-d’œuvre uniquement dans un but non lucratif ; on l’a dit et redit.

Le prêt de main-d’œuvre doit être encouragé. Une région comme la mienne, le Nord, qui compte six pôles de compétitivité, a un immense besoin d’une nouvelle approche du prêt de main-d’œuvre, car, en maintenant les salariés dans l’emploi, on préserve des filières industrielles, on préserve des savoir-faire inestimables, et on se met en capacité de repartir plus vite. Il s’agit d’une très bonne idée, indispensable dans cette période de crise.

M. Christian Eckert. On fera le bilan !

M. Bernard Gérard. J’en viens maintenant à un autre volet du texte, celui qui concerne l’emploi des jeunes. En effet, on ne peut faire des propositions constructives en faveur de la politique de l’emploi sans se mobiliser pour l’emploi des jeunes, lesquels sont les premiers touchés par la crise.

Au défi conjoncturel s’ajoute un défi structurel, puisque le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé en France ; c’était déjà le cas avant la crise. Le Gouvernement, par un plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes, prend acte de la situation et entend changer cette tendance inacceptable. Nous le soutenons pleinement dans sa démarche. C’est ainsi que nous proposons de faciliter l’accès des petites entreprises aux contrats de professionnalisation en inscrivant dans la loi l’octroi d’un crédit d’impôt pour les entreprises de moins de cinquante salariés ayant recours à ces contrats qui sont des outils efficaces pour s’insérer dans la vie active.

En ce qui concerne la promotion du télétravail, mes collègues Jean-Pierre Decool, Pierre Morel-A-L’Huissier et moi-même avons beaucoup travaillé, et ce en pouvant compter, dès l’origine, sur le soutien de notre secrétaire d’État, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui nous a soutenus dans notre démarche en ce qui concerne tant son volet environnemental que son volet numérique. Je tiens à l’en remercier vivement.

L’usage de plus en plus important des nouvelles technologies de l’information, la préservation de l’environnement, l’attention dévolue à un aménagement équilibré du territoire, la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée doivent faire émerger de nouvelles formes d’organisation du travail, parmi lesquelles figure bien sûr le télétravail.

Aujourd’hui, une trop faible part de la population active bénéficie de ce type d’activité : 7 % des salariés, chiffre très inférieur à la moyenne européenne, qui est de 13 %.

Fort de ce constat, il est essentiel d’encourager cette forme moderne d’organisation du travail. D’autres que moi y reviendront, mais je souligne combien il était important de répondre à l’attente d’un certain nombre d’entreprises dans ce domaine, et de consacrer le télétravail comme faisant véritablement partie de notre code du travail, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Il est un dernier sujet sur lequel je veux insister : en commission, j’ai déposé, avec mon collègue Jean-Pierre Decool, un amendement concernant les modalités de l’augmentation de la durée du travail des salariés à temps partiel qui, suite à son adoption à l’unanimité, est devenu l’article 12 bis du texte. Il s’agit de permettre aux salariés à temps partiel qui le souhaitent, chaque fois que les compétences, l’organisation et les conditions économiques le rendent possible, de bénéficier d’une augmentation de leur horaire contractuel, un avenant prévoyant les conditions du retour à la situation antérieure. Les objectifs de cette disposition sont de réduire la précarité des salariés à temps partiel en favorisant l’augmentation, même temporaire, de leur durée contractuelle de travail dans un cadre protégeant leurs intérêts ; d’améliorer leur pouvoir d’achat et de permettre la constitution de droits sociaux ; de favoriser la mobilité professionnelle et la polyactivité dans un cadre sécurisé. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans la logique de la proposition de loi.

D’autres amendements ont été acceptés, qui vont dans le bon sens.

Mes chers collègues, les dispositions de ce texte de loi nous permettent d’être mieux armés pour répondre à la crise et pour en sortir. Il s’agit d’être dans le peloton de tête lorsque nous reviendrons à une situation bien meilleure. C’est pourquoi nous soutenons cette proposition de loi, qui répond à un objectif de modernité et d’utilité, indispensable pour les salariés de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé.

Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi vise donc, selon son titre, à « faciliter le maintien et la création d’emplois. » Au regard de la crise sans précédent qui secoue notre monde, qui jette à la rue des milliers de salariés, qui fragilise des entreprises, dont certaines étaient performantes hier encore, avouons qu’en plein milieu d’une crise économique et sociale si virulente, cela devrait nous réjouir que la majorité UMP propose une loi visant à créer des emplois ou à les maintenir.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Réjouissez-vous : c’est le cas.

Mme Marie-Odile Bouillé. Alors, regardons de près ce texte et voyons si nous pouvons y trouver matière à satisfaction. Ou plutôt, voyons surtout si les salariés au chômage partiel, les licenciés, les jeunes dont le CDD ou le contrat intérim a été rompu, pourraient y trouver quelque motif d’être rassurés pour leur avenir.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Assurément !

Mme Marie-Odile Bouillé. Hélas, les bonnes intentions ne durent que le temps de lire le titre de cette proposition de loi ; ensuite, c’est la déception qui l’emporte.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Dommage !

Mme Marie-Odile Bouillé. En effet, l’objectif de ce texte n’est pas celui visé dans son titre, mais bien de se servir de la crise et de ses effets sur l’emploi pour rogner un peu plus le code du travail, pour affaiblir encore les droits des salariés, pour individualiser davantage les relations du travail. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. Ce n’est pas cela que demandent les millions d’hommes et de femmes qui ont manifesté les 29 janvier, 19 mars et 1er mai derniers, et qui seront encore dans la rue demain. Saurez-vous les entendre, ou bien continuerez-vous à leur répondre par davantage d’insécurité sociale ? En effet ce texte de loi ne propose rien d’autre.

Les groupements d’employeurs ont une vraie légitimité quand ils permettent de mutualiser un salarié pour des employeurs qui n’ont pas la taille critique leur permettant de le recruter seuls. Ce peut même être un outil au service du développement des PME. Dans ce sens, il doit être soutenu et défendu.

Mais ce que vous proposez dans cette proposition de loi, c’est de faire exploser le cadre conventionnel pour permettre à tous les employeurs, quelle que soit leur taille, de se partager un salarié.

M. Christian Eckert. Voilà !

M. Alain Vidalies. C’est le problème de fond.

Mme Marie-Odile Bouillé. Comment justifier qu’un groupement qui emploie plusieurs milliers de personnes ait besoin de ce dispositif pour embaucher un informaticien ou un comptable ? C’est que l’objectif est ailleurs. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Mais non !

Mme Marie-Odile Bouillé. Votre objectif est de distendre le lien qui relie le salarié à son employeur, de diluer cette relation de subordination pour la rendre moins forte car elle est, aujourd’hui encore, un élément essentiel dans la panoplie des garanties du code du travail.

Le code du travail vous gêne. Votre dogme est connu : pas assez souple, pas assez flexible. Alors, vous allez plus loin. Vous inscrivez dans cette proposition de loi ni plus ni moins que l’allégement de la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de son employé.

Et que dire de la suppression de la responsabilité solidaire en matière de dettes entre employeurs d’un même groupement ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Elle n’est pas supprimée !

Mme Marie-Odile Bouillé. Celui qui en fera les frais, cela se devine aisément, c’est le salarié qui n’aura pas été payé en raison de la défaillance d’un membre du groupement. Hier, dans un tel cas de figure, les autres employeurs payaient pour lui ; avec ce texte, ils ne seront plus responsables solidairement.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Non ! Il y a toutes les garanties !

Mme Marie-Odile Bouillé. Une fois de plus, vous offrez la sécurité aux employeurs, et la flexibilité aux salariés.

Vous la promettez même aux agents de la fonction publique. C’est vrai que, pour vous, le statut de la fonction publique est comme le code du travail dans le privé : c’est un frein, une gêne. Alors, tout est bon pour le saper. Ainsi votre texte permettra à des groupements d’employeurs de remplacer des agents de la fonction publique par des salariés de droit privé.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est déjà possible !

Mme Marie-Odile Bouillé. C’est un coup de canif de plus, qui permettra de privatiser certaines activités et de se passer des services des collectivités territoriales. Cela non plus, nous ne pouvons l’accepter.

La suite logique de cette entreprise de démolition des droits collectifs des salariés est le prêt de main-d’œuvre. Comme pour le groupement d’employeurs, votre proposition de loi dénature un dispositif qui pourrait être intéressant s’il était bien utilisé.

En temps de crise comme aujourd’hui, le prêt de main-d’œuvre est un moyen de maintenir des emplois et des compétences dans une entreprise, un moyen pour éviter le chômage partiel ou le licenciement sec. Avec le prêt de main d’oeuvre, sans but lucratif, ni pour l’entreprise qui prête ni pour celle qui emprunte, vous aviez une possibilité d’aider des entreprises à passer un cap difficile et de retrouver des salariés formés et compétents dès le retour de charge. Cependant, il aurait fallu, pour cela, que votre texte pose l’obligation d’un accord collectif négocié garantissant aux salariés la liberté de choix et fixant les conditions de ce prêt de main-d’œuvre. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est ce que dit le texte !

Mme Marie-Odile Bouillé. Non ! Malheureusement votre proposition est d’une toute autre nature. Elle laisse les employeurs libres d’organiser à leur guise ce prêt de main-d’œuvre. Nous savons, nous qui représentons des territoires fortement industrialisés, que la pratique existe et dévie parfois, trop souvent d’ailleurs, vers du marchandage de main-d’œuvre.

La question n’est pas anodine là où les salariés étrangers sont fortement présents – et nous parlions à l’instant des chantiers de Saint-Nazaire –, car ils sont moins au fait de leurs droits et plus facilement exploitables par des employeurs peu scrupuleux.

Quant aux autres, quelles garanties de maintien dans l’emploi auront-ils, s’ils refusent de travailler un jour, ici, et, le lendemain, dans une autre entreprise ? Votre proposition de loi ne prévoit pas de limites géographiques, ce qui posera inévitablement le problème de la mobilité, qui est un véritable frein à l’emploi. Ce point suscite une inquiétude réelle, notamment pour les femmes, plus soumises aux contraintes de la mobilité professionnelle. Nous refusons que les salariés deviennent des pions sur le damier d’un territoire sans limites.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Nous aussi !

Mme Marie-Odile Bouillé. Nous pouvons même craindre que votre texte ne crée un nouveau motif de licenciement : le refus d’être prêté à une entreprise située à des kilomètres de chez soi.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Le texte dit le contraire !

Mme Michèle Delaunay. Il n’y a aucune garantie !

Mme Marie-Odile Bouillé. Voilà en effet un moyen facile de déguiser des licenciements que ne manqueront pas d’utiliser les moins scrupuleux, de la même manière que des employeurs indélicats détournent la rupture conventionnelle pour déguiser des licenciements en faisant pression sur des salariés. Vous seriez, du reste, bien inspirés d’évaluer ce dispositif récent, car les organisations syndicales nous font part de leurs inquiétudes à ce sujet.

Cette logique de l’individualisation est à l’œuvre dans la promotion du télétravail, présente dans cette proposition de loi, ainsi que dans le statut de l’auto-entrepreneur, que le Gouvernement vante tant. Il s’agit d’atomiser le salariat, d’individualiser les rapports de travail. Un salarié qui travaille dans son coin, chez lui, sans contact, sans culture commune à partager avec d’autres, est dans une position moins favorable pour défendre ses droits ; il se sait plus fragile, donc plus corvéable. Quant aux syndicats, ils auront d’autant plus de mal à organiser les revendications collectives.

Je terminerai en citant un chiffre, qui devrait vous faire réfléchir si vous regardez les choses en face, sans œillères dogmatiques.

Dans ma région, les Pays de la Loire, au cours des quatre derniers mois, dix millions d’heures supplémentaires ont été effectuées. Dix millions en quatre mois, mes chers collègues, soit 25 000 équivalents temps plein !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. On ne peut pas calculer de cette façon. Ce n’est pas si simple !

Mme Marie-Odile Bouillé. À ce prix-là, on aurait pu en maintenir et en créer, des emplois ! Et nous ne serions pas là, à nous battre contre une proposition de loi inutile et nuisible. Si vous voulez créer des emplois, commencez par supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, qui est un agent de destruction massive !

M. Alain Vidalies. La moitié du déficit de la sécurité sociale !

Mme Marie-Odile Bouillé. Ôtez vos œillères et regardez la réalité en face : il ne sert à rien d’écrire une loi pour créer des emplois, comme vous le prétendez, si, dans le même temps, vous en détruisez d’autres.

Ne comptez pas sur nous pour affaiblir un peu plus des hommes et des femmes qui n’en peuvent plus de votre politique injuste. Écoutez ce qu’ils vous disent depuis des mois et ce qu’ils vous rediront demain, lors d’une nouvelle journée de mobilisation à l’appel des organisations syndicales : soyez raisonnables, abandonnez cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.

M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

M. Régis Juanico. C’est mal parti !

M. Jean-Paul Anciaux. La proposition de loi que nous avons élaborée, avec Jean-Frédéric Poisson et six de nos collègues, apporte des réponses pragmatiques afin de remédier à la situation de l’emploi, qui nous préoccupe tous et, en premier lieu, nos concitoyens demandeurs d’emploi ou qui pourraient le devenir du fait de la fragilité de leur entreprise. Tous les salariés du secteur non protégé ont parfaitement conscience des difficultés qu’affrontent les entreprises et, par voie de conséquence, des enjeux qu’elles représentent pour eux-mêmes.

Ce texte n’a rien d’une recette miracle ; il a pour but de faciliter et de promouvoir certaines pratiques insuffisamment ou mal définies dans le code du travail. Notre objectif n’est pas de détricoter celui-ci, comme cela a été dit, mais, au contraire, d’apporter des réponses concrètes.

Ce texte s’attache, par ailleurs, à prendre réellement en compte la révolution des modes de travail, en définissant la place et les garanties qui devront être apportées aux salariés de ces nouveaux secteurs d’activités.

Enfin, grâce à l’aide directe, il rend le contrat de professionnalisation plus attractif. Sans revenir sur les treize articles de la proposition de loi, je m’arrêterai quelques instants sur son article 7, car j’ai personnellement souhaité que soient promues et aidées financièrement les entreprises de moins de cinquante salariés qui concluent des contrats de professionnalisation.

Il faut, en effet, agir en faveur de l’emploi des jeunes. Aujourd’hui, outre les plans sociaux et les suppressions d’emploi, beaucoup d’entreprises gèlent leurs embauches, en particulier au détriment des jeunes. De surcroît, les entrées en alternance, qu’il s’agisse de l’apprentissage ou des contrats de professionnalisation, ont diminué depuis le début de l’année. Si l’on ne fait rien, le nombre de jeunes sans perspectives d’emploi ira croissant.

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Jean-Paul Anciaux. Nous ne pouvons l’accepter. Nous ne voulons pas d’une génération sacrifiée ; nous voulons une génération active, car la demande des jeunes est de pouvoir travailler et vivre des fruits de leur travail.

Le contrat de professionnalisation relève d’une logique d’investissement. Il ne s’agit ni de « traitement social », ni d’une solution destinée à occuper le temps et à camoufler la réalité. Tous les responsables politiques et nombre d’observateurs économiques estiment qu’une part de notre salut en matière d’emploi vient potentiellement de ces PME et TPE. Même si je considère que celles-ci ne sont pas l’unique vivier, je crois fermement en leur capacité de s’adapter au marché, de se remettre en cause en permanence, de coller aux réalités économiques vraies. Les spécificités de ces entreprises, bien souvent renforcées par la volonté des hommes et des femmes qui les composent, permettent de fonder des espoirs objectifs dans le maintien et le développement de l’emploi, notamment celui des jeunes.

J’ajoute que, ces dernières années, ce sont les PME et les TPE qui, proportionnellement, ont accompli les efforts les plus importants en matière de signature de contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Il me paraît donc juste que la mesure relative à ces contrats prévue dans la proposition de loi s’applique exclusivement à ces catégories d’entreprises, dont on peut raisonnablement espérer un engagement et une réelle réactivité.

Après que le Président de la République a souhaité qu’un effort soit fait dans ce sens, je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que mon souhait de voir primer les contrats de professionnalisation – que j’ai formulé dans une question officielle à l’automne – soit aujourd’hui satisfait.

Par ailleurs, je me félicite que l’allocation emploi-retraite soit rétablie temporairement, pour nous aider à traverser la crise. Nous sommes quelques-uns, dans cet hémicycle, à avoir plaidé en ce sens, et je me réjouis que notre demande ait été prise en compte. Le travail réalisé par mes collègues sur le groupement d’employeurs et le télétravail permet de présenter des suggestions originales, qui, j’en suis certain, porteront leurs fruits. L’article 10 prévoit ainsi que les MDE ont pour mission de promouvoir les offres en situation de télétravail, et je m’en réjouis, madame la secrétaire d’État.

C’est une fierté que cette proposition de loi soit débattue lors de l’une des premières séances publiques consacrées à l’ordre du jour d’origine parlementaire.

M. Alain Vidalies. Un lundi soir !

M. Jean-Paul Anciaux. C’est une fierté qu’elle apporte une réponse pragmatique et concrète, dont la mise en œuvre devra être quasi immédiate. C’est une fierté que ce texte relevant du champ économique et social touche à la priorité de l’instant qu’est l’emploi.

Je souhaite que, durant les débats, chacun ait à cœur d’apporter sa contribution, afin de rendre encore plus efficaces les mesures préconisées, et je me plais à imaginer que l’opposition y participera sans arrière-pensée politicienne. Au milieu de nombreuses critiques pas vraiment justifiées, il m’a semblé entendre, ce soir, quelques suggestions d’amendement. Poursuivez dans ce sens, chers collègues. Nous donnerons ainsi l’image d’un Parlement moderne, responsable, au service de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 26 mai 2009 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Fixation de l’ordre du jour ;

Suite de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 26 mai 2009, à zéro heure cinquante-cinq.)