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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 7 juillet 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Dispositions relatives à la démocratie sociale

Rappels au règlement

M. Roland Muzeau

M. Jean Mallot

M. le président

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires sociales

Discussion générale

M. Francis Vercamer

Mme Isabelle Vasseur

M. Alain Vidalies

M. Roland Muzeau

M. Jean-François Copé

M. Jean Mallot

M. Xavier Bertrand

M. Jean-Patrick Gille

M. Guy Lefrand

M. Régis Juanico

M. Éric Woerth, ministre du travail

Discussion des articles

Articles 1er, 2 et 3

Article 4

Amendements nos 2, 21, 9, 7, 8, 16, 1, 11 rectifié, 10 rectifié, 12 deuxième rectification

Après l'article 4

Amendements nos 3, 15

Article 5

Amendement no 13

Après l’article 5

Amendement no 4 rectifié

Article 6

Amendements nos 22, 18 deuxième rectification, 5

Article 7

Amendements nos 19, 20

Après l'article 7

Amendement no 6

Article 8

Amendement no 17

Vote sur l'ensemble

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Dispositions relatives
à la démocratie sociale

Discussion d'un projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (nos 2592, 2685 rectifié)

M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, à treize heures, une dépêche de l’AFP est tombée, indiquant que le Gouvernement allait présenter un amendement rétablissant en partie l’article 6, supprimé par la majorité UMP en commission. À quatorze heures quarante-cinq, s’est tenue une réunion de la commission des affaires sociales au cours de laquelle cet amendement n’a pas été présenté aux nombreux membres de la commission présents. Il me paraît tout à fait anormal non seulement que nous ayons été informés par voie de presse, mais que l’amendement gouvernemental ait été communiqué à l’agence de presse, ainsi qu’elle le signalait dans sa dépêche, et non aux députés.

Par ailleurs, le coup de force des députés UMP est venu perturber les discussions qui avaient lieu cet après-midi dans le cadre de la délibération sociale sur les institutions représentatives du personnel et la question du dialogue social dans les TPE. La CGT, la CFDT et la CFTC ont demandé l’ajournement de la séance. Fait très marquant : l’UPA s’est exprimée pour dénoncer le comportement hégémonique de la CGPME et du MEDEF. La séance a été ajournée.

Ces deux événements n’augurent pas d’un débat serein et productif lors de l’examen, que nous entamons tardivement ce soir, du projet de loi de loi complétant les dispositions relatives au dialogue social issues de la loi du 20 août 2008. En effet, par ses manœuvres, la majorité manque de respect au dialogue social et aux accords conclus entre les partenaires sociaux.

M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement.

Mme Isabelle Vasseur. Comme d’habitude !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement relatif au déroulement de nos travaux. J’apprends, par des dépêches et par notre collègue Muzeau, qu’un amendement gouvernemental aurait été déposé dans l’après-midi avant que la commission des affaires sociales ne se réunisse, à quatorze heures quarante-cinq, au titre de l’article 88 de notre règlement. J’ai participé à cette réunion du début à la fin. Or, aucun amendement de ce genre ne nous a été présenté. Cette méthode de travail n’est pas correcte. Je souhaiterais que le Gouvernement ait la courtoisie de nous distribuer dès maintenant, sans attendre la discussion des articles, le texte de cet amendement. Comment peut-on travailler en jouant ainsi à cache-cache, sur un sujet aussi important ? Le b-a ba du travail démocratique, c’est de pouvoir prendre connaissance des textes sur lesquels nous délibérons.

M. le président. Là encore, il ne s’agissait pas d’un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Comment cela ? Il s’agit du déroulement de nos travaux, monsieur le président !

M. le président. Cela ne justifie pas un rappel au règlement, monsieur Mallot. Au reste, je vous ai tout de même donné la parole.

Par ailleurs, ce n’est pas au ministre, mais au service de la séance, de distribuer les amendements, et celui que vous avez évoqué est en ligne.

M. Jean Mallot et M. Roland Muzeau. À quoi sert la commission ?

M. le président. Nous en venons au projet de loi.

Je donne la parole à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je tiens tout d’abord à dire à M. Mallot que l’amendement auquel il a fait référence a été déposé ce matin. Sa distribution relève de l’Assemblée, non du Gouvernement.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir s’inscrit dans la continuité de la politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007 pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective dans l’élaboration de notre droit social.

Nous croyons en une société qui donne au contrat tout l’espace nécessaire à côté de la loi et du règlement, car nous pensons que les règles discutées et élaborées par les acteurs eux-mêmes sont souvent plus durables et plus proches de leurs réalités, particulièrement dans l’entreprise.

Pour y parvenir, il est indispensable que les accords qui s’appliquent aux entreprises et aux salariés soient négociés par des acteurs dont la légitimité est renforcée et repose sur une large adhésion. C’est ce que nous avons fait avec la réforme, sans précédent depuis l’après-guerre, des règles de représentativité et de validité des accords issue de la loi du 20 août 2008. Désormais, à tous les niveaux, plus aucun accord ne devra pouvoir s’appliquer s’il n’a pas une légitimité électorale réelle résultant de l’adhésion des salariés.

Le projet de loi que je vous présente permet de franchir une nouvelle étape dans ce sens en complétant la rénovation de notre démocratie sociale. Il est dans la continuité de la loi du 20 août 2008. Il est indispensable pour que celle-ci puisse s’appliquer pleinement. Il pose des règles simples et souples, sans créer – et j’y insiste – de contraintes nouvelles pour les entreprises et fait confiance à la négociation collective.

Ce projet de loi était prévu dans la loi de 2008. Il vient donc logiquement la compléter. La loi de 2008 a profondément modernisé notre système de relations sociales, en substituant le critère de l’audience à la présomption irréfragable de représentativité qui subsistait depuis 1948. Ce sont désormais les salariés qui choisissent les représentants qui vont négocier en leur nom et signer des accords qui s’appliquent à eux. Ces mêmes accords ont désormais vocation à reposer sur une large assise. Ils ne peuvent être rejetés que de manière majoritaire par les syndicats de salariés non signataires. Cette règle s’applique dans les entreprises depuis 2008 et elle s’appliquera dès 2013 dans les branches et au niveau national interprofessionnel.

Toutefois, dans les entreprises de moins de onze salariés, il n’est pas obligatoire d’organiser des élections professionnelles. Par conséquent, la voix des salariés de ces entreprises n’est, pour l’heure, pas prise en compte pour mesurer la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, ainsi que pour la validité des accords conclus à ces niveaux.

Les partenaires sociaux signataires de la position commune du 9 avril 2008, c’est-à-dire le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu de poser de nouveau la question des modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés, ainsi que celle de l’élargissement du nombre de salariés bénéficiant d’une représentation collective.

Dès l’élaboration de la loi du 20 août 2008, le Gouvernement a identifié avec les partenaires sociaux la nécessité de prévoir un mécanisme spécifique pour les TPE. La loi du 20 août 2008 a donc prévu, dans son article 2, l’intervention d’une seconde loi pour les salariés des TPE. Les signataires de la position commune ont tous accepté le principe de cette seconde loi et ils ont d’ailleurs engagé des discussions. Ces discussions n’ont pas abouti à un accord et le Gouvernement le regrette, ainsi que je l’ai indiqué devant votre commission des affaires sociales. Cependant, le 20 janvier dernier, certains des partenaires sociaux – l’UPA et quatre syndicats de salariés – ont adressé au Gouvernement une lettre qui a constitué une base de travail importante.

Aujourd’hui, la réforme que je vous présente est urgente et indispensable.

Les salariés travaillant dans les TPE représentent plus de 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes : c’est considérable. Les accords négociés, notamment au niveau des branches, s’appliquent aussi, bien évidemment, à ces salariés des TPE. Prenons des exemples concrets : les salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance pour des salariés de la boucherie sont négociés par des partenaires sociaux auxquels s’appliquent les règles de représentativité et de validité des accords.

En conséquence, le dispositif de mesure de la représentativité – c’est le cœur du texte – serait très fragile sur le plan juridique si aucune disposition ne permettait de prendre en compte la voix des salariés de ces entreprises.

Comment pourrait-on concevoir que certains salariés participent à la mesure de la représentativité de syndicats qui négocient des accords qui s’appliquent à eux, et pas d’autres ? Ce serait comme si les habitants des villes de moins de 2 000 habitants n’avaient pas le droit de voter aux élections nationales.

Des règles transitoires s’appliquent, faute, pour le moment, de pouvoir mesurer pleinement l’audience des syndicats de salariés au plan national ; ce sera le cas jusqu’en 2013. Les arrêtés qui dresseront, en 2013, la liste des syndicats représentatifs dans les branches et au plan national interprofessionnel doivent donc reposer impérativement sur des critères de mesure d’audience qui prennent en compte tous les salariés.

Un débat juridique a eu lieu : la loi de 2008 serait-elle menacée si nous ne la complétions pas ? Le Conseil d’État l’a écrit très clairement : il serait inconcevable d’avoir deux catégories de salariés, ceux dont la voix peut être prise en compte et les autres. Cette situation pourrait être contraire aux principes constitutionnels de participation et d’égalité et cela pourrait conduire à fragiliser toute la réforme si aucune mesure de l’audience ne visait aussi les salariés des TPE avant 2013.

Notre responsabilité est de préserver la réforme de la représentativité. Il faut donc adopter dès maintenant un projet de loi pour organiser une consultation électorale avant le début de l’année 2013, dresser les listes électorales avant la fin de l’année qui précède celle de la consultation et passer les marchés publics afférents.

La réforme que je vous présente est simple, pragmatique et fait confiance à la négociation collective.

En premier lieu, elle organise la mesure de l’audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et non de celle des entreprises, d’organiser cette mesure de l’audience. L’État organisera donc un scrutin auprès des 4 millions de salariés concernés, tous les quatre ans, à partir de l’automne 2012.

Ce scrutin, nous avons souhaité qu’il soit le plus souple et le plus simple possible. C’est la raison pour laquelle le projet de loi retient le vote électronique et le vote par correspondance. Non seulement ces modalités ne créent aucune contrainte nouvelle pour les entreprises, mais elles élargissent les possibilités qu’ont les salariés d’exprimer désormais leur opinion. Nous préférons qu’ils votent plutôt qu’ils ne s’abstiennent. Votre commission des affaires sociales a assoupli davantage encore le dispositif, en précisant que l’employeur n’aura en aucun cas l’obligation de mettre à disposition un matériel électronique pour le vote lorsqu’il n’en dispose pas.

Grâce à cette réforme, tous les syndicats qui peuvent présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience auprès des salariés des TPE.

Par ailleurs, il s’agit d’une consultation sur des sigles syndicaux. Le Gouvernement a retenu cette modalité – qui a fait l’objet d’un débat, notamment avec les organisations syndicales –, car il a toujours refusé de créer et de rendre obligatoire une quelconque instance de représentation du personnel dans laquelle auraient nécessairement siégé des personnes élues sur des listes. Oui à la représentativité, non à la représentation dans ces toutes petites entreprises. Si la consultation porte sur des noms, la question se posera de la présence physique des personnes élues au sein d’une instance. Or une telle instance n’existe pas. Il est donc normal d’organiser une consultation sur des sigles, afin de respecter la forme des relations sociales au sein des TPE.

Dès lors que nous pourrons mesurer le poids électoral de chaque syndicat ainsi que les résultats électoraux issus des élections professionnelles, nous pourrons fonder l’audience des syndicats dans les branches et au niveau interprofessionnel sur une expression complète de tous les salariés. C’est ainsi que nous donnerons à la loi de 2008 toute sa portée.

Les sénateurs ont souhaité que le Haut conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, puisse être informé des modalités d’organisation de cette consultation, ce qui est effectivement pertinent.

Un mot sur le secteur agricole. Ce dernier dispose déjà d’un instrument de mesure de la représentativité grâce aux élections aux chambres d’agriculture. Les partenaires sociaux du secteur agricole nous ont fait part de leur attachement à ce système et nous les avons entendus. Les élections aux chambres d’agriculture seront donc pleinement prises en compte. Aucune autre consultation électorale ne sera nécessaire pour mesurer la représentativité des syndicats dans les secteurs agricoles concernés.

En second lieu, le projet de loi reporte de deux ans au plus les élections prud’homales. Il ne faudrait pas que cette mesure suscite des fantasmes. Ce report permet d’éviter que, la même année, nous disposions de résultats différents pour une même organisation syndicale en termes de représentativité et d’élections des juges. Il nous donne également le temps de la réflexion. Ainsi que je l’ai indiqué en commission, j’ai reçu, le 25 mai dernier, les conclusions du rapport Richard sur l’avenir des élections prud’homales qui formule des préconisations. Nous prendrons le temps d’étudier les pistes qu’il propose avec les partenaires sociaux. Il n’est pas question de revenir sur le scrutin prud’homal ; il s’agit de comprendre pourquoi l’abstention est si élevée et de faire en sorte que la représentativité au sein des instances prud’homales soit la plus forte possible. Nous en parlerons très ouvertement.

Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé la mise en place de commissions paritaires régionales : le mot est lâché. Par ailleurs, des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel.

Je voudrais rappeler que des commissions paritaires existent pour de nombreuses entreprises depuis la loi du 4 mai 2004. Elles ne peuvent être mises en place que par la négociation collective et n’existent donc que si les partenaires sociaux l’ont souhaité. Des commissions de ce type existent probablement dans vos départements, même si vous n’en avez jamais entendu parler. Y siègent le MEDEF, la CGPME et les organisations syndicales. Les partenaires sociaux ont la possibilité d’en mettre en place, sur la base de la loi de 2004, pour les très petites entreprises. Ces commissions ont de larges pouvoirs, dont celui de négocier ou de traiter des réclamations individuelles, et, grâce aux commissions de la loi de 2010, le Gouvernement souhaite mieux encadrer ces pouvoirs en créant des commissions spécifiques aux TPE.

La commission des affaires sociales a supprimé les dispositions du projet de loi relatives aux commissions paritaires spécifiques aux TPE. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement est respectueux du dialogue social. Trois organisations patronales, qui regroupent à elles seules la majorité des TPE, soutiennent une démarche de dialogue social dans le cadre de telles commissions ainsi que quatre des cinq organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. On ne peut pas dire que ce soit négligeable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est également attentif aux préoccupations exprimées par un nombre important de parlementaires qui ne souhaitent pas, à juste titre, introduire de représentants syndicaux dans les toutes petites entreprises, afin de ne pas bouleverser la réalité et la proximité du dialogue social dans ces entreprises. Ce n’est pas et ce ne sera pas le projet du Gouvernement. Il n’y a donc pas lieu de fantasmer : le Gouvernement n’a pas pour projet d’intégrer des représentants syndicaux dans les TPE, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire.

M. Jean Mallot. Les rouges resteront à la porte !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je proposerai donc un amendement, déposé aujourd’hui au nom du Gouvernement, prenant en compte à la fois le souci de développer le dialogue social et les craintes exprimées à ce sujet.

Ce texte permettra d’appuyer un dialogue social valorisant les bonnes pratiques, diffusant l’information pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise et permettant une meilleure connaissance des problématiques spécifiques aux petites entreprises. Le cadre de 2004 est, en effet, beaucoup plus large que celui de 2010.

Ce texte renverra à des discussions entre les partenaires sociaux avec un encadrement du rôle des commissions, sans suivi des accords collectifs – conformément à une proposition du rapporteur –, sans pouvoir de contrôle et sans intervention dans les relations individuelles de travail. Nous sommes donc bien dans une logique d’intérêt général. Sans cet amendement, je le rappelle, les commissions pourront toujours être mises en place avec des pouvoirs plus larges – et croyez-moi, c’est ce qui va se faire. L’amendement prendra donc en compte la spécificité des TPE, ce qui est normal, et s’inscrira dans l’esprit de la position commune signée le 9 avril 2008 par le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT.

Mesdames et messieurs les députés, ce texte témoigne de notre engagement à faire aboutir une réforme majeure qui modernise notre démocratie sociale et renforce donc le dialogue social. Parce que nous croyons à une société qui privilégie le dialogue à l’affrontement, parce que nous pensons qu’il faut créer toutes les conditions pour que les acteurs concernés trouvent entre eux, sur le terrain, les solutions les plus adaptées, parce qu’enfin nous prenons nos responsabilités pour bâtir les réformes solides et durables dont notre pays a besoin, ce texte est indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte qui s’annonçait comme un texte facile…

M. Jean Mallot. On ne vous aurait pas confié un texte sans intérêt, monsieur le rapporteur !

M. Dominique Dord, rapporteur. …au titre d’ailleurs modeste – « projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale » – a pourtant soulevé les passions…

M. Roland Muzeau. C’est Copé qui a eu peur !

M. Dominique Dord. …au point que notre commission a décidé de supprimer l’article 6, c’est-à-dire l’une des deux dispositions principales du texte.

Aujourd’hui, ce texte vient devant notre assemblée et le Gouvernement a déposé un amendement de synthèse qui rétablit l’article 6 tout en tenant compte, je le crois sincèrement, des inquiétudes d’un certain nombre de nos collègues. J’espère, par conséquent, que cet article 6 sera voté. Je suis très heureux, monsieur le ministre, de constater que le Gouvernement s’efforce de tenir compte des remarques et des inquiétudes qui ont été exprimées en commission.

Je veux dire à mes collègues de l’UMP que je ne veux pas être et ne suis pas le rapporteur d’un texte qui introduirait plus de complexité et de contraintes dans les toutes petites entreprises, à un moment où les patrons de ces entreprises ont déjà d’autres préoccupations.

M. Régis Juanico. Et les salariés ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Je ne suis pas non plus le rapporteur d’un texte qui viserait à créer du conflit, de l’antagonisme, dans les toutes petites entreprises, du fait de l’instauration d’une représentation syndicale.

Je veux également dire solennellement aux chefs des toutes petites entreprises de France que, quelle que soit l’issue de nos débats, le texte du Gouvernement n’a pas vocation à introduire – ni aujourd’hui ni demain – des délégués, des mandataires ou des responsables syndicaux en leur sein. Les craintes à ce sujet sont infondées : aucune disposition du texte, surtout tel qu’il a été amendé par le Gouvernement, ne va en ce sens.

Si je suis à cette tribune ce soir, c’est pour expliquer que ce texte est cohérent et utile. Il est cohérent avec nos propres principes, mes chers collègues. On ne peut pas invoquer la démocratie sociale et sa priorité sur la démocratie politique, tout en laissant de côté quatre millions de salariés qui n’auraient pas la possibilité de s’exprimer.

M. Roland Muzeau. Mais si, c’est ce que veut faire Copé !

M. Dominique Dord, rapporteur. Il est également nécessaire de créer un lieu d’expression pour les TPE. Le texte répond à ces deux préoccupations.

Le texte est également cohérent avec notre propre expérience d’élus de terrain. Dans ma circonscription, combien de fois me suis-je dit que le MEDEF et les autres syndicats de salariés ne représentaient pas la réalité de la vie des petites entreprises ! Dès lors que l’on constate un défaut de représentativité, on ne peut que s’efforcer de le corriger si on en a l’occasion.

Comme l’a dit Éric Woerth, ce texte est cohérent avec la position commune adoptée par les syndicats et l’ensemble des représentants du patronat le 9 avril 2008. Dans son amendement, le Gouvernement décrit les compétences des commissions paritaires exactement dans les mêmes termes que ceux figurant dans la position commune – or, depuis la conclusion de cet accord en avril 2008, d’autres syndicats, tels la FNSEA, l’UNAPL et l’USGERES, s’y sont ralliés. S’il n’y a pas consensus sur ce point, c’est à n’y rien comprendre !

Enfin, ce texte est cohérent avec la loi de 2008, qui annonçait déjà – pour une date antérieure à juin 2009 – une représentation effective du personnel des TPE plus forte et une mesure d’audience.

Par ailleurs, ce texte est utile, car il doit permettre aux TPE de traiter de toutes sortes de questions qu’elles ne peuvent aborder en l’état actuel, ne disposant pas de la structure adéquate pour le faire. Je pense aux questions relatives à l’hygiène et à la sécurité ; aux conditions de travail dans l’artisanat ; à l’évaluation des risques professionnels ; aux saisonniers ; aux modalités d’ouverture du commerce le dimanche, en termes de rémunération, de priorité au volontariat, d’amplitude horaire ; à la prévention des conflits et des litiges, notamment en ce qui concerne l’activité saisonnière – que je connais bien dans mon département ; à l’attractivité des TPE ; à la carrière et aux avantages que pourraient avoir les salariés dans les toutes petites entreprises.

Encore faut-il que ces entreprises disposent d’un lieu pour débattre de ces questions et faire des propositions : ce sera le rôle des commissions paritaires, qui pourront à la fois remonter vers leur branche professionnelle et constituer une espèce de boîte à outils mise à la disposition des patrons et des salariés des toutes petites entreprises. Au fond, les commissions seront un moyen institutionnel, pour les toutes petites entreprises, de faire valoir leur point de vue et leurs spécificités dans les négociations de branches – souvent dominées, il faut bien le reconnaître, par les salariés et les patrons des grandes entreprises.

Je ne crois pas qu’il y ait d’intrusion, au sens négatif du terme, de la représentation syndicale dans les toutes petites entreprises. Aucun des partenaires sociaux que j’ai auditionnés n’a affirmé que c’était son objectif…

M. Alain Vidalies. On peut être syndiqué dans une petite entreprise, ce n’est pas interdit par la loi !

M. Dominique Dord, rapporteur. …et le nouvel article 6 proposé par le Gouvernement me semble de nature à dissiper toute inquiétude à ce sujet – du moins si l’on s’en tient à une discussion fondée sur des arguments objectifs. Il n’en est pas de même dès lors que l’on commence à recourir à des arguments subjectifs – à agiter, en quelque sorte, un torchon rouge – et je crains, hélas, que nous n’ayons franchi cette étape.

Enfin, ce texte est utile parce qu’il introduit une nouvelle modalité de consultation des salariés dans les entreprises, ultramoderne et n’ayant pas pour effet, monsieur le président de la commission des affaires sociales, d’introduire de la complexité, bien au contraire : je veux parler du vote par correspondance et du vote électronique.

M. Régis Juanico. Attention tout de même aux risques de fraude !

M. Dominique Dord, rapporteur. L’introduction de ce type de consultation pourrait d’ailleurs être étendue à d’autres instances : si j’ai bien lu le rapport Richard, il est ainsi envisagé de simplifier les modalités du scrutin prud’homal – un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur.

Mes chers collègues, en donnant le droit de vote à quatre millions de salariés qui n’en disposent pas pour le moment, nous faisons œuvre utile. En créant des lieux de dialogue spécifiquement dédiés aux TPE, nous faisons un pas plus que modeste sur le chemin de la démocratie sociale, en faveur du secteur qui est sans doute le plus vivant de l’économie française, celui des toutes petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le présent projet de loi vient finaliser la réforme de la représentativité instaurée par les dispositions de la loi du 20 août 2008 sur la démocratie sociale et le temps de travail.

Ce texte s’articule autour de deux dispositions principales, qui suscitent la polémique – que l’on s’explique mal – depuis quelques semaines. Il s’agit, tout d’abord, du principe même du recours à une élection pour mesurer l’audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés. Il s’agit, ensuite, de la création des commissions paritaires régionales, chargées d’assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail et d’apporter une aide en matière de dialogue social. À propos de cette mesure, on peut d’ailleurs, pour le moment, parler au passé, puisque la commission des affaires sociales a malheureusement supprimé l’article qui créait les commissions en question.

Le groupe Nouveau Centre tient d’abord à souligner que ce texte s’inscrit en cohérence avec l’ensemble des dispositions, votées par cette majorité ou lors de la précédente législature, qui accordent, dans notre droit, une place plus importante au dialogue social. La loi du 31 janvier 2007 est venue instaurer une obligation de concertation préalable des partenaires sociaux à tout projet de réforme du Gouvernement relative aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle – cette obligation s’étant d’ailleurs étendue, dernièrement, aux propositions de loi.

La loi du 20 août 2008 s’est, quant à elle, saisie des conditions de la représentativité des organisations syndicales de salariés, pour leur conférer une légitimité renouvelée, fondée sur des critères adaptés aux réalités de la démocratie sociale d’aujourd’hui. Avec ces différentes mesures, la majorité s’inscrit dans une démarche de confiance dans les partenaires sociaux, dans leur esprit de responsabilité, dans leur capacité à dépasser les clivages et les intérêts conflictuels, pour innover, expérimenter, et faire évoluer notre législation du travail dans l’intérêt des salariés et des employeurs. C’est ce même esprit de confiance qui porte ce projet de loi tel qu’il a été présenté il y a quelques semaines par le Gouvernement.

Ce projet de loi détermine, tout d’abord, les conditions de la participation des salariés des entreprises de moins de onze salariés à la mesure de la représentativité des syndicats de salariés. La loi du 20 août 2008 est venue réformer celle-ci, qui reposait jusque-là sur une présomption irréfragable de représentativité établie sur la base de critères vieux de quarante ans. Il était donc nécessaire que les critères de la représentativité des syndicats de salariés puissent évoluer.

Le Gouvernement a arrêté le principe d’une appréciation de cette représentativité, via une mesure de l’audience syndicale, au regard des résultats obtenus lors des élections professionnelles.

Cette mesure n’était cependant envisageable qu’à condition de lever différentes incertitudes, et notamment celles qui planaient sur la participation de tous les salariés à la mesure de l’audience syndicale et notamment les salariés des TPE qui ne participent pas aux élections professionnelles.

Le groupe Nouveau Centre a défendu cette position lors du débat sur la réforme de la représentativité. Et ce principe a été retenu dans le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

Dès lors que le principe de la mesure de l’audience syndicale par l’élection est arrêté, elle ne peut que concerner l’ensemble des salariés. C’est notre conviction. Quelle logique pourrait en effet légitimement exclure 4 millions de salariés du droit à se prononcer sur le choix du syndicat qui leur est le plus proche ?

C’est pourquoi notre groupe est favorable aux dispositions qui organisent la mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des petites entreprises.

Les commissions paritaires régionales suscitent, quant à elle, la controverse, à tel point qu’une majorité s’est dégagée en commission des affaires sociales pour supprimer ce dispositif, en dépit des garanties d’ores et déjà apportées par le Sénat.

Je le dis d’emblée : notre groupe est sensible aux préoccupations exprimées par différentes organisations d’employeurs qui ont le sentiment de se voir imposer des modalités de dialogue social dont elles ne sont pas demandeuses.

Nous avons pour objectif de faire progresser le dialogue social dans ce pays, de sortir de conceptions traditionnellement conflictuelles des relations entre syndicats et employeurs. Il n’est dans l’intérêt de personne, et surtout pas des partisans du dialogue social dans les TPE, que celui-ci soit perçu comme une contrainte.

Nous avons bien entendu un certain nombre des arguments présentés par les adversaires de l’instauration de ces commissions. L’un d’eux consiste à expliquer que le dialogue social existe par nature dans les TPE.

C’est effectivement une qualité propre aux TPE que de permettre un échange direct entre celui qui a la responsabilité de l’entreprise et les salariés de celle-ci. Mais qu’un employeur soit ouvert à la discussion signifie-t-il pour autant qu’il soit un expert de la législation sociale et du dialogue social ?

J’ai moi-même une expérience de chef d’entreprise, et surtout de conseiller prud’homal au conseil des prud’hommes de Roubaix. À ce titre, j’ai pu constater combien le dialogue social dans une TPE ne va pas de soi et combien la méconnaissance par l’employeur des arcanes de la législation sociale dans le cadre de litiges pouvait avoir des conséquences dramatiques sur la pérennité de son entreprise, et ce en dépit de sa bonne foi.

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Francis Vercamer. Les entreprises, et en particulier les plus petites, leurs salariés et leurs responsables, ont donc besoin d’un espace de dialogue qui puisse se situer, non pas en leur sein, mais dans un cadre extérieur. Le cadre extérieur proposé par le texte initial étant celui du territoire régional.

Les missions de ces commissions, pour être parfaitement comprises et admises, doivent être clarifiées. Pour le Nouveau Centre, il doit pouvoir s’agir, avec ces commissions, de diffuser plus largement une information qui vienne en aide aux salariés et aux employeurs. Comment mieux accéder à la formation professionnelle ? Comment mieux tirer parti des dispositifs relatifs à l’apprentissage ? Comment faire connaître les bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité au travail ? Comment s’assurer que les salariés bénéficient des régimes de prévoyance et des avantages sociaux qui peuvent aussi contribuer à l’attractivité des métiers exercés au sein des TPE ? Comment enfin, et j’y tiens particulièrement, apporter aux salariés et aux employeurs l’appui juridique qui permette de prévenir les conflits et de favoriser les conciliations entre les parties en cas de désaccord ?

Il s’agit, non pas de négocier de nouveaux droits, mais de s’assurer de l’application de l’existant, et de créer, par le dialogue social, des dynamiques sociales qui valorisent les TPE.

Le groupe Nouveau Centre sera donc ouvert aux propositions qui permettront d’instaurer un véritable dialogue social dans les TPE, tout en garantissant le respect des prérogatives de l’employeur dans son entreprise.

Nous serons aussi particulièrement attentifs à ce que le travail de ces commissions s’effectue dans le respect des dispositions et accords pris par les branches professionnelles.

Nous serons ouverts à toute proposition qui permettra d’apaiser les inquiétudes autour de ces commissions sans pour autant dénaturer ces dernières.

Pour notre groupe, le dialogue social est, par nature, fondé sur un équilibre fragile. Il ne s’agit pas de tomber dans l’angélisme, et nous savons la part de méfiance qu’il peut y avoir entre des interlocuteurs qui ne se connaissent pas.

Nous pensons que cette méfiance et les a priori qui l’accompagnent peuvent être levés plus facilement dans un cadre territorial proche de la réalité des entreprises, au contact des besoins concrets et des enjeux quotidiens des salariés et patrons de très petites entreprises.

Les commissions paritaires régionales sont le niveau territorial adéquat pour permettre de faire l’apprentissage d’un dialogue social constructif qui apporte une véritable valeur ajoutée aux TPE.

C’est pourquoi notre groupe souhaite que le débat sur le texte issu de la commission des affaires sociales nous permette de rétablir la possibilité de créer ces commissions, là où les partenaires sociaux, représentants des salariés comme des employeurs, le voudront.

Enfin, il nous semble que la redynamisation du dialogue social à laquelle nous avons contribué avec les lois du 31 janvier 2007 et du 20 août 2008 doit se poursuivre, au-delà de la seule question de la représentativité des salariés.

Ce sont tous les partenaires du dialogue social qui doivent être légitimes parce que le champ de réforme que peut couvrir la négociation collective est vaste. Il comporte encore des chantiers d’importance, qui supposent que ceux qui les engageront ne puissent pas être contestés dans leur légitimité.

Il y a deux parties aux accords collectifs, qu’ils soient interprofessionnels ou de branches : la partie salariée et la partie patronale. Si l’on exige d’une des parties qu’elle refonde les termes de sa légitimité, comme le Gouvernement l’a fait avec la partie salariée, alors il faut accepter d’en faire de même pour l’autre partie, à savoir la partie patronale. C’est une question de parallélisme des formes.

C’est pourquoi, et nous attirons l’attention sur ce point depuis plusieurs années, engager la réforme de la représentativité des organisations syndicales ne peut pas s’opérer sans engager, en parallèle, la réforme de la représentativité des organisations d’employeurs.

À ce jour, en effet, il n’existe pas de texte qui définisse la représentativité des organisations d’employeurs. Celles-ci assoient leur légitimité sur les différentes catégories d’entreprises qu’elles représentent : entreprises privées pour le MEDEF, petites et moyennes entreprises pour la CGPME, artisanat pour l’UPA.

Mais comme le fait remarquer le rapport Hadas-Lebel sur la représentativité, les frontières de ces différents périmètres sont, en réalité, très perméables. Une même entreprise peut s’estimer représentée par plusieurs de ces organisations.

Il est donc particulièrement difficile de savoir, avec certitude, qui parle au nom de qui et qui a la légitimité pour prendre des décisions et conclure des accords qui engagent des réformes profondes de notre législation sociale.

D’ailleurs, le débat autour de ce texte achève de nous convaincre de la nécessité d’engager cette réforme. Le MEDEF et la CGPME ne manquent pas de contester à l’UPA le droit de s’exprimer au nom des petites entreprises qu’ils estiment représenter également. Et pourtant, l’artisanat est par nature un secteur qui concentre un grand nombre de ces petites entreprises.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vais conclure, monsieur le président.

En l’absence de règles du jeu clairement établies, comment déterminer avec certitude la représentativité des uns et des autres ? Qu’en est-il également de la légitimité à participer à la négociation collective d’organisations représentant les professions libérales ou les employeurs de l’économie sociale ?

En réalité, nous ne pouvons pas laisser ce risque s’installer, et ce d’autant moins quand des modifications législatives interviennent en vertu des conclusions de cette négociation collective, conformément à la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. À notre sens, c’est tout l’édifice de la co-construction des réformes de la législation du travail entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics qui serait fragilisé.

La réforme de la représentativité des organisations d’employeurs est donc un chantier qu’il est urgent d’engager. Nous présenterons des amendements dans ce sens.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera pour ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un pays comme le nôtre, où le réflexe de la lutte des classes est encore si souvent utilisé pour opposer les salariés aux chefs d’entreprise, tout ce qui peut renforcer le dialogue social est le bienvenu !

Je salue, avec mes collègues du groupe UMP, ce texte qui constitue une avancée importante pour notre démocratie sociale. Il complète en effet la réforme de la représentativité syndicale du 20 août 2008. De 1966 à 2008, les règles de la représentativité syndicale n’avaient pas évolué ! Les syndicats en étaient affaiblis et se trouvaient dans l’obligation de compenser leur faiblesse par le recours au rapport de force. Le taux de syndicalisation était le plus faible d’Europe : 5 % dans le privé.

La loi du 20 août 2008 a permis de passer d’un système fondé sur la présomption irréfragable, à un système basé sur l’élection. Désormais, dans toutes les entreprises de plus de onze salariés, l’audience syndicale est mesurée lors des élections professionnelles.

Ce texte prévoyait une seconde loi pour les salariés des entreprises de moins de onze salariés pour lesquels il n’y a pas d’élection. Il n’y avait pas de raison que 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes au total, n’aient pas voix au chapitre. Vous en êtes convenu, monsieur le ministre. Que dirait-on si les habitants des villes de moins de 10 000 habitants n’avaient pas le droit de voter aux élections nationales ?

Je me réjouis donc que le présent texte organise une consultation de ces salariés à l’occasion d’un scrutin régional tous les quatre ans. Elle prévoit également de reporter les élections prud’homales de deux années supplémentaires.

Monsieur le ministre, une disposition du texte nous semble cependant à la fois malvenue et maladroite à l’égard des TPE. Il s’agit de l’article 6, qui permettrait aux partenaires sociaux de créer des commissions paritaires territoriales. Nous réfutons cette disposition pour quatre raisons.

Premièrement, les chefs d’entreprise, comme leurs salariés, ne sont pas demandeurs de telles structures. La quasi-totalité d’entre eux craint que la création de cette commission « vienne perturber un dialogue qui fonctionne correctement entre eux » et qu’elle entraîne, en s’ajoutant aux structures collectives qui existent déjà – les commissions paritaires régionales emploi-formation – une confusion totale et nuisible. Nous pouvons aisément comprendre, et cela m’a été maintes fois confirmé, qu’il ne soit pas utile d’avoir un interlocuteur extérieur pour renforcer le dialogue social au sein des TPE. C’est méconnaître, voire mésestimer, les rapports directs, quotidiens, quasi familiaux parfois, qu’entretiennent patrons et salariés.

Deuxièmement, pour justifier leur existence ces structures risqueraient de se sentir obligées d’exercer un contrôle dans les très petites entreprises. Ce serait totalement contreproductif. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, ce n’est pas le moment – si tant est que ce le soit par ailleurs – d’ajouter des contraintes administratives supplémentaires. C’est en tout cas ainsi que cela est ressenti, monsieur le ministre.

M. Roland Muzeau. Par Mme Parisot ?

Mme Isabelle Vasseur. Troisièmement, ne nous leurrons pas, à terme ces commissions verront leurs prérogatives s’étendre, surtout si l’opposition revient au pouvoir. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Quelle horreur !

M. Jean Mallot. Quelle catastrophe !

Mme Isabelle Vasseur. Il serait paradoxal, alors que nous dénonçons régulièrement, et à juste titre, les 35 heures et les méfaits qu’elles ont engendrés, que nous ajoutions des inquiétudes aux entreprises.

Quatrièmement, enfin, la seule organisation patronale favorable à ces commissions, l’UPA, n’est-elle pas motivée par des arrière-pensées financières plus que par des raisons de fond ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) En effet, l’existence de ces commissions lui permettrait de justifier de la bonne utilisation de la cotisation acquittée par les entreprises d’artisanat fixée à 0,15 % de leur masse salariale.

Plusieurs fédérations, la CGPME, la Fédération française du bâtiment, l’UNAPL, la FNSEA, ont globalement un avis favorable sur le projet de loi. Pour cette dernière, l’agriculture bénéficie d’un dispositif spécifique à l’article 2, qui correspond à l’esprit de ce que les partenaires sociaux agricoles avaient envisagé dans leur accord national. Sur les autres mesures contenues dans le projet, la FNSEA n’est pas directement concernée et aurait été plus réservée si l’agriculture n’avait pas un statut particulier. En tout état de cause, il lui aurait été difficile d’accepter la mise en place de commissions paritaires territoriales sans précision sur leurs pouvoirs.

Ainsi, devant les revendications tout à fait justifiées des uns et des autres sur cet article et pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je vous demande, chers collègues, de confirmer le vote de la commission des affaires sociales, qui a supprimé l’article 6 instaurant ces commissions. J’ai la conviction qu’en période de crise, nous devons tout faire pour simplifier la vie de nos petites entreprises, qui créent à la fois de la croissance et des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la loi du 20 août 2008, la représentativité repose désormais sur l’audience réelle des syndicats, mesurée par le vote des salariés au premier tour des élections des comités d’entreprises, des délégations uniques du personnel ou des délégués du personnel.

Nous avons soutenu cette réforme majeure même si la loi du 20 août 2008 avait été dénaturée par l’initiative du Gouvernement…

M. Roland Muzeau. Caviardée même !

M. Alain Vidalies. …d'ajouter à ce texte des dispositions remettant en cause, notamment, la législation sur le temps de travail.

Dès l’origine, la question de la mesure de la représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés a été posée. En effet, ces entreprises, qui rassemblent 4 millions de salariés, soit 20 % de l’ensemble des salariés du secteur privé, sont dépourvues de toute institution représentative et, dès lors que l’on avait exclu l’élection prud’homale comme support de la mesure d'audience des syndicats, il n'existait plus aucun mode d'expression de ces salariés.

Pour prendre en compte cette difficulté, la loi du 20 août 2008 avait initié une négociation nationale interprofessionnelle qui devait se conclure au plus tard le 30 juin 2009. Cette négociation a échoué pour des raisons parfaitement identiques à celles qui perturbent aujourd’hui le débat devant l’Assemblée nationale.

Pourtant, la réponse à la mesure de l’audience des syndicats dans les entreprises de moins de onze salariés est une exigence constitutionnelle. Le Conseil d’État a rappelé, dans son avis du 29 avril 2010, que les principes constitutionnels de participation et d’égalité imposaient la mise en œuvre d’une réponse avant le 21 août 2013.

Si nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, sur la nécessité d’un vote de ces quatre millions de salariés, nous avons des divergences majeures sur les conditions d’organisation de ce vote et surtout sur le mode de représentation des salariés des petites entreprises.

Pour notre part, nous sommes favorables à l’élection de véritables délégués du personnel par bassins d’emploi, selon les mêmes modalités et avec les mêmes prérogatives que pour les entreprises de plus de onze salariés.

Nous n’ignorons pas la spécificité et l’hétérogénéité des très petites entreprises, mais il n’existe aucune raison pour que ces salariés soient à ce point dépourvus de tout mode de représentation.

M. François Brottes. Très bien !

M. Alain Vidalies. Je rappelle que les missions essentielles des délégués du personnel définies par le code du travail sont de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité.

Qui peut raisonnablement prétendre que ces questions ne se posent pas dans les entreprises de moins de onze salariés ?

M. Christian Eckert. M. Copé !

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Il suffit de rappeler – c’est la réalité aujourd’hui – que 80 % du contentieux prud’homal est généré par des conflits du travail dans les très petites entreprises pour mettre en évidence la carence du dialogue social, et même trop souvent l’ignorance pure et simple du droit du travail.

M. François Brottes. C’est clair !

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas que les responsables de ces entreprises sont plus disposés à faire des difficultés à leurs salariés, mais il y a là une réalité à laquelle il nous appartient d’apporter des réponses, ce que vous ne voulez pas faire véritablement.

L’élection sur une base territoriale de véritables délégués du personnel de plein exercice n’est pas l’option retenue par le projet de loi, qui prévoit seulement un vote sur des sigles syndicaux. Ainsi, les salariés des petites entreprises n’auront pas le droit, contrairement aux autres salariés, de choisir leurs représentants. Il est d’ailleurs permis de s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle distinction au regard des principes posés par le préambule de la Constitution de 1946, qui précise : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

Le projet de loi prévoit seulement la possibilité de créer par accord collectif des commissions paritaires territoriales qui auraient pour mission le suivi de l’application des conventions et accords collectifs et l’aide en matière de dialogue social.

Ces commissions sont envisagées au seul niveau régional : rien au niveau local ; elles ne sont pas obligatoires ; leurs prérogatives sont limitées et les représentants des salariés ne sont pas élus directement. Mais, pour certains, c’est encore trop…

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Alain Vidalies. …et l’article 6, qui vise à mettre en œuvre ces commissions paritaires régionales, a été supprimé en commission sur l’initiative d’une majorité de députés UMP.

Les propos entendus en commission sur le monde merveilleux des petites entreprises, qui n’ont besoin ni de dialogue social, ni de syndicats, sentent bon la naphtaline, tant ils sont datés du siècle d’avant. Qu’une majorité de députés UMP revendiquent aujourd’hui cet archaïsme surprend même les plus expérimentés d’entre nous, qui finissaient par espérer qu’à la longue un peu de modernité allait assouplir la cuirasse de votre conservatisme. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Décidément, la seule modernité qui vous intéresse, c’est celle des outils financiers sophistiqués,…

M. Jean Mallot. Ah ça !

M. Alain Vidalies. …pas celle des rapports humains dans l’entreprise.

Mais le plus surprenant, c’est votre enfermement idéologique, contre la volonté des partenaires sociaux, salariés et employeurs réunis. Les légions de l’arrière-garde sont en marche, comme elles le sont en fait sur cette question depuis le 12 décembre 2001, date de l’accord relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat.

M. Jean-François Copé. Heureusement que la gauche est là pour nous communiquer son souffle de modernité ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies. Cette date du 12 décembre 2001 devrait être pour nous une fierté commune.

Quand les employeurs représentant 800 000 entreprises artisanales et tous les syndicats de salariés de ce pays signent un accord sur le développement du dialogue social dans les TPE, c’est un événement majeur de notre histoire sociale.

M. Christian Eckert et M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Je veux rappeler ici quelques phrases du préambule de cet accord signé par toutes les organisations d’employeurs et par les syndicats : « Une forme de dialogue social dans ces entreprises se fait directement et quotidiennement entre le chef d’entreprise et ses salariés. »

M. Dominique Tian. C’est vrai !

M. Alain Vidalies. « Toutefois, la complexité croissante du droit du travail et de la formation professionnelle ainsi que la nécessité d’adapter les modes d’organisation du travail aux évolutions de l’emploi, font de la branche professionnelle le niveau le plus approprié. »

M. Christian Eckert. Voilà !

M. Alain Vidalies. « Aussi […] est-il nécessaire de renforcer la proximité entre les dispositions conventionnelles et les besoins des entreprises incluses dans le champ d’application du présent accord […] et d’organiser le dialogue social au niveau territorial. »

Mais quand, dans ce pays, les représentants de 800 000 entreprises artisanales et tous les syndicats se mettent d’accord sur la voie du progrès social et de la modernité, alors se dresse contre eux le mur du conservatisme social, avec pour chefs de file la CGPME, le MEDEF et l’inertie complice, pendant des années, du Gouvernement.

Chacun connaît l’histoire : cet accord n’est pas entré en application pendant sept ans, en raison des multiples procédures judiciaires engagées par la CGPME et de l’absence d’initiative du Gouvernement.

En réalité, c’est bien ce combat d’arrière-garde qui se poursuit aujourd’hui. Je ne peux mieux faire que de citer le président de l’Union professionnelle artisanale, M. Jean Lardin, responsable de 800 000 entreprises artisanales, qui, s’adressant à vous qui vouliez supprimer ces commissions régionales, disait : « Prenons garde que des prises de position d’un autre temps n’aient pas pour effet de faire ressurgir des extrémistes. »

M. Jean Mallot. Très bien ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. Mais, plus que les chefs d’entreprise qui sont sur le terrain, plus que les salariés qui travaillent dans ces entreprises, l’UMP et en particulier M. Copé savent, eux, par définition – cela doit être génétique – ce qui est bon pour l’entreprise.

M. Jean-François Copé. Décidément, je me fais insulter tous les soirs ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies. C’est de l’idéologie pure et je veux le dire gravement : il est parfaitement consternant, dans la France de 2010, de constater que les participants à un rassemblement de chefs d’entreprise comme Planète PME arborent fièrement un badge où il est écrit : « Non aux syndicats ! »

M. Jean Mallot. C’est scandaleux !

M. Alain Vidalies. Si l’on n’est pas encore dans l’extrémisme dénoncé par le président de l’UPA, convenez que l’on est déjà dans l’outrance.

Faut-il en être surpris ? Pas vraiment, car ce conservatisme social est immuable, le temps n’a pas de prise sur lui, ni sur vous qui, dans cette enceinte, poursuivez ce combat parfaitement ringard.

En 1990, j’avais rédigé et fait voter une proposition de loi qui instaurait un conseiller du salarié, chargé uniquement d’assister celui-ci lors de l’entretien préalable au licenciement dans les entreprises de moins de onze salariés.

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Alain Vidalies. Je rappelle que ce conseiller a le droit, par définition, d’entrer dans l’entreprise pour remplir ses missions et que la liste est arrêtée par le préfet, sur proposition des organisations syndicales. À l’époque, ce furent les mêmes mots ; les mêmes organisations se dressèrent contre cette violation de l’empire sacré de l’enceinte de la petite entreprise.

Tout cela jusqu’au moment où chacun a pu mesurer qu’un peu de médiation à ce stade ultime du conflit permettait parfois d’éviter un contentieux prud’homal inutile et coûteux.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ainsi, et ce n’est pas rien, depuis vingt ans cette institution fonctionne et permet d’éviter 10 % de licenciements abusifs.

M. Jean Mallot. Nous ne l’oublions pas !

M. Alain Vidalies. Comment comprendre aujourd’hui votre position ?

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Alain Vidalies. On sait très bien qu’il existe un conflit entre la CGPME et l’UPA, et que, à l’occasion de ce débat, il faudra forcément poser la question de la représentativité, et ce de manière que le seuil ne soit pas trop bas.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Alain Vidalies. Encore une phrase, monsieur le président !

Votre projet de loi répond à l’exigence d’une mesure d’audience dans les entreprises de moins de onze salariés. Nos amendements viendront préciser nos contre-propositions. Mais, dans tous les cas, nous n’entendons pas, sur l’article 6, participer à un quelconque front du refus et mêler nos voix à l’expression d’un conservatisme social qu’il est tout simplement consternant de voir se manifester à l’Assemblée nationale en juillet 2010. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Tout travailleur donc, même ceux des TPE !

« Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. » Tout homme donc, y compris les salariés des TPE !

Étendre les principes de la démocratie sociale dans les TPE est donc une mesure d’ordre public. Nul besoin de rappeler que ces droits sont inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946, qui appartient à notre bloc de constitutionnalité. Toujours est-il que, face à la faiblesse coupable du Gouvernement, face aux pressions liberticides qui ont été exercées par le MEDEF et la CGPME, nous sommes conduits à vous rappeler ce préambule.

L’intitulé de ce projet de loi apparaît désormais peu crédible et plusieurs dispositions contenues dans ce texte sonnent faux. Les garanties données au MEDEF et à la CGPME par les sénateurs de la majorité ont déjà modifié la version initiale afin de préciser que les commissions paritaires territoriales ne pourront pas contrôler les entreprises et pénétrer dans leurs locaux sans l’accord des employeurs. Les députés de la majorité, cédant à l’intense lobbying des deux organisations patronales, ont purement et simplement amputé le projet de loi d’une disposition phare.

Je reviendrai sur la suppression de l’article 6 incriminé, que nous proposerons de rétablir par l’intermédiaire d’un amendement, mais avant, permettez-moi un regard critique sur deux autres dispositions du projet de loi : la mesure de la représentativité et le cavalier législatif sur les prud’hommes.

Privilégier le vote pour des sigles syndicaux au détriment d’une véritable élection pour des représentants constitue d’emblée un obstacle à la participation électorale et contrevient aussi bien aux objectifs fixés par la position commune du 9 avril 2008 qu’à la loi du 20 août 2008 relative à la démocratie sociale.

Reporter de deux ans les élections prud’homales pour mieux remettre en cause l’élection des conseillers au suffrage universel direct est tout aussi inacceptable. Mais le pire reste à venir !

Le texte prévoyait, dans son article 6, l’instauration de commissions paritaires régionales chargées d’assurer le suivi et l’application des accords collectifs et d’apporter une aide en matière de dialogue social pour les salariés et les employeurs.

Dans un premier temps, le MEDEF et la CGPME ont obtenu que la mise en place des commissions paritaires soit facultative, la soumettant ainsi à leur bon vouloir. En soi, cela constituait d’ores et déjà un scandale car cela signifiait que la liberté syndicale, droit fondamental, censé constituer une contrepartie au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre de l’employeur, ne pouvait s’exercer qu’avec l’accord… des représentants des employeurs !

Dans un second temps, on a tout bonnement décidé de supprimer l’article 6 du projet de loi, sous prétexte que les petits patrons auraient peur de l’intrusion de syndicalistes dans leurs entreprises, et sous couvert de la crainte de l’émergence d’inspecteurs du travail d’un nouveau genre. Ces arguments ne constituent en réalité qu’un amalgame grossier…

Mme Isabelle Vasseur. Pour ce qui est des amalgames, vous êtes assez fort !

M. Roland Muzeau. …et témoignent d’une conception rétrograde de l’activité syndicale, comme on l’entendait, madame Vasseur, avant la reconnaissance du droit syndical en 1968.

L’UPA, dans sa lettre d’information du 15 juin 2010, fustige « les contrevérités du MEDEF et de la CGPME ». Toujours selon elle, « les trois principales organisations véritablement représentatives des TPE françaises et donc des entreprises directement concernées par cette réforme, à savoir l’UPA, la FNSEA […] et l’UNAPL […], soutiennent le projet de loi. »

Mme Isabelle Vasseur. Non, non !

M. Roland Muzeau. « Elles ont à ce titre émis un avis favorable au projet législatif le 3 mai dernier dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective. Surtout, dans un courrier commun daté du 2 juin, elles ont invité les parlementaires à ne pas céder à la démagogie développée par le MEDEF et la CGPME et à voter favorablement ce projet de loi. »

Sommes-nous les seuls à être en mesure d’entendre ces appels ? N’est-il pas aussi de la responsabilité de la majorité gouvernementale d’entendre la colère des organisations syndicales, dont la CFDT et la CGT, suite à la fronde des députés UMP en commission ? Sommes-nous aussi les seuls à entendre la fronde des organisations patronales dont j’ai cité les noms ?

Aux yeux des députés UMP frondeurs, seuls pèsent les arguments du MEDEF et de la CGPME. Jean-François Roubaud, pour la CGPME, a récemment affirmé que la relation directe qui existe entre le chef d’entreprise et ses salariés volera en éclats ; il crie à l’instauration d’une technocratie à la place du dialogue social.

C’est une belle galéjade ! D’abord, c’est justement parce que la proximité avec l’employeur ne facilite pas automatiquement le dialogue social dans les TPE que se justifiait la création de commissions paritaires au niveau local. Ensuite, accuser d’être technocratique la mise en place de ces commissions paritaires, c’est non seulement mépriser les droits des 4 millions de salariés concernés par ce projet de loi, mais aussi prétendre qu’une espèce de paternalisme d’entreprise pourrait se substituer à la loi. C’est nous prendre pour de fiers ingénus !

Seule la loi est capable de faire de la démocratie sociale une obligation, et vous le savez pertinemment.

Enfin, vous prêtez à l’administration un instinct d’ingérence et vous ne voyez en elle qu’un pouvoir technocratique ; à cela, vous ajoutez une profonde défiance à l’égard du syndicalisme et de l’émergence d’un mouvement de défense des petites entreprises. Vous ne faites finalement que réunir les ingrédients d’un poujadisme ressuscité.

Par respect pour les 4 millions de nos concitoyens salariés des TPE, par respect pour la démocratie sociale qui constitue – ironie du sort – l’objet même de ce texte, par respect des organisations signataires, d’employeurs comme de salariés, il est indispensable que la discussion de ce texte n’avalise pas la remise en cause, par des intérêts particuliers et sur la base d’arguments on ne peut plus contestables, d’un droit fondamental d’ordre constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Qui peut être contre le dialogue social ?

M. Régis Juanico et M. Roland Muzeau. Vous !

M. Jean-François Copé. Évidemment personne. Je voudrais d’ailleurs dire à M. Vidalies que nous avons vu avec philosophie le bon vieux retour de cette bonne vieille gauche qui se croit obligée d’expliquer que nous sommes les archéos, et que vous êtes les modernes…

M. Alain Vidalies. Assumez ce que vous êtes, monsieur Copé !

M. Jean-François Copé. Toute personne qui émettrait quelques doutes sur l’efficacité de certains dispositifs se verrait d’ailleurs immédiatement ranger du côté des méchants.

M. Alain Vidalies. Assumez !

M. Jean-François Copé. Monsieur Vidalies, je voudrais vous dire, comme d’ailleurs à l’ensemble de vos collègues, que nous n’avons de leçons à recevoir de qui que ce soit en matière de dialogue social ; nous avons nous aussi, comme vous l’avez fait en votre temps, apporté notre contribution en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il n’en reste pas moins que l’article 6 de ce projet de loi a suscité de la part de beaucoup d’entre nous des réserves qui nous ont conduits à le refuser. Cette semaine a été symbolique : nous, députés UMP, avons accompagné fortement le Gouvernement de nos propres propositions sur le budget – n’est-ce pas, cher Pierre Méhaignerie ; vous savez aussi combien nous avons été à l’initiative de la loi sur la burqa dont nous avons débattu cet après-midi ; et nous avons effectivement décidé de voter contre l’article 6.

Nous avons en effet considéré que, si le dialogue social était une priorité dans notre pays, l’adaptation à la réalité économique était également une priorité : on ne peut évidemment pas traiter de la même manière une entreprise de taille importante et une toute petite entreprise de moins de dix salariés.

Il nous a semblé de ce point de vue que ce projet de loi prévoyait des dispositifs excellents : nous le soutenons donc, à l’exception de cet article 6 pour lequel la commission des affaires sociales a émis un avis négatif.

La raison en est simple, mais je vais m’y attarder. Créer des comités – désormais des comités régionaux, car le texte a évolué – composés de partenaires sociaux permanents et dont l’objectif était initialement de veiller au bon respect des accords de branche et de contribuer au dialogue social, c’est simplement nier la réalité du quotidien dans une petite entreprise de moins de dix salariés.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-François Copé. Cher monsieur Vidalies, permettez-moi de considérer que mon avis est au moins aussi respectable que le vôtre, et que vous n’êtes pas en permanence détenteurs de la vérité alors que nous ne serions que des ignorants !

M. Jean Mallot. Nous avons tout de même le droit de contester !

M. Jean-François Copé. Nous avons, nous aussi, les moyens de constater quelle est la réalité des entreprises.

M. Roland Muzeau et M. Alain Vidalies. Et l’UPA ?

M. Jean-François Copé. Il nous a, c’est vrai, semblé que la mesure prévue par le Gouvernement était en total décalage avec la réalité de ces toutes petites entreprises ; bien souvent, les problèmes de dialogue social doivent se régler en interne et non pas avec des partenaires extérieurs qui viendraient se mêler de ces affaires.

Lorsque j’en ai discuté avec les partenaires sociaux, voire avec les auteurs du texte, ils ont été quelques-uns – sans doute sincères – à me dire en aparté que ces comités, tels qu’ils étaient constitués, ne serviraient pas à grand-chose.

M. Roland Muzeau. Pourquoi les supprimez-vous, alors ?

M. Régis Juanico. Votez pour, si c’est ça !

M. Jean-François Copé. Il m’a alors semblé plus cohérent, puisque nous faisons la chasse aux comités inutiles pour simplifier l’organisation institutionnelle de notre pays, d’aller jusqu’à leur suppression.

M. Roland Muzeau. Le problème, c’est que vous ne pouvez rien refuser à Mme Parisot !

M. Jean-François Copé. Il me semble que cela relève du bon sens : j’ai été un peu étonné de voir que le Gouvernement a pris l’initiative de revenir en énième semaine – je perds le compte – pour présenter un nouvel amendement, qui allège ces comités encore plus qu’ils ne l’étaient déjà.

M. Roland Muzeau. Vous êtes en avance ! Il est beaucoup trop tôt pour lancer la campagne présidentielle de 2017 !

M. le président. Monsieur Muzeau, laissez l’orateur s’exprimer.

M. Jean-François Copé. Plus on allège ces comités pour nous convaincre qu’ils ne dérangeront personne, moins nous en voyons l’utilité – je le dis très simplement.

M. Christian Eckert. Vous n’allez tout de même pas repousser l’amendement du Gouvernement !

M. Jean-François Copé. Alors de deux choses l’une. Soit nous créons des comités qui ont effectivement vocation à faire intrusion dans la vie sociale des toutes petites entreprises – cela peut être une doctrine : j’ai compris que M. Vidalies nous y préparait psychologiquement, dans l’hypothèse que j’espère très lointaine du retour de la gauche. Dans ce cas, nous aurons au moins entendu le message ; vous avez compris que, pour ma part, j’y suis totalement hostile, pour une raison de bon sens : les toutes petites entreprises sont aujourd’hui des acteurs majeurs de la croissance et de la création d’emplois ; les charger de nouvelles contraintes serait folie.

M. Alain Vidalies. Ce sont les petits patrons eux-mêmes qui demandent ces comités !

M. Roland Muzeau. L’UPA les réclame ! Respectez l’UPA, au moins !

M. Jean-François Copé. Soit ces comités régionaux n’ont pas vocation à servir à quoi que ce soit et plus on les allège, moins on les rend utile. Dans ce cas, vous comprenez que pour ce qui me concerne, je serai encore une fois dans l’obligation de dire que je voterai contre cette disposition.

M. Christian Eckert. Ça alors ! L’UMP va voter contre le Gouvernement !

M. Jean-François Copé. Pour le reste, nous soutiendrons bien sûr ce texte qui va dans le bon sens.

Puisque vous avez l’air d’y attacher de l’importance, monsieur Vidalies, je voudrais vous dire que je suis, que nous sommes quelques-uns à prendre extrêmement mal le procès d’intention que vous nous faites d’être la pauvre victime du lobbying de la CGPME et du MEDEF. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Vous êtes l’exécuteur zélé de leurs moindres souhaits !

M. Jean-François Copé. Je le prends d’autant plus mal que, dans ce domaine, nous avons regardé les choses avec attention.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Copé.

M. Jean-François Copé. Après tout, ce n’est pas un député communiste ou un député socialiste, qui sont très à l’écoute de la CGT ou d’autres syndicats, qui va venir nous dire ce que nous avons à faire.

M. Roland Muzeau. Lisez le bulletin de l’UPA !

M. Jean-François Copé. Chacun son métier, chacun ses convictions, et la République s’en portera mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Vous méprisez les pauvres, même quand ils sont patrons !

M. Christian Eckert. C’est donc nous qui allons essayer de sauver l’amendement Woerth : c’est le monde à l’envers.

M. Jean-Patrick Gille. Nous sommes curieux de savoir ce qu’en pense M. Bertrand.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Après avoir entendu les propos de M. Copé, je comprends mieux la remarque de François Chérèque que je lisais dans Le Monde il y a quelques jours : « Quand on remet en cause le fait qu’un salarié puisse être représenté syndicalement, on remet en cause la démocratie. » Il parlait aussi de « dérive poujadiste incroyable » et de « dérive antisyndicale ». Ces termes, je crois, n’étaient pas exagérés. Malheureusement, la droite, l’UMP, le MEDEF, la CGPME, nous font voyager dans le temps : c’est intéressant mais peu utile à la vie sociale de notre pays. Celle-ci, je crois, n’a pas à faire les frais des divisions internes de l’UMP et des objectifs divergents de certains au sein de ce parti.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. Jean Mallot. Au sein de cette assemblée, nous sommes souvent amenés à nous interroger sur la bonne articulation entre démocratie sociale et démocratie politique. J’ai d’ailleurs noté ce propos de M. le ministre en commission : « Le dialogue social doit toujours prédominer sur la loi. » C’était peut-être un peu rapide, mais cela dit bien un certain nombre de choses.

Qu’en est-il ici ? Le 9 avril 2008, les partenaires sociaux ont adopté une position commune sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement syndical. Elle a débouché sur la loi du 20 août 2008 : il s’agissait en particulier de permettre de mesurer la représentativité des différents syndicats de salariés ; elle renvoyait à une loi ultérieure la mesure de l’audience des syndicats de salariés dans les petites et très petites entreprises – ce qui représente tout de même 4 millions de salariés, excusez du peu. La première partie du projet de loi que nous examinons ce soir a donc pour objet de mesurer l’audience de chaque organisation syndicale.

Un compromis est déjà intervenu, puisque cette mesure se ferait suivant un scrutin sur sigle, et non sur liste. Sur ce point, l’UMP n’en est pas à un paradoxe près : vous vous souvenez que lors du texte relatif aux collectivités territoriales, la droite a considéré qu’il fallait absolument voter selon un scrutin uninominal et non selon un scrutin de liste. Rappelez-vous, les « OVNI politiques » que sont les conseillers régionaux n’étaient pas une bonne chose ! Mais là, c’est pire : on vote sur sigle !

La position commune évoque la représentation effective des salariés. Il faut donc donner un contenu réel au dialogue social et garantir une véritable démocratie sociale : c’est l’objet de la seconde partie de ce projet de loi, qui comprend notamment le fameux article 6 tant contesté créant des commissions paritaires territoriales.

Notre débat de ce soir porte en réalité sur le cœur de la politique économique et sociale de M. Sarkozy depuis 2007. En se plaçant sous l’influence des grands groupes et des banques, la droite abandonne les artisans, les commerçants, les patrons de très petites entreprises – mais aussi leurs salariés.

M. Jean-Pierre Nicolas et M. Jean Roatta. N’importe quoi !

M. Jean Mallot. En créant le statut de l’auto-entrepreneur, elle déstructure progressivement le tissu des très petites entreprises, alors même qu’elle prétend encourager et valoriser l’économie de proximité.

Alain Vidalies l’a dit tout à l’heure : le péché originel, dans cette affaire, c’est l’accord du 12 décembre 2001 pour développer le dialogue social dans l’artisanat et les petites entreprises, autrement dit le fameux accord UPA auquel le MEDEF et la CGPME ont intenté quatre procès qu’ils ont perdus –, ce qui ne les empêche pas de persévérer.

Cet accord prévoit un financement du dialogue social par une cotisation de 0,15 % de la masse salariale ; il s’intéresse aussi, ce qui a été moins souvent souligné, à l’accès à la formation professionnelle des salariés des très petites entreprises qui cotisent, mais qui n’utilisent pas leurs droits. Sont également concernés un certain nombre de dispositifs, comme l’épargne salariale.

De plus, par cette instauration de commissions paritaires territoriales, on aboutira de fait à mesurer la représentativité relative de l’UPA et de la CGPME. Je pense que cette dernière n’en a pas envie.

Mais je crois surtout qu’il y a derrière ce débat un autre enjeu : c’est la place des très petites entreprises dans le tissu économique de notre pays. Ces très petites entreprises représentées notamment par l’Union professionnelle artisanale ne veulent pas être de simples sous-traitants, mais bien des entreprises à part entière.

M. le président. Merci de conclure.

M. Jean Mallot. Je souligne que le débat est particulièrement animé ce soir. Comment chacun se situe-t-il dans le rapport entre démocratie sociale et démocratie politique ? Quelle place doit être accordée dans notre pays aux représentants des salariés ? Chacun sera mis face à ses responsabilités et devra répondre à ces questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Alain Vidalies. Il va dire que Copé a raison, c’est rare. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. C’est une véritable polyphonie, ce soir.

M. Xavier Bertrand. Le 1er juillet 2008, j’avais l’honneur de présenter à cette tribune un texte portant réforme des règles de représentativité syndicale. Vous connaissez mon attachement au dialogue social : ce texte offrait aux syndicats une légitimité nouvelle et aux salariés un réel pouvoir démocratique.

Mais je n’ai pas voulu, et je l’avais dit clairement à l’époque, être le ministre du travail qui plaquerait la représentation syndicale des grandes entreprises sur les très petites entreprises. Je sais, monsieur le ministre, que c’est aussi votre logique ; je salue votre état d’esprit.

Aujourd’hui, je ne serai pas le parlementaire qui plaquera la représentation syndicale des grandes entreprises sur les très petites entreprises. Ce serait contraire à la logique ; notre droit du travail, nos relations sociales n’ont pas besoin d’être plus complexes qu’ils ne le sont déjà. J’ai un devoir de cohérence ; j’ai un devoir de constance.

M. Jean-Pierre Nicolas. Très bien !

M. Xavier Bertrand. Vous le savez, alors que les règles de représentativité des syndicats n’avaient pas changé dans notre pays depuis la dernière guerre, la loi du 20 août 2008 a permis une nouvelle donne : en démocratie, la légitimité s’acquiert par le vote. La loi de 2008 a permis d’appliquer ce principe de base à notre démocratie sociale, conformément au souhait des signataires de la position commune du 9 avril 2008.

Grâce à cette loi, le vote des salariés est devenu déterminant pour la négociation – pour son contenu, pour son résultat et pour les règles de représentativité syndicale. Cela confère une légitimité bien plus grande aux partenaires sociaux.

À l’époque, nous nous étions naturellement posé la question des quatre millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés. En effet, la représentativité confère la capacité essentielle de négocier les accords collectifs. Or, pour que ces accords soient légitimes, il est nécessaire que la représentativité des organisations qui les signent soit aussi large que possible. Dans ces conditions, l’exclusion des salariés des TPE poserait un problème.

Comment mesurer l’audience dans les branches où la majorité des salariés travaillent dans des TPE où il n’y a pas d’élections ? Comment assurer la représentation de ces salariés ? La position commune avait prévu qu’un groupe de travail serait consacré à ces questions. En effet, il fallait leur apporter une réponse afin que la réforme de 2008 soit opérationnelle partout et pour tous. Voilà pourquoi vous nous présentez aujourd’hui ce texte.

Mais je ne pense pas que l’on puisse apporter cette réponse contre l’avis des entrepreneurs. J’avais donc confié à une négociation nationale interprofessionnelle le soin de trouver très rapidement des solutions à ces différents problèmes qui soient satisfaisantes pour tous. Ce principe de la négociation, vous l’aviez inscrit dans la loi.

Aujourd’hui comme hier, je ne crois pas que l’on puisse trouver une solution satisfaisante sans recueillir l’approbation de ceux qui sont le plus concernés : les salariés, bien sûr, et leurs syndicats, mais aussi les dirigeants d’entreprises, en particulier les chefs de très petites entreprises.

Se pose donc manifestement le problème de l’article 6 : la question spécifique des commissions paritaires territoriales. Dans sa rédaction initiale, la mesure n’a pas suscité l’adhésion de ceux qu’elle devait épauler, car ces commissions ont paru concurrencer ce qui fonctionne le mieux dans les TPE : la relation individuelle de travail, le rapport direct entre l’employeur et ses salariés.

M. Jean-Pierre Nicolas. Exact !

M. Xavier Bertrand. En outre, dans la période actuelle, il me semble moins envisageable, moins opportun que jamais de complexifier davantage notre droit du travail.

Je sais que le Sénat a introduit plusieurs modifications. Je songe notamment à l’idée, émise par Jean-Pierre Fourcade et reprise par Alain Gournac, de supprimer la possibilité de créer des commissions paritaires à l’échelon local. Je sais aussi qu’il ne sera pas possible de créer une commission paritaire dans un périmètre géographique plus restreint que le département.

Je sais également qu’un amendement d’Alain Gournac a permis de préciser que ces commissions n’auraient aucun pouvoir de contrôle et ne pourraient pénétrer à l’intérieur des entreprises. Je sais enfin qu’il fallait rassurer et qu’il n’était pas possible, dans l’esprit d’Alain Gournac, que ces commissions puissent demander des comptes aux entreprises.

Nous savons tout cela, et nous connaissons les avancées contenues dans ce texte, notamment le fait que la consultation électorale peut désormais mesurer l’audience électorale.

Pour satisfaire le besoin de consensus et de simplification exprimé par tous, la commission a voté la suppression de l’article 6. Je le dis très clairement : nous pourrions en rester là. Mais il y a un risque : que la commission mixte paritaire en revienne purement et simplement à la position du Sénat, qui ne constitue pas une réponse pleinement satisfaisante.

Si nous refusons purement et simplement l’article 6, j’ai même l’impression que la gauche s’amusera (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)

M. Jean Mallot. Ce mot est de trop !

M. Xavier Bertrand. … à voter de telle sorte que l’arbitrage rendu sera contraire à l’intérêt des entreprises. Or je souhaite que nous puissions arbitrer cette question nous-mêmes.

Monsieur le ministre, j’ai pris connaissance de la nouvelle rédaction que vous proposez ; en l’état, elle n’apporte pas encore toutes les garanties escomptées. J’aurais rêvé que le MEDEF, la CGPME et l’UPA se retrouvent autour d’une table pour signer un texte consensuel…

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous aussi !

M. Xavier Bertrand. …, celui que le Président de la République a appelé de ses vœux lors du salon Planète PME.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Mais, en tout état de cause, nous ne pouvons adopter un texte dont l’article 6, qu’il s’agisse de la nouvelle rédaction ou de l’ancienne, ne satisfait pas certaines exigences.

M. Roland Muzeau. Ce ne sont pas des exigences, ce sont des oukases !

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement va retirer son amendement !

M. Xavier Bertrand. Ce nouveau volet doit développer le dialogue social, améliorer la représentation et la représentativité des syndicats, mais il ne doit pas rendre plus complexe le droit du travail et des relations sociales.

Il faut donc soit avancer encore, soit amender le texte, en sorte que celui-ci rassure et représente une véritable avancée pour le monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. Le progrès est en marche !

M. Roland Muzeau. Canossa !

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi que nous examinons poursuivait trois objectifs : premièrement, mesurer l’audience syndicale dans les TPE ; deuxièmement, créer des commissions paritaires régionales facultatives ; troisièmement, reporter la date des élections prud’homales.

Puisque les parlementaires UMP ont supprimé en commission le deuxième point, contenu dans l’article 6, et que M. Copé a confirmé à l’instant cette position, force est de constater que l’objectif initial de développer le dialogue social dans les TPE a disparu. En l’état, le texte permet simplement de résoudre la question de la mesure de l’audience syndicale chez les quatre millions de salariés des TPE. Mais, selon l’expression du ministre lui-même, il les laisse « sans voix ».

En effet, ces salariés cautionneront le système de représentativité par un vote à distance et sur sigle, dont on peut douter qu’il connaisse le succès ; mais ils ne se doteront pas de représentants élus. Ceux-ci auraient pu prendre la forme de délégués de sites ou de bassins d’emploi, comme l’a rappelé Alain Vidalies. C’était ce que nous souhaitions, et c’eût été la seule manière d’instaurer une démocratie sociale de proximité et d’éviter que la démocratie s’arrête à la porte de l’entreprise, comme cela arrive encore trop souvent.

Votre texte proposait timidement d’instaurer des commissions paritaires régionales des TPE, sans préciser clairement leur rôle, même si l’on peut imaginer qu’elles seraient très utiles pour favoriser l’accès à la formation des salariés. Cette proposition est soutenue par les organisations patronales concernées, au premier rang desquelles l’UPA. Elle a en revanche soulevé un tollé des autres organisations professionnelles : le MEDEF et la CGPME, qui ne sont pourtant pas les plus concernées…

M. Alain Vidalies. Bien sûr !

M. Jean-Patrick Gille. … mais qui sont toutes-puissantes dans les instances paritaires existantes…

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Jean-Patrick Gille. …, où elles ne laissent que peu de place aux organisations de l’artisanat et aux représentants des TPE.

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Jean-Patrick Gille. Notre démocratie sociale se caractérise par une surreprésentation du MEDEF qui n’est justifiée ni démocratiquement ni économiquement, et qui empêche l’émergence d’une représentation patronale plus accordée à l’économie réelle. Peut-on continuer de laisser la négociation sociale largement à la main de ceux qui délocalisent et licencient le plus, et qui réduisent les autres à la sous-traitance ?

Monsieur le ministre, je vous repose donc la question que j’ai posée à vos prédécesseurs, dont M. Bertrand en son temps : quand et comment comptez-vous instaurer une mesure de l’audience de la représentativité patronale ? En effet, et contrairement à ce que vous m’avez répondu en commission, je doute que l’on puisse attendre du MEDEF qu’il propose de lui-même de renoncer à son hégémonie.

Actuellement, outre le MEDEF et la CGPME, il existe, par exemple, un patronat de l’économie sociale, regroupé au sein de l’USGERES, qui, bien qu’il compte 800 000 employeurs et deux millions de salariés, siège dans peu d’instances paritaires, n’est guère consulté et est écarté des principaux accords issus de la négociation interprofessionnelle.

Ainsi, ces entreprises, qui sont bien souvent des associations, contribuent comme les autres au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels instauré par la loi sur la formation professionnelle votée il y a un an, mais ne peuvent participer à sa gestion. Pourtant, une étude récente démontre que ce sont elles qui créent le plus d’emplois, et qu’elles contribuent à une croissance de proximité solidaire en développant des emplois non délocalisables.

Nous avons donc déposé un amendement portant article additionnel après l’article 5, qui ajoute un nouveau chapitre au code du travail afin d’assurer la représentativité des organisations d’employeurs. J’espère que vous lui réserverez une issue favorable. J’espère aussi, pour en revenir au débat qui a été engagé, que vous rétablirez l’article 6, comme l’a proposé M. le ministre.

M. Guy Lefrand. Ce n’est pas gagné!

M. Jean-Patrick Gille. Nous étions prêts à soutenir le projet de loi, même si les dispositions qu’il contenait sur la représentativité des salariés des TPE étaient minimales. Mais, sans la création des commissions paritaires territoriales, il se réduit à un complément baroque à la loi du 20 août 2008, censé lui éviter la sanction constitutionnelle. Il prive les salariés de lieux de représentation et témoigne d’un renoncement à développer le dialogue social dans les TPE, voire – le ministre l’a presque dit – d’une régression, puisque cette possibilité existait déjà, même si elle n’était guère utilisée.

M. Guy Lefrand. Où est donc le problème, si elle existe déjà?

M. Jean-Patrick Gille. Mes chers collègues de la majorité, ne trouvez-vous pas troublant cet acharnement du MEDEF et de la CGPME à empêcher les plus petites entreprises de s’organiser ?

Telle est la question que vous pose l’UPA, qui vous conjure de rétablir l’article 6.

M. Guy Lefrand. Vous êtes inféodés au lobby de l’UPA !

M. Jean-Patrick Gille. En supprimant cet article, vous croyez – peut-être de bonne foi, pour certains d’entre vous – protéger les petites entreprises de je ne sais quelle intrusion, de je ne sais quelle ingérence fantasmée, alors que, je le rappelle, chaque salarié peut se syndiquer.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh bien alors ?

M. Jean-Patrick Gille. Votre peur du syndicat dans l’entreprise est bien un fantasme.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gille.

M. Jean-Patrick Gille. En réalité, vous protégez la position dominante du MEDEF et de son supplétif, la CGPME, au détriment des salariés et des employeurs de petites entreprises qui souhaitent faire progresser le dialogue social pour mieux s’organiser face aux contraintes et aux incertitudes de la sous-traitance.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Votre conception paternaliste des relations sociales, vos positions réactionnaires et votre alignement sur le grand patronat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) condamnent les TPE à une sous-traitance démocratique que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, le Gouvernement poursuit la modernisation du dialogue social dans les entreprises, en particulier dans les très petites entreprises.

À cette fin, il faut concevoir un dispositif entraînant le moins de contraintes possible pour les TPE, afin de ne pas les mettre davantage en difficulté alors qu’elles souffrent déjà de la crise. Comme le dit le sénateur Alain Gournac dans son rapport, « c’est surtout dans les TPE que seront créés les emplois de demain… »

Mme Isabelle Vasseur. Eh oui !

M. Guy Lefrand. « … et il faut donc se garder de toute mesure qui entraverait leur développement futur ».

Par conséquent, monsieur le ministre, nous approuvons la partie du texte qui renforce la réforme de la représentativité syndicale adoptée en 2008, puisqu’il s’agit d’un compromis entre les différentes demandes des partenaires sociaux.

En revanche, les dispositions de l’ancien article 6, rejetées par la commission des affaires sociales, et que vous vous proposez de réintroduire, permettent aux partenaires sociaux de créer, dans un cadre régional, les désormais fameuses commissions paritaires pour les TPE, chargées de suivre l’application des conventions et accords collectifs de travail et d’apporter leur aide au dialogue social.

Ces dispositions laissent entendre que le dialogue social au sein des PME et des TPE serait très insuffisant. Or plusieurs sondages montrent très clairement que 58 % des chefs d’entreprise rejettent la création de ces nouvelles institutions représentatives… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Dans Le Figaro ?

M. Jean Mallot. C’est un sondage OpinionWay ?

M. Guy Lefrand. …, tandis que 80 % des salariés considèrent qu’ils n’ont pas besoin d’intermédiaires pour négocier avec leur employeur. Je vois que vous avez de bonnes lectures !

Ces commissions paritaires ne compliqueront-elles donc pas encore davantage les relations entre partenaires sociaux ? Du reste, si tous les dispositifs nécessaires existent déjà, comme on vient de le dire et comme nombre de collègues en sont convenus, pourquoi rendre la loi encore plus bavarde ?

M. Lionel Tardy. Exactement !

M. Guy Lefrand. Et si ce projet apporte une nouveauté, en quoi celle-ci consiste-t-elle puisque tout est déjà possible ?

Enfin, l’article 6, dans la rédaction issue de l’examen du texte au Sénat, suscitait plus de problèmes qu’il n’en résolvait, puisque l’entrée des membres des commissions dans les entreprises risquait de donner lieu à des rapports de force.

Nous nous sommes donc clairement prononcés, au sein de la majorité, contre la mise sous surveillance des TPE, manifestant ainsi notre attachement au maintien d’un dialogue direct entre le chef d’entreprise et ses salariés. En refusant de signer un blanc-seing aux syndicats de salariés, nous nous sommes opposés à une nouvelle bureaucratie qui pénaliserait les TPE.

M. François Brottes. La bureaucratie, c’est vous ! Quelle ringardise !

M. Guy Lefrand. Hier soir encore, mes chers collègues, j’assistais à une réunion sur le terrain, comme vous, comme nous le faisons régulièrement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Alors, les Français sont-ils satisfaits du bilan du Gouvernement ?

M. Guy Lefrand. Plusieurs échanges ont porté sur le sujet qui nous occupe, et tous les partenaires présents se sont nettement opposés au texte, salariés compris.

Monsieur le ministre, vous avez conduit une réforme de la modernisation du dialogue social dans les entreprises qui était ambitieuse et nécessaire. Cependant, au sein du groupe UMP, nous sommes nombreux à continuer de refuser de traiter les TPE comme de grandes entreprises.

Notre monde est de plus en plus complexe. Les lois s’empilent – nous en savons quelque chose –, les obstacles s’accumulent devant celui qui veut créer son entreprise, qui développe son activité et embauche des femmes et des hommes pour créer de l’emploi et de la richesse.

N’ajoutons pas un nouvel intermédiaire, source de complexité, entre des hommes et des femmes qui travaillent et parlent quotidiennement ensemble. Ne créons pas de barrières, n’élevons pas des murs de suspicion, n’organisons pas de nouveaux rapports de force entre salariés et employeurs.

M. Régis Juanico. C’est la TPE racontée aux enfants !

M. Christian Eckert. Le pays des Bisounours !

M. Guy Lefrand. Ne désespérons pas les uns et les autres en créant des interfaces qui les empêcheront d’échanger et de progresser ensemble.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter la création des commissions régionales telle que vous la proposez. Nous voterons donc contre l’article 6. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Vous l’avez déjà supprimé !

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de 4 millions de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés sont aujourd'hui privés de toute institution représentative du personnel et de toute représentation syndicale. Ceux-ci attendent de nous que nous légiférions enfin dans le sens de la justice et de l'égalité entre les salariés pour combler un vide juridique mais aussi pour remédier à l’absence quasi-totale de dialogue social structuré dans les TPE.

La loi de 2008 portant sur la rénovation de la démocratie sociale renvoyait à une négociation nationale interprofessionnelle la question du dialogue social dans les TPE. Ces négociations ont échoué en décembre 2009 en raison du refus de la CGPME et du MEDEF de toute idée de progrès en termes de démocratie sociale dans les TPE.

Le 20 janvier 2010, la CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC mais aussi l’UPA vous ont adressé, monsieur le ministre, une lettre commune indiquant leur volonté de poursuivre les discussions sur la représentation des salariés dans les TPE.

Alors que le Conseil d'État dénonçait, dans son avis du 29 avril 2010, l'irrégularité de cette situation des salariés dans les TPE et invitait le Gouvernement à légiférer pour établir l'égalité entre les salariés, le président de la CGPME annonçait le 7 avril dernier qu'il se « battrait bec et ongles » pour vider le texte de son contenu.

Après son examen au Sénat, le projet de loi du Gouvernement a été fortement édulcoré. C'est aujourd'hui un texte a minima, incomplet et imparfait.

Il instaure des élections pour mesurer l’audience des syndicats dans les TPE – fort bien –, mais le scrutin aura pour base les sigles et non les listes de personnes. Le texte prévoit la mise en place de commissions paritaires territoriales – fort bien –, mais ces commissions seront facultatives et leurs prérogatives extrêmement limitées, nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de l’article 6.

M. Guy Lefrand. Vous le modifierez peut-être quand vous reviendrez au pouvoir !

M. Régis Juanico. Nous verrons !

M. Jean Mallot. Attention, l’heure est proche !

M. Régis Juanico. Le 29 juin, lors d’une réunion de la commission des affaires sociales, M. Jean-François Copé et un quarteron de députés UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ont fait le choix de supprimer l’article 6 relatif à la mise en place des commissions paritaires territoriales. M. Giscard d'Estaing, absent ce soir, a même eu cette formule qui restera dans les annales : « Nous, majorité, on ne se voit pas favoriser les syndicats dans les TPE. »

M. Roland Muzeau. C’est un cri du cœur, côté portefeuille !

M. Régis Juanico. Il a suffi de quelques lobbyistes des organisations patronales pour convaincre certains de nos collègues de l’UMP de sacrifier purement et simplement ce texte. De l’aveu même de Patrick Ollier, l'ensemble des députés de la majorité « a reçu une lettre de la CGPME demandant de ne pas mettre de contraintes supplémentaires aux entreprises ».

Jean-François Copé, Guy Lefrand mais aussi, chose plus surprenante, Dominique Dord, ont employé les mots d’« entrave », de « mise sous surveillance » et même d’« intrusion ».

M. Jean Mallot. Oh là là !

M. Régis Juanico. Je rappelle qu’« intrusion » désigne le « fait pour une personne de pénétrer dans un espace où sa présence n’est pas souhaitée ». Je pense que les organisations syndicales de notre pays ne manqueront pas de relever que vous assimiliez la présence syndicale dans les TPE à une intrusion. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Vivement l’avenir !

M. Régis Juanico. Les arguments de cette poignée de députés de la majorité s’apparentent aux vieux discours paternalistes du XIXe siècle. Rappelons que c’est, à cette tribune, le 21 mars 1884 que Waldeck-Rousseau, qui fut par la suite sénateur de la Loire, a fait le choix, d’inscrire pour la première fois dans un texte de loi la liberté syndicale, droit imprescriptible inscrit aujourd’hui dans le préambule de la Constitution. C'est un autre parlementaire ligérien, Jean Auroux, auquel je veux rendre hommage ce soir, qui a mis en place en 1982, en tant que ministre du travail, les délégués de site qui n'ont malheureusement guère eu de réalité sur le terrain en raison de la farouche obstruction des employeurs, en particulier dans les TPE.

M. Jean-François Copé. Vous oubliez la loi sur le travail des enfants, c’est une très belle loi !

M. Régis Juanico. Que nous dit la frange la plus rétrograde et réactionnaire du patronat, relayée par certains députés UMP, aujourd'hui ?

Les salariés des TPE ne voudraient pas des commissions paritaires territoriales. Il existerait déjà un dialogue informel et quotidien entre salariés et patrons. Pourtant, le fameux sondage réalisé par la CGPME que vous évoquiez tout à l’heure indique que 50 % des salariés concernés par la réforme pensent que la création d'une institution représentative du personnel améliorerait l'exercice de leurs droits.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Juanico.

M. Régis Juanico. Je conclus, monsieur le président, en appelant les députés de l'UMP et le Gouvernement à prendre la mesure du triste spectacle auquel ils se livrent sur le dos des droits des salariés. À l'heure où notre pays traverse l’une des plus graves crises sociales qu’il ait connues, il serait proprement irresponsable de priver purement et simplement les salariés des entreprises de moins de onze salariés de la protection élémentaire de leurs droits sociaux fondamentaux que garantit la représentation syndicale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre du travail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur le président, après avoir entendu les divers orateurs, je note d’abord la présence de plusieurs écoles et sous-écoles.

Je tiens à dire à M. le rapporteur, Dominique Dord, qu’il a raison d’indiquer qu’il s’agit d’un texte équilibré. Il donne vie à la loi du 20 août 2008, qui fait figure de navire amiral. Un deuxième texte était nécessaire, et sur ce point tout le monde s’accorde – Jean-François Copé l’a souligné, comme plusieurs députés UMP ainsi que certains députés de gauche. Personne ne conteste la nécessité de faire voter aujourd’hui les quatre millions de salariés des TPE pour mesurer la représentativité nationale des syndicats. Les esprits ont évolué, et c’est une bonne chose, car nous n’en étions pas tout à fait là il y a quelques mois.

À part quelques députés de gauche, personne ne remet en cause l’idée d’un vote par sigle. Ce type de scrutin permet en fait de bien respecter la nature du dialogue social dans les TPE. Nous avons bien compris qu’il n’était pas de même nature que dans les grandes entreprises – M. Bertrand a raison.

En résumé, oui à la représentativité ; non à la représentation.

S’agissant des dispositions sur les commissions, je note qu’elles ne suscitent pas un fervent enthousiasme sur les bancs de l’UMP (Rires sur les bancs du groupe UMP), pas plus que sur les bancs de la gauche : une partie de l’UMP estime qu’elles vont trop loin quand l’opposition considère qu’elles ne sont pas suffisantes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Entre ces deux positions, il y a l’amendement du Gouvernement, excellent par nature. (Sourires sur les bancs du groupe UMP). Pour bien en saisir la portée, il faut le resituer dans l’ensemble de la législation sociale.

En 2004, la loi Fillon sur la formation et la négociation salariale a créé des commissions au niveau local. Actuellement, il en existe soixante-dix à quatre-vingts, très différentes les unes des autres, organisées pour la plupart au niveau départemental, qui ont pour vocation de discuter de sujets généraux mais aussi de sujets particuliers. Leurs pouvoirs sont assez larges et étendus, j’y reviendrai.

En 2010, nous avons voulu faire en sorte de mieux limiter le pouvoir de ces commissions pour ce qui est des TPE car les commissions de 2004 concernaient tout type d’entreprise, très petites entreprises comprises. Nous avons voulu fixer d’autres règles du jeu estimant que les commissions instaurées en 2004, qui ont des pouvoirs élargis, notamment des pouvoirs individuels, ne pouvaient s’appliquer aux TPE. Nous avons donc choisi de créer des commissions pour les TPE, respectueuses du dialogue social et de l’état d’esprit qui règne au sein de ces entreprises. Personne n’ignore que le dialogue dans les entreprises de moins de onze salariés – puisque c’est le seuil un peu artificiel pour les TPE – n’a rien à voir avec le dialogue plus structuré et plus lourd qui prévaut dans les autres types d’entreprises.

En refusant l’amendement du Gouvernement, vous en resterez au texte de 2004 qui donne aux commissions plus de pouvoirs, en termes individuels, sur les entreprises, y compris dans les TPE. Nous estimons qu’il était bon, à l’occasion d’un projet de loi sur les TPE, de bien préciser les choses. L’amendement du Gouvernement, élaboré avec l’aide d’un amendement de Dominique Dord déposé en commission, est un vrai progrès par rapport à l’amendement du Sénat.

Faites attention, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. En l’occurrence, j’estime que l’UMP est animée de bonnes intentions. Nous poursuivons tous le même objectif : respecter le dialogue social au sein des TPE sans le dénaturer. Mais, en même temps, nous estimons que, de manière facultative, avec l’accord des partenaires sociaux, la discussion peut porter sur des sujets généraux. Si ce n’était pas possible, il serait tout même curieux de se dire que les coiffeurs, les boulangers et les artisans de diverses autres professions n’auraient pas la possibilité de discuter dans leur région, patronat et syndicat ensemble, de ce qui se passe dans les TPE de façon générale. Il ne s’agit pas de délégués du personnel ou de représentants syndicaux. L’UMP estime que si jamais la gauche revient au pouvoir…

M. Jean-Claude Lenoir. Ah non, pas ça !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …– le plus tard possible d’ailleurs, tout le monde s’accorde sur ce point –, elle risque de donner plus de pouvoirs aux commissions issues de l’article 6. Mais il faut bien voir que la gauche n’aura pas besoin de cet article, il lui suffira de modifier les textes relatifs au dialogue social. Il ne faut donc pas accorder à cette question une telle importance.

À un moment donné, il me semble qu’il faut respecter les positions des partenaires sociaux.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les partenaires sociaux nous ont écrit en faisant des propositions qui nous ont semblé assez raisonnables. Ils ont établi une position commune, partagée notamment par l’UPA et la CFDT, et travaillé sur le sujet. Il n’y a rien qui puisse dénaturer la relation sociale et humaine à l’intérieur des entreprises, et certainement pas à l’intérieur des TPE.

Ce sont les raisons pour lesquelles j’en reste aujourd’hui à l’amendement présenté par le Gouvernement.

M. Jean-François Copé. Il ne faut pas non plus hésiter à respecter les parlementaires !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

Articles 1er, 2 et 3

(Les articles 1er, 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 4

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. L’article 4 prévoit que sont électeurs les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l’année précédant le scrutin. Mais le problème, c’est qu’en ne retenant pas la même base pour les délégués du personnel et pour les salariés appelés à voter, certains salariés pourront voter deux fois et je crois que personne ne me contredira sur ce point. Selon le code du travail, pour que les élections destinées à désigner les délégués du personnel aient lieu dans une entreprise, il faut que celle-ci ait atteint le seuil de onze salariés au moins une fois dans les trois dernières années. Certaines entreprises pourront remplir les deux conditions cumulativement. Autrement dit, certains salariés auront voté aux élections pour les délégués du personnel à l’année n-1 ou n-2 et pourront s’exprimer à nouveau à l’année n.

Mon observation n’est que technique, mais, dès lors qu’il existe une question prioritaire de constitutionnalité, il faudrait éviter qu’elle soit soulevée par d’autres que nous.

Mon amendement vise donc à harmoniser – ce qui est indispensable dans un texte de loi – les conditions de vote des salariés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, ainsi qu’au suivant, qui porte sur un objet similaire, même si nous en comprenons la logique.

Votre amendement, monsieur Vidalies, vise à rapprocher le mode de décompte pour ces élections de la procédure relative à l’élection des délégués du personnel. Or nous estimons que ces élections renvoient à des enjeux très différents : mesurer l’audience des organisations syndicales a une portée bien plus générale que la désignation de délégués syndicaux, dont l’objet est plus particulier.

Le but de ce texte – mais je ne vais pas le défendre à la place du Gouvernement – est d’aboutir à un dispositif simple, le plus simple possible même. Nous avons déjà amendé le texte du Gouvernement puisque nous avons remplacé « au 31 décembre » par « au cours de ce mois de décembre » afin de tenir compte de la situation des intermittents.

L’amendement proposé comme le suivant risqueraient de complexifier encore le dispositif et de le rendre illisible et difficile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je ne comprends pas très bien les explications que vient de donner le rapporteur. Dans la loi de 2008, vous avez choisi de comptabiliser les votes exprimés dans les entreprises pour les délégués du personnel. Comme je vous l’ai dit, le projet de loi laisse la possibilité de deux expressions du même salarié. En ne réglant pas ce problème, vous faites l’impasse sur une question majeure, du moins en ce qui concerne l’existence juridique.

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 21.

M. Roland Muzeau. La rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article 4 du projet de loi risque d’entrer en conflit avec la rédaction de l’actuel article L. 2312-2 du code du travail. En effet, la cohabitation de ces deux modes de calcul risque d’engendrer des situations où les deux textes voudront s’appliquer, créant ainsi un conflit positif de normes ou, au contraire, des cas où l’un et l’autre texte ne voudront pas s’appliquer, provoquant ainsi un conflit négatif de normes.

Il apparaît donc nécessaire d’harmoniser ces deux modes de calcul et d’éviter des situations d’insécurité juridique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Défavorable.

(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Decool, pouvez-vous défendre en même temps les amendements nos 9, 7 et 8 ?

M. Jean-Pierre Decool. Bien volontiers, monsieur le président.

L’amendement n° 9 vise à préciser que les contrats évoqués peuvent être des contrats d’apprentissage ou des contrats à durée indéterminée. J’estime que cette précision n’est pas inutile.

L’amendement n° 7 vise à prévoir un minimum d’ancienneté continue dans l’entreprise pour détenir le droit de voter, en l’occurrence au moins trois mois d’ancienneté.

Avec l’amendement n° 8, il s’agit de prévoir en la matière une procédure d’urgence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. L’amendement n° 7 poursuit un peu la même logique que les amendements précédents, puisque M. Decool propose de transposer au cas du nouveau scrutin de représentativité la règle des trois mois d’ancienneté qui existe pour les élections professionnelles internes aux entreprises. La commission a repoussé l’amendement, estimant qu’il faut un système facile à mettre en œuvre, même si l’on comprend la logique de l’argumentation de M. Decool.

L’amendement n° 9 pourrait être retiré car il est satisfait. J’imagine que M. Decool se préoccupe d’abord des charges administratives des patrons de TPE, mais je rappelle que ce ne sont pas eux qui auront une obligation supplémentaire pour l’établissement de la liste électorale puisque cette tâche reviendra à l’administration. Il me semble que les apprentis et les CDD seront naturellement pris en compte et c’est l’administration qui établira la liste.

La mesure contenue dans l’amendement n° 8 me paraît plutôt de nature réglementaire. Le Gouvernement confirmera sans doute que les décrets d’application du texte comprendront effectivement les règles de procédure classiques en matière électorale. La commission a donc donné un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 9 qui est satisfait. Le texte du Gouvernement prend en compte tous les types de contrats. Les personnes que vous souhaitez voir voter ont, en réalité, bien le droit de le faire.

Comme le rapporteur, je pense que l’amendement n° 8 est de nature réglementaire. La procédure de référé sera gratuite. Elle sera donc simplifiée par rapport au référé classique. Sur la base de cette explication, je souhaiterais que vous retiriez cet amendement.

Enfin, la mesure que vous proposez à l’amendement n° 7 est beaucoup plus compliquée à appliquer que vous ne le dites. En réalité, on arrête des listes électorales sur des salariés présents à un moment donné. Du reste, nous devrons nettoyer ces listes afin d’éviter les doublons que vous indiquiez tout à l’heure. Je pense qu’il faut une photographie à un moment donné.

M. le président. Monsieur Decool, retirez-vous ces amendements ?

M. Jean-Pierre Decool. Je retire les amendements nos 9 et 8.

En revanche, s’agissant de l’amendement n° 7, j’estime que l’on doit donner un signe. Il appartient peut-être à l’administration de trouver des méthodes de photographie.

(Les amendements nos 9 et 8 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Decool, on ne peut pas créer une telle complexité, qui serait facteur d’insécurité juridique. Il faut quelque chose de simple. Peut-être ma réponse ne vous satisfait-elle pas, mais il s’agit d’une question d’efficacité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, au vu de cette considération, je retire l’amendement n° 7.

(L'amendement n° 7 est retiré.)

M. Christian Eckert. Le ministre réussit à faire retirer un amendement !

M. Jean Mallot. Quelle efficacité !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 16 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. Roland Muzeau. Le projet de loi ne prévoit qu’un vote sur sigle. Or ce mode de scrutin risque d’être un facteur de désintérêt pour les salariés et rendra certainement les élections plus impersonnelles. Cet amendement propose donc que les salariés soient appelés à voter sur liste syndicale. Il vise également à améliorer la représentativité des très petites entreprises. Pour ce faire, il prévoit que les candidats qui se présentent sur les listes, lors des élections des commissions paritaires, soient eux-mêmes issus des très petites entreprises. Ces conditions sont nécessaires pour parvenir à une représentation effective des salariés des très petites entreprises, objectif fixé par la position commune du 9 avril 2008 et contenu dans la loi du 20 août 2008 relative à la démocratie sociale et dans le présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement vise à remplacer le vote sur sigle par un vote sur liste.

Il s’agit non seulement de personnaliser le scrutin mais aussi, si je puis dire, de donner corps à la représentation syndicale et de l’incarner. Cela s’inscrit mieux dans l’esprit de la position commune sur la représentativité, c’est-à-dire une désignation par les mandants de représentants des syndicats. Sinon, on voit bien que le vote sur sigle est plus un vote sur l’audience. Évidemment, tout le suspens réside dans le sort qui sera réservé à l’article 6 car, s’il n’est pas rétabli, nous ne serons que dans un pur vote d’audience. Dans cette hypothèse, les représentants n’auront pas de lieu pour discuter, voire pour mener ce dialogue social.

Il a donc là, de notre part, une volonté de marquer l’incarnation de la représentation syndicale des petites entreprises.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur ces deux amendements. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC) pour trois raisons de bon sens.

D’abord, comme vous l’avez dit, monsieur Gille, il s’agit de mesurer l’audience d’organisations syndicales, pas celle de personnes. C'est l’esprit même du texte.

Ensuite, les salariés des TPE sont, par nature, isolés. Ils ont peu de chance de connaître d’éventuels candidats d’une TPE plus ou moins éloignée sur des listes nominatives. La mesure de l’audience est plus certaine de correspondre à une réalité si elle se fait sur des étiquettes.

Enfin, plusieurs organisations syndicales nous ont indiqué qu’elles risquaient d’avoir beaucoup de mal à trouver, dans les TPE, des salariés pour venir sur ces listes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements car nous souhaitons un vote par sigle et j’ai déjà expliqué pourquoi.

De toute façon, il est difficile de considérer qu’il s’agira de listes nominatives dès lors que les personnes ne siègent dans aucune institution. Il est donc bien naturel que les élections aient lieu par sigle puisqu’il s’agit de mesurer la représentativité syndicale.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nos positions sont vraiment divergentes sur cette question. On a du mal à comprendre votre position au regard des expériences passées et de la réalité.

Quand les salariés des petites entreprises votent aux élections prud’homales, ils votent bien pour des listes de candidats qu’ils connaissent et qui vont les représenter devant les conseillers prud’homaux. Vous ne pouvez pas ignorer le problème de l’effet de seuil. Y a-t-il vraiment une différence entre une entreprise qui compte dix salariés et une qui en compte douze ? Vous savez bien que non.

M. Dominique Tian. C'est bien pour cela qu’il faut relever le seuil !

M. Alain Vidalies. Monsieur Tian, votre esprit progressiste illumine immédiatement notre assemblée puisque vous proposez aussitôt de remonter le seuil pour faire disparaître tous les délégués.

M. Jean-François Copé. Ne nous prenez pas par les sentiments !

M. Alain Vidalies. Au moins, il s’agirait d’une explication plus cohérente que ce que j’ai entendu jusqu’à présent, surtout quand vous nous disiez qu’il s’agit de remettre en cause de manière définitive le droit positif. Très honnêtement, je pense que c'est une erreur.

Tout à l’heure, j’ai rappelé quel était le contenu de l’accord de 2001. Les syndicats, l’UPA et les employeurs avaient constaté la spécificité du dialogue social dans les TPE. Après tout, lorsque cela se passe bien, tant mieux ! Il y a des entreprises qui ne font jamais parler d’elles parce que les relations sociales y sont bonnes. Quels sont les outils de médiation, de discussion lorsque cela se passe mal ? Si vous ne créez aucune institution, le seul outil qui reste, c’est la procédure, c’est-à-dire le conseil des prud'hommes et c’est cette situation qui explique aujourd’hui que 80 % des affaires instruites devant le conseil des prud'hommes concernent les petites entreprises, ce qui n’est une bonne chose, ni pour les employés, ni pour les employeurs...

M. le président. Il faut conclure, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. ...car l’on sait, qu’à la clé, les sanctions peuvent être disproportionnées par rapport à l’origine du conflit.

J’ai beaucoup de mal à comprendre que cette réalité ne s’impose pas à vous, et notamment la nécessité de trouver des institutions représentatives et des lieux de médiation.

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Decool, peut-être pourriez-vous défendre en même temps les amendements nos 11 rectifié, 10 rectifié et 12 deuxième rectification.

M. Jean-Pierre Decool. Je suis d’accord, monsieur le président, sous réserve que l’on soit aimable avec mes amendements ! (Sourires.)

M. le président. Je ne peux vous promettre que d’être aimable avec vous-même !

M. Jean-Pierre Decool. Merci, monsieur le président.

Il appartient au décret de préciser la confidentialité du vote. Tel est l’objet de l’amendement n° 11 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 10 rectifié, il appartient au décret de préciser également les modalités d’information délivrées aux salariés.

Enfin, l’amendement n° 12 deuxième rectification vise à garantir la confidentialité du vote des intéressés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les trois amendements (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) qui ne posent pas de problème particulier, bien au contraire.

La confidentialité du vote prévue par l’amendement n° 11 rectifié va de soi pour la commission, mais il est bon de la rappeler. Ensuite, au cours des auditions, on nous a souvent demandé comment allait s’organiser la campagne électorale ; il est donc bon de préciser, comme le propose l’amendement n° 10 rectifié, que le décret détermine les modalités de l’information délivrée aux salariés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur les amendements nos 11 rectifié, prévoyant la confidentialité du vote, 10 rectifié, sur les modalités de l’information délivrée aux salariés et 12 deuxième rectification, visant à obliger l’employeur à garantir la confidentialité du vote. Vous réalisez un sans-faute, monsieur le député. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est un triomphe !

M. le président. Vous pouvez constater, monsieur Decool, que tout le monde est aimable.

(L’amendement n° 11 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 10 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 12 deuxième rectification est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 3, portant article additionnel après l’article 4.

M. Alain Vidalies. Le contexte du présent débat est caractérisé par une question à laquelle personne n’est capable de répondre : celle de savoir quelle est la représentativité des organisations d’employeurs. Voilà une situation quelque peu singulière : un pouvoir normatif dans l’élaboration des conventions – renforcé aujourd’hui – est donné à des institutions représentatives de fait.

Qui n’a compris que la question est de savoir qui, dans ce pays, parle au nom des entreprises de moins de onze salariés ? S’agit-il de l’UPA qui nous demande, notamment, de suivre le projet du Gouvernement ? S’agit-il – appelons un chat, un chat – de la CGPME qui mène une campagne très hostile à ce texte ? Vos opinions peuvent diverger sur la question puisque nous n’avons toujours pas de réponse à ce sujet.

Mon sentiment est que l’UPA est largement plus représentative, mais nous ne disposons pas de critères pour le mesurer. Cette compétition nourrit le débat puisque nous savons fort bien que, derrière toute cette affaire, se profilent, pour le mois d’octobre, les élections à la chambre des métiers et que la concurrence s’organise. La CGPME fera justement campagne contre la contribution pour le dialogue social que les employeurs ont accepté de signer.

Pouvons-nous continuer ainsi ? Je le pense d’autant moins que, si l’on s’intéresse avec raison aux cinq millions de salariés qui ne votaient pas jusqu’à présent, on pourrait s’intéresser aussi aux employeurs dont on ignore l’existence. Les employeurs de l’économie sociale et solidaire – qui représentent tout de même 20 % de l’ensemble de l’effectif des salariés – n’ont pas voix au chapitre.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il arrivera un moment où l’on ne pourra plus continuer à parler de démocratie sociale sans avoir trouvé un instrument pour mesurer la représentativité des organisations patronales. Il s’agit d’un passage obligé. C’est pourquoi le présent amendement vise à mettre en place un tel processus.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable – comme, du reste, sur le suivant – pour des raisons de fond et des raisons de forme.

Pour ce qui est du fond, la position commune adoptée en 2008 par les partenaires sociaux– et nous venons de d’affirmer qu’il fallait donner la priorité au dialogue social – n’a prévu que la mesure de la représentativité des organisations salariées. On peut s’étonner de l’absence de parallélisme des deux mesures, et même la trouver bizarre. Si les partenaires sociaux souhaitent mesurer demain la représentativité des organisations patronales, il leur revient de se saisir de la question ; je ne doute d’ailleurs pas qu’ils seront amenés à le faire dans les mois ou les années qui viennent pour toute une série de raisons, liées notamment à l’évolution du mode d’élection aux prud’hommes.

Quant à la forme, l’amendement n° 3 ne nous paraît pas convenir. Il nous semble qu’on ne peut pas renvoyer à un décret l’organisation d’une future élection. Du reste, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, c’est bien la loi qui décide de la manière dont se passera l’élection.

M. Jean Mallot. Alors proposez un sous-amendement !

M. Dominique Dord, rapporteur. Ensuite, l’amendement nous semble quelque peu hasardeux en ce qui concerne les seuils qu’il entend fixer. On invente notamment un seuil de douze salariés. Aucun texte n’évoque de seuil de douze salariés : il s’agit en général de onze. Quant à la limite supérieure de la catégorie des PME, le droit communautaire la fixe à 250 salariés et non 300.

Pour ces motifs de fond et de forme, la commission a donc donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. La représentativité patronale n’est pas le sujet de la position commune du 9 avril 2008 ni celui de la loi du 20 août 2008 que le présent texte prolonge. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La question de la représentativité patronale n’a donc pas été abordée et si rien ne l’interdit en soi, elle doit être examinée avant tout par les partenaires sociaux eux-mêmes, par les organisations d’employeurs elles-mêmes, pour peu que l’on veuille respecter les accords pris avec M. Larcher dans le cadre de la loi de 2007.

Je n’affirme pas, par conséquent, qu’il s’agit d’un mauvais sujet mais que le présent texte concerne les TPE, les organisations et la représentativité des organisations salariales. Je n’entends pas balayer cette question d’un revers de la main mais nous ne devons pas nous éloigner de notre sujet.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’entends bien la réponse du Gouvernement. L’amendement, tel qu’il est rédigé, appelle, comme on l’avait proposé pour la loi de 2008 pour les petites entreprises, à une période de négociation préalable. Même si cela ne présente aucun caractère d’urgence, je souhaite qu’à un moment ou à un autre le Gouvernement s’exprime. Nous avons besoin d’une réponse, même si nous comprenons parfaitement la nécessité d’une négociation préalable. Reste que nous ne pourrons pas continuer longtemps dans un contexte juridique qui n’est pas acceptable. Au Gouvernement, par conséquent, de fixer le plus rapidement possible un calendrier pour répondre à cette question à laquelle nous sommes très attachés.

M. Jean-Patrick Gille. Très juste !

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 15, portant article additionnel après l’article 4.

M. Francis Vercamer. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter le groupe socialiste. Le présent texte s’intitule : « Compléter les dispositions relatives à la démocratie sociale […] ». Or, lorsqu’on complète les dispositions relatives à la démocratie sociale, on s’assure que les deux parties sont bien représentatives.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas ce que dit le Gouvernement !

M. Francis Vercamer. Le présent texte étend la démocratie sociale aux TPE mais oublie l’autre partie des partenaires sociaux, à savoir les organismes employeurs. Si l’on s’en tient au parallélisme des formes, il paraît curieux que l’on légifère sur la représentativité d’une partie sans légiférer sur l’autre,…

M. Christian Eckert. Ça, c’est sûr !

M. Francis Vercamer. …d’autant que cette dernière n’a jamais été régie par un texte de loi. La légitimité patronale repose par conséquent, si l’on peut dire, sur l’histoire ou du moins sur des critères empiriques.

Je rappelle que, dans un avenir proche, cette légitimité se fondera sur une mesure d’audience. Or qu’est-ce qui empêchera une organisation syndicale de salariés de contester des accords sous prétexte que l’organisation patronale signataire ne serait pas représentative ? En effet, si les représentants des salariés, élus, considèrent que les représentants patronaux ne sont pas représentatifs, ils pourraient fort bien attaquer un accord, affirmant ne pas vouloir souscrire à ses stipulations, l’autre partie n’étant pas jugée légitime.

Aussi le présent amendement fixe-t-il la légitimité de la représentativité patronale puisque, aujourd’hui, aucun texte n’y pourvoit. Il dispose que sont présumées représentatives dans un premier temps les organisations patronales qui le sont à la date de la présente loi.

Les récentes polémiques concernant un accord signé par l’UPA et contesté en permanence, sous un prétexte ou un autre, par le MEDEF et la CGPME…

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Vercamer.

M. Jean-Patrick Gille. Mais c’est très intéressant, monsieur le président !

M. Jean Mallot. En effet, c’est très bien ce que dit M. Vercamer !

M. Francis Vercamer. …auraient-elles eu lieu si la représentativité patronale était une réalité dans les TPE ? En tout cas, nous aurions gagné du temps ce soir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Sur le fond, mon argumentation est la même que pour l’amendement précédent. La question mérite d’être posée, elle est intéressante et il ne faut pas la balayer d’un revers de la main, mais, j’y insiste, elle n’est l’objet ni de la position commune ni de la loi de 2008 et donc pas non plus du présent texte.

Vous tranchez d’autre part sur la manière d’assurer la mesure de l’audience des organisations patronales. Or si vous êtes attachés au parallélisme des formes, il ne revient pas aux seules organisations patronales de décider de la manière de mesurer leur propre représentativité. Les organisations de salariés devraient y être associées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je me suis déjà exprimé sur le sujet et je connais la position de M. Vercamer. La représentativité est aujourd’hui simplement constatée par les services du ministère du travail. Peut-être un jour faudra-t-il aller plus loin. Or une telle perspective renvoie justement au dialogue social, à la nécessité, pour les organisations patronales, d’en discuter. On ne peut pas imposer un système de représentativité.

Le système de représentativité prévu par la loi du 20 août 2008 vient de loin. Le sujet était en discussion depuis longtemps et il a été mûrement réfléchi.

Nous entendons bien vos propositions mais ce n’est pas le sujet de ce texte, vous le savez.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Les amendements présentés par M. Vercamer et M. Vidalies présentent un grand intérêt. Si j’en crois la lettre adressée par le MEDEF et la CGPME aux sénateurs et aux députés : « Le dialogue social est d’ores et déjà pratiqué à l’intérieur de leurs TPE adhérentes qui représentent chez les signataires de 20 à 40 % de leurs adhérents. » Ces deux organisations s’autoproclament représentatives de 20 à 40 % de leurs TPE adhérentes et, face à cela, l’UPA revendique la représentativité pour 800 000 à 1 million de TPE.

Il semblerait nécessaire de prendre ses distances d’avec l’affirmation du MEDEF et de la CGPME. Le premier est tout de même, reconnaissons-le, largement plus représentatif des grands groupes français comme Arcelor, Alstom, Renault, j’en passe et de meilleurs, plutôt que du plombier ou du maçon du coin. On assiste à une vraie usurpation de la représentativité de la part du MEDEF et de la CGPME, usurpation à laquelle il est temps de mettre fin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur. Et la CGT, elle est représentative ?

M. Roland Muzeau. Je sais que cela vous fâche. Et mes propos valent même pour l’Alsace, monsieur Bur.

M. le président. Je vous remercie.

M. Roland Muzeau. Il est normal que ce qui a été imposé par votre majorité, à savoir qu’il est donné un certain temps aux partenaires sociaux pour se mettre d’accord, après quoi le Gouvernement prend la main, soit aussi valable ici.

(L’amendement n° 15 n’est pas adopté.)

Article 5

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 5.

Je suis saisi d’un amendement n°13.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. En matière de CDD, le salarié peut prétendre à des congés quelle qu’ait été la durée de son contrat. En revanche, en matière de CDI, il faut dix jours de travail effectif. Or ce système crée une discrimination entre les CDD et les CDI. Qui plus est, il n’est pas conforme au droit européen. En outre, la Cour de cassation française a souhaité la modification des textes en la matière. Je vous la propose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable. D’abord, cher collègue Decool, il s’agit à l’évidence d’un cavalier. Nous sommes assez loin de l’objet du texte, même si le sujet dont traite cet amendement a son intérêt en lui-même.

Sur le fond, quand, en 2008, nous avons réduit d’un mois à dix jours la durée de travail effectif dont il fallait justifier pour ouvrir un droit à congé, c’était pour que dix jours de travail donnent droit à un jour de congé. Si nous modifions cette règle, avec un seuil inférieur, voire plus de seuil du tout, nous aurons alors des fractions de jours de congé, ce qui, franchement, ne serait pas très gérable.

Par ailleurs, l’exposé sommaire de votre amendement invoque la Cour de cassation et le droit européen. Or il me semble que la rédaction que vous proposez ne répond pas au problème qu’a soulevé la Cour de cassation suite à un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes. Cette jurisprudence ne répondait pas à la question de la durée du contrat de travail. Elle a affirmé qu’une absence due à une suspension du contrat de travail pour maladie n’entraînait pas une suspension du droit à congé payé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je souscris à ce qu’a dit le rapporteur. En outre, et M. Decool le sait bien, cet amendement ne porte pas sur ce qui constitue l’objet du texte. Dans la loi du 20 août 2008, il y avait d’autres sujets que celui de la représentativité.

M. Christian Eckert. En effet !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Je ne serai pas cavalier. Je retire l’amendement.

(L’amendement n°13 est retiré.)

(L’article 5 est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4 rectifié portant article additionnel après l’article 5.

La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Comment renforcer efficacement le dialogue social territorial dans les TPE ? Telle est la question à laquelle répond cet amendement, en prévoyant que « les salariés des entreprises de moins de onze salariés élisent des délégués du personnel dans le cadre de bassins d’emplois ».

Il s’agit donc, en somme, de créer une institution représentative du personnel. Pourquoi ? Tout simplement parce que les TPE sont confrontés à des problèmes spécifiques. J’en retiens deux, plus particulièrement : la pénibilité et les risques psychosociaux. J’ai une pensée, ce soir, pour notre collègue Jean-Frédéric Poisson, qui devait être là, sur ces bancs,…

M. Guy Lefrand. Il arrive !

M. Régis Juanico. …mais qui doit mener une campagne dans des conditions difficiles. Nous avons des désaccords, mais il y a au moins un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé ensemble, c’est celui de la pénibilité et des risques psychosociaux.

Ce que nous avons constaté, Jean-Frédéric Poisson et moi-même, c’est que la pénibilité et les risques psychosociaux sont beaucoup plus importants dans les TPE. Pourquoi ? La DARES l’explique très bien, dans une étude de 2009. Parce que les secteurs d’activité concernés sont des secteurs où la pénibilité est plus forte : la construction, les BTP, le transport routier. Parce que les entreprises sont dispersées, tout comme les salariés. Parce que l’organisation du travail, dans les TPE, est peut-être moins bien pensée que dans les autres entreprises. Parce que l’emploi dans les TPE se caractérise par une grand nombre de CDD. Mais il y a aussi une autre explication, que souligne notamment le rapport du Conseil économique et social de 2006 : l’absence d’institutions représentatives du personnel est un facteur aggravant.

Ajoutons à cela une médecine du travail moins présente, des contrôles de l’inspection du travail moins fréquents. Tout cela fait que, dans les TPE, le document unique sur les risques professionnels est vécu comme une corvée par les employeurs ou par les salariés qui sont concernés.

Or, les diverses instances qui existent sont surtout régionales : les directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, les ARACT, les commissions régionales de prévention des risques professionnelles, et les organismes régionaux de santé au travail. Ce qui manque, ce sont des institutions représentatives du personnel au niveau local, au plus près du terrain, dans les bassins d’emplois. Tel est l’objet de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a donné un avis évidemment défavorable.

M. Jean Mallot. Pourquoi évidemment ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Je vais vous expliquer pourquoi je dis évidemment. Parce que cet amendement fait clairement apparaître le programme du groupe socialiste pour les TPE, qui n’est, à l’évidence, pas celui sur lequel nous nous sommes fait élire, et certainement pas le programme du Gouvernement.

Vous, vous prévoyez l’élection systématique de délégués du personnel territoriaux qui vont intervenir dans les entreprises. Et d’une certaine manière, vous m’aidez, vis-à-vis du groupe UMP, à montrer que c’est exactement l’inverse de ce que nous voulons faire à travers l’article 6, puisque dans les commissions prévues par ce dernier, les délégués n’interviennent pas dans les entreprises : ils sont là pour faciliter les choses, ils viennent en appui pour traiter de questions collectives qui se posent au monde des TPE.

Je fais remarquer par ailleurs aux auteurs de cet amendement qu’ils sont beaucoup moins prudents que ne l’avait été, en 1982, M. Auroux. Celui-ci, quand il prévoyait des délégués de site, manifestait beaucoup plus de prudence : en effet, ils ne pouvaient voir le jour que quand l’inspection du travail constatait que « la nature et l’importance des problèmes communs aux entreprises du site » le justifiait. Pour vous, au contraire, c’est systématique, avec contrôle dans les entreprises. Ce n’est clairement pas le programme sur lequel nous avons envie de nous engager.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le rapporteur a bien parlé. Nous avons affaire à deux visions différentes des rapports sociaux dans les TPE. Ce n’est pas la vision du Gouvernement que d’instaurer, en quelque sorte, une représentation à l’intérieur des TPE, puisque c’est ce que propose en réalité cet amendement. C’est totalement opposé à ce que nous souhaitons.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Je voudrais poser une question.

L’article 4 prévoit que « dans une entreprise de moins de onze salariés, l’exercice par un salarié des fonctions d’assesseur, délégué, mandataire des organisations syndicales candidates ne peut être la cause d’une sanction ou d’une rupture du contrat de travail par l’employeur ». Je voudrais demander au Gouvernement pendant combien de temps ces salariés sont protégés et ne peuvent pas faire l’objet, éventuellement, d’une rupture de contrat de travail.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je me garderai bien de répondre à la place du Gouvernement à la question posée par notre collègue Chantal Brunel.

Je veux remercier Dominique Dord d’avoir à nouveau cité Jean Auroux. Mais il faut recontextualiser notre débat. Pense-t-on que l’échelon le plus adapté pour renforcer le dialogue social territorial dans les TPE est l’échelon régional ? Nous serons tous d’accord ici pour dire que l’échelon le plus adapté pour coller aux réalités du terrain, c’est plutôt le bassin d’emploi. Voilà pourquoi nous proposons des délégués élus au niveau du bassin d’emplois.

Ces délégués ne vont pas être constamment dans une TPE. Ils seront, justement, à la disposition de toutes les TPE présentes dans un bassin d’emploi, afin de pouvoir mutualiser un certain nombre de problèmes spécifiques qui se posent à elles. J’ai cité la pénibilité et les risques psychosociaux. J’aurais pu citer également les problèmes d’hygiène et de sécurité au travail. Nous avons besoin d’échanges de bonnes pratiques entre ces TPE. Il faut pour cela avoir une légitimité au niveau du bassin d’emploi.

Au niveau régional, on peut faire des choses, mais au plus près du terrain, c’est beaucoup mieux.

(L’amendement n° 4 rectifié n’est pas adopté.)

Article 6

M. le président. L’article 6 a été supprimé par la commission.

Je suis saisi de trois amendements, nos 22, 18 deuxième rectification et 5, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je voudrais d’abord répondre d’un mot sur le scrutin prévu à l’article 4. La disposition protégeant les assesseurs est analogue à celle qui s’applique aujourd’hui lors des élections prud’homales. Il peut y avoir, par exemple, un assesseur par région, et il est protégé le temps de l’élection. C’est tout. Il n’y a pas un assesseur par entreprise. C’est une élection régionale. Il ne faut pas se faire des peurs sur des problèmes qui n’existent pas.

J’en viens à cet amendement n° 22. Il rétablit l’article 6 dans une rédaction visant à prendre en compte ce qui a été dit notamment par le groupe UMP. Il clarifie les choses, et prend comme base l’amendement qui avait été présenté par Dominique Dord.

J’ai bien compris les réserves qu’ont suscitées ces commissions paritaires. Je rappelle quand même qu’il y a déjà des commissions qui existent, notamment celles issues de la loi de 2004. Je voudrais que chacun ait cela présent à l’esprit, car c’est un sujet sur lequel on ne parle pas toujours de la réalité des choses. Ces commissions, elles existent, et ont des pouvoirs beaucoup plus larges que ceux prévus dans ce texte. Ces commissions de 2004 ont des pouvoirs qui sont définis par la loi : elles peuvent notamment intervenir dans les litiges individuels. Elles peuvent intervenir dans les TPE comme dans les autres entreprises.

Dans le présent texte, nous prévoyons des commissions dont les pouvoirs sont beaucoup moins importants, et ce afin de bien prendre en compte les problèmes des TPE. Ces commissions sont propres aux TPE, et adaptées à leurs problèmes. Il y aura donc les commissions de 2010, des commissions TPE, parce qu’il s’agit d’un projet de loi TPE, et celles de 2004, qui valent pour les autres entreprises. C’est dont un texte assez protecteur pour les TPE, contrairement à ce que dit la vox populi. J’insiste sur ce point, parce qu’il est important que nous ayons un dialogue qui soit le plus proche de la réalité.

Il ne s’agit pas de créer, tout d’un coup, une représentation dans les entreprises de moins de onze salariés. Personne n’en a envie : ni la majorité, ni le Gouvernement. Peut-être le parti socialiste, mais ça, c’est autre chose.

Je voulais vraiment le rappeler, parce que si l’on diabolise la chose, il est sûr qu’on ne peut pas en parler.

Que vont faire ces commissions ? Elles ont un pouvoir limité, c’est le moins que l’on puisse dire. Elles peuvent diffuser des bonnes pratiques, dans le domaine professionnel qui est le leur. Elles peuvent appuyer les choses dans le domaine de l’emploi, de la formation, des conditions de travail. Il n’est pas totalement ridicule de penser que, à un moment donné, sur le plan régional, dans le cadre d’un métier, les organisations patronales et les organisations de salariés peuvent se réunir. Il n’y a pas de quoi avoir peur. Elles discuteront de choses qui revêtent un intérêt collectif pour la profession concernée. En outre, cette démarche est facultative.

Ces commissions ont le mérite d’être organisées. Elles le sont de façon souple, et elles mettent une borne aux pouvoirs des commissions de 2004. Il ne faut pas avoir peur du principe syndical lorsqu’il est organisé de cette façon.

C’est une position qui est soutenue dans un communiqué de presse commun à la FNSEA, à l’UPA et à l’UNAPL. Les organes officiels de ces trois syndicats ont appelé à la création de ces commissions. Il est important de le dire. Le fait que l’UPA le fasse, notamment, montre l’intérêt que cela peut avoir dans le monde de l’artisanat. Et nul ne peut reprocher au monde de l’artisanat de vouloir compliquer les relations sociales.

Nous avons entendu les craintes qui se sont exprimées, et nous en avons tenu compte dans l’amendement. Le suivi des accords collectifs posait difficulté. Certains ont dit qu’avec ce texte, on commençait à mettre le petit doigt dans les accords collectifs et que cela posait problème. Le suivi des accords collectifs n’est plus dans les missions des commissions.

M. Christian Eckert. Et voilà !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Elles n’ont pas de rôle dans le domaine des relations individuelles du travail. Si cet amendement n’est pas adopté, je rappelle que des commissions dont les pouvoirs sont beaucoup plus larges, celles de 2004, pourront être mises en place. Et elles le seront d’autant plus, à mon avis, que ce débat a entraîné des polémiques.

Je pense qu’il faut simplement revenir à la réalité des choses et du texte du Gouvernement.

S’il y avait dans le texte du Gouvernement le moindre risque de créer des institutions représentatives du personnel dans les entreprises de moins de onze salariés, il n’y aurait pas de texte du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 18 deuxième rectification.

M. Roland Muzeau. La suppression de l’article 6 en commission confirme que le projet gouvernemental est encore une fois à la merci des organisations patronales. Nous n’apprenons pas grand-chose, car la CGPME et le MEDEF avaient déjà publiquement affiché leur désapprobation vis-à-vis de ce projet de loi et disposent de relais fidèles sur les bancs de la majorité.

M. Dominique Tian. Vous, vous avez la CGT !

M. Roland Muzeau. Ah ! M. Tian est l’un de ces fidèles relais !

Après avoir fixé un garde-fou avec l’introduction au Sénat de l’alinéa 9, qui rendait ces commissions facultatives, il ne subsiste désormais plus rien de l’article 6, si l’on en reste à l’avis de la commission, ou plus grand-chose si l’amendement du Gouvernement est sauvé in extremis par une majorité qui doute beaucoup.

Jean-François Roubaud de la CGPME nous avait prévenus : « Ce texte restera une épine plantée dans le pied de la majorité » – à part ça, ce n’est pas une menace ! Il fallait donc vite s’empresser de l’enlever et le président du groupe UMP, Jean-François Copé, s’est exécuté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette prime donnée au patronat est d’autant plus intolérable qu’elle entérine le refus du MEDEF et de la CGPME d’honorer de leur signature la position commune d’avril 2008, de peur que ces commissions paritaires ne deviennent un supplétif de l’inspection du travail. Rien de moins !

Un amalgame insensé qui traduit surtout le déni du droit constitutionnel fondamental qui précise que tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale.

Le Gouvernement a donc cédé à une pression émise par deux syndicats d’employeurs, qui – rappelons-le – ne sont pas représentatifs des TPE.

M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.

M. Roland Muzeau. Ainsi, pour ne pas vous rendre complice de cet anti-syndicalisme primaire scandaleux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous vous demandons de rétablir l’article 6 dans la rédaction proposée par notre amendement, donc légèrement améliorée par rapport à la rédaction initiale.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour défendre l’amendement n° 5.

M. Jean Mallot. L’amendement n° 5 vise à rétablir un article 6 dans une rédaction différente de celles présentées jusqu’à présent. Nous proposons que des commissions paritaires régionales soient constituées par accord conclu dans les conditions prévues par l’article L. 22-31-1.

Il s’agit d’assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail et d’apporter une aide en matière de dialogue social, tant aux salariés qu’aux employeurs des TPE de moins de onze personnes.

Par cet amendement, nous souhaitons, au-delà de la mesure de l’audience syndicale, donner un contenu réel au dialogue social. En prenant les difficultés en amont, on peut, en quelque sorte, désengorger les conseils prud’homaux, puisque 80 % des contentieux proviennent des TPE, alors qu’elles ne comptent qu’un peu moins de 20 % des salariés.

Dans notre proposition, les commissions paritaires régionales ont un rôle que je viens de préciser, mais ne concluent pas des accords, contrairement aux dispositions prévues pour les commissions paritaires instaurées par l’article L. 2234-2 auxquelles il était fait allusion tout à l’heure.

Nous proposons également l’instauration de commissions paritaires qui peuvent être mises en place par accord au niveau local, départemental ou national. Le texte, assez précis, permet aux uns et aux autres de mesurer à la fois notre volonté de donner à travers ces commissions paritaires un véritable contenu au dialogue social et de distinguer les propositions de chacun des partenaires dans ce débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 22, 18 deuxième rectification et 5 ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur le président, je ne peux donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 22, qu’elle n’a pas examiné, comme nos collègues de l’opposition l’ont rappelé.

La commission a donné un avis défavorable aux amendements n° 18 deuxième rectification et 5 proposés par nos collègues de l’opposition pour les raisons que j’évoquais tout à l’heure. Nous sommes dans ce que certains voudraient dire qu’il y a dans l’article 6 et qui n’y est pas.

M. Roland Muzeau. C’est du Pierre Dac !

M. Dominique Dord, rapporteur. La preuve étant que nos collègues de l’opposition s’empressent de l’y ajouter.

Vous voulez rendre ces commissions obligatoires. Nous voulons qu’elles soient facultatives. Vous voudriez qu’elles aient le pouvoir de contrôler et d’entrer physiquement dans les entreprises sans l’accord du patron, pas nous ! Pour ces raisons, la commission est défavorable aux deux amendements de l’opposition.

En ce qui concerne l’amendement n° 22 du Gouvernement, je ne peux que vous donner un avis personnel. Je veux m’adresser à mes collègues de l’UMP, car je me trouve dans une situation qui n’est pas banale.

M. Christian Eckert. On peut peut-être vous laisser entre vous !

M. Dominique Dord, rapporteur. J’ai compris que je serais vraisemblablement battu par mes propres collègues sur ce sujet.

Aujourd’hui, j’ai le choix entre deux attitudes. Soit je vous suis, mes chers collègues de l’UMP, alors que je ne partage pas votre argumentation…

M. Dominique Tian. Ça arrive !

M. Dominique Dord, rapporteur. …qui ne repose, à mon avis, sur rien. Soit je défends mes convictions et ce que je crois être la réalité du texte. C’est à cela que je vais essayer de m’employer.

Je ne peux pas partager votre argumentation. La semaine dernière, notre président de groupe nous a expliqué que ce texte était dangereux, dans la mesure où il allait permettre l’introduction des horribles syndicalistes dans les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisqu’une des missions de la commission était d’assurer le suivi des accords collectifs de branche.

Plusieurs députés du groupe UMP. N’en faites pas trop !

M. le président. Mes chers collègues, seul le rapporteur a la parole !

M. Dominique Dord, rapporteur. Vous nous expliquiez que le texte était dangereux, puisqu’il permettrait, à travers le suivi des accords collectifs, à des syndicalistes de rentrer dans les TPE. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le Gouvernement reprend un amendement, que j’avais moi-même rédigé, pour sortir du texte cette disposition, que vous jugiez dangereuse. Aujourd’hui, vous dites : « Il n’y a plus rien dans le texte et ces commissions ne serviront donc plus à rien ! »

M. Guy Lefrand. Imparable !

M. Dominique Dord, rapporteur. Je trouve cette argumentation pour le moins contestable et je ne peux pas m’y ranger, en conscience.

Je rappelais, lors de mon exposé, que vous n’avez pas écouté puisque vous n’étiez pas là au début de la séance, que nous ne sommes plus sur ce sujet.

Éric Woerth dit, au fond, la même chose. Nous ne sommes plus dans le rationnel. Plus aucun argument ne peut être reçu. Soit vous en rajoutez dans les compétences et vous rendez les choses dangereuses ; soit vous en enlevez dans les compétences et vous videz le texte de sa substance…

J’ai essayé, en écoutant notre secrétaire général Xavier Bertrand, qui évoquait l’idée d’amendements possibles, de préciser encore et encore cet article 6 par des sous-amendements. Mais, franchement, monsieur le président, je ne sais même pas si cela vaut la peine de sous-amender le texte, puisque, de toute façon, c’est par principe un avis défavorable, quoi que nous fassions. Je m’en remets à votre sagesse et je ne défends pas les sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, c’est la première fois, depuis trois ans, que je vais voter contre une disposition gouvernementale. Vous pouvez mesurer qu’il s’agit pour moi d’une responsabilité, que je prends et que j’assume. Je voudrais m’en expliquer.

M. Roland Muzeau. Ce n’est peut-être pas par hasard dans le contexte actuel…

M. Jean-François Copé. Premièrement, je veux dire à Éric Woerth que, si j’approuve la philosophie générale de ce texte et notamment de sa première moitié, je souhaite que les choses soient claires sur deux ou trois points.

Il nous a fait part tout à l’heure de son souhait de respecter la parole donnée aux partenaires sociaux. Je voudrais que, dans cet hémicycle, chacun entende – notamment le Gouvernement et les collaborateurs du ministre présents, pour qu’ils puissent diffuser la bonne parole –- que les temps sont en train de changer : au partenariat naturel entre le Gouvernement et les partenaires sociaux s’ajoute un nouveau partenariat avec des parlementaires qui souhaitent participer à la coproduction des réformes, y compris dans le domaine social.

Je l’ai dit à chacun des responsables syndicaux et patronaux que j’ai rencontrés ces deux dernières années, me faisant ainsi le porte-parole de beaucoup d’entre nous, qui considérons qu’il est important qu’on sache désormais qu’en amont, quand le Gouvernement discute avec les partenaires sociaux, les députés ne sont pas simplement une chambre d’enregistrement dans le domaine du droit social et du droit du travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

En d’autres termes, respectez, bien sûr, les partenaires sociaux, mais aussi respectez – après tout ! pourquoi pas ? – les parlementaires.

Deuxièmement, j’ai cru comprendre en gros, dans l’argumentation de M. Woerth, que si nous ne créons pas ces commissions de l’article 6, nous aurions les commissions de 2004, qui seront très sévères avec les TPE. Que les choses soient claires. Personnellement, je ne sache pas que les commissions créées en 2004 se soient développées de manière si extraordinaire et surtout qu’elles aient eu un effet intrusif dans les TPE – sans doute ont-elles autre chose à faire !

M. le président. Je vous prie de conclure !

M. Jean-François Copé. S’il devait apparaître demain, que ces commissions sont intrusives pour les TPE, il nous faudrait, dans le cadre d’un nouveau texte, intervenir pour que ces commissions n’interviennent pas dans les TPE.

Troisièmement, monsieur le ministre, je vous ai entendu expliquer que vous aviez considérablement allégé par votre amendement les prérogatives des commissions que vous souhaitez créer et que vous leur aviez demandé désormais de diffuser de bonnes pratiques. Mais dans ce domaine on n’a pas besoin de créer de nouvelles commissions : les chambres consulaires, Pôle emploi, les maisons de l’emploi, nos débats sur nos bassins d’emplois doivent servir à diffuser les bonnes pratiques.

M. François Brottes. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-François Copé. Les partenaires sociaux y sont bien souvent présents. Nous n’avons pas besoin de créer de nouvelles commissions.

Vous évoquez l’UNAPL et la FNSEA : je peux témoigner que le président de l’UNAPL a publiquement dit devant moi qu’il était plus réservé qu’il n’en avait l’air sur la création de ces commissions. J’ai noté que sur ce sujet, rien n’empêchait ces organisations, après le vote négatif de la commission la semaine dernière, de produire de nouveaux communiqués pour protester.

M. le président. Je vous prie vraiment de conclure, mon cher collègue !

M. Jean-François Copé. Elles ne l’ont pas fait.

Je crois donc que ce sujet ne mérite pas que l’on y consacre autant de temps. J’appelle à voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Mes chers collègues – je m’adresse surtout à l’UMP – je suis ravi de voir revenir cet article 6. Sa suppression modifierait considérablement l’esprit du texte de 2008. On ne peut mettre en avant le dialogue et s’opposer à ce qu’il y ait une instance qui soit un lieu de dialogue.

L’essentiel des litiges devant les prud’hommes touche les TPE. C’est assez normal car les patrons de ces toutes petites entreprises ont autre chose à faire. Ils n’ont généralement pas de service de ressources humaines et ne passent pas leur temps à étudier le droit du travail

Je pense que ces commissions paritaires leur fourniraient un outil tout à fait pertinent, qui éviterait bien des litiges chronophages pour les TPE, qui coûtent cher et qui nuisent à l’ambiance, car lorsqu’il y a un conflit dans une petite entreprise c’est pire que dans une grande. Si, aujourd’hui, près de 80 % des litiges traités aux prud’hommes proviennent des TPE, c’est qu’il existe bien un problème.

Offrir cette possibilité de dialogue est enfin une façon de mettre à niveau les entreprises de moins de onze salariés avec des entreprises plus importantes. Les TPE n’auront jamais un comité d’entreprise qui leur apporte un tel avantage. Elles auront peu accès à la participation. Leur donner la possibilité de s’exprimer, c’est leur apporter de la considération et les remettre quelquefois à niveau par rapport à d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je prends la parole à titre personnel ; Francis Vercamer exprimera la position du groupe Nouveau Centre.

Nous sommes à un moment très symbolique du texte. Laisser croire que ceux qui ne seraient pas favorables à l’amendement du Gouvernement – donc pour la suppression de l’article 6, ce qui est mon cas – seraient hostiles à toute forme de dialogue social est une caricature que je récuse. (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Vous avez raison.

M. Roland Muzeau. La caricature est de votre côté !

M. Philippe Folliot. Ne serait-ce que parce que, pendant dix ans, j’ai dirigé un organisme social paritaire. Je peux témoigner que dans ces organismes, le dialogue s’est toujours pratiqué, au niveau des bassins d’emploi et au sein des TPE. Le dialogue social est quotidien.

M. Nicolas Dhuicq. Évidemment !

M. Philippe Folliot. « Faire compliqué quand on peut faire simple » n’est pas forcément un progrès.

Contrairement à ce que certains laissent à penser, le dialogue social au sein des TPE est riche et nous nous devons de préserver cette pratique. Parfois, hélas, le mieux est l’ennemi du bien.

M. Louis Giscard d'Estaing. Oui !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Folliot.

M. Philippe Folliot. C’est pourquoi, à titre personnel, je suis défavorable à ces amendements et, en premier lieu, à l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 22, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. M. Copé a engagé un débat de fond sur le rapport entre la loi et le contrat, entre la négociation et la légitimité de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas un débat simple, mais il me semblait que, jusqu’à présent, nous étions d’accord pour estimer qu’en cas d’accord majoritaire, il fallait le respecter le mieux possible dans la mesure où il ne touchait pas à l’ordre public social. J’observe que nous avons, ce soir, fait fortement marche arrière alors que depuis quelques années, les gouvernements – y compris de droite – avaient cheminé dans un sens qui nous paraissait souhaitable.

Nous sommes face à un déni de réalité. La situation dans les petites entreprises est très diverse, avec des entreprises où tout marche très bien et d’autres où cela se passe très mal. Vous ne pouvez tout de même pas ignorer que 80 % du contentieux prud’homal concerne ces petites entreprises. Nous avons besoin d’un système de représentation à un certain niveau. Le texte du Gouvernement n’est pas le nôtre ; le texte amendé par le Gouvernement est encore plus en retrait que celui du Sénat. Mais dès lors qu’il s’agit d’une question de principe très importante, et compte tenu des archaïsmes qui se sont exprimés par l’intermédiaire de l’UMP, nous n’allons pas créer un front du refus : nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Ça clarifie les choses !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’intervention de notre collègue Folliot est fort intéressante dans la mesure où elle résume à elle seule les interventions précédentes lesquelles ne sont que la reprise, à la virgule près, de la lettre qui vous a été adressée.

M. Philippe Folliot. Je ne l’ai pas reçue.

M. Roland Muzeau. Mais si, vous la récitez parfaitement. Deux paragraphes correspondent mot pour mot à votre propos et affirment que dans les TPE, tout va bien entre les entrepreneurs et les salariés, que le dialogue est quotidien, permanent.

M. Philippe Folliot. C’est la vérité !

M. Roland Muzeau. Tout va très bien, madame la marquise ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout va si bien qu’Alain Vidalies a rappelé le pourcentage énorme de contentieux les concernant, qui résulte d’un manque de dialogue organisé ; mais cela, vous refusez de le reconnaître.

Inutile de nier la réalité, monsieur Bertrand. On retrouve dans vos propos, les arguments de vos amis, qui en 1968, il y a quarante-deux ans, mettaient en garde contre le danger de l’entrée des syndicats dans les entreprises, propos tenus par M. Giscard d’Estaing dans Le Figaro, publication qui vous est chère.

M. Bernard Deflesselles. Vous, c’est L’Humanité !

M. Roland Muzeau. Je partage la conclusion de mon collègue Alain Vidalies. Parce que je préfère avoir l’amendement gouvernemental – qui est à des années-lumière de nos propositions – plutôt que rien, je me prononcerai pour. Nous verrons qui soutient le Gouvernement en l’espèce. Pour une fois, cela sera assez drôle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Quelle chute !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’ai l’impression d’assister à une véritable rupture non parce que l’opposition va voter un amendement gouvernemental,…

M. Régis Juanico. C’est déjà arrivé !

M. Francis Vercamer. …mais parce que jusqu’à présent les gouvernements successifs, avec l’appui de la majorité, traduisaient dans la loi les accords collectifs signés par les partenaires sociaux.

M. Jean-François Copé. Ce n’est pas un accord collectif !

M. Francis Vercamer. Cet amendement n’est que la traduction de la position commune de 2001 signée par quatre organisations de salariées et une organisation patronale représentative (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) accordant la faculté de créer des commissions. Les commissions paritaires existent dans certaines régions, le rapporteur pourrait nous donner le nombre exact.

La situation est, ce soir, surréaliste. La majorité va repousser un amendement du Gouvernement, qui traduit une position commune déjà en application de manière facultative sur le terrain, au nom d’arguments qui ne tiennent pas.

Le groupe Nouveau Centre soutiendra l’amendement du Gouvernement…

M. Guy Lefrand. Pas tous !

M. Francis Vercamer. …parce qu’il réintroduit les commissions paritaires, lieux de discussion par excellence. J’ai été conseiller prud’homal, or 80 % de contentieux concernent les très petites entreprises, l’un de mes collègues l’a rappelé tout à l’heure.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas une commission qui va changer quoi que ce soit !

M. Francis Vercamer. Telle est la vérité et,…

M. Roland Muzeau. Tout à fait.

M. Francis Vercamer. …malheureusement, les employeurs sont perdants à chaque fois.

Quel est le fonds de l’affaire ? Pourquoi est-ce si contesté par le MEDEF et la CGPME ? Parce qu’il sera possible, grâce à la cotisation, de vérifier la représentativité des organisations patronales dans les TPE ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Merci, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. Voilà pourquoi je voterai l’amendement du Gouvernement, parce que je suis favorable au calcul de la représentativité patronale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 22.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 95

Nombre de suffrages exprimés 95

Majorité absolue 48

(L'amendement n° 22 n’est pas adopté.)

(Les amendements n°s 18 deuxième rectification et 5, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, la suppression de l’article 6 est maintenue.

Article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 19 et 20, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Les commissions paritaires doivent être rétablies par le projet de loi et leur création doit constituer une obligation légale. Il y va du respect du principe constitutionnel figurant au huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Ce droit ne peut être abandonné dans les TPE au bon vouloir des organisations représentant les employeurs. Cela constituerait un risque de rupture d’égalité des salariés quant à l’exercice de leur droit syndical.

Ces amendements visent aussi à supprimer le caractère facultatif des adaptations législatives que le rapport pourra éventuellement proposer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable.

Je comprends mal la portée de l’amendement n° 19. Que cela figure ou non dans la loi, le Gouvernement pourra toujours proposer – ou non – des adaptations législatives et cela ne peut être une obligation.

Quant à l’amendement n° 20, nous ne pouvons pas l’accepter car il rendrait les commissions paritaires obligatoires et il faudrait en créer dans chaque TPE.

(Les amendements n°s 19 et 20, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6 portant article additionnel après l’article 7.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit de réfléchir, comme M. Vidalies l’indiquait tout à l’heure, aux effets de seuil qui, selon les spécialistes, constituent un frein très important à la création d’emplois. C’est pourquoi, à titre expérimental, je propose que les entreprises qui atteignent ou dépassent l’effectif de onze ou cinquante salariés ne soient pas soumises pendant trois ans aux obligations sociales afin que nous puissions vérifier, sur le terrain, ce qui en résultera en termes de gain d’emploi.

(L'amendement n° 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 8

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’article 8 n’a strictement aucun rapport avec l’intitulé du projet de loi : il ne s’agit nullement d’une mesure technique qui découlerait d’incompatibilités de date avec d’autres élections, mais de la recherche d’un moyen de supprimer l’élection des conseillers prud’homaux au suffrage universel direct. Une fois que ce texte et la loi de 2008 seront pleinement entrés en application, et que, au vu des préconisations du rapport Richard, la représentativité syndicale aura complètement changé, il sera toujours temps de remettre les choses en ordre aux élections prud’homales suivantes.

En attendant, ne mettons pas la charrue avant les bœufs et laissons les élections prud’homales se tenir, tout en réfléchissant à une éventuelle réorganisation, différente de celle proposée par le texte.

En conséquence, nous demandons le maintien des élections prud’homales à la date initialement prévue et la suppression de l’article 8 qui constitue un cavalier législatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Le report des élections prud’homales répond d’abord à des considérations de calendrier. Ce n’est pas la première fois que cela se produirait dans notre bon pays de France.

L’échéance de 2013 serait – M. de La Palice n’aurait pas dit mieux – très proche du nouveau scrutin que nous venons d’instituer sur la représentativité dans les TPE, qui aura lieu fin 2012, ainsi que de la première publication des résultats cumulés d’audience syndicale dans l’ensemble des entreprises où sont organisées des élections professionnelles, qui doivent avoir lieu, au plus tard, en août 2013. Il s’agit donc de simples considérations de calendrier.

Par ailleurs, le rapport Richard démontre clairement que le Gouvernement réfléchit aux modalités du scrutin prud’homal, mais là, il est encore un peu tôt pour en parler.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce report des élections prud’homales est quasiment inscrit dans le texte : on ne peut pas avoir, en 2013, à la fois la publication de l’ensemble des voix s’étant porté sur les syndicats pour mesurer la représentativité et des élections prud’homales qui sont un peu à bout de souffle. Le taux de participation à ces élections était de 25 % la dernière fois alors que tout avait été fait pour attirer les participants. Si rien n’avait été fait, on aurait pu comprendre ce faible taux, mais, au contraire, ces élections avaient été organisées en vue d’un développement de la participation. Cela n’a pas marché, il faut le reconnaître. Il faut donc bien réfléchir à ces élections, conforter l’institution prud’homale, mais également analyser le mode électoral. La manière de voter ne convient probablement pas.

Si, en 2013, nous avions des résultats totalement inversés, cela pourrait nous conduire à remettre en cause le cœur du sujet qui est celui de la représentativité. Or je pense qu’il ne faut pas le faire. On peut laisser les prud’hommes prendre un peu plus de temps, réfléchir à ce que doivent être des élections prud’homales dans un contexte nouveau. Cela a été le cadre du rapport de M. Richard. On en reparlera avec les partenaires sociaux et avec la représentation nationale, et puis, un jour, on aura un texte qui rénovera les élections prud’homales.

Pour ces raisons, je ne peux pas être favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je ne suis pas tout à fait convaincu par les arguments utilisés à la fois par le rapporteur et par le ministre pour justifier le report des élecions. J’ai cru comprendre d’ailleurs que la plupart des partenaires sociaux n’étaient pas tout à fait favorables à ce report, même s’ils n’en faisaient pas un casus belli.

D’abord, on nous dit qu’un mandat de sept ans devrait permettre d’améliorer le taux de participation. Je n’en suis pas persuadé. Par ailleurs, on nous dit que le fait de lisser sur sept ans permettrait de réaliser une petite économie. Enfin, on utilise l’argument massue de la concomitance avec la fin du processus de représentativité instauré par la loi de 2008.

Finalement, je me demande ce que vous craignez. Que les résultats des deux consultations, puisqu’on peut considérer qu’il y a deux consultations, soient divergents ? C’est peut-être cela le problème. Ou que des syndicats éliminés peut-être par le couperet des 8 % dans le nouveau mode de calcul de la représentativité arrivent à dépasser cette audience aux prud’hommes ? Cela ruinerait, il faut bien l’avouer, un petit peu le nouveau dispositif et prouverait a posteriori qu’il aurait été préférable, comme nous étions quelques-uns à le proposer, d’utiliser le résultat des prud’hommes comme mesure de l’audience et de la représentativité. Cela nous aurait évité le texte baroque que nous sommes en train de voter et cela aurait réglé en partie la question de la représentativité patronale, qu’on évoquait tout à l’heure.

Je pense que vous êtes en train de préparer le terrain, monsieur le ministre, pour nous expliquer que justement il ne peut plus y avoir deux systèmes électoraux, même s’ils portent sur des sujets différents. Je pense que vous êtes en train de nous concocter une remise en cause des élections prud’homales – vous ne vous en cachez pas d’ailleurs d’un certain point de vue – en les privant de leur légitimité parce qu’elles gênent certaines personnes, en donnant une légitimité à une juridiction jugée trop favorable aux salariés.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Enfin, la situation dans laquelle nous sommes ce soir, après le vote qui vient d’avoir lieu, est ironique puisque, pour mettre en place le système proposé par M. Richard, la troisième option que vous souhaitiez voir choisie, il fallait que soient mises en place les commissions paritaires régionales. Vous allez donc vous trouver dans une situation encore plus délicate qu’on ne pouvait le penser.

M. Jean Mallot. Très bien !

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

(L'article 8 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Jean Mallot. Contre !

M. Roland Muzeau. Contre !

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 12 juillet, à dix-huit heures :

Discussion de neuf conventions internationales en procédure d'examen simplifiée ;

Discussion du projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 8 juillet 2010, à zéro heure trente-cinq.)