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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 mai 2010

Questions au Gouvernement

Première séance du mercredi 19 mai 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Crise économique en Europe

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l’emploi.

Depuis plusieurs jours, la France et l'ensemble de ses partenaires européens sont confrontés à une crise monétaire d’une extrême gravité.

D'ailleurs, au nom du groupe UMP, je veux ici saluer votre action et votre détermination aux côtés du Président de la République face à ce phénomène. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cette crise est sérieuse car, au fond, c'est l’existence même de l'euro qui est remise en cause. Sa gravité est due, pour une part, à la mise en œuvre d'une solution aux problèmes de la Grèce.

Au fond, les marchés testent la capacité de la zone euro à s’organiser, à réagir, à articuler une solution, à faire preuve de solidarité, c'est-à-dire à mettre en place ce gouvernement économique que la France réclame depuis des mois et des mois.

Après une réunion qui s’est achevée mardi matin à Bruxelles, les ministres des finances de la zone euro ont fini par donner quelques détails sur la mise en place du plan d'aide décidé par les États membres. Ils ont notamment loué les plans adoptés par la Grèce, le Portugal et l'Espagne afin d’assainir leurs finances.

Au-delà de l'urgence, des leçons doivent être rapidement tirées. Nous devons ainsi faire preuve d’une plus grande convergence dans nos politiques économiques, afin de nous assurer une plus grande stabilité.

Cela suppose probablement de faire évoluer les institutions européennes, singulièrement discrètes dans leurs propositions. Cela suppose également d'instaurer une gouvernance économique des États au sein de l’Union européenne, ou plutôt de la zone euro.

Madame la ministre, quelles conséquences le Gouvernement nous invite-t-il à tirer de cette situation sans précédent dans l'histoire de l'économie européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député Bernard Carayon, l’Europe, placée dans une situation d’urgence et de crise, a d’abord démontré sa capacité à réagir. C’est ainsi que nous avons créé ce fonds européen de stabilité financière.

Cela étant, vous avez raison : il faut aller plus loin et tirer les leçons de la crise que nous traversons, qui me semblent être de deux ordres.

D’abord, la gouvernance économique doit être améliorée sur plusieurs points.

Premièrement, nous devons renforcer les mécanismes de prévention, d’alerte. Très clairement, dans certains cas, nous aurions dû prévenir et tirer la sonnette d’alarme. Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ? Comment le ferons-nous mieux ?

Deuxièmement, il faut examiner les sanctions. Pour ce faire, il n’est pas nécessaire de modifier le traité, qui prévoit déjà des sanctions concernant notamment l’accès aux fonds de la Banque européenne d’investissement ou à des fonds communautaires tels que le fonds de cohésion, ou concernant le mécanisme d’avertissement qui est désormais prévu par l’article 136 du traité tel qu’il a été modifié.

Au-delà, la Commission a récemment proposé plusieurs mécanismes, notamment la tenue d’un tableau de bord qui permettrait de vérifier le déficit et la dette rapportés au produit intérieur brut de chacun des États, mais aussi la compétitivité et la soutenabilité de la dette à long terme. Ces derniers éléments sont très importants : des États comme l’Espagne ou l’Irlande étaient exemplaires il y a seulement deux ans, avant de se retrouver dans la situation actuelle.

Sur ces leçons à tirer en matière de gouvernance économique, je participerai, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, au groupe de travail présidé par M. Van Rompuy.

Au-delà, il s’agit aussi d’examiner tout le chapitre de la régulation financière, qu’il s’agisse des agences de notation, des produits dérivés ou des fonds alternatifs.

Sur toutes ces matières, nous devons accélérer la manœuvre. C’est bien le message que la France a délivré à l’occasion de l’ECOFIN d’hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le Premier ministre, après avoir démoli pan par pan nos services publics, expression de l’idéal d’égalité de la République, vous vous apprêtez à démolir l’édifice des collectivités locales de la République, au mépris de l’article 1 er et de l’article 72 de la Constitution et des idéaux de liberté et de solidarité qui rassemblent, je l’espère, toute la communauté de la représentation nationale.

L’État n’a plus d’argent. Il se tourne donc vers les collectivités locales, mais il les prive en même temps des moyens financiers nécessaires, tout en leur reprochant de trop dépenser, précisément en matière de services publics et d’investissements publics de proximité.

Cette destruction passe par l’étranglement financier des communes et par une métropolisation – le terme est ambigu car il peut être une bonne chose mais aussi cacher une dérive à l’américaine, contraire à la tradition française de démocratie de proximité et d’aménagement harmonieux du territoire de la nation.

M. Bernard Deflesselles. Quelle caricature !

M. Michel Vauzelle. Elle se traduit aussi par l’abandon de la ruralité, des quartiers défavorisés et ghettoïsés dont s’occupent les collectivités locales mieux que d’autres dans la proximité. Elle se traduit par l’abandon des associations qui portent la vie sportive et culturelle de notre peuple, avec les collectivités locales.

Cette destruction sera durement ressentie demain par tous les Français et d’abord par les personnes âgées, évidemment plus préoccupées actuellement par leurs retraites que par les collectivités locales.

Ainsi, profitant d’une actualité difficile, vous supprimez des moyens aux communes, les conseillers régionaux et généraux, vous recentralisez la France à contresens de l’histoire et de ce que font de tous nos voisins européens.

M. Jean-Jacques Candelier et M. Maxime Gremetz. C’est du charcutage !

M. Michel Vauzelle. Monsieur le Premier ministre, la France ne veut pas du saccage de ses collectivités locales. À quand un Grenelle de la démocratie de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le ministre Michel Vauzelle, entendez une première vérité, même si j’ai bien conscience qu’elle vous dérange : la majorité est totalement déterminée à conduire à son terme cette réforme des collectivités territoriales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) , parce que c’est une réforme ambitieuse, cohérente et nécessaire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il faut enfin dire la vérité aux Français : l’empilement des structures, la confusion des responsabilités et l’enchevêtrement des compétences ne sont pas un service rendu ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous avons besoin de simplifications, de clarté, d’allégements. C’est pour cela que nous avons travaillé, pris le temps de la réflexion et de la concertation, notamment sur la base des travaux conduits par le comité Balladur, auquel certains de vos amis ont participé, en y faisant du bon travail.

C’est aussi sur la base des travaux de président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et de Dominique Perben que nous formulons des propositions.

Monsieur Vauzelle, vous avez raison : le conseiller territorial est bien la clef de voûte de cette réforme. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous avons refusé d’entrer dans le débat simpliste qui oppose depuis beaucoup trop longtemps le département et la région. Nous avons fait le choix du conseiller territorial, qui sera un levier puissant, efficace pour notre organisation territoriale. Fini les concurrences stériles et coûteuses opposant ces deux collectivités !

Monsieur le ministre Vauzelle, je vous le dis : cette réforme mérite mieux que des postures ou des caricatures. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) N’essayez pas de faire croire aux Français que, derrière cette réforme, il y aurait des desseins inavoués et inavouables (Mêmes mouvements.)

La vérité est que le Gouvernement veut plus d’efficacité et de clarté, dans le seul intérêt des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, le débat engagé sur les retraites est sans aucun doute le plus important de cette législature. Il donne l’occasion d’entendre de multiples propositions, avec des effets d'annonce tels que la mise à contribution des hauts revenus et des revenus du capital, envisagée sous la pression populaire. Mais avec seulement 2 milliards d'euros égratignés sur les profits, l'os à ronger est dérisoire. En vérité, une contribution des revenus financiers des entreprises à la même hauteur que la contribution versée par les salariés rapporterait dix fois plus aux caisses de retraite, soit 20 milliards d'euros.

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. André Chassaigne. La question centrale est en effet celle du partage des richesses produites dans notre pays. Tout le reste est artifice, balivernes et faux-semblants.

En réclamant une retraite par capitalisation, le MEDEF ne s'y trompe pas. Il faut dire que Laurence Parisot est une connaisseuse : en dix-huit mois de crise, les actionnaires du CAC 40 ont réussi l'exploit de faire passer de 42 à 56 % leur part sur les profits de leur entreprise. C'est autant d'argent qui aurait pu aller aux retraites !

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. André Chassaigne. Dans le même temps, 680 000 emplois ont été détruits : c’est encore autant d'argent perdu pour les cotisations de retraite.

Vous avez fait le choix de servir les marchés et de mieux rémunérer le capital. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Voilà pourquoi vous voulez repousser l'âge de la retraite et allonger la durée de cotisation. Vous savez bien que cet allongement, en généralisant les décotes, fera en réalité baisser les pensions.

J’ai donc deux questions à vous poser, monsieur le ministre. En premier lieu, allez-vous continuer à demander aux seuls salariés de financer les retraites ? Allez-vous répondre favora blement au MEDEF, qui veut s'ouvrir un nouveau marché avec des fonds de pension à la française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Cessons, monsieur Chassaigne, d’inventer de prétendues bonnes raisons pour éviter les bonnes questions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) S’agissant de la réforme des retraites, la seule vraie question à laquelle il faut répondre est d’ordre démographique. Notre système de retraite est fondé, vous le savez bien, sur la solidarité entre les générations, c’est-à-dire sur la capacité d’une génération à assumer les besoins de la génération qui la précède. Tel est le patrimoine social de la France, patrimoine aujourd’hui mis en cause par la démographie.

Nous vivons plus longtemps, ce qui est une bonne nouvelle ; mais c’est la raison pour laquelle nous devons financer des retraites plus longues. Bref, c’est pour garantir notre système par répartition qu’il est nécessaire de résoudre le problème du financement.

M. Maxime Gremetz. Allons, arrêtez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Une fois relevé ce défi démographique – et, d’ailleurs démocratique –, il est possible, monsieur le député, de prévoir des recettes supplémentaires ; non par le matraquage fiscal ou l’augmentation générale et tous azimuts des impôts et des taxes (Exclamations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) , mais par des mesures ciblées. C’est précisément ce que nous proposons. En mettant, avec le Premier ministre et le Président de la République, le document d’orientation sur la table, nous avons clairement indiqué que l’augmentation des ressources était une voie que nous voulions emprunter ; mais nous ne pourrons le faire qu’après avoir répondu à la question démographique. Pour être au rendez-vous des retraites, monsieur le député, il faut être responsable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Réforme de la procédure pénale et de la garde-à-vue

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, au nom de mes collègues du groupe parlementaire du Nouveau Centre, je souhaite vous interroger sur le calendrier de la réforme de la justice.

La semaine passée, à Bordeaux, devant le congrès de l'Union des jeunes avocats, vous avez évoqué « l’encombrement du calendrier parlementaire », lequel vous obligerait à reporter certaines parties de la réforme de la procédure pénale. Si le groupe Nouveau Centre salue l'esprit de la réforme et la large concertation que vous avez lancée, il est très attentif à ce que soit au moins engagée la réforme de la garde-à-vue. Il s'agit là, d'ailleurs, d'un souhait consensuel sur lequel, à l’instar des autres groupes parlementaires, j’ai moi-même déposé une proposition de loi. Nous souhaitons que, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les garde-à-vue, dont le nombre ne cesse d’augmenter dans notre pays, soient mieux encadrées afin de concilier la présomption d'innocence et la recherche de la vérité.

Pouvez-vous donc, madame la garde des sceaux, nous rassurer sur la volonté du Gouvernement d'engager la réforme de la garde-à-vue et, plus généralement, nous préciser le calendrier de la réforme de la procédure pénale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Maxime Gremetz. Elle est enterrée !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Chacun convient en effet, monsieur Hunault, de la nécessité d’une modernisation de notre procédure pénale, afin de la mettre en accord avec les principes européens du procès équitable, de renforcer les droits des victimes et de mieux garantir ceux de la défense.

Il s’agit donc d’une réforme globale. Sur sa première partie, relative à l’enquête, une concertation réunissant quarante-cinq associations et syndicats a été lancée ; elle a duré dix semaines et a donné lieu à cinq cents propositions. Nous sommes en train d’intégrer au projet de texte celles d’entre elles qui nous semblent constructives. D’ici environ trois semaines, ce projet sera soumis au Conseil d’État avant d’être présenté en Conseil des ministres. Nous commençons parallèlement à travailler sur le volet relatif au jugement et aux voies d’exécution, qui, à la fin de l’été, fera l’objet de la même concertation.

Cette réforme est une refondation de notre procédure pénale. Elle comportera moins d’articles, mais tout de même 1 200 ; or nous savons tous qu’il est impossible d’examiner un texte comportant autant d’articles, de sorte qu’il faudra procéder à un découpage.

La réforme de la garde-à-vue sera prise en compte, mais en cohérence avec l’ensemble : elle devra donc être intégrée dans un texte plus large. D’ici à quelques semaines, et après la présentation en Conseil des ministres, nous étudierons avec les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les présidents de la commission des lois de chacune des deux assemblées, les découpages à envisager et l’ordre d’examen des différentes partie de la réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la réforme des retraites. C’est, à l’évidence, un sujet important et un sujet difficile, et je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, qu’il soit abordé, ici, en respectant l’opposition, non en méprisant ses propositions ou en y répondant par l’insulte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je n’énonce qu’un fait !

Quel est le but à atteindre ? Il s’agit de mettre en place une réforme juste, efficace, durable et négociée, avec trois objectifs.

Le premier est de conforter le niveau des pensions, en faisant un effort prioritaire pour la revalorisation des petites retraites et des retraites des femmes.

Le deuxième est de faire une réforme juste, c’est-à-dire une réforme qui mette à contribution tous les revenus, y compris le capital, et qui les mette vraiment à contribution, non à doses homéopathiques. Cela passe par le maintien de l’âge légal de la retraite à soixante ans, car c’est une garantie pour ceux qui ont atteint le nombre d’annuités requis et c’est une protection pour les salariés usés par le travail et qui souhaitent partir.

Le troisième est de permettre, dans le cadre de garanties collectives, davantage de choix individuels.

Quel sera le besoin de financement ? Le Conseil d’orientation des retraites prévoit un déficit de 45 milliards d’euros en 2025. Si nous étions capables d’une croissance un peu plus forte à partir de 2012, un demi-point de croissance supplémentaire permettrait de régler la moitié du problème.

Même sans cela, nous formulons des propositions : la mise à contribution des revenus du capital à hauteur de 19 milliards d’euros ;…

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Jean-Louis Bianco. …une augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales à partir de 2012 ;…

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Jean-Louis Bianco. …l’abondement du fonds de réserve des retraites, auquel serait affecté un prélèvement sur les banques. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Bien entendu, il faut aussi des mesures enfin efficaces en faveur de l’emploi des seniors et une majoration des annuités ouvrant droit à la retraite pour le travail pénible.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous vraiment discuter sérieusement ces propositions ou préférez-vous, comme d’habitude, traiter l’opposition par le mépris ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur Bianco, de me permettre de commenter ici, immédiatement, le projet du parti socialiste concernant la réforme des retraites.

M. Marcel Rogemont. Et le projet du Gouvernement ?

M. François Fillon, Premier ministre. Ce projet comporte tout d’abord deux bonnes nouvelles.

La première est que le Parti socialiste valide enfin le principe de l’allongement de la durée de cotisation décidé en 2003. Après nous avoir expliqué qu’il fallait revenir à 37,5 annuités, après s’être engagé à revenir sur la réforme s’il revenait au pouvoir, aujourd’hui, le Parti socialiste reconnaît qu’il était nécessaire d’allonger la durée de cotisation, puisqu’il ne propose plus de revenir dessus.

La seconde bonne nouvelle est que le Parti socialiste s’appuie sur les chiffres du Conseil d’orientation des retraites, même s’il ne prend que la meilleure des trois hypothèses envisagées par le COR.

M. Marcel Rogemont. Il prend l’hypothèse moyenne !

M. François Fillon, Premier ministre. Non, la meilleur hypothèse, pas l’hypothèse moyenne !

C’est une bonne nouvelle parce que l’on nous expliquait, il y a quinze jours, que le rapport du COR était bien trop alarmiste et qu’il était destiné à dramatiser la situation pour permettre de demander de nouveaux sacrifices.

Un député du groupe SRC. C’est vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour le reste, mesdames et messieurs les députés, la vérité, c’est que, comme vous continuez de refuser d’accepter le principe d’un allongement de la durée de travail proportionnel à l’allongement de la durée de la vie, allongement suggéré par le COR et choisi par tous les autres pays européens,...

M. Christian Paul. Pas tous !

M. François Fillon, Premier ministre. …vous en êtes réduits à proposer toute une série d’expédients pour tenter de proposer un sauvetage de notre système des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous proposez tout d’abord une avalanche d’impôts nouveaux, en particulier des impôts nouveaux pesant sur les classes moyennes. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont, en premier lieu, trois milliards d’euros – je cite vos chiffres – de prélèvements sur l’intéressement et la participation ; l’intéressement concerne un tiers des salariés français, la participation 44 % d’entre eux. Vous proposez une augmentation de la CSG sur les produits du capital ; c’est un nouvel impôt sur les classes moyennes et les vingt millions de contrats d’assurance-vie souscrits dans notre pays. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comme si cela ne vous suffisait pas, il vous faut aussi inventer des recettes virtuelles. Par exemple, vous prenez deux milliards d’euros sur les stock-options et les bonus – deux milliards d’euros, mesdames et messieurs les députés, sur une assiette de 2,7 milliards d’euros, soit une imposition au taux de 70 %.

M. Jean-Louis Bianco. Mais non !

M. François Fillon, Premier ministre. Autant dire que vous percevrez cette recette une fois, une année, et pas deux !

Vous proposez ensuite, vous venez de le dire, de relever de 15 % l’impôt sur les sociétés sur les banques, et vous dites que cela rapportera trois milliards d’euros. Vous vous êtes juste trompés d’un zéro : cela rapporte 300 millions d’euros !

M. Alain Gest. Exactement !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour obtenir un produit de trois milliards d’euros, le taux de l’impôt sur les sociétés sur les banques devrait être porté à 66 %. Inutile de vous dire les conséquences que cela aurait sur les taux d’intérêt des emprunts des particuliers et des entreprises !

Le sommet est atteint avec les dix milliards d’euros que vous espérez trouver grâce à la notion de retraite à la carte. Vous nous dites : « en augmentant de cinq à huit points la surcote, nous allons convaincre un grand nombre de Français de travailler plus longtemps », ce qui montre, au passage, que vous n’êtes pas si attachés que cela à la retraite à soixante ans. La seule chose que vous refusez de calculer, c’est que les cotisations supplémentaires que vous percevrez grâce à l’allongement de la durée du travail, vous allez les perdre avec l’augmentation de 8 % des pensions induite par la surcote.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette proposition ne fait donc pas gagner un euro !

Voilà la réalité ! La réalité, c’est que, après avoir proposé, la semaine dernière, un chèque de 200 euros pour 16 millions de ménages, après avoir proposé de revenir à la politique des emplois subventionnés, vous continuez sur la voie du déni de réalité et de la démagogie.

Je suis convaincu que les Français ne vous suivront pas dans cette impasse. (MMes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

Aides aux agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Suguenot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, l’agriculture vit l’une des pires crises qu’elle ait eues à subir depuis deux décennies. Avec Hervé Novelli, vous avez participé, lundi après-midi, à la réunion organisée à l’initiative du Président de la République sur les relations commerciales qui existent au sein des filières agricoles et, bien sûr, avec la distribution.

Le Président de la République a, en effet, pris la mesure du grand écart qui existe aujourd’hui entre le prix à la consommation pour les ménages et le prix à la production des denrées alimentaires. Il a ainsi souhaité associer, légitimement, les agriculteurs, quelles que soient les filières, les coopératives, l’industrie agro-alimentaire, le commerce de gros, le commerce de détail et la grande distribution afin qu’un accord de modération des marges puisse être établi, notamment dans le secteur des fruits et légumes.

Après plusieurs plans d’urgence, les sénateurs examinent depuis hier la loi de modernisation agricole. Nous le ferons d’ailleurs nous-mêmes dans quelques semaines.

Nous devons également réfléchir dès à présent à l’évolution future de la politique agricole commune. Les éleveurs, nos éleveurs, sont d’ailleurs très inquiets au sujet de la position que la Commission prend aujourd’hui sur l’ouverture de nos marchés aux pays du MERCOSUR.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les pistes qui permettront de restaurer la compétitivité et les revenus de ceux qui ont perdu près de 50 % de leurs ressources l’année dernière ? Pouvez-vous nous dire quels sont, par ailleurs, les moyens d’assurer une transparence dans la fixation des marges et comment aider à un essor de la contractualisation et au développement des circuits courts de distribution afin d’éviter la multiplication des intermédiaires que l’on constate aujourd’hui ? Pour terminer, monsieur le ministre, à la suite de la réunion de lundi, quels accords pourraient instaurer de nouveaux rapports de confiance et rassurer enfin notre agriculture, en plein désarroi ?

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, depuis le début de la crise agricole, le Président de la République et le Gouvernement ne veulent qu’une chose : renforcer et stabiliser le revenu de tous les agriculteurs en France.

Nous allons le faire grâce à l’accord de modération des marges qui a été signé sous l’autorité du Président de la République lundi dernier. Il prévoit que la grande distribution réduira ses marges en période de crise affectant les fruits et les légumes pour préserver le revenu des agriculteurs concernés.

Nous allons également le faire avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, actuellement examinée par le Sénat et qui vous sera soumise d’ici quelques semaines. Elle comporte de nombreux instruments économiques totalement nouveaux de nature à permettre à notre agriculture d’entrer dans le monde agricole nouveau qui se dessine : des contrats écrits systématiques pour stabiliser le revenu des producteurs ; l’extension des dispositifs assurantiels pour faire face aux aléas économiques, environnementaux ou sanitaires ; la préservation des terres agricoles grâce à une taxe sur la spéculation sur les terres en question ; la capacité d’encadrer des marges grâce à un observatoire des prix et des marges qui sera renforcé.

Tous ces dispositifs vont donner à notre agriculture les moyens d’être plus compétitive et de préserver le revenu des exploitants dans le nouveau monde agricole qui est en train de naître sous nos yeux.

Il s’agit, enfin, de défendre une politique agricole commune forte. Je rappelle que la Commission européenne proposait il y a quelques mois de réduire de 40 % le budget de la politique agricole commune et que, grâce à notre intervention et à l’appel de Paris lancé en décembre dernier, nous avons réussi à renverser la tendance. Je rappelle également que, il y a quelques mois, l’Union européenne était engagée sur la libéralisation totale des marchés agricoles et que, aujourd’hui, ce sont la régulation et les propositions françaises qui font référence pour la préparation de la future politique agricole commune. Sur cette question de la régulation, nous ne céderons pas un pouce de terrain, et nous donnerons aux agriculteurs les moyens de défendre leurs revenus à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Infirmiers anesthésistes

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Claude Leteurtre. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Hier, était annoncée une quatrième journée de manifestation des infirmiers anesthésistes. Le sentiment de ne pas être entendus a amené les excès que l’on connaît, avec le blocage, pendant cinq heures, de la gare Montparnasse. Pourquoi en est-on arrivé à cette situation incroyable et regrettable ?

Conformément aux engagements pris, le Gouvernement met en place la réforme des études d'infirmiers pour être en harmonie avec la réforme européenne LMD – licence master doctorat.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, regardez M. Copé ! Il donne une conférence de presse aux journalistes en pleine séance ! C’est scandaleux !

M. Claude Leteurtre. Cette nouvelle formation de trois années complètes, sous l'autorité de l'université et non plus de l'hôpital, donnera aux infirmiers un niveau de licence professionnelle, un statut de cadre A et une revalorisation sensible de leur salaire dès le début de leur carrière.

Au sein de cette corporation, après un concours d'admission souvent difficile, les infirmiers anesthésistes font deux années d'études supplémentaires. Ils acquièrent ainsi un niveau bac +5, soit une maîtrise professionnelle. Rappelons que ce sont eux qui, dans les blocs opératoires, secondent efficacement les médecins anesthésistes, notamment dans les hôpitaux publics, où exercent 80 % des membres de la profession.

Madame la ministre, le Nouveau Centre aimerait connaître les réponses du Gouvernement afin que ces professionnels de la santé trouvent la juste reconnaissance de leur technicité et de leur dévouement au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Roland Muzeau. Vous n’aviez qu’à ne pas voter la loi !

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le député, la situation des infirmiers anesthésistes et la réponse à leurs justes revendications, c’est mon travail et je veux y répondre de façon très précise.

Les infirmiers anesthésistes veulent d’abord une revalorisation de leur rémunération. Ils veulent aussi que soit sauvegardée la compétence exclusive des infirmiers anesthésistes. Enfin, ils veulent que leur diplôme soit porté au niveau master. Je veux répondre à ces interrogations et éventuellement à des inquiétudes, car elles sont largement infondées.

Bien entendu, les infirmiers anesthésistes, dans le cadre du protocole de février dernier, recevront une augmentation de rémunération qui correspond en moyenne à un treizième mois.

M. Jean-Pierre Brard. Comme en Grèce ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Par ailleurs, la sauvegarde de la compétence exclusive des infirmiers anesthésistes est absolument garantie. Elle est contenue dans le code de la santé publique du fait d’un décret de 1993 et d’un décret de 2002. Il n’est pas question de revenir sur ce point. Cette compétence exclusive est absolument garantie et l’on ne peut pas y toucher subrepticement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

La volonté que le diplôme soit porté au niveau master, c’est également ma volonté. Mais, en ce moment, les deux années d’études supplémentaires aboutissent au diplôme d’infirmier anesthésiste, lequel est un diplôme purement professionnel composé de stages et pratiquement sans contenu théorique. Aussi, nous travaillons avec les organisations syndicales, les médecins anesthésistes et le ministère de l’enseignement supérieur, pour donner du contenu à ce diplôme. J’ai mis un calendrier en place et je souhaite qu’avant la fin de 2010, le diplôme d’infirmier anesthésiste soit porté au niveau master. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. Bernard Roman. Il faut les recevoir et le leur dire !

M. Roland Muzeau. Vous les avez arnaqués !

Apéritifs géants Facebook

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur l'apéritif géant organisé à Nantes, la semaine dernière, qui, comme vous le savez, a fini de manière dramatique. Le jeune homme décédé s'appelait Brice Migout. Il était âgé de vingt et un ans et habitait dans ma circonscription, à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée, où il était sapeur-pompier volontaire.

C'était un jeune homme sérieux, généreux, travailleur et enthousiaste sur qui l’on pouvait toujours compter. Il aura fallu attendre la mort de ce garçon pour prendre conscience des dangers des apéritifs géants.

Pourtant, depuis des mois, à chaque rassemblement de ce genre, on dénombre des dégradations, des bagarres, des accidents, des trafics, des vols et des cas d'ivresse. À Nantes encore, mercredi soir, cinquante-sept personnes ont été hospitalisées et quarante et une placées en garde à vue.

Monsieur le ministre, combien faudra-t-il de Brice Migout pour que nous mettions enfin un terme aux apéritifs géants ?

Ces manifestations, de plus en plus fréquentes, doivent nous interpeller, car elles soulèvent plusieurs problèmes : tout d'abord, les dangers et les dérives d’internet ; puis, les phénomènes de groupes, qui poussent les jeunes à la surenchère et à la consommation excessive d'alcool ; ensuite, la mobilisation des forces de l'ordre et de secours, qui, aux frais du contribuable, assistent, impuissantes, à ces beuveries à ciel ouvert ; enfin, la question de l'organisation de ces manifestations. Les initiateurs doivent savoir qu'ils seront tenus pour responsables et qu'il n'y a pas de liberté de rassemblement sans responsabilité.

C'est la raison pour laquelle nous devons faire preuve de la plus grande fermeté. C'est-à-dire qu'en l'absence de responsables, l'interdiction des apéritifs géants doit être totale. Et nous devons y engager tous les moyens nécessaires.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour prendre en compte les dérives d'Internet et…

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la députée, en effet, depuis plusieurs mois, et depuis plusieurs semaines, notamment, des appels sont lancés via internet afin de se retrouver à l’occasion de ces apéritifs géants.

Concrètement, cinquante-huit ont été organisés jusqu’à ce jour et une trentaine – trente-deux pour être précis – sont aujourd’hui apparemment programmés. La vérité est que, sur ces cinquante-huit apéritifs géants, il n’y a pas eu de drame majeur, même s’il y a eu des dégradations matérielles parfois importantes. Puis, il y a eu le drame que vous venez d’évoquer, avec ce jeune qui avait malheureusement 2,4 grammes d’alcool dans le sang et qui est tragiquement décédé.

La vérité, madame la députée, vous la connaissez : ce drame aurait pu survenir à la sortie d’un bar, d’un concert ou tout simplement après un apéritif à domicile. Or là, il s’est produit à l’occasion d’un de ces apéritifs géants.

Quelle doit être la réponse des pouvoirs publics ?

J’organise précisément, dans moins de deux heures, une rencontre avec Roselyne Bachelot, ministre de la santé, Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, les préfets des zones concernées et le maire de Nantes –que je remercie de participer à cette rencontre – afin de déterminer les initiatives que nous devons engager.

Ces rassemblements festifs sont des rassemblements à risques et, au-delà des risques, par ce qu’ils entraînent, ils ont un coût pour la collectivité publique, et donc, pour le contribuable. Je vous réponds très précisément, madame la députée : pour être autorisés, ces rassemblements doivent être organisés. Soyez donc assurée qu’en tout état de cause, le Gouvernement est décidé à tout mettre en œuvre pour protéger et encadrer ces initiatives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Si nous parlons, cet après-midi, dans cette Assemblée, de la réforme des retraites, c’est parce que le parti socialiste – et le parti socialiste, seul – a fait des propositions précises et concrètes dans le débat. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Zéro !

M. le président. Je vous en prie !

M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd’hui, le Gouvernement, de finasserie en finasserie, n’est toujours pas capable d’indiquer aux Français et à la représentation nationale ce que sont réellement ses intentions !

M. Richard Mallié. Provocateur !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le Premier ministre, vous avez commenté nos propositions. Vous avez commencé par 2003. De ce point de vue, vous avez raison, monsieur le Premier ministre, mais je trouve votre lecture un peu courte. En 2003, n’étiez-vous pas, vous, le ministre de la réforme qui prétendait régler le problème des retraites jusqu’à 2020 ? (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alors, oui, monsieur le Premier ministre, si nous ne disons pas en 2010 ce que nous disions en 2003, c’est parce que, pendant sept ans, vous avez creusé suffisamment les déficits et les difficultés économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour qu’aujourd’hui nous soyons contraints, en tout état de cause, d’accepter l’idée que l’allongement de la durée de cotisations à quarante et un an et demi est effectivement irréversible !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme quoi nos concitoyens savent que la droite exploite avec intérêt le temps qui passe !

J’en viens maintenant aux commentaires que vous avez faits sur nos propres mesures. Monsieur le Premier ministre, plutôt que de dénigrer, dites-nous si vous avez, oui ou non, l’intention de taxer les revenus du capital ou si vous vous contenterez de faire peser, comme aujourd’hui, sur les seuls salariés l’avenir de nos retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Roubaud. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le Premier ministre, avez-vous l’intention de taxer les stock-options ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Coupez !

M. Jean-Marie Le Guen. Plutôt que de dénigrer les positions du parti socialiste, dites-nous le montant à partir duquel vous allez les taxer ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Monsieur le député Le Guen, en réalité, le parti socialiste n’a pas fait de propositions sur les retraites. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le parti socialiste s’est trompé de sujet ! C’est tout ! Il a décidé – et j’imagine que ce doit être une décision collective – de ne pas répondre à la question des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous faites tout pour éviter le sujet !

Le Premier ministre a très bien expliqué que toutes vos propositions sont, en réalité, bâties sur le sable. Vous voulez taxer la société française. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous voulez infliger à la France un choc fiscal sans précédent (Exclamations sur les mêmes bancs) , un choc fiscal pour les Français et notamment pour les Français de la classe moyenne. Ainsi, 60 % des mesures que vous proposez taxent le travail…

M. Jean Glavany. Mensonge !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et 40 % taxent le capital. Et lorsque vous taxez le capital, vous taxez les plans d’épargne logement, les plans d’épargne en actions et l’assurance-vie à laquelle les Français sont terriblement attachés. C’est donc une ponction majeure sur le pouvoir d’achat des Français ! Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vos propositions, c’est aussi une lourde taxation des entreprises.

M. Patrick Roy. Baratin !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Mais taxer les entreprises comme vous voulez le faire, c’est en réalité s’attaquer à l’emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous provoquerez du chômage !

M. Pascal Terrasse. Le chômage, c’est vous !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Au-delà des problèmes humains que cela pose, provoquer ainsi le chômage, c’est compliquer davantage encore la stabilité du financement de nos retraites ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

La « société du cœur » que vous appelez de vos vœux – celle de Martine Aubry et du parti socialiste – c’est, en réalité, la société de l’impôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Création de l’Agence du service civique

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claude Greff. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.

Le 10 mars dernier, le Parlement votait la mise en place d’un nouveau service civique volontaire permettant, notamment, à des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans de consacrer une part de leur temps à des missions utiles à la société. Ces missions d'intérêt général pourront revêtir divers caractères. Qu’elles soient éducatives, sociales, humanitaires, sportives, culturelles, voire également de défense ou de prévention, elles représentent avant tout un engagement volontaire citoyen qui a pour objet de renforcer la cohésion nationale. Vous connaissez mon engagement depuis de nombreuses années pour qu'un temps citoyen soit mis au service de la collectivité afin qu'une nouvelle dynamique soit insufflée à la geste républicaine. Cet engagement doit être un véritable devoir pour chaque citoyen quels que soient son lieu de vie et ses origines, c'est également une obligation morale et un apprentissage du milieu sociétal et de la cohésion nationale. C'est ce dispositif gagnant-gagnant qui doit se déployer : il est gagnant pour la société à laquelle le citoyen rend service et gagnant pour le volontaire, en particulier quand il est jeune, qui se forme en aidant notre pays sans faire, pour autant, de son engagement une démarche utilitariste.

Le texte de loi dont j'ai été la rapporteure au fond pour la commission des affaires culturelles prévoyait la mise en place d'une agence dont les décrets d'attribution sont parus ce week-end. Je me réjoui,s monsieur le ministre, que les délais aient été tenus.

Pouvez-vous nous expliquer quelle mission sera donnée à cette agence que nous avons voulue sous la tutelle de votre ministère ? Des objectifs ambitieux ont été fixés. Pouvez-vous nous les rappeler et nous dire comment vous comptez les tenir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives . Madame la députée Claude Greff, vous l’avez dit, voici un peu plus de deux mois, dans cette Assemblée, la proposition de loi relative au service civique a été l’objet d’un large consensus. C’était un engagement du Président de la République. Il est tenu. Deux mois après, conformément à nos engagements, tous les textes réglementaires ont été publiés. J’ai installé l’Agence du service civique hier. Elle est présidée, comme nous l’avions annoncé, par Martin Hirsch, qui a mis beaucoup de son âme dans ce texte, et vice-présidée par Luc Ferry et Jacques Godfrain que tous les parlementaires, ici, connaissent bien, pour leur engagement sur le service volontaire.

Nous avons donc décidé de fixer dans le texte des missions très claires. Nous allons promouvoir le service civique grâce à des actions spécifiques de communication dans les deux mois à venir. Les conditions d’un accès facilité aux jeunes seront réunies, afin qu’ils puissent concrétiser un engagement citoyen. Ainsi, 80 % des jeunes se disent prêts, à condition que ce service ne soit pas obligatoire, à participer à des causes humanitaires, environnementales ou solidaires. Nous le ferons par des actions nationales. Le Président de la République s’est ainsi engagé à ce que 150 jeunes accomplissent leur service civique en Haïti, et cette promesse sera tenue. Luc Chatel a mis en place un plan « réussite scolaire » ; les jeunes effectuant un service civique accompagneront les élèves en difficulté. Benoist Apparu a pris des mesures d’accompagnement des personnes sans hébergement ou sans abri ; ces jeunes volontaires y participeront. Les collectivités locales sont en première ligne avec nous. Je lance d’ailleurs, en fin d’après-midi, une opération en Essonne avec Manuel Valls et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Daniel Goldberg. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, car je reviens à mon tour sur la réforme des retraites.

Ce qui nous différencie au fond, monsieur le ministre, et nous l’avons bien entendu cet après-midi, c’est votre choix d’en faire uniquement une mesure comptable. Nous n’aurions à arbitrer qu’entre de mauvais choix, de l’allongement de la durée de cotisation au recul de l’âge légal. Nous reprocherions presque à nos concitoyens de vivre plus vieux et en meilleure santé. Pour vous, finalement, la perte du pouvoir d’achat des petites et des moyennes retraites est un mal nécessaire. Vous ne prenez en aucun cas les revenus du capital, les stock-options par exemple, comme étant aussi une variable pour réformer les modalités de financement.

Notre vision est différente. Nous voulons une réforme équilibrée et, parce que la démographie nous oblige tous à regarder l’avenir en face, il nous faut innover plutôt que subir. C’est pourquoi nous vous proposons, de manière précise et chiffrée, un système qui maintient les avancées collectives obtenues précédemment, et notamment l’âge légal de départ à la retraite à soixante ans, tout en prêtant attention aux parcours personnels et, en particulier, à celles et à ceux qui veulent travailler plus longtemps.

Au-delà, cela demande, pour l’emploi des seniors, que notre pays cesse de gâcher ses talents, comme il le fait d’ailleurs à l’autre bout de la vie professionnelle avec les jeunes entrant sur le marché du travail. C’est pourquoi nous vous proposons également de restructurer le marché du travail afin de sortir de ce qui est une impasse collective, ces plus de 60 % de salariés seniors qui pourraient travailler et sont sans emploi.

Alors de deux choses l’une : comptez-vous rester uniquement dans une approche comptable de la réforme des retraites, ou bien approuvez-vous les orientations et les mesures que nous avons mises hier, de manière précise, sur la table ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Il n’y a pas d’innovation, monsieur le député, dans ce que vous proposez.

M. Patrick Roy. Mais si !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Les solutions que vous proposez, on les entend depuis vingt ans. Quand il y a un problème, on augmente les impôts. C’est ainsi que vous répondez à la question des retraites.

M. François Lamy. Vous, vous les diminuez !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Vous taxez les plus modestes !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Si ce n’est pas une réponse comptable, j’aimerais bien savoir ce que c’est ! Votre vision de la retraite n’est qu’une vision comptable.

Lorsque vous prétendez qu’on ne peut pas travailler plus longtemps, alors que l’on vit plus longtemps, vous avez une approche comptable, vous êtes dans le tabou et le déni de réalité. Nous pourrons avoir un débat sérieux lorsque vous aurez des propositions sérieuses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Vous n’êtes pas un maître d’école devant vos élèves !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous sommes dans le temps de concertation. Notre projet viendra lorsqu’elle sera terminée. Vous, vous ne savez pas ce qu’est la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , ce qu’est le dialogue.

Le Gouvernement a choisi une méthode. Elle vous étonne, je le sais, mais c’est une méthode de bon sens. Nous écoutons, nous orientons, nous réécoutons, nous décidons. Le Parlement pourra ensuite discuter tout le mois de septembre et tout le mois d’octobre, pour une réforme qui intéresse tous les Français.

Il faut cesser, monsieur le député, de penser que l’avenir de la France est dans l’impôt (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ,…

M. Jean Glavany. Les dettes, c’est mieux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …les taxes, les cotisations et les contributions. Vous pensez cela depuis trente ans. La France change. L’Europe aussi, comme le monde. Le parti socialiste ne peut pas être le seul à ne jamais changer sur rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ordre infirmier

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Bur. Je souhaite vous interroger, madame la ministre de la santé et des sports, au sujet de l’ordre infirmier.

Les infirmiers, dans leur très grande majorité, ne veulent pas de cette organisation. Les élections de 2008 ont révélé une abstention massive, de près de 80 % des professionnels.

Cette structure est coûteuse et inutile, en tout cas pour les infirmiers salariés, qui représentent, rappelons-le, 80 % des effectifs.

Le code de la santé publique, le code pénal, la loi portant droits et obligations du fonctionnaire définissent un cadre juridique tout à fait suffisant pour garantir la déontologie des infirmiers. Dans les établissements hospitaliers publics, les instances disciplinaires fonctionnent très bien, et depuis bien longtemps. Il n’y a pas besoin d’un niveau disciplinaire supplémentaire. Enfin, la mission de recenser la population infirmière est dévolue depuis longtemps aux DDASS et aux DRASS et elle l’est aujourd’hui aux ARS.

De plus, cette structure est très coûteuse, avec un budget de fonctionnement de 37 millions d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

En dépit de vos efforts, en dépit de ceux des parlementaires qui ont conduit une mission de médiation, en dépit de nos interventions répétées, le conseil national de l’ordre infirmier refuse de réexaminer le montant de la cotisation de 75 euros réglée par chaque infirmier. Ainsi, chaque infirmier salarié va recevoir cette année un appel de cotisation de 150 euros pour 2009 et 2010, ce qui me paraît inacceptable.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est ce que nous avons dit lors de la discussion du PLFSS !

M. Yves Bur. L’ordre relance les hôpitaux, fait pression sur les infirmiers. Jusqu’où ira-t-on ? Doit-on attendre que les huissiers aillent récupérer ces cotisations ?

Je souhaite donc connaître votre position sur la proposition de dispenser les infirmiers exerçant à titre salarié, soit 80 % des infirmiers, de s’inscrire à l’ordre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pourquoi avoir voté le texte ?

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Quand je suis arrivée au ministère de la santé, monsieur le député, j’ai trouvé cette loi d’initiative parlementaire (Rires sur les bancs du groupe SRC.) créant un ordre infirmier.

J’ai immédiatement indiqué à l’ordre infirmier qu’il ne me paraissait pas convenable d’imposer aux infirmiers salariés une cotisation supérieure à environ vingt euros. À l’initiative du président Pierre Méhaignerie, avec Richard Mallié et Bérengère Poletti, vous-même avez mené une opération de médiation, qui s’est elle aussi révélée infructueuse. J’ai déposé dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » une disposition législative permettant de moduler la cotisation. Rien n’y a fait, les instances ordinales n’ont pas voulu obéir à ces conseils de bon sens.

Je ne laisserai pas intimider les infirmiers salariés par une demande de 150 euros ! (Applaudissements sur divers bancs.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Abrogez cette loi scélérate !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je ne laisserai pas exposer les employeurs d’infirmiers salariés au risque d’être poursuivis pour complicité d’exercice illégal de la profession d’infirmier, d’autant que, comme vous l’avez souligné, les instances disciplinaires fonctionnent bien et la protection est bien assurée par le haut conseil des professions paramédicales, auquel je veux rendre hommage.

Notre système de santé a besoin de cohésion, il n’a pas besoin d’un double pilotage. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai votre proposition de loi (Rires sur les bancs du groupe GDR) afin que ne soient obligés d’adhérer à l’ordre que les infirmiers libéraux, auxquels il est très utile. Les infirmiers salariés pourront le faire de manière volontaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Parité dans les élections

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Coutelle. Je voudrais dire à M. le Premier ministre que l’impôt progressif sur les plus riches est sans doute beaucoup plus juste que le bouclier fiscal, et que les femmes, dont la moyenne des retraites est de 825 euros, ne sont guère concernées par ses propos, alors qu’elles peuvent être intéressées par notre proposition, à la page 6, qui prévoit une enveloppe de 5 milliards pour revaloriser les petites retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ma question porte sur la parité. Monsieur le Premier ministre, il y a dix jours, devant les États généraux des femmes, vous avez déclaré vouloir des sanctions insupportables contre les partis politiques qui ne respectent pas la parité.

Ces sanctions insupportables que vous appelez de vos vœux, nous les défendrons justement demain matin dans une proposition de loi intitulée « Renforcer l’exigence de parité des candidatures aux élections législatives », qui sera présentée par Bruno Le Roux.

Notre texte instaure enfin ces pénalités « insupportables » pour obliger les partis à présenter autant de femmes que d’hommes dès les élections de 2012 et à placer des femmes en situation éligible. Il faut que notre assemblée soit enfin paritaire, et nous en sommes loin !

La France va-t-elle se décider à rejoindre les grands pays européens et au-delà ? Aujourd’hui, elle est tristement en bas de tous les classements.

Alors que nous fêtons le dixième anniversaire de la loi sur la parité, je vous le demande, monsieur le Premier ministre : allez-vous enfin mettre vos actes en conformité avec vos paroles ? Allez-vous demander à votre majorité de voter demain matin notre texte, le seul qui, à ce jour, permette d’obtenir la parité en 2012 ? Allez-vous enfin prendre en compte l’autre moitié de la société française dans la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Je regrette, tout d’abord, que le parti socialiste n’ait jamais voté l’augmentation du minimum vieillesse dans cette assemblée. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Vous nous donnez des leçons sans jamais les traduire dans vos votes ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En ce qui concerne la parité en politique, il y a, c’est vrai, madame la députée, des progrès à faire. Dans cette assemblée, il n’y a que 19 % de femmes ; au Sénat, seulement 22 %. Les conseillères générales ne sont que 12 % et les femmes maires 13,8 %. Les conseillères régionales sont aujourd’hui 47 %. (Mouvements divers.)

Pour que progresse la présence des femmes en politique, il faut d’abord qu’elles puissent être présentes dans les élections et scrutins locaux. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. S’agissant de la réforme des collectivités territoriales, la parité progressera dans les conseils municipaux des 13 000 communes de 500 à 3 500 habitants sur des listes bloquées comprenant obligatoirement la moitié de femmes.

M. Maxime Gremetz et M. Jean-Paul Lecoq. Et après ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Ce qui se traduira par 30 000 à 40 000 conseillères municipales de plus à partir de mars 2014.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Répondez à la question !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. S’agissant des conseillers territoriaux, nous souhaitons là aussi faire évoluer la parité. Vous le savez, il y aura un suppléant (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), puisqu’il faudra se présenter à ces élections en tandem.

Le Premier ministre a rappelé sans ambiguïté qu’il était favorable à un renforcement des sanctions financières contre les partis politiques.

Nous avons énormément d’efforts à fournir. Sachez que le Gouvernement dans son ensemble et la majorité parlementaire sont engagés sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Crise de l’élevage bovin

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Auclair. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis le début de la semaine se tient à Madrid un sommet Union européenne-Amérique latine qui pourrait officialiser la reprise des négociations pour un accord bilatéral commercial entre l’Europe et le Mercosur. Le 5 mai dernier, la Commission européenne, malgré l’opposition de plusieurs commissaires, a donné un avis en faveur de cette relance des négociations.

Dans le contexte actuel de crise de l’élevage « bovin viande », cette relance des négociations est une véritable provocation. Un accord se traduirait par des importations annuelles supplémentaires de viande bovine pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers de tonnes. De plus, cette orientation serait un non-sens eu égard au respect des attentes des consommateurs en termes de sécurité alimentaire, de traçabilité et de contrôle.

Monsieur le ministre, vous le savez, le monde de l’élevage est en détresse. Il doit être soutenu, et non pas encore attaqué par la Commission européenne.

Je souhaiterais donc connaître la position de la France sur ce dossier extrêmement sensible qui pourrait avoir de très lourdes conséquences économiques pour l’agriculture française, et l’élevage en particulier. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la position de la France est claire : nous sommes opposés à la reprise des négociations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous y sommes opposés parce que la conclusion de ces négociations se traduirait par de nouvelles concessions agricoles qui seraient insupportables pour toutes les filières agricoles, et en particulier pour celle de l’élevage, qui a terriblement souffert de la crise de 2009.

Nous y sommes opposés parce que les exportations de viande en provenance du Mercosur ont été multipliées par deux en l’espace de cinq ans, parce que nous avons laissé nos frontières ouvertes.

Nous y sommes opposés parce que, dans le même temps, un certain nombre de pays du Mercosur augmentaient leurs droits d’importation sur les produits alimentaires en provenance de l’Union européenne.

Et nous y sommes opposés parce que nous refusons de continuer avec un système dans lequel l’agriculture est systématiquement la variable d’ajustement des négociations commerciales de l’Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Nous étions trois États, en Europe, à défendre cette position. Au conseil des ministres de l’agriculture, lundi dernier à Bruxelles, nous avons rassemblé dix États sur cette position. Et avec l’aide de la secrétaire d’État au commerce extérieur, nous sommes désormais quinze États européens à manifester notre opposition à la reprise des négociations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur.

Certains États en Europe se félicitent que ces négociations puissent servir au bien-être des pays du Mercosur ; tant mieux. Je souhaiterais que l’Union européenne, grande puissance politique, apprenne à se préoccuper d’abord du bien-être de ses agriculteurs et de ses citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Agriculture

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le ministre de l’agriculture, le Président de la République semble redécouvrir que la France est une puissance agricole, et s’est lancé dans une opération séduction à l’égard des représentants de ce secteur. Dans son discours de Poligny, Nicolas Sarkozy faisait le constat – assez juste, reconnaissons-le, quoiqu’un peu tardif – non pas de la crise, mais de la grande détresse dans laquelle se trouve le monde agricole. En effet, les agriculteurs voient leurs revenus baisser dangereusement, sont écrasés par les dettes, et les aides accordées en fin d’année dernière sont aujourd’hui sacrifiées sur l’autel de l’austérité.

Cette semaine, le Président multiplie les rendez-vous avec les représentants du milieu agricole et de la distribution, alors même que le Sénat entame l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture, le quatrième en dix ans. Un air de déjà-vu entoure ces images de patrons de la grande distribution venant à l’Élysée se faire tancer pour leurs mauvaises pratiques, signer une charte qui ne les engage que moralement, et repartant avec la certitude que ces pratiques perdureront. Pourquoi ne pas avoir inscrit ces engagements dans la LMA ? Pourquoi ne pas recourir à d’autres mécanismes de modération des marges vraiment efficaces, telles que la mise en œuvre de coefficients multiplicateurs ?

Le projet de loi du Gouvernement se situe dans le domaine de l’incantatoire, de l’intention, sans réelle vision prospective ; on prévoit la contractualisation, mais sans véritablement se donner les moyens de la rendre totalement effective.

Monsieur le ministre, je m’interroge sur le moment choisi pour aborder la discussion d’un tel texte : il vient soit trop tard si l’on considère l’ancienneté des problèmes, soit trop tôt au regard de la renégociation de la PAC. Dans une économie mondialisée et dérégulée, l’agriculture est un secteur où, plus qu’ailleurs, il est nécessaire d’encadrer les marchés au niveau communautaire.

Dès lors monsieur le ministre, que pèsera cette loi face à la concurrence internationale ? De quelles garanties disposeront nos agriculteurs face à l’insécurité de leurs revenus ? Quelles régulations comptez-vous mettre en place pour sauver l’agriculture française ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Madame Sylvia Pinel, je partage bien entendu votre diagnostic sur la situation de l’agriculture en France – semblable d’ailleurs à celle de beaucoup d’autres pays européens. Il s’agit d’une crise économique, mais aussi d’une crise morale puisque beaucoup d’agriculteurs doutent de l’avenir de l’agriculture en France. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture que vous et vos collègues aurez à étudier dans quelques semaines apporte des réponses concrètes et nécessaires à la situation de l’agriculture française.

M. Jean Michel. Zéro !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation. À cet égard, je tiens à vous rassurer sur un certain nombre de points.

S’agissant des négociations commerciales, notamment de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la filière commerciale des produits alimentaires, nous avons prévu des dispositifs qui sont contraignants. Les distributeurs se sont engagés, lundi dernier, à réduire leurs marges sur les fruits et légumes en cas de période de crise. Ils l’ont fait de manière volontaire, et je m’en félicite. Mais comme on n’est jamais trop prudent, il y aura dans la loi de modernisation un dispositif de taxation supplémentaire sur les surfaces commerciales qui s’appliquerait au cas où certains distributeurs ne respecteraient pas leur engagement. J’ose espérer que cette taxe n’aura jamais à être utilisée, mais nous avons ainsi prévu le verrou nécessaire.

Nous avons prévu également dans la loi la suppression des remises, rabais et ristournes. C’est concret. C’est important. Ce sera efficace. J’espère que vous voterez cette mesure.

Nous proposons aussi l’encadrement du prix après-vente parce que je refuse catégoriquement que trop de producteurs, aujourd’hui en France, vendent leurs produits à perte, sans couvrir leurs coûts de production, parce qu’ils cèdent leurs marchandises sans savoir combien elles vont être payées à la sortie. Dorénavant ils auront l’obligation d’avoir un contrat écrit. Même chose pour les autres contrats écrits que nous prévoyons dans le projet de loi : ils mentionneront un prix, un volume, une durée, ce qui, pour la première fois, permettra à tous les agriculteurs de savoir quel sera leur revenu non pas sur deux ou trois mois, mais sur plusieurs années.

Voilà quelles sont les dispositions que vous et vos collègues auront à étudier. Je vous garantis, madame Pinel, qu’elles sont crédibles et concrètes ; j’espère qu’elles vous rassureront et que vous pourrez donc y souscrire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Lancement des assises du sport et du développement durable

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. René-Paul Victoria. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des sports.

Madame la secrétaire d’État, le développement durable est un enjeu fondamental de nos politiques publiques. Le Président de la République et le Gouvernement en ont pris toute la mesure avec le Grenelle de l’environnement. Tous les ministères doivent se sentir concernés par la démarche du développement durable, qui inclut tous les types d’activités, qu’elles soient économiques, culturelles, sociales ou sportives.

Dès lors, on peut se demander quelle est la place du sport dans cette démarche : le sport est, avec l’école et la famille, un des principaux lieux d’éducation de notre pays, inculquant règles et valeurs à des millions de jeunes ; c’est aussi un lieu de sensibilisation à l’environnement, notamment grâce aux sports de nature – randonnée, cyclisme, montagne –, qui sont parmi les activités les plus pratiquées par les Français.

Pour cet enjeu majeur qu’est le développement durable, quel rôle entend jouer le secrétariat d’État aux sports ? Quelles politiques entend-il mener, en métropole comme en outre-mer, pour faire du sport un véritable levier du développement durable et permettre à chaque Français d’en être pleinement acteur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports. Vous avez parfaitement raison, monsieur le député : les bouleversements qu’entraîne le développement durable n’ont pas été suffisamment pris en compte par le monde du sport. C’est un défi immense que le secrétariat d’État chargé des sports est décidé aujourd’hui à relever. Une action forte est d’autant plus indispensable que le sport est une chance pour le développement durable, avec ses 260 000 associations et ses seize millions de licenciés, et qu’il est, vous l’avez rappelé, le plus grand espace éducatif de France.

C’est pourquoi j’ai décidé d’organiser des assises du sport et du développement durable. Elles commenceront demain par une journée nationale rassemblant des sportifs de haut niveau, des présidents de fédération, des élus de collectivité, des responsables d’ONG environnementales, des dirigeants d’entreprise. Une large consultation s’ensuivra en France, sur les territoires, avec des débats organisés en région, notamment dans les régions d’outre-mer.

La question de l’implication dans le développement durable n’est pas seulement importante pour les sports de nature, elle l’est également quand il s’agit de sports collectifs, tel le football en raison des stades, ou encore de la Formule 1 en raison des circuits. Dans ces disciplines où se joue le rang de notre pays,…

M. Yves Cochet. Oh là là !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. …le clivage entre les écologistes d’un côté, et les passionnés de sport de l’autre, n’est plus tenable car il prive notre pays d’équipements essentiels. Je veux montrer qu’on peut aimer le sport et souscrire aux impératifs économiques et écologiques sans que les uns soient sacrifiés en faveur des autres.

J’ajouterai que ces assises s’inscrivent dans un effort beaucoup plus global, engagé dès mon arrivée dans ce secrétariat d’État, pour mettre le sport au cœur de la société. Parce que quand on parle développement durable, on ne parle pas seulement d’écologie, mais aussi de responsabilité sociale. Mettre le sport au cœur de la société, c’est donc le sens de toutes les actions que je mène depuis plusieurs mois, telles que la création d’un fond pour la lutte contre la traite sportive, notamment des mineurs, la lutte contre les violences et les discriminations, notamment l’homophobie, la reconnaissance de nouvelles formes de pratiques sportives, etc.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et que faites-vous du bénévolat associatif, madame la secrétaire d’État ?

Mme Rama Yade, secrétaire d’État. Les assises du sport et du développement durable s’inscrivent donc cette ambition politique. Il s’agit de ne plus seulement rendre hommage aux valeurs du sport, mais aussi de les faire vivre à travers des actions politiques concrètes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Débat sur la politique de la ville

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique de la ville.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est au premier orateur de ce groupe, Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, mes chers collègues, si les députés communistes, républicains, et du Parti de gauche ont proposé que notre assemblée consacre cette séance d’évaluation et de contrôle à la politique de la ville, c’est dans une double intention. Il s’agit, d’une part, d’attirer l’attention sur l’intolérable et persistante situation de nos quartiers ; d’autre part, d’évaluer l’action du Gouvernement en la matière, notamment en mesurant l’écart entre ses résultats et les exigences contenues dans les textes.

On peut se réjouir qu’un groupe de travail consacré à l’aide aux quartiers défavorisés se soit constitué sous l’égide du comité d’évaluation et de contrôle. Mais, indépendamment du fait qu’aucun député de notre groupe n’ait la chance d’en être membre, est-il nécessaire d’attendre ses conclusions, qui ne seront connues que dans trois ou six mois, pour savoir que nos quartiers vont très mal, que la politique de la ville est visiblement sous-dotée et qu’elle tend à proposer, notamment dans la période récente, des réponses inadaptées ?

En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s’engageait ainsi dans son programme présidentiel : « Je consacrerai beaucoup d’argent aux banlieues, dans l’éducation, la formation, la rénovation urbaine, les services publics, les transports, l’activité économique. Je n’accepte pas qu’on se soit résigné à laisser se développer tant de ghettos scolaires et urbains. » Et de promettre, huit jours avant le premier tour, un « plan Marshall 2 » qui devait offrir une formation ou un emploi à 250 000 jeunes.

Trois ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de ces promesses ? Le rapport 2009 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles a clairement montré l’incapacité de la droite au pouvoir à répondre aux objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation pour la ville d’août 2003, dont l’objectif principal était de réduire en cinq ans les inégalités dont souffrent ces quartiers.

Confirmant que les écarts tendent à s’accentuer, les acteurs de terrain que nous avons auditionnés déplorent même un recul par rapport aux principes posés par la loi d’orientation pour la ville de juillet 1991, qui a défini le droit à la ville comme « des conditions de vie et d’habitat favorisant la cohésion sociale et de nature à éviter ou à faire disparaître les phénomènes de ségrégation ».

Le chômage toucherait 42 % des habitants de moins de vingt-quatre ans, et seuls 4 022 contrats d’autonomie auraient débouché sur un emploi ou une formation – au scandaleux profit d’opérateurs privés, étant donné la situation des services publics de l’emploi. Les améliorations dues à la rénovation urbaine ont été nuancées par le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU et les cités d’habitat social restent dans la « relégation », pour reprendre le terme utilisé par l’historien Jacques Donzelot. En ce qui concerne les transports, le désenclavement ne s’opère que par petits bouts, alors que de gigantesques projets sont annoncés au seul bénéfice de la finance mondialisée.

Tandis que la suppression de la carte scolaire est critiquée jusque sur les bancs de l’UMP, les établissements d’excellence n’ont accueilli que 1 677 élèves en 2009, à comparer aux 8 millions d’habitants des quartiers. À contre-pied, la Cour des comptes vient de juger que, pour réduire l’écart croissant entre les meilleurs élèves et ceux qui sont en difficulté, il convenait d’engager des moyens exceptionnels en faveur des établissements les plus défavorisés.

Les coupes dans les budgets conduisent par exemple le conseil général des Hauts-de-Seine à faire des choix partisans dans l’attribution des subventions. Or, faute de moyens pérennes, certaines associations, qui tissent le lien social dans nos quartiers, disparaissent. Ces orientations sont affli geantes et le plan Espoir banlieues est à mille lieues de la très présomptueuse « dynamique pour la France » qui avait été annoncée.

Les députés communistes proposent une alternative pour ceux qui, selon les termes du sociologue Robert Castel, sont « repoussés sur les marges du monde social ». Ils proposent d’agir en dégageant de nouveaux moyens : supprimer le bouclier fiscal permettrait de doubler les crédits de la politique de la ville ; taxer à 0,5 % les actifs financiers permettrait d’abonder un fonds national de péréquation à hauteur de l’actuelle dotation globale de fonctionnement ; arrêter le recul du droit commun, avec la révision générale des politiques publiques ou la non-application de la loi SRU, et renforcer au contraire les services publics dans ces quartiers ; revoir les procédures de la politique de la ville, qui n’ont presque pas évolué depuis 2001 et le rapport de Jean-Claude Sandrier qui en soulignait les écueils.

Pour ce qui est de la géographie prioritaire et des CUCS, nous avons eu connaissance du courrier que vous avez adressé au Premier ministre à peine trois jours après notre demande de débat : il nous semblerait naturel, madame la secrétaire d’État, que vous rendiez publiques la vingtaine de simulations que vous lui avez adressées. D’ores et déjà, nous tenons à dire avec force que, en cette période de grave crise économique et sociale, tout ce qui tendrait à opposer des territoires entre eux et à ne pas augmenter le soutien de l’État – et donc de la République – à ces quartiers, nous paraîtrait inacceptable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom des députés du groupe Nouveau Centre, je tiens à saluer l’occasion qui nous est offerte de débattre de la politique de la ville. Ce débat va permettre au Gouvernement de répondre aux nombreuses interrogations des acteurs de terrain, maires, associations, tous très impliqués dans les quartiers en difficulté et qui, aujourd’hui, sont dans l’incertitude quant à l’avenir des dispositifs de la politique de la ville.

Chacun en est conscient, l’avenir de notre pays dépend de notre capacité à changer certains territoires urbains qui, sans action collective forte, continueront de souffrir. Nous avons la conviction que la politique de la ville est un outil déterminant de l’action de l’État et des communes pour favoriser l’égalité des chances, non seulement entre les territoires, mais d’abord et surtout entre les hommes et les femmes qui y vivent. C’est une politique de reconquête des fondamentaux de la vie en société, à travers l’accès à l’emploi, à la culture, à la connaissance, à un logement digne, à travers la lutte contre les discriminations et l’action en faveur de la mixité sociale.

C’est une politique qui nous interpelle dans notre rapport à l’autre, à ses différences, et qui met à l’épreuve des réalités notre volonté de réduire les écarts sociaux, de refuser les ghettos, et de constituer une société apaisée où le vivre ensemble ait un sens.

C’est un défi permanent depuis plus de vingt-cinq ans, un défi qui redonne toute sa dimension à l’action politique et qui pose tous les jours la question de la cohésion sociale au sein de notre République, mais avec lequel, il faut bien le reconnaître, nous n’en avons pas fini.

Aujourd’hui, la politique de la ville manque de lisibilité. Elle souffre d’un éparpillement des moyens. Elle reste marquée par la complexité. Elle mérite un pilotage politique clarifié.

Madame la secrétaire d’État, depuis plusieurs mois, vous travaillez à une réforme de la politique de la ville. L’attente est grande. En ce qui concerne la géographie prioritaire, vous avez manifesté votre volonté de réduire le nombre de zones urbaines sensibles : nous vous y encourageons. Il n’est plus acceptable, en effet, de dénombrer autant de territoires rattachés à tel ou tel dispositif : 751 zones urbaines sensibles, 435 zones de redynamisation urbaine, 100 zones franches urbaines. En resserrant les territoires de la politique de la ville et en rendant cohérents les périmètres, nous concentrerons les moyens sur ceux-ci, si tant est que ces moyens viennent abonder, et non remplacer, les crédits de droit commun dévolus aux quartiers.

La dynamique de la politique Espoir banlieues repose sur la mobilisation des crédits de droit commun des différents ministères. Force est de constater que cette mobilisation n’est pas encore naturelle. Or la politique de la ville ne peut régler à elle seule tous les problèmes des quartiers les plus difficiles.

Madame la secrétaire d’État, la redéfinition de la géographie prioritaire inquiète les élus locaux tant ses conséquences peuvent être lourdes pour certains territoires. Je pense notamment aux dotations des communes qui baisseront sûrement alors que leurs budgets sont déjà fragilisés. Nul doute que vous veillerez à tout cela, que vous tiendrez compte de critères incontestables, transparents et identiques pour tous, afin de pouvoir concentrer les aides sur les communes les plus pauvres et qui en ont le plus besoin. Il faudra prendre en compte, bien sûr, les critères sociaux : taux de chômage, nombre de bénéficiaires des minima sociaux, d’élèves en échec scolaire, de jeunes déscolarisés, de parents isolés, de logements sociaux, mais il faudra aussi tenir compte de la capacité financière des communes à faire face à ces défis.

Par ailleurs, pour plus d’efficacité, la géographie prioritaire doit être appréhendée à l’échelle communale. D’une part, la politique de la ville menée au niveau d’un quartier doit s’intégrer dans la globalité d’un projet communal et tenir compte de celui-ci dans un souci de rééquilibrage communal.

D’autre part, son pilotage, confié essentiellement au maire en relation avec le préfet, permettrait de mieux répondre aux besoins du quartier et responsabiliserait plus encore l’élu local sur l’action menée dans les quartiers en difficulté. Qui, mieux que le maire, connaît sa commune et ses habitants ?

M. François Goulard. Très juste !

M. Francis Vercamer. Qui peut prétendre avoir plus de légitimité démocratique que le maire pour résoudre les problèmes de ses concitoyens ?

L’échelon intercommunal, quant à lui, doit être un cadre de cohérence des dispositifs de la politique de la ville, mais il ne peut en aucun cas être un outil opérationnel ou un outil de décision, ceux-ci appartenant au maire.

La politique de la ville souffre aussi de sa complexité, de son manque de lisibilité. Peut-on imaginer un jour une réelle simplification des procédures ? La politique de la ville se perd trop souvent dans les méandres de négociations sans fin pour bénéficier de financements. Elle se perd dans les écritures de fiches-actions qui nourrissent des dossiers interminables, dans les justifications qu’il faut sans cesse fournir et qui découragent parfois les acteurs de terrain.

Voici, pour la petite anecdote, un exemple précis : le responsable du soutien scolaire dans ma ville vient d’envoyer quatorze dossiers de bilan différents de seize pages et quatorze réponses d’appels à projets de dix-sept pages, le tout en quatre exemplaires, ce qui représente pas moins de 1 848 pages !

Madame la secrétaire d’État, dans l’intérêt des acteurs, il serait essentiel de simplifier les procédures une bonne fois pour toutes. Les présidents d’associations sont, pour la plupart, des bénévoles, auxquels je veux rendre hommage tant ils deviennent rares, alors que leur engagement est si précieux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Francis Vercamer. Madame la secrétaire d’État, la réforme de la politique de la ville doit s’inspirer des méthodes qui en font le succès : la concentration de moyens importants pour un traitement profond des quartiers en grande difficulté sur une durée déterminée, mais suffisante pour en mesurer l’impact ; un projet partagé et lisible grâce à un partenariat contractualisé ; un pilotage confié au maire, élu de proximité, et inscrit dans la durée.

C’est d’ailleurs la méthode qui a été utilisée pour la mise en œuvre des projets de rénovation urbaine. Ces projets ont fait leurs preuves et ont permis à l’espoir de renaître dans les quartiers rénovés. Il serait inconcevable de voir ce dispositif dédié à la rénovation urbaine expirer, alors que beaucoup de quartiers sont en attente de rénovation. Le groupe Nouveau Centre attend du Gouvernement un engagement sur une nouvelle génération de projets urbains d’ici à 2012.

Si le programme de rénovation urbaine est un volet très visible et symbolique de la politique de la ville, gardons toujours à l’esprit que, dans ces quartiers dits prioritaires, vivent des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants.

Aujourd’hui, en raison de l’enlisement de la politique de la ville dans des procédures, de son éparpillement sur le territoire, du manque de cohérence entre les politiques menées par les différents ministères et les collectivités territoriales, et de sa difficile évaluation, le devoir de la nation est d’engager une action d’envergure en matière de la politique de la ville dans les quartiers les plus fragiles. Celle-ci devra répondre de manière cohérente aux problématiques des quartiers.

Les futurs contrats urbains de cohésion sociale – ou leurs successeurs – doivent concentrer les moyens de tous les partenaires sur des actions qui contribuent à réduire les inégalités, à lutter contre le chômage, contre l’échec scolaire, à favoriser la connaissance de l’autre, et à assurer le bien vivre ensemble.

Il est essentiel de poursuivre et d’amplifier l’accompagnement social des familles en mobilisant les dispositifs existants, que ce soit en termes d’accès à l’emploi, à travers les maisons de l’emploi ou les missions locales, en termes d’accompagnement scolaire et de réussite éducative, ou encore en termes d’égalité d’accès à la santé.

C’est l’ensemble des acteurs d’une ville qui doivent se mobiliser, partager leurs informations pour engager les actions les mieux à même de répondre aux besoins d’un quartier.

Enfin, la création d’emplois et le développement économique restent la clé essentielle pour sortir les populations des difficultés.

En 2011, un autre dispositif, symbole de réussite de la politique de la ville, arrive à échéance : je veux parler des zones franches urbaines. Depuis 1996, la politique des zones franches urbaines a démontré son efficacité pour la revitalisation économique des quartiers et l’accès à l’emploi des publics qui en étaient éloignés. Malheureusement, les ZFU de dernière génération n’auront sans doute pas l’occasion de prouver toute leur efficacité, tant elles ont été freinées par des procédures administratives lourdes et interminables, par l’achat du foncier, par la résorption de friches, par les délais – légitimes au demeurant – de concertation avec la population sur les projets d’urbanisme.

L’état de nos finances publiques nous oblige, tous, à faire des choix responsables. L’état de nos quartiers nous impose d’établir des priorités. Il est essentiel que, au regard de la durée du dispositif, l’État assure l’équité entre les communes qui ont bénéficié du dispositif des dernières zones franches et celles qui en étaient pourvues de plus longue date.

Vous le voyez, madame la secrétaire d’État, les acteurs de terrain de la politique de la ville, et au premier rang les maires, sont toujours en attente d’une dynamique forte et renouvelée de la politique de la ville. Nous avons confiance dans votre volonté d’impulser celle-ci et nous serons au rendez-vous des décisions que vous prendrez en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà des postures partisanes, qu’il faut respecter, nous allons tous nous retrouver, nous qui sommes nombreux à être à la fois élus locaux et nationaux, sur certains constats. Ainsi, j’aurais pu faire mienne l’intervention de M. Vercamer.

François Pupponi et moi-même sommes chargés depuis quelques mois d’un rapport d’évaluation sur les aides aux quartiers défavorisés. Cela nous a amenés à faire différentes constatations qui vont exactement dans le sens des propos de M. Vercamer.

Nous devons tous considérer que ce domaine constitue une priorité absolue pour les politiques publiques. La situation d’un certain nombre de communes, de quartiers, de cités est telle – et cela est d’ailleurs méconnu par beaucoup de nos concitoyens – que nous ne pouvons pas tolérer qu’elle perdure plus longtemps. Cette plaie est une honte – le mot n’est pas excessif – pour notre pays. Nous ne pouvons pas laisser vivre ainsi une grande partie de nos compatriotes. Dans certains lieux, la misère sociale est terrible : dégradation de l’habitat, d’un niveau difficilement imaginable, chômage, échec scolaire, insécurité.

Cela étant, ceux qui réduisent les difficultés des quartiers aux questions de sécurité soit se trompent lourdement, soit trompent lourdement l’opinion. C’est évidemment un problème majeur qu’il faut traiter ; c’est à la fois une cause, une conséquence de l’état des quartiers. Mais ce n’est qu’un élément d’une politique d’ensemble.

Il importe en second lieu de s’entendre sur l’effort de solidarité massif que nous devons consentir. Les collectivités ayant des quartiers en difficulté sont souvent pauvres, voire extrêmement pauvres. Ce constat pose la question de la péréquation des finances locales, de la disparité des ressources alors que ces collectivités les plus pauvres ont généralement les besoins les plus criants et les plus lourds.

M. François Pupponi. Eh oui !

M. François Goulard. Cette solidarité doit s’exercer au plan national : c’est l’objet de ce débat. Mais elle s’exerce également au plan local, intercommunal, départemental, régional. Or les transferts entre communes, les péréquations au sein des intercommunalités, que l’on constate dans la plupart de nos régions, ne s’opèrent absolument pas en région parisienne. Je le dis sans aucun esprit de polémique : c’est une question de fond. Nul ne peut le nier, la ville de Paris est une collectivité riche. Or, à ses portes, on trouve des communes qui sont parmi les plus pauvres de France et où la dégradation des quartiers atteint un niveau très élevé. C’est un problème politique de premier ordre. Nul ne peut nier ce problème d’organisation territoriale.

Toutefois, prétendre que l’État n’a rien fait en matière de politique de la ville est totalement contraire à la vérité. Certains dispositifs sont actifs, massifs, et obtiennent des résultats. Le plan de rénovation urbaine en est l’illustration la plus accomplie, même si elle est loin d’être parfaite.

L’action de l’Agence nationale de rénovation urbaine a donné lieu à d’incontestables succès ; il y a eu des transformations dans des quartiers ; il y a eu de vraies réussites, même si ce n’est pas partout et si elles ne sont pas totales.

M. Daniel Goldberg et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avec quel argent ?

M. le président. Mes chers collègues, vous vous exprimerez tout à l’heure.

M. François Goulard. Ce n’est pas la peine d’être polémique en la matière.

Même s’il peut y avoir des points faisant question pour ce qui est du financement – et, les uns et les autres, nous les connaissons –, je serais tenté de dire : peu importe,…

Mme Marie-Hélène Amiable. Ben voyons !

M. François Goulard. …car un effort massif est engagé et il devra évidemment être poursuivi.

On ne peut pas admettre, par exemple, que, dans une commune, une partie du territoire ait été traitée – généralement de manière très convaincante –, alors qu’une autre ne l’a pas été. Laisser les choses en l’état, ce serait annihiler rapidement les efforts consentis jusqu’à présent. Il faudra donc poursuivre l’effort, mais celui-ci est réel et il a prouvé son efficacité.

Certaines administrations de l’État ont, au moins dans l’affichage de leurs priorités et dans la mise en œuvre de leurs moyens, intégré la problématique des quartiers. Je veux saluer par exemple l’éducation nationale : même s’il y a beaucoup à dire sur la manière dont sont conduites les actions et sur le manque de souplesse des dispositifs, on y constate une vraie prise en compte des problématiques des quartiers. A contrario , il existe aussi – et il faut le déplorer – des administrations qui n’ont pas totalement reconnu la place que doivent avoir les quartiers.

M. Pierre Cardo. C’est vrai !

M. François Goulard. Un exemple parmi d’autres : l’administration de l’emploi intègre de manière tout à fait insuffisante les spécificités, pour ne pas dire les difficultés particulières de nos quartiers.

Ce que je voudrais dire très simplement cet après-midi, c’est que, au-delà de la solidarité financière nécessaire, qui est globale mais aussi locale, nous avons sans doute besoin de redéfinir nos modalités d’action, trop marquées par les rigidités et les habitudes administratives. Il y a un besoin évident de décentralisation, car ce sont les élus locaux qui peuvent conduire ces politiques. Il faut absolument réunir dans une seule main les actions conduites dans les quartiers.

Mme Marie-Hélène Amiable. C’est vrai !

M. François Goulard. Ce n’est pas en juxtaposant l’action de diverses administrations – dont les fonctionnaires sont animés des meilleures intentions du monde – que l’on réussira : il faut de l’unité et de la cohérence. Or celle-ci n’est pas au rendez-vous aujourd’hui. Il ne faut pas hésiter à décentraliser, c’est-à-dire à faire confiance, pour rencontrer l’efficacité.

François Pupponi et moi-même sommes allés aux Pays-Bas il y a quelques semaines. Il est frappant de voir que, dans un pays comme celui-là, on donne aux communes l’intégralité des moyens pour agir. Ainsi, les emplois aidés sont à la disposition des maires ; ils ne restent pas entre les mains de l’État. C’est une seule et même autorité qui est intégralement responsable de la conduite de l’action dans les quartiers, et il me semble que c’est la condition nécessaire de l’efficacité.

Je voudrais dire aussi qu’il faut absolument que tous les aspects soient traités en même temps. Or, de ce point de vue, nous avons connu quelques défaillances. Par exemple – on l’a dit – les aspects économiques ont été par trop négligés, alors qu’ils sont évidemment essentiels. Il y a l’action du service public de l’emploi, sans doute, mais également la promotion de l’activité économique. Les zones franches urbaines ont été un outil efficace, mais que seront-elles demain avec l’évolution de la fiscalité locale ? C’est un vrai sujet d’interrogation, et ce n’est pas le seul : les locaux d’activité sont également absolument nécessaires, or ils ont été jusqu’à présent oubliés dans la plupart des programmes de rénovation urbaine.

M. Francis Vercamer. Tout à fait !

M. François Goulard. Ainsi, madame la secrétaire d’État, devant vous et devant la représentation nationale, je voudrais à nouveau dire à quel point nous devons tous nous engager. Surtout, les moyens doivent être maintenus, voire augmentés par une meilleure redistribution des ressources entre les collectivités locales. Nous devons absolument revoir en permanence nos modes d’action, qui ont rencontré un certain nombre de succès jusqu’à présent, mais se sont révélés insuffisants pour transformer vraiment ces quartiers. Il faut absolument continuer à œuvrer et rechercher l’efficacité par l’action locale, par la concentration des moyens et par la cohérence d’ensemble des dispositifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Pierre Cardo. Qui, j’espère, gardera son calme ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 8 février 2008, le Président de la République réunissait l’ensemble des acteurs de la politique de la ville pour présenter un plan dénommé Espoir banlieues, qui concrétisait ce qu’il avait appelé lui-même le plan Marshall en faveur des quartiers populaires : désenclavement des quartiers par de nouveaux transports en commun, lutte contre l’échec scolaire grâce aux écoles de la seconde chance, renforcement de la sécurité des habitants avec la mise en place d’unités territoriales – ce sont quelques exemples pris dans le florilège de mesures qui devait enfin mettre un terme à la ghettoïsation de certains quartiers de nos banlieues et au mal-vivre de leurs habitants.

Deux ans après, qu’en est-il de ces mesures et, plus encore, des conditions de vie de nos concitoyens ? Qu’est-il sorti de ces promesses ? Le constat est, à mes yeux, terriblement simple et laconique : les banlieues ont été parmi les territoires les plus touchés par les effets de la crise économique. Leurs habitants ont souffert et souffrent encore plus que les autres : baisse du pouvoir d’achat, hausse terrible du chômage ou des emplois précaires, rupture des solidarités ; moins de logements, moins de soins et la cohésion sociale qui « fout le camp ».

Pourtant, ces territoires et ces gens auraient dû être les premiers à bénéficier des mesures de soutien de l’État. Et c’est tout le contraire qui s’est passé ! Engagé dans le sauvetage budgétaire des banques, puis dans des mesures de rigueur pour tenter de limiter, si ce n’est de réduire, le déséquilibre budgétaire qui doit autant, à nos yeux, aux dépenses inconsidérées d’un État partisan qu’à la crise qui lui sert aujourd’hui de prétexte, le Gouvernement a soutiré des ressources financières en gelant les crédits des secteurs déjà délaissés, comme le logement et la politique de la ville. Je rappelle à cet égard que l’État ne finance plus les opérations de renouvellement urbain et qu’il ne subventionne plus les travaux dans le bâti insalubre.

Malgré vos intentions et votre volonté, le plan banlieues a été tout simplement sacrifié. Ainsi, le budget que l’État a consacré en 2010 à la politique de la ville a diminué de près de 7 % en autorisations d’engagement ; or ce sont elles qui font les moyens d’une politique. Une nouvelle fois, les moyens supplémentaires qui ont été promis se sont transformés en un saupoudrage pour donner bonne conscience, parfois pour apaiser, souvent pour communiquer, aussi indécent qu’inefficace.

L’échec des contrats d’autonomie illustre cette dérive qui consiste à dépenser de l’argent public sans obtenir de résultats. Et s’il n’y a pas de résultats, c’est parce que la politique de la ville n’est pas portée par ce Gouvernement ; elle n’est pas voulue par ceux qui fixent sa politique.

Ce débat est donc l’occasion pour moi d’exprimer de la colère face à cette démission de l’État qui a déserté les quartiers tout en distillant un climat de suspicion et de défiance, à l’encontre de toute fraternité. Oui, madame la secrétaire d’État, ces quartiers, loin des ambitions insincères du plan Marshall, sont plus que jamais stigmatisés.

Mais, au-delà de ma colère, je voudrais vous faire part de l’inquiétude de l’ensemble des élus locaux qui agissent au quotidien pour améliorer la vie de leurs concitoyens. En effet, le plan de rigueur annoncé la semaine dernière par le Premier ministre semble sonner le glas de toute action d’envergure en faveur des banlieues, alors que, dans le silence et l’indifférence générale, on atteint chaque jour davantage un niveau que certains d’entre nous considèrent déjà comme le point de non-retour.

Madame la secrétaire d’État, je m’étais promis de ne pas m’embarrasser de précautions avec vous aujourd’hui, ce que pourtant je me refuse toujours à faire, parce que votre mission est respectable et que vos convictions le sont tout autant. Mais, il y a trois jours, avec les collègues du territoire dont je suis l’élu, j’ai achevé la rédaction d’un rapport d’étape de 120 pages, alors que nous savions déjà que notre territoire serait exclu des stratégies mises en œuvre. Dans nos territoires, l’équilibre est précaire et nous ne voulons pas le voir se rompre. Nous ne pouvons pas, trente ans après avoir lancé les premières actions en matière de prévention de la délinquance et de politique de la ville, prendre le risque de voir tout s’effondrer. Le rôle d’un secrétaire d’État, c’est de défendre son budget et d’obtenir plus de moyens pour l’action qu’il conduit ; et, pour formuler des exigences, il peut s’appuyer sur les élus.

Je finirai donc mon intervention par des questions simples auxquelles, je l’espère, vous donnerez des réponses – non pas pour moi, mais pour tous ceux qui, aujourd’hui, attendent des réponses claires de l’État. Qu’avez-vous obtenu concrètement depuis trois ans en faveur des quartiers populaires ? Quelles ont été les actions de votre secrétariat d’État, tel qu’il a été voulu par ceux qui conduisent la politique de ce Gouvernement – vous voyez que je prends malgré tout des précautions envers vous (Sourires) –, qui ont débouché sur une amélioration réelle des situations ? Car, madame la secrétaire d’État, nous portons avec vous une exigence : celle de réussir. Et c’est sur ce point que portent mes questions : très objectivement, sommes-nous capables, trois ans après, de dire que nous avons – je partage le fardeau avec vous – fait bouger un peu les lignes dans le bon sens ? Dites-moi, madame la secrétaire d’État, ce qui a changé dans le quotidien des Français dans ces quartiers, par l’action du Gouvernement dont vous êtes membre et donc – je vous le rappelle – solidaire et coresponsable ?

Par ma voix, sans mépris ni irrespect, c’est l’immense déception et – pourquoi ne pas le dire ? – la grande rancœur qui, aujourd’hui, submergent tous les acteurs de la politique de la ville que j’ai souhaité exprimer. Les élus locaux ne peuvent même plus rassurer ces acteurs, ni leur garantir un accompagnement sans faille. C’est cette rancœur et cette inquiétude que j’ai souhaité exprimer. Il n’est jamais trop tard, et c’est le budget que vous préparez qui donnera le signal de l’apaisement ou du tumulte.

Au-delà des mots, il faut donner du sens à la péréquation, au renouvellement urbain ; veiller à l’application réelle et ferme de la loi de solidarité urbaine, à la dotation de fonctionnement, à la fonctionnalité opérationnelle des dispositifs et à la stabilité pluriannuelle des engagements de l’État. À cet égard, je dirai un jour le nombre de politiques qui ont été mises en place et que nous avons dû revoir deux ans après, au nom de tel ou tel indice, de telle ou telle stratégie. Il faut que vous arrêtiez cela, madame la secrétaire d’État ! Je sais bien que cette responsabilité est lourde, mais il faut que l’État cesse de changer sans arrêt,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …en fonction de ses problèmes budgétaires, des circonstances ou des difficultés qu’il doit assumer par ailleurs. Il faut qu’il cesse d’être le pire des partenaires de la politique de la ville.

Parlez-nous aussi du maintien des effectifs des fonctionnaires de police dans les territoires, du maintien des services publics dans les quartiers ; parlez-nous concrètement de l’accompagnement de nos missions locales, qui se trouvent, petit à petit, en décalage avec l’action ; parlez-nous de la prévention de la délinquance, mais pas seulement en termes sécuritaires, car il y a aussi le travail quotidien, c’est-à-dire la lutte contre la toxicomanie ou encore les efforts accomplis pour l’insertion des familles. Tels sont les objectifs auxquels il faut que nous donnions un sens, en ne s’en tenant pas aux mots.

N’oublions pas, enfin, bien entendu, l’accompagnement périscolaire. Quand on voit que l’éducation nationale se retourne vers un maire pour lui dire qu’elle ne sait pas comment s’occuper d’un enfant de neuf ans et qu’elle lui demande de l’aide en attendant qu’une solution soit trouvée, où est la République, madame la secrétaire d’État ? Où est notre État ? Voilà les problèmes que nous devons assumer !

Aussi, je vous en supplie : acceptez d’affronter les autres membres du Gouvernement ! Si vous ne pouvez pas être comblée dans vos attentes, acceptez de les affronter pour aller jusqu’au bout de vos convictions.

M. le président. C’est terminé, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine, monsieur le président.

Ne vous contentez pas d’écrire des lettres : menez le combat, madame la secrétaire d’État. Nous serons nombreux à le mener avec vous, pour que l’on sache vraiment, à la fin, si l’État et ce Gouvernement veulent poursuivre en direction des quartiers une vraie politique de la ville au service de leurs habitants et en rétablissant la République là où, pour l’instant, elle commence à manquer durement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite que notre assemblée se saisisse, sur proposition du groupe GDR et de ma collègue Marie-Hélène Amiable, de la question de la réduction des inégalités territoriales.

Car, malgré les déclarations volontaristes, une évidence s’impose : la politique de la ville est le parent pauvre de l’action gouvernementale. Les budgets fondent, les arbitrages cruciaux sont repoussés depuis plus d’un an. Cette navigation à vue place les élus locaux et les acteurs associatifs dans l’incertitude.

Pendant ce temps, la crise économique frappe durement les habitants précaires des banlieues. La fracture entre ce qu’on appelle des ghettos de pauvres et ce qu’il convient d’appeler des ghettos de riches s’aggrave dangereusement. « Ces poches de misère sont des bombes à retardement. À trop attendre pour les faire disparaître, il risque d’être trop tard pour éviter l’instauration d’un mur d’incompréhension et d’intolérance » : à ce cri de colère que je poussais déjà dans cet hémicycle en 1990, je n’ai malheureusement rien à retrancher aujourd’hui.

Des violences inacceptables se sont produites récemment à Tremblay-en-France, comme dans bien d’autres villes. Cette violence met à jour une profonde relégation sociale que je combats en tant que maire depuis des années, mais dont l’État n’a jamais pris toute la mesure. Ne nous y trompons pas : nous ne sommes pas dans un état de guerre, mais en état d’urgence sociale.

Comment accepter que la région Île-de-France, plus riche région d’Europe, concentre des territoires d’extrême pauvreté ? La moitié des jeunes de moins de dix-huit ans de Seine-Saint-Denis vit sous le seuil de pauvreté, contre 8 % dans les Yvelines. L’échec scolaire y est de dix points supérieur à la moyenne nationale. Le revenu fiscal moyen d’un habitant de Clichy-sous-Bois atteint péniblement le quart de celui d’un habitant de Neuilly-sur-Seine.

Derrière la froideur des chiffres, ce sont des citoyens qui subissent au quotidien la négation même du principe d’égalité républicaine. L’État a une responsabilité écrasante dans la spécialisation des territoires, car il a soutenu un capitalisme créateur d’inégalités.

N’oublions pas que la politique de la ville est née de cet échec. Par une politique de classe, l’État a regroupé les populations laborieuses dans des cités-dortoirs, et imposé un urbanisme de tours et de barres. Par choix idéologique, l’État a créé des pôles d’extrême richesse, comme à La Défense, sans veiller à la mixité sociale.

Les banlieues restent meurtries par ces fractures urbaines au cœur des villes. Je salue l’engagement des élus locaux, de tous mes collègues, qui se sont battus pour en faire des lieux de vie, pour les doter d’équipements et de services publics dignes de ce nom, car aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a placé la banlieue au cœur des politiques publiques.

La politique de la ville est indispensable dans une logique de rattrapage. Mais elle demeurera un supplément d’âme inefficace tant que les orientations libérales du Gouvernement renforceront les inégalités scolaires, économiques ou locatives.

La flexibilisation du marché du travail accentue la précarité. La privatisation des services publics brise le lien social. Un chômage de masse s’ancre dans les quartiers : il dépasse 17 % en zone urbaine sensible, contre 7 % hors de ces quartiers.

Le Gouvernement a renoncé à l’objectif de mixité sociale. Les surloyers déstabilisent des villes à l’équilibre précaire en chassant les classes moyennes. La Caisse des dépôts se retire du financement du logement social, désormais promis aux populations en extrême pauvreté.

L’affectation des contingents préfectoraux s’inscrit dans cette logique de ghettoïsation. Dans les immeubles les plus fragilisés de Tremblay-en-France, notamment dans le Grand Ensemble, où l’on compte zéro cadre et 74 % d’ouvriers, l’État reloge depuis plusieurs années majoritairement des familles en grande difficulté, provenant à près de 80 % de zones ANRU. C’est irresponsable ! Comment la municipalité pourrait-elle rétablir l’équilibre avec trente-cinq attributions par an sur un parc social de 3 000 logements ?

La quasi-totalité des reconstructions ANRU de la Seine-Saint-Denis se fait sur site, à cause du manque de solidarité de certaines communes. Yazid Sabeg a ainsi souligné les lacunes de la rénovation urbaine sur le plan de la mixité.

Quand allez-vous sanctionner ces villes hors-la-loi qui violent le quota SRU de logement social ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. François Goulard. Cela concerne aussi des villes de gauche, d’ailleurs.

M. François Pupponi. Hélas !

M. François Asensi. Comme l’a rappelé Marie-Hélène Amiable, la politique de la ville échoue à réduire les inégalités. Mais comment le pourrait-elle, alors que le Gouvernement se désengage financièrement ?

On ne peut que partager l’accent mis sur le retour au droit commun dans les quartiers populaires. Mais, dans un contexte d’austérité budgétaire et de RGPP, le droit commun est une bourse vide ; c’est un leurre justifiant la suppression des crédits spécifiques de la politique de la ville.

La dernière loi de finances a ainsi supprimé 10 % des crédits. Ce sont des moyens en moins pour la médiation, l’accompagnement éducatif et le travail des associations de terrain, notamment dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale.

Vous m’objecterez le budget de la rénovation urbaine. C’est, je le reconnais, une mesure essentielle qu’aucun gouvernement n’avait eu le courage d’engager. Mais je n’oublie pas que vous avez supprimé les 430 millions d’euros de crédits de l’ANRU et confié son financement au 1 % logement sans garantir un ANRU 2.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. François Asensi. Cet investissement urbanistique massif ne peut aller sans des crédits équivalents pour le volet social. Les habitants ne comprennent pas que l’argent soit disponible pour le bâti, mais que les caisses soient vides, ou quasiment vides, pour aider les populations et les associations.

Madame la secrétaire d’État, je partage l’impatience dont vous avez fait part au Premier ministre, même si je ne partage pas vos propositions de réforme de la politique de la ville. Incontestablement, la géographie prioritaire doit être refondée. Il est incompréhensible que le grand ensemble de Tremblay-en-France, le plus grand quartier populaire de Seine-Saint-Denis avec 3 000 logements d’un seul tenant, n’ait obtenu ni programme de rénovation urbaine ni inscription en ZUS.

Les indicateurs y sont alarmants : un taux de chômage de 30 %, 62 % de logements sociaux, 40 % de non-diplômés, et, dans certains îlots, un revenu médian de 728 euros mensuels, c’est-à-dire moins que le seuil de pauvreté.

À l’inverse, certaines villes bénéficient des crédits de la politique de la ville sans respecter la loi SRU et sans présenter une telle fragilité sociale : sans montrer personne du doigt, je peux citer Boulogne-Billancourt.

Les critères d’attribution du zonage et des dotations de l’État doivent prendre davantage en compte la situation sociale des populations. Le potentiel fiscal n’efface pas le manque de capital économique et culturel des familles et il doit être mis en regard des charges qui pèsent sur les communes. Comment assurer la solidarité communale lorsque près de la moitié des habitants de La Courneuve ou le tiers des habitants de Tremblay-en-France résident dans un quartier défavorisé ?

Pour autant, je refuse la suppression de la géographie prioritaire. La réduction des zones d’intervention prônée par le Gouvernement masque des considérations purement budgétaires.

Au vu des difficultés que rencontre la quasi-totalité de la Seine-Saint-Denis, l’ensemble du département devrait être prioritaire et bénéficier de moyens d’exception ; il devrait notamment être exempté de surloyers.

MM. Pierre Cardo et François Goulard. Même Le Raincy ? (Sourires.)

M. François Asensi. Mais l’obstacle majeur à la réduction des inégalités demeure l’injustice criante des finances locales. Un Sevranais paie une taxe d’habitation près de deux fois supérieure à celle d’un Parisien du 7 e  arrondissement – celui où se trouve l’Assemblée nationale – sans bien sûr bénéficier des mêmes infrastructures. Comment accepter cette double peine sociale et fiscale ?

Le renforcement des solidarités intercommunales est indispensable, mais il ne résoudra pas le profond déséquilibre qui existe entre l’est et l’ouest de la région capitale.

Le principe de péréquation inscrit dans la Constitution est resté lettre morte. Les villes classées en ZUS touchent en moyenne quarante-neuf euros par habitant de dotation de solidarité urbaine, contre quarante-trois euros pour les villes sans ZUS. La part de la DSU dans la dotation globale de fonctionnement doit progresser ; la dotation de développement urbain doit immédiatement être doublée. Leur répartition doit profiter aux villes en difficulté.

Selon la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, la suppression de la taxe professionnelle renforcera l’injustice fiscale. Les territoires accueillant des activités industrielles seront pénalisés par rapport aux territoires dont les activités sont plus largement tertiaires. La nouvelle contribution économique territoriale fera ainsi perdre 50 millions d’euros de recettes à la Seine-Saint-Denis, alors que les Hauts-de-Seine en gagneront 130 millions !

Les fonds de péréquation sont supprimés. Mais par quoi seront-ils remplacés et seront-ils rehaussés ?

À toutes ces interpellations, il est urgent que le Gouvernement apporte des réponses dans le sens d’une plus grande solidarité envers les villes populaires.

Je suis convaincu que l’avenir de notre République se joue dans ces territoires, riches de leur diversité et de leurs talents, ces territoires où des millions de salariés modestes et de jeunes font preuve d’une grande force de caractère pour briser les plafonds de verre et les discriminations. Madame la secrétaire d’État, ces banlieues veulent simplement que la République assure enfin sa promesse d’égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat permet de mettre en lumière les efforts déployés par le Gouvernement, et par vous-même, madame la secrétaire d’État, avec votre détermination et votre cœur, pour aider les quartiers prioritaires à surmonter les nombreuses difficultés qu’ils rencontrent.

Cette politique transversale, ambitieuse, mérite toute notre attention puisqu’elle concerne 8,3 millions de personnes qui vivent dans ces quartiers difficiles, et pour qui les problèmes économiques et sociaux s’ajoutent bien souvent aux problèmes urbains.

Ce débat nous invite à nous interroger sur les raisons qui nous poussent à remettre constamment l’ouvrage sur le métier. Ce questionnement est essentiel pour affiner notre action et répondre au mieux aux attentes.

Voilà trente ans que les gouvernements successifs, que les acteurs de la ville, que les élus locaux déploient toute leur énergie, soutenus par d’importants moyens ; et malgré tout de nombreux problèmes subsistent.

Que faire ? Ne rien faire ? S’en tenir à la replanification urbaine, à la rénovation des immeubles et de l’environnement des quartiers ? La solution n’est pas là ; la marche à suivre n’est pas évidente. Le Président de la République l’a affirmé : la politique de la ville doit être transversale, interministérielle, afin de s’attaquer au malaise urbain, économique et social.

On ne peut, au nom de la devise même de notre République, accepter que des millions d’hommes, de femmes, et de jeunes qui sont l’avenir de notre pays, restent à l’écart de notre société et soient enfermés dans un ghetto qui s’impose à eux comme une fatalité. C’est l’unité et la cohésion sociale de notre pays tout entier qui sont en jeu.

Je l’ai dit : après trente ans d’efforts en faveur des quartiers, le sujet demeure d’actualité et l’est même de plus en plus au regard des nombreuses fractures qui demeurent. Quel bilan peut-on dresser, quels sont les résultats obtenus au regard des objectifs fixés ?

Depuis 1996, 751 quartiers prioritaires ont été classés comme zones urbaines sensibles et 2 200 quartiers prioritaires sont couverts par la politique de la ville : depuis lors, aucun quartier n’est sorti de ce zonage. Cela marque-t-il un échec ? Je ne le pense pas ; je pense néanmoins – et cela, madame la secrétaire d’État, vous l’avez installé au cœur de votre action – qu’à la rénovation urbaine doit être ajoutée la rénovation, et même la redynamisation sociale. Il s’agit d’un point essentiel si nous voulons une transformation durable des quartiers difficiles.

La difficulté de faire naître un nouveau souffle social : voilà bien souvent ce à quoi nous nous heurtons, nous, élus locaux qui sommes sur le terrain. Rénover les immeubles, repenser l’urbanisme, améliorer l’environnement urbain : tout cela doit être un préalable indispensable – et je salue ici le travail considérable conduit par l’ANRU sous l’autorité infatigable de notre collègue Gérard Hamel.

M. François Goulard. Notre infatigable et brillant collègue !

M. Bernard Gérard. Parallèlement, il est tout aussi primordial de favoriser ce nouveau souffle social. Cette ambition, nous la partageons tous, agents de l’État, élus locaux, associations, partenaires privés parfois, et nous nous devons de réussir.

Les projets pour ce développement social sont nombreux ; le Gouvernement s’y emploie pleinement, avec énergie et détermination. Je n’énoncerai pas, madame la secrétaire d’État, tous les dispositifs que vous faites vivre dans ce sens et qui sont fondamentaux.

Je souhaiterais, en revanche, vous donner mon sentiment d’élu de terrain et vous faire part de mon expérience. J’ai, dans une partie de ma ville, conduit un plan de rénovation urbaine – avec des crédits classiques, car ce n’est pas une zone urbaine sensible. Il a réussi à créer un environnement de haute qualité, avec piscine et stade. Nous avons mis la dimension sociale au cœur de ce projet : création d’une maison de jeunes, mis en place de jardins partagés, maisons de quartier, associations de quartiers, maintien d’une supérette, création d’une boutique solidaire, lieux de culte. Toutes ces mesures fonctionnent, mais ce souffle social dont je vous parlais n’est pas toujours facile à trouver, et rien ne me paraît jamais acquis.

Trouver le bon angle d’attaque, engranger les expériences sont autant de moyens pouvant aider à atteindre cette transformation souhaitée.

Sortir les quartiers de l’isolement, c’est aussi faire revenir les commerces, les activités culturelles, les loisirs, les services publics. Redynamiser l’activité commerciale, c’est l’objectif poursuivi par un établissement public que modestement je préside : l’EPARECA, dont peut-être on ne parle pas suffisamment. L’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, créé en 1996, est chargé de la restructuration commerciale dans les quartiers en difficulté. C’est un outil original, car il est l’équivalent d’un opérateur privé tout en disposant de prérogatives de puissance publique.

L’EPARECA est un outil pragmatique à vocation sociale qui entend créer ou rétablir le premier confort de proximité que représente le commerce au cœur des quartiers en difficulté. Il privilégie le service et la convivialité en ville. Il a également la particularité d’être un outil d’impulsion de l’activité économique des quartiers : son intervention n’a pas vocation à durer. En effet, cet opérateur favorise la mise en place de toute initiative privée susceptible de se développer. L’intervention de l’EPARECA se fait dans une logique transitoire qui vise le retour au droit commun au plus tôt, et je pense que nous y réussissons.

Depuis sa création en 1996, nous avons mené des opérations dans de nombreuses communes – de Hem, commune de M. Vercamer, à la ville de Saint-Étienne – à la grande satisfaction tant des commerçants que des habitants. Les commerçants témoignent du succès rencontré en insistant sur le fait que des jeunes du quartier ont été embauchés afin de favoriser l’emploi et l’appropriation des outils mis à leur disposition. Les commerces attirent même des habitants des quartiers voisins. On ne peut que se féliciter de cette démarche.

Le financement de l’EPARECA est aujourd’hui assuré à hauteur de 11 millions d’euros qui viennent des 65 millions du FISAC. Ce n’est pas rien et je tiens particulièrement à vous remercier, madame la secrétaire d’État, pour le soutien que vous avez toujours apporté à l’EPARECA avec votre collègue, M. Hervé Novelli. Cet argent permet de traiter les 100 ou 150 dossiers qui restent en suspens dans notre pays, en complément des 100 sites sur lesquels nous intervenons déjà, auxquels s’ajoutent une dizaine d’opérations nouvelles par an, contre les cinq ou six que nous réalisions il y a quelques années encore. Vous le constatez, madame la secrétaire d’État, il est essentiel de garantir à l’EPARECA les pleins moyens de son action au service des quartiers pour les années à venir. C’est un devoir. Ne pas le faire serait une faute.

Je tiens également à souligner la nécessaire appropriation par les habitants des quartiers prioritaires, notamment les jeunes, des dispositifs qui sont mis en place.

Sous votre impulsion, le Gouvernement témoigne de cette dynamique d’appropriation et d’accompagnement et traduit ses engagements par le dispositif Espoir banlieues. Celui-ci comprend de nombreuses actions en matière d’éducation, d’emploi, pour changer durablement les conditions de vie des habitants, pour lutter contre le chômage plus important là qu’ailleurs, pour combattre la précarité, pour prévenir le décrochage scolaire, autant de difficultés qui plongent bien souvent ces quartiers dans le pessimisme.

Le plan Espoir banlieues, lancé en 2008 par vos soins, madame le secrétaire d’État, mobilise l’ensemble du Gouvernement vers un objectif commun : renforcer, là où le besoin est le plus pressant, les politiques dites de droit commun. Je voudrais souligner ici les dispositifs mis en place en faveur de l’éducation, vecteur essentiel du lien social et de l’accès à l’emploi. Dans une ville, ce n’est pas la culture qui coûte cher, c’est bien souvent l’absence de culture ; ce n’est pas le social qui coûte cher, c’est l’absence de politique sociale.

M. François Goulard. C’est vrai !

M. Bernard Gérard. De nombreux jeunes des quartiers sensibles rencontrent des difficultés : 32 % des habitants des ZUS ont moins de vingt ans. Cette population doit être la cible de nos efforts. Elle attend cela de nous.

C’est ce que vous faites, madame la secrétaire d’État, avec les écoles de la deuxième chance, l’accompagnement éducatif, les cordées de la réussite ou encore les internats d’excellence.

Nombreuses sont les actions conduites également pour favoriser l’emploi. De nombreux échanges, mais aussi des expériences montrent que beaucoup d’initiatives sont entreprises. Des ponts sont créés notamment au niveau du secteur privé avec des grandes entreprises qui, au travers de leurs fondations, aident de jeunes entrepreneurs à prendre leur envol. Tout cela est à mettre en valeur et à encourager.

Favoriser l’emploi, c’est aussi faciliter les conditions de travail. Je réfléchis, dans le cadre de l’EPARECA, au développement de micro-hôtels d’entreprises où les habitants des quartiers qui le souhaitent, auto-entrepreneurs, artisans, pourraient trouver les équipements nécessaires à l’exercice de leur activité parfois freinée par des questions logistiques : l’espace, le transport. L’accès aux nouvelles technologies doit être encouragé, pourquoi pas par la mise en place d’espaces publics numériques.

M. André Wojciechowski. Bonne idée !

M. Bernard Gérard. Nous avons le devoir de proposer un endroit pour que ces personnes puissent exercer leur activité professionnelle dans ces quartiers.

Privilégier l’accompagnement plutôt que l’assistanat…

Mme Marie-Hélène Amiable. Pour cela il faut des enseignants !

M. Bernard Gérard. …favoriser l’appropriation des actions engagées par l’État par les quartiers difficiles eux-mêmes, voilà les conditions de la réussite de la politique de la ville. C’est dans ce sens que tous les acteurs sont mobilisés et que nous devons poursuivre nos engagements. Je sais, madame la secrétaire d’État, la conviction que vous mettez au service de votre action, que je tiens à saluer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’était un compte rendu EPARECA !

Mme Monique Iborra. Un bilan d’activités en tout cas !

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a quelques semaines, le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, présidé par M. Yazid Sabeg, a rendu son rapport annuel sur le programme lancé il y a cinq ans. Celui-ci est alarmant à plus d’un titre. En effet, si des modifications importantes ont eu lieu sur le bâti, rien n’est venu endiguer le phénomène de ghettoïsation sociale de certains quartiers. L’Observatoire national des zones urbaines sensibles avait d’ailleurs abouti aux mêmes conclusions dans son rapport quelques mois auparavant.

Je ne sais pas si ce programme entre totalement dans votre champ d’intervention, madame la secrétaire d’État, mais je voulais commencer par lui, car je crois qu’il est symbolique de la politique de la ville telle que la conçoivent nos concitoyens.

Je commencerai par souligner le non-respect de certains engagements, comme la règle du « un pour un », c’est-à-dire un logement reconstruit pour un logement démoli. Au niveau national, l’objectif n’a pas encore été atteint. Certes, de grands logements démolis sont remplacés, et la règle du « un pour un » est donc respectée, mais ils sont remplacés par de plus petits qui, de fait, n’accueillent pas les mêmes familles : quand on remplace un F5 par un F2 ou un F3, ce ne sont pas les mêmes familles qui les occupent.

M. Pierre Cardo. La gauche n’a jamais voulu voter ce volet de la loi SRU !

M. Daniel Goldberg. Aucun résultat n’est obtenu dans le domaine de la mixité sociale, aucune résorption des inégalités sociales et territoriales. Ce rapport, comme les précédents, confirme les signaux d’alarme tirés par les parlementaires socialistes depuis des mois.

M. André Wojciechowski. Pas que par eux !

M. Daniel Goldberg. C’est vrai.

La rénovation urbaine ne peut s’arrêter aux façades. C’est à une action de grande ampleur pour améliorer concrètement la vie de millions d’habitants que nous vous appelons. Cela demande une volonté politique d’un État qui s’obligerait à construire des logements sociaux accessibles au plus grand nombre dans les villes qui s’y refusent. Or, au fond, vous n’y avez jamais consenti, y compris à l’occasion du projet de loi sur le Grand Paris, qui trouvera demain sa conclusion parlementaire en commission mixte paritaire.

M. André Wojciechowski. Vous êtes sévère.

M. Daniel Goldberg. Cela demande des moyens, mes collègues l’ont répété, puisque l’État s’est totalement désengagé du financement de la rénovation urbaine depuis des années en ponctionnant sans retenue le 1 % logement. D’ailleurs, les responsables d’Action Logement, l’ex 1 % logement, ont, lors de leur récent congrès, pointé le risque que faisaient peser ces ponctions de l’État sur la survie de leur dispositif.

Si la moralisation du 1 % logement était sans doute nécessaire, l’asphyxie à laquelle l’État le contraint le met en péril et risque d’entraîner une crise budgétaire, notamment une crise de trésorerie à l’ANRU – son président, qui interviendra au titre de parlementaire après moi, nous en parlera sans doute.

La rénovation urbaine, cela a été dit, ne peut s’arrêter à mi-chemin. Dans ma ville de La Courneuve, c’est la rénovation de tout le quartier dit des 4000 nord qui pourrait être bloquée. C’est un message personnel que je lance, à vous, madame la secrétaire d’État ainsi qu’au président du conseil d’administration de l’ANRU.

Face au risque de faiblesse de ce dispositif de l’Agence nationale de rénovation urbaine, mais aussi de l’ANAH, la question est simple et j’aimerais que ce débat, qui ne doit pas rester une succession de monologues, y réponde : ou bien vous nous annoncez que vous vous résignez au constat que je viens de décrire, ou bien vous êtes en mesure de dire à la représentation nationale quels sont les nouveaux moyens budgétaires que l’État compte engager dès 2011 et, au-delà des mots, quels sont les outils que vous allez mettre en œuvre pour faire cesser ce qui s’apparente à une assignation sociale à résidence pour de nombreux habitants des quartiers populaires.

Nous pourrions vous suivre dans cette volonté d’aller, au-delà de votre champ d’intervention, sur le champ du droit commun et de faire en sorte que la politique menée en direction des quartiers populaires ne soit pas celle qui ressort strictement de votre secrétariat d’État.

Malheureusement, le bilan de la lutte contre les discriminations de l’ensemble des ministères n’est pas satisfaisant. Il y a un peu plus de un an, nous avions débattu devant vous d’une proposition de loi sur la lutte contre les discriminations qui comportait un certain nombre de dispositions très concrètes.

M. André Wojciechowski. Tout à fait !

M. Daniel Goldberg. À l’époque, il nous avait été rétorqué que la proposition de loi ne pouvait pas être adoptée parce que le Gouvernement comptait avancer sur ce sujet. Qu’avons-nous eu à la place ?

Mme Monique Iborra. Rien !

M. Daniel Goldberg. Le débat sur l’identité nationale.

Nous avons voulu avancer sur la réduction des inégalités sociales, sur le fait que la fiscalité permette la péréquation. Qu’avons-nous eu ? Le ticket modérateur. Et la communauté d’agglomération de Plaine Commune dont je suis l’un des élus doit rembourser des sommes à plusieurs entreprises.

Nous avons voulu avancer sur la réduction des inégalités spatiales et, en réalité, rien ne se passe. Et des ghettos de familles plutôt favorisées font en quelque sorte sécession de la République en voulant s’affranchir des règles collectives.

Nous vous avons questionnés, vous et vos collègues, sur la crise du logement. On nous répond ventes HLM, dispositifs d’investissements locatifs type Scellier, c’est tout.

Nous voulions avancer sur le dossier de la réussite scolaire, en prévoyant des moyens humains dans les écoles parce que nous pensons que, si les moyens techniques peuvent être utiles, un portique ne remplacera jamais un adulte dans une école, ne serait-ce que pour faire respecter les règles de sécurité. Vous nous annoncez des dispositifs uniquement techniques et pas de moyens supplémentaires pour les collectivités territoriales, pas de moyens supplémentaires pour faire baisser le nombre d’élèves par classe quand c’est nécessaire.

Nous voulions avancer sur la péréquation des moyens des collectivités territoriales, François Asensi en a parlé tout à l’heure, sur le projet de loi du Grand Paris. Aucune décision n’est prise, au contraire. En Île-de-France par exemple, aucune avancée n’est faite sur une péréquation financière, sur l’équivalent d’une taxe professionnelle unique à l’échelle francilienne.

Nous voulions avancer sur la solidarité nationale – j’ai parlé de l’ANAH et de l’ANRU. Et, finalement, seuls les salariés permettent, par le biais du 1 % logement, de rénover les logements des seuls salariés par l’intermédiaire de l’ANAH.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Gérard Hamel. Avec quand même un petit appui des entreprises ! Rendons à César ce qui est à César !

M. Daniel Goldberg. Vous avez raison, les salariés contribuent au titre de leurs cotisations et les entreprises cotisent au titre du logement des salariés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela ne change rien au fait que l’État ne met pas un rond !

M. Daniel Goldberg. En fait, c’est la solidarité des seuls salariés pour les salariés qui joue, et pas une solidarité nationale, comme c’était le cas au moment du lancement du dispositif.

Et je ne parle pas des moyens pour les associations, pour les clubs sportifs, pour les actions culturelles, que les collectivités territoriales ont beaucoup de mal à trouver, notamment dans mon département de la Seine-Saint-Denis.

Aujourd’hui, à l’occasion du débat organisé à l’initiative de nos collègues du groupe GDR, que je remercie, nous vous appelons à une redistribution des ressources des collectivités territoriales. Comment expliquer qu’un enfant qui naît, qui va à l’école, n’aura pas les mêmes moyens éducatifs, les mêmes conditions de réussite, en termes de locaux, de voyages scolaires, s’il est élève en Seine-Saint-Denis ou s’il est élève dans une ville qui aura plus de moyens ?

Depuis des années, une conception s’est développée – vous n’en êtes pas responsable, madame la secrétaire d’État, c’est un problème global – selon laquelle les collectivités locales deviennent des collectivités low cost . (Sourires.) Nous assurons le minimum minimorum et seuls ceux qui peuvent se le permettre, qui ont les moyens, lancent des actions éducatives supplémentaires.

Je vous demande également d’agir contre les violences. La sécurité ne doit pas faire l’objet que de grandes déclarations, elle requiert des actions au quotidien, au plus proche des habitants. Mais il y a aussi la question de la sécurité de la vie – la précarité au travail touche particulièrement nos quartiers populaires –, la question des femmes et des jeunes filles, dont le sort vous préoccupe, je le sais, les questions d’accès aux soins et d’accès à la santé en général.

Nous souhaitons également que soit affirmée une ambition sur le logement. Il faut que les maires bâtisseurs soient aidés, parce que l’obligation de construire 20 % de logements sociaux est certes nécessaire, mais elle est essentiellement morale, aujourd’hui. Si nous voulons résoudre la crise du logement, il faut inciter les villes qui veulent aller vers les 30 % de logements sociaux à le faire, prévoir des aides supplémentaires rapides, pour construire les écoles à côté des logements, les bibliothèques, les terrains de sports.

Nous attendons aussi que vous luttiez contre cette loi du ghetto qu’a parfaitement décrite l’ouvrage du journaliste Luc Bronner sur les mécanismes qui font que, depuis plusieurs années, nos quartiers n’évoluent plus.

Madame la secrétaire d’État, quand les quartiers populaires s’arrêtent, c’est toute la France qui est en panne – nous l’avons vu en 2005 au moment des émeutes urbaines. Si nous sommes tous, les uns et les autres, passionnés par ce sujet, c’est parce que nous pensons que rien n’a changé depuis 2005, aucun message n’a été entendu. C’est là-dessus, madame la secrétaire d’État, que nous voulons vous entendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel.

M. Gérard Hamel. La politique de la ville recouvre un champ immense de compétences et son caractère interministériel rend difficile la mise en musique des décisions, mais aussi des résultats concrets.

Je laisserai naturellement à Mme la secrétaire d’État le soin de rendre compte de son action, mais il est un domaine dans lequel je me sens assez de compétences pour vous livrer un état des lieux, le constat d’une réussite, et des propositions, le tout agrémenté d’une belle note d’espoir pour l’avenir, celle que je vois dans le regard des habitants : vous l’aurez compris, il s’agit de la rénovation urbaine, et plus précisément du programme mis en œuvre par l’ANRU, que j’ai l’honneur de présider. Ce programme touche aujourd’hui 480 quartiers, près de 4 millions d’habitants, et atteint une ampleur sans précédent, avec environ 40 milliards d’euros d’investissement dont 12,35 milliards d’euros de subventions gérés par l’ANRU.

Je souhaite, en premier lieu, souligner l’efficacité de la politique de rénovation urbaine, qui est aujourd’hui reconnue de façon unanime. Pour reprendre l’expression de l’un de mes collègues : « On en a rêvé, l’ANRU l’a fait. » En plaçant le maire ou le président d’agglomération au cœur du pilotage du projet, sur la base d’une contractualisation claire avec l’État et ses partenaires, le programme national de rénovation urbaine a su démontrer la capacité des acteurs locaux à se regrouper et à œuvrer ensemble pour changer les quartiers et la vie des habitants.

Concrètement, dans chaque quartier concerné, c’est une véritable métamorphose qui est entamée. Dans le même temps, cette transfiguration ambitionne de reconstituer dans ces quartiers la diversité fonctionnelle et sociale, afin de leur rendre une place normale dans la cité, d’y réduire la délinquance et l’exclusion, et d’y voir se développer, à nouveau, et dans la tranquillité, une vie économique à l’image du reste de la ville.

Revenir dans ce qu’il est convenu d’appeler le droit commun, faire en sorte que ces quartiers se fondent dans la ville, telle est notre ambition.

Les constructions sortent de terre à une cadence désormais très élevée, l’espace public se métamorphose, les équipements publics de proximité se redessinent : tout cela est spectaculaire mais ne constituera pas la réussite du PNRU. En effet, nous considérons que l’humain et l’urbain sont indissociables. L’accompagnement des populations est absolument indispensable, et ce tout au long de ces lourds processus de transformation. Ainsi, alors que le PNRU se concentre légitimement sur la requalification de l’habitat et du cadre de vie, la mise en œuvre des projets et la gestion future des quartiers rénovés supposent un accompagnement spécifique des habitants : relogement, éducation à la vie en collectivité, réussite éduca tive, insertion, prévention de la délinquance, gestion urbaine de proximité. Ces accompagnements relèvent en général des compétences de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE. Il apparaît donc indispensable d’articuler soigneusement les interventions des deux agences. À cet effet, l’ANRU associe fréquemment l’ACSE à ses propres travaux. Cette bonne articulation, que j’appelle de mes vœux tout comme Jeannette Bougrab, nouvelle présidente de l’ACSE, confortera nos succès et rendra difficile un arrêt brutal de la dynamique.

Cela m’amène au troisième point de mon intervention : quid de la suite à donner au programme national de rénovation urbaine, alors que nous assistons à l’achèvement des premières conventions ? Bien sûr, ce ne sera pas une surprise pour le Gouvernement : les élus souhaitent l’annonce rapide et la mise en œuvre d’un deuxième programme, dans le prolongement du premier et enrichi de l’expérience de près de 500 conventions sur tout le territoire.

Cette deuxième séquence me paraît absolument indispensable : sans cela, nous resterions au milieu du gué et compromettrions gravement les succès des immenses chantiers qui auront été menés sur la période 2004-2013.

Je terminerai en évoquant le rapport que, l’an dernier, le sénateur Pierre André et moi-même avons remis au Premier ministre. Nos constats y sont parfois sévères : les moyens publics engagés dans les quartiers sensibles sont considérables, mais ils ne sont pas toujours bien coordonnés, ils sont peut-être trop saupoudrés et manquent souvent de fil directeur.

Certaines de nos propositions sont radicales. Elles me semblent un mal nécessaire pour plus d’équité, d’efficacité et de lisibilité de la politique de la ville. Je ne retiendrai qu’un principe fort, qui rejoint le début de mon propos : la politique de la ville jouera bien son rôle si elle reste cette transition vers un retour au droit commun pour tous. Pour cela, je souhaite que soit renforcée la contractualisation autour d’un projet de territoire à l’échelle de la commune ou de l’intercommunalité et non du quartier, sur une durée cohérente, par exemple sur un mandat, et que le pilotage stratégique et opérationnel se fasse autour d’un pivot constitué par le couple maire-préfet.

Tels sont, madame la secrétaire d’État, les quelques éléments que je souhaitais soumettre à votre réflexion dans le cadre de ce débat, mais aussi la contribution que je voudrais vous apporter pour les décisions importantes qui doivent être prises dans les mois à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Primus inter pares ! (Sourires.)

M. François Pupponi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe GDR d’avoir proposé ce débat, mais j’ai peur que ce ne soit qu’un débat de plus, et qu’il se termine comme les autres : par un constat de spécialistes de ces territoires. Nous nous connaissons bien, nous avons l’habitude de travailler ensemble, nous partageons les mêmes constats, proposons les mêmes solutions, depuis des années, et avons souvent le sentiment de ne pas être entendus.

Je ne dis pas que rien n’a été fait. Des mesures importantes ont été proposées et mises en œuvre. Mais, après toutes ces années, j’en suis venu à penser que la France ne voulait pas sortir les ghettos de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ces ghettos arrangent nombre de responsables politiques et de Français. Faire en sorte que les plus pauvres, souvent issus de l’immigration, soient cantonnés dans les grands ensembles urbains permet à beaucoup de ne pas se poser de questions sur le ghetto social.

Lorsque ces ghettos explosent, on exprime une grande compassion. Journalistes, responsables, ministres viennent nous visiter en nombre. Et puis, très vite, nous retombons dans l’oubli, car casser le ghetto français obligerait certaines grandes villes et un certain nombre de Français à partager la misère. Et la misère et la difficulté sont dures à partager, ce sont des choses qui ne se conceptualisent pas.

Dans le cadre de notre travail, François Goulard et moi-même avons effectué une visite à Clichy et à Montfermeil, des quartiers que je connais bien et où nous avons été confrontés à des situations humainement insupportables. Nous étions donc avec Xavier Lemoine et Claude Dilain, et le téléphone de ce dernier ne cessait de sonner. Il nous apprit que la veille, un incendie avait touché une copropriété, et qu’il devait s’y rendre. Nous lui avons proposé de l’accompagner. Nous sommes montés, avec le sous-préfet, au quatrième étage d’une copropriété dégradée. L’ascenseur ne fonctionnait plus puisque la copropriété avait été dévastée par l’incendie, et nous sommes montés dans l’obscurité et dans la suie. Un homme nous a ouvert une porte au quatrième étage, et nous a fait visiter son appartement – ou plutôt la seule pièce qu’il avait le droit d’occuper, une chambre où il vivait avec toute sa famille. La chambre d’à côté était louée par une autre famille, et le salon par une troisième famille. Ces trois familles se partageaient la salle de bains et la cuisine, dans des conditions d’hygiène et de sécurité insupportables. Le sous-préfet, à qui nous avons demandé comment la République pouvait accepter cela, nous a répondu qu’il ne pouvait pas faire grand-chose, et que le droit de la propriété privée permettait à ce marchand de sommeil, cet escroc, de sous-louer à trois familles en toute impunité. Et l’on ose nous dire que la République ne peut rien faire !

Face à un tel constat d’impuissance, je suis convaincu que notre pays ne veut pas régler le problème. Nous connaissons pourtant les solutions, madame la secrétaire d’État, et nous en avons proposé de nombreuses. Ainsi, nous savons qu’il faut un ANRU 2 : nous ne pouvons pas rester au milieu du gué. Nous savons qu’il faut dégager des moyens considérables et que le droit commun de l’État doit s’investir plus fortement. Nous savons que nous avons besoin d’emplois dans ces territoires, nous ne pouvons plus accepter qu’il y ait trois ou quatre fois plus de chômeurs dans ces quartiers. Il faudra bien, un jour, inventer un « emploi franc », pour que les entreprises soient incitées ou obligées à embaucher les habitants de ces quartiers. Nous ne pouvons laisser, dans ces quartiers où règnent la misère sociale et le chômage, l’économie souterraine et parallèle faire vivre un certain nombre de familles, dans l’impunité et l’ignorance générale de ces situations dramatiques.

Madame la secrétaire d’État, nous attendons avec une grande impatience vos déclarations sur un sujet vital pour les communes les plus pauvres, celles qui accueillent les populations les plus fragilisées : la question de la péréquation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. François Pupponi. Je rappellerai quelques chiffres : 1 % des communes les plus riches disposent de quarante-quatre fois plus de pouvoir d’achat par habitant que 1 % des communes les plus pauvres ; 10 % des communes les plus riches, représentant 10 % de la population, bénéficient de 30 % du pouvoir d’achat, quand, à l’opposé, 10 % des communes les plus pauvres, représentant 3 % de la popula tion, disposent de 1 % du pouvoir d’achat global des communes. Il y a, dans notre pays, des inégalités de ressources et des inégalités territoriales insupportables. Le système des dotations de l’État aux collectivités ne fait qu’aggraver les inégalités, malgré la péréquation existante. Certes, cette péréquation permet dans une certaine mesure d’atténuer les inégalités, mais les dotations, en particulier la DGF, ne font que les aggraver. Tout le monde – les ministres, le comité des finances locales, les parlementaires, les grands élus – sait que ce système est inégalitaire et aggrave la situation de ces territoires. Et personne ne veut mettre en œuvre la grande réforme dont nous avons besoin pour que ces millions d’habitants disposent de services publics de qualité, mis en œuvre par des collectivités locales dans des conditions décentes et normales.

Face à ce refus, nous espérions que le Gouvernement que vous représentez profiterait de la réforme de la taxe professionnelle – qui correspondait à 75 % des inégalités de ressources entre les communes – pour engager la grande réforme de la péréquation. Nous l’avions dit ici même au ministre Éric Woerth. Quel a été le résultat ? Ce fut la suppression des fonds départementaux de taxe professionnelle, qui étaient une des grandes mesures de péréquation, et en Île-de-France, la suppression du fonds SRIF. Nous avons dit au ministre qu’il était insupportable de le voir, ainsi, supprimer le peu de péréquation que nous avions. Il a répondu que nous n’avions aucune inquiétude à avoir, qu’il assurerait, en 2010, les mêmes ressources qu’en 2009.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mensonges !

M. François Pupponi. Mensonges, en effet. Nous venons de recevoir les notifications du fonds SRIF : il a baissé par rapport à 2009 ! Mensonges, car on nous avait assuré, la main sur le cœur, à cette même tribune, que les dotations ne baisseraient pas en 2010, et elles ont baissé ! On nous a dit de ne pas nous inquiéter, que, le 1 er  juin, nous nous reverrions ici, dans cet hémicycle, pour la « clause de revoyure », et que l’on nous proposerait enfin une grande réforme de la péréquation du bloc communal – car la péréquation a été faite pour les régions et les départements dans le cadre de réforme de la taxe professionnelle, mais elle n’a pas été faite pour le bloc communal. On nous avait donc donné rendez-vous au 1 er  juin : nous sommes le 19 mai et pas l’ombre d’un texte ne nous a été proposé pour que nous puissions discuter de ce sujet crucial.

De nombreuses communes sont aujourd’hui dans l’incapacité de boucler leur budget, et ce sera pire en 2011. Madame la secrétaire d’État, quand allez-vous enfin mettre en œuvre la grande et indispensable réforme de la péréquation ? Vous avez raison de vous attaquer à la réforme de la zone prioritaire, mais elle n’aura aucune utilité si les communes de ces quartiers, qui n’auront plus les moyens de faire vivre les services publics locaux, ferment des crèches, des clubs de sport, des équipements culturels. La réforme de la géographie prioritaire n’aura aucun effet si ces communes ne sont pas en mesure de l’accompagner. Et vous ne pouvez pas faire la réforme de la géographie prioritaire sans faire en même temps celle de la péréquation. Ces communes ne sont plus en mesure de faire face aux besoins des populations concernées, elles ne seront pas en mesure de faire fonctionner les équipements financés par l’ANRU.

Pour terminer, je suis inquiet sur la capacité de votre Gouvernement à mettre cette réforme en œuvre, tant je suis choqué de voir le Président de la République ne venir en banlieue que pour nous parler des délinquants et de la racaille. Il n’y a pas que des délinquants dans ces quartiers. Oui, il y en a, qu’il faut sanctionner, mais il y a aussi d’honnêtes citoyens qui travaillent tous les jours et qui essaient de donner un avenir à leurs enfants, qui essaient de faire en sorte d’être de dignes citoyens de la République française. Qu’enfin le Président de la République vienne en banlieue, qu’il s’adresse à ces populations, qu’il leur parle d’espoir, qu’il leur donne la possibilité de vivre dignement dans ces quartiers, et peut-être reprendrai-je espoir dans votre capacité à mettre en œuvre cette politique, mais, aujourd’hui, j’en doute. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la ville est notre lot commun à tous. C’est un lieu de vie, un lieu d’activités économiques, d’identité commune à ceux qui y habitent. Chacun est donc légitimement attaché à sa ville, à son centre, à ses quartiers.

La politique de la ville couvre un grand champ de compétences et c’est un levier majeur de la cohésion nationale. En effet, l’avenir de notre pays se trouve aussi dans ces quartiers. Cette politique concerne aujourd’hui près de 8 millions de Français et répond à de nombreux besoins, notamment en termes de qualité de vie, d’éducation, de travail.

La gauche n’a pas le monopole de ces quartiers et nous n’avons donc aucune leçon à recevoir dans ce domaine. Notre bilan présente des résultats concrets et visibles par tous. Nous ne pouvons que nous féliciter d’appartenir à une sensibilité politique qui, après avoir beaucoup écouté, agit très concrètement pour changer la vie des habitants de nos cités,…

Mme Monique Iborra. Dommage qu’on ne s’en aperçoive pas !

M. Gérard Gaudron. …comme Aulnay-sous-Bois, Montfermeil, Clichy-sous-Bois ou La Courneuve, pour ce qui concerne la Seine-Saint-Denis.

Pour s’attaquer aux problèmes, les moyens mis en place par nos gouvernements successifs sont sans précédent. Grâce à la politique de la ville, nos quartiers changent vraiment de visage et d’image, sur le plan urbain et sur le plan humain.

En 2013, ce sont 500 quartiers répartis dans la France entière qui seront rénovés. Encore une fois, nous pouvons en être fiers, et nous ne pouvons que nous féliciter en particulier de la politique réaliste et efficace de rénovation urbaine lancée par votre prédécesseur Jean-Louis Borloo. Beaucoup d’entre nous pensaient qu’il allait droit dans le mur. Aujourd’hui, force est de constater qu’il avait raison.

Madame la secrétaire d’État, vous avez l’honneur de porter ce projet de société depuis trois ans, avec succès, et vous vous êtes toujours battue pour assurer la pérennité du programme de rénovation urbaine, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité.

Il convient ainsi de noter que, en 2008, 700 élèves issus des quartiers en difficulté ont bénéficié d’une place dans un internat d’excellence ; 130 000 élèves ont bénéficié d’un accompagnement éducatif durant l’année scolaire 2007-2008, et 5 700 jeunes ont été accueillis dans une « école de la deuxième chance ».

De même, 3 500 contrats d’autonomie et 11 500 embauches en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée ont été signés fin 2008 grâce aux accords conclus avec quatre-vingt-six entreprises, associations et fédérations professionnelles qui se sont engagées à favoriser le recrutement de personnes issues des quartiers en difficulté.

La Seine-Saint-Denis, département très demandeur, est celui qui reçoit le plus du programme national de rénovation urbaine avec soixante-quatre quartiers éligibles. Fin 2009, le programme global de l’ANRU, avec le plan de relance, avoisinait les 742 millions d’euros. Certes, beaucoup critiquent le désengagement de l’État, et s’interrogent sur votre plan Espoir banlieues. Mais on préconise actuellement de concentrer les moyens budgétaires sur un nombre limité de quartiers qui seraient mieux ciblés.

Si la réforme de la géographie des quartiers peut sembler nécessaire, notamment pour mieux repérer ceux qui ont le plus besoin des aides financières de l’État, il convient d’être prudent à propos d’une nouvelle carte des zones urbaines sensibles, car, depuis la mise en œuvre de cette carte en 1996 par le ministre de la ville de l’époque, Éric Raoult, les besoins de l’ensemble des quartiers n’ont fait que s’accroître.

Dans cette période difficile, il faudrait néanmoins que les crédits affectés à la politique de la ville soient au moins maintenus et reconduits pour assurer la continuité des opérations. Il est important de poursuivre les opérations dans une deuxième phase, que l’on pourrait appeler ANRU 2.

Le plan de relance a été un bol d’air pour ces quartiers avec ses 350 millions d’euros supplémentaires qui ont permis de sauvegarder ou de créer 50 000 emplois.

Les élus attendent beaucoup du prochain comité interministériel des villes et du conseil national des villes qui devrait être installé d’ici à quelques jours.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On va nous y entendre !

M. Gérard Gaudron. Nous avons relevé avec vous le défi de la rénovation urbaine et parcouru depuis 2007 un chemin considérable : plus de 3 millions d’habitants des quartiers populaires ont en effet vu leurs conditions de vie se modifier grâce aux réhabilitations, aux constructions de logements sociaux, à la lutte contre l’habitat dégradé, toujours dans un respect scrupuleux de la mixité sociale.

Pour qu’elle perdure, cette dynamique doit s’appuyer sur des élus bâtisseurs, de droite comme de gauche, des élus qui veulent une répartition harmonieuse et équilibrée des territoires.

Comme vous l’avez souvent dit, madame la secrétaire d’État, « l’humain est au cœur de la rénovation urbaine ». La politique de la ville doit renforcer la cohésion urbaine et sociale autour de projets structurants.

Oui, madame la secrétaire d’État, nous vous encourageons à poursuivre votre action pour donner à nos quartiers une dimension humaine car, sur le terrain, nous recueillons de nombreux témoignages d’habitants qui ressentent un changement de leurs conditions de vie.

Mme Monique Iborra. Ah bon ?

M. Gérard Gaudron. Il serait dommage de les laisser au milieu du gué. C’est pourquoi nous vous encourageons à continuer et à vous battre pour que nous ayons un ANRU 2.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et nous, nous vous demandons de ne pas rester. Arrêtez, si vous n’y arrivez pas !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en écoutant l’orateur précédent, j’en venais à me demander si votre mission n’était pas terminée et si vous ne pouviez pas tout simplement rentrer à la maison puisque tout est réglé ! Nous ne devons pas vivre dans le même monde, dans les mêmes communes. En tout cas, si vous avez écrit à M. Fillon pour lui dire que des décisions, que nous appelons également de nos vœux, s’inscrivaient dans la complémentarité des mesures urgentes que le Président de la République vient de prendre dans le domaine de la sécurité, c’est bien parce que vous pensez qu’il y a problème. Ce problème, vous l’avez perçu en janvier, perçu de nouveau en avril, et vous revenez, mais malheureusement, avec une fois de plus la problématique de la sécurité au premier plan. C’est quand même extraordinaire. On parle ici du quotidien des gens. Leur quotidien, c’est un travail, une famille, quelques loisirs, On ne se pose pas les problèmes de sécurité ou d’insécurité en premier lieu. Or c’est ce que fait le Président de la République : on règle d’abord les problèmes d’insécurité…

Mme Monique Iborra. On ne les règle pas !

M. Michel Liebgott. …et ensuite seulement on se demande si les gens ont du boulot.

Pour ma part, ce que je constate dans ma commune – mais ce doit être le cas de la plupart des élus présents – c’est que, depuis un an et demi, le chômage a augmenté de 50 % en particulier dans ces quartiers défavorisés. Dans ma commune, on est passé de 600 à 900 chômeurs et pour 80 % l’augmentation du chômage s’est produite dans le quartier classé en ZUS. Mais vous le savez, puisque, dans les 751 quartiers classés en ZUS, le taux de chômage atteint 21 %.

Depuis trente ans, nous lançons des programmes « habitat et vie sociale », « développement social des quartiers », des plans de relance. Aujourd’hui, c’est l’ANRU. Heureusement d’ailleurs que ces travaux ont lieu, nul ne le conteste. Pour autant, le décalage est immense entre les mots et la réalité. On avance la formule d’un plan Marshall. Nous nous contenterions bien de la poursuite de la politique de la ville menée les années précédentes.

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

M. Michel Liebgott. Ces quartiers sont stigmatisés. Ceux qui y habitent trouvent difficilement du travail et ne le conservent pas forcément. Ils ne demandent qu’une seule chose : que les dispositifs mis en place soient stables. Cela signifie par exemple avoir l’assurance que les emplois aidés ne sont pas que des variables d’ajustement, qu’on n’en augmente pas le nombre lorsque la crise est profonde, comme actuellement, mais qu’on en fait de vrais outils de réinsertion pour des populations défavorisées qui ont du mal à trouver un travail dans le cadre naturel de l’entreprise. C’est ce que nous souhaitons, et ce n’est pas nouveau. Je le disais à M. Borloo il y a quelques années, à propos des adultes relais. On ne les supprime pas, me répondait-il. Or, sur le terrain, on les supprimait. Il ne le savait pas ou ne voulait pas l’entendre.

Je vous dis la même chose à propos des emplois aidés. Nous faisons des efforts, dans les collectivités locales, pour les conserver. Encore faut-il qu’ils soient maintenus au-delà des périodes de crise. Pour l’instant, on nous dit que ce sera le cas peut-être pour six mois. On ne sait pas trop, on verra : si le chômage baisse, ce sera peut-être moins, s’il augmente, ce sera un peu plus. Bref, c’est encore une variable d’ajustement. Pour nous, ce ne doit pas être cela, mais un vrai sas de réinsertion pour amener des gens, petit à petit, à une réinsertion définitive.

S’agissant des contrats urbains de cohésion sociale, il faut de même une certaine cohérence. Par exemple il ne faut pas que, dans le cadre de la solidarité intercommunale, comme c’est le cas en Moselle, les communes les plus pauvres soient obligées de donner quelques crédits à des communes un peu plus riches. En effet, on ne connaît pas le montant global des crédits dont on disposera. Certes, on connaît le montant de l’enveloppe de démarrage. Et, annonce-t-on, il y en aura peut-être une autre. Mais tout maire sérieux établit son budget dans le cadre de l’annualité budgétaire. Il ne peut pas attendre de savoir si plus tard viendra une deuxième dotation. Le résultat, c’est que la solidarité, pour les CUCS, joue plutôt entre collectivités que de l’État vers les collectivités locales.

On a déjà longuement parlé de l’ANRU. Devant la commission qui l’auditionnait, Jacques Attali reconnaissait que l’idée n’était pas mauvaise. Effectivement, le principe d’une coordination n’a rien de farfelu. Cela dit, désormais, l’administration de l’État reprend le dessus. Des fonctionnaires tatillons nous demandent de remplir des documents, de refaire des dossiers et des calculs pour quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’euros. C’est à croire qu’on met en place des circuits kafkaïens pour empêcher les projets ANRU d’aboutir. Y a-t-il encore des crédits disponibles, ou êtes-vous victime, madame la secrétaire d’État, malgré votre volonté politique, de cette technocratie qui veut reprendre la main et pour laquelle les quartiers populaires ne sont pas la priorité ?

On le sait bien, lorsqu’on donne des aides spécifiques pour les quartiers populaires, on leur retire en même temps quelques crédits plus classiques. C’est de bonne guerre : on récupère un peu des aides générales pour d’autres quartiers. D’ailleurs, même pour les crédits de l’ANRU, vous amorcez la pompe et vous venez nous voir pour demander ce que met le département, ce que met la région. Or les régions n’ont plus de marge ni d’autonomie fiscale. Vous allez leur demander de consacrer davantage de crédits pour l’ANRU ; cela signifiera qu’elles en consacreront moins à d’autres actions. C’est dire que votre volonté politique apparaît véritablement très superficielle.

Mme la présidente. Il faut penser à conclure, mon cher collègue.

M. Michel Liebgott. J’y arrive, madame la présidente.

S’agissant enfin de la loi SRU, il faut que la solidarité soit collective.

Au-delà de la politique de la ville, ces quartiers sensibles souffrent plus que d’autres de la crise. L’effondrement de l’emploi, la redistribution en faveur des plus riches et non des plus pauvres, tout ceci concourt à marginaliser plus encore ces quartiers. Ce que je vous demande donc, c’est, dans l’année qui vient, de nous rassurer sur les CUCS, sur la DDU, sur l’ANRU. Vous n’êtes peut-être pas en état de le faire aujourd’hui puisque, comme vous l’avez écrit, la décision dépend du Premier ministre et ce n’est pas, apparemment, une priorité absolue du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

M. le président. La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d’abord de compléter votre information. Monsieur Liebgott, vous venez de déclarer que « nous ne sommes pas du même monde ». Sachez que je suis née dans un quartier, dans une cité, que j’ai vécu et vis toujours dans un quartier populaire, par choix, parce que je suis attachée à la mixité sociale.

Sachez aussi que si je suis aujourd’hui membre de ce Gouvernement, c’est par la volonté d’un homme : Nicolas Sarkozy. Il l’a voulu au nom de la promotion de la diversité, et parce qu’il reconnaît que les enfants issus de l’immigration ont des talents et des compétences. Il s’agit d’une décision politique et, surtout, d’un véritable message en direction des quartiers populaires et de leurs habitants – je pense notamment aux jeunes des cités. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est exact, et c’est bien le problème : vous êtes, en quelque sorte, prise en otage !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. Monsieur Liebgott, sachez, en tout cas, que je connais parfaitement le monde des quartiers populaires.

Mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de la tenue de ce débat sur la politique de la ville. Il témoigne, s’il en était besoin, de notre volonté d’offrir un meilleur avenir aux habitants de nos quartiers populaires.

Vous et moi avons une ambition et un objectif communs que vous avez bien soulignés dans chacune de vos interventions : la réduction des inégalités sociales et économiques entre les territoires.

Cependant, vous n’ignorez pas que cette préoccupation n’est pas nouvelle. Déjà, en 1981, les affrontements dans la cité des Minguettes révélaient à l’opinion publique la profondeur de ce que nous appelions, à l’époque, le malaise des banlieues. Pour répondre à ce mal-vivre des quartiers abandonnés, le rapport fondateur d’Hubert Dubedout, Ensemble, refaire la ville , posait, en 1982, les bases d’une politique de la ville destinée à reconstruire globalement le tissu urbain, culturel et social. En d’autres termes, il fallait améliorer le carnet de santé en même temps que le carnet de notes.

Cette ambition de refaire la ville ensemble est mon leitmotiv . En effet, pour moi il n’y a pas de villes de droite ou de villes de gauche ; il y a tout simplement des villes riches et des villes pauvres, des quartiers chics et des quartiers chocs.

La belle ambition de refaire la ville ensemble s’est perdue en route. Depuis 1982, de nombreux ministres se sont succédé, de gros efforts ont été accomplis, et une multitude de plans a été mise en œuvre, sans que rien n’ait fondamentalement changé. Les résultats escomptés n’ont pas été au rendez-vous.

Que s’est-il passé ? Que nous a-t-il manqué ? Comment expliquer que trente ans de politique de la ville n’aient pu venir à bout des inégalités sociales et économiques dans nos quartiers ?

Nos erreurs, nos imprécisions ou, tout simplement, nos renoncements ont été énumérés dans de nombreux rapports comme ceux publiés par la Cour des comptes et, surtout, ceux qui émanent de la représentation populaire, c’est-à-dire de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, dès ma prise de fonction, et avant d’engager quoi que ce soit, j’ai voulu m’appuyer sur vos analyses et vos propositions pour nourrir l’ambition que nous avons de refaire ensemble la ville.

Après une large concertation territoriale, j’ai élaboré, sur la base de cette réflexion, la dynamique « Espoir banlieues », présentée par le Président de la République le 8 février 2008. Il s’agit de faire de nos territoires en difficulté le lieu d’une dynamique collective qui mobilise l’ensemble des acteurs impliqués. Cela concerne l’État, bien sûr, avec le retour du droit commun, dans le cadre d’un programme triennal porté par chacun des ministères, mais également les collectivités locales, dans le cadre d’un partenariat responsable et ambitieux, et le monde économique, parce que l’émancipation et l’intégration passent par la fiche de paie, et parce que le retour de la croissance sera aussi porté par les habitants des quartiers qui regorgent de talents.

Cette dynamique rompt avec la logique curative des plans précédents, car nos quartiers ne sont pas malades. Elle n’est pas un catalogue de mesures, mais une politique sur mesure, qui répond aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers.

Enfin, cette nouvelle politique de la ville se fonde sur une démarche d’évaluation et une culture du résultat. Dans ce but, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, que j’ai voulu indépendant, produit chaque année un rapport sur la situation des quartiers populaires, sujet sur lequel il apporte un éclairage sans concession.

Pour pouvoir mettre en œuvre efficacement cette politique de la ville rénovée, j’ai aussi modifié la gouvernance. À présent, celle-ci s’articule au niveau national autour d’une instance de consultation, le Conseil national des villes, d’une instance de décision, le Comité interministériel des villes, et d’une instance de préparation et d’exécution, le Secrétariat général du Comité interministériel des villes. Cette réforme permet une meilleure visibilité et une meilleure efficacité.

La politique de la ville agit aujourd’hui tant sur le développement urbain – grâce à la rénovation urbaine et au désenclavement – que sur l’humain, grâce à l’accompagnement social de tous les habitants, notamment les plus modestes.

Son volet le plus visible reste, bien entendu, celui de la rénovation urbaine. Le beau et le vert ne sont plus aujourd’hui l’apanage des quartiers aisés, et vous êtes unanimes pour dire que cela marche. L’ensemble du programme de rénovation urbaine est ainsi salué par les élus de tous bords, mais aussi, et surtout, par les habitants qui retrouvent considération et dignité lors de la transformation de leur quartier.

Depuis 2007, le chemin parcouru par l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, est considérable et 3,4 millions d’habitants ont vu leurs conditions de vie transformées par les résultats concrets d’une rénovation urbaine qui a changé d’échelle puisque 60 000 logements ont été démolis tandis que 70 000 logements sociaux ont été construits et 200 000 réhabilités, et que 140 000 logements étaient « résidentialisés ». Il faut aussi citer les nombreux aménagements et équipements créés ou réhabilités, notamment en matière d’activités commerciales en partenariat avec Epareca. Pour 375 projets, l’ANRU verse ainsi, chaque mois, 110 millions d’euros et, au total, en 2010, 1,4 milliard d’euros auront été dépensés. Il s’agit d’un chiffre colossal, nécessaire et sans précédent.

Pour la première fois, le rapport entre le nombre de démolitions et le nombre de constructions s’inverse. On produit donc plus de logements sociaux que l’on n’en démolit. Les 12,35 milliards d’euros du PNRU, le programme national de rénovation urbaine, et du plan de relance ont généré 46,4 milliards d’euros de travaux dans les quartiers, ce qui se traduit aussi en termes d’emplois sauvegardés ou créés, et permet aux entreprises de remplir leurs carnets de commandes.

Vous le constatez, ce programme constitue une force pour notre économie. Il joue un véritable rôle d’entraînement et il ira donc à son terme. L’État tiendra ses engagements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais pas ses financements !

M. Gérard Hamel. Mais si !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. Le PNRU est un outil fondamental pour réduire les inégalités territoriales, mais aussi pour organiser volontairement et concrètement la mixité sociale.

Pour que le volet urbain de la politique de la ville soit complet, il faut en effet articuler la rénovation urbaine avec le désenclavement. Les zones urbaines en difficulté sont trop souvent excentrées, enclavées, coupées des bassins de vie et d’emploi, ce qui isole durablement les habitants des quartiers populaires.

La réduction de cette fracture territoriale conditionne l’efficacité des autres actions de la politique de la ville. C’est pourquoi j’ai mobilisé 500 millions d’euros pour aider au désenclavement des quartiers. Il s’agit, grâce à une meilleure desserte par des transports en commun de qualité, de permettre aux habitants d’accéder plus simplement à l’ensemble de la ville, aux emplois, aux équipements publics et privés, aux activités et aux services.

La dynamique « Espoir banlieues » apporte ainsi son concours à quatre projets structurants en Île-de-France, comme le débranchement du tram-train T4 vers Clichy-sous-Bois et Montfermeil, ou encore la tangentielle Nord entre Sartrouville et Noisy-le-Sec. Elle participe aussi à trente-sept projets de désenclavement lourd en province.

Parallèlement, des projets légers et complémentaires contribuent à améliorer l’offre locale de transports en commun. Ils répondent ainsi à des besoins de déplacements spécifiques qui ne peuvent être couverts par une offre classique en proposant, par exemple, l’allongement des amplitudes horaires de bus ou le transport à la demande.

Très prochainement, un nouvel appel à projets sera lancé pour renforcer cette ambition. Mon combat, vous l’avez compris, dépasse le seul enjeu de l’urbain, car la ville est un tout et il nous faut travailler sur toutes ses composantes et sur tous ses aspects.

En reliant ces quartiers aux autres agglomérations, le désenclavement concourt à la lutte contre le chômage, qui est au centre de ma préoccupation et de celle du Gouvernement.

Dans son rapport 2009, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, créé en 2004 et réformé dernièrement – il s’agissait de lui donner plus d’indépendance et plus d’autorité –, constate que près d’un jeune sur quatre vivant en zone urbaine sensible en 2008 est au chômage ou en inactivité, alors que ce taux est d’un jeune sur huit hors des zones urbaines sensibles.

Cependant, ces chiffres ne doivent pas nous empêcher de regarder les signes favorables que révèlent les dernières données de la DARES datant d’avril 2010. Elles indiquent, certes, une augmentation de 14,8 % des demandeurs d’emploi en ZUS sur un an. Mais, si ce chiffre reste préoccupant, il est en dessous de l’augmentation de 19,6 % constatée au niveau national. C’est dire que lorsqu’on fait de nos territoires en difficulté le lieu d’une mobilisation collective de l’État, des collectivités locales et des associations, cela donne des résultats.

J’ai visité il y a quelques jours, en compagnie du Premier ministre, François Fillon, le campus des métiers de Seine-Saint-Denis, financé notamment par les collectivités locales. Voilà un bel exemple qui va dans le sens de Refaire la ville ensemble : c’est ça, la dynamique « Espoir banlieues ».

Pour apporter des réponses à ce chômage qui ronge les quartiers, j’ai souhaité compléter l’ensemble des dispositifs existants par un outil novateur auquel j’ai consacré 65 millions d’euros : le contrat d’autonomie.

Ce dispositif cible les publics les plus éloignés de l’emploi, à savoir les jeunes de moins de vingt-six ans sans qualification qui habitent les quartiers prioritaires et qui, pour la majorité d’entre eux, ne sont pas inscrits dans les missions locales. Il permet d’apporter une formation qualifiante au jeune ou de l’accompagner dans son insertion professionnelle.

Un partenariat efficace s’est ainsi mis en place entre les opérateurs de ces contrats et les services publics de l’emploi au bénéfice de jeunes qui échappaient jusqu’à présent au maillage existant.

Aujourd’hui, malgré un démarrage compliqué, 500 contrats sont signés toutes les semaines. Au total, près de 28 000 contrats ont été conclus, et 4 637 jeunes des quartiers ont été accompagnés vers un emploi stable, une formation qualifiante ou la création d’entreprise.

Au-delà du contrat d’autonomie, j’ai souhaité mobiliser les entreprises à travers plusieurs partenariats. Il y a tout d’abord l’effort des cent deux entreprises et fédérations désormais signataires de l’engagement national pour l’emploi des jeunes des quartiers – Microsoft, JC Decaux, et Paprec sont les plus récents partenaires de ce programme. Grâce à lui, près de 39 000 jeunes venant des zones urbaines sensibles ont signé un contrat de travail, commencé une formation en alternance ou obtenu un stage et, dans ce cadre, 21 000 embauches supplémentaires sont prévues pour 2010.

Cet engagement est un succès tant pour le jeune qui trouve un emploi ou complète sa formation que pour les entreprises elles-mêmes qui ont compris que la diversité est un atout et une richesse au service de notre compétitivité. Aujourd’hui, d’autres partenaires rejoignent la dynamique, notamment la Fédération nationale des entreprises publiques locales, qui regroupe 1 087 entreprises, avec laquelle j’ai signé un protocole d’accord prévoyant le recrutement de plus de mille jeunes sur trois ans.

Pour donner plus de forces au volet économique de la politique de la ville, j’ai demandé en juillet 2009 à M. Abdel Aïssou, directeur général délégué du groupe Randstad, de mettre en place le CNEB, le Conseil national des entreprises pour la banlieue. Le CNEB a lancé plusieurs actions pilotes, notamment à Creil et à Nice, en liaison avec les universités de Picardie et Sophia-Antipolis, afin de construire un parcours professionnel sécurisé adapté aux difficultés des jeunes des quartiers. Des secteurs d’avenir sont concernés, comme le développement durable ou les services à la personne, véritables viviers de création d’emplois.

Le programme « Banlieues 2.0 », que j’ai annoncé, avec notamment la création d’une banque de stage numérique, autrement dit une application sur téléphone mobile, s’inscrit également dans le cadre du CNEB. Il vise à faciliter l’accès des jeunes aux emplois et aux formations du numérique, et à favoriser, pour ce secteur, la création d’entreprises et l’implantation de start-up en banlieue.

Nous savons tous que de nombreux habitants de quartiers, notamment les jeunes veulent créer leur entreprise. C’est pourquoi a été mis en place, dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues », un dispositif prévoyant 20 000 créations d’entreprises. Résultat : plus de 22 000 entreprises ont vu le jour. C’est un vrai succès.

Autre volet du dispositif de lutte contre le chômage des habitants des quartiers : les clauses d’insertion. Aujourd’hui, dans le cadre de la rénovation urbaine, les clauses d’insertion vers l’emploi dans les marchés publics ANRU commencent à porter leurs fruits : près de 12 500 personnes issues des quartiers populaires en ont déjà bénéficié. Je suis favorable à ce qu’on réfléchisse à l’instauration d’une clause sociale dans tous les marchés publics pour démultiplier leurs effets sur l’emploi des personnes en difficulté.

Au-delà de ces dispositifs spécifiques, les autres mesures annoncées par le Gouvernement bénéficient également aux habitants des quartiers populaires. C’est le cas du plan « Rebond pour l’emploi », du contrat unique d’insertion et de toutes les mesures en faveur de l’alternance ou de l’apprentissage.

Vous l’aurez compris, la mobilisation du Gouvernement en matière d’emploi est totale. Mon souci et ma détermination sont d’amener tous les habitants des quartiers vers un emploi durable.

Mais pour qu’il y ait de l’emploi, il faut de l’éducation et de la formation. L’éducation est donc au cœur de ma démarche. Vous connaissez les trois grandes priorités de la dynamique « Espoir banlieues » en matière d’éducation : la promotion de l’égalité dans l’accès aux filières d’excellence, l’aide aux enfants en difficulté ainsi que le renforcement de la sécurité dans les écoles des quartiers populaires.

L’accès aux filières d’excellence s’est développé. Pour la première fois, dès 2010 – soit un an avant l’objectif fixé par le Président de la République –, les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent 30 % de boursiers. Enfin ! Aujourd’hui – ce n’est vraiment pas trop tôt !‚– les enfants des classes populaires ont accès aux grandes écoles comme l’ENA, HEC ou l’ESSEC. Je l’ai dit dès ma prise de fonction : il faut faire émerger l’élite des quartiers populaires. C’est fait, la dynamique est en marche.

Mme Monique Iborra et M. Jean-Patrick Gille. Malheureusement, on n’y est pas encore !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Pour atteindre cet objectif, il a fallu dégager des moyens sans précédent. Plus de 5 millions d’euros, dont 4 millions issus du secrétariat d’État en charge de la politique de la ville, sont ainsi consacrés chaque année au développement des « cordées de la réussite ». Pour aller plus loin encore, 500 millions d’euros ont été débloqués dans le cadre du grand emprunt et délégués à l’ANRU pour créer 20 000 places d’internat d’excellence et renforcer les politiques en faveur de l’égalité des chances.

Mais je n’ignore pas que la lutte contre les inégalités passe aussi par la nécessité d’accentuer les efforts réalisés dans le domaine du soutien scolaire et de l’aide aux enfants les plus en difficulté. La mise en place de l’accompagnement éducatif, financée à hauteur de 260 millions d’euros, et sa généralisation à toutes les écoles de l’éducation prioritaire doivent permettre d’en démocratiser l’accès. Grâce aux 90 millions d’euros que mon secrétariat d’État consacre aux programmes de réussite éducative, cette année, près de 100 000 enfants sont suivis par plus de 1 200 équipes pluridisciplinaires de soutien.

Le dernier rapport de la Cour des comptes rappelle que 186 des 254 collèges classés en réseau ambition réussite ont perdu des élèves depuis l’assouplissement de la carte scolaire.

Mme Marie-Hélène Amiable. Eh oui !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. Cela démontre que nous devons accentuer nos efforts en faveur de la mixité sociale.

Mme Marie-Hélène Amiable. Non, il faut renoncer à cet assouplissement !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. Nous n’évacuons donc pas tous les problèmes. Pour ce faire, j’ai voulu, dès le départ, mener une expérience nouvelle, le fameux busing , dont l’objectif est d’organiser volontairement la mixité sociale. Là où les élus locaux ont répondu à l’appel à projets, cette expérience a donné de très bons résultats. J’en appelle donc à la responsabilité des élus pour qu’ils soient aux côtés de l’État afin d’atteindre cet objectif de justice.

Toutes ces avancées peuvent être compromises si la sécurité à l’école n’est pas rétablie. Faut-il rappeler qu’il s’agit là d’une priorité du Gouvernement, concrétisée par les annonces de Luc Chatel lors des états généraux sur la sécurité à l’école ? Dans près d’une centaine d’établissements, des projets pédagogiques expérimentaux seront créés pour assurer la réussite des élèves issus des classes populaires. La place des parents sera renforcée. De nouveaux rythmes scolaires seront testés. Le rôle des médiateurs de réussite scolaire – des adultes présents dans les écoles –, que j’ai créés l’an dernier et qui sont aujourd’hui près de 4 000 dans les établissements les plus en difficulté, sera confirmé.

L’emploi et l’éducation ne peuvent être envisagés sans l’ordre public. En effet, seul l’ordre républicain peut permettre l’émancipation sociale et économique des citoyens. Aussi me battrai-je jusqu’au bout pour faire reculer la violence dans les quartiers ; la violence tue nos enfants, détruit les efforts que l’on fait, fatigue les gens qui rentrent le soir chez eux la peur au ventre et donne une image négative des quartiers populaires. Aucune politique ne peut se développer et être mise en œuvre sereinement dans un contexte local perturbé. Là encore, la dynamique est en marche.

Aujourd’hui, deux ans après la mise en œuvre de la Dynamique espoir banlieues, nous avons fait plus qu’il n’a jamais été fait pour ces quartiers (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR) , mais cela reste insuffisant compte tenu de l’ampleur des difficultés. Il faut renforcer notre action, d’autant que les territoires de la politique de la ville ont particulièrement souffert de la crise. Leurs habitants ne doivent pas être laissés sur le bord de la route qui nous mène à la reprise économique. J’en profite pour saluer les élus des villes de banlieue qui mènent ce combat au quotidien et pour qui la crise a été une épreuve supplémentaire. Je veux leur réitérer mon soutien sans faille ; je suis à leurs côtés, au service du vivre ensemble et du pacte républicain. L’État ne les abandonnera pas.

Parmi les perspectives, je citerai le prolongement de certains dispositifs ou les suites que l’on peut envisager de leur donner. Je pense notamment à l’ANRU 2, que j’appelle de mes vœux, car, ainsi que vous l’avez rappelé, la transformation des quartiers n’est pas terminée. Je pense également aux dispositifs qui pourront prendre le relais des zones franches urbaines, qui arrivent à échéance fin 2011. Je réunirai ainsi très prochainement un groupe de travail composé d’élus, d’entreprises, d’associations de professionnels et de services de l’État afin de m’aider à réfléchir à des propositions concernant les activités et l’emploi sur ces territoires qui prendront le relais des ZFU.

Au-delà des réflexions sur les dispositifs, la politique de la ville a besoin de réformes structurantes profondes, afin d’accélérer la réduction des écarts territoriaux, donc des inégalités sociales. Je pense bien entendu à la réforme de la géographie prioritaire, à celle de la péréquation et à la nouvelle contractualisation.

Prévue par la loi de finances pour 2008, l’actualisation de la liste des zones urbaines sensibles, dont je rappelle qu’elle n’a pas évolué depuis 1996, doit s’accompagner d’une concentration des moyens sur les quartiers qui en ont le plus besoin. En effet, comme l’a si judicieusement dit le Président de la République, « il faut donner plus à ceux qui ont le moins ». (Sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

L’expérience nous apprend qu’une politique trop générale dilue tout et ne résout rien. En revanche, plus on concentre les moyens sur les territoires en difficulté, plus les politiques sont efficaces, comme en témoigne le rapport de l’ONZUS. Je souhaite donc pouvoir cibler ces quartiers de façon objective : là où les revenus des habitants sont les plus faibles, où les taux d’emploi sont les plus bas, où la proportion des jeunes est importante, où la part de logements sociaux témoigne de l’absence de mixité sociale. Cette réforme doit permettre de répondre à la situation de certains quartiers qui, aujourd’hui, faute d’être en zone urbaine sensible, ne bénéficient pas de tous les dispositifs d’accompagnement de l’État.

Monsieur le député Asensi, j’ai pleinement conscience que le quartier Grand-ensemble de Tremblay-en-France, réclame un traitement en profondeur. C’est pourquoi j’ai décidé que les habitants de ce quartier bénéficieraient également des financements de la rénovation urbaine dans le cadre de l’ANRU. Ce quartier, comme d’autres, devra être accompagné plus fortement par l’État. C’est tout le sens de la réforme de la géographie prioritaire que le Gouvernement mènera dans les prochaines semaines. Le conseil interministériel à la ville, qui se réunira prochainement, validera les orientations du Gouvernement énoncées sur la base d’une longue et large concertation.

Toutefois, la définition d’une géographie plus pertinente ne prendra pleinement son sens que sur la base d’une péréquation plus efficace – nous en avons souvent discuté, monsieur Pupponi.

M. François Pupponi. Oui, mais quand sera-t-elle mise en œuvre ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. C’est pourquoi j’ai créé la dotation de développement urbain, la DDU, au profit des villes les plus pauvres. Pour l’année 2009, 50 millions d’euros ont ainsi été alloués pour que les collectivités bénéficiaires puissent améliorer la qualité des équipements publics et l’offre de services rendus aux habitants. Mais si nous voulons accélérer la réduction des inégalités, il nous faut travailler sur de nouvelles pistes. Je pense à la péréquation horizontale, laquelle permettra un transfert entre les collectivités territoriales qui renforcera la solidarité locale.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. En effet, si l’augmentation de la solidarité de l’État par le biais de la DSU a été d’une grande aide pour certaines communes en difficulté,…

M. François Pupponi. Et les fonds qui ont été supprimés ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d’État. …mais elle n’a réglé en quelque sorte que la partie en amont du problème des villes pauvres de la politique de la ville, en rapprochant leurs ressources de la ressource moyenne des communes. La réforme n’a pas été suffisante pour prendre en charge une part significative des dépenses exceptionnelles auxquelles ces communes doivent faire face. Dans bien des cas, les crédits spécifiques de la politique de la ville ont dû également contribuer à la remise à niveau des situations locales difficiles, avant de financer les besoins en équipements et services des populations concernées.

Comme dans bien d’autres domaines, ce constat relatif à l’adéquation des ressources et des charges laisse à penser que l’on demande à la politique de la ville de régler des problèmes de portée générale avec des moyens inadaptés.

En effet, le véritable clivage réside d’abord dans la distorsion entre villes riches et villes pauvres.

L’agglomération de Clichy-Montfermeil réunit un maire de gauche, Claude Dilain, et un maire de droite, Xavier Lemoine, qui, inlassablement, main dans la main, mènent des actions communes dans des conditions difficiles, au service des habitants des quartiers. De même, l’amendement relatif à la DSU, voté lors du projet de loi de finances pour 2010 et visant à flécher les crédits vers les villes les plus pauvres, a été porté par Pierre Cardo et François Pupponi, qui ont su se rassembler au-delà des clivages partisans.

Les réformes en cours nous appellent à mener une réflexion sur le rôle majeur à venir des intercommunalités, tant en termes de mise en œuvre des politiques publiques que de solidarité intercommunale.

La nouvelle génération de contrats urbains de cohésion sociale devra traduire la philosophie de la Dynamique espoirs banlieue, c’est-à-dire réunir l’ensemble des acteurs, notamment les départements et les communes. Ces contrats rénovés devront surtout sacraliser le droit commun et traduire concrètement la mobilisation et l’engagement de tous.

Victor Hugo disait très justement que la ville est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société. Quant à Jean Jaurès, il déclarait : « Je n’ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans lesquelles elle n’est qu’un mot. » Le chemin pour réduire les inégalités territoriales et sociales est encore long, et le courage politique ne suffira pas, monsieur Le Bouillonnec. C’est ensemble, au-delà des clivages politiques, que nous y parviendrons. Il en va de la cohésion républicaine qui fait le socle de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. Le débat sur la politique de la ville est clos.

Débat sur l’évolution de la politique immobilière de l’État

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’évolution de la politique immobilière de l’État.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, la parole est à M. Yves Deniaud, rapporteur spécial sur la politique immobilière de l’État.

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur la politique immobilière de l’État. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord rappeler le rôle tout à fait prépondérant joué par le Parlement dans la mise en œuvre de la nouvelle politique immobilière de l’État. C’est en effet à partir des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de notre Assemblée – qui s’était saisie en 2005 du thème du patrimoine immobilier public –, travaux qui ont été pris en compte par le ministre du budget et de la réforme de l’État d’alors, Jean-François Copé, qu’ont été définis les fondements de cette nouvelle politique immobilière de l’État, la NPIE. Celle-ci repose sur quelques grands principes, au premier rang desquels figure – j’y insiste – la séparation entre la fonction de propriétaire et celle d’utilisateur ou d’occupant que sont les ministères et les opérateurs de l’État.

Depuis 2005, des progrès notables ont été accomplis : France Domaine, en tant que service unique exerçant la fonction d’État propriétaire et de pilotage des baux pour l’État locataire a vu son rôle affirmé ; le tableau général des propriétés de l’État – TGPE – a été mis à jour ; l’institution de « loyers budgétaires », versés à l’État par ses propres administrations, vise à responsabiliser les occupants des locaux du domaine de l’État ; le compte d’affectation spéciale retraçant les dépenses d’investissement d’immobilier de l’État financées par le produit de ventes immobilières a été constitué en 2006 ; la création en 2009 du programme « Entretien des bâtiments de l’État » a constitué une amorce de politique d’entretien unifiée, prise en charge par France Domaine ; le patrimoine des opérateurs a enfin été recensé et il est en cours d’évaluation, avec les péripéties que l’on connaît.

Toutefois, si des progrès ont été constatés, je me dois d’apporter quelques bémols à ce satisfecit.

En ce qui concerne la politique d’entretien, les visites effectuées en ma qualité de rapporteur spécial dans les services déconcentrés m’ont convaincu du caractère indispensable d’une gestion mutualisée des crédits d’entretien au niveau territorial. Or, j’ai pu constater des résistances à cet objectif de gestion unifiée de l’immobilier de la part des administrations centrales. Là où les services déconcentrés font, dans l’ensemble, preuve de bonne volonté, les services centraux refusent d’admettre qu’ils ne doivent plus se comporter en propriétaires. Il en résulte parfois des conflits avec les préfets et les administrateurs des finances publiques, les directeurs des services déconcentrés ne sachant plus à quel saint se vouer, tiraillés qu’ils sont entre la volonté d’une gestion unique locale et les instructions contraires de leur administration centrale.

J’ai également eu l’occasion de souligner, lors du dernier projet de loi de finances, la complexité de gestion de ce programme « Entretien ». En effet, les crédits sont mis à disposition de quatorze budgets opérationnels de programme, les BOP. Il y a là le risque, pour les ministères, de se considérer toujours comme destinataires des crédits, au détriment de France Domaine, dont il convient de renforcer par ailleurs le rôle et les moyens, notamment en ce qui concerne la capacité de négociation et la professionnalisation des évaluateurs, en particulier des évaluateurs de terrain.

En ce qui concerne les services déconcentrés de l’État, l’immobilier joue un rôle prépondérant dans la mise en œuvre et la réussite de la réforme administrative territoriale de l’État, laquelle devrait s’étendre à tous les services et pas seulement à ceux dépendant directement des préfectures.

S’agissant du tableau général des propriétés de l’État, il est certes mieux renseigné actuellement qu’il ne l’était par le passé. Cela étant, je partage les réserves émises par la Cour des comptes sur l’évaluation des biens y figurant.

(M. Maurice Leroy remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial. Autre point très important et inquiétant : le passage du serveur du tableau général des propriétés de l’État au programme d’information Chorus-RE-FX, qui sera le seul disponible dans un avenir proche. La Cour des comptes émet de très sérieuses réserves sur la capacité de ce système, n’y voyant aucun avantage par rapport au précédent. Michel Bouvard développera ce point capital.

L'immobilier des opérateurs, dont on connaît une première évaluation – 42 milliards d'euros – se doit d'être géré dans les mêmes conditions que l'immobilier de l'État. L'extension aux opérateurs, attendue en 2012, du dispositif des loyers budgétaires est à ce titre primordiale.

La semaine prochaine, dans le cadre de la certification des comptes de l’État, la Cour des comptes devrait aussi maintenir ses réserves substantielles sur le système d’information, sur les opérateurs et sur le patrimoine immobilier. Cela prouve que si nous avons fait du chemin, il en reste encore beaucoup à parcourir.

Prenons maintenant quelques exemples de ministères, en commençant par le projet de regroupement des services du ministère de la défense à Balard, une opération très importante.

M. Jean-Louis Dumont. Secret d’État ! Silence ! (Sourires.)

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . La MEC sur les recettes exceptionnelles du ministère de la défense a eu, au cours des dernières semaines, l’occasion de s'intéresser particulièrement à toutes les composantes de ce projet.

Pour ma part, je m'interroge sur les modalités de cession des emprises parisiennes, compte tenu de l'échec de la mise en place de la société de portage qui avait été initialement prévue.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! Le rapporteur a raison !

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . Selon quelle procédure et à quelle échéance ces immeubles seront-ils cédés, sachant que le déménagement à Balard est prévu en 2014 ? Quelles sont les recettes espérées ? Sera-t-il procédé à de nouvelles évaluations ?

M. Jean-Louis Dumont. Une fois de plus, la Caisse des dépôts n’a pas joué son rôle avec la SOVAFIM !

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . Évoquons à présent la gestion immobilière du ministère de la justice. Dans un nouveau référé qui vient confirmer les propos que j'avais tenus ici même lors du débat budgétaire, la Cour des comptes relève le caractère incohérent de l'organisation de la gestion immobilière du ministère.

Qu'apporte réellement l'existence de deux agences immobilières pour le ministère de la justice : l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, d'une part, et l'Établissement public du Palais de justice de Paris, d’autre part ? Ce dernier, qui a été réactivé après dix ans d’inaction totale…

M. Jean-Louis Dumont. Comme les juges d’ailleurs !

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . …est chargé de la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Nous espérons bien voir sortir de terre ce nouveau tribunal, comme en a décidé le Président de la République.

Dans les deux cas, il y a confusion des rôles entre le propriétaire et l'occupant. Ces deux agences ont en commun une fâcheuse tendance à s'affranchir de la discipline induite par la nouvelle politique immobilière de l'État.

En outre, au sein du ministère de la justice, ces deux agences et les services généraux du ministère, notamment les services administratifs régionaux, jouent des rôles redondants. Une organisation unique, beaucoup plus partenaire de France Domaines, devrait s'imposer.

La réforme de la carte judiciaire devrait, selon le ministère, coûter 385 millions d'euros en travaux et acquisitions, une somme répartie de la manière suivante : deux tiers pour l'APIJ et un tiers pour les SAR. Comprenne qui pourra !

Ce montant s’ajoute aux 1 268 millions d'euros de travaux programmés sur les bâtiments judiciaires. Les sommes en cause justifient largement que le contrôle soit perfectionné. À tout le moins, une cohérence doit être recherchée entre la réforme de la carte judiciaire et la politique immobilière du ministère.

Vous connaissez l’histoire de l'immeuble de la rue de la Convention, occupé par le ministère des affaires étrangères. L'immeuble a été vendu, puis racheté par l'État beaucoup plus cher, après travaux de réhabilitation. Je ne reviens pas sur cette affaire.

Cela étant, quand l'État construit lui-même, le bilan des coûts est catastrophique et les délais sont éminemment plus longs.

Le ministère de la santé en fournit un exemple que j’ai déjà cité : une opération estimée à 175 millions d’euros – pour le moment – a débuté en 1994 et ne doit s’achever qu’en 2012, soit dix-huit ans plus tard. Elle n’a jamais fait l’objet d’une décision politique formelle et normale pour ce genre d’opération, c'est-à-dire de la part du Premier ministre ou du ministre de la santé.

M. Jean-Louis Dumont. À l’époque, le ministre s’appelait Bernard Kouchner et il était de gauche !

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . Beaucoup de ministres se sont succédé et aucun d’entre eux, pas plus que les Premiers ministres, n’ont pris de décision formelle sur cette opération.

M. Jean-Louis Dumont. Bernard Kouchner a fait la même chose aux affaires étrangères et c’est plus gênant pour vous !

M. Yves Deniaud, rapporteur spécial . Cet exemple, les projets de Balard et du TGI de Paris m’inspirent la forte impression que le recours de plus en plus fréquent aux partenariats public-privé est l’aveu de l’impuissance de l’État à construire lui-même.

Il faudrait donc impérativement proposer des solutions permettant de toiletter l'arsenal législatif et réglementaire pour que l'État soit de nouveau capable de construire lui-même.

Enfin, je souhaite évoquer le regroupement à La Défense – dans et autour de l'immeuble de la Grande Arche – des services centraux du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Le bien-fondé de cette opération de regroupement, en termes de fonctionnalité et d'efficacité pour l'activité quotidienne des personnels, ne fait aucun doute.

Cependant, au-delà de l'effet positif en termes fonctionnels, les services du ministère mettent en avant des conséquences financières bénéfiques. Ainsi ce regroupement devrait permettre une économie de 2,7 millions d'euros par an en coût de fonctionnement.

Compte tenu des loyers pratiqués dans le quartier de La Défense, en tout point comparables à ceux en vigueur dans certains quartiers parisiens – notamment ceux que ce ministère a quittés –, et selon les informations transmises par le MEEDDM, l'économie réalisée sur les loyers se révèle finalement toute relative.

En outre, je considère insincère la valeur des loyers budgétaires des locaux occupés par le ministère. Le loyer budgétaire de la paroi nord où l’État est propriétaire est fixé à la moitié du loyer effectivement payé dans la paroi sud de la Grande Arche où l’État est locataire.

Je tiens donc à minimiser énergiquement l’argument avancé du caractère emblématique d'une première implantation de services centraux ministériels située hors Paris intra-muros. Passer du centre de Paris à La Défense et prétendre qu’on a quitté la capitale, c’est un peu se moquer du monde !

Les exemples de ces trois ministères montrent clairement les obstacles que rencontre la volonté politique qui est à la base de la nouvelle politique immobilière de l’État et qui la soutient dans son développement.

Cela démontre – ce sera ma conclusion – que l’effort tenace d’affirmation dans les faits de l’État propriétaire unique, doté d’un exécutant unique et fortement professionnalisé, France Domaines, doit être poursuivi et mené à son terme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord présenter mes excuses à notre collègue Yves Deniaud, dont j’ai manqué le début de l’intervention.

J’avais précédemment demandé une suspension de séance de cinq minutes, et je regrette qu’elle ne m’ait pas été accordée. Voilà pourquoi je n’étais pas présent au début de votre intervention, monsieur le rapporteur.

Ce débat a été souhaité par le bureau de la commission des finances, inscrit par la conférence des présidents. C’est le deuxième du genre auquel nous procédons. Monsieur le ministre, j’espère que celui-là aura plus de conséquences que le premier, relatif aux services départementaux d’incendie et de secours, en avait eu.

S’agissant du débat du jour, le bilan de l’action publique est globalement satisfaisant, d’abord en matière de gestion. Initiée avec la mission d’évaluation et de contrôle, il y a quelques années, la création de l’agence France Domaines a permis une professionnalisation et l’affirmation de certains principes : séparation entre le propriétaire et l’occupant, le premier étant en charge de la gestion immobilière, le second s’occupant de la maintenance.

Les outils ont été rénovés puisqu’il existe un schéma pluriannuel de stratégie immobilière, un tableau général des propriétés de l’État et un compte d’affectation spéciale. La mission d’évaluation et de contrôle avait souhaité ces réformes et le pouvoir exécutif les a faites. Il faut l’inscrire dans la colonne « positif » du bilan que nous avons à dresser.

Des enjeux demeurent. En matière de gouvernance, il existe un Conseil de l’immobilier de l’État. Son président a dû démissionner puisqu’il a été appelé à des fonctions ministérielles.

Monsieur le ministre, il faudrait que notre ancien collège Georges Tron soit remplacé dans les meilleurs délais. Il avait fait du très bon travail…

M. Jean-Louis Dumont. Un excellent travail !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …à la tête de ce Conseil immobilier de l’État. Je voudrais profiter de ma présence à cette tribune pour le dire et lui rendre hommage.

Il faudrait créer un tableau de bord par ministère, afin d’améliorer la gestion immobilière de l’État et la rendre, sinon irréprochable, en tout cas très acceptable.

L’information fait aussi des progrès, grâce notamment au tableau général des propriétés de l’État que j’ai déjà évoqué et qui devrait être transféré vers le célébrissime système Chorus.

Je ne suis pas certain que, dans ce secteur comme dans d’autres, ce système Chorus donne toute satisfaction et réponde aux espoirs qu’il avait pu nourrir.

De deux choses l’une : si le transfert doit se faire, assurons-nous qu’il se passe dans de bonnes conditions sans déperdition d’information ; si des doutes existent, il vaut mieux garder le système actuel, qui, finalement, donne plutôt satisfaction. Je parle sous le contrôle de mon collègue Yves Deniaud.

S’agissant de l’outil budgétaire, à titre personnel, je me permettrai d’émettre une suggestion : mutualiser davantage le produit de la vente de bâtiment dépendant de tel ministère, et donc en finir avec la règle qui impose d’affecter 60 % du produit d’une vente au ministère en question. Il me semble qu’une mutualisation plus importante ne pourrait qu’être bénéfique.

Deux remarques avant de conclure sur le même sujet qu’Yves Deniaud.

La première porte sur les opérateurs. Monsieur le ministre, il faut que vous vous assuriez que les opérateurs appliquent la même politique immobilière que l’État. Dans d’autres cadres de politiques publiques, nous avons constaté que l’État peut s’infliger des disciplines rigoureuses sans penser, vouloir ou pouvoir appliquer les mêmes aux opérateurs.

Naturellement, je fais référence au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Cette règle n’a été étendue aux opérateurs de l’État que très récemment, deux ou trois ans après son application par l’État lui-même. Ne tardons pas trop avant de s’assurer qu’il en va de même en matière de gestion immobilière

Vous connaissez le problème très particulier de l’université.

Je termine par les quelques points noirs de la gestion immobilière de l’État.

Tout à l’heure, il a été fait référence à un immeuble du 15 e arrondissement de Paris. Chacun sait que cette opération était pour le moins contestable, compte tenu des diverses allées et venues constatées : l’État vend un immeuble à une société immatriculée au Luxembourg ; celle-ci le rénove, puis le revend à l’État à un prix que la rénovation ne peut en rien justifier.

Cette opération est un véritable point noir car elle a donné lieu à des interprétations diverses, y compris le plus infamantes pour notre République.

Nous avons récemment obtenu, et j’en félicite mes collègues de la commission car ils n’y sont pas pour rien, l’abandon du projet du ministère de l’immigration d’installer une partie des services de sa nouvelle administration centrale dans un immeuble au loyer extrêmement élevé, situé rue de Grenelle : rue prestigieuse, dans un quartier qui ne l’est pas moins, au sein duquel il n’a pas paru évident aux membres de la commission que la gestion de l’immigration pouvait être la plus performante.

Troisième point noir que la mission d’évaluation et de contrôle avait mis en évidence : l’absence de toute décision des autorités politiques concernant le ministère de la santé. Yves Deniaud vient de le dire : il n’est pas acceptable que l’État prenne de tels engagement sans qu’une décision politique clairement identifiée en soit à l’origine.

Quatrième point noir : après une commission élargie de 2008, le ministre du budget de l’époque, Éric Woerth, avait adressé aux responsables des opérateurs un courrier comminatoire leur enjoignant d’achever l’inventaire de leur parc immobilier, sous peine de sanctions, notamment pécuniaires : pourriez-vous, monsieur le ministre du budget, nous dire si ce courrier très fort – et même violent, aux dires de certains – a eu l’effet souhaité, cette violence étant à mon sens adaptée à l’attentisme dont les opérateurs faisaient preuve ?

J’en termine avec une dernière interrogation, sinon un autre point noir, en l’occurrence deux dossiers sur lesquels la commission des finances et son rapporteur spécial resteront vigilants. Le premier concerne la construction d’un centre de conférences internationales sous l’esplanade des Invalides, projet jusqu’alors nié, devant la commission, par le ministère des affaires étrangères. Est-il nié à raison ou par ignorance ? Si c’est à raison, il va de soi que la commission n’abordera plus la question ; si c’est par ignorance, il serait souhaitable que vous informiez rapidement – oserai-je dire : toutes affaires cessantes ? – votre collègue du Gouvernement que ce projet existe bien, et que le nier traduit de sa part une méconnaissance préoccupante de la gestion de son ministère.

Le second dossier est le projet de construction d’un bâtiment neuf à la Défense pour le ministère de l’écologie. Nous vous saurions gré, monsieur le ministre, de nous indiquer où en est ce projet, sur lequel la commission et le rapporteur spécial ont déjà interrogé l’exécutif à plusieurs reprises.

Tels sont les différents points que, en ayant légèrement dépassé mon temps de parole – ce dont je vous prie, monsieur le président, de m’excuser –, je souhaitais aborder. Je me félicite que ce débat ait lieu à la demande du bureau de la commission, et j’espère que les sujets que nous avons suggérés à la Conférence des présidents puissent rassembler, la prochaine fois, une assistance encore plus nombreuse sur nos bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Bouvard et M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État . Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le président de la commission des finances au sujet de CHORUS. Si l’enfant est né dans des conditions de siège, nul ne peut contester non plus que ce dispositif nous a permis de gagner du temps et de stabiliser le système de fonctionnalités.

M. Jean-Pierre Brard. L’enfant a encore des séquelles !

M. François Baroin, ministre du budget . Certes, mais l’essentiel est que le système marche.

M. Jean-Pierre Brard. Il marche, mais avec des béquilles !

M. François Baroin, ministre du budget . Je puis vous dire que CHORUS sera désormais un puissant allié dans la rationalisation et la gestion du patrimoine, puisque, si j’ai bien compris, tel est le souci de chacun.

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement qu’il y a des prothèses !

M. François Baroin, ministre du budget . Je me suis tenu très précisément informé de la mise en place et de l’évolution de cet outil, monsieur Brard, et surtout de ses perspectives de stabilisation.

Je veux faire quelques rappels sur les différentes opérations dont il a été question, en commençant par celle qui concerne le ministère des affaires étrangères, dont l’administration centrale, suite à sa restructuration, n’occupe plus que deux sites, contre neuf auparavant. L’État, je le rappelle, a vendu 550 millions d’actifs et en a racheté 325 millions ; c’est le fruit des bons résultats des cessions menées en 2007 : je pense au centre de conférences de l’avenue Kléber et au ministère de la coopération. L’évolution ultérieure du marché a montré que l’État avait fait là deux très bonnes affaires.

J’ajoute que le Gouvernement a été transparent, puisqu’il a mandaté l’inspection des finances et a transmis ses conclusions aux deux assemblées, lesquelles ont mené des auditions sur ces opérations : M. le rapporteur spécial l’a rappelé. La vente initiale par l’Imprimerie nationale avait sans doute été mal ficelée, ce qui explique en partie la plus-value réalisée par le groupe Carlyle, estimée à 100 millions par l’Inspection générale des finances.

Enfin, la vente du centre de l’avenue Kléber n’a pas de lien direct avec l’organisation du sommet de l’Union pour la Méditerranée en 2008 : à cette date, je le rappelle, l’État occupait encore les bâtiments, mais ils n’offraient pas les conditions d’espace et de sécurité suffisants pour accueillir le sommet, d’où le choix du Grand Palais. À la demande du Président de la République, une mission d’inspection travaille actuellement sur les conditions de construction d’un centre de conférences associant des partenaires et des financeurs privés : c’est là un élément de réponse à l’un des points que vous avez soulevés, monsieur le président de la commission.

Vous avez également évoqué la proposition qu’Éric Woerth avait faite devant la commission des finances au sujet des réticences – pour le dire pudiquement –, voire des réserves, du blocage certain ou du blocage tout court des opérateurs extérieurs, qui, le temps aidant, se sont peu à peu sentis propriétaires d’un bien qui ne leur appartient pas. Cette attitude s’est ressentie dans la gestion du patrimoine immobilier, ce qui explique en partie l’extrême lenteur avec laquelle l’État a remis la main sur le bien qu’il possède. Le nombre d’années qu’il a fallu pour faire la part entre ce dont disposent respectivement l’État et les opérateurs, administrations publiques ayant des délégations pour des missions de service public, est proprement stupéfiant. Cet exemple montre en tout cas que, depuis l’impulsion donnée en 2004, nous pouvons déterminer beaucoup plus efficacement ce qui appartient réellement à la collectivité publique ; je vous communiquerai d’ailleurs les chiffres à ce sujet.

Mais pour revenir à votre question, monsieur le président de la commission, la démarche de M. Woerth a porté ses fruits. Signifier au dirigeant d’un opérateur extérieur que, faute de réponse de sa part, une sanction lui sera appliquée sur sa rémunération – ce qui, d’ailleurs, fut le cas – montre au passage que le dialogue entre les ministères et les opérateurs extérieurs peut subir des altérations profondes. (Sourires sur divers bancs.) Toujours est-il que, suite à cet entretien entre le ministre du budget d’alors et la commission des finances, le message est passé, seuls trois opérateurs n’ayant pas répondu dans les délais ; il faut dire qu’ils avaient tous trois vocation à disparaître.

Je rappelle les chiffres que j’avais donnés en Conseil des ministres il y a quelques semaines. Nous parlons aujourd'hui d'un patrimoine de 60 milliards d'euros pour l'État et de 42 milliards de biens contrôlés par les opérateurs. L'importance de cette politique mérite d'être soulignée car elle montre que l'État, qui connaît désormais son patrimoine, peut être aussi bon gestionnaire que les acteurs immobiliers privés, dans l'intérêt des Français. C'est désormais mon ministère qui a la charge de toute la gestion immobilière de l'État, et plus précisément le service France Domaine, au sein de la direction générale des finances publiques.

Je prends devant vous l’engagement solennel d’intensifier cette politique, dont les principes me tiennent à cœur : responsabilité à l'égard du contribuable, mais aussi transparence – point souligné par M. le président de la commission et M. le rapporteur spécial, et dont je ne doute pas qu’il fasse consensus dans votre assemblée. Cela nécessite que le patrimoine soit rationalisé et toujours mieux entretenu pour, le cas échéant, être mieux vendu.

C’est pourquoi je suis heureux de participer aujourd’hui à ce débat utile, organisé à l’initiative de votre commission des finances. Il est l'occasion, pour moi, de remercier mon ancien collègue Yves Deniaud, ainsi que votre commission, la mission d'évaluation et de contrôle et le Conseil de l'immobilier de l'État. Il ne m’a pas échappé que Georges Tron, qui exerce désormais des responsabilités gouvernementales, doit être remplacé dans les meilleurs délais afin que le partenariat se poursuive dans les meilleures conditions. Le Conseil de l'immobilier de l'État a fait du bon travail, et il doit continuer. Je prends donc l’engagement devant vous que nous nous efforcerons de trouver, avec la commission des finances, le meilleur interlocuteur possible, pour votre assemblée et pour l’État : il y va de la cohérence de notre démarche.

Notre politique immobilière s'appuie tout d'abord sur un travail de rationalisation. En premier lieu, nous souhaitons adapter le parc immobilier aux nouvelles missions de l'État. Nous réalisons des regroupements de sites en cas de fusions de services, effectuons des acquisitions et des cessions, des déménagements, des travaux. Les schémas pluriannuels de stratégie immobilière permettent d'organiser ces opérations ; Yves Deniaud les a évoqués. Je salue à cette occasion une nouvelle fois le Conseil de l'immobilier de l'État, son professionnalisme et sa vigilance dans cette tâche.

L’exemple des administrations centrales des ministères de l'économie et du budget illustrera mon propos, puisque 55 % de leurs effectifs seront installés au-delà du périphérique après 2012. J’ignore qui, des habitants de Paris ou de ceux de La Défense, ont pu être peinés par vos propos ; toujours est-il que 1 500 emplois ont été délocalisés à Ivry, de sorte que, je le répète, 55 % des personnels du ministère des finances ont quitté Bercy, ce qui entraînera une économie annuelle, pour les loyers, de 22 millions d'euros.

Notre autre ambition est de rendre le parc immobilier de l'État plus restreint et moins coûteux. Cet impératif s’inscrit dans la ligne des mesures annoncées récemment par le Gouvernement, notamment la réduction de 10 % des crédits de fonctionnement de l'État en trois ans. Nous disposons pour cela de deux leviers. Le premier est la réduction des surfaces occupées par l'État, évolution dont je rappelle qu’elle est tout à fait nouvelle. Depuis 2007, les surfaces de bureaux de l'État, qui représentent environ 12 millions de mètres carrés, ont diminué pour la première fois. En trois ans, la réduction atteint environ 1,5 %, soit 184 000 mètres carrés.

Cela reste cependant très insuffisant, et nous sommes loin de l'objectif fixé par le Gouvernement, à savoir un ratio d'occupation de 12 mètres carrés par agent. Les ratios restent d'environ 15 mètres carrés par agent dans les administrations centrales, et de 18 mètres carrés par agent dans les services déconcentrés. Dans ces derniers, près de sept cent cinquante sites et 500 000 mètres carrés devraient être supprimés, à la faveur de la création des directions départementales interministérielles, d'ici à 2012.

Notre second levier est la réduction du coût au mètre carré : tel est l'objet des loyers budgétaires qui ont été généralisés et indexés en 2010. C'est une forte incitation à réduire les surfaces. Grâce à l'appui des parlementaires, dont Richard Mallié, nous avons aussi entrepris des renégociations et des résiliations des baux privés trop chers payés par l'État. Par exemple, il était excessif d’acquitter plus de 190 millions d'euros de loyers en Île-de-France. Nous avons ainsi conclu des baisses de l'ordre de 40 % en combinant la réduction des surfaces et la baisse des prix, et avons obtenu de bons résultats, comme pour le bail du ministère des sports, le plus cher, passé de 14,5 à 8 millions d'euros. Au regard de nos besoins budgétaires, ces quelques millions peuvent sembler peu, mais ils montrent que nous allons dans la bonne direction, et que leur addition entraînera, à terme, une économie convenable pour l’État et le patrimoine des opérateurs.

Nous y travaillons par exemple, en ce moment, pour le siège de la HALDE, dont le loyer est légitimement jugé trop élevé.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. François Baroin, ministre du budget . Il serait irresponsable que les administrations continuent à prendre à bail des bureaux au prix trop élevé. À Paris, je refuserai ainsi tout loyer supérieur à 400 euros par mètre carré.

Troisième aspect de la rationalisation : nous tenons à ce que la qualité et l'entretien du parc immobilier soient constamment améliorés, que ce soit pour valoriser notre patrimoine – ce qui profite aux contribuables –, ou dans la perspective d’une cession. Il est en effet plus facile de vendre au prix du marché un bien régulièrement réhabilité : lorsque des travaux sont nécessaires, l’acquéreur peut aisément négocier le prix d’achat à la baisse.

Désormais le budget d'investissement pour l'entretien est unifié. Les crédits alloués, qui atteignent 169 millions d'euros en 2010, ne peuvent être utilisés au profit d'autres dépenses de fonctionnement, car ils sont désormais sanctuarisés. La totalité du programme sera déconcentrée en 2012.

Dès 2012, nous disposerons aussi d'un programme pluriannuel régional de travaux, avec comme priorité la réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement. Je remercie Yves Deniaud pour son appui dans cette démarche, qui doit en effet concerner tous les ministères.

Deuxième axe de réflexion : les bâtiments utilisés par l’État doivent être gérés avec soin, tandis que nous valorisons les bâtiments dont nous n’avons plus besoin en organisant leur cession.

Notre objectif est de les vendre au mieux des intérêts de l’État. C’est incontestable, c’est une tautologie, c’est un constat d’évidence ; cependant, s’agissant d’un sujet d’une telle importance, dans le contexte singulier qui nous rassemble, ce qui va sans le dire va encore mieux en le disant.

Nous avons derrière nous cinq années d’expérience. Depuis 2005, ce sont plus de 3,1 milliards d’euros de produits de cessions qui ont été encaissés par l’État. Cette politique a bénéficié d’un marché immobilier très favorable au cours des années 2005-2007. En 2008 et 2009, nous avons ralenti les cessions. Cela explique que les objectifs fixés par la loi de finances n’aient pas été atteints pendant la crise. Si nous avions fait autrement, on nous aurait fait le reproche d’avoir bradé une partie du patrimoine dans un marché baissier. Une fois encore, il faut avoir le sens des responsabilités, le sens de l’État dans toutes ses dimensions, y compris sa dimension patrimoniale, pour gérer au mieux en fonction de l’évolution du marché. Il n’est pas question d’agir de telle façon que l’on se retrouverait montrés du doigt quelques années plus tard pour n’avoir pas eu, sinon une gestion de bon père de famille, du moins une certaine lucidité sur la réalité de l’évolution du marché.

Je présenterai prochainement un programme prévisionnel des opérations de cession de l’État pour l’année 2010 et les deux années suivantes. Il précisera le calendrier de cession, durant ces trois ans, de près de 1 700 biens très divers : bureaux, logements, terrains, casernes.

En ce qui concerne les bâtiments à grande valeur historique, qui sont souvent l’objet de légitimes débats et questionnements, comme par exemple, à Paris, l’hôtel de la marine, nous poursuivons nos travaux. Nous examinons notamment une piste qui, à titre personnel, m’a toujours intéressé : il s’agit d’offrir un chemin à des acteurs désireux d’entrer sur le marché de l’immobilier de l’État pour des projets intéressants, des missions de service public, ou à des fins privées, mais dans une logique de bail emphytéotique. Or, si l’emphytéose a une longue histoire en France, elle n’est entrée dans les mœurs que récemment, si tant est qu’elle existe encore. Nous avons beaucoup de difficultés à convaincre d’éventuels opérateurs privés d’entrer sur le marché dans cette logique d’emphytéose. Tous ceux d’entre nous qui exercent des responsabilités locales se rappellent des sollicitations à propos de biens publics que nous ne voulions pas céder mais dont nous n’avions plus ni l’affectation pour des missions d’intérêt général ni, compte tenu des coûts élevés induits par la qualité historique de tel ou tel monument, les moyens de les entretenir. Certaines opérations ont parfois été bloquées parce que la seule solution acceptable pour la collectivité était le bail emphytéotique, que refusait souvent celui qui voulait véritablement devenir propriétaire. Un gros travail de pédagogie, d’explication doit être accompli à propos de la réalité des baux emphytéotiques.

L’exemple anglais, évoqué par certains, n’est pas forcément d’une grande pertinence.

M. Jean-Pierre Brard. Non, pas vraiment !

M. François Baroin, ministre du budget . Les Anglais ont encore une reine. Cette histoire des grandes familles dans lesquelles les biens se transmettent sans que l’on devienne jamais propriétaire n’est pas reproductible,…

M. Jean-Pierre Brard. Ni morale !

M. François Baroin, ministre du budget . …ni à Paris ni en Île-de-France, mais un débat autour de l’acte emphytéotique présente des vertus. L’emphytéose est probablement la meilleure solution pour que l’État conserve ses biens et que la restauration soit effectuée sans que cela coûte trop d’argent au contribuable.

Ces cessions seront réalisées de façon efficace et, naturellement, dans des conditions de transparence absolues. Je m’y engage devant vous.

Je souhaite également que soient appliquées partout les procédures modernes d’appel d’offres, qui ont fait leurs preuves, notamment à Paris. Nous notifions à la commune notre intention de céder un bien, comme le prévoit la loi. Elle a deux mois pour le prendre, au titre du droit de priorité, et à la valeur domaniale. Si elle ne le souhaite pas, alors la discussion est terminée et un appel d’offres est lancé, public, annoncé dans la presse et ouvert à tous les candidats. L’appel d’offres est plus rapide et plus rentable que les négociations de gré à gré.

Je souhaiterais maintenant évoquer plus précisément les conditions de vente des bâtiments parisiens du ministère de la défense qui seront quittés lors du déménagement de Balard.

Le Gouvernement n’a pas appliqué le schéma de cession envisagé lors de la discussion de la loi de programmation militaire. En effet les négociations menées avec la Caisse des dépôts – M. le président Bouvard est présent parmi nous – et la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, ont conduit à une offre significativement inférieure, à l’époque, à la valeur estimée.

M. Michel Bouvard. Peut-être cette estimation n’était-elle pas pertinente !

M. François Baroin, ministre du budget . Le Gouvernement l’a refusée – je ne vous apprends rien – et a décidé de reprendre l’opération, par appels d’offres, bien par bien, selon un calendrier que je préciserai dans le programme de cessions de l’État.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la vente par appartements !

M. François Baroin, ministre du budget . Je suis certain que vous comprenez notre souhait de ne pas brader nos biens immobiliers, quel qu’en soit l’acquéreur.

J’en viens au dernier volet de la politique immobilière de l’État. Comme le président Cahuzac et le rapporteur Deniaud l’ont rappelé, comme beaucoup d’entre vous, dont j’ai lu les écrits, l’ont souhaité, j’ai voulu que cette politique s’applique désormais aux opérateurs.

Je remercie la commission des finances pour son soutien dans cette démarche. À l’origine, les opérateurs refusaient de répondre aux demandes d’inventaire de l’État.

Aujourd’hui, grâce à la mesure un peu brutale à laquelle nous avons recouru, nous savons que leur patrimoine représente 40 millions de mètres carrés d’immeubles bâtis, dont 2,4 millions de mètres carrés de bureaux, et 7 millions d’hectares de terrains non bâtis. Cela représente 42 milliards d’euros, dont 26 milliards pour les biens de l’État.

Comme les administrations, les opérateurs de l’État devront présenter un schéma immobilier pour le 30 juin prochain. Il faudra prévoir les conditions dans lesquelles les terrains ou immeubles appartenant à l’État lui seront restitués, lorsqu’ils ne sont pas nécessaires aux activités de service public que mènent ces opérateurs. Enfin, les opérateurs devront payer des loyers dès 2012. Le principe même du loyer est responsabilisant pour des opérateurs caractérisés par une culture de distance voire d’éloignement définitif.

Je me félicite des partenariats que l’État a déjà pu nouer avec certains opérateurs gérant des biens de l’État, comme l’Office national des forêts.

D’autres opérateurs souhaitent à l’inverse, je le sais, obtenir le transfert de la propriété des biens de l’Etat à leur profit. Il ne fait aucun doute que nous résisterons à ces tentatives.

Pour conclure, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je crois que nous pouvons nous féliciter, malgré tout, même si elles sont insuffisantes et trop lentes, des avancées accomplies jusqu’ici. Soyons objectifs : elles sont considérables. C’est évident si l’on compare la situation actuelle au constat fait par la mission d’évaluation et de contrôle en 2005 ; nous nous en souvenons tous. La démarche de l’État a rejoint celle des entreprises privées et publiques, qui ont amorcé ce mouvement il y a, respectivement, vingt et dix ans. Cela ne fait que cinq ans que l’État s’est engagé sur cette voie.

Nous devons poursuivre notre action sur tous ces points, avec le concours des ministères et l’appui du Parlement. J’insiste sur ce dernier point : notre politique immobilière permettra notamment à l’État de réaliser d’importantes économies. C’est dire la pertinence, dans l’absolu, de notre débat d’aujourd’hui. Et c’est dire s’il tombe à point nommé dans la préparation du débat d’orientation budgétaire. J’aurai l’honneur d’insister sur cet enjeu lors de l’examen de la loi de finances. La question est importante, en général, pour l’évolution de l’État et, en particulier, dans la recherche des gisements d’économie dont nous avons besoin pour boucler le budget 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Yves Deniaud vient de traiter une grande partie des nombreuses problématiques relatives à l’évolution de la politique immobilière de l’État.

J’aurais effectivement pu vous parler, monsieur le ministre, du rôle que peut jouer la Caisse des dépôts et consignations. Je ne peux pas laisser dire que les propositions formulées par le groupe Caisse des dépôts auraient conduit l’État à brader le patrimoine immobilier de la défense nationale. Je crois que l’État devra s’interroger sur les valeurs données par les services des domaines. Qu’il veuille bien, aussi, considérer que, lorsque l’on propose de partager la valorisation ultérieure entre la Caisse et l’État, la Caisse se soucie de ses intérêts patrimoniaux, surtout lorsqu’elle n’est pas sûre de la date de livraison par l’État des bâtiments sur lesquels les travaux doivent être engagés, avec, de surcroît, les contraintes des monuments historiques.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Michel Bouvard. Cela dit, et après avoir salué le travail engagé à l’initiative d’Eric Woerth dans le prolongement des travaux de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF, la MILOLF, sur le patrimoine immobilier des opérateurs de l’État, et la ténacité de notre ancien collègue Georges Tron, désormais secrétaire d’État, j’en viens à l’objet principal de mon intervention : le volet des systèmes d’informations, dans le prolongement des rapports de janvier et juillet 2009 de la MILOLF, « Chorus au cœur de la LOLF », que j’ai rendus avec mes collègues Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson.

Les volets immobiliers de Chorus, projet lancé deux ans après le démarrage du cœur de Chorus, visaient deux objectifs : d’une part, le recensement et la valorisation dans les comptes de l’Etat de l’ensemble de son patrimoine immobilier, sous la direction de France Domaine ; d’autre part, le développement d’un outil de gestion intégré à la comptabilité d’enregistrement et permettant une véritable gestion immobilière professionnalisée, source d’économies et garantie d’un meilleur service.

Sur ces deux points, les résultats paraissent plus que mitigés.

Sur le plan comptable tout d’abord, le déploiement des modules de Chorus supportant le patrimoine immobilier, RE-FX pour la gestion immobilière et FI-AA pour la comptabilité patrimoniale, amène au constat, pour le moins décevant et contraire à nos attentes, d’une certaine régression de la qualité et de l’auditabilité des données.

Les conditions de reprise de ces dernières et leur qualité variable expliquent en partie cette situation, avec des problèmes de double saisie, de contrôle des données enregistrées, voire de cohérence entre elles. Il n’existe, par ailleurs, aucune traçabilité des données, les références des anciens systèmes n’ayant pas été reprises. Au final, un effort sérieux de professionnalisation – qui sera malheureusement coûteux – reste à faire du côté des opérateurs, des utilisateurs et du réseau des évaluateurs. Il doit leur permettre d’apprivoiser l’outil, de maîtriser correctement les écarts de réévaluation, les coefficients d’entretien ou les amortissements, pour permettre au système de produire des données utiles.

Ces difficultés sont encore accentuées par les écarts de pratiques entre les ministères, qui imposeront un important travail de convergence.

L’aspect humain n’est pas seul en cause, et ce résultat s’explique aussi, selon nous, par les lacunes propres à RE-FX. La mauvaise articulation entre les référentiels physiques et comptables limite l’efficacité des mécanismes de contrôle et augmente les risques d’incohérence, d’autant qu’il n’existe pas, en saisie, de contrôles bloquants de cohérence. Cela permet, par exemple, à la surface louée d’un bâtiment d’être supérieure à sa surface réelle.

Le phénomène est aggravé par la complexité de l’interface, l’extrême variété des axes d’imputation retenus et un paramétrage parfois approximatif, qui augmentent la confusion.

Il semble enfin qu’il soit difficile de faire des extractions sur des données cohérentes, et ainsi de pouvoir consulter, par exemple, tous les immeubles d’une même ville. Les préfets en auraient pourtant besoin pour accomplir leur tâche de coordination de la politique immobilière de l’État dans les départements.

Dans ces conditions, beaucoup d’administrations ont préféré conserver en parallèle leurs anciens systèmes, qui, eux, fonctionnent, tels GEDD ou Géode. Cela aboutit au paradoxe d’une modernisation informatique qui crée des doublons ! Nous sommes sans doute loin du tableau que l’on vous a dressé du fonctionnement de Chorus en matière immobilière.

Dans ces conditions, il semble difficile d’imaginer – Yves Deniaud l’a dit – que, dans sa certification de l’exercice 2009, la Cour des comptes puisse lever deux des réserves substantielles qu’elle avait formulées les années précédentes.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Michel Bouvard. France Domaine et l’Agence pour l'informatique financière de l'État, l’AIFE, seraient d’ailleurs parvenus, quoi qu’on en dise, à des conclusions proches, puisqu’ils fixent un objectif minimaliste de « non-régression » des fonctionnalités de Chorus par rapport à ce qui préexistait.

Cela m’amène à mon second point. Aux systèmes d’information s’attache, au-delà de la comptabilité de l’État, un véritable enjeu stratégique, celui de la gestion.

L’optimisation des charges et des superficies constitue en effet un enjeu plus important que les cessions. Selon les travaux de la Cour des comptes, le montant de l’ensemble des dépenses immobilières de l’État serait, en 2010, de l’ordre de 10 milliards d’euros. Or, dans ce domaine, une meilleure gestion permettrait des économies de l’ordre de 10 % dans un premier temps et de 20 % à terme, soit un à deux milliards d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable et ne serait pas inutile ces temps-ci. L’enjeu est d’autant plus important que le recensement du parc a fait apparaître un patrimoine immobilier plus dégradé qu’attendu, dont la remise aux normes sera elle aussi plus coûteuse en raison des normes environnementales et d’accessibilité que s’est fixées l’Etat.

Ces économies ne seront possibles qu’avec un outil de gestion efficace, permettant une comptabilité analytique en coût complet et, dans un premier temps, une comptabilité d’analyse des coûts. Un tel outil offrirait – j’emploi le conditionnel car je ne suis pas certain que l’on puisse en disposer aujourd’hui – une vision d’ensemble du parc et de son état, permettant une véritable gestion des risques, le chiffrage et la hiérarchisation des travaux à réaliser. Il donnerait une vue transversale de l’ensemble de l’immobilier des services de l’État en un endroit, de façon à optimiser les surfaces. À Paris, il aurait évité que certains services déconcentrés ne subissent des hausses de loyer de 30 %, alors que, à côté, des biens appartenant à l’État restent vides ou sont cédés. Une gestion immobilière professionnalisée impliquerait enfin des comptes de résultats par immeuble, la gestion des baux et des loyers budgétaires, des contrats fournisseurs et de maintenance – bref, un véritable outil de gestion.

La version initiale de RE-FX, opérationnelle depuis le 6 avril 2009, se contente de reprendre les fonctionnalités du serveur du tableau général des propriétés publiques, le STGPE, en matière de recensement et d’évaluation du parc.

Monsieur le ministre, l’AIFE s’était engagée le 13 janvier 2009, devant la commission des finances, à ce que ce système puisse évoluer pour constituer l’outil de gestion immobilière dont l’État a besoin, la garantie de l’évolutivité de ce module étant d’ailleurs une des recommandations de la MILOLF.

Les difficultés rencontrées pour la simple comptabilité d'enregistrement ou pour réaliser des extractions amènent à s'interroger sur le réalisme, voire la sincérité de l’engagement pris devant la commission des finances. En l'état actuel des choses, il semble bien improbable que cet outil voie le jour dans un avenir proche.

Dans un cas comme dans l'autre, les difficultés proviennent pour partie de la mise en œuvre du système dans les administrations. Elles proviennent aussi, en raison d'un important déficit de maîtrise d'ouvrage et de façon plus grave, de mauvais choix structurants faits dans les spécifications et la configuration de RE-FX et FI-AA. Ces mauvais choix aboutissent à des imperfections majeures et ne semblent malheureusement pas rattrapables sans de considérables efforts.

Cela m'amène, monsieur le ministre, à vous demander dans quelle mesure et à quel coût il vous semble possible d'améliorer ce système, dans quelle mesure et à quelle échéance il permettra enfin une véritable gestion immobilière.

Pour conclure, ce cas me paraît exemplaire des difficultés que nous aurons, compte tenu des applications en doublons ou des surcoûts d'intégration et de formation, à obtenir le retour d'investissement espéré sur Chorus. Il s'agit pourtant là d'un enjeu majeur pour l'immobilier et au-delà. La vérité de l’action de contrôle que doit exercer le Parlement, y compris la majorité, m’obligeait, cet après-midi, à vous tenir ce discours. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à l’initiative de la commission des finances, un débat sur l'immobilier de l'État a été organisé cet après-midi.

Je voudrais d’abord dire à notre président Jérôme Cahuzac que je l’ai trouvé un peu sévère sur le précédent débat portant sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours. Le Gouvernement avait été très rétif à certaines propositions, mais il en avait admis une, qu’il vous a laissée en héritage, monsieur le ministre, visant à faire porter sur la feuille d’imposition de la taxe d’habitation le montant réel du coût du service départemental en question. Nous verrons si cette proposition aboutira concrètement et, si tel est le cas, ce débat nous aura au moins permis d’avancer en matière de transparence.

Pour revenir à l’immobilier de l’État, le débat que nous avons cet après-midi n'est pas futile ; ce n'est pas un débat qui oppose la droite à la gauche, la majorité à l'opposition ; ce n'est pas un débat contre les fonctionnaires ; ce n’est pas un débat suranné, mais au contraire un débat extrêmement moderne et d'actualité ; enfin ce n'est pas un débat qui intéresse les seuls Parisiens ou le seul patrimoine parisien de l'État.

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. David Habib. Ce n'est pas un débat futile : chacun a rappelé qu’en période de crise, trouver à faire des économies n’est pas inutile. Le tableau général des propriétés de l'État, récemment actualisé, a permis, comme l’a rappelé M. Deniaud, un meilleur recensement, mais surtout une meilleure évaluation des biens.

Au 1 er  janvier 2008, ce parc a été évalué à 48,8 milliards d'euros – hors opérateurs de l'État. J’ai entendu parler tout à l’heure de 42 milliards. Il nous faut disposer d’éléments d’information en la matière. Cela étant, qu’il s’agisse de 42 ou de 48 milliards, nous sommes face à des enjeux considérables et il est normal que le législateur porte une attention particulière à la gestion du parc immobilier.

Comme co-président de la MEC, je veux, moi aussi, saluer le travail considérable et constant que Georges Tron a mené sur ce dossier. Il a notamment présidé la deuxième mission d'évaluation et de contrôle animée par nos collègues Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont. Ils avaient tous trois suggéré quatorze propositions qui permettent une gestion plus dynamique de ce parc.

Le débat que nous avons n’oppose pas la droite à la gauche ni la majorité à l'opposition. Il faut rappeler que la première circulaire de mise en œuvre d'une politique immobilière économe des deniers publics date d'Edith Cresson.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. David Habib. Même M. Bouvard se rappelle cette référence historique !

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. David Habib. Tous les ministres du budget qui se sont succédé depuis 1992 ont sincèrement voulu mener cette réforme à son terme.

Pour eux comme pour nous, l'important était de moderniser le parc immobilier de l'État pour récupérer des sommes considérables, disséminées depuis des années. C'est à l'initiative de la majorité et de l'opposition que les rapporteurs de la MEC, dès 2005, ont demandé un effort de coordination de ce dossier au niveau du Premier ministre, avec une prise en charge directe par le ministre chargé du budget. De même, de façon consensuelle, a été demandée et entreprise une rénovation de l'administration des Domaines qui demandera à être poursuivie.

Un « conseil de pilotage » de l'immobilier de l'État composé de parlementaires, de membres des grands corps de contrôle et de personnalités qualifiées issues des milieux professionnels, devait aider le ministre dans l'accomplissement de cette mission. Nous sommes donc dans une logique de rationalisation approuvée par tous.

Il ne s’agit pas par ailleurs d’un débat contre les fonctionnaires. Bien sûr, nous avons noté la résistance des différents ministères sur cette question. Les fonctionnaires doivent certes respecter les orientations décidées par le Parlement ; ils ont également un devoir de transparence. Georges Tron avait dénoncé – je le cite – « la mauvaise foi confondante des ministères ».

M. Jean-Pierre Brard. Il faut voir ce que cela va donner dans quelques mois !

M. David Habib. M. Brard a raison, nous allons pouvoir évaluer la continuité de la pensée et de l’expression !

Georges Tron avait mis en exergue la notion de norme. La norme fixée de longue date, de douze mètres carrés par agent, était détournée au moyen d'artifices les plus grossiers. C'est ainsi qu'un ministère a inventé la notion de surface utile nette « éclairée » par la lumière du jour, ce qui permettait de contourner les dispositifs normés !

Mais si les rapporteurs de la MEC ont pointé des dérives structurelles, ils ont préféré, notamment M. Deniaud et M. Dumont, à une vision purement budgétaire et comptable, une logique fonctionnelle qui permet d'améliorer le service rendu aux usagers et d'optimiser l'action de l'État.

Quand nous évoquons la nécessité d'un regroupement des services, c'est certes pour créer des effets de synergie, mais aussi pour améliorer la bonne administration publique. Quand est évoquée la question de la localisation, c'est aussi pour permettre aux fonctionnaires de mieux remplir leur mission, tout en améliorant leurs conditions de travail et leurs conditions de vie.

Le débat que nous avons est moderne. En évoquant la gestion immobilière de l'État, on aborde l'importante question de l'aménagement du territoire et la localisation en province. Quand on traite de cette question, c'est pour mieux répondre aux exigences d'une administration moderne qui utilise les nouveaux moyens de communication, qui bénéficie de locaux adaptés, économes en énergie et respectueux des principes environnementaux.

Enfin, monsieur le ministre, ce n'est pas un débat parisien. La gestion immobilière de l'État ne saurait se limiter aux immeubles de bureaux, mais doit s'élargir aux autres catégories de biens immobiliers ; bâtiments historiques, musées, tribunaux, universités. Partout, l'on note des surcoûts, une mauvaise adaptation des locaux et, enfin, un défaut d'entretien, à Paris comme en province. J'ai en mémoire les propos de mon secrétaire général de préfecture qui, venant chez moi, me disait : « Je rêve de locaux aussi fonctionnels ».

Je me souviens aussi de l’intervention de M. Bockel, il y a une semaine, annonçant dans cet hémicycle à la députée-maire de Pau que sa prison allait fermer. Ni elle ni aucun autre élu n’étaient au courant. Le ministre annonçait en même temps qu’une initiative de sollicitation des collectivités en vue de reconstruire cette prison avait été lancée. Cela ne peut plus continuer ainsi ! Monsieur le ministre, les avancées que nous avons pu noter au niveau parisien doivent être poursuivies au plan local.

Georges Tron, Jean-Louis Dumont et Yves Deniaud ont parlé de la nécessaire consolidation de la politique immobilière de l'État, évoquant par là même une nouvelle séquence. Ils ont fait des propositions et je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur celles-ci.

Nous souhaitons connaître votre gouvernance idéale. Quel mode de décision préside à la gestion de l’immobilier de l’État ? Souhaitez-vous une modification de la gouvernance telle qu’elle avait été décidée à l’issue de la première MEC ? Ou bien souhaitez-vous adopter un autre processus de décision ?

Il y a peu, nous avons auditionné, dans le cadre d’une mission d’évaluation et de contrôle, le ministre de la défense sur les recettes exceptionnelles de son ministère. Et, comme l’a dit M. Deniaud, la question de la gouvernance s’est posée pour l’immeuble Balard.

Par ailleurs, nous avons tous conscience de l'importance de France Domaine dans ce dossier. Quelles sont les évolutions que vous souhaitez voir mener par cette agence ?

M. Morin, quant à lui, a très sévèrement mis en cause France Domaine. Cette agence doit disposer de davantage de professionnalisation, d’autonomie et d’autorité pour résister à certaines décisions des différents ministres et ministères.

Comment comptez-vous d’autre part adapter la stratégie immobilière de l'État aux décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ? On a le sentiment que ce qui a été décidé sur la carte judiciaire et sur la carte des implantations militaires était totalement déconnecté de la politique stratégique en matière d’immobilier de l’État. Nous souhaitons savoir la façon dont vous évoluez en la matière.

Comment comptez-vous adapter cette même stratégie aux exigences d'aménagement du territoire que nous connaissons et qui, en période de crise, prennent toute leur importance ?

Quelle est la politique d'entretien préventif que vous souhaitez voir mener ?

Enfin, le président de la commission vous a rappelé tout à l’heure que « la règle de retour au ministère » du produit des cessions – 85/15 – ne pouvait être pérennisée et qu’il fallait aboutir à une mutualisation totale de ce produit. Quelle est votre position sur cette question ?

Voilà, monsieur le ministre, les points que je souhaitais aborder.

Le processus de cession des actifs immobiliers de l'État s'est accéléré depuis vingt ans. Il ne s'agit pas de dire « tant mieux », il s'agit de l'entourer de toutes les garanties pour éviter une nouvelle opération comme celle de l'Imprimerie nationale. En même temps, la présence d'un certain nombre de ministères dans nos villes – je pense au ministère de la défense qui a, depuis trois ans, revu ses implantations – nous interpelle sur les fonctions de ces différentes cessions.

Aussi, monsieur le ministre, si la commission des finances l'admet, nous aurons vraisemblablement à organiser, dans deux ans, une troisième mission d’évaluation et de contrôle sur l'immobilier de l'État pour suivre le processus de cession et d’entretien des bâtiments publics. Il s'agira d'un droit de suite pour notre Assemblée, mais surtout de montrer que cette question fondamentale ne s'achèvera pas avec la vente de quelques biens, mais accompagnera la nécessaire modernisation de l'État.

Vous avez pu constater que je n'ai pas souhaité, en tant que député de l’opposition, polémiquer, même si nous savons qui a fait quoi, qui a vendu quoi, et si nous connaissons les responsabilités des uns et des autres. Aujourd’hui, nous sommes face à une thématique qui doit nous amener de façon consensuelle à trouver les meilleurs voies et moyens pour aboutir à ce processus de cession et de gestion du patrimoine public.

Monsieur le ministre, nous allons aborder, la semaine prochaine, la question de la décentralisation, ou de la recentralisation, voulue par ce gouvernement. Nous devons, les uns et les autres, avoir comme hypothèse de travail d’améliorer ou de rationaliser le patrimoine immobilier de l’État en prenant en compte l’efficacité dont font preuve aujourd’hui les collectivités territoriales. Je suis persuadé, monsieur le ministre, qu’à Troyes, les bâtiments communaux sont mieux gérés que ceux de l’État. Je pense qu’il en va de même à Villeneuve-sur-Lot et dans la commune que j’ai l’honneur d’administrer, Mourenx.

M. Richard Mallié. Ce n’est pas toujours le cas !

M. David Habib. Pour Marseille, je ne sais pas, mon cher collègue ! Mais je pense qu’il en est ainsi pour Troyes, Villeneuve-sur-Lot et Mourenx.

Je souhaite, monsieur le ministre, que nous puissions intégrer certaines réalités qui sont aujourd’hui connues de nos collectivités locales et même confier à certaines d’entre elles la gestion immobilière de quelques bâtiments. Cela peut éventuellement passer par le mode de transfert que vous avez évoqué : le bail emphytéotique. Cela passe en tout cas par des solutions qui n’ont pas encore été utilisées par les pouvoirs publics nationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, chacun connaît votre psychologie juvénile et votre souhait de croire tout ce que l’on vous dit ! Mais nous vous connaissons trop pour penser que vous le croyez vraiment. Car bien que jeune encore – en tout cas en ayant l’apparence – vous êtes d’une grande lucidité ! (Sourires.)

Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est important. C’est pourquoi la commission des finances nous a invités à en débattre. En effet le patrimoine immobilier de l'État est composé d'immeubles historiques et d'installations de prestige, possédant pour certains une qualité architecturale très élevée. Ils font partie de notre héritage national.

Par ailleurs, le patrimoine immobilier de l'État est un sujet important, puisque ce patrimoine est également, de fait, celui de tous nos concitoyens. Rappelez-vous le jour où le Parlement de Bretagne a brûlé : la foule assemblée pleurait, tant elle s’identifiait à ce patrimoine qui appartient à tous. Et l’on pourrait dire la même chose pour nombre de bâtiments appartenant à l’État.

Si ce patrimoine appartient en fin de compte à tous nos concitoyens, sa gestion doit être exemplaire et tout laxisme dans ce domaine – j'entends par là des opérations de cession douteuses sur lesquelles je reviendrai – est un manque de respect envers ces mêmes concitoyens.

Selon une communication du porte-parole du Gouvernement datée du 5 mai 2010, la nouvelle politique immobilière de l'État s'articule autour de trois grands axes. C’est très bien de définir une politique immobilière pour le futur, mais nous aurions aimé une évaluation critique de ce qui a été fait jusqu’à présent.

Quels sont les trois grands axes pour le futur ? La rationalisation des surfaces par la mise en œuvre de schémas pluriannuels de stratégie immobilière pour toutes les administrations, centrales et déconcentrées ; la mise en place d'une politique d'entretien des bâtiments de l'État dans le respect des engagements du Grenelle de l'environnement ; enfin une politique efficace de cessions immobilières avec plus de 3 milliards d'euros depuis 2005, sans jamais brader le patrimoine de l'État.

Quand nous visitons les ministères et que l’on ne se rend pas dans les bureaux des ministres, mais dans ceux de leurs collaborateurs, nous constatons qu’il existe des marges de progression, s’agissant de l’entretien du patrimoine de l’État ! Si la chose était possible, monsieur le ministre, je proposerais que l’on donne la parole à vos collaborateurs, présents derrière vous, qui confirmeraient certainement mes propos, encore que vous n’êtes pas le plus mal loti grâce à M. Chemetov !

M. Richard Mallié. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

M. Jean-Pierre Brard. Il en va de même lorsque l’on se rend à l’Élysée ! Les conditions matérielles dans lesquelles les collaborateurs du Président de la République doivent travailler sont tout à fait inadmissibles ! J’en dirai tout autant de Matignon, vous le verrez quand vous y serez, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. François Baroin, ministre du budget. Je croyais que nous étions amis, monsieur Brard ! Je m’interroge ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cette politique de cession immobilière mérite évidemment inventaire. Je pense à l’affaire de l’Imprimerie nationale, formidable exemple de cadeau fait aux spéculateurs immobiliers. Rappelons-nous que le siège de l'Imprimerie nationale, rue de la Convention, fut vendu en 2003 pour la modique somme de 85 millions d'euros au groupe privé Carlyle ! Ces mêmes locaux ont été rachetés par l'État en 2007 pour la « modique » somme de 376,4 millions d'euros, soit une plus-value de 291,4 millions d'euros pour Carlyle ! Des travaux ont été, certes, réalisés.

M. Jean-Louis Dumont. Il a fallu adapter les locaux !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous nous expliquez que la plus-value réalisée s’est élevée à 100 millions d’euros. Reconnaissez que ceux qui vous ont communiqué cette somme manquent même d’habileté… Ils auraient, en effet, pu compter en unités pour donner plus de crédibilité à ce chiffre qui est, bien sûr, inexact ! C'était effectivement une belle opération pour ce groupe, qui a non seulement enregistré une plus-value astronomique, mais l'a également rendue non imposable en transférant l'immeuble à une filiale de droit luxembourgeois. L’impossibilité pour nous de savoir ce qui s’est véritablement passé pose problème. Il y a des personnes qui travaillent ensemble et qu’unit une sorte de « connivence de classe ». Je veux dire qu’elles ont fréquenté les mêmes écoles. N’y voyez pas d’autre allusion ! Les connais sances liées favorisent la discrétion dans la communication, y compris au Parlement, des données exactes ! Rappelez-vous l’audition sur l’Imprimerie nationale à laquelle nous avons procédé à l’époque. Les hauts fonctionnaires – que je ne confonds pas avec l’ensemble des fonctionnaires – nous ont communiqué des chiffres. Quand j’ai demandé à la personne auditionnée quelles conclusions elle tirait de cette aventure, que nous a-t-elle répondu ? Après un temps de réflexion, elle nous a dit que « la prochaine fois, il faudrait faire appel à des personnes compétentes ». Lorsque j’ai alors enchaîné sur une autre question : « Ne trouvez-vous pas, monsieur, que c’est cher payer votre formation professionnelle ? », nous n’avons eu, pour toute réponse, que le silence ! Nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles situations. L’absence d’enquête et de sanctions n’est, à mon sens, pas légitime. Comment traite-t-on le petit contribuable qui paie avec retard ? Comment agit-on avec l’automobiliste qui a commis une infraction au code de la route, et qui est légitimement sanctionné, lorsqu’il ne paie pas ponctuellement sa contravention ? On le traite avec infiniment plus de sévérité, laquelle est la plupart du temps fondée. Décidément, plus on est placé haut dans la hiérarchie, moins on a à répondre de ses actes ! Cela ne vaut pas, dans ce cas particulier, seulement pour les hauts fonctionnaires, mais également pour les ministres qui n’ont pas contrôlé suffisamment les hauts fonctionnaires placés sous leur responsabilité. Les omniprésents principes de rationalisation et de transparence contenus dans la LOLF et dans la RGPP n'avaient visiblement pas présidé à la conduite de cette opération !

Si, depuis cet épisode consternant, on n’a plus constaté d’errements de cette ampleur, il convient néanmoins de s'interroger sur la politique immobilière de l'État. Compte tenu de l'état des finances publiques, une politique de cession massive reprendra, mais se fera-t-elle au profit de l'intérêt général ? Qui, par exemple, a eu l’idée de priver l’État français du Centre de conférences internationales de l’avenue Kléber ? Nous ne sommes tout de même pas un État de deuxième zone ou un petit État ! Ce n’est pas être condescendant que de considérer que la France n’est ni Chypre ni Malte ! Notre État n’a-t-il pas besoin d’un grand centre de conférences ? Certes, un tel centre va être construit ! Mais pourquoi nous sommes-nous séparés du Centre de conférences Kléber ?

Il semble nécessaire de revenir sur les chiffres des ventes pour les deux dernières années. Les ventes réalisées en 2008 et en 2009 ont été très loin des objectifs annoncés. Vous nous avez dit que c’était dû à la crise et qu’il était hors de question de brader ! Sur les 1,2 milliard d'euros attendus l’an dernier, seuls 200 millions ont été réellement dégagés. Cela suscite chez nous une certaine perplexité, pour ne pas dire une perplexité certaine, quant à la méthode et au calendrier. Michel Bouvard a tout à l’heure évoqué les évaluations domaniales. Il y a beaucoup à dire sur ce point, qui ne concerne pas seulement le sujet dont nous traitons aujourd’hui. Il existe une grande inégalité en ce domaine. Les évaluations domaniales varient selon le lieu et selon leur auteur. Dans certains cas, on choisit le marché comme critère, alors que ce n’est parfois pas légitime et, dans d’autres, on s’appuie sur des critères plus complets tenant compte des réalités objectives du lieu où se trouve le bien à évaluer.

Quelque 1 700 immeubles doivent être cédés entre 2010 et 2012, soit 6 % des biens de l'État, avez-vous annoncé, monsieur le ministre. Parmi les biens qui doivent être vendus, on constate une grande hétérogénéité. En effet, on y trouve pêle-mêle des immeubles de prestige au cœur de Paris, des maisons forestières ou des terrains militaires, parfois cédés aux communes pour un euro symbolique. Les restructurations militaires, la nouvelle carte judiciaire ou la fusion des services des impôts vont permettre de céder également des centaines d'immeubles. Outre le siège de Météo France, acheté par la Russie début mars, le Gouvernement est sur le point de se séparer des locaux de l'Institut géographique national et des services fiscaux de la rue La Boétie, dans le 8 e arrondissement, et d'immeubles de la rue Saint-Dominique et du boulevard de La Tour-Maubourg, dans le 7 e .

Vous avez évoqué les terrains non bâtis. Je pense que, dans certains cas, nous devons nous garder de vouloir faire rentrer de l’argent à tout prix. Dans une ville aussi dense que Paris, par exemple, des terrains non bâtis doivent servir autrement l’intérêt général. Même si l’État doit renoncer à des recettes, aménager des services publics contribuant à la qualité de vie de la population est essentiel. Si l’armée quitte un jour, par exemple, les locaux situés près de la place de la République, pourquoi ne pas en faire bénéficier la population d’un quartier qui compte peu d’espaces publics ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard. Je vois, monsieur le président, que vous portez intérêt à mon propos, mais que vous commencez à le trouver un peu long, aussi, vais-je m’acheminer vers ma conclusion !

L'ampleur de cette politique de cession nous amène légitimement à nous interroger, voire à nous inquiéter. Le ralentissement du marché de l'immobilier n'offre pas les conditions optimales pour vendre des biens appartenant à l'État. L'objectif pour 2010 de 900 millions d'euros est, d'ores et déjà, compromis. Est-il donc raisonnable de céder à la précipitation pour faire rentrer des ressources ?

Nous resterons donc vigilants.

J’aimerais, en deux phrases, évoquer un dernier sujet dont j’avais parlé à un de vos prédécesseurs et ami, Jean-François Copé. Ma ville a bénéficié de l’arrivée d’administrations d’État comme la Direction générale de l’administration des douanes et les offices du ministère de l’agriculture qui sont devenus des leviers de reconquête du tissu urbain, permettant d’attirer des partenaires privés. Il reste toutefois un problème : les activités d’État ne génèrent aucune ressource fiscale à la différence de l’ancienne taxe professionnelle. Votre prédécesseur a commis, à ma demande, deux inspecteurs généraux des finances pour rendre un rapport et envisager, pour les communes, une compensation du manque à gagner. Sans doute ce travail a-t-il été d’un grand intérêt, puisqu’il est resté secret d’État ! Comme vous êtes dans un ministère où tout est bien rangé, je suis certain que nous aurons, un jour, accès à ces documents d’autant plus précieux qu’ils devraient générer des recettes pour les collectivités locales, car je ne doute pas que les conclusions leur étaient favorables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, j’aimerais, avant de commencer mon propos, redire à mon collègue David Habib que si, dans un certain nombre de villes administrées par la gauche, l’immobilier est bien géré, il en va de même dans le département du Loir-et-Cher – et ce n’est pas le président de séance qui me contredira – puisque le conseil général consent beaucoup d’efforts pour gérer au mieux les deniers publics qui lui sont confiés !

M. Jean-Pierre Brard. Mais son président a une histoire qui l’explique ! (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. C’est vrai, monsieur Brard ! Chez nous, on l’appelle Moïse, parce qu’il a traversé la mer rouge ! Au-delà de cela, sa gestion très rigoureuse nous permet effectivement d’être fiers des actions menées dans ce département.

M. Jean-Pierre Brard. Il a un côté « Petit père des peuples » ! (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. Peut-être…

La commission des finances de notre Assemblée nous propose aujourd'hui un débat sur l'évolution de la politique immobilière de l'État. C'est une initiative que le groupe Nouveau Centre ne peut que saluer puisque, comme vous le savez, nous ne cessons de demander au Gouvernement toujours plus d'efforts en matière de réduction des dépenses de fonctionnement de l'État.

Cet effort de rationalisation de notre parc immobilier – et c’est ce sur quoi j’aimerais insister devant vous – va de pair avec l'esprit de réforme qui anime la majorité présidentielle depuis trois ans maintenant. Il participe ainsi d'un mouvement plus large qui, au travers de la révision générale des politiques publiques, notamment, oblige l'État à recentrer son action sur ses missions principales et à moderniser son fonctionnement.

La recherche d'économies est ici indissociable du renforcement de l’efficience des missions de service public que l'État exerce. Elle aussi s’apparente à une idée plus large et qui est toute simple : l'action de l'État doit être évaluée et faire l'objet d'adaptations en fonction du rapport entre le coût d'une mesure et le bénéfice rendu à nos concitoyens. C'est d’ailleurs tout le sens de la RGPP lancée par le Président de la République en 2007. Cette démarche est éminemment responsable et caractéristique d'une démocratie moderne : l'évaluation et la rationalisation des activités régaliennes permettent à nos services publics de gagner en qualité et en pertinence. Alors que nous traversons actuellement une période parfois trouble et que nous subissons différentes crises, l’anticipation en matière de politique immobilière de l’État a été, à n’en pas douter, une bonne chose.

J'en viens maintenant plus précisément à la question de la politique immobilière de l'État. Tout d'abord, s'interroger sur son évolution implique un bref rappel de ce qui a été accompli jusque-là. Comme vous le savez, la révision générale des politiques publiques a permis de confier au ministre du budget l'ensemble de la compétence immobilière de l'État. Elle a également procédé à la création d'un service dédié, d'un opérateur unique : France Domaine. La combinaison de ces deux décisions a permis de réduire significativement le coût de la politique immobilière de l'État.

Ainsi, alors que, jusqu’à présent, les surfaces occupées ne cessaient de croître, le parc immobilier de l’État a été réduit de près de 140 000 mètres carrés depuis 2007, soit plus de 1 % des surfaces de bureau occupées par l’État. Même si l’on peut regretter que cet effort se soit limité à la capitale, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une avancée majeure. En termes financiers, cela représente 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour le budget de l’État depuis 2005, dont 15 % ont été affectés au remboursement de la dette. Ce n’est pas négligeable.

Pour cela, l’État a déjà mis en place des outils de pilotage de sa performance immobilière comme les schémas pluriannuels de stratégie immobilière, les SPSI, les schémas pluriannuels de stratégie immobilière des opérateurs ou encore la norme de 12 mètres carrés par agent.

J’en profite pour saluer tout particulièrement l’action du ministre du budget qui, un mois seulement après sa nomination, a développé en conseil des ministres, le 27 avril dernier, un plan qui vise à réduire les dépenses non seulement de loyer, mais également d’entretien et de maintenance des biens immobiliers de la République. Je suis sûr que ses collègues auront apprécié cette démarche. (Sourires.)

Surtout, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce mouvement de rationalisation immobilière va de pair avec les grandes réformes de structure engagées par l’État depuis 2007. J’en prendrai trois exemples.

La réforme de l’administration territoriale de l’État a permis de fusionner ou de regrouper certains services déconcentrés de l’État. On estime d’ailleurs à environ 500 000 mètres carrés, soit environ 750 sites, la réduction supplémentaire des surfaces que va permettre cette réforme. C’est près de trois fois ce qui a déjà été fait jusqu’à présent. C’est donc considérable.

Cette recherche d’efficience va également de pair avec la politique sociale du Gouvernement, puisque cette modernisation a permis, fin 2009, la mise en chantier d’un peu plus de 20 000 logements sociaux.

Enfin, cet effort de rationalisation s’accompagne d’une réelle ambition écologique dans la droite ligne des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Ainsi, depuis 2009, le Gouvernement met en place une véritable politique d’entretien des bâtiments de l’État, dans le strict respect de ces engagements.

Cependant, il faut impérativement que ce rythme s’accélère afin de crédibiliser un peu plus les hypothèses émises par le Gouvernement dans son programme de stabilité transmis à la Commission européenne en février dernier. C’est un engagement très fort, qu’il faudra respecter.

Ce programme prévoit le retour de nos déficits publics dans les critères de Maastricht d’ici à 2013. Bon courage ! Reste néanmoins qu’il intégrait des recettes qui n’ont aujourd’hui plus cours : la taxe carbone – près de 2 milliards d’euros avaient été budgétés en recettes –, et la taxe sur les poids lourds, qui devait représenter 1,25 milliard d’euros de recettes supplémentaires. Dans ce contexte, toutes les pistes de réduction de nos dépenses de fonctionnement doivent donc être étudiées ou intensifiées.

Plus que jamais, monsieur le ministre, l’État doit impérativement respecter ses engagements, en particulier celui de céder environ 1 700 immeubles d’ici à 2012. Il doit également renégocier ses baux les plus onéreux, et pas seulement en Île-de-France, où la renégociation est déjà amorcée, même si cette politique a conduit, comme vous le savez, à une baisse des loyers annuels très significative par l’effet conjugué des baisses de prix et des réductions de surfaces.

J’y vois au moins deux raisons.

La première, c’est la fragilité, encore d’actualité, du marché de l’immobilier. Force est en effet de constater qu’au cours des années 2005-2007, l’État a bénéficié d’un marché très favorable, ce qui n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui. Cela ne signifie en aucun cas que nous devons brader notre patrimoine historique et culturel, ce qui serait insensé. Nous savons d’ailleurs que, si les cessions immobilières de l’État se sont poursuivies à un rythme moins soutenu ces deux dernières années, c’est aussi pour ne pas avoir à brader nos biens.

La seconde, c’est la forte dégradation du rapport entre les encaissements prévus et les encaissements effectivement réalisés en matière de cession de biens immobiliers au cours de ces deux dernières années. Les ventes réalisées en 2008 et 2009 sont en effet très loin des objectifs annoncés. Ainsi, alors que l’on attendait 1,2 milliard d’euros de recettes en 2009, ce sont seulement 475 millions d’euros qui ont été encaissés. Vous me permettrez d’ailleurs de m’interroger sur la prévision de 900 millions d’euros de recettes en 2010, hypothèse devenue de plus en plus improbable quand on connaît les difficultés que rencontre l’État à céder en un seul bloc les locaux parisiens du ministère de la défense, estimés à quelque 700 millions d’euros.

Dans ces conditions, les seuls symboles de cession du siège de Météo France ou encore de l’IGN ne seront pas suffisants. C’est à des réformes structurelles que nous devons nous atteler, des efforts qui concernent aussi bien notre administration centrale que les services déconcentrés ou les opérateurs de l’État. Les restructurations militaires, l’instauration de la nouvelle carte judiciaire, la fusion des services des impôts ou encore l’élargissement à la province de la réforme de l’administration territoriale pourront, je l’espère, servir de leviers à cette fin.

L’État est actuellement propriétaire d’environ 12 millions de mètres carrés, pour une valeur estimée à 60 milliards d’euros. Le patrimoine immobilier des 650 opérateurs de l’État est, quant à lui, estimé à 42 milliards d’euros, dont 26 appartiennent à l’État. Il y a, j’en suis convaincu, dans ces sommes considérables, des marges de manœuvre inexplorées pour intensifier l’effort de rationalisation amorcé depuis la révision générale des politiques publiques. La situation de nos comptes publics est telle que nous ne pouvons plus les ignorer.

Néanmoins, cet effort doit impérativement s’accompagner d’un plus large mouvement de réduction de nos dépenses de fonctionnement car l’assainissement de nos finances publiques est bien plus qu’un impératif, c’est un devoir moral.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous donner un ou deux exemples montrant que certains ministères devraient peut-être affiner un peu leur copie.

Ainsi, le ministère de la culture, que je connais bien pour être l’un des rapporteurs spéciaux, n’est pas tout à fait exemplaire dans la gestion de son immobilier, nous l’avons souvent montré dans les travaux de la MEC, Yves Deniaud le sait bien, Georges Tron aussi, comme tous les collègues qui participent à ces travaux depuis plusieurs années. Tout reste aujourd’hui assez flou et nous devons avoir des réponses plus précises.

Second exemple, le haras de Blois, ville que je connais bien. L’État, qui souhaite le céder depuis des années, est maintenant indécis, ce qui est préjudiciable pour la conservation de ce beau patrimoine, qui, pour être bien vendu, devrait continuer à être amélioré. Pour un patrimoine qui n’est pas inscrit mais dont certaines façades sont classées, il y a, à n’en pas douter, des décisions à prendre. Je sais que des collectivités pourraient être intéressées par ce haras. Je souhaite en tout cas que ce dossier soit conclu dans un avenir proche. Il y va évidemment de l’intérêt de la ville. Elle avait acquis il y a quelques années la caserne située à proximité du haras. Il serait cohérent qu’avec votre aide, on trouve localement une issue favorable à ce dossier.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand je passe sur l’autoroute nord, en rentrant de Marseille, et que je vois ce bâtiment dégradé ouvert aux quatre vents qui était une caserne de gendarmerie, je trouve, comme un grand nombre de nos concitoyens, que c’est un gaspillage d’argent public.

Face à l’ampleur du déficit, nous devons, pour réduire la dépense publique, mettre en place une gouvernance équilibrée, avec des règles claires et communes. Cette volonté politique passe nécessairement par une meilleure gestion du parc immobilier de l’État, mais aussi de celui de ses opérateurs, et ce sera l’essentiel de mon intervention.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Richard Mallié. Au nombre de 643, les opérateurs de l’État, qui bénéficient d’un financement public de près de 42 milliards d’euros, emploient plus de 370 000 personnes. Ils occupent plusieurs millions de mètres carrés d’immeubles et près de 11 millions d’hectares de terrains, pour une valeur estimée à 42 milliards d’euros. Ce chiffre est à comparer au patrimoine de 60 milliards d’euros inscrit au bilan de l’État pour les biens qu’il contrôle directement. Les dérives de ces opérateurs sont nombreuses, notamment en matière immobilière.

On peut s’interroger, je l’ai déjà fait devant vous, mes chers collègues, sur les locaux de la HALDE, estimés à 2 130 mètres carrés pour quatre-vingt-quatre personnes,…

M. Louis Giscard d’Estaing. On s’en souvient !

M. Michel Bouvard. On a supprimé l’amendement que j’avais fait voter !

M. Richard Mallié. …soit un loyer de 1,5 million d’euros par an, ou encore sur ceux de la HADOPI, autorité créée récemment, dont les bureaux dans le 14 e arrondissement de Paris ont une surface de plus de 1 000 mètres carrés pour quelques dizaines de personnes. Cher ne signifie pas forcément fonctionnel !

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l’État doit profondément réformer la gestion de son patrimoine immobilier. L’année 2009 a marqué un tournant avec une gestion unifiée par l’État propriétaire, et une séparation de ses rôles de propriétaire et d’occupant. Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, SPSI, ont été mis en place afin de réduire le coût de l’immobilier en matière de loyer, de maintenance ou encore d’entretien. Leur mise en œuvre se traduit par une réduction du nombre de sites mais aussi des surfaces occupées par l’État. Ce bilan me paraît très positif.

Dans la même logique, un programme pluriannuel de cessions de l’État, concernant 1 700 biens immobiliers dans toute la France, sera présenté prochainement. Je l’attends avec une certaine impatience. Même si des efforts ont été réalisés en ce sens, il est important d’introduire une annexe aux projets de loi de finances destinée à informer le Parlement sur les acquisitions et les cessions immobilières, mais aussi les plus importantes prises à bail par l’État.

Monsieur le ministre, je vous félicite de votre prise de position pour que l’État se dote d’un parc immobilier plus resserré, mieux adapté à ses missions, plus économe et de meilleure qualité.

Il est nécessaire que cette démarche de rationalisation et de valorisation s’applique également au parc immobilier des opérateurs de l’État. Ceux-ci doivent en effet respecter intégralement les objectifs fixés par le Gouvernement concernant aussi bien la réduction des surfaces occupées que la politique d’entretien.

Tout comme les administrations, les opérateurs de l’État sont censés présenter un SPSI avant fin juin pour réduire le coût de leur parc immobilier. Vous pouvez compter sur moi pour suivre et recenser avec précision les opérateurs qui auront joué le jeu et ceux qui ne l’auront pas fait. Il sera nécessaire d’appliquer des sanctions sur les subventions de ces derniers. (M. Michel Bouvard applaudit.)

Il est tout aussi important que ces opérateurs de l’État cessent de s’implanter dans Paris intra muros ,…

M. Louis Giscard d’Estaing. Bien sûr !

M. Richard Mallié. …notamment dans les plus beaux quartiers de la capitale,…

M. Michel Bouvard. Et donc les plus chers !

M. Richard Mallié. …où le foncier est le plus élevé.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a quelques ministres spécialistes en la matière !

M. Richard Mallié. Il faut également renégocier de façon systématique les baux de l’État les plus coûteux, en mettant à profit les opportunités de marché selon un calendrier bien précis.

M. Michel Bouvard. Comme ont fait les questeurs de l’Assemblée !

M. Richard Mallié. Merci, monsieur Bouvard, de le reconnaître.

De même, anticipons les fins de bail au moins dix-huit mois avant l’échéance, afin que l’État soit en mesure de choisir entre différentes options. Arrêtons de nous retrouver devant le fait accompli car on dira encore aux hommes politiques décideurs et responsables devant le peuple qu’il est trop tard et qu’il n’y a pas d’autres solutions.

Face à l’ampleur du déficit budgétaire, réduire la dépense publique est un impératif pour notre pays et, dans ce domaine, les opérateurs de l’État doivent donner l’exemple.

M. Louis Giscard d’Estaing. C’est évident !

M. Richard Mallié. Je conclurai par des propos emplis de sagesse de notre collègue sénatrice socialiste, Nicole Bricq.

M. Jean-Louis Dumont. Bonne référence ! Elle fut députée !

M. Richard Mallié. « L’État se présente comme un locataire relativement dispendieux, qui supporte des loyers parfois excessifs. Des efforts pour réduire ces coûts ont bien été constatés mais ils s’avèrent encore tout récents. »

Le chemin est long, la volonté politique est là, mais le plus dur reste à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Après avoir entendu vos propos, monsieur le ministre, puis l’excellent rapport d’Yves Deniaud et les interventions de mes collègues, je pourrais considérer que ce que je souhaitais modestement apporter au débat a déjà été dit. Permettez-moi d’aller peut-être un petit peu plus loin sur tel ou tel dossier abordé à cette tribune par mes collègues.

Tout d’abord, une fois n’est pas coutume, chacun a rendu hommage à Georges Tron, premier et jusqu’alors unique président du Conseil immobilier de l’État, qui, devenu secrétaire d’État, abandonne cette place qu’il avait occupée avec beaucoup de détermination, ne lâchant rien et allant au fond des dossiers. Il n’a peut-être d’ailleurs pas toujours fait plaisir à ses collègues ministres…

M. Nicolas Perruchot. C’est vrai !

M. Jean-Louis Dumont. …mais il a fait son travail de parlementaire,…

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. …entouré d’un Conseil immobilier de l’État, qu’il présidait, avec les fonctionnels, ceux qui rassemblent les informations, et les autres, tout le Conseil, dans la diversité de ses statuts. Ce Conseil, qui arrive à s’informer, à informer quelquefois le ministre, à émettre des recommandations qui ne restent pas toujours lettre morte, est étonnant.

M. Copé et M. Woerth, vos prédécesseurs, se sont complètement investis. Nous comptons sur vous pour entendre ce que vous dira le Conseil immobilier de l’État, à côté de la mission d’évaluation et de contrôle et de la commission des finances dont nous sommes les modestes représentants, et pour mettre en œuvre une véritable politique immobilière de l’État, non seulement de l’État et des opérateurs propriétaires, mais aussi de l’État et des opérateurs locataires et gestionnaires de ces biens. Sortons du Moyen Âge ! Les choses sont bien lancées.

Comme je parle devant le responsable de France Domaine, qu’il me soit permis de rappeler à cette tribune qu’au moment où ce grand service de l’État couvert d’honneurs – mais peut-être plus couvert encore de poussière que d’honneurs –, le service des domaines, est devenu France Domaine, les esprits avaient été quelque peu dubitatifs, compte tenu des missions qui allaient être confiées à cette structure de l’État, avec les difficultés que cela pouvait comporter. Aujourd’hui, je crois qu’il est permis d’affirmer que la mission est accomplie. Dans des conditions difficiles, sur des sujets délicats, mais au nom de l’État, au nom d’un grand service, des choses ont bougé. Certes, des ministres ne sont pas allés jusqu’au bout. Si je voulais faire un peu d’humour, je dirais que c’est peut-être l’administration qui n’a pas su les convaincre du bien-fondé des voies sur lesquelles on les avait engagés.

Des choses ont bougé mais il reste beaucoup à faire.

L’administration de la jeunesse et des sports n’a pas été citée. Avenue de France, dans un immeuble locatif dont le prix au mètre carré a un moment frôlé les 1 000 euros, un musée du sport a été créé. À ce tarif-là, cela valait la peine ! Et les quelques admonestations n’ont justement jamais atteint ce quartier nouveau de l’Est parisien, où l’on continuait à rêver d’augmenter les surfaces. Le ministre n’est plus ministre, son administration est toujours là ; j’espère que l’on sera beaucoup plus efficace pour renégocier les baux.

Quand le ministère de la justice, à présent, pour son service financier, pour le tribunal spécialisé dans les finances, pour ces juges, ces magistrats qui nous donnent chaque jour de nouvelles leçons de gestion et de morale, oublie de renégocier à temps son bail, il signe au prix le plus haut, sans écouter les conseils de France Domaine. C’est dire qu’il reste du travail !

Cela se confirme lorsqu’un commissaire aux finances se tourne modestement vers le premier président de la Cour des comptes pour lui demander ce qu’est sa politique immobilière, exonérée de tous les avis ou conseils de Bercy. On traite directement avec le Château, avec les ors de l’État au plus haut niveau, et l’on ne souhaite pas répondre aux questions ! J’espère que le nouveau premier président saura jeter de la clarté sur la gestion immobilière de la Cour des comptes, qui ne peut s’exonérer d’être exemplaire, y compris dans cette gestion.

J’en viens aux secrets d’État. Beaucoup d’entre vous avaient parlé du partenariat public-privé pour le nouveau Pentagone à la française, à Balard. La Caisse des dépôts n’y a évidemment pas trouvé son compte, pas plus que la SOVAFIM.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas dans ce dossier que sont les problèmes !

M. le président. Laissez conclure M. Dumont, mon cher collègue !

M. Jean-Louis Dumont. Je me dirige vers ma conclusion, monsieur le président, mais je termine auparavant sur le ministère de la défense.

Parmi les ministères qui ne répondent pas aux exigences de normalisation, de connaissance et de valorisation du patrimoine, de gestion moderne, efficace et économe des deniers de l’État – qui lui manquent tant –, il faut compter le ministère de la défense, qui doit rentrer dans le rang. S’il existe des biens immobiliers qui peuvent coûter cher pour des raisons de sécurité, de secret ou autre, il ne faudrait pas donner l’impression que c’est le financement des futures élections présidentielles qui se prépare.

Après le Conseil de l’immobilier de l’État, France Domaine, et quelques mauvais exemples, je crois qu’on peut dire que les deux assemblées, par leurs commissions des finances, par leurs rapporteurs spéciaux, par leur travail de contrôle, d’incitation, de questions, d’admonestation, ont exigé que les administrations de chaque ministère prennent en compte la gestion de l’immobilier.

Il reste beaucoup à accomplir, mais mesurons le chemin parcouru ! Évaluons la nécessité d’aller encore plus loin, et que chacun y mette du sien.

M. Michel Bouvard et M. Louis Giscard d’Estaing. Absolument !

M. Jean-Louis Dumont. Que l’exemple de ceux qui ont peut-être failli par le passé soit oublié ; que l’avenir soit bien préparé.

Nos collègues Habib et Perruchot ont évoqué le patrimoine historique, délaissé, abandonné, non valorisé…

M. Michel Bouvard. Outragé ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. La morale de cette histoire, c’est que l’État, qui n’a pas fait son travail de gestionnaire rigoureux, qui n’a pas su valoriser et entretenir ce patrimoine, va très certainement le transférer aux collectivités. C’est peut-être la seule solution pour conduire une politique plus dynamique et surtout conserver cette richesse. Il est des collectivités qui sauront faire ce que l’État n’a pas pu, n’a pas voulu ou n’a pas su faire. Il y va de notre patrimoine.

Monsieur le ministre, je me permettrai de vous donner un conseil : ayez la même détermination au moins que vos deux prédécesseurs. C’est, vous l’aurez remarqué, un député de l’opposition qui s’exprime. De même, écoutez ce que vous dit le Conseil immobilier de l’État, par la voix de parlementaires, de hauts fonctionnaires et de représentants de grandes institutions.

Pour conclure, je citerai, après d’autres, l’exemple de la gestion immobilière réussie d’un opérateur de l’État – qui l’était du moins encore à l’époque – : La Poste.

M. le président. Monsieur Dumont, vous avez annoncé il y a déjà cinq minutes que vous concluriez. Ce n’est pas correct pour les autres orateurs.

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes dans l’enceinte où doit s’exprimer… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Les temps de parole doivent être respectés !

M. Jean-Louis Dumont. Vous n’avez plus que des chronomètres, dans cet hémicycle !

M. le président. Mais non, ne me dites pas cela ! Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont. Ce sont les collectivités qui ont pris la succession de La Poste. Aujourd’hui, pour conserver un bureau de poste, ouvrir une agence postale, la commune met des locaux à disposition de La Poste. Mais La Poste en tant qu’opérateur a su parfaitement gérer et moderniser son patrimoine immobilier pour accueillir et sécuriser le public. D’autres peuvent donc en faire autant.

Merci, monsieur le président, de votre mansuétude !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le dernier orateur inscrit et mon intervention sera peut-être légèrement décalée, du fait que, n’étant pas membre de la commission des finances, j’ai un regard un peu différent.

M. Michel Bouvard. Nous sommes heureux que des personnes n’appartenant pas à la commission des finances participent à ce débat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’ai tenu à intervenir pour faire le lien entre le débat qui vient de se tenir sur la politique de la ville, dans lequel nous avons évoqué les enjeux de logement, de patrimoine et d’hébergement, et celui-ci.

Depuis 2007, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l’État s’est engagé dans une vaste opération de modernisation de son parc immobilier ayant pour objectif de le rendre plus économe et plus rentable pour les finances publiques. Si, dans un contexte d’accroissement de la dette publique, cet objectif est plus que nécessaire, il peut devenir insuffisant s’il se trouve vidé d’un certain sens pratique. J’irai plus loin : cette stratégie risque même d’être contre-productive sur le long terme.

Le ministre porte-parole du Gouvernement, dans sa note du 5 mai 2010, évoque cette stratégie en citant le chiffre de 3 milliards d’euros obtenus par les ventes immobilières et un objectif de 1 700 biens vendus dans les trois prochaines années. Chiffres que vous avez rappelés, monsieur le ministre.

Lorsque l’hypothèse du maintien de l’usage par l’administration d’État n’est pas retenue, je regrette qu’une telle stratégie soit conduite sans vision globale et par la seule vente du patrimoine immobilier de l’État. Le Gouvernement paraît ainsi se contenter exclusivement de vendre son patrimoine, dans des conditions encore trop confuses et non transparentes, qui peuvent dissimuler des dilapidations et des exigences inappropriées.

Je souhaite en particulier vous questionner, monsieur le ministre, sur les conditions dans lesquelles l’existence d’un patrimoine aussi conséquent pourrait servir aux politiques de lutte contre la crise du logement et de l’hébergement que traverse notre pays.

Depuis l’adoption de la loi instituant le droit au logement opposable, en mars 2007, l’État a l’obligation de reloger les ménages reconnus prioritaires. Cette obligation, l’État, on le sait, est dans l’incapacité de la respecter faute de logements suffisants dans les contingents préfectoraux et de l’absence d’une offre nouvelle suffisante.

Le Gouvernement a la possibilité d’augmenter cette offre de logement en engageant un programme d’utilisation, après réhabilitation et rénovation, de ses propres bâtiments. À titre d’exemple, la transformation d’anciennes casernes militaires en résidences étudiantes montre que l’État est capable d’accompagner ce genre de stratégie d’une manière extrêmement efficace.

Alors que le Gouvernement s’était engagé à rendre accessibles 70 000 logements sur la période 2008-2012 grâce à la transformation des immeubles de l’État, moins de la moitié, 20 000 à peu près, ont été réalisés. Par contre, l’État a fait preuve de beaucoup plus d’efficacité lorsqu’il a été question de vendre ses immeubles, notamment à des promoteurs privés, en écartant des offres d’opérateurs du logement social incapables de faire face au coût des acquisitions, souvent malgré l’intervention d’élus qui défendaient la possibilité de développer du logement social.

Cela est d’autant plus regrettable que la principale difficulté rencontrée actuellement pour augmenter l’offre locative dans notre pays est la pénurie du foncier disponible. En vendant ses bâtiments et les terrains sur lesquels ils se trouvent, l’État s’est privé d’une offre foncière qui aurait été bien utile pour répondre à ses obligations face à la demande des ménages qui n’arrivent pas à se loger.

Ainsi, dans le seul objectif du retour budgétaire escompté de ces opérations, le Gouvernement semble préférer agir à la hâte en vendant au plus vite des immeubles. C’est une vision « court-termiste », une gestion à la petite semaine.

Face à la crise du logement, là où des besoins réels s’expriment de manière urgente, notamment dans les grandes agglomérations, le Gouvernement doit ouvrir de nouvelles stratégies et s’engager dans une politique de transformation de son parc immobilier afin de construire des logements locatifs très sociaux. Avec une vraie volonté politique, comme cela a eu lieu dans certains territoires, l’État peut accroître son action pour lutter contre la crise du logement.

En ce sens, il apparaît judicieux que l’État recoure aux outils qui sont déjà à la disposition des acteurs publics. Je pense notamment au bail emphytéotique, que vous pourriez utiliser pour permettre aux opérateurs sociaux de prendre usage des immeubles. Cela garantirait à l’État un revenu constant tout en apportant une réponse à la carence de l’offre locative sociale et – je le dis aux membres de la commission des finances – au coût exorbitant qu’assument actuellement l’État et les collectivités territoriales pour répondre aux obligations d’hébergement.

Je tiens à vous rappeler que chaque jour, les collectivités publiques dans leur ensemble, État compris, dépensent 1 million d’euros pour assumer des charges d’hébergement. Cela garantirait donc à l’État un revenu constant tout en apportant une réponse à la carence de l’offre locative sociale. Cette stratégie doublement gagnante serait beaucoup plus pertinente que la politique que vous conduisez.

Je vous demande d’engager vraiment une stratégie qui préserverait la richesse patrimoniale de l’État, l’allégerait de charges lourdes et, bien entendu, permettrait de mieux satisfaire l’attente des populations concernées. Tel était le sens de mon intervention. Je tiens à ce que vous, monsieur le ministre, mais aussi vous, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur spécial, n’écartiez pas l’hypothèse que ce patrimoine d’État pourrait être demain au service de l’État pour lui permettre de répondre aux obligations qu’il doit assumer en matière de droit au logement et d’hébergement d’urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget . Monsieur le président, compte tenu de l’heure tardive, je serai bref. Je prie les députés qui ont participé à ce débat de m’en excuser par avance.

Tout d’abord, je tiens à rendre hommage aux différents orateurs et à les remercier de leurs réflexions. J’ai noté un certain nombre de contributions qui vont compléter ce que j’évoquais dans mon intervention liminaire, puisqu’elles renforcent ma détermination à optimiser, à rationaliser et à rendre encore plus transparente la politique immobilière des actifs de l’État. J’observe à cet égard un consensus, à gauche comme la droite. C’est un élément et un soutien fort qui m’amènera bien entendu à proposer un nouveau président du Conseil immobilier de l’État dans l’esprit du travail que Georges Tron a effectué et qui a été salué par tous, chose assez rare pour être soulignée. Je souhaite ainsi également bien placer le Parlement aux côtés des acteurs que sont France Domaine et le cabinet de mon ministère, pour atteindre des objectifs à la fois élevés, ambitieux et liés à l’évolution du marché. On ne va pas brader, je l’ai dit, mais essayer d’optimiser au maximum, et exercer une pression vertueuse, indiscutable et indispensable sur les opérateurs. Vos interventions seront transmises à leurs responsables pour bien montrer qu’il y a une conjonction d’intérêts et de forces politiques entre le ministère du budget et la commission des finances, qui s’exercera dans leur domaine respectif.

Deuxième élément de réflexion : l’évolution de la maîtrise du processus. Certains ont pris des éléments de référence dans ce qui s’est passé dans d’autres secteurs. Je souhaite, pour ma part, que France Domaine reste sous l’autorité pleine et entière du ministère du budget. En tout cas, tant que je serai à la tête de ce ministère, il n’y aura pas de changement de politique. On a déjà eu tellement de mal à mettre en place un dispositif et à établir un diagnostic, tellement de difficultés à organiser une structure. Nous voyons bien, monsieur Bouvard, ce qu’il en est du dispositif Chorus, dont j’ai eu l’honnêteté de rappeler que c’était un enfant mal né. Mais ce n’est parce qu’il est mal né qu’il va mal grandir, faire un adolescent insolent et devenir un adulte « inmaîtrisable ».

M. Michel Bouvard. Je crains que ce ne soit une maladie génétique !

M. Michel Hunault. C’est possible, monsieur Bouvard !

M. Jean-Pierre Brard. En tout cas l’enfant est rachitique !

M. François Baroin, ministre du budget . Messieurs les députés, ce n’est pas une trajectoire inéluctable, un destin dont le rendez-vous est fixé dès la naissance. Je crois aux vertus conjuguées de l’expérience et des efforts de la Cour des comptes. Nous en reparlerons dans le cadre de la loi de règlement, mais le travail conjoint de la Cour des comptes, des services du ministère et de l’expérience acquise autour de l’utilisation de Chorus devrait permettre une bonne exploitation de ses nouvelles données.

S’agissant de l’information du Parlement, M. Mallié – à qui j’avais prévu de ne pas répondre et je le prie de m’en excuser – n’est plus avec nous, mais il saura que nous allons la renforcer. Je reviendrai sur ce sujet lors de l’examen de la loi du règle ment, ainsi que sur le détail des prix à bail, les acquisitions de l’État, les opérateurs au cours de la dernière année, etc. Je reviendrai très régulièrement sur tous ces points.

Monsieur Brard, même si je vous remercie de vos encouragements vifs et positifs concernant mes évolutions personnelles (Sourires) , je me garderai bien de vous accompagner dans votre raisonnement. On peut débattre à l’infini des plus-values et de l’opération de cession de l’Imprimerie nationale. L’opération n’a pas été bonne, l’État l’a reconnu ; la culbute effectuée par Carlyle doit servir de leçon…

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. François Baroin, ministre du budget . …et nous conduire à préférer garder un bien si d’aventure le marché n’est pas suffisamment attractif par rapport à l’évaluation des domaines. On peut ergoter sur l’évaluation domaniale, mais, qu’on le veuille ou non, elle s’appuie sur des critères, sur une certaine objectivité, et en rediscuter les éléments de référence suppose une démarche partagée. Cela me semble à court terme aussi compliqué que si la révision des valeurs locatives était fixée pour dans deux mois, aussi bien pour les baux locatifs professionnels que pour les logements anciens réhabilités des années soixante-dix. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) Je reconnais quelques spécialistes, qui comprennent parfaitement ce que je veux dire et qui mesurent bien le chemin qui nous séparerait encore de la révision des évaluations domaniales si je fixais un tel objectif – ce qui n’est pas le cas.

Je vous remercie tous pour vos interventions, et croyez en ma détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. le Président. Le débat sur l’évolution de la politique immobilière de l’État est clos.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Nouvelle lecture du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 13 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma