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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 22 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Projet de loi des finances pour 2011 Première partie (suite)

Article 8 (précédemment réservé)

Amendement no 188

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Amendement no 36

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 189, 37, 483, 38, 190, 621

Article 9 (précédemment réservé)

Amendements nos 130, 39, 605 rectifié, 131 rectifié, 455, 132, 134 rectifié, 40, 133

Article 10 (précédemment réservé)

M. Richard Mallié

Article 11 (précédemment réservé)

Amendements nos 368, 581, 580, 91

Après l’article 11 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 351, 430, 551, 636 (sous-amendement), 537, 539, 538, 541, 585, 267, 558, 237 rectifié, 350 rectifié, 347, 320, 301, 343, 321, 535, 434, 586, 286

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Après l'article 11 (amendements précédemment réservés – suite)

Amendements nos 550, 41, 313, 341, 364, 362, 71, 69, 70, 67 rectifié, 68, 151 rectifié, 72, 582, 614, 353, 337 deuxième rectification, 338 deuxième rectification, 354

Article 12 (précédemment réservé)

Amendements nos 466, 583

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi des finances pour 2011
Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 8, précédemment réservé.

Article 8
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 8, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour présenter l’amendement n° 188.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Favorable.

(L’amendement n° 188 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 36.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le dispositif dit du bouclier fiscal. En effet, comme l’a décidé à juste titre le Gouvernement, les hausses de fiscalité prévues dans le cadre de la réforme des retraites ne sont pas éligibles au calcul du bouclier. Comme il y aura paiement de CSG au fil de l’eau sur les contrats d’assurance-vie, il faut évidemment les neutraliser.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est un amendement que je m’étais permis de présenter en commission ; celle-ci l’a adopté. Le problème est ancien, puisque j’ai le souvenir que, lors de l’examen des précédents budgets de cette législature, des parlementaires avaient proposé de tenir compte de ces contrats afin de calculer le revenu fiscal de référence permettant le déclenchement du bouclier fiscal.

On nous avait toujours expliqué que la chose n’était pas possible faute de pouvoir identifier ces revenus. Dès lors que le Gouvernement propose dans le projet de loi de finances que ces contrats soient frappés par la CSG, c’est qu’ils sont identifiables et, dès lors qu’ils le sont, il est logique que l’on propose de les prendre en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence. C’est ce que la commission a décidé, et je me réjouirais si l’Assemblée adoptait cet amendement.

(L’amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 189 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 189, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour présenter les amendements identiques nos 37 et 483.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Adoptés par la commission à l’initiative de Charles de Courson, ils visent à ce que le dispositif entre en vigueur avec un petit décalage, parce qu’il est un peu compliqué à mettre en œuvre ; il faut modifier les logiciels des compagnies d’assurance. J’accepterais toutefois, monsieur le ministre, si vous préférez, que l’on rapproche l’échéance au 1er avril.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Nous sommes favorables à ces amendements, mais la date du 1er avril est également possible.

M. Jean-Pierre Brard. Le 1er mai, c’est mieux ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. Eh oui ! C’est la fête du travail…

M. Jean-Pierre Brard. Et puis le 1er avril, cela ne fait pas sérieux. (Rires.)

M. François Baroin, ministre du budget. Restons-en donc au 1er mai !

(Les amendements identiques nos 37 et 483 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour présenter l’amendement n° 38.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination, comme on en a vu plusieurs hier, visant l’affectation des recettes, non plus directement à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, mais à la Caisse nationale des allocations familiales, laquelle rétrocède un peu de CSG.

(L’amendement n° 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 190 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 190, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre pour soutenir l’amendement n° 621 du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget. C’est un amendement de précision, qui tire les conséquences de la réaffectation à la CNAF du produit induit par l’aménagement des règles relatives aux prélèvements sociaux sur les contrats d’assurance-vie multisupports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable. L’amendement consiste, d’une part, à opérer la réaffectation de recettes, et, d’autre part, à tenir compte du prélèvement supplémentaire de 0,2 % que nous avons voté hier à l’initiative du Gouvernement.

(L’amendement n° 621 est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 9, je suis saisi de plusieurs amendements.

L’amendement n° 130 de M. le rapporteur général est de précision.

(L’amendement n° 130, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l’amendement n °39.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit, par cohérence, d’affecter à la CNAF plutôt qu’à la CADES le produit de la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Afin que les choses soient dites et que la représentation nationale en prenne acte, je souligne que le transfert de cette ressource à la CNAF, en lieu et place d’une part de la CSG – 0,28 point – transférée à la CADES, crée pour la CNAF une ressource dont nous savons tous, au moment où notre vote est sollicité, qu’elle n’est pas pérenne.

M. Jean Launay. En effet, elle est fragile !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Autrement dit, la fragilisation des ressources de la CNAF est, d’une certaine manière, actée par cet amendement.

(L’amendement n° 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 605 rectifié de M. le rapporteur général est à la fois rédactionnel et de précision, de même que son amendement n° 131 rectifié.

(Les amendements nos 605 rectifié et 131 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 455.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement fait en partie écho, monsieur le ministre, à la discussion que nous avons eue hier.

Vous souteniez mordicus que les mesures concernant les assurances n’auraient pas de conséquence. Tel n’est pas, comme l’a confirmé Jérôme Chartier, le propos qui nous a été tenu avant-hier par nos interlocuteurs. Ils nous ont dit, d’ailleurs, avoir commencé à envoyer les avertissements qui permettront à chacune des personnes assujetties de savoir combien elle doit payer. Ces avertissements comprennent déjà des augmentations de 2 à 10 %.

Vous me direz qu’avec mon amendement la situation s’aggravera encore. Bien sûr, mais cela devrait constituer une incitation pour le Gouvernement à contrôler les marges que les compagnies d’assurance et les mutuelles enregistrent. Vous devez sortir de votre passivité.

Dès lors que ce sont les compagnies d’assurance ou les banques qui prennent des décisions, vous laissez faire, alors que les victimes ont déjà des fins de mois extrêmement difficiles.

Premièrement, nous vous proposons donc d’adopter cet amendement et, deuxièmement, nous espérons que, plus globalement, vous contrôlerez les marges réalisées par les compagnies d’assurance et les mutuelles.

(L’amendement n° 455, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 132 de M. le rapporteur général est de précision.

(L’amendement n° 132, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l’amendement n° 134 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un peu plus qu’un amendement de précision, puisque, dans le texte du Gouvernement, le taux des frais d’assiette et de recouvrement sur cette taxe prélevée par les sociétés d’assurance n’était pas intégré. Sur la base de l’article 34 de la Constitution, il nous a semblé important de fixer ce taux à 0,5 %, ce qui correspond au niveau le plus faible que l’on rencontre en matière de recouvrement.

(L’amendement n° 134 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l’amendement n° 40.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons eu une longue réflexion, en commission des finances, notamment à partir d’amendements de Charles de Courson. Celui-ci n’est pas encore arrivé et je le regrette, car les choses doivent être coordonnées.

La question est de savoir s’il faut maintenir la fiscalisation pour les flux à venir, au-delà de l’exit tax, qui consiste à fiscaliser les dotations et plus-values intégrées au fil du temps à la réserve de capitalisation.

Cet amendement reprend la première partie du dispositif proposé par le Gouvernement, qui a trait à la fiscalisation du stock ; en revanche, il exonère les flux à venir, afin de faciliter la constitution de fonds propres par les compagnies d’assurance grâce à la réserve de capitalisation. Nous faisons cette proposition dans la double perspective de la directive « Solvabilité II », qui va durcir les exigences de fonds propres, et d’une éventuelle remontée des taux d’intérêts qui dévaloriserait l’actif sous forme d’obligations dans les bilans des compagnies d’assurance, les conduisant ainsi à augmenter leurs fonds propres.

C’est un choix qui ne me paraît pas très cohérent : d’un côté, on fiscalise le stock par l’exit tax ; de l’autre, on maintient la défiscalisation des flux. On ne peut pas l’écrire dans l’amendement, mais notre arrière-pensée est bien la création, dans quelques années, d’une exit tax sur cette réserve de capitalisation qui va continuer de grossir, comme c’est d’ailleurs souhaitable du point de vue des compagnies d’assurance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable. Le texte du Gouvernement se conçoit comme un tout. Il y a d’une part un prélèvement sur les stocks, et d’autre part la possibilité de revenir au droit commun : puisque les sommes mises en réserve ne seront plus déduites du résultat, elles ne seront plus taxées.

Votre proposition consiste à conserver la première partie du projet du Gouvernement, mais à renoncer à la seconde, c’est-à-dire à la suppression des règles dérogatoires de fiscalisation de la réserve. Nous croyons notre texte plus équilibré, et souhaitons donc le maintenir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons eu sur ce sujet un long débat en commission des finances. Je comprends qu’il y ait des avantages et des inconvénients à notre solution ; par ailleurs, l’amendement de la commission des finances devait être coordonné avec un amendement de Charles de Courson, qui n’est pas là ce matin. Si mes collègues en sont d’accord, je suis donc prêt à me rallier à la position du Gouvernement.

Pour en avoir parlé avec Christine Lagarde, je sais qu’au sein même de son équipe les avis étaient aussi partagés qu’à la commission des finances.

Pour ma part, et sous la réserve de l’avis de Jérôme Chartier qui connaît admirablement bien ces sujets puisqu’il a été le rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière, je pense que nous pouvons nous en tenir à la position du Gouvernement. La réflexion sera poursuivie au Sénat : notre collègue Philippe Marini, avec qui j’en ai discuté, m’a semblé plutôt favorable à la position de la commission, sous réserve d’analyses complémentaires cependant.

(L’amendement n° 40 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 133 de M. le rapporteur général est de précision.

(L’amendement n° 133, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, inscrit sur l’article 10.

M. Richard Mallié. J’avais déposé un sous-amendement à l’amendement de notre collègue Trassy-Paillogues ; il n’est pas là pour le défendre, mais je voudrais tout de même appeler l’attention du ministre sur le problème que nous soulevions.

Une faille existe aujourd’hui dans l’application de la taxe sur les véhicules de sociétés : chaque année 10 000 véhicules environ sont homologués comme utilitaires afin d’être exonérés de cette taxe. Il y a un défaut dans notre législation, c’est un fait ; il faut y remédier, c’est une évidence.

Mais ne sombrons pas dans la précipitation. La modification apportée par la rédaction actuelle de l’article 10 aurait pour conséquence le blocage instantané des véhicules actuellement en stock : elle pénalise donc les clients qui ont choisi d’acquérir ces véhicules dans les conditions fiscales en vigueur au moment de leur achat, et qui devront finalement s’acquitter de la taxe – laquelle va tout de même de 400 à 3 000 euros. Les sites industriels français seront également pénalisés et subiront un grave manque à gagner.

Il est nécessaire de moduler la mise en œuvre de la loi pour ne pénaliser ni les clients, ni les constructeurs et leurs réseaux, pour leurs commandes en cours comme pour leurs stocks de véhicules. Il est donc souhaitable que cette mesure ne s’applique qu’aux véhicules immatriculés à compter du 1er avril 2011, ce qui laissera cinq à six mois pour écouler les stocks.

Ce délai de latence est plus que nécessaire afin d’assurer une meilleure transition. C’était le sens de mon sous-amendement.

(L’article 10 est adopté.)

M. Richard Mallié. Le ministre ne répond pas ?

Article 11
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier pour défendre l’amendement n° 368, tendant à supprimer l’article 11.

M. Michel Vergnier. Cet article vise à relever à 19,6 % le taux de TVA applicable aux offres d’abonnement Internet, télévision et téléphone. C’est surprenant, et nous nous élevons contre cette mesure injuste : on sait bien qu’une telle augmentation pèsera sur les abonnés, c’est-à-dire sur les ménages.

Dans le même temps, vous conservez un taux de TVA de 5,5 % pour la restauration – les effets de cette mesure ont pourtant été évalués, et l’on sait bien que les engagements pris n’ont pas été tenus. Nous aurions donc préféré agir sur ce levier-là.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable. Cet article assujettit à la TVA au taux normal les offres composites, dites triple play puisqu’elles englobent téléphone, Internet et télévision. Or, le service de télévision bénéficie d’un taux réduit depuis 1984 – ce taux concernait à l’époque Canal Plus – mais on a observé au cours des dernières années que le taux réduit, attaché au service de télévision, cannibalisait le taux normal. Dans un certain nombre d’offres, le forfait consistait à appliquer le taux réduit à plus de 50 % de la base : il en est résulté une perte considérable de recettes de TVA.

Cet article tend donc à faire basculer ces offres vers le taux normal. En revanche, dès lors qu’un service de télévision serait rendu de façon distincte, il demeurerait au taux réduit.

J’ajoute que le taux réduit entraîne l’obligation de financement de la production à travers la taxe dite COSIP.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis, pour les mêmes arguments, très bien développés par le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Comme l’a très bien rappelé le rapporteur général, la commission des finances est extrêmement sensible à la préservation des recettes – ou à leur restauration.

Cet article peut contribuer à la restauration de recettes. Toutefois, de nombreux parlementaires, dont je suis, s’interrogent : beaucoup de nos compatriotes nous signalent en effet que les opérateurs ont commencé à s’adapter à cette mesure de hausse de TVA, en dissociant les offres. Je me permets de le signaler, car je crains fort que la recette qui résultera de cette mesure ne soit pas celle espérée lorsque le projet de loi de finances a été déposé – loin de là.

J’appelle l’attention de la représentation nationale sur cet aspect des choses ; nous ferons, bien entendu, le point d’ici à quelques mois.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai.

(L’amendement n° 368 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 581.

M. Lionel Tardy. Le Gouvernement a décidé de supprimer la possibilité, pour les opérateurs, de bénéficier d’un taux de TVA réduit sur une partie des offres dites triple play. C’est un choix, auquel je souligne que la Commission européenne ne nous contraint pas : elle demandait que ce taux réduit soit moins généreusement attribué, mais n’en exigeait pas la suppression. Le rapporteur général a souligné les abus existants, s’agissant notamment des offres « mobiles », dans lesquelles la télévision était marginale.

Nous sommes tous d’accord : il fallait réformer le système. Mais le Gouvernement a choisi d’aller très loin, remettant ainsi en cause l’équilibre économique des offres triple play, non seulement en ce qui concerne leur prix, mais aussi parce qu’en laissant la possibilité de conserver un taux réduit en cas d’offre distincte de télévision, on prend le risque de casser purement et simplement le système de l’offre groupée.

Les opérateurs ne manqueront pas de modifier les offres. Toutes les conséquences d’un tel changement ont-elles été mesurées ? Quel sera l’impact pour le consommateur ?

Les conséquences de cette mesure risquant d’être brutales, je propose deux solutions de repli : la première consiste à revenir à l’ancien système, en permettant aux opérateurs de bénéficier de la TVA à taux réduit à la condition de prouver de manière simple que la télévision représente bien 50 % de leur offre ; la seconde consiste à ramener de 50 à 33 % la part de l’abonnement éligible au taux réduit.

Cette hausse de TVA risque en effet de produire l’effet inverse de celui prévu : du point de vue fiscal, les fournisseurs d’accès à Internet ont désormais intérêt à détenir le moins possible d’abonnements à la télévision, qui seront les plus taxés. Ils pourraient donc désormais ne déclarer au fisc que les abonnés qui regardent effectivement la télévision, sans inclure tous ceux qui en ont simplement la possibilité : cela ne constituerait, vis-à-vis du fisc, qu’un jeu d’écritures car rien, en pratique, ne changera pour ces abonnés, mais cela entraînerait une chute des versements au COSIP, et donc des subventions reçues par l’audiovisuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. La commission n’a pas adopté cet amendement.

Je rappelle que les offres triple play se situent aujourd’hui à un niveau un peu inférieur à 30 euros par mois ; c’est, de très loin, le niveau le plus faible dans tous les pays où ce type d’offres est pratiqué. Ces tarifs, en outre, n’ont pas bougé depuis 2004. À supposer – ce qui n’est pas évident – que la totalité de cet alignement sur la TVA à taux réduit soit répercutée sur les abonnés, cela représenterait une majoration de deux euros au maximum. Ces offres demeureraient donc à un niveau très inférieur à ce qui existe dans les pays voisins.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Pour compléter, s’il le veut bien, les propos du rapporteur général, j’indiquerai que ces offres ne se situaient pas du tout à ce niveau de prix avant qu’un quatrième opérateur – Free – n’intervienne sur le marché. C’est son arrivée qui a permis la diminution des deux tiers du prix des abonnements : les offres sont passées de 90 ou 95 euros à un peu moins de 30 euros.

Je le signale, car cela fait des années maintenant que l’on parle d’un quatrième opérateur de téléphonie mobile : il me semble que cet exemple plaide pour qu’une quatrième licence soit accordée ; je crois même que le plus tôt serait le mieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

Il est faux de dire que la Commission européenne n’a pas engagé de procédure : nous sommes actuellement dans une logique de pré-contentieux ; si la France ne bouge pas sur ce sujet, nous finirons par être contraints de modifier notre dispositif fiscal. Nous préférons donc agir avant qu’un changement ne nous soit imposé.

De plus, cette mesure s’inscrit dans un cadre général de réduction des dépenses.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je comprends, dans les propos du rapporteur général, que c’est au consommateur de payer les deux à trois euros supplémentaires !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Je parlais de l’hypothèse où la hausse serait entièrement répercutée.

M. Michel Vergnier. Mais c’est bien ce qui va se passer !

M. Lionel Tardy. S’agissant des télécommunications, on est quand même gêné aux entournures : on nous dit que ce sera au consommateur de payer cette hausse ; or les télécommunications sont déjà assujetties à la taxe pour la télévision publique – 300 millions d’euros – et à la taxe COSIP en faveur de l’audiovisuel – 100 millions d’euros censés être une contrepartie de la TVA à taux réduit à 5,5 %.

D’un autre côté, nous avons tous dans nos départements des plans de mise en place du très haut débit, pour lesquels nous aurons besoin des opérateurs. Je ne vois pas bien la logique de tout cela !

(L’amendement n° 581 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy pour soutenir l’amendement n° 580.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

(L’amendement n° 580, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria pour soutenir l’amendement n° 91.

M. René-Paul Victoria. Cet amendement vise à permettre aux départements d’outre-mer de maintenir le taux réduit de TVA sur les offres triple play.

Il convient en effet de soutenir le développement des offres de télévision par ADSL dans les DOM, car elles sont encore beaucoup moins répandues qu’en métropole : les bouquets sont nettement plus restreints, la TNT à venir – en principe à compter du 30 novembre – ne devrait offrir que dix chaînes à peine, et il n’existe pas de chaîne en haute définition.

En outre, le coût de l’Internet dans nos départements est, tout le monde le sait, plus élevé qu’en métropole, et le développement des nouvelles technologies reste aujourd’hui pénalisé à la fois par des coûts d’accès aux infrastructures internationales supportés par les acteurs locaux et par l’étroitesse des marchés.

Le coût pour l’État d’une TVA réduite est nettement plus faible dans les DOM qu’en métropole, compte tenu du différentiel de taux – 6,4 points contre 14,1 points. Le gain espéré d’une suppression du taux réduit ne dépasserait pas le million d’euros pour l’ensemble des DOM.

À tout le moins, il serait souhaitable d’attendre l’établissement d’une véritable continuité numérique avant d’envisager une modification de la fiscalité qui ne manquerait pas de peser lourdement sur le développement des offres de diffusion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas adopté cet amendement.

Je ferai observer à M. Victoria – mais c’est peut-être une mince consolation – que le taux qui va s’appliquer dans les DOM n’est pas de 19,6 % mais de quelque 8 %.

Par ailleurs, ce type de service n’est pas frappé par l’octroi de mer, ce qui explique le différentiel de taux avec la métropole.

Nous souhaitons donc en rester à un taux de TVA qui demeure bas, en tout cas comparé à la métropole, et dont l’impact devrait être très limité sur le prix des abonnements.

(L’amendement n° 91, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 11 est adopté.)

Après l’article 11
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 351 et 430, pouvant être soumis à une discussion commune, portant articles additionnels après l’article 11.

La parole est à M. Jean Launay pour défendre l’amendement n° 351.

M. Jean Launay. Nous souhaitons supprimer, pour les seuls vols intérieurs, l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers dont bénéficient les carburéacteurs – et qui représente une dépense fiscale de plus de 1,3 milliard d’euros.

Cette exonération, qui pouvait être justifiée lors de sa mise en place, qui remonte à 1928, a largement perdu de sa signification, d’autant que le transport aérien représente le mode de déplacement le plus polluant en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Cette suppression s’inscrirait d’ailleurs dans le cadre des réflexions communautaires sur la remise en cause des exonérations accordées au transport aérien. Elle serait une réponse directe à la demande, exprimée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de rétablir le vrai coût du transport aérien, notamment par une taxe sur le kérosène des vols domestiques concurrents du train. C’est la raison pour laquelle nous proposons de limiter l’exonération aux vols intérieurs.

Une telle disposition serait immédiatement applicable, quelle que soit l’avancée des négociations internationales, et permettrait d’allier respect de l’environnement et souci des finances publiques.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy pour soutenir l’amendement n° 430.

M. François de Rugy. Notre amendement porte également sur l’exonération dont bénéficie depuis très longtemps le kérosène, puisque c’est ainsi que l’on désigne le carburant des avions.

Cet amendement est un peu différent de celui de nos collègues socialistes. Nous, nous voulons nous concentrer sur les vols intérieurs dans la mesure où existe cet accord international qu’on nous oppose toujours pour empêcher la taxation des carburants sur les vols internationaux. Par ailleurs, nous savons que le ravitaillement des vols internationaux peut s’effectuer dans d’autres aéroports, à l’étranger.

Pour les vols intérieurs, une telle mesure pourrait en revanche tout à fait s’appliquer. C’est là, en effet, que l’exonération est la plus choquante, dans la mesure où la France dispose aujourd’hui d’un réseau étendu de trains à grande vitesse. Non seulement Paris est ainsi relié à de plus en plus de capitales régionales ou grandes villes de France, mais il existe un début d’interconnexion de ce réseau, permettant de relier les villes, notamment les métropoles régionales, entre elles. Il est donc particulièrement choquant que nos concitoyens continuent à subventionner, il faut dire les choses telles qu’elles sont, le transport aérien.

Le transport aérien est celui qui émet le plus de gaz à effet de serre par passager transporté ou par tonne transportée, mais il présente également d’autres nuisances, notamment sonores. C’est en outre un mode de transport assez élitiste, et non un mode transport de masse comme le sont le train ou la voiture.

Aujourd’hui, le carburant le plus taxé, c’est le carburant des voitures particulières – je le précise, car il existe beaucoup d’exonérations pour les professionnels. Celui qui n’est pas taxé du tout, c’est le kérosène. C’est particulièrement choquant du point de vue tant écologique que social, et c’est contradictoire avec le Grenelle de l’environnement. J’aimerais bien d’ailleurs que le ministre nous dise combien cela coûte, car je pense qu’une évaluation conclurait à plusieurs milliards d’euros d’évasion fiscale au profit des seules compagnies aériennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, que nous connaissons depuis une bonne dizaine d’années, monsieur de Rugy. Je me demande même si je ne l’ai pas proposé quand j’étais dans l’opposition, entre 1997 et 2002, pour démontrer les contradictions de Mme Voynet. (Sourires.)

M. François de Rugy. Donnez donc un avis favorable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est la convention de Chicago qui, en 1944, pour favoriser les échanges internationaux, a instauré cette exonération, depuis lors pratiquée partout dans le monde.

Il serait souhaitable d’y mettre, un jour, un terme. Si une démarche devait être engagée, elle pourrait l’être au niveau européen. Le faire au niveau purement français, M. Launay le sait, serait faire courir un risque majeur à des dizaines et des dizaines de milliers d’emplois, car il y aurait immédiatement des détournements de trafics au profit d’aéroports proches de nos frontières, je pense par exemple à Bruxelles ou à Genève.

M. Serge Poignant. C’est évident !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si cette mesure peut avoir du sens dans la politique environnementale à développer au niveau européen, nous ne pouvons pas, en revanche, l’adopter seuls.

Donc avis défavorable, une fois de plus – ce doit être la trentième fois en dix ans !

M. François de Rugy. C’est la pédagogie de la répétition !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ajouterai simplement aux propos parfaits du rapporteur général l’argument de la sécurité.

M. François de Rugy. C’est la meilleure !

M. Jérôme Chartier. Je rappelle que la problématique de 1944 était la taxation du kérosène en fonction des pays au regard du risque pris indirectement par les passagers. En effet, les compagnies pouvaient être tentées d’attendre pour faire le plein, afin de payer le kérosène là où il était le moins taxé.

La convention de Chicago est issue de la réflexion de l’Association internationale du transport aérien, préconisant une détaxation du kérosène au niveau mondial pour éviter le dumping fiscal.

M. François de Rugy. Nous parlons des vols intérieurs !

M. Jérôme Chartier. Il fallait éviter qu’un commandant de bord, qui, comme chacun sait, est également rémunéré en fonction du kérosène qu’il consomme ou achète, soit tenté d’aller faire le plein là où c’est moins cher.

Je suis, bien sûr, la position du rapporteur général : tant qu’il n’y a pas d’évolution au niveau mondial, il faut nous abstenir, je crois, de toute modification.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je veux répondre au rapporteur général. Je n’étais pas député avant 2007, mais je crois en la pédagogie de la répétition : je continuerai donc à répéter qu’il s’agit d’une injustice majeure.

Par ailleurs, il n’existe absolument aucune harmonisation, pas même européenne, pour les carburants automobiles, et vous savez très bien que les frontaliers vont faire le plein au Luxembourg ou en Allemagne, où c’est moins cher, ou encore en Espagne – et plus encore en ce moment, étant donné la pénurie.

L’argument de la sécurité ne tient absolument pas, en tout cas pour les vols intérieurs. Or ce sont eux que nous visons dans l’amendement.

J’aurais bien aimé vous entendre, monsieur le ministre, car il est écrit noir sur blanc dans le Grenelle – mais peut-être avez-vous décidé de vous asseoir définitivement dessus, ou d’en faire un chiffon de papier comme semble s’y être résolu M. Borloo pour devenir Premier ministre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) – que le kérosène sera taxé sur les vols intérieurs lorsqu’une offre TGV parallèle existe – c’était certes un peu plus restrictif que dans mon amendement. Aujourd’hui, Marseille, Strasbourg, Lyon, Lille, Nantes, Rennes, Bordeaux, beaucoup de grandes villes de France sont desservies par le TGV. Vous auriez donc pu, au minimum, sous-amender notre amendement pour être en conformité avec le Grenelle que vous avez vous-même défendu.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Comme vient de le dire François de Rugy, la taxation se défend particulièrement quand il y a une desserte parallèle par TGV. Mais je voudrais revenir sur la convention de Chicago.

Si nous voulons respecter les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’émissions de gaz à effet de serre, il faudra bien que le transport aérien y contribue fortement. Pour cela, il faut une taxe sur les émissions de carbone. L’absence de taxation sur le kérosène est aujourd’hui une aberration complète, qui a en particulier pour effet que nous importons des produits frais de l’autre bout du monde, ce qui nuit à notre propre développement économique. Mieux vaudrait subventionner la culture biologique en France que détaxer le kérosène. Nous savons tous qu’il faudrait au contraire taxer plus fortement le kérosène que bien d’autres produits pétroliers, étant donné le coût que représente pour l’ensemble de l’humanité le transport aérien en termes de gaz à effet de serre.

C’est aussi un amendement qui me permet d’interpeller le Gouvernement : qu’a-t-il prévu de faire dans ce domaine à l’échelle européenne ? Si tous les pays européens, la France et l’Allemagne en tête, avancent sur ce sujet, cela fera bouger l’Europe et,une fois que l’Europe aura bougé, on pourra faire bouger le reste du monde.

(Les amendements nos 351 et 430, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l’amendement n° 551.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. À la demande de Jean-Pierre Balligand, je me permets de défendre cet amendement, auquel il tient beaucoup.

Il a trait à une expérimentation très locale qui se déroule dans le Sud-Ouest, et qui consiste à faire fonctionner des véhicules municipaux à la fois avec du carburant classique et avec des huiles végétales pures, de tournesol en l’occurrence.

Au début, en 2005-2006, les pouvoirs publics n’ont pas manifesté d’hostilité de principe à cette expérimentation, mais ont voulu en limiter le périmètre, de façon à s’assurer que l’utilisation du carburant n’aurait pas de conséquences préjudiciables pour les moteurs, ni sur les émissions de gaz à effet de serre.

Au bout de quelques années, l’expérimentation a permis d’aboutir à la double conclusion que les engins n’étaient en rien altérés par la consommation de ce carburant alternatif et que le bilan en matière de production de gaz à effet de serre était largement positif.

M. Balligand a donc souhaité, à juste titre, déposer un amendement permettant aux municipalités désireuses d’utiliser ce biocarburant de s’affranchir de la limitation du périmètre d’utilisation, de sorte que les véhicules de transports collectifs puissent, eux aussi, l’utiliser, étant entendu que les véhicules municipaux utilitaires ne pouvant transporter plus de trois personnes sont déjà autorisés à le faire.

Un tel amendement doit, bien sûr, être gagé, même si son coût est d’une faiblesse telle qu’il est impossible à estimer. Si le Gouvernement, ce que j’espère, ne s’opposait pas à l’adoption de cet amendement, il faudrait donc qu’il lève le gage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a examiné avec beaucoup de sympathie l’amendement de notre collègue Balligand, dont chacun sait qu’il est élu du Sud-Ouest (Sourires), et a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement est également favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement consistant à subordonner l’utilisation de ces carburants à la conclusion d’un protocole avec le préfet et le directeur régional des douanes territorialement compétents.

M. le président. Monsieur le président de la commission, êtes-vous favorable à ce sous-amendement, qui portera le numéro 636 ?

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il est d’autant plus légitime que c’est déjà dans le cadre d’un tel protocole que les véhicules municipaux peuvent utiliser les biocarburants en question. Dans l’hypothèse où il y aurait un doute, le sous-amendement le lève, et il est normal que le Gouvernement le demande.

Je précise que j’associe à l’amendement nos collègues Jean Dionis du Séjour, maire d’Agen, et Brigitte Barèges, maire de Montauban, qui ont eux aussi décidé d’utiliser ce type de carburant alternatif pour les flottes municipales. C’est de concert avec eux que Jean-Pierre Balligand a décidé de présenter cet amendement qui, vous l’avez compris, recueille toute ma sympathie.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Pour rebondir sur les propos du président de la commission et du rapporteur général, je me félicite que nous nous apprêtions à adopter cet amendement très pragmatique, qui contraste avec la désastreuse politique nationale menée en faveur des agrocarburants industriels, dans le seul but d’assurer un débouché à certaines productions agricoles comme les betteraves sucrières ou certaines productions céréalières. Je constate d’ailleurs que nos collègues du Nouveau Centre, qui avaient déposé des amendements pour continuer de doter ces agrocarburants d’un avantage fiscal coûtant, d’après nos évaluations, près de 500 millions d’euros par an, ne sont pas là pour les défendre ce matin. Tant mieux !

L’amendement que nous allons voter vise au contraire à favoriser les circuits courts et la production d’huiles végétales brutes ne faisant pas concurrence aux productions alimentaires et ne relevant pas forcément de l’agriculture intensive.

(Le sous-amendement n° 636 est adopté.)

(L’amendement n° 551, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l’amendement n° 537.

M. Jean-Paul Chanteguet. La loi de finances pour 2009 a retenu une modulation tarifaire de la taxe générale sur les activités polluantes au titre de l’incinération et du stockage, sur la base de cinq critères : le transport des déchets par voie ferroviaire ou fluviale ; la certification ISO 14 001 ; la valorisation énergétique du biogaz à plus de 75 % pour ce qui concerne le stockage ; des émissions de Nox inférieures à 80 milligrammes pour l’incinération ; une performance énergétique élevée.

Cette modulation ne contribue pas à détourner les flux de déchets. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’instaurer un critère supplémentaire dont bénéficieraient les collectivités ayant accompli l’effort d’investir dans des équipements contribuant à la prévention des déchets ultimes par la valorisation des matières organiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Le taux a été fixé en loi de finances 2009 à l’issue de très longues négociations, et une certaine stabilité fiscale est souhaitable. En outre, au nom de la défense de l’environnement, nous sommes plutôt réticents à des baisses de TGAP dans la mesure où cette taxe incite à des comportements plus vertueux.

(L’amendement n° 537, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l’amendement n° 539.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’équilibre de l’accord « déchets » du Grenelle de l’environnement reposait sur une suite d’engagements en matière de fiscalité, de prévention et de recyclage. Parmi ces engagements figuraient, outre la TGAP « stockage et incinération », une tarification incitative, une taxation des ventes de produits fortement générateurs de déchets et la création de nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur.

Or, à ce jour, on constate d’importants retards, voire des blocages dans la progression de ces chantiers structurants, qui conditionne pourtant davantage l’efficacité de la prévention des flux de déchets ménagers ultimes que la mise en œuvre de la TGAP « déchets ». Par ailleurs, les premières observations tendent à montrer des résultats insuffisants en matière de baisse tendancielle des flux de stockage et d’incinération, ce qui tend à prouver l’inadaptation de l’outil de la fiscalité aval. Cet amendement prévoit donc un moratoire sur la progressivité des quotités de la TGAP « stockage et incinération » dans l’attente de l’application des principaux engagements « déchets » du Grenelle.

(L’amendement n° 539, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l’amendement n° 538.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il est particulièrement injuste que l’enfouissement ou l’incinération des déchets issus des catastrophes naturelles soient soumis à la TGAP. Je fais ici référence au traitement des déchets ultimes engendrés par la tempête Xynthia en février. C’est un réel problème. C’est pourquoi nous proposons cette exonération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, qui n’est pas de même nature que les précédents, est intéressant. Il pose néanmoins des problèmes de rédaction. Je suis donc prêt, sous réserve de l’avis du Gouvernement, à travailler avec vous, monsieur Chanteguet, pour le reprendre lors du prochain collectif budgétaire, dans quelques semaines. Il s’agit en effet, non pas d’abaisser la TGAP, mais d’élargir le champ de son exonération aux déchets issus de catastrophes naturelles telle Xynthia. C’est un vrai problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je partage le point de vue du rapporteur général. La réflexion est juste, mais les modalités d’application proposées ne sont pas acceptables. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement. Il s’agit néanmoins d’une question pertinente, qui pourrait faire l’objet d’une discussion dans un autre cadre.

(L’amendement n° 538 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l’amendement n° 541.

M. Jean-Paul Chanteguet. Les douanes ne pouvant à ce jour recouvrer la TGAP due par une entreprise non représentée fiscalement sur le territoire national, certaines ventes de produits soumis à la TGAP en sont, de fait, exonérées. L’évasion fiscale ainsi opérée représente plusieurs millions d’euros. C’est pourquoi nous proposons que, dans une telle situation, les douanes puissent assujettir directement à la TGAP le consommateur du produit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je comprends le problème, mais la TGAP est une taxe qui concerne les entreprises et, même s’il s’agit de lutter contre l’évasion fiscale, il me paraît difficile d’y assujettir les personnes physiques.

(L’amendement n° 541, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy pour soutenir l’amendement n° 585.

M. Lionel Tardy. La question de la fluctuation du prix des matières premières n’est pas nouvelle, mais il semble que nous soyons repartis dans un cycle d’instabilité particulièrement forte, avec des hausses brutales. Il faut donc éviter d’accroître les difficultés des entreprises touchées et faire en sorte qu’elles ne soient pas surfiscalisées. Tel est l’objet de cet amendement.

Monsieur le ministre, la fluctuation du cours des matières premières est un vrai problème pour nombre de PME et de PMI. Cet amendement me donne l’occasion de vous alerter et de vous demander ce que vous comptez faire à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La provision pour fluctuation de cours, qui concerne essentiellement les entreprises pétrolières, a été supprimée en 1998. Depuis, il y a eu des fluctuations, mais il nous semble que ces compagnies peuvent les absorber. C’est la raison pour laquelle ce dispositif n’a pas été rétabli et ne doit pas l’être aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 585 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir son amendement n° 267.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Cet amendement a pour vocation de susciter un débat, et je précise d’emblée que mon ambition n’est pas de faire adopter une disposition qui s’appliquerait dès 2011. Pour autant, un tel débat serait utile, et j’espère même que certains le trouveront nécessaire.

Lors des prochaines élections législatives, nos compatriotes expatriés éliront des députés. Ces derniers auront évidemment les mêmes droits et prérogatives que ceux élus dans des circonscriptions situées à l’intérieur de l’hexagone, droits et prérogatives parmi lesquels figure, en toute première place, le droit de voter le consentement à l’impôt, voire l’impôt lui-même.

Tout d’abord, et bien qu’un député représente la nation et non pas telle ou telle partie de l’électorat ou du territoire – nous avons eu un débat intéressant sur la question en commission, où Michel Diefenbacher, notre collègue de Lot-et-Garonne, a soulevé ce point auquel j’adhère totalement –, on peut s’interroger sur le fait que nos futurs collègues s’apprêteront à voter le consentement à l’impôt et l’impôt lui-même, alors que leurs électeurs ne l’acquittent pas. Je ne prétends pas que cela leur retire la moindre légitimité. Je dis simplement que cela pose une question à laquelle il n’est pas interdit de réfléchir.

Ensuite, dès 2011, et probablement avec beaucoup plus de vigueur en 2012 et les années suivantes, nos compatriotes devront consentir un effort très important pour restaurer les finances publiques et maintenir un modèle de développement, un modèle social et économique auquel nous sommes attachés sur tous ces bancs, même si nous divergeons sur les raisons qui font qu’il est aujourd’hui fragilisé. Dès lors, il ne paraît pas interdit de s’interroger sur les modalités selon lesquelles nos compatriotes expatriés pourraient être associés à cet effort.

Il ne s’agit nullement de punir qui que ce soit, encore moins de le sanctionner. Il s’agit simplement de considérer nos compatriotes expatriés comme étant à égalité de droits et de devoirs avec ceux qui vivent et travaillent à l’intérieur de nos frontières, de la même manière que leurs députés seront à égalité de droits et de devoirs avec ceux qui siègent déjà ici, et avec lesquels ils formeront la représentation nationale.

Si j’ai déposé cet amendement, c’est donc pour susciter ce débat. J’en connais évidemment les très grandes imperfections techniques, dont nous avons du reste discuté en commission, mais nous pourrions nous livrer à une réflexion sur la question dans le cadre d’un groupe de travail auquel j’espère que nous serons nombreux à participer, et qui pourrait compter des représentants des pouvoirs publics.

Il faudra sans doute beaucoup de temps avant de parvenir à une proposition qui soit jugée acceptable, mais, au-delà de ces difficultés techniques et du temps nécessaire pour trouver une solution, il est temps d’avoir ce débat afin, je le répète, que tous soient considérés à égalité de devoirs et de droits. En effet, les expatriés qui vivent et travaillent hors de nos frontières ont profité des services publics et des infrastructures de notre pays et en profiteront à nouveau, ainsi que leurs enfants. Je ne serais donc pas choqué que, fût-ce de manière symbolique dans un premier temps, il leur soit demandé de contribuer au fonctionnement de ces services publics et à la réalisation de ces infrastructures, sans quoi l’impression pourrait s’imposer que certains en bénéficient sans vraiment y contribuer.

Cet amendement, je le répète, n’a pas pour vocation à être adopté. Au demeurant, je serais peu réaliste si j’imaginais qu’il puisse l’être. En revanche, j’espère ne pas être trop irréaliste en espérant un débat digne, dans lequel certains ne se contenteraient pas de faire de la surenchère en faveur de nos compatriotes expatriés en pensant en tirer un bénéfice électoral dans quelques-unes des onze circonscriptions réservées aux Français de l’étranger.

À cet égard, je me réjouis du débat que nous avons eu en commission des finances, où personne ne s’est montré hostile au principe, de même que je me réjouis de la prise de position publique – et écrite – de mon homologue Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, indiquant qu’il était favorable à une telle perspective.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons eu en commission un débat nourri sur cet amendement, qui pose la question de l’assujettissement complémentaire auquel pourraient être soumis nos concitoyens expatriés.

Le régime général est pour l’heure assez clair : un Français vivant et travaillant en Allemagne acquitte l’impôt sur son salaire sur la base du barème allemand ; s’il perçoit par ailleurs des revenus financiers en France, il est imposé selon un forfait de l’ordre de 20 %. Inversement, un Allemand travaillant en France est imposé selon notre barème, mais acquitte en Allemagne l’impôt sur ses revenus financiers, au taux, légèrement supérieur, de 25 %.

La situation au sein de l’Union européenne est donc équilibrée, et la question de l’imposition des expatriés se pose surtout pour d’autres pays, notamment lorsque le différentiel d’impôt avec la France est important. On pourrait en effet imaginer que, dans ces cas-là, et au-delà d’un certain niveau de revenu, un expatrié, qui a souvent fait des études supérieures dans notre pays, y acquitte un impôt, au nom de la solidarité nationale.

Le débat sur le sujet est également engagé au Sénat, et la question mérite sans doute d’être étudiée de près. En tout cas, cela ne me choque pas, même s’il ne s’agit pour l’instant, comme l’a dit le président Cahuzac, que d’amorcer la réflexion, sachant que, du fait de la mondialisation, nos ressortissants sont de plus en plus nombreux à travailler à l’étranger – ce qui est une très bonne chose – et qu’il est donc de plus en plus légitime de s’interroger sur leur statut fiscal.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur le président de la commission des finances, ce que vous proposez en somme, toutes choses égales par ailleurs et avec les guillemets d’usage, c’est un droit du sang fiscal.

M. François de Rugy. La nationalité, ce n’est pas le droit du sang !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est une conception qui va à rebours de l’histoire et de la construction du droit fiscal français, lequel est un droit territorial. C’est d’ailleurs dans cet esprit que les cent dix-huit conventions fiscales signées entre la France et d’autres pays ont été négociées. La formulation que vous proposez ne pourrait donc s’appliquer que dans les très rares pays non signataires de ces conventions fiscales, car il semble inenvisageable de remettre en cause les conventions actuelles, assez équilibrées.

Mais imaginons que ces conventions aient été renégociées sur la base de votre proposition. Cela signifierait que les Français vivant à l’étranger bénéficient de l’ensemble des avantages proposés par notre système fiscal. Un Français achetant un appartement à Berlin aurait donc le droit de bénéficier, s’il le loue, de l’avantage « Scellier ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Est-il vraiment cohérent d’appliquer à l’étranger un dispositif dont le but essentiel est de résoudre la pénurie de logement dans nos villes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Et je pourrais ainsi continuer à pointer les incohérences induites par votre proposition. Votre amendement a certes la vertu de nous faire réfléchir ; il n’en demeure pas moins que notre système actuel est juste.

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. François de Rugy. Au moins, Copé ne sera pas venu pour rien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le débat est d’autant plus important que plusieurs députés seront désormais élus pour représenter les Français de l’étranger, avec la prérogative de voter le consentement à l’impôt.

La question n’est certes pas simple à régler, en tout cas hors de l’Union européenne, mais la proposition de Jérôme Cahuzac a un sens, puisque les États-Unis appliquent ce type de dispositif.

Je n’aime pas les expressions « droit du sang » et « droit du sol », déjà utilisées par M. de Courson, car ce qui est fondamental à mes yeux, c’est la citoyenneté, fondée sur le consentement à l’impôt – ainsi qu’il est écrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela signifie que la nationalité française implique un certain nombre de solidarités. Et, même si un expatrié est soumis à d’autres formes de solidarité et d’appartenance, la nationalité, on l’a suffisamment répété, implique des devoirs, parmi lesquels celui de contribuer à l’impôt. Il est donc important d’avoir lancé ce débat, notamment pour ce qui concerne les pays n’appartenant pas à l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je voudrais à mon tour remercier le président de la commission des finances d’avoir déposé cet amendement et ouvert le débat. Je regrette que cela donne lieu de la part du ministre à des réponses quelque peu outrancières. Expliquer en effet qu’il faudrait appliquer le dispositif Scellier de défiscalisation sur l’immobilier à un Français qui investit à Berlin relève de la pure rhétorique.

Les termes du débat sont simples en vérité. Ils concernent ceux de nos compatriotes qui décident de s’expatrier pour des raisons fiscales (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), en aucun cas les personnes envoyées à l’étranger par leur entreprise.

Nous avons eu ici, très récemment, des débats sur la nationalité, qui ont parfois dérapé. D’aucuns ont même parlé de la déchéance de nationalité. Je considère, moi, que celles et ceux qui s’expatrient pour échapper à l’impôt renient la nationalité française, leur appartenance à la communauté nationale et la République Française. Dès lors, envisager une imposition minimale et forfaitaire pour les plus hauts revenus serait parfaitement justifié.

M. Jean-Paul Chanteguet. Très bien !

M. François de Rugy. Chacun sait que le Président de la République mène depuis longtemps une campagne démagogique auprès des expatriés, allant même jusqu’à promettre la gratuité des lycées français à l’étranger. Cela prouve bien que les Français vivant à l’étranger peuvent bénéficier de services financés par l’État. Il serait donc logique qu’ils contribuent, même modestement, au financement de ces services.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. La question posée par Jérôme Cahuzac est la conséquence directe de la décision d’instituer des députés élus par les Français de l’étranger. Refuser le débat par des réponses dilatoires serait nous faire regretter d’avoir prévu une telle disposition.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je souhaiterais proposer la piste de réflexion suivante, sur laquelle nous pourrions parvenir à un consensus. En Allemagne, en Suisse, au Portugal, en Espagne ou au Royaume-Uni, les contribuables nationaux qui s’installent dans les paradis fiscaux doivent acquitter une pénalité. Cela n’existe pas dans notre pays, mais nous pourrions sans doute nous accorder pour instituer une telle mesure.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. La proposition du rapporteur général a mon accord, mais je tiens à préciser que mon amendement n’entend pas assimiler l’ensemble de nos compatriotes expatriés à autant de délinquants fiscaux en puissance. Le problème soulevé par le rapporteur général est réel, mais il concerne une minorité de nos compatriotes expatriés.

Par ailleurs, je comprends la réaction du ministre, car le débat est loin d’être abouti aujourd’hui, et la solution technique loin d’être élaborée. Évitons cependant les arguments qui, même s’ils emportent la sympathie de certains de nos collègues de la majorité, me paraissent vides de sens. Exciper du « Scellier » à propos d’un investissement en Allemagne supposerait que je propose un IRPP pour les expatriés, ce qui n’est nullement le cas et écarte donc l’application d’un tel dispositif. Méfions-nous donc des objections trop faciles.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais nous avions corrigé !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Certes, mais permettez-moi de l’expliciter pour lever toute ambiguïté.

Par ailleurs « droit du sol » et « droit du sang » sont des termes élégants pour poser le débat, mais qui ne me semblent guère appropriés. Aux termes de l’article 209 B du code général des impôts, et afin d’éviter les abus, l’administration fiscale, dès lors qu’elle a la conviction que l’installation d’une filiale à l’étranger n’est en rien motivée par des raisons industrielles ou économiques mais répond à un souci d’optimisation fiscale, peut la contraindre à acquitter son impôt en France. Si la règle suggérée en commission par Charles de Courson et reprise par le Gouvernement dans ce débat devait être généralisée, cela aurait des conséquences contre lesquelles je mets en garde nos collègues, car des mécanismes qui font l’objet d’un large consensus seraient remis en cause.

J’indique enfin que les conventions fiscales existent certes, mais qu’elles ne sont pas gravées dans le marbre, même si leur révision suppose un travail de longue haleine. On a dit par ailleurs que les États-Unis avaient mis en place un dispositif similaire à celui que je propose, ce qui montre que la chose est possible.

La mondialisation peut avoir des aspects préjudiciables pour les recettes de notre pays, mais l’on peut aussi miser sur ses effets bénéfiques. Si certains de nos compatriotes, par choix ou par contrainte, travaillent à l’étranger, s’ils y gagnent bien leur vie, cela peut être positif pour les recettes de notre pays.

(L’amendement n° 267, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement n° 558.

Mme Arlette Grosskost. Il est défendu.

(L’amendement n° 558, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 237 rectifié, 350 rectifié et 347, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 237 rectifié et 350 rectifié sont identiques.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 237 rectifié.

M. François de Rugy. Cet amendement porte sur les bénéfices des compagnies pétrolières. Tout le monde connaît le paradoxe par lequel, dans notre économie, lorsque les prix mondiaux du pétrole, les bénéfices des compagnies augmentent également, alors que l’on pourrait penser que la consommation devrait baisser et que les compagnies seraient obligées de rogner sur leurs marges. Ce n’est pas du tout le cas parce que les compagnies voient en fait la valeur de leurs actifs augmenter, et, surtout, parce que nos concitoyens – mais ce n’est pas le cas seulement en France – sont dépendants du pétrole. Nous voyons bien, d’ailleurs, au moment où nous connaissons un début de pénurie, à quel point cela peut désorganiser l’économie, ce qui montre notre degré de dépendance aux produits pétroliers, notamment pour les transports.

Cette dépendance n’est pas le fruit du hasard. Nous proposons une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des compagnies pétrolières car nous considérons que c’est un juste retour pour le budget de l’État, compte tenu des investissements extrêmement lourds – sans même porter de jugement de valeur sur l’organisation de nos transports – consentis par l’ensemble des collectivités publiques, État et collectivités locales, pour étendre et entretenir le réseau routier, dans le même temps qu’était démantelé le réseau ferroviaire, que nous avons aujourd’hui toutes les peines du monde, non seulement à entretenir, mais à redéployer.

Pour se déplacer, nos concitoyens sont donc très dépendants de l’automobile, ce qui les conduit à consommer massivement des produits pétroliers, y compris lorsque les prix augmentent, au plus grand bénéfice des compagnies. D’où l’idée d’un prélèvement exceptionnel.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 350 rectifié.

M. Pierre-Alain Muet. C’est le même amendement, créant un prélèvement sur les compagnies pétrolières. La plupart des arguments ont été très bien développés par mon collègue François de Rugy. Il existe un vrai problème dans ce secteur, qui vit sur une rente. Les hausses de prix des matières premières conduisent à des profits considérables. Il est parfaitement logique, dans cette situation, d’assujettir les bénéfices à un prélèvement exceptionnel.

M. le président. Puis-je considérer, monsieur Muet, que l’amendement n° 347 est par là même défendu ?

M. Pierre-Alain Muet. Oui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable à l’ensemble de ces amendements, eux aussi bien connus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. J’ai eu l’occasion, lors d’un colloque, de discuter avec M. Desmarest lorsqu’il était PDG de l’entreprise Total. Il nous a expliqué, en présentant son activité, qu’il n’avait aucune inquiétude car il était assis sur un tas d’or pour trente ans ; ses activités seraient bénéficiaires et très profitables au moins pour cette durée. La raréfaction des ressources pétrolières aurait même pour effet, dans un premier temps, d’augmenter les recettes de la compagnie. Il faut donc bien préciser que le prélèvement que nous proposons ne met nullement cette activité en danger.

J’ajoute que nous avons pensé affecter cette recette – il ne s’agit pas de boucher les trous que vous avez creusés dans le budget de l’État – à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, de façon à financer des transports alternatifs à la voiture, notamment les transports ferroviaires.

(Les amendements identiques nos 237 rectifié et 350 rectifié ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 347 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 320, 301 et 343, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 301 et 343 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 320.

M. Jean-Claude Sandrier. La crise financière a démontré le rôle négatif joué par la spéculation croissante et la recherche de profits selon une logique à très court terme. En 2007, l’année même de l’explosion de la bulle financière, le volume des transactions sur devises a atteint le record de 3 250 milliards de dollars, ce qui faisait dire à un éminent économiste français, Patrick Artus : « Nous sommes dans un monde qui s’est gavé de liquidités jusqu’à l’overdose. »

L’activité financière est de plus en plus découplée de l’économie réelle et remplit de moins en moins sa fonction de financement des entreprises. En l’absence de toute taxation, les profits considérables réalisés grâce aux transactions sur devises n’engendrent aucun coût pour les opérateurs financiers mais génèrent des coûts socio-économiques redoutables. Nous avons là la démonstration du caractère nuisible de capitaux à la recherche de la rentabilité maximale.

Cette loi de finances est donc l’occasion d’instaurer un dispositif conforme à l’esprit de la taxe Tobin afin de limiter les effets pervers de la spéculation. Ce serait salutaire non seulement moralement mais aussi socialement et économiquement.

L’article 235 ter ZD du code général des impôts prévoit un tel dispositif mais ne lui associe aucun taux, ce qui rend donc la taxe purement virtuelle. Nous proposons donc, par cet amendement, de fixer ce taux à 0,08 % afin de rendre la taxe Tobin enfin effective. Ce que rapporterait cette taxe, je le précise, réglerait la question des besoins les plus urgents en matière d’alimentation, de santé et d’éducation dans les pays en voie de développement. Cela mérite donc que nous y réfléchissions un peu.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 301.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de relancer concrètement le débat sur la taxe Tobin. Il est bon qu’elle soit évoquée dans toutes les réunions internationales, que le Président de la République en parle, que le ministre des affaires étrangères avance un taux de 0,05 %. Si nous voulons passer des discours aux actes, il faut que quelques pays prennent des initiatives.

M. Michel Bouvard. Vous n’étiez pas obligés de l’instituer à 0 % !

M. Pierre-Alain Muet. Dès lors que la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, par exemple, décideraient d’avancer, avec peut-être, en même temps, les États-Unis, le projet pourrait être mené à bien. Je n’oublie pas qu’il faut, corrélativement, être ferme sur les paradis fiscaux, car cette taxe ne sera efficace que si les capitaux ne s’y réfugient pas.

Quand elle a été votée en 2002 avec un taux zéro, destiné à montrer que le problème devait être posé, cette taxe avait déjà un sens. Aujourd’hui, après la crise, il faut passer à l’acte. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 343.

M. François de Rugy. Cet amendement a le même objet que les précédents. Il s’agit de la fameuse taxe Tobin, dont il est question depuis des années et dont le principe a été créé dans notre droit, mais sans qu’il ait eu de conséquence concrète puisque jamais un taux n’a été fixé. C’est ce à quoi nous proposons de remédier, en fixant un taux de 0,05 %. Il s’agit de taxer les flux financiers, avec un taux très faible. Nous nous inscrivons ainsi dans le cadre évoqué par le rapporteur général hier, sur un autre sujet : « une assiette large, un taux faible ».

Comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises depuis le début de la discussion, il faut adapter notre fiscalité à l’économie d’aujourd’hui. Dès lors que nous sommes en économie ouverte et que nous ne souhaitons pas revenir à une économie fermée, dès lors qu’il existe des mouvements de capitaux, mouvements que, pendant des années, nous avons encouragés, et que nous avons constaté que cela conduisait à des excès et avait été en partie à l’origine de la crise, il convient, sans remettre en cause en profondeur cette mobilité des capitaux, d’en tirer un minimum de recettes.

Il est à mon sens nécessaire – et j’aimerais entendre le rapporteur général sur ce point – de taxer davantage les flux par rapport aux stocks. C’est ce que nous faisons, dans un tout autre domaine, avec la taxe « poids lourds ». Nous pourrions appliquer le même principe aux mouvements de capitaux. Contrairement à ce que d’aucuns affirment, cela ne provoquera pas d’évasion vers les paradis fiscaux. Un rapport produit par des députés européens montre qu’il est parfaitement possible de créer cette taxe au niveau européen sans attendre qu’elle existe au niveau mondial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont également des amendements bien connus. Comme l’a rappelé M. de Rugy, cette taxe existe dans notre code des impôts, mais elle présente la particularité d’être affectée d’un taux zéro. Elle ne s’applique donc pas.

Les choses sont en train de bouger au niveau européen : en Allemagne, en Angleterre, la question d’une taxation des transactions financières commence à être évoquée. Il s’agit évidemment d’une question à traiter d’abord au niveau communautaire. La masse critique, ce n’est pas la France seule. Il faut une approche conjointe, portée à Bruxelles par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Cela fait partie des sujets qui sont sur la table. Lorsque nous nous sommes rendus en Allemagne, en mars avec Jérôme Cahuzac, puis en juillet avec Pierre Méhaignerie, nous avons rencontré nos homologues des commissions des finances ainsi que le ministre Wolfgang Schäuble, et il nous a été indiqué que l’Allemagne était disposée à porter ce sujet. Nous en sommes là.

J’ai, personnellement, une interrogation. La masse critique européenne serait-elle même suffisante ? Comme vous le savez, les transactions concernées sont extraordinairement volatiles. Si les États-Unis et d’autres pays, en particulier en Extrême-Orient, ne suivent pas, le poids de l’Europe risque d’être insuffisant. Cela étant dit, j’ai tout de même pu observer que, du fait de la crise financière, ce sujet, qui était complètement bloqué depuis une dizaine d’années, fait de nouveau l’objet de déclarations des responsables publics au plus haut niveau.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je constate un glissement dans le raisonnement du rapporteur général : il commence par affirmer que ce n’est pas le niveau français mais le niveau européen qui est pertinent, puis il indique avoir même des doutes sur le niveau européen.

Monsieur le rapporteur général, croyez-vous vraiment que des investisseurs possédant des capitaux très mobiles, et cherchant à gagner de l’argent avec, vont faire une croix sur l’Union européenne en raison d’une taxe de ce type, au taux aussi faible ? Ce n’est pas sérieux. C’est comme dans les négociations commerciales avec la Chine, où d’aucuns prétendent que cette dernière pourrait faire une croix sur le marché européen, alors que c’est son premier débouché ! Il faut arrêter de nous affaiblir nous-mêmes pour des raisons purement idéologiques.

Monsieur le ministre, puisque le rapporteur général affirme qu’il faut porter ce sujet au niveau européen, je souhaite savoir si c’est ce que fait le Gouvernement, si le Président de la République agit concrètement, avec détermination, pour que la question aboutisse.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. C’est un débat que nous avons eu à de multiples reprises, et je crois qu’il nous faut être réalistes. Les conditions dans lesquelles la taxe a été instituée en 2002 relevaient davantage d’une pacification politique au sein de la majorité de l’époque, qui souhaitait s’assurer une sortie honorable. Ce débat avait eu lieu, pendant des heures et des heures, lors des deux discussions budgétaires précédentes. Nous y avions même passé une après-midi complète ; nous sommes quelques-uns ici à nous en souvenir.

Dans cette affaire, nous ne pouvons avancer que dans un cadre communautaire – au minimum. Prendre la décision d’instaurer cette taxe, sans en mesurer véritablement les conséquences, notamment sur la place financière de Paris, c’est prendre un risque.

En revanche, la légitimité d’une taxation des flux de capitaux me semble une chose aujourd’hui acquise. Encore faut-il pouvoir distinguer les flux à court terme de ceux correspondant à des investissements de long terme, car ce qui fait problème, c’est le spéculatif de court terme. En revanche, taxer des investissements réalisés dans notre pays et qui supposent des flux de capitaux serait une erreur.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur Bouvard, vous avez raison : en 2002, il s’agissait bien d’un amendement d’appel. Il n’en demeure pas moins qu’il avait été adopté.

Vous en appelez au réalisme, mais les Français sont parfaitement capables de voir la réalité. Durant la crise financière, ils ont constaté que notre pays avait soutenu le système bancaire.

M. Michel Bouvard. Nous sommes à quelques jours du G20 !

M. Jean Launay. Aujourd’hui, ils savent parfaitement que l’hypothèque d’une bulle financière continue de planer sur la France et sur tout le système économique mondial.

Quand allez vous agir ? Comment allez-vous vous y prendre ? Désormais, il ne suffit plus que le Président de la République mentionne le sujet à la tribune de l’ONU ; il faut que nous sachions comment vous ferez avancer ce dossier concrètement, par exemple lors du prochain G20.

Monsieur le ministre, vous devez rapporter ce débat au Président de la République et au Premier ministre car notre pays doit faire bouger les choses dans le cadre européen et mondial.

M. Patrice Martin-Lalande. Le ministre leur en fera part !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Bouvard, on sait très bien qu’une telle taxe, de par son taux très faible, ne toucherait quasiment pas les capitaux à long terme, mais bien davantage ceux qui circulent beaucoup.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Le jour où l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni…

M. Michel Bouvard. C’est bien là qu’est le problème !

M. Pierre-Alain Muet. …se mettront d’accord, ces trois pays constitueront une masse critique suffisante à l’échelle de l’Union européenne pour déterminer l’évolution de l’Europe.

Le Royaume-Uni est déterminant dans cette affaire. Il joue un rôle considérable dans la finance mondiale, en particulier dans la finance défiscalisée avec le marché de l’eurodollar, inventé il y a déjà très longtemps.

Il s’agit typiquement d’un dossier pour lequel la notion de coopération renforcée a un sens : à partir du moment où quelques pays déterminés avancent, le reste de l’Union peut suivre. Et si cette taxe est affectée à l’aide au développement, la démarche pourra recueillir un soutien suffisant pour que de nombreux autres pays, au-delà même des États-Unis, soient amenés à s’interroger.

Il est donc urgent d’agir, et notre amendement a pour but de rappeler que nous ne pouvons éternellement nous en tenir à des déclarations sans jamais avancer.

(L’amendement n° 320 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 301 et 343 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 321.

M. Jean-Claude Sandrier. Les processus de libéralisation et les progrès des technologies de télécommunication ont contribué à augmenter le volume et la vitesse des transactions. Parallèlement, la volatilité s’est considérablement renforcée. Beaucoup de placements sont désormais des placements à court terme. Cette situation correspond très exactement à la vision court-termiste qui préside à l’activité des marchés. La spéculation prend des proportions inquiétantes, et la sphère financière connaît un double processus d’autonomisation et de virtualisation.

Ces flux de capitaux déstabilisateurs déclenchent des crises aux conséquences désastreuses pour l’économie comme on a pu le voir au début du mois de mai à Wall Street où plus de 1 000 milliards de dollars ont littéralement disparu en quelques minutes. Tout cela parce que les spéculateurs, guidés par le profit maximum et la peur de voir leurs actifs se déprécier, ont été pris de panique et ont subitement vendu des dizaines de milliers de titres.

Les sinistres financiers qui frappent actuellement les États européens les uns après les autres sont, en grande partie, dus à ces mouvements rapides par lesquels on revend en toute hâte des obligations que l’on vient d’acheter. C’est le parfait exemple de l’argent nuisible pour la société.

La seule mesure véritablement efficace afin de lutter contre cette volatilité des capitaux, synonyme de misère sociale, serait l’instauration d’une taxe de 0,5 % sur ces transactions à court terme. Comme le dit Tobin lui-même, il faut, de toute urgence, placer « des grains de sable dans les rouages de la spéculation ».

(L’amendement n° 321, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l’amendement n° 535.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il est défendu.

(L’amendement n° 535, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir l’amendement n° 434.

M. Pierre-Alain Muet. Notre amendement qui visait à supprimer la très forte augmentation de TVA, voulue par le Gouvernement, sur les offres Internet à triple usage a été repoussé tout à l’heure. Cependant, il est encore possible de limiter cette hausse en adoptant notre amendement de repli, qui propose de passer au taux intermédiaire de 12 %.

Ce taux intermédiaire n’est pas utilisé dans notre pays, il faut se poser la question de son application.

M. Michel Bouvard. Sur ce point, vous avez raison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous soutenons cet amendement. Comme M. Muet, j’estime qu’il faudrait pouvoir plus facilement moduler les taux de TVA.

Par ailleurs, il est étonnant, pour ne pas dire choquant, d’entendre le Gouvernement prétendre qu’il n’augmentera pas les impôts et le faire par le biais de la TVA – si la hausse de la TVA n’est pas une augmentation d’impôt, je ne sais pas ce que c’est – sur les offres Internet, qui touchent une très grande majorité de nos concitoyens, alors qu’il a réduit la TVA sur la restauration qui concerne un nombre beaucoup moins important d’entre eux. En deux ans, il a réussi là un véritable tour de force.

(L’amendement n° 434 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy pour soutenir l’amendement n° 586.

M. Lionel Tardy. Cet amendement, qui ne déplairait pas à Valérie Boyer, vise à appliquer la TVA à 19,6 % aux produits alimentaires dont il est clairement reconnu que l’abus nuit à la santé.

L’obésité, dont nous avons souvent débattu dans l’hémicycle, pose un vrai problème, notamment lorsqu’elle touche les enfants. La consommation de sodas, de boissons trop sucrées, de confiseries et de crèmes glacées a une part de responsabilité en la matière.

Mes chers collègues, il y a un moment où il faut prendre des mesures concrètes et efficaces, et rien n’est plus efficace que de frapper au porte-monnaie. Je suis bien conscient qu’une telle augmentation ne réglera pas le problème d’un coup de baguette magique, mais c’est un préalable indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est bien connu ; la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous avions déposé un amendement semblable il y a deux ans, et le rapporteur général ne s’était pas contenté de la réponse brève qu’il vient de faire à M. Tardy – peut-être cela s’explique-t-il par l’appartenance de ce dernier au groupe UMP. Il nous avait reproché de vouloir taxer les croissants et les pains au chocolat en épargnant les « Big Mac » et autres produits de la restauration rapide.

L’idée de notre collègue est intéressante, il faudrait y revenir dans un cadre fiscal plus général en prenant des mesures destinées à lutter contre l’obésité.

M. Michel Bouvard. Ce qu’il faudrait, c’est taxer le troisième croissant ! (Sourires.)

M. François de Rugy. Nous allons, dans quelques instants, débattre de la TVA sur la restauration. À une certaine époque, on trouvait incongru que la restauration rapide bénéficie d’une TVA inférieure à celle à laquelle était assujettie la restauration classique. En fait, il y a eu alignement par le bas, et vous avez maintenu un taux très bas pour la restauration rapide, dont tout le monde sait qu’elle est très déséquilibrée et qu’elle contribue à l’obésité.

(L’amendement n° 586 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 286.

M. Michel Herbillon. Cet amendement a plusieurs cosignataires dont Hervé Gaymard et Muriel Marland-Militello. Il concerne le taux de TVA applicable au livre numérique.

Il ne s’agit pas d’abaisser la TVA applicable au livre numérique, mais de l’établir. Le livre numérique est une œuvre de l’esprit, identique à sa version imprimée. C’est si vrai que, dans les contrats d’édition, les droits d’auteur sont calculés à l’identique pour les deux versions de l’œuvre. Il s’ensuit que le taux de TVA applicable au livre papier doit l’être également au livre numérique. À ce sujet, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas entièrement convaincu par la doctrine fiscale qui considère le livre numérique comme un fichier informatique, une prestation de service fournie par voie électronique, et justifie ainsi l’application du taux normal de 19,6 %.

L’application du taux réduit de TVA ne provoquera pas de pertes de recettes pour l’État, mais, au contraire, un gain. En effet l’application du taux normal ne permettra pas aux éditeurs de développer une offre légale attractive, et favorisera donc le piratage, par définition libre de toute imposition. L’application du taux réduit, au contraire, permettra de construire un modèle économique pérenne, fondée sur une offre légale.

M. le président. Monsieur Herbillon, il faut conclure.

M. Michel Herbillon. Avec une TVA à 19,6 %, le marché du livre numérique est inexistant ; une TVA à 5,5 % lui permettrait d’accroître ses parts de marché.

Enfin,…

M. le président. Monsieur Herbillon, je vais être dans l’obligation de vous retirer la parole.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, je termine.

S’agissant de la dimension européenne, les règles sont interprétées différemment selon les pays, puisque le Luxembourg applique d’ores et déjà le taux réduit. Il faut donc que nous adoptions celui-ci dès maintenant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est confrontée à cette question depuis plusieurs années. Elle a également débattu des amendements déposés par Patrice Martin-Lalande.

Selon les règles communautaires auxquelles nous sommes assujettis en matière de TVA, tous les produits électroniques relèvent du taux normal. La directive est très claire sur ce point. Pour le livre numérique, s’il s’agit de la reproduction conforme d’un livre papier par un dispositif électronique – clé USB, CD-ROM… –, le taux réduit de TVA s’applique. S’il s’agit d’accéder au livre numérique à partir d’un site Internet, le taux normal s’applique.

Dans un État membre,…

M. Michel Herbillon. Le Luxembourg !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au Luxembourg, en effet, nous savons qu’il y a des accommodements avec cette règle. Cela pose un problème, et je souhaite que le ministre nous dise ce qu’il compte faire pour régler la question de cette concurrence totalement déloyale.

M. Michel Bouvard et Mme Muriel Marland-Militello. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. Ce serait une très bonne nouvelle pour la presse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, pour ne pas vous faire une réponse uniquement fiscale, j’ajoute que, sur le fond, j’estime que le livre numérique devrait se voir appliquer la TVA au taux réduit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur le rapporteur général, qui ne le souhaiterait pas ? Il s’agit d’ailleurs de l’un des éléments de la doctrine qui permet à la France de porter une certaine idée de l’exception culturelle.

Malheureusement, pour développer de façon aussi rapide que nous le souhaiterions une telle initiative, il faut qu’elle soit conforme au droit communautaire, ce qui, aujourd’hui, n’est pas le cas. La mesure qui nous est proposée n’est donc pas eurocompatible. Cela signifie que, si d’aventure le Parlement la votait, la France serait immédiatement engagée dans un processus contentieux.

Vous évoquez le cas du Luxembourg. Je vais m’exprimer sur ce sujet avec prudence car je suis membre du Gouvernement, et je ne veux pas prendre le risque que…

M. Michel Bouvard. D’un incident diplomatique !

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur Bouvard, n’allons pas jusque-là : la prudence naturelle qui est la nôtre nous évite ce genre d’écueil. (Sourires.) D’ailleurs, comme vous le savez, il n’y a jamais d’incidents diplomatiques. (Mêmes mouvements.)

Les informations dont nous disposons créent ce que nous appellerons pudiquement une « tradition orale ». C’est cette tradition orale qui explique que, au Luxembourg, il n’existe pas un suivi aussi strict et rigoureux que celui qui s’appliquerait ici. Reste que, pour ce qui concerne l’application du taux de TVA, la doctrine de la Commission européenne est constante : le cas de la TVA sur la restauration en est la meilleure référence. Le président Chirac a voulu porter ce dossier. Il aurait pu ouvrir le débat et faire adopter dans la foulée le taux réduit au Parlement. Mais si tel avait été le cas, les compteurs se seraient immédiatement mis à tourner dans l’addition des pénalités qui auraient été imposées à la France. C’est la raison pour laquelle le Président Sarkozy, une fois élu, a porté cette demande auprès de la Commission. Et c’est uniquement à l’issue d’un accord avec l’Allemagne que ce dispositif a pu être validé. Mais si d’aventure, le Parlement avait voté une telle initiative, la France aurait été immédiatement condamnée, et à de lourdes pénalités.

Nous sommes exactement dans le même schéma aujourd’hui : nous sommes d’accord sur le fond, nous entendons évidemment les arguments qui vont dans le sens de cet amendement. Il n’y a pas, d’un côté, les défenseurs de l’exception culturelle et, de l’autre, les vilains canards seulement préoccupés par les soustractions et totalement insensibles au développement de l’accès au livre grâce aux nouvelles technologies. Le problème est ailleurs : il s’agit de la stricte application du droit communautaire et d’une jurisprudence constante pour ce qui touche à la TVA, sur ce type de produits comme sur les autres. Je vous demande donc, naturellement, d’entendre cet argument.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je profite de cet amendement pour poser un certain nombre de questions qui méritent notre attention sur ce sujet du livre numérique.

Cet amendement propose d'accorder le bénéfice de la TVA à 5,5 % pour le livre numérique dit « homothétique », c’est-à-dire une version numérisée en format PDF d'un livre relié. Cette définition fiscale du livre numérique me pose problème, car le passage au numérique, pour l'édition, ne se limite pas à numériser un livre, loin de là.

Le numérique, ce n'est plus la vente d'un produit ; c’est la vente d'un contenu, un contenu qui peut prendre plusieurs formes. Bien entendu, cela peut prendre la forme d'un texte brut, mais c'est le produit le plus basique et le plus bas de gamme.

Le numérique permet la création de contenus multimédias, c’est-à-dire mixant à la fois l'écrit, le son, l'image animée, la vidéo. Les potentialités sont énormes.

En accordant un avantage fiscal à un seul produit de la gamme, on va freiner le développement des autres produits, qui sont justement ceux qui ont la plus forte valeur ajoutée. On crée également une distorsion de concurrence, qui n'apparaît pas justifiée du point de vue du numérique.

Qu'est ce qu'un livre numérique ? C’est là la question. À mon avis, cela n'existe pas, et il faut arrêter de penser le numérique en fonction des supports physiques. Le monde de l'édition est dans la même situation que celui de la musique. Sur internet, il ne vend pas un produit, il apporte de la prestation intellectuelle. Cela ne se valorise pas et ne se vend pas de la même manière. Il y a un deuil à faire : les anciens modèles commerciaux n'étant pas opérants sur Internet, il faut que les industries culturelles s'adaptent. Elles n’auront pas le choix, car ce n'est certainement pas le monde du numérique qui s'adaptera à leurs pratiques et à leur organisation économique. Je suis donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, nous avons bien entendu l’argument de l’eurocompatibilité. Les parlementaires qui suivent les débats budgétaires y sont du reste habitués ; cela nous a même parfois incités à aller pêcher l’information à la source et à demander au commissaire européen chargé de ces questions de nous confirmer si telle ou telle disposition que nous envisagions de proposer était eurocompatible ou pas…

Or que constatons-nous aujourd’hui ?

Premier constat : des plateformes d’éditeurs français se sont installées au Luxembourg pour bénéficier de cette facilité.

Deuxième constat : à ce jour, les autorités communautaires n’ont engagé aucune procédure contre le Luxembourg. S’il y avait un vrai problème, ce serait chose faite depuis longtemps.

Troisième constat : une proposition de loi a été déposée conjointement à l’Assemblée et au Sénat sur la clarification du taux de TVA applicable au livre sous sa forme numérique, avec l’accord du ministère de la culture et le soutien du Gouvernement.

Nous ne pouvons pas en rester au statu quo. Nous sommes obligés de bouger, parce qu’il y a des enjeux en termes de métiers culturels et de créations d’emplois. On ne peut pas, d’un côté, lutter contre la délocalisation, par exemple, des plateformes d’appel, et de l’autre, laisser les plateformes des éditeurs s’installer au Luxembourg comme si de rien n’était, au prétexte que nous avons un problème de distorsion de concurrence.

J’ai connu la Commission plus dynamique sur les problèmes de distorsion de concurrence. Et à chaque fois que les autorités françaises ne se sont pas battues, nous avons été perdants – j’ai encore l’exemple de Péchiney en tête…

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, si je vous ai bien entendu bien, nous sommes d’accord sur le fond. Nous sommes attentifs, comme vous, aux déclarations du Président de la République, qui, à l’occasion de ses vœux au monde de la culture, a souhaité que le taux réduit soit généralisé. Nous sommes attentifs, comme vous, à l’exception culturelle. Nous l’avons toujours défendue. C’est une sorte d’apanage de notre pays, et je sais, monsieur le ministre, pour bien vous connaître, que vous y êtes sensible. Mais au bout du compte, on évoque la question de l’eurocompatibilité. Or, de mon point de vue, ce n’est pas le même sujet que le taux de TVA sur la restauration.

Deuxièmement, M. Bouvard vient de le dire, les éditeurs, aujourd’hui, éditent au Luxembourg, ce qui entraîne une évasion fiscale. Le problème qui se pose, c’est que les règles européennes ne sont pas claires, et sont appliquées de façon variable selon les pays, ce qui pénalise la France comme cela pénalise l’œuvre de l’esprit qu’est le livre numérique.

Je souhaite qu’à tout le moins, monsieur le ministre, dans votre sagesse, vous preniez une autre position que celle que vous venez d’exprimer.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un peu le même problème que celui que nous allons examiner tout à l’heure s’agissant du taux réduit applicable à la presse en ligne. Nous connaissons les contraintes, monsieur le ministre. Ce que nous voudrions savoir, c’est si le Gouvernement et le Président de la République vont s’engager à ce que tout soit mis en œuvre au niveau européen pour sortir de cette situation. S’il n’y a pas un engagement, une volonté française, puis une volonté européenne, jamais nous n’en sortirons – voyez ce qu’il en a été avec la restauration. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement et le Président de la République veulent s’engager dans cette voie, aussi bien pour le livre que pour la presse ?

Nous ne voulons pas engager le pays en adoptant une disposition qui nous mettrait en infraction et nous ferait encourir des pénalités. Ce serait le contraire de ce que nous recherchons ; mais au moins aurions-nous la certitude que le Gouvernement et le Président de la République sont en marche pour essayer d’obtenir cette amélioration réellement indispensable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis étonné d’entendre le Gouvernement et le rapporteur général se retrancher derrière l’argument de l’eurocompatibilité : je me souviens, même si ce n’est pas le même sujet, que lorsque la taxe télécom a été mise en place pour financer le manque à gagner en recettes publicitaires de France Télévisions et que la Commission européenne a dit que cette taxe n’était pas eurocompatible, le Gouvernement a carrément choisi de passer en force en attendant la décision de la Cour de justice des communautés européennes… Autrement dit, je vous sens beaucoup plus volontaire face aux contraintes européennes lorsqu’il s’agit de France Télévisions que lorsqu’il s’agit d’adopter un taux de TVA réduit sur le livre numérique !

De même, j’ai encore dans l’oreille, comme beaucoup de nos collègues, un des arguments que le Gouvernement avait avancés pour défendre la mauvaise loi HADOPI : il faut à tout prix qu’une offre légale attractive se développe, pour éviter le téléchargement illégal. Or l’occasion nous est offerte à l’instant d’exprimer une volonté politique – et ce pour un bien qui n’est pas un bien marchand comme un autre, puisqu’il s’agit du livre –, de développer une offre légale attractive, tout en évitant la délocalisation au Luxembourg – ce dernier point a déjà été développé, je n’y reviens pas. Ce taux de TVA réduit à 5,5 % serait un signe fort : le livre papier et le livre numérique doivent avoir le même traitement Nous en reparlerons à propos du prix unique du livre numérique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Premièrement, cher Michel Herbillon, la réalité, c’est que les autorités luxembourgeoises adressent à la Commission des textes qui fixent leur doctrine en la matière, à savoir l’application du taux qui est le leur – 15 %, le plus bas de l’Union européenne. Cela, c’est la doctrine officielle. Ensuite, les entreprises qui s’installent là-bas, je le dis avec tout le sens de l’équilibre dont je suis capable, prennent et assument leurs risques, selon ce qu’on leur aura dit oralement. Formellement, dans l’application des textes, il n’y a pas de décalage profond entre ce qui se passe au Luxembourg et dans les autres pays de l’Union…

M. Michel Bouvard. Ah bon !

M. François Baroin, ministre du budget. …mais dans l’application, il est de notre responsabilité de dire que les entreprises qui vont au Luxembourg prennent leurs risques.

Deuxièmement, il est acquis que, à partir du 1er janvier 2015, ce problème de territorialité sera réglé par une nouvelle directive.

M. Patrice Martin-Lalande. Quatre ans, c’est long…

M. François Baroin, ministre du budget. Autrement dit, dans le domaine des prestations électroniques, le choix de se domicilier dans un autre État de l’Union n’apportera aucun bénéfice.

Troisièmement, M. Bloche a parlé d’une taxe. Moi, je vous parle de la directive communautaire sur la TVA. Ce n’est pas de la même nature.

M. Patrick Bloche. Je vous l’accorde.

M. François Baroin, ministre du budget. Je veux vraiment que l’on prenne la mesure du risque que nous ferions courir à nos entreprises.

Quatrièmement, j’ai en mémoire, comme beaucoup d’entre vous, ce que l’on avait appelé le plan Borotra. Ce dispositif d’exonération de charges sociales sur les salaires allant jusqu’à une fois et demie le SMIC visait notamment à aider les industries de main-d’œuvre, en particulier celles du textile, qui étaient lourdement touchées. Il s’agissait d’un secteur important, menacé, susceptible d’être affecté par des délocalisations massives ayant un impact très fort sur l’emploi. Ce dispositif intelligent, pertinent, répondait à un réel souci de protéger nos outils de production sur site. À quoi a-t-on abouti ? À la remise en cause de ce dispositif par la Commission européenne, à des pénalités pour le pays, et à une demande de remboursement par les entreprises. La double peine, en somme ! Il ne faut pas l’oublier. Nous nous en souvenons, et c’est le devoir du Gouvernement de faire preuve d’esprit de responsabilité.

La France a été aux avant-postes, il y a quelques années, du développement de l’exception culturelle, et de la conquête – car c’était une conquête – qui a consisté à considérer que le livre ne pouvait pas être une marchandise comme les autres. Nous sommes dans le même esprit. Le Président de la République a déjà pris des engagements. Comme par le passé, la France sera fidèle à cette tradition. Et connaissant le degré de l’implication personnelle du Président de la République sur ce sujet, je n’ai aucun doute qu’il portera le plus haut possible cette demande auprès des instances communautaires. Voyez-y, mesdames, messieurs les députés, un engagement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je crois devoir donner la position du groupe UMP, après les arguments que vient de développer le ministre.

M. François de Rugy. Laissez vos collègues voter librement !

M. Jérôme Chartier. Effectivement, le risque est grand de nous voir encourir la double peine : premièrement, une perte de recettes – assumée, pour encourager la culture –, deuxièmement surtout, les pénalités que ne manquerait pas de nous infliger la Commission européenne. Faisons un petit effort de mémoire, mes chers collègues, et souvenons-nous des péripéties auxquels ont donné lieu les dispositifs de réduction de TVA : le ministre a rappelé à juste titre ce qu’il en a été pour la réduction de la TVA sur la restauration.

M. Michel Bouvard. Cet amendement ne propose pas une réduction, mais une création.

M. Jérôme Chartier. Il n’y existe pas de précédent où l’Assemblée nationale aurait décidé de s’engager de but en blanc dans une réduction de la TVA, sans qu’il y ait eu une démarche concertée engagée par le Gouvernement au niveau européen…

M. Michel Bouvard. Mais ici, il ne s’agit pas de réduction !

M. Jérôme Chartier. …sachant que toute modification en matière de TVA suppose une décision des instances européennes. Cela ne saurait relever, et Michel Bouvard le sait bien, d’une initiative de l’Assemblée nationale sans engagement préalable d’une concertation très précise au niveau européen.

Il ne peut y avoir que deux solutions – et la décision, finalement, appartient à Michel Herbillon.

La première consiste naturellement à mettre cet amendement aux voix.

M. Patrick Bloche. Oui, votons !

M. Jérôme Chartier. Si tel est le cas, nous serons gênés : pour ma part, je m’opposerai à cet amendement alors même que je souhaite encourager la culture (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) et qu’il me semble logique, comme l’a dit le rapporteur général, que le livre numérique se voit appliquer le même taux de TVA que le livre imprimé vendu en librairie. Je voterai contre cet amendement parce que je connais les contraintes du Gouvernement vis-à-vis de l’Union européenne et qu’il me paraît prématuré de légiférer en la matière.

Mme Christiane Taubira. Toujours la même chanson !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Chartier.

M. Jérôme Chartier. La deuxième solution consiste à inviter Michel Herbillon à redéposer son amendement dans le cadre de la loi de finances rectificative qui sera discutée dans quelques semaines. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Entre-temps, il pourra être procédé à un vrai travail de concertation entre notre collègue et le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Patrick Bloche a dit que le Gouvernement avait pris le risque de passer en force en attendant la décision de la Cour européenne de justice pour la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet. Mais à mes yeux, ce n’est pas du tout la même chose : la TVA est régie par une directive communautaire extrêmement précise prévoyant le déclenchement automatique de sanctions.

M. Michel Bouvard. Il n’y a pas de sanctions vis-à-vis du Luxembourg !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Jamais depuis 2002 – depuis que je suis rapporteur général –, je dis bien jamais nous n’avons adopté un amendement contrevenant à cette directive européenne. Nous devons continuer à faire très attention. Comme l’ont dit Jérôme Chartier et Michel Bouvard, la bonne démarche consiste à ce que le Gouvernement s’engage à porter ce dossier.

En tout état de cause, voter un tel amendement serait contre-productif sur le plan juridique. La TVA est un sujet que nous connaissons malheureusement très bien : nous avons déjà débattu de la TVA sur la restauration, mais aussi sur des sujets plus mineurs – notamment sur les travaux de déneigement, où nous avions reçu une lettre de commissaire européen Laszlo Kovacs.

M. Michel Bouvard. En effet.

M. François de Rugy. Hier, c’était la neige pour les skieurs, aujourd’hui le déneigement… Il n’y en a que pour la montagne !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je demande par conséquent à nos collègues de nous suivre dans la direction que vient d’indiquer excellemment Jérôme Chartier, et que je confirme.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. J’ai déjà évoqué l’engagement personnel du Président de la République dans cette affaire. Je peux également prendre l’engament personnel devant la représentation nationale d’écrire au président de la Commission, à l’issue du vote de la première partie de la loi de finances, afin d’attirer son attention sur le système de concurrence déloyale qui est en train de se mettre en place, et de lui demander un examen plus approfondi de la sincérité et de l’équilibre des positions de chacun sur des questions que nous estimons prioritaires : le développement de l’exception culturelle, l’égal accès à la culture pour tous et l’application des directives communautaires dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Compte tenu des engagements très clairs que vient de prendre le ministre…

M. François Pupponi. Sera-t-il encore ministre dans quinze jours ?

M. François Baroin, ministre du budget. Dans quinze jours, je pense que oui !

M. Michel Herbillon. …et compte tenu de la possibilité qui m’est donnée de déposer à nouveau mon amendement lors de la loi de finances rectificative, je vais retirer cet amendement.

M. Patrick Bloche et M. François Pupponi. Nous le reprenons !

M. Michel Herbillon. Je précise toutefois que cet amendement reprend une proposition de loi que j’ai cosignée, notamment avec mon collègue Hervé Gaymard, et que nous n’entendons pas baisser les bras dans ce combat de l’exception culturelle, qui est l’apanage de la France…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous l’avons bien compris !

M. Michel Herbillon. …un combat qui se trouve en pleine résonance avec les engagements pris par le Président de la République lors de ses vœux au monde de la culture.

Je dois vous dire, monsieur le ministre, qu’en ce qui concerne le livre numérique, nous n’attendrons pas aussi longtemps que nous avons dû le faire pour le taux de TVA sur la restauration.

M. François Pupponi. Parlons-en !

M. Michel Herbillon. Le monde du numérique va vite, plus vite que l’Europe et comme le dit un excellent proverbe chinois : « Il est plus tard que tu ne crois ».

M. le président. J’ai bien noté que l’amendement n° 286, retiré par M. Herbillon, a été repris par M. Bloche.

(L'amendement n° 286, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j’ai été obligé de quitter précipitamment la séance tout à l’heure, en raison d’un événement très grave qui s’est produit dans ma ville de Montreuil.

En effet, un couple avec deux jeunes enfants, la femme étant enceinte de cinq mois, a été expulsé du gourbi innommable dans lequel elle vivait. Je suis rentré pour rétablir cette famille dans sa « pièce », à défaut de pouvoir appeler cela un logement, en utilisant une chignole pour ouvrir la porte de force.

Je ne veux pas rallonger le débat, encore que je pourrais faire un parallèle entre la manière dont on traite les braves gens et celle dont on use à l’endroit des privilégiés dans ce projet de loi de finances. Toutefois, je souhaite que M. le ministre saisisse ses collègues, Mme Alliot-Marie, M. Hortefeux et M. Apparu, pour que la justice, la vraie, celle qui se conjugue avec la morale et l’humanité, prévale et que les instructions soient immédiatement données au préfet pour que la situation de M. et Mme Benaïssa et de leurs enfants en bas âge soit réglée.

Je vous indique que l’unique fenêtre de la pièce ayant été enlevée pour être sûr que ces gens aient froid et ne puissent pas s’y réinstaller, une collecte est en cours auprès des habitants de Montreuil pour en acheter une nouvelle.

Après l'article 11
(amendements précédemment réservés – suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 550.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Ce débat a déjà eu lieu à l’occasion des précédents projets de loi de finances : il s’agit des lieux de vie et d’accueil et des questions fiscales qui y sont liées.

Les lieux de vie et d’accueil permettent d’accueillir des jeunes en difficulté. Ces structures constituent souvent des réponses en termes d’accompagnement, d’encadrement, d’alternative à des solutions beaucoup plus dures telles que l’emprisonnement. Dans le contexte actuel, où le Gouvernement ne manque pas de mettre en avant les questions de sécurité, il n’est pas inutile de s’appesantir un peu sur les lieux qui constituent un outil d’encadrement et de pédagogie.

En 2009 et 2010, ces structures ont été définitivement soumises à la TVA à taux réduit, à la suite d’une initiative parlementaire. Or il apparaît finalement qu’il aurait été beaucoup plus avantageux pour elles d’être assujetties à la taxe sur les salaires, avec exonération sur le premier emploi. L’application de la TVA à taux réduit leur est défavorable, alors même que ce ne sont pas des activités concurrentielles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a souhaité que l’on fasse le point sur ce sujet.

Une chose est sûre : dès lors qu’il y a assujettissement à la TVA, il n’y a pas paiement de la taxe sur les salaires. Il est possible que, dans certains cas particuliers de toutes petites structures, le régime d’assujettissement à la taxe sur les salaires aurait été plus intéressant compte tenu des abattements qui existent en la matière. Mais il ne faut pas oublier non plus que la TVA peut être récupérée sur les fournitures.

A priori l’assujettissement à la TVA au taux réduit est plutôt favorable à ce type de structures, à quelques exceptions près. Cela dit, je suis prêt à étudier les dossiers qui peuvent poser problème. En tout état de cause, on se heurtera à une difficulté car, compte tenu de la nature des activités, la règle fiscale est bien l’assujettissement à la TVA.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Je note, dans les propos du rapporteur général, une réelle ouverture. L’important, c’est de regarder la réalité du terrain. L’assujettissement à la taxe sur les salaires leur serait plus favorable que le taux réduit de TVA.

Ajoutons que ce sont souvent les collectivités locales qui confient ces jeunes à des lieux d’accueil, et en particulier les conseils généraux, via les services de protection judiciaire de la jeunesse. Or ces collectivités, qui sont soumises à des tensions financières, acceptent difficilement la renégociation des tarifs d’accueil.

En tout état de cause, monsieur le rapporteur général, je suis prêt à travailler avec vous sur ce sujet.

(L'amendement n° 550 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l’amendement n° 41 de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet excellent amendement, cosigné par M. Perruchot et M. Vigier, vise à appliquer le taux réduit de la TVA aux aires d’accueil et terrains de passage des gens du voyage.

Visiblement, lorsque l’on a étendu la TVA à taux réduit au logement social, on a oublié les aires d’accueil. Il est tout à fait légitime de leur appliquer le taux réduit.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Sagesse.

M. le président. Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?

M. François Baroin, ministre du budget. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 41, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 313, 341 et 364.

L’amendement n° 313 est-il défendu ?

M. Jean-Claude Sandrier. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 341.

M. François de Rugy. Au risque de m’attirer les foudres des restaurants que nous pouvons fréquenter les uns et les autres, je trouve qu’il y a quelque chose de choquant dans la baisse de la TVA sur la restauration, et à plusieurs titres.

Premièrement, l’application du taux réduit était assortie de promesses de résultats dans un certain nombre de domaines. Or on sait aujourd'hui que ces promesses ne sont pas toutes tenues, même si une négociation avec les syndicats de salariés a eu lieu.

Deuxièmement, cette mesure, qui représente entre 1 et 2 milliards d’euros par an, a été accordée alors que le déficit de la France est énorme, que la dette explose et que le Gouvernement est sans cesse à la recherche de recettes – un jour, il essaie d’en trouver en taxant les contrats des mutuelles santé, un autre jour en augmentant la TVA sur les abonnements Internet.

J’ai souvent discuté avec les restaurateurs et je comprends bien leurs préoccupations. Mais, pourquoi ce secteur plutôt qu’un autre ? Si l’on appliquait ce raisonnement, il faudrait baisser la TVA dans presque tous les domaines d’activité : qui ne comprendrait pas qu’une diminution de la TVA leur permettrait de mettre de l’huile dans les rouages, ou du charbon dans la machine… Or le problème se pose d’abord en termes de responsabilité budgétaire, de responsabilité fiscale.

Je considère pour ma part que cette mesure a été prise dans le cadre d’une irresponsabilité budgétaire et fiscale. C’est pourquoi nous proposons de rétablir le taux normal de TVA dans le secteur de la restauration.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je souhaite compléter ce que vient de dire M. de Rugy.

La situation des restaurateurs n’est pas très facile. C’est pourquoi, je défendrai l’amendement n° 362 de repli qui prévoit de porter le taux de TVA applicable au secteur de la restauration à 12 %.

Quand bien même, sur le fond, il est difficile de s’élever farouchement contre cette mesure, force est de constater qu’elle a été très inégalement appliquée. En fait, ce sont souvent ceux qui ont eu l’honnêteté, la franchise de jouer le jeu qui sont les plus pénalisés. Il faut donc regarder comment cette mesure a été mise en œuvre, afin de voir si elle a eu les effets escomptés en termes d’emplois et de baisse des prix.

C’est pour cela que nous ne pouvons pas, dans l’état actuel des finances publiques, accorder des avantages sans exiger de contreparties.

Par le biais de cet amendement, nous demandons un examen approfondi du secteur concerné. Si les objectifs annoncés étaient atteints – relance de la consommation, relance de l’emploi –, nous serions favorables à la mesure que vous avez engagée. Seulement, nous avons le sentiment que le compte n’y est pas. C’est pourquoi nous souhaitons que vous fassiez le point pour vérifier si les engagements pris par la profession ont bien été tenus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. La question de l’éligibilité au taux réduit de TVA pour un certain nombre de produits pourra se poser le jour où nous envisagerons d’utiliser une possibilité que nous offre la directive de créer un taux intermédiaire. C’est dans cette perspective que doit se situer le débat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne suis pas persuadé qu’à titre personnel le rapporteur général s’était montré très favorable à l’abaissement du taux de TVA pour la restauration. M. Carrez rappelle que la commission a rejeté ces amendements mais je pense que dans son for intérieur, il ne devait pas être très chaud, si je puis dire.

Le comportement de la majorité relève de la logique du « deux poids, deux mesures » et, n’ayons pas peur de l’affirmer, relève d’une forme de clientélisme électoral. J’en veux pour preuve que M. Bertrand, secrétaire général de l’UMP et par ailleurs député, n’avait rien trouvé de mieux que d’envoyer alors des bulletins d’adhésion aux restaurateurs.

M. Michel Vergnier. Ça, c’est vrai !

M. François de Rugy. Tout était dit à travers ce geste et j’imagine que certains collègues de l’UMP l’avaient trouvé plutôt malvenu.

Je me souviens d’une démonstration de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre des finances, dénonçant les effets sociaux d’une telle mesure sur les clients. Ceux qui vont souvent au restaurant disposent de revenus plus élevés que la moyenne.

M. Michel Bouvard. On ne peut pas dire cela !

M. François de Rugy. La baisse de la TVA profite donc éventuellement aux gens qui ont des revenus plutôt élevés,…

M. Michel Bouvard. On voit que vous vivez dans les grandes villes !

M. François de Rugy. …tandis que lorsqu’il s’agit d’internet qui touche tout le monde, vous augmentez le taux de TVA.

Je regrette que nous n’ayons jamais envisagé la possibilité d’appliquer à la restauration rapide un taux de TVA intermédiaire. Il eût été parfaitement justifié d’appliquer un taux de 15 % à Mac Donald’s, Quick et autres.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Tout le monde s’est aperçu du coût exorbitant de la réduction du taux de TVA dans la restauration.

M. Michel Vergnier. Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier. Chaque emploi créé a coûté de 100 000 à 130 000 euros !

M. Patrice Martin-Lalande. Vous oubliez de mentionner les très nombreux emplois que cette mesure a permis de maintenir pendant la crise !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est extravagant : d’un côté, vous supprimez des emplois de fonctionnaires, et de l’autre, vous créez en quelque sorte des fonctionnaires dans le privé !

M. François de Rugy. Non seulement la majorité a créé des emplois subventionnés, mais la subvention est plus élevée que le salaire versé !

M. Jean-Claude Sandrier. Commencez au moins par prendre la peine de vous interroger sur ce point précis.

Ensuite, je comprends que l’on tienne à honorer une promesse ancienne, mais vous avez omis d’exiger des contreparties. Vous avez certes demandé aux restaurateurs d’augmenter l’emploi et les salaires tout en diminuant les prix…

M. Patrice Martin-Lalande. Parlez des conventions sociales aussi !

M. Jean-Claude Sandrier. …mais reconnaissez que la mise en application de ces trois contreparties a donné lieu à un véritable laxisme – vous détestez pourtant le laxisme d’ordinaire… Il faut en revenir à un véritable contrôle, à une véritable convention. Le président du syndicat de la restauration s’était engagé à l’époque sur la création de 50 000 à 60 000 emplois. Il faut exiger ces 50 000 à 60 000 emplois. Il n’a pas dû les inventer, ou sinon, tant pis pour lui ! Il faut les mettre dans le contrat ; et si, dans deux ou trois ans, on peut discuter du délai, le contrat n’est pas respectée, il n’y a plus de TVA réduite. Pour l’heure, nous sommes dans le plus grand laxisme, et qui coûte très cher.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Michel Bouvard me faisait très justement remarquer que M. Sandrier vient de commettre son outing : il critique le subventionnement de l’emploi privé en annonçant le chiffre, à ses yeux énorme, de 130 000 euros par emploi créé. Si vous critiquez le subventionnement de l’emploi privé, c’est que vous êtes contre l’économie administrée : bienvenue au club, camarade ! Changez de banc et venez donc nous rejoindre à l’UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. François de Rugy. Nous sommes contre l’utilisation des fonds publics à des fins privées, et on comprends que cette découverte soit très gênante pour vous !

M. Michel Vergnier. Plus sérieusement, monsieur Chartier ?

M. Jérôme Chartier. Plus sérieusement, le rapporteur général l’a dit, au moment de l’instauration d’un taux réduit de TVA pour la restauration, nous avons mené une réflexion approfondie en commission des finances sur l’opportunité de créer un taux intermédiaire. Je salue les travaux de Gilles Carrez – que j’avais alors rejoint sur cette question – préconisant la création d’un taux qui verra le jour peut-être plus rapidement qu’on imagine.

M. Jean Launay. Encore un chantier fiscal en perspective !

M. Jérôme Chartier. J’ajouterai néanmoins une observation : on salue souvent la rigueur budgétaire des pays nordiques qui font figure d’exemple social et fiscal.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jérôme Chartier. J’annonce à l’Assemblée que la Suède vient de prendre la décision d’appliquer un taux réduit de TVA au secteur de la restauration. Non seulement nous ne sommes plus seuls, mais nous sommes désormais suivis par les pays européens les plus exemplaires.

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas la question !

M. François de Rugy. Savez-vous quel est le taux de TVA en Suède ?

M. Jérôme Chartier. Une évaluation n’en reste pas moins nécessaire quant au nombre d’emplois créés mais aussi et surtout, en période de crise, quant aux emplois et activités économiques maintenus.

(Les sous-amendements identiques nos 313, 341 et 364 ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 362 a été défendu.

(L’amendement n° 362, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Patrice Martin-Lalande. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai aussi les amendements suivants nos 69 et 70.

Dans la presse, on appelle cela un marronnier : chaque année je dépose des amendements visant à réduire le taux de TVA applicable à la presse en ligne, établi à 19,6 %, alors que la presse imprimée bénéficie d’un taux pour le moins réduit de 2,1 %.

À l’issue des états généraux de la presse écrite organisés par le Président de la République et par le Gouvernement, le chef de l’État lui-même avait qualifié cette inégalité de traitement de « situation invraisemblable ».

Récemment, le rapport d’Aldo Cardoso relatif à la gouvernance des aides publiques, a lui aussi recommandé de procéder à l’examen des dispositions fiscales susceptibles d’entraîner une déformation de la structure du marché de l’information en ligne et préconise l’application à la presse en ligne d’un taux de TVA cohérent avec celui applicable à la presse papier.

J’ai déposé trois amendements : l’amendement n° 71 vise à exonérer de la TVA tout support de presse, comme c’est le cas au Royaume Uni ; l’amendement n° 69 propose d’appliquer aux services de presse en ligne le taux super-réduit de 2,1 % en vigueur pour la presse imprimée, et l’amendement n° 70 le taux réduit classique de 5,5 %. S’il me fallait choisir entre les trois, j’aurais une préférence pour l’amendement n° 69, autrement dit pour l’application du taux super-réduit à tous les services de presse.

Je suis disposé à retirer ces trois amendements, mais je demande au Gouvernement, au Président de la République, de se montrer actifs pour faire évoluer la situation.

M. Pierre-Alain Muet. Le Président est plutôt agité qu’actif !

M. Patrice Martin-Lalande. Il faut que la Commission européenne relaie cette demande française. L’avenir de la presse papier n’est plus envisageable en dehors de son extension, de sa transformation – sans parler de création ex nihilo – sous forme de presse en ligne.

Si le rapporteur général et si le président de la commission le veulent bien – j’en ai discuté tout à l’heure avec Michel Bouvard et Michel Herbillon –, la commission des finances pourrait prendre l’initiative d’une résolution sur le taux de TVA réduit pour la presse en ligne et pour le livre électronique de façon que le Parlement français soutienne l’action du Gouvernement et du Président de la République sur le plan international. Il faut en finir avec une inégalité qui pénalise, encore une fois, les contenus de presse en ligne face à l’ensemble des flux d’informations respectant plus ou moins une déontologie. La presse en ligne doit bénéficier des mêmes chances de développement que la presse papier.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable. Comme l’a dit Patrice Martin-Lalande lui-même, il s’agit d’un marronnier qui, pour le moment, reste euro-incompatible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Chacun sait ici le degré d’implication personnelle et la force de conviction de Patrice Martin-Lalande sur ce dossier. Ce n’est pas seulement un marronnier, c’est aussi le fruit d’un engagement que j’entends saluer, d’une volonté de déplacer les lignes.

Votre action, monsieur le député, a nourri la réflexion du Gouvernement. Vous avez participé aux réflexions collectives autour de l’avenir de la presse, sujet de préoccupation, d’inquiétude. Les pouvoirs publics, sous l’impulsion du Président de la République, vous l’avez souligné, se montrent extraordinairement attentifs et disposés à prendre toutes les initiatives sur le plan national comme sur le plan européen pour, j’y insiste, déplacer les lignes.

Se pose, comme pour le livre numérique, le problème de la compatibilité avec les directives européennes en matière de TVA. C’est ce qui constitue l’obstacle le plus important aujourd’hui. Notre détermination n’en reste pas moins sans faille et notre volonté de déplacer les lignes intacte ; votre soutien dans cette démarche nous sera naturellement très précieux.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous discutons là d’un réel problème. Le ministre a assuré que le Gouvernement se montrait « extraordinairement attentif » à la situation. J’ai plutôt l’impression, si je m’en réfère au débat que nous avons eu sur la même question à la même époque l’an dernier, que le Gouvernement est extraordinairement attentiste…

Il faut parfois savoir, comme le disait quelqu’un, donner du temps au temps ; mais, en l’occurrence, puisqu’il s’agit de la presse, il y a urgence. La presse papier est à l’évidence en crise, il n’est plus besoin de le démontrer ; parallèlement, la presse en ligne émerge sans avoir encore atteint son équilibre économique.

Dès lors que nous sommes tous attachés à la liberté de la presse, au pluralisme de l’information et comme l’ont montré les états généraux de la presse, il conviendrait, au-delà du seul aspect fiscal, que, forts des conclusions du rapport de M. Cardoso sur les aides à la presse, nous mettions tout à plat. L’effort de la puissance publique doit se porter là où il le faut.

Les amendements de Patrice Martin-Lalande relèvent d’une démarche évidente : que la presse écrite papier et la presse écrite en ligne soient assujetties au même taux de TVA. J’aurais pour ma part sans doute écrit l’amendement en centrant l’effort de la puissance publique sur la presse d’information qu’on appelait, dans le temps, la presse d’opinion, mais je crois traduire la volonté de notre collègue.

M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait !

M. Patrick Bloche. On peut certes imaginer une résolution, comme pour le livre numérique,…

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. …mais pendant ce temps, les entreprises de presse s’affaissent et, sans dramatiser plus qu’il ne faut, c’est le pluralisme de l’information, la liberté de la presse qui sont en cause. Nous aurions pu adresser un signe fort dès ce matin en réduisant le taux de TVA applicable à la presse en ligne.

M. Michel Vergnier. Très juste !

M. le président. Retirez-vous vos amendements, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai pris bonne note, avec beaucoup d’intérêt, de la déclaration du ministre, qui s’exprime au nom du Gouvernement.

J’ai tout à fait confiance dans l’action du Gouvernement et du Président de la République,…

M. François de Rugy. Vous avez tort !

M. Patrice Martin-Lalande. …mais il y a vraiment urgence à agir. Nous savons que la machine européenne est lourde : elle ne bouge pas facilement. L’année 2015, c’est loin, et même très loin à l’ère du numérique. Il faut vraiment que les choses bougent rapidement. Je retire ces trois amendements, car je souhaitais engager le débat et non pas mettre notre pays en difficulté au regard des règles européennes. En revanche, il faut que nous avancions. Nous allons proposer une résolution. Et si, avec le Gouvernement et le Président de la République, nous pouvons faire bouger les choses au plan européen, nous aurons fait du bon travail pour la presse et la liberté.

(Les amendements nos 71, 69 et 70 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 67 rectifié, 68 et 151 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir les amendements nos 67 rectifié et 68.

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit de rester dans la cohérence de la démarche qui nous avait conduits à instaurer, dans la loi de 2009, une taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des télévisions privées. Cette taxe, bien qu’alimentant le budget général, avait cependant pour objectif indirect de permettre de compenser la perte de recettes publicitaires pour France Télévisions. Il était prévu qu’elle serait acquittée par les chaînes privées en contrepartie des surplus de recettes publicitaires qu’elles étaient censées engranger du fait de la suppression de la publicité, après vingt heures, sur les chaînes de France Télévisions.

La réalité a été tout autre. Certains – dont je fais partie, pardonnez-moi de le rappeler – l’avaient prédit, Gilles Carrez s’en souvient certainement. Du fait d’une série de facteurs : la crise économique, l’évolution structurelle vers d’autres supports – internet, la presse numérique, les chaînes de télévision numériques thématiques –, le surplus attendu de recettes publicitaires n’a pas été au rendez-vous, loin de là. Il n’y a pas eu d’effet report. Les chaînes privées ont même vu leur chiffre d’affaires publicitaire baisser par rapport à 2007 et 2008.

Il convient également de tenir compte d’une autre évolution : je veux parler du moratoire destiné à maintenir la publicité entre six heures et vingt heures, sur France Télévisions, pendant les années qui viennent. Cette décision coupe court à tout espoir d’un nouveau report de recettes publicitaires.

Il faut tenir compte de tout cela, mais également respecter, l’intention du législateur et permettre que la télévision privée puisse continuer de jouer son rôle. À côté du pôle public, il y a un pôle privé, qui lui aussi a besoin d’un financement solide, comme celui que nous avons réussi à instaurer pour le pôle public.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, par l’amendement n° 67 rectifié, de réduire le taux de la taxe à 0,5 % pendant la durée du moratoire. L’amendement n° 68 vise quant à lui à tenir compte de la situation spécifique des télévisions nouvelles de la TNT, qui sont tout juste en train d’émerger. Aucune d’entre elles n’est en équilibre. Ces chaînes sont certes en croissance, mais elles connaissent encore de lourdes pertes. Elles représentent un atout important pour la diversité que nous devons offrir à travers la TNT. Je propose, pour ces chaînes, dont la problématique publicitaire est différente de celle des chaînes historiques, d’abaisser le taux à 0,25 % pendant la durée du moratoire.

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement n° 151 rectifié.

M. Michel Herbillon. Cet amendement est conforme aux préconisations du groupe de travail sur la publicité et les activités commerciales de France Télévisions, que nous avons mis en place au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il s’inscrit dans le droit fil des propos que vient de tenir notre collègue Martin-Lalande. La présidente Michèle Tabarot, Christian Kert, Franck Riester et moi-même vous proposons de fixer à 0,5 % le taux de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes de télévision historiques, et ce tant que n’aura pas été décidée la suppression de la publicité avant vingt heures.

Je propose également, dans une deuxième rectification, d’appliquer un taux de 0,25 % pour les chaînes de la TNT. Ce qui correspond à ce que souhaite Patrice Martin-Lalande, à ceci près que ce 0,25 % s’appliquerait seulement jusqu’à l’extinction de l’analogique, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 2011. Cela est conforme à l’intention exprimée par le législateur dans la loi de mars 2009, qui avait prévu une montée en charge progressive du taux de la taxe sur les nouveaux entrants de la TNT, dont le taux ne devait converger avec celui des chaînes historiques qu’en 2012, c’est-à-dire après le passage de l’ensemble du territoire au tout numérique.

M. le président. Votre amendement n° 151 rectifié devient ainsi l’amendement n° 151 deuxième rectification.

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. La commission partage tout à fait l’analyse de Patrice Martin-Lalande et de Michel Herbillon.

Elle avait donné un avis favorable à l’amendement présenté par Patrice Martin-Lalande ; qui permet une visibilité, qui est indispensable, sur la durée du contrat d’objectifs et de moyens. La réduction du taux s’impose, du fait que l’effet report a été beaucoup moins important que prévu, et compte tenu, surtout, de l’excellente décision de maintenir la publicité dans la journée sur les chaînes de télévision publique, comme l’avaient proposé Michel Herbillon et la commission des affaires culturelles.

Cela dit, j’ai une petite préférence pour l’amendement rectifié de M. Herbillon, s’agissant du taux applicable aux chaînes de la TNT. Certes leurs recettes publicitaires sont encore faibles, mais elles évoluent de manière assez favorable. La solution proposée par Michel Herbillon me paraît tout à fait raisonnable. Elle part de l’idée qu’une fois le déploiement de la TNT achevé, c’est-à-dire à la fin de l’année prochaine, il n’y aura pas lieu de maintenir un taux différencié. Je soutenais donc vos amendements, monsieur Martin-Lalande, mais la petite nuance qu’a apportée Michel Herbillon me conduit à préférer le sien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je suis d’accord avec la solution proposée par Michel Herbillon, qui consiste à appliquer seulement en 2010 et 2011 le taux de 0,25 % pour les nouvelles entrantes de la TNT, c’est-à-dire jusqu’au basculement. Nous verrons alors, avec un peu plus de recul, s’il convient d’aller plus loin, mais commençons ainsi pour leur permettre dès maintenant de continuer leur développement. Encore une fois, il y va de la diversité de la TNT, qui passe par le succès de ces chaînes.

M. le président. Vous retirez donc les amendements nos 67 rectifié et 68, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. J’aurais préféré les rectifier dans le même sens que l’a été l’amendement de M. Herbillon.

M. le président. J’allais vous proposer de vous rallier à l’amendement n° 151 deuxième rectification, dont vous serez cosignataire. Cela reviendra au même.

M. Patrice Martin-Lalande. L’essentiel est que nous adoptions un bon amendement, monsieur le président.

(Les amendements nos 67 rectifié et 68 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Çà, évidemment, quand il s’agit de faire des cadeaux aux chaînes privées, il n’y a pas de désaccord entre le Gouvernement et sa majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. De grâce, ne nous refaites pas le débat de mars 2009 !

M. Patrick Bloche. Chers collègues de la majorité, je ne vais pas vous rappeler la liste de ces cadeaux. Noël, c’est dans deux mois ! L’octroi d’une chaîne bonus aux chaînes historiques privées, la seconde coupure de publicité, le swap entre heure glissante et heure d’horloge, tout cela, c’est à vous qu’on le doit ! Autant de décisions dont les chaînes privées sont les uniques bénéficiaires.

Mais au-delà de ce que vous proposez, je rappelle qu’il s’agit d’une recette pour France Télévisions. Vous êtes en train de tricoter sur le maintien de la publicité en journée. On verra. Pour l’instant, la loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit qu’elle cessera l’année prochaine.

Parallèlement, je reviens à ce que j’évoquais tout à l’heure : la taxe sur les FAI, dite taxe télécom – dont le produit est de 360 millions d’euros, excusez du peu – a donné lieu à une procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la France. La Commission européenne a dit que cette taxe devait être supprimée. Le Gouvernement a décidé de passer en force – en fait, de gagner du temps en attendant la décision de la Cour de justice des communautés européennes.

Plus que jamais, le big bang provoqué par le Président de la République en 2008 produit tous ses effets. Plus que jamais, le financement de France Télévisions est fragilisé dans la durée.

Ce n’est pas parce que les recettes publicitaires en journée rapportent plus que ce qui avait été prévu qu’il doit aussitôt y avoir, dans cet hémicycle, un écho aussi favorable aux pleurs des chaînes privées. En l’occurrence, quand nous avons travaillé ensemble, Patrice Martin-Lalande, Gilles Carrez et moi-même, au sein de l’atelier « financement » de la commission dite Copé, nous étions d’accord pour fixer à 3 % le taux de cette taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées. Regardez où nous en sommes deux ans plus tard !

Nous avons eu ce débat l’année dernière. Le rapporteur général et le ministre du budget de l’époque avaient accepté, à cause de la conjoncture et de la chute de leur chiffre d’affaires publicitaire, de baisser temporairement le taux de la taxe. Notre collègue Christian Kert…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. …avait même demandé à ce que cette baisse s’applique en 2010 et en 2011. Le rapporteur général avait refusé en disant : « Non. Seulement pour une année. »

Par cet amendement, vous proposez d’inscrire cette baisse dans la durée au moment même où le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées repart à la hausse, et va sans doute retrouver le niveau de 2007 et de 2008. Bravo pour les cadeaux !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis quand même très étonné qu’au détour d’un amendement,…

M. Yves Censi. Au détour d’un amendement ?

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’y a pas de détour !

M. François de Rugy. …on fasse un tel cadeau fiscal, et ce en contradiction avec vos propres engagements ! C’est bien là le problème, comme l’a dit Patrick Bloche au nom du groupe socialiste. Vous aviez pris un engagement au moment où vous avez décidé de supprimer – décision à mon sens totalement irresponsable – la publicité sur les chaînes publiques. « Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas de baisse de recettes pour France Télévisions », disiez-vous. C’est ce que vous avez voulu faire croire aux Français. Il ne devait pas non plus y avoir d’augmentation de la redevance – ce qui ne vous a pas empêché d’essayer de l’augmenter pour les personnes âgées : il a fallu que le Parlement s’élève contre cette mesure pour que vous y renonciez. Et maintenant, voilà que vous nous annoncez que l’État n’aura pas la recette attendue en provenance de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées ! Pourtant, il y avait dans tout cela une certaine logique : on supprimait partiellement la publicité sur les chaînes publiques, il y en aurait donc un peu plus sur les chaînes privées, qui allaient être mises à contribution : le tout devait se traduire, au bout du compte, par une opération blanche…

Comme vient de le dire Patrick Bloche, on commence à sortir de la crise, du moins en ce qui concerne la publicité : les investissements publicitaires repartent à la hausse. Et c’est précisément le moment que vous choisissez pour baisser, contrairement aux engagements pris, la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées ! C’est particulièrement absurde. Et je pense qu’il y a une idée derrière cela : il s’agit, dans la durée, d’affaiblir le service public de la radio et de la télévision en France.

M. Michel Herbillon. C’est tout le contraire !

M. François de Rugy. Il n’y a pas d’autre objectif. Cela ne peut pas s’expliquer autrement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Parler de cadeau fiscal, monsieur Bloche, monsieur de Rugy, est une contrevérité que la réalité des chiffres dément totalement. Si les recettes publicitaires ont été sensiblement supérieures – et il faut s’en réjouir – chez les chaînes publiques, elles ont été très inférieures pour les chaînes privées.

S’agissant des chaînes publiques, j’ai toujours plaidé, M. Bloche s’en souvient, au sein de la commission Copé, pour le maintien de recettes publicitaires.

M. Patrick Bloche. D’où mon étonnement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pourquoi ? Parce que, ne connaissant que trop la situation budgétaire de l’État, je pensais qu’il fallait conserver des recettes importantes au bénéfice des chaînes publiques.

Nous sommes parvenus à un équilibre, avec, d’une part, le maintien de la publicité en journée, et d’autre part, les parrainages en soirée. Cet équilibre me paraît très satisfaisant. Nous souhaitons maintenant le pérenniser. Ce dernier ajustement n’a d’autre objet que de tenir compte du fait que les reports de recettes publicitaires ont finalement été très partiels : c’est tout à fait légitime, et il n’y a aucun cadeau là-dedans.

Cela dit, monsieur le ministre, je profite de l’occasion pour dire que si les recettes publicitaires ou de parrainage de la télévision publique excèdent les prévisions figurant dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens, il faudra en tirer les conséquences.

M. François de Rugy. Soyez plus précis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette année, le bonus est resté au sein de France Télévisions ; mais l’élément qui compte est le contrat d’objectifs et de moyens. S’agissant des recettes globales – dotation par la redevance et recettes publicitaires –, il faudra rester dans le cadre global, et s’il doit y avoir une évolution, elle devra passer par une modification de ce contrat d’objectifs et de moyens.

Je compte sur le soutien de Patrice Martin-Lalande et de Michel Herbillon sur ce point…

M. Patrice Martin-Lalande. Comme nous espérons avoir le vôtre sur les amendements que nous avons déposés en ce sens !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. La gauche ne peut pas instruire un nouveau procès en sorcellerie à la majorité pour soutien à telle ou telle chaîne de télévision, ni soutenir sérieusement l’idée d’un cadeau fiscal. Nous nous souvenons tous du grand débat de la réforme de France Télévisions, sur laquelle nous pouvions avoir des désaccords, et il m’est d’ailleurs arrivé de les exprimer…

M. François de Rugy. Tout à fait, nous nous en souvenons.

M. François Baroin, ministre du budget. L’instauration de la taxe partait évidemment du principe que la totalité de la publicité était supprimée, et que cela susciterait un effet d’aubaine en conséquence, qui justifiait pleinement que les chaînes du privé participent à l’effort de solidarité du financement, et n’en soient pas les seules bénéficiaires.

Cela n’a pas été le cas. L’histoire a démontré que l’organisation du marché a été transformée par ce nouveau statut des chaînes publiques, c’est un premier enseignement dont nous devons tirer les conséquences. Qui plus est, in fine, la décision a été prise de ne pas supprimer la publicité pendant la journée. Il me semble être de bonne politique, raisonnable, responsable, de rééquilibrer l’ensemble au niveau auquel nous étions parvenus à l’époque, avant même d’aborder la question de la taxe pour les chaînes privées. C’est un retour au point d’équilibre, et aucunement un cadeau à telle ou telle chaîne de télévision.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ce n’est en rien un retour au point d’équilibre : c’est un cadeau fiscal et qui, en l’occurrence, ne se justifie pas. Toute l’argumentation développée par le Gouvernement et le rapporteur général l’année dernière était de prendre en compte la conjoncture, qui, compte tenu de la crise économique et financière, avait effectivement fait baisser le chiffre d’affaires des chaînes privées.

Un an plus tard, il n’en est rien : ce chiffre d’affaire publicitaire repart à la hausse. Et il s’agit de voter un pourcentage, nous en sommes donc à la troisième décote : 3 % initialement, 1,5 % au moment où l’on a voté la loi, et maintenant un ridicule 0,5 %. C’est un cadeau qui ne se justifie d’aucune manière.

M. Patrice Martin-Lalande. Ce chiffre d’affaires est inférieur à celui de 2007, il n’y a pas eu d’effet d’aubaine !

M. Patrick Bloche. Appelons un chat un chat : c’est un nouveau cadeau aux chaînes privées pendant que le financement de France télévisions est plus que jamais fragilisé.

M. François Baroin, ministre du budget. Vous vous aveuglez, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. En l’occurrence, nous aurions aimé que le Gouvernement justifie sa position sur la taxe télécom et nous explique comment il compensera le manque à gagner auquel il sera confronté un jour ou l’autre, sachant que cette taxe de 360 millions d’euros ne pourra être prélevée durablement.

M. le président. Je donne lecture de l’alinéa ajouté à l’amendement 151, deuxième rectification : « Pour les services de télévision autres que ceux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, le taux est fixé à 0,25 % en 2010 et en 2011. »

(L'amendement n° 151 deuxième rectification est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 72.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon objectif n’est pas d’apporter une réponse immédiate à la question de la contrepartie de la contribution de l’État à France télévisions pour la perte de recettes publicitaires, mais d’ouvrir une réflexion.

La taxe sur la publicité des chaînes privées ainsi que la taxe sur les télécoms ne suffisent pas à couvrir l’ensemble de la dépense : cela n’en représente qu’à peu près la moitié. Il est donc souhaitable de réfléchir à d’autres pistes ainsi qu’à la question du financement des contenus audiovisuels. Ce financement ne peut plus reposer sur un petit nombre d’acteurs, alors que beaucoup d’autres bénéficient de ces contenus de par la convergence. Nous devons réexaminer l’assise des financements de l’audiovisuel et des contenus.

Cela dit, je retire cet amendement qui avait seulement pour objectif de permettre de prendre acte qu’il va falloir engager cette réflexion.

M. François de Rugy. Cet amendement se base sur un raisonnement scandaleux !

(L'amendement n° 72 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 582.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je propose d’augmenter le taux de la taxe sur les dépenses de publicité concernant la distribution d’imprimés publicitaires et les annonces et insertion dans les journaux gratuits.

Les prospectus publicitaires et les journaux gratuits sont une source importante de gaspillage de papier au regard de leur faible efficacité commerciale. La plupart du temps, ils sont immédiatement mis à la poubelle ou jetés sur la voie publique à peine parcourus. Certaines enseignes de grande distribution l’ont bien compris, vous avez pu le voir à la télévision, puisqu’elles proposent de recevoir ces publicités par internet.

À l’heure du Grenelle de l’environnement, nous devons rechercher tous les moyens possibles pour limiter cette consommation inutile de papier. L’augmentation de cette taxe, outre le fait qu’elle rapportera des recettes à l’État, va renchérir le coût de ces publicités, et donc inciter les annonceurs à se tourner vers d’autres supports publicitaires, qui en ont bien besoin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je trouve pour ma part que c’est un bon amendement. Cela dit, il faudrait mener une réflexion plus globale sur toute la publicité papier : il n’y a pas que les petits journaux d’annonces – le plus lourd et le plus encombrant, ce qui engendre le plus de gaspillage, ce sont tous les catalogues des supermarchés distribués dans les boîtes aux lettres de nos concitoyens.

Je profite de la défense de cet amendement, que je salue, pour dénoncer l’amendement que vient de retirer M. Martin-Lalande – et il a bien fait ! Les Français doivent savoir que dans l’esprit de son auteur, il s’agissait de financer la télévision publique en instaurant une taxe sur l’achat des téléviseurs… Son argument était que cela ne serait pas gênant car les prix vont baisser dans ce secteur. Autrement dit, cette taxe ne se verrait pas parce que l’on délocalise de plus en plus vers l’Asie la production de tous ces produits… Les prix sont bas, donc tout va bien, on peut continuer dans ce modèle économique totalement absurde !

Il a bien fait de retirer son amendement, et heureusement qu’il ne l’a pas présenté en détail, parce que son raisonnement ne valait vraiment pas cher !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est fort dommage que le rapporteur général et le Gouvernement soient défavorables à l’amendement de notre collègue Tardy. Ce n’est pas si fréquent au sein du groupe UMP, notre collègue a souvent de bonnes idées. Ce qui lui vaut du reste parfois des ennuis !

La démonstration est faite que nos collègues de l’UMP sont des écologistes du verbe, comme il est dit dans les textes sacrés. Pour la pratique, il n’y a plus d’abonnés au numéro demandé. Lorsque l’on voit ce que nous recevons tous, les uns et les autres, ou toute cette presse gratuite qu’évoquait notre collègue Tardy, c’est un gaspillage fantastique de ressources naturelles. Nous aurions aimé, plutôt que d’entendre l’adjectif « défavorable » sempiternellement répété, savoir pourquoi le rapporteur général et le ministre ne sont pas favorables à la protection de l’environnement.

(L'amendement n° 582 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 614 du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget. Il s’agit d’apporter une réponse à l’une des déclinaisons, qui est actuellement en suspens, liée à des discussions que nous avons avec la commission européenne sur l’ouverture des jeux en ligne et les missions de service public imposées à toutes les sociétés de course pour l’amélioration de l’élevage chevalin, la formation dans le secteur des courses et la promotion de l’élevage.

Pour assurer ces missions de service public et leur financement, la loi a institué une redevance ayant la nature d’une taxe au profit de ces sociétés. Cette redevance, s’agissant d’une aide d’État, a été notifiée à la Commission européenne, et nous sommes actuellement en discussion puisque la Commission nous a signalé une procédure formelle d’examen.

Nous souhaitons malgré tout tenir les engagements que nous avons pris. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il apporter une double réponse à cette situation : d’une part, la poursuite des discussions avec la Commission européenne, et je tiendrais la représentation nationale informée de l’évolution de ce point ; d’autre part l’instauration sans attendre d’une taxe équivalente à la taxe affectée sur les mises hippiques en ligne de l’ensemble des opérateurs. Cela nous semble équilibré.

Nous proposons donc la mise en œuvre d’une mesure transitoire. La taxe de 8 % serait affectée à l’État, et non aux sociétés mères. En contrepartie, la fiscalité de droit commun pesant sur l’ensemble des paris hippiques, en dur et en ligne, serait réduite à due concurrence, permettant ainsi au PMU de dégager un surcroît de résultat qui sera reversé à la filière, dans l’esprit de la loi.

À ce titre, et compte tenu des projections effectuées avec les sociétés mères, la baisse de la fiscalité de droit commun doit conduire à une taxation de 4,6 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. M. Lamour, qui a été notre remarquable rapporteur sur le texte instaurant la concurrence au titre des jeux en ligne pourrait exprimer une position.

M. François de Rugy. Le rapporteur était peut-être remarquable, le texte l’était moins.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est de la confiance aveugle !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Cet amendement gouvernemental est particulièrement opportun. Il rappelle plusieurs principes de la loi.

Le premier est l’encadrement et la protection des joueurs qui évoluent sur internet, que ce soit dans le champ hippique, le champ sportif ou le poker. D’ailleurs, les premiers résultats annoncés par l’ARJEL sont particulièrement encourageants dans ce domaine.

Le second principe est la protection des retours vers les filières, hippique ou sportive, par le biais de la redevance à laquelle le ministre faisait référence, et de la taxation de 1,8 % qui retourne vers le sport amateur via le Centre national pour le développement du sport.

La Commission européenne s’interroge sur le bien-fondé de cette redevance au regard de la notion d’intérêt général. Vous ne fermez pas la porte en réintégrant le prélèvement dans le budget de l’État, et en abaissant la fiscalité afin de permettre au PMU de reverser l’excédentde recettes vers les sociétés mères.

Ainsi, les filières cheval sont préservées, car elles bénéficient toujours de cet abondement et de cette capacité à se développer dans notre pays rappelons que plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont en jeu. Cela ne coupe pas court aux discussions avec la Commission européenne ; il faudra simplement trouver une solution pour que les opérateurs entrants participent à ce financement des filières. Cela pourrait être l’objet, pourquoi pas ? de la création d’un droit au pari, comme cela a été fait dans le sport, qui permettrait à terme de générer un certain nombre de recettes permettant de préserver les emplois et le développement de la filière équine dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis étonné que le rapporteur général fasse une confiance aveugle à Jean-François Lamour : face à un sabreur, mieux vaut ouvrir les yeux.

M. Yves Censi. Lamour est aveugle ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Dans ma Normandie natale, on ajoute même : « et le mariage débleune », ce qui, en patois, signifie : « ouvre les yeux ».

M. Lamour nous présente cela d’une façon bonasse, avançant les retours sur les filières. Qu’il y ait des retours, personne n’en doute : on entend déjà les piécettes tomber dans les tirelires !

Sans doute est-ce par discrétion, et pour ne pas allonger les débats, mais pourquoi ne nous expliquez-vous pas, monsieur Lamour, que l’on est en train de privatiser, si bien que l’argent ne sera pas perdu pour tout le monde ? N’est-ce pas déjà le cas pour la filière du cheval avec la privatisation du haras du Pin ? Vous êtes au courant !

M. Jean-François Lamour. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Brard. Avoir des chevaux publics ou des chevaux privés…

M. Yves Censi. C’est du partenariat, ce n’est pas pareil !

M. Jean-Pierre Brard. Entre le cheval et le cavalier, certainement ! (Sourires.) Cela n’est pas sans rapport d’ailleurs : dans un cas comme dans l’autre, c’est toujours les mêmes qui portent la charge et toujours les mêmes qui encaissent les sous !

M. Lamour est trop discret et n’éclaire pas le débat comme il convient. Il y a des intérêts privés derrière tout cela, alors que l’on est en train de réduire la base du public.

(L'amendement n° 614 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 353 et 337 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour défendre l’amendement n° 353.

M. Jean-Paul Chanteguet. La lutte contre le réchauffement climatique passe par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi nous devons réduire nos consommations d’énergie fossile et envoyer pour cela des « signaux prix » forts aux consommateurs.

Le bonus-malus constitue un de ces « signaux prix ». Il a montré son efficacité depuis sa création, puisque les émissions moyennes de véhicules neufs sont passées de 149 grammes de CO2 par kilomètre en 2007 à 133 grammes en août 2009.

Le Grenelle de l’environnement a fixé à 20 % d’ici à 2020 l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, afin de les ramener à leur niveau de 1990. En France, le secteur des transports est le plus fort émetteur de gaz à effet de serre : 26 % des émissions en 2008. C’est aussi celui où les émissions augmentent le plus rapidement plus 13,5 % entre 1990 et 2008.

La part modale de l’automobile représentait en 2009 près 82 % des déplacements intérieurs de personnes. L’automobile est le mode de transport le plus émetteur de gaz à effet de serre. Il convient donc de dissuader le consommateur d’acheter l’achat des véhicules particulièrement énergivores et émetteurs de CO2, en augmentant le malus en deux tranches à hauteur de 1 600 euros pour l’ensemble des voitures de la classe E.

De plus, il nous paraît pertinent, alors que les besoins de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France sont estimés à 4 milliards d’euros, à partir de 2010, d’affecter le produit de cette taxe à cette agence, afin qu’elle finance des projets de transports collectifs en site propre ou alternatif à la route et à l’aérien.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 337 deuxième rectification.

M. François de Rugy. Cet amendement, très similaire, vise à adapter le système du bonus-malus à la réalité. L’objectif reste le même : inciter nos concitoyens à acheter des véhicules faiblement émetteurs de CO2 et à dissuader en taxant les véhicules fortement émetteurs de CO2..

Je me félicite de l’instauration du bonus-malus dont les Verts peuvent revendiquer la paternité. Nous avons salué cette innovation, mise en place en 2007-2008. Il faut que ce dispositif tienne compte des évolutions de consommation, puisqu’il est justement fait pour encourager les changements d’attitude de consommation pour l’automobile.

Aujourd’hui, nous constatons que les consommateurs achètent des automobiles dont les émissions de CO2 ont baissé et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais le malus sur les véhicules fortement émetteurs n’a pas été relevé, ce qui revient à faire un cadeau à ceux qui ne font pas d’efforts. Ajoutons que le dispositif bonus-malus est déséquilibré, car le bonus coûte plus cher – 700 millions d’euros – que ce que rapporte le malus. : 200 millions.

Nous devons continuer à inciter nos concitoyens à aller dans le sens d’une consommation plus écologiquement responsable, mais également respecter un souci de justice : les véhicules fortement émetteurs sont les plus chers, il ne faut pas ignorer cette réalité. Nous avons débattu tout à l’heure de la taxe sur les véhicules de société : c’était également une niche pour les véhicules les plus chers. Nous proposons donc d’adapter en conséquence la grille du bonus-malus.

(L'amendement n° 353, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 337 deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 338 deuxième rectification et 354, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 338 deuxième rectification.

M. François de Rugy. Après avoir examiné le niveau du bonus-malus, nous devons nous interroger sur son annualisation.

Nous pensons qu’il serait bon que le bonus-malus soit annualisé pour les véhicules les plus polluants. Ce serait un « signal prix » plus fort que si l’on acquitte cette taxe seulement au moment de l’achat du véhicule.

L’annualisation a été prévue pour les véhicules très polluants émettant 245 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. En étudiant les catalogues des constructeurs, vous verrez que cela ne concerne que fort peu de véhicules : les très grosses voitures de sport, les grosses limousines, les très gros 4x4. Nous proposons d’abaisser progressivement le seuil pour intégrer les progrès réalisés par les constructeurs automobiles, dans un souci de justice fiscale et d’efficacité écologique, en affectant le produit de la taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Il est dommage qu’il n’y ait aucune explication du Gouvernement, aucun débat sur ces sujets. Cela me conforte dans l’idée que l’ambition écologique est totalement passée à la trappe. Même M. Borloo, pourtant en charge de cette responsabilité, n’y fait plus allusion. La fiscalité écologique a été totalement abandonnée, en même temps que le projet de taxe carbone l’an dernier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour soutenir l’amendement n° 354.

M. Jean-Paul Chanteguet Il est défendu.

(L'amendement n° 338 deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 354, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 12
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 466 et 583, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à tirer les conséquences des évolutions introduites avec l’application du taux réduit de TVA aux offres dites triple play.

L’instauration de la contribution des fournisseurs d’accès à Internet au COSIP a été instituée en 2007 au moment où l’application du taux réduit de TVA aux offres triple play qu’ils proposaient était fixée dans la loi à hauteur de 50 %. Ce taux réduit de TVA était une compensation à cette nouvelle taxe. Dès lors que ce taux réduit a été considérablement diminué par l’article 11, il est normal que la contribution au COSIP soit réduite dans des proportions importantes.

Il devait y avoir une compensation par l’État au niveau du régime de TVA. Mais la taxe COSIP s’est avérée bien plus dynamique que prévu, puisque 150 millions ont été perçus contre 100 millions attendus.

Cette disposition permettrait de conforter la position des câblo-opérateurs, dont on connaît le rôle important qu’ils jouent dans le pays pour le très haut débit internet.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l’amendement n° 583.

M. Lionel Tardy. L’amendement n° 583 pose la question du niveau de la taxe COSIP. Cette taxe, destinée au financement de la production audiovisuelle, a été explicitement liée au bénéfice de la TVA à 5,5 % sur une partie des offres composites.

À partir du moment où les opérateurs perdent le bénéfice de la TVA réduite, il serait logique qu’ils ne paient plus le même taux de taxe COSIP. Nous renforçons le risque de voir casser les offres triple play pour y substituer d’autres offres moins avantageuses pour le consommateur, alors que je fais confiance aux opérateurs pour retomber sur leurs pieds.

Avec passage de la TVA à 19,9 %, les offres triple play seront curieusement davantage taxées que les offres contenant seulement Internet ou la téléphonie, la taxe COSIP ne s’appliquant qu’à la partie télévision de l’offre triple play. Jusqu’à présent, la situation était inverse : les offres avec télévision étaient moins taxées que les offres sans télévision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces deux amendements, sans pour autant contester la valeur du raisonnement de Michel Bouvard. Dans le cas des offres triple play, on passe au taux normal alors qu’il avait effectivement été décidé en 2007 de lier le taux réduit et le financement COSIP. Mais comme l’a fort bien dit M. Michel Bouvard le financement COSIP a été plutôt dynamique.

À quoi sert le COSIP ? À aider dans notre pays la production cinématographique qui connaît un réel succès. Tous ces financements ont leur utilité, chacun le reconnaît au vu excellents résultats du cinéma français.

Nous avons le souci de défendre la production culturelle française, notamment le cinéma. Même s’il peut y avoir des distorsions dans le raisonnement – en tout cas par rapport à ce qui avait été avancé en 2007 – la commission a souhaité préserver cette recette.

Pour ce qui est des câblo-opérateurs, monsieur Bouvard, je voudrais apaiser vos inquiétudes. Ils sont relativement bien traités dans le nouveau dispositif, car leur caractéristique est de pouvoir offrir un service de télévision distinct, ce qui n’est pas le cas, en tout cas aujourd’hui, des offres triple play. Ce service de base reste éligible au taux réduit ; or il constitue l’essentiel de l’assiette de l’abonnement câblo-opérateur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles développées par M. le rapporteur général.

(Les 'amendements n° 466 et n° 583, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'article 12 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la deuxième séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)