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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 3 novembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Projet de loi de finances pour 2011 Seconde partie (suite)

Outre-mer (suite)

Mme Chantal Berthelot

M. Michel Buillard

M. Jean-Claude Fruteau

M. Gaël Yanno

Mme Annick Girardin

M. René-Paul Victoria

M. Éric Jalton

M. Michel Diefenbacher

M. Serge Letchimy

M. Apeleto Albert Likuvalu

M. Louis-Joseph Manscour

Mme Gabrielle Louis-Carabin

Mme Jeanny Marc

Mme Christiane Taubira

Mme George Pau-Langevin

M. Bernard Lesterlin

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer

Questions

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, M. Abdoulatifou Aly, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer

Mission « Outre-mer »

État B

Amendement no 72

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 26, 25, 14, 16, 27

M. Victorin Lurel

Article 77

Amendements nos 66, 67, 68, 69

Après l’article 77

Amendements nos 70, 95 (sous-amendement), 127 (sous-amendement), 13, 45 (sous-amendement), 73, 71, 12, 28

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2011
Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Outre-mer (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » (n° 2857, annexe 30, nos 2860, 2863).

La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l’outre-mer, mes chers collègues, l’exercice budgétaire est par essence un acte politique et nous sommes nombreux sur ces bancs à partager ce sentiment. Pour le budget 2011 des outre-mer, vous avez, madame la ministre, avec votre gouvernement, fait le choix de nous associer à l’effort national d’austérité. Ainsi, les crédits, toutes missions confondues, pour la Guyane, sont de 1,3 milliard d’euros, soit une baisse de 40 millions d’euros. Pour la quasi-totalité des missions, au mieux les crédits sont simplement reconduits sans prendre en compte l’inflation ; ou, pis encore, ils baissent en termes absolus.

Permettez-moi une première remarque par rapport à notre contribution solidaire : la solidarité ne peut être à sens unique. Or depuis des décennies, l’État a délaissé la Guyane ; sans ce désengagement, notre retard structurel ne serait pas aussi colossal et le besoin de rattrapage si pressant !

Votre budget, madame la ministre, me frappe par son inadéquation par rapport aux besoins de mon territoire, ainsi que par l’incohérence des choix qui s’y expriment.

Pour revenir à la baisse de 40 millions d’euros que je viens d’évoquer, 20 millions correspondent aux conditions de vie ; et pour trois cas, c’est la LBU qui est concernée. La problématique du logement social a été largement évoquée ici, lors du débat de la LODEOM et j’ai fait connaître ma position ; je ne m’étendrai donc pas davantage, mais sachez que cette mesure fera beaucoup de mal aux citoyens de Guyane.

Autre exemple de l’inadéquation de votre budget : l’enseignement scolaire, où nos indicateurs sont alarmants à tous les niveaux. Tous les rapports ministériels l’attestent. Cela hypothèque toute ambition que nous pouvons avoir pour l’avenir de notre territoire dont la population va doubler d’ici à 2030. Vous connaissez les besoins de construction, mais aussi d’effectifs. Or cette mission progresse d’à peine 2 %, montant dérisoire face aux demandes de chaque rentrée scolaire où il faut jongler avec le manque d’effectifs. Pour l’année 2011, le rectorat aura, en plus, comme d’autres institutions telles que les collectivités, à gérer la problématique des contrats aidés : les 20 % pour les employeurs ne sont pas faciles à trouver, à plus forte raison dans un contexte où le chômage augmente sans cesse sur mon territoire.

Au-delà des chiffres, madame la ministre, je voudrais mettre en exergue aussi bien les contradictions que l’incohérence de l’action gouvernementale.

Prenons le cas du Grenelle de l’environnement, que j’ai soutenu parce que je crois en la nécessité d’asseoir notre développement sur nos ressources naturelles. Le Grenelle voulait faire des outre-mer des terres d’excellence environnementale et, par conséquent, avait fixé à 30 % la part de l’énergie renouvelable dans la production électrique de la Guyane. Mais le projet de loi de finances porte un coup à la filière photovoltaïque qui, grâce à notre situation géographique – je dis bien « grâce », car, pour une fois, ce n’est pas un handicap –, représente pourtant une solution écologique et moins coûteuse que l’énergie fossile pour nos communes et nos sites isolés.

La sauvegarde et la valorisation de notre exceptionnelle biodiversité constituent un objectif crucial pour mon territoire au moment où divers rapports internationaux soulignent son apport à l’humanité et tentent de lui attribuer une valeur économique. Or le caractère permanent de l’opération Harpie, si déterminant dans cette perspective, n’a été acté que tout récemment. Du reste, les moyens ne suivent toujours pas puisque les dotations des missions « Défense » et « Sécurité » diminuent.

À cet égard, madame la ministre, j’insiste auprès de vous pour que le volet diplomatique de la lutte contre l’orpaillage illégal soit une réelle priorité du Gouvernement. L’accord franco-brésilien que vous avez enfin présenté au Conseil des ministres – deux ans après sa signature ! –, doit être mis en œuvre, et tout doit être fait pour conclure un accord semblable avec le Surinam. Vous connaissez les problèmes auxquels nous sommes confrontés sur le Haut-Maroni, et les dégâts liés à l’orpaillage dans les villages de Twenké et d’Antécum Pata.

Autre exemple de l’incohérence politique : la France vient d’adopter à la dixième conférence des parties de la convention sur la diversité biologique, qui s’est tenue à Nagoya, le paquet pour la période 2011-2020, qui comprend le protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation. J’y reviendrai dans les jours qui viennent, car la Guyane est tout particulièrement concernée par ce sujet et les manquements sur le savoir-faire autochtone et traditionnel. Or je note que, encore une fois, malgré les engagements de l’État sur le plan international, les crédits de la mission « Écologie, aménagement et développement durable » diminuent de 7 millions d’euros sur son territoire national qu’est la Guyane !

Madame la ministre, bien d’autres exemples attestent de la difficulté de trouver une ligne directrice à votre budget. Pour terminer, je voudrais simplement vous rappeler que, lors de la consultation populaire de janvier 2010, les Guyanais ont voté, non pour une étatisation de la politique guyanaise, mais bien pour que l’État assume ses compétences dans les champs du logement social, de la sécurité, de l’enseignement scolaire, de la santé et de la justice. Or force est de constater que votre budget pour 2011 s’inscrit dans une logique de défaillance de la puissance publique étatique et que vous n’êtes pas au rendez-vous attendu par les Guyanais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lors du Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009, le Président de la République annonçait l’ouverture d’un « nouveau cycle historique marqué par une relation rénovée entre l’outre-mer et la métropole », avec pour objectif la mise en place d’un modèle économique susceptible de favoriser la création de richesses et d’emplois locaux dans nos collectivités d’outre-mer.

Ce conseil interministériel prévoyait la mise en place de 137 mesures et le budget outre-mer que nous examinons aujourd’hui est la traduction financière des engagements du Gouvernement envers l’outre-mer. Il est en diminution de 2,3 % en crédits de paiement, mais, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, il s’inscrit dans l’effort national de maîtrise de la dépense publique. Certes, nous, élus de l’outre-mer, sommes conscients que nos collectivités doivent participer à l’effort national, mais il est primordial que nos spécificités soient prises en compte dans chacun des dispositifs, sous peine de menacer notre fragile équilibre économique.

Je reviendrai rapidement sur l’exclusion brutale du champ d’application des dispositifs d’aide fiscale aux investissements outre-mer des investissements réalisés dans des installations de production d’électricité photovoltaïque. Le développement des énergies renouvelables, et notamment du photovoltaïque, répond à un besoin de sécurité d’approvisionnement énergétique et vise à l’autonomie des collectivités d’outre-mer qui sont aujourd’hui dépendantes des matières fossiles.

Cette remise en cause du développement du photovoltaïque en outre-mer est à opposer aux préconisations du STRATOM selon lequel « les géo-ressources et l’énergie peuvent constituer une chance pour les territoires d’outre-mer et pour la France. En s’emparant de ces sujets sous forme de programmes et de centres de recherche, la France pourrait se placer elle-même en position de leader, aider à l’émergence de pôles d’entreprises de niveau mondial sur le secteur et donner un nouveau rôle aux territoires et collectivités d’outre-mer ».

L’outre-mer doit être solidaire de l’ensemble de la nation, nous rappelle-t-on sans cesse. Certes. Mais l’effort qui nous est demandé ne doit pas être plus important que celui de la métropole, car nous devons faire face à un véritable défi économique et social dans chacune de nos collectivités.

En Polynésie française, en tant que maire de Papeete, je tiens cependant à souligner que l’État, grâce à son engagement et à son soutien financier, a permis le démarrage de l’opération d’assainissement collectif de la capitale.

En 2007, le ministre de l’outre-mer a signé un protocole financier pour la réalisation des premières études. L’opération de l’assainissement de Papeete a été inscrite au contrat de projets État-pays 2008-2013, ce qui a permis la programmation d’un investissement total de 33 millions d’euros. L’État a également appuyé notre demande de subvention au titre du FED pour un montant de 16 millions d’euros.

De même, le Haut-commissariat de la République en Polynésie française vient de lancer un chantier pour la construction de nouveaux locaux pour les services de l’État, ce qui crée de l’activité pour nos entreprises du bâtiment qui souffrent de la crise économique.

Mais il est un sujet qui me tient à cœur en tant que maire de la capitale : la sécurité des citoyens. La crise économique, les difficultés sociales, l’instabilité politique, l’incertitude de l’avenir, tout concourt à exacerber les tensions dans la population et il est primordial que l’État joue pleinement son rôle de garant de la sécurité et de l’ordre publics. À cet égard, en matière de sécurité civile, la population polynésienne vous est reconnaissante, madame la ministre, de l’aide apportée par l’État à l’occasion du passage du cyclone Oli qui a récemment ravagé notre territoire.

Concernant le document édité par votre ministère, intitulé Les 137 mesures du Conseil interministériel de l’outre-mer sept mois après, la mesure 23, par exemple, vise à donner au tourisme les moyens de son développement, tandis que la mesure 44 a pour objectif de faciliter la circulation des personnes grâce à un assouplissement du régime des visas.

Or par le biais d’une question écrite en date du 3 août 2010, je demandais au ministère des affaires étrangères un assouplissement des procédures de délivrance des visas aux Chinois désireux de se rendre en Polynésie française : le tourisme originaire de la République Populaire de Chine pourrait être une opportunité économique et touristique pour la Polynésie. Dans sa réponse, le ministre m’indique que ces visas relèvent du droit commun et qu’il ne saurait donc être question d’y déroger !

De même les mesures 42, 47 et 58 visent à « faciliter la présence des ultramarins dans le réseau diplomatique, créer les conditions de la réussite des jeunes ultramarins et accroître les capacités d’action des collectivités d’outre-mer en matière de coopération régionale ». Objectif difficile à atteindre si les moyens adéquats ne sont pas donnés à nos universités ultramarines de former nos jeunes pour ces nouvelles opportunités.

Enfin, madame la ministre, 2011 sera l’année des outre-mer. Je pense que le moment serait opportun de rendre enfin hommage à nos courageux soldats ultramarins qui se sont engagés et qui continuent de s’engager pour la défense de leur pays et des valeurs de la République française. En 2005, j’avais sollicité la ministre de la défense pour rendre un hommage aux soldats de l ‘outre-mer français. Je souhaite qu’un hommage soit enfin rendu en 2011, année des outre-mer, au courage et à l’engagement sans faille, passé et présent, des fils de l’outre-mer français lors du défilé du 14 juillet 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.

M. Jean-Claude Fruteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les budgets pour l’outre-mer se suivent et, hélas ! ils se ressemblent ! En effet, le budget qui est aujourd’hui soumis à l’approbation de notre assemblée n’a rien d’ambitieux pour l’outre-mer. Pis encore, dans le contexte que nous connaissons, l’outre-mer, d’autres l’ont dit avant moi, est doublement pénalisé puisqu’en plus du gel des dépenses de l’État, il subira le coup de rabot sur certaines dépenses fiscales qui, au fil des années et par l’application de l’idéologie libérale, se sont largement substituées à l’intervention de l’État.

Mme Christiane Taubira. Ce sont décidément de mauvais menuisiers !

M. Jean-Claude Fruteau. L’assèchement budgétaire au détriment de l’outre-mer n’est donc pas un fantasme, mais bel et bien une réalité qui atteste, s’il en était encore besoin, du manque d’ambition du Gouvernement pour nos territoires et du double langage entre les beaux discours et les actes !

Madame la ministre, j’ai lu avec un certain étonnement vos déclarations dans la presse visant à justifier la baisse du budget de l’outre-mer. Participer à l’effort national pour réduire les déficits n’a rien de choquant en soi, même s’il n’est pas inutile de rappeler, comme le fait la Cour des comptes, que ces déficits ont été engendrés, au moins pour les deux tiers, par la politique de votre gouvernement orientée essentiellement vers les plus favorisés. Je ne peux donc pas partager votre formule selon laquelle cet effort n’est pas « si catastrophique ».

M. Victorin Lurel. Eh oui ! S’il y avait eu une égalité au départ !

M. Jean-Claude Fruteau. Effectivement, ce ne serait pas si catastrophique, si, à La Réunion, nous ne comptions pas près de 30 % de la population au chômage ! Ce ne serait pas si catastrophique si nous n’avions pas 52 % de la jeunesse sans emploi !

M. Victorin Lurel. Eh oui !

M. Jean-Claude Fruteau. Ce ne serait pas si catastrophique encore, si le département – et c’est pareil partout – ne comptait pas 71 000 bénéficiaires de minima sociaux ! Ce ne serait pas si catastrophique, si le secteur du BTP n’avait pas perdu, en un an, 22 % de ses effectifs ! Ce ne serait pas si catastrophique enfin, si plus de la moitié de la population ne vivait pas en dessous du seuil de pauvreté !

Madame la ministre, il faut être aveugle pour ne pas voir que l’économie dans les outre-mer continue de décrocher et il faut être sourd pour ne pas entendre les appels au secours des entreprises locales et les cris de détresse des populations !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Hélas !

M. Jean-Claude Fruteau. Il est vrai qu’à défaut de soutenir par des mesures énergiques l’activité économique et sociale, vous semblez avoir trouvé le remède miracle : l’important, dites-vous, – vous constaterez que je vous écoute beaucoup – c’est la confiance, véritable moteur de l’économie. Je ne suis pas assez expert en sciences économiques pour prétendre vous contredire sur ce point. Cependant, si la confiance est un paramètre à ne pas négliger, la confiance ne fait pas tout. La confiance, madame la ministre, cela se gagne !

M. Victorin Lurel. Et cela se mérite !

M. Jean-Claude Fruteau. La confiance, cela se mérite ! Et j’ai bien peur que pour ce gouvernement, tout le travail reste à faire ! Car même ceux qui étaient réputés vous accorder jusqu’ici leur confiance semblent saisis par le doute.

M. Victorin Lurel. Hélas !

M. Jean-Claude Fruteau. En effet, selon une étude récente, le moral et la confiance des chefs d’entreprise se dégradent, et ce tant pour leur propre activité – dix points de moins pour la confiance – que pour l’économie locale en général : moins quatre points pour le moral et moins treize points pour la confiance. Pis encore, en dépit de tous les artifices médiatiques, sept chefs d’entreprise sur dix à La Réunion jugent que la situation se détériore.

Comment d’ailleurs pourrait-on inspirer confiance aux investisseurs quand le régime de défiscalisation des investissements outre-mer a subi quatre modifications en deux ans et que les perspectives à venir ne sont guère encourageantes ?

M. Victorin Lurel. Hélas !

M. Jean-Claude Fruteau. L’un des poumons de l’activité économique de La Réunion – et il en va ainsi dans beaucoup de départements d’outre-mer – c’est, chacun le sait, le secteur du BTP. On aurait donc pu s’attendre à un budget volontariste pour soutenir ce moteur de la croissance dans notre économie insulaire. Or il n’en est rien ! La ligne budgétaire unique pour le logement social perd 21 millions d’euros en crédits de paiement. Mais les crédits de paiement, madame la ministre – détrompez-moi si je dis des bêtises – c’est bien ce qui permet de réaliser les investissements et de les payer !

Mme Christiane Taubira. Absolument ! Tout le monde sait cela, il n’y a pas besoin d’être ministre !

M. Jean-Claude Fruteau. Par ailleurs, les mesures réglementaires que vous avez prises pour le cumul de la LBU et de la défiscalisation dans le secteur du logement social non seulement sont contraires à l’esprit du législateur lors de l’examen de la LODEOM, mais elles seront plus qu’improductives, car leur application par les services instructeurs de la DDE constitue un obstacle majeur dans le bouclage financier des dossiers par les bailleurs sociaux. Si c’est cela que vous appelez « sanctuariser », nous sommes déjà, pardonnez-moi, madame la ministre, dans la profanation ! (Sourires.)

M. Victorin Lurel. Les mots perdent de leur sens !

M. Jean-Claude Fruteau. Je remarque, à cet égard, mais sans plaisir, que toutes les craintes que nous avions eu l’occasion d’exprimer lors de l’examen de la LODEOM, n’étaient pas infondées, pour reprendre la formule de M. le rapporteur spécial.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très juste !

M. Jean-Claude Fruteau. Madame la ministre, dans les circonstances très dures pour nos populations que nous connaissons, le sentiment que je retire de l’examen de ce budget est celui d’une profonde injustice. Non seulement l’outre-mer n’est plus une priorité pour le Gouvernement – c’est déjà le cas depuis longtemps – mais j’ai bien peur qu’il ne devienne, d’année en année, le parent pauvre de l’action gouvernementale ! Comme je ne peux me résoudre à cette évolution, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gaël Yanno.

M. Gaël Yanno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy,…

M. Victorin Lurel. Aïe ! Ça commence mal !

M. Gaël Yanno. …c’est la quatrième fois que nous retrouvons dans cet hémicycle pour débattre du budget de l’outre-mer. Cette discussion s’inscrit dans un environnement particulier à deux titres : un contexte budgétaire difficile pour la France, et donc pour les outre-mer, une conjoncture économique marquée par les effets de la crise mondiale.

Dans cet environnement, vous avez su, madame la ministre, préserver l’essentiel. L’État continuera en 2011, année des outre-mer, à assurer sa mission.

Laissez-moi toutefois appeler votre attention sur le rôle particulier de l’État dans les outre-mer. Bien plus qu’en métropole, l’État est et doit être, en outre-mer, synonyme de crédibilité, de stabilité et de confiance.

Il doit garantir la crédibilité. La difficulté avec laquelle nous avons obtenu in extremis, hier soir, les crédits nécessaires pour le lancement des études et de la construction des deux lycées du Mont-Dore et de Pouembout n’est pas normale. C’était pourtant un engagement de l’État pris par le Premier ministre à deux reprises devant le comité des signataires de l’accord de Nouméa, en décembre 2008 et en juin 2010, et également devant les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le 17 juillet dernier. Néanmoins, aucun crédit n’était inscrit pour 2011 dans le budget de l’État. L’arrêt subit du chantier du lycée Escoffier en mai dernier par manque de crédit a nui également à l’image de l’État. L’absence, dans ce projet de budget pour 2011, de compensation financière du transfert de la compétence de circulation aérienne et maritime intérieure n’est également pas conforme aux engagements de l’État. Même si nous finissons par obtenir le respect de ces engagements, ces exemples affaiblissent la crédibilité de l’État.

L’État doit également être le garant de la stabilité. De nombreuses réformes ont été engagées depuis 2007 par notre majorité. Mais les réformes ne doivent pas rimer avec instabilité. Je souhaite, là aussi, appeler votre attention sur les changements successifs intervenus sur la défiscalisation, outil déterminant que notre majorité a créé pour soutenir le développement économique et le logement social dans les outre-mer. Plafonnée fin 2008, recentrée et moralisée en 2009 dans la LODEOM, il est prévu qu’elle soit rabotée en 2011. Prenons garde de ne pas modifier chaque année cet outil de développement dont les effets positifs sont bien supérieurs aux aspects négatifs. C’est avec cette préoccupation que je présenterai en commission des finances des amendements, afin que la défiscalisation outre-mer ne soit pas remise en cause. La stabilité, madame la ministre, est, en outre-mer plus qu’ailleurs, indispensable pour l’investisseur.

M. Victorin Lurel. Voilà de bonnes paroles !

M. Gaël Yanno. Enfin, l’État doit être facteur de confiance. Il doit, pour cela, être totalement sincère, notamment dans le cadre des transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie. Quand ces transferts conduisent à un plus pour les Calédoniens, l’État doit nous accompagner. Mais qu’en est-il quand ces transferts, même s’ils sont prévus par l’accord de Nouméa, peuvent conduire à une régression ? Dans ce cas, la sincérité s’impose et l’État doit assumer son devoir de conseil et dire pourquoi certains transferts seront très difficiles à assumer. Et je pense à cet instant plus particulièrement aux trois compétences du droit et de l’état civil, du droit commercial et de la sécurité civile. L’exemple de la Polynésie française qui exerce – ou n’exerce pas – depuis 2004, deux de ces trois compétences n’est pas encourageant pour nous. La simple signature de conventions d’accompagnement ne sera pas suffisante pour nous rassurer.

C’est donc à ces trois conditions de crédibilité, de stabilité et de confiance que l’État, au travers des crédits budgétaires de votre ministère, assura pleinement sa mission dans les outre-mer et plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l’outre-mer pour 2011 est en baisse, c’est un fait, et comme mes autres collègues, je le déplore. Pour autant, le problème n’est pas seulement budgétaire : même lorsque les moyens financiers sont mobilisés, force est de constater une absence d’accompagnement qui nuit à la mise en œuvre des nouveaux modèles économiques, sociaux ou culturels pour nos outre-mer voulus par le Président de la République.

Si la LODEOM et le CIOM nous avaient laissés espérer, selon vos termes, des politiques publiques sur mesure plutôt que des dispositifs prêts-à-porter, force est de constater que nombre de dispositifs essentiels pour nos économies ne sont pas encore en vigueur, faute de textes d’application : il n’est qu’à prendre l’exemple, mes collègues l’ont presque tous souligné, de l’aide au fret.

Dans d’autres cas, les textes ont bien été pris, mais se révèlent inadaptés et font preuve d’une méconnaissance flagrante de nos spécificités. Nous en faisons actuellement l’expérience, s’agissant de l’aide à la rénovation hôtelière, qui fait désormais l’objet d’une obligation de classement complètement inadaptée aux petites structures de nos territoires. J’ai préparé un amendement avec M. le rapporteur Bartolone à ce sujet. Je suis confiante et j’espère, madame la ministre, que vous le soutiendrez. C’est aussi le cas de l’aide au billet d’avion du dispositif de continuité territoriale qui prend enfin en compte le coût réel des trajets, mais dont le mode d’attribution, basé sur des seuils de ressources inadaptés, réduit drastiquement le potentiel de bénéficiaires et annule l’effet attendu du dispositif. Sans parler de la très forte augmentation du prix des billets Paris-Saint-Pierre-et-Miquelon que vient d’imposer Air France, en totale contradiction avec les engagements signés avec Patrick Karam dans le cadre de la charte d’engagements volontaires ! À ce sujet, madame la ministre, je souhaiterais que vos services fassent toute la lumière sur ce problème que l’on vient de me signaler pour en connaître les tenants et les aboutissants et surtout trouver en urgence, avec Air France, une solution. Il est totalement anormal qu’un billet Paris-Saint-Pierre-et-Miquelon coûte beaucoup plus cher qu’un billet Saint-Pierre-et-Miquelon-Paris.

Plus grave encore, des engagements essentiels de la LODEOM risquent même de passer tout bonnement aux oubliettes. Je vous ai d’ailleurs saisie ici, madame la ministre, il y a deux semaines, de la question des ordonnances sur les dossiers urgents des retraites de la CPS et de l’ENIM ainsi que de celle des aides au logement pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

À ce propos, prétendre que la compétence du logement de la collectivité territoriale interdirait à la loi et à l’ordonnance d’étendre ces aides par mention expresse est une aberration en contradiction avec le principe de la spécialité législative inscrite dans notre statut de collectivité territoriale et en pratique constante depuis 1985. Si le Gouvernement refuse de prendre les ordonnances prévues dans la loi, un tel abandon éhonté de la parole donnée par l’État et trois ministres de l’outre-mer successifs, dont vous, serait bien évidemment inacceptable.

Concernant les retraites, si l’on peut se féliciter de la nouvelle réunion interministérielle prévue la semaine prochaine ainsi que de la table ronde à laquelle vous avez invité les partenaires sociaux de l’archipel, je ne saurais pour ma part accepter, et je souhaite le dire aujourd’hui, une ordonnance vidée de son sens et une revalorisation de 1,5 %, véritable insulte à tous ceux, dont vous faites partie, qui se sont investis sur ce dossier.

Il serait incompréhensible que la parole de l’État ainsi donnée et réaffirmée se résume finalement à de simples effets d’annonce et puisse être contredite par des hauts fonctionnaires d’administration centrale qui en auraient décidé ainsi.

Mme Christiane Taubira. Hélas !

Mme Annick Girardin. En dépit du CIOM, de la LODEOM, des états généraux de l’outre-mer et de la prise de conscience qu’a constituée le Grenelle de la mer, nous ne nous sortons pas d’une gestion sociale au coup par coup, sans structure et sans souci de pérennité.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, nous le voyons à nouveau sur le dossier de la desserte maritime en fret. Nous venons à peine de sortir d’une crise d’envergure que l’État a pensé régler à coups d’études et de fortes subventions, et nous voici contraints de reprendre les tables rondes et les études, faute d’une écoute suffisante des élus de l’archipel.

Ce qui manque véritablement, c’est une vision globale de la politique de l’outre-mer, et c’est la raison d’être de votre ministère de l’impulser. Ce manque, nous l’avons encore constaté avec l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Canada, dont je suis la rapporteure pour l’Assemblée nationale. L’existence de Saint-Pierre-et-Miquelon avait tout simplement été oubliée… J’ai mobilisé l’Assemblée et les ministères, et le Gouvernement a enfin transmis à la Commission européenne la demande de prise en compte de nos spécificités.

C’est une première avancée, mais une telle situation n’aurait jamais dû se produire. À l’avenir, il est essentiel qu’il y ait en amont une évaluation complète de l’impact de tels accords européens sur l’outre-mer.

Vous le savez comme moi, l’avenir économique de l’archipel repose essentiellement sur son positionnement régional et, fort des conclusions du Grenelle de la mer, ce territoire, ancré dans sa vocation maritime, ne connaîtra des jours meilleurs que s’il se prépare structurellement à redevenir une véritable plateforme de services maritimes.

Réhabiliter, aménager et équiper les ports de l’archipel sont devenus des actions à enclencher au plus vite pour assurer son développement. Nos deux ports sont classés ports d’intérêt national et l’état de délabrement de leurs équipements constitue sans doute actuellement le principal handicap à son positionnement économique au niveau régional. Ainsi, conformément à l’estimation des coûts dressée par les services de l’État, il convient d’effectuer en 2011 quelques interventions indispensables et d’inscrire dès 2012 un programme de travaux et d’équipement pluriannuel.

Madame la ministre, nous ne demandons pas qu’on nous apaise avec une politique du coup par coup sans suivi et sans lendemain. Ce que nous demandons, c’est une aide structurante en amont pour nous permettre de dégager enfin des solutions durables à ces problèmes et à ces crises qui, à défaut, à Saint-Pierre-et-Miquelon comme dans les autres outre-mer, sont vouées à se répéter toujours et encore.

À ce titre, à l’instar des autres territoires d’outre-mer qui ont bénéficié de la nomination d’un commissaire au développement endogène ou encore d’ambassadeurs délégués à la coopération régionale, il serait sans doute judicieux que, en dépit de la petitesse du territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon puisse bénéficier, avec des adaptations, de la création d’un tel poste.

Indépendant des administrations étatiques et locales dont l’action est concentrée sur la gestion du quotidien, ce poste est une condition de réussite du développement de l’archipel dans son contexte régional. C’est également la condition d’une meilleure rentabilité des fonds publics engagés ou à engager dans le processus de développement.

Les attentes des Françaises et des Français d’outre-mer vis-à-vis de l’État et de leur gouvernement sont fortes. Aussi, en cette année 2011, décrétée année de l’outre-mer, je souhaite que le Gouvernement puisse tirer pleinement les conséquences des erreurs du passé pour être à la hauteur des défis et des enjeux de demain et éviter que l’on se souvienne de l’année 2011 comme de celle du manque d’ambition pour les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2011 doit être une année décisive pour l’outre-mer. Ce doit être l’année du changement pour les outre-mer, avec l’inversion des tendances actuelles : la situation l’exige.

Au moment de préparer le budget 2011, François Baroin, ministre du budget, a annoncé qu’il avait comme objectif de diminuer le déficit public, tout en évitant d’entraver la reprise. Certains postes ont connu des coups de rabot. Faire plus avec moins devient alors un véritable défi.

Ce n’est une surprise pour personne, le budget de l’outre-mer pour 2011 a diminué, mais, en dépit des contraintes budgétaires, nous avons le devoir d’engager très rapidement les actions nécessaires pour le développement et l’avenir de nos territoires, et de sortir enfin de la crise.

À La Réunion, nous subissons toujours les effets de cette crise économique et sociale. Pour un grand nombre de nos concitoyens, la vie se vit au quotidien et il leur est impossible de se projeter dans l’avenir.

Les quatre problèmes majeurs et récurrents, nous les connaissons : un taux de chômage à la hausse, une progression constante des demandes de logements, une augmentation des prix difficile à supporter, et la continuité territoriale, qui influence aussi bien la mobilité des personnes que l’activité économique.

Pour le chômage, les chiffres ne sont guère réjouissants. Sur 532 000 Réunionnais en âge de travailler, plus de 110 000 sont chômeurs. Le chômage a augmenté de 14,7 % en un an. La Réunion serait le plus mauvais élève français. Les raisons en sont multiples : dans le secteur du BTP, par exemple, plus de 10 000 licenciements ont été enregistrés en un an. L’arrêt ou l’annulation des grands projets depuis deux ans a mis en péril la situation économique des entreprises de ce secteur. Sans le soutien de l’État et sans véritable plan de relance, nous ne pourrons pas inverser la tendance.

En matière de logement, les besoins sont considérables. Au 1er janvier 2010, plus de 22 500 ménages étaient en attente d’un logement à La Réunion. Selon les données de l’INSEE, ce nombre devrait augmenter de plus de 44 % à l’horizon 2030. Compte tenu de l’exiguïté du territoire, le foncier se fait de plus en plus rare. Les décisions d’aujourd’hui seront primordiales pour le futur.

La construction des logements sociaux a connu un net ralentissement. Avec le nouveau système de défiscalisation, les bailleurs sociaux rencontrent quelques difficultés pour obtenir les agréments. En 2010, 5 100 demandes de financement ont été demandées ; à peine 3 400 logements seront financés par le mécanisme du cumul LBU-défiscalisation. Le logement intermédiaire était une bonne soupape, mais nous sommes passés de 5 500 constructions en 2009 à 1 000 en 2010.

Nous sommes dans une impasse : la demande ne cesse d’augmenter et l’offre diminue fortement. À ce rythme, la situation ne peut que s’aggraver. De plus, il faut éviter que les bailleurs sociaux ne soient les seuls acteurs d’une politique de logement – logements sociaux, intermédiaires et libres.

Concernant l’inflation, on multiplie les études, les données, les analyses, mais le constat est bien là. Les prix sont beaucoup plus élevés qu’en métropole, et les premiers à s’en plaindre sont les métropolitains qui s’installent chez nous.

Enfin, la continuité territoriale est perçue plus comme un problème que comme un atout L’abaissement du coût du fret apporte une aide précieuse aux entreprises, mais nous n’avons malheureusement pas de solution pour réduire le prix du billet d’avion entre la Réunion et Paris. En décembre, par exemple, il en coûte 2 200 euros pour un aller-retour en classe économique.

Nous devons également répondre aux attentes de nos concitoyens dans bien d’autres domaines.

Sur le photovoltaïque, j’ai soumis cinq propositions au Gouvernement lors de la séance du 22 octobre dernier. Il faut sauver cette filière ultramarine en développant le concept production-stockage de l’énergie radiative du soleil. Il faut optimiser les ressources naturelles de chaque région et soutenir les entreprises qui se sont déjà engagées en faveur des énergies renouvelables.

Dans le domaine de l’éducation, il reste encore des efforts à faire en matière d’équipements pédagogiques. À la Réunion, toutes les écoles ne sont pas logées à la même enseigne et l’on ne peut parler d’égalité des chances. L’équipement en matériel informatique et l’accès à internet devraient être généralisés. Un effort est également nécessaire dans le domaine de la formation, aussi bien pour les jeunes que pour les adultes. La Réunion compte plus 100 000 illettrés, et de nombreux jeunes sortent du système scolaire sans qualification.

Madame la ministre, vous avez annoncé un effort du Gouvernement avec un fonds agriculture-pêche de 20 millions d’euros. J’espère que cette enveloppe sera suffisante pour répondre aux besoins de tous les professionnels de ces secteurs sensibles. L’agriculture et la pêche ne sont pas des secteurs du passé ; ce sont des atouts majeurs pour notre avenir.

Concernant les personnes âgées, on ne peut ignorer la paupérisation de cette population qui s’accroît : faible retraite, baisse du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, on parle de personnes âgées qui refusent de se soigner par manque de moyens. C’est inacceptable.

Mme Huguette Bello. C’est la faute à Sarkozy !

M. René-Paul Victoria. Évitons à tout prix de créer une nouvelle forme d’exclusion.

Mes chers collègues, je voudrais sortir un peu du cadre du budget de l’outre-mer et exposer la situation des personnes handicapées, qui souffrent également de la montée du chômage. La diminution significative des crédits alloués à l’emploi des personnes handicapés dans les entreprises adaptées va entraîner la perte de 500 emplois aidés. Cinq cents postes représentent peu sur la masse des 3,9 millions de chômeurs en France, mais beaucoup pour l’ensemble des associations du secteur adapté. De même, la subvention spécifique baisse de 5 millions d’euros et entraînera une diminution de leurs actions. Madame la ministre, je compte sur vous pour convaincre votre collègue en charge du dossier de trouver une solution à ce problème.

Mme Huguette Bello. Moi, je ne compterais pas trop sur elle ! Elle a perdu tous ses arbitrages !

M. René-Paul Victoria. Le Gouvernement m’a confié une mission pour la mise en place du RSA en outre-mer. J’ai rendu deux rapports et présenté plusieurs propositions.

Lors de la séance des questions au gouvernement du 6 juin dernier, votre collègue Marc-Philippe Daubresse s’est engagé à le mettre en œuvre dans les DOM dès le 1er janvier 2011. Pourriez-vous me confirmer sa mise en place effective et ses modalités ainsi que les propositions retenues, leurs dates d’application et l’accord de collectivités concernées ? Enfin, pourriez-vous me préciser l’impact de cette mesure sur le pouvoir d’achat des travailleurs dits pauvres ?

Madame la ministre, je mesure les difficultés qui sont devant nous, je mesure les contraintes financières qui sont les vôtres, mais je forme le vœu que ce budget donne à nos territoires les moyens indispensables à un véritable rebond. Dans cette perspective, je vous assure de mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Madame la ministre, je me demande si je dois vous plaindre ou vous en vouloir, car je sais que ce n’est pas vous qui tirez toutes les ficelles de ce gouvernement.

Mme Huguette Bello. C’est Sarkozy qui tire les ficelles !

M. Éric Jalton. Toujours est-il que, ce soir, élégamment mais toute de noir vêtue, vous soumettez à notre délibération votre projet de mission « Outre-mer », traduisant un budget d’austérité, le Gouvernement manifestant clairement son désengagement financier outre-mer. Est-ce un signe ou un aveu ? Je ne sais.

Concrètement, avec 1 milliard d’euros de réduction pour les crédits de paiement et les autorisations d’engagement par rapport à l’exercice budgétaire de l’année 2010, l’effort financier pour les outre-mer est en net repli, c’est incontestable. Qui plus est, ce désengagement de l’État intervient pourtant dans un contexte guadeloupéen de crise financière, économique, sociale, voire sociétale, qui exigerait au contraire de privilégier l’investissement social, productif, environnemental – en deux mots, de soutenir l’emploi et les solidarités.

Oui, tous les Guadeloupéens sont prêts, madame la ministre, à faire des efforts de solidarité nationale. Ils le firent pour tenter de se libérer de la tyrannie des esclavagistes, notamment lors de la guerre de Guadeloupe, il y a plus de deux cents ans, afin de donner un vrai sens aux idéaux de la Révolution française, trahis par Napoléon Bonaparte.

Plus récemment, ils le firent à nouveau lorsque les jeunes dissidents antillais empruntèrent de frêles embarcations, traversant le canal de la Dominique pour rejoindre l’île de la Dominique et de là répondre à l’appel du général de Gaulle et sauver, comme ils disaient à l’époque, la mère patrie.

N’en déplaise au triste sieur Guerlain, l’effort guadeloupéen est une tradition endogène qui fit, quatre siècles durant, la fortune de bois d’ébène de Bordeaux, Nantes, La Rochelle, entre autres.

Mais aujourd’hui, ici et maintenant, l’effort de solidarité nationale que vous exigez des peuples et territoires d’outre-mer est, toutes proportions gardées, le double – cela a été brillamment démontré – de celui que vous réclamez aux populations et territoires de France continentale.

Drôle et singulière conception de la solidarité ! En fait, si je comprends bien ce gouvernement, c’est la solidarité des pauvres et des modestes au bénéfice des riches,…

Mme Christiane Taubira. Eh oui ! Les pauvres sont plus nombreux !

M. Éric Jalton. …la solidarité des territoires structurellement défavorisés au bénéfice des territoires nettement mieux lotis. Ce n’est pas ma conception de la solidarité.

Madame la ministre, on voudrait souffler sur les braises de la crise sociale de 2009 que l’on ne s’y prendrait pas autrement ! Le lot des promesses de l’État non tenues, après les accords post-crise de 2009, notamment l’accord Bino, après les états généraux, après la loi de développement économique des outre-mer, que vous avez portée, et autres conseils interministériels de l’outre-mer, a remis dans les rues, le 26 octobre 2010, plus de 15 000 Guadeloupéens, soit, la population guadeloupéenne comptant 450 000 habitants, davantage de monde en proportion et même en nombre que ce qu’a réuni la dernière manifestation contre la réforme des retraites à Paris et ses 5 millions d’habitants. Sans compter la foultitude qui ne défile pas, mais n’en pense pas moins, comme la Fédération des entreprises d’outre-mer dont on ne peut pas dire qu’elle compte en son sein de dangereux subversifs !

Votre budget, cela a été rappelé avant moi, est un budget punitif en matière de logement social, qui se traduira inéluctablement par le creusement des inégalités, lié à l’acharnement coupable de Bercy, encouragé par vos récents propos, peut-être malheureux, qui font du cumul de la LBU et de la défiscalisation une exception, alors que la demande de logement social – en Guadeloupe notamment – est dramatiquement insatisfaite.

Annoncer que le logement social est à l’abri du coup de rabot est une chose ; faciliter sa promotion par un réel fléchage de la LBU et de la défiscalisation en est une autre.

Madame la ministre, assurément, ce budget ne contribuera pas à la cohésion sociale républicaine dans les outre-mer que tout le monde appelle de ses vœux. Il ne contribuera pas à la mise en place de ce plan Marshall auquel, avec d’autres, nous appelons pour la jeunesse guadeloupéenne, et qui mettrait, notamment par l’emploi, nos jeunes en activité, avant qu’il ne soit trop tard, avant que le volcan de la jeunesse guadeloupéenne n’explose – ce qui arrivera tôt ou tard, vous le savez, si nous ne faisons pas ce qu’il faut faire.

Ce budget ne contribuera pas non plus à favoriser la continuité territoriale inter-îles par la création d’un groupement d’intérêt public Transport, pourtant explicitement prévu dans le cadre de la LODEOM et réclamé ardemment, vous le savez aussi, dans les îles du sud.

Ainsi, ce projet de mission confirme la vision d’une certaine classe politique nationale dans laquelle nos territoires ultramarins représentent uniquement des centres de coûts pour le budget de la nation. Je m’enorgueillis d’avoir entendu plusieurs orateurs tenir des propos contraires ; et ils ne sont pas forcément riches !

Votre rabot, véritable coup de coutelas, va désormais jusqu’au squelette du corps social, déboussolé, face à une jeunesse aux abois, frappée par un taux de chômage de 52 %. Leur taux de chômage de 9,10 % passe aux États-Unis pour un drame, une catastrophe, et l’on veut couper la tête d’Obama. En Guadeloupe, 52 % de la jeunesse est au chômage ; chez moi, à Grand-Camp, à Raizet, c’est 65 % des jeunes qui sont au chômage ; dans les îles du sud, notamment à Marie-Galante, ils sont 82 %... On veut que ces jeunes soient solidaires de la métropole où les taux de chômage sont infiniment moins élevés ; c’est un scandale !

Madame la ministre chargée de l’outre-mer, chère compatriote, chère amie…

M. Serge Letchimy. Gadé ! (Sourires.)

M. Éric Jalton. Oui, chère amie, je le dis publiquement, mais qui aime bien châtie bien ! (Sourires) Vous semblez, comme les bourgeois de Calais,…

M. Victorin Lurel. Ami avec les bourgeois de Calais ! (Sourires.)

M. Éric Jalton. …mains liées, résignée, accepter l’inacceptable, et ce contre tous vos compatriotes, de gauche comme de droite, comme Mme Louis-Carabin qui vous critique au moins pour ce coup de rabot, ce coup de coutelas contre la défiscalisation des investissements outre-mer.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. C’est vrai !

M. Éric Jalton. Dommage ! Vous avez pourtant l’intelligence – et de qui tenir ! – pour infléchir la démarche de ce gouvernement.

Mais l’histoire de la République retiendra, à l’heure crépusculaire de ce gouvernement, que ce fut sous l’égide de la première ministre des outre-mer endogène que ce budget préjudiciable, pour ne pas dire assassin, fut proposé à la représentation nationale. Madame la ministre, chère amie, je ne pourrai vous suivre dans une telle démarche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite limiter mon intervention à deux points : les questions statutaires et la défiscalisation.

Tout d’abord, je me félicite que nous soyons peut-être en train de sortir d’une très longue période pendant laquelle la vie politique de l’outre-mer a été dominée par le débat statutaire. Nous entrons peut-être aujourd’hui dans une période nouvelle, où les responsables publics, qu’ils soient nationaux ou locaux, pourront se consacrer pleinement à ce qui est l’essentiel, c’est-à-dire au développement économique, car c’est la création de richesses qui crée les emplois et finance la solidarité.

M. Alfred Marie-Jeanne. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Michel Diefenbacher. La Guyane et la Martinique ont fait le choix d’une marche vers la collectivité unique. C’est un choix qui se justifie et qu’il faut bien entendu respecter. La Réunion a quant à elle fait le choix contraire. Mayotte sera bientôt – enfin ! – un département français. Quant aux collectivités à statut particulier, les règles qui les régissent ont été progressivement adaptées à leurs spécificités.

Le panorama ne serait pas tout à fait complet si je ne disais un mot de la Guadeloupe, à laquelle je suis, comme vous, madame la ministre, profondément attaché. J’ai le sentiment qu’en Guadeloupe, on continue d’évoquer la perspective d’une évolution statutaire. Pourquoi pas ? Si elle se fait en Martinique, pourquoi ne se ferait-elle pas en Guadeloupe ? À ceci près qu’en Guadeloupe, la population s’est prononcée, sans ambiguïté, lors du référendum du 7 décembre 2003 : 73 % des Guadeloupéens ont clairement opté pour le statu quo.

D’où ma question, madame la ministre : dans la période difficile que connaît aujourd’hui la Guadeloupe, avec les tensions sociales qui menacent à tout instant de renaître, le moment n’est-il pas venu de dire clairement que, si nous sommes ouverts à toutes les possibilités, nous voulons aussi écouter la voix du peuple, qui a exprimé cette demande de statu quo il y a maintenant sept ans ?

M. Victorin Lurel. Très bien ! Il faut le dire à la ministre !

M. Michel Diefenbacher. En ce qui concerne la défiscalisation, nous constatons tous, en métropole comme en outre-mer, qu’elle n’a pas très bonne presse actuellement. Il est évident – mais cela concerne beaucoup plus la métropole que l’outre-mer – que la dépense fiscale a, au cours des dernières années, creusé le déficit budgétaire de l’État. De fait, elle est plus difficile à maîtriser que la dépense budgétaire, pour la simple raison qu’elle n’est pas plafonnée, qu’il n’est pas possible de suivre son évolution tout au long de l’exercice et que c’est seulement en fin de parcours, ex post, que le coût qu’elle a représenté pour les finances publiques peut être constaté.

Pourtant, je continue de penser que la défiscalisation est un outil indispensable au développement économique de l’outre-mer. Les coûts de production y sont en effet structurellement, fatalement plus élevés que dans l’ensemble de l’environnement international. Par conséquent, si nous ne trouvons pas les moyens pour alléger ces coûts, les économies locales auront les pires difficultés à être compétitives.

Il faut donc maintenir la défiscalisation mais il convient en même temps d’éviter les dérapages, c’est-à-dire, à mon sens, de mettre en place deux dispositifs majeurs. En premier lieu, la défiscalisation doit aller en priorité à l’économie réelle. Le pire danger qui puisse menacer le système de défiscalisation, c’est que les dispositifs financiers que nous créerions ne servent pas au développement économique de nos départements d’outre-mer. Par conséquent, la défiscalisation doit aller en priorité vers le secteur productif, le tourisme et, à mon avis, le logement social.

Je suis un peu surpris de la polémique qui semble se développer actuellement sur la LBU et la défiscalisation en matière de logement social. Il est clair que la LBU est sanctuarisée (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

M. Victorin Lurel. Les mots ont un sens, tout de même !

Mme Christiane Taubira. Elle est tellement sanctuarisée qu’elle en est inaccessible !

M. Michel Diefenbacher. …qu’elle est le socle du financement de la politique du logement social et que, dans ces conditions, la défiscalisation en est finalement un prolongement. J’ai bien compris que des difficultés de coordination existaient. Sincèrement, ce sont des difficultés d’ordre technique et je ne doute pas que nous parviendrons à une solution.

Mme Huguette Bello. Scandaleux !

M. Victorin Lurel. Vous auriez dû la sacraliser au lieu de la sanctuariser !

M. Michel Diefenbacher. La seconde condition pour que le système fonctionne, c’est que le montant de la défiscalisation soit plafonné et que des dispositifs de suivi tout au long de l’exercice soient mis en place afin que nous connaissions très précisément son impact sur les finances publiques.

Madame la ministre, je souhaite conclure en vous prodiguant tous mes encouragements et en vous témoignant mon soutien pour votre action au service de l’outre-mer, cet outre-mer que nous aimons et dont la France a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Huguette Bello. Arrêtez de dire que vous l’aimez !

Mme Christiane Taubira. On n’a que faire de votre amour, on exige du droit !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Victorin Lurel. Monsieur Letchimy, soyez tendre ! (Sourires.)

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, c’est un rituel éprouvant, quelquefois frustrant. Il faut y participer avec des arguments qui ne soient pas répétitifs, mais l’exercice démocratique exige que l’on puisse débattre très clairement.

Madame la ministre, ne voyez surtout pas dans mes propos un sentiment de suspicion. Vous êtes une ministre de la République et, à ce titre, nous avons tous deux exigence de débat contradictoire.

M. Victorin Lurel. Voilà !

M. Serge Letchimy. Je veux ôter quelques doutes sur beaucoup d’entre nous.

Tout d’abord, on ne peut pas douter de la volonté de participation des pays, des départements et des régions d’outre-mer à la réduction du déficit public.

Deuxièmement, on ne peut pas affirmer décemment que ces collectivités sont campées dans un doudouisme budgétaire de complaisance.

Troisièmement, je suis d’accord avec Claude Bartolone pour estimer qu’il va falloir analyser dans le détail la question de la défiscalisation, mais, dans l’immédiat, qui peut dire que celle-ci n’a aucune retombée sur le plan des investissements, de la création d’activité et d’emplois ? Pour ma part, je crois qu’elle en a une. Cela étant, après ce que j’ai entendu, je ne pense pas qu’il faille la défendre bec et ongles ; il faut certainement lui substituer d’autres dispositifs dans certains cas, notamment dans le domaine du logement social.

Je voudrais élargir le débat. M. Folliot m’en a donné l’occasion lorsqu’il a parlé de « métropolocentrisme », car la France se doit en effet de respecter ses différences. Au-delà même des chiffres, le danger est là. Il vient de certaines personnes qui participent au quotidien d’une névrose nationale collective et qui font croire que l’outre-mer coûte cher et n’apporte rien ; et de ceux qui publiquement, impunément, sans aucune réaction de la part de l’État ni autosaisine judiciaire, cautionnent l’élan raciste de certains : je pense aux propos de Guerlain, qui reflètent malheureusement l’une des réalités larvées de notre nation, réalité qui n’est pas sans conséquence pour tous les hommes et les femmes de couleur de cette nation, y compris ceux de l’outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Très juste !

M. Serge Letchimy. Il ne faut pas minimiser cet épisode car il participe malheureusement d’une culture de la stigmatisation, y compris budgétaire.

Et puis il y a ceux qui font des comptes d’apothicaire avec l’outre-mer en oubliant l’histoire et les exploitations, ceux qui ignorent à la fois nos apports écologiques, géostratégiques et, surtout, écosystémiques, au moment où, qu’on le veuille ou non, l’or vert de demain pèsera lourd à l’avenir. Il y a aussi ceux qui, délibérément, suscitent de la névrose vis-à-vis de l’outre-mer, espérant que cette névrose s’instaure pour que la démagogie soit l’inspiration divine du quotidien d’une République repliée sur elle-même. Il nous faut lutter ensemble contre tous ceux-là, et c’est fondamental.

Mes chers collègues, après avoir levé les doutes et planté le décor, je me dois de vous dire que ce budget est en récession puisqu’il l’est. Le chiffre de la baisse varie entre l’analyse du Gouvernement et celle de l’opposition, mais il y a une récession. De même, je me dois de vous dire, puisque c’est la vérité, que les pertes financières vont se situer entre 300 millions et 500 millions d’euros, et que, lorsqu’on prend en compte ce que nous avons perdu au titre de la LODEOM, la récession avoisine les 500 millions d’euros.

Le rabotage des niches fiscales va nous mettre dans une situation difficile. Comme nous souhaitons participer, nous aussi, à la réduction des déficits publics, on peut se demander si nous ne sommes pas doublement pénalisés. N’est-ce pas le cas avec ce rabotage et la réduction de votre budget, madame la ministre ? En effet, cette diminution de dépenses va atteindre l’investissement productif, même si vous essayez d’en limiter les retombées sur ceux qui bénéficient du système de rachat d’électricité ou de la défiscalisation.

S’agissant des énergies renouvelables, il faut reconnaître qu’il y a une bulle spéculative, mais la suppression de la défiscalisation et la réduction du crédit d’impôt vont créer une situation difficile. Comme les dépenses fiscales s’élèvent à 3,2 milliards d’euros et que le budget est autour de 2 milliards d’euros, vous concevez aisément qu’à partir du moment où l’on touche à la dépense fiscale, cela a mécaniquement sur l’outre-mer des conséquences extrêmement importantes.

J’ai noté avec intérêt plusieurs points, et il faut tout de même vous remercier car vous affichez votre volonté d’essayer de sauver certains dispositifs, notamment le maintien des avantages fiscaux rétrocédés et de la défiscalisation sur le logement social, j’y reviendrai. Je le dis avec d’autant plus de lucidité que, pour moi, l’essentiel se trouve non pas dans les chiffres, mais dans les choix politiques : multiplication des textes, changements de cap, décalage de mise en œuvre d’une année à l’autre et, durant cette période – M. Lurel l’a parfaitement montré –, des gels financiers locaux.

Toutefois il y a aussi des choix budgétaires.

Pour le logement social, l’apport en défiscalisations coûte beaucoup plus cher que l’apport en contributions. De plus, depuis la loi DALO, le droit au logement étant un droit imprescriptible et inaliénable, ces logements devraient être financés par le budget de l’État et non pas par la défiscalisation. C’est un détournement…

M. Victorin Lurel. Très juste !

M. Serge Letchimy. …que nous avons clairement dénoncé lors du débat sur la LODEOM. Il est très important de revenir là-dessus.

Ensuite il y a des choix de développement.

Nous avons une économie externalisée, avec peu d’investissements endogènes pouvant permettre de créer de l’activité et de bien répartir les richesses. Certes, nous appartenons à une Europe libérale, mais il va falloir protéger la production locale. Nous ne pouvons pas continuer avec seulement 10 % de la production locale consommée dans l’Hexagone. Ce n’est pas normal. Les mécanismes de protection ont montré leurs limites. C’est une vérité cruelle. Nous devons donc sortir des solutions classiques, repenser les fondements de cette économie pour éviter le désordre social, et nous inscrire dans un New Deal économique local.

À cet égard, je pense au fonds d’investissement de proximité évoqué par Victorin Lurel, et à la nécessité de s’attaquer à tous les surcoûts causés par les prédateurs et les profiteurs. Il existe aussi de très grands projets structurants qui seraient capables de driver notre économie dans le sens du développement et de la modernité.

Quant à la coopération économique, il faut l’élargir, car comment voulez-vous que la Martinique puisse survivre dans la situation actuelle ? Je rappelle que nous sommes à deux heures du Brésil, un marché extrêmement important de 180 millions d’habitants, mais que nous voyons seulement passer leurs marchandises, qui vont à Bordeaux avant de revenir chez nous, notamment tout ce qui se rapporte aux tuyauteries. Cela n’a plus de sens, et vous devez vous attaquer à ce genre de problèmes. Si vous vous y attelez, je vous soutiendrai, mais je veillerai avec beaucoup de vigilance à ce que vous soyez obligée de changer de braquet et de système.

Nous avons aujourd’hui deux grands sujets de débat. Le premier, c’est le logement social.

Madame la ministre, j’ai voté contre le dispositif proposé. Certes, mon amendement sur la sacralisation de la LBU, après une discussion d’une durée de trente à quarante minutes, a été voté, mais cela ne marche pas. Je vous donne les chiffres pour la Martinique : les logements livrés en 2008 étaient au nombre de 256 ; avec la LBU, les logements livrés, LLS et LLTS – logements locatifs sociaux et sociaux – ont atteint 1 700 ; mais il y a eu 321 logements livrés en 2009, 664 programmés en 2010 et 130 seulement livrés en septembre 2010. Conclusion : cela ne marche pas, mais ce n’est pas de votre responsabilité directe et totale.

M. Victorin Lurel. Toujours la même Bérézina !

M. Serge Letchimy. Nous devons être clairs avec nous-mêmes : c’est d’abord nous qui n’avons pas su mener une politique foncière de qualité, dynamique et, surtout, puissante. Cependant c’est aussi le résultat de ce mélange entre la LBU et la défiscalisation, et surtout du télescopage entre administrations, notamment entre Bercy, votre ministère et les administrations locales. Ce télescopage a conduit à l’absence de mécanisme suffisamment performant pour relancer la machine.

M. Éric Jalton. Scandaleux !

M. Serge Letchimy. Lorsqu’on sait l’importance de la LBU et du financement social, on est sûr d’aller vers des difficultés.

M. Jean-Claude Fruteau. On l’avait dit, madame la ministre !

M. Serge Letchimy. Les seuls logements sociaux sortis de terre sont des logements en VEFA, avec un déplafonnement à 2 200 euros par mètre carré acheté. Ce n’est pas avec ce type de financement que nous arriverons à livrer des logements sociaux au loyer-plafond LLS et encore moins LLTS.

L’administration locale explique que la LBU est l’exception, et la défiscalisation, la normale, mais cela va dans le sens contraire de ce que vous-même avez déclaré, madame la ministre, et de ce que nous avons voté dans cet hémicycle.

Le second sujet, c’est le photovoltaïque.

Bien entendu, il fallait conserver la défiscalisation pour les fermes photovoltaïques, profiter de cette dynamique qui nous permettrait de sortir de la dépendance en énergies fossiles ; celle-ci atteint 98 % en Martinique puisque notre consommation énergétique ne provient que pour 2 % des énergies renouvelables. Bien entendu, il fallait absolument réglementer pour que les terres agricoles ne soient pas dilapidées ; 700 hectares sont touchés, 250 hectares sont déjà consacrés à cette activité, une douzaine de permis ont été délivrés, et, surtout, une réduction de 1 000 hectares de terres par an en surface agricole utile, dans un pays qui a besoin de relancer sa production locale. En la matière une erreur grave a été commise ! Monsieur Bartolone, vous avez eu le courage de le dire : le Gouvernement n’a pas pris ses responsabilités ; il n’a pas limité la défiscalisation par watt installé pour éviter la spéculation et la bulle.

Qu’en est-il du moratoire ? Alfred Almont a demandé un moratoire sur l’application de l’amendement sur le photovoltaïque présenté par le ministre du budget et voté en première partie du projet de loi de finances.

Mme Christiane Taubira. Oui, il faut un moratoire !

M. Serge Letchimy. Certes, il va y avoir une commission, mais il serait intéressant que la ministre s’engage vraiment sur la tenue d’un moratoire, qui serait appliqué jusqu’au collectif budgétaire de juin. Nous pourrions ainsi, tout en interdisant l’utilisation de plus de terres agricoles, créer une dynamique financière qui permettrait aux collectivités locales de bénéficier d’un investissement en retour et de gagner de l’argent tout en répondant à la nécessité impérieuse de modifier le champ de production énergétique du pays.

Madame la ministre, pour conclure, je vous pose deux questions.

Nous, Martiniquais, avons opté, le 24 janvier, pour une collectivité unique. J’ai proposé la mise en place d’une commission tripartite parce je considère qu’il va falloir mener avec vous et le conseil général une négociation extrêmement précise et qui prendra du temps. Il ne faut pas faire une mutation institutionnelle qui soit plombée d’avance. En outre, je rappelle qu’a été voté notre amendement proposant que le Parlement fasse un rapport sur la situation des collectivités locales – communes, départements et régions – qui ont assumé le mal développement de la Martinique pendant très longtemps. Qu’en est-il ?

Alfred Almont et Didier Quentin ont invoqué Césaire et Bernanos – c’est toujours bienvenu – et ont parlé d’espérance. Pour ma part, en raison de la lucidité que nous imposent les circonstances, j’invite ce gouvernement à percer l’écran de la naïveté pour mieux déboucher sur l’avenir et l’action concrète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis. On se retrouve sur la naïveté, monsieur Letchimy ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Apeleto Albert Likuvalu.

M. Victorin Lurel. Ah ! La douceur wallisienne ! (Sourires.)

M. Apeleto Albert Likuvalu. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, après tous ces discours, il m’est vraiment difficile d’en dire plus sur le sujet, mais je vais essayer tout de même.

Madame la ministre, quand les îles Wallis-et-Futuna sont devenues territoires français d’outre-mer, en 1961, elles ont fait un choix très important, un choix basé sur l’espoir d’un avenir meilleur. Auparavant, nous étions un protectorat, mais au fond nous étions livrés à nous-mêmes.

Or aujourd’hui, quel constat peut-on faire, en particulier en matière budgétaire ? Je partage celui dressé par les orateurs précédents.

Cela est triste, décevant, inquiétant pour les outre-mer, car nul n’ignore que les crédits baisseront de 2,27 % en 2011, c’est-à-dire de 1,977 milliard d’euros.

Or toutes ces mesures d’économie éveillent les plus grandes craintes quant à leur impact préjudiciable sur le développement économique et social de nos territoires, surtout les plus petits comme Wallis-et-Futuna.

De plus, le Gouvernement n’a pas donné suite à la motion du 22 octobre dernier, signée par l’ensemble des parlementaires d’outre-mer, gauche et droite confondues, qui sollicitait la redéfinition des mesures prévues dans le texte en tenant compte davantage des contraintes socio-économiques des territoires, ainsi qu’un moratoire dans la mise en œuvre des mesures restrictives du présent texte, déjà évoqué par Serge Letchimy.

Madame la ministre, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale comment il vous est possible d’avoir toute votre capacité d’intervention et de respecter les engagements du CIOM du 6 novembre 2009 avec moins de crédits ?

Le ministre du budget, M. Baroin, indiquait en septembre dernier exclure de toucher les niches fiscales relatives à l’outre-mer, estimant à juste titre que « la remise en cause de la défiscalisation en outre-mer serait un désastre économique pour les territoires ». Il a également assuré à cette occasion que « les engagements pris vis-à-vis de l’outre-mer ne seront pas remis en cause ». Madame la ministre, était-ce un simple effet d’annonce de votre collègue ?

Vous indiquez évaluer l’effort budgétaire global de l’État pour l’outre-mer à 13 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour 2011 contre 13,1 milliards en 2010, et 12,7 milliards en crédits de paiement pour 2011 contre 13 milliards en 2010. Ces baisses impactent la politique transversale de l’État, qui vise tant à favoriser le développement économique et à créer des emplois qu’à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.

Pour illustrer mon propos, je vais citer un certain nombre de programmes affectés par une réduction plus ou moins significative de leur budget.

D’abord, l’enveloppe budgétaire consacrée à la continuité territoriale est de 51,6 millions d’euros en 2011 contre 54,5 millions en 2010 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Outre le retard pris dans la publication des décrets d’application de la LODEOM, la continuité territoriale est doublement pénalisée par cette diminution, en particulier les îles très éloignées comme Wallis-et-Futuna.

Dans le programme 138 « Emploi outre-mer », la hausse des fonds alloués à l’action n° 2 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » se fait au détriment de l’action n° 1 « Soutien aux entreprises ». Cette tendance impacte l’aide au fret qui s’élève à 25 millions d’euros en 2011 contre 27 millions d’euros en 2010.

Dans le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », l’action n° 8 « Fonds exceptionnel d’investissement » passe de 40 millions en 2010 à seulement 10 millions d’euros en 2011. Cela ne représente que 1,2 % du budget.

Cette réduction est pour le moins étonnante, d’autant que ce fonds doit financer certains projets comme la promotion du développement durable et des énergies renouvelables, la prévention des risques naturels – rappelons que l’île de Futuna a subi les effets du récent cyclone Thomas –, l’accélération du désenclavement des territoires ultramarins ou le rattrapage des retards en matière d’équipements publics de proximité, en particulier dans les domaines sanitaires et scolaires.

Dans le programme 123, l’action 9 « Appui à l’accès aux financements bancaires » baisse de 48 millions d’euros en 2010 à 30 millions en 2011.

Le rapport d’information n° 2828 de nos collègues Claude Bartolone et Gaël Yanno, que je félicite, sur la mise en application de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, signale que les mesures inscrites dans le texte de la LODEOM pour soutenir le pouvoir d’achat, permettant de réglementer les prix des produits de première nécessité, ne sont pas utilisées par le Gouvernement.

Un constat similaire est dressé au sujet de l’aide au fret.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment s’articule le projet de loi de finances pour 2011 par rapport aux décrets manquants de la LODEOM ?

Si vous permettez, madame la ministre, je vous renouvelle l’invitation à venir rendre visite à notre territoire. Ainsi, vous verrez mieux les réalités de notre collectivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Madame la ministre, à l’examen attentif de votre budget, en vous écoutant et en vous lisant, nous sentons bien que vous êtes vous-même loin d’être satisfaite. Sans être cartomancien ou chiromancien, je le sens. Vous faites contre mauvaise fortune bon cœur, solidarité gouvernementale oblige. Vous êtes en réalité plus victime que coupable de la politique d’austérité et de restrictions budgétaires imposée par le Gouvernement auquel vous appartenez.

À la vérité, madame la ministre, je ne mets pas en doute votre bonne volonté d’aider, d’accompagner même les outre-mer, de les doter des moyens leur permettant d’assurer et d’assumer, dirais-je, leur développement. Aussi, me garderai-je d’égrener des chiffres pour étayer et pour argumenter tant il est aisé de démontrer, après analyse de votre projet de budget, que celui-ci est certainement le plus pénalisant et, je me permets de le souligner, le plus mauvais depuis près d’une décennie pour nos économies.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que votre budget ne va pas marquer les esprits.

Tous les secteurs dynamisant de nos territoires ont été victimes de cette politique d’austérité. Toutes les mesures qui y sont contenues sont inefficaces voire préjudiciables, à l’exception de quelques-unes, sans impact significatif sur la vie des habitants de nos territoires. Sans vouloir répéter les propos des collègues qui m’ont précédé, je citerai quelques exemples.

Prenons le logement. Les crédits de paiement de la LBU sont en diminution. L’objectif affiché est la suppression, à terme, de cette LBU. Vous ne l’avez pas caché, madame la ministre, et il va falloir nous donner quelques explications. Dans une circulaire du 1er juin dernier, vous écriviez : « Sauf cas particulier, le recours à la défiscalisation doit conduire à une modération de la subvention, voire à une absence totale de subvention ». C.Q.F.D.

Après Serge Letchimy, j’évoquerai la situation du logement social en Martinique. Quand on voit que seulement 250 logements ont été construits en 2008 et 340 en 2009, alors qu’il faudrait en construire plus de 2 000 par an pour satisfaire tous les besoins de la population, on a lieu d’être perplexe quant aux mesures prises.

Par ailleurs, les aides pour l’accession à la propriété et celles pour l’amélioration de l’habitat privé sont aussi en nette diminution. Comment maintenir, dans ces conditions, l’offre qualitative et quantitative de logements ?

Sur la continuité territoriale, les fonds diminuent de 4 millions et la réforme décidée par la LODEOM n’est toujours pas en vigueur. Nous l’attendons toujours.

Autre exemple, cité par tous les orateurs : la défiscalisation est remise en cause. Ce coup de rabot porté à la défiscalisation outre-mer anéantit les bonnes intentions de la LODEOM, dite loi Girardin.

Presque toutes les mesures prises remettront en cause les dispositifs spécifiques de soutien à nos économies. Pourtant, madame la ministre, la situation économique et sociale de nos territoires n’est pas des plus reluisante.

L’INSEE vient de publier les comptes économiques de la Martinique pour 2009, qui confirment la récession de notre économie. Le principal indicateur de tendance de la profession du BTP est la vente de ciment. Fin septembre 2010, celle-ci est en baisse de 25 % par rapport à la même période de 2008, même si l’on constate une légère hausse de 1,4 % par rapport à 2009.

On assiste à une chute brutale de l’activité due essentiellement à l’effondrement de l’investissement. Malgré tout, madame la ministre, face à une reprise économique fragile, vous faites le pari de la rigueur.

Victorin Lurel l’a rappelé, nous sommes très loin des promesses du Président de la République qui, dans son discours du 12 juillet 2006, lors de la convention de l’UMP sur l’outre-mer, disait : « La défiscalisation est en réalité un outil de développement pour les économies sous-capitalisées et spontanément peu attractives pour des investisseurs. Des engagements ont été pris par l’État sur quinze ans. Ils doivent être respectés. »

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Là je suis d’accord !

M. Louis-Joseph Manscour. À présent, nous savons ce que valent les engagements du Président de la République.

M. Victorin Lurel. Ils n’engagent que ceux qui y croient !

M. Louis-Joseph Manscour. Ce coup de rabot du menuisier de Bercy est en contradiction avec la loi Girardin, puisque l’ensemble des activités considérées comme prioritaires – agroalimentaire, tourisme, énergies renouvelables, logement libre et intermédiaire – est touché.

Dernier exemple : après le gel annoncé des dotations aux collectivités, ce sont maintenant les crédits pour l’investissement des collectivités locales qui sont touchés outre-mer.

À l’analyse des chiffres, en additionnant les plus et les moins, je note que la mise en œuvre de la politique gouvernementale en outre-mer – LODEOM et CIOM réunis – se traduit par une baisse des crédits deux fois plus importante que pour le reste des dépenses de l’État, et qui s’effectue au détriment de l’emploi et du logement.

Ce ne sont pas les quelques actions symboliques qui pourront faire oublier la grande déception de tous ceux qui, comme moi, nourrissaient l’espoir qu’une ultramarine aux responsabilités favoriserait le développement endogène que nous appelons de nos vœux pour nos territoires.

Avant de terminer, je tiens à préciser que nous ne voulons pas tirer avantage du fait qu’une ultramarine occupe le ministère de la rue Oudinot. Nous ne sommes pas des quémandeurs, nous sommes pour l’égalité républicaine.

M. Éric Jalton et M. Serge Letchimy. Très bien !

M. Louis-Joseph Manscour. Au nom de ce principe fondamental, nous souhaitons avoir notre dû.

Néanmoins il faut que vous teniez compte de la situation économique et sociale dramatique dans laquelle se trouvent les outre-mer : trois fois plus de chômeurs et de faillites d’entreprises qu’en métropole ; un taux de réussite au bac très inférieur ; un taux de chômage des jeunes très inquiétant ; des zones d’éducation prioritaires qui augmentent d’une manière extrêmement préoccupante ; une prévalence des cancers plus élevée.

Tous les clignotants sont au rouge ; je pourrais égrener les chiffres. Telle est la réalité des outre-mer.

Si nous considérons qu’il est nécessaire de participer à l’effort de redressement national, nous pensons que cet effort doit être proportionnel à la capacité contributive de chaque population. C’est ce que je souhaite vraiment pour l’outre-mer, singulièrement pour notre pays martiniquais.

Je ne veux pas être entièrement négatif, car quelques mesures me semblent aller dans le bon sens.

M. Didier Quentin, rapporteur spécial. Très bien !

M. Louis-Joseph Manscour. Je sais faire preuve d’honnêteté intellectuelle ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Quelques mesures me semblent donc aller dans le bon sens.

C’est le cas de l’augmentation des crédits alloués au SMA, qui effectue un travail formidable aux Antilles, en particulier en Martinique, où 80 % des jeunes ayant suivi une formation au SMA trouvent un emploi, ou encore de la hausse des crédits en faveur de LADOM – anciennement ANT –, qui favorise l’insertion des jeunes domiens. Cependant, force est de constater que ces mesures ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan d’austérité où le Gouvernement plonge nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la ministre, votre budget baisse de 2,3 % : il ne souffre donc pas de commentaire particulier.

M. Victorin Lurel. Pas la peine de perdre son temps !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Depuis des mois, vous annonciez que l’outre-mer doit participer à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Votre objectif est donc bien de laisser réduire, voire de supprimer les dispositifs jusque-là avantageux pour l’outre-mer. Vous laissez donc appliquer implacablement à des régions françaises en grande difficulté une politique qui sacrifie leur développement, leur économie. Il est regrettable que la donne budgétaire et législative pour l’outre-mer soit encore et constamment modifiée.

Cette fois, je n’opposerai pas la LOPOM à la LODEOM, mais je ne peux que constater que, à la logique de construction, succède la logique de casse économique et sociale. La LODEOM elle-même, votée après la crise de 2009, est contredite par ce projet de loi de finances, avec la suppression de la défiscalisation sur le photovoltaïque outre-mer, pourtant considéré comme un secteur prioritaire par le comité interministériel de novembre 2009 et la baisse de 22 millions d’euros des crédits de paiement pour la ligne budgétaire unique, socle du logement social.

M. Patrick Lebreton. Absolument !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Vous nous l’avez affirmé avec conviction, « ce qu’une loi fait aujourd’hui, demain une autre peut le défaire ». Cependant doit-elle le faire au détriment d’une économie déjà exsangue ?

M. Victorin Lurel. Bravo !

M. Patrick Lebreton. On ne peut qu’être d’accord !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Une législation qui ne cesse d’être modifiée alors qu’elle n’a pas produit son plein effet, alors que les décrets d’application ne sont pas pris ou le sont tardivement, devient dommageable pour le développement des régions ultramarines.

M. Patrick Lebreton. L’UMP n’applaudit plus ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Une législation qui ne cesse d’être modifiée, dans un contexte de crise économique difficile, n’est pas au service de nos compatriotes et vient nourrir l’instabilité sociale.

Peu importe, direz-vous, que la loi ne soit pas juste, pourvu qu’elle atteigne ses buts. Madame la ministre, si une loi doit avoir un contenu symbolique fort, elle ne doit nullement sacrifier les aspects pratiques et les effets réels, qui permettent à une politique d’être véritablement au service du citoyen, au service des régions les plus en difficulté.

L’outre-mer paiera un bien lourd tribut, alors que, à lui seul, le bouclier fiscal fait perdre près de 680 millions d’euros à l’État. Ce dispositif a beau être légal, il est inéquitable : il coûte à la nation bien plus qu’il ne lui rapporte ; il n’est nullement un levier de développement, comme le sont les avantages fiscaux outre-mer.

M. Victorin Lurel et M. Patrick Lebreton. Très bien !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. On serait tenté de penser que les 340 millions d’euros économisés grâce à la participation des DOM-TOM à l’effort de solidarité – 110 millions pour l’investissement productif et 230 millions pour le photovoltaïque –, combleront très certainement cet endettement, sans pour autant être réinjectés dans l’économie ultramarine.

Les économies de l’outre-mer n’échappent pas à la réalité de leur fragilité avec un taux de chômage trois fois supérieur à celui de la métropole, un chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans qui atteint 59 % contre 19,6 % dans l’hexagone.

M. Éric Jalton. Et 65 % dans ma circonscription !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Vous entendez ? 65% dans la circonscription de mon collègue.

M. Éric Jalton. Et on nous demande « des efforts de solidarité » ! De qui se moque-t-on ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. La Guadeloupe non plus n’échappe nullement à la réalité de la baisse de 6,3 % de son PIB en raison de l’arrêt des deux moteurs historiques de la croissance de l’archipel : l’investissement qui chute de 12,2 % et la consommation des ménages qui se replie de 3,3 %. L’activité du BTP reste atone, les chefs des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises sont inquiets de l’avenir incertain.

C’est bien la première fois que, en dépit de ces difficultés, les parlementaires que nous sommes n’ont pu obtenir par votre entremise, madame la ministre, un entretien avec le Premier ministre ou avec le Président de la République, pour plaider les intérêts de nos populations. C’est donc avec vous que la politique du coup de rabot…

M. Victorin Lurel. De hache !

M. Éric Jalton. De sabre !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. …voulue par le Gouvernement prend toute sa dimension. Je suis déçue.

Je profite de cette tribune pour remercier le ministre du budget François Baroin, et tout particulièrement nos collègues Michel Diefenbacher et Hervé Mariton qui, au-delà des clivages politiques, ont su entendre l’inquiétude des élus ultramarins. Lors de la discussion de l’article 13 du projet de loi de finances pour 2011, nous avons pu obtenir du Gouvernement qu’une commission composée d’élus et de représentants de l’administration puisse évaluer l’impact de la suppression des aides à l’investissement sur les installations photovoltaïques. Cette décision a justifié mon vote favorable de la première partie du PLF 2011. Toutefois, je rejoins nos collègues Letchimy et Almont, qui demandent un moratoire. Serait-il possible de l’obtenir ce soir, madame la ministre ?

Mme Christiane Taubira. Non !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je veux aussi vous rappeler que, dans mon département, la ligne budgétaire unique et la défiscalisation pour le financement du logement social ne produisent pas encore les effets escomptés. Les opérateurs et les bailleurs sociaux sont en attente d’une réponse favorable de l’État. Quelles décisions concrètes entendez-vous prendre afin que les dossiers connaissent une pleine réalisation ?

Alors que le décret d’application relatif à la continuité territoriale issue de la LODEOM n’est pas encore publié, il est appliqué de manière anticipée, sans attendre l’avis de la Commission européenne, pénalisant l’avenir de jeunes motivés et désireux de profiter pleinement des occasions qui s’offrent à eux. Pourriez-vous préciser quand sera publié le décret, afin que nous ayons une plus grande visibilité en ce qui concerne le passeport-mobilité, en particulier son volet « étudiants » ?

Avant de terminer, je voudrais vous sensibiliser, madame la ministre, aux actes de violence qui persistent depuis le mois de septembre sur le campus de Fouillole : onze faits délictueux dont deux agressions à l’arme blanche. La semaine dernière encore, des individus cagoulés pénétraient dans l’amphithéâtre pour y dérober des ordinateurs et autres objets.

M. Éric Jalton. Et c’est chez moi, dans ma circonscription ! Décidément, j’ai le jackpot !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je sollicite donc votre appui : en votre qualité de ministre de l’outre-mer, pourriez-vous intercéder auprès de votre collègue ministre de l’enseignement supérieur, Mme Valérie Pécresse, pour que des moyens financiers supplémentaires soient mis à la disposition de l’université Antilles-Guyane afin de clôturer ce site de trois hectares implanté dans un quartier ultrasensible et à risques ?

Madame la ministre, c’est bien dommage, mais je suis déçue.

Mme Christiane Taubira. Nous aussi !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Depuis quelques années, nous subissons systémaatiquement les contrecoups des changements de cap. Les ultramarins attendaient de votre part un engagement fort, sans limites, à leurs côtés, pour défendre leurs intérêts bien légitimes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion des crédits alloués à la mission « Outre-mer » s’ouvre cette année dans un contexte de désagrégation économique et sociale, amplifiée par l’absence de toute ambition politique en faveur de l’outre-mer.

Il n’y a pas si longtemps, la ministre de l’outre-mer nous affirmait que, compte tenu de la capacité d’engagement financier de son ministère, des mesures positives de la LODEOM et du SIOM, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. À cette affirmation, je dois aujourd’hui rétorquer, en citant Sénèque : « Celui qui n’empêche pas un crime alors qu’il le pourrait, s’en rend complice. »

Cependant peut-être le ministère chargé de l’outre-mer n’est-il finalement devenu qu’un instrument du Gouvernement pour faire transiter des réformes conduites sans évaluation de l’existant, sans concertation, dans la précipitation, et aux antipodes des réalités de nos départements, régions et collectivités.

Madame la ministre, en outre-mer, nous avons en héritage une tradition orale fondée sur le dialogue et le respect de la parole donnée. Les rares fois où vous avez pratiqué une politique constructive d’échange avec les parlementaires ultramarins, comme nous l’avons fait avec vos prédécesseurs rue Oudinot, nous avons toujours su répondre présents. Si vous nous aviez interrogés, nous aurions pu vous alerter en vous invitant à prendre le pouls de nos réalités au lieu de vous engager dans une bataille de chiffres inféconde pour nos territoires. Nous vous aurions suggéré de développer une politique d’accompagnement, et non une politique agressive de rabotage.

Contrairement aux idées reçues, en outre-mer, nous n’avons jamais refusé de participer à l’effort collectif de maîtrise budgétaire. Les nombreux rapports qui vous ont été adressés par les acteurs locaux pourraient vous inspirer pour ajuster, à périmètre constant, votre budget.

Je veux parler du rapport des cinq ARMOS, les associations régionales des maîtres d’ouvrage sociaux de l’outre-mer, sur l’avenir du logement social dans leurs régions. Il considère que l’introduction de la défiscalisation dans le logement social ne constitue qu’une réponse partielle et confirme que la LBU doit rester le socle fondamental du financement du logement social.

Je veux aussi parler de la motion des CCI des Antilles-Guyane, partagée d’ailleurs par le MEDEF et la CGPME, qui considère que l’instabilité des dispositifs successifs mis en œuvre pour l’outre-mer n’offre pas aux investisseurs les conditions de confiance suffisantes pouvant justifier leur engagement d’investissement dans nos territoires.

Je veux enfin citer le rapport d’application de la LODEOM qui constate que, dix-sept mois après sa promulgation, un tiers des actes d’application de la loi n’avaient pas encore été pris. Il est vrai que, outre les états généraux, il y a eu, en 2009 et 2010, quelques intermèdes électoraux.

En ce qui concerne, précisément, la mise en œuvre des propositions du Président de la République issues du CIOM du 6 novembre 2009, en ma qualité de membre du comité de suivi des états généraux en Guadeloupe, je m’inscris en faux contre le premier bilan présenté au début de juillet 2010.

Madame la ministre, votre budget est un acte d’amplification de crise et non, comme il devrait l’être, un acte politique majeur favorable au retour de la confiance. Cette fois, ce n’est pas, comme on le dit souvent, le climat social qui est à l’origine de l’absence de signes de reprise économique. La dernière livraison de l’IEDOM sur le climat des affaires en Guadeloupe confirme que l’instabilité des dispositifs et les revirements contribuent à alimenter les éléments constitutifs d’un PIB en recul sur notre territoire.

Alors, exceptionnellement, cette année, je ne commenterai pas les chiffres de votre budget 2011.

Vous avez pour habitude de botter en touche, d’éluder les questions, sinon de vous contredire, comme je l’ai constaté cet après-midi.

Revu à la baisse pour l’année 2011, votre budget ne m’inspire aucun nouveau commentaire. Tout au plus pourrais-je vous répéter le discours que j’ai prononcé à cette même tribune l’an dernier, d’ailleurs demeuré sans réponse. Mais maléré pa ni gwo ké, comme on dit chez nous ! Mme la ministre et certains collègues de Guadeloupe comprendront.

J’évoquerai cependant quelques problématiques qui ne sont pas du ressort de votre ministère mais sur lesquelles vous devez attirer l’attention de vos collègues : la lutte contre un chômage endémique trois fois et demi supérieur aux chiffres enregistrés dans les anciens bassins du nord de la France,…

M. Éric Jalton. Voilà un gros problème !

Mme Jeanny Marc. …l’amélioration de l’offre de soins proposée à nos concitoyens ; l’accompagnement, à la rentrée 2011, des étudiants de la faculté de médecine de l’université des Antilles et de la Guyane ; l’orientation de nos jeunes collégiens qui, faute de filières disponibles, sont pour l’heure orientés vers des voies de garage ou en seconde générale sans avoir le niveau requis ; la correction des effets pervers et des dysfonctionnements à l’origine de l’érosion du pouvoir d’achat des populations d’outre-mer ; la lutte contre les violences qui gangrènent notre département.

Compte tenu de ce constat alarmant, de cette réalité affligeante, je ne me rendrai pas complice, madame la ministre, d’une politique déstructurante pour nos territoires. Je ne voterai donc pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, j’interviens pratiquement à la fin de la discussion générale. Vous avez donc entendu les trois rapporteurs et la quasi-totalité des orateurs inscrits. L’essentiel est dit, vous le connaissez par cœur, et je ne vous le répéterai pas.

Nous vous avons récemment auditionné en commission des affaires économiques et en commission des lois. Nous savons donc comment vous répondez aux observations et aux questions, quelles questions vous éludez, quelles réponses dilatoires vous faites. Nous avons également eu avec vous une séance de travail dans le cadre de la préparation des projets de loi ordinaire et organique tendant à instaurer une collectivité unique, dont le principe a été approuvé lors de la consultation du 24 janvier 2010, par laquelle les électeurs devaient répondre à une question inventée de toutes pièces par le Président de la République et formulée par lui-même.

Vous connaissez et reconnaissez les anomalies qui affectent les finances locales ; simplement, vous vous en lavez les mains. « Je ne réglerai pas tout ce que mes prédécesseurs n’ont pas réglé », nous avez-vous dit en substance. Cela dénote un esprit de corps.

Lors de la présentation en commission des finances des amendements que j’ai déposés en vue de la compensation de la part d’octroi de mer qui est détournée des budgets de communes fortement endettées au bénéfice, pour l’instant, du conseil général et, prochainement, de la collectivité unique, le rapporteur général du budget a déclaré que cela durait depuis trente-six ans. Qu’on se le dise : il suffit de laisser vieillir une injustice, elle devient une norme ! Et vogue la galère !

Tout est à l’avenant. Le Gouvernement crée des tensions entre les outre-mer en attribuant aux différents territoires des dotations par habitant très inégales, et il joue avec la dotation de péréquation en recourant à des critères qui pénalisent systématiquement les outre-mer, particulièrement les villes de plus de 10 000 habitants. En outre, vous ne semblez pas particulièrement choquée par l’injustice et l’arbitraire du plafonnement de la dotation superficielle dans le seul cas de la Guyane, c’est-à-dire le plafonnement de la dotation calculée sur la base de la superficie. C’est que nous commettons la faute, en Guyane, d’avoir un trop grand territoire.

En réalité, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, les dérogations outre-mer sont des dérogations au droit, des dérogations à la justice sociale, des dérogations à l’égalité, des dérogations à la solidarité, des dérogations à la citoyenneté.

Vous savez pourtant qu’il est possible de faire autrement, et vous connaissez nos propositions en matière de stratégie de développement. Elles reposent sur : les ressources du secteur primaire et leur transformation à destination, en priorité, du marché domestique, une politique agricole et une politique d’installation des jeunes agriculteurs ; un artisanat de métiers divers à sédentariser sur l’ensemble du territoire autour d’une économie sociale et solidaire à l’échelle de notre démographie ; des services qui intègrent l’intelligence économique, des complémentarités à impulser avec les économies des pays voisins.

Las, vous n’en avez cure, car vous ne semblez pas comprendre que votre mission est de rendre intelligible au Gouvernement les défis lancés aux outre-mer, d’expliciter les enjeux, de montrer les atouts considérables de ces territoires et, même, de dire au Gouvernement que, malgré la crise, nous avons de bonnes raisons d’être enthousiastes. Nous détenons en effet un potentiel qui peut nous permettre de passer à l’économie du XXIe siècle, une économie qui repose sur le savoir, les connaissances scientifiques, la préservation des écosystèmes terrestres et marins, l’exploitation des ressources naturelles, dont les ressources génétiques, grâce à la science mais aussi à la valorisation des savoirs traditionnels, et, engagement majeur du sommet de Nagoya de la semaine dernière, le partage avec les populations locales du bénéfice de cette exploitation.

Je ne vous reparlerai pas de la biodiversité et de notre bilan carbone. Vous avez manifestement choisi de favoriser les énergies fossiles, de maintenir les déséquilibres qui protègent les situations de rente et de conforter le Gouvernement dans sa vision caricaturale des outre-mer.

En Guyane, nous disons « oui pa ka gaté zanmi », le oui permet de ne se fâcher avec personne. Vous êtes, madame la ministre, la reine du « oui » dans ce gouvernement, et vous ne veillez même pas au respect des engagements que le Président de la République prend pompeusement en public. Vous laissez mettre en friche les décisions du comité interministériel de l’outre-mer de l’année dernière et vous semblez avoir vécu sans douleur le parjure gouvernemental sur les engagements de quinze ans inscrits dans la loi de programmation de l’outre-mer.

Vous ne prenez pas le temps d’expliquer à vos collègues que, si, à force de batailles, nous avons moralisé la défiscalisation en transformant une aubaine en un instrument économique, l’État, tant qu’il n’assumera pas ses responsabilités en matière de développement, ne disposera pas de l’autorité morale nécessaire pour exiger et imposer des sacrifices. Or, comme vous l’a rappelé tout à l’heure le rapporteur spécial de la commission des finances, vous laissez appliquer les mesures les plus pénalisantes de la LODEOM tandis que l’application des mesures les plus favorables prend du retard.

À l’instar de vos prédécesseurs, vous nous ressassez que les priorités de l’État sont le logement social et l’emploi. Faute de développement économique, il n’est pas possible de donner corps à l’objectif d’assurer l’emploi, les indicateurs économiques et sociaux le montrent bien, et le taux de chômage des jeunes est effectivement de 55 %.

M. Éric Jalton. Ça va bientôt exploser !

Mme Christiane Taubira. S’agissant du logement social, comme l’a rappelé le rapporteur spécial, vous avez laissé démanteler le dispositif, en fragilisant la LBU par la défiscalisation, quoi que vous en ayez dit cet après-midi et quoi que vous en disiez tout à l’heure.

Vous laissez également inclure, madame la ministre, les outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, dans l’aide publique au développement, et vous ne semblez marquer un intérêt particulier ni pour la politique de l’Agence française de développement ni pour la manière dont elle remplit outre-mer les missions confiées à OSEO. En fait, vous vous accommodez du non-développement qui fait le bonheur des importateurs et des rentiers, et le malheur d’une production locale dont elle ruine le dynamisme.

Tout à l’heure, vous aurez tout loisir de nous répondre, et vous répondrez ce que vous voudrez à qui vous voudrez. Simplement, ceux qui vous écouteront de chez nous hocheront la tête, car vous avez vous-même démonétisé votre parole, madame la ministre. Vous avez transformé ce ministère en une maison du défaitisme, de la fatalité, de l’abdication.

Mes cinq minutes sont écoulées et, je l’avoue, c’est avec un certain plaisir que je mets un terme à ce dialogue de sourds. Il est effectivement extrêmement pénible de constater tous les jours que ce gouvernement ne sait rien de la vie des gens, en métropole comme dans les outremers. Pire, cette ignorance ne le tourmente même pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Victorin Lurel. Ce gouvernement est insensible à la douleur des gens !

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Comme tous mes collègues, je ne puis que constater avec surprise que les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent alors que le Président de la République avait pris, à la suite de la grave crise que nous avons connue, des engagements extrêmement clairs pour aider ces pays à s’en sortir.

Certes, je partage l’idée, exposée dans le rapport spécial, que l’emploi est, en outre-mer, un poste essentiel. Effectivement, tout au long de la grave crise traversée, c’est de l’emploi qu’il était toujours question. Il importe donc de l’affirmer : en matière d’emploi, on ne saurait relâcher les efforts. Je constate avec intérêt que vous faites confiance à l’ANT devenue LADOM pour continuer à remplir cette mission. Pour avoir participé un certain temps à la vie de cette structure, je connais bien le professionnalisme de ses agents, et je crois effectivement important d’améliorer l’action menée pour favoriser la formation et l’accès à l’emploi des jeunes ressortissants de l’outre-mer, d’autant que LADOM travaille en liaison étroite avec les collectivités territoriales de l’outre-mer. Que la convention avec l’État fixant les objectifs de LADOM ait finalement été signée est également une bonne chose.

Je me demande toutefois, pour reprendre une interrogation formulée à diverses reprises, s’il est opportun de modifier aussi régulièrement le mode de fonctionnement de cette agence, ainsi que les prestations qu’elle délivre. En matière de formation professionnelle, il faut en effet – nous le savons – un certain temps pour monter des dossiers en suivant certaines procédures. Il me paraît donc regrettable de modifier régulièrement les procédures : au plan « Initiative jeune » a succédé le Passeport mobilité, et voici désormais le Passeport mobilité formation, qui s’y substitue. Une plus grande stabilité des outils mis en œuvre par ce gouvernement pour assurer la formation professionnelle et l’accès à l’emploi des jeunes de l’outre-mer serait souhaitable.

Même si ce n’est pas tout à fait poli, je veux aussi signaler un problème qui me préoccupe. Cela fait tout de même de longues années que de jeunes ultramarins partent étudier en métropole. Comment se fait-il qu’ils éprouvent tellement de difficultés à trouver un emploi à leur retour en outre-mer, davantage même que d’autres personnes pourtant moins familières de l’outre-mer ? Ne devrions-nous pas, madame la ministre, monter une cellule de suivi qui réunirait l’État, les collectivités territoriales et les chefs d’entreprises ? Elle veillerait à ce que les dépenses non négligeables faites pour améliorer la formation des jeunes de l’outre-mer se traduisent en termes d’emplois dans les collectivités d’origine de ces jeunes. Pour l’instant, nous avons par moments l’impression d’« arroser la mer » en envoyant en formation des jeunes qui doivent très souvent repartir ailleurs pour trouver un emploi. Voilà qui est extrêmement frustrant pour ceux qui suivent ce dossier. D’année en année, le chômage progresse chez les jeunes de l’outre-mer ; ce n’est vraiment pas acceptable.

J’ai également noté avec intérêt que LADOM se verrait confier à nouveau la gestion de la continuité territoriale, soit directement soit par le truchement de GIP créés avec les collectivités territoriales. Cette solution me paraît adaptée, et LADOM est effectivement bien placée pour s’occuper de ce dossier. Je regrette simplement qu’il ait fallu dix-sept ans pour y revenir.

Rappelons que M. Perben avait effectivement jugé utile, en 1993, d’ôter cette fonction à l’ANT : veiller à ce que les habitants de l’outre-mer, surtout les personnes originaires de l’outre-mer qui résident en métropole, puissent bénéficier de billets à tarif réduit pour rendre visite à leur famille. Aujourd’hui, si la continuité territoriale des départements d’outre-mer vers la métropole est reconnue, la continuité de la métropole vers les départements d’outre-mer ne l’est toujours pas. Je ne comprends absolument pas pourquoi il en est ainsi. J’ai l’impression que nous en sommes au même point qu’autrefois : on ne donne de billets d’avions qu’au départ de l’outre-mer pour la métropole.

Il me semble qu’il ne serait pas compliqué de mettre sur pied des conventions entre l’État et les régions, outre-mer et en métropole, pour régler ce problème de continuité territoriale à sens unique.

Un dernier mot à propos de l’IFCAS.

J’ai eu l’occasion de visiter cet établissement, grâce auquel nos compatriotes de l’outre-mer peuvent suivre des formations dans le domaine sanitaire et social, bien pourvu en emplois. Certes, les conditions d’hébergement y étaient un peu spartiates, mais le secteur avait le mérite d’être porteur. Or il semble que les crédits alloués à l’IFCAS soient supprimés dans la mission « Ville et logement », qui sera examinée prochainement. Que comptez-vous donc faire, madame la ministre, pour défendre l’IFCAS ?

Enfin, sur un plan plus symbolique, j’ai, comme plusieurs de mes collègues, déploré le silence assourdissant qui a fait écho dans les rangs du Gouvernement aux propos inadmissibles de ce grand parfumeur, qui travaille d’ailleurs avec des gens de Mayotte. Qu’entend faire la ministre de l’outre-mer pour défendre la dignité des nègres, injustement mis en cause par M. Guerlain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, dernier orateur inscrit.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant qu’élu de la nation et malgré l’heure tardive, je vais vous parler de notre 101e département, car il est important que la nation tout entière s’intéresse à ce qui se passe à Mayotte ; notre collègue Abdoulatifou Aly ne me démentira pas. J’évoquerai trois points.

En premier lieu, la situation des ressources des communes comme du conseil général de Mayotte n’est pas de bon augure à la veille de l’érection de Mayotte en département d’outre-mer de droit commun. Et ce n’est sûrement pas en stigmatisant la mauvaise gestion des élus mahorais que l’on permettra à Mayotte d’entrer de plain-pied dans la départementalisation.

La responsabilité de l’État est, vous le savez, madame la ministre, pleine et entière, et il ne sera pas possible aux collectivités territoriales mahoraises d’assumer leurs nouvelles compétences si l’État n’engage pas un plan de rattrapage massif des moyens.

Il ne sert à rien de rester figés sur les appréciations de la chambre régionale des comptes pour constater que le conseil général présente un budget en déficit de 50 millions d’euros et vouloir le mettre sous tutelle ; il ne sert à rien non plus de constater que treize communes sur dix-sept présentent un déficit s’élevant à plus de 10 % des recettes de fonctionnement si ce n’est pour agir.

Certes, un gros effort doit être entrepris en matière de formation de la fonction publique territoriale, et notre collègue François Deluga, président du CNFPT, s’est rendu le mois dernier à Mayotte pour évaluer les besoins, rencontrer tous les élus et le représentant de l’État. Néanmoins l’effort de formation ne suffira pas, si l’État ne met pas la main à la poche. Veut-on, oui ou non, faire de Mayotte un département comme les autres ? J’espère que le budget de votre mission « Outre-mer » n’est pas la réponse à cette question, avec une baisse des CP de plus de 4 % en valeur nominale, sans mentionner la mise en réserve de 5 % des crédits dès le début de l’année 2011.

Cette situation budgétaire s’inscrit dans un contexte de crise économique grave, avec pour conséquence un taux de chômage de plus de 26 % à Mayotte. Or chacun sait que ce sont les commandes publiques qui ont maintenu le niveau d’activité : le port de Longoni, le marché de Mamoudzou, la construction de lycées et collèges, financés par le précédent CPER et la convention de développement. Avec 49 % du PIB, ce sont les administrations publiques qui ont constitué le moteur de la croissance à Mayotte. Qu’en sera-t-il demain ?

En second lieu, cette situation est encore plus inquiétante quand on regarde l’effet qu’elle a sur les jeunes, dans le contexte tout à fait particulier de Mayotte. D’après l’INSEE, en 2009, 42 % de la population mahoraise a moins de quinze ans et seulement 2 % plus de soixante-quatre ans. À Mayotte, ce ne sont pas les retraites qui sont aujourd’hui le problème majeur : ce sont les quatre mille enfants abandonnés sur cette île par des parents reconduits à la frontière et qui deviennent des adolescents déscolarisés, puis de jeunes adultes sans formation, sans emploi, sans repères. D’où l’intérêt, madame la ministre, du dispositif du service civique, que nous avons voulu à la quasi-unanimité sur ces bancs. Permettez-moi donc de vous demander quand il sera en vigueur outre-mer.

M. Apeleto Albert Likuvalu. Très bien !

M. Bernard Lesterlin. À l’issue d’une mission effectuée aux Comores, Loïc Bouvard, Daniel Goldberg et moi-même nous sommes arrêtés à Mayotte pour rencontrer, grâce à la diligence de notre collègue et ami Abdoulatifou Aly, les élus mahorais. Tous nous disent, quelle que soit leur sensibilité politique, qu’il s’agit là d’une véritable bombe à retardement. Dans une réponse à l’un d’entre eux, le chef de cabinet du Premier ministre écrit : « Le sujet que vous évoquez est d’une particulière gravité, et M. François Fillon y a été très sensible. Il m’a donc chargé de le signaler à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, en lui demandant de faire procéder à un examen attentif de ce dossier et de vous tenir informé de la suite qui lui sera réservée. » Madame la ministre, quelle sera la suite ?

En troisième lieu, alors que chacun s’accorde à considérer que c’est d’abord le déficit de coopération avec l’union des Comores et le déficit d’aide à l’équipement de l’île d’Anjouan – voisine de seulement soixante-dix kilomètres – qui explique l’immigration clandestine persistante, rien ne la freine. Si j’en crois le récent rapport, rendu par la sénatrice Isabelle Debré à la garde des sceaux, à la demande du Premier ministre, ce ne sont pas les 70 millions d’euros, mobilisés pour la lutte contre l’immigration clandestine, pas davantage que les 9,3 millions d’euros – tous crédits confondus, y compris l’AFD – de l’aide française aux Comores, qui régleront le problème.

Ici même, ce matin, Éric Besson nous disait qu’il allait investir, dès 2011, 10 millions d’euros dans la construction d’un centre de rétention administrative et l’acquisition d’un quatrième radar pour détecter les kwasa-kwasa. Cette politique de fuite en avant s’avère décidément totalement contre-productive. Quand allons-nous nous mettre autour de la table, avec les responsables mahorais et les autorités comoriennes pour définir les besoins réels de chacun et la politique à mettre en place ? Les évolutions institutionnelles ne régleront pas tous. La chasse aux étrangers en situation irrégulière non plus. Nous devons ce respect à nos compatriotes mahorais : rechercher dans la concertation les voies et moyens qui ne reportent pas éternellement la résolution des problèmes à plus tard, mais les abordent de front. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pour la deuxième année consécutive, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de budget de la mission « Outre-mer » au titre du projet de loi de finances pour 2011.

Je remercie Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, ainsi que le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann et son représentant M. Philippe Gosselin pour leur accueil, le 20 octobre dernier.

J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec plusieurs d’entre vous sur les voies et moyens d’optimiser l’action de l’État en outre-mer. Je pense en particulier aux différents rapporteurs, M. Claude Bartolone, pour la commission des finances, M. Alfred Almont, pour la commission des affaires économiques et M. Didier Quentin pour la commission des lois.

Ce débat sur la mission « Outre-mer » est un exercice qui m’offre l’occasion d’apporter un bref éclairage sur l’année qui s’achève, avant de vous exposer, dans ses grandes lignes, le budget de la mission « Outre-mer » en tâchant de répondre aux interrogations que vous avez formulées.

Si le budget de la mission « Outre-mer » s’inscrit dans l’effort national de maîtrise de la dépense publique, y compris dans son volet relatif à la dépense fiscale, j’ai tenu à ce que cette contribution à l’effort national soit la plus juste possible et la mieux proportionnée. Ainsi, le budget de la mission s’établit à 2,156 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une légère diminution de 0,55 %, et à 1,977 milliard d’euros en CP, soit une baisse de 2,3 %.

Certains parlementaires ultramarins ont, en première analyse, exprimé des craintes sur cette légère baisse annoncée. Je veux à cet égard préciser deux choses : ce budget permet néanmoins de respecter en 2011 les engagements pris pour l’application de la LODEOM et la mise en œuvre des décisions actées lors du conseil interministériel de l’outre-mer ; par ailleurs, cette baisse n’est que provisoire puisque, dans le cadre du triennal 2011-2013, les autorisations d’engagement vont de nouveau augmenter de 2 % et les crédits de paiement de 6,7 % pour s’établir dès 2012 à un niveau supérieur aux montants de la loi de finances pour 2010.

J’ai aussi entendu certaines réserves sur la mise en application de la LODEOM et des mesures du CIOM, et je tiens à y répondre très vite.

S’agissant de la LODEOM, Claude Bartolone et Gaël Yanno ont dressé en septembre dernier un point d’étape sur la mise en œuvre de cette loi, mais ce n’est qu’un point d’étape que je vais actualiser ce soir, car les choses ont bien changé depuis.

D’abord, permettez-moi de le rappeler, vingt-quatre décrets d’application ont été pris dans l’année qui a suivi l’adoption de la loi, ce qui est tout à fait conforme aux délais habituellement observés. L’entrée en vigueur de plusieurs de ces décrets a eu des effets notables et immédiats. Je pense notamment à la prime bagasse, qui a donné un nouveau souffle à la filière canne à sucre, notamment à La Réunion, où l’on estime à 17 % l’augmentation du revenu des planteurs suite à la mise en œuvre de cette mesure. Je pense aussi à la création des zones franches globales d’activité, qui permettent, pour les entreprises éligibles, un abattement de 80 % de l’impôt sur les sociétés, un abattement de 80 % des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, voire 100 % sur la contribution économique territoriale. Ce n’est pas négligeable !

On parle beaucoup des corrections apportées par la LODEOM, en faisant croire, à partir d’un chiffrage des plus aléatoires, que ce sont des moyens en moins pour l’outre-mer, alors qu’en réalité il s’agissait de corriger les effets d’aubaine créés par les anciennes lois de défiscalisation.

Il faut aussi parler des nouvelles mesures supplémentaires décidées pour l’outre-mer.

Je viens d’évoquer le décret bagasse : ce sont près de 28 millions d’euros qui ont été reversés aux planteurs de canne de la Guadeloupe et de La Réunion ; je viens de parler des abattements d’impôts pour les sociétés, de la taxe foncière sur la propriété bâtie et non bâtie, auxquelles il faut adjoindre la suppression de la taxe professionnelle. À cela, il faut ajouter le fonds exceptionnel d’investissement, le fonds de garantie en faveur du secteur de l’agriculture et de la pêche – 20 millions d’euros sur 2010-2012 –, la bonification des prêts accordés par l’AFD – 30 millions d’euros – au profit du développement et de l’innovation des petites et moyennes entreprises. Je peux également citer la dotation exceptionnelle pour la Guyane en matière scolaire, et d’autres mesures encore, autant d’interventions de l’État qui sont, je crois, indispensables dans le contexte économique et social que nous connaissons.

Je veux aussi rassurer les auteurs de ce rapport d’information et M. Jean-Christophe Lagarde qui est intervenu sur le sujet, à propos des quatre derniers décrets en attente de parution. Les deux décrets sur la continuité territoriale, qui étaient prêts depuis le mois d’avril 2010 mais dans l’attente de l’approuvé communautaire, sont signés et vont être publiés dans les prochains jours.

M. Philippe Folliot. Très bien !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. De même, le décret sur l’aide au fret, attendu par les opérateurs économiques depuis plusieurs mois, est actuellement soumis à la consultation des collectivités locales concernées, avant sa mise en signature d’ici à la fin du mois de novembre ; les présidents de collectivité ici présents peuvent le confirmer.

Restera à prendre le décret de création du GIP pour la reconstitution des titres de propriété. J’ai souhaité que ce nouvel outil soit le plus adapté possible ; c’est pourquoi j’ai demandé à André Valat, ancien fondateur et président du GIP qui existe en Corse, de réaliser une mission de préfiguration. Il s’est déjà rendu à deux reprises dans les départements d’outre-mer.

Pour ce qui est de la mise en œuvre des décisions du conseil interministériel de l’outre-mer, je vous confirme que les trois-quarts des 137 mesures proposées sont déjà mis en oeuvre ou très avancés. Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion de faire un bilan sur ce sujet, lequel a été remis à chaque parlementaire.

J’ai été particulièrement sensible aux interrogations exprimées par M. Hervé Mariton qui connaît parfaitement l’outre-mer ; le Gouvernement respectera ses engagements. Il a d’ailleurs déposé un amendement que nous examinerons ce soir, visant à permettre à l’État de céder gratuitement ses terrains non bâtis pour pouvoir construire des logements sociaux. Cette disposition est très attendue par les bailleurs sociaux de tous les outre-mer.

Le projet de loi de finances pour 2011 traduit sans ambiguïté tous les engagements concernant ces deux dispositifs majeurs sur le plan budgétaire. Il n’y a donc pas de raison objective de tenir un discours aussi « anxiogène ». (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce n’est pas bon pour l’économie ultramarine ; ce n’est pas bon pour l’image de nos territoires.

Mme Marylise Lebranchu. C’est trop facile !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. D’une certaine façon, nous risquons, avec le temps, de faire le lit de tous ceux qui, au sein des collectifs, veulent démontrer que, de toute manière, il n’y a pas de solution avec le système actuel…

Mme Huguette Bello. Non, il n’y en a pas !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. …et que seule la voie qu’ils proposent est la bonne.

Je peux comprendre les divergences d’analyses en fonction des sensibilités politiques, mais essayons de tenir un discours mesuré et sans passion. Faisons en sorte que la raison l’emporte toujours sur le reste si nous avons tous à cœur de rétablir la confiance indispensable à la reprise des activités économiques. En effet seule cette reprise permettra de répondre à la question centrale qui se pose sur nos territoires, celle de l’emploi.

Je le répète, le budget de l’outre-mer conservera en 2011 ses capacités d’intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l’emploi.

J’ai eu l’occasion, l’année dernière, de vous résumer ma position sur la question cruciale du logement social. Sachez que mon analyse n’a pas changé et que je reste convaincue qu’en outre-mer, plus que dans l’hexagone, il s’agit de se mobiliser, de nous mobiliser, car le logement social est le résultat d’une coproduction.

L’engagement du Gouvernement pour le logement outre-mer, en particulier pour le logement social, est en constante progression depuis 2007. Lors du conseil interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans la base de la ligne budgétaire unique les crédits exceptionnels du plan de relance et de maintenir la LBU à ce niveau dans le cadre de la programmation triennale des lois de finances.

Mesdames, messieurs les députés, cet engagement est tenu, comme vous pouvez le constater à la lecture des documents budgétaires. Malgré un contexte budgétaire extrêmement difficile, le Gouvernement est au rendez-vous : les autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique sont sanctuarisées de 2011 à 2013 à hauteur 274,5 millions d’euros. La LBU demeure sans conteste le socle du financement du logement social outre-mer.

Certains d’entre vous se sont interrogés sur la diminution des crédits de paiement prévus pour le logement entre le budget 2010 et le budget 2011. Une fois de plus, n’utilisons pas cet argument qui n’en est pas un pour annoncer la diminution de la construction de logements sociaux. En effet, pour un budget d’intervention, au contraire d’un budget de fonctionnement, les crédits de paiements ne déterminent pas le niveau d’une politique à l’année n + 1 ; ce sont les autorisations d’engagement qui permettent de l’apprécier.

Les crédits de paiement de l’année en cours servent, en revanche, à honorer nos engagements par rapport à une politique définie en général durant les trois années précédentes, puisqu’ils sont versés en fonction des réalisations.

Que vos craintes soient nourries par le souvenir de la dette importante que l’État avait contracté au milieu des années 2000 à l’égard des opérateurs du logement,…

M. Jean-Claude Fruteau. Eh oui !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. …je veux bien le comprendre, mais ne faisons pas d’amalgame.

M. Victorin Lurel. Cette dette n’était donc pas virtuelle comme l’affirmait M. Jégo !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Je veux vous rassurer cette situation d’endettement est derrière nous.

Aujourd’hui, ma préoccupation est ailleurs : elle porte sur les délais excessivement longs entre le moment où l’État attribue sa subvention pour une opération et l’entrée des ménages dans leur logement. J’ai pu en faire le constat systématiquement lors de mes déplacements outre-mer. Ce délai explique aussi que les crédits de paiement soient à ce niveau en 2011, et c’est pour cette même raison que nous sommes contraints, chaque année, d’annuler des décisions de subvention devenues caduques. Voilà la réalité des chiffres.

Je peux vous assurer que le montant des crédits de paiement prévu pour 2011 permettra à l’État de respecter ses engagements sans reconstituer de dettes à l’égard des bailleurs sociaux.

S’agissant de la défiscalisation du logement social, vous le savez, il s’agit un dispositif récent, qui commence à monter en puissance. Modifier aujourd’hui les conditions de cette défiscalisation fragiliserait les bailleurs sociaux d’outre-mer au moment même où ils s’engagent, grâce à cette ressource nouvelle, à accroître leur production. C’est bien là toute la philosophie de la défiscalisation du logement social : augmenter la production de logements sociaux pour répondre aux besoins de nos compatriotes ultramarins. C’est ma responsabilité de ministre de l’outre-mer ; c’est mon engagement pour le logement social ; c’est ce message qui a été entendu et qui a permis d’éviter le « coup de rabot » de 10 % ; c’est ce message que j’ai rappelé dans mon instruction du 1er juin 2010, et aucun autre, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici et là. À ce sujet, j’assume parfaitement la portée de cette circulaire.

Je le dis avec beaucoup de solennité, et ma voix est l’écho des propos qui ont été tenus ici même, autour de la LODEOM : le cumul entre aide budgétaire et défiscalisation n’est en aucun cas interdit ; ce serait contraire à la loi. Le cumul n’est pas non plus systématique, ce serait également contraire à la loi et à son esprit. Néanmoins, une fois cela posé – et nous pouvons tous nous accorder sur ces deux principes que je viens d’énoncer –, il est nécessaire de préciser de quelle manière la défiscalisation peut permettre d’atteindre l’objectif de croissance de la production de logements sociaux.

Je le rappelle, nous avons une ressource qui est préservée, la LBU.

M. Victorin Lurel. Elle n’est pas préservée !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Il faut donc que la ressource nouvelle se traduise par des logements nouveaux, et non par une inflation des coûts de production des logements. C’est pourquoi il est nécessaire de poser les conditions pratiques du cumul des financements.

Il serait totalement inacceptable – je pense que la commission des finances de l’Assemblée en sera d’accord – que nous ne produisions plus désormais de logements sociaux qu’à 2 200 ou 2 300 euros le mètre carré…

M. Victorin Lurel. Ce plafond figure déjà dans la loi !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. ...alors qu’il y a un an, avant la défiscalisation, les bailleurs sociaux pouvaient équilibrer leurs opérations à un prix de revient de 1 600 ou 1 700 euros le mètre carré.

Je sais que ce sont notamment les opérations en VEFA, montées de manière exceptionnelle pour faire face à la crise, qui ont des coûts plus élevés, mais cela ne peut qu’être conjoncturel. Le cumul des aides doit donc être réservé aux opérations qui justifient de surcoûts objectifs – liés, par exemple, à des fondations spéciales ou au coût élevé du foncier – ou à celles qui sont conçues pour proposer des loyers inférieurs aux loyers plafonds.

M. Victorin Lurel. Vous feriez mieux d’alimenter les fonds régionaux d’aménagement foncier urbain !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Si nous devons faire des efforts, je souhaite qu’ils puissent être consentis au bénéfice exclusif de la population, et non au bénéfice des promoteurs immobiliers ou des cabinets de défiscalisation. Ne défendons pas ce qui n’est pas défendable et faisons le choix de tenir un discours de vérité et de responsabilité pour que la parole de l’outre-mer conserve toute sa crédibilité.

M. Victorin Lurel. Vous seriez donc la seule ici à dire la vérité !

M. Jean-Claude Fruteau. Vous avez raison contre tout le monde !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. J’entends les critiques sur la complexité des procédures de défiscalisation. Elles sont pour partie inhérentes à l’instauration d’un nouveau dispositif ; elles sont également en partie justifiées. La décision de déconcentration des dossiers de moins de 10 millions d’euros constitue une première réponse pour accélérer la prise de décision et permettre une bonne articulation entre les services de l’État en charge du logement et ceux en charge de la dépense fiscale.

Au plan central, je veille personnellement à ce que l’avis du ministre chargé de l’outre-mer soit donné dans les délais les plus brefs. Cela reste insuffisant, j’en conviens, et j’ai demandé à la délégation générale à l’outre-mer de réfléchir, en relation avec les services du ministère du budget, aux nouvelles mesures de simplification dans les procédures d’instruction qui pourraient être prises pour réduire les délais d’instruction. J’espère pouvoir présenter des propositions très rapidement ; nous aurons l’occasion d’en parler.

M. Gaël Yanno. Très bien !

M. Jean-Claude Fruteau. C’est urgent !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Plus globalement, en ce qui concerne la défiscalisation, vous avez cité le Président de la République qui, dans la convention outre-mer, a rappelé le bien-fondé de cet outil pour l’économie ultramarine. En revanche vous oubliez de mentionner certains de ses propos. En effet, il annonçait, lors de cette même convention, que nous devions aussi corriger les effets d’aubaine de la défiscalisation.

L’autre priorité de ce budget, cela ne vous surprendra pas, concerne l’emploi et la formation.

L’augmentation des crédits du programme « Emploi outre-Mer » trouve en effet sa principale explication dans l’accroissement capacitaire du service militaire adapté, le SMA. Le doublement à terme du nombre de stagiaires permettra d’accueillir mille volontaires supplémentaires dès 2011, conformément aux engagements pris en février 2009 par le Président de la République. Je serai évidemment vigilante afin que le haut niveau d’insertion et d’excellence de la formation dispensée par le SMA soit maintenu, notamment grâce à des partenariats avec les acteurs de la formation professionnelle et de la remise à niveau scolaire, ainsi qu’avec les fédérations professionnelles implantées dans les territoires.

En matière de formation professionnelle, je voudrais que nous ayons tous bien à l’esprit le rôle très important que joue l’agence de l’outre-mer pour la mobilité, LADOM ; certains d’entre vous en ont parlé. Ainsi, en octobre 2010, l’agence a déjà pris en charge plus de sept mille jeunes. Le chiffre est éloquent. Il l’est d’autant plus que la qualité est au rendez-vous puisque, en moyenne, sept jeunes sur dix obtiennent un diplôme en fin de parcours et, ce qui est encore plus remarquable dans le contexte ultramarin, près d’un jeune sur deux ayant validé sa formation, trouve un emploi dans l’année qui suit ; c’est plus précisément le cas pour 47 % d’entre eux selon LADOM. J’ai demandé à LADOM de mobiliser en 2011 toutes ses marges de manœuvre pour faire mieux encore.

Je veux également évoquer ces jeunes actifs ultramarins qui ont des difficultés à trouver un emploi durable et qui vont pouvoir bénéficier du revenu de solidarité active. Vous le savez, la loi généralisant le RSA a été votée dans un large consensus. Elle a aussi tenu compte de la nécessité de s’adapter à l’outre-mer. Depuis la crise sociale de 2009, il existe, dans les départements d’outre-mer, un revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA. Je crois ne pas trop m’avancer en vous indiquant ce soir que, grâce à l’excellent travail de votre collègue René-Paul Victoria, nous serons prêts, au 1er janvier, à ouvrir le RSA et à gérer la transition des bénéficiaires qui en font la demande du RSTA vers le RSA.

C’est tout l’objet de l’article 87 de la loi de finances que Marc-Philippe Daubresse aura l’occasion de vous présenter. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, l’État ne fera pas d’économies aux dépens des plus précaires.

Mme Huguette Bello et M. Victorin Lurel. Ah vraiment ! (Sourires.)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Au contraire, cette transition entre les deux dispositifs se fera en douceur car nous l’avons bien préparée en amont avec les conseils généraux et les caisses d’allocations familiales directement concernées par cette échéance.

S’agissant de la continuité territoriale, la LODEOM a prévu la mise en place de groupements d’intérêt public. Ils seront créés en 2011, à l’initiative des collectivités, comme l’a demandé, par exemple, le conseil régional de La Réunion. En attendant, et afin de ne pas pénaliser la population, je précise que les moyens de l’agence de l’outre-mer pour la mobilité ont été renforcés afin de lui permettre de gérer le dispositif. De plus, l’agence a été exceptionnellement autorisée à recruter trente postes équivalents temps plein afin d’assurer les fonctions de guichet, d’instruction et de contrôle. Les moyens humains et financiers seront donc bel et bien là en 2011.

Voilà, me semble-t-il, une première réponse aux interrogations de Mme Girardin sur la continuité territoriale. Je lui indique également que 45 millions d’euros sont prévus chaque année, pendant trois ans, pour financer ce dispositif.

Alors oui, il y a bien de nouveaux critères d’allocation de cette aide, mais ils ont été fixés par la LODEOM. Oui, ce sont bien nos compatriotes d’outre-mer dont les ressources sont les plus faibles qui sont ciblés en priorité. Oui, je persiste à affirmer que la mise en œuvre de la continuité dans l’ensemble des départements et territoires de l’outre-mer doit être plus équitable et, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’annoncer à certains d’entre vous, je ferai une évaluation de son fonctionnement à l’été 2011. Je ne m’interdirai pas de proposer des mesures de correction, en particulier pour les territoires du Pacifique.

Je veux maintenant dire quelques mots d’un dispositif qui joue un rôle clé en faveur de la création d’emplois dans les entreprises ultramarines, en renforçant leur compétitivité. Il s’agit des crédits du programme 138, consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales.

La réduction du coût du travail outre-mer s’inscrit dans une politique désormais ancienne de compensation des handicaps structurels. Elle vise à favoriser l’emploi durable et à réduire le travail dissimulé. L’année dernière, je vous ai indiqué que la LODEOM a amélioré l’efficacité du dispositif en le recentrant, grâce à un mécanisme de dégressivité renforcée sur les bas salaires, sur les petites entreprises de moins de onze salariés et sur les entreprises des secteurs d’activité jugés prioritaires.

Sachez que, pour 2011, le montant inscrit en loi de finances – 1,087 milliard d’euros – permettra de couvrir les besoins estimés par les organismes de sécurité sociale, sans, et j’insiste sur ce point, créer de nouveaux impayés. Monsieur le rapporteur spécial, si ce montant de 1,087 milliard d’euros a été retenu, plutôt que celui de 1,150 milliard annoncé par les organismes de sécurité sociale, c’est parce que ces derniers n’ont pas intégré l’impact de la réforme des exonérations de charges sociales, estimée à 63 millions d’euros sur l’année 2011, ce qui explique nos divergences d’analyse.

Est-il besoin de rappeler, mesdames, messieurs les députés, que le développement économique et social des outre-mer dépend, non pas seulement de l’État, mais aussi et surtout, depuis la décentralisation, de l’action des collectivités territoriales, dont les investissements représentent entre deux tiers et trois quarts de la commande publique ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu. Ça tourne au comique !

M. Victorin Lurel. C’est n’importe quoi !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Dans la période de crise économique mondiale que nous avons connue fin 2008 et en 2009, aggravée par la crise sociale de 2009 dans les Antilles, en Guyane et à La Réunion, il est important de pouvoir relancer l’économie par la commande publique. C’est pourquoi l’État continuera, en 2011, à apporter son soutien à ces collectivités à travers sa politique contractuelle.

Le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires s’élève ainsi à 180 millions d’euros, soit une augmentation de 15 millions, et à 133 millions d’euros en crédits de paiement. Il permettra d’atteindre, en 2013, un taux d’exécution comparable à celui des contrats de projet en métropole et supérieur à celui de la génération précédente. Je rappelle, à cette occasion, l’engagement récent du Premier ministre de maintenir, en Nouvelle-Calédonie, au niveau du contrat actuel, l’engagement financier de l’État, hors opérateurs, à hauteur de 370 millions d’euros dans le futur contrat de développement 2011-2015.

Sur la situation de la Nouvelle-Calédonie, je suis en accord avec vous, monsieur Frogier ; je connais votre engagement. Sachez que je suis très sensible à la situation de la province sud. Je fais le même diagnostic que vous, car j’ai eu l’occasion de me rendre sur place, à plusieurs reprises, et de mesurer les attentes d’une jeunesse nombreuse et bien décidée à se construire un avenir. Cela a un coût objectif pour la province, qui accueille une population en constante augmentation. Lui offrir des marges de manœuvre est une nécessité. Je sais que des propositions ont été faites en ce sens en Nouvelle-Calédonie. Quant à l’État, il est prêt, je le répète, à accompagner toutes les initiatives de bon sens qui pourraient conduire à trouver de telles marges de manœuvre budgétaire pour la province sud, et ce dans le respect du principe d’autonomie.

L’effort financier de l’État en matière de politique contractuelle permettra également de garantir une enveloppe pour le futur contrat de Saint-Martin et pour le renouvellement de celui de Wallis-et-Futuna.

S’agissant de la situation financière des collectivités d’outre-mer, je n’oublie pas la demande qui avait été formulée par la représentation nationale, sur votre proposition, monsieur Letchimy. La délégation générale de l’outre-mer a bien engagé l’étude, qui a été confiée à un consultant extérieur, pour construire les premières bases de données. Les premiers éléments me seront communiqués avant la fin de l’année ; ils pourront alors être transmis au Parlement, à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

Par ailleurs, je tiens à mentionner, de façon plus spécifique, des mesures relatives à certains territoires, en particulier parce qu’elles répondent à un véritable besoin d’accompagnement ; je pense notamment à la Polynésie française. Ainsi que je l’ai annoncé l’année dernière lors du débat budgétaire, la dotation globale de développement économique est rénovée et le nouveau dispositif sera opérationnel en 2011.

La réforme vise trois objectifs : stabiliser et pérenniser l’appui financier de l’État à la Polynésie française, renforcer les moyens d’intervention des communes et accroître l’effet de levier de l’appui financier de l’État sur les investissements.

La DGDE, dont le montant global est égal à celui de l’ancienne dotation, se compose de trois parts : une dotation globale d’autonomie, qui représente 60 % du total, qui sera versée directement à la Polynésie et qui évoluera comme la DGF ; une dotation territoriale pour l’investissement des communes dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et du traitement des déchets, qui sera versée directement aux communes et représentera 6 % du total ; un dispositif contractuel portant sur les investissements prioritaires du territoire et représentant 34 % du total. Ces crédits seront alloués sur la base d’une programmation arrêtée conjointement par l’État et la Polynésie, et en fonction de l’avancement des opérations.

Voyez-vous, monsieur le rapporteur spécial, cette programmation traduit notre volonté de suivre l’utilisation des crédits affectés à ces opérations.

Ce nouveau dispositif, qui respecte l’autonomie de la Polynésie française, donne la priorité au développement économique et social, en assurant la transparence et le contrôle des fonds publics. Cela constitue une avancée significative qui marquera une rupture définitive et qui ouvrira la voie à un partenariat renouvelé et plus mâture. Je vous remercie, monsieur Sandras, d’avoir souligné l’engagement de l’État aux côtés des Polynésiens.

Par ailleurs, il ne m’est pas possible de passer sous silence l’accompagnement de l’évolution institutionnelle de Mayotte au sein de la République.

Le projet de loi relatif à l’organisation et au fonctionnement du département de Mayotte sera très prochainement soumis à votre examen, après le vote du Sénat. Le soutien financier à Mayotte se traduit notamment par une dotation de rattrapage et de premier équipement de 8 millions d’euros, une dotation spéciale d’équipement scolaire de 10 millions d’euros, ainsi que par les crédits du contrat de projet, doté d’environ 40 millions d’euros, en faveur du développement durable et de la modernisation des entreprises aquacoles. De plus, je confirme l’inscription, en 2011, de 10 millions d’euros de crédits en faveur du fonds mahorais de développement économique, social et culturel. Celui-ci sera destiné à amplifier les investissements publics réalisés dans le cadre de ce contrat et à aider à la création et au développement du secteur privé.

Au-delà des crédits de la mission « Outre-mer », qui représentent 15 % de l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’outre mer – 12,7 milliards d’euros –,…

M. Victorin Lurel. Ah bon, c’est 15 % finalement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. …tous les ministères – 89 programmes et 27 missions – interviennent en outre-mer, ce qui témoigne du caractère véritablement interministériel de la politique de l’État en ce domaine. Il me semble, monsieur Lurel, que le document de politique transversale a été élaboré à la demande de la représentation nationale.

Mon ministère n’a pas vocation à devenir le gestionnaire unique des crédits en faveur de l’outre-mer ; cela n’aurait pas de sens. Mon rôle est de favoriser la cohérence et la pertinence des interventions, en raison de la nécessité d’effectuer des adaptations et d’apporter des éléments d’analyse et d’évaluation sur les actions menées par l’État dans ces territoires.

Mesdames, messieurs les députés, autant il ne me semble pas concevable que seul le ministre de l’outre-mer gère tous les crédits intéressant l’outre-mer – je l’ai déjà dit l’année dernière devant la représentation nationale –, autant nous devons nous méfier de l’idée selon laquelle nous pourrions traiter les questions de l’outre-mer sans le ministère de l’outre-mer, alors que nous faisons le choix d’apporter une réponse adaptée à chaque territoire, qui se traduit par des évolutions institutionnelles. Demain, avec autant de statuts particuliers qu’il y a de territoires, il faudra, face à cette complexité juridique, savoir encore davantage porter la parole des intérêts de l’outre-mer dans les politiques nationales. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Questions

M. le président. Nous en venons aux questions.

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe GDR.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la ministre, le Gouvernement s’apprête à fixer une taxe de 3,5 % sur les conventions d’assurance pour les contrats solidaires et responsables. Cette nouvelle taxe vient s’ajouter à la contribution sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaires d’assurance maladie, sans compter celle – que l’on peut comprendre, à la rigueur – destinée au financement de la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A.

L’impact de ces mesures avoisine les 10 % du montant des cotisations mutualistes et représente un poids non négligeable pour le secteur de la complémentaire santé. Le risque est donc de voir des familles modestes renoncer à cette couverture pourtant nécessaire.

L’exonération fiscale initiale visait à encourager les complémentaires santé à proposer des garanties incitant les adhérents à respecter le parcours de soins institué par la loi réformant l’assurance maladie de 2004.

En Martinique, l’Union de coordination de la mutualité représente vingt-huit mutuelles, soit 86 000 adhérents et environ 100 000 personnes protégées, c’est-à-dire seulement le quart de la population totale. Ce n’est pas énorme, avouons-le.

Pour la Martinique, cette fiscalisation nouvelle ne sera-t-elle pas préjudiciable aux objectifs de santé fixés par la loi elle-même ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le député, vous avez raison de souligner le rôle joué par les mutuelles d’outre-mer, et je profite de votre question pour saluer la mission qu’elles remplissent auprès de nos compatriotes ultramarins depuis de nombreuses années. Toutefois, l’application de cette taxe sur les conventions d’assurance a fait l’objet d’un débat lors de l’examen, à l’Assemblée nationale, de l’article 7 du projet de loi de finances pour 2011. Cette taxe est une mesure nationale, qui doit donc s’appliquer sur les territoires qui relèvent du régime de l’identité législative ; il n’y a pas de raison qu’une disposition particulière s’applique à l’outre-mer. C’est pourquoi je ne peux retenir votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Abdoulatifou Aly, au titre des députés non inscrits.

M. Abdoulatifou Aly. Monsieur le président, je vous remercie de me donner enfin la parole. Je ne commenterai pas le sort réservé au député non inscrit de Mayotte : je vous en laisse juge.

Madame la ministre, mes chers collègues, le fonds de développement économique, social et culturel de Mayotte est l’unique instrument financier destiné à la mise en œuvre de la départementalisation de l’île. En juillet dernier, madame la ministre, vous avez annoncé, devant l’ensemble des élus regroupés au sein du conseil général, que le fonds de développement serait crédité de trente millions d’euros sur trois ans, soit 10 millions d’euros par an en 2011, 2012 et 2013.

Cependant, si 10 millions d’euros sont inscrits en autorisations de programme sur le projet de budget pour 2011, il n’a échappé à personne que seuls 2,9 millions d’euros sont effectivement prévus en crédits de paiement. Comment, dans ces conditions, comptez-vous confirmer la détermination du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement à réaliser la départementalisation tant attendue par les Mahorais, alors que la LODEOM ne s’applique pas à Mayotte dans ses dispositions relatives à l’exonération des charges sociales des entreprises, à la création des zones franches et même à la défiscalisation du logement social faute, dans ce dernier secteur, de publication des décrets d’application nécessaires et surtout faute d’avoir étendu à ce futur département la législation nationale en vigueur en matière fiscale et de droit douanier ?

Qu’adviendra-t-il de la départementalisation de Mayotte en 2012, année électorale par excellence, et même par la suite, en cas de changement de majorité politique dans notre pays ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le député, je crois qu’en répondant aux interventions des uns et des autres, j’ai déjà apporté une réponse à votre interrogation. Oui, le Fonds de développement mahorais sera abondé, comme vous l’avez indiqué, de 30 millions d’euros à raison de 10 millions d’euros par an en autorisations d’engagement. Ce que j’ai expliqué pour le logement social est également valable ici : les crédits de paiement ne sont évalués que par rapport au taux de réalisation. Si nous accordons une subvention, il est certain que les infrastructures ne seront pas réalisées dans l’année. Le fait que les crédits de paiement soient normés en fonction du taux de réalisation explique le décalage entre la somme 10 millions d’euros et celle de 30 millions d’euros.

Pour le reste, je vous rappelle l’engagement de l’État vis-à-vis de Mayotte. La dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires va passer de 5 millions d’euros à 10 millions d’euros. Pour ce qui est du Fonds exceptionnel d’investissement, alors que l’enveloppe est en diminution par rapport à l’année précédente, Mayotte va pouvoir bénéficier d’une dotation de 6 millions d’euros. Enfin, en ce qui concerne le contrat de projets, une enveloppe de 20 millions d’euros est prévue, qui permettra effectivement d’amorcer les premières opérations prévues. Nous espérons être en mesure de mobiliser les fonds structurels de l’Europe à partir de 2014, puisque, entre-temps, le Gouvernement aura émis la demande de faire de Mayotte une région ultrapériphérique.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Outre-mer »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Outre-mer », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 72.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. L’amendement n° 72 vise à abonder un fonds d’aide aux télévisions locales que nous envisageons de mettre en place afin de permettre à ces télévisions privées de supporter les coûts de passage à la TNT. En prévision de la création de ce fonds au moyen d’un autre amendement, il est proposé de majorer les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de 500 000 euros provenant des crédits du programme 313 « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais il est certain que la double diffusion peut s’avérer onéreuse. En fait, cet amendement ne fait qu’anticiper la création, par un amendement du Gouvernement que nous examinerons tout à l’heure, d’une aide financière aux chaînes de télévision émettant outre-mer, afin de faciliter leur basculement vers le numérique. À titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je lis avec faveur cet amendement, mais je veux faire remarquer que les conditions imposées aux télévisions privées sont telles que même une aide de 200 000 euros sur trois ans, soit environ 63 000 euros par an, sera tout à fait insuffisante. Le bassin économique étant très étroit, les recettes publicitaires ne pourront assurer la rentabilité les télévisions privées à raison de deux opérateurs par île.

En Martinique, ATV vient de déposer son bilan et il n’y aura pas d’aides. En Guyane, il n’y a pratiquement plus de télévisions privées : la société Amazone Télévision a été autorisée à utiliser les fréquences attribuées par le CSA à une télévision privée dont elle reprend le service. Un premier multiplex va être mis en place aux Antilles, mais je m’étonne, monsieur le président, que les deux chaînes parlementaires – LCP-AN et Public Sénat – aient refusé de figurer dans ce premier bouquet.

Dans la perspective du passage au tout-numérique en novembre 2011, je suis favorable à cet amendement, tout en soulignant d’une part qu’il est insuffisant, d’autre part que nous pourrions peut-être peser pour tenter d’obtenir que les chaînes parlementaires fassent partie de ce premier multiplex.

(L’amendement n° 72 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement d’appel a pour objet de réinjecter outre-mer les économies réalisées grâce à la réforme de la défiscalisation des investissements productifs outre-mer.

Cette défiscalisation, qui représentait chaque année une enveloppe de 1,2 milliard d’euros, a été ramenée à 767 millions d’euros l’an dernier et à 700 millions d’euros cette année, comme on peut le voir dans le document de politique transversale. Les crédits budgétaires diminuent, les dépenses fiscales diminuent, les crédits européens sont fléchés sur ce que l’on appelle « l’économie de la connaissance », bref, il n’y a plus de crédits pour l’outre-mer.

Dans l’esprit de la LODEOM, nous proposons par conséquent de réinjecter dans l’outre-mer les 330 millions d’économies résultant de la diminution de la défiscalisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Cet amendement part d’une idée séduisante, qui correspond d’ailleurs à une position exprimée dans mon rapport : les économies fiscales, quelles que soient leurs vertus, ne doivent pas se faire aux dépens de l’outre-mer. Cependant, il propose de minorer la ligne consacrée à la compensation des exonérations de charges, ce qui n’est pas envisageable : il faut absolument éviter que la dette de l’État à l’égard des organismes sociaux ne se reconstitue. J’invite donc notre collègue Lurel à retirer son amendement, d’autant plus que la commission a adopté un autre amendement posant de manière plus globale la question de l’articulation entre dépense budgétaire et dépense fiscale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Pour réinjecter des crédits outre-mer, monsieur le député, vous diminuez les crédits destinés aux organismes sociaux. Il n’est pas acceptable d’aggraver la dette à l’égard des organismes sociaux. Comme la commission des finances, le Gouvernement émet un avis défavorable et vous invite par conséquent à retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J’entends depuis quelque temps Mme la ministre nous faire une nouvelle lecture de la LOLF sur les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Son prédécesseur avait inventé concept de « dette virtuelle », qu’elle semble reprendre sans le dire explicitement, consistant à inscrire des autorisations d’engagement, voire des autorisations de programme, sans inscrire les crédits de paiement correspondants. Pour « virtuelle » qu’elle fût, la dette créée par M. Jégo n’en a pas moins atteint un montant fort respectable, puisqu’il pourrait s’élever, selon les calculs des rapporteurs, à quelque 145 millions d’euros !

Prenons garde à cette casuistique budgétaire qui consiste à dire : « Tout va très bien, madame la marquise, nous avons des autorisations d’engagement ! » Si j’ai déposé cet amendement, c’est pour vous demander de respecter la philosophie de la LODEOM selon laquelle les économies réalisées doivent être réinjectées. Or vous me reprochez de déshabiller Pierre pour habiller Paul : si c’est le cas, c’est à vous-même qu’il convient d’adresser ce reproche, car vous êtes en train de ruiner l’économie d’outre-mer, notamment en matière de logement social.

J’ai ici des coupures de presse reprenant les propos de M. Bernard Hopital – un homme qui n’a pas une réputation de gauchiste en Guadeloupe –, directeur de la SA HLM et correspondant de l’USH. Celui-ci proteste contre ce qu’il considère comme la ruine de la Guadeloupe ; selon lui, le Gouvernement ne comprend pas les mécanismes à l’œuvre car, en supprimant par avance les défiscalisations dans les secteurs libre et intermédiaire, il provoque l’effondrement du BTP, qui se traduit par un recul des investissements de 23,6 % en Martinique et en Guadeloupe. C’est donc un discours irréaliste que vous nous tenez, madame la ministre.

Cela dit, comme je suis pragmatique, j’accepte de retirer mon amendement.

(L’amendement n° 26 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Dans le même esprit que le précédent, l’amendement n° 25 a pour objet d’abonder l’action du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de 57 millions d’euros, au profit notamment de la LBU et des autres dépenses à caractère social.

Selon l’excellent rapport de notre collègue Victoria, le Gouvernement a réalisé une économie de 57 millions d’euros en ne créant pas le RSA en outre-mer dès 2009, comme en métropole. Il s’agit donc de s’assurer que cette économie réalisée sur les dépenses sociales outre-mer sera réinjectée dans le même secteur.

En compensation, le même montant en autorisations d’engagement et crédits de paiement est supprimé sur l’action 1 du programme 138 : il reviendra au ministère de l’outre-mer et à celui de l’économie et des finances de trouver les crédits correspondants afin de compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations de charges.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Il s’agit du même dispositif que celui que nous venons d’examiner à l’amendement précédent : l’amendement n° 25 propose d’abonder de 57 millions d’euros les crédits consacrés au financement du logement social.

À ce propos, madame la ministre, je voudrais revenir un instant sur les explications que vous avez données tout à l’heure au sujet de la LBU et de la défiscalisation. Le problème est que nombre d’opérateurs du logement social considèrent que la circulaire qui leur a été envoyée comme une instruction de saturer le montage financier par de la défiscalisation avant de faire appel à la LBU.

Mme Christiane Taubira et Mme Annick Girardin. Tout à fait !

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Or, non seulement ils ne savent pas comment faire, mais cela a pour effet de renchérir le coût du logement, car saturer le financement par de la défiscalisation a une conséquence : l’argent coûte 30 % plus cher, ce qui ne manque évidemment pas d’aggraver la flambée du prix du mètre carré que vous déplorez par ailleurs.

C’est donc la logique qui a conduit Victorin Lurel à proposer cet amendement, qui vise à satisfaire, par une subvention budgétaire plutôt que par une dépense fiscale, le besoin de financement du logement social.

Pour autant, cher Victorin Lurel, votre amendement soulève une vraie difficulté. En effet, il n’abonde pas la LBU depuis une action demeurée lettre morte faute de mise en place du RSA. Au contraire, il propose de prélever 57 millions d’euros sur la ligne consacrée à la compensation aux organismes sociaux des exonérations de cotisations patronales, ce que je viens de déplorer à propos de l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Vous me dites, monsieur le rapporteur, que la circulaire a été mal interprétée et que l’on n’a pas toujours compris qu’il fallait avoir l’agrément avant d’obtenir la subvention au titre de la LBU. Sachez que des instructions très précises ont été données aux directions départementales de l’équipement pour expliquer les choses et bien préciser que cette interprétation ne correspond pas à la réalité. Ce qui a d’ores et déjà permis de régler un certain nombre de dossiers.

Pour ce qui est de l’amendement n° 25, le Gouvernement y est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : il va aggraver la situation d’endettement des organismes sociaux.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je regrette que Victorin Lurel ait retiré son premier amendement car il répondait parfaitement à nos préoccupations. D’autant que, d’après ce que j’ai entendu dans la bouche du rapporteur M. Almont, M. Baroin, ancien ministre de l’outre-mer, aurait proposé un moratoire…

Mme Christiane Taubira. Non ! Une commission ! Un comité Théodule !

M. Serge Letchimy. Si c’est une commission, ses conclusions serviront de base à des propositions qui nous seront faites dans le collectif budgétaire de juin prochain. Si cette commission ne fait qu’entériner ce qui a été décidé, cela n’aura pas de sens. Si, en revanche, elle peut revenir sur ces décisions, cela signifie qu’il y a 230 millions d’euros flottants, qui pourraient parfaitement venir compenser les crédits perdus pour les organismes sociaux.

S’agissant du RSA, l’explication est très claire : l’État a gagné de l’argent au détriment des collectivités. L’État a fait un gain, un peu abusif, de 57 millions d’euros en ne mettant pas en place le RSA. M. Lurel demande que cela soit reconnu et que ce gain soit restitué afin de compenser la perte des 31 millions d’euros en crédits de paiement sur la LBU. Son raisonnement me semble juste. J’ai bien entendu la réponse de Claude Bartolone, mais pour moi, le problème est ailleurs : il s’agit de reconnaître que la ministre n’a pas l’autorisation d’engager des crédits indûment perçus par l’État et qui devaient revenir aux pauvres, c’est-à-dire à ceux qui étaient éligibles au RSA.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. La ministre a déclaré au Sénat que la non-application des mesures positives de la LODEOM faisait faire à l’État une économie de 119 millions. René-Paul Victoria a mentionné dans son rapport que 57 millions au moins avaient d’ores et déjà été économisés au titre du report du RSA. En outre, 230 millions d’économie sont prévus sur le photovoltaïque et 100 millions sur les investissements productifs. Du reste, l’enveloppe relative à la défiscalisation diminue chaque année.

La mécanique budgétaire peut, certes, conduire à prendre ici pour mettre ailleurs. Mais je constate que la philosophie et l’action concrète du Gouvernement reviennent à rogner sur les outre-mer. Je renvoie donc la balle dans le camp du Gouvernement : trouvez donc ces 57 millions qui nous font défaut, madame la ministre. C’est d’autant plus nécessaire que nous ne savons pas encore très bien comment vont cohabiter le RSA, censé entrer en vigueur en janvier, et le RSTA, qui s’applique en Guadeloupe, et, je crois, à la Martinique. La cohabitation va être difficile à gérer du point de vue technique, informatique mais aussi politique : n’oublions pas que les régions ont mis de l’argent dans le dispositif.

Malgré la demande formulée par le rapporteur, je ne retirerai donc pas mon amendement.

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, permettez-moi, avant de défendre cet amendement, de remettre les points sur les i s’agissant du compromis trouvé ici avec M. Baroin – je parle sous le contrôle de mes collègues Diefenbacher et Victoria.

Nous avons fait un constat partagé sur la bulle photovoltaïque dans l’hexagone mais aussi chez nous, sur le seuil des 30 % d’énergie fatale connectés au réseau, qui sera très bientôt atteint, sur les dérapages et les fraudes à l’œuvre. Et nous avons émis le vœu de revoir le dispositif. Nous avons aussi fait observer que le rapport de M. Charpin intéressait l’hexagone et pas l’outre-mer. Nous avons donc regretté la mesure brutale consistant à tout arrêter sans analyser l’existant. M. Charpin va procéder à cette analyse. Et le ministre a pris l’engagement public et solennel de revenir en juin, à l’occasion de la loi de finances rectificative, sur cette mesure. Nous avons tous appelé à un gel en attendant. En l’état, et compte tenu du constat formulé, nous ne pouvions pas formellement décider que la loi ne s’appliquerait pas pendant six mois dans les outre-mer. Mais cela est déjà arrivé : je suis moi-même habilité, par la loi, à gérer de telles situations et je peux vous dire que les nouveaux projets sont arrêtés. Nous attendons maintenant les conclusions de l’étude en espérant qu’elles trouveront leur traduction dans la loi de finances rectificative.

J’en viens à l’amendement n° 14, qui vise à augmenter les moyens du Fonds exceptionnel d’investissement. Cet outil était réclamé par les élus d’outre-mer – j’en sais personnellement quelque chose. Il faut à présent l’alimenter, après le plan de relance et la grande crise sociale. Or il baisse de 30 millions en autorisations d’engagement, ce qui signifie que très peu de nouveaux programmes seront lancés. De même, seuls 3 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour financer de nouveaux chantiers.

En compensation, il est proposé de supprimer 25 millions sur l’action 1 du programme 138, à savoir les crédits destinés à l’aide au fret, qui ne sont pas utilisés depuis trois ans, et qui vont, une fois de plus, être redéployés. Je prends ici le pari que les crédits de 2010 ne seront pas utilisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Je suis favorable à titre personnel à cet amendement, que la commission des finances a rejeté. Il propose en effet de transférer 25 millions d’euros du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ». Il s’agit d’abonder les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement d’un montant égal à celui prévu pour le financement en 2011 de l’aide au fret. Et contrairement aux dispositions prévues dans les deux amendements précédents, cette fois-ci, la ligne budgétaire existe.

À défaut, les crédits du FEI seraient significativement réduits en 2011 après avoir été massivement abondés en 2009, dans le cadre du plan de relance de l’économie. Le FEI ferait les frais de l’objectif général de réduction des crédits d’intervention. Or il finance des investissements publics structurants, particulièrement nécessaires aux collectivités ultra-marines. L’amendement propose de financer l’abondement du FEI par les 25 millions d’euros budgétés pour l’aide au fret.

Cette aide, prévue par la LODEOM, doit réduire, pour les entreprises ultra-marines le coût des intrants et des extrants. Son application est conditionnée à la publication d’un décret. Or, ainsi que le déplore le rapport d’application de la LODEOM, ce décret n’a toujours pas été pris, dix-huit mois après la promulgation de la loi. L’aide au fret était déjà budgétée en 2010. Faute de décret d’application, les crédits n’ont pas été consommés et ont été redéployés en gestion. Si le décret n’entre pas rapidement en vigueur, le même schéma pourrait se reproduire en 2011. L’adoption de cet amendement permettra d’envoyer un signe fort et de faire savoir qu’il faut utiliser l’ensemble des crédits prévus pour l’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. S’agissant du FEI, il est vrai que l’enveloppe a été ramenée de 40 millions à 10 millions en autorisations d’engagement. Mais il ne faut pas oublier que des crédits importants avaient été affectés à ce fonds via le plan de relance : au total, nous avons quasiment atteint 200 d’autorisations d’engagement pour la réalisation d’équipements structurants en outre-mer. Or, à la date d’aujourd’hui, le taux de réalisation est en dessous de 20 %. Il me semble de bonne gestion d’attendre que toutes ces opérations soient terminées. Par la suite, nous abonderons de nouveau le FEI.

Par ailleurs, cet amendement vise à alimenter le FEI en prélevant 25 millions d’euros provenant de l’aide au fret. Or, je viens de l’annoncer, le décret est au stade de la consultation auprès des collectivités locales. Cela signifie qu’il sera vraisemblablement publié avant la fin de l’année. Supprimer l’aide au fret reviendrait donc, notamment pour le secteur agricole, à une perte considérable car les agriculteurs attendent cette aide pour faire face aux coûts de production.

Voilà les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Pardonnez-moi d’intervenir après le vote, mais M. Lurel a fait allusion à l’engagement solennel du ministre François Baroin. Mais ce n’est pas sa parole qui est en jeu dans la mesure où l’amendement que nous avons soutenu a été acté par l’article 13 de la première partie de loi de finances. Cela relève donc de la loi. Il nous appartient maintenant d’attendre le vote définitif du budget et de veiller à la création de la commission.

Par ailleurs, je souhaitais dire mon opposition à l’amendement n° 14 dans la mesure où nous avons mis près de sept ans pour bénéficier de cette aide au niveau des intrants. Nous n’avons cessé de réclamer cette aide depuis 2002. Aujourd’hui, elle existe et il n’est pas question de transférer ces crédits sur une autre action. Ce qui est acquis n’est plus à prendre. Mais l’amendement n° 14 ayant été repoussé, il n’y a plus de problème.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement a pour objet d’abonder de 25 millions l’action « Logement » pour faire en sorte que la LBU conserve le même montant de crédits de paiement. En effet, ceux-ci diminuent de 21 millions d’euros. Surtout, les crédits spécifiquement destinés à la construction de logements sociaux et très sociaux diminuent de 34 millions d’euros, soit près de 31 %, ce qui correspond, à titre d’exemple, au montant de la LBU en Martinique.

Cette baisse de crédits est d’autant plus dramatique pour la construction de logements sociaux outre-mer qu’elle s’ajoute aux difficultés rencontrées – on l’a suffisamment répété ce soir – par les opérateurs pour faire jouer la défiscalisation visant à financer leurs opérations. En outre, la ponction dans les caisses des organismes HLM et des sociétés d’économie mixte, qui n’est pas suffisamment évoquée, coûtera entre 8 et 10 millions, soit environ sept cents logements par an pendant trois ans.

Puisque la LBU reste apparemment le socle, sanctuarisé, pour ainsi dire sacralisé, du financement du logement social en outre-mer, comme l’a rappelé la LODEOM, il convient au minimum de lui conserver le même montant de crédits que l’an passé.

En compensation, il est proposé de supprimer 25 millions sur l’action 1 du programme 138, à savoir les crédits destinés à l’aide au fret, puisque cette mesure de la LODEOM n’est toujours pas entrée en vigueur. Le rapport de nos collègues et Bartolone comporte, à cet égard, des formules éclairantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons que celles évoquées sur l’amendement précédent, je suis personnellement favorable à cet amendement que la commission a rejeté.

Je pense, madame la ministre, que ces deux amendements permettraient de répondre à un certain nombre d’interrogations que j’ai entendues toute la soirée, sur tous les bancs. À un certain moment, mes chers collègues, j’ai d’ailleurs été soulagé de pouvoir me reporter à la feuille jaune établie par le service de la séance : je ne savais plus qui s’exprimait, notamment sur les questions touchant à la crise du secteur du bâtiment et des travaux publics, tant les avis se ressemblaient ! (Sourires.)

En effet, lorsque l’on regarde l’activité économique de l’outre-mer, on se rend compte – j’ai eu l’occasion de le dire dans mon intervention liminaire – qu’il y a toujours un écart entre l’entrée dans la crise et la sortie de crise. Du coup, nous avons tout intérêt à y être très attentifs, en particulier outre-mer, au cours de l’année 2011.

C’est la raison qui m’a amené à soutenir les deux amendements défendus par Victorin Lurel, qui permettraient d’envoyer un signal à l’économie ultramarine, à la fois sur les investissements et sur le logement social.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Bien évidemment j’émets un avis défavorable sur cet amendement. Pour financer la mesure proposée au bénéfice du logement social, on propose de prendre les crédits destinés à l’aide au fret, qui sera applicable dès 2011. Cela n’est donc pas acceptable en l’état.

(L’amendement n° 16 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Je suis intervenu cet après-midi, en commission des affaires sociales, sur un amendement semblable dans le cadre de la mission « Ville et logement ». J’y reviens ce soir tout simplement parce qu’il s’agit d’un problème important pour les jeunes ultramarins : je veux parler du risque de disparition de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe, qui intervient dans le champ de l’insertion par la formation et la validation des acquis de l’expérience, au profit d’un public issu essentiellement des DOM-COM, puisque 193 des 290 stagiaires en sont originaires. Cette proportion est stable depuis plus de trente ans. Non seulement le taux d’insertion de ceux qui passent par l’IFCASS se situe autour de 80 %, mais cela participe pleinement de la continuité territoriale.

Or la direction générale de la cohésion sociale a acté le désengagement des ministères sociaux en inscrivant au PLF pour 2011 une subvention divisée par deux : de 1 679 620 euros, elle passerait à 839 810 euros. On craint même que ce ne soit zéro euro en 2012, ce qui signifie la disparition programmée de l’établissement.

Tout le monde comprendra la nécessité d’intervenir sur ce dossier ; comme il ne m’est pas possible de revenir en séance sur ce sujet lundi prochain, sur la mission « Ville et logement », cet amendement consiste tout simplement à faire en sorte que la moitié des 1 679 620 euros, soit 839 810 euros, soient apportés sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. C’est là un débat qui mérite d’avoir lieu. Le problème, comme j’ai essayé de le démontrer tout à l’heure sur quelques amendements, c’est que la mission « Outre-mer » n’est pas le cadre adéquat : comme vous venez de l’indiquer, l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales, est financé par la mission « Ville et logement », sur le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». De ce fait, autant la préoccupation mérite d’être entendue dans l’hémicycle, autant il ne me paraît pas possible d’examiner cet amendement dans le cadre de la mission « Outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, je voudrais apporter quelques informations.

On comprend tout l’intérêt de cet institut de formation, notamment pour nos jeunes ultramarins, dans les métiers qui concernent les carrières administratives sanitaires et sociales. Mme Pau-Langevin est d’ailleurs intervenue sur ce sujet.

Ajoutons que, dans le cadre de la mission « Outre-mer », même si nous ne finançons pas cet établissement, nous prenons en charge les frais pédagogiques des stagiaires, ce qui représente une enveloppe d’1,6 million par an.

Nous avons bien conscience de l’utilité de cet institut de formation et avons donc organisé une réunion interministérielle. Des garanties ont été apportées au directeur de cet établissement : celui-ci ne fermera pas en 2011. L’année scolaire sera préservée, puisqu’un fond de roulement lui permet de respecter ses obligations.

Nous examinons actuellement les modalités de financement de cet institut, au moyen notamment des fonds européens, en particulier le Fonds social européen, mais aussi avec d’autres partenaires. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement : le dossier est en cours de traitement, et très bien traité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Vous nous dites qu’une démarche interministérielle a été entreprise. Je vous pose donc les questions suivantes : le secrétaire d’État au logement a-t-il été pleinement saisi du problème ? La mission « Ville et logement » bénéficiera-t-elle de fonds supplémentaires, ou devra-t-on simplement compter sur des fonds annexes qui viendraient, comme vous venez de le dire, de l’Europe ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Je viens de vous répondre.

(L’amendement n° 27 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, nous venons d’examiner le dernier amendement à l’article 27. Nous allons donc voter l’état B. Or il me semble que le règlement ne vous permet pas de nous laisser expliquer notre vote sur les crédits de la mission. M’accorderiez-vous quand même deux minutes pour le faire ?

M. le président. Monsieur Lurel, je vous confirme qu’il n’y a pas, en principe, d’explication de vote sur le vote de ces crédits. Vous avez l’occasion de vous exprimer sur les différents amendements. Je vous accorde néanmoins les deux minutes que vous m’avez demandées.

M. Victorin Lurel. Je vous en remercie, monsieur le président.

Je voudrais, avant le vote que nous allons émettre sur les crédits de cette mission, répondre au moins à un mot que j’ai entendu dans le discours de la ministre : à l’entendre, nous tiendrions presque tous un discours anxiogène qui serait de nature à alimenter les organisations telles que le LKP en Guadeloupe.

Même si l’on veut être agréable à une ministre, qui plus est originaire de mon territoire, on ne peut accepter d’entendre que nous serions les otages de telle ou telle organisation, ou des mouvements sociaux. Nous gardons ici notre liberté d’opinion et d’appréciation sur la politique qui est conduite. Or, disons-le très franchement : elle est mauvaise.

Même si l’on veut être agréable au Gouvernement et à la ministre, qui est originaire de nos territoires, on ne peut pas laisser dire que les discours tenus ici par les uns et les autres seraient de nature à alimenter la contestation sociale, pour ne pas dire à créer une situation insurrectionnelle. Je vous demande, madame la ministre, de mesurer les propos que vous tenez au sein de cet hémicycle.

M. Gaël Yanno. C’est lui qui dit cela !

M. Victorin Lurel. Ensuite, disons-le tout aussi clairement : ce budget est une déception, d’abord pour vous, les amis du Gouvernement ; ensuite, pour les entreprises, qui l’ont exprimé. C’est aussi une déception pour les petites gens et pour l’opinion publique en général. Enfin, c’est aussi un drame personnel pour la ministre. (Sourires.)

Je suis sûr qu’au fond de vous, madame la ministre, vous savez que ce budget est mauvais ; vous savez que nous avons affaire à une sorte de vaudou budgétaire, à une zombification de la mission « Outre-mer » ! (Rires.) Vous tenez ici un discours irréel. C’est de la mystification, de la poudre aux yeux. C’est la raison pour laquelle nous émettrons un vote négatif sur les crédits de cette mission.

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer », modifiés par l’amendement n° 72.

(Les crédits de la mission « Outre-mer », ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant l’article 77 du projet de loi de finances, rattaché à cette mission.

Article 77

M. le président. Sur l’article 77, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 66.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Cet amendement vise à préciser que les trois dispositifs mis en place au profit de la Polynésie française se substituent à la dotation globale de développement économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La précision est bienvenue : avis favorable.

(L’amendement n° 66 est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 67 et 68 du Gouvernement sont rédactionnels et son amendement n° 69 est de coordination.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Exactement, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La commission ne les a pas examinés, mais j’y suis favorable à titre personnel.

(Les amendements nos 67, 68 et 69, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’article 77, amendé, est adopté.)

Après l’article 77

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 77.

Le Gouvernement a présenté un amendement n° 70, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 95 et 127.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. À travers l’amendement n° 70, nous montrons que les décisions du comité interministériel de l’outre-mer sont une réalité. Le chef de l’État avait annoncé, lors de son déplacement en Guyane, qu’il était disposé à ce que des terrains du domaine privé de l’État puissent être cédés à titre gratuit, notamment pour des projets d’intérêt général et surtout pour la construction de logements sociaux, sans oublier des opérations d’aménagement à des fins d’utilité publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La commission n’a pas étudié cet amendement, qui aurait pour objet d’autoriser l’État à céder, avec une décote de 100 %, les terrains dont il est propriétaire outre-mer, dans deux hypothèses : premièrement, lorsque ces terrains sont destinés à la construction d’un ensemble composé essentiellement de logements, et comprenant une part de logements sociaux ; deuxièmement, lorsque ces terrains sont destinés à l’aménagement d’équipements collectif.

Si l’intention peut parfaitement se comprendre – on peut à cet égard regretter qu’il n’ait pas pu être examiné par la commission –, il est indispensable d’en préciser la rédaction.

Tout d’abord, il serait dommageable, pour respecter l’esprit de l’amendement, de ne pas préciser la part minimale de logements sociaux. Le texte se contente en effet d’indiquer qu’« une partie au moins est réalisée en logements locatifs sociaux ». Des programmes de construction de logements luxueux pourraient donc être réalisés sur des terrains cédés gratuitement par l’État, dès lors qu’un seul logement social serait construit dans le même programme ! C’est ce qui m’amène à vous proposer, dans l’urgence, un sous-amendement n° 95 fixant, dans l’esprit de la loi SRU, à 30 % la part minimale de logements sociaux devant être inclus dans les programmes réalisés sur les terrains cédés par l’État dans les conditions prévues.

Je vous propose un deuxième sous-amendement, n° 127, destiné à écarter tout risque de spéculation : il s’agit d’empêcher qu’un acquéreur qui n’aurait pas tenu ses engagements puisse réaliser une plus-value sur le terrain en revendant celui-ci plus cher qu’il ne l’aurait acheté à l’État et en empochant une plus-value sans avoir construit aucun des logements qu’il était théoriquement tenu de réaliser aux termes du contrat passé avec l’État. La discussion au Sénat devrait permettre d’en améliorer la rédaction. En tout état de cause, je crois indispensable de voter ces deux sous-amendements qui offrent quelques garanties, dans l’esprit de l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Ayant entendu l’analyse de M. le rapporteur, je suis tout à fait favorable à ces deux sous-amendements. Vous l’avez bien compris, le logement est une priorité de la politique du Gouvernement pour l’outre-mer. Ce seuil de 30 % me paraît donc une idée particulièrement bienvenue.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Au nom du groupe Nouveau Centre, je voulais faire des observations semblables à celles de M. le rapporteur.

Cet amendement est tout à fait utile : ce que l’État veut faire dans les départements et collectivités d’outre-mer par le biais de cet amendement, c’est ce qui se fait en métropole – je pense notamment à la cession gratuite de certaines emprises dans le cadre des redéploiements militaires. Et les deux sous-amendements présentés par le rapporteur le rendent d’autant plus intéressant : nous émettrons donc un vote positif.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Je suis moi aussi favorable aux deux sous-amendements. Mais la rédaction d’ensemble mérite d’être encore améliorée.

Imaginons par exemple qu’un bailleur social achète un terrain, gratuitement, ou pour l’euro symbolique, sur lequel il construit 70 % de logements sociaux ; directement ; il revend les 30 % restants à un promoteur qui construit en VEFA, c’est-à-dire en vente en l’état futur d’achèvement. Puis il rachète grâce à la défiscalisation sociale. Qui bénéficiera de la plus-value ? Voilà pourquoi je pense que les deux sous-amendements prennent tout leur sens.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. J’ai écouté attentivement René-Paul Victoria. La situation est encore plus complexe… Je partage l’idée qu’il faut éviter toute spéculation après la cession, mais prenons garde : il est parfaitement possible de combiner une opération de logement social avec une opération réalisée en VEFA ; dès lors, vous êtes obligé de céder la part du terrain concerné par la VEFA.

Il faudra retravailler la rédaction du texte lors de la discussion au Sénat : dans la formulation actuelle, il ne serait pas possible de céder à nouveau les terrains ; mais si vous interdisez de revendre pour permettre une opération de VEFA, en rachetant en défiscalisation, à supposer que cela marche encore, vous risquez de bloquer un partenariat entre une collectivité et un organisme privé – une société HLM, par exemple. On pourrait proposer un sous-amendement ; quoi qu’il en soit, il faudra surtout réfléchir pour éviter tout risque de blocage en cas d’opération mixte.

Beaucoup d’entre nous s’accordent à considérer qu’il s’agit là d’un bon amendement du Gouvernement. Encore faudra-t-il évaluer l’importance des opérations foncières et des propriétés d’État transférables. Pour l’instant, on n’en sait trop rien : dans le cas de la Martinique, la taille des parcelles, souvent situées sur les anciens cinquante pas géométriques est en général assez réduite ; mais à la limite, pourquoi pas ?

Cependant, le texte comporte un élément assez gênant : c’est le délai de cinq ans que vous avez prévu. Il s’agit, on l’aura compris, de contraindre les promoteurs à achever le chantier. Mais il faut faire attention : il serait peut-être préférable d’écrire que le chantier doit démarrer dans ce délai de cinq ans. Car les opérations de ce genre peuvent être épouvantablement complexes : il faut compter un an et demi à deux ans pour les études, l’appel d’offres, le début des travaux ; et il peut y avoir ensuite des dérapages dans le déroulement du chantier. Si le chantier n’est pas réalisé dans les cinq ans, le promoteur perdra-il les avantages prévus par le texte ? Ne faudrait-il donc pas préciser plutôt un délai de démarrage ?

(Les sous-amendements nos 95 et 127, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n° 70, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de la commission des finances, n° 13, qui fait l’objet d’un sous-amendement, n° 45.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Cet amendement, adopté par la commission des finances, résulte des travaux conduits sur l’application de la LODEOM. Gaël Yanno en est d’ailleurs cosignataire…

Mme Isabelle Vasseur. L’excellent Gaël Yanno ! (Sourires.)

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. …ainsi que le président de la commission des finances, qui a lui-même eu à connaître de ces sujets en tant que rapporteur spécial.

La LODEOM a prévu une aide budgétaire pour la rénovation hôtelière, essentiellement dans les DOM. Cette aide, d’un montant maximal de 7 500 euros par chambre, serait particulièrement utile pour relancer le tourisme, secteur d’avenir, mais en grande difficulté. L’article 26 de la LODEOM prévoit un agrément de l’aide dans les mêmes conditions que ce qui est prévu pour la défiscalisation des investissements productifs et locatifs outre-mer.

Lors de l’examen du projet de loi, le rapporteur Gaël Yanno a tenu à préciser que cette identité de procédure ne liait pas les deux dispositifs : en d’autres termes, le bénéfice de l’aide n’est pas conditionné au fait, pour l’exploitant, d’avoir par ailleurs bénéficié de la défiscalisation. Outre qu’elle serait contraire à la lettre et à l’esprit de la loi, une telle exigence serait économiquement infondée, car elle reviendrait à soutenir doublement les plus grosses structures, qui disposent déjà de l’ingénierie et de l’assiette fiscale nécessaires à la défiscalisation, et à exclure les plus petites.

Pourtant, une circulaire en cours de préparation lierait, au-delà d’un certain seuil, l’aide à la rénovation hôtelière et la défiscalisation. Afin d’empêcher une application de la loi contraire à son esprit, l’amendement n° 13 propose de supprimer la procédure d’agrément, complexe et mal comprise, et de prévoir expressément l’absence de lien entre défiscalisation et aide à la rénovation hôtelière.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour présenter le sous-amendement n° 45.

Mme Annick Girardin. À la demande des parlementaires, le dispositif a été étendu à l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Toutefois, le décret du 22 janvier 2010 a entendu de façon stricte la référence au classement hôtelier, et en a fait une condition impérative pour bénéficier des aides. Ce qui rend le dispositif très difficile à appliquer dans l’archipel, qui ne dispose d’aucune structure classée.

Comme le Gouvernement, je suis favorable à ce que l’accueil hôtelier s’améliore, et à ce que les structures hôtelières de Saint-Pierre-et-Miquelon soient un jour classées. Mais si le classement est nécessaire pour bénéficier de l’aide à la rénovation, un hôtel de Saint-Pierre-et-Miquelon qui voudrait en bénéficier devra d’abord faire une demande de premier classement. Comme il n’existe pas de structure de classement sur place, cela signifiera qu’une telle demande exigera une mission de deux personnes au minimum, qui se rendront dans l’archipel pour deux à trois jours afin de donner un conseil sur le nombre d’étoiles à attribuer ; c’est seulement à ce moment que le dossier sera étudié. Il appartiendra ensuite à cet hôtel de présenter une demande d’aide pour rénover sa structure, puis une nouvelle demande de classement, puisque son objectif est bien de viser, non pas le nombre d’étoiles dont il pourrait bénéficier aujourd’hui, mais bien celui dont il pourrait bénéficier demain, après rénovation.

Madame la ministre, vous disiez tout à l’heure qu’il fallait traiter chaque territoire selon ses besoins et selon ses spécificités. Nous sommes en plein dedans ! Je sais bien que vous n’avez pas envie d’accorder cette dérogation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais autant dire alors que ce dispositif sera difficilement applicable dans l’archipel.

Je sais que vous avez envie que les services de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon se mettent à la disposition de l’ensemble des hôteliers. Mais il y a déjà trois refus d’étude des dossiers par la préfecture – non parce que la circulaire n’est pas sortie, mais parce que l’organisme n’est pas classé.

Je souhaite donc que mon sous-amendement n° 45 soit soutenu par l’ensemble de mes collègues, sur tous les bancs : il faut comprendre les difficultés spécifiques de certains territoires. Il ne s’agit pas de contourner une règle et d’éviter à l’archipel de disposer, demain, de structures classées ; il s’agit de permettre l’application dès cette année de ce dispositif. Enfin, à ceux qui s’inquiéteraient de l’ampleur budgétaire d’une telle mesure, précisons que l’on parle à Saint-Pierre-et-Miquelon de soixante chambres…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement. J’y suis favorable à titre personnel.

Tout a été dit : le décret prévoit l’aide en fonction du classement de l’hôtel, mais il n’y a pas d’hôtel classé à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il serait donc cohérent de prévoir une application différente dans cet archipel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Je suis favorable à l’amendement n° 13 : en effet, l’article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer liait la subvention de 7 500 euros à un agrément. On sait combien il est important de rénover nos structures hôtelières. Permettre la rénovation des chambres et, partant, d’améliorer la qualité d’accueil des touristes dans nos territoires, c’est, je crois, une bonne proposition.

S’agissant maintenant du sous-amendement n° 45 présenté par Mme Girardin, le classement est effectivement une des conditions nécessaires. Il est très important que la rénovation se traduire de meilleures conditions d’hébergement, et c’est le classement qui permet de constater cette amélioration.

Vous dites qu’il n’y a pas de procédure de classement à Saint-Pierre-et-Miquelon : je maintiens, quant à moi, que cette procédure s’applique. Le préfet vient d’ailleurs de m’indiquer qu’un hôtel est en passe d’être classé trois étoiles. Il n’y a donc aucune impossibilité juridique à l’application de la mesure, dès lors que l’amendement serait adopté.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je voulais seulement demander une petite précision sur l’article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer. On fait référence aux départements d’outre-mer, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Qu’en est-il alors de Saint-Barthélemy, de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna ? Font-ils l’objet de mesures spécifiques ?

Mme Christiane Taubira. C’est déjà assez compliqué comme ça ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Je n’ai pas d’information sur les autres territoires d’outre-mer.

J’ai bien dit qu’il ne s’agissait pas d’un problème juridique, madame la ministre : le classement est bien entendu possible à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le problème est que n’a jamais été fait, faute de structure d’agrément.

Si un hôtel a demandé un classement à la préfecture, c’est probablement le seul grand hôtel de l’archipel, le seul qui ait les moyens de faire venir deux missions – c’est-à-dire de payer deux fois 5 000 euros – pour pouvoir se faire classer. C’est ridicule. Jamais nous n’arriverons ainsi à soutenir l’ensemble des structures ; elles ne sont pourtant pas bien nombreuses… L’État, le Gouvernement ne prendraient guère de risques.

Madame la ministre, il est tout à fait possible de dire que le dossier peut être instruit en préfecture sans classement, que 50 % de l’aide est donnée au début de l’instruction, et que le complément n’est versé qu’après l’obtention du nombre d’étoiles.

Mais je trouve un peu ridicule de demander aux organismes de Saint-Pierre-et-Miquelon de faire deux fois une opération de classement. C’est du gaspillage d’argent. De toute façon, à part cet hôtel-là, très peu d’organismes feront la démarche.

M. Charles de La Verpillière. Un hôtel, c’est déjà pas mal !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Le sous-amendement de notre collègue Girardin se justifie et je le soutiens. Sa démonstration est claire : le plus important, c’est de disposer des moyens pour pouvoir bénéficier de ces aides.

Cet amendement n° 13 est précieux pour faire face à la crise très préoccupante que nous connaissons dans le domaine touristique, plus spécifiquement dans la rénovation hôtelière et, demain, dans la construction de nouvelles structures. Ce secteur est en crise et les menaces de chômage sont réelles. Je souscris pleinement à cette proposition. Il faut l’entériner par la loi.

Cela étant, même si l’on rompt le lien juridique entre défiscalisation et aide, il restera toujours un lien parce que celui qui fera le montage financier aura besoin instantanément de la décision de la défiscalisation en même temps que la décision administrative pour cumuler l’aide de 7 500 euros par chambre avec sa propre contribution et renforcer sa capacité à mobiliser de l’autofinancement ou un emprunt. Or, dans la pratique, entre l’instruction du dossier de défiscalisation et l’octroi de l’aide, le décalage est énorme : c’est exactement là qu’est la cause de la panne que nous connaissons depuis une année dans le logement social.

Il serait intéressant que vous précisiez les choses, madame la ministre. Pour les contrats de plan État-région, les aides liées à des défiscalisations sont adossées à des fonds européens. On accuse les collectivités de ne pas consommer ; on oublie simplement que la mobilisation bancaire pour l’apport personnel est extrêmement compliquée, et que le décalage avec la durée d’instruction est tellement énorme que l’opérateur ne parvient jamais à concrétiser.

Enfin, n’oublions pas qu’opération peut comprendre plusieurs tranches de rénovation. Je ne sais pas pour quelles raisons vous avez fixé un seuil de 100 chambres. Est-ce à dire que si un hôtel dispose de 120 chambres, 20 chambres ne seront pas éligibles ? Sera-t-il possible d’avoir des tranches supplémentaires ? En spécifiant que l’aide est donnée d’un seul tenant à un moment donné T, le texte semble vouloir dire qu’une personne qui engage une deuxième tranche ne bénéficiera pas l’aide.

Le Sénat pourra peut-être corriger cela en prévoyant que les tranches seront acceptées au même titre qu’une opération globale.

(Le sous-amendement n° 45 est adopté.)

(L’amendement n° 13, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 73.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Cet amendement met en œuvre une autre mesure annoncée lors du conseil interministériel de l’outre-mer, pour soutenir un secteur très en difficulté suite à la crise de février 2009 : je veux parler du dispositif d’apurement des dettes de cotisations patronales du secteur hôtelier dans les Antilles.

Le mécanisme comprend deux volets : d’une part, un abandon partiel des dettes de cotisations patronales, de 50 % au plus, échues au 31 octobre 2009, d’autre part, l’étalement des dettes cumulées de janvier à octobre 2009 et une prolongation du moratoire sur les cotisations patronales de l’année 2010.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement. L’objet est de prolonger pour le secteur hôtelier des Antilles le plan d’apurement des dettes mis en place par l’article 32 de la LODEOM. Ce plan sera étendu aux entreprises hôtelières de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Le rapport d’application de la LODEOM a montré la complexité du dispositif de l’article 32. Les rédacteurs s’étaient même étonnés du fait que près de la moitié des entreprises potentiellement bénéficiaires du plan d’apurement ne l’aient pas sollicité.

Je suis donc quelque peu dubitatif sur l’efficacité du dispositif que nous propose le Gouvernement, mais j’ai par ailleurs conscience des difficultés du secteur hôtelier. je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. C’est un bon amendement et je suis prêt à le voter, mais je voudrais faire quelques remarques importantes.

Premièrement, le Gouvernement proroge ce qui existe déjà et qui figure, il me semble, en lettres de feu dans la LODEOM. Deuxièmement, le fameux plan Corail est resté une virtualité, une sorte de chimère, un couteau sans manche auquel manque la lame, dirait Lichtenberg. Le fait de le reprendre relève d’une bonne intention, mais légiférer, ce n’est pas simplement avoir de bonnes intentions : l’enfer en est pavé, on le sait…

Vouloir conditionner le bénéfice de cette mesure à l’acquittement des cotisations salariales, par exemple, est compréhensible mais je n’approuve pas cette proposition. En effet, dans la pratique, lorsque vous n’avez pas payé les charges patronales de sécurité sociale, vous n’avez pas payé non plus les charges salariales, si bien que cela relève du pénal. Le plan Corail n’a pas marché, et pas davantage le fameux plan Colibri pour les îles de sud – M. Jego avait le sens de la formule poétique – alors qu’un traitement était réservé au non-paiement des cotisations salariales, avec une date butoir fixée au 31 décembre 2009.

Cet amendement est bon, et je le voterai, mais je crains qu’il ne soit inefficace car il ignore les réalités.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Madame la ministre, c’est un très bon amendement, qui répond à une demande formulée par l’ensemble des acteurs locaux – on parle des hôtels mais pratiquement toutes les entreprises locales ont cette demande.

Alors que l’année 2009 n’était pas prise en compte, vous proposez à la fois un apurement et une possibilité d’abandon partiel. C’est clair. Cependant, Victorin Lurel a raison, il est inutile d’écrire des choses qui ne seront pas appliquées. On connaît les résultats du plan Corail. Pourquoi insister ?

J’aimerais, là encore, proposer des sous-amendements mais, bien qu’il me semble qu’il soit possible de déposer des sous-amendements à un amendement gouvernemental, j’observe que mes deux dernières propositions n’ont pas eu de suite. Je ne sais ce qu’en a pensé le Gouvernement.

Vous proposez, madame la ministre, que le solde des cotisations patronales effectivement dues au titre de l’année 2010 soit remboursé ou acquitté avant la fin du premier semestre de l’année 2011. Je propose de repousser au deuxième semestre de l’année 2011 parce que votre délai mettrait en difficulté des entreprises qui ne pourront pas exécuter ces opérations dans les temps.

Par ailleurs, la validité des plans que vous demandez est subordonnée au reversement effectif de la part salariale des cotisations « à bonne date ». Cela signifie que s’il y a un dépassement, la personne ne pourra pas bénéficier du plan. Je propose d’indiquer : « à partir de la date du respect du plan d’apurement ». Cette subtilité permettrait aux entreprises de bénéficier de la mesure.

En conclusion, c’est un bon amendement mais, de mon point de vue, irréalisable sur le terrain.

M. le président. Monsieur Letchimy, je vous précise simplement que les sous-amendements rédigés en séance doivent parvenir au plateau par écrit pour la clarté de notre travail.

M. Serge Letchimy. Mais nous venons juste de prendre connaissance de l’amendement !

M. le président. Néanmoins j’interroge Mme la ministre sur cette suggestion : pense-t-elle pouvoir rectifier, au pied levé, cet amendement aussi complexe ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Je vais essayer de m’exprimer là-dessus.

La LODEOM avait pris cet élément en compte, monsieur le député. La mesure proposée vise à reporter le délai parce que la situation des entreprises dans le secteur hôtelier est préoccupante par rapport à la crise sociale de 2009. Cela étant, il existe d’autres difficultés liées au tourisme et à l’activité économique en général. On ne va pas repousser continuellement le délai, ne serait-ce que parce que cela a un coût ; et, pour l’heure, je ne suis pas en mesure de l’estimer.

(L’amendement n° 73 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 71.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Cet amendement est directement lié à la proposition que j’ai faite tout à l’heure. Le passage au numérique va entraîner des augmentations de coûts de diffusion pour les chaînes locales privées. L’objet est de mettre en place une aide financière afin d’aider les télés locales à financer ces coûts de diffusion. Nous l’avons vu tout à l’heure, les crédits ont été abondés à hauteur de 500 000 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteure spécial. C’est la suite de l’amendement que nous avons vu tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit, là encore, d’un bon amendement – ce sont décidément les seules bonnes surprises de ce débat budgétaire. J’observe d’ailleurs qu’il aurait été préférable d’examiner ces amendements en commission. Comme l’a souligné le rapporteur, il aurait été utile qu’ils puissent bénéficier des lumières notamment de la commission des finances.

Une aide de 200 000 euros sur trois ans, c’est déjà ça, mais c’est insuffisant quand on sait que TDF demande aux petites télévisions locales, en Guadeloupe – je parle de ce que je connais – quelque 110 000 euros d’après les informations qui m’ont été données, et que le meilleur tarif qui leur est fait est de 80 000 euros. Si on accorde 63 000 euros pour deux télévisions, cela fera à peu près 30 000 euros chacune. Il faudrait demander à cet opérateur, qui reste encore un peu public, me semble-t-il, de faire encore un petit effort.

Enfin, je me demande – je m’adresse à vous, monsieur le président, et au Gouvernement – comment la chaîne parlementaire peut boycotter les outre-mer et refuser de figurer dans le premier bouquet qui va arriver chez nous très bientôt. Je ne sais pas, monsieur le président, quels peuvent être vos pouvoirs dans la gestion ou dans la gouvernance de cette chaîne ; quoi qu’il en soit, je le dis devant la représentation nationale, il faut peser pour que, chez nous aussi, il soit possible de voir les débats parlementaires. Je voterai cet amendement.

(L’amendement n° 71 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Cet amendement, cosigné par le président de la commission des finances et le rapporteur général, a été adopté à l’unanimité par la commission. Il demande au Gouvernement d’étudier la possibilité de transformer en dépenses budgétaires certaines des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer ».

Comme je l’indiquais tout à l’heure, la politique de l’État outre-mer est désormais essentiellement fiscale. Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » sont 1,6 fois supérieures aux crédits de la mission.

Or, pour un coût égal, la dépense fiscale représente un soutien moins important que la dépense budgétaire. L’exemple typique est celui de la défiscalisation : jusqu’à 40 % de la dépense fiscale s’évaporent au profit d’autres bénéficiaires que les économies ultramarines : les contribuables bénéficiant de la réduction d’impôt et les cabinets de défiscalisation.

Il conviendrait d’étudier la possibilité de substituer aux dépenses fiscales des dépenses budgétaires, afin d’accroître pour un coût inchangé le soutien réellement apporté à l’outre-mer.

Je vous rappelle que tel était le souhait émis par la mission d’information de la commission des finances dans son rapport d’information sur les niches fiscales en juillet 2008.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. La question de l’efficience de la dépense fiscale par rapport à la dépense budgétaire sera traitée dans le cadre des travaux de la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer. Je rappelle que le Parlement est fortement représenté dans cette commission, dont la composition est fixée par un décret du 1er septembre 2010 : elle comprendra dix députés et dix sénateurs.

Une revue générale de l’ensemble des dépenses fiscales est actuellement diligentée par l’inspection générale des finances à la demande du Gouvernement et les conclusions de cette étude, qui a notamment pour objet de faire un bilan sur l’impact des principaux dispositifs de défiscalisation, devraient être rendues au printemps 2011.

Le Gouvernement ayant déjà engagé la démarche à laquelle vous l’invitez, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Gaël Yanno.

M. Gaël Yanno. Retenu dans ma circonscription, je n’ai malheureusement pas pu participer aux travaux de la commission des finances, mais je suis défavorable à son amendement.

Quelle image voulons-nous donner au secteur économique de l’outre-mer et quel message voulons-nous envoyer aux investisseurs ? La défiscalisation a été votée en 2003 pour quinze ans avec une promesse de stabilité. Nous avons commencé à la plafonner fin 2008, avec le plafonnement global et le plafonnement de la défiscalisation outre-mer. Début 2009, nous l’avons recentrée dans le cadre de la LODEOM – précisons que ce recentrage a conduit à geler tous les agréments du 27 mai 2009, date de publication de la LODEOM, jusqu’au début du mois de décembre 2009, date de l’approuvé communautaire pour la défiscalisation du logement social et jusqu’au début du mois de février 2010, date de l’approuvé communautaire pour l’investissement productif. Au total, pendant plus de dix mois, tous les dossiers d’agrément de la défiscalisation ont été complètement gelés !

Qui plus est, nous avons, fin 2009, baissé le plafonnement global. Aujourd’hui, à la fin de l’année 2010, nous proposons de raboter le crédit d’impôt de la défiscalisation outre-mer et de baisser de 10 % son plafonnement. Aujourd’hui, cet amendement propose d’envoyer comme message à l’investisseur qu’un rapport va être fait pour savoir s’il faut supprimer la défiscalisation !

Mme Christiane Taubira. C’est cela qui est anxiogène !

M. Éric Jalton. Très anxiogène !

M. Gaël Yanno. Ce n’est pas sérieux. Laissons tranquille la défiscalisation outre-mer afin qu’elle puisse avoir les effets que nous escomptons chez les ultramarins et ne touchons pas à ce dispositif pendant les deux ou trois années à venir.

M. Yves Censi. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement a le mérite de clarifier les choses en posant le problème du financement des économies d’outre-mer.

Cela dit, c’est à l’État que devrait s’adresser l’analyse de mon excellent collègue Gaël Yanno. En moins de deux ans, nous avons connu quatre modifications de la défiscalisation. Autant dire que, en matière de défiscalisation, la stabilité dont mon collègue rappelle la nécessité n’a jamais été assurée, et l’on voit à quelles extrémités nous en sommes réduits.

Pour ce qui est des dépenses fiscales, rappelons que, lorsque l’on a touché à l’indemnité complémentaire de retraite dans les collectivités d’outre-mer, le ministre de l’époque, redevenu depuis notre collègue M. Jégo, promettait que ces sommes allaient être réinvesties. De la même façon, 120 millions d’économies ont été réalisés sur la TV-NPR : eux aussi devaient être réinvestis. Au total, 337 millions d’économies, qui devaient aussi être réinvestis, tout comme les 57 millions de crédits budgétaires sur le RSA et les 440 millions d’économies pour non-application des mesures positives de la LODEOM. Et pour ce qui est de la défiscalisation ? Ça va, ça vient, bref, ça fluctue !

Voilà pourquoi, par pure provocation, nous allons demander à Mme la ministre de nous donner 5,2 milliards – 1,9 milliard plus 3,2 milliards. Arrondissons, donnez-nous 5 milliards ! Nous savons que c’est long : nous connaissons la difficulté de mobiliser des crédits budgétaires, nous savons que la direction des services fiscaux et la DDE qui se renvoient la balle. Mais je prends un engagement : l’an prochain, nous reviendrons sur cette niche du logement social, car je suis sûr que vous allez repasser un coup de rabot en prétextant que ce type de mesure a mauvaise presse ici. Nous passons pour des quémandeurs, alors que, pour ma part, je suis favorable à l’idée d’inciter le contribuable à devenir investisseur. Et si l’état du marché permet à chacun de pouvoir optimiser son investissement, pourquoi pas ?

Toujours est-il que cette instabilité que vous instituez compromet le financement de nos économies. Il faudra bien qu’un jour, entre les crédits budgétaires – et non les AE qui peuvent générer les « dettes virtuelles » comme le disait Yves Jégo –, nous ayons de l’argent sonnant et trébuchant, des crédits de paiement qui peuvent payer ce qui a été fait avant, mais également ce qui se fait aussi durant l’exercice. Il faudra bien poser le problème entre les crédits budgétaires qui diminuent, la dépense fiscale en chute libre du fait de la disparition de la défiscalisation, les crédits européens fléchés parce que marqués. Que reste-t-il ? L’épargne locale. Le Président de la République a proposé de créer un fonds d’investissement de proximité. Mais où est-il ?

Savez-vous où sont les positions extérieures de nos banques ? Ici, en métropole. Comme à l’époque l’épargne était investie ici, dans le financement de la dette de l’État. Et l’on nous renvoie à la figure que nous coûtons 3,2 milliards en dépenses fiscales ? Mais personne ne sait ce que nous investissons. C’est la même chose pour les prélèvements communautaires !

Même si nous sommes conscients des conséquences de cet amendement, il a le mérite de soulever un vrai sujet. Car aucun ministre ne peut nous garantir que la situation sera définitivement stabilisée. Parce qu’il n’y en a jamais assez ! Et parce qu’il y a toujours trop pour les outre-mer !

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Je comprends les préoccupations de Gaël Yanno, mais je ne les partage pas.

Cet amendement a été longuement débattu en commission des finances et adopté à l’unanimité. Nous sommes en présence d’un vrai problème : face à une intervention dont tout le monde juge qu’elle est utile, nous devons savoir si elle doit prendre la forme d’une dépense fiscale ou d’une dépense budgétaire. C’est là qu’est le vrai problème et il faut le considérer très objectivement. Il ne s’agit pas de rayer d’un trait de plume les avantages fiscaux et les dépenses fiscales, mais de mettre en place le système le plus efficace et le plus pertinent possible. C’est pourquoi j’estime que cet amendement doit être adopté.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Nous sommes au cœur d’un débat extrêmement intéressant en matière de politique budgétaire et de politique de développement.

Le problème doit être posé, mais pour ma part, je ne l’aurais pas exposé ainsi. J’ai bien entendu Claude Bartolone dire qu’il n’était pas personnellement favorable à la défiscalisation. Reste que le rapport proposé dans cet amendement est déjà très orienté : il est question d’un rapport « étudiant la possibilité de transformer en dotations budgétaires les dépenses fiscales rattachées à titre principal ». Autrement dit, il ne s’agit pas, comme le soutient Michel Diefenbacher, d’une étude comparative permettant de faire un état des lieux entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales pour en déterminer l’efficacité, mais bel et bien d’une étude orientée par la commission des finances et destinée à prouver le bien-fondé de la transformation des dépenses fiscales en dépenses budgétaires.

Je partage le sentiment de Gaël Yanno : ce texte a été modifié quatre fois en deux ans. Les pays d’outre-mer sont confrontés à une situation particulièrement délicate. La Martinique connaît une récession économique et, de surcroît, la déstabilisation et la progression du chômage nous interdisent de jouer avec la confiance. C’un problème véritablement d’ordre psychologique, quasiment identique à ce qui peut se passer à la Bourse. Jouer avec la confiance, c’est prendre le risque de nous retrouver dans une situation extrêmement difficile.

Pour ma part je ne suis pas un défenseur acharné de la défiscalisation, mais j’aurais préféré, par le biais d’un sous-amendement, que l’on propose de rendre un rapport qui établisse la comparaison entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales, sans prendre a priori une option en faveur de la transformation des dépenses fiscales en dotations budgétaires. Je compte sur l’esprit d’ouverture de Mme la ministre pour accepter ma proposition. En tout état de cause, il n’est pas question pour moi de voter l’amendement n° 12 en l’état.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Je ne voudrais pas qu’il y ait une fausse interprétation : cet amendement ne reflète pas ma position, même si j’ai manifesté ma réserve à l’égard de la défiscalisation. Mais quitte à dépenser 130 pour financer 100, je préférerais que les 130 aillent au logement social plutôt que d’en voir 30 % s’évaporer en réductions d’impôt au bénéfice de ceux qui ont la possibilité de placer cet argent en défiscalisation ou en rémunération d’officines de défiscalisation.

Par ailleurs, l’idée n’est pas venue au hasard ; un rapport d’information sur les niches fiscales a déjà été rédigé par la commission des finances en juillet 2008. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut remplacer la défiscalisation par une dépense budgétaire, mais de comparer les différentes dépenses pour savoir où la dépense budgétaire serait plus efficace que la défiscalisation. Je vous renvoie au rapport d’information sur les niches fiscales : il ne dit pas autre chose que ce que je viens de vous dire.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Cet amendement conduit à nous poser la question : allons-nous vers une subvention, pour appeler les choses par leur nom, ou une défiscalisation ?

Revenons sur la discussion sur la LODEOM, au cours de laquelle la défiscalisation a été remise en cause. En 2006, 7 000 logements – secteur intermédiaire et secteur libre confondus – étaient construits à la Réunion grâce à la défiscalisation, avec des fonds de nos compatriotes ultramarins et nationaux.

M. Victorin Lurel. Mais ils l’ont supprimée !

M. René-Paul Victoria. En 2007 ce nombre est monté à 8 500 ; il est redescendu à 6 050 en 2008, pour tomber à 1 300 en 2009 et seulement à 1 120 en 2010 !

La défiscalisation a permis de se substituer à un effort que l’État ne faisait plus. Nous faire voter, à bientôt deux heures du matin, un amendement qui va remettre en cause ce principe, c’est déstructurer l’économie de l’outre-mer, c’est aussi donner l’image d’un outre-mer bien éloigné…Non ! Nous besoin de travailler dans la confiance et la sérénité ; c’est ce que les acteurs attendent de nous. Le discours de notre collègue Gaël Yanno prend ici tout son sens.

Laissons là le travail commandité par le Gouvernement sur cette mission, donnons-nous le temps ; au sein de notre intergroupe également, positionnons-nous, prenons à cœur ce problème, discutons-en avec tous les courants. Alors seulement, nous pourrons revenir devant l’Assemblée pour prendre calmement la bonne décision.

M. le président. La parole est à M. Gaël Yanno.

M. Gaël Yanno. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole une deuxième fois.

Je voulais appeler l’attention de mes collègues sur le fait que nous jouons avec le feu en envoyant régulièrement des messages d’instabilité et de changement. Le montage d’un dossier de défiscalisation exige au minimum un an, voire deux. Si nous adoptons cet amendement, l’investisseur va anticiper sur le fait que, dans six ou sept mois au plus tard, dans le cadre du PLF 2012, la défiscalisation disparaîtra purement et simplement. Autant dire que les investisseurs vont immédiatement renoncer à travailler sur des dossiers de défiscalisation.

M. Victorin Lurel. C’est juste !

M. Gaël Yanno. Mes chers collègues, je vous en conjure : faites attention au message que vous envoyez aux investisseurs !

M. Victorin Lurel. C’est un bon argument !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.

M. Jean-Claude Fruteau. Au risque de vous étonner, je partage l’avis de René-Paul Victoria et de Gaël Yanno. C’est à mes yeux un débat essentiel : il s’agit, ni plus ni moins, de savoir comment nous allons financer les investissements dans les outre-mer. Le dispositif de la défiscalisation a donné lieu, dans le passé, à bien des excès, mais on a l’a moralisé au fil des années. Aujourd’hui, ce système remplit un office. Avons-nous l’assurance que nous aurons, demain, le même niveau de dépenses budgétaires pour remplir un office identique ? Personnellement, je n’y crois pas.

M. Victorin Lurel. Moi non plus !

M. Jean-Claude Fruteau. Je partage donc les craintes de nos collègues. Ne touchons à rien ! À deux heures moins le quart, en fin de discussion budgétaire, ne donnons pas un grand coup de pied dans ce qui existe pour des chimères ! La dépense budgétaire ? Dans l’état actuel de nos finances et dans l’état actuel de la mentalité qui sévit parfois ici à l’égard des outre-mer, je n’y crois pas. C’est pourquoi, personnellement, et je prie mon ami Bartolone de m’en excuser, je ne voterai pas cet amendement qui me semble trop dangereux.

M. le président. Souhaitez-vous ajouter quelques mots, madame la ministre ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Non, monsieur le président, j’ai clairement indiqué ma position.

(L’amendement n° 12 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le soutenir.

M. Victorin Lurel. Cet amendement relève de la même philosophie que le précédent… (Sourires.) Il tend à demander un rapport. Disons qu’il est défendu ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Sagesse !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Défavorable.

(L’amendement n° 28 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’outre-mer.

La suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011 est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 4 novembre 2011 à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011 ;

Culture.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 4 novembre 2010, à une heure cinquante.)