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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 12 mai 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde

1. Mesures d'urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté

M. François Pupponi, rapporteur

M. Maurice Leroy, ministre de la ville

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. le président

Discussion générale

M. Marc Goua

Mme Marie-Hélène Amiable

M. Pascal Brindeau

M. Gérard Gaudron

M. Henri Jibrayel

M. Michel Piron

Mme Geneviève Fioraso

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. le président

Reprise de la discussion

Mme Pascale Crozon

M. Éric Straumann

M. Daniel Goldberg

Mme Jacqueline Maquet

M. Maurice Leroy, ministre

Discussion des articles

Réserve des votes

Article 1er

M. Marcel Rogemont

Article 2

Amendement no 1

Article 3

M. Marcel Rogemont

M. François Pupponi, rapporteur

M. Maurice Leroy, ministre

Article 4

Article 5

M. Régis Juanico

Mme Martine Pinville

Amendements nos 2, 3

Article 6

Article 7

M. Régis Juanico

Article 8

M. Daniel Boisserie

Articles 9, 10 et 11

Article 12

M. Régis Juanico

M. Maurice Leroy, ministre

Article 13

Article 14

M. Daniel Goldberg

M. François Pupponi, rapporteur

Articles 15 à 17

Article 18

M. William Dumas

Amendement no 5

Article 19

Article 20

Mme Marylise Lebranchu

M. Maurice Leroy, ministre

Article 21

Application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution

2. Mesures urgentes en faveur du logement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des affaires économiques

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

Discussion générale

M. William Dumas

Mme Marie-Hélène Amiable

M. Pascal Brindeau

M. Michel Piron

Mme Annick Lepetit

Présidence de Mme Élisabeth Guigou

M. Didier Gonzales

M. Marcel Rogemont

Mme Danièle Hoffman-Rispal

M. Richard Mallié

Mme Claude Darciaux

M. Christophe Caresche

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État

Discussion des articles

Réserve des votes

Article 1er

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur

Article 2

M. Marcel Rogemont

Article 3

Mme Claude Darciaux

Mme Pascale Crozon

Articles 4 à 7

Article 8

Mme Claude Darciaux

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État

Articles 9 à 15

Article 16

M. Christophe Caresche

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État

Articles 17 à 19

Article 20

Mme Annick Lepetit

Articles 21 et 22

Après l'article 22

Amendement no 2 rectifié

Articles 23 à 26

Application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Mesures d'urgence en faveur des villes
et des quartiers en difficulté

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, François Pupponi, François Brottes et plusieurs de leurs collègues visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté (nos 3297, 3394).

La parole est à M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, monsieur le président de la commission des affaires économiques, beaucoup d’entre vous, je le sais, mes chers collègues, sont particulièrement préoccupés par les problématiques auxquelles tente de répondre la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui. II n’y a pas de surprise et nous faisons tous le même constat dans nos communes, nous sommes tous quotidiennement confrontés aux mêmes difficultés et, globalement, nous évoquons tous les mêmes solutions pour les résoudre.

Quand on discute de politique de la ville dans cet hémicycle, on retrouve généralement les mêmes, ce qui est déjà symptomatique de la principale carence de cette politique : le combat des élus de banlieue n’intéresse trop souvent que les seuls élus de banlieue ! On comprend mieux, alors, que nos collègues ne prennent pas toujours véritablement conscience de la réalité de nos quartiers et que l’ensemble des Français ne perçoivent pas l’enjeu des banlieues comme un enjeu de société. Plus grave, et j’y reviendrai, on comprend mieux que l’ensemble des grands ministères de la République – l’emploi, l’éducation, le logement, la culture – n’aient pas, en quarante ans, développé de véritables politiques spécifiques de droit commun renforcé dans les quartiers.

À l’évidence, monsieur le ministre, et sans vouloir vous offenser, vous êtes bien isolé aujourd’hui sur le banc des ministres pour discuter d’un sujet qui non seulement concerne l'ensemble de notre société, mais qui devrait être également la préoccupation de chacun des grands ministères de votre gouvernement.

Avant de développer les principales mesures de cette proposition de loi, je souhaite dire qu’elle est le fruit de l’expérience et du travail réalisés dans nos territoires avec les services de la ville, ceux de l’État, les préfets, les services publics, les maisons de quartier, les équipes enseignantes et éducatives, les polices municipale et nationale, les éducateurs sociaux, les associations, les procureurs, les habitants. C’est l’ensemble de ces acteurs qui motivent, par leur travail quotidien, l’existence de cette proposition de loi. Elle est également le fruit de la réflexion des réseaux de professionnels, des entreprises, des opérateurs publics que nous avons auditionnés, des élus et notamment de l’Association des villes et banlieues de France dont je suis vice-président, du Conseil national des villes qui se réunit justement aujourd’hui et demain à Sarcelles en assemblée générale, à l’occasion de laquelle, monsieur le ministre, nous aurons le plaisir de vous accueillir.

M. Marcel Rogemont. C’est du copinage ! (Sourires).

M. François Pupponi, rapporteur. C’est une grande semaine entre nous.

Ce texte s’inscrit enfin dans la continuité du rapport d’information que j'ai eu l’honneur de remettre, avec mon collègue François Goulard, en octobre dernier, au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, et qui s’intitulait Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante ?

M. Michel Piron. Très bon rapport !

M. François Pupponi, rapporteur. Les mesures de la présente proposition de loi émanent aussi, évidemment, des conclusions de ce rapport.

Ce texte vise donc « à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté ». Le choix de cet intitulé est important : l’une des erreurs à l’origine de la politique de la ville est d’avoir été pensée uniformément sur l’ensemble du territoire national. Mais quelles similitudes et quelle logique justifient la mise en place des mêmes dispositifs à Clichy-sous-Bois, commune de la banlieue parisienne de 30 000 habitants dont les trois quarts vivent en zone urbaine sensible, et à Aix-en-Provence, sous-préfecture des Bouches-du-Rhône, commune de 145 000 habitants dont un sur dix vit dans les trois zones urbaines sensibles de la ville ? Il nous semble que ces situations très différentes nécessitent des prises en compte différenciées et la mise en place de dispositifs adaptés. II y a des communes « normales » au sein desquelles certains quartiers rencontrent des difficultés et des communes qui, tout entières, sont des quartiers.

La politique de la ville doit se penser en fonction de ces réalités locales. Il n'y a pas une politique de la ville sur le territoire national mais bien une politique de la ville pour chacun des territoires concernés.

Cette question de sémantique n’est pas anodine car elle implique une certaine conception et une certaine pratique de la politique de la ville. Question essentielle puisque le constat partagé sur le bilan de la politique de la ville est celui d’un échec des politiques publiques conduites depuis quarante ans à destination des banlieues. Je ne reviens pas sur les causes de cet échec, que chacun ici connaît, mais il nous faudra bien un jour repenser globalement la politique de la ville.

Notre proposition de loi n’a pas, bien entendu, cette ambition : elle vise à prendre les premières mesures essentielles, cohérentes, ciblées, dans les domaines où nous devons agir en priorité. C'est pourquoi elle ne traite pas de sujets tout aussi essentiels que la sécurité et la prévention, le décrochage scolaire, qui fait l'objet d’une proposition de loi de notre collègue Yves Durand, la santé ou la culture. Le moment viendra où nous aurons l’occasion de le faire.

L'erreur majeure, en l’occurrence, réside principalement dans l'absence d’ambition pour la politique de la ville, dans l’absence de réelle volonté politique face à l’urgence de la situation. Ces dernières années, là où le candidat Sarkozy nous promettait en 2007 un plan Marshall, nous n’avons eu que des dispositifs rustines – déjà abandonnés – comme le « busing ». Les crédits de la politique de la ville ont diminué de 40 % en quatre ans, notamment ceux de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – l’ACSÉ – et ceux des associations. De nombreux postes de policiers et de gendarmes mais aussi d’enseignants ont été supprimés et le dispositif des zones franches urbaines est appelé à disparaître à la fin de l’année.

C’est sur ce constat qui repose le premier axe de notre proposition de loi : la gouvernance de cette politique et surtout sa reconnaissance comme priorité nationale.

Nous proposons donc, à l’article 2, que la politique des villes et des quartiers en difficulté relève directement du Premier ministre. Lui seul peut convoquer l’ensemble des ministères de droit commun pour réinvestir prioritairement dans ces quartiers, dans une démarche transversale, interministérielle, qu’un comité interministériel des villes bi-annuel viendra constater et réajuster : article 3. Seul le Premier ministre peut empêcher qu'il y ait une politique de la ville pour les banlieues et des politiques de droit commun pour le reste du territoire. Il serait garant d’un droit commun renforcé sur ces territoires qui prendrait en compte les inégalités à la source entre les communes, un droit commun ciblé auquel viendraient s’ajouter les crédits spécifiques de la politique des villes et des quartiers en difficulté pour tenir compte des charges importantes auxquelles ces territoires doivent faire face.

Réformer la gouvernance, c'est aussi réformer ses outils : articles 4, 5 et 6. Nous proposons de mettre en place une nouvelle architecture, plus lisible, plus resserrée, plus cohérente et au final plus efficace : un unique périmètre, pour un unique contrat, avec un opérateur unique. Il faudra donc faire aboutir cette réforme de la géographie prioritaire tant de fois remise au lendemain mais également tirer les conclusions des contrats urbains de cohésion sociale expérimentaux qui seront lancés avec votre concours, monsieur le ministre, pour une meilleure opérationnalité des nouveaux contrats de promotion sociale et territoriale que nous proposons, contrats uniques cofinancés, élaborés dans une démarche souple, contractuelle, concertée, territorialisée, et qui rassembleront les volets urbain et social de l’ensemble des politiques.

C'est dans cette même logique que nous proposons de fusionner l'Agence nationale pour la rénovation urbaine –l’ANRU –, l'ACSÉ et l’Établissement public pour l’amélioration et la restructuration des centres commerciaux et artisanaux – l’EPARECA. Ces contrats devront obligatoirement se donner les moyens de leurs ambitions, avec des objectifs précis de réduction des inégalités sociales et territoriales et la détermination des outils et des moyens d’y parvenir. Ils devront par ailleurs faire l’objet d’une évaluation à mi-parcours et à leur terme.

Avec ces mesures concernant la gouvernance, nous visons une meilleure cohérence de l’intervention publique dans ces territoires : au pilotage transversal assuré par le chef du Gouvernement au niveau national répondrait un pilotage souple au niveau local, où le maire serait conforté dans son rôle de cheville ouvrière des politiques publiques nationales au sein de ces quartiers. Il faudrait bien entendu y associer le président de l’intercommunalité.

Deuxième axe de la proposition de loi : prendre des mesures pour renforcer la solidarité financière et réduire les inégalités territoriales.

Aujourd’hui, le pouvoir d’achat par habitant du 1 % des communes les plus riches est 45 fois plus élevé que celui du 1 % des communes les plus pauvres. Si tout le monde veut la péréquation et en comprend la nécessité, personne n’est prêt à la mettre en place quand on présente la facture.

M. Marcel Rogemont. Là est le problème.

M. Daniel Boisserie. C’est aussi celui de la ruralité.

M. François Pupponi, rapporteur. Pourtant, admettre que des territoires riches, qui n’ont pas de charges sociales et urbaines lourdes, participent à un fonds pour aider les territoires pauvres qui assument des populations en grande difficulté, cela relève tout simplement du bon sens. D’ailleurs, aux termes de l'article 72-2 de la Constitution, « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

Bien entendu, des dispositifs existent déjà aujourd'hui, mais ils ne sont pas suffisamment dotés ni fléchés, comment en attestent les études des professeurs Guengant et Gilbert, qui démontrent par ailleurs que les inégalités ont même eu tendance à croître ces dernières années et la péréquation à se transformer en une contre-péréquation. Comment concevoir aujourd'hui que la dotation forfaitaire des communes, principalement calculée en fonction de la population et de la superficie, favorise finalement les grandes villes, évidemment plus riches ? Comment comprendre que la dotation de solidarité urbaine soit saupoudrée aux trois quarts des 900 communes de plus de 10 000 habitants ?

M. Michel Piron. Malgré nous !

M. François Pupponi, rapporteur. En 2011, le débat sera important puisque, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, nous devrons tous nous prononcer sur ce grand sujet. Pour avancer, nous proposons d’ores et déjà, à l'article 8, que soit déterminé annuellement, dans le cadre du projet de loi de finances, un objectif chiffré de réduction des inégalités de ressources entre collectivités. Conjointement, un plancher de ressources doit être défini, sorte de SMIC communal en deçà duquel une collectivité doit bénéficier des dotations nécessaires lui permettant d'atteindre ce plancher.

Nous proposons par ailleurs que le montant actuel consacré à la péréquation, de l’ordre de 3,8 milliards d’euros, soit quasiment doublé. Ce montant a été défini de telle sorte qu’il permette, en théorie, de ramener les communes et leurs groupements les plus pauvres au niveau intermédiaire du bloc communal. Ces 3 milliards supplémentaires seraient répartis entre le nouveau fonds national créé par l'article 125 de la loi de finances pour 2011, pour 1,230 milliard, le fonds de solidarité des communes de la région d’Ile-de-France rénové, pour 270 millions, et un rééquilibrage de la dotation globale de fonctionnement en faveur des dotations de péréquation – dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, dotation nationale de péréquation – à hauteur de 1,5 milliard.

Le troisième axe concerne la question cruciale de l'emploi des habitants de ces quartiers, et notamment des jeunes. Nous proposons de prolonger le dispositif actuel des zones franches urbaines, injustement condamné à disparaître par la majorité actuelle mais qui doit normalement être remplacé. Le groupe de travail dirigé par notre collègue Éric Raoult est à l’œuvre et nous sommes très impatients d’en connaître les conclusions.

Nous devrons également réfléchir à des dispositifs permettant de désenclaver ces quartiers par l’emploi, en favorisant l'embauche des jeunes par les entreprises situées hors de ces quartiers, en particulier les grandes entreprises. Tel est l’objet de l’article 13, par lequel nous soulignons également la nécessité d’offrir un accompagnement personnalisé au demandeur d'emploi, ce qui est indispensable pour soutenir ceux qui ne peuvent pas bénéficier des formations complémentaires nécessaires, qui ne sont pas motorisés ou qui n'ont pas le permis, qui n'ont pas de logement ou les moyens de faire garder leurs enfants. « Fiabiliser » ces derniers, c'est aussi sécuriser les employeurs. Les auditions que nous avons conduites avec les grandes entreprises nous ont confortés dans cette démarche.

Nous devrons enfin nous attaquer au fléau des discriminations que subissent trop souvent les habitants de ces quartiers, en généralisant notamment le CV anonyme ou les clauses d’insertion généralisées, en conditionnant, selon le montant, tout marché public et toute subvention publique à un projet privé. L'intégration d’une clause d’insertion sociale nous paraît, de ce point de vue, indispensable.

Le quatrième axe, enfin, concerne la rénovation urbaine. Le premier PNRU est, de l’avis de tous, une réussite, mais avec un bémol d’importance pour le financement de l’ANRU. La question se pose en raison du désengagement total de l’État et de l’assèchement des crédits de nos partenaires traditionnels, comme Action logement et les bailleurs sociaux. Que l’État se réinvestisse est une condition indispensable non seulement pour terminer le premier programme, mais pour engager le second. C’est ce que rappelle l’article 17.

Nous proposons donc un PNRU 2, pour permettre la rénovation des quartiers qui n’ont pas pu bénéficier du premier programme, et surtout lancer la deuxième phase de rénovation dans les villes-quartiers qui n’ont été rénovées qu’à moitié. S’il s’inscrit dans la continuité du premier, ce PNRU 2 devra cependant élargir son champ à plusieurs domaines qui ne sont pas ou trop peu pris en compte aujourd’hui : les copropriétés, l’habitat indigne, insalubre et informel, la rénovation des groupes scolaires, le désenclavement de ces quartiers par les transports en commun.

Les deux derniers articles de notre proposition de loi visent à lever deux obstacles majeurs à l’objectif de mixité sociale. C’est d’abord le non-respect de l’article 55 de la loi SRU par des communes qui préfèrent visiblement payer pour maintenir « l’entre-soi » plutôt que de participer à l’effort national de construction de logements sociaux ; il faut renforcer le pouvoir des préfets quand on constate une carence des maires en la matière. C’est ensuite l’interdiction du recours au droit au logement opposable dans les ZUS, qui a pour effet pervers de ghettoïser un peu plus les ghettos existants et de surcroît conforte la stratégie des communes qui ne respectent pas la loi SRU.

Pour conclure, mes collègues du groupe SRC et moi-même espérons avoir sur cette proposition de loi un véritable débat et un échange sincère, à la mesure des enjeux que représentent les quartiers pour la cohésion sociale et nationale de notre pays ; à la mesure aussi de l’attente des habitants, des acteurs locaux et des élus de ces territoires, qui s’interrogent sur la capacité de leurs élites à faire profondément évoluer les choses. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d’abord de saluer l’initiative qu’a prise le groupe SRC en déposant une proposition de loi sur un sujet aussi majeur pour la cohésion sociale que la politique de la ville.

Je tiens, comme vous, monsieur Pupponi, à saluer le travail des élus qui mènent ce combat dans la durée, car tous les maires concernés et leurs équipes municipales savent combien le temps des projets ne correspond pas au temps médiatique !

Beaucoup d’entre vous sont très impliqués pour assurer l’avenir de nos quartiers. Le même engagement est au cœur de ma démarche.

La réduction des inégalités est au centre de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Vous souhaitez un véritable débat et un échange sincère. J’y suis tout à fait disposé. Sur l’objectif, je vous rejoins pleinement puisque la vocation même de la politique de la ville est la réduction des inégalités économiques et sociales entre les territoires.

J’ai lu l’exposé des motifs de votre proposition de loi. Sincèrement, qui peut être contre cette déclaration d’intention ? Personne !

Mme Martine Pinville. Mais cela ne suffit pas.

M. Maurice Leroy, ministre. Qui pourrait remettre en cause ces fondements mêmes de notre projet républicain ? Personne évidemment !

M. Michel Piron. Bien entendu !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous ne l’ignorez pas, le Gouvernement est tout entier mobilisé pour lutter contre les trop grandes disparités économiques et sociales qui déchirent nos territoires, tout particulièrement dans les quartiers les plus difficiles de nos villes. Il en a donné deux signaux forts. Le Président de la République et le Premier ministre ont fait de la ville un ministère plein et le comité interministériel des villes, qui ne s’était pas tenu depuis janvier 2009, s’est réuni trois mois à peine après ma prise de fonctions, le 18 février dernier, sous la présidence de François Fillon.

La politique de la ville a vingt ans. J’ai d’ailleurs tenu à réunir tous les ministres qui ont eu en charge cette difficile mission durant ces vingt années. J’ai pu mesurer pleinement, en échangeant avec les uns et les autres, que depuis la création d’un ministère de la ville en 1989 il y avait une volonté politique de prendre le problème à bras-le-corps.

Cette volonté, qui dépasse les clivages politiques sans pour autant les nier, s’est traduite par des avancées incontestables en ce qui concerne l’implication des élus, dont je suis, et la démocratie participative, avec l’importance du tissu associatif.

Les associations sont des acteurs majeurs de la ville et œuvrent au quotidien au plus près des besoins des habitants. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu, dès ma prise de fonctions, à améliorer les délais de versement des subventions, pour qu’elles les perçoivent le plus tôt possible dans l’année.

Et puisque vous appelez à un échange sincère, permettez-moi de préciser les choses : j’ai été nommé le 14 novembre ; le 20 décembre, l’Agence de cohésion sociale votait son budget ; en janvier, les préfets avaient délégation des crédits pour leur département, ce qui n’était jamais arrivé. J’en remercie François Baroin, ministre du budget. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, le ministère de la ville est transversal. Son titulaire a besoin de l’action de tous les autres ministères, en particulier de celui du budget. C’est fait. Vous pouvez vérifier dans vos départements. À l’heure où je vous parle, la plupart des associations ont reçu leur subvention. Cela ne s’était jamais produit jusqu’à présent.

M. Régis Juanico. Mais les subventions sont en baisse !

M. Maurice Leroy, ministre. Je ne le conteste pas. J’ai été nommé le 14 novembre et j’ai fait avec le budget que le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté. Des crédits étaient en baisse, c’est vrai : raison de plus pour que ces subventions ne servent pas à payer à la banque les agios sur l’année précédente. Ce sera possible cette année et nous devrions, sur tous les bancs, nous en réjouir, car ces associations s’emploient à recréer le lien social dans nos quartiers. C’est un peu, à mon sens, la même chose que pour le remboursement de TVA dans le cadre du plan de relance, une facilité qui n’a pas nécessité de passer par la loi. Ce que j’ai mis en œuvre pour financer les associations, sans passer par la loi, perdurera, j’en suis sûr, même avec une alternance, car c’est un gage d’efficacité pour le tissu associatif.

M. Marcel Rogemont. Merci d’évoquer l’alternance.

M. Maurice Leroy, ministre. L’alternance est inscrite dans notre histoire, on s’en souvient bien en ce début de mai. Il ne servirait à rien de nier la réalité.

M. Pascal Brindeau. Mais l’alternance n’a rien d’automatique.

M. Maurice Leroy, ministre. Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, radical et citoyen, vous appelez de vos vœux la mobilisation des crédits d’intervention de droit commun. Nous partageons, sur tous ces bancs, cette même volonté et je m’emploie à le faire.

Ce problème, tous mes prédécesseurs, Martine Aubry ou François Loncle, Claude Bartolone ou Michel Delebarre l’ont connu et ce sont eux qui pourraient le mieux vous en parler. Relisez, comme je l’ai fait, Le temps des villes de Michel Delebarre, c’est remarquable. Je suis de ceux qui disent qu’il a été un excellent ministre de la ville. Vous les voyez dans des réunions. Demandez-leur s’il était facile, à leur époque, de mobiliser les crédits de droit commun et nous en reparlerons ensuite.

Nous nous y essayons, monsieur Pupponi, vous le savez bien ! Et nous nous appuyons sur les préconisations de l’excellent rapport parlementaire que vous avez rédigé avec François Goulard sur la politique de la ville.

Nous nous efforçons de nous engager résolument dans cette démarche avec les expérimentations des contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS, notamment chez vous, à Sarcelles, cher François Pupponi ! J’aurai le plaisir d’en faire le constat demain puisque vous m’avez invité à l’ouverture du Conseil national des villes.

Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que nos quartiers ont été abandonnés ? Non, vous ne pouvez pas dire cela. Nos quartiers n’ont pas été et ne sont pas abandonnés. Depuis 2007, le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés. Le bilan de Nicolas Sarkozy dans ce domaine est marqué par nombre de succès incontestables.

M. Henri Jibrayel. Merci, Fadela Amara !

M. Marcel Rogemont. Allez expliquer cela aux habitants !

M. Maurice Leroy, ministre. Quand vous voulez.

Pour ma part, je respecte votre démarche et j’ai examiné attentivement les dispositions de votre proposition de loi, article par article. Mais à un moment donné, il faut choisir. Soit on est dans la « com », soit on est dans l’action ! Ou nous sommes rassemblés pour une opération de communication et un coup d’éclat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),ou nous voulons réellement travailler et échanger sur des sujets qui sont trop graves, à mon sens, pour être instrumentalisés.

Ensemble nous signons des CUCS, ensemble nous travaillons à des avenants, ensemble nous lançons des expérimentations ! Vous ne pouvez donc pas dire que l’État se désengage. Ou alors que faites-vous des 12 milliards d’euros de fonds publics pour le financement du programme national de rénovation urbaine, qui génèrent 43 milliards d’investissements !

M. Daniel Goldberg. Ce n’est pas l’État !

M. Maurice Leroy, ministre. J’ai parlé de fonds publics, je n’ai pas dit qu’il s’agissait de l’État. Mais merci, monsieur Goldberg, de saluer à votre manière l’action de Jean-Louis Borloo et du gouvernement de François Fillon. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est bien de le faire de temps à autre, et j’ai plaisir à l’entendre. Ce gouvernement a permis de doter l’ANRU de sorte que, je le répète, 12 milliards de fonds publics ont entraîné 43 milliards d’euros d’investissements pour les quartiers. Le remodelage urbain qui y est en cours est une réussite, et les maires de toutes sensibilités politiques en conviennent. D’ailleurs, s’ils me réclament tous un PNRU 2, c’est que le PNRU 1 a bien fonctionné. On a droit de le dire, c’est bon pour notre moral à tous.

M. Michel Piron. Ça fait du bien !

M. Maurice Leroy, ministre. Que faites-vous encore des 300 millions d’euros déjà programmés au titre des investissements d’avenir pour financer la création d’internats d’excellence, pour ne citer que ces quelques exemples ?

Le débat que nous avons aujourd’hui, à votre initiative, montre aussi que nous sommes sur la bonne voie, car vos propositions rejoignent celles du Gouvernement qui sont déjà mises en œuvre, notamment par le comité interministériel des villes du 18 février 2011.

M. Pascal Brindeau. Le groupe socialiste valide l’action du Gouvernement !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous proposez, avec raison, de renforcer le droit commun, notamment en réunissant le CIV tous les six mois. Cela part d’une bonne intention.

Prenons le cas de la réforme de la géographie prioritaire, que tout le monde réclame à cor et à cris, comme si c’était la panacée ! Ou plutôt tout le monde l’exige, mais pour parler clair, chez les autres, et surtout pas chez lui !

Vous le savez aussi bien que moi, cette réforme est tellement importante qu’on ne saurait en débattre et en décider en quelques heures, et certainement pas au détour d’une proposition de loi émanant d’un seul groupe parlementaire, alors que modifier la géographie prioritaire de la politique de la ville commande de réaliser au préalable une large concertation avec tous les acteurs concernés.

Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut pas vous suivre, même si certaines de vos propositions sont justes et pertinentes, ce que je reconnais volontiers.

M. Michel Piron. C’est vrai : ce texte propose de bonnes pistes !

M. Maurice Leroy, ministre. Je vous rappelle – vous ne l’ignorez pas – qu’avec le Premier ministre nous avons pris la décision de prolonger les contrats urbains de cohésion sociale jusqu’en 2014, précisément pour garantir la continuité de la lisibilité de l’action municipale. Voilà une mesure prise par le gouvernement de François Fillon : il n’a pas eu besoin pour la mettre en œuvre d’une proposition de loi.

L’expérimentation des CUCS, que j’ai mise en place, a vocation à préparer les contours de la géographie prioritaire pour tester et évaluer une méthode de mobilisation du droit commun.

Dans le même esprit, vous souhaitez, dans un souci d’efficacité, voir s’opérer un rapprochement entre l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Agence nationale de rénovation urbaine et l’EPARECA. À titre personnel, je n’y suis pas opposé : nous avons effectivement intérêt à faire mieux travailler ensemble l’ACSÉ et l’ANRU pour conjuguer sur le terrain l’urbain et l’humain. Toutefois, il ne faut certainement pas le faire au détour d’une proposition de loi.

Mme Geneviève Fioraso et Mme Marie-Hélène Amiable. Pourquoi pas ?

M. Maurice Leroy, ministre. Même si je note que l’intention est bonne, je relève une autre contradiction : vous soulignez que toutes les communes et toutes les intercommunalités ne sont pas à égalité de moyens pour affronter les missions qu’elles ont à remplir pour le mieux-être de leurs habitants.

Or nous sommes d’accord pour dire que la politique de la ville a besoin d’une péréquation renforcée pour mener sa mission à son terme.

M. Marcel Rogemont. Que ne l’avez-vous fait ?

M. Maurice Leroy, ministre. Nous le faisons, monsieur Rogemont !

Nous sommes aussi en accord lorsque vous expliquez que la remise à niveau des budgets relève de la solidarité commune, dans le cadre d’une péréquation qui organise un transfert des plus riches vers les plus pauvres.

M. Daniel Boisserie. Vous n’êtes même pas d’accord entre vous !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous l’avez rêvé : eh bien, le Gouvernement le fait ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En 2011, nous avons créé le Fonds national de péréquation, auquel sont affectés 2 % des recettes fiscales des communes. Il s’agit encore une fois d’une mesure prise par ce gouvernement grâce à l’action de l’un de mes prédécesseurs, Jean-Louis Borloo.

M. Marcel Rogemont. On va finir par le regretter !

M. Maurice Leroy, ministre. Michel Piron a rappelé en commission que cette action a permis de créer un fonds doté d’un milliard d’euros là où, auparavant, il n’existait rien.

Monsieur le rapporteur, je crois davantage à la péréquation verticale et horizontale ainsi qu’à l’autonomie des collectivités, qui est un principe constitutionnel.

Le retour de la République dans les quartiers, c’est aussi la promotion de l’accès au droit et de l’égalité des chances pour tous les citoyens, ainsi qu’une lutte renforcée contre les discriminations.

La liberté et l’égalité, celles que vous invoquez en préambule de votre proposition de loi, sont des avantages sociaux que nous exigeons des autres. La fraternité, est une vertu que nous exigeons de nous-mêmes.

M. Marcel Rogemont. Et Laurent Wauquiez : de qui exige-t-il la fraternité ?

M. Maurice Leroy, ministre. Ce devoir de fraternité implique que chacun d’entre nous s’engage à combattre les discriminations, dans toutes les sphères de la société.

Mais la fraternité, vous avez raison de le souligner, est aujourd’hui mise à mal par les discriminations qui persistent toujours et encore. Voilà la vraie question qui se pose à nous.

Toute question sociale tend vers un idéal. Je sais combien la lutte contre les discriminations est devenue une question centrale. Elle fait l’objet d’un consensus très fort au sein de l’ensemble de la représentation nationale dans toute sa diversité politique.

Le Président de la République avait présenté très clairement le projet de société que nous appelons de nos vœux au terme de ce volontarisme renouvelé. L’égalité républicaine, c’est l’égalité devant la loi ; l’égalité des droits et des devoirs, c’est l’égale dignité des personnes et l’égalité des chances.

Avec force conviction, je crois à la politique de la ville, qui est une politique territorialisée…

M. Marcel Rogemont. Il ne faut pas seulement y croire, il faut aussi la mettre en pratique !

M. Maurice Leroy, ministre. En effet, je suis convaincu qu’il faut introduire de l’inégalité pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales.

Lutter contre les discriminations dans nos territoires en difficulté, consiste d’abord à agir sur et pour les quartiers, et en faveur de leurs habitants.

L’ANRU et la réussite éducative pour les jeunes les plus fragiles permettent de susciter des parcours d’excellence, d’offrir une deuxième chance à ceux qui n’ont pas de formation mais aussi de développer l’activité économique – ce à quoi nous nous employons.

Il existe aujourd’hui une attente et une exigence véritables de la part de nos concitoyens. Mais il existe également, pour y répondre, une volonté politique incontestable et des réussites probantes de la politique que le Gouvernement a mise en place dans les quartiers.

Pour conclure, je citerai cette phrase de Clemenceau : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

M. Jean-Patrick Gille. Chiche !

M. Maurice Leroy, ministre. J’en fais ma devise pour la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pascal Brindeau. Nos collègues socialistes devraient méditer ces propos ! Il n’y a qu’à songer à leur attitude sur la réforme des retraites !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, vous avez eu l’amabilité de m’informer que vous étiez dans l’impossibilité de présider au-delà de dix-huit heures. Vous serez alors dans l’obligation de lever la séance.

Nous respectons évidemment les impératifs qui sont les vôtres.

Toutefois, j’ai évoqué cette situation avec l’ensemble de mes collègues du groupe SRC : nous refusons unanimement que les droits de l’opposition soient ainsi annihilés, alors même que nous débattons dans le cadre d’une journée d’initiative parlementaire.

Monsieur le président, vous n’y êtes pour rien, mais puisque vous occupez ce fauteuil, c’est à vous que je dois m’adresser : cette situation est inacceptable ; nous ne voulons pas brader ces débats.

J’appelle votre attention sur la façon dont nos travaux ont été organisés aujourd’hui. Nous n’avons siégé ce matin dans la salle Lamartine que jusqu’à onze heures pour un débat sur la formation et l’emploi des jeunes en présence du ministre de la santé. Entre onze et quinze heures, nous n’avons pas travaillé alors que nous aurions fort bien pu commencer l’examen des propositions de loi de notre groupe.

Mme Catherine Coutelle. Nous aurions eu tout le temps nécessaire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a donc un problème dans l’organisation de nos débats qui relève des décisions de la Conférence des présidents et de la présidence de l’Assemblée.

Par ailleurs, nos propositions sont sérieuses et argumentées ; nous voulons qu’elles soient prises en compte. Comment imaginer que nous puissions en débattre en une heure trente ? C’est impossible. Il est quatre heures moins vingt, les inscrits dans la discussion générale doivent encore s’exprimer pendant une heure dix avant que nous n’échangions sur les articles du texte.

Monsieur le président, il n’y a aucune raison que se manifeste un tel refus d’accorder la moindre attention au travail des élus de l’opposition et, ajouterai-je, à celui des fonctionnaires de l’Assemblée qui, au sein des commissions, nous ont prêté leur concours.

Monsieur le ministre, il faut que le Gouvernement cesse d’invoquer en permanence les droits du Parlement car ce discours ne correspond pas du tout à la situation qui est aujourd’hui la nôtre.

J’ai interrogé le président de la commission des affaires économiques, M. Serge Poignant, sur ce problème. Il m’a indiqué avoir saisi la présidence de l’Assemblée. Nous attendons une réponse mais, à ce stade, j’entends signifier clairement que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche n’accepte pas cette situation.

Nous avons l’intention d’aller au terme du travail législatif que nous avons préparé, par respect pour la présidence, pour les élus, pour l’administration qui travaille à nos côtés, et pour les quelques collègues de la majorité qui ont trouvé un intérêt aux sujets que nous avons choisi d’aborder.

Monsieur le président, si nous sommes dans l’obligation d’interrompre nos travaux, il importe qu’il y ait un engagement de la présidence et du Gouvernement pour que nous puissions examiner les textes qui ne l’auraient pas été aujourd’hui en dehors du cadre des séances réservées à notre groupe. Toute autre solution serait pour nous inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, l’agenda des membres du Gouvernement explique l’organisation de nos travaux de ce matin.

Cet après-midi, aucun des autres cinq vice-présidents, qu’ils soient membres de la majorité ou de l’opposition, ne pouvait être parmi nous. L’alternative était donc soit de réunir l’Assemblée entre quinze et dix-huit heures sous ma présidence, soit de ne pas siéger ce jeudi. Le président de l’Assemblée nationale, informé de cette situation – j’en ai encore discuté avec lui au téléphone il y a deux jours –, a décidé que nous siégerions.

Si chacun avait respecté son temps de parole – ce n’est déjà pas le cas, et je me refuse à exercer une contrainte excessive en la matière – nous en avions, au total, pour environ trois heures ou trois heures dix. À l'issue des premières interventions, je constate que nous ne tiendrons pas ces délais. En conséquence, nous poursuivrons nos travaux tant que nous le pourrons et, le président de l’Assemblée étant informé de votre réclamation, vous aurez une réponse avant que je ne lève la séance à dix-huit heures – à moins qu’un vice-président puisse me relayer.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Monsieur le président, chers collègues, je me demande si le ministre de la ville est bien au courant de la situation sur le terrain. Depuis un mois, monsieur le ministre, les contrats aidés sont suspendus sine die et les contrats d’autonomie n’existent plus : voilà la réalité.

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

M. Marc Goua. Vous nous parlez de fonds qui devaient nous arriver très rapidement. Aujourd’hui, le 12 mai, nous n’avons reçu en la matière ni information ni notification.

M. Maurice Leroy, ministre. Ne faites pas d’amalgames ! J’ai parlé des subventions aux associations !

M. Marc Goua. Précisément, cela a aussi des retombées sur les associations.

La politique de la ville poursuit un objectif : assurer la cohésion sociale territoriale et nationale pour l’ensemble des Français. Ainsi, depuis bientôt quarante ans, les gouvernements successifs ont tenté de lutter contre la ségrégation et la paupérisation des quartiers les plus défavorisés. Cependant, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, et les inégalités continuent de marginaliser chaque jour ces territoires et leurs habitants.

Dans ces quartiers, où vivent aujourd’hui plus de 5 millions de personnes, 33 % des habitants et 50 % des mineurs vivent sous le seuil de pauvreté. Cette situation intolérable ne peut perdurer. Peut-on conclure pour autant que cet échec n’est imputable qu’à la politique de la ville ? Je ne le pense pas.

Il est avant tout le résultat des politiques de droit commun menées au niveau national. La politique de la ville ne devrait que compléter et renforcer ces dernières. Car, évidemment, à elle seule, elle ne pourra jamais pallier les effets de cette politique nationale mal orientée. Malgré tout, la politique de la ville est et demeure indispensable afin de soutenir des quartiers qui sont toujours les derniers à bénéficier des évolutions positives de l’économie et de l’emploi, mais aussi les premiers à subir leur dégradation dans une période de crise comme celle que nous traversons.

Le texte que nous examinons a donc le mérite de proposer un cadre rénové, une ambition. En effet, depuis la création de l’ANRU, et ses réelles avancées, la dynamique est retombée. Le plan « Espoirs Banlieues », coquille vide, et la baisse de 12 % des crédits du programme « Politique de la ville » du budget pour 2011 témoignent du désintérêt du Gouvernement pour les habitants de ces quartiers.

Monsieur le ministre, je ne vous vise pas personnellement par ces propos. Nos échanges sur le sujet témoignent de votre attachement à la politique de la ville et de votre intérêt pour ces questions. Malheureusement, je doute que la mauvaise conscience du gouvernement que vous dites incarner dispose des fonds et des moyens suffisants pour mettre en œuvre une politique d’ampleur nécessaire, que certains qualifiaient de « véritable plan Marshall pour les banlieues ».

La gouvernance rénovée de la politique de la ville que nous proposons doit constituer le socle sur lequel pourra s’appuyer cette nouvelle ambition.

Dans l’article 2 de la proposition de loi, nous réaffirmons que la politique de la ville doit nécessairement être rattachée au Premier ministre. Ce dernier, en partenariat avec les collectivités territoriales, devra conduire une politique des villes et des quartiers en difficulté dans une démarche interministérielle soucieuse de réintroduire le droit commun dans ces territoires.

Les moyens de la politique de la ville doivent, non pas se substituer aux moyens des politiques de droit commun, mais les renforcer.

M. Maurice Leroy, ministre. Absolument !

M. Marc Goua. Il s’agit de mettre en œuvre une politique de droit commun renforcée, complétée par les crédits spécifiques de la politique de la ville. À cette fin, le comité interministériel des villes, prévu à l’article 3, devrait être régulièrement et fréquemment réuni ; vous avez indiqué que vous étiez plutôt d’accord sur ce point.

Réformer la politique de la ville, c’est aussi réformer ses outils. L’article 4 prévoit ainsi la remise au Parlement d’un rapport gouvernemental qui s’attache à préciser la notion de territoires prioritaires. Nous souhaitons également rétablir la possibilité de financements croisés entre collectivités – c’est l’objet de l’article 6 –, qui a été supprimée par la réforme des collectivités territoriales. De manière générale, toute action conduite dans le cadre de la politique des villes et des quartiers en difficulté ouvrirait droit à un appel éventuel aux cofinancements.

La rénovation urbaine est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Les investissements réalisés au niveau national ne seront en effet efficaces et porteurs d’avenir que si les questions sociales au sens large y sont mieux traitées qu’aujourd’hui. C’est dans cette optique que nous proposons, à l’article 7, la fusion de l’ANRU, de l’ACSÉ, et de l’EPARECA, sous l’égide de l’ANRU. Cette nouvelle entité, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale, favoriserait la cohérence de l’intervention publique.

J’en viens maintenant à la péréquation. Cet aspect de la politique de la ville m’est cher – et je sais qu’il vous l’est également, monsieur le ministre – car je juge la péréquation indispensable, fondamentale et juste. La Constitution impose d’ailleurs au législateur, dans son article 72-2, d’élaborer « des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les territoires ». Encore faut-il que ces dispositifs soient suffisamment dotés et correctement fléchés car, dans notre pays, les inégalités sont criantes et sans équivalent en Europe. Ainsi, en 2010, le pouvoir d’achat du 1 % des communes les plus riches était 45 fois plus élevé que celui du 1 % des communes les plus pauvres.

Préalablement à la définition d’objectifs et à la mise en place d’outils, il nous faut évaluer les inégalités. Tel est l’objet de l’article 8, qui prévoit que soit fixé un objectif chiffré annuel de réduction des inégalités de ressources entre collectivités. Le montant global actuel de 3,8 milliards d’euros doit être quasiment doublé ; ces 3 milliards d’euros supplémentaires doivent être ciblés sur les collectivités en incapacité budgétaire structurelle. Le montant du nouveau Fonds national de péréquation serait abondé de 1,230 milliard d’euros, soit 2,5 % de l’ensemble des ressources fiscales du bloc communal, contre 0,5 % seulement de ces ressources en 2012 – et non 2 %, comme vous l’avez indiqué – et 2 % en 2015.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Goua.

M. Marc Goua. Enfin, la part actuelle des dotations de l’État consacrée à la péréquation est insuffisante, puisqu’elle ne représente que 16 % de l’ensemble de la DGF, le reste étant consacré à des dotations de compensation. Aussi l’article 11 précise-t-il que tout ajustement futur des dotations de l’État, donc de la DGF, devra s’accompagner de celui des bases locatives, permettant ainsi de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires. Cet article permet de réaffirmer le rôle de l’État, dont une des fonctions régaliennes est de garantir de la solidarité entre nos concitoyens.

Mes chers collègues, vous le constatez, cette proposition de loi permettrait de nous doter, en matière de gouvernance et de péréquation, des outils et des fonds nécessaires à une ambition nouvelle pour nos quartiers et villes défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je suis bien conscient de la difficulté de l’exercice mais, encore une fois, je vous saurais gré de respecter votre temps de parole. Si une intervention qui devait durer cinq minutes en dure sept, les choses ne vont pas s’arranger – et cette remarque est valable pour les deux orateurs qui viennent de se succéder à la tribune.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Deux minutes seulement !

M. le président. Certes, monsieur Cambadélis, mais, en l’espèce, cela équivaut à 40 % du temps de parole prévu.

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour dix minutes.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors du débat sur les effets de la politique de la ville au regard de la réduction des inégalités, qui s’est tenu il y a un an dans cet hémicycle à l’initiative des députés communistes, républicains et du Parti de gauche, j’avais fortement dénoncé la dégradation de la situation dans les quartiers populaires, l’échec de la politique du Gouvernement et les promesses non tenues.

Je rappelle qu’en 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s’était engagé, dans son programme, « à consacrer beaucoup d’argent aux banlieues, dans l’éducation, la formation, la rénovation urbaine, les services publics, les transports », regrettant l’existence de « ghettos scolaires et urbains » et promettant le lancement d’un « plan Marshall II pour les banlieues ». À l’heure du bilan, force est de constater qu’à l’instar des promesses sur le pouvoir d’achat, les déclarations tonitruantes du Président de la République concernant les banlieues sont restées du domaine de l’incantation.

La débâcle du plan banlieue – apparemment jeté aux oubliettes depuis le départ de l’ancienne secrétaire d’État à la ville – en témoigne aux yeux de l’opinion publique. Surtout, tous ceux qui vivent ou travaillent à l’amélioration de ces quartiers savent que, depuis 2007, la situation s’y est dangereusement dégradée. Or, je le dis avec gravité, la responsabilité du Gouvernement est grande : sa politique, loin d’avoir apporté des réponses aux enjeux des banlieues, a très clairement contribué à en accélérer la crise. Au reste, comment une politique de la ville, fût-elle la meilleure jamais mise en œuvre, aurait-elle pu contrecarrer les effets dévastateurs des autres décisions entérinées par la majorité ? Abaissement des plafonds de ressources pour accéder au logement social, refus de faire respecter la loi SRU – et donc concentration des populations en difficulté sur les mêmes territoires –, suppression de la carte scolaire, application de la révision générale des politiques publiques, suppression de postes dans l’éducation nationale, dans les services sociaux, à Pôle emploi, dans la justice et dans la police, débat nauséabond sur l’identité nationale : les exemples sont innombrables des choix effectués par la droite qui renforcent les dynamiques de relégation, de ghettoïsation, de ségrégation et qui participent in fine à la fragilisation de la cohésion sociale.

Le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles a de nouveau dressé un constat accablant. En matière d’emploi, le taux de chômage des jeunes hommes atteint 43 %, celui des jeunes filles 37 %. Un tiers des cinq millions d’habitants de ces quartiers – dont un mineur sur deux – vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les ZUS, le revenu moyen est inférieur de 56 % à celui des villes françaises. Et je n’aborderai pas ici les questions de santé, de transport et de logement, qui sont tout aussi problématiques. La situation est alarmante ! Certes, la crise économique n’a pas contribué à son amélioration. Mais, cumulée à la baisse de 40 % en quatre ans des crédits alloués à la politique de la ville, elle a eu des conséquences désastreuses. Je pense notamment au soutien au monde associatif, pourtant indispensable à la vitalité de nos quartiers.

Ces questions, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche se félicitent de les voir abordées dans cette proposition de loi de nos collègues du groupe SRC, qui vise à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté. Ainsi, son article 2 pose le principe fondamental selon lequel, si la politique de la ville est « une priorité nationale » qui « a pour but de lutter contre les phénomènes d’exclusion dans l’espace urbain et de favoriser l’insertion professionnelle, sociale et culturelle des populations », c’est bien « l’ensemble des politiques publiques » qui devraient y contribuer « par la mobilisation de leurs crédits d’intervention de droit commun », tandis que des « crédits spécifiques » devraient être « mis en œuvre en vue de compenser les handicaps économiques et sociaux des territoires prioritaires ». La politique de la ville ne devrait être en effet qu’un complément de l’action de l’État en matière d’emploi, de santé et d’accès au service public, et non un moyen de suppléer les manques ou l’absence des politiques de droit commun.

D’autres dispositions sont toutes aussi opportunes. Je pense notamment au rappel, à l’article 1er, du droit fondamental à l’égal accès au service public sur l’ensemble du territoire ; à la proposition, figurant à l’article 2, de rattacher la politique de la ville directement au Premier ministre ; à la lutte, prévue à l’article 14, contre les cas de discrimination par l’adresse – même si nous aurions souhaité que sa portée ne se limite pas aux seules discriminations liées à l’accès à l’emploi, comme nous l’avions suggéré dans la proposition de loi que nous avions déposée à l’initiative de François Asensi – ; à la fixation, dans le budget, d’objectifs chiffrés et financés en matière de réduction des inégalités et à l’instauration d’un plancher de ressources minimum pour chaque collectivité, prévues à l’article 8.

Ces mesures supposent évidemment des choix financiers : l’égal accès de tous au service public et une politique de la ville ambitieuse ne sont pas compatibles avec un plan de rigueur et de restriction des dépenses publiques.

Par ailleurs, la disposition relative à la géographie prioritaire laisse planer un doute. On peut en effet se demander si la réforme proposée n’aboutirait pas à donner des crédits aux villes les plus pauvres – ce que nous souhaitons – au détriment des villes un peu moins défavorisées. Or, il faut non seulement que l’État assume ses missions en matière de solidarité et d’égalité des territoires, mais aussi que les villes bénéficiant de ressources très importantes, insolentes parfois, partagent leurs richesses. Si nous sommes favorables à une remise à plat de la géographie prioritaire par le biais d’un contrat unique dit « contrat de promotion sociale et territoriale », ainsi que le proposent nos collègues, nous estimons que les critères de ce contrat méritent d’être bien définis. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à la prise en compte de critères dits « de charges », qui permettent de mesurer la capacité des communes à assumer les besoins de leurs habitants.

S’agissant de la péréquation, vous proposez d’augmenter de 1,5 milliard la péréquation verticale…

M. Michel Piron. Ce n’est pas rien !

Mme Marie-Hélène Amiable. …et de sanctuariser la revalorisation du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, dont nous savons à quelles difficultés spécifiques elle est confrontée. Si ces mesures sont de nature à apporter un nouveau souffle, celui-ci sera sans doute insuffisant. D’autant que l’article 11 relatif à l’augmentation des dotations de péréquation des communes est imprécis, ce qui semble contredire la volonté affichée à l’article 5 de permettre au maire d’exercer des compétences spécifiques nouvelles dans les domaines de l’emploi, de l’éducation ou de la sécurité.

Les députés communistes proposent d’agir en dégageant de nouveaux moyens de grande ampleur. La suppression du bouclier fiscal permettrait de doubler les crédits de la politique de la ville et l’application d’une taxe de 0,5 % sur les actifs financiers d’abonder un fonds national de péréquation à hauteur de l’actuelle dotation globale de fonctionnement, comme nous l’avons suggéré dans une récente proposition de loi.

S’agissant de la rénovation urbaine, le chapitre IV de la proposition de loi vient à point pour rappeler les obligations de l’État, notamment en matière de financements nécessaires à l’achèvement des programmes de l’ANRU 1 dans des conditions et des délais compatibles avec le besoin de dignité et d’égalité des habitants de ces quartiers. Ce chapitre prévoit également la mise en œuvre d’un nouveau programme national de rénovation urbaine, que les maires, toutes tendances politiques confondues, appellent de leurs vœux depuis de nombreux mois. Aussi cette disposition pourrait-elle, me semble-t-il, bénéficier de soutiens issus de tous les bancs de cet hémicycle.

Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Merci d’avoir respecté votre temps de parole, madame Amiable.

La parole est à M. Pascal Brindeau, pour dix minutes.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire de nos collègues du groupe SRC, une proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence en faveur de la ville et des quartiers en difficulté. Nous ne pouvons que saluer la volonté de l’opposition de renforcer la politique de la ville ; cette volonté est, je le crois, clairement partagée sur l’ensemble de nos bancs. Toutefois, nous ne pouvons apporter notre soutien à un texte dont l’intitulé tend à accréditer l’idée qu’il serait urgent de prendre des mesures nouvelles, laissant ainsi entendre que le Gouvernement serait défaillant dans ce domaine. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je tiens à vous rassurer, le Gouvernement, soutenu par la majorité, a pris toute la mesure de l’enjeu dans ce domaine. Certes, nous voudrions tous que les choses aillent plus vite et que chaque problème trouve une solution effective. Mais, vous le savez bien, les choses ne sont pas si simples.

Mme Pascale Crozon. Dix ans !

M. Pascal Brindeau. Les problèmes ont commencé il y a bien plus de dix ans, chacun l’a rappelé.

La politique de la ville telle que nous la connaissons aujourd’hui est assez récente. Les ministres qui se sont succédé à ce poste depuis sa mise en œuvre – je pense à Jean-Louis Borloo, à Fadela Amara et, aujourd’hui, à Maurice Leroy – se sont pleinement investis dans leur mission pour améliorer les choses. La lutte contre les phénomènes d’exclusion des populations urbaines défavorisées mobilise chacun d’entre nous.

À ce propos, je tiens à saluer les efforts conjugués de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs associés à cette politique, qui ont permis d’obtenir des résultats positifs en matière de rénovation urbaine, de réussite éducative, de développement économique et de sécurité dans les quartiers.

Certes, il reste beaucoup à faire, mais les travaux menés conjointement par l’ANRU et par l’Agence de la cohésion sociale portent leurs fruits, et les mesures prises à l’occasion du dernier conseil interministériel des villes devraient permettre de débloquer la situation de très nombreux quartiers.

Mme Pascale Crozon. Il faudrait aller un peu sur le terrain !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous croyez être les seuls à y aller ?

M. Pascal Brindeau. En outre, dans votre proposition, vous mettez en avant un certain nombre de mesures déjà mises en œuvre par le Gouvernement, ce qui a le mérite de montrer que, de part et d’autre de cet hémicycle, on approuve l’action gouvernementale. Vos vœux étant en quelque sorte déjà exaucés, nul doute que vous associerez vos voix à celles de la majorité lors de l’examen du budget « Ville » à l’automne.

M. Maurice Leroy, ministre. Excellent !

M. Pascal Brindeau. Vous évoquez, à l’article 18, le lancement d’un nouveau programme national de rénovation urbaine, le PNRU 2. Il vous a apparemment échappé que le 18 février dernier, à l’occasion du comité interministériel des villes, le Premier ministre François Fillon a mandaté le ministre de la ville pour mener une réflexion sur l’acte II du PNRU et qu’il y a trois semaines, lors de son déplacement à Meaux, Maurice Leroy a annoncé qu’un rapport serait rendu dès l’automne.

M. Marcel Rogemont. Vous auriez dû écouter ce qu’a dit François Goulard !

M. Pascal Brindeau. Il apparaît donc que votre demande est d’ores et déjà satisfaite.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Pascal Brindeau. Je ne peux que saluer la prolongation de ce programme initié par Jean-Louis Borloo, qui s’inscrit pleinement dans la logique de réinsertion des quartiers périphériques dans la ville, dans une perspective de long terme – ce qui est nouveau – et avec un engagement financier conséquent de l’État.

L’action menée par Maurice Leroy depuis son entrée au Gouvernement présage un rapport de qualité qui, j’en suis persuadé, apportera les réponses que nos citoyens attendent. Nombre d’entre vous, élus des quartiers sensibles – je pense au rapporteur lui-même – pouvez témoigner de son expertise en la matière.

Dans votre texte, vous préconisez une réforme des contrats urbains de cohésion sociale, sans avoir entendu, semble-t-il encore, le ministre annoncer dans un discours du 19 avril dernier que le Gouvernement préparait déjà la future génération des CUCS. Pourquoi vouloir renommer ces contrats en les transformant en « contrats de promotion sociale et territoriale », alors que le Gouvernement expérimente déjà, sur 33 sites, une nouvelle génération de CUCS ? Une réforme sémantique n’a jamais fait une réforme !

Vous proposez, à l’article 13, que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur le désenclavement par l’emploi des territoires prioritaires. C’est une mesure louable, mais je vous rappelle que nous sommes engagés sur le terrain de l’emploi, notamment grâce aux contrats d’autonomie. Dans le cadre de l’expérimentation des CUCS, il va aussi être demandé à Pôle emploi de dédier prioritairement ses dispositifs d’accompagnement aux personnes habitant sur les territoires des 33 CUCS expérimentaux retenus.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est juste !

M. Pascal Brindeau. Ainsi, mes chers collègues, il convient sans doute de mieux articuler les dispositifs existants plutôt que de créer de nouvelles politiques. Plutôt que d’agit-prop, la politique de la ville a besoin de continuité et de sérénité. C’est la philosophie de l’action que mène le Gouvernement.

L’essentiel de l’arsenal législatif est en place, et désormais l’action à mener doit clairement être la mobilisation de l’ensemble des acteurs sur tout le territoire, sur le modèle de ce qui se fait d’exemplaire dans les départements les plus actifs.

À ce propos, vous évoquez un certain nombre de mesures qui auraient pu s’intégrer au dispositif en place. Dans un contexte très contraint pour les finances publiques, il est pertinent de prioriser les territoires et les publics dont les besoins sont les plus urgents et de mettre en œuvre des actions construites « sur mesure » pour répondre aux besoins des populations et aux spécificités des territoires. Seulement, je souhaite bien du plaisir à ceux qui auront à accomplir cette tâche !

M. Maurice Leroy, ministre. Oh oui !

M. Pascal Brindeau. Le régime des zones franches urbaines est un dispositif incitatif qui ne peut être prorogé ad vitam aeternam, chacun en convient. Pour autant, il me semble important de penser à l’avenir de ces zones qui ont fait leurs preuves. Mettre fin à ce dispositif du jour au lendemain serait, à mon sens, forcément néfaste. À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 et de la mission « Ville et logement », un de mes collègues avait déjà proposé de le prolonger pour cinq ans.

Enfin, cette proposition de loi aurait pu être l’occasion d’ouvrir le débat sur la discrimination territoriale. Le 18 avril dernier, la HALDE a recommandé que les discriminations liées au lieu de résidence soient inscrites dans la loi et figurent dans le code du travail.

Mme Pascale Crozon. Elle l’a dit dès 2006 !

M. Pascal Brindeau. Dès 2008, le Conseil économique, social et environnemental avait déjà signalé que « les discriminations en fonction de l’adresse d’un candidat sont une réalité ». Le groupe Nouveau Centre souhaite que soit apportée une réponse concrète à cette question.

La politique de la ville est un sujet vaste, transversal, qui englobe plusieurs composantes de la politique publique et dont on ne peut aborder tous les aspects dans un même mouvement. En définitive, nous sommes contraints de constater que, même si certaines de vos idées témoignent d’une réelle volonté d’améliorer la politique de la ville, cette « proposition-valise » et cette niche parlementaire ne sont pour vous que l’occasion de tester une ébauche de programme pour 2012 – que, pour notre part, nous vous proposons de remettre sur le métier !

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas une ébauche, c’est un vrai programme !

M. Pascal Brindeau. Le groupe Nouveau Centre apporte tout son soutien à la politique de la ville menée par le Gouvernement et, à ce titre, considère qu’il faut poursuivre les actions et les mesures déjà entreprises. Nous ne nous associerons donc pas à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme George Pau-Langevin. Quel scoop !

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté part d’un postulat au sens littéral du terme : dès l’exposé des motifs, les auteurs du texte mentionnent, sans nuance aucune, que « près de quarante ans après ses premières actions, la politique de la ville n’a pas su enrayer les dynamiques de ségrégation et de paupérisation dans les quartiers ».

Si c’est en partie vrai, c’est aussi excessif pour certains quartiers, même si les auteurs reconnaissent implicitement leur responsabilité dans l’échec supposé qu’ils décrivent, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Ils admettent malgré tout des « avancées indéniables » des lois que nous avons votées et appliquées depuis 2002, notamment celle relative à l’ANRU ou encore le plan « Espoir banlieues » initié par Fadela Amara.

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

M. Gérard Gaudron. Est également mentionnée « la politique d’abandon orchestrée ces dernières années par le gouvernement actuel ». Cette formule péremptoire est, permettez-moi de vous le dire, scandaleusement inexacte quand on mesure les efforts accomplis dans un contexte économique difficile – des efforts souvent relayés par les collectivités locales.

Selon l’exposé des motifs, ce texte vise à « proposer des mesures fortes, qui ciblent les principaux symptômes de ces quartiers, en même temps qu’elles préfigurent le nouveau cap qui pourrait être celui de l’action publique conduite dans ces territoires ». La majorité n’a pas attendu cette proposition de loi pour faire un constat, préciser une dynamique et lancer, avec le concours des collectivités locales, des opérations concrètes que chacun peut constater sur le terrain. Si les constats sont nécessaires, il vaut encore mieux agir et, en ce qui nous concerne, nous sommes déjà dans l’action, alors que cette proposition de loi, elle, n’a pas passé le cap de la commission des affaires économiques !

Concernant la gouvernance de la politique de la ville et la rénovation du zonage, le texte qui nous est soumis propose tout d’abord de garantir la proximité et l’égal accès des citoyens aux services publics. Ce principe est déjà reconnu comme un principe général de droit à valeur constitutionnelle et a, dès le départ, été confirmé comme un élément constitutif de la politique de la ville. Il n’est donc pas nécessaire d’y revenir.

L’article 2 préconise de faire de la politique de la ville une priorité nationale. Or la politique de la ville est d’ores et déjà une priorité d’action de la majorité et du Gouvernement.

Le texte que nous examinons prévoit l’engagement de la réforme de la géographie. Nous y travaillons déjà, comme l’a dit M. le ministre, puisque le comité interministériel des villes de février 2011, tenu sous la présidence du Premier ministre, a prévu la préparation de la réforme de la géographie prioritaire et de la nouvelle génération des CUCS.

La proposition de loi propose la création de contrats de promotion sociale et territoriale, oubliant, là encore, que les CUCS sont prolongés jusqu’en 2014 et que des CUCS expérimentaux vont être testés dans 33 sites pour mieux intégrer les actions de droit commun en matière d’emploi, d’éducation et de prévention de la délinquance, en adéquation avec le calendrier de la réforme territoriale et l’intercommunalité.

M. Pascal Brindeau. Il est bon de le rappeler !

M. Gérard Gaudron. Cette proposition de loi ressemble donc plus à une opération de communication qu’à autre chose.

Vous proposez également de rattacher la politique de la ville au Premier ministre. Or elle a été confiée à un ministre de plein exercice, qui s’y consacre exclusivement et dont l’activisme et la motivation ne sont plus à démontrer !

M. Maurice Leroy, ministre. Merci !

M. Gérard Gaudron. Le CIV existe, il suffit de le faire vivre de façon un peu plus dynamique.

M. François Pupponi, rapporteur. Ah !

M. Maurice Leroy, ministre. Eh oui !

M. Gérard Gaudron. Il convient également de rétablir certaines vérités, notamment en ce qui concerne l’emploi dans les quartiers prioritaires. L’emploi est un élément important de la lutte contre les discriminations et, comme vous le savez, l’emploi dans les quartiers en difficulté constitue une priorité pour la majorité.

C’est certainement là qu’il y a une vraie difficulté et, en la matière, le groupe de travail sur les zones franches urbaines, présidé par notre collègue Éric Raoult, fera connaître ses préconisations très prochainement. Il ne manquera sans doute pas de souligner le bénéfice pour ces quartiers de la politique pour l’emploi que nous avons mise en place.

Par ailleurs, l’exclusion des transferts d’entreprises prévue par la proposition de loi à partir de 2014 ne semble pas tenir compte des effets positifs du mécanisme actuel pour l’activité dans les quartiers. Si elle était retenue, votre proposition ne permettrait plus que des créations d’entreprises, certes nécessaires mais qui devraient prendre le temps de se stabiliser avant de devenir des pourvoyeurs d’emploi, ce qui va à l’encontre de l’objectif principal de la mesure.

Enfin, vous souhaitez que l’insertion sociale et professionnelle soit prise en compte dans le cadre de la commande publique. Or ce principe a déjà été intégré, avec difficulté d’ailleurs, dans le code des marchés publics. Il faut néanmoins veiller à ce qu’il ne se résume pas à un effet d’aubaine pour certaines entreprises, qui n’embaucheraient localement que pour obtenir des marchés, sans former ni intégrer réellement les personnes recrutées. Dans ces quartiers, les demandeurs d’emploi, en particulier les jeunes, veulent un emploi, mais un emploi utile pour la société et valorisant pour eux.

En matière de solidarité financière et de réduction des inégalités territoriales, des mesures importantes ont été décidées par le Gouvernement et la majorité pour renforcer la péréquation. Ainsi, les instruments de péréquation ont été maintenus en 2011 par rapport à 2010, notamment en ce qui concerne la dotation de développement urbain, voire augmentés, puisque la DSU est en hausse de 6 %.

D’autre part, la péréquation horizontale a été renforcée. La création du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales dans la loi de finances pour 2011 représentera un effort très substantiel d’un milliard d’euros en 2015.

Dans le domaine du renouvellement urbain et social des quartiers, le Premier ministre a confié à Maurice Leroy une mission de réflexion sur les besoins, les modes d’intervention et les financements nécessaires, l’objectif étant de formuler des propositions à l’automne 2011 sur un second programme national de rénovation urbaine.

Le Gouvernement et la majorité sont donc pleinement conscients de l’importance d’une action forte en matière de rénovation urbaine, afin de poursuivre les réalisations majeures qui ont été accomplies dans le cadre du programme national de rénovation urbaine lancé en 2003. Je rappelle que ce programme, qui représente 42 milliards d’euros d’investissement, a déjà permis de soutenir 375 projets dans 485 quartiers pour améliorer les conditions de vie des habitants.

Cet effort, il faut le prolonger. C’est tout l’enjeu de la réflexion en cours sur les conditions d’un second programme national de rénovation urbaine, avec une meilleure articulation de l’urbain et de l’humain – car avant le décollage des opérations ANRU, le facteur humain n’était souvent traité qu’à la marge, ce qui était regrettable.

L’interdiction du droit au logement opposable dans les zones urbaines sensibles, préconisée par la proposition de loi, ne semble pas opportune. Nous préférons de loin privilégier la voie contractuelle, notamment dans le cadre des conventions d’utilité sociale.

L’article 18 de votre proposition de loi est davantage un aide-mémoire qui rappelle tout ce qui est en cours ou qui est prévu qu’un véritable programme de rénovation urbaine ; il ne contient, en effet, aucune proposition d’avancée significative.

Pour conclure, cette proposition de loi ressemble davantage à un inventaire qu’à un corpus de mesures directement applicables, ce qui est paradoxal quand on prétend agir dans l’urgence, comme vous semblez en avoir l’intention si l’on se réfère au titre de votre proposition. En réalité, elle n’apporte aucune solution concrète nouvelle. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, elle ne nous paraît pas opportune et nous ne la voterons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel.

M. Marcel Rogemont. Le ton va changer !

M. Henri Jibrayel.Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par remercier M. Gaudron, qui vient d’intervenir à l’instant, pour le respect qu’il a manifesté à l’égard du travail qu’ont effectué les élus socialistes. Comment peut-on parler d’un aide-mémoire alors qu’il y a eu un vrai travail, aboutissant à une proposition de loi qui me paraît très importante ? Mais passons !

Le texte que nous examinons aujourd’hui est une réponse urgente et efficace, par le biais de mesures fortes, aux inégalités qui gangrènent chaque jour un peu plus nos banlieues.

M. Pascal Brindeau. L’essentiel, c’est que vous y croyiez !

M. Henri Jibrayel. Les crédits en faveur de la politique de la ville ont baissé de 40 % ; la présence policière et la représentation des services publics s’amenuisent de jour en jour ; l’enthousiasme et l’envie de réussir y font de plus en plus défaut.

Selon le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, rendu public à la fin de l’année dernière, le chômage touche 43 % des jeunes actifs et 37 % des jeunes actives habitant dans les quartiers pauvres. Sur une population active potentielle de 250 000 jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, 100 000 sont au chômage. Au total, le taux de chômage a grimpé à 18,6 % en 2009, contre 16,9 % en 2008 dans les 751 quartiers retenus par les pouvoirs publics comme cibles prioritaires de la politique de la ville.

La situation est alarmante et le constat sans appel : par manque d’envergure, de méthode et surtout d’ambition, la politique de la ville est un échec, monsieur le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Henri Jibrayel. Avec un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale, les zones urbaines sensibles sont aujourd’hui totalement délaissées par les pouvoirs publics.

Notre volonté est d’impulser de nouvelles initiatives, d’offrir à chacun dans ces quartiers les chances d’une qualification, d’une formation et d’un emploi. Il ne s’agit pas là de vœux pieux, mais véritablement d’une urgence sociale.

Cette urgence sociale passe, dans un premier temps, par un soutien au développement économique de ces quartiers, avec le prolongement jusqu’à la fin 2013 du dispositif de zone franche urbaine, puis le lancement en 2014 d’un nouveau système axé sur la signature de nouveaux contrats de promotion sociale et territoriale.

La fin des ZFU en 2011 est une erreur. Même si certaines dérives de ce dispositif sont à corriger, il convient d’en maintenir le principe.

Nous proposons également, pour désenclaver ces territoires par l’emploi, de favoriser l’emploi de ses habitants hors de ces quartiers. Ainsi, dans le cadre d’un accompagnement personnalisé porté par la puissance publique, un véritable processus de fiabilisation de l’emploi est mis en place. Pour l’employeur aussi c’est une sécurité. Le même type de dispositif devra pouvoir s’appliquer aux emplois dits non marchands destinés prioritairement aux collectivités territoriales et aux associations.

Il est clair que ces dispositifs en faveur de l’emploi dans les quartiers en difficulté doivent être menés en parfaite cohésion avec une refonte totale de la gouvernance de la politique de la ville, une véritable politique de solidarité financière et de réduction des inégalités territoriales, ainsi que la poursuite des actions engagées dans le domaine de la rénovation urbaine.

Les formidables talents que nous rencontrons chaque jour dans ces quartiers doivent pouvoir éclore. L’immense diversité culturelle, qui en fait la richesse, les comportements solidaires spontanés, la volonté de s’en sortir professionnellement, de sortir de ce que l’on appelle communément la « galère » sont autant de signes pour les pouvoirs publics de la nécessité de mettre en place une politique de la ville et des quartiers ambitieuse.

Le temps du saupoudrage est révolu ; nous vous proposons aujourd’hui de donner à la politique de la ville sa vraie dimension. Chacun d’entre nous – et pas seulement les élus des banlieues ou des grandes villes – doit se sentir concerné et avoir pour objectif la cohésion sociale, territoriale et nationale. Nous sommes tous animés par cette ambition.

Monsieur le ministre, vous m’avez dit que vous viendriez peut-être dans quelques jours à Marseille.

M. Maurice Leroy, ministre. En effet !

M. Henri Jibrayel. Je vous montrerai sur place combien l’état des quartiers de cette grande ville est lamentable, à commencer par le parc HLM. La situation est explosive. Si de véritables solutions ne sont pas apportées à ces populations, nous connaîtrons peut-être – ce que ni vous ni nous ne souhaitons – des dérives comme celles de 2005. Si, à l’époque, Marseille ne s’est pas enflammée, c’est parce qu’un tissu associatif ancien y joue un rôle très important. Mais les pouvoirs publics ont réduit comme peau de chagrin les financements de ces associations.

Vous avez fait des propositions. J’ose espérer qu’elles sont mises en place et que les préfets ont pris leurs responsabilités. Mais, je vous le dis d’une manière très solennelle et grave, je ressens au quotidien que nous sommes dans une période de doute. Les récents assassinats l’ont encore montré : les jeunes, dans ces cités, sont la proie de la délinquance sous toutes ses formes. Il y a quelques jours, le ministre Claude Guéant est venu nous promettre des fonctionnaires de police supplémentaires. J’ose espérer que ses propos ne resteront pas des discours et que ces policiers seront effectivement nommés. Je vous alerte aujourd’hui, à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi du groupe socialiste, parce que je sens que l’on est à la veille d’événements qui seraient regrettables pour tous.

Je ne mets pas en doute votre intégrité. Nous travaillons avec vous depuis quelques années et nous savons l’attachement que vous portez à ces sujets. Mais vous êtes membre d’un Gouvernement qui n’a peut-être pas la même volonté que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier M. Pupponi, dont j’ai déjà eu l’occasion de saluer le travail s’agissant de la ville,…

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Michel Piron. …notamment pour le rapport qu’il a écrit avec M. Goulard, qui stimule la réflexion et pourra même nous permettre de déboucher sur un certain nombre de propositions.

M. Maurice Leroy, ministre. Très bon rapport, en effet !

M. Michel Piron. Certes, la proposition de loi qui nous est soumise soulève de vraies questions, notamment à travers la distinction entre politique « de la ville » et politique « des villes », qui conduit à réfléchir à la territorialisation d’un certain nombre de politiques nationales qui ne sauraient apporter des réponses uniformes à des situations aussi diversifiées que celle que nous connaissons. Pour autant, les intentions ne suffisent pas. Parler de politique de la ville – ou des villes – au niveau national, c’est examiner les outils, ce que vous avez fait, mais pas suffisamment.

Reprenons donc les outils existants, par exemple le PNRU. Vous appelez à un PNRU 2, ce qui m’amène d’abord à vous remercier, puisque cela veut dire que le premier plan est un outil tout à fait remarquable et qui a connu un vrai succès.

M. Henri Jibrayel et M. Marc Goua. Personne n’a dit le contraire !

M. Michel Piron. Tous bancs confondus, nous n’étions pas si nombreux, et même assez rares, au tout début du lancement de cette opération, lorsque se présentait devant nous le défi de la déconstruction-recontruction, à approuver une telle démarche. Aujourd’hui, tout le monde est pour, mais je voudrais rappeler qu’il a fallu un certain courage à Jean-Louis Borloo, ainsi qu’une vision de l’avenir,…

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Michel Piron. …pour imposer peu à peu ce dispositif. Prévu à l’origine pour 170 quartiers, il est aujourd’hui un peu victime de son succès, au point que l’on entendrait voir servis plus du double des quartiers.

M. Éric Berdoati. Très juste !

M. Michel Piron. Il ne faut pas s’étonner, devant l’afflux de demandes, que les moyens aient parfois quelque mal à suivre. Je vous remercie toutefois d’avoir salué l’efficacité de cet outil.

J’ai bien étudié vos propositions. Malheureusement, nous ne pourrons pas voter un texte dont les intentions sont incontestablement très bonnes, mais qui propose des mesures ne répondant que peu, voire pas du tout, aux défis qui se posent à nous au regard des moyens dont nous disposons.

Permettez-moi d’en citer quelques-unes. Dès le début, vous parlez de la réforme de la géographie prioritaire. Je souscris totalement aux propos de M. le ministre : ce genre de sujet ne peut être traité que par une grande concertation entre les différentes sensibilités de cet hémicycle.

M. Maurice Leroy, ministre. Bien sûr !

M. Michel Piron. La question me paraît bonne, mais la réponse ne peut être apportée de façon aussi tranchée et rapide.

Par ailleurs, vous jugez souhaitable d’inventer une nouvelle génération de contrats, ce qui constitue d’ailleurs la suite de votre rapport. Vous avez raison, mais vous ne tenez pas compte, dans votre proposition de loi, du rôle croissant de l’intercommunalité. Or vous savez à quel point il est important de mener une réflexion sur ce sujet.

M. Maurice Leroy, ministre. Eh oui !

M. Michel Piron. Vous faites la proposition de fusionner l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Étant donné la spécificité affichée et assumée de l’EPARECA, je ne crois vraiment pas que ce soit une bonne mesure.

M. Régis Juanico. Ces établissements ont pourtant été fusionnés à Lille !

M. Michel Piron. Vous évoquez la question de la péréquation horizontale. Je connais votre attachement à ce sujet, sur lequel nous avons d’ailleurs travaillé ensemble dans un sous-groupe du Comité des finances locales. Une fois de plus, nous n’étions pas si nombreux, sur tous les bancs, à pousser pour une péréquation horizontale beaucoup plus forte.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Michel Piron. Je voudrais quand même rappeler, puisque vous ne l’avez pas signalé, qu’il s’agit bien là d’une création de cette majorité et que c’est ce gouvernement qui a permis de mettre en œuvre pour la première fois un début de péréquation horizontale,…

M. François Pupponi, rapporteur. Je l’ai dit !

M. Marcel Rogemont. La DSU était une forme de péréquation !

M. Michel Piron. …pour un montant de 250 millions, qui devrait atteindre 1 milliard dans les cinq ans. C’est tout de même un pas qui n’est pas négligeable !

Je pourrais évoquer également, s’agissant des ZFU, la question de l’exclusion, quand même très discutable, du transfert d’entreprise du dispositif d’exonération. Attention à ne pas créer des ghettos sous prétexte d’éviter les effets d’aubaine !

Pour toutes sortes de raisons, souvent d’ailleurs d’ordre technique, nous n’adopterons pas votre texte. Mais, je vous le répète, pour ce qui est des objectifs visés, un certain nombre de vos propositions méritent d’être regardées avec la plus grande attention, et – pourquoi pas ? – d’inspirer, probablement plus tard, des mesures qui seront prises dans un cadre un peu plus longuement réfléchi et concerté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous le savons tous et les sondages successifs le confirment, l’emploi est la priorité numéro un des Français.

Dans les quartiers bénéficiant de la politique de la ville, ce problème est encore plus aigu, puisque le taux de chômage y est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. On constate aussi qu’il frappe particulièrement, avec des taux qui avoisinent 50 % dans certains quartiers où la précarité est particulièrement marquée, trois types de demandeurs d’emploi : les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, les femmes chef de famille monoparentale et les demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans. La crise, en frappant d’abord l’intérim et les emplois les plus accessibles, notamment dans la production et le BTP, n’a fait qu’aggraver la situation.

Dans ce contexte, la déclaration récente du ministre des affaires européennes, Laurent Wauquiez, n’en est que plus scandaleuse, au point qu’elle est dénoncée par certains de ses amis. La grande majorité des bénéficiaires du RSA ainsi stigmatisés, ne demande qu’à travailler. Dans ses propos, le ministre a d’ailleurs ajouté une discrimination en jugeant que les étrangers n’ayant pas travaillé au moins cinq ans en France ne devraient pas avoir droit aux prestations sociales.

Le véritable cancer, monsieur le ministre, c’est le chômage indécent dans ces quartiers ; ce sont les 160 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni formation qualifiante, dont la grande majorité est à la recherche d’un emploi. Ces jeunes envoient des CV mais ne reçoivent pas de réponse, leur nom et leur adresse servant de repoussoir. Comment voulez-vous, monsieur le ministre, qu’il en soit autrement pour un jeune demandeur d’emploi ayant de l’énergie mais pas de réseau relationnel, une motivation forte mais peu de qualification et habitant dans les quartiers sud de Grenoble, stigmatisés à grand renfort de coups médiatiques par le Président de la République l’été dernier ? Il est « plombé » d’avance par une discrimination encouragée au plus haut niveau de la République.

M. Maurice Leroy, ministre. Oh !

Mme Geneviève Fioraso. Voilà où est le véritable cancer de notre société, dans cette désespérance que l’on crée et dans le clivage grandissant entre les jeunes qui ont accès à une formation qualifiante et les autres, majoritairement habitants des ZUS.

Face à une situation aussi explosive, les équipes de gauche des villes et des banlieues ont pris le problème à bras-le-corps et ont développé, de plus en plus sur leurs financements propres, une véritable politique d’insertion et de retour à l’emploi, en utilisant tous les dispositifs existants et en associant tous les partenaires – publics, associatifs et privés.

M. Maurice Leroy, ministre. Ben voyons ! Et les autres, ils ne font rien ? Votre propos est encore un peu trop modéré.

Mme Geneviève Fioraso. Et là aussi, votre gouvernement, monsieur le ministre, a reculé, en diminuant ou supprimant des outils efficaces.

M. Maurice Leroy, ministre. Bien sûr ! Et vous, vous ne reculez pas devant la caricature !

Mme Geneviève Fioraso. Ce sont les faits, monsieur le ministre.

La réduction des contrats aidés a déjà été évoquée, je n’y reviendrai donc pas. Je m’arrêterai, en revanche, sur le dispositif des zones franches urbaines, mises en place en 1997 et complétées en 2004. Elles ont été identifiées en 2010 comme une niche fiscale et ont vu leur périmètre fortement réduit, ce qui fragilise leur existence et, par là même, l’emploi, dont au moins un tiers – c’est la règle – bénéficiait à des demandeurs d’emplois habitant en ZUS.

De qui se moque-t-on, alors que la réduction des aides en 2009 et leur fin, annoncée pour 2011, ont été décidées bien avant la suspension du bouclier fiscal, qui constituait, lui, le véritable scandale ?

Il est vrai que, dans les ZFU, les employeurs des TPE ou des PMI-PME indépendantes ne sont pas des entreprises « bling bling » du CAC 40, dont certaines n’ont pas hésité à créer des dizaines de sociétés par actions simplifiées pour bénéficier du crédit d’impôt recherche et ne plus payer d’impôts en France, malgré des bénéfices, pétroliers par exemple, tout à fait confortables.

M. Éric Berdoati. Quelle caricature !

M. Maurice Leroy, ministre. C’est ridicule !

Mme Geneviève Fioraso. Je veux au contraire saluer, sans dogmatisme,…

M. Maurice Leroy, ministre. Heureusement que vous le dites !

Mme Geneviève Fioraso. Vous savez ce que c’est que le dogmatisme, monsieur le ministre !

M. Maurice Leroy, ministre. Sans doute moins que vous !

M. Éric Berdoati. Quel sens de la nuance !

Mme Geneviève Fioraso. Je veux au contraire saluer, disais-je, des entreprises qui s’engagent au côté des associations et des élus, comme le fait par exemple Schneider Electric, avec des actions comme « 100 chances - 100 emplois » ou des forums pour l’emploi, en intégrant leurs sous-traitants et leurs partenaires dans des actions d’insertion efficaces.

Les études et les bilans concrets démontrent l’impact positif des ZFU pour l’emploi des publics les plus en difficulté et indiquent même que les entreprises créées en ZFU sont moins fragiles financièrement et résistent mieux à la crise. C’est ce que relève la Cour des comptes et ce qui ressort des bilans chiffrés fournis par une vingtaine de villes, de droite comme de gauche,…

M. Maurice Leroy, ministre. De droite ? C’est affreux !

Mme Geneviève Fioraso. …qui, opposées au changement de cap gouvernemental, ont créé une association proposant, comme nous le faisons dans cette PPL, une prorogation du dispositif du 31 décembre 2011 jusqu’en 2014 au moins, avec un retour aux règles et modalités initiales d’exonérations de cotisations sociales patronales tout en évitant les effets d’aubaine.

Ce qu’il convient de mettre en place, on le voit bien, c’est un véritable parcours personnalisé des demandeurs d’emploi, en accompagnant leur entrée ou leur retour à l’emploi.

Pour cela, outre les ZFU, les clauses des marchés publics doivent être davantage sollicitées. Le levier de la commande publique et l’article 14 du code des marchés publics sont déjà largement utilisés pour favoriser l’insertion des publics en difficulté.

M. le président. Il faut conclure, madame Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Ce qu’il convient de développer, monsieur le ministre, c’est à la fois un accompagnement en formation complémentaire et un suivi personnalisé pour favoriser toutes les chances d’une insertion réussie. Cela suppose des moyens supplémentaires pour aider les associations, pour rétablir les contrats aidés et les formations accompagnées.

M. le président. Merci, madame Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Je termine.

Enfin, si les investissements publics doivent favoriser l’insertion, l’engagement de fonds publics, locaux ou nationaux dans des dispositifs d’aides aux entreprises via les pôles de compétitivité, OSÉO, le FSI, le crédit impôt-recherche par exemple, doit être conditionné – a fortiori si les aides sont supérieures à un montant défini par décret, comme le prévoit l’article 16 – à la participation ou la réalisation en direct d’actions d’insertion dans les projets financés.

M. le président. Merci, madame Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. En conclusion, ce que propose le groupe SRC…

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame Fioraso.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Fondé sur quel article ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur l’article 58, alinéa 2, monsieur le président.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, vous n’êtes coupable de rien, nous sommes tous victimes et nous voulons tous que cela se passe bien. Nous avons bien compris la difficulté, et je vous remercie, vous et le président, de vous activer pour trouver une solution.

Nous souhaitons tout de même que nos collègues puissent achever leurs phrases. Je vous le demande en toute amitié, pour le travail que nous partageons et au nom de l’intérêt que vous portez, nous le savons, à ce sujet. C’est sûrement, d’ailleurs, que vous ne puissiez pas intervenir dans le débat qui vous pose le plus de difficulté. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, je comprends la situation dans laquelle tout le monde est victime, dites-vous. Néanmoins, je considère que les responsabilités sont très largement partagées dans cette affaire.

M. Henri Jibrayel. Pas de notre côté.

M. le président. Si.

M. Daniel Goldberg. Les textes ont été inscrits à l’ordre du jour.

M. le président. Initialement, il était prévu qu’ils soient discutés ce matin, mais certains de vos collègues ne pouvaient pas être là.

M. Daniel Goldberg. Ce n’est pas nous.

M. le président. J’ai expliqué tout à l’heure pourquoi il n’était pas possible de débattre de ces propositions de loi en séance publique ce matin. Ce n’est pas une difficulté pour la présidence, mais le nombre de textes que vous avez inscrits dans les séances relevant de votre initiative d’ici à la fin de la législature ne permettra pas, si nous ne terminons pas les deux textes aujourd’hui,…

M. Henri Jibrayel. Ce ne sont pas les trente secondes qui restaient à Mme Fioraso pour terminer qui risquaient de compromettre la discussion.

M. le président. …de revenir sur le second texte qui, à mon avis, monsieur Le Bouillonnec, doit vous sembler tout aussi important que le premier.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est sûr.

M. le président. Voilà pourquoi j’essaie de faire respecter les temps de parole prévus.

Mme Geneviève Fioraso. Je n’avais pratiquement pas dépassé mon temps, monsieur le président.

M. le président. Si, madame, vous étiez à six minutes pour cinq minutes prévues. Je relève que pas un seul intervenant de l’opposition n’a respecté son temps de parole depuis le début du débat. Pour leur part, MM. Brindeau et Gaudron ont utilisé huit minutes au lieu de dix et M. Piron a fait cinq minutes précises.

M. Régis Juanico. Ce sont des chronomètres, pas des députés !

M. Michel Piron. Vous êtes trop aimable, cher collègue.

M. le président. Je le dis, non pas parce que j’ai envie d’ennuyer tel ou tel, monsieur Le Bouillonnec, vous savez bien que ce n’est pas mon style de présidence, mais simplement pour que nous puissions avancer. Si une partie des textes n’était pas discutée, je le regretterai mais j’imagine que son examen interviendrait plus tard, même si je ne sais pas quand.

J’essaie d’alerter l’orateur quand il dépasse son temps de parole mais, à chaque fois, c’est trente secondes, quarante secondes, voire deux minutes qui sont rajoutées. Si vous souhaitez, d’un commun accord, que les choses se passent ainsi, soit, mais je ne pense pas que ce soit au profit des sujets que vous voulez mettre sur la table et qui sont tout à fait légitimes.

Je vous indique tout de même que vingt-trois orateurs du groupe SRC se sont inscrits sur les articles depuis le début de la discussion. Vous imaginez bien qu’on va avoir du mal à tenir les temps. Mais ce n’est pas un problème, sauf pour ceux qui avaient prévu d’intervenir sur le second texte.

M. Alain Cacheux. Nous avons beaucoup de choses à dire, monsieur le président.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Monsieur le ministre, depuis le débat sur l’identité nationale, votre majorité dénonce une communautarisation de notre pays et les risques que celle-ci ferait peser sur nos principes républicains de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes. Il n’y aurait aucune efficacité à stigmatiser ces dérives sans la volonté d’en regarder avec lucidité les causes. L’échec des politiques publiques dans les quartiers en difficulté, la politique de la ville, aussi nécessaire soit-elle, n’intervenant qu’à la marge, en est une. Notre incapacité à corriger les erreurs urbanistiques du passé a produit un vaste mouvement de ségrégation sociale qui s’est le plus souvent accompagné d’une ségrégation culturelle, ethnique ou religieuse.

Je ne suis pas de celles et ceux qui prétendent qu’il y aurait incompatibilité ontologique entre telle ou telle origine, telle ou telle religion et la République. Non. C’est là où cette ségrégation se double d’un profond sentiment d’abandon, là où il n’y a plus de volonté d’entretenir ou de réhabiliter le cadre de vie, de maintenir une vie commerciale et les services publics, de désenclaver les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire ou contre les bandes organisées, que se développe le terreau des replis identitaires.

Tout l’enjeu de cette proposition de loi est de combattre cet abandon, dont l’un des déterminants majeurs est bien évidemment l’emploi.

Selon l’INED, 40 % des immigrés ou enfants d’immigrés déclarent avoir été victimes de discrimination à l’embauche. À qualification égale, le taux de chômage est supérieur parmi les jeunes ayant au moins un parent étranger, et cet écart croît avec le niveau de qualification. Cela remet profondément en cause les perspectives d’élévation sociale par le travail.

Indépendamment de leurs origines, un nombre croissant de nos concitoyens subit une discrimination à l’adresse. Celle-ci est d’autant plus socialement injuste qu’elle est économiquement absurde, ne reposant sur aucun critère d’adéquation entre le candidat et le poste. C’est pourquoi l’article 14 de notre proposition prévoit, ainsi que le recommande la HALDE, d’inscrire la discrimination au lieu de résidence dans notre code du travail.

Votre gouvernement, qui se refuse à faire appliquer la loi de 2006 et le CV anonyme, qui démantèle la HALDE et qui cautionne un certain nombre de dérapages, a renoncé à combattre les discriminations.

M. Maurice Leroy, ministre. Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Pascal Brindeau. C’est hors sujet.

Mme Pascale Crozon. Il faut aller dans les quartiers, monsieur le ministre.

Bien sûr, nous savons que c’est un travail de longue haleine.

M. Maurice Leroy, ministre. Ah bon ?

Mme Pascale Crozon. Ce travail ne peut se limiter à réprimer, même si c’est essentiel, les atteintes au principe d’égalité.

M. Maurice Leroy, ministre. Ça, c’est meilleur.

Mme Pascale Crozon. Ce que nous devons aujourd’hui engager, c’est la déconstruction des préjugés qui s’attachent à une vision tronquée et stéréotypée de nos quartiers populaires.

Cela passe évidemment, nous en reparlerons avec la PPL sur le logement, par la mixité sociale : mixité des centre-villes, qui ne doivent pas être inaccessibles à une majeure partie de la population, mais aussi mixité et donc attractivité des quartiers périphériques.

Il nous faut aussi tracer des perspectives collectives, encourager les initiatives nombreuses qui, dans ces quartiers, visent à retisser les fils du lien social et du vouloir vivre ensemble. C’est notamment le rôle de l’éducation et de la culture.

Dans le cadre de ma réserve parlementaire, j’ai subventionné l’écriture et la production d’une comédie musicale de chansons françaises impliquant les habitants de Saint-Jean, quartier en ZUS de Villeurbanne.

M. Marcel Rogemont. Très bien !

Mme Pascale Crozon. Au-delà de la performance artistique qui récompense leur travail et leur engagement, au-delà de la fierté qui est aujourd’hui la leur de présenter cette œuvre en dehors de la ville, chacun aura été particulièrement frappé par la découverte de l’autre, de ce voisin à qui jamais on n’aurait adressé la parole, du fait de sa différence culturelle ou générationnelle. À l’heure où les crédits décentralisés de la culture pour la politique de la ville comptent parmi les premières victimes de la rigueur, ce type d’exemple peut nous inspirer.

Monsieur le ministre, notre regard sur nos quartiers doit changer. Les valeurs de la République ne doivent pas être agitées pour susciter les peurs et nous préserver de leurs habitants, mais, bien au contraire, pour réaffirmer que chacun, où qu’il se trouve sur le territoire, doit être regardé avec la même considération.

M. Henri Jibrayel. Bravo !

Mme Pascale Crozon. De la même façon, nous devons rompre avec la vision compassionnelle selon laquelle ce serait là des territoires relégués qui demanderaient la charité.

M. Maurice Leroy, ministre. Nous n’avons jamais dit cela.

Mme Pascale Crozon. Nous devons accepter d’y voir la jeunesse, la diversité, la créativité, comme un formidable potentiel à qui nous devons donner les moyens de s’exprimer et de se réaliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maurice Leroy, ministre. C’est ce que nous faisons.

M. le président. Merci, madame, d’avoir tenu les cinq minutes. Vous avez été remarquable.

M. Marcel Rogemont. Comme toujours.

M. le président. Encore plus aujourd’hui.

M. Alain Cacheux. Et surtout excellente sur le fond !

M. Maurice Leroy, ministre. Là, il y aurait des choses à dire !

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Mes chers collègues, notre ministre de la ville a très justement affirmé hier, dans cet hémicycle, que « c’est dans les quartiers que la République a rendez-vous avec elle-même ». La politique de la ville est certainement l’enjeu sociétal le plus difficile de nos politiques publiques depuis la fin des années soixante-dix.

La République est-elle vraiment impuissante dans ces quartiers ? Ces quartiers ont-ils été abandonnés ? Tous les élus locaux concernés vous affirmeront le contraire lorsque l’on voit ce qui a été réalisé et financé au cours des dernières décennies.

M. Maurice Leroy, ministre. Très bien !

M. Éric Straumann. En 2008, le Président de la République a présenté son projet de nouvelle politique en faveur des banlieues qui a vocation à faire travailler ensemble l’éducation nationale, les bailleurs sociaux, la police, les élus locaux, les travailleurs sociaux, les entreprises et le milieu associatif, à qui il faut rendre hommage pour son action déterminante dans ces quartiers et qui a reçu un soutien constant de la part du Gouvernement.

Ces quartiers connaissent une population jeune qui est directement aux prises avec la réalité et la conjoncture économique. On trouve parmi ces jeunes une énergie extraordinaire. J’ai moi-même enseigné dans le quartier ouest de Colmar, classé en zone sensible. J’y ai vu des parents s’investir totalement et se sacrifier pour la réussite de leurs enfants. J’y ai vu des réussites scolaires et professionnelles tout à fait remarquables. Ces jeunes qui ont du talent et de l’ambition sont une chance pour la France.

Bien entendu, il ne faut pas nier les problèmes, mais je pense que les regards négatifs, parfois pessimistes, que nous portons sur ces quartiers ne contribuent pas à l’amélioration de la situation.

M. Maurice Leroy, ministre. Très juste !

Mme Jacqueline Maquet. Il faut le dire.

M. Maurice Leroy, ministre. Il faut le dire à Mme Crozon.

Mme Pascale Crozon. C’est ce que j’ai dit, monsieur le ministre.

M. Éric Straumann. Il me semble que la réponse à la problématique de la proposition de loi est énoncée dans son intitulé : « prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté » : faut-il répondre par l’urgence à une problématique lourde qui existe depuis plusieurs décennies ?

J’aurais préféré une vision positive et que l’on évoque l’accompagnement public de la mutation de nos banlieues. En effet, l’évolution de ces quartiers et de ces villes passe essentiellement par la perception qu’en ont leurs habitants et le respect qu’ils portent à leur cadre et leur environnement.

M. Henri Jibrayel. Et des moyens !

M. Éric Straumann. Une des clefs de la réussite passe par le renouvellement urbain. La création de l’ANRU par Jean-Louis Borloo, qui enregistre des résultats remarquables…

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai.

M. Éric Straumann. …malgré un cadre budgétaire contraint, est aujourd’hui largement saluée.

Les projets de rénovation rencontrent parfois une certaine hostilité, mais obtiennent, après coup, un taux de satisfaction très élevé. Ainsi, à Colmar plus de 90 % des locataires sont satisfaits des conditions de leur relogement. Dans ces quartiers rénovés et dé-densifiés, qui prennent parfois l’allure de quartiers résidentiels,…

M. Marcel Rogemont. Rénovation financée par qui ?

M. Maurice Leroy, ministre. On l’a dit !

M. Marcel Rogemont. Ce sont les organismes d’HLM qui financent.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et les salariés !

M. Maurice Leroy, ministre. Pas que les salariés, le grand capital aussi.

M. Éric Straumann…on constate, après plusieurs années d’effort, une baisse de la délinquance et du chômage.

M. François Pupponi, rapporteur. Oh !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Où ?

M. Henri Jibrayel. Au pays des bisounours !

M. Éric Straumann. L’article 19 prévoit de rendre obligatoire pour les préfets, dans le cas d’une carence communale aux engagements visés à l’article 55 de la loi SRU, la signature d’une convention avec un organisme en vue de la réalisation de cet objectif.

Une récente évaluation réalisée en 2008 a montré que, sur les 730 communes concernées, 330 n’ont pas respecté leurs obligations. On a parlé de maires délinquants, certains suggérant même l’engagement de la responsabilité pénale des élus qui n’arrivent pas à appliquer cette législation. Ces 330 maires font-ils preuve de mauvaise volonté délibérée ? Je ne le crois pas.

Les maires sont respectueux de la loi, mais l’application de celle-ci se heurte à de multiples obstacles. Des communes se trouvent confrontées à des problèmes de disponibilité foncière. Il y a, d’un côté, une obligation de réaliser des logements sociaux, de l’autre, des plans de prévention des risques qui empêchent toute extension urbaine. Les élus font des efforts au quotidien pour convaincre des promoteurs immobiliers afin d’intégrer cette dimension dans leur programme. Les maires connaissent parfaitement leur territoire. Imaginer que les préfets vont les remplacer pour aménager l’espace afin de créer des logements relève d’une vision dirigiste de l’urbanisme, digne d’une autre époque.

J’ai rencontré récemment Heinz Buschkowsky, maire de l’arrondissement de Berlin-Neukölln-Kreuzberg, quartier qui accueille une forte proportion de populations d’origine étrangère dans des situations parfois très précaires. Ce quartier réputé difficile est, selon Daniel Cohn-Bendit, « une île de tranquillité sereine comparée à ce qui existe en France ». La situation de nos banlieues n’est pas comparable à celle de nos voisins allemands parce que l’Allemagne ne connaît pas l’urbanisme de nos quartiers qui ont la structure architecturale de tours et qui concentrent la population à l’extrême. La différence fondamentale avec l’Allemagne réside, à mon sens, dans le système scolaire qui encourage l’entrée très jeune dans le monde du travail, dans le cadre de l’apprentissage. La première cause du mal qui ronge nos banlieues est le désœuvrement. Les habitudes de la valeur travail doivent se prendre le plus tôt possible.

La réponse à ces difficultés n’est pas uniquement une question financière et de péréquation, ni de proportion de logements sociaux et de fusion d’organismes. Reconnaissons aussi que notre système éducatif n’est pas adapté aux enjeux et attentes de la banlieue. Je me prononcerai donc contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Comme j’ai entendu certains collègues le murmurer, il est bien entendu normal qu’un élu de Seine-Saint-Denis intervienne sur ce sujet de la politique de la ville et des quartiers en difficulté.

La principale différence entre nous, chers collègues de la majorité, c’est que nous, nous souhaitons penser la métropole globalement.

M. Maurice Leroy, ministre. Nous aussi !

M. Daniel Goldberg. Je ne crois pas que vous soyez parlementaire de la majorité, monsieur le ministre !

La ville, aujourd’hui, ce n’est plus la commune. Il faut que nous ayons des lieux de décision identifiés à l’échelle de chaque métropole, avec des élus en responsabilité entière et effective, et des possibilités pour les citoyens d’évaluer les politiques publiques qui sont menées. Le texte que nous vous proposons aborde aussi cette question d’une gouvernance appropriée à l’échelle métropolitaine sur chacun des territoires en difficulté. Si l’on parle de quartiers sensibles, c’est bien parce qu’il y a des quartiers « insensibles », des quartiers qui développent l’entre-soi, des quartiers qui ont des moyens mais qui ne font pas ce qu’il faut pour que, à l’échelle de la métropole, chacun puisse se sentir bien, accueillant vis-à-vis de des voisins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il arrive, en effet, que le PIB par habitant soit divisé par dix lorsque l’on passe d’une commune à une autre, comme c’est le cas en Seine-Saint-Denis ou dans les Hauts-de-Seine.

Il faut aussi que les moyens des collectivités territoriales fassent l’objet d’une péréquation beaucoup plus qu’actuellement. C’est ce que nous proposons très concrètement avec cette proposition de loi. Et si nous pouvons nous réjouir des évolutions du PNRU, nous pouvons aussi souhaiter que l’État tienne plus ses engagements dans le cadre d’un PNRU 2 qu’il ne le fait actuellement.

M. Maurice Leroy, ministre. L’État tient ses engagements !

M. Daniel Goldberg. Prenons le temps d’examiner ce qui s’est passé exactement dans le cadre des démolitions-reconstructions de l’actuel PNRU. Il ne suffit pas de constater qu’il y a eu une reconstruction pour une démolition, il faut aussi voir quels types de logements ont été reconstruits et dans quels quartiers. Quand on démolit un F 4 pour le remplacer par un F 2, cela ne concerne pas les mêmes familles ! Je demande donc que l’on se penche attentivement sur le sujet.

Se pose aussi la question des moyens de droit commun. Tout le monde en est d’accord, la politique de la ville ne peut pas tout, notamment pour pallier les défauts de remplacement des enseignants dans les collèges et les écoles primaires de nos quartiers en difficulté ou les déserts médicaux, qui existent aussi bien dans les zones péri-urbaines, à la campagne que dans nos quartiers.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai !

M. Daniel Goldberg. S’agissant de la sécurité, il manque 400 fonctionnaires de police dans mon département. Et puis, je pourrais parler du logement puisque les crédits d’État d’aide à la pierre ont fortement diminué ces dernières années.

Pour respecter au maximum mon temps de parole, monsieur le président, je terminerai mon intervention en évoquant la question des discriminations. Cela fait maintenant deux ans que nous avons un débat lancinant sur l’identité nationale, certain ministre fustigeant l’assistanat comme le cancer de notre société, d’autres proposant de dresser des listes de binationaux non seulement dans le monde du football, ce qui est déjà un problème, mais dans l’ensemble de la société. Il faut avancer sur ces questions.

Si nous acceptions, comme le prévoit l’article 14 de cette proposition, d’élargir au lieu de résidence les cas de discrimination visés dans le droit positif, nous ferions œuvre utile et nous nous inscririons dans la continuité de la récente position de la HALDE et de celle prise par le Conseil économique et social en 2008. La discrimination en raison du code postal s’exerce en effet lors d’un entretien d’embauche quels que soient le nom, la couleur de peau, l’origine et la religion réelles ou supposées, le sexe, l’apparence physique. Elle joue aussi pour la fourniture de services. Les médias ont ainsi récemment fait état d’une femme qui n’a pu régler ses courses dans un supermarché des Yvelines parce que l’adresse figurant sur son chéquier était à Mantes-la-Jolie. Pour cette seule raison, son chèque a été refusé. Il faut donc avancer sur cette question des discriminations et c’est que nous proposons avec cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. C’était excellent !

M. Alain Cacheux. Intéressant, mais malheureusement trop bref !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail sur la politique de la ville fait par notre groupe, notamment par François Pupponi, responsable de ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Depuis trente ans, malgré la volonté de faire évoluer les choses, malgré les chantiers ANRU, les gouvernements successifs n’ont pas été en mesure de régler le problème des quartiers dits en difficulté. On constate aujourd’hui l’échec du plan « Espoir banlieues » de Fadela Amara,…

M. Marcel Rogemont. Elle aurait mieux fait de rester là où elle était !

Mme Jacqueline Maquet. …la baisse de 40 % des crédits de la politique de la ville, notamment ceux destinés aux associations, la diminution du nombre de policiers et de gendarmes dans ces territoires du fait de l’application, année après année, de la RGPP. Cela traduit l’abandon des habitants des quartiers, monsieur le ministre. Cela donne le sentiment d’un travail inachevé.

M. Maurice Leroy, ministre. Mais non !

Mme Jacqueline Maquet. Face à cette situation, il nous est apparu nécessaire de proposer une politique d’urgence permettant d’éviter une nouvelle dégradation et de mettre en œuvre, à moyen et long terme, des actions publiques adaptées aux besoins dans ces quartiers.

Je m’attarderai sur le sujet du renouvellement urbain et du logement, car parler de politique de la ville, c’est parler du logement, secteur essentiel non seulement parce qu’il a des implications économiques directes, mais aussi parce qu’il reflète la santé sociale d’un pays et sa capacité à endiguer ou à creuser les inégalités.

Aujourd’hui, le constat est clair : des territoires totalement marginalisés abritent des populations en très grande difficulté. Les chiffres sont très inquiétants : un habitant sur trois et un mineur sur deux habitant dans ces quartiers vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cette tendance ne fait que s’aggraver avec le relogement des personnes prioritaires au DALO, mettant encore à mal la mixité sociale, élément essentiel d’une politique de la ville efficace et réussie.

Bien que, depuis quatre ans, tous les ministres chargés du logement nous aient assuré qu’ils demanderaient aux préfets de ne plus attribuer de logements DALO ni dans les ZUS ni dans les quartiers ANRU, force est de constater que ce n’est toujours pas le cas. Les préfets continuent quotidiennement à attribuer des logements DALO dans ces zones sensibles.

M. François Pupponi, rapporteur. C’est vrai !

M. Maurice Leroy, ministre. C’est vrai, mais Benoît Apparu y travaille !

Mme Jacqueline Maquet. La conséquence est le renforcement des ghettos urbains.

Le DALO, qui devait permettre à tous d’avoir un toit, devient un obstacle à la mixité sociale, et vous ne pourrez me contredire. Chose extraordinaire, qu’on ne peut que dénoncer : de nombreux dossiers DALO imposés par les préfets viennent de communes voisines qui ne respectent pas l’obligation de 20 % de logements sociaux prévue par la loi SRU. Pourtant, les préfets, représentants de l’État sur nos territoires, ne devraient-ils pas imposer la construction de logements sociaux aux communes qui ne respectent pas cette loi ?

Mme Pascale Crozon. Très bien !

M. Alain Cacheux. Vous avez raison !

Mme Jacqueline Maquet. Ce triste constat de ghettoïsation des quartiers défavorisés n’est que le fruit de la politique a minima menée dans ces quartiers et de votre laxisme face aux territoires hors-la-loi.

Des solutions existent, et nous vous en proposons. C’est la construction de logements sociaux, voire très sociaux, dans les communes qui ne respectent pas les 20 %. Ainsi, l’article 19 substitue les préfets aux communes où sont constatées des carences à l’article 55 de la loi SRU. Il leur donne la possibilité de conclure une convention avec un organisme en vue de remplir les objectifs de construction de logements sociaux. C’est aussi l’attribution des logements DALO hors zone sensible et hors bâtiments « APLisés » à plus de 66 % – l’article 20 va dans ce sens en interdisant le DALO dans les ZUS.

La politique de la ville, c’est aussi faire en sorte que les habitants de ces quartiers vivent décemment, d’où les articles 17 et 18 sur le renouvellement urbain.

L’article 17 réaffirme le principe auquel est tenu l’État en termes d’engagement financier dans la rénovation urbaine, et l’article 18 entérine le lancement du PNRU 2. En effet, le renouvellement urbain, tel que nous le proposons dans cette proposition de loi, exige de passer du PNRU 1 au PNRU 2. Ce dernier vient terminer la rénovation des quartiers déjà engagée dans le cadre du PNRU 1 mais qui n’a pu faire l’objet d’un financement complet. Car on constate, en visitant certains des quartiers concernés, que les travaux ne sont achevés qu’en partie.

Il faudra modifier aussi certains des critères d’intervention du PNRU et de l’ANRU afin d’être plus efficient en matière de copropriété, car on ne peut se contenter d’intervenir uniquement sur les copropriétés dégradées et sur l’habitat social public. Il est indispensable de lutter contre l’habitat insalubre et indigne.

Pour conclure, la politique de la ville ne pourra jamais devenir une politique d’envergure si vous continuez dans la direction du désengagement. Elle n’a jamais été articulée avec une politique d’aménagement du territoire, et les politiques de droit commun n’ont que trop peu suivi. Il est important de mener une politique de peuplement équilibrée à l’échelle des quartiers, des villes et des agglomérations, afin de lutter contre l’exclusion sociale, pour une politique de la ville réussie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Compte tenu des délais dont vous avez parlé, monsieur le président, j’essaierai de ne pas être trop long, mais je voudrais donner certaines informations qui, je l’espère, seront utiles.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question des financements croisés, tout comme d’autres orateurs du groupe SRC. Pour qu’il n’y ait aucun malentendu, il est de mon devoir de clarifier la situation.

L’article 35 de la loi portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 prévoit bel et bien une exception pour la rénovation urbaine. Je le dis très nettement, car c’est la moindre des choses que le Gouvernement réponde à vos questions, nos débats devant permettre d’éclairer la volonté du législateur, selon la formule consacrée. Or la volonté du législateur sur ce point est claire ; il ne doit pas y avoir d’ambiguïté. En l’espèce, votre proposition de loi est satisfaite puisque l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit une dérogation s’agissant de la rénovation urbaine.

Cette possibilité est également maintenue pour les contrats urbains de cohésion sociale après 2014. Il sera parfaitement possible, après le 1er janvier 2015, de cumuler les subventions et d’avoir des financements croisés sur le volet humain de la politique de la ville, dès lors qu’existe, comme le prévoit la loi, un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Et l’on voit mal les régions et les départements ne pas mettre en œuvre ces schémas.

Pour ce qui concerne la rénovation urbaine, il n’y a pas besoin de schéma, puisque le régime est dérogatoire, ce dont il faut se réjouir car on ne pourrait autrement poursuivre la rénovation urbaine, même si je travaille actuellement sur un PNRU pour lequel je remettrai à l’automne des propositions à François Fillon.

Enfin, les EPCI de moins de cinquante mille habitants ne sont pas non plus concernés par cet aspect de la réforme territoriale, ce qui n’est pas rien puisque cela représente 33 000 communes sur 36 682.

Cela veut donc dire que la réforme territoriale n’empêche pas les financements croisés, que ce soit pour la rénovation urbaine ou pour le volet humain de la politique de la ville, dès lors que sont mis en place des schémas d’organisation.

Plusieurs d’entre vous, toutes sensibilités confondues, ont, à juste titre, évoqué l’emploi. Nous menons avec Xavier Bertrand une action transversale. Lors du comité interministériel des villes qui s’est tenu le 18 février sous l’autorité du Premier ministre, nous avons décidé la création de 7 000 contrats d’autonomie supplémentaires, clairement fléchés vers les quartiers sensibles.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Maurice Leroy, ministre. Il est important que vous puissiez le signaler dans vos préfectures et vos sous-préfectures, et je suis à votre disposition pour vous aider à relayer l’information dans vos départements et vos communes.

Ces contrats s’ajoutent aux 8 000 déjà actés, soit au total 15 000 contrats d’autonomie, monsieur Jibrayel – je vous apprécie, je connais votre implication sur le terrain et sais que vos propos ne sont pas des propos de tribune. Ces contrats d’autonomie sont à votre disposition, et vous me pardonnerez d’insister sur le fait que je me suis assez battu pour les obtenir.

Le dispositif est important, puisque 37 000 jeunes ont bénéficié d’un contrat d’autonomie, dont 42 % avec une issue positive. Il s’agit donc d’un bon outil pour les quartiers. Le fait d’être ministre ne me fait pas oublier que je préside un conseil général, et je ne conteste pas qu’il existe parfois sur le terrain un certain nombre de freins, mais nous sommes là pour les lever.

Il est évident que c’est dans les quartiers difficiles qu’on a le plus besoin de ces contrats et, comme je le rappelais dans mon propos liminaire, j’assume parfaitement le fait d’être inégalitaire pour être égalitaire. J’ajoute enfin que le comité interministériel des villes a décidé que les contrats seraient territorialisés, ce que, là encore, j’assume parfaitement.

Un dernier point peut également présenter de l’intérêt pour les quartiers, ce sont les mesures prises par Xavier Bertrand et Nadine Morano en matière d’apprentissage. Et je rappelle que le plan de mobilisation pour l’emploi est, du fait de la territorialisation, particulièrement ciblé sur les quartiers sensibles.

Je mets en œuvre, avec les maires des communes concernées, une expérimentation touchant aux trente-trois contrats urbains de cohésion sociale, dans le but de tester une méthode de mobilisation du droit commun pour l’emploi, l’éducation et la sécurité. Je souhaite que cette expérimentation ait lieu avant que l’on modifie la géographie prioritaire.

Avec le Premier ministre, nous prolongeons les contrats urbains de cohésion sociale jusqu’en 2014, ce qui, je le rappelle, n’était pas acquis.

M. Michel Piron. C’est vrai… mais c’était souhaitable !

M. Maurice Leroy, ministre. Je me suis battu pour cela et, dans le contexte budgétaire actuel, c’est plutôt une bonne nouvelle.

M. Michel Piron. Sage décision !

M. Maurice Leroy, ministre. Cela va permettre, avant de modifier la géographie prioritaire, de procéder à certaines évaluations. Les expérimentations n’ont pas été choisies au hasard : nous avons fait en sorte qu’elles englobent peu ou prou tous les aspects de la politique de la ville, afin de nous permettre de mieux mobiliser le droit commun sur ces contrats et d’en tirer toutes les leçons nécessaires.

Il faut entendre Michel Piron, qui vous a alertés sur l’impérieuse nécessité d’engager une concertation préalable avant toute modification de la géographie prioritaire.

M. Régis Juanico. On en parle depuis trois ans !

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur Juanico, ce débat ne me fait pas peur, et je garderai précieusement le compte rendu officiel de cette séance pour rappeler, le cas échéant, les interventions des uns et des autres. Car vous me la baillez belle avec la modification de la géographie prioritaire, commencez donc par monter un groupe de travail ! Vos propositions seront les bienvenues.

Dites-moi où supprimer une zone urbaine sensible, une zone de revitalisation ou une zone franche urbaine, car il faudra en effet avoir le courage politique de le faire pour mieux recentrer les moyens. Il n’y a pas de droit de tirage et, en cas d’alternance, vous vous trouverez confrontés au même manque de moyens. Nous saurons alors nous souvenir des déclarations des uns et des autres…

Enfin, je demande à certains députés socialistes qu’ils arrêtent de fustiger la politique de la ville en la rendant responsable de tous les maux. Je ne parle guère pour moi, parfaitement conscient que je suis en contrat à durée déterminée, et m’efforçant d’être le plus utile et le plus efficace possible. Mais je vous mets en garde contre de telles attaques, car elles font le lit de ceux qui dénoncent l’argent investi dans les quartiers, au nom d’une idéologie dont on sait ce qu’elle vaut. Vous n’avez donc jamais raison de fustiger la politique de la ville, même quand elle se heurte à des difficultés.

Mme Pascale Crozon. Vous nous avez mal écoutés !

M. Maurice Leroy, ministre. Vous imaginez bien que j’ai le rapport de l’ONZUS sur mon bureau. Je l’ai lu intégralement, contrairement à la plupart d’entre vous qui n’en retiennent que ce qu’en a dit la presse. Mais ce rapport est beaucoup plus riche que ce que Le Monde veut bien mettre en une et que ce que reprend le journal de vingt heures, chaque année, depuis que l’ONZUS existe.

Au moins, on n’est jamais pris au dépourvu : cela se passe toujours comme ça !

Pourtant, il y a des choses intéressantes. Parlons des énergies positives ! Certains, certaines d’entre vous l’ont fait en s’exprimant à la tribune ; tant mieux. Parlons des jeunes, qui représentent une formidable richesse.

M. Marcel Rogemont. Dites-le à Nicolas Sarkozy !

M. Pascal Brindeau. Il le sait !

M. Maurice Leroy, ministre. Je le lui dis.

Les jeunes sont l’atout de la Seine-Saint-Denis : c’est formidable d’avoir tous ces jeunes. C’est un véritable espoir pour l’avenir, c’est une force. Parlons donc un peu, de temps en temps, de façon positive !

J’y travaille, madame Fioraso, et je suis sur le terrain.

Mme Pascale Crozon. Il ne s’agit pas de vous.

M. Maurice Leroy, ministre. Arrêtons ce procès : je suis moi-même un élu de terrain. Venez sur le terrain quand vous voulez, je vous y invite ; vous verrez.

Mme Geneviève Fioraso. Et moi, je vous invite à Grenoble !

M. Maurice Leroy, ministre. N’opposez pas les bons élus, les élus de terrain, à ceux qui ne connaîtraient pas le terrain. Il y a ici 577 députés qui, par définition, sont tous des représentants de la nation et qui sont tous sur le terrain. Et cela vaut aussi des ministres, figurez-vous : avant d’être ministres, ils étaient souvent élus, souvent parlementaires. Ce sont donc, eux aussi, des élus de terrain. Prenons garde de ne pas faire de procès en sorcellerie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mesdames et messieurs les députés, la politique de la ville a besoin d’être améliorée, et il reste assurément beaucoup à faire ; mais elle a la vertu d’exister. Il y a un rapport très intéressant qui n’a malheureusement jamais été publié, et pour cause : il permettrait de savoir dans quelle situation nous serions s’il n’y avait pas eu de politique de la ville en France, quel que soit le gouvernement en place.

Mme Pascale Crozon et M. Marcel Rogemont. Oui !

M. Michel Piron. Absolument ! C’est la question qu’il faut poser.

M. Maurice Leroy, ministre. Nous avons des raisons de nous affronter ; elles ne manqueront pas au cours des mois à venir. Mais s’il est un domaine sur lequel nous devrions nous mettre d’accord et que nous devrions sanctuariser, c’est bien la politique de la ville.

Car c’est un domaine où il faut s’inscrire dans la durée.

M. Pascal Brindeau. Eh oui !

M. Maurice Leroy, ministre. Ma première visite ministérielle, je l’ai faite dans la boucle nord des Hauts-de-Seine, à Gennevilliers, dans le quartier du Luth. C’est un quartier sur lequel j’avais travaillé avec l’architecte Roland Castro il y a vingt ans – je le dis devant Patrick Ollier. À l’époque, les opérations n’en étaient qu’à leur début.

C’est ainsi ; cela prend ce temps-là. Je l’ai dit à la tribune et je le répète : le temps des projets n’est pas le temps médiatique. Il relève du temps long, et il excède la longévité des gouvernements successifs. Vous le savez peut-être, mais il est bon de le répéter.

Monsieur le président, en application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Pupponi, rapporteur. Ah !

M. Marcel Rogemont. Et voilà ! Ce que l’on vous a dit était intéressant. C’est cela, votre conclusion ?

M. Maurice Leroy, ministre. Ce n’est pas une conclusion !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, en vertu de l’article 58, alinéa 3, du règlement, je demande une suspension de séance de cinq minutes afin que nous fassions le point sur la situation, puisque nous ne parvenons manifestement pas à trouver une solution raisonnable au problème auquel nous sommes confrontés.

M. le président. Non seulement la suspension est de droit, monsieur Le Bouillonnec, mais elle me semble en l’espèce légitime.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Réserve des votes

M. le président. En application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, inscrit sur l’article.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, vous disiez tout à l’heure que le temps des projets n’était pas le temps médiatique : vous parliez d’or. Car seul le temps, allié à la détermination politique, peut permettre à la politique de la ville de prospérer.

C’est la raison pour laquelle nous proposons dans le présent texte de rattacher au Premier ministre les départements ministériels concernés.

Vous avez également parlé des contrats d’autonomie. Je veux simplement rappeler que, dans ma région, on a mis fin aux contrats aidés au mois d’octobre, ce qui a conduit les huit cents personnes dont les contrats n’étaient pas renouvelés à entamer un processus de réinsertion.

Ce type de va-et-vient affecte l’action quotidienne menée, il est vrai, avec des associations exigeantes. Je suis d’accord avec vous sur ce dernier point, et je reconnais ce qui a été fait à l’intention des associations, au moyen de crédits malheureusement insuffisants, même si leurs délais de versement sont beaucoup plus satisfaisants qu’auparavant.

Convenons par ailleurs que votre politique a également besoin d’un financement pérenne. Or, ces dernières années, le financement vient tantôt du crédit immobilier, tantôt du 1 % logement ; aujourd’hui, ce sont les organismes HLM qui sont mis à contribution, au motif qu’ils compteraient des « dodus dormants ». Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la taxation des HLM concerne plus de 75 % des organismes HLM ; on ne peut absolument pas dire qu’il y a 75 % de dodus dormants en France.

J’appelle votre attention sur un autre point. La politique de la ville suppose aussi de promouvoir une démarche collective. Comment faire en sorte que les habitants d’un quartier adoptent ensemble une telle démarche ? Il y faudrait des crédits. Je songe notamment aux crédits de la culture, qui ont quasiment disparu, comme l’a dit Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Eh oui !

M. Marcel Rogemont. C’est tout à fait dommageable. On a tendance à penser que l’action en faveur des populations des quartiers difficiles se résume à l’action sociale individuelle, mais ce n’est pas vrai. Il faut aussi des animateurs, du développement social. Or ces crédits, qui devraient servir à doter notre société d’une dimension collective, font défaut.

Voilà pourquoi, je le répète, le rattachement au Premier ministre est à nos yeux absolument essentiel.

(Le vote sur l’article premier est réservé.)

Article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 de M. Pupponi.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour soutenir l’amendement et donner l’avis de la commission.

M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission a émis un avis défavorable.

Cela étant, cet amendement nous semble important, car il tend à remettre les habitants au cœur de la politique de la ville, jusque dans son élaboration.

On le dit beaucoup, on le dit souvent : c’est quelque chose qu’il faut faire. Pourtant, il ressort du rapport que j’avais rédigé avec notre collègue François Goulard sur la politique de la ville, que la France, qui se croit la championne de la concertation avec les habitants, n’est en réalité pas si bonne que cela.

Il nous paraît important de redire que les habitants doivent être, à chaque fois, impliqués dans cette politique ; il faut trouver enfin le moyen de les faire participer de manière satisfaisante. Nous avons en ce domaine beaucoup de progrès à faire.

(Le vote sur l’amendement n° 1 est réservé.)

(Le vote sur l’article 2 est réservé.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, inscrit sur l’article.

M. Marcel Rogemont. De tout temps, les villes ont dévoré leurs faubourgs ; aujourd’hui, la ville se développe en dévorant les quartiers construits il y a vingt ou trente ans. Les habitants de ces quartiers sont, eux, chassés toujours plus loin.

Je souhaite pour ma part que le Premier ministre réunisse le Comité interministériel des villes tous les six mois, et que ce soit vérifié.

Si nous voulons une ville habitable par tous, alors il faut forcer la reconstruction des logements dans les centres-villes, et cesser de repousser les habitants toujours plus loin. Seule l’action du Premier ministre peut imposer une telle mesure, qui ne fera pas toujours plaisir aux élus locaux : subissant le plus souvent le développement de la ville historique, ceux-ci ne prennent pas en compte cette réalité simple : chacun doit pouvoir habiter partout dans la ville, c’est-à-dire dans le centre-ville ou dans les quartiers périphériques.

C’est là une vraie question pour la politique de la ville : comment requalifier les centres-villes ? Mettre en œuvre la mixité sociale, cela ne consiste pas à repousser les cas sociaux trois kilomètres plus loin ; cela consiste à réserver, au centre de la ville, ou dans des quartiers qui ne sont pas populaires, de la place pour les familles populaires.

C’est comme cela que l’on peut effectivement mettre en place la mixité sociale : aujourd’hui, je ne suis pas sûr que tous les projets, notamment ceux portés par l’ANRU, obéissent à cet impératif.

M. Alain Cacheux et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pupponi, rapporteur. C’est effectivement un vrai problème, qui s’aggrave d’ailleurs avec la mise en œuvre des projets de l’ANRU, qui sont souvent des projets de destruction plus que de construction. L’offre de logements se raréfie donc dans les territoires où les contraintes sont les plus fortes : les populations qui ont besoin de se loger, et en particulier celles les plus éloignées du logement et celles issues de l’immigration clandestine, qui n’ont pas droit au logement social, vont maintenant habiter dans les cœurs anciens.

On voit donc les quartiers d’habitat social être rénovés – plutôt efficacement, on l’a dit – tandis que les quartiers anciens se dégradent de façon très importante.

Dans le cadre d’un PNRU 2, il faudra à tout prix prendre en compte la globalité d’une ville, et pas seulement d’un quartier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Notre débat n’est vraiment pas facile : il faut limiter la durée des interventions, mais il y a des choses que je ne peux pas ne pas dire. (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu. Faites court et précis, monsieur le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je suis très heureux que vous nous ayez rejoints, madame Lebranchu, mais nous avons déjà eu quelques échanges ; je vous le dis avec beaucoup de sympathie, bien sûr.

Mme Marylise Lebranchu. J’espère !

M. Maurice Leroy, ministre. Pour tout vous dire – puisque j’y travaille, évidemment – je tiens compte, dans la préparation du PNRU 2, de cet aspect. Il faut en effet tirer les leçons de l’expérience du PNRU 1 : il faut raisonner de façon globale à l’échelle de la ville tout entière, et pas seulement à l’échelle du ou des quartiers qui doivent être remodelés.

Ce n’est d’ailleurs pas vrai que de la rénovation urbaine : c’est vrai en matière commerciale, en matière d’implantations d’activités économiques. J’y veillerai donc dans les propositions que je soumettrai cet automne à M. le Premier ministre.

(Le vote sur l’article 3 est réservé.)

Article 4

(Le vote sur l’article 4 est réservé.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, premier inscrit sur l’article.

M. Régis Juanico. Nous défendons donc – nous l’avons vu avec l’article 4 – une nouvelle géographie des zones prioritaires, simplifiée, avec un zonage unique, afin d’assurer une meilleure efficacité de la politique de la ville.

Cependant, l’établissement d’une cartographie nouvelle n’est pas un but en soi : cette politique de la ville renforcée doit s’accompagner d’un volet humain et social construit autour de ce que nous avons appelé, dans l’article 5 de cette proposition de loi, les « contrats de promotion sociale et territoriale ». Ceux-ci auraient tout aussi bien pu s’appeler les « projets sociaux de territoire », vieille expression de la politique de la ville.

Certes, vous l’avez répété, les contrats urbains de cohésion sociale ont été prolongés jusqu’en 2014. Mais je veux me faire l’écho des inquiétudes des élus locaux sur leur financement : dans les cinquante-trois communes de l’agglomération stéphanoise, la dotation de l’État est en baisse de 24 % par rapport à 2010 ; la contribution du conseil général est en baisse de 40 %, et je le regrette ; le conseil régional et l’agglomération maintiennent, eux, leurs crédits. Le nombre de quartiers de l’agglomération classés comme prioritaires, notamment en catégorie I, diminue. Cela crée beaucoup d’inquiétudes.

Nous souhaitons que la durée des « contrats de promotion sociale et territoriale » corresponde à celle d’un mandat municipal, avec une phase initiale de préparation et de concertation ; nous proposons également d’élargir le champ d’intervention de ces contrats, afin d’inclure le volet de rénovation urbaine.

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Nous vous proposons, dans cet article, de redéfinir la géographie des zones prioritaires, et de faire émerger de nouveaux contrats urbains de cohésion sociale, que nous appelons « contrats de promotion sociale et territoriale ». Ceux-ci auraient notamment pour avantage d’éviter le saupoudrage et d’être en adéquation avec les besoins réels des quartiers.

Je prends ici l’exemple du quartier de la Grand Font, à Angoulême, qui me tient à cœur, et que j’estime aujourd’hui délaissé. Classé en priorité II, il connaît une véritable désertification qui touche les services publics, les commerces, la santé. Il reçoit des populations nouvelles, qui y sont relogées à la suite des trois opérations de renouvellement urbain en cours dans l’agglomération d’Angoulême. Ces phénomènes conjugués ont engendré de nouveaux problèmes, qui ne sont pas pris en compte par le zonage actuel ; ce quartier mériterait un classement en zone I, dite « d’intervention massive ».

Cet exemple montre qu’il est urgent de redéfinir des zonages cohérents à l’échelle d’une agglomération tout entière, et de créer de nouveaux contrats uniques, qui intégreraient des projets de développement social en même temps que de rénovation urbaine.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pupponi, rapporteur. Cet amendement pourrait, je crois, faire consensus. Nous en sommes tous d’accord, la politique de droit commun doit s’appliquer en priorité dans ces territoires ; ensuite, la politique de la ville vient la compléter.

Monsieur le ministre, vous l’avez dit, vous mettez en place des CUCS expérimentaux, et vous allez demander à un certain nombre de ministères les politiques communes qu’ils souhaitent développer : je pense bien sûr à la politique de l’emploi et à l’éducation, mais il ne faut pas oublier la sécurité. D’autres ministères encore sont évidemment concernés.

Nous proposons d’inscrire dans la loi que ces nouveaux contrats – qui seront par bien des aspects la suite de ces CUCS – déterminent réellement la politique de droit commun mise en œuvre par un certain nombre de ministères.

(Le vote sur l’amendement n° 2 est réservé.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pupponi, rapporteur. Cet amendement pourrait également, je crois, faire consensus, M. Piron l’a dit tout à l’heure.

Dans notre proposition de loi, nous avons écrit que ce nouveau contrat était signé par le maire, et le cas échéant par le président de l’établissement public de coopération intercommunale. À la réflexion, « le cas échéant » nous paraît de trop : il nous paraît indispensable que le contrat doit signé à la fois par le maire et par le président de l’EPCI : il faut laisser une certaine liberté d’action, mais dans tous les cas, la collectivité locale et l’EPCI doivent tous deux être présents, car ils sont tous deux impliqués dans cette politique.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je le soulignais tout à l’heure, certaines de ces propositions méritent certainement d’être retenues. Même si nous ne pouvons pas souscrire à l’ensemble du texte, cet amendement me convient parfaitement.

J’invite donc mes collègues à en prendre note : il est tout à fait intéressant.

(Le vote sur l’amendement n° 3 est réservé.)

(Le vote sur l’article 5 est réservé.)

Article 6

(Le vote sur l’article 6 est réservé.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, inscrit sur l’article.

M. Régis Juanico. L’article 7 porte sur la création d’une Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale.

Beaucoup d’acteurs de terrain voudraient, ils nous le disent, s’adresser à un interlocuteur unique pour la politique de la ville. À coup sûr, il serait bon de simplifier et de rapprocher la décision du terrain ; les actions doivent être aussi décentralisées, aussi déconcentrées que possible, notamment en ce qui concerne l’Agence nationale et les différents opérateurs.

Aujourd’hui, les acteurs de terrain considèrent globalement l’ANRU comme une réussite. Ce succès n’a malheureusement d’égal que l’échec de l’ACSé. Celle-ci a été très peu sollicitée, notamment pendant la crise, avec les crédits exceptionnels. Elle subit de plein fouet la logique destructrice de la RGPP, ce qui nuit à son action.

Ce déséquilibre entre les deux agences conduit en fait à limiter la politique de la ville à son volet de rénovation urbaine. Un habitant du quartier de Montreynaud, à Saint-Étienne, disait récemment dans la presse qu’on avait « mis des boules de Noël sur un sapin pourri. » Je ne reprends pas cette image tout à fait à mon compte, mais elle traduit néanmoins plutôt bien la nécessité que la politique de la ville comporte un volet humain et social.

C’est un volet primordial, et pourtant c’est aujourd’hui le parent pauvre de la politique de la ville : il doit donc être largement renforcé.

C’est pourquoi nous proposons de rassembler l’ANRU, l’ACSé, ainsi que l’EPARECA, chargé des commerces dans les quartiers en rénovation urbaine, en une seule Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale.

(Le vote sur l’article 7 est réservé.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, inscrit sur l’article.

M. Daniel Boisserie. Ce débat est très intéressant ; on entend bien les problèmes des quartiers urbains. J’estime, pour ma part, que nous n’avons pas assez parlé des zones rurales, et en particulier des petites villes des zones rurales.

Notre pays est en total déséquilibre. Regardez nos voisins, le Benelux, l’Allemagne. L’urbanisme y est beaucoup mieux contrôlé ; chaque petite ville comporte sa part de logements sociaux, et il y a beaucoup moins de problèmes.

M. Pascal Brindeau. C’est très différent !

M. Michel Piron. Il n’y a que 13 000 communes en Allemagne !

M. Daniel Boisserie. C’est peut-être plus facile ! Mais si on ne fait rien en France, tout continuera comme aujourd’hui.

M. Michel Piron. C’est vrai.

M. Daniel Boisserie. J’ai le sentiment que le Gouvernement et la majorité ne sont pas très sensibles à l’idée de péréquation : j’en veux pour preuve, monsieur le ministre, votre position sur les régions intermédiaires, proposées par la Commission européenne, définies comme celles ayant un PIB situé entre 75 % et 100 % de la base communautaire de PIB. Je n’ai pas le sentiment que le Gouvernement ait soutenu cette idée.

Je crains donc – je souhaite me tromper – que le Gouvernement et la majorité n’aient nullement envie d’instaurer des péréquations, et je le déplore.

(Le vote sur l’article 8 est réservé.)

Articles 9, 10 et 11

(Les votes sur les articles 9, 10 et 11 sont réservés.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, inscrit sur l’article.

M. Régis Juanico. Cet article pose la question de l’avenir du dispositif des zones franches urbaines. Sur ce point, monsieur le ministre, Éric Raoult devait, je crois, vous faire des propositions à la fin du premier trimestre : je ne sais pas si vous avez avancé sur ce dossier ; nous serions contents d’avoir connaissance de quelques pistes au moins car, à l’approche de la fin de l’année, les inquiétudes de tous les acteurs – habitants et entreprises – augmentent.

Les zones franches urbaines ont fait l’objet de nombreuses études et analyses. Leur bilan est plutôt positif mais relativement mitigé en fonction des zones considérées.

À cet égard, je prendrai l’exemple d’une zone franche urbaine de ma circonscription, à Montreynaud, qui compte 8 000 habitants, une centaine d’hectares, 450 entreprises et 1 500 salariés. Dans ce quartier où le chômage des jeunes est supérieur à 40 % et le taux de précarité l’un les plus importants du département, le bilan est plutôt positif puisque, aujourd’hui, grâce à la clause d’embauche locale, ce sont plus de 30 % des habitants de ce quartier qui bénéficient de ce dispositif, contre 18 % dans les années 2005-2006.

Il s’agit maintenant de savoir comment pérenniser ce dispositif pour que le problème de l’emploi dans les zones urbaines sensibles, qui est le problème numéro 1, en particulier celui des jeunes, puisse être pris à bras-le-corps. C’est cette question que nous souhaitions poser, à l’article 12, en demandant la prolongation du dispositif jusqu’en 2013 et en proposant, en lien avec la réforme globale de la géographie prioritaire, un nouveau système d’exonérations de cotisations sociales et patronales qui concernerait les entreprises déjà implantées mais aussi les entreprises qui seraient créées. Il faut faire évoluer ce dispositif qui, bien évidemment, a un coût financier qu’on est bien obligé, en tant qu’élu, de prendre en compte.

M. Henri Jibrayel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je souhaite apporter une réponse à M. Juanico sur cette question importante que plusieurs orateurs ont évoquée.

M. Éric Raoult, à qui j’ai demandé de me remettre un rapport et de faire des propositions sur les zones franches urbaines, a sollicité un délai supplémentaire car il souhaite approfondir les concertations qu’il mène.

Je suis convaincu qu’il faudra prolonger le dispositif des zones franches urbaines.

M. Henri Jibrayel. Avec les moyens correspondants !

M. Maurice Leroy, ministre. Bien sûr !

Je vous demande donc de me laisser le temps d’examiner ce rapport et les solutions qu’il préconisera. De mon côté, j’y travaille, afin de faire des propositions au Premier ministre.

Je me souviens que, alors que j’étais commissaire du gouvernement aux côtés d’Éric Raoult, à l’époque ministre de la ville, beaucoup dénonçaient, et pas seulement sur les bancs de l’opposition, les effets d’aubaine de la création des zones franches urbaines. Certes, il y en a eu, mais le premier effet d’aubaine a été la création d’emplois dans des quartiers où il n’y en aurait jamais eu.

M. Michel Piron. Bien sûr !

M. Maurice Leroy, ministre. Je me réjouis donc qu’un consensus se dégage sur ce dispositif. D’ores et déjà, je peux vous indiquer que nous prolongerons les zones franches urbaines, ce qui ne veut pas dire toutes les zones franches urbaines.

(Le vote sur l'article 12 est réservé.)

Article 13

(Le vote sur l’article 13 est réservé.)

Article 14

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, inscrit sur l’article.

M. Daniel Goldberg. Je souhaite intervenir sur l’article 14 relatif à la reconnaissance de l’adresse comme facteur possible de discrimination car, tout à l’heure, dans le cadre de la discussion générale, je n’ai pas obtenu de réponse du ministre sur ce sujet.

Notre proposition fait suite à de nombreuses études et à des délibérations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l’égalité, qui a cessé ses fonctions il y a quelques jours seulement, mais qui avait travaillé longuement sur ce sujet et dont chacun s’était accordé à dire que son travail avait été utile pendant ses quelques années d’existence. De même, cette mesure avait été proposée par le Conseil économique, social et environnemental dans un rapport fait en 2008 par M. Fodé Sylla.

J’avais cru comprendre, l’été dernier, qu’un ministre avait dit qu’il serait plutôt favorable à la reconnaissance de ce critère supplémentaire comme facteur possible de discrimination, et des voix dans la majorité avaient aussi donné leur accord pour avancer sur ce sujet. Voilà donc une mesure qui pourrait faire l’objet d’un consensus aujourd'hui.

J’aimerais entendre nos collègues de la majorité donner la position de leur groupe sur ce sujet spécifique, ainsi que le Gouvernement. Pour notre part, et je crois pouvoir parler au nom de l’ensemble des groupes de l’opposition, nous sommes décidés à avancer sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pupponi, rapporteur. Il s’agit là d’un sujet très important. Nous sommes tous d’accord pour dire que le problème du chômage dans ces quartiers est un vrai fléau puisqu’il est deux fois supérieur à la moyenne nationale, en particulier chez les moins de vingt-cinq ans. C’est le cas par exemple, et M. Goldberg le sait bien, des ZUS qui sont limitrophes de Roissy et du Bourget où plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont créés chaque année. On en connaît les raisons. D’abord se pose le problème du transport, ces quartiers étant enclavés, ensuite celui de la formation, enfin celui de la discrimination.

J’ai rencontré, il y a peu, des responsables d’Air France qui m’ont dit que le taux d’emploi dans le département de l’Oise était plus important que dans celui du Val d’Oise où se trouve la plate-forme de Roissy. Les gens viennent donc de plus en plus loin, ce qui pose du reste un problème dans le cadre du développement durable puisqu’ils sont obligés de prendre leur voiture pour venir travailler à Roissy, en raison d’horaires décalés.

On le voit donc, si on ne met pas en place une politique spécifique de lutte contre les discriminations et qui favorise l’emploi des habitants de ces ZUS, on ne parviendra pas à y régler le problème du chômage. Et, en cas de crise, ces populations sont les premières touchées par les licenciements.

Mme Marylise Lebranchu. Absolument !

(Le vote sur l’article 14 est réservé.)

Articles 15 à 17

(Les votes sur les articles 15 à 17 sont réservés.)

M. Marcel Rogemont. C’est surtout l’UMP qui est réservé sur nos propositions !

Article 18

M. le président. La parole est à M. William Dumas, inscrit sur l’article 18.

M. William Dumas. Monsieur le ministre, chacun le sait, dans les zones urbaines sensibles, près d’un jeune sur deux est au chômage et un habitant sur trois vit très souvent en dessous du seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, les lois de la République ne font plus office de règles. Elles sont très souvent détournées par la loi du plus fort. Et le plus fort, dans ces quartiers précarisés par le chômage, c’est souvent le marchand de sommeil, celui qui possède une cave ou une chambre délabrée de dix mètres carrés pour y entasser une famille nombreuse dans des conditions totalement indignes et souvent en toute impunité. Ces exploitants du malheur s’enrichissent en détournant nos textes de loi, qu’il suffit d’améliorer pour faire cesser ce commerce honteux.

Récemment, j’ai déposé une proposition de loi pour contraindre les marchands de sommeil à remplir un certificat de décence avant de pouvoir toucher les aides au logement de leurs locataires grâce au tiers payant. Car, aujourd'hui, non seulement certains propriétaires louent très cher des taudis minuscules, mais de surcroît notre système leur facilite la tâche en leur versant directement l’APL.

C’est pourquoi, l’article 18 de cette proposition de loi me semble capital puisqu’il vise à lancer un deuxième programme national de rénovation urbaine axé sur l’habitat indigne et insalubre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. François Pupponi, rapporteur. Cet amendement a été repoussé en commission.

Nous souhaitons insister sur le fait que, dans le cadre du PNRU 2, certains équipements devront être financés en priorité, et notamment les équipements scolaires.

Monsieur le ministre, il conviendra d’étudier attentivement les textes, car autant la loi sur la réforme territoriale permet le cofinancement dans les dossiers ANRU, autant ce n’est pas le cas, je crois, dans les zones hors ANRU.

Un problème très technique se pose aussi dans les zones ANRU puisque l’agence est la seule à pouvoir financer les équipements publics, ce qui met en péril certains quartiers. Lorsqu’elle ne peut plus les financer, plus personne d’autre ne peut le faire. Dans certains territoires, des écoles n’ont pas pu être financées dans le cadre du dossier ANRU. Du coup, elles n’ont pas pu l’être non plus par les collectivités locales. Il faudrait donc faire évoluer le règlement de l’ANRU afin de permettre que la région et le département puissent financer les écoles publiques ou d’autres équipements comme les gymnases, les maisons de quartier ou les centres culturels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous donne acte de votre intervention. Ce que vous venez de dire est tout à fait exact, mais ce n’est pas le règlement de l’ANRU qu’il faut modifier.

S’agissant des zones hors ANRU, je reconnais volontiers qu’un problème se pose. Il faudra y remédier dans le cadre d’un texte de loi, mais il faut éviter que ce soit un cavalier législatif. Nous avons encore un peu de temps puisque nous parlons de l’après-2014.

(Les votes sur l’amendement n° 5 et sur l'article 18 sont réservés.)

Article 19

(Le vote sur l'article 19 est réservé.)

Article 20

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, inscrite sur l’article 20.

Mme Marylise Lebranchu. Je veux insister sur une disposition qui semble fondamentale après ce qu’a dit tout à l'heure François Pupponi à propos des quartiers et de l’accès à l’emploi.

Interdire les dossiers DALO dans les ZUS ne revient pas du tout à repousser le problème sur d’autres collectivités territoriales, mais à reconnaître clairement qu’il est des moments où les communes ne peuvent plus prendre en charge la précarité. On se retrouve dans cette situation anormale où, même jouxtant des zones d’emploi, les personnes ne peuvent y accéder. Le dispositif que nous proposons constitue donc une mesure de solidarité à l’égard des personnes mais aussi des collectivités territoriales qui ont fait des efforts et qui ont maintenant une quasi double peine.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre. Je partage l’avis de Mme Lebranchu. Comme vous proposez aussi cette disposition dans la proposition de loi sur le logement, le débat pourra se poursuivre avec Benoist Apparu qui, je le pense, y est favorable.

(Le vote sur l’article 20 est réservé.)

Article 21

(Le vote sur l’article 21 est réservé.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des articles de la proposition de loi.

Application de l’article 44, alinéa 3,
de la Constitution

M. le président. En application de l’article 44, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement demande à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l’ensemble de la proposition de loi, vote qui aura lieu ultérieurement.

Je rappelle en effet que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mercredi 18 mai, après les questions au Gouvernement.

Grâce au président de l'Assemblée nationale, notre discussion va pouvoir se poursuivre, à la satisfaction générale.

2

Mesures urgentes en faveur du logement

Discussion d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault, Jean-Yves Le Bouillonnec, François Brottes et plusieurs de leurs collègues, visant à prendre des mesures urgentes et d’application immédiate en faveur du logement (nos 3294, 3393).

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier très chaleureusement le président et l’ensemble des services de la commission des affaires économiques, qui ont prêté un concours constant à la préparation de l’examen de cette proposition de loi.

La crise du logement s’aggrave et nous devons tous avoir conscience qu’elle sape notre pacte républicain.

Le constat est plus qu’alarmant et vous savez bien que nous ne le dressons pas pour des motifs de politique politicienne. Le secteur associatif, comme la Fondation Abbé-Pierre, des observateurs indépendants, comme l’INSEE, l’OCDE, le défenseur des enfants dans son plus récent rapport, partagent le même constat et les mêmes analyses sur les conséquences sociales extrêmement sévères qui résultent de cette situation.

La loi de mars 2007 avait pourtant désigné l’État comme garant du droit au logement et, à ce titre, comptable de la manifestation de la solidarité nationale sur tout le territoire et à l’égard de toute la population. Le droit au logement est un droit fondamental désormais consacré par notre système normatif. Toutefois, depuis 2002, les gouvernements de droite successifs en ont fait reculer la réalité.

L’échec de la loi relative au droit au logement opposable a d’abord révélé les carences de l’État et matérialisé par la même occasion la faillite d’une politique d’inspiration libérale. Le logement, ramené au rang de simple produit marchand, devient l’instrument de stratégies spéculatives inconsidérées.

Tous les dispositifs gouvernementaux de ces dernières années, tels l’accompagnement à l’investissement locatif, l’accession à la propriété, les désengagements budgétaires que subit le logement social, la réduction des aides à la solvabilisation des ménages, ont singulièrement accentué cette crise et gravement compromis les capacités des acteurs publics à la combattre.

Dominique Versini, ancienne défenseure des enfants, dans son bilan d’activité pour la période 2006-2011, souligne que c’est bien « l’absence de volonté politique de développer des logements sociaux et très sociaux qui rend inapplicable le [droit au logement opposable] qui a été une très grande avancée législative ».

Les récentes données publiées par l’INSEE et l’OCDE confirment la dégradation des conditions d’accès à un logement abordable, la hausse exorbitante des loyers, du foncier, l’augmentation de la part du revenu des ménages consacrée au logement, la progression du nombre de sans-abri et les carences en offre d’hébergement d’urgence. Elles confirment également l’insuffisance de la construction de logements sociaux accessibles aux demandeurs, dont le nombre ne cesse de croître, l’absence de développement de dispositifs efficaces d’aide à la solvabilisation des locataires et la progression alarmante des expulsions sans véritable politique de prévention.

Elles démontrent enfin que l’accession à la propriété ne connaît aucune accélération significative : son rythme n’évolue pas depuis plusieurs décennies, alors qu’il s’agit d’une priorité du Gouvernement depuis 2007. Les moyens budgétaires très importants qu’il y a consacrés sont à l’évidence sans réelle efficacité. L’accession sociale à la propriété se trouve, quant à elle, de moins en moins ouverte aux ménages les plus modestes.

La culpabilité du Gouvernement est avérée dès lors qu’il refuse de tenir compte de la réalité de la crise. Il a agi ainsi en raison de sa conception libérale du secteur du logement, considéré comme un bien parmi les autres, destiné à produire de la richesse et à s’ajuster selon la loi du marché, sans intervention publique.

M. Michel Piron. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Or le logement est un bien premier : avec l’emploi, la santé et l’éducation, il représente la première étape d’une intégration dont la réussite marque, par la dignité qu’elle confère, le respect de nos valeurs républicaines.

Il ne s’agit pas seulement de se loger, mais d’habiter. Aussi n’est-il pas acceptable que cette crise ne mobilise pas tous les moyens de l’État, toutes les politiques publiques. Seules des mesures appropriées, ciblées, coordonnées par l’État, qui doit assumer pleinement sa part, engager ses moyens budgétaires et tenir loyalement sa place aux côtés de toutes les collectivités et de tous les acteurs susceptibles d’y être associés, permettront d’enrayer les conséquences les plus catastrophiques de la crise du logement.

Le présent texte a été élaboré par des élus à partir d’observations réalisées sur le terrain. Son dispositif est certes ambitieux mais il n’a pas la prétention de tout résoudre. Il s’agit avant tout de mesures urgentes qui ont vocation à s’appliquer sans délai car la crise du logement ne cesse de s’aggraver et nos concitoyens ne peuvent plus attendre.

Notre proposition est également fondée sur des éléments que nous avons pris soin de compiler, jusqu’alors peu accessibles car très dispersés. Néanmoins, elle ne prétend pas résoudre l’ensemble des difficultés auxquelles notre pays est confronté. Pour cela, une démarche de fond, qui suppose une refonte de notre politique en matière de logement, une révision du rôle de l’État et des moyens qu’il y consacre, sera nécessaire. Il conviendra également d’assurer la cohérence de l’action des différents intervenants : constructeurs, financeurs et collectivités territoriales. Aussi est-il nécessaire de refonder une politique publique du logement sur les principes de solidarité et de justice sociale.

Nous vous proposons donc d’agir en priorité sur le niveau des loyers, la production massive de logements socialement accessibles, la libération du foncier, la lutte contre la vacance des logements, l’amélioration des rapports locatifs, l’accession véritablement sociale à la propriété par le recentrage du prêt à taux zéro sur les ménages modestes.

Selon une étude de l’OCDE, les dépenses courantes des ménages en matière de logement, nettes des aides personnelles, représentent en moyenne, sur les dix dernières années, 21 % de leur revenu disponible, et l’investissement résidentiel 27 % de l’investissement total domestique. Une autre étude, récemment publiée par l’INSEE, montre que, depuis un demi-siècle, la part consacrée au logement dans le revenu brut des ménages est passée de 9,1 % en 1959 à 21,6 % en 2009 – et c’est de moyenne qu’il s’agit, là. En 2010, l’inflation a progressé de 1,5 % mais les loyers de 2,5 %.

Pour mettre un terme à la hausse des loyers du secteur privé et redonner du pouvoir d’achat aux ménages, il faut rétablir le dispositif de la loi de 1989 prévoyant le plafonnement des augmentations de loyer lors des relocations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu. Et c’est possible, nous l’avons fait expertiser !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est au contraire suicidaire ! Vous feriez bien, parfois, d’écouter Gérard Collomb !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le dernier rapport du préfet de la région Île-de-France au comité régional de l’habitat fait état d’une évolution éloquente. En prenant pour base 100 les relevés de janvier 1998 pour tous les critères considérés, ce rapport indique qu’en janvier 2010 les loyers à la relocation s’établissaient à l’indice 260 à Paris ! Voilà ce que nous voulons empêcher.

Nous voulons également renforcer l’application des dispositions de l’article 55 de la loi SRU par plusieurs mesures : fixation à 25 % du quota de logements sociaux à construire ; extension du champ des communes concernées – pour répondre à la demande des maires des communes rurales situées à la périphérie des grandes villes, qui expliquent ne plus disposer des moyens d’intervention nécessaires pour maintenir la population sur leurs territoires à hauteur de 10 % – ; appui à la construction de logements très sociaux par l’affectation d’un coefficient différent selon les types de logements car on construit actuellement davantage de logements PLS que de logements PLAI ; renforcement des pouvoirs du préfet en cas de carence de la commune ; interdiction de logement des « demandeurs DALO » dans les communes comprenant plus de 50 % de logements sociaux.

La charge foncière représente une part considérable du coût des logements. Aussi, pour accroître les moyens consacrés aux réserves foncières, nous proposons que l’État applique une décote sur les terrains qu’il cède lorsqu’ils serviront à la réalisation de logements dont un quart au moins seront des logements sociaux.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est déjà le cas !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le secrétaire d’État, si tout allait bien, cela se saurait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous attendons avec intérêt et vigilance l’examen des ordonnances en préparation au ministère du logement. Dans l’intervalle, nous proposons d’assouplir le droit de l’urbanisme pour combler « les dents creuses » en autorisant le rehaussement des immeubles pour coordonner l’alignement du faîtage sur les fronts bâtis.

Enfin, pour assurer la maîtrise foncière, nous proposons la création, dans chaque région, d’un établissement foncier régional et d’un seul,…

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

M. Michel Piron. La recentralisation est en marche !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …pour éviter les confusions inacceptables qui constituent un obstacle à une stratégie politique cohérente en matière de logement en Île-de-France.

Nous proposons aussi quatre mesures destinées à diminuer la tension sur le parc privé en décourageant la vacance.

La première consiste à majorer la taxe d’habitation sur les logements vacants. La deuxième vise à rendre obligatoire la transmission par l’administration, actuellement facultative, de la liste des logements vacants aux collectivités locales, information capitale pour améliorer la connaissance des élus sur l’offre potentielle. Nous proposons aussi la création d’une taxe annuelle sur les locaux à usage professionnel vacants depuis plus d’un an en Île-de-France – taxe progressive en fonction de la durée de vacance – ainsi qu’une exonération d’impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession de bureaux dans les zones tendues, lorsque le cessionnaire s’engage à les transformer en logements sociaux.

Pour produire massivement des logements adaptés aux besoins, nous proposons de programmer la création de 750 000 logements sociaux sur cinq ans. Je me dois de souligner que les opérations de rénovation urbaine ont accentué l’insuffisance de l’offre de logements puisque, six ans durant, davantage de logements ont été démolis que de logements construits. Il s’agit d’un phénomène technique, nous n’en imputons la responsabilité à personne. La situation s’est légèrement inversée pour la première fois en 2010, sauf à Paris où, curieusement, le nombre de logements détruits demeurait légèrement supérieur à celui des logements construits. Néanmoins, quand le nombre de logements construits excède ou égale le nombre de logements détruits, on ne note pas un surcroît de l’offre de logements sociaux. Les opérations de rénovation urbaine devront sous-tendre la stratégie d’offre de logements.

Nous n’avons pas contesté le mécanisme de la loi de programmation pour la rénovation urbaine mais il est indispensable que l’État en revienne à cette stratégie. L’État apportait la même somme que les autres acteurs : 6 milliards d’euros. Dix ans plus tard, presque dix ans après le vote de la loi, nous constatons que l’État n’a versé que 900 millions d’euros. Il est inadmissible que l’État ait déserté le domaine de la rénovation urbaine. (M. le secrétaire d’ État s’esclaffe.)

Mme Marylise Lebranchu et M. Marcel Rogemont. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. J’évoque non pas le budget de l’action « Logement » ni celui des crédits immobiliers ou encore celui des bailleurs sociaux, mais bien le budget de l’État.

Si un nouveau plan de rénovation urbaine est engagé, nous exigeons au préalable l’achèvement du premier et nous demandons que soit sacralisé l’engagement de l’État sur sa participation.

En ce qui concerne les rapports locatifs, nous entendons les sécuriser en renforçant le dispositif de la loi SRU, qui n’est pas appliqué à ce jour. Le préfet, une fois constatée la carence d’une commune, pourra conclure une convention avec des organismes agréés pour mettre à la disposition de demandeurs jugés prioritaires au titre de la loi DALO des logements appartenant à des propriétaires privés. Les communes concernées contribueront au financement de ce dispositif. Les communes qui ne respectent pas la loi SRU doivent participer financièrement à l’accueil des demandeurs mentionnés.

M. Marcel Rogemont. Très bien ! Il y en a marre que ce soient toujours les mêmes qui ne respectent pas la loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous proposons encore la création d’un fonds de garantie universel et mutualiste.

Enfin, nous proposons de recentrer le prêt à taux zéro, qui reste selon nous l’instrument de l’accession à la propriété pour les gens les plus modestes. Dès lors que ce prêt n’est pas plafonné en termes de revenus, il ne favorise pas une telle accession.

L’État a fait de la politique du logement un instrument de la régulation budgétaire : c’est cela qu’il faut revoir de fond en comble. Il a en outre commis la faute de ne pas rester partenaire des actions conduites pour résoudre la crise du logement. Les dernières lois adoptées ont désactivé sa participation. On a pillé les crédits immobiliers, on a pillé le 1 % logement, on pille le logement social. On a même essayé d’en modifier le fonctionnement.

Le présent texte ne peut à lui seul aborder toutes les questions ni apporter toutes les réponses à la crise du logement. Résoudre cette crise suppose en effet une refonte de notre politique du logement. Reste que les mesures proposées sont pragmatiques et nous paraissent de bon sens face à l’ampleur de la crise. D’application immédiate, elles posent les jalons d’une autre politique privilégiant l’efficacité et la justice sociale. Tel est le sens du texte dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur et sur lequel la commission n’a pas donné un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Bernard Accoyer remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous examinons une proposition de loi déposée par le groupe socialiste qui nous livre une certaine vision de la politique du logement et qui, grosso modo, reprend les grands axes des propositions du parti socialiste pour 2012.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit d’excellentes propositions !

Mme Pascale Crozon. Ainsi, vous ne pourrez plus dire que nous n’avons pas de programme !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne commenterai pas l’ensemble de vos préconisations et me bornerai à en examiner trois, probablement les principales, qui montrent qu’en effet nous ne partageons pas la même vision du logement.

Vous souhaitez encadrer les loyers et les bloquer à la relocation. Or c’est la présente majorité qui vient d’encadrer les loyers dans le mouvement HLM depuis le 1er janvier de cette année. Vous savez du reste que les loyers sont déjà bloqués pendant la durée du bail. Vous proposez de les bloquer au moment de la relocation.

Mme Pascale Crozon. Dans le secteur privé !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne suis pas le seul de mon avis puisque certains grands maires socialistes se sont émus…

Mme Marylise Lebranchu. Il n’y en a qu’un seul !

M. Marcel Rogemont. Que le compte rendu précise bien que le mot « certain » doit être ici au singulier !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. …et ont, comme l’ensemble des professionnels de l’immobilier, dénoncé cette mesure comme totalement absurde.

En effet, dès lors que la rentabilité locative est de 3 ou 3,5 % et que la rentabilité de vente se situe à 20 %, si vous bloquer la rentabilité locative, une partie des investisseurs privés vendront leur bien pour bénéficier d’une rentabilité supérieure,…

M. Marcel Rogemont. Qui va acheter ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. …ce qui provoquera une pénurie de logements locatifs. Nous avons déjà connu cette situation au milieu des années 80…

Mme Annick Lepetit. Nous ne sommes plus dans les années 80 !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. …puisque je vous rappelle qu’à cause de la faible rentabilité du secteur locatif, les investisseurs institutionnels ont quitté ce marché en Île-de-France. Ils représentaient alors dans cette région 23 % du marché locatif, contre 3 % aujourd’hui.

Eh bien, vous allez faire exactement la même chose pour les bailleurs privés. Ce sera le même résultat : ils quitteront le marché du logement locatif. Ce que vous préconisez se traduira exactement par les mêmes résultats que ceux que nous avons constatés dans les années 80.

Je vous invite également à regarder l’état actuel des logements dits loi de 48. À partir du moment où vous bloquez les loyers à la relocation, il va de soi que les travaux qui sont effectués entre deux locations risquent de disparaître. Malheureusement, c’est également un constat qui a été fait par bon nombre de maires socialistes, et par l’ensemble des professionnels.

Cette mesure est une absurdité complète sur le marché du logement. Si vous mettez un jour en œuvre ce type de préconisation, le résultat sera dramatique…

Mme Pascale Crozon. Ce sont vos résultats qui sont dramatiques !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. …et les files d’attente devant les biens en location s’allongeront. Vous verrez des files encore plus longues que celles que nous connaissons aujourd’hui.

Voilà pour votre première mesure : encadrer, réglementer, tout figer, avec les résultats que l’on connaît, malheureusement.

Deuxième préconisation : opposer le social et l’accession à la propriété.

M. Marcel Rogemont. Nous ne les opposons pas !

Mme Pascale Crozon. Pas du tout !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous opposez en permanence les deux, et le discours que vient de prononcer M. Le Bouillonnec à l’instant montre encore une fois que vous ne souhaitez pas favoriser l’accession à la propriété.

M. Marcel Rogemont. Si ! Nous souhaitons que les gens puissent quitter leur logement HLM pour acheter.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est votre choix, c’est votre droit. Je dis simplement que la politique que nous menons, nous, c’est de favoriser le développement de l’offre de logements sur l’ensemble des segments, et notamment dans le cadre de l’accession à la propriété.

Mais, surtout, vous avez une préconisation que je trouve très amusante. C’est ce que vous appelez le « recentrage » du PTZ+. Vous nous dites grosso modo qu’il faut supprimer les tranches 9 et 10 du prêt à taux zéro, pour les « recentrer » sur l’entrée de ce prêt, c’est-à-dire sur les foyers les plus modestes.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous nous dites en substance : « Ce prêt à taux zéro est scandaleux, puisque vous réservez une partie de l’argent aux plus riches ». Et ce discours, vous le tenez depuis plusieurs mois.

Je voudrais seulement attirer votre attention sur un point, monsieur le rapporteur. Si je comprends votre argumentaire, vous considérez que quand on est dans la tranche 9, on est trop riche pour être aidé à devenir propriétaire. C’est votre droit de penser cela. Il faudra juste m’expliquer comment on peut être trop riche pour recevoir une aide à l’accession à la propriété, et cependant être locataire HLM, à l’entrée de cette tranche 9. Il faudra m’expliquer comment vous organisez cette incohérence.

Il faudra également m’expliquer comment vous pouvez tenir ce discours tout en ayant reproché au Gouvernement d’avoir abaissé de 70 à 60 % les plafonds de ressources définissant le seuil d’éligibilité dans le milieu HLM. Je serais curieux d’avoir votre explication en la matière. J’imagine que vous me la donnerez dans quelques instants, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Avec plaisir !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Mais j’en déduis que vous considérez que les plafonds de ressources actuels pour entrer dans le logement HLM sont trop élevés. J’attends donc votre proposition visant à les baisser, puisque telle est la traduction de vos préconisations.

Il n’en demeure pas moins que ce prêt à taux zéro marche bien. Nous avons signé, mardi dernier, à Villebon-sur-Yvette, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le cent millième prêt à taux zéro, ce qui veut dire, grosso modo, que l’on a doublé les volumes d’accession à la propriété par rapport à l’année dernière. La France des propriétaires est bel et bien en marche avec ce produit.

M. Marcel Rogemont. Elle avance tout doucement !

M. Christophe Caresche. C’est surtout la France des mal-logés qui est en marche !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Enfin, je vous rappelle que les tranches 9 et 10 concentrent, certes, 35 % des bénéficiaires du prêt à taux zéro, mais à peine 11 % des financements, alors que les tranches d’entrée dans le prêt à taux zéro concernent quelque 20 % des bénéficiaires, mais près de 40 % des montants. C’est donc bien un produit adapté aux classes modestes, adapté aux familles moyennes.

Vous nous dites qu’il faut faire 150 000 logements sociaux par an. Dois-je vous rappeler que, cette année, nous en avons fait 131 509, pour être très précis.

Mme Pascale Crozon. Sous quelle forme ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Alors, vous nous dites que ce ne sont pas de vrais logements sociaux, puisque ce chiffre inclut du PLS. Dois-je vous rappeler que la catégorie PLS, c’est votre majorité, et non la nôtre, qui l’a intégrée dans le logement social ? C’est vous qui, en 2001, à l’occasion d’un décret d’application de la loi SRU, avez créé le PLS, et c’est vous qui l’avez intégré dans le logement social. Ce n’est pas cette majorité qui l’a fait. Vous avez considéré, à juste titre, que, oui, le PLS correspondait à une certaine gamme du logement social, lequel doit permettre aux plus modestes de se loger, mais également aux classes moyennes dites inférieures de se loger avec des prix adaptés à leurs revenus.

Oui, le PLS fait bien partie du logement social. Et il est nécessaire d’agir sur l’ensemble de la gamme, une gamme qui doit correspondre à des revenus différents. C’est ainsi que nous assurerons la mixité.

Je voudrais également m’arrêter un instant sur les silences de ce texte.

Pas un mot sur les copropriétés dégradées.

Pas un mot sur des mesures concrètes pouvant libérer du foncier.

Pas un mot sur la garantie des risques locatifs et l’accès des plus modestes au parc privé.

Pas un mot sur la différenciation géographique et la nécessité de construire là où c’est nécessaire.

Pas un mot sur des sujets aussi essentiels que la précarité énergétique, par exemple.

Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je suis plus que déçu par les propositions du parti socialiste. Je m’attendais à quelque chose de plus ambitieux, de plus fort, de plus réaliste. Nous n’avons là que des propositions qui ne répondent pas à la réalité de la crise du logement que connaissent un certain nombre de territoires. Je pensais que, après quelques années d’opposition, le parti socialiste aurait eu le temps de réfléchir sérieusement, de façon approfondie, sur ce sujet-là, comme il l’a fait, d’ailleurs, sur d’autres sujets.

Mme Annick Lepetit. Ah bon ? Il y a des sujets sur lesquels nous réfléchissons, selon vous ? Lesquels, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je dois vous dire que les préconisations que vous présentez aujourd’hui sont totalement en dehors de la réalité du monde du logement. J’espère par exemple que vous ne mettrez jamais en application celles qui concernent le blocage des loyers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, peut-on accepter qu’aujourd’hui, dans notre pays, le logement soit devenu une machine à exclure, une machine à détruire ? La République peut-elle se résoudre à compter en son sein 3,5 millions d’êtres humains mal logés, sans logis, ou surendettés à cause de leur logement ?

Personnellement, en tant qu’élu de la République, je n’accepte pas ce constat.

En Languedoc-Roussillon, par exemple, un habitant sur cinq vit avec moins de 950 euros par mois. Comment peut-il se loger avec cette somme ?

Dans cette même région, 75% de la population est éligible au logement social, et il manque 100 000 logements sociaux. Alors, comment faire ?

Certaines réponses sont dans cette proposition de loi qui, quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d’État, a le mérite d’apporter des solutions efficaces pour créer du logement accessible aux plus modestes.

Il faut aussi inciter intelligemment les propriétaires à investir dans des produits destinés à loger des familles modestes.

Il faut mettre en place des aides ciblées où chacun, pour une fois, trouvera son intérêt.

C’est pourquoi l’article 2 propose d’affecter des aides à l’investissement locatif privé uniquement à des produits dont les loyers seront inférieurs à ceux du logement social intermédiaire.

Nous connaissons tous les limites et les effets pervers du dispositif Scellier, qui ne remédie pas à la pénurie de logements mais accorde simplement des avantages fiscaux aux privilégiés.

Par ailleurs, nous savons tous que certains programmes ont été construits dans des zones où la demande est très faible et où, de toute manière, les loyers sont bien trop chers.

Comme le philanthropisme n’est pas une valeur commune et partagée, l’article 2 de cette proposition de loi me semble un bon moyen d’unir et de contenter les intérêts de tous.

Je voudrais également défendre l’idée contenue dans l’article 3, qui propose d’imposer une démarche solidaire allant au-delà de l’article 55 de la loi SRU. La crise du logement impose un nécessaire équilibre entre les territoires. Les communes déficitaires en logements sociaux ne doivent plus pouvoir s’en sortir en versant une simple amende.

Il faut imposer un tiers de logements sociaux dans toutes les opérations de plus de douze logements.

Il manque aujourd’hui 900 000 logements sociaux en France. Notre proposition de loi, si elle est adoptée, pourra réduire considérablement le fossé entre l’offre et la demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, près de huit Français sur dix estiment aujourd’hui qu’il est difficile de trouver un logement et 56 % d’entre eux craignent de devenir un jour SDF.

Derrière ces chiffres se dessine une tendance forte, celle d’une crise généralisée du logement. Contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et les députés de la majorité, il n’y a pas de « crises géographiquement délimitées », pour reprendre les termes de M. Piron, mais bien une dégradation générale et sans précédent du droit au logement sur l’ensemble du territoire.

Il y a évidemment des zones plus tendues que d’autres, notamment l’Île-de-France et les régions Rhône-Alpes et PACA, mais nous faisons face à une crise qui n’épargne malheureusement aucun territoire. Et contrairement à ce que vous déclarez, les racines de cette crise sont identiques sur l’ensemble du pays.

J’en pointerai trois, qui sont intimement liées.

Premièrement, la faiblesse de l’offre. Il manque 900 000 logements en France. D’ailleurs, notre pays, faut-il le rappeler, a été condamné en 2009 par le Conseil de l’Europe pour insuffisance de logements abordables.

Deuxièmement, l’envolée des prix et la crise du pouvoir d’achat. Depuis 1990, les prix du neuf ont augmenté en moyenne de 5,5 % par an. À Paris, les prix au mètre carré ont bondi de 146 % en dix ans, et de 17,5 % pour la seule année 2010. Entre 1999 et 2010, l’endettement immobilier des Françaises et des Français a doublé.

Enfin, la baisse des financements du logement social. Depuis 2002, la majorité empile les lois de libéralisation de l’immobilier et entretient le sous-financement du logement social. Depuis 2007, la baisse cumulée des programmes « Politique de la ville » et « Développement de l’offre de logement » s’établit à près d’un milliard ! Les aides à la pierre ont fondu comme neige au soleil. L’État ne finance plus les PLUS qu’à hauteur de 800 euros par unité et de 10 000 euros pour les PLAI. À cet égard, dans le bilan que vous présentiez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il aurait été intéressant de préciser la typologie des logements sociaux, ainsi que la part, dans ce bilan, de la vente des 32 000 logements ICADE en Île-de-France.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Bien sûr !

Mme Marie-Hélène Amiable. Face à ce constat, il nous faut proposer une loi de rupture, une transformation structurelle de la politique du logement dans notre pays. C’est le sens de la proposition de loi établissant un programme d’urgence pour le logement et de lutte contre la spéculation immobilière, qui a été déposée par les députés communistes, républicains et du Parti de gauche le 15 mars dernier. Face à la marchandisation du logement portée par la majorité, nous proposons de développer des mesures qui sortent celui-ci du champ du marché. Il faut rompre avec les logiques actuelles qui président à l’action publique en la matière. Nous devons nous attaquer aux racines de la crise, que je détaillais en amont.

La proposition de loi déposée par nos collègues du groupe SRC s’y attelle en développant une série de dispositions d’urgence pour le logement. Ce texte n’est évidemment pas exhaustif, les contraintes liées à l’exercice de la niche parlementaire restreignant beaucoup les possibilités d’action et de proposition de l’opposition.

Cela dit, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche partagent les axes d’intervention mis en avant par ce texte. Je pense notamment aux mesures de développement de l’offre de logements, avec le renforcement de la loi SRU et la construction de 750 000 logements sociaux. En ce qui nous concerne, nous proposons d’imposer un taux minimal de 25 % de logements PLAI et PLUS sur tout le territoire, et de 30 % en zones tendues. Les députés socialistes maintiennent un seuil unique de 25 %, créent une obligation de 10 % pour les communes de 1 500 à 3 500 habitants et proposent un coefficient variable selon le type de logement dans le calcul de ce seuil. Il nous semble que ces deux approches convergent sur le nécessaire renforcement de la loi SRU. Nous soutenons donc vos propositions.

Dans le titre Ier de la proposition de loi, vous encadrez les loyers à la relocation et les investissements privés locatifs. Ces deux mesures vont dans le bon sens, même si ces dispositions devraient également concerner, à notre sens, le niveau actuel des loyers, déjà prohibitif, notamment à Paris. Aujourd’hui le concept de parcours résidentiel est totalement galvaudé par l’inaccessibilité du parc locatif privé. Nous croyons que nous sommes arrivés à une situation telle qu’une déflation du niveau des loyers est devenue indispensable. En ce qui concerne les investissements privés locatifs, nous aimerions connaître la position du groupe SRC quant à leur montant et à la place qui leur serait accordée dans la loi de finances.

Votre position est très claire concernant le PTZ+, et nous la partageons, mais elle est plus imprécise concernant les avantages fiscaux.

La proposition de loi présente ensuite une série de mesures concernant le foncier. La création obligatoire d'un établissement public foncier régional est une solution qui nous paraît adaptée ; la maîtrise des terrains est en effet un des enjeux majeurs de la sortie de crise. Vous proposez ainsi que l'État et les entreprises dans le capital desquelles l'État est majoritaire vendent leur patrimoine foncier en deçà de sa valeur vénale s’il est destiné à des programmes de construction de logements sociaux.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est déjà le cas !

Mme Marie-Hélène Amiable. La proposition est d'autant plus intéressante que certaines entreprises publiques n'hésitent pas à jouer le jeu de la spéculation. Qu'en sera-t-il en revanche des dispositions applicables au foncier privé ? La politique foncière de l'État ne saurait, de notre point de vue, se limiter au seul foncier public.

Enfin, les différentes mesures concernant la lutte contre la vacance sont aussi assez proches des propositions que nous défendons en la matière. Nous émettons cependant quelques doutes sur l'instauration d'une taxe sur les bureaux vacants, alors même que nous n'avons pas encore fini de subir les effets de la crise économique et que nous nous accordons tous pour un développement équilibré de nos territoires entre logement et activité. Concernant l'instauration d'un système de garantie des risques locatifs et le renforcement de l'intermédiation locative, nous jugeons ces pistes très intéressantes. Il faut en effet sécuriser les rapports entre propriétaires et locataires. La garantie des risques locatifs est une solution qui pourrait se coupler, comme nous le proposons, avec la suppression de la caution. Enfin, la création d'un permis de louer nous paraît être adaptée à la lutte contre l'habitat indigne.

Avant de conclure, je souhaite revenir à quelques autres aspects de ce texte. Nous nous réjouissons que le rapporteur ait pris l'initiative de présenter des amendements concernant les expulsions. C'était effectivement un des manques de ce texte, alors que chaque année 100 000 jugements d'expulsion sont prononcés. Par ailleurs, nous aurions souhaité une remise en cause des principales dispositions de la loi MOLLE : le conventionnement obligatoire, la vente du patrimoine HLM, la baisse des plafonds de ressources, la réforme du 1 %, la fin du droit au maintien dans les lieux  ainsi que de la taxation imposée aux bailleurs sociaux dans le PLF 2011.

Enfin, le rapporteur avait répondu en commission à mon collègue Pierre Gosnat que vous n'aviez pas fait le choix d'une centralisation à 100 % du livret A à la CDC car c'était contraire à la législation européenne. Or, s'il est vrai que Bruxelles a imposé la fin du monopole de la distribution du livret A, elle n'a jamais demandé la décentralisation de sa collecte. Je crois que sur ce point, nous devons, députés de gauche, défendre bec et ongles le fruit de l'épargne populaire.

Malgré ces différences, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche approuvent l'économie générale du texte et voteront donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois nous débattons du thème du logement dans cet hémicycle, et une fois encore nous pouvons constater que c'est un sujet sensible, complexe et trop souvent livré à la polémique.

En la matière, l'impulsion du politique est essentielle. Chaque fois que nous sommes saisis d'une proposition ou d'un projet de loi en faveur du logement, nous devons par conséquent le considérer avec la plus grande attention.

Aujourd'hui, à travers leur proposition visant à prendre des mesures urgentes et d'application immédiate en faveur du logement, nos collègues du groupe SRC nous présentent une proposition riche d'idées en tout genre, qui a valeur programmatique. On voit 2012 approcher à grands pas !

Oui, bien sûr, la situation du logement en France est préoccupante, mais force est de constater que les mesures proposées par nos collègues ne sont pas adaptées aux problèmes et nécessitent plusieurs ajustements conséquents.

Cette proposition de loi aborde en effet tout à la fois, sans que les mesures proposées recherchent particulièrement l'efficacité. C'est une valise législative, la deuxième de la journée.

Car, à vrai dire, le gros de l'arsenal législatif en matière de logement est en place. Au Nouveau Centre, nous pensons qu'il convient d'approfondir les actions entreprises par le Gouvernement plutôt que de créer ou d’empiler des mesures nouvelles.

J'en viens à l'examen des articles, afin de formuler quelques remarques. Vous proposez à l'article 1er le plafonnement des loyers à la relocation. Chacun a bien conscience du problème de l'envolée des prix en Île-de-France, il faut certes lutter contre les abus. Le ministre lui-même a pris position en la matière.

Mais la solution que vous envisagez n'est pas la bonne. Pour résoudre ce problème il faut s'attaquer aux causes et non aux conséquences : encadrer les prix ne permettra pas d'offrir des logements supplémentaires et ne réglera rien. J'aimerais en outre que nos collègues nous disent à combien ils comptent bloquer les loyers, et qu'ils le disent clairement aux propriétaires !

Si les propriétaires voient leur rentabilité locative remise en cause, beaucoup voudront revendre leur logement et investir ailleurs, et je ne crois pas que faire fuir les investisseurs de la capitale soit la solution.

J'ajoute que plafonner les loyers est une approche très parisienne de la crise de l'immobilier.

M. Christophe Caresche. Et alors ?

M. Pascal Brindeau. Dans de nombreuses villes de province telles que Dijon, Pau, Clermont-Ferrand, Saint-Étienne, Besançon, on a constaté ces dernières années une baisse du prix des loyers. Ce sont alors les propriétaires qui seraient ravis de voir leur loyer maintenu.

Par ailleurs, comme chacun d’entre nous, je suis très attaché à l'impact des propositions qui nous sont soumises sur les finances publiques. Je me permets donc de vous interroger sur le coût évalué de ces mesures et leur financement. Une telle proposition aurait sans aucun doute mérité une véritable étude d'impact pour mieux en apprécier la portée.

Afin d'assurer une ressource suffisante pour financer le logement social, vous proposez à l'article 19 une remontée de 70 % de la collecte du livret A à la Caisse des dépôts. Mais une telle mesure n'irait-elle pas à l'encontre du principe de concurrence et du développement économique ?

Quoi qu'il en soit, ces mesures ne permettraient en aucune façon de résoudre durablement la crise immobilière. Comme il a été signalé en commission, en matière de logement, il faut avant tout optimiser le parc existant : c'est ce que fait le Gouvernement à travers la politique de renouvellement urbain. C’est d’ailleurs un débat que nous avons eu précédemment.

M. Marcel Rogemont. Que faites-vous contre la vacance ?

M. Pascal Brindeau. S'agissant de la loi SRU, je remarque que le rapport fait par M. Le Bouillonnec ne remet pas en cause les mesures mises en place par l'État, ce qui est une bonne chose. En effet, les résultats des actions entreprises dans le cadre du PNRU sont encourageants et je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort engagé. La réussite du plan, nous le savons, dépend largement de la mobilisation de tous : bailleurs sociaux, collectivités locales et État.

Le Gouvernement a sensiblement augmenté le financement dans les zones les plus tendues du territoire, où l'accès au logement reste difficile pour les ménages aux revenus les plus modestes. Il faut le rappeler : en zone A, là où les besoins sont les plus importants, c'est plus de 33 % de la production totale qui a été financée par l'État. Ce sont 131 509 logements sociaux qui ont été financés en 2010, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2009. L'offre est plus importante. Elle est aussi mieux ajustée à la réalité des besoins des ménages.

Je rappelle par ailleurs que toutes les études montrent que la plupart des Français souhaitent devenir propriétaires de leur logement. Le succès du prêt à taux zéro en atteste.

Le parc social se doit d'accueillir prioritairement les plus défavorisés. Des progrès ont été enregistrés puisque le nombre de logements destinés aux ménages les plus modestes a atteint un niveau record de 26 836 PLAI en 2010, soit une progression de plus de 25 % par rapport à 2009.

Dès lors, mes chers collègues, vous ne faites pas preuve d'une grande objectivité lorsque vous dressez le bilan du Gouvernement en matière de logement. Nous y sommes habitués. Face à l'ampleur du problème, les caricatures et les approximations ne sont pas nécessaires.

M. Marcel Rogemont. Vous parlez d’or !

M. Pascal Brindeau. La situation, chacun de nous le sait bien, n'a nul besoin d'être exagérée. Nous sommes, sur tous les bancs, conscients de la nécessité d'agir encore plus en ce domaine.

Vous oubliez d'évoquer ce que le Gouvernement fait pour les étudiants, un public particulièrement exposé à la crise du logement. Il s'est engagé à mieux défendre et informer les locataires étudiants.

Le Nouveau Centre se félicite des mesures qui ont été prises afin de lutter contre les abus des propriétaires de microsurfaces, de moins de 13 m², qui sont souvent destinées à loger des étudiants, notamment la création d'une surtaxe sur leurs revenus locatifs lorsqu'ils louent à plus de quarante euros le mètre carré.

Enfin, nous nous rejoindrons sur ce point, l'action qui reste à mener est clairement la sensibilisation sur la réalité des logements indignes et des logements insalubres. C'est à ce titre que nous étions très favorables à la proposition de loi qui visait à lutter contre les marchands de sommeil.

En définitive, il aurait été plus judicieux de mettre en avant quelques-unes des mesures préconisées par cette proposition de loi que d'utiliser votre niche parlementaire comme une niche préélectorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai quelques mots sur cette proposition de loi à laquelle nous ne pouvons souscrire, et j’interrogerai le diagnostic que j’ai entendu poser ici ou là.

Il me semble que le diagnostic qui constitue le point de départ de certains, mais pas de tous, au sein de l’opposition, est fort contradictoire. Alors que, sur tous les bancs, nous admettons que la politique du logement, à partir d’un socle national, est aussi faite de politiques du logement tenant compte de réalités territoriales extraordinairement diverses ; alors que je croyais acquise l’idée d’une territorialisation nécessaire pour avoir des réponses adaptées au contexte, j’ai entendu à l’instant défendre l’idée qu’il y aurait une crise, une seule, sur la totalité du territoire.

Ce postulat est totalement faux, et il donnerait des solutions uniformes qui ne répondraient certainement pas au surplus de logements que l’on a dans certaines régions, parce qu’il ne faut surtout pas y construire. Je pense à certaines régions que je peux citer sans les stigmatiser, telles que le Limousin ou d’autres régions autour du Massif Central. Dans le même temps, on constate une tension extraordinaire et une demande non satisfaite en Île-de-France et dans une partie de la Côte d’Azur, c’est bien connu. Ne mélangeons donc pas tout, et surtout gardons-nous d’une vision uniforme sur tout le territoire.

J’ai été un peu étonné de ce diagnostic, qui n’est pas partagé par tous les députés de l’opposition, mais qui reflète une vision un peu trop parisiano-centriste.

M. Christophe Caresche. C’est une insulte ?

M. Michel Piron. Pardonnez-moi ce néologisme !

Cette question du diagnostic étant posée, j’analyserai les outils que vous proposez. Vous ne récusez pas un certain nombre des outils que nous avons mis en place, je vous en sais gré, et je salue même la tolérance dont vous faites preuve. Vous ne remettez pas en cause le principe du PNRU ou du PTZ, mais vous en discutez les modalités.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. C’est nous qui avons mis en place le PTZ !

M. Michel Piron. Il arrive que, sur ces bancs, on ait l’esprit large, même si les mots sont un peu étroits.

Je voudrais simplement revenir sur quelques-uns des outils que vous proposez.

Cela a déjà été largement signalé : la réponse majeure à la pression qui existe sur les loyers, c’est d’augmenter l’offre. Il est évident que c’est du fait de l’insuffisance de l’offre, qui est inférieure à la demande, que les loyers montent. La réponse consistant à encadrer les loyers, avec une offre insuffisante, ne suffira pas pour loger ceux qui attendent et ne trouvent pas de logement, quel que soit le montant des loyers. Ne nous leurrons pas, c’est cela la question essentielle.

S’agissant du pourcentage de logements sociaux, vous proposez 25 % plutôt que 20 %. Alors que des progrès incontestables ont été réalisés grâce à l’article 55 de la loi SRU, dont j’ai eu l’occasion de défendre le maintien ici même dans le cadre d’autres débats, notamment sur la loi DALO, votre proposition aboutirait à doubler les objectifs, qu’on a parfois quelque mal à atteindre. Je ne suis pas certain que ce soit totalement réaliste.

À cela, vous ajoutez, dans un autre article, une idée qui, sur le plan théorique, peut être séduisante : distinguer entre les types de logements sociaux, et accentuer en quelque sorte les coefficients en fonction de la nature des logements sociaux, autrement dit affecter d’un coefficient très supérieur les PLAI et avoir un coefficient très dégressif s’agissant des PLS.

Cette idée me semble comporter plus d’inconvénients que d’avantages. Outre le fait qu’elle peut complexifier les modes de calcul concernant les 20 % et le total – ce qui n’est déjà pas rien –, elle pourrait conduire à se retrouver avec beaucoup moins de 20 % de logements sociaux dès lors qu’on aurait forcé sur les PLAI. Je ne suis pas sûr que ce type de remède ne mérite pas d’être regardé d’un peu plus près avant d’être proposé. Cette complexification ne me paraît pas répondre y compris à vos souhaits.

Le foncier est sans doute l’outil majeur qui permettrait de débloquer une partie de nos problèmes de logement. Il est très courant en Île-de-France de voir le coût du foncier obérer l’opération globale d’environ 40 %, voire 50 % parfois dans la couronne de Paris, du prix final. À cet égard, le travail en cours, à l’initiative de M. le secrétaire d’État, mérite d’être salué. Il ressort d’une très large concertation, qu’une première piste consisterait à ne plus tenir compte de la durée de rétention et à maintenir l’imposition au même niveau, quelle qu’ait été la durée de rétention. Cette piste est extrêmement intéressante. Vous la reprenez, pourquoi pas ? Mais peut-être s’inscrirait-elle mieux dans le cadre de la très large concertation qui a eu lieu. En tout cas, je salue la compréhension manifeste que vous adressez au ministre sur cette question, dont nous sommes saisis à l’initiative de M. Benoist Apparu.

S’agissant de la mobilisation des logements vacants et des taxes, on ne peut qu’être d’accord sur le principe. Simplement, on réinvente l’eau chaude. La taxation existe, la majoration des taxes actuelles est possible, encore faut-il que les élus locaux s’en servent. C’est très rarement le cas, mais je me souviens de quelques exemples cités dans certaines revues intercommunales. On constate que lorsque les outils sont utilisés, ils sont non seulement utiles, mais efficaces. Évitons donc de réinventer l’eau chaude, cela peut nous épargner des douleurs inutiles.

Pour ce qui est de la construction-reconstruction, malgré toute l’estime qu’il sait que je lui porte, je trouve que Jean-Yves Le Bouillonnec force un peu le trait.

M. Christophe Caresche. Il est avocat !

M. Michel Piron. On sait que le plan de rénovation urbaine s’inscrit dans le temps : dans un premier temps, on déconstruit plus qu’on ne construit ; dans un second temps, on rétablit les équilibres à une échelle globale. C’est bien l’objet du PNRU. Nous avons dit suffisamment de bien du PNRU 1 pour en souhaiter un deuxième ; il ne mérite pas ce procès-là.

On peut toujours fixer l’objectif de 150 000 logements sociaux ou plus. Il a été rappelé fort utilement que 130 000 logements sociaux avaient été financés cette année, mais il faut compter avec le temps de mise en œuvre et une certaine inertie inévitable. Cela rappelle qu’une politique du logement s’inscrit inéluctablement dans le temps, dans la durée. De ce point de vue, si l’on veut bien regarder la durée, tant en rétrospective qu’en perspective, il me semble que le travail accompli par le Gouvernement et la majorité mérite un peu mieux que les considérations que j’ai parfois entendues, dans un esprit de tolérance malgré tout.

La somme des mesures que vous proposez ne répondant pas à toutes les questions que j’ai soulevées, nous ne pourrons malheureusement pas vous suivre et voter cette proposition de loi, quand bien même certaines des idées qu’elle porte pourraient être retenues à titre de stimulation pour les textes à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre proposition de loi mérite bien son nom. Tout au long de ce texte, nous avançons de nombreuses propositions claires et réalisables pour sortir le pays de la crise du logement. Dans ce domaine, la France n’a pas besoin d’une loi de plus qui n’apporterait que de petites évolutions à la marge, mais d’un changement complet de philosophie et de priorités, bref d’une autre politique.

La situation actuelle résulte en grande partie des décisions prises depuis neuf ans entre le désengagement financier massif de l’État, les milliards dépensés dans des dispositifs sans contrepartie sociale et destinés aux plus aisés, l’étouffement des institutions du secteur comme le 1 % logement ou les organismes HLM, sans parler des slogans qui tournent à vide comme « la maison à 100 000 euros » en 2005, « la France des propriétaires » ou même « la maison à quinze euros ». Les nombreuses lois votées – sept en neuf ans – ont participé sans aucun doute à la pénurie actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, nous pensons différemment. Le logement n’est pas un marché comme les autres. Son influence directe sur les conditions de vie de nos concitoyens et son impact sur leur pouvoir d’achat mérite que l’État s’y investisse pleinement et en fasse l’objet prioritaire de ses politiques publiques.

Je m’intéresserai particulièrement à la question du coût du logement car, que ce soit à l’achat ou à la location, il est de plus en plus difficile de se loger à un prix abordable. D’après un rapport de l’OCDE, entre 1998 et 2010 les loyers ont en effet augmenté de 27 %, et les loyers à la relocation de 102 %.

L’article 1er de notre proposition de loi vise justement à encadrer les loyers dans les régions où les prix flambent. C’est bien de ce sujet que nous parlons cet après-midi. Nous proposons que le Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de concertation, fixe par décret le montant maximum d’évolution des loyers. C’est un système calibré, fin, utilisé dans les zones où cela est indispensable, un système qui aura un impact et une efficacité réelle sur les budgets des ménages. La flambée des prix n’est pas une fatalité pour peu que l’on se donne les moyens de la contrer.

Selon vous, monsieur le secrétaire d’État, un encadrement des loyers découragerait les propriétaires. L’intérêt des propriétaires est que le logement reste un placement sûr et rémunérateur. Pourquoi retireraient-ils leurs biens de la location dès lors qu’il existe un fonds de garantie universel contre les risques locatifs, qui fonctionne bien ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir !

Mme Annick Lepetit. Nous voulons que les loyers cessent d’augmenter à un niveau totalement déconnecté de celui des revenus des Français. Puisque votre gouvernement aime comparer notre pays à l’Allemagne, vous avez pu constater qu’il n’y a pas de crise du logement outre-rhin.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ils connaissent une décroissance démographique !

Mme Annick Lepetit. La législation y est pourtant bien plus favorable aux locataires qu’en France, avec notamment un encadrement très strict des loyers et même l’absence de congé pour cause de vente. Le fait que seuls 43 % des Allemands possèdent leur logement ne semble pas non plus inquiéter les autorités. On est assez loin du dogme de la France des propriétaires.

M. Richard Mallié. Ce n’est pas le même état d’esprit !

Mme Annick Lepetit. Effectivement !

Pour les propriétaires aussi, le logement représente un coût de plus en plus important. Pour le devenir, il faut désormais s’endetter sur vingt-cinq ans en moyenne au lieu de quinze ans en 2000. La plupart des ménages acquéreurs sont obligés aujourd’hui d’emprunter sur quarante ans. En dix ans, le prix du logement a ainsi augmenté de 70 % de plus que le revenu des ménages, d’où une déconnexion totale entre les deux.

De nombreuses pistes restent encore à explorer pour ramener les prix dans des limites acceptables. Je pense en particulier au dispositif de dissociation du foncier et du bâti. La puissance publique dispose d’un patrimoine foncier important mais pas des outils qui lui permettraient de l’utiliser pour limiter la spéculation et maîtriser les prix. La généralisation de clauses anti-spéculation, permettant un retour à la collectivité en cas de vente rapide du bien, ou le versement d’un loyer à la collectivité pour construire un logement sur un terrain dont elle garderait la propriété sont des propositions à explorer pour que le logement ne devienne pas, à brève échéance, un bien uniquement réservé aux plus riches.

À terme, la seule solution pour diminuer l’impact du logement sur le pouvoir d’achat des ménages est de sortir de cette situation de pénurie qui pèse lourdement sur les prix. Pour amener l’offre au niveau de la demande, nous devons construire massivement des logements adaptés aux besoins et aux revenus. Nous aurons l’occasion, au cours du débat, d’approfondir nos arguments et de démontrer comment débloquer enfin la chaîne du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Élisabeth Guigou remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Gonzales.

M. Didier Gonzales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, oui, nous vivons une crise du logement en région parisienne ; oui, la situation est difficile et particulièrement tendue, notamment en Île-de-France. Pour autant, je ne pense pas qu’on puisse se satisfaire du recours aux ressorts de la facilité et du dirigisme.

Vous préconisez l’encadrement des loyers à la relocation. Sans doute influencés par la célébration du 10 mai 1981, vous nous proposez un retour aux méthodes de planification et d’encadrement chères à cette époque. Cette mesure, aussi simple soit-elle, est en fait une fausse bonne idée. Elle aurait de funestes effets, surtout en zones tendues. Nous le savons, le coût élevé de l’immobilier s’explique, d’une part, par la rareté de l’offre immobilière face à la multiplication des demandes et, d’autre part, par la hausse des coûts annexes – taxe d’habitation, taxe foncière, charges.

Votre proposition d’encadrement ne ferait qu’accentuer la pénurie de logements actuellement constatée en décourageant les propriétaires et les promoteurs d’investir, sans s’attaquer aux causes du problème. Les propriétaires seront, en effet, tentés de vendre leurs biens locatifs ou de les garder pour un usage personnel ou familial, quitte à ce qu’ils restent vides. Ils n’effectueront pas les travaux de rénovation nécessaires, laissant le parc immobilier vieillir et se dégrader. Or ce n’est vraiment pas l’effet recherché.

Les promoteurs, eux, n’investiront plus dans les zones où le besoin s’en fait sentir. Le prix des travaux et des terrains, principalement dans les zones tendues, sont tels que la rentabilité de leurs projets ne sera en effet pas assurée, sauf à encadrer aussi le prix du foncier et celui des travaux.

Au lieu d’encourager la construction massive des logements dont nous avons besoin dans les zones tendues, une telle mesure d’encadrement pousserait à l’investissement dans les zones où le foncier est moins cher, mais qui sont plus éloignées des bassins d’emploi. Est-ce le but recherché ? Souhaite-t-on l’étalement urbain ? Si nous nous sommes retrouvés sur le Grenelle de l’environnement, ce n’est pas pour encourager l’étalement.

L’enjeu n’est pas, comme vous le défendez, d’encadrer les prix des loyers mais, au contraire, d’encourager la construction de logements dans les zones tendues, notamment en ciblant les aides à la pierre sur ces zones.

Vous pensez promouvoir la mixité sociale en relevant de 20 à 25 % le seuil de logements sociaux obligatoire dans les communes. Cela reviendrait à doubler les objectifs, qui sont déjà difficilement atteints avec le taux de 20 %, Michel Piron l’a indiqué. Ce serait également nier la spécificité, l’histoire, les moyens et les besoins des communes.

Décréter de la sorte, c’est aussi ignorer la réalité et les différences sociales. Prenons l’exemple de ma commune où le revenu moyen par foyer est de 21 000 euros par an, inférieur de 3 000 euros à la moyenne départementale du Val-de-Marne. Peut-on demander à cette commune, qui compte déjà 23 % de logements sociaux et une opération ANRU, de se conformer à ce nouveau seuil ? Peut-on l’envisager au nom de la mixité sociale ?

Par ailleurs, une telle mesure risque de provoquer un accroissement de la construction de logements dans les zones non tendues et dans les zones où les besoins en logements sociaux ne sont pas réels puisque les ménages avec des revenus modestes sont dans la capacité d’accéder au parc locatif privé.

De surcroît, ce sont des zones où il faut développer non pas le locatif, mais l’accession à la propriété. C’est ce que fait le Gouvernement avec le lancement du prêt à taux zéro, plébiscité par les Français car répondant à leur souhait de devenir propriétaire. M. le secrétaire d’État l’a rappelé, 100 000 prêts ont déjà été accordés depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif au 1er janvier 2011. Le prêt à taux zéro répond pleinement aux objectifs. C’est un outil adapté à la réalité des territoires, respectueux des principes énoncés par le Grenelle de l’environnement, qui bénéficie à tous et plus particulièrement aux ménages les plus modestes.

Mes chers collègues, face à la crise du logement, c’est pour l’accession à la propriété pour tous que nous devons nous mobiliser. C’est l’un des vœux les plus chers de nos compatriotes.

Puisque l’on parle de seuil réglementaire de logements sociaux, pourquoi ne pas s’interroger sur les collectivités qui, par choix politique, dépassent allègrement le seuil de 50 %, jusqu’à 70 % même dans ma circonscription ? Oui, mes chers collègues, il faut aussi dire qu’il y a des seuils au-delà desquels la nécessaire mixité sociale bascule dans le ghetto social.

Enfin, vous proposez de construire 750 000 logements sociaux sur cinq ans. Vous globalisez car vous recherchez un effet de masse. En cinq ans, en une mandature, 750 000 logements ! Pourquoi ne parler plutôt de 150 000 logements par an ? Pourquoi ne pas dire que, nous, nous en réalisons 130 000 en 2010 ?

M. Marcel Rogemont. Le ministre avait compris que c’était 150 000.

M. Didier Gonzales. En définitive, pourquoi ne pas dire qu’il faut simplement poursuivre le remarquable effort entrepris par cette majorité ?

Fixer un objectif de 750 000 logements est, pour vous, sans doute nécessaire alors qu’en 2000, lorsque vous étiez aux affaires, vous n’en faisiez que 40 000.

Tant de volontarisme désordonné ressemble à un affichage de circonstance qui ne peut pas faire oublier que le logement mérite un traitement global, engagé et courageux. C’est précisément la politique que mène cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Depuis dix ans ! On en voit le résultat !

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le secrétaire d’État, une nouvelle fois nous revenons à la charge sur la question du logement, après avoir déjà présenté une proposition de loi sur le risque locatif.

Nous proposons une nouvelle politique en la matière, non parce que vous n’avez pas de politique du logement, mais parce que vous en avez une qui ne répond pas aux enjeux et ne prend pas en compte les vrais problèmes. Votre politique est essentiellement liée à des dépenses fiscales : 1,9 milliard pour les intérêts d’emprunt pour la résidence principale, alors même que vous saviez cette mesure inefficace – le gouvernement Juppé l’avait d’ailleurs supprimée en 1996, en raison de son inefficacité ; 900 millions pour les aides de type Scellier.

Voilà deux mesures qui, pour près de 3 milliards, sont totalement inefficaces en matière de logement des plus démunis.

En regard de ces dépenses fiscales supplémentaires, qui n’enrichissent que ceux qui ont les disponibilités financières, vous passez par pertes et profits les aides à la pierre, alors même que notre rapporteur spécial du budget logement appelait de ses vœux un rééquilibrage en leur faveur. Non seulement vous ne rééquilibrez pas les aides à la pierre, mais vous les diminuez.

Qui plus est, vous taxez la quasi-totalité des organismes HLM au motif qu’il y aurait quelques dodus dormants. Est-ce juste ? Vous ne pouvez tout de même pas prétendre que 75 % de ces organismes disposent de dodus dormants !

Le président de la commission des affaires sociales lui-même réclamait, en votre présence, monsieur le secrétaire d’État, un rééquilibrage entre le privé et le public lors du vote du budget 2011. Face aux 3 milliards pour le privé, vous consacrez moins de 500 millions, aux deux tiers financés par les organismes HLM, pour relever le défi de la construction de logements.

Vous persistez et rien n’y fait : ni le nombre des demandeurs de logements sociaux, qui n’a cessé de croître pour atteindre aujourd’hui plus de 1,4 million de personnes avec un déficit, à ce jour, de plus de 900 000 logements ; ni le taux d’effort des ménages qui n’a cessé de s’accroître depuis dix ans. Depuis 2006, la part des ressources des ménages consacrée au logement a atteint un niveau historique, avec une moyenne de 25 %, voire 50 % des revenus les plus modestes.

Contre toute évidence, vous pensez que le seul marché peut apporter les solutions au mal-logement. Pourtant, la preuve est désormais apportée que le marché non seulement ne se régule pas de lui-même, mais accentue les inégalités.

Tous les calculs démontrent que le modèle HLM est très efficace et permet un retour social et économique pour l’État très supérieur au dispositif Scellier, surtout s’il s’agit de loger les plus modestes. Ainsi, en ramenant au loyer mensuel de sortie d’un PLUS en zone 3 le total des aides de l’État et des collectivités territoriales, on obtient un gain de deux euros au mètre carré. Ce loyer, sans les aides de l’État et des collectivités territoriales, serait de l’ordre de 7,50 euros le mètre carré, soit sensiblement en deçà des loyers de sortie d’un Scellier, plus proche de 9 euros au mètre carré, avec un niveau d’aide sensiblement supérieur. Et l’on ne loge pas les mêmes personnes.

Comme vous semblez dubitatif sur mon calcul, monsieur le secrétaire d’État, j’y reviendrai tout à l’heure.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Volontiers !

M. Marcel Rogemont. Vous semblez avoir besoin d’un cours particulier. (Sourires.)

Il convient de mener une politique sociale forte, une politique facilitant la production de logements adaptés et leur mise à disposition sur l’ensemble du territoire en fonction des problèmes locaux, je partage l’avis de Michel Piron à cet égard. Je suis également d’accord sur la localisation des efforts à consentir en matière de logement locatif public, même s’il convient de faire attention pour la zone C qui n’est pas uniforme. Dans mon département, par exemple, nous avons, avec le préfet, fait en sorte de dissocier les parties les plus tendues et les moins tendues.

Il nous faut également une politique sociale redonnant du pouvoir d’achat aux ménages.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Marcel Rogemont. Le Conseil des prélèvements obligatoires a montré que l’APL n’avait absolument pas suivi la réalité des choses ; nous devons nous en préoccuper.

Il est grand temps que soit refondée une politique publique du logement s’appuyant sur la solidarité et sur la responsabilité de l’État. Tel est le sens de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les difficultés de logement de nos concitoyens ne sont pas réservées aux seuls habitants des zones urbaines les plus tendues. Cependant, la densité d’habitants de la circonscription parisienne dont je suis élue, l’une des plus élevées d’Europe, m’a incitée depuis longtemps à m’intéresser de près aux problèmes liés à l’habitat, que ce soit dans cet hémicycle ou dans les quartiers qui entourent ma permanence.

Je n’ai jamais été partisane de l’opposition systématique, surtout en ce qui concerne les problèmes quotidiens de nos concitoyens. Confrontée aux demandes d’habitants de la capitale ne parvenant plus à payer leur loyer, en passe d’être expulsés ou attendant un logement social depuis trop longtemps, je conservais l’espoir que la loi instaurant le droit au logement opposable améliore la situation. Mais que vaut l’espoir si rien n’est fait pour le concrétiser ? La préfecture de Paris répond aujourd’hui aux recours acceptés au début de l’année 2009. Combien de décisions favorables en Île-de-France ne sont pas mises en œuvre ?

Si les efforts des collectivités, et notamment ceux de la Ville de Paris, ont permis de limiter les dégâts, le manque d’ambition de l’État a engendré des frustrations qui retirent beaucoup de son crédit à l’action publique. « À quoi sert-il de voter une loi qui ne s’applique pas ? », nous interpellent les Français. En attendant qu’une action conséquente soit menée, ils souffrent. Ils ont entre leurs mains un papier portant un avis favorable et ils attendent jusqu’à dix-huit mois, voire plus.

En cette période de crise, ils consacrent une part substantielle de leur budget, plus d’un quart, au logement. Comme le rappelle l’excellent rapport de notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, l’OCDE a calculé qu’entre 1998 et 2010, les loyers ont augmenté de 27 % dans toute la France, et pire, les loyers à la relocation ont, eux, augmenté de 102 %.

Le Gouvernement a bien voulu s’apercevoir de cette hausse qui s’est accrue dans des proportions dramatiques ces dernières années. Ainsi, à Paris, les loyers ont été multipliés par deux et le loyer parisien reste le double de la moyenne nationale. La situation appelle une réponse proportionnée. Il semble que le Gouvernement examine l’encadrement des loyers des chambres de bonnes, micro-logements représentant moins de 0,4 % du marché locatif annuel ! Quant au futur plafond de 40 euros le mètre carré dont j’ai entendu parler, il est si éloigné des moyennes parisiennes et nationales que la contrainte en devient imperceptible.

La proposition de loi qui vous est soumise par le groupe SRC entend, elle, s’attaquer au phénomène dans toutes ses dimensions.

Non, monsieur le secrétaire d’État, nous ne partageons pas votre avis. Nous proposons, en premier lieu, l’encadrement des loyers à la relocation. Venant en complément du dispositif actuel fondé sur l’indice de référence des loyers, il aurait l’avantage de tenir compte des hausses rendues possibles au moment des relocations, dont on sait qu’elles sont trop importantes. Nous proposons donc de fixer le montant maximum d’évolution des loyers des contrats renouvelés dans les zones tendues. Nous partageons cette ambition avec la Fondation Abbé Pierre, qui réclamait cette mesure dans son dernier rapport annuel, unanimement salué. Pas si éloignée de ce qui existe en Allemagne, elle est réclamée par le maire de Paris, et viendrait soutenir l’effort consenti par les collectivités territoriales en matière de construction de logements sociaux.

Vous nous opposez le risque de voir certains propriétaires renoncer à louer leurs biens et les vendre. À cela, je réponds que la perte engendrée serait toute relative. J’ajoute qu’en contrepartie, la présente proposition de loi, s’inspirant d’un modèle qui a fait preuve de son efficacité, Paris-Solidaires, a le souci d’apaiser les relations entre bailleurs et locataires. Je ne veux pas croire que les propriétaires soient uniquement motivés par le profit supplémentaire qu’ils pourraient tirer du jeu des tensions entre l’offre et la demande. Je suis aussi persuadée que nombreux sont ceux qui souhaitent conserver leur bien pour, entre autres, le léguer à leurs enfants ou le récupérer ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté a pour modeste ambition de « refonder la politique publique du logement en s’appuyant sur la solidarité et sur la responsabilité de l’État, pour garantir à tous nos concitoyens un habitat digne ». Rien de moins.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. En effet !

M. Richard Mallié. Lorsque l’on parcourt attentivement les vingt-six articles qui le composent, l’on constate que les meilleures propositions s’inspirent directement des groupes de travail mis en place par Benoist Apparu depuis un an. Les propositions restantes sont un copier-coller des propositions du PS pour 2012…

Mme Claude Darciaux. Et alors ?

M. Richard Mallié. …et font l’objet d’objections tant sur le fond que sur la forme. Permettez-moi d’étayer mes propos.

Il est tout d’abord proposé d’encadrer les loyers, mesure dénoncée par l’ensemble des professionnels de l’immobilier, tout comme le maire de Lyon que je cite : « La pire période du logement en France a été les lois de 1948 qui interdisaient l’augmentation des loyers et qui ont amené à une véritable pénurie de logements ». C’est pourquoi, depuis cette date, les différents gouvernements, de droite comme de gauche, ont mis en place des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif : Quilliot, Besson, Méhaignerie ou encore Scellier.

Concernant les logements sociaux, le programme est limpide : construire 150 000 logements par an. Pourquoi l’opposition ferait-elle mieux aujourd’hui qu’hier ? On se souvient des 40 000 logements sous le gouvernement Jospin, alors que le Gouvernement actuel a entrepris un effort majeur avec plus de 130 000 logements sociaux financés pour 2010.

À propos de financement, j’ouvre une petite parenthèse. J’ai été élu maire en 1989. Alors que mon prédécesseur socialiste avait signé un permis de construire pour des logements sociaux, rien ne démarrait. C’est que le financement faisait défaut ! Et c’est le maire de droite, et fier de l’être, que je suis qui est allé le chercher auprès du préfet. À l’époque, cela n’était pas évident.

À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, nombre de maires se heurtent à des difficultés lorsqu’ils accordent un permis de construire portant la mention « logement social ». La vision que nos concitoyens ont du logement social est souvent négative et peut susciter des appréhensions et des recours administratifs. C’est une expérience que j’ai vécue. L’appellation « logement aidé » passerait mieux auprès de la population. On pourrait sortir de la logique technocratique en remplaçant le terme « logements sociaux » par « logements aidés ».

Il ne s’agit pas d’une simple question de vocabulaire. Il est nécessaire de changer la vision qu’ont les Français de ces logements, car sont concernés aussi bien le parc privé que le parc public, aussi bien l’accession sociale à la propriété que la location.

S’agissant toujours des maires, l’article 6 prévoit la possibilité, en cas de carence de logements sociaux constatée dans une commune, de passer outre leur pouvoir et de rendre automatique la conclusion par le préfet d’une convention avec un bailleur social. En tant qu’ancien maire, monsieur Le Bouillonnec, je pense que les exécutifs municipaux apprécieront votre démarche, en particulier certains maires de ma circonscription qui sont de vos amis politiques et dont la commune ne compte qu’une faible proportion de logements sociaux – et quand je dis faible, cela veut dire moins de 5 %.

Ensuite, vous remettez en cause l’accession sociale à la propriété alors que vient d’être signé le cent millième PTZ + et que 80 % de l’aide financière va aux ménages modestes.

M. Marcel Rogemont. C’est la dimension sociale qui importe !

M. Richard Mallié. Enfin, je relèverai les grands sujets absents de votre texte : le logement en province et dans les villes de taille moyenne – encore une fois, nous sommes confrontés non à une crise du logement mais à plusieurs crises du logement –, la pacification de la relation bailleur-locataire, le logement étudiant.

Le dessein politique à l’œuvre dans votre texte, mes chers collègues, a trente ans de retard et semble avoir été récupéré dans les cartons d’archives de la rue de Solférino. Même si l’adage veut qu’on fasse les meilleures confitures dans les vieux pots, ce n’est pas avec les vieilles recettes socialistes qu’on construira le meilleur programme pour le logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annick Lepetit. Il suffit de voir ce que vous faites depuis neuf ans pour être convaincu !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « le mal-logement est l’un des fléaux de notre époque : c’est une question de dignité humaine et le marché seul ne permet pas de loger tout le monde », souligne Stéphane Hessel.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne sais pas si c’est une référence !

Mme Claude Darciaux. Les prix ont été multipliés par deux en dix ans, les loyers ne cessent de croître, près de 10 millions de personnes sont concernées par la crise du logement et le nombre de demandeurs de logement sociaux ne cesse de croître. Et l’État consent de moins en moins d’effort en faveur du logement ! De nos jours, 90 % des Français souhaitent devenir propriétaires. Or la part des ménages modestes qui accèdent à la propriété régresse : de 1988 à aujourd’hui, elle est passée de 47 % à 37 %, de 65 % à 76 % pour les plus aisés d’entre eux.

Dans ce contexte, les acteurs de la politique du logement voient apparaître un nouveau problème, celui des copropriétés dégradées. Les grands ensembles, construits pour certains il y a plus de cinquante ans, vieillissent très mal. Les grandes tours bâties en périphérie des villes ont vécu. L’état de dégradation de certaines d’entre elles est très avancé et le PNRU lancé en 2003 a permis de décloisonner ces quartiers en construisant des ensembles plus petits.

Si le bilan de la rénovation urbaine est plutôt positif, il subsiste un point noir : les logements dans les grands ensembles construits dans les années 1950 à 1970 ne sont pas, pour une grande part, des logements sociaux. Loués par des propriétaires privés, bon nombre d’entre eux sont dans un état déplorable. Il se pourrait que, dans les dix prochaines années, ces copropriétés dégradées deviennent le point central des politiques publiques du logement. En effet, selon une étude rendue publique le 3 mai dernier par l’Agence nationale de l’habitat, le coût de réhabilitation de ces logements pour les dix prochaines années sera au moins de 40 milliards d’euros et atteindra presque 70 milliards pour ramener leur consommation énergétique à la classe C.

Si les copropriétaires s’engagent suffisamment en amont, les travaux ne dépasseront pas 20 000 euros par logement. Mais dans de nombreux cas, faute d’entente entre les copropriétaires, ce sont les acteurs publics qui devront intervenir.

Aujourd’hui, en France, le nombre de logements en copropriété est estimé à près de 6 millions : un million d’entre eux sont considérés comme étant en mauvais état et 300 000 comme étant totalement dégradés.

L’Agence nationale de l’habitat consacre chaque année 20 % de son budget à la réhabilitation des copropriétés dégradées. Or le système profite parfois à des marchands de sommeil peu scrupuleux et certains propriétaires de logements insalubres bénéficient directement ou indirectement d’aides publiques, ce qui est parfaitement inacceptable.

L’une des dispositions de la proposition de loi consiste à mobiliser le parc privé en faveur de la politique du logement. Cela passe par une réelle incitation à la location sécurisée et par la mise en place d’une véritable garantie des risques locatifs. Cela passe également par l’élargissement de la pratique du « louer solidaire » et par la garantie pour le locataire de bénéficier d’un accès à un logement digne et décent grâce à l’instauration d’un permis de louer. Cela passe enfin par la mise en place d’une politique volontariste de lutte contre l’habitat indécent.

Ainsi, mes chers collègues, proposons-nous une loi qui ambitionne de stopper la hausse des loyers, une loi qui consacre un effort considérable à la production massive de logements sociaux, une loi qui mobilise le parc privé et favorise l’accession sociale à la propriété pour les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, dernier orateur inscrit.

M. Christophe Caresche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « en Île-de-France, il y a 6 millions de mètres carrés de bureaux qui n’auront plus d’usage dans les années qui viennent. Qu’est-ce qu’on en fait ? J’aimerais qu’on n’attende pas que ces bureaux soient vides et obsolètes pour réfléchir à leur utilisation. C’est un sujet très important ».

Ces mots ne sont pas les miens, vous l’avez compris, monsieur Apparu, vous qui étiez présent quand le Président de la République les a prononcés, le 14 septembre 2010, à Thiais dans le Val de Marne, dans un discours sur l’accession à la propriété. Il ajoutait : « Et M. Benoist Apparu va me proposer des mesures pour favoriser la transformation de bureaux en logements ».

M. Marcel Rogemont. Enfin des propositions !

M. Christophe Caresche. C’est donc pour vous aider, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est trop gentil !

M. Christophe Caresche. …que nous avons inclus dans cette proposition de loi des dispositions visant à instaurer une taxe sur la vacance applicable aux bureaux, mais aussi des mesures incitatives pour favoriser la transformation de bureaux en logements.

Le chiffre cité par le Président de la République – 6 millions de mètres carrés – permet de prendre la mesure de l’enjeu de ces opérations de transformation : une telle surface représente au minimum 50 000 à 60 000 logements dans des zones qui connaissent peut-être la plus forte tension du marché du logement. Il ne s’agit donc absolument pas d’un enjeu marginal, bien au contraire.

Depuis les années 2000, le fort développement du marché de l’immobilier d’entreprise a provoqué une chute des prix des bureaux de 30 % – phénomène que la crise est venue amplifier – et a eu un impact direct sur la construction de logements, pour la simple raison que cette expansion a consommé des terrains, des droits à construire et des crédits qui auraient pu être consacrés à des logements.

Le cabinet d’études Immogroup Consulting a démontré que l’excès de stocks en locaux professionnels équivaut au déficit d’offre de logements sur les cinq dernières années, soit 75 000 logements environ. Il s’agit certes d’un chiffre très théorique mais il montre qu’il existe une ressource très importante pour la création de logements.

Le phénomène s’est beaucoup amplifié ces dernières années. Le marché de l’immobilier d’entreprise a connu un essor très important alors que l’immobilier de logement, lui, a stagné.

Face à cette situation, trois objectifs doivent être visés.

Le premier consiste à mieux réguler la production de locaux d’activité et à éviter la surproduction, qui est désormais permanente depuis les années 2000. En Île-de-France, 5 millions de mètres carrés de bureaux sont disponibles chaque année. Le marché est en surchauffe permanente.

Le deuxième objectif consiste à faciliter la transformation de bureaux en logements. Il s’agit certes d’opérations difficiles et coûteuses, mais la hausse du prix de l’immobilier les rend aujourd’hui possibles et crédibles.

Le troisième objectif consiste à faire revenir sur le marché de l’immobilier de logement les grands investisseurs qui sont partis sur le marché de l’immobilier d’entreprise.

Pour atteindre ces objectifs, nous proposons plusieurs outils, le plus important étant une taxe sur les bureaux vacants, à l’instar de la taxe sur les logements vacants – instaurée par la majorité, rappelons-le. Cette taxe pourra constituer, je le pense, une arme très efficace. Elle a pour but, non de taxer les entreprises ou de créer de nouvelles recettes, mais de sanctionner la mauvaise gestion et de faire prendre conscience aux opérateurs de l’intérêt qu’ils pourraient avoir à transformer leur local en logement.

Cette taxe, qui, je le sais, suscite de façon assez compréhensible un fort rejet de la part des opérateurs, serait un outil beaucoup plus efficace que certaines mesures incitatives auxquelles je ne crois pas, l’autorité publique n’ayant plus les moyens d’une telle politique.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Madame la présidente, je tiens à vous remercier d’avoir assuré le relais de M. le président Accoyer, que je remercie également d’avoir tenu à présider personnellement la séance afin que notre débat se déroule dans des conditions plus conformes à la vocation qu’ont les niches parlementaires de permettre à l’opposition de s’exprimer.

Conformément aux conditions dont nous sommes convenus, des orateurs de notre groupe n’interviendront qu’à une ou deux reprises sur les articles pour aller le plus vite possible. Je m’exprimerai sur l’amendement.

Depuis 2002, je me suis querellé avec plusieurs ministres. Il a fallu des milliers d’heures de débats au Parlement pour examiner les sept grandes lois consacrées au logement. Dès lors, on ne peut reprocher au groupe socialiste, en l’espace d’une heure et demi en commission et de deux heures dans cet hémicycle, de ne pas avoir présenté ce que serait sa politique du logement dans son intégralité si jamais la gauche, comme je l’espère, revenait aux affaires. Nous avons voulu concentrer notre proposition de loi sur des « mesures urgentes d’application immédiate ».

Pour élaborer ce dispositif, nous avons compilé des textes que nous avions déjà examinés, comme vous l’avez noté, monsieur le secrétaire d’État, et nous nous sommes attaqués à une réalité lourde en cherchant à répondre à de nombreux problèmes, par exemple celui de l’immobilier de bureaux que vient d’évoquer Christophe Caresche.

Par ailleurs, si je suis d’accord pour reconnaître que les gouvernements successifs ont bien fait, il faut rappeler que l’acteur public doit loger 1,4 million de demandeurs de logement, que les loyers ne cessent de progresser et que l’accession à la propriété est un lourd problème. Nous allons, nous tous collectivement, dans le mur. Cette réalité-là ne peut en aucun cas faire office de satisfecit pour les politiques publiques engagées depuis dix ans, quinze ans et même vingt ans.

Ainsi, monsieur le ministre, ce n’est pas en nous renvoyant à la gestion 1997-2002 que vous pourrez satisfaire nos demandes sur l’ensemble de ces questions d’autant que, vous et M. Piron l’avez dit très justement, les politiques du logement et de la construction ne portent leurs fruits que plusieurs années après leur mise en œuvre.

Vous citez d’ailleurs le chiffre de 2000 parce que celui de 2001 était un peu plus élevé. C’est de la dialectique politique. L’effet 2001 est à imputer à un changement de stratégie du Gouvernement en 1999, notamment grâce à l’action de Marie-Noëlle Lienemann.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mais non !

M. Marcel Rogemont. Si !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je voudrais à présent revenir à trois thèmes particuliers parmi tous ceux que nous avons évoqués, en commençant par celui du blocage des loyers. Ce sont les logements soumis à relocation dans les zones tendues, notamment en Île-de-France, qui souffrent de la hausse des loyers la plus importante. Ce constat, vous l’avez dressé, monsieur le ministre : c’est une progression de 100 à 260. Le premier instrument de hausse des loyers est donc la relocation, qui concerne un public à forte mobilité, en difficulté. Si nous n’intervenons pas, la situation deviendra catastrophique, d’où notre proposition, non pas de bloquer ou d’encadrer les loyers, mais d’encadrer l’augmentation des loyers à la relocation, ce qui n’a rien à voir. Rappelons d’ailleurs que nous reviendrions alors à un dispositif de 1999 car la loi l’avait intégré.

Pour ce qui est du prêt à taux zéro, vous prétendez depuis plusieurs semaines que nous voulons en plafonner l’accès, et du même coup fixer le niveau en deçà de l’accès au logement social. Voilà bien une querelle politicienne mais c’est de bonne guerre.

Je rappelle à l’Assemblée que l’accès au prêt à taux zéro n’est pas du tout plafonné. Vos revenus annuels ont beau atteindre les 100 000 euros, vous pouvez tout de même en bénéficier ! Les limites liées au revenu ont pour seul effet de moduler le remboursement.

Mme Claude Darciaux. Exactement !

M. Richard Mallié. Vous remboursez plus vite !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Si vous êtes en dessous d’un certain niveau de ressources, vous pouvez même faire un remboursement partiel une première fois puis le reste est réparti après trente ans. Si vos revenus sont très importants, vous pouvez rembourser en six ou sept ans. Mais aujourd’hui, le budget de l’État se trouve sollicité pour un prêt à taux zéro auquel il n’est fixé aucune condition de ressources alors que, dans le même temps, on ne cesse de nous quereller en nous répétant que l’État n’a pas les moyens financiers de réaliser telle ou telle action en matière sociale.

Nous le disons simplement : il faut plafonner l’accès au prêt à taux zéro en fonction des revenus. Nous avons pris le plafond du PLUS, en nous appuyant d’ailleurs sur le niveau parisien qui n’est pas négligeable, mais si vous préférez aller jusqu’à celui du PLS, chiche ! Quoi qu’il en soit, nous le répétons, il faut impérativement plafonner les revenus de ceux qui accèdent au prêt à taux zéro, sinon nous continuerons à faire des dépenses inutiles, une partie des bénéficiaires du PTZ actuel pouvant se passer de cet accompagnement financier de l’État. Je suis du reste prêt à parier que, lorsque nous débattrons de la loi de finances, le rapporteur général du budget, le président de la commission et quelques éminences financières de cet hémicycle viendront vous expliquer que l’on ne peut pas continuer ainsi.

Dans le même esprit, en matière d’investissement locatif – j’en profite pour répondre à Mme Marie-Hélène Amiable qui m’a posé la question –, nous voulons revenir à l’esprit du rapport Scellier-Le Bouillonnec qui fut à l’origine de la réforme du Robien : pas d’avantage fiscal sans contrepartie sociale. Et il s’agit bien de cela lorsque nous invitons l’Assemblée à décider le blocage des loyers à un certain niveau dès lors que l’investissement locatif est aidé. Dans le cas contraire, nous aboutirions à un double inconvénient : effet d’aubaine pour l’investisseur et hausse des loyers.

Nous voulons, nous, protéger la capacité du budget de l’État à participer à ces stratégies, qu’il s’agisse de l’investissement locatif ou du prêt à taux zéro, de sorte que l’utilisation des deniers publics reste pertinente. Rappelons que l’accès social à la propriété régresse puisque de moins en moins de personnes aux revenus modestes peuvent acheter leur logement. Bizarrement, c’est à partir de 2002 que ce phénomène s’est accéléré.

M. Richard Mallié. C’est pour cela qu’il est important de maintenir les aides.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. J’en reviens à la hausse incontrôlée des loyers. Des réflexions sont menées depuis plusieurs années sur les raisons de ce phénomène qui touche la France mais pas d’autres pays voisins comme l’Allemagne. M. le secrétaire d’État prétend que la démographie serait en cause. Profitez, monsieur Apparu, des relations que vous avez sans doute en Allemagne pour visiter ce pays. Pour ma part, j’ai pu constater que les Allemands vivaient dans de grandes maisons, sur trois niveaux, avec du terrain, que ce soit au fin fond de la Ruhr, dans la banlieue de Berlin ou dans le Brandebourg. Leurs logements sont en moyenne plus grands, leurs situations locatives normales pour la plupart, mais ils sont moins souvent propriétaires. Permettez-moi à ce propos de vous lire un extrait d’une note du Centre d’analyse stratégique placé auprès du Premier ministre. Pour la première fois y est évoquée l’hypothèse que les prix montent dans les pays qui comptent beaucoup de propriétaires. Il faudra se pencher sur cette question.

Je cite : « Une déconnexion des prix de leurs fondamentaux serait d’autant plus probable que la proportion des ménages propriétaires de leur résidence principale est importante. En effet, les propriétaires sont beaucoup moins sensibles à la hausse des prix que les accédants puisqu’ils bénéficient, lorsqu’ils se portent acquéreurs d’un nouveau logement, de la plus-value réalisée sur la vente de leur logement précédent. N’étant pas soumis de la même manière que les primo-accédants à la contrainte de revenu et de financement, ils ne jouent pas, comme ces derniers, le rôle d’une force de rappel. De fait, Jacquot – l’un des auteurs que cite la note – constate que la hausse des prix des logements a été la plus forte dans les pays où la proportion de ménages propriétaires de leur résidence principale était la plus élevée. »

Ces éléments sont extrêmement intéressants car ils signifient que, lorsqu’on cherche à favoriser l’accession à la propriété par une approche qui ne correspond pas aux capacités des uns et des autres, les prix de l’immobilier augmentent. Je ne suis pas certain qu’il faille en tirer une conclusion formelle – encore une fois, l’intérêt est dans l’analyse – mais la piste est intéressante.

Chers collègues, nous n’avons pas fait le tour de toutes les questions du logement ni de toutes les stratégies que nous voulons mettre en place si nous sommes demain aux responsabilités comme nous l’espérons tous.

M. Richard Mallié. Non, pas tous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous avons simplement voulu montrer, au-delà de l’intérêt que nous avons toujours manifesté dans cet hémicycle pour ces questions et parce que nombre d’entre nous sont des acteurs locaux, qu’une politique du logement ne peut pas ne pas se construire sur un engagement de l’État en termes budgétaires, en termes d’accompagnement des collectivités, en termes de confiance avec les bailleurs sociaux et la promotion immobilière. Tel est le sens de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Lepetit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je ne répondrai pas à l’ensemble des interventions pour ne pas prolonger les débats et pour nous permettre d’en venir assez vite à l’examen des articles mais je veux signaler un oubli à votre rapporteur dans sa lecture d’une note du Centre d’analyse stratégique.

M. Marcel Rogemont. Cela m’étonnerait.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Peut-être en a-t-il fait une lecture diagonale mais, parmi les diverses analyses de ce centre, figure celle selon laquelle les loyers n’auraient pas augmenté à qualité constante depuis trente ans. Je ne juge pas de la pertinence de ces affirmations mais si vous vous appuyez sur de tels documents, ayez au moins une approche globale, et faites de même pour les analyses de l’OCDE, qui remet complètement en cause la politique du logement social en France et notamment son financement par le livret A. Référez-vous à toutes les sources que vous voulez mais citez-les complètement.

Madame la présidente, en application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Réserve des votes

Mme la présidente. En application de l’article 96 du règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous n’allons pas ouvrir un débat à chaque article, madame la présidente. Aussi vous prierai-je de vous inquiéter de savoir, lorsque vous appellerez un article, si certains de nos collègues veulent intervenir. Deux ou trois le souhaiteraient.

Mme la présidente. Je n’ai pas d’inscrit sur l’article 1er.

(Le vote sur l’article 1er est réservé.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, inscrit sur l’article 2.

M. Marcel Rogemont. Prenons l’exemple d’un logement d’une cinquantaine de mètres carrés et coûtant environ 130 000 euros. Dans le cadre du PLUS, l’ensemble des aides de l’État telles que vous les déterminez, monsieur le ministre, s’élèvent environ à 40 000 euros, auxquels peuvent s’ajouter ensuite des aides publiques complémentaires des collectivités territoriales.

Lorsque, en tant que responsable d’un organisme HLM, je calcule le loyer de sortie, je commence par tenir compte des aides de l’État, en l’espèce un peu moins de deux euros le mètre carré pour un loyer de sortie de 5,5 euros puisque nous sommes en zone 3. Cela signifie que, sans les aides de l’État, l’organisme d’HLM que je préside, comme tout autre organisme HLM d’ailleurs, sortirait le logement à 7,50 euros le mètre carré.

Prenons à présent l’hypothèse du dispositif Scellier, qui peut conduire à des économies d’impôt de 75 000 euros, voire 111 000 si on le combine au prêt locatif social. Ce sont des sommes considérables : 25 % de réduction d’impôt, un peu plus de 30 % avec le PLS. Toujours est-il que dans ma région, le Scellier va sortir entre 9 et 10 euros. C’est pour cette raison que je me suis inscrit sur l’article 2 : parce que nous voulons durcir le dispositif Scellier en renforçant les contraintes. Surtout, je veux faire remarquer que le monde HLM est un monde performant sur le plan tant économique que social.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord.

M. Marcel Rogemont. Vous vous intéressez tout le temps aux minima sociaux, qui vous choquent, mais il faudrait que les maxima fiscaux puissent être, eux aussi, soumis à des contraintes. Il n’y a pas de droits sans devoirs et le dispositif Scellier est à revoir en profondeur.

(Le vote sur l’article 2 est réservé.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux, inscrite sur l’article.

Mme Claude Darciaux. Trop de communes ne respectent pas les obligations de la loi SRU : 730 sont déficitaires en logements sociaux, 325 n’ont pas respecté leurs engagements à ce titre et 58 n’ont construit aucun logement social. Or la loi fait reposer les efforts sur les communes les plus volontaristes, tandis que les autres continuent à s’affranchir de leurs obligations. Elles le font souvent en exigeant, dans leur PLU, des terrains de 1000 à 2000 mètres carrés pour construire.

Les logements sociaux financés sont souvent des PLS, qui ne bénéficient pas aux ménages modestes et sont même financièrement inaccessibles pour la quasi-totalité des demandeurs de logements sociaux. Construire des PLS est, pour les communes déficitaires en logements sociaux, une manière de s’affranchir de la loi. Mais le coût du loyer y est tel que les familles les plus modestes sont renvoyées vers les communes qui ont des logements sociaux anciens aux loyers inférieurs.

Je souhaite donc, et c’est le sens de l’article 3, que dans les communes qui font l’objet d’un constat de carence, toute opération de construction de plus de 12 logements comporte obligatoirement au moins un tiers de logements sociaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Comme Mme Darciaux, je veux souligner à mon tour l’intérêt de cette mesure. La question primordiale est la répartition des logements sociaux. Or je suis profondément convaincue que nous ne lutterons contre la hausse des loyers et nous n’atténuerons efficacement la pression de la demande sur le parc privé que si nous sommes en mesure de proposer des logements accessibles au plus grand nombre là où se manifeste cette demande, là où la ville se développe et où les réseaux de transport s’étendent, là où les services publics accompagnent la croissance démographique et où l’activité économique et commerciale peut en bénéficier. La mesure inscrite à l’article 3 y répond tout à fait.

Articles 4 à 7

(Le vote sur ces articles est réservé.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux, inscrite sur l’article.

Mme Claude Darciaux. La loi DALO a été une très grande avancée législative mais, en pratique, c’est un échec. Dominique Versini, ancienne défenseure des enfants, dit dans son bilan d’activité 2006-2011 : « L’absence de volonté politique de développer des logements sociaux et très sociaux rend inapplicable le DALO. » Elle mentionne également « l’absence de volonté d’imposer aux communes la construction de logements sociaux et un manque d’anticipation des évolutions de la société » – on pense aux divorces, aux familles monoparentales – qui font qu’aujourd’hui les familles qui relèvent du DALO sont relogées dans les communes ayant beaucoup de logements sociaux – c’est le cas de la mienne – et des logements sociaux anciens. Nous subissons la double peine car nous avons des logements à loyer abordable et les familles qui sont dans une grande précarité ne peuvent avoir accès à des logements plus récents aux loyers bien plus élevés. On ajoute ainsi de la pauvreté à la pauvreté, on met en péril l’équilibre social de certains quartiers et on exonère de toute contribution à la solidarité nationale les communes qui n’ont pas fait l’effort de construire des logements sociaux.

Mme Pascale Crozon. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je veux préciser ce qu’il en est du DALO et m’inscrire en faux contre les propos de Mme Versini.

Mme Pascale Crozon. C’est la situation que nous vivons dans nos communes !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Dans 88 départements, la totalité ou la quasi-totalité des demandes au titre du DALO sont traitées. Nous avons un problème spécifique dans douze départements, ceux de l’Île-de-France et une partie de ceux de la région PACA. Ailleurs sur le territoire, on répond aux demandes de DALO. Cessez donc de dire que cette mesure n’est pas appliquée ; c’est une contrevérité. Elle l’est dans 88 départements sur 100. Le DALO y fonctionne comme un filet de sécurité, même s’il y a des problèmes spécifiques dans douze autres départements.

Mme Pascale Crozon. Relisez les propos de Mme Darciaux.

(Le vote sur l’article 8 est réservé.)

Articles 9 à 15

(Le vote sur ces articles est réservé.)

Article 16

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, inscrit sur l’article.

M. Christophe Caresche. L’article 16 contient notre proposition d’instaurer une taxe sur les bureaux vacants. J’aimerais que le secrétaire d’État nous donne son sentiment à ce sujet.

Je voudrais aussi, au passage, rendre hommage au collectif Jeudi Noir. Beaucoup d’élus ont rencontré ses membres. Ils sont parmi les premiers à avoir soulevé ce problème, avec une intuition que toutes les données dont nous disposons, qui ne sont pas très nombreuses certes car il y a une certaine opacité sur ce marché, viennent confirmer. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez été chargé par le Président de la République de faire des propositions dans ce domaine, quelles sont vos pistes de réflexion ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. En premier lieu, je trouve un peu particulier que, dans cet hémicycle où l’on fait la loi, on rende hommage à des organisations dont les comportements sont totalement en contradiction avec la loi…

M. Éric Berdoati et M. Richard Mallié. Très bien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État….et qui violent la loi à dessein. Que vous alliez les voir, c’est votre choix, mais leur rendre hommage ici, me paraît un peu…

M. Richard Mallié. Déplacé !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. …déplacé en effet.

Vous évoquez la transformation des bureaux en logements. C’est un vrai problème, qui se posera dans les années à venir, avec l’obsolescence d’un certain nombre de mètres carrés de bureaux – votre estimation de 6 millions de mètres carrés en 2020 est probable – suite au Grenelle de l’environnement. Dans ce cadre, en effet, nous avons institué l’obligation de transformer le stock de bureaux existants en bâtiments à basse consommation à l’horizon 2020. Pour un certain nombre de ces bureaux, les investissements seront trop lourds pour que ce soit rentable. Nous avons donc un travail considérable à faire dans ce laps de temps pour les transformer en logements.

Vous préconisez une taxe sur les bureaux vacants. Notre vision est différente. Nous ne nous demandons pas comment reconvertir des bureaux déjà vacants – c’est une catégorie parmi d’autres – mais tous ceux qui vont le devenir dans les années à venir, et comment le faire rapidement. Il y a plusieurs pistes pour cela : accroître la densité et donner des autorisations de construire supplémentaires, ce qui est, je pense, un élément essentiel sur le plan économique ; envisager une disposition fiscale ; jouer sur les agréments pour les bureaux. Les marges de manœuvre sont relativement importantes et nous pouvons attendre la production d’une quantité de logements non négligeable à Paris et en Île-de-France. Mais dans cette région, bien sûr, la solution passe par une multitude de moyens, pas seulement celui-là.

(Le vote sur l’article 16 est réservé.)

Articles 17 à 19

(Le vote sur ces articles est réservé.)

Article 20

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit, inscrite sur l’article.

Mme Annick Lepetit. Comme vous le dites, monsieur le secrétaire d’État, il y a une multitude de mesures applicables en Île-de-France. Je souhaiterais que l’on s’inspire de la mesure qu’à la mairie de Paris nous avons intitulée « Louer solidaire ». Il s’agit d’inciter de petits propriétaires à louer afin de permettre à des ménages et des familles monoparentales de quitter des hôtels sordides, voire des taudis, pour un logement décent. Au bout du compte, cela coûte beaucoup moins cher à la collectivité. Dans ce mécanisme, une association qui travaille dans le social se porte garante du locataire auprès du propriétaire. Celui-ci a ainsi des garanties et des familles peuvent être hébergées décemment.

Cette mesure est modeste, mais elle prend de l’ampleur. Je crois qu’on pourrait l’étendre ailleurs qu’à Paris.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est déjà fait. On signe 5000 contrats de ce type par an.

Articles 21 et 22

(Le vote sur ces articles est réservé.)

Après l'article 22

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 2 rectifié.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous avions décidé de ne pas présenter dans le corps de la proposition de loi le dispositif que nous souhaitons mettre en place contre les expulsions. Nous pressentions en effet la façon dont le débat allait se dérouler, et nous avions peur de ne même pas pouvoir aborder le problème. Nous avions donc préféré procéder par amendement. Malheureusement, la procédure parlementaire est complexe. L’un de ces amendements a été déclaré irrecevable alors qu’il ne l’était pas lors de l’examen en commission.

Reste l’amendement n° 2 rectifié, dont voici la substance : la loi de mobilisation pour le logement a ramené de trois ans à un an le délai maximum, de trois mois à un mois le délai minimum pour l’exécution d’une décision de justice en matière d’expulsion. Un mois, c’est une des dispositions en vigueur les plus inacceptables. Nous demandons donc, par cet amendement, de rétablir un délai qui ne peut être inférieur à trois mois ni supérieur à trois ans.

Nous demandions également que le préfet ne fasse pas appliquer une décision de justice en matière d’expulsion sans avoir mis en œuvre au préalable la procédure de relogement. Il est pour nous inimaginable de mettre des gens à la rue au seul motif qu’ils ne peuvent pas payer leur loyer. Mais cet amendement-là a subi les foudres du président de la commission des affaires économiques, qui l’a déclaré irrecevable.

Il faudra néanmoins réintégrer ces deux dispositifs dans la loi. Il n’est pas possible de continuer à mettre des gens à la rue. De plus, actuellement, tout en les expulsant, on les déclare prioritaires pour être relogés, ce qui n’est pas tenable !

M. Marcel Rogemont. C’est le DALO.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Avis défavorable. Nous n’allons pas engager maintenant un débat sur les expulsions, mais je tiens à faire passer un message essentiel.

Tous ceux qui préconisent d’arrêter, d’une manière ou d’une autre, les expulsions, vont mettre à mal l’ensemble du marché de l’immobilier. Vous proposez aussi, sinon un blocage des loyers à proprement parler, du moins une limitation de leur augmentation lors d’un changement de locataire, ce qui, au fond, revient au même puisque, dans le cadre du bail, les loyers sont déjà bloqués…

M. Marcel Rogemont. Non, ils évoluent dans le cadre du bail.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ils évoluent, mais en fonction de l’indice de référence des loyers.

Cumuler ces deux mesures, bloquer les loyers et interdire les expulsions, aurait pour résultat de déséquilibrer les rapports locatifs au détriment du propriétaire. Cela entraînerait un départ massif des investisseurs du secteur immobilier privé. Pas tous, certes, je vous en donne acte. Mais il suffit qu’en Île-de-France 15 % à 30 % des investisseurs privés abandonnent le marché locatif et vous verrez la pénurie que cela provoquera.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Pas d’expulsion sans relogement : tel est le sens du dispositif que nous voulons mettre en place. J’insiste sur le fait qu’il ne vise pas à mettre fin aux expulsions.

En revanche, je peux témoigner qu’à Rennes, depuis 1963, le préfet et la ville tiennent des réunions pour les éviter. De nombreux dispositifs ont d’ailleurs été mis en place en ce sens. Cette expérience montre qu’il est possible qu’une commune agisse pour que les locataires ne soient plus expulsés sans être relogés. Nous parlons évidemment de familles loyales à l’égard de l’organisme concerné et sincères quant à leurs capacités contributives. Dès lors que nous sommes dans ce cadre, il est possible de mettre cette politique en place. Je l’affirme d’autant plus aisément que nous le faisons depuis de nombreuses années.

Il n’y a aucune raison que l’autorité publique ne fasse pas un effort en matière de relogement consécutif à une expulsion.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je veux clarifier un point : le dispositif que nous proposons s’accompagne de l’extension de la garantie des risques locatifs.

Mme Annick Lepetit. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Contrairement à ce qui a été dit, nous abordons la question. Nous voulons même construire une garantie universelle des risques locatifs car nous sommes tous d’accord pour protéger la relation entre le bailleur et le locataire, et particulièrement le bailleur privé.

Un double processus fondé sur le paiement du bailleur, sur celui du locataire et sur une mutualisation des risques doit permettre de protéger le propriétaire privé.

Le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. Malgré l’engagement de ceux qui ont œuvré en ce sens, cette tentative est un échec.

(Le vote sur l’amendement n° 2 rectifié est réservé.)

Articles 23 à 26

(Le vote sur les articles 23 à 26 est réservé.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

Application de l’article 44, alinéa 3,
de la Constitution

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Madame la présidente, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l’ensemble de la proposition de loi.

Mme la présidente. Ce vote aura lieu ultérieurement. Je rappelle en effet que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mercredi 18 mai, après les questions au Gouvernement.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 17 mai à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)