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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 19 décembre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de rejet préalable

M. René Dosière

M. Charles de La Verpillière, rapporteur, M. Philippe Richert, ministre, M. Jean-Pierre Brard, M. Guy Geoffroy, M. Régis Juanico, M. Michel Hunault

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Charles de La Verpillière, rapporteur, M. Philippe Richert, ministre, M. Jean-Pierre Brard, M. Guy Geoffroy, M. René Dosière

Discussion générale

M. Jean-Pierre Brard

M. Guy Geoffroy

M. Régis Juanico

Article unique

M. Jean-Pierre Grand

M. René Dosière

Amendements nos 2, 1, 5, 3

Explications de vote

M. Régis Juanico, M. Jean-Pierre Brard, M. Guy Geoffroy

Vote sur l’article unique

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

1

Remboursement des dépenses de campagne
de l’élection présidentielle

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (nos 4017, 4074).

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à dix-sept heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen un projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Le Gouvernement a engagé, le 30 novembre 2011, la procédure accélérée sur ce projet de loi, que votre commission a examiné la semaine dernière.

En vue de faire contribuer les partis politiques à l’effort de modération des dépenses publiques, le Gouvernement a décidé de diminuer de 5 % l’aide publique aux partis politiques et de réduire de 5 % le remboursement des dépenses de campagne électorale. Le 14 novembre dernier, il a donc déposé deux amendements au projet de loi de finances afin, d’une part, de modifier l’état B pour prendre en compte la diminution de 5 % de l’aide publique et, d’autre part, d’insérer un article 48 A modifiant les articles L. 52-11 et L. 52-11-1 du code électoral relatifs au plafond des dépenses électorales.

Toutefois, la réduction de 5 % du plafond de remboursement des dépenses électorales n’est pas applicable à l’élection présidentielle. Pour qu’elle le soit, il faut un véhicule organique. Tel est l’objet du présent projet de loi.

Avant tout, je souhaiterais souligner que ce projet de loi ne fait que compléter, pour l’élection présidentielle, le dispositif de diminution du plafond de remboursement des dépenses électorales que vous avez adopté en première lecture le 16 novembre 2011 pour les autres élections. Pour les élections autres que l’élection présidentielle les plafonds de remboursement des dépenses électorales sont déterminés, comme vous le savez, par les articles L. 52-11 et L. 52-11-1 du code électoral. L’article L. 52-11 fixe le plafond des dépenses, tandis que l’article L. 52-11-1 fixe le taux de remboursement. Fixé jusqu’à présent à 50 % du plafond des dépenses, le taux de remboursement devrait être abaissé à 47,5 % pour les élections autres que présidentielle, conformément aux dispositions de l’article 48 A du projet de loi de finances pour 2012.

Toutefois, cette modification n’est pas applicable à l’élection présidentielle. En effet, les modalités de remboursement des dépenses des candidats pour l’élection présidentielle font l’objet de dispositions spécifiques. Elles sont déterminées par une loi organique et plus précisément par le deuxième alinéa du II et le troisième alinéa du V de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Spécifiques sur la forme, ces modalités sont également originales sur le fond.

D’une part, à la différence des autres élections, un candidat à la présidentielle ayant moins de 5 % des voix peut obtenir un remboursement forfaitaire. Certes, celui-ci est moindre puisqu’un candidat qui obtient un score inférieur à 5 % des suffrages exprimés n’est remboursé que de 5 % du plafond des dépenses, alors qu’un candidat qui obtient plus de 5 % des suffrages peut prétendre à un remboursement correspondant à 50 % de ce plafond. Mais je rappelle que, pour les autres élections, les candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages n’ont pas droit au remboursement forfaitaire.

D’autre part, le plafond des dépenses est augmenté pour les candidats accédant au second tour. Le plafond est de 13,7 millions d’euros pour un candidat figurant au premier tour de l’élection ; il est porté à 18,3 millions d’euros pour les deux candidats au second tour.

Pour rendre applicable à l’élection présidentielle la baisse de 5 % du plafond de remboursement des dépenses électorales, il est nécessaire de modifier le troisième alinéa du V de l’article 3 de la loi de 1962.

Pour des soucis d’équité, il a été décidé que tous les candidats seraient concernés par cette baisse. Les taux de remboursement des candidats obtenant moins de 5 % des suffrages ou plus de 5 % des suffrages ont donc été modifiés. Ils passeraient respectivement de 5 % à 4,75 % et de 50 % à 47,5 % du plafond des dépenses.

Par ailleurs, par cohérence avec la rédaction choisie pour les élections autres que la présidentielle, il a été décidé de baisser le taux de remboursement et non le plafond des dépenses. Le présent projet de loi duplique donc pour l’élection présidentielle le mécanisme de baisse des remboursements que vous avez adopté pour les autres élections.

En second lieu, je souhaiterais souligner l’impact financier de cette mesure.

Comme vous le savez, les remboursements des dépenses de campagne électorale représentent une part importante – près de 25 % – du coût de l’organisation de l’élection présidentielle : 53,4 millions d’euros en 2002 ; 44 millions d’euros en 2007. Une diminution du plafond de remboursement de 5 %, toutes choses égales par ailleurs, devrait donc permettre une économie d’environ 2,2 millions d’euros, si je prends comme référence l’élection présidentielle de 2007.

Mais cette économie pourrait n’être que potentielle. En effet, comme pour les autres élections, il est prévu une actualisation des plafonds de remboursement des dépenses électorales, le II de l’article 3 de la loi de 1962 rendant applicable à l’élection présidentielle l’article L. 52-11 du code électoral. Cela veut dire que les montants de remboursement évoluent comme l’indice des prix à la consommation des ménages et sont actualisés par décret à la hausse. Triennale à l’origine, cette actualisation est de surcroît devenue annuelle depuis la loi du 14 avril 2011. Ce mécanisme d’actualisation n’est pas neutre pour nos finances publiques. Reprenons les hypothèses de 2007 : deux candidats présents au second tour ayant atteint la quasi-totalité du plafond de remboursement applicable aux candidats de second tour ; deux candidats de premier tour ayant atteint également le plafond des candidats ayant obtenu plus de 5 % des voix ; six candidats ayant eu moins de 5 % des voix. Si nous retenons le coefficient d’actualisation de 1,27 qui devrait être appliqué le 31 décembre 2011, le coût de l’élection serait de 45,860 millions en 2012, c’est-à-dire supérieur de 1,8 million d’euros à celui de 2007. Les 2,2 millions d’euros de gain obtenus grâce à la baisse de 5 % des plafonds seraient donc presque mécaniquement absorbés par la revalorisation des plafonds.

À l’instar de ce que vous avez décidé pour les autres élections, le Gouvernement propose donc de geler la revalorisation des plafonds applicables à l’élection présidentielle jusqu’à ce que le déficit public des administrations soit nul.

Le mécanisme de revalorisation applicable à l’élection présidentielle fonctionnant par renvoi au code électoral, il est simplement proposé de modifier l’article 4 de la loi de 1962 pour que les nouvelles dispositions de l’article 48A du projet de loi de finances pour 2012, établissant le gel des plafonds de remboursement pour les élections autres que présidentielles, soient applicables à l’élection présidentielle.

Grâce à la mise en place de ce gel et à la baisse de 5 % des dépenses, les économies réalisées seront substantielles : ces deux mesures auront pour effet de diminuer les plafonds de remboursement de 8 %. L’économie générale résultant de ces dispositions sera donc, à supposer que les hypothèses de 2007 soient reconduites, de 3,665 millions d’euros.

Enfin, je souhaiterais souligner le caractère ambitieux et volontaire de cette réforme.

Ambitieuse, cette réforme l’est à un double titre. D’abord, elle a vocation à être pérenne puisqu’elle modifie le texte de la loi organique de 1962. Mais elle s’inscrit également dans une perspective de moyen terme, car elle gèle la revalorisation des plafonds jusqu’au retour à l’équilibre de nos finances publiques. Nous espérons tous que celui-ci sera rapide, mais la baisse de 5 % des remboursements et le gel traduisent l’effort de tous et, en l’espèce, des partis politiques.

Volontaire, cette réforme l’est, puisqu’elle a vocation à s’appliquer aux échéances de 2012.

Dernier point que je voulais souligner et qui explique que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée : applicable en 2012, il est nécessaire que cette réforme soit adoptée dans les meilleurs délais pour qu’elle n’exerce pas d’effet perturbateur sur les plans de campagne des candidats.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les éléments très factuels que je souhaitais évoquer pour vous rendre compte du contenu de ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le redressement de nos finances publiques est aujourd’hui une priorité. En diminuant le remboursement par l’État des dépenses de campagne des candidats à l’élection présidentielle, le projet de loi organique qui nous est soumis contribuera à l’effort de redressement,…

M. Jean-Pierre Brard. Même Barroso l’a dit…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. …même si c’est pour une part modeste. Certes, ce texte n’entraînera que des économies faibles si on les rapporte à l’ensemble du budget de l’État,…

M. René Dosière. Faibles et virtuelles !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. …mais c’est en agissant sur l’ensemble des dépenses publiques que nous parviendrons à réduire notre déficit et notre dette. En outre, les responsables politiques ont un devoir d’exemplarité vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens.

C’est donc de manière parfaitement légitime que, dans le cadre du plan d’économies annoncé le 7 novembre dernier, le Premier ministre s’est engagé à prendre deux mesures de réduction des dépenses liées au financement de la vie politique. D’une part, le montant des crédits de l’aide publique aux partis politiques inscrits au projet de loi de finances pour 2012 a été réduit de 4 millions d’euros, pour revenir à environ 72 millions d’euros. D’autre part, le Premier ministre a annoncé l’intention du Gouvernement de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale. Cette limitation devrait procurer 4 millions d’euros d’économies supplémentaires au budget de l’État en 2012.

Pour les élections autres que l’élection présidentielle – à savoir, en 2012, pour les élections législatives - la diminution des remboursements par l’État des dépenses de campagne a déjà été votée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Un article 48 A, dont M. le ministre a rappelé l’objet à l’instant, a été introduit par un amendement du Gouvernement ; l’Assemblée nationale l’a voté le 14 novembre dernier, puis le Sénat l’a adopté sans modification le 1er décembre.

Techniquement, cette diminution des remboursements de l’État, prévue dans le projet de loi de finances pour 2012, passe par une double mesure.

Premièrement, les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel. Cela signifie que, tant que nos finances publiques n’auront pas été ramenées à l’équilibre, les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés. Cette mesure vient donc neutraliser la disposition adoptée dans le cadre de la loi du 14 avril 2011, qui faisait partie de ce qu’on a appelé le « paquet électoral »: nous avions alors prévu que les plafonds de dépenses électorales seraient dorénavant révisés par décret tous les ans en fonction de l’inflation.

Deuxièmement, l’article 48 A du projet de loi de finances pour 2012 diminue de 5 % le taux de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses électorales. Concrètement, le remboursement maximal passe donc, pour les élections législatives et les élections locales, de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses. Je rappelle que seuls sont éligibles à ce remboursement les candidats à ces élections ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.

Pour l’élection présidentielle, en revanche, la réduction des remboursements des dépenses de campagne ne pouvait être décidé en loi de finances pour 2012, car une loi organique est nécessaire. Le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui transpose donc à l’élection présidentielle les deux mesures qui permettent de réduire les remboursements par l’État des dépenses de campagne. Ces mesures sont évidemment applicables dès l’élection présidentielle de 2012.

D’une part, le 2° de l’article unique du projet de loi organique rend applicable à l’élection présidentielle la règle du gel des plafonds de dépenses autorisées, tant que notre déficit public n’aura pas été ramené à zéro. Concrètement, les plafonds de dépenses électorales applicables à l’élection présidentielle resteront donc ceux qui résultent du dernier décret en date majorant les montants prévus dans la loi organique, c’est-à-dire le décret du 30 décembre 2009. Ces montants-plafonds sont les suivants : 16,851 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour ; 22,509 millions d’euros pour les candidats accédant au second tour.

M. Jean-Pierre Brard. Plafonds valables jusqu’à la Saint-Glinglin !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. D’autre part, le 1° de l’article unique diminue de 5 % le taux de remboursement des dépenses électorales engagées lors d’une élection présidentielle.

Cela a une double conséquence.

Premièrement, le taux de remboursement des candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés passe de 5 % à 4,75 % du plafond légal de dépenses, ce qui représentera en 2012 un montant maximal de 800 423 euros. Je souligne qu’il s’agit là d’une spécificité de l’élection présidentielle : tous les candidats à celle-ci, même ceux qui ont réalisé un très faible score, bénéficient d’un remboursement forfaitaire. Deuxièmement, pour les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, le remboursement forfaitaire passe de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses, soit un montant maximal d’un peu plus de 8 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour, montant porté à 10,7 millions d’euros pour les candidats présents au second tour.

L’économie permise par le projet de loi organique est estimée par l’étude d’impact à un montant d’environ 3,7 millions d’euros en 2012, montant d’économies qui s’ajoute à celui de la diminution des aides publiques versées aux partis politiques. Le coût prévisionnel total de l’élection présidentielle de 2012 serait ainsi ramené de 223,6 millions d’euros à 219,9 millions d’euros. Bien entendu, il ne s’agit que d’une évaluation indicative, puisque la réalité des économies qui résulteront de ce projet de loi organique ne pourra être constatée qu’a posteriori, en fonction du nombre de candidats à l’élection présidentielle, du nombre de voix que chaque candidat aura recueillies – combien d’entre eux obtiendront plus de 5 % des suffrages exprimés ? –, du contenu des comptes de campagne des candidats et des décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en cas de recours, par le Conseil constitutionnel. Le montant des remboursements peut en effet être modulé à la baisse en cas d’irrégularités comptables et le remboursement des dépenses électorales est exclu en cas de rejet du compte de campagne, de dépassement du plafond autorisé ou d’absence de dépôt du compte dans les délais.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à suivre la commission des lois et donc à adopter sans modification ce projet de loi organique.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. René Dosière, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. René Dosière. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe SRC, en déposant cette motion de rejet préalable et la motion de renvoi en commission que nous examinerons ensuite, a voulu que le débat puisse réellement s’engager sur ce texte en théorie important, mais que vous avez réduit, monsieur le ministre, à sa dimension minimale, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Il est donc tout à fait légitime de soulever, à cette occasion, des questions de fond et d’essayer de faire ce que vous ne faites pas, c’est-à-dire, finalement, de traiter les problèmes les plus importants, sans se contenter d’un peu de communication.

Pourquoi dis-je que les dispositions de ce texte sont minimales sur le plan quantitatif ? M. le ministre nous a parlé de 4 millions d’euros d’économies éventuelles.

M. Guy Geoffroy. 3,5 millions !

M. René Dosière. Ce chiffre est évidemment fort modeste, quand on considère l’évolution des dépenses engagées à l’occasion de l’élection présidentielle. En 1995, je le rappelle, elle a coûté 133 millions d’euros. En 2002, 200 millions. En 2007, 207 millions. On prévoit, disons le avec les réserves d’usage car on constate généralement après coup que les montants réels sont légèrement supérieurs, qu’elle coûtera 219 millions d’euros en 2012, soit 5 euros par électeur.

Cela dit, cette dépense est largement fonction du nombre de candidats. Ainsi, entre 1995 et 2002, le coût de l’élection présidentielle a augmenté de moitié. Bien entendu, la dépense par candidat a baissé de 15 %, mais, comme le nombre de candidats a augmenté de 78 %, la dépense totale a augmenté.

Cela rappelle un peu la manière dont on présentait le budget de la garden party de l’Élysée. La Présidence de la République insistait sur la diminution de son coût par invité, sans donner le nombre des invités, et l’on s’apercevait que celui-ci avait augmenté dans une bien plus large proportion que le coût par invité n’avait baissé. Ainsi, la dépense totale avait augmenté.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. On s’égare !

M. René Dosière. Le problème est ici le même : la dépense par candidat peut diminuer, mais l’augmentation du nombre de candidats est généralement telle que la dépense globale progresse très fortement.

Les économies réelles ne pourront donc être mesurées, comme l’a indiqué avec beaucoup de justesse et de précaution le rapporteur, qu’a posteriori.

M. Guy Geoffroy. Il y en aura, en tout cas !

M. René Dosière. D’autres économies, bien plus importantes, étaient possibles. En août 2006, dans le cadre des audits préalables à la RGPP, le ministre de l’intérieur et votre prédécesseur avaient été destinataires d’un audit du coût des élections. Étaient notamment recensées toutes les mesures que l’on pourrait prendre pour essayer de diminuer de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros le coût de l’élection présidentielle. Ce n’est pas une somme négligeable, même si je sais bien que le montant des emprunts contractés par la France en une heure était de 22 millions d’euros en 2011.

Sur le plan quantitatif, ce texte est donc très faible. Qualitativement, il est d’une très grande pauvreté.

M. Guy Geoffroy. Il dit ce qu’il a à dire !

M. René Dosière. J’appellerai votre attention sur quelques points qui ne sont pas traités, alors que cela aurait pu être le cas dans un texte relatif à l’élection présidentielle.

Tout d’abord, le projet de loi organique ne traite pas de la déclaration de patrimoine du Président de la République. On le sait, les responsables politiques doivent en faire une au début et une autre à la fin de leur mandat. Il s’agit de vérifier qu’il n’y a pas eu d’enrichissement au cours du mandat : tel est l’unique objet de cette double déclaration de patrimoine.

Il faut donc que les deux déclarations puissent être comparables. S’agissant des députés, c’est la commission pour la transparence financière de la vie politique qui s’en occupe. J’ai toujours un peu de mal avec ce mot de « transparence » qui figure dans sa dénomination, dans la mesure où aucune publicité n’est organisée.

S’agissant du Président de la République, notons tout d’abord que l’exactitude de sa déclaration n’est aucunement vérifiée. Personne ne la vérifie ! C’est, en revanche, la seule déclaration qui soit rendue publique : transmise au Conseil constitutionnel, elle est publiée au Journal officiel.

On peut penser que la publicité au Journal officiel permet de comparer les deux déclarations, faites l’une en début et l’autre en fin de mandat, et d’apprécier si le patrimoine s’est modifié de manière anormale. Encore faut-il que ces déclarations soient comparables. Or, la situation matrimoniale du Président de la République ayant changé, la déclaration de patrimoine qu’il fera en fin de mandat n’aura plus rien à voir avec celle qu’il a faite lorsqu’il a pris ses fonctions.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ça vole haut ! Quelle délicatesse !

M. Guy Geoffroy. Toujours dans les grands principes, monsieur Dosière !

M. René Dosière. Il y a là quelque chose d’anormal. À partir du moment où l’on ne peut plus comparer ces deux déclarations, elles n’ont plus aucune utilité. Autant les supprimer !

Nous pensons que la réalité nous oblige à adapter la législation. En cas de changement de régime matrimonial – la déclaration étant faite au nom de la communauté et non de l’individu seul –, le Président de la République serait tenu de faire une deuxième déclaration, publiée immédiatement au Journal officiel. Ainsi pourrait-on donner un sens à la comparaison des déclarations de patrimoine. Nous en reparlerons puisque j’ai déposé un amendement à ce sujet.

La deuxième insuffisance qualitative de ce texte concerne les dépenses du Président sortant qui n’est toujours pas candidat.

J’évoquerai d’abord, les sondages. On le sait, l’Élysée est un grand amateur de sondages. Les rapports de la Cour des comptes et les travaux de notre collègue Jean-Pierre Brard l’ont montré.

Si j’évoque les travaux de M. Brard sur le service d’information du Gouvernement, c’est que l’on sait, d’après un rapport de la Cour des comptes, qu’entre le SIG et l’Élysée, il existe une certaine porosité : quand l’un diminue ses sondages, l’autre les augmente.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un principe de physique !

M. René Dosière. Quoi qu’il en soit, des sondages sont réalisés et, par définition, ils ont pour objet d’essayer de mesurer les thèmes sensibles dans l’opinion. Autrement dit, ils contribuent très largement à définir un programme.

Or nous n’avons aucune précision sur ces sondages. En 2008 et 2009, le rapporteur spécial de la commission des finances avait obtenu et publié dans son rapport la liste de tous les sondages et des organismes qui les réalisaient ; aujourd’hui, c’est l’inconnu.

Je souhaite que la Présidence de la République puisse, comme elle l’a fait par le passé, rendre publique la liste des sondages réalisés durant l’année 2011, de manière à permettre de vérifier si ces dépenses ont vocation à définir ou améliorer un éventuel programme électoral.

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes à la veille de Noël : tous les vœux sont permis !

M. René Dosière. On peut toujours rêver, en effet. Et c’est le rôle du Parlement de faire des suggestions, que le Gouvernement prendra ou non en compte.

Une autre insuffisance qualitative, un autre sujet absent de ce texte, concerne les déplacements du Président qui n’est pas encore candidat.

En dehors de l’intéressé, personne ne nie la teinte électoraliste de ces déplacements, pas même la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, que nous avons saisie et qui déclare : « Toutefois, si au cours des manifestations auxquelles [le Président] participe dans la période précédant l’annonce éventuelle de sa candidature à la prochaine élection, il est amené à exposer les éléments d’un programme de futur candidat, le coût de l’organisation de ces manifestations devrait être réintégré ultérieurement au compte de campagne, en tout ou en partie. »

Il y a là une ambiguïté. D’ailleurs, plusieurs éléments plaident en faveur du caractère assez électoraliste de ces déplacements. J’en indiquerai trois.

D’abord, le rythme des déplacements. Lorsqu’on a commencé à soulever cette question, Mme Pécresse a répondu que le Président s’est toujours déplacé et qu’il se déplacera toujours. Certes, et c’était aussi le cas de ses prédécesseurs.

M. Jean-Pierre Brard. Même sur place, il se déplace !

M. René Dosière. Cependant, le rythme des déplacements n’est plus du tout le même. Durant les trois premières années de la présidence, la moyenne était d’environ cinquante déplacements par an. Or, en 2011, le rythme est de l’ordre de soixante-dix déplacements. Par exemple, on compte six déplacements en octobre, sept en novembre et six en dix-sept jours seulement au mois de décembre ! Le rythme des déplacements s’accélère, ce qui révèle leur caractère électoraliste. Sans cela, pourquoi, brusquement, à la veille des élections présidentielles, le Président, qui n’est pas candidat, déciderait-il d’accentuer ce rythme ?

Cette situation anormale devrait alerter la Commission nationale des comptes de campagne et la conduire à demander au moins l’inscription des déplacements supplémentaires dans les dépenses de campagne du futur candidat.

Le second élément électoraliste à prendre en compte est le choix des déplacements et leur organisation.

Les populations concernées sont ciblées : ce sont souvent des ruraux, des seniors ou des ouvriers, dont il faut essayer de récupérer les voix.

On note également que les invités sont triés sur le volet. Ce sont généralement des sympathisants de l’UMP qui reçoivent des invitations, voire des rappels téléphoniques de la préfecture. Les opposants sont, quant à eux, tenus très à l’écart et ils n’ont guère la possibilité de s’approcher. Tout cela se passe en famille. Parfois, il semble même que ce n’est plus le Président de la République qui se déplace mais le chef de l’UMP. Certes, c’est un peu la même chose, puisque tout ce qui concerne l’UMP se décide à l’Elysée, au cours de petits-déjeuners, de déjeuners ou de dîners. Là aussi, la connotation électoraliste de ces déplacements est évidente.

Enfin, troisième élément, l’analyse de certains discours fait apparaître leur connotation électoraliste évidente. Je pense notamment au discours du Tricastin, véritable caricature des propositions de François Hollande sur le nucléaire.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Lesquelles ? Il en change souvent !

M. Guy Geoffroy. On s’y perd un peu !

M. René Dosière. La presse s’en est pourtant suffisamment fait l’écho !

Au Tricastin, il s’agissait clairement d’essayer de récupérer des voix et de proposer une argumentation électoraliste, puisque, par définition, la dépense électorale cherche à recueillir des voix.

D’ailleurs, la Commission nationale des comptes de campagne souligne que, dans le cas où elle serait amenée ultérieurement à rétablir dans les comptes de campagne du Président certaines de ces dépenses à caractère électoral, elle ne prendrait pas en compte la sécurité, considérant, que, dans ce domaine, le Président de la République doit être protégé.

Je regrette que le ministre de l’intérieur ne soit pas présent et qu’il échappe systématiquement aux questions que Jean-Jacques Urvoas ou moi-même lui posons à ce sujet.

M. Guy Geoffroy. C’est très désobligeant pour M. Richert !

M. René Dosière. La sécurité personnelle du Président de la République est assurée par le service de protection des hautes personnalités, c’est-à-dire par les quatre-vingts policiers recrutés et payés par l’Élysée. Le chef de l’État doit avoir une sécurité rapprochée qu’il détermine lui-même. Personne ne met cela en cause.

En revanche, voici ce qui est mis en cause. Au cours de ses déplacements, les mesures prises pour qu’il soit encadré par des policiers, des gendarmes, des gardes mobiles, des CRS, des policiers municipaux ou des sapeurs pompiers, sont extraordinaires. Ceux qui ont eu l’occasion de servir sous les présidents précédents, Chirac ou Mitterrand, n’ont jamais connu de telles mesures et ils sont stupéfaits de voir l’importance des forces de police mobilisées. Elles sont d’ailleurs si nombreuses que tous ceux qui pourraient avoir à protester contre la visite du Président sont repoussés à des distances telles que le Président ne risque pas de les entendre ! Les préfets sont ainsi amenés à renforcer ces mesures, ce qui assure également leur sécurité.

Le ministre de l’intérieur s’obstine à ne pas répondre aux questions précises qui lui sont posées. Or, j’appelle votre attention sur ce point, monsieur le ministre, le rôle d’un parlementaire est de contrôler l’usage de l’argent public : c’est un principe constitutionnel depuis 1789, depuis qu’il existe une Assemblée nationale en France. C’est même là le fondement de notre mission, conformément à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pourtant, lorsque nous interrogeons le ministre de l’intérieur sur la quantité de forces de police mobilisées à l’occasion de tel déplacement du Président – et nous l’interrogeons après coup, car il ne s’agit pas de révéler ce nombre à des manifestants éventuels, mais de nous permettre de juger si l’usage des forces est proportionné –, il ne nous répond pas ou, plus exactement, il nous fait une réponse digne d’être adressée à un élève policier de première année. Mais Jean-Jacques Urvoas et moi-même ne sommes pas des élèves d’une école de police, nous sommes des parlementaires, et notre mission est de contrôler l’usage de la force publique. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez rappeler au ministre de l’intérieur qu’il a un devoir de réponse et qu’il ne saurait se soustraire au contrôle du Parlement. Nous le poursuivrons de nos questions aussi longtemps qu’il ne donnera pas de réponses.

Fort heureusement, comme le ministre de l’intérieur ne contrôle pas encore la totalité de la presse locale, nous avons, par le biais des journalistes qui enquêtent sur le terrain, un certain nombre d’indications. Ainsi, nous pouvons dire que l’on mobilise en moyenne 1 000 personnes – policiers, gendarmes ou force mobile – pour assurer la sécurité lors d’un déplacement du Président de la République.

Cela représente un coût de 500 000 euros, totalement prohibitif. Si le Président de la République, à l’instar de ses prédécesseurs, mobilisait des forces de police en nombre plus normal, car il est tout à fait légitime de prendre des mesures de précaution, le coût de ces forces de sécurité serait ramené à 150 000 euros. Aujourd’hui, à l’occasion de chaque déplacement du Président de la République, on constate donc un surcoût en matière de sécurité par rapport à ses prédécesseurs de l’ordre de 350 000 euros.

Et pendant ce temps, tous ces policiers mobilisés ne font pas ce pour quoi ils sont formés, lutter contre la délinquance. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur s’obstine à ne pas donner les chiffres : il ne veut pas faire apparaître le nombre de policiers détournés de leur mission principale.

En réponse à la remarque de la Commission nationale des comptes de campagne, j’indique que, pour chiffrer le coût des déplacements, il faut s’appuyer sur le chiffre calculé par la Cour des comptes. Sur l’ensemble des déplacements de l’année 2009, ce chiffre s’établit à 93 404 euros en moyenne, auxquels il convient d’ajouter les dépenses qui restent à la charge des collectivités locales, de l’ordre de 10 000 à 20 000 euros par déplacement. Le coût des déplacements, hors forces de sécurité, s’élève ainsi à quelque 113 000 euros. Vingt déplacements coûtent donc 2,260 millions d’euros, dépense qui mériterait de figurer dans le compte de campagne.

On nous objecte que ce n’est pas nouveau. J’ose espérer, monsieur le ministre, que vous ne nous donnerez pas à nouveau cette réponse, car elle ne témoigne pas d’une grande imagination. Au demeurant, ce n’est pas parce que certaines pratiques étaient en vigueur autrefois qu’il faut continuer à les appliquer.

D’ailleurs les choses ont changé. En 1995, le Président de la République n’était pas candidat, c’est le Premier ministre qui l’était et il avait contre lui un opposant socialiste mais surtout un opposant de son propre camp. Les rapports entre M. Balladur et M. Chirac étaient particulièrement tendus, ce que l’on voit d’ailleurs ressurgir quelques années plus tard. Il existait donc une sorte de surveillance mutuelle.

En 2002, le Président était candidat mais le Premier ministre l’était également. Eux aussi se surveillaient mutuellement.

En l’occurrence, le Président est seul à être candidat.

M. Guy Geoffroy. Et en 1988, ça s’est passé comment ?

M. René Dosière. Il organise donc ses déplacements selon son bon plaisir et en profite sans nuance – il est vrai que la nuance n’est pas son fort.

M. Pierre Lequiller. Vous, c’est l’objectivité qui n’est pas votre fort !

M. René Dosière. Enfin, il nous faudra être particulièrement attentifs au contrôle des comptes. Ce que nous avons appris ces derniers temps – car tout est désormais sur la place publique – aurait dû vous conduire à modifier la législation en la matière. En 1995, en effet, lorsqu’il a contrôlé les comptes de campagne des deux principaux candidats, le Conseil constitutionnel s’est déconsidéré.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Qui le présidait à l’époque ?

M. Guy Geoffroy. Leur ami !

M. Pierre Lequiller. On a les amis qu’on peut !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. C’était M. Dumas !

M. René Dosière. Ceci explique peut-être cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) De toute façon, il n’était pas seul à siéger.

Le Conseil constitutionnel, dira-t-on, n’avait pas l’expérience de l’analyse des comptes de campagne. Quand on voit les manipulations auxquelles il a procédé, on peut se poser la question. Fort heureusement, on lui a ensuite retiré ce contrôle pour le confier à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui dispose d’une plus grande expérience en la matière…

M. Jean-Pierre Brard. Ça dépend des jours !

M. René Dosière. …et qui, je l’espère, vérifiera beaucoup plus attentivement que la loi a été respectée pour les recettes comme pour les dépenses. Je note néanmoins que le Conseil constitutionnel restera juge des décisions de la Commission et qu’il aura, de ce point de vue, à recouvrer sa crédibilité. Cela nécessitera peut-être, ultérieurement, des changements dans sa composition. Toutefois, compte tenu de ce qui s’est passé en 1995, il aurait sans doute été souhaitable de modifier d’ores et déjà les procédures. Il ne s’agit pas de demander que le rejet d’un compte de campagne invalide l’élection du Président de la République – cela paraîtrait un peu excessif –, mais de renforcer les sanctions financières, afin d’éviter que l’on ne rejoue la sinistre comédie de 1995.

J’aurais pu faire bien des remarques encore, et Jean-Jacques Urvoas, qui défendra tout à l’heure la motion de renvoi en commission, montrera également que nous ne sommes pas allés au fond des choses : ce projet de loi organique est un texte minimal, qui ne traite aucun des problèmes liés à l’élection présidentielle. Cela n’a rien d’étonnant : il est à l’image de toute la politique gouvernementale. Il faudra pourtant bien, un jour, traiter ces problèmes de fond.

Au moment de conclure, je m’aperçois que la motion de rejet préalable, dont je pensais qu’elle n’était pas adaptée à mon propos, qu’elle n’était qu’un pis-aller me permettant d’avoir un temps de parole,…

M. Guy Geoffroy. C’est bien cela, en effet !

M. René Dosière. …m’apparaît, au terme de ma démonstration, tout à fait pertinente.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ça en fait au moins un de convaincu !

M. René Dosière. Dès lors que les sujets les plus importants ne sont pas traités, il n’y a pas lieu de délibérer. J’espère avoir suffisamment démontré que ce texte ne mérite pas que l’on allonge trop les débats et je souhaite, par conséquent, que la motion de rejet préalable soit adoptée : le Gouvernement pourrait ainsi remettre l’ouvrage sur le métier et revenir devant nous, dans quelque temps, avec un texte plus complet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Je serai bref, M. Dosière ayant été assez long et certains des points qu’il a abordés faisant l’objet d’amendements sur lesquels j’aurai l’occasion de m’exprimer.

Je ne parlerai pour le moment que des déplacements du Président de la République, dans l’hypothèse où il serait candidat à sa réélection.

M. René Dosière. Vous en doutez ?

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Monsieur Dosière, vous avez mentionné l’existence d’une lettre de la Commission nationale des comptes de campagne. Datée du 15 décembre, elle est adressée à deux députés socialistes qui l’avaient saisie. Mais n’aurait-il pas été plus honnête de la citer, plutôt que de gloser sur le sens que vous lui prêtez ?

M. Georges Colombier. Gloser, c’est tout ce qui l’intéresse !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. La Commission dit très exactement : « Si au cours des manifestations auxquelles il participe dans la période précédant l’annonce éventuelle de sa candidature à la prochaine élection, [le Président de la République] est amené à exposer les éléments d’un programme de futur candidat, le coût de l’organisation de ces manifestations devrait être réintégré ultérieurement au compte de campagne, en tout ou en partie. » C’est une évidence.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas nouveau ! C’était déjà comme ça en 2007 !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. La Commission poursuit : « Ne paraissent pas devoir être inclus dans les dépenses du compte de campagne les frais de transport du Président de la République et de ses collaborateurs, ainsi que le coût des mesures de sécurité et de protection liées à ses déplacements, en raison de leur caractère indissociable de l’exercice du mandat présidentiel. »

M. Georges Colombier. M. Dosière ne nous a pas dit cela !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. N’est-il pas plus honnête, monsieur Dosière, de citer la réponse de la Commission nationale des comptes de campagne ? Elle rappelle en outre que tout cela relève des candidats, que ce soit l’actuel Président de la République ou une autre personnalité que vous soutenez peut-être : c’est sous leur responsabilité que sera comptabilisé dans leurs dépenses de campagne tel ou tel déplacement, telle ou telle manifestation, et c’est eux qui auront à en répondre.

Vous avez rappelé que ces comptes, aujourd’hui expertisés par la Commission nationale des comptes de campagne, l’étaient autrefois par le Conseil constitutionnel : or, en 2002 déjà, le Conseil avait réintégré dans les comptes de campagne de M. Chirac des dépenses qui avaient été omises et qui concernaient des réunions s’étant déroulées à Tulle – une belle ville, au demeurant –, à Neuilly-sur-Seine, à Montpellier, à Carpentras, à Nice-Acropolis, à Pulnoy et à Menton.

M. René Dosière. En 1995, il en avait réintégré davantage !

M. Guy Geoffroy. Et alors ?

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Tout cela avait été fait normalement, comme ce sera fait, s’il y a lieu, par la Commission nationale des comptes de campagne. Je crois donc, monsieur Dosière, que vous avez enfoncé une porte largement ouverte.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. J’abonde dans le sens de M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Brard. C’est original ! D’habitude, les Alsaciens font mieux que cela !

Mme la présidente. Monsieur Brard, seul M. le ministre a la parole !

M. Philippe Richert, ministre. Je vous remercie infiniment, monsieur Brard. Quelle gentillesse ! Quelle hauteur de vue !

L’intervention de M. Dosière m’inspire trois remarques.

La première concerne ses longues considérations sur la situation du Président de la République. On dirait qu’il s’agit d’une préoccupation première : on se focalise sur tout ce qui concerne non pas simplement la Présidence de la République, mais le Président de la République actuel, sur la façon dont il exerce le pouvoir, sur ses déplacements, sur sa déclaration de patrimoine – sous prétexte qu’il a changé de situation matrimoniale. Focaliser totalement sur le titulaire actuel de la fonction me semble quelque chose d’un peu gênant, puisque c’est une règle générale pour le remboursement des dépenses de campagne que nous tâchons de mettre en place.

M. Dosière a estimé ensuite qu’il y aurait encore bien des sujets à aborder. Ainsi, il a considéré que, le Conseil constitutionnel n’ayant pas exercé ses prérogatives comme il l’aurait souhaité, on devrait modifier sa composition et le mode de nomination de ses membres. Il serait pourtant difficile d’introduire dans ce projet de loi organique une réforme du Conseil constitutionnel. Soit vous passez votre temps à décortiquer la manière d’être du Président de la République actuel, soit vous songez à aborder d’autres sujets, tels la composition du Conseil constitutionnel et le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne.

Enfin, monsieur le député, vous avez reconnu en conclusion que la motion de rejet préalable était un pis-aller vous permettant d’avoir du temps de parole pour rappeler des positions que vous avez déjà eu l’occasion d’exposer en bien des circonstances.

Tout cela a bien peu à voir avec le texte en débat, qui est très factuel, qui vise simplement à ajuster le remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Je suis donc défavorable à la motion et invite l’Assemblée à la rejeter.

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. On connaît le caractère pugnace, méticuleux, précis, consciencieux, du travail de notre collègue René Dosière. Or votre réponse, monsieur le ministre, a paru un peu embarrassée et poussive. Vous lui avez reproché de se « focaliser totalement » sur le Président de la République actuel. Mais le Président de la République actuel n’est pas virtuel, c’est bien lui que nous subissons. De qui voulez-vous que nous parlions ? Vous trouvez cela un peu « gênant » – c’est votre mot. Je comprends qu’il soit « gênant » de défendre ce Président de la République.

Je ne reprendrai pas tout ce qu’a dit René Dosière, même si c’était fort intéressant. Il a souligné plusieurs difficultés, notamment en ce qui concerne la déclaration de patrimoine. Ce qu’il a dit à ce propos ne vaut pas seulement pour le Président de la République, mais aussi pour les députés. Lorsque, ici même, avec le ministre d’État Charles Pasqua, nous avions débattu de la loi sur la corruption, j’avais souhaité que l’on étende la déclaration de patrimoine aux parents directs, car chacun sait qu’il est possible d’user de subterfuges. On peut s’interroger, par exemple, en cas de recomposition conjugale, sur le régime du mariage : séparation de biens ou communauté. Tout cela mérite d’être vérifié.

M. Dosière évoquait certains sondages. Quand on s’intéresse aux affaires du service d’information du Gouvernement, on fait une découverte fantastique : le SIG, au moins dans l’ancienne formule – j’espère que cela a changé –, n’avait pas du tout pour vocation de mesurer l’opinion des Français sur telle ou telle affaire, sur telle ou telle politique, mais d’essayer de déterminer quelles étaient les belles histoires que l’opinion publique souhaitait qu’on lui raconte pour qu’elle adhère à la politique gouvernementale. C’est à partir de cela qu’on élabore, dans le cabinet secret de l’Élysée, ce que l’on appelle les « éléments de langage », c’est-à-dire le discours de propagande.

Madame la présidente, vous l’avez bien compris, on pourrait ajouter bien des choses, par exemple sur les petits-déjeuners de l’UMP à l’Élysée. Chez Mme Merkel, ils ne seraient pas au compte de l’État, mais à celui de la CDU. Mais j’aurai l’occasion d’en reparler. En attendant, nous approuvons la motion défendue par René Dosière et espérons qu’elle sera adoptée.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. M. Dosière a reconnu lui-même – comme l’a fait très justement remarquer le ministre – qu’il était délibérément hors sujet. En effet, comme toute loi organique, le texte que nous examinons correspond à une commande constitutionnelle précise. Puisque c’est une loi organique, elle ne permet pas d’aller au-delà, de vaticiner, de faire au passage un petit peu de politique et de jouer, comme M. Dosière a l’habitude de le faire, les redresseurs de torts.

Du reste, non seulement les points qu’il a évoqués n’ont rien à voir avec le texte, mais ils n’ont pas lieu defaire l’objet d’une correction législative, puisque le droit actuel apporte des réponses à toutes ses préoccupations, fort légitimes par ailleurs si elles étaient restées à l’état de principe au lieu d’être utilisées contre le Président actuel. Non seulement le sujet n’intéresse pas M. Dosière qui, à l’évidence, n’a rien à dire, mais son intervention est totalement hors sujet et c’est navrant !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’êtes plus dans votre lycée, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. Deux remarques pour terminer.

La première va vous faire sourire. Nos amis socialistes n’ont vraiment pas grand-chose à faire : il y a quelques jours, nous avons appris que l’équipe de campagne du candidat François Hollande avait annoncé la création en son sein d’un observatoire des déplacements du Président de la République. C’est tout simplement hilarant ! Je tenais à le dire, car cela montre où en sont arrivés nos collègues…

Ma seconde remarque concerne le Conseil constitutionnel. Si nous voulions nous faire peur, nous nous dirions qu’il faut vite changer les textes ! Car demain, quid du Conseil constitutionnel avec un Sénat à gauche, un gouvernement qui serait l’émanation d’un Président élu à gauche, avec une Assemblée nationale qui, dans la foulée, serait elle aussi élue à gauche ? Face aux neuf conseillers constitutionnels de gauche, il n’y aurait plus, dans l’opposition, à droite, que trois malheureux anciens Présidents de la République. Quelle tristesse !

M. Georges Colombier. Ce serait l’Inquisition !

M. Guy Geoffroy. Vous avez donc raison de soulever le problème. Mais je crois que les Français vont vous donner une autre réponse, en n’élisant pas M. Hollande Président de la République. Et tous vos tourments seront effacés du jour au lendemain !

Pour ces raisons, le groupe UMP est tout à fait opposé à cette motion de rejet préalable, à laquelle M. Dosière lui-même a dit qu’il ne croyait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Pour l’instant, le Conseil constitutionnel est à droite !

M. Guy Geoffroy. Dans l’hypothèse soutenue par M. Dosière, ce serait l’inverse !

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe SRC.

M. Régis Juanico. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous expliquer rapidement pourquoi notre groupe votera la motion de rejet préalable de René Dosière, qui n’a pas été hors sujet, comme vous le prétendez, et qui n’a pas fait qu’enfoncer des portes ouvertes. Il a simplement indiqué, très judicieusement, que le plan d’économies qui nous était proposé était a minima et qu’il aurait pu être beaucoup plus ambitieux.

Le projet de loi organique que nous discutons ce soir est l’une des conséquences des trois mesures annoncées par François Fillon. D’abord le gel de la revalorisation des plafonds de dépenses électorales, plafonnement instauré pour éviter les errements du financement de la vie politique que nous avions connus dans le passé. Ensuite le coup de rabot de 5 % sur l’aide publique aux partis. Enfin le coup de rabot sur le taux de remboursement par l’État des frais engagés à l’occasion des différentes élections.

M. Guy Geoffroy. Excellentes mesures !

M. Régis Juanico. Au total, ces mesures vont représenter 7 à 8 millions d’euros d’économie. Il n’y a pas de quoi renflouer les caisses de l’État, que vous avez vidées allègrement ces dernières années, ni même combler le déficit de l’État, vous en conviendrez !

René Dosière a suggéré que nous aurions pu ajouter au débat un certain nombre de sujets tout à fait légitimes parce qu’ils préoccupent l’opinion, et parfois la heurtent ou la choquent. Nous avons parlé du train de vie de l’Élysée, mais nous pourrions aussi parler de celui de Matignon et de certains ministères, ou du coût des sondages, ou encore des déplacements qui, comme l’a démontré René Dosière, se multiplient pour ce qui est du Président de la République – notre collègue a évoqué les coûts hors sécurité des déplacements des personnalités de l’État.

Il me semble normal de poser ces questions puisque, in fine, ce sont les finances publiques et donc les contribuables qui paient ces dépenses. C’est pourquoi nous aurions souhaité un texte qui aille beaucoup plus loin dans les mesures d’économie.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe NC.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, je vais fusionner mon explication de vote avec les quelques mots que je comptais dire tout à l’heure à cette tribune.

Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je rejette la motion de rejet préalable soutenue par René Dosière, car bien que l’ayant écouté avec beaucoup d’attention, je ne l’ai pas entendu traiter du problème dont nous débattons ce soir. En effet, le texte proposé par le Gouvernement vise à diminuer la participation de l’argent public au financement de l’élection présidentielle et à son remboursement.

Monsieur Dosière, vous avez fait le procès du fonctionnement de l’Élysée. Lorsque vous dites que vous êtes dans votre rôle, qui est de contrôler l’argent public, vous auriez dû rappeler que c’est grâce au Président Sarkozy que la Cour des comptes peut désormais veiller sur le budget de l’Élysée !

M. Guy Geoffroy et M. Georges Colombier. C’est vrai !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Hunault. Cela n’avait pas été fait auparavant. Vous auriez pu avoir l’honnêteté de le dire.

M. Guy Geoffroy. C’est la mémoire sélective !

M. Michel Hunault. Dans une démocratie, nous avons tous intérêt à faire preuve d’un minimum d’honnêteté. L’opposition nous a habitués à s’opposer à tous les textes du Gouvernement, et elle s’oppose même à à celui-ci, qui vise à réduire de 5 % l’argent public consacré au remboursement des frais électoraux !

En outre, monsieur Dosière, vous nous donnez des leçons sur les déplacements du Président de la République. Certains de vos collègues dirigeant des collectivités territoriales ne devraient-ils pas être également mis sous surveillance ? Je ne citerai que le président de la région Île-de-France qui a été épinglé, il y a trois semaines, revenant d’un week-end à Deauville avec une voiture de fonction,…

M. Georges Colombier. Ah ?

M. Guy Geoffroy. Il roulait trop vite ?

M. Michel Hunault. …week-end qui n’avait rien à voir avec un déplacement en tant que président de région. Combien d’entre vous ont des collègues qui viennent à l’Assemblée nationale avec leur voiture de fonction, pour une mission qui n’a rien à voir avec l’utilisation de ladite voiture ?

M. René Dosière. M. Geoffroy pourrait dire que vous êtes hors sujet, monsieur Hunault. Je vous rappelle que nous parlons de l’élection présidentielle !

M. Michel Hunault. Si vous voulez donner des leçons, monsieur Dosière, je vous conseille de travailler à ce que le contrôle ne s’applique pas seulement au Président de la République, mais à tout le monde !

Monsieur le ministre, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je devais, lors de la discussion générale, vous assurer que nous vous apporterions notre soutien. Je le fais dès à présent. J’avais déposé des amendements que je ne défendrai pas parce qu’ils n’entrent pas dans le cadre de la loi organique. Toutefois, nous devrions nous réunir pour réfléchir sur la pratique des micro-partis, qui constitue un abus,…

M. Jean-Pierre Brard. Où est le Nouveau Centre en Polynésie ?

M. Michel Hunault. …et sur certaines dépenses de nos collectivités.

C’est la majorité actuelle qui a voulu mettre en place toutes ces mesures visant à plus de transparence, à l’image de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, que nous avons créée afin d’assainir le financement de la vie publique. Lorsque l’on regarde les dossiers d’actualité, il n’y a pas d’un côté les gens vertueux et, de l’autre, ceux qui auraient des leçons à recevoir. Nous avons tous intérêt à veiller à ce que les textes soient appliqués et respectés, car c’est sur le terrain de la suspicion que prospèrent ceux qui représentent les extrêmes et qui affaiblissent notre démocratie.

Monsieur Dosière, nous sommes tous, sur les bancs de cette assemblée, dépositaires de la même exigence de transparence et d’éthique. C’est pour cette raison que le Gouvernement nous invite à voter ce texte. J’aurais espéré que l’opposition apporte ses voix plutôt que de contribuer à entretenir la suspicion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes..

M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sauf erreur de ma part, c’est la quatorzième loi concernant le financement de la vie politique dont le Parlement est saisi depuis 1988.

A minima, cela pourrait traduire le fait que nous avons du mal à stabiliser notre réglementation. Néanmoins, de nombreuses insuffisances perdurent, auxquelles ce texte ne suggère pas de remédier.

Michel Hunault vient de l’évoquer : c’est notamment le cas des micro-partis – nous aurions pu saisir cette opportunité pour les encadrer – ou le fait que les dons versés par une même personne à différentes formations ne font pas l’objet d’un plafonnement global. Une telle générosité n’est évidemment pas condamnable ; on peut néanmoins trouver injustifié que le donateur puisse obtenir à chaque fois une réduction d’impôt et que la collectivité nationale encourage cette pratique.

Nous aurions pu trouver d’autres mesures dans ce texte. Mais vous ne les y avez pas mises. Permettez-nous de le regretter.

Je ferai une brève remarque sur les économies attendues par le Gouvernement. Le 30 novembre dernier, en rendant compte de l’intention du Gouvernement, Mme Pécresse a indiqué que ce texte permettrait au montant du remboursement de « connaître une diminution effective de 8 % par rapport à celui qui aurait été en vigueur en 2012 ». Le rapporteur a eu l’honnêteté de le relever : elle a raison à droit constant, mais surtout à nombre de candidats constant. Car l’économie attendue disparaîtra s’il y a plus de compétiteurs qu’il y a cinq ans et si plusieurs d’entre eux dépassent la barre de 5 % des suffrages exprimés.

On peut aussi s’étonner du calendrier de cette réforme qui intervient à quatre mois du premier tour, alors que plusieurs candidats ont déjà désigné leurs mandataires financiers et ont engagé leurs premières dépenses électorales. Je le rappelle, l’article 7 de la Constitution ne définit pas le périmètre de la comptabilisation des dépenses électorales.

On pourrait enfin y voir un texte qui conforte la stratégie suivie par le Président de la République et consistant à se déclarer candidat le plus tard possible, au détriment des autres candidats qui, eux, auront dû s’engager plus tôt.

Car la prochaine élection présidentielle, qui sera la neuvième élection au suffrage universel depuis 1958, ne ressemblera pas aux précédentes. Elle ne tiendra pas son originalité d’une modification du cadre juridique : pour l’essentiel, les règles applicables en 2007 n’ont pas été modifiées. Dans le domaine qui nous occupe, les modalités du remboursement par l’État des dépenses électorales sont fixées à l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, dont les dispositions ont valeur organique. L’originalité de la prochaine élection présidentielle ne tiendra pas non plus à l’identité des candidats qui se présenteront, car, pour l’essentiel, nous les connaissons. L’originalité à laquelle je fais allusion est la probable candidature du chef de l’État à son renouvellement.

Certes, la chose n’est pas fondamentalement nouvelle. Charles de Gaulle avait été candidat à sa propre succession en 1965, tout comme Valéry Giscard d’Estaing en 1981, François Mitterrand en 1988 ou Jacques Chirac en 2002.

Mais les contextes étaient différents. En 1965 ou en 1981, il n’existait pas d’encadrement financier de la compétition. En 1988, cher collègue Geoffroy, celui-ci était encore balbutiant puisque la loi du 11 mars 1988 venait à peine d’instituer le principe du plafonnement des dépenses électorales, tout en reconnaissant aux candidats la possibilité de recevoir des dons. En 2002, le cadre du financement était stabilisé, mais il y avait une cohabitation. Du coup, les candidats se regardaient différemment.

Par contre, 2012 est en tout point une élection particulière, ce qui explique notre vigilance.

M. Guy Geoffroy. Votre suspicion !

M. Jean-Jacques Urvoas. Non, notre vigilance, c’est une alerte que nous lançons.

D’abord le Président sortant, après avoir pleinement exercé ses pouvoirs, va probablement se représenter au terme d’un quinquennat. Or on sait que cette durée de mandat accélère les données de la vie politique et modifie sensiblement la place qu’occupe le Président de la République dans le fonctionnement des institutions, ce qui n’a pas été, nous le verrons, sans conséquence sur l’évolution de la jurisprudence qui encadre le statut du Président de la République.

Ensuite, la campagne va se dérouler selon des règles de propagande et de communication en période électorale qui ont été rendues sans cesse plus draconiennes au fil des années. En effet, il ne s’est pas passé une seule élection depuis 1988 où le juge de l’élection n’ait précisé par petites touches sa doctrine toujours plus restrictive en matière de dépenses électorales.

En 1988, par exemple, il avait souligné – c’était le début – combien les comptes de campagne qui lui avaient été adressés avaient fait apparaître des appréciations divergentes de la part des candidats en ce qui concerne la définition d’une dépense électorale. Pendant de nombreuses années, le Conseil constitutionnel s’est donc attaché, scrutin après scrutin, à lever les ambiguïtés. Tous, ici, nous ne pouvons que louer sa cohérence.

Comme l’écrivait le 20 janvier 1996, Olivier Schrameck, alors secrétaire général du Conseil constitutionnel, en commentant l’action du Conseil lors de la présidentielle de 1995, « cette consultation a donné lieu à des décisions qui ont enrichi la jurisprudence élaborée jusque-là dans le cadre du contentieux des élections législatives ». C’est en effet en 1995 que, pour la première fois, le Conseil constitutionnel a procédé au contrôle des comptes de campagne. Il a effectivement adapté à la présidentielle un certain nombre de dispositions qui avaient été prises pour les législatives.

Ainsi, en 1995, il a dû résoudre un problème qui ne s’était posé qu’à l’occasion d’une législative : la publication d’un ouvrage à caractère politique par un candidat. Il considéra – cela fait jurisprudence aujourd’hui – que si cette démarche n’était pas en elle-même un acte de propagande électorale, la promotion de cet ouvrage devait néanmoins être considérée comme une dépense de la campagne au sens de l’article L. 52-12 du code électoral.

A l’époque, Jacques Chirac avait ainsi vu son compte réformé de 500 000 francs pour deux ouvrages qu’il avait publiés, l’un en juin 1994, époque bien éloignée de l’élection, et l’autre en janvier 1995. Le Conseil a eu l’occasion, dans d’autres comptes, de transposer des obligations comparables à celles qui s’imposaient à des candidats aux élections municipales ou législatives.

En 2002, notre rapporteur y a fait référence il y a un instant, le Conseil réintégra pour partie les coûts relatifs à sept réunions publiques qui s’étaient pourtant tenues avant la déclaration officielle de candidature. Il avait estimé que ces rassemblements n’étaient pas organisés par le candidat, mais par le soutien d’un parti en vue de l’élection, et que ces dépenses devaient être considérées comme des dépenses électorales. La campagne de 2002 a aussi permis au Conseil d’appeler l’attention du législateur sur une question aujourd’hui en discussion. Il s’agit des incertitudes du calendrier des opérations électorales. Le Conseil a effectivement écrit, le 7 novembre 2002 : « Dès avant la publication de la liste des candidats par le Conseil, certaines personnalités qui envisagent de se présenter peuvent se comporter en candidats, ce qui soulève des problèmes de comptabilisation au regard des règles relatives à l’équilibre de la couverture médiatique, comme du point de vue de la législation sur le financement de la campagne ».

Comme l’a évoqué René Dosière, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est, depuis la loi organique votée en avril 2006, compétente, en première instance, pour vérifier les comptes, le Conseil retrouvant ses prérogatives en cas de rejet du compte par la Commission ou en cas de contestation de la décision de cette dernière. Le fait que la Commission nationale soit maintenant responsable de ce contrôle a conduit, dès la dernière élection présidentielle, à une harmonisation des pratiques. Il est assez logique qu’elle ait été mandatée, car elle a une expérience diversifiée du contrôle des comptes de campagne, toute son organisation étant dédiée à cette tâche. Elle a ainsi établi utilement, pour un même type de dépenses, une règle commune à l’ensemble de ces élections.

Il y a pourtant encore un certain nombre de zones d’ombre qui méritent d’être dissipées dans la perspective de l’an prochain, ce qui justifie cette motion de renvoi en commission, le ministre devant apporter des précisions sur ce point. Ces zones d’ombre portent sur ce qui doit être remboursé ou ce qui doit figurer dans le compte de campagne.

Il y a d’abord la notion de « candidat ». Il ne s’agit pas de s’intéresser au fait que Nicolas Sarkozy tienne des meetings imputés à son compte de campagne. Chacun s’accorde à reconnaître que, lorsqu’il sera candidat, ses meetings figureront dans son compte de campagne. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir à quel moment Nicolas Sarkozy sera considéré comme étant candidat. Or la notion de « candidat » n’est définie dans aucun texte. La seule date qui figure est celle du 19 mars 2012, lorsque le Conseil publiera la liste officielle des candidats à l’élection présidentielle. On pourrait ainsi, par exception, et c’est ce que sous-entendent aujourd’hui le Gouvernement et sa majorité, considérer que, tant que le candidat Nicolas Sarkozy ne s’est pas déclaré, il n’est pas candidat. Il peut donc exercer, avec l’argent de l’État, toutes les activités possibles et imaginables, sans que cela figure dans le compte de campagne.

Cette vision n’est malheureusement pas juste. Un certain nombre d’organismes officiels ont déjà commencé à tracer des contours nettement plus réalistes. Je citerai par exemple le cas du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui observe les agissements des candidats. Depuis le 23 octobre 2001, ce n’est donc pas récent, il a pris l’habitude de différencier les candidats déclarés et les candidats qu’il appelle « présumés ». Un candidat présumé est une personne qui concentre autour d’elle des soutiens à sa candidature.

Les déplacements électoraux, cœur du propos de René Dosière, nous interpellent également. Le meeting de Toulon était-il un déplacement électoral ? La majorité nous explique que non, considérant que ce déplacement était organisé dans le cadre de l’activité du Président de la République, qui a parlé de son action en tant que Président de la République, meeting qui n’a donc aucune raison de figurer dans le compte de campagne hypothétique de Nicolas Sarkozy. Étudions ce point avec précision. En 2007, la Commission des comptes de campagne avait demandé à un candidat de réintégrer les dépenses d’un meeting, lequel s’était tenu avant sa propre déclaration, mais où il avait exposé des éléments qui allaient devenir son programme électoral. C’est donc, en toute logique, que M. Logerot a signé le courrier que le rapporteur et René Dosière ont évoqué, courrier en date du 15 décembre dernier. Rappelons en effet, à ce stade, que la législation sur le financement et le plafonnement des dépenses comporte des obligations concrètes à partir du début de l’année précédant le premier jour du mois de l’élection. Cela signifie par conséquent, dans le cas de 2012, que, depuis le 1er avril 2011, un certain nombre de dépenses peuvent se retrouver dans le compte de campagne.

M. Régis Juanico. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Urvoas. Ces questions ne sont pas mineures et c’est pourquoi nous les soulevons à l’occasion de l’examen de ce projet de loi organique.

Le principe d’égalité devant le suffrage et le principe de sincérité des élections sont les fondements de la démocratie représentative. Si la démocratie est représentative, la qualité de la démocratie repose sur la qualité de ce qui fait la représentation, c’est-à-dire l’élection, et la qualité de l’élection dépend de l’égalité des candidats devant le suffrage et de la sincérité de l’élection. Or, comme l’argent est devenu un facteur important, sinon déterminant, d’une élection, en particulier dans le cadre de la présidentielle, le respect de l’égalité et de la sincérité dépend du régime de financement des dépenses électorales. Selon son contenu, il garantit ou non l’égalité ou la sincérité. Cela signifie concrètement que les dépenses engagées pour des manifestations auxquelles un candidat participe dans la période précédant l’annonce éventuelle de sa candidature peuvent être réintégrées ultérieurement dans son compte de campagne.

En d’autres termes, toutes les dépenses avant la déclaration officielle de candidature n’ont évidemment pas vocation à figurer dans le compte de campagne, quand il s’agit du Président de la République notamment. Mais nous prétendons que les réunions au cours desquelles le candidat a eu l’occasion d’exposer ce qui pourrait se retrouver dans son programme, ou à l’occasion desquelles il s’est livré à des critiques de candidats déclarés, occasionnent des dépenses qui doivent figurer dans le compte de campagne. C’est une règle de bon sens et il n’est tout de même pas interdit au droit d’en faire preuve !

Une autre juridiction administrative a d’ailleurs commencé à prendre ce chemin. Une décision du Conseil d’État a contribué à lever une ambiguïté sur le statut du Président de la République. Longtemps, le chef de l’État a vu son temps de parole exclu de la comptabilisation des temps de parole de nature politique. Ce principe, arrêté en 1969, n’a à vrai dire jamais été contesté avant 2005. Un consensus existait, partagé par tous, sur l’interprétation traditionnelle de la Constitution qui voyait dans le Président de la République non un chef de parti mais un « arbitre », notion présente dans l’article 5 de la Constitution. Cette situation singulière vis-à-vis de la nation suffisait à ce qu’il bénéficie d’une immunité verbale. La première contestation vint à la suite de la campagne précédant le référendum du 29 mai 2005. Saisi, le Conseil d’État estima, dans un arrêt du 13 mai 2005, dit arrêt Hoffer que la tradition républicaine d’expression du Président de la République n’avait pas été enfreinte et que c’est à bon droit que le CSA n’avait pas comptabilisé dans le temps de la majorité ou du Gouvernement celui du Président de la République. Mais, en 2009, il modifia son jugement afin de tenir compte, notamment, de la place croissante de la parole de Nicolas Sarkozy dans le débat politique, et notamment dans les médias audiovisuels. En effet, le rapporteur public du Conseil d’État constate qu’alors que les interventions du chef de l’État représentaient, en moyenne, 7 % du temps de parole des personnalités politiques entre 1989 et 2005, elles dépassaient 20 % au cours des quatre trimestres allant de juillet 2007 à juin 2008, lorsque la contestation est intervenue.

C’est donc la pratique des institutions de l’actuel chef de l’État qui a entraîné une modification de la jurisprudence du Conseil d’État. Je cite, là encore, ce que nous dit le rapporteur public du Conseil d’État, jugeant cette situation. Il estime : « Le chef de l’État est l’homme d’une politique » et « dans ces conditions, il paraît difficile de considérer que [sa] parole est par nature et toujours neutre au regard de l’équilibre à rechercher entre l’expression des courants d’opinion politiques ». Le Conseil d’État censura donc une décision du CSA en imposant que la parole du Président soit dorénavant « prise en compte pour le respect du pluralisme » par un considérant qui doit être analysé comme étant de principe et donc d’application générale. Je cite le Conseil d’État : « Compte tenu du rôle qu’il [le Président de la république] assume depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 dans la définition des orientations politiques de la nation [...] ses interventions et celles de ses collaborateurs [ne peuvent] être regardées comme étrangères, par principe et sans aucune distinction selon leur contenu et leur contexte, au débat politique national et, par conséquent, à l’appréciation de l’équilibre à rechercher entre les courants d’opinion politiques ».

Cette décision de 2009 avait beaucoup surpris. Pourtant, dès octobre 2007, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par Édouard Balladur considérait comme une anomalie que le temps d’expression du Président de la République ne soit pas pris en compte dans le temps de la majorité ou du gouvernement. Édouard Balladur écrivait : « Cette situation est la traduction d’une conception dépassée du rôle du chef de l’État ».

Par le parallélisme des formes que pratiquent traditionnellement les juristes, il est probable que le futur compte de campagne de Nicolas Sarkozy devra donc intégrer une partie des déplacements du Président de la République depuis le 1er avril 2011. Comment pourrait-il, d’ailleurs, en être autrement ? J’évoquais précédemment le rassemblement de Toulon. Le trésorier de la fédération UMP du Var a précisé à ce sujet, sur le site du Monde le 2 décembre dernier, que sa fédération avait financé l’affrètement d’une quinzaine de cars afin d’assurer le déplacement des militants pour aller assister à ce discours. On voit bien là qu’il y a tout de même une dimension partisane, à moins que je ne connaisse pas bien l’utilité des fonctions des fédérations des partis politiques !

Il conviendra aussi d’intégrer les déplacements des collaborateurs du Président de la République. Je pense par exemple aux frais engagés pour les réunions de M. Henri Guaino, « conseiller spécial du président », titre mentionné sur ses affiches. Il s’envole chaque semaine pour tenir meeting devant les militants UMP tout en prenant soin de préciser dans Libération du 14 décembre dernier qu’il en a soumis l’idée au chef de l’État, qui lui a dit banco. Et le journal d’énumérer les cinq dernières dates des six dernières semaines – Égletons, Saint-Quentin, Vaujours, Agen, Évreux...– avant que le conseiller spécial ne se rende bientôt à Poitiers, Royan, Carpentras et Tarbes. J’ajoute que le Conseil d’État a aussi dans sa décision mentionné que « les interventions publiques des collaborateurs du Président » devaient tout autant que les siennes être comptabilisées, afin que cela ne se déroule pas au détriment du temps de l’opposition.

M. Régis Juanico. C’est évident !

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce genre de déplacements – ceux d’Henri Guaino, mais aussi d’autres conseillers du Président – entre parfaitement dans la catégorie définie par le Conseil constitutionnel dans ses observations de 1995 lorsqu’il évoquait des « dépenses apparaissant comme une manifestation d’une volonté d’en tirer parti » au profit d’un candidat.

Notre groupe souhaite donc que soit d’ores et déjà publié un état détaillé des dépenses liées à ces déplacements.

Et que l’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit pas, pour nous, de nier à Nicolas Sarkozy sa capacité à s’exprimer en sa qualité de chef de la République,…

M. Guy Geoffroy. Il ne manquerait plus que ça !

M. Jean-Jacques Urvoas. …il ne s’agit, et je cite le Conseil d’État, ni de limiter ni de cantonner ou d’enfermer sa parole. Il convient simplement de reconnaître, comme le précise la juridiction administrative, qu’il est difficile de considérer que « par nature et toujours sa parole [soit] neutre ». C’est pourquoi elle invite le Conseil supérieur de l’audiovisuel à distinguer, dans les interventions du chef de l’État, « ce qui relève des enjeux politiques nationaux et ce qui y est étranger ». D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de cette préconisation, le 1er septembre 2009, le CSA a estimé que 60 % des interventions du chef de l’État devaient être comptés au titre du débat politique national. Si on décide, demain, que 60 % des déplacements du Président de la République doivent figurer dans le compte de campagne, chacun y trouvera son compte. Il est dès lors évident que la Commission nationale des comptes de campagne estimera, demain, que la totalité des déplacements de Nicolas Sarkozy n’est pas réductible à la fonction arbitrale du chef de l’État. On admettra d’ailleurs que cette notion d’arbitrage, véritable pont aux ânes des idées politiques de la Ve République, est de plus en plus un leurre.

En 1958, elle avait permis aux rédacteurs de la Constitution de surmonter leurs divisions sur la nature du régime qu’ils souhaitaient construire. Cinquante ans plus tard, elle est très éloignée du caractère réel de la Présidence de la République, éloignée même de la Constitution formelle qui impliquait, dès son origine, que le Président fût un chef de parti, ce que furent le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, et la figure de proue de la majorité qu’ont été tous les Présidents de la République successifs.

En conclusion, je voudrais attirer votre attention sur un dernier point qui vient encore plaider pour que le texte soit retravaillé en commission. J’en ai dit deux mots pendant le débat en commission.

Ce projet laisse pendante la question sensible de la contestation de la sincérité des comptes de campagne par les citoyens.

Je passe sous silence le fait, curieux, que l’élection présidentielle soit la seule consultation à n’être pas sanctionnée par une inéligibilité en cas de fraude sur le financement. Un conseiller général, un maire, un conseiller régional sera sanctionné d’inéligibilité s’il dépasse de quelques euros son compte de campagne, et un candidat à l’élection présidentielle ne le sera pas même s’il le dépasse de millions d’euros, tout simplement parce qu’il n’est pas prévu de sanction. L’élection présidentielle est l’élection la plus chère et il n’y a aucune sanction.

Cela dit, ce dont je veux parler, c’est du calendrier post-électoral, qui souffre d’une malformation.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par un citoyen d’éventuels abus manifestes, mais la proclamation des résultats de l’élection doit se faire dans les dix jours qui suivent le tour décisif. Or la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a un mois pour se prononcer sur la validité des documents qu’elle reçoit. Dans ses conditions, un éventuel abus manifeste dans l’utilisation des deniers publics ne pourra pas être valablement sanctionné.

Certes, on sait depuis le comte de Saint-Simon que la force de l’opinion est supérieure à celle des gouvernements, mais il n’est pas sain que le droit laisse une telle lacune perdurer. Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous souhaitons que la motion de renvoi en commission soit adoptée et que nous puissions retravailler une partie de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Je n’ai rien entendu dans le discours de M. Urvoas qui puisse justifier une motion de renvoi en commission. À aucun moment, il n’a parlé du contenu du texte. Toute son allocution a été consacrée à des sujets qu’il aurait aimé y voir figurer et qui, à son grand regret, n’y sont pas.

J’ajoute que, sur certains points qu’il a évoqués, le groupe socialiste avait présenté des amendements. Ils ont été discutés en commission, l’un a reçu un avis favorable et les autres des avis défavorables.

La messe est dite, allais-je dire pour M. Brard. Il faut en tout cas rejeter cette motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous savez au moins que, si la parole est d’argent, le silence est d’or, tellement votre réponse fut brève.

Je suis totalement d’accord avec ce qu’a dit M. Urvoas, sauf sur un point. Il a parlé de chef de la République à propos du Président de la République. Chef de l’État, oui, mais la République est trop précieuse pour que Nicolas Sarkozy en soit le chef. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La République n’a pas de chef, c’est la réalité, et je vous renvoie à l’histoire de notre pays.

La loi doit être précise, y compris pour éviter une jurisprudence se déterminant en fonction des aléas du contexte, et ce projet n’est pas précis.

Monsieur le rapporteur, vous critiquez M. Urvoas parce qu’il est des sujets qu’il aurait aimé voir dans le texte, mais je croyais que notre spécificité était d’avoir le droit d’amendement.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Oui. Des amendements ont bien été présentés et défendus !

M. Jean-Pierre Brard. Compte tenu de l’avalanche de textes qui nous arrivent, vous en conviendrez vous-même, nous n’avons pas assez de temps pour travailler et il n’est donc pas indécent de vouloir retourner en commission pour travailler davantage.

Le texte qui nous est proposé, éclairé par la Commission nationale des comptes, donne de telles marges à l’impétrant devant justifier de la sincérité de ses comptes que c’est non plus la Commission nationale qui jugera vraiment, mais le candidat lui-même, puisque c’est lui qui réintégrera tout ou partie des dépenses liées à sa fonction.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Sous le contrôle de la Commission et du Conseil constitutionnel !

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai qu’avec M. Logerot les choses ont évolué dans le bon sens, mais on pourrait parler à l’infini des pratiques de la Commission des comptes dans le passé, il y a suffisamment de collègues qui en sont informés.

Qui peut contester, monsieur le ministre, que la réunion Toulon 2 ait été une réunion de militants UMP ? Il est vrai que l’on n’est jamais trahi que par ses amis. Le président Sarkozy a été trahi par le secrétaire de la fédération départementale de l’UMP, qui a mangé le morceau en disant ce qu’il en était.

Rappelez-vous aussi du duo Obama-Sarkozy à Cannes. Et je te passe le céleri, et tu me passes la rhubarbe. Tu es le meilleur et moi je suis le moins mauvais.

Mme la présidente. Et tout ça en deux minutes, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Eux, ils ont pris beaucoup plus de deux minutes,…

Mme la présidente. Vous aussi d’ailleurs !

M. Jean-Pierre Brard. …y compris sur les chaînes publiques.

Vous voyez donc bien qu’il faut revoir tout cela de façon précise, le crayon à la main. Votre méticulosité aurait pu être très utile, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. M. Urvoas nous a confirmé ce que nous savions. Il est habile, compétent, et il nous a dressé, ce qui aurait pu nous illusionner, un panorama assez intéressant de ce que pensent à un certain moment de l’exercice de leur métier des institutions de notre pays.

M. René Dosière. Cela commence mal !

M. Guy Geoffroy. On surfe de la Commission des comptes de campagne vers le Conseil d’État, en passant par le Conseil constitutionnel et, si nous étions dupes, nous aurions le sentiment qu’après la démonstration financière accablante de M. Dosière, nous avons une démonstration juridique étonnante et convaincante de M. Urvoas.

En fait, M. Dosière était hors sujet et M. Urvoas, avec son talent, a fait du hors-piste, mais il s’est un peu planté parce qu’il a dit exactement l’inverse de ce qu’avait expliqué M. Dosière.

M. Dosière, dans un moment d’inattention, a parlé du Président qui n’est pas encore candidat avant de parler du candidat qui ne serait plus Président, et M. Urvoas est allé dans ce sens. Si l’on écoute bien ces deux discours prétendument complémentaires mais en fait totalement contraires, le Président de la République actuel n’a pas le droit d’être candidat à l’élection présidentielle à venir, à moins de renoncer à être le chef de l’État, pour reprendre la formule de M. Brard.

Vous attaquez tellement l’homme que vous videz de leur substance les propos éventuellement de qualité que vous tenez et les explications que vous entendez faire valoir.

La commission des lois s’est réunie à deux reprises, et encore cet après-midi. Il n’y avait pas foule, je le confesse, et le Journal officiel portera mention de ceux qui étaient présents. À aucun moment elle n’a eu droit à l’étalage dans le détail de toutes les précisions qui viennent de nous être données et à leur traduction potentielle en amendements au texte qui nous est proposé.

Il faut donc se rendre à la raison, en dépit de la très grande qualité intellectuelle et universitaire de la prestation de M. Urvoas. La commission a fait son travail, il n’y a nul besoin de revenir devant elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe SRC.

M. René Dosière. Je voudrais d’abord souligner la qualité de l’intervention de Jean-Jacques Urvoas, sans aucune arrière-pensée, monsieur Geoffroy, ce qui n’était pas tout à fait votre cas.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout ! Je suis sincère !

M. René Dosière. Nous avons eu droit à une démonstration très sereine, très approfondie, du fait qu’il y a aujourd’hui des ambiguïtés lorsque l’on traite de l’élection présidentielle, du rôle, de la place du Président de la République qui peut être candidat.

Je m’étonne d’ailleurs, monsieur le rapporteur, vous qui êtes un ancien conseiller d’État, que, pour répondre à Jean-Jacques Urvoas, qui s’est beaucoup appuyé sur les réflexions du Conseil d’État, vous ayez parlé plus de la forme que du fond.

Oui, il y a pour la campagne électorale présidentielle de nouveaux problèmes liés au quinquennat, c’est maintenant que l’on s’en rend compte, problèmes liés au style particulier du Président de la République, et c’est bien de celui-là que nous sommes obligés de parler. Quand Jean-Jacques Urvoas souligne que le nombre d’interventions du Président de la République est trois fois supérieur à celui de ses prédécesseurs, il y a quelque chose de nouveau, et l’on doit en tenir compte. Lorsque, pour la première fois sous la Ve République, les collaborateurs du chef de l’État prennent des positions politiques, rappellent à l’ordre les ministres et composent les gouvernements, avec l’accord du Président de la République, cela doit naturellement être pris en compte. Je suppose que M. Guaino prépare aussi ses discours pendant qu’il travaille à l’Élysée, et cela pose donc un problème.

Nous devons prendre en compte tous ces éléments nouveaux et Jean-Jacques Urvoas a montré que tel n’était pas le cas. Il a donc raison de souhaiter que nous puissions approfondir notre réflexion. Il faudra bien un jour apporter des réponses à toutes ces questions. Puisque vous ne le faites pas, nous le ferons ultérieurement.

M. Pierre Lequiller. À l’époque de Mazarine, il n’y avait pas d’observations !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de son nouveau plan d’austérité, début novembre, François Fillon avait annoncé une réduction supplémentaire des dépenses de l’État d’un montant de 500 millions d’euros. Il avait à cette occasion souligné, non sans une certaine démagogie, qu’au moment où nous réduisions les dépenses de l’État, les partis politiques devaient aussi donner l’exemple et que le Gouvernement avait en conséquence « décidé de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5 % le plafond des dépenses prises en charge et le montant des aides aux partis politiques », demeurés pourtant stables ces dernières années. C’est sûrement la première fois d’ailleurs qu’un gouvernement de la Ve République propose de faire des économies sur l’exercice de la démocratie dans le pays.

Les mesures législatives et les réductions de crédits correspondantes figurent dans le projet de loi de finances pour 2012. Nous ne discutons ce soir que de la diminution des remboursements par l’État des dépenses de campagne de l’élection présidentielle, qui nécessite une loi organique.

Le présent projet de loi vise ainsi, d’une part, à diminuer de 5 % le pourcentage des dépenses électorales susceptibles d’être remboursées aux candidats à l’élection présidentielle et, d’autre part, à geler à son niveau actuel le plafond des dépenses autorisées durant la campagne, et, si nous vous avons bien compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, jusqu’à la saint-glinglin.

M. Philippe Richert, ministre. Jusqu’à ce que nous arrivions à l’équilibre !

M. Jean-Pierre Brard. Au rythme où vous y allez, nous ne sommes pas près de voir le bout du tunnel !

Nous ne nous sommes jamais signalés, historiquement, comme de chauds partisans du scrutin et de la fonction présidentiels, qui demeurent à nos yeux une anomalie institutionnelle, particulièrement dans le régime qui est le nôtre et compte tenu des coups de canif portés régulièrement au principe de séparation des pouvoirs.

Le texte qui nous est proposé ce soir aurait donc pu aisément recueillir notre adhésion s’il n’avait pour fonction première de détourner l’attention de nos concitoyens de questions plus graves, de dépenses et de gaspillages autrement scandaleux, et s’il n’avait pour conséquence de pénaliser les formations politiques dont le candidat à la présidentielle réunira le moins de suffrages.

Ce projet de loi vise ainsi à faire de l’affichage, à vous permettre de parader en champions de la vertu pour mieux détourner le regard de nos concitoyens de votre calamiteuse gestion des deniers publics.

Vous n’avez de cesse de dire que l’État doit faire des économies et réduire ses dépenses. Dans ce cas, pourquoi n’avez-vous pas remis en cause les cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux plus riches depuis cinq ans ? Je sens bien, monsieur le ministre, que je vous agace en le rappelant,…

M. Philippe Richert, ministre. Pas du tout ! C’est un bonheur de vous écouter !

M. Jean-Pierre Brard. …car j’appuie là où ça fait mal !

M. Philippe Richert, ministre. Ah bon ?

M. Jean-Pierre Brard. Il y a des gens qui nous regardent sur internet, et vous n’aimez pas qu’on leur rappelle vos agissements !

Pourquoi avez-vous, en juillet dernier, en pleine crise économique, allégé de 1,5 milliard d’euros, soit beaucoup plus que l’économie que vous nous proposez ce soir, le montant de l’imposition sur la fortune ? Pourquoi ne pas avoir remis en cause les allégements d’impôts dont le bénéfice a été massivement concentré, depuis dix ans, sur ceux que vous choyez, que vous aimez : les contribuables les plus riches ?

Vous dodelinez de la tête, monsieur le ministre, mais je n’aurai pas la cruauté de vous poser la question que j’ai déjà posée vingt-huit fois à Mme Pécresse, sans obtenir de réponse : est-il vrai que Mme Bettencourt a payé cette année 42 millions d’euros d’impôts et qu’elle n’en paiera plus que 10 millions l’année prochaine ? Faites la soustraction, et vous verrez combien le texte que nous discutons aujourd’hui est important !

Pourquoi ne pas être revenu, comme l’a proposé une partie de la majorité, sur la fameuse loi TEPA qui, à elle seule, a représenté, depuis 2007, un manque à gagner cumulé de plus de 20 milliards d’euros ? Les économies que vous proposez dans le présent texte relèvent de l’épicerie ! C’est bien le financement de la démocratie qui est en cause.

Votre bilan, c’est dix ans d’incurie budgétaire et plus de 180 milliards d’euros gaspillés en pure perte, prétendument au nom de l’adaptation à la mondialisation et à la concurrence fiscale. Que pèsent les 4 millions d’économies proposées ce soir au regard de ces milliards d’euros engloutis en cadeaux clientélistes ou encore au regard de la rémunération des grands patrons du CAC 40, dont vous n’avez cessé de servir les intérêts et d’alléger les impôts ?

Je vais vous donner quelques exemples, monsieur le ministre. Comment se fait-il qu’en pleine crise, le salaire du patron de Michelin, Michel Rollier, ait augmenté en un an de 500 %, passant à 4,5 millions d’euros ? Comment se fait-il que celui du patron de Peugeot, Philippe Varin, ait augmenté de 312 %, à 3,3 millions d’euros, alors que l’entreprise a annoncé la suppression de 6 800 emplois, dont 5 000 en France ? En valeur absolue, les patrons du CAC 40 ont touché cette année plus de 98,3 millions d’euros de rémunération, soit un salaire moyen de 2,46 millions d’euros par dirigeant, en augmentation de 24 % par rapport à 2009. Voilà qui suffit à donner la mesure du peu d’intérêt, de consistance et de pertinence que présente votre projet de loi !

Il n’est pas non plus inutile de mettre en regard de vos mesures d’économies certaines dépenses publiques excessives et inutiles. Prenons par exemple – au hasard – les dépenses de l’Élysée, bien connues de René Dosière.

Vous proposez de réaliser des économies sur les campagnes électorales, qui sont pourtant un moment essentiel de notre vie politique. Que n’avez-vous songé à vous attaquer aux dépenses du Palais ? Qu’il est loin le temps où le général de Gaulle éteignait la lumière en quittant son bureau, où il faisait installer un compteur électrique particulier pour les appartements du Président à l’Élysée, où il demandait – c’est Jean de Gaulle qui nous l’a raconté – combien avaient coûté les viennoiseries offertes à ses petits-enfants de visite au Palais, pour les rembourser ! Nous sommes loin de cette pratique morale, éthique, de l’État, et je souhaite pour ma part que nous y revenions.

Le rapport de la Cour des comptes publié en juillet dernier est édifiant. La présence de Nicolas Sarkozy à l’Élysée nous a ainsi valu, entre autres exemples, une dépense de 260 millions d’euros – gardons toujours à l’esprit les 4 millions d’euros d’économies proposées – pour l’achat d’un Airbus présidentiel, dont le seul aménagement intérieur a coûté 62 millions d’euros, avec – détail croustillant – des rideaux motorisés, pour que personne n’ait dans la cabine à faire l’effort de les tirer, qui ont coûté – écoutez bien, monsieur Geoffroy, vous qui êtes un fonctionnaire et connaissez la valeur de l’argent public –…

M. Guy Geoffroy. Vous en êtes un autre !

M. Jean-Pierre Brard. …310 245 euros, ou encore l’installation de fours haut de gamme pour un montant de 75 000 euros. Pensez au micro-ondes que vous avez récemment acheté chez Darty, monsieur Geoffroy !

M. Dino Cinieri. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. N’importe quoi mais pas à n’importe quel prix !

M. Dino Cinieri. Nous ne sommes pas allés regarder les comptes de Mitterrand !

M. Jean-Pierre Brard. Les turpitudes des uns n’excusent jamais les turpitudes des autres ! Votre insistance à vouloir dissimuler celles de l’actuel Président de la République commence à me rendre suspicieux.

M. Guy Geoffroy. Comme si vous aviez besoin de ça !

Mme la présidente. Il va bientôt falloir conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Citons encore la construction de douches au Grand Palais, à l’occasion d’un sommet de l’Union pour la Méditerranée, pour un montant de 245 000 euros, ou encore les 251 000 euros du budget de fleurs de l’Élysée et les 383 000 euros d’achats de journaux, ce qui prouve que, si le Président ne lit pas beaucoup de livres, il lit beaucoup la presse…

M. Philippe Richert, ministre. Il n’a pas de leçons à recevoir en matière de lecture !

M. Jean-Pierre Brard. Il pourrait peut-être même donner des leçons en matière de lecture de mangas, je le reconnais volontiers !

M. Philippe Richert, ministre. Ses connaissances livresques vont bien au-delà de ce qu’on imagine !

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, j’ai été interrompu, y compris par le ministre, mais je vais vers ma conclusion.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ah !

M. Jean-Pierre Brard. Le Premier ministre a annoncé le gel de la rémunération des ministres et du Président de la République, mais ce n’est qu’une conséquence logique du gel du point d’indice de la rémunération des fonctionnaires et nullement une mesure nouvelle. Nous n’oublions pas non plus les considérables augmentations qui ont précédé cette mesure.

Monsieur le ministre, il est nécessaire de remettre à plat le financement des partis politiques, de mieux tenir compte du nombre d’électeurs dans le calcul de leurs dotations, alors que le mode de calcul actuel met à parité le nombre d’électeurs et le nombre de parlementaires. Il s’appuie sur un système électoral complètement injuste qui ne tient pas compte de la réalité de la volonté des électeurs. Nous n’avons pas, comme en Allemagne – votre référence privilégiée –, un système proportionnel, où un égale un.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites. Je me propose simplement, et très modestement, d’en venir au texte, c’est-à-dire d’indiquer à ceux qui nous écoutent ou qui liront nos débats de quoi nous parlons.

D’un côté, il y a ceux qui voudraient, avec insistance, de manière lancinante, comme s’il fallait que ça rentre à toute force,…

M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur Geoffroy ; c’est ça, la pédagogie !

M. Guy Geoffroy. …nous persuader que la seule question qui compte aujourd’hui, c’est de démolir, minute après minute, heure après heure, jour après jour, mois après mois, la personne du Président de la République, pour qu’il soit certain qu’il n’emportera pas les prochaines élections présidentielles.

M. Jean-Pierre Brard. Il y contribue lui-même !

M. René Dosière. Nous n’allons quand même pas voter pour lui !

M. Guy Geoffroy. C’est vraiment ce que nous ressentons. Je me permets donc de donner un conseil : ce n’est sans doute pas le meilleur moyen de lutter contre une politique que de s’attaquer en permanence à un homme.

M. Pierre Lequiller. Cela dit, vous faites comme vous voulez, chers collègues !

M. Guy Geoffroy. Les Français attendent autre chose de nous. L’image donnée aujourd’hui par nos collègues de gauche n’est guère reluisante, car nos concitoyens savent bien qu’il ne s’agit que de nuire. Et ils savent, mes chers collègues, que vous avez eu, en votre temps, bien plus de choses à vous reprocher !

Vous aurez beau dire qu’il n’y avait pas, à l’époque, les mêmes réglementations qu’aujourd’hui, c’est précisément pour cela que ces réglementations ont été adoptées, et, pour l’essentiel, de notre fait. Vos belles paroles, vos attaques ne sauraient masquer votre détermination à éviter les questions qui intéressent les Français.

De l’autre côté, il y a le texte, qui est dans le droit fil de ce que le Premier ministre a annoncé, à savoir qu’il convenait d’envisager, à l’occasion des prochaines élections et, d’une manière générale, à l’occasion de toutes les élections à venir, jusqu’à ce que l’on se décidât éventuellement à modifier de nouveau les choses,…

M. Jean-Pierre Brard. Excellent imparfait du subjonctif !

M. Guy Geoffroy. …ce qui ne me paraît pas dans l’air du temps, de diminuer la dépense publique dans ce domaine également.

Pour les élections autres que celle du Président de la République, la loi de finances pour 2012 a pu servir de support législatif à des mesures en ce sens, mais l’élection présidentielle étant régie par une loi organique spécifique très précise, il y avait lieu de légiférer par un texte ad hoc, ce que nous faisons aujourd’hui.

Le texte prévoit – je le redis car le sujet a été noyé dans des propos hors sujet – que le montant du remboursement, quel que soit le candidat et quel que soit son score, serait diminué de 5 % par rapport à aujourd’hui, et que les plafonds de dépenses autorisés, qui auraient dû, de par la loi d’avril dernier, évoluer en fonction de l’inflation, n’augmenteraient pas.

Alors que c’est de cela et uniquement de cela qu’il s’agit, nous entendons un discours qui tend, à partir de grandes idées, à semer le venin permanent de la suspicion.

Notre Constitution prévoit que le chef de l’État puisse être candidat à sa succession, mais pas plus d’une fois. Dieu sait que je ne faisais pas partie des plus grands zélateurs de la révision constitutionnelle de 2008, mais notre loi fondamentale comporte aujourd’hui des éléments précis adaptables à l’évolution des choses indiquée par M. Urvoas, conformément à la nouvelle appréhension de l’exercice du pouvoir par nos concitoyens.

Je le dis très clairement : rien ne doit empêcher un Président de la République d’être Président jusqu’au bout de son mandat, et rien ne doit l’empêcher non plus d’envisager, dans le respect de la Constitution, d’être à nouveau candidat à la magistrature suprême s’il pense que c’est utile au pays et qu’il a encore des choses à proposer. Il est vrai que tout cela rend l’exercice un peu difficile, et nous constaterons de plus en plus que le raccourcissement du mandat entraînera une évolution de la manière de servir l’État au poste de Président de la République.

Une autre contradiction apparaît très clairement dans les propos de M. Dosière et de M. Urvoas. Un couloir les sépare, et je dirai même que c’est plus qu’un petit couloir !

L’un et l’autre ont dit des choses totalement contradictoires. M. Dosière affirme qu’il a fait le compte –est-il vérifié ? – : depuis une année, comme c’est curieux, le Président de la République se déplace beaucoup plus, une vingtaine de déplacements supplémentaires. Quant à M. Urvoas, qui pontifie à propos du Conseil d’État, il évoque une décision de la haute juridiction qui date de 2009, année où Nicolas Sarkozy était déjà Président de la République. Ainsi, il faudrait d’après vous, mes chers collègues, en refusant de débattre de ce texte ou en le renvoyant en commission, montrer ainsi que le Président de la République qui déplaît politiquement n’a pas le droit d’être candidat à sa succession dans des conditions de droit commun. Mais je vous rassure : le président de la Commission nationale des comptes de campagne a répondu à votre demande, et sa réponse devrait vous satisfaire puisqu’il a dit que si des actes politiques accomplis par un candidat avant qu’il ne se déclare méritent d’être rappelés dans son compte de campagne, cela sera fait. Est-ce révolutionnaire ? Non, M. Logerot a relaté ce qui est l’exacte jurisprudence, année après année, élection après élection, de la commission qu’il préside.

M. Philippe Richert, ministre. Il est donc inutile de l’inscrire dans le texte

M. Guy Geoffroy. Oui, en tout temps, y compris en 2007 et s’agissant également de Nicolas Sarkozy, il y a eu réintroduction dans les comptes de campagne de certaines dépenses qui n’avaient pas été considérées par les candidats comme devant y entrer, et ceux-ci ont dû s’exécuter.

Dès lors quelle est la cause votre inquiétude ? Vous voulez utiliser toutes les occasions pour faire ici de la politique anti-Sarkozy. Libre à vous, mais je pense que le débat institutionnel auquel vous prétendez contribuer et le débat politique auquel nous devons tous apporter un éclairage méritent mieux que ce bazookage qui finit par être tellement systématique qu’il va en devenir totalement insignifiant.

Au nom du groupe UMP, je tiens à dire que ce texte a le mérite d’exister et que nos concitoyens nous auraient fait le reproche de ne pas l’avoir initié. Monsieur le ministre, le Gouvernement est fidèle à la ligne qu’il a tracée en le proposant. Oui, 5 % de remboursement de dépenses publiques en moins, c’est bien. Oui, il ne faut pas élever le plafond de campagne en fonction de l’inflation car tenir compte de celle-ci serait bien dérisoire, et peut-être bien provocateur vis-à-vis de nos concitoyens. Pour le reste, j’ai entendu l’affirmation d’une volonté politique à cette occasion comme en tant d’autres, sous couvert d’arguments financiers et juridiques valables objectivement pour chacun d’entre eux, mais totalement pernicieux et impertinents, au sens fondamental du terme dans leur articulation.

C’est pour toutes ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe UMP se prononcera bien évidemment en faveur du projet de loi organique parce que ce texte, même s’il n’est pas attendu par des foules massées devant le Palais-Bourbon, est un texte utile, juste et qui s’inscrit dans la cohérence de l’action du Gouvernement. Nous le voterons sans états d’âme parce qu’il est bon pour la République de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Guy Geoffroy vient de dire que ce projet de loi organique a le mérite d’exister. Au risque d’être quelque peu impertinent à son égard – pas pernicieux, je ne me le permettrais pas –, je vais faire quelques observations sur ce texte, dont nous n’avons pour le moment pas déclaré que nous voterions contre.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ah !

M. Guy Geoffroy. Voilà un scoop ! En plus, ce serait la première fois que vous voteriez un texte sur lequel vous avez présenté deux motions de procédure !

M. Régis Juanico. Tout dépendra du résultat de la discussion des amendements.

Du fait de sa modestie, ce texte évite un écueil important : celui de la démagogie et de la suspicion, ce que différents collègues ont fort bien rappelé. Il ne faudrait pas laisser croire, s’agissant de la question du financement de la vie politique, que les partis politiques seraient assis sur un tas d’or, car ce n’est pas vrai, ni que des candidats aux élections, qu’elles soient nationales ou locales, en profiteraient pour s’enrichir. Il peut exister quelques abus, à nous législateurs de les corriger au fur et à mesure, mais nous nous devons de rappeler que notre vie politique est encadrée par des règles strictes et transparentes en matière de financement. L’avantage de ce texte, c’est donc que, par sa modestie, il évite le piège de la démagogie.

La France s’est dotée, par touches successives, à travers plusieurs lois, d’une législation sur le financement des partis et des campagnes électorales : la loi de 1988, la très importante loi de 1990 – monsieur Geoffroy, voyez que cet objectif a été partagé sur tous les bancs et sous toutes les couleurs politiques de l’Assemblée –, la loi de 1995 et celle de 2003 et, même si nous aurions souhaité aller un peu plus loin, je n’oublie pas le dernier texte en date, celui du 14 avril 2011, dont Charles de La Verpillière était déjà le rapporteur. Certes, cette législation est encore perfectible, mais ces lois et les règlements s’y rapportant sont relativement complets et rigoureux : aide publique aux partis politiques, encadrement des financements privés dont les partis peuvent bénéficier, plafonnement des dépenses électorales des candidats, transparence des ressources et des dépenses, soumises à un contrôle et éventuellement à des sanctions.

Le coût de la campagne présidentielle s’est élevé à un peu plus de 220 millions d’euros en 2007. Il en sera sans doute de même en 2012, même s’il est difficile de faire des prévisions aujourd’hui. Mais il faut dire à nos concitoyens que la démocratie, le fait d’organiser des élections, cela a un coût.

M. René Dosière. Cinq euros par électeur.

M. Régis Juanico. Le rapport le rappelle fort bien : les remboursements des frais de campagne aux candidats représentent 25 % du coût total, soit à peu près 45 millions d’euros ; pour le coût restant, il n’est pas évident de faire preuve d’imagination pour réduire les dépenses, car l’organisation matérielle des élections suppose forcément d’imprimer des bulletins de vote et de tenir des bureaux de vote selon des règles très précises ; il faudrait voir quels types d’économies nous pourrions réaliser sur les dépenses qui ne relèvent pas des frais engagés par les candidats, même si elles sont relativement incompressibles.

Ce projet de loi organique, il faut le prendre pour ce qu’il est : un texte de l’ordre du symbole.  Charles de La Verpillière l’a très bien dit en commission : « En cette période de crise, chacun doit participer, fût-ce de manière symbolique, aux efforts budgétaires indispensables pour redresser notre situation financière. » Il ajoutait ce qu’il a répété tout à l’heure : « Les responsables politiques ont un devoir d’exemplarité [vis-à-vis de nos concitoyens]. » Je le rejoins sur le devoir d’exemplarité ainsi que sur l’aspect symbolique du texte puisque, parmi les annonces faites par le Premier ministre François Fillon, le 7 novembre dernier, dans le cadre de son plan de rigueur, si on prend les trois grandes mesures qui concernent le financement de la vie politique, nous restons dans l’ordre du symbole et sur un texte a minima.

S’agissant du gel des revalorisations des plafonds de campagne, vous avez cru bon de préciser, monsieur le ministre, qu’il sera maintenu tant que l’équilibre des finances publiques ne sera pas revenu. Je rappelle que le dernier décret de revalorisation date de 2009, qu’il n’y en a pas eu en 2010 ni en 2011, qu’il n’y en aura pas en 2012 ni dans les années qui suivront avant de parvenir à nouveau à l’équilibre des finances publiques.

M. Guy Geoffroy. Pour nous, c’est 2016.

M. Régis Juanico. Cela fait tout de même un paquet d’années que l’équilibre n’est plus au rendez-vous de nos exercices budgétaires et la règle du gel est, je le crois, amenée à durer un certain temps.

La deuxième mesure, c’est le coup de rabot sur le taux de remboursement des frais de campagne électorale. L’économie attendue est de 3,6 millions d’euros, à comparer à une élection présidentielle d’un coût pour l’État de 45 millions d’euros, avec douze candidats en 2007, alors qu’on ne connaît pas encore le nombre de candidats pour 2012. Ce n’est pas avec 3,6 millions d’euros que nous allons renflouer les caisses de l’État.

M. Guy Geoffroy. On n’a jamais dit ça !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Les petits ruisseaux font les grandes rivières !

M. Régis Juanico. J’évoque le niveau de l’effort, puisqu’on a parlé du redressement des finances publiques.

La troisième mesure, c’est le coup de rabot de 5 % sur l’aide publique aux partis politiques. Vous ne nous avez pas entendus pousser des cris d’orfraie – cela aurait d’ailleurs été malvenu. Cette mesure aura un peu plus d’impact sur les grands partis que sur les petites formations, ce qui est normal. Par contre, ce ne sera pas le cas pour la modification du taux de remboursement concernant les campagnes électorales, qui va plutôt désavantager les petits partis. Le coup de rabot de 5 % représente un effort de 1,7 million d’euros pour l’UMP et de 1 million d’euros pour le parti socialiste. Pourquoi pas ? Je ne pense pas que cela va conduire ces formations politiques à annoncer un plan social, par exemple l’UMP à prévoir un plan de licenciements massifs dans ses rangs au moment où ce parti va emménager dans ses nouveaux locaux. Nous acceptons donc cette réduction de bonne grâce mais, additionnées les unes aux autres, l’ensemble de ces mesures aboutit à des économies de l’ordre de 7 à 8 millions d’euros, pas davantage.

Nous aurions pu aller un peu plus loin, et c’est pourquoi j’exprime ce soir des regrets. Le texte aurait pu intégrer deux dispositions que nous avions proposées lors de l’examen des propositions de loi visant à renforcer la transparence financière de la vie politique, celle du groupe SRC puis celle dont le rapporteur était déjà Charles de La Verpillière. Pour le coup, ces dispositions auraient pu produire des économies substantielles, s’ajoutant à celles qui sont proposées dans le projet de loi organique.

La première disposition proposée consistait à interdire à un parlementaire de métropole de se rattacher à un parti éligible à l’aide publique au seul titre de ses résultats outre-mer.

M. René Dosière. Très bien !

M. Régis Juanico. Vous savez que cela existe encore. Je pense, par exemple, au parti de M. Masson, dans l’Est de la France, et M. Hunault, s’il était encore là,…

M. Jean-Pierre Brard. Il est au centre, donc on ne sait pas où il est !

M. René Dosière. Peut-être en Polynésie ! (Sourires.)

M. Régis Juanico.…aurait pu nous détailler de façon très précise comment le Nouveau Centre s’est apparenté avec une élue de l’outre-mer pour pouvoir prétendre à la seconde fraction de l’aide publique de l’État. J’ai vu récemment que des responsables politiques soucieux de se dégager de la tutelle financière de l’UMP avaient, eux aussi, choisi d’autres formations politiques, métropolitaines celles-ci, pour s’y rattacher – je pense à M. Borloo. En tout cas, en ce qui concerne l’outre-mer, il y a un contournement de la loi. Nous aurions pu faire des économies substantielles en y mettant fin, plusieurs centaines de milliers d’euros sans doute, voire plusieurs millions d’euros.

M. René Dosière. Tout le monde y aurait gagné !

M. Régis Juanico. Mon second regret renvoie à la question du plafonnement global des dons de personnes physiques aux partis politiques et aux campagnes électorales – même si, dans ce dernier cas, les règles sont plus claires.

C’est un contournement de la loi. Vous le savez, on peut aujourd’hui multiplier les dons à différents partis, au-delà même de 7 500 euros. Nous en avons d’ailleurs eu des exemples récemment, par exemple avec l’affaire Woerth-Bettencourt. Alors que les dons sont plafonnés à 4 600 euros lors des campagnes électorales, et que cela vaut pour tous les candidats à la même élection, le plafond de 7 500 euros pour les dons de personnes physiques aux partis n’est pas limité à une seule formation. Ainsi, il est tout à fait possible à une même personne de verser plusieurs fois 7 500 euros par an à autant de partis politiques qu’elle le souhaite.

Cette faculté favorise objectivement la création de ce que l’on a appelé des micro-partis, tous enregistrés auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Comme nous avons eu l’occasion de le dire, et je crois que le constat est partagé par tous, on est passé en vingt ans de vingt-huit micro-partis enregistrés à 296 formations, c’est-à-dire dix fois plus, dont quarante sont apparues ces deux dernières années. Elles financent souvent l’activité politique locale ou nationale d’une personnalité, mais n’ont tout de même qu’un lointain rapport avec ce que nous entendons par financement de la vie politique.

Je veux simplement souligner que ces micro-partis échappent aux mesures de rigueur qui ont été annoncées car ils ne sont pas éligibles aux deux premières fractions de l’aide publique de l’État. Comme vous le savez, pour la première fraction, il faut avoir présenté cinquante candidats dans les circonscriptions métropolitaines ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Or la très grande majorité des micro-partis n’ont pas vocation à présenter des candidats aux élections.

Si les deux dispositions que nous proposions avaient été adoptées, non seulement nous aurions pu corriger les failles qui existent encore dans notre législation, mais surtout nous aurions fait le choix d’économies substantielles pour les finances publiques, en tout cas beaucoup plus conséquentes que celles présentées dans le projet de loi organique. En effet, si nous avions plafonné les dons de personnes physiques aux partis à 7 500 euros, nous aurions contribué à limiter le montant des réductions d’impôt au titre des dons ou cotisations versés à des partis politiques.

Je rappelle, pour donner un ordre de grandeur, que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques évalue la dépense fiscale chaque année au titre des dons pour les campagnes électorales et les partis politiques à plus de 30 millions d’euros. Nous avions donc, là aussi, la possibilité de faire participer un certain nombre de contribuables aux efforts de redressement des finances publiques, sujet cher à Charles de La Verpillière.

Bref, ce texte nous paraît modeste, essentiellement symbolique et incomplet. J’approuve à cet égard mes collègues Urvoas et Dosière qui ont dit, en notre nom, comment ils auraient souhaité le compléter. Nous allons maintenant examiner un certain nombre d’amendements. Nous vous donnerons notre position à la fin de la discussion, comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Le suspense continue ! C’est insoutenable !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Article unique

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi organique.

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Je me réjouis de l’examen de ce projet de loi organique, qui fait suite à nos débats lors de l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2012.

Nous avions alors adopté une réduction du taux de remboursement pour l’ensemble des élections, hormis les présidentielles, qui nécessitaient une loi organique. En 2012, les candidats à l’élection présidentielle auront un plafond de dépenses de 16,8 millions d’euros pour le premier tour et de 22,5 millions pour le second. Lors de l’examen du projet de loi de finances, j’avais proposé que nous diminuions le plafond des dépenses électorales fixé dans la loi organique du 6 novembre 1962 et non pas le taux de remboursement.

En effet, en diminuant le taux, nous n’incitons nullement les candidats à la modération pour leurs dépenses électorales, ce qui est bien regrettable : cette baisse du remboursement aura un impact assez faible, vous en conviendrez, car elle sera couverte financièrement à la fois par les partis politiques, qui bénéficient d’aides de l’État, et par les dons de particuliers, qui se voient octroyer une réduction d’impôt. N’oublions jamais que les dons aux partis politiques sont constitués aux deux tiers d’argent public.

Je voterai naturellement ce texte car il constitue un petit pas en avant. Mais, avec cette mesure, deux ou trois candidats pourront continuer à dépenser sans compter l’argent de l’État, soit des millions et des millions, mais aussi l’argent des partis politiques, dont on sait à quel point ils sont riches aujourd’hui. Or nos concitoyens auraient souhaité, monsieur le ministre, que nous prenions des mesures drastiques, c’est-à-dire que l’on fasse baisser significativement le budget de la campagne présidentielle. Je dois donc vous dire que l’exemple que nous donnons aujourd’hui est insuffisant. C’est dommage. Je le redis, cela va toucher trois candidats : ceux du parti socialiste, de l’UMP et du Front national, qui est lui aussi très riche.

Les autres candidats auront quant à eux très peu de moyens. On nous parle beaucoup de règle d’or. Eh bien, moi, j’aurais souhaité que l’on institue une règle d’or pour cette campagne présidentielle. Mais il ne faut jamais désespérer : peut-être les partis politiques s’imposeront-ils devant le peuple ce que le Parlement ne les a pas obligés à faire.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je voudrais répondre, pendant les deux minutes qui me sont imparties pour m’exprimer sur l’article, aux critiques qui ont été émises tout à l’heure à mon égard, notamment par M. Hunault, qui manifestement n’a pas pu rester jusqu’à la fin de la discussion, en ce qui concerne l’hostilité particulière que j’aurais envers Nicolas Sarkozy. Je voudrais préciser que je n’ai aucune animosité personnelle à son égard.

M. Guy Geoffroy. Cela se saurait !

M. René Dosière. D’ailleurs, je n’ai jamais eu l’occasion, au cours de ma carrière parlementaire, de débattre avec lui. Mais il est vrai que ses passages à l’Assemblée étaient très fugaces !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, comme député, il n’était pas souvent là !

M. René Dosière. Je voudrais également préciser, pour que les choses soient très claires, que, dans cette assemblée, je suis le seul parlementaire qui ait voté, par cohérence, les dispositions que le Président de la République a proposées quant à l’élaboration du budget de l’Élysée. À cet égard, les suggestions que j’avais faites concernant ce budget – le contrôle de la Cour des comptes et la fixation de la rémunération par la loi – ont été prises en compte.

Je formulais d’ailleurs ces propositions depuis longtemps, avant même que M. Sarkozy soit Président de la République. À ce moment-là, la majorité de droite votait contre ! Par conséquent, quand elles ont été reprises par le Gouvernement, j’ai pu, sans états d’âme, voter en leur faveur. Je sais donc parfaitement les efforts qui ont été réalisés sur le plan technique pour améliorer la gestion et la transparence de l’Élysée. Je suis heureux et fier d’y avoir contribué : c’est l’apport d’un parlementaire d’opposition à l’amélioration du fonctionnement de nos institutions. Mais cela n’enlève rien à mon droit politique de critiquer un homme dont la politique ne me plaît pas.

Mme la présidente. Vous avez à nouveau la parole, monsieur Dosière, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. René Dosière. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai simultanément les amendements nos 2 et 1.

Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. René Dosière. L’amendement n° 1 vise à soulever un problème que je ne personnalise pas outre mesure. Il est d’ailleurs en plein cœur du sujet, puisque nous sommes en train de discuter de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962. Je considère que, si la déclaration de patrimoine du chef de l’État en début de mandat ne peut pas être rapprochée de celle qu’il remplit en fin de mandat, elle ne sert à rien. Je propose par conséquent de la compléter. Il s’agit donc, à travers cet amendement, de faire en sorte que la déclaration de patrimoine puisse être vérifiée, ce qui serait plus simple.

Par ailleurs, pour pouvoir la rendre comparable entre le début et la fin du mandat, il faut faire en sorte que, s’il y a un changement de régime matrimonial, le président en fasse une nouvelle. Tout à l’heure, on évoquait le général de Gaulle. À son époque, on ne pouvait évidemment pas imaginer que le chef de l’État change de régime matrimonial pendant la durée de son mandat.

Si vous refusez ce type de disposition, cela veut dire tout simplement que l’existence d’une déclaration de patrimoine rendue publique par le Président de la République n’a aucune signification. Dans ce cas, évitons d’être hypocrites : supprimons-la purement et simplement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 2 et 1 ?

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ces deux amendements sont absolument hors sujet…

M. René Dosière. Comment cela ?

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. …et ont donc reçu un avis défavorable de la commission. Vous savez d’ailleurs très bien pourquoi, monsieur Dosière. Je rappelle que le projet de loi dont nous parlons plafonne les dépenses des campagnes électorales présidentielles, d’une part, et, d’autre part, réduit le taux de remboursement des dépenses des candidats. Or M. Dosière nous présente des amendements qui concernent la déclaration de patrimoine du Président de la République. C’est donc absolument hors sujet.

De plus, nous avons traité à fond de ces questions il y a très exactement un an, à une semaine près, lorsque nous avons discuté en long, en large et en travers des déclarations de patrimoine.

En ce qui concerne l’amendement n° 1, je le qualifierai, monsieur Dosière, de malheureux, parce qu’il semble évoquer la vie privée du Président de la République. C’est tout à fait inconvenant. Nous aurions pu parler, de notre côté, d’un Président de la République qui, pendant quatorze ans, a fait entretenir aux frais de la République sa seconde famille.

M. Georges Colombier. Eh oui ! Quel scandale !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Avis défavorable sur ces deux amendements. Comme le rapporteur, je voudrais rappeler que nous avons eu l’occasion de discuter de ces sujets de façon très approfondie il y a à peu près un an.

Certes, je reconnais à M. Dosière la continuité dans ses idées et l’habitude de remettre l’ouvrage sur le métier en permanence.

M. René Dosière. Vous savez, cela marche quelquefois, par exemple quand il s’agit de limiter le cumul des indemnités pour les ministres !

M. Philippe Richert, ministre. En l’occurrence, je propose que vous n’adoptiez pas ces amendements. En effet, ce dossier est très actuel car il s’agit de traiter de l’élection présidentielle qui se profile, entre fin avril et début mai. À nous de donner, dans les meilleurs délais, aux différents partis et aux candidats qui se présenteront, le cadre qui leur permettra de s’adapter le mieux possible à cette diminution de 5 % des remboursements qui sont prévus.

Évidemment, on peut imaginer d’aborder d’autres sujets au travers d’un texte comme celui-ci. Mais, je le rappelle, il s’agit d’un projet de loi organique. Par conséquent, tout ce qui ne relève pas de la loi organique n’a, par principe, pas sa place ici. C’est le cas d’un certain nombre de propositions que nous avons entendues et que l’on peut donc exclure d’emblée.

Il y a, par ailleurs, tout ce que l’on peut imaginer pour compléter le texte. J’ai retenu tout à l’heure, dans les différentes interventions, certaines paroles de sagesse. On a rappelé notamment que la Commission nationale des comptes de campagne adapte sa position en fonction des circonstances. Nous allons effectivement continuer à travailler dans ce sens.

Je ne pense pas qu’il soit indispensable de mettre dans le texte de loi tout ce que l’on peut imaginer. Il faut laisser vivre la façon de l’appliquer. La Commission nationale est bien dans son rôle en répondant de façon aussi précise aux interpellations dont elle a été l’objet, et en indiquant comment elle interprète et va interpréter. Sans doute dans les années à venir, lors des futures échéances, ce texte connaîtra-t-il des évolutions. Je trouve cela très positif, mais je ne pense pas que le Gouvernement ou le Parlement doivent détailler à l’avance, de façon trop précise, la manière dont tout doit être fait. Nous devons, à mon sens, mettre en place des principes et laisser à ceux qui sont chargés de l’application de ce texte, dans le cadre des responsabilités qui sont les leurs, le soin d’apprécier, de préciser, et, le cas échéant, si nécessaire, de le faire évoluer. Dans l’immédiat, je n’en ressens pas la nécessité.

Par contre, il était bien sûr nécessaire dans la loi de finances de prévoir des ajustements pour toute élection autre que l’élection présidentielle. En l’occurrence, nous sommes dans le seul cas – celui d’une élection présidentielle – où ne peuvent s’appliquer les mêmes principes, puisqu’il faut une loi organique. Nous élaborons donc cette loi organique, tout simplement pour faire le parallèle avec les autres élections.

Je pense donc que ce n’est ni le moment – nous en avons discuté il y a un an – ni le bon texte. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Madame la présidente, je ne reviens pas sur le fond de ces amendements, mais je ne peux accepter d’entendre dire qu’ils ne sont pas adaptés au texte, car enfin, monsieur le ministre, ce texte concerne la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, qu’il modifie en son article 3. J’ai sous les yeux ce très long article, et je lis notamment que « le Conseil constitutionnel doit s’assurer du consentement des personnes présentées qui, à peine de nullité de leur candidature, doivent lui remettre, sous pli scellé, une déclaration de leur situation patrimoniale conforme aux dispositions ». Nous sommes donc au cœur du texte.

Monsieur le rapporteur, je l’admets, lorsque j’ai déposé le même amendement il y a un an sur une loi organique –puisqu’il fallait bien attendre une loi organique –, vous auriez pu me dire que je n’étais pas tout à fait dans le sujet, mais aujourd’hui, nous sommes en plein cœur du sujet : c’est cet article 3 que l’on modifie. Ne venez pas me dire que je suis hors sujet lorsque je propose des amendements pour modifier l’article 3, alors que l’objet même du texte est de le modifier !

(Les amendements nos 2 et 1, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico pour défendre l’amendement n° 5.

M. Régis Juanico. Cet amendement a pour objectif de redéfinir un calendrier qui soit tenable dans le cadre des dépôts de comptes de campagne pour les élections présidentielles.

Dans un souci de simplification et d’harmonisation des calendriers, nous avions instauré à l’occasion de la loi du 14 avril 2011 une date unique de dépôt pour tous les comptes de campagne à une élection, que le candidat soit élu au premier ou au second tour. Dans un souci de simplification et de compréhension des règles par l’ensemble des candidats, puisque la Commission nationale des comptes de campagne nous avait fait part de plusieurs incidents liés à une méconnaissance ou une incompréhension de ces règles de calendrier.

La proposition de la commission était de faire le dépôt des comptes de campagne le neuvième vendredi qui suit le second tour. Or, pour régler le problème lié aux élections européennes qui n’ont qu’un seul tour, les parlementaires avaient posé ici même la règle du dépôt des comptes de campagne sur la date unique du dixième vendredi qui suit le premier tour, cette règle étant valable pour toutes les élections. Si ce n’est que toutes les élections à deux tours n’ont qu’une semaine entre les deux tours, à l’exception de l’élection présidentielle qui, elle, a deux semaines entre les deux tours.

De ce fait, la disposition que nous avions adoptée le 14 avril 2011 fait perdre une semaine par rapport à la législation précédente aux mandataires des candidats aux élections présidentielles pour cette date de dépôt des comptes de campagne. C’est un point crucial, car une semaine est un délai très important pour une élection qui, aujourd’hui, présente les plus grands volumes de dépenses, et donc le plus grand travail pour ses mandataires financiers.

La règle voudrait que nous puissions harmoniser une date unique de dépôt de candidature pour le onzième vendredi suivant le premier tour. C’est ce que propose l’amendement. Cela permettrait de soumettre tout le monde à la même règle de dépôt des comptes, c’est-à-dire deux mois après les scrutins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à cet amendement de bon sens. L’élection présidentielle est celle qui génère forcément les comptes de campagne les plus complexes. Si la règle que nous avons adoptée pour les autres élections continuait à s’appliquer, paradoxalement, les candidats du second tour d’une élection présidentielle auraient une semaine de moins que ceux d’une élection cantonale pour arrêter et déposer leurs comptes de campagne.

La commission a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Mesdames et messieurs les députés, comme le texte que nous allons remettre en cause a été confirmé il y a à peine un an, j’aurais plutôt tendance à donner un avis défavorable. Cela étant, il s’agit, comme l’a dit M. le rapporteur, d’un amendement de bon sens.

Je vais donc m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un ministre fort sage !

(L’amendement n° 5 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 3.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement concerne le temps de parole du Président de la République et de ses collaborateurs.

J’ai évoqué dans ma motion de procédure le principe, contesté dès l’origine, dit des « trois tiers » qui avait vu le jour quelques semaines après le départ du général de Gaulle – donc en 1969 – et qui a perduré jusqu’en 1989, date à laquelle la première structure de surveillance des médias, qui était la Haute autorité, l’a adopté. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel l’a par la suite repris à son compte. Cela a toujours été contesté parce que les oppositions considéraient que le Gouvernement et la majorité étaient un peu la même chose et que ce « deux tiers, un tiers » n’était pas vraiment équitable. Je me rappelle notamment une intervention brillante de M. Charles Pasqua qui, en 1984, avait taillé en pièces cette argumentation mais qui, malheureusement, n’avait pas été entendu.

À la fin des années 2000, des contestations ont été déposées auprès du CSA par François Hollande, notamment, à propos d’un certain nombre d’interventions du chef de l’État. Le Conseil d’État avait confirmé la règle en 1985 mais, en septembre 2007, une nouvelle contestation a été déposée et, le 8 avril 2009, cette jurisprudence a été remise en cause au profit du principe qu’une partie des interventions du Président de la République doit être comptabilisée de façon que l’opposition puisse éventuellement répliquer avec la même durée.

Je vous propose d’inscrire dorénavant cette disposition dans la loi de façon qu’il n’y ait plus de débat entre nous à ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Dosière. C’est un amendement de bon sens, monsieur le rapporteur !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement parce que la question soulevée par M. Urvoas nous semble maintenant réglée : il y a eu tout d’abord, il l’a dit, un arrêt du Conseil d’État du 8 avril 2009 ; puis une délibération du 21 juillet 2009 du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et il est maintenant admis que l’on comptabilise le temps de parole du Président et de ses collaborateurs lorsque « leurs interventions relèvent du débat politique national ».

Il me semble donc que cette proposition est superflue, tout autant que celles qui l’ont précédée, et qu’elle est, de plus, hors sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Sur la base des précisions apportées par le rapporteur, avis défavorable.

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Pour résumer les différentes interventions de mes collègues MM. Urvoas et Dosière, et reprendre mon intervention à la tribune, je dirai que ce projet de loi organique est de l’ordre du symbole. Mais, après tout, les symboles sont importants dans la République !

En additionnant les différentes mesures annoncées par M. le Premier ministre sur la réduction du taux de remboursement par rapport aux frais engagés dans le cadre des élections présidentielles, dont l’une est retranscrite dans ce projet de loi organique, nous parviendrons sans doute l’an prochain à des économies réelles de l’ordre de six, sept ou huit millions d’euros. Nous sommes bien loin de ce que nous aurions pu faire en supprimant les cadeaux octroyés sur l’ISF – plus de 2 milliards d’euros – ou en maintenant la taxe sur l’hôtellerie de luxe, injustement supprimée, qui aurait rapporté 100 millions d’euros.

Je pense toutefois qu’il est effectivement important que nous donnions ce soir le signe que ces économies doivent exister, notamment aux yeux de l’opinion publique. Donc, bien que ce texte soit incomplet et de l’ordre du symbole, nous ne nous y opposerons pas. Nous allons nous abstenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, monsieur le ministre, les sommes en jeu montrent qu’il s’agit là d’un texte alibi, d’un cache-sexe pour sacrifier au populisme ambiant selon lequel les hommes et les femmes politiques sont trop rémunérés et les dépenses publiques pour la vie politique bien trop élevées. Car quand on compare avec des États démocratiques – et personne ne contestera que la République fédérale d’Allemagne en soit un…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Vous n’avez pas toujours dit cela !

M. Jean-Pierre Brard. À propos de l’Allemagne, nous ne l’avons pas toujours dit, mais elle ne connut pas toujours le même régime, mon cher collègue !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Je parlais de la RFA.

M. Jean-Pierre Brard. Mais la RFA connut pendant un temps des ministres qui étaient d’anciens nazis et il est vrai qu’à cette époque nous n’approuvions guère M. Globke ou M. Kiesinger par exemple, pour m’en tenir à ces deux-là.

Mais vous avouerez que vous me faites sortir du sujet…

Mme la présidente. Revenons donc au fond, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, madame la présidente.

Ce texte, donc, n’est qu’un cataplasme, et vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre, sur la somptuosité des cadeaux que vous faites aux plus riches de nos concitoyens, que vous aimez tant !

Par conséquent, pour notre part, nous ne participerons pas à cette mise en scène et nous voterons contre votre projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. À l’issue de ce débat fort intéressant, je pense que nous pouvons faire un constat : nos collègues socialistes ont eu un repentir un peu tardif mais néanmoins assez actif puisque, partant de l’idée que ce texte ne valait rien et qu’un autre eût été incontestablement préférable, ils en sont arrivés à un jugement de sagesse, à savoir que leur opposition systématique à ce texte pour d’autres raisons que celles du texte leur vaudrait sans doute des observations désagréables de la part de l’opinion publique.

M. Jean-Pierre Brard. Quel sophisme !

M. Guy Geoffroy. Cela mérite d’être souligné, et nous ne pouvons que saluer ce repentir actif de nos collègues socialistes.

M. Jean-Pierre Brard. Donnez-leur l’absolution !

M. Régis Juanico. Je ne suis pas encore à genoux !

Mme la présidente. Allons, monsieur Brard, laissez l’orateur s’exprimer.

M. Guy Geoffroy. Les choses sont claires, on a essayé de ce côté de l’hémicycle de se livrer à un spectacle de patinage artistique – figures imposées d’abord, figures libres ensuite – et l’on s’est aperçu que, pour les figures libres, on n’était pas très assuré de son programme et que l’on risquait fort de perdre l’équilibre.

Pour notre part, nous ne nous sommes pas risqués à des figures libres, s’agissant d’un texte dans lequel nous avons décidé de décliner pour l’élection à la présidence de la République ce que nous avions décidé d’imposer pour l’ensemble des élections.

Ce texte est sage. Ce texte est responsable. Ce texte ne révolutionne pas la planète.

M. Jean-Pierre Brard. Non, il est populiste !

M. Guy Geoffroy. Il est tout sauf démagogique, monsieur Brard, et la manière dont vous avez expliqué votre vote vous vaudra certainement quelques remarques dans l’opinion publique et dans les médias.

Pour nous, ni états d’âme ni envie de sortir du sujet ; il s’agit tout simplement d’aller dans le sens et la cohérence de ce que nous avons voté dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Ce texte fera donc l’objet d’un vote positif et sans surprise du groupe UMP.

Vote sur l’article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Lecture définitive du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)