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Assemblée nationale

COMMISSION ELARGIE

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

(Application de l’article 120 du règlement)

Jeudi 30 octobre 2014

Présidence de M. Dominique Baert,
vice-président de la commission des finances,
et de M. Patrick Bloche, président de la Commission
des affaires culturelles et de l’éducation.

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015

Culture

M. Dominique Baert, président. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir en commission élargie Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, venue nous présenter les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015.

Conformément aux règles qui s’appliquent aux commissions élargies, les rapporteurs spéciaux, puis les rapporteures pour avis, s’exprimeront successivement pour interroger Mme la ministre pendant une durée maximale de cinq minutes. Après qu’elle leur aura répondu, les porte-parole des groupes puis les orateurs qui le souhaiteront interviendront, chacun pour une durée de deux minutes au plus.

M. le président Patrick Bloche. Madame la ministre, nous sommes d’autant plus heureux de vous retrouver que nous sommes nombreux à nous réjouir que la mission « Culture », après avoir contribué depuis deux ans aux efforts de réduction de la dépense publique, voie ses moyens préservés pour les trois prochaines années. Dans la période difficile que nous traversons, nous mesurons la force d’un tel engagement en faveur de la culture, de sa diffusion et de son partage. Pour le Président de la République, pour le Premier ministre et son Gouvernement, comme pour la majorité, la culture est bien une priorité.

La commission des affaires culturelles a adopté hier deux avis budgétaires. Mme Annie Genevard a traité des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » en étudiant notamment les outils d’observation dont dispose le ministère de la culture pour assurer un aménagement équilibré du territoire. Mme Sophie Dessus, dont le rapport pour avis concerne le programme « Patrimoines », s’est intéressée en particulier à la protection et à la reconversion du patrimoine industriel des XIXe et XXe siècles.

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial pour les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Les financements alloués à la culture constituent des investissements fondamentaux d’une société, au même titre que ceux consacrés à l’éducation, à l’enseignement supérieur ou à la recherche. Cette approche avait conduit au doublement du budget de la culture au début des années 1980, et à son augmentation sous tous les gouvernements de gauche précédents. Après que j’ai plaidé depuis deux ans pour que le budget de la culture soit sanctuarisé comme l’ont été ceux de l’éducation et de la recherche, je me réjouis que les crédits du ministère soient globalement stabilisés dans le projet de budget pour 2015 et dans la programmation triennale.

Cette stabilisation globale concerne les crédits du programme « Création » si l’on tient compte de l’achèvement de la construction de la Philharmonie de Paris et des crédits consacrés à l’éducation artistique, en espérant que, comme l’année précédente, une part significative de la réserve parlementaire continuera à les abonder.

Les activités culturelles représentent près de 700 000 emplois et 3,2 % de la valeur ajoutée totale de notre pays, soit sept fois la valeur ajoutée de l’automobile, quatre fois celle de la chimie, et la somme de celles dégagées par l’agriculture et les industries alimentaires. La culture est un facteur déterminant de l’attractivité des grandes métropoles, et certains grands projets culturels ont même été des facteurs décisifs du renouvellement urbain. Je pense par exemple au musée Guggenheim de Bilbao ou au Louvre-Lens. Tous les grands projets culturels provoquent de forts effets induits sur l’activité économique, comme l’illustrent de nombreuses études d’impact. Les retombées économiques évidentes des grands investissements du passé font d’ailleurs aujourd’hui la renommée de notre pays. Ces leçons ont bien été comprises par toutes les grandes métropoles européennes qui, sans exception, consacrent une part importante de leur budget à la culture.

En matière culturelle, l’Etat doit continuer de jouer son rôle, qui est essentiel. Il doit initier et soutenir le lancement de grands projets culturels et ne pas se contenter dans ce domaine d’une étroite vision budgétaire et comptable. Le vice-président de la commission des finances que je suis peut s’autoriser cette remarque.

Renoncer au nom de l’austérité budgétaire à de grands investissements culturels n’est pas plus justifié dans la crise que renoncer à de grands investissements technologiques. C’est pourquoi je salue en particulier l’achèvement du beau projet de la Philharmonie de Paris dont le coût – 381 millions d’euros – est à mettre en regard de celui de la construction de la Philharmonie de Hambourg – 789 millions – ou de la rénovation du Staatsoper de Berlin – 289 millions. Madame la ministre, sur le plan financier, qu’en est-il aujourd’hui de la parité entre l’État et la ville de Paris qui constituait l’un des fondements du projet ?

Je rappelle que, grâce à l’action publique, nous avons conservé un réseau de libraires. Grâce à elle aussi, la vitalité du cinéma français se maintient alors que le cinéma européen s’est effondré, et notre territoire continue d’attirer les créateurs et les touristes du monde entier dans des proportions qui sont sans commune mesure avec la réalité de notre puissance économique.

L’intervention publique est d’autant plus nécessaire qu’une partie importante des dépenses culturelles, notamment celles qui concernent le spectacle vivant, sont soumises à ce que les économistes appellent la « loi de Baumol ». L’interprétation de La Flûte enchantée demande à peu près aujourd’hui la même quantité de travail qu’à l’époque de Mozart, alors même que l’on produit vingt fois plus de biens aujourd’hui en une heure de travail qu’au début de la révolution industrielle et que les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions. En d’autres termes, ce secteur est confronté par nature à des coûts croissants, de sorte que sa préservation ne peut être assurée que grâce à un financement public important et même croissant.

Ce soutien au spectacle vivant passe aussi par ce qui constitue l’un des acquis fondamentaux de l’exception culturelle française : le régime de l’intermittence. Ce régime ne devrait pas être considéré comme une simple assurance chômage, mais comme une contribution indirecte à la création culturelle dans un domaine caractérisé par une précarité inhérente à la création. En outre, les artistes, comme les scientifiques ont non seulement une mission de création mais aussi une mission d’éducation qui devrait être mieux reconnue par le régime des intermittents. Au moment où nous relançons à juste titre l’éducation artistique à l’école, il me paraît important que le volume d’heures d’enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées au titre de l’annexe 10 du régime général d’assurance chômage soit augmenté, comme le suggérait en avril 2013 l’excellent rapport de la mission d’information commune de l’Assemblée sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, présidée par Christian Kert, et dont le rapporteur était Jean Patrick Gille.

Madame la ministre, le grand projet de loi que vous nous présenterez l’année prochaine a vocation à rassembler dans un seul texte la préservation du passé et du futur. Intégrera-t-il tous les secteurs culturels ?

Jack Lang disait en 1982 : « Il n’y aura de renaissance économique que si chacun de nos pays croit en l’avenir, est prêt à investir dans l’intelligence et l’imagination, croyant d’abord en lui-même avant de se soumettre à la fatalité de prétendues lois internationales. » Trente ans plus tard, ce discours est toujours d’actualité.

M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial pour les crédits du programme « Patrimoines ». Cette année, une fois n’est pas coutume, les crédits consacrés au patrimoine connaissent une relative stabilité. Il faut en effet rappeler que, depuis 2012, une diminution de près de 13 % de ces crédits a été enregistrée, consacrant, certes, la participation du ministère et de ses opérateurs à l’effort de redressement de nos finances publiques, mais faisant aussi porter essentiellement cet effort sur le programme 175 « Patrimoines ».

Avec 745,6 millions d’euros, les autorisations d’engagement devraient encore baisser l’année prochaine d’un peu plus de 2 %, mais les crédits de paiement présentent, de leur côté, une très légère augmentation de l’ordre de 0,6 %. Ils s’élèveraient ainsi à 751 millions d’euros en 2015, soit 4,5 millions d’euros de plus qu’en 2014.

Lorsque l’on observe l’ensemble des crédits des programmes de la mission « Culture »sur la durée du budget triennal, il apparaît que la programmation envisagée pour la période 2015-2017 confirme cette volonté de stabilisation des crédits. Sous réserve que cette trajectoire soit respectée, en ces temps de vaches maigres, on ne peut que se réjouir de cet objectif de stabilisation.

J’en viens aux moyens alloués aux opérateurs du programme. Avec 366,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 362,8 millions d’euros en crédits de paiement, les crédits des opérateurs représentent presque la moitié des crédits du programme.

Le projet de loi de finances prend acte des importants efforts financiers que ces opérateurs ont eu à effectuer ces dernières années. En 2015, seuls les musées du Louvre et d’Orsay devraient voir leurs subventions d’investissement diminuer. Il est vrai cependant que les efforts en faveur du redressement des finances publiques consentis au cours des exercices précédents ne pouvaient se poursuivre plus avant sans une remise en cause profonde des missions et des politiques publiques financées par les opérateurs.

J’ai souhaité, cette année, faire porter tout particulièrement mes travaux sur la politique publique de l’archéologie préventive. J’ai rencontré les différents acteurs publics du secteur : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), mais aussi, à l’occasion d’un déplacement à Bordeaux, les services déconcentrés de l’État, et les services de la communauté urbaine de Bordeaux chargés de cette compétence. J’ai souhaité, d’une part, faire le point sur les difficultés récurrentes de recouvrement de la redevance d’archéologie préventive (RAP) – dont les modalités méritaient l’année dernière que je parle de fiasco dans mon rapport spécial – et, d’autre part, observer au plus près du terrain les conséquences de l’ouverture à la concurrence des activités de fouilles archéologiques.

Je formule dans mon rapport spécial quelques propositions qui, si elles étaient mises en œuvre, permettraient sans doute de faciliter la résolution des difficultés constatées, qui vont au-delà de simples problématiques budgétaires et révèlent, à travers une mise en concurrence insuffisamment maîtrisée, un véritable malaise chez des professionnels pourtant passionnés par leur métier.

Madame la ministre, mes premières questions concernent bien évidemment la redevance d’archéologie préventive. Pouvez-vous me confirmer que les difficultés informatiques précédemment rencontrées sont enfin définitivement résolues ? Pourriez-vous nous fournir une évaluation du rendement de la RAP pour 2015 dans un environnement économique dégradé ?

Je relève que, la semaine dernière, les principaux opérateurs du programme n’avaient manifestement pas encore reçu la notification officielle de leurs crédits. Ces opérateurs semblent connaître en particulier des difficultés en matière de gestion des personnels. Certains déplorent en effet la rigidité de recrutement qu’impose la structure d’emploi de la fonction publique en ce qui concerne les effectifs sous plafond. Ce manque de souplesse est, selon eux, préjudiciable à leur activité. Est-il envisageable de leur accorder une réelle liberté de recrutement de façon à répondre au mieux à leurs besoins ?

Je souhaite vous interroger sur les modalités de financement des travaux de restauration du Grand Palais sur lesquelles une grande incertitude demeure. Certes, les études vont être financées et donc lancées, mais où en sommes-nous réellement ?

Cette semaine, dans le cadre du chantier de la simplification administrative, cinquante nouvelles mesures ont été annoncées, dont certaines concerneraient le droit du patrimoine et le régime des monuments historiques. Êtes-vous en mesure de nous apporter des précisions sur ce sujet ?

Enfin, un projet de loi relatif au patrimoine aurait dû être examiné cette année. Pouvez-vous nous communiquer des informations sur le contenu de ce texte et sur le calendrier envisagé pour son examen ? J’ai déjà fait valoir dans mon précédent rapport spécial que nous étions en droit d’attendre en la matière des avancées significatives.

Mme Annie Genevard, rapporteure pour avis pour les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». L’avis budgétaire que je vous présente concerne le programme 131 « Création », programme support des actions d’encouragement à la création et à la diffusion des œuvres dans le domaine du spectacle vivant comme dans celui des arts plastiques ; et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », programme support du ministère de la culture et de la communication, qui comporte également les crédits en faveur de la démocratisation culturelle, qu’il s’agisse des dispositifs d’éducation artistique et culturelle (EAC) à destination de la jeunesse ou de ceux visant à assurer une égalité d’accès à l’offre culturelle pour tous. Ces deux programmes représentent environ 70 %des crédits de la mission « Culture ».

Permettez-moi de faire deux remarques liminaires sur l’évolution globale du budget de la culture. La première est relative à la « sanctuarisation » annoncée des crédits de la culture pour 2015. Elle cache à mon sens des évolutions contrastées selon les programmes ; j’y reviendrai. La seconde concerne le temps plus long. Je déplore en effet la baisse constante des crédits de la culture depuis 2012 : dans les projets de loi de finances successifs, leur part est passée d’un peu plus de 1 % du budget général en 2012, à 0,92 % en 2013, puis à 0,87 % en 2014. Entre la loi de finances pour 2012 et le projet de loi de finances pour 2015, les crédits de paiement de la mission « Culture » dans son ensemble sont réduits de 166 millions d’euros, soit une baisse de 6 % en trois ans. Je pense donc qu’il serait plus juste de parler de stabilisation – en légère baisse tout de même – sur un point bas, que de sanctuarisation.

Madame la ministre, je souhaite consacrer l’essentiel de mon temps de parole à vous interroger sur les crédits des deux programmes dont j’ai la charge.

Pour ce qui concerne le programme « Création », pouvez-vous nous indiquer les raisons de la diminution des crédits alloués à l’action 1 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » ? Ils reculent de 2,3 % sur un an, soit une baisse de 44,8 millions d’euros. Les réponses au questionnaire budgétaire que j’ai fait parvenir à vos services expliquent l’évolution des crédits de cette action par la fin des paiements du chantier de la Philharmonie, ce qui permet sans doute de justifier une réduction de l’ordre de 20 à 25 millions d’euros, mais je ne parviens pas à comprendre comment ce facteur expliquerait une baisse globale des crédits de plus de 40 millions. Le compte n’y est pas.

Pour l’action 1, une enveloppe de 9,8 millions d’euros est inscrite en 2015 pour couvrir la part des frais de fonctionnement de la Philharmonie de Paris financée par l’État. Avez-vous reçu l’engagement de la mairie de Paris qu’elle prendra bien en charge pour 2015 sa part du budget de fonctionnement de cet équipement ? J’avoue être assez inquiète car, en l’absence de financement paritaire, des crédits pourraient manquer, ce qui risquerait de mettre en péril le très beau programme pédagogique qui donne toute son âme au projet en promouvant la diffusion de la musique classique auprès d’un plus large public.

Mes questions relatives au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » portent sur l’éducation artistique et culturelle (EAC). Les crédits de l’action 2 « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique » se réduisent, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, de 5 % sur un an, ce qui représente 4,3 millions d’euros en moins. Les réponses de votre ministère au questionnaire budgétaire montrent que les crédits de l’EAC progressent de 1,7 million d’euros en un an ; ce chiffre ne me paraît pas cohérent par rapport aux éléments qui figurent dans le projet annuel de performances. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? En tout état de cause, une évolution des crédits à la baisse serait en contradiction avec l’affirmation d’une priorité donnée à l’EAC, et avec votre discours. Je rappelle que la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a fait de l’EAC une composante fondamentale de la formation de tous les élèves. Elle a aussi instauré un parcours d’EAC pour tous, qui doit se développer sur l’ensemble des temps de vie même si les indicateurs de performance en la matière demeurent assez médiocres – moins d’un enfant ou d’un adolescent sur trois a bénéficié d’une seule action d’EAC par an, et cette statistique stagne depuis deux ans.

Dans le projet annuel de performances de la mission « Culture » pour 2015, on peut lire que « le projet du ministère vise non seulement à conforter l’ambition d’une EAC repensée en tant que levier structurant de développement culturel mais aussi à renforcer le partenariat avec les collectivités territoriales ». Est-ce à dire qu’il reviendra aux collectivités territoriales de contribuer davantage pour compenser la réduction des crédits alloués par l’État ?

Dans la partie thématique de mon avis, j’aborde la question des moyens dont dispose le ministère de la culture pour observer les pratiques culturelles dans les communes de moins de 10 000 habitants en zone rurale, zones pour lesquelles il est quasi aveugle aujourd’hui. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de créer un observatoire des politiques culturelles ? Est-il prévu qu’il puisse s’appuyer sur des outils d’analyse rénovés ?

Mme Sophie Dessus, rapporteure pour avis pour les crédits du programme « Patrimoines ». En travaillant sur le programme « Patrimoines », j’ai souhaité redéfinir ce que ce terme signifiait. Spontanément, le mot évoque la mémoire, mémoire de sites, de monuments, de documents ; mémoire révérée, mais en général figée dans son histoire. Pourtant, depuis une trentaine d’années, la notion de patrimoine a évolué, et suite au travail de personnalités telles qu’André Malraux ou Jack Lang, l’on n’hésite plus à considérer, selon la formule de Christian de Portzamparc, que « respecter le passé, c’est le faire revivre ».

J’ai en conséquence choisi de particulièrement m’intéresser dans mon avis budgétaire aux sites industriels « recyclés ».

Madame la ministre, la refonte du label « patrimoine du XXe siècle » nous amènera-t-elle à jeter un autre regard sur le patrimoine, environnement qui nous est familier mais que nous ne savons pas toujours regarder et que nous avons bien trop souvent défiguré ?

Ne l’oublions pas, le patrimoine c’est aussi ce qui est créé aujourd’hui et rentrera dans l’histoire demain ! Quelle marge de manœuvre laissons-nous à nos artistes, en particulier à nos architectes, pour qu’ils aient la liberté de créer ce qui sera le patrimoine du XXIe siècle ?

Bien sûr, et heureusement, il y a Frank Gehry et son vaisseau amiral, mais quelle sera la place de la création architecturale dans la future loi que vous avez si justement consacrée « à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine » ? Permettra-t-elle de lutter contre ce que Rudy Ricciotti appelle le « salafisme architectural » ou la « pornographie réglementaire » ? L’appel de Jack Lang sera-t-il entendu, qui nous demande de déclarer la guerre à la routine stérile et d’utiliser le patrimoine comme un levier de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation ? La révision des normes, en plus de libérer une créativité indispensable, permettrait de favoriser la diversité dans le respect de tous et de chacun. Elle se traduirait par des économies, et relancerait les chantiers et le BTP.

Pour en venir aux crédits du programme, je relève la stabilité de l’ensemble après deux ans de forte baisse. On peut même parler d’une très légère hausse de 0,6 %, soit 4,4 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires, ce qui est loin d’être négligeable dans un contexte de fortes contraintes marqué par la planification d’une baisse des dépenses publiques de 50 milliards sur trois ans. Cette stabilité confirme l’intérêt du Président de la République pour la culture. Il nous l’a encore rappelé dernièrement lors de l’inauguration du musée Picasso en affirmant que : « Le talent d’une nation se mesure à la place qu’elle accorde aux artistes. »

Quelques questions demeurent toutefois sur les variations budgétaires. Je relève par exemple une baisse de 1,3 % des crédits de restauration consacrés aux monuments historiques appartenant à l’État. Prévoyez-vous leur stabilisation à moyen ou long terme ? Ces crédits sont nécessaires à la sauvegarde du patrimoine, atout majeur de l’attractivité de la France et, en conséquence, du développement de son économie touristique ?

Une baisse est à noter également, qui peut paraître importante, des crédits consacrés aux archives et aux célébrations. Ce recul de 8,7 % concerne-t-il plus particulièrement les projets de numérisation des archives ou des reports sur ce programme, ou s’agit-il seulement de revoir à la baisse le budget des célébrations nationales ? Autant il était important d’insister en 2014 sur les commémorations relatives à la Grande Guerre, autant il me semble que les Français ne devraient pas trop nous en vouloir si l’anniversaire de la naissance de Pépin le Bref, né en 715, était célébré avec un faste des plus raisonnables. (Sourires.)

J’ai par ailleurs constaté que les crédits de l’Institut national de recherches archéologiques préventives étaient en forte progression. Cette évolution marque votre volonté de compenser la baisse des rentrées de la redevance d’archéologie préventive. Selon vous, quel peut-être l’avenir du financement de l’INRAP ? Quelles sont les perspectives de rendement de la RAP ?

Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous pour libérer l’architecture de la standardisation normative actuelle qui l’étouffe, « laminoir qui vous pèle l’âme jusqu’à l’os », selon Rudy Ricciotti, qui sait de quoi il parle. C’est à nous tous, amoureux du patrimoine et de son environnement, qu’il revient d’exaucer René Char : « Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. »

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, avant de répondre à vos questions, je souhaite prendre quelques minutes pour vous présenter les orientations politiques qui sont les miennes et qui ont conduit aux choix budgétaires que je soumets aujourd’hui à votre examen.

Après deux années de baisse et de rationalisation, en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0,33 % en 2015 s’agissant de l’ensemble des crédits budgétaires pour s’élever à 7,08 milliards d’euros.

Dans un contexte de difficultés pour les finances publiques que vous connaissez tous, cette stabilisation est bien le signe d’une priorité donnée par le Gouvernement à la culture et aux médias. Il s’agit d’un signe fort adressé à l’ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui œuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création, mais aussi d’un engagement puissant à l’égard des collectivités locales montrant que l’Etat ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l’ensemble des territoires. Cet enjeu est pour moi très important puisque, comme vous le savez, la culture est un champ de responsabilité éminemment partagée entre l’Etat et l’ensemble des niveaux de collectivités.

À l’heure où les débats à venir dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, de même que ceux qui ont eu lieu lors du vote de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, réinterrogent les modes de partenariat entre les collectivités et l’État, et alors que la contrainte sur les finances publiques locales induit l’abandon de certains projets, il était indispensable de montrer que l’État restera présent et continuera à jouer pleinement son rôle dans les politiques culturelles publiques.

Cette stabilisation du budget demandera de poursuivre les efforts, de maintenir des équilibres délicats, mais elle permettra, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action, que j’ai déjà eu l’occasion de présenter lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles, le 14 octobre dernier.

Il s’agit d’abord de repenser l’accès à la culture à partir des pratiques culturelles des Français, particulièrement des jeunes. Je suis heureuse aujourd’hui de pouvoir vous dire que le budget 2015 poursuit résolument l’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle qui aura vu ses moyens spécifiquement dédiés augmenter d’un tiers entre 2015 et 2012.

Il s’agit ensuite de renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. Le budget pour 2015 prévoit ainsi les moyens nécessaires à l’ouverture de la Philharmonie de Paris qui, au-delà des questions légitimes portant sur le coût et l’avancement des travaux, est surtout un magnifique équipement d’excellence et de rayonnement, qui permettra à notre pays de trouver une place de choix sur la carte européenne et internationale des métropoles « qui comptent » en matière musicale. Après deux années d’efforts importants, engager le processus de consolidation de nos opérateurs muséaux et patrimoniaux leur permet aussi de poursuivre ou d’accélérer leurs initiatives en faveur du rayonnement de nos collections et de nos savoir-faire à l’étranger – je pense au centre Pompidou de Malaga ou au Louvre Abu Dabi.

Je souhaite enfin encourager le renouveau créatif, celui de nos artistes, de nos auteurs, de toutes nos industries culturelles et créatives. C’est pourquoi le budget pour 2015 préserve les crédits dédiés à la création dans son ensemble, et met aussi l’accent sur les moyens dédiés aux écoles d’enseignement supérieur, car elles accueillent chaque année plus de 36 000 étudiants qui sont les créateurs de demain.

Ces grandes orientations se déclinent dans l’ensemble des politiques culturelles, multiples, que porte le ministère et que je souhaite vous présenter rapidement.

Parce que la jeunesse est une priorité, il me semble important de commencer par le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » qui permet de concrétiser deux priorités. La première, la poursuite du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle qui verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d’euros afin que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) puissent accompagner les collectivités locales pour proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires – je rappelle qu’un tiers des activités proposées aux enfants concerne un domaine culturel. Une véritable mobilisation de tous les acteurs de terrain, associations, bibliothèques, écoles de musiques, théâtres et compagnies, s’organise aujourd’hui ; je souhaite que les DRAC soient encore plus présentes auprès d’eux. Il s’agissait d’un engagement : plus d’un tiers de ces crédits sont utilisés dans les territoires issus de la cartographie prioritaire. La culture constitue un puissant vecteur de lien social ; elle est aussi au service de la lutte contre les inégalités.

L’enseignement supérieur est une autre priorité, et je pense en particulier aux étudiants eux-mêmes qui vivent dans des conditions économiques parfois très difficiles. J’augmenterai en conséquence de plus de 14,5 % les bourses attribuées sur critères sociaux et les aides pour les étudiants afin de ne pas fragiliser le recrutement des écoles parmi des populations à faible revenu. C’est aussi, je le crois, notre responsabilité sociale. S’agissant des écoles elles-mêmes, le budget pour 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes même si, pour cela, j’ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d’enseignement du spectacle vivant. De nouveaux projets d’investissement qui me tiennent à cœur seront également lancés en 2015 comme la création d’une école de la photographie à Arles, ou la modernisation nécessaire des écoles d’architecture de Marseille puis de Toulouse.

Des créateurs de demain aux créateurs d’aujourd’hui, il n’y a qu’un pas. Le Premier ministre s’y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme « Création » sont consolidés pour les trois années à venir. À l’heure où la mission de concertation et de proposition tripartite confiée à M. Jean Patrick Gille, M. Jean-Denis Combrexelle et Mme Hortense Archambault travaille avec l’ensemble des acteurs concernés pour proposer des solutions viables et pérennes concernant le régime de l’intermittence, il s’agit d’un signe indispensable montrant à tous les professionnels l’engagement de l’Etat en faveur de la création. Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent du reste à la structuration de l’économie de ce secteur, et à l’amélioration des conditions d’emploi des artistes. Ces moyens budgétaires se transforment en emplois ; l’aide aux compagnies garantit leur activité et leur capacité à salarier des artistes ; la commande publique constitue une source de revenus pour les auteurs et les plasticiens, et les subventions aux labels nationaux tels que les centres dramatiques nationaux (CDN) incluent des moyens de production qui permettent de payer des artistes et des techniciens.

Le budget pour 2015 permet d’ouvrir la Philharmonie de Paris, un nouvel équipement de référence pour la diffusion musicale mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics grâce à un programme culturel et éducatif ambitieux. Au-delà des vicissitudes de la fin de chantier, ce budget témoigne des débuts de l’activité de l’établissement puisqu’il ne comporte désormais pour cet équipement que des crédits de fonctionnement. Les crédits d’État sont bien prévus, et la Philharmonie travaillera en synergie avec la Cité de la Musique, et les structures accueillies.

Dans le domaine des arts plastiques, les hôtels de Montfaucon et de Caumont, rénovés, accueilleront à Avignon, à partir du mois de juillet 2015, la collection Lambert qui est la plus importante donation faite en France depuis vingt ans. Elle renforcera encore l’attractivité de cette ville, et de notre pays.

Mes propos ne seraient pas complets si je n’évoquais pas avec vous la richesse des secteurs du patrimoine. Une subvention pour charges de service public d’un montant de 5 millions d’euros est destinée à l’INRAP. Il ne s’agit pas de modifier le régime de financement de cet opérateur, cependant, le ralentissement de l’économie et les dernières difficultés de recouvrement de la RAP ayant fragilisé son équilibre financier, cette subvention traduit la pleine reconnaissance par l’État des missions de service public confiées à l’établissement tant en matière scientifique que territoriale.

Plus généralement concernant le patrimoine, l’Etat répondra présent, avec un maintien des crédits déconcentrés, soit plus de 224 millions d’euros s’agissant des monuments historiques dont on sait l’importance pour le patrimoine lui-même mais aussi pour l’emploi et l’activité économique des territoires. Du reste, et c’est un point saillant du budget pour 2015, grâce aux marges dégagées par la fin de grands chantiers décidés dès 2012, l’effort d’investissement peut aujourd’hui reprendre tout en s’accompagnant d’une vision plus structurée et plus rationnelle que par le passé grâce à l’élaboration de schémas directeurs d’entretien et de restauration des monuments et domaines, qui se substituent progressivement à une logique d’opération au coup par coup. L’Etat joue ainsi plus pleinement son rôle de contrôle scientifique et technique en se dotant d’outils plus efficaces et plus rationnels. Le schéma directeur de Versailles se poursuit, celui de Fontainebleau prend une nouvelle dimension opérationnelle, alors que s’engagent ceux du centre Pompidou et du Grand Palais.

L’amélioration de l’accueil du public sera également au cœur de nos priorités, avec la rénovation de l’accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l’hôtel de la Marine grâce à la mobilisation des moyens et à l’expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts et consignations, le projet Pyramide du musée du Louvre, ou encore l’expérimentation de l’ouverture sept jours sur sept, à l’horizon 2017, des trois grands musées nationaux très fréquentés que sont Versailles, le Louvre et Orsay.

Même s’il s’agit d’un projet dématérialisé, c’est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi en jeu dans le projet interministériel de plate-forme d’archivage électronique, dit VITAM, qui permettra, grâce à la mobilisation des moyens des investissements d’avenir, d’assurer, à la suite d’un travail de large coopération avec les ministères de la défense et des affaires étrangères, la conservation des archives électroniques, de plus en plus nombreuses compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives. Nous aurions bien tort de nous priver de cette occasion de conjuguer patrimoine et modernité.

Après avoir décrit quelques-uns des traits saillants du budget soumis à votre discussion, permettez-moi maintenant de répondre à vos questions.

Vous m’avez interrogée sur le financement de la Philharmonie de Paris. En octobre 2013, le coût du chantier a été fixé à 381,5 millions d’euros, soit une révision à la hausse de 45 millions d’euros. Une provision couvrant d’éventuels aléas avait été prévue dans cette enveloppe, qui a été consommée. Le principe d’un financement paritaire avec la ville de Paris avait en effet été initialement retenu mais, en août 2014, la Ville a souhaité revoir les conditions de sa participation financière concernant notamment les 45 millions complémentaires. Afin de permettre l’achèvement du chantier dans les temps, le Premier ministre a décidé que l’État prendrait en charge l’intégralité de ces surcoûts. Au final, l’engagement de l’État s’élève donc à 203 millions d’euros. Ces fonds seront mobilisés sur la fin de l’exercice 2014 de sorte que ne soient sollicités pour 2015 que des crédits destinés au fonctionnement.

Conformément au souhait de la mairie de Paris, nous avons souhaité vérifier que le budget de fonctionnement de la Philharmonie était bien conforme à nos ambitions s’agissant d’un équipement destiné à assurer tant un rayonnement international qu’un lien avec les populations du Grand Paris qui sont peu en contact avec la musique classique. À la demande du Premier ministre, nous avons confié une mission aux services de la ville et du ministère afin d’évaluer les marges dont nous disposions en matière de fonctionnement. Les conclusions, qu’elle doit remettre à la fin du mois de novembre, permettront de calibrer de façon définitive les montants respectifs que la Ville et l’État consacreront au fonctionnement de l’équipement à partir de 2015.

Avec des crédits de 9,8 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2015 témoigne de l’engagement déterminé de l’État en faveur de la Philharmonie. Nous sommes totalement mobilisés afin que l’inauguration de cet équipement soit un événement marquant sur la scène internationale, comme l’ont été tout récemment l’ouverture du musée Picasso ou celle de la Fondation Louis-Vuitton.

Je présenterai au Parlement au premier semestre de l’année 2015 – probablement vers le mois de mars – un projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Les spécificités de la création, d’une part, et du patrimoine, d’autre part, n’empêchent pas de proposer à la représentation nationale un seul débat sur les deux grandes politiques publiques menées par le ministère depuis sa création. Les actions menées dans ces domaines, cohérentes et complémentaires, se répondent évidemment. Ce débat sera l’occasion pour le Gouvernement d’affirmer son attachement aux principes fondateurs de l’identité de notre pays en matière culturelle : la liberté de création, le soutien aux créateurs, la protection de leur statut, l’accessibilité la plus large aux œuvres de l’esprit présentes et passées, le développement de l’architecture, et la préservation et la valorisation du patrimoine.

Les dispositions relatives à la création seront l’occasion d’affirmer solennellement la reconnaissance de la nation à l’égard de la création artistique et de ses acteurs. Elles permettront notamment de stabiliser l’environnement juridique de l’activité des artistes-interprètes, de reconnaître de nouvelles professions du spectacle dans notre droit du travail et d’améliorer la protection sociale de l’ensemble de ces professions. Elles faciliteront aussi l’accès des personnes handicapées aux œuvres littéraires.

Les dispositions relatives au patrimoine clarifieront le droit des espaces protégés pour le rendre plus efficace et plus compréhensible par nos concitoyens, sans qu’il soit question de renoncer à un haut niveau de protection. Elles faciliteront également la circulation des collections nationales hors les murs des institutions culturelles et réduiront les délais d’accès aux archives publiques. Elles affirmeront le caractère public des vestiges archéologiques mobiliers, et l’inaliénabilité des grands domaines nationaux qui ont un lien exceptionnel avec notre histoire. Certaines mesures porteront plus spécifiquement sur l’architecture, qui se trouve à la confluence de la création et du patrimoine. Son rôle essentiel sera réaffirmé pour améliorer l’environnement esthétique de tous, et la création architecturale sera encouragée.

Je travaille actuellement à l’élaboration du projet de loi, en lien avec certains d’entre vous. Cette loi sera l’occasion de faire un geste politique fort pour réaffirmer le caractère national de la politique culturelle et permettre l’adaptation de ses principes fondateurs qu’il nous faut absolument préserver pour faire face aux enjeux du futur.

Monsieur Jean-François Lamour, je suis particulièrement désireuse de trouver les voies d’évolution et les réformes qui permettront d’améliorer la situation de l’INRAP tant sur le plan économique que sur le plan social, car l’archéologie préventive est un secteur qui me tient à cœur. La réforme de la RAP inscrite au PLFR 2011 puis au PLFR 2013 concernait la filière urbanisme. Le rendement de la redevance a été porté à 122 millions d’euros, montant nécessaire au bon fonctionnement du dispositif. Le plafond a été écrêté à 118 millions d’euros par le PLFR 2014 afin de gager un relèvement du plafonnement de la taxe sur la billetterie des spectacles, affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). En 2013, année de transition, le ministère du logement a rencontré des difficultés techniques pour procéder à la liquidation de la RAP. En 2013 et 2014, le recouvrement de la filière urbanisme a connu une interruption qui a obligé le ministère à apporter un soutien financier à l’INRAP et au Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP). Ces difficultés semblent aujourd’hui résolues. La reprise de cette part de liquidation dans Chorus est effective depuis mars 2014, et les premiers versements à l’INRAP et au FNAP ont eu lieu en avril dernier. L’intervention du ministère a permis d’assurer, en 2013 et 2014, la continuité du service, et d’éviter tout défaut de paiement du salaire des 2 100 agents de l’INRAP. Les encaissements de redevance en 2014 incluent un effet de rattrapage des créances liquidées en 2013 qui n’avaient pas pu être recouvrées. Il est difficile aujourd’hui d’établir des prévisions stables pour les rentrées de RAP en 2015. À ce stade de la gestion, 86 millions de titres ont été émis.

À ma connaissance, monsieur Lamour, les problèmes de recrutement que connaît l’établissement public de Versailles ne sont pas liés aux rigidités de la structure d’emploi de la fonction publique, mais plutôt aux difficultés que rencontrent les agents pour se loger sur place. Je travaille actuellement sur la question extrêmement sensible des logements de fonction et de service avec le secrétaire d’État chargé du budget afin d’en assouplir les conditions d’accès. De façon générale, je considère que le Parlement doit continuer de contrôler les emplois financés par l’Etat et par les établissements publics. Je suis en revanche favorable au développement des emplois hors plafond, permis par l’essor des ressources propres des opérateurs.

Le schéma directeur de restauration et d’aménagement du Grand Palais, qui vise à mieux valoriser un élément exceptionnel du patrimoine parisien, constitue un enjeu de première importance pour le ministère. Ce monument a un rôle majeur à jouer en termes d’attractivité comme le montre déjà la diversité de ses activités actuelles : accueil de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), défilés de mode, grandes expositions… Le projet présenté par M. Jean-Paul Cluzel, président de l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (RMNGP), permet d’exploiter toutes les potentialités d’un bâtiment encore insuffisamment mis en valeur et rationalisé. L’intérêt du projet a été reconnu par le Commissariat général à l’investissement, qui lui a donné un avis favorable. Afin de financer ce chantier de très grande envergure plusieurs pistes sont toujours à l’étude pour lancer une opération sur une durée relativement brève et ne pas fermer les lieux trop longtemps, tout en maintenant les capacités d’investissement du ministère dans d’autres projets en région. Nous analysons actuellement la possibilité de mobiliser les capacités d’emprunt de l’opérateur, les ressources propres de la RMNGP, et d’autres ressources complémentaires.

Les dispositions de simplification relatives aux autorisations d’urbanisme liées aux questions patrimoniales ont vocation à figurer dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. En revanche les mesures d’urbanisme de portée générale qui ne seraient pas spécifiques aux opérations patrimoniales figureront dans le futur projet de loi « Macron » pour l’activité.

Madame Annie Genevard, vous constatez un recul des crédits du spectacle vivant. Pour les dépenses d’investissements, une diminution en autorisations d’engagement (AE) et une augmentation en crédits de paiement (CP) sont enregistrées. Ce décalage entre AE et CP s’explique par le fait que les travaux liés aux opérations menées à l’Opéra Comique et au Théâtre national de Chaillot ont déjà été engagés et ne requièrent pas l’ouverture de nouvelles autorisations d’engagement en 2015. Ils donneront en revanche lieu à des paiements au cours de cet exercice, qui nécessitent l’ouverture de CP. Pour les dépenses d’intervention, la baisse de 26,4 millions d’euros en crédits de paiement correspond à l’abattement des crédits liés aux dépenses d’investissement de la Philharmonie achevée. La fin des travaux de la Philharmonie, et l’évolution de ceux de l’Opéra Comique et du Théâtre national de Chaillot expliquent en conséquence la réduction apparente des crédits du spectacle vivant.

Le recul de 5 % des crédits de l’action « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle » entre la loi de finances initiale pour 2014 et le PLF 2015 résulte de l’imputation de la réserve parlementaire. Une fois les crédits 2014 retraités de la réserve, l’on constate une augmentation de 3,5 % des crédits de cette action. La part de la réserve imputée représente 6,9 millions d’euros en 2013. L’EAC est une priorité forte de ce budget ; elle le restera dans les prochaines années grâce à la mise en œuvre du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, doté de 7,5 millions d’euros en 2014, et de 10 millions d’euros en 2015 – sur un total de crédits directs réservés à l’EAC de 41 millions, hors moyens mis en œuvre par les opérateurs.

Le ministère de la culture dispose depuis plusieurs décennies d’un département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) qui met en place des indicateurs de suivi régulier des dépenses culturelles des collectivités et des pratiques culturelles des Français. Ses indicateurs permettent d’isoler, en tant que de besoin, les dépenses des villes petites et moyennes ainsi que les pratiques culturelles de leurs habitants. Si le futur projet de loi ne prévoit pas la création d’un nouvel observatoire des politiques culturelles, nous avons prévu d’unifier nos pratiques d’observation – nous récupérerons notamment les statistiques fournies par la billetterie des spectacles de façon plus rationnelle, comme cela se pratique déjà pour le cinéma. Je souhaite aussi que les collectivités puissent s’unir pour mieux analyser leurs politiques culturelles respectives. Elles pourraient utiliser à cette fin l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble.

Madame Sophie Dessus, vous l’avez remarqué, j’ai voulu que l’architecture figure dans le titre même du projet de loi que je défendrai devant vous l’année prochaine. Je souhaite qu’il consacre pour la première fois la notion de qualité architecturale dans le code du patrimoine, et qu’il permette une attribution plus large du label « patrimoine du XXe siècle » afin que ce patrimoine soit mieux connu et mieux protégé. Dans ce cadre, je considère que tout projet d’aménagement ayant un impact sur un bâtiment labellisé devrait faire l’objet d’une concertation en amont.

J’ai par ailleurs annoncé l’élaboration d’une stratégie nationale pour l’architecture afin de mieux sensibiliser nos concitoyens à l’architecture, en particulier à sa valeur ajoutée dans la construction de logements. Elle devra permettre de développer le recours aux architectes, profession qui connaît aujourd’hui des difficultés. Je souhaite également favoriser l’innovation en passant d’une logique des normes – même si je ne reprends pas les termes que vous avez employés, madame la députée, j’en ai apprécié la teneur (Sourires) – à une logique de l’objectif. Il faut enfin réaffirmer le rôle essentiel du savoir-faire des architectes en faveur d’un urbanisme de qualité pour la fabrique de la ville durable de demain.

Le Gouvernement est déterminé à faire du patrimoine un levier d’aménagement du territoire et de développement économique, en lien étroit avec les collectivités territoriales : celui-ci constitue en effet un facteur d’attractivité pour nos territoires et un élément de structuration esthétique des paysages. C’est pourquoi je formulerai dans les semaines à venir de nouvelles propositions en ce sens. Et c’est afin de conforter le patrimoine que les 276 millions d’euros de crédits que nous lui consacrons en 2015 sont sanctuarisés dans le budget que je vous propose.

Les crédits de restauration consacrés aux monuments historiques appartenant à l’État ne sont nullement en diminution : à la baisse de 5 millions d’euros des crédits de restauration gérés par l’administration centrale correspond une augmentation symétrique des crédits destinés à financer des opérations de restauration de monuments appartenant à l’État, identifiés sur les lignes budgétaires de ses opérateurs. Ces opérations concernent le château de Fontainebleau et le Grand Palais. L’essor des schémas directeurs permet en effet de mieux identifier ces crédits en loi de finances sur une ligne spécifique.

La baisse de crédits de paiement affectant la ligne budgétaire consacrée aux archives et aux célébrations correspond à l’achèvement de plusieurs opérations d’investissement : la fin des paiements du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et la diminution des restes à payer sur les projets de rénovation d’archives départementales. Le niveau des autorisations d’engagement est même en légère augmentation – ce qui permettra notamment de lancer le vaste programme interministériel VITAM pour la conservation des archives numériques.

Il me paraît important d’engager une réflexion structurelle sur le paysage institutionnel de l’archéologie préventive. La réforme de l’organisation territoriale de la République doit constituer le support de cette réflexion, l’objectif étant d’assurer une meilleure régulation de l’archéologie préventive. Cette dernière suppose un contrôle renforcé de la délivrance des agréments et de l’activité des opérateurs agréés, un renforcement du contrôle scientifique et technique et l’exploration de toute autre piste de nature à assurer un haut niveau de qualité en matière d’archéologie préventive ainsi que l’efficacité du service public. Enfin, cette réflexion devra tenir compte de la réalité concurrentielle du marché.

Mme Marie-Odile Bouillé. Après deux exercices de rigueur et de remise en ordre, le Gouvernement a décidé de conforter au cours des trois prochaines années le budget de votre ministère, qui connaîtra même une légère augmentation, malgré une situation difficile. Ce budget de 3,22 milliards d’euros, hors audiovisuel public, est donc « sanctuarisé ». S’agissant du patrimoine, les efforts sont redéployés en faveur d’une nouvelle génération de projets, directement tournés vers le développement de l’accueil des publics et vers l’éducation artistique et culturelle. Ainsi les crédits déconcentrés du programme 175 sont-ils maintenus. Le soutien au spectacle vivant voit ses crédits augmenter de 1,4 million d’euros, un effort particulier étant accompli en faveur des scènes de musiques actuelles et des scènes nationales.

La nouvelle génération des contrats de projet État-régions (CPER) devrait permettre de soutenir les projets des collectivités territoriales. L’effort de rééquilibrage en faveur des arts plastiques se poursuit avec une hausse de crédits de 3 millions d’euros.

Le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle lancé en 2013 se voit doté de 7,5 millions d’euros en 2014 et de 10 millions d’euros en 2015, soit un total de 41 millions, en augmentation de 6,5 %. La dotation allouée à l’ensemble des institutions culturelles subventionnées s’élève à 36,33 millions d’euros.

Les dépenses d'investissement destinées aux établissements supérieurs d’enseignement artistique et culturel connaissent une augmentation de 25 % par rapport à 2014.

Les crédits déconcentrés à l’échelon des DRAC doivent accompagner les démarches des collectivités territoriales qui développent leur action dans un cadre contractuel pluriannuel, et notamment une politique favorisant les parcours d'éducation artistique et culturelle.

Ces aspects illustrent à quel point l’importance de la culture, de ses acteurs et de la création est réaffirmée dans ce budget. En conclusion, je soulignerai, à l’instar de mon collègue Pierre-Alain Muet, l’importance de la contribution des activités culturelles à la richesse nationale et à l’emploi.

M. Michel Herbillon. Affirmer que le budget de la culture est désormais « sanctuarisé » est une provocation mal venue à l’égard des acteurs culturels car, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir il y a deux ans et demi, le budget de la culture a subi des coupes budgétaires sans précédent, alors même que le Président de la République s’était engagé solennellement à le préserver.

Entre 2012 et 2015, la création aura vu ses crédits réduits de 7 % et les crédits dédiés au patrimoine auront fondu de près de 13 %. Le budget 2015, s'il interrompt cette hémorragie, ne compense nullement ces restrictions drastiques. Les crédits dédiés à la culture resteront donc à un étiage très bas. Dans certains secteurs déjà en grande difficulté, tels que l’entretien et la restauration des monuments historiques, la baisse des crédits va même se poursuivre en 2015. C’est également le cas des subventions aux grands musées. On réduit les dotations de certains opérateurs du spectacle vivant, tels que l’Opéra national de Paris, pour augmenter de façon parcimonieuse celles des autres. En vérité, seuls les crédits en faveur de l’éducation culturelle et artistique (EAC) et des bourses aux étudiants en architecture bénéficieront d'un coup de pouce l’an prochain.

Au-delà des seules données chiffrées, le budget est censé exprimer une politique culturelle et des axes stratégiques forts. Or, alors que nous abordons la deuxième moitié du quinquennat, nous sommes bien en peine de définir le projet culturel du Gouvernement, de ressentir un souffle ou une ambition. Les grands projets qui voient le jour – le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) il y a un an, aujourd’hui la Fondation Louis-Vuitton et la rénovation du musée Picasso, bientôt la Philharmonie de Paris – sont le fruit d’initiatives privées ou l’aboutissement de projets lancés par la précédente majorité.

En deux ans et demi, vous n’avez mené aucune réforme à même de donner du sens à l’action culturelle de la France. Les projets de loi sur la création et le patrimoine, toujours annoncés par votre prédécesseur, ont sans cesse été repoussés. Les dossiers cruciaux, tels que ceux du régime des intermittents et des relations avec les collectivités locales dans le cadre de la réforme territoriale, sont toujours pendants et sans perspective claire. Vous nous avez affirmé à votre tour, madame la ministre, que vous présenteriez devant le Parlement une grande loi au premier semestre 2015. Nous en acceptons l’augure, mais comprenez que nous restions dubitatifs au regard de ce que nous avons pu observer jusqu’à présent. Ayant entendu que vous comptiez associer plusieurs membres de la commission des affaires culturelles à l’élaboration de ce texte, j’ose imaginer que des élus de l’opposition seront conviés.

La rue de Valois, mise au pain sec et à l’eau par le Gouvernement, semble rechercher le sens même de sa mission. Le groupe UMP ne votera donc pas le budget de la culture pour 2015, afin de marquer sa défiance vis-à-vis d’une politique culturelle, ou plutôt d’une absence de politique culturelle, qui n’a jusqu'alors qu’une traduction : la réduction de l’action culturelle de l’État.

Mme Isabelle Attard. Globalement préservé, le budget de la mission « Culture » s’élève à 2,58 milliards d’euros, soit une légère baisse de 0,16 %. Mais, entre 2012 et 2014, les mêmes crédits avaient déjà connu une baisse de plus de 5 % et, quoi qu’il en soit, les chiffres ne sont pas tout : un budget doit être au service d’un projet global. Or, ayant précédemment été chargée du numérique au sein du Gouvernement, vous ne pouvez qu’être sensible, madame la ministre, à l’importance d’adopter une stratégie numérique pour la culture. Nous avons d’ailleurs déjà noté des avancées en la matière, telles le soutien qu’a apporté votre ministère à la Public Domain Mark par le biais d’un guide de bonnes pratiques.

Au terme de la période de protection des droits de l’auteur, ce sont en effet les droits du citoyen qui prennent le relais lorsqu’une œuvre tombe dans le domaine public. Pourtant, ces derniers restent non respectés, notamment par les photographes qui œuvrent pour les musées. Le code de la propriété intellectuelle et la jurisprudence disposent en effet qu’une œuvre doit faire preuve d’originalité. Or, la reproduction en deux dimensions d’une œuvre, effectuée avec la plus grande fidélité possible, ne saurait constituer une nouvelle œuvre originale, de sorte qu’aucun droit d’auteur n’entoure les photos d’œuvres relevant du domaine public mises en ligne par les musées. Nombreux sont d’ailleurs ceux d’entre eux qui jouent sur cette ambiguïté, espérant trouver une nouvelle source de financement dans la commercialisation de ces reproductions. Ils ont à la fois tort et raison. Tort parce que, lorsqu’une œuvre relève du domaine public, il est illégitime de freiner son accès. Les partenariats public-privé, tels que les contrats ProQuest de la Bibliothèque nationale de France (BNF), posent ainsi de graves problèmes de qualité, d’égal accès aux œuvres pour tous les citoyens et, enfin, de coût. Ils ont en même temps raison car la mise en ligne gratuite constitue une source de revenus. Si nous avons tous déjà vu la Joconde bien avant de nous rendre au Louvre, nous n’avons jamais songé un seul instant à renoncer pour ce motif à nous rendre sur place. D’ailleurs, après que le Rijksmuseum d’Amsterdam a mis en ligne, en haute définition, une immense collection de peintures, de Rembrandt et de Vermeer notamment, sa fréquentation a augmenté.

Nous disposons du patrimoine, des œuvres, des musées et des touristes : pourquoi ne sommes-nous pas en pointe en matière de numérisation ? Pourquoi nos musées se contentent-ils de fournir la matière première au portail privé Google Art Project, pour le plus grand profit de cette machine de guerre américaine ? Madame la ministre, de nombreux musées dépendant de vous, il vous appartient de leur rappeler que l’une des missions qui leur est assignée par la loi consiste en la diffusion des œuvres au public le plus large. En accomplissant cette mission avec tous les outils numériques disponibles, ils n’y perdront ni leurs visiteurs, ni leurs ressources, ni leur âme, bien au contraire.

M. Gabriel Serville. L’affirmation selon laquelle le maintien des crédits de la mission « Culture » démontre l’importance de la culture pour le Gouvernement est à relativiser : ce maintien intervient en effet après deux années consécutives de diminution. Les efforts consentis cette année ne compensent donc pas les restrictions passées. Pire, si l’on tient compte de l’inflation, ce budget est en réalité en baisse de 0,9 %. Nous savons néanmoins, madame la ministre, que vous n’en portez pas la responsabilité.

Les crédits alloués à la culture en Guyane ont fondu comme neige au soleil cette année, baissant de 21 %, et cela me paraît fortement dommageable au département le plus jeune de France. En ces temps de crise, il eut été judicieux, au contraire, d’augmenter ce budget puisque, selon un rapport conjoint du ministère de l’économie et du ministère de la culture datant de décembre 2013, « la culture contribue sept fois plus au PIB français que l’industrie automobile, avec 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an ».

Dans chacune des trois missions, le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales est omniprésent. Il est donc évident que tout un pan de votre politique sera coréalisé avec les collectivités, cette dynamique se situant dans la continuité du budget 2014. L’an dernier déjà, votre prédécesseur affirmait vouloir mener une « politique volontariste d’éducation artistique et culturelle » grâce à une action reposant sur le « renforcement du partenariat avec les collectivités et la valorisation de l’innovation dans les dispositifs et les modes d’intervention ».

Pourtant, vos ambitions, qui sont aussi les nôtres, ne sont-elles pas mises en péril par la baisse drastique des dotations aux collectivités prévue par le plan d’économies ? En effet, compte tenu du contexte de restriction budgétaire, on pourrait craindre que les collectivités n'en viennent prioritairement à renoncer à leurs projets artistiques. De même, elles pourraient repousser sine die la construction d'ouvrages publics, ce qui mettrait à mal le 1 % construction sur lequel vous comptiez pour développer la création. Ce problème ne porte-t-il pas atteinte aux fondements mêmes de votre politique culturelle ?

Enfin, on peut craindre un accroissement des inégalités entre territoires face à l’accès à la culture, si, à ce contexte, on ajoute les conséquences imprévisibles de la réforme territoriale couplées à la baisse des crédits alloués aux régions.

Pour toutes ces raisons, les députés de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendront sur le vote des crédits de la mission « Culture », nonobstant l’avis favorable que j’émets à titre personnel.

Mme Sandrine Doucet. Essentielle à la culture, la proximité permet à chacun de construire et de multiplier les « lieux de mémoire » auxquels Pierre Nora nous a initiés. C’est au sein de cette construction collective que se conçoit le développement culturel, notamment celui des jeunes. C’est précisément cette volonté politique qu’exprime l’article 10 de la loi pour la refondation de l’école, instituant le parcours d’éducation artistique et culturelle. Cette éducation, qui a pour objectif l’égalité d’accès à la culture, consiste à favoriser la connaissance du patrimoine.

Or, si nous ne doutons pas, madame la ministre, de votre volonté de développer l’usage du numérique, comment faire de ce dernier un outil qui ne dévoie pas la portée des œuvres ni celle du patrimoine, mais facilite la connaissance sans remettre en cause la proximité ? Quel usage convient-il d’accorder à cette interface pour retrouver l’authenticité de notre patrimoine, sans que cet usage devienne confiscatoire au profit de la seule image ? Telles sont les questions que nous nous sommes posées, au sein du Conseil supérieur des programmes, lorsque nous avons travaillé à l’élaboration de ce parcours d’éducation artistique et culturelle. Comment la mémoire des tablettes peut-elle contribuer à notre mémoire collective sans que nous soyons tentés d’en faire un outil d’ajustement budgétaire ?

Mme Claudine Schmid. Je concentrerai mon intervention sur le thème du rapport d’Annie Genevard, en vous interrogeant, madame la ministre, sur l’action 2 du programme 224, « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle ».

Les autorisations d’engagement en faveur de l’éducation artistique et culturelle ont triplé depuis 2012. Or, alors que nous aurions pu envisager que la performance suive cette courbe, le bleu budgétaire indique que son évolution a été infime. Quelles raisons expliquent ce décalage ? Comment faire en sorte que l’utilisation de l’argent public soit en adéquation avec la performance attendue ? Y a-t-il un lien entre cette mauvaise performance et la réduction de 5 % des autorisations d’engagement dédiées à cette action ?

M. Jean Launay. Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir annoncé que le projet de loi relatif au patrimoine verrait son champ élargi. Je remercie également Pierre-Alain Muet d’avoir eu, dans l’introduction de son rapport, des phrases fortes en faveur du statut des intermittents du spectacle. Nous sommes en effet quelques-uns à avoir des enfants concernés par ce sujet et souhaitant pouvoir continuer à développer leurs capacités créatives.

Voici deux questions de la part d’un député de cette « France périphérique » qui, loin d’être un désert culturel, est le lieu de nombreux événements et d’initiatives.

Le département du Lot a conclu une convention avec votre ministère visant à la délégation des crédits de l’État en matière d’aides à la pierre. Cette expérimentation pourra-t-elle être poursuivie, sur d’autres territoires notamment, compte tenu des évolutions territoriales qui seront prochainement débattues dans notre assemblée ?

D’autre part, en qualité de membre du Conseil national des villes et pays d’art et d’histoire, j’ai constaté depuis quelques années, et ce à chaque exercice budgétaire, que la conduite de la politique des labels, adossée à des centres d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP), n’était assortie d’aucun indicateur de performance. En effet, l’entrée du public dans les CIAP, sortes de musées déconcentrés et décentralisés, repose sur le principe de la gratuité. Quelles sont les perspectives en ce domaine ? À enveloppe constante, l’augmentation du nombre de labels pose en effet problème, et les CIAP sont proches du blocage.

M. Michel Herbillon. Je vous remercie, madame la ministre, des paroles que vous avez prononcées ce soir, tout comme lors de votre récente audition devant la commission des affaires culturelles, en faveur de la Philharmonie de Paris. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’achever la construction de cet équipement, mais aussi de veiller à son fonctionnement. Or, une inquiétude pèse, car il semble que la ville de Paris, par la voix de son maire, veuille revenir sur les engagements de son prédécesseur en la matière. Selon quelles modalités avez-vous pris l’attache de Mme le maire de Paris à ce sujet ? Si celle-ci confirmait son revirement, l’État comblerait-il le déficit ? Si ce budget de fonctionnement n’était pas conforme à celui prévu au départ, cela pourrait mettre gravement en cause la bonne marche de la Philharmonie, l’attractivité culturelle que ce nouvel équipement apportera à la France ainsi que la possibilité pour un nouveau public d’y accéder.

D’autre part, les collectivités locales s’inquiètent de la baisse des dotations de l’État et des risques que cela fait peser sur le rôle éminent qu’elles ont à jouer. Une récente étude de l’association des petites villes de France révèle que 95 % des villes de 3 000 à 20 000 habitants pensent réduire dès 2015 les moyens qu’elles consacrent à la culture. Il en sera de même pour d’autres collectivités. Dispose-t-on à ce jour d’une évaluation globale du recul attendu des dépenses des collectivités locales en matière culturelle ? Comment l’État compte-t-il compenser ces réductions budgétaires inévitables, qui vont mettre à mal de nombreux projets locaux ? Pourriez-vous nous confirmer que, malgré le projet de suppression de la clause de compétence générale pour les départements et la région, la politique culturelle restera une compétence partagée entre les collectivités locales ?

M. Michel Pouzol. Bien que la production cinématographique soit globalement en bonne santé en 2014, des inquiétudes pèsent sur ce secteur. Ses bons résultats apparents ne sauraient en effet masquer de grandes disparités. En laissant volontairement de côté les grands succès publics qui, comme chaque année, jouent le rôle de « locomotives » pour cette industrie, je m’attarderai sur deux difficultés.

Celle, tout d’abord, que connaissent les films « médians » – dont le budget se situe entre 4 et 10 millions d’euros – à trouver le chemin du public et de la rentabilité.

Celle, ensuite, que connaît cinéma de création, qu’on peut également appeler « d’art et essai » ou « indépendant » – et que j’appellerai pour ma part le « cinéma de la vie » – à trouver des moyens de diffusion. Ces films ont en effet de plus en plus de mal à être vus non seulement en salle – la multiplication des écrans ne leur profitant pas – mais aussi à la télévision, malgré les obligations de diffusion pesant sur Arte, Canal plus et France Télévisions.

Pourtant, c’est paradoxalement l’un de ces « films de la vie », La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche qui, avec son million d’entrées et un taux de rentabilité de 240 %, remporte la palme du meilleur investissement de l’année. C’est régulièrement le cas dans cette cinématographie, depuis La Vie rêvée des anges d’Érick Zonca il y a quelques années jusqu’aux 50 000 entrées du remarquable documentaire Au bord du monde – qui traite des SDF à Paris et que je recommande à tous ceux qui ne l’ont pas encore vu.

Si ce cinéma-là ne trouvait plus de débouchés, notre diversité culturelle s’en trouverait atteinte. Nous avons la chance de disposer non seulement d’une cinématographie identitaire, créative et indépendante présentant des risques financiers mesurés tout en demeurant très fragile, mais aussi, parallèlement, d’une cinématographie plus traditionnelle et plus inflationniste, construite aujourd’hui moins sur le pari culturel que sur celui de castings qui peuvent être mis en valeur lorsque ces films sont diffusés à la télévision. Sans insister sur les 90 % de films qui peinent à être rentables, comment réinventer la distribution et le financement de notre cinéma en améliorant la diffusion de sa diversité – qui permet, à chaque génération, l’émergence de nouveaux talents ? Quel meilleur terreau pour y parvenir que celui, si fertile, de l’indépendance ?

M. le président Patrick Bloche. J’interviendrai pour ma part sur deux points.

S’agissant du premier, permettez-moi d’associer à mon propos l’ensemble des membres de la mission d’information de notre commission sur la création architecturale, et en particulier Sophie Dessus et Michel Herbillon qui se sont beaucoup impliqués dans ses travaux. Dans votre intervention, madame la ministre, nous avons d’ores et déjà retrouvé plusieurs des propositions que nous avions formulées et que vous avez faites vôtres – ce dont nous vous remercions.

Ma deuxième observation concerne la Philharmonie de Paris, au conseil d’administration de laquelle je siégerai en tant que représentant du Conseil de Paris. Dans ce cadre, j’espère pouvoir trouver un point d’équilibre et chasser toute dérive schizophrénique. Je souhaiterais restituer le débat passionnant que nous avons eu lors de la dernière séance du Conseil de Paris sur ce projet – au-delà des questions touchant à l’achèvement des travaux, au financement dudit projet et de son coût de fonctionnement. Il importe en effet de prendre en compte d’autres enjeux en suspens, à commencer par celui de la gouvernance. Il y a incontestablement une forme juridique à trouver pour ce type d’équipements culturels. Or, beaucoup, dans le souci d’associer l’État, la ville, la région et plusieurs autres communes, plaident en faveur de la création d’un établissement public à caractère culturel (EPCC). Se pose également un problème de statut, compte tenu du budget de fonctionnement de la Philharmonie et des demandes très fortes exprimées à l’égard de la politique qui sera menée en direction des publics. L’objectif consiste à faire de la Philharmonie un véritable pôle musical au nord-est de Paris, qui soit en synergie directe avec les communes et les départements limitrophes. Il sera donc nécessaire de mutualiser certaines fonctions voire de charger un même EPCC de coiffer la Philharmonie et la Cité de la musique. L’Orchestre de Paris y trouvera d’ailleurs la résidence qu’il a tant attendue et quittera pour cela la salle Pleyel. Ces trois entités doivent trouver les synergies nécessaires et les économies souhaitables.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Mesdames Doucet et Schmid, l’éducation artistique et culturelle est visée par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et a fait l’objet d’une circulaire du 3 mai 2013 commune aux ministères chargés de la culture et de la communication et de l’éducation nationale. Ce texte institue la notion de parcours d’éducation artistique et culturelle sur tous les temps de vie – scolaire, extrascolaire et périscolaire – des enfants et des jeunes. Ce parcours s’inscrit dans une politique éducative et culturelle d’ensemble, partagée par les différents ministères. Il doit se concevoir comme une construction d’apprentissage sur un territoire à destination des jeunes en temps et hors temps scolaire. Par définition, il est destiné à être défini au plus près des territoires, en partenariat avec les collectivités territoriales. Le ministère de la culture a porté une attention particulière aux zones déficitaires que sont les territoires ruraux, ceux relevant de la politique de la ville et les zones ultramarines, ainsi qu’aux publics les plus éloignés de l’offre culturelle, c’est-à-dire les personnes sous main de justice, les personnes hospitalisées et les personnes en situation de handicap.

Ce parcours comprend les enseignements dispensés dans le cadre scolaire et peut être complété par des actions éducatives dans le temps périscolaire, à l’école comme dans le cadre des rythmes scolaires, mais aussi en dehors de l’école pendant le temps extrascolaire. Il peut ainsi conjuguer l’ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres avec les œuvres, les lieux et les professionnels des arts et de la culture.

Il me paraît un peu tôt aujourd’hui pour évaluer la performance du dispositif. Laissons-nous le temps de l’installer dans le paysage dans la mesure où il constitue une rénovation de la manière d’aborder les questions artistiques à l’école. Comme plusieurs orateurs l’ont d’ailleurs signalé à juste titre, à l’heure du numérique et de la profusion des écrans, il est plus difficile de définir une offre d’éducation artistique et culturelle qu’à l’époque où il n’y avait que peu d’émetteurs. Je souhaite en tout cas poursuivre le déploiement du dispositif et l’inscrire dans les pratiques culturelles des jeunes. Il m’importe, plutôt que de définir en chambre une politique qui serait ensuite diffusée de manière verticale dans les établissements d’enseignement, d’accorder davantage d’importance aux pratiques culturelles et créatives des jeunes, à leur désir de suivre des pratiques amateur revisitées à l’heure de la télévision linéaire et délinéarisée, à la compréhension des codes d’accès à la culture et à l’information de la jeunesse d’aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, le ministère et le Gouvernement ont manifesté tout leur intérêt pour l’éducation artistique et culturelle à travers l’effort budgétaire réalisé – les crédits consacrés à cette politique connaissant une augmentation entre 2013 et 2015. Mais, encore une fois, il nous faudra un peu de recul pour évaluer la performance de ce dispositif.

Madame Bouillé, toutes les collectivités territoriales et l’État peuvent aujourd’hui intervenir dans tout le champ culturel, compte tenu de la clause de compétence générale, l’État jouant pour sa part le rôle de garant de l’application des différents textes législatifs et réglementaires. La culture est davantage qu’une compétence partagée : elle est un véritable domaine d’actions partagé, impliquant par conséquent une responsabilité politique partagée.

C’est pourquoi mes prédécesseurs ont tenu à créer une instance de dialogue réunissant les associations d’élus et de collectivités territoriales – le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Cette instance de coordination permet de faire converger l’ensemble des actions menées par les différentes collectivités publiques. Le développement et l’animation culturels sont en effet des secteurs dans lesquels les collectivités territoriales interviennent beaucoup et investissent des ressources importantes. À l’heure où s’élabore la réforme de l’organisation territoriale de la République, il importe que nous puissions aborder la répartition des compétences entre les différents acteurs afin de tirer le meilleur des ressources que nous consacrons aux activités culturelles.

Votre question s’inscrivait plus particulièrement dans le cadre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et du projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, qui mettent en question l’action du ministère et des collectivités. En ce qui concerne la possibilité de délégation de compétences prévue par la loi MAPTAM, j’examinerai les éventuelles demandes après qu’elles auront donné lieu à un avis de la conférence territoriale de l’action publique – notamment les demandes émises par la région Bretagne dans les domaines du livre et du cinéma. Et dans le projet de loi précité, la culture est expressément mentionnée, à l’instar du sport et du tourisme, comme constituant une compétence partagée. Je proposerai donc à nos partenaires des collectivités, à l’occasion de la prochaine séance plénière du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel qui aura lieu le 18 novembre prochain, que nous examinions ensemble ce qu’implique cette disposition.

Parallèlement, dans le cadre des travaux relatifs à la réforme des services déconcentrés de l’État, qui découleront naturellement de ces deux lois, et compte tenu de l’émergence d’une nouvelle carte des collectivités, je m’attacherai à quelques grands principes : l’affirmation d’une présence territoriale, la modularité du service public au bénéfice de la solidarité, une approche partenariale fondée sur la qualité et la nécessité de l’action de mon ministère dans les territoires. Je considère en effet qu’il est de la responsabilité de l’État de garantir l’égal accès de l’ensemble de nos concitoyens aux politiques culturelles et aux œuvres et d’ajuster ses modes d’intervention à ceux des collectivités territoriales. Cela paraît difficile à concevoir dans la mesure où nous suivions jusqu’ici une logique d’égalité d’intervention sur l’ensemble du territoire. Mais la réalité nouvelle nous oblige à repenser nos modes d’action avec davantage d’agilité, afin d’assurer l’égal accès de nos concitoyens à l’offre et aux œuvres culturelles.

Autres principes qui seront mis au service des ambitions de mon ministère – et cela vaudra également dans le cadre de la réflexion relative à la réforme territoriale : la préservation et la valorisation de notre patrimoine, compétences majeures au niveau territorial ; l’organisation de conditions favorables à la création artistique ; la transmission de références artistiques et culturelles communes, en direction de la jeunesse mais aussi tout au long de la vie ; la reconnaissance du droit de chacun aux pratiques culturelles, en amateur notamment ; enfin, le développement d’une formation supérieure de qualité.

Si mes services sont actuellement en train d’évaluer la décentralisation culturelle mise en œuvre depuis 1983, je puis d’ores et déjà vous indiquer que les actions menées dans les domaines des archives et de la lecture publique sont considérées comme très positives. Aujourd’hui, j’aborde les enjeux liés à l’approfondissement de la décentralisation dans le respect du rôle de chaque catégorie de collectivité territoriale en prenant en compte la diversité des territoires, de leurs histoires, de leurs demandes et de leurs pratiques.

Madame Attard, en ce qui concerne le numérique et la numérisation, le ministère de la culture est en pointe dans plusieurs domaines. Ainsi, Gallica, la bibliothèque numérique de référence de la BNF, est-elle très utilisée par les chercheurs comme par le grand public. Autre exemple, le Centre des monuments nationaux (CMN) utilise avec profit des outils de réalité augmentée afin d’enrichir le parcours des visiteurs, qui peuvent ainsi obtenir des informations à l’aide de leur tablette sur tel ou tel élément de monument. Le Centre Pompidou propose quant à lui une visite virtuelle – prolongement de l’offre culturelle ayant bénéficié des investissements d’avenir. Universcience propose des actions innovantes dans un fablab en son sein. Enfin, le projet VITAM, que j’ai évoqué tout à l’heure, vise à archiver les documents nativement numériques.

Il y a certes encore beaucoup à faire, mais nous n’avons pas à avoir honte en la matière. Il est vrai que la numérisation du patrimoine culturel présente un grand intérêt, tant sur le plan de la gestion, de la valorisation et de l’accès au patrimoine que sur le plan économique. Cela fait d’ailleurs partie des sujets que j’aborderai dans le cadre d’une chaire d’études à laquelle je suis en train de travailler. Se pose en effet la question du modèle économique à retenir pour mettre en valeur le patrimoine grâce au numérique : il peut paraître logique d’attendre que le patrimoine numérisé soit mis gratuitement à la disposition de nos concitoyens. Mais, cette numérisation ayant un prix, il convient de construire un modèle de coût permettant de trouver les financements nécessaires.

Vous avez bien fait de rappeler que certains acteurs privés avaient proposé de prendre en charge la numérisation du patrimoine, mais en imposant des conditions économiques qui n’étaient pas profitables au public. Aujourd’hui, la numérisation du patrimoine et la mise à disposition du public du patrimoine numérisé constituent de véritables enjeux microéconomiques dont j’aurai plaisir à m’entretenir avec vous lorsque j’aurai pu créer cette chaire d’études.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le fait que le numérique modifiait les équilibres économiques de certains secteurs : si cela est surtout avéré en ce qui concerne la partie « médias » de mon portefeuille, nous aurons l’occasion de revenir prochainement sur la redéfinition du budget de la culture à l’aune du numérique. En effet, une partie des ressources qui pouvaient être directement ou indirectement affectés au soutien à la création est aujourd’hui dérivée et disparaît du territoire français. Il nous faut donc reconquérir ces ressources et réaffirmer l’exception culturelle. Ce combat est cependant très difficile à mener, tant sur le plan politique que technique.

Deux projets patrimoniaux sont actuellement en cours en Guyane : la réhabilitation de l’ancien hôpital Jean-Martial et le nouveau bâtiment d’archives sur le site de Montjoly – qui représentera un investissement de 8 millions d’euros entre 2015 et 2017.

Monsieur Launay, le label « villes et pays d’art et d’histoire » étant un succès, l’État continuera à accompagner sa diffusion, mais il n’est pas illégitime que nous aidions en priorité les nouveaux entrants et diminuions progressivement notre appui financier aux territoires labellisés depuis plus longtemps. La célébration du trentenaire de ce label en 2015 permettra au ministère d’en tirer un premier bilan. S’agissant de l’expérimentation menée dans le département du Lot, nous effectuerons un bilan du guichet unique qui y a été institué, en vue d’une extension éventuelle à d’autres territoires.

Monsieur Pouzol, les réserves du CNC ne subissent cette année aucune ponction : au contraire, le Centre pourra aller y puiser lui-même pour atténuer ses baisses de recettes, compte tenu notamment de la fragilité du marché publicitaire audiovisuel. Par ailleurs, les Assises du cinéma ont été l’occasion de rappeler la nécessité de porter attention aux films « médians », de mieux cibler les aides sélectives ainsi que de maintenir et de moderniser un réseau de salles unique au monde, incluant un parc d’art et essai lui-même unique au monde.

Je conclurai mon propos en évoquant la Philharmonie. Je remercie à mon tour les parlementaires qui se sont particulièrement investis dans cette mission. Je me suis effectivement beaucoup inspirée de l’excellent rapport auquel celle-ci a donné lieu pour élaborer le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui reprend nombre de ses recommandations.

Monsieur le président Bloche, vous avez raison d’insister sur les questions de synergie et de gouvernance que soulève le nouvel établissement de la Philharmonie. Il était en tout état de cause prévu d’opérer en 2016 un rapprochement entre la Cité de la musique et la Philharmonie, et nous y travaillons actuellement, dans la mesure où certaines des difficultés auxquelles le chantier a été confronté pourraient être liées à des faiblesses inhérentes au mode de gouvernance retenu. J’ai à cœur que cette gouvernance soit renforcée afin que, compte tenu de l’ampleur financière du projet, nous ayons la garantie que les décisions seront prises et appliquées dans de bonnes conditions. Cet équipement me paraît riche de formidables chances tant pour le nord-est de Paris que pour la Seine-Saint-Denis et les autres départements voisins. J’y suis donc personnellement attachée. La direction de la Cité de la musique a accompli un effort important en préparant pour la Philharmonie non seulement un ambitieux programme classique – les orchestres invités jouissent d’une grande renommée – mais aussi un programme de musiques du monde et de variété de très haut niveau ainsi que des programmes pédagogiques très novateurs. Il est cependant légitime que l’État et la ville de Paris puissent se constituer un avis propre sur le calibrage des moyens de fonctionnement de la Philharmonie au regard de ce projet ambitieux, et c’est le but de la mission que nous avons lancée avec Anne Hidalgo. Pour l’heure, l’État a sanctuarisé 9,8 millions d’euros afin de financer le fonctionnement de cet équipement en 2015, mais nous attendons les conclusions de cette mission pour réviser cette contribution si nécessaire. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement soutient fortement le projet.

M. Michel Herbillon. Quand la mission rendra-t-elle ses conclusions ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. À la fin du mois de novembre.

M. Dominique Baert, présidentNous vous remercions, madame la ministre, pour la densité, la rapidité et la précision de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-deux heures cinquante.

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