XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Deuxième séance du mardi 25 mai 2021

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 25 mai 2021

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Langues régionales

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le 8 avril dernier, à une très large majorité, notre assemblée votait définitivement la première loi de la Ve République consacrée aux langues régionales, proposée par mon collègue Paul Molac.
    Cette loi est très attendue dans nos régions où nos langues, notre patrimoine, sont en péril. Elles doivent leur survie à l’engagement de bénévoles au sein d’associations et d’un réseau d’écoles dynamiques en breton, basque, catalan, corse ou occitan.
    Or, vendredi dernier, le Conseil constitutionnel, tout en validant la majorité de ce texte, a censuré deux mesures, ce qui pourrait avoir de graves répercussions. Je ne reviendrai pas sur les conditions de la saisine ; dans notre pays, les décisions du Conseil s’imposent à nous.
    Pour être issue d’une famille politique viscéralement attachée à la République, je vous assure que ce texte ne la menace en rien. Qui peut sérieusement croire que le n tilde, le ñ, dans les actes d’état civil, constitue une menace pour l’indivisibilité de la République ? Alors que la future carte d’identité sera bilingue anglais-français, il sera interdit d’y faire figurer les signes diacritiques des langues régionales.
    Aujourd’hui, c’est l’existence même des écoles immersives qui est remise en cause. Or je veux insister sur les apports de la diversité linguistique et culturelle, sur les excellents résultats pédagogiques de ces méthodes d’enseignement, y compris dans la maîtrise du français.
    Que deviendront les écoles associatives qui proposent un enseignement immersif ? Suspendrez-vous leur contrat d’association, les contraindrez-vous à modifier leur pédagogie, à suspendre les projets en cours de déploiement ? Quel est l’avenir des écoles internationales prévues par la loi, dans lesquelles la scolarité se fait en langue étrangère ? Ma question est donc simple : comment comptez-vous sécuriser juridiquement l’existence des écoles immersives qui, depuis des décennies, fonctionnent sans remettre en cause l’unité de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Une chose nous réunit, c’est que nous sommes tous pour les langues régionales…

    Un député LR

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    Menteur !

    M. Frédéric Reiss

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    Certains plus que d’autres !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    …qui sont aujourd’hui enseignées à 120 000 élèves en France, dont 60 000 dans le premier degré. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter depuis 2017, à la faveur d’impulsions que nous avons d’ailleurs données à des structures comme Diwan ou Seaska auxquelles vous avez fait référence. Le débat doit donc partir sur des bases saines : nous sommes tous pour les langues régionales.

    M. Frédéric Reiss

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    Le débat a été sain dans l’hémicycle !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Puis, il y a une décision du Conseil constitutionnel. Vous l’avez dit, il ne nous appartient pas spécialement de la commenter, mais de l’appliquer dans un sens constructif.

    M. Pierre Cordier

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    Vous êtes constructif quand ça vous arrange !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Ainsi, mon message aujourd’hui – et je suis certain que le Premier ministre aura l’occasion de s’exprimer aussi –, c’est évidemment une main tendue à tout le monde : aux partisans des langues régionales parce que nous allons continuer à les encourager, et aux structures qui peuvent penser qu’elles courent un risque du fait de cette décision. Nous les recevrons et regarderons avec elles comment nous pouvons aller de l’avant.
    Je l’ai souligné lors du débat parlementaire, je suis en faveur de l’existence de Diwan ou de Seaska par exemple, et nous avons d’ailleurs, lors de cette rentrée, engagé des moyens supplémentaires pour ces écoles. Aussi, le sujet ne doit pas conduire à des malentendus.
    Le Conseil constitutionnel a pris une décision ; il vaut mieux que ce soit maintenant qu’à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. À tout le moins, la « loi Molac », en faveur de laquelle je m’étais d’ailleurs prononcé lors de sa première lecture, bénéficie d’une sécurité juridique. Il faut maintenant voir comment appliquer de manière constructive cette loi qui, en effet, peut représenter un progrès, en préservant les droits des structures qui pensent qu’elles courent un risque. Mais si nous sommes sincèrement pour les politiques de langues régionales, nous pouvons, de façon consensuelle et unanime sur ces bancs, aller vers une politique toujours plus dynamique, en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel et en réussissant à aider les structures qui justement promeuvent les langues régionales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Détournement d’un avion en Biélorussie

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Ma question s’adresse à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Elle porte sur l’acte de piraterie internationale commis par les autorités biélorusses et j’y associe mon collègue Frédéric Petit, député des Français installés dans cette zone géographique.
    La situation créée par l’initiative du président Loukachenko et de ses séides appelle trois constats. Premièrement, c’est un acte de piraterie d’une extrême gravité, qui remet en cause une des libertés fondamentales et qui se traduit par une prise d’otages et la mise en cause d’un opposant politique qui n’a contre lui que d’exercer le droit d’être un citoyen libre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LR et UDI-I.)
    Deuxièmement, c’est un acte qui n’a rien d’isolé : il s’inscrit dans un processus durable de mise au pas d’un pays par un dictateur et vise l’Union européenne dans son ensemble.
    Troisièmement, c’est un acte auquel l’Union européenne a réagi vite et fermement, ce dont nous nous réjouissons, même si cette réaction n’a pas été exempte de balbutiements initiaux. Au départ, les déclarations de la commissaire européenne ont été attribuées à un premier mouvement maladroit. Or je rappellerai ce que disait Talleyrand : « Défiez-vous des premiers mouvements, ce sont les bons ».
    Sur la base de ces constats, je vous poserai deux questions. Premièrement, dans cette affaire, les Européens n’ont-ils pas, plus qu’une simple obligation de moyens, une obligation de résultat : obtenir la libération de Roman Protassevitch et de sa compagne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, LR et UDI-I.) Cela exigerait d’aller au-delà du traditionnel principe de proportionnalité entre le crime et la riposte. La proportionnalité, c’est la loi du talion du pauvre. Dès lors, ne faut-il pas élargir et durcir le champ des sanctions qui doivent frapper l’ensemble des dirigeants biélorusses dans leur personne, dans leur famille, dans leurs avoirs, dans leurs mouvements ?
    Deuxième question : peut-on considérer que pour l’Union européenne, ce que le Président Macron appelle « le temps de la naïveté » est vraiment révolu ? Les Européens en ont assez de voir l’Union européenne jouer les ours en peluche face aux ours polaires qui la défient, la menacent et l’agressent. L’Europe doit cesser d’être considérée comme le ventre mou du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LR et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Le détournement du vol de Ryanair à la seule fin d’arrêter un opposant politique biélorusse s’apparente pour la France à un acte de piraterie aérienne étatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LR et UDI-I. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit aussi.) Il a mis en jeu illégalement la sécurité des passagers d’un vol commercial opéré par une compagnie européenne, entre deux capitales européennes, transportant principalement des passagers européens, et tout cela pour emprisonner M. Protassevitch, opposant politique, exilé dans un pays de l’Union européenne.
    C’est un comportement inacceptable, inadmissible. Dans un monde où les régimes autoritaires n’ont plus aucune limite dans leurs comportements déstabilisateurs et répressifs, l’Europe se devait de réagir fortement et dans l’unité. C’est ce qui a été fait, comme vous avez bien voulu le dire, monsieur le président Bourlanges.
    Je rappelle les mesures qui ont été prises hier soir : d’abord, interdiction de survol de l’espace aérien biélorusse aux compagnies européennes ; ensuite, interdiction aux compagnies biélorusses de traverser l’espace aérien européen et de se poser sur les aéroports de l’ensemble de l’espace européen ; enfin, application de sanctions économiques renforcées contre le régime. Le président Bourlanges le sait : ces décisions constituent le quatrième train de mesures. Certaines ont déjà été prises, y compris contre M. Loukachenko lui-même et contre son fils, dans le paquet des quatre-vingt-huit hauts responsables biélorusses qui ont été sanctionnés antérieurement. Ces mesures sont immédiatement applicables et évidemment, nous souhaitons et nous exigeons la libération de M. Protassevitch et de sa compagne, Mme Sapéga, dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Erreur dans le calcul des pensions de retraite

    M. le président

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.

    M. Pierre Cordier

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    Il n’est pas là, il fait du porte-à-porte ! 

    M. Alain David

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    Un récent rapport de la Cour des comptes a relevé que, sur les quelque 810 000 prestations de retraite attribuées en 2020 à d’anciens salariés, une sur six est affectée d’une erreur financière, contre une sur neuf en 2016. Ces erreurs cumulées auraient des conséquences non négligeables et représenteraient 1,6 milliard d’euros.
    Ce rapport vient donc renforcer le sentiment que l’on peut avoir dans nos permanences, quand nous rencontrons des néoretraités ou des associations qui nous alertent sur leurs difficultés à faire valoir leurs droits. Ajouté au contexte de généralisation de la dématérialisation des procédures de liquidation, qui est excluante pour certains de nos concitoyens, ce rapport a de quoi inquiéter, sans parler de la tendance continue à la baisse des pensions – malheureusement – que votre projet délétère viendrait encore aggraver.
    Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 16,7 millions de retraités touchent en moyenne seulement 1 503 euros brut, un montant en baisse du fait de revalorisations inférieures à l’inflation et de réformes successives qui rendent l’obtention d’une retraite complète de plus en plus difficile.
    En tout état de cause, le pouvoir d’achat de nos concitoyens retraités continue d’être grignoté. Je souhaiterais donc savoir les mesures que le Gouvernement envisage pour que cessent ces erreurs de calcul et, surtout, pour que cesse le déclassement progressif des retraités, notamment les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Vous l’avez souligné, dans le cadre de son exercice annuel de certification des comptes de la sécurité sociale, la Cour des comptes a en effet émis des réserves, notamment sur la branche retraite. Elle pointe le fait qu’en 2020, environ une pension sur six comporte une erreur, avec une dégradation depuis plusieurs années. Le constat de la Cour est avéré, les erreurs de calcul de pension se sont accrues ces dernières années. L’erreur médiane, lorsqu’elle est en défaveur des assurés, est de l’ordre de 10 euros par mois.
    Il faut d’abord rappeler que les anomalies ne sont généralement pas pérennes : il existe de nombreuses occasions de réaliser des corrections et des révisions. C’est même une grande partie de l’activité de l’assurance-retraite. La Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – évalue à plus de 40 % les anomalies détectées sur une année donnée, qui donnent lieu à correction dans les semaines et mois qui suivent.
    Il n’en demeure pas moins qu’il y a là un enjeu structurel, l’effet de la crise sanitaire sur l’organisation du travail n’expliquant pas tout. Du fait d’un système de retraites morcelé, de l’accroissement de la réglementation et de la complexification des carrières, le calcul des pensions de retraite est de plus en plus difficile. Des améliorations de l’organisation et de la qualité de service de la CNAV sont de fait nécessaires. Un plan national d’action de l’assurance-retraite est déjà appliqué pour redresser la situation, avec des actions à court terme comme le renforcement de la supervision, et à moyen et long terme avec des formations internes et le développement de nouveaux outils pour fiabiliser les carrières. Les services de l’assurance-retraite sont pleinement mobilisés et je suis très attentive à ce que la situation évolue positivement dès cette année.

    Politique pénale

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Monsieur le Premier ministre, avoir confiance en ayant peur ; avoir confiance sans savoir pourquoi ; avoir confiance en comptant chaque jour les blessés, les morts, en constatant notre incapacité à apporter des réponses. Nos forces de l’ordre, auxquelles nous tenons à rendre un hommage appuyé pour leur dévouement et leur courage au quotidien, (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) assurent notre sécurité là où la justice doit nous la garantir. Or ces mêmes forces de l’ordre ne cessent d’exprimer leurs doutes dans l’action de la justice.
    Alors, que faire ? Certainement pas, comme vous le faites, imposer aux policiers la présence de l’avocat lors d’une perquisition ; c’est une ultime défiance à leur égard. Ensuite, contrairement à ce qu’affirme le garde des sceaux, nous devons absolument revenir aux peines planchers (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) pour ne laisser qu’une moindre marge de manœuvre aux magistrats, permettant ainsi à la société d’exprimer sa volonté de voir certains crimes et délits sanctionnés plus sévèrement ; chez Les Républicains, nous le préconisons depuis des décennies.
    La justice au nom du peuple, c’est aussi la loi voulue par le peuple. Le manque de confiance provient de l’inacceptabilité des sanctions prononcées dans certaines affaires, voire de l’absence de sanction, ou de remises en liberté, véritables désaveux du travail des forces de l’ordre.
    Il faut une véritable politique pénale harmonisée, sans décalage entre celle voulue par l’intérieur et celle menée par la chancellerie. Ce décalage trouve son paroxysme quand le ministre de l’intérieur manifeste avec les policiers contre la politique de son collègue garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Il faut enfin des poursuites, des réponses fermes et exécutées pour faire cesser la peur. Nous serons tout à l’heure appelés à voter un projet de loi qui permettra quelques avancées mais qui ne rétablit pas les peines planchers et reste très insuffisante pour rétablir la confiance en la justice. Alors comment comptez-vous corriger le tir pour restaurer la confiance des forces de l’ordre et des citoyens dans l’institution judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations et protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    (M. le ministre se tourne vers les bancs du groupe LR.) Je sais que je vous ai manqué, j’en suis désolé…

    Un député du groupe LR

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    Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Savignat, je me permets de suppléer le garde des sceaux, actuellement au Sénat. J’espère que vous l’excuserez. Le fait que je réponde montre sans doute que la division que vous espérez n’existe pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Les protestations se poursuivent sur les bancs du groupe LR.)

    M. Pierre Cordier

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    Trois applaudissements : personne n’y croit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le projet de loi que défend le garde des sceaux est un texte… (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, je vous rappelle que le Gouvernement désigne qui il veut pour répondre aux questions qui lui sont posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Le garde des sceaux étant retenu, M. le ministre de l’intérieur, et lui seul, a la parole.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le projet que défend Éric Dupond-Moretti est un texte important non seulement pour la justice des Français, mais aussi pour les policiers et les gendarmes.

    M. Vincent Descoeur

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    Ils sont contre !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Lorsque des enquêtes préliminaires durent de très nombreuses années et que les policiers et les gendarmes nous expliquent dans les commissariats, dans les gendarmeries – ce qu’ils font d’ailleurs sans doute aussi lorsque vous les rencontrez – que depuis 2014, 2013, voire parfois depuis 2012 ou même 2010, des centaines et des centaines de dossiers n’ont jamais été clôturés, sont demeurés sans réponse pénale pour les victimes et que l’enquête dont les policiers et gendarmes sont responsables n’a jamais avancé, alors un encadrement apparaît nécessaire.
    Lorsque le garde des sceaux prévoit de modifier le code pénal et le code de procédure pénale pour que les policiers et les gendarmes puissent communiquer sur les résultats de leurs opérations sans attendre l’accord du procureur de la République, on aide effectivement les policiers et les gendarmes.
    Lorsque le garde des sceaux propose une nouvelle organisation pour les officiers de police judiciaire (OPJ), alors nous enquêtons mieux et nous pouvons, grâce aux images des vidéosurveillances, mieux condamner.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas nous qu’il faut convaincre, ce sont les syndicats !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il ne faut pas opposer police et justice. Le garde des sceaux a proposé un texte important, et c’est grâce à l’augmentation, par ce gouvernement, du budget de la police et de la justice que, demain, le ministre de l’intérieur aura sans doute moins de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Manifestation des policiers

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Monsieur le Premier ministre, je veux me faire l’écho de notre très sérieuse inquiétude, qui est celle de nombreux Français, devant une dérive grave qui met en péril l’État de droit et menace le débat public. Elle s’est manifestée à deux reprises ces derniers jours. Mercredi, alors que se réunissaient les policiers en deuil devant notre assemblée en présence du ministre de l’intérieur et de plusieurs d’entre nous, des syndicalistes ont fustigé le pouvoir judiciaire, l’Assemblée nationale et notre Constitution. Dimanche, le ministre de l’intérieur a annoncé vouloir porter plainte contre Audrey Pulvar.
    Nous prenons solennellement la parole pour vous mettre en garde contre ces propos et ces actes inquiétants. Inquiétants quand, oublieux des mots de Pascal qui prévenait « La justice sans la force, c’est l’impuissance, la force sans la justice, c’est la tyrannie », vous vous soumettez le jour même aux injonctions en amendant dans l’urgence votre projet de loi Justice.
    Inquiétante aussi, la conception du débat public qu’a le Gouvernement lorsqu’il interdit de manifester la solidarité avec le peuple palestinien ou lorsqu’il souhaite censurer une candidate à l’élection régionale.
    Inquiétantes encore, les libertés prises avec notre Constitution quand près de 50 % des textes de cette législature sont déclarés inconstitutionnels.
    Inquiétant, enfin, ce vent mauvais qui souffle sur le pays, quand aux portes de l’Assemblée on réclame de « faire sauter les digues de la loi et de la Constitution ». Oui, ces mots sont « glaçants ». Alors, monsieur le Premier ministre, serez-vous cette digue ? Vous souviendrez-vous des mots de Montesquieu : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Ce que je trouve inquiétant, monsieur Peu, c’est que vous trouviez inquiétant d’interdire des manifestations du type de celles au cours desquelles, en 2014, on a crié « Mort aux juifs ! » dans les rues de Paris.

    M. Éric Coquerel

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    C’est un mensonge !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce que je trouve inquiétant, monsieur Peu, c’est que, pendant près de deux minutes d’une question parlant des policiers, vous n’ayez pas évoqué les deux deuils qui ont touché coup sur coup la police nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. Stéphane Peu

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    C’est faux, je l’ai dit !

    M. André Chassaigne

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    Oui, il l’a dit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce que je trouve inquiétant, monsieur Peu, c’est que vous critiquiez…

    Un député du groupe SOC

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    Menteur !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …une manifestation qui s’est tenue devant l’Assemblée nationale, à laquelle a participé, ceint de son écharpe, le premier secrétaire de votre parti, candidat à l’élection présidentielle !
    Voyez, monsieur Peu, quand on chante la vérité on ne la chante pas à moitié et, pour paraphraser Jean Ferrat chantant Louis Aragon : fou celui qui fait le délicat lorsque les policiers sont attaqués. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Darmanin adore Jean Ferrat !

    Langues régionales

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Kerlogot.

    M. Yannick Kerlogot

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    Monsieur le Premier ministre, dans sa décision du 21 mai 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme le forfait scolaire à verser par les communes concernées au bénéfice des élèves inscrits dans une école privée sous contrat d’une collectivité voisine et qui enseigne les langues régionales. C’est une avancée historique, rendue possible par la mobilisation transpartisane des députés de cet hémicycle. Elle apporte une solution financière attendue par les intéressés depuis des décennies. Mesurons-le, tous ensemble.
    Le Conseil constitutionnel s’est par ailleurs saisi d’office d’une autre disposition de la loi en lien avec l’enseignement, à savoir l’enseignement dit « immersif » en langue régionale. Il relève que cette forme d’enseignement est une méthode qui consiste notamment à utiliser la langue régionale comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement et qu’à ce titre, la nouvelle loi méconnaît l’article 2 de la Constitution. Certains esprits – partisans – s’emploient aujourd’hui à proclamer la mort annoncée des écoles concernées quand la réalité de terrain vient confirmer que le terme d’immersion est à nuancer.
    Permettez-moi d’observer qu’au sein de ces établissements la langue française reste évidemment la langue de communication utilisée dans tous les actes administratifs, les conseils d’administration et les conseils d’école. Il va de soi également qu’à l’issue de la scolarité la langue française est tout aussi bien maîtrisée que la langue régionale.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer que la vie des établissements concernés n’est nullement touchée par la décision du Conseil constitutionnel, tant dans leur existence juridique que dans leur pratique pédagogique, puisque cette décision ne porte pas modification de l’article L. 312-10 du code de l’éducation actuellement en vigueur ? Pouvez-vous enfin nous indiquer quelles démarches vous entendez entreprendre pour stabiliser définitivement l’enseignement des langues régionales et le statut des établissements concernés sans que puisse leur être opposé l’article 2 de la Constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Les langues régionales sont une chance pour la République française. Je le dis devant votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT.)

    M. Pierre Cordier

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    Pas de langue de bois, monsieur le Premier ministre !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Elles font d’ailleurs partie, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008 – excellente révision constitutionnelle – du patrimoine de la Nation. L’élu que je suis, ou que j’étais, d’un territoire où une langue à part entière est particulièrement vivace – et pas seulement dans l’enseignement – peut témoigner du fait qu’il n’existe pas d’opposition entre ces langues régionales et le français, langue de la République.
    Vous évoquez la décision récemment rendue par le Conseil constitutionnel sur le texte adopté le 8 avril dernier. Je constate avec vous, mesdames et messieurs les députés que, sur ce chapitre, cette décision comporte trois avancées majeures : d’abord, la reconnaissance par le Conseil constitutionnel de l’appartenance des langues régionales au patrimoine immatériel de la France ; deuxièmement, la consécration par cette même instance de la place de l’enseignement des langues régionales à tous les niveaux d’enseignement, de la possibilité pour les collectivités territoriales d’accorder des subventions d’investissement ainsi que du régime des forfaits, longtemps l’objet de contestations.

    M. Marc Le Fur

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    Les forfaits existaient !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Enfin, le Conseil constitutionnel reconnaît la constitutionnalité de l’autorisation prévue par la loi de l’affichage de traductions en langue régionale sur les inscriptions et les signalétiques publiques.
    Il reste, et vous avez parfaitement raison de le souligner, la question de l’enseignement immersif. Il nous appartient politiquement de tirer toutes les conséquences de la décision de censure du Conseil constitutionnel qui ne porte pas, vous l’avez dit, modification de l’article L. 312-10 du code de l’éducation.
    S’agissant d’un texte d’origine parlementaire, je vous annonce que je vais confier à deux députés une mission… (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme Marianne Dubois

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    Encore une mission !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …pour que soient tirées toutes les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel. À la suite de cela, avec le ministre de l’éducation nationale et sur la base des préconisations ainsi formulées, je recevrai l’ensemble des représentants des établissements d’enseignement en langue régionale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Mon souci, et le souci du Gouvernement est, comme toujours, d’apaiser le débat…

    Un député du groupe LR

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    Pompier pyromane !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …et de trouver, dans le cadre de l’État de droit et des lois de la République, une solution permettant de respecter non seulement notre Constitution, mais aussi les engagements que le Président de la République a rappelés à Quimper le 21 juin 2018 : les langues régionales ont un vrai rôle à jouer dans la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Lutte contre les féminicides

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Monsieur le Premier ministre, un féminicide de plus, c’est toujours un féminicide de trop. Hier, dans la même journée, une femme de 30 ans a été tuée à coups de marteau dans l’Essonne, une autre de 22 ans a été tuée en pleine rue, à coups de couteau, par son conjoint, en Moselle. Ce sont donc le 43e et le 44e féminicides depuis le début de l’année 2021 – un fléau qu’il nous faut combattre collectivement, avec la plus grande fermeté mais aussi beaucoup de lucidité.
    Les Républicains, grâce au travail d’Aurélien Pradié, ont obtenu des avancées législatives importantes dans la protection des femmes face à leur conjoint violent, mais il faut aller encore beaucoup plus loin. Passée l’extrême émotion qui nous assaille, l’incompréhension laisse place à une colère – qui peut paraître légitime dès lors qu’un acte odieux soulève plusieurs questions, lesquelles donnent le terrible sentiment que ce drame aurait pu être évité. À Hayange, le tueur présumé, de nationalité serbe, avait déjà fait l’objet d’une plainte de la victime. Pire, cet individu, condamné à un an de prison, venait d’être libéré de manière anticipée grâce à un aménagement de peine, douze jours avant de tuer sa compagne.

    M. Pierre Cordier

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    Bravo !

    M. Maxime Minot

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    Je ne veux mettre personne en cause, d’autant que nous n’avons pas encore tous les éléments, mais tout de même, vous en conviendrez, un tel enchaînement de décisions désolantes voire incompréhensibles impose une forte remise en question et un durcissement de la réponse pénale à apporter à ce phénomène.

    M. Vincent Descoeur

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    Oui !

    M. Maxime Minot

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    Une enquête a-t-elle été menée avant d’autoriser le retour de cet individu notoirement violent à son domicile, donc chez sa compagne ? Pourquoi le dépôt de plainte n’a-t-il pas été utilisé comme un facteur aggravant empêchant d’envisager une libération anticipée, même avec un bracelet électronique qu’il a d’ailleurs arraché ? Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous corriger les failles établies en Moselle pour éviter à tout prix que pareil drame se reproduise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances

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    Il y a trente déjà, la journaliste Benoîte Groult disait : « Le féminisme n’a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours. » (M. Erwan Balanant applaudit.) Vous venez donc de le rappeler : le machisme tue tous les jours dans notre pays.
    Nous nous rendons compte que ces actes criminels, au-delà de briser des familles et de laisser des enfants orphelins de mère, ont un énorme impact sur notre société. Le moins que l’on puisse dire, c’est que pendant longtemps – trop longtemps –,…

    M. Pierre Cordier

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    Répondez à la question de Maxime Minot ! Vous faites de la théorie !

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    …notre société a été sourde aux cris d’alarme, n’a pas entendu les souffrances et est restée muette face à toutes ces violences.
    Vous le savez, depuis maintenant trois ans, le Gouvernement et la majorité sont mobilisés comme jamais auparavant contre ce fléau. Vous parliez des sanctions : elles sont importantes. Quatre lois ont été votées…

    M. Pierre Cordier

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    Cela ne suffit pas, madame !

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    …et quarante-six mesures ont été prises à l’issue du Grenelle des violences conjugales. Celles-ci sont désormais pleinement effectives et la justice prend évidemment toute sa part dans leur application. Jamais nous n’avons vu les procureurs autant engagés. Les bracelets anti-rapprochement, également, ont été instaurés par le Gouvernement… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Veuillez laisser Mme la ministre déléguée parler.

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    Pourriez-vous me laisser terminer, s’il vous plaît ?
    Je rappellerai aussi que nous avons décidé de lancer, dès la fin du mois prochain, la plateforme qui permettra à toutes les femmes de notre pays, dans tous les territoires, d’avoir une écoute attentive, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elles avaient demandé la création d’une telle plateforme lors du Grenelle des violences conjugales : nous l’avons fait.
    Quatre lois votées, des magistrats et des forces de l’ordre mobilisés : vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Vous l’avez dit, cette assemblée a voté des lois et c’est ensemble, monsieur le député, et non les uns contre les autres, que nous devons lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Lutte contre les féminicides

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago.

    Mme Isabelle Santiago

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
    Elle avait 22 ans et était mère d’une petite fille de 4 ans : elle a été tuée ce week-end à coups de couteau en pleine rue à Hayange.
    Elle avait 30 ans et était mère de deux enfants : elle a été tuée à coups de marteau ce week-end à Arpajon.
    Elle avait 31 ans et était mère de trois enfants : elle a été brûlée vive en pleine rue à Mérignac.
    Quarante-trois féminicides insupportables ont été commis depuis le début de l’année, certains même en dehors du huis clos du domicile. Désormais, nous assistons aussi à des meurtres de femmes en pleine rue.
    Où est donc la grande cause du quinquennat dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes ? Lutter contre ce type de violences est une urgence, une question de vie ou de mort. Il manque une volonté politique contre les féminicides. Il y a beaucoup de paroles, de la communication, mais où sont les actes – ceux que nous pouvons constater sur le terrain, dans nos circonscriptions ?

    M. Pierre Cordier

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    Il n’y en a pas ! Il y a un numéro de téléphone !

    Mme Isabelle Santiago

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    C’est d’un véritable plan d’urgence dont nous avons besoin.
    J’avais déjà eu l’occasion de vous interpeller sur cette question l’an dernier à la suite d’un féminicide commis dans le Val-de-Marne. Les associations vous réclament un tel plan et je les soutiens. Il nous le faut, ainsi qu’un budget transversal aux différentes politiques publiques concernées, dont le montant a été estimé à 1 milliard d’euros. Il faut également que vous renonciez à votre projet de fermeture des commissariats la nuit.
    Il convient aussi de réfléchir à la constitution, comme l’Espagne l’a fait il y a déjà quinze ans, de tribunaux dédiés aux violences conjugales. Cela suffit, nous voulons que les femmes et leurs enfants cessent de vivre dans la peur !
    Mon expérience d’élue territoriale chargée de l’enfance en danger dans un conseil départemental m’a montré l’ampleur des drames humains pour ces enfants qui arrivent dans un foyer de l’enfance la nuit du meurtre de leur mère. Ma détermination vient de ces enfants victimes de psychotraumatismes graves, car les féminicides ne mettent pas seulement fin à une vie ; ils brisent la vie d’enfants et de familles.
    Monsieur le ministre, où est donc la grande cause du quinquennat dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, dont les féminicides sont l’expression la plus violente et rappellent les dysfonctionnements que nous observons ?

    M. le président

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    Merci, madame la députée…

    Mme Isabelle Santiago

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    Où sont les mesures de l’État ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances

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    Je vous remercie de me permettre de reprendre la parole sur cette question éminemment grave dans notre société. Parler des violences sexistes et sexuelles, c’est arrêter de nier leur existence. Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis que le Président de la République a décidé que cette cause serait la grande cause du quinquennat, nous n’avons jamais autant parlé des violences faites aux femmes ;…

    Un député du groupe LR

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    C’est faux !

    M. Michel Herbillon

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    Ce sont des crimes, pas des violences sexuelles !

    Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée

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    …qu’on le reconnaisse ou non.
    Pourquoi ces crimes font-ils aujourd’hui la une des médias ? Parce que toute la société est sensibilisée à cette question. Je le disais tout à l’heure, quatre lois ont été votées en trois ans pour protéger les femmes.
    Vous parliez de budget : mon ministère a obtenu une augmentation de son budget de 40 % pour lutter contre ce type de violences.
    Vous parliez des enfants : il faut évidemment s’en occuper. Nous soutenons des associations qui prennent en charge les enfants lorsqu’ils sont malheureusement victimes de ces violences, qui ne concernent pas toujours que les seuls adultes.
    Et oui, il est temps que nous écoutions les victimes : c’est ce que fait le Gouvernement depuis 2017. Je l’ai rappelé tout à l’heure, ce fut aussi la raison d’être du Grenelle des violences conjugales : quarante-six mesures en ont découlé, comme l’augmentation de 60 % du nombre de places d’hébergement d’urgence pour accueillir des femmes.
    Pardon, mais combien de mesures avons-nous prises, qui auraient dû l’être par les gouvernements précédents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.) Reconnaissez-le car, sinon, jamais on ne s’en sortira !
    Le fléau des violences faites aux femmes concerne l’intégralité de notre pays, aussi bien le ministère de l’intérieur que ceux de la justice et de l’éducation. C’est l’égalité des sexes qu’il nous faut instaurer dans notre société et nous n’y arriverons pas seuls ! (Mêmes mouvements.)

    Détournement d’un avion en Biélorussie

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Lejeune.

    M. Christophe Lejeune

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
    La Biélorussie, par l’intermédiaire de son chef d’État, Alexandre Loukachenko, a envoyé ce dimanche un MIG-29 intercepter un vol commercial de la compagnie Ryanair en provenance d’Athènes et à destination de Vilnius, ce que le Gouvernement français a qualifié d’« acte de piraterie d’État ».
    Songez, mes chers collègues, qu’à seulement 1 500 kilomètres de nos frontières, un chef d’État, faisant fi des revendications de son peuple depuis plusieurs mois, s’est octroyé le droit, au mépris de toutes les conventions aériennes internationales, de provoquer l’atterrissage d’un vol commercial reliant deux capitales de l’Union européenne ! Le seul but de cet acte était d’arrêter l’un de ses opposants, un journaliste. Ce sont de sombres méthodes, qui nous renvoient à une période que nous pensions révolue. Nous ne pouvons pas le tolérer.
    Peu de temps après le détournement, le média d’opposition biélorusse Nexta affirmait que Roman Protassevitch, son ancien rédacteur en chef, avait été arrêté par les services de sécurité de l’aéroport de Minsk après un atterrissage d’urgence de l’appareil, sous prétexte d’une alerte à la bombe. Ce même média a assuré que des agents du KGB biélorusse étaient à bord. Sur Twitter, Svetlana Tikhanovskaïa, figure de l’opposition au régime biélorusse, désormais réfugiée en Lituanie, a assuré que Roman Protassevitch encourait à présent la peine de mort.
    L’Union européenne a largement dénoncé une « action complètement inacceptable de Minsk ». La France, dont au moins neuf ressortissants étaient à bord, a dénoncé un « détournement » d’avion « inacceptable ». Les dirigeants de l’Union européenne se sont rencontrés hier soir afin de discuter de potentielles sanctions. Nous savons que le chef de l’État, Emmanuel Macron, et le Gouvernement français, représenté par Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune, ont été particulièrement actifs.

    M. le président

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    Merci, monsieur le député…

    M. Christophe Lejeune

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    Pouvez-vous nous faire état de l’avancée des discussions relatives aux propositions de sanctions de la France et de l’Union européenne ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    J’ai déjà répondu en partie à cette question lorsque j’ai été interrogé par le président Bourlanges. Sachez que je comprends d’autant plus votre interrogation et votre émotion que vous êtes président du groupe d’amitié entre la France et le Bélarus – « amitié » n’est pas le bon terme pour décrire nos relations avec M. Loukachenko – et que vous avez par ailleurs des relations personnelles avec ce pays.
    Vous savez donc que depuis août 2020, il y a dans ce pays des arrestations arbitraires, des associations bâillonnées, des opposants intimidés et emprisonnés et une répression très grave, qui font suite à une élection présidentielle irrégulière. Voilà pour le fond du problème.
    Les événements de dimanche, que vous avez décrits et dont nous avons parlé tout à l’heure, ne sont qu’une escalade supplémentaire, certes très grave, dans cette stratégie de répression aveugle menée par le régime de M. Loukachenko.
    J’ai rappelé les mesures prises hier par le Conseil européen : elles sont très strictes. J’ajouterai plusieurs éléments en complément de ce que j’ai dit au président Bourlanges.
    Jamais nous ne reconnaîtrons la légitimité de l’élection de M. Loukachenko. Jamais ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.) Nous ne la reconnaissons pas aujourd’hui et nous ne la reconnaîtrons pas davantage demain.
    De plus, nous apportons notre solidarité permanente à l’opposition biélorusse. Je me suis entretenu hier avec Mme Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, afin de l’en assurer.
    Enfin, trois trains de sanctions ont déjà été pris à l’encontre du Bélarus, lesquels ont été complétés hier par des sanctions économiques contre certaines entités majeures du pays. Nous les prorogerons jusqu’à ce que le régime reconnaisse le choix démocratique qui a été fait et se plie à la pression du peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Politique sociale du Gouvernement

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Cherpion.

    M. Gérard Cherpion

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
    La crise sanitaire et économique a durablement marqué l’activité des entreprises, donc l’emploi. Si des mesures ont été prises par votre gouvernement, force est de constater et de regretter qu’elles ont été décidées à la hâte, sans véritable concertation avec les partenaires sociaux et encore moins avec le Parlement. Gouverner par ordonnances et par décrets a ses limites.
    Par exemple, les 220 salariés de l’usine de Saint-Dié-des-Vosges de l’entreprise Inteva Products ont été licenciés grâce à l’ordonnance du 20 mai 2020, prise sans aucun débat préalable au sein de notre assemblée. Celle-ci permet la reprise d’une entreprise par celui-là même qui l’a menée à la liquidation – en l’espèce assortie de la fermeture du site, du licenciement de l’ensemble des salariés et d’une délocalisation dans les pays de l’Est. Les 220 salariés de cette usine sont-ils responsables de leur inscription à Pôle emploi, ou la responsabilité vous revient-elle ? Moins de 25 % d’entre eux ont, à ce jour, retrouvé un emploi.
    Les autres seront-ils une seconde fois pénalisés par l’application du décret du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage ? En effet, ce décret est en inadéquation avec la réalité de l’emploi dans le contexte actuel. (M. François Ruffin applaudit.) Le taux de chômage augmente, quoique de façon moins importante que nous le craignions. Toutes catégories confondues, 6 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi, moins de 50 % d’entre elles percevant une allocation chômage. Votre décret augmentera encore le nombre de personnes non ou mal indemnisées.
    La politique sociale de la France se construit dans la concertation et dans la responsabilité : le dernier accord national interprofessionnel sur le télétravail en est une belle illustration. Aussi, comme le demandent tous les partenaires sociaux, représentant aussi bien le patronat que les salariés, de nombreux économistes et même l’ancienne ministre du travail, comptez-vous persévérer dans l’erreur ou plutôt reprendre le chemin de la démocratie sociale et politique en retirant ce décret ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Je suis un peu surprise par vos propos (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR) car, comme vous le savez, depuis le début de la crise, nous prenons des mesures exceptionnelles pour protéger les entreprises et les salariés.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous protégez les riches !

    Mme Élisabeth Borne, ministre

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    Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire devant cet hémicycle, nous avons mobilisé plus de 40 milliards d’euros au titre de l’activité partielle pour protéger les emplois.
    Dans les prochains mois, nous poursuivrons la protection des entreprises et des salariés grâce à un dispositif qui, contrairement à ce que vous prétendez, a été concerté et même proposé par les partenaires sociaux :…

    M. Pierre Cordier

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    C’est historique !

    Mme Élisabeth Borne, ministre

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    …l’activité partielle de longue durée.
    J’estime donc que le Gouvernement n’a aucune leçon à recevoir en matière de dialogue social. (Protestations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)
    Quant à la réforme de l’assurance chômage, elle a fait l’objet de six mois de concertation avec les partenaires sociaux. Elle est nécessaire pour rendre notre système plus juste et pour lutter contre la précarité qui concerne des centaines de milliers de salariés.
    Au cours des dernières années, le nombre de CDD de moins d’un mois a augmenté de 250 %. Il faut donc réformer le système, en plaçant les entreprises devant leurs responsabilités, grâce à un système de bonus-malus qui les incitera à proposer des CDI ou des CDD plus longs. Par ailleurs, le calcul du montant de l’allocation chômage doit permettre d’assurer une meilleure équité entre les salariés.
    Le dialogue social est une réalité ; c’est grâce à lui que nous avons instauré le dispositif d’activité partielle de longue durée et que nous avons conçu le dispositif Transitions collectives, qui vise, lui aussi, à protéger les salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gérard Cherpion.

    M. Gérard Cherpion

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    Les demandeurs d’emploi et les partenaires sociaux apprécieront votre réponse ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Lutte contre la pauvreté

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est une alerte. La pauvreté explose et vous n’avez pas le droit de détourner les yeux. Laetitia, qui vit seule avec ses quatre enfants, ne sait plus comment les nourrir, dès le 10 du mois. Quatre appels manqués : ils ont été passés par le propriétaire du logement d’Ahmed, qui n’a plus d’emploi depuis mars 2020. Cet été, il souhaitait emmener ses enfants dans le Sud, mais depuis qu’il sait qu’ils vont être expulsés, il n’arrive plus à penser à autre chose. « Puis-je passer demain midi ? » demande le voisin de Lucas. Lucas aimait déjeuner avec son voisin du CROUS avant de réviser ses partiels, mais cette fois, il hésite, parce que son frigo est vide.
    Ahmed, Lucas, Laetitia et tant d’autres : regardez-les, entendez-les ! Ces femmes et ces hommes ont la boule au ventre, ils ont honte, ils vivent dans l’angoisse permanente. Oui, les 10 millions de femmes et d’hommes qui vivent sous le seuil de pauvreté à cause de votre politique ont des visages, des goûts, des désirs. La moitié d’entre eux a moins de 30 ans et la vie devant soi. Ce n’est pas parce que vous ne les connaissez pas qu’ils n’existent pas.
    Vous leur préparez aujourd’hui un agenda de la honte. Le 31 mai 2021, les expulsions locatives reprendront et vous jetterez des dizaines de milliers de familles à la rue. Puis, le 1er juillet 2021, la réforme de l’assurance chômage entrera en vigueur et vous condamnerez à la mort sociale plus d’1 million de personnes privées d’emploi. Il y a un autre agenda, celui des indécents et des cupides. Hier, nous apprenions que Bernard Arnault était l’homme le plus riche du monde. Il y a un mois, nous découvrions les chiffres mirobolants des 51 milliards d’euros de dividendes versés aux actionnaires. Votre guerre sociale doit cesser. Déjà 300 000 emplois ont été détruits ; le Secours populaire déclare être venu en aide à plus d’1 million de personnes, soit 45 % de plus que l’année précédente. Ces chiffres seuls devraient vous tordre le ventre.
    La crise sociale ne fait que commencer. La pauvreté et la détresse disloquent notre pays. Renoncez à votre réforme de l’assurance chômage, prolongez la trêve hivernale ! Monsieur le Premier ministre, quand libérerez-vous nos compatriotes des chaînes de la pauvreté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    Chers collègues, je vous signale que le chronomètre est en panne. Un substitut me permet toutefois de veiller au grain et Mme Panot a parfaitement respecté les deux minutes qui lui étaient imparties.
    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    Madame Panot, quand je vous entends, j’ai envie de répondre par cette fameuse phrase : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » (Protestations sur les bancs des groupes LR et FI.)

    M. Pierre Cordier

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    Giscard, reviens !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Nous aussi nous connaissons, nous rencontrons des personnes qui vivent des difficultés, notamment durant la crise actuelle, si pénible. Face à cela, nous agissons et, au lieu de simplement citer des exemples, nous essayons d’apporter des solutions. Nous avons notamment pris des mesures exceptionnelles pour protéger les locataires vulnérables. L’an dernier, à l’issue de la trêve hivernale, que nous avons prolongée jusqu’en juillet 2020, nous avons fixé comme consigne que chaque expulsion soit accompagnée d’une proposition de relogement ou d’hébergement, ce qui s’est traduit par un nombre exceptionnellement bas d’expulsions cette année-là.

    Mme Mathilde Panot

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    30 000 familles à la rue !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Cette année, nous avons prolongé de nouveau la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2021 et avons par ailleurs ouvert un nombre exceptionnellement élevé de places d’hébergement pour la mise à l’abri. Plus de 200 000 places sont ainsi disponibles et Mme Emmanuelle Wargon a annoncé la semaine dernière qu’elles le resteraient jusqu’en mars 2022. C’est historique.

    M. Pierre Cordier

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    Historique, évidemment !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Nous devons désormais réussir la sortie de la trêve hivernale et des mesures temporaires, afin d’assurer un retour progressif au droit commun. Nous nous y préparons depuis plusieurs mois, avec une priorité : continuer à protéger les populations précaires et vulnérables. Après le 1er juin, les expulsions seront donc assorties de propositions de relogement, ou, au minimum, d’hébergement. Un travail sera également mené en amont de l’expulsion, afin de proposer un accompagnement social et une solution de relogement aux locataires. Par ailleurs, nous devons aussi tenir compte des petits propriétaires, pour lesquels les loyers constituent une source importante de revenus. Dès juillet, nous abonderons donc le fonds d’indemnisation des propriétaires bailleurs, le besoin complémentaire étant estimé à environ 20 millions d’euros. Enfin, à titre exceptionnel, nous avons instauré, pour 2021,…

    M. le président

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    Merci, madame la ministre.

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    …un fonds d’aide aux impayés de loyer de 30 millions d’euros. Voilà des aides concrètes, pour les plus vulnérables.

    Situation au Mali

    M. le président

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, il y a quelques minutes, nous avons appris que le colonel Assimi Goïta, vice-président du Mali, avait démis de leurs fonctions le président Bah N’Daw, ainsi que le premier ministre Moctar Ouane, arrêtés lundi soir par des membres de l’armée et détenus dans le camp militaire de Kati. Il leur serait reproché d’avoir  « enfreint la charte de la transition ».
    Ce nouveau rebondissement, qui survient alors que le pays a connu en août dernier son quatrième coup d’État depuis l’indépendance, complexifie encore la situation politique et en matière de sécurité dans la région du Sahel, quelques jours après les bouleversements graves survenus au Tchad. Pourtant, avant les événements de la nuit dernière, le Mali semblait se diriger vers une transition démocratique inclusive, qui associait les acteurs politiques et sociaux, comme le président Bah N’Daw me l’avait clairement signifié lors d’un déplacement au Mali, dans ma circonscription.
    Avant d’aller plus avant dans ma question, j’ai une pensée pour les 8 500 ressortissants français qui vivent au Mali, ainsi que pour les 5 100 soldats français engagés dans l’opération Barkhane pour assurer la paix et la stabilité dans la région, eux qui ont déjà payé un lourd tribut en honorant leurs missions. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Agir ens, LaREM, LR et SOC.)
    Monsieur le ministre, alors que notre pays a accueilli la semaine dernière un sommet international sur le financement des économies africaines, afin d’accompagner le continent dans la résolution de la crise sanitaire, la communauté internationale, et, au premier rang de celle-ci, l’Union africaine, se préoccupent des soubresauts de la gouvernance, dont la stabilité est le préalable à toute sortie durable de la crise dans la zone. Quelle est la position de la France concernant cette nouvelle menace pour la stabilité du Sahel ? Comment assurer la sécurité de nos compatriotes qui résident au Mali ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    La France condamne avec la plus grande fermeté le coup de force qui s’est déroulé hier au Mali. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.) À la suite d’un changement de gouvernement décidé légalement par le président de la transition Bah N’Daw et le premier ministre Moctar Ouane, ceux-ci ont été arrêtés et conduits dans le casernement de Kati.
    Cette condamnation ferme est unanime, puisque s’y associent l’Union africaine, l’Union européenne et tous les voisins du Mali, réunis dans le cadre de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO. En outre, nous proposerons de nouveau au Conseil de sécurité des Nations unies de formuler une condamnation. Nous avons donc provoqué sa réunion, qui aura lieu dans quelques heures – ce sera encore le matin à New York – pour prendre en considération la grave situation au Mali.
    Le respect strict du caractère civil de la transition et de ses délais est une condition sine qua non de la crédibilité de ce processus et du soutien des partenaires internationaux aux autorités maliennes. Dans l’immédiat, nous exigeons donc la libération des autorités détenues, dont la sécurité doit être garantie, et la reprise immédiate du cours normal de la transition. En outre, je sais que l’ancien président du Nigéria, M. Goodluck Jonathan, doit se rendre aujourd’hui à Bamako pour faire valoir le point de vue des pays de la région.
    Je précise qu’en l’absence de retour à une transition ordonnée, nous prendrons des mesures immédiates ciblant les responsables militaires et politiques qui entravent la transition. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Agir ens et Dem.)

    Finances départementales

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, bien qu’elles soient occultées par les élections régionales et la nationalisation de leurs enjeux, n’oublions pas les élections départementales et leur importance pour le quotidien des Français. Dès le début de cette crise, les départements ont été en première ligne pour appliquer les mesures gouvernementales et être force de proposition. Si c’était à prouver, ils ont démontré leur rôle d’échelon de proximité, de relais avec le réseau d’intercommunalités, les communes, les services de l’État comme les agences régionales de santé ou encore avec le tissu associatif dont ils sont les partenaires.
    Rappelons-le, car c’est toujours utile, le département est compétent en matière de solidarité, de cohésion territoriale, de collèges, d’action culturelle et sportive, entre autres. Or ces domaines ont tous été affectés par la crise et sont essentiels pour toutes et tous, au quotidien.
    Dans le projet de loi de finances initiale pour 2020, vous avez décidé de compenser la perte du produit fiscal de la taxe d’habitation auparavant versé aux communes par le transfert et l’affectation à celles-ci de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, privant ainsi les départements de toute autonomie fiscale et financière, alors que celles-ci sont essentielles en cette période de crise sanitaire et sociale.
    Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous pour rendre aux départements une part d’autonomie financière et fiscale ? Qu’envisagez-vous, concernant le RSA, dont le nombre d’allocataires explosera à cause de votre funeste réforme de l’allocation chômage ?
    L’expérimentation dans quelques départements prévue dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 4D, suffira-t-elle à répondre à l’inquiétude grandissante des départements, ou envisagez-vous des mesures spécifiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville

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    Vous interrogez le Gouvernement sur l’autonomie financière des départements et, plus largement, sur leur santé financière. Je vous rappelle tout d’abord que l’autonomie financière n’est pas en soi la réponse à leurs difficultés. Leur problème principal tient à la volatilité de leurs ressources, qui peuvent diminuer en cas de coup dur, tandis que leurs dépenses, notamment sociales, continuent de croître. C’est le fameux effet ciseaux.
    C’est pourquoi nous devons avant tout leur garantir des recettes dynamiques solides et les aider en cas de retournement de conjoncture. Si vous observez le panier des recettes des départements, vous constaterez d’ailleurs que la majorité de celles-ci répond à ces conditions : je pense bien sûr aux droits de mutation à titre onéreux – DMTO –, à la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques – TICPE –, à la TVA, ou encore à la taxe sur les contrats d’assurance.
    Pour nombre de départements, le seul levier de la taxe foncière, placé entre les mains des communes depuis cette année, n’aurait pas permis de faire face à la crise. En effet, dans un très grand nombre de cas – je pense particulièrement aux départements ruraux –, le taux de cette taxe, déjà élevé, ne laissait en réalité aux élus qu’une très faible marge de manœuvre.
    Nous continuons bien sûr à travailler avec les départements sur les questions financières. La ministre Jacqueline Gourault et le ministre délégué Olivier Dussopt ont tenu il y a deux semaines une réunion avec les représentants de l’Assemblée des départements de France et il a été convenu d’étudier des améliorations possibles des mécanismes de clause de sauvegarde, grâce à des règles permettant de lisser les recettes départementales. Une partie d’entre elles pourrait être provisionnée les bonnes années, avant d’être réinjectée lors des années plus difficiles.
    Vous le voyez, nous sommes depuis quatre ans à l’écoute des départements. Nous continuerons de l’être, particulièrement en cette période de crise. (M. Rémy Rebeyrotte applaudit.)

    Rentrée scolaire de 2021

    M. le président

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    La parole est à M. Grégory Labille.

    M. Grégory Labille

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    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous pouvons enfin nous réjouir de l’avancée de la campagne de vaccination. Depuis hier, lundi 24 mai, les membres des professions prioritaires, notamment les enseignants, peuvent s’inscrire pour se faire vacciner. La campagne s’ouvrira à l’ensemble de la population adulte le 31 mai. La campagne vaccinale avance donc et la sortie de la crise sanitaire – soyons optimistes – se dessine.
    Toutefois, je m’interroge sur la gestion de la rentrée scolaire prévue au mois de septembre 2021, car j’y vois plusieurs éléments discordants, qui m’invitent à vous demander quelques précisions.
    En effet, j’appréhende la gestion des effectifs en septembre 2021, notamment le nombre de personnels enseignants disponibles pour assurer les cours. Nous ne sommes pas à l’abri d’un retard possible dans la campagne de vaccination du personnel enseignant, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM, des auxiliaires de vie scolaire et du personnel de garderie et de cantine. Ce retard vous obligerait à maintenir la mesure de fermeture de classe en cas de détection de cas de covid-19. De nombreux directeurs d’école alertent déjà sur la difficulté d’assurer les remplacements des personnels enseignants en cas de maladie, liée ou non au covid-19. Parallèlement, la suppression de postes en milieu scolaire continue.
    Compte tenu de la situation sanitaire, je crains un effet de ciseaux à la rentrée scolaire : les cas continueront à augmenter en raison des vacances d’été, tandis que le nombre des personnels enseignants diminuera, notamment dans les milieux ruraux. Une manière de réduire ce risque pourrait être la levée de la mesure de fermeture de classe en cas de détection d’un cas de covid-19 à partir d’un certain seuil de vaccination du personnel éducatif. Une autre serait de renoncer à la suppression de certains postes, prévue à la rentrée 2021.
    Monsieur le ministre, comment avez-vous prévu de gérer la campagne vaccinale dans les établissements scolaires pour préparer au mieux la rentrée 2021 ? Tiendrez-vous compte de la situation sanitaire en donnant aux directeurs académiques des services de l’éducation nationale les moyens de maintenir des postes d’enseignants ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Votre question est évidemment très importante puisque la préparation de la rentrée doit faire l’objet d’un examen particulier lors d’une crise comme celle que nous traversons. Il est important de rappeler, d’abord, que des questions de ce type se posaient l’année dernière à la même époque…

    Mme Caroline Fiat

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    Sauf qu’il n’y avait pas de vaccin !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    …et que nous avons préparé une rentrée qui a permis le retour de tous les élèves. Bien sûr, tout n’a pas été parfait, mais les Français peuvent être collectivement fiers de leur système éducatif, qui est l’un de ceux ayant le mieux tenu au monde.

    M. Pierre Cordier

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    Quelle modestie !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Bien entendu, nous avons l’intention d’aller de l’avant ; j’en parlais encore ce matin avec les organisations syndicales. Plusieurs questions se posent ; j’entrerai dans le détail dans d’autres circonstances. Concernant la question vaccinale, merci d’avoir rappelé les mesures qui viennent d’être prises : les professeurs peuvent désormais être vaccinés, quel que soit leur âge. Normalement, le rythme actuel permet d’envisager que tous les personnels – pas seulement les professeurs et pas seulement les personnels de l’éducation nationale, mais aussi ceux des collectivités locales concernées – puissent être vaccinés et à jour pour la rentrée prochaine.
    Il y a aussi tous les enjeux relatifs aux tests. Nous déployons progressivement les tests antigéniques depuis le premier trimestre, les tests salivaires, et maintenant les autotests. Si l’épidémie est encore présente à la rentrée, nous poursuivrons la stratégie « tester, alerter, protéger », qui est décisive et qui a été la clef pour réussir l’ouverture des écoles.
    Vous avez évoqué l’allégement du protocole sanitaire. Je suis le premier à le souhaiter pour la rentrée prochaine, parce qu’il nous permettrait d’avoir une vie courante plus facile. Cela dépend évidemment des données sanitaires, que nous évaluerons le moment venu, aussi bien au début du mois de juillet – comme l’année dernière – qu’à la fin du mois d’août, pour ajuster les choses. S’agissant des autres éléments de préparation de la rentrée, je vous répondrai ultérieurement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Situation fiscale des assistantes maternelles

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Ma question concerne les assistantes maternelles, et plus précisément leur situation fiscale. Elles sont près de 300 000 en France ; on en parle trop rarement dans cette assemblée et pourtant, elles jouent un rôle essentiel pour les familles, en accueillant leurs jeunes enfants. En 2020, en pleine pandémie, elles ont été exemplaires, continuant à travailler alors que l’on fermait les crèches. Pourtant, elles n’ont guère été reconnues : elles n’ont pas bénéficié de la prime covid, alors qu’elles étaient en première ligne.
    Lorsque les parents ont repris leurs enfants, parce qu’ils étaient nombreux à être à la maison du fait du chômage partiel ou du télétravail, elles ont bénéficié d’une indemnité exceptionnelle correspondant à 80 % de leur salaire. Je rappelle que les autres salariés bénéficiaient de 84 % de leur salaire au titre du chômage partiel : pourquoi cette mesquinerie ?
    Nous sommes maintenant en pleine période de déclaration des revenus, et les assistantes maternelles sont en train de comprendre qu’elles vont être grugées. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.) En effet, elles devront déclarer l’indemnité exceptionnelle sans aucun abattement, alors que le salaire versé par les parents leur permet de bénéficier d’un abattement de trois heures de SMIC par jour et par enfant accueilli.
    De ce fait, alors que beaucoup d’entre elles ont touché moins d’argent en 2020, elles vont devoir déclarer plus de revenus imposables. Dès septembre, celles qui payent l’impôt vont voir augmenter leur taux moyen et celles qui ne le payaient pas encore vont peut-être devoir le payer. Qu’entendez-vous faire pour éviter une telle injustice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

    M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

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    Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Olivier Dussopt. Je veux profiter de votre question pour rappeler le rôle absolument essentiel des assistantes maternelles, notamment pendant le premier confinement.

    M. Pierre Cordier

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    M. Le Fur l’a dit, pas besoin de répéter !

    M. Cédric O, secrétaire d’État

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    Vous avez raison, nous ne parlons pas assez d’elles, de leur rôle et du fait qu’elles ont permis aux parents de continuer à travailler lorsqu’ils étaient obligés de le faire. Sans elles, le pays n’aurait pas tenu. (M. Hervé Berville applaudit.)
    Je veux également prendre le temps de répondre en détail à votre question. Vous avez raison, les rémunérations perçues à raison de l’activité des assistants maternels et des assistants familiaux, régies par des dispositions spécifiques du code de l’action sociale et des familles, bénéficient d’un régime particulier d’imposition favorable, prévu à l’article 80 sexies du code général des impôts. En application de ces dispositions, le revenu brut à déclarer, c’est-à-dire avant application de la déduction forfaitaire pour frais professionnels de 10 %, est égal à la différence entre d’une part, le total des rémunérations et indemnités perçues pour l’entretien et l’hébergement des enfants, d’autre part, une somme égale à trois fois le montant horaire du salaire minimum de croissance par jour et par enfant confié. Cette dernière somme est majorée dans certaines situations ; j’espère que c’est clair.
    Ce régime spécifique d’imposition est ainsi directement lié à l’exercice effectif de l’activité d’assistants maternels, plus précisément à la garde effective de jeunes enfants et aux frais d’entretien et d’hébergement correspondants. Par suite, il est justifié que ce régime de faveur ne soit pas applicable aux revenus de remplacement ou de substitution, dès lors que par hypothèse, leurs titulaires n’exercent alors pas l’activité d’assistants maternels. En conséquence, à l’instar des indemnités de chômage perçues en dehors de la crise sanitaire, les indemnités d’activité partielle versées aux assistants maternels par le particulier qui les emploie n’ouvrent pas droit au bénéfice du régime spécifique d’imposition.

    M. Pierre Cordier

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    Concrètement !

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Plus techno, on ne fait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Voilà des personnes qui n’auront pas eu la prime covid, dont l’indemnité de chômage est inférieure à celle des autres salariés et qui, en plus, vont être pénalisées fiscalement ! C’est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Plus démago, on ne fait pas mieux !

    Lancement du pass culture

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Studer.

    M. Bruno Studer

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    Quel bonheur, quel soulagement d’avoir vécu la semaine dernière la réouverture des cinémas, des salles de concerts, des opéras, des théâtres, et d’avoir retrouvé le chemin des écoles de musique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) C’est dans cet élan que le Président de la République a annoncé la généralisation du pass culture dans toute la France hexagonale et l’outre-mer (Mêmes mouvements). L’année de leurs 18 ans, nos jeunes pourront bénéficier de 300 euros, valables deux ans, pour s’offrir une place de spectacle ou de cinéma, prendre des cours de danse, de musique ou de peinture, s’acheter des livres, des albums ou des instruments de musique chez leurs commerçants de proximité.
    Ce pass culture est à la fois un outil de recensement des événements, jusqu’aux plus confidentiels, de géolocalisation, et aussi de relance au profit du secteur culturel.

    M. Pierre Cordier

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    Vous auriez pu le dire en alsacien !

    M. Bruno Studer

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    Au contraire de ce qui a pu être dit, tout cela se fait sans passer par les géants du commerce en ligne, les moteurs de recherche dominants ou les plateformes qui, au-delà de pratiques fiscales et commerciales contestables, cherchent à enfermer nos jeunes dans des algorithmes de consommation, alors que la culture nous apporte justement la nuance par rapport à la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Je veux associer à ma question l’ensemble de mes collègues qui se réjouissent avec moi que nos jeunes, en France, le pays de la culture, puissent s’ouvrir et accéder plus facilement à celle-ci. Madame la ministre de la culture, le pass culture doit s’installer durablement comme un véritable réseau social culturel.
    Travaillez-vous à une possibilité de recharge entre particuliers ? En d’autres termes, un grand-parent pourra-t-il recharger le pass culture au profit de ses petits-enfants ? Travaillez-vous à des possibilités de conventionnement avec des collectivités territoriales, afin qu’elles puissent s’associer au pass culture et l’abonder ? Vous avez aussi annoncé que les élèves, à partir de la classe de quatrième, pourraient bénéficier des premiers versements dès janvier ; cela permettra de faire connaître le pass culture à tous les jeunes de France. Mais comment envisagez-vous, dans les semaines qui viennent, d’atteindre les jeunes qui auront 18 ans cette année ou l’année prochaine, notamment ceux qui ne sont plus scolarisés ? Une communication à leur intention est-elle prévue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

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    Monsieur le président Bruno Studer, vous étiez un ardent militant du pass culture et je vous en remercie. Il est maintenant généralisé dans toute la France,…

    M. Frédéric Reiss

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    Il y a la généralisation des passeports sanitaires aussi !

    Mme Roselyne Bachelot, ministre

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    …le Président de la République l’a annoncé lors de son déplacement à Nevers. C’est d’ores et déjà un grand succès : la plateforme de téléchargement du pass culture a enregistré 600 000 connexions depuis vendredi dernier (M. Pierre Cordier scande le mot « historique ! ») ; 110 000 jeunes ont activé leur compte et ont fait 273 000 réservations jusqu’à dimanche ; le mouvement continue. Ce sont donc des résultats extrêmement positifs.
    Les jeunes de plus de 18 ans ont un crédit de 300 euros, mais chaque jeune a en réalité un crédit de 500 euros, puisqu’avec le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, nous avons décidé qu’une partie de ces crédits – 200 euros – serait consacrée aux jeunes de la quatrième à la terminale, pour qu’ils se familiarisent avec le pass culture.
    Vous me posez des questions précises sur la communication. J’ai envoyé une lettre aux préfets vendredi pour que la meilleure information soit assurée. Des personnels y sont dédiés au sein des directions régionales des affaires culturelles et nous mobilisons les associations d’élus et les réseaux d’éducation populaire.
    Vous m’avez posé une autre question : réfléchissons-nous à la possibilité pour les grands-parents, par exemple, de recharger le pass culture ? Nous la concrétiserons dans une deuxième phase. Par ailleurs, la collaboration avec les collectivités territoriales est d’ores et déjà engagée ; c’est le cas de la Bourgogne Franche-Comté, où nous étions avec le Président de la République, région où les avantages culturels sont parfaitement coordonnés avec le pass culture. Nous avançons ; le pass culture est un grand outil de démocratisation culturelle et un engagement tenu du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Accidents du travail

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Larive.

    M. Michel Larive

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Depuis des mois, des années maintenant, votre gouvernement surfe sur une vague sécuritaire qui s’amplifie de jour en jour, effaçant ainsi les problèmes essentiels des seconds, voire des derniers de cordée,…

    M. Jean-Luc Mélenchon et M. Alexis Corbière

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    C’est vrai !

    M. Michel Larive

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    …ceux qui nourrissent, enseignent, soignent, construisent et protègent, ceux qui ont tenu – et qui tiennent encore – le pays à bout de bras pendant la crise sanitaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) Pour tous ceux-là, la vie continue – ou pas.
    Chaque année, on recense malheureusement des milliers d’accidents du travail en France. Selon le secrétaire général de la CGT-construction Bruno Bothua, chaque jour travaillé, un ouvrier du bâtiment décède d’un accident du travail ; toutes les cinq minutes survient un accident grave, qui peut entraîner un handicap à vie. Ce sont des statistiques officielles, où ne sont pas intégrés, notamment, les cas des travailleurs détachés. Il faut parfois deux à trois ans pour que soit reconnu un accident du travail. Pendant ce laps de temps, aucun accompagnement n’est proposé aux familles.
    Le pire dans tout cela, c’est la fatalité, qui mène à une certaine normalité. Jamais ne sont interrogées les causes profondes qui conduisent à ces drames. Je veux parler de l’obsession de la rentabilité et du profit, qui pousse aux cadences infernales, aux pressions des hiérarchies ou d’ailleurs, aux mesures de sécurité allégées, aux conditions de travail dégradées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
    Là aussi, la problématique est systémique. Mais de tout cela, vous ne parlerez pas ; il n’y aura pas de manifestations de soutien et de solidarité. Pourtant, toutes les vies se valent. La multitude des cas sera coincée à la rubrique « faits divers » de la presse quotidienne régionale. Ces milliers de drames sont invisibilisés dans un silence assourdissant. Monsieur le Premier ministre, quand prévoyez-vous d’inscrire à votre agenda politique et médiatique la question sociale essentielle des accidents du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Je considère comme vous que tout accident de travail est un accident de trop. Ce sont en effet des drames humains, et les entreprises doivent tout faire pour les prévenir. La prévention des accidents de travail est au cœur des missions de l’inspection du travail, à laquelle je veux rendre hommage : depuis le début de la crise, elle est totalement mobilisée pour veiller à la santé et à la sécurité des salariés.
    Nous avons conçu un plan d’action ciblé afin d’être présents là où les risques sont les plus importants – je pense par exemple aux chutes de hauteur. En 2020, les agents de l’inspection du travail ont réalisé plus de 37 000 interventions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Ils ont soustrait à un risque de danger grave et imminent près de 8 000 travailleurs et mené plus de 10 000 enquêtes relatives à des accidents de travail afin de déterminer les responsabilités pénales et de prévenir la survenance de nouveaux accidents.
    L’inspection du travail n’agit pas seule. Le réseau des CARSAT – caisses d’assurance retraite et de santé au travail – est également très mobilisé. Je suis parfaitement consciente qu’au moment où certains secteurs économiques reprennent leur activité après avoir été à l’arrêt, nous devons être particulièrement vigilants. Aussi avons-nous prévu un financement pour des formations dites de réentraînement au travail et annexé au protocole national en entreprise une fiche de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail qui fournit des conseils pour reprendre le travail en toute sécurité. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion joue donc son rôle de prévention, comme celui de recherche des infractions.

    Langues régionales

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Ma question est collective : je la pose au nom de mes collègues Jimmy Pahun, Vincent Bru, Bruno Fuchs, Sophie Mette, Sylvain Waserman, Maud Petit, Bruno Joncour, Sandrine Josso, François Pupponi et Florence Lasserre. Par sa décision du 21 mai, le Conseil constitutionnel sème le trouble et menace le choix que de nombreuses familles ont fait pour l’éducation de leurs enfants.

    M. Frédéric Reiss

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    Il a raison !

    M. Erwan Balanant

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    L’apprentissage par l’immersion a fait ses preuves depuis plus de cinquante ans, en démontrant son efficacité pédagogique et humaine. Comment comprendre et accepter que des réseaux associatifs qui ont montré leur excellence soient aujourd’hui menacés partout en France ? Comment mettre en péril des établissements tels que le lycée Diwan de Carhaix, classé en 2013 meilleur lycée de France par Le Figaro ?
    La France souffre de ne pas comprendre que les langues régionales sont un trésor pour notre culture.

    M. Frédéric Reiss

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    Très bien !

    M. Erwan Balanant

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    Ce mal a été amplifié par la révision constitutionnelle de 1992 : les parlementaires ont ajouté à l’article 2 de la Constitution un alinéa qui proclame le français seule langue de la République. Cette réforme visait à construire l’unité républicaine, au détriment cependant de notre patrimoine linguistique. Nous sommes très inquiets de cette nouvelle remise en cause.

    M. Pacôme Rupin

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    Apprenez l’anglais !

    M. Erwan Balanant

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    Le MODEM est fier d’appartenir à une famille politique qui a toujours protégé les langues régionales, notamment en 1994, lorsque François Bayrou a fait de ces établissements des établissements privés sous contrat. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez fait des annonces dans Ouest-France samedi dernier. Malheureusement, vos déclarations ne nous rassurent pas complètement, non plus que les acteurs du secteur associatif, quant aux conséquences éventuelles de la décision du Conseil constitutionnel. Pouvez-vous clarifier votre position sur l’immersion ? Comment garantirez-vous l’avenir des écoles immersives malgré la décision du Conseil constitutionnel ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Vous avez entendu le Premier ministre, vous savez donc quelles initiatives permettront d’accompagner les acteurs. Je répète aisément l’engagement que j’ai pris lors des précédentes discussions parlementaires sur ce sujet : nous voulons soutenir les structures auxquelles vous avez fait référence.
    Merci d’avoir cité l’entretien que j’ai accordé à Ouest-France ; j’y dresse les perspectives de développement des langues régionales. D’abord, les élèves seront autorisés à choisir les langues régionales comme option au bac ; elles pourront leur apporter des points supplémentaires, comme le latin et le grec. J’ai annoncé cette décision, qui pourra favoriser le choix des langues régionales pour les élèves qui entrent au lycée. Si 85 % des élèves qui étudient les langues régionales ne sont pas en situation d’immersion, tous sont concernés par cette mesure.
    Deuxièmement, nous allons développer les technologies au service des langues régionales. Le CNED – Centre national d’enseignement à distance – enseigne désormais les quatre premières langues régionales françaises, c’est-à-dire qu’on peut les apprendre où qu’on soit dans le monde, ce qui est inédit. Afin d’augmenter le nombre d’élèves dans l’ensemble du territoire, nous allons développer la technologie du « distanciel synchrone », grâce à laquelle un même professeur enseigne à plusieurs classes en même temps.
    Enfin, il est important de souligner que les langues régionales peuvent également être enseignées pendant le temps périscolaire et extrascolaire, dont j’ai la charge en tant que ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports : le plan « mercredi » et le dispositif « vacances apprenantes » y contribueront ainsi. Les enseignements peuvent être dispensés en immersion, en parfaite adéquation avec la Constitution.
    Enfin, osons le dire, le bilinguisme est désormais constitutionnellement consacré, ce qui permet bien des choses, en particulier de faire perdurer les pratiques actuelles. Ne jouons donc pas à nous faire peur. Néanmoins, il est très important que les textes soient précis et conformes à la Constitution. Respectons l’État de droit et développons les langues régionales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Libertés publiques

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Monsieur le Premier ministre, le groupe Libertés et territoires, auquel j’appartiens, a constamment combattu les dispositions liberticides des divers projets et propositions de loi relatifs à la sécurité. Lors des débats sur la proposition de loi mal intitulée « pour une sécurité globale préservant les libertés », notre groupe s’est opposé aux dispositions liberticides, en particulier aux anciens articles 22 et 24, respectivement relatifs à la captation d’images par drones et à la création d’un délit de provocation à l’identification des agents des forces de l’ordre en opération. Cette loi souffrait d’un déséquilibre manifeste entre la nécessité de maintenir la sécurité publique et celle de préserver les libertés fondamentales. Tout au long des débats, le Gouvernement et sa majorité sont restés sourds à nos arguments à ce sujet.
    Jeudi 20 mai, le Conseil constitutionnel a purement et simplement annulé ces deux articles très contestés. Concernant les drones, la mesure portait atteinte au respect de la vie privée. Concernant l’ex-article 24, le législateur n’avait pas observé le principe de légalité des délits et des peines, selon lequel on ne peut être pénalement condamné qu’en vertu d’un texte de loi précis et clair. D’ailleurs, cet article faisait également peser une menace importante sur la liberté de la presse.
    D’autres textes en cours d’examen constituent des menaces pour les libertés publiques, comme l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, qui calque la disposition de l’ex-article 24, censuré, de la proposition de loi pour une sécurité globale, puisqu’il vise à sanctionner la divulgation d’informations permettant d’identifier une personne. La commission mixte paritaire a échoué ; cet article sera donc prochainement examiné de nouveau à l’Assemblée nationale.
    Après la décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement renoncera-t-il définitivement à ces mesures liberticides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Sur les quatre-vingt-dix articles de la proposition de loi déposée par vos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, sept seulement ont fait l’objet d’une réserve d’interprétation ou d’une censure.

    Un député du groupe SOC

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    C’est beaucoup.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le reste, à savoir 90 % du texte, permet donc dès aujourd’hui de travailler à renforcer la sécurité de nos concitoyens, grâce à la protection des forces de l’ordre, notamment la protection fonctionnelle, et au travail que peuvent accomplir les policiers municipaux, en consultant certains fichiers ou en améliorant considérablement la sécurité privée dans notre pays, notamment en prévision des Jeux olympiques et de la coupe du monde de rugby, que la France organise.
    Certaines dispositions ont fait l’objet à la fois d’une réserve et d’une censure, mais je n’ai pas la même lecture que vous de la décision du Conseil constitutionnel concernant l’article 24. Il est faux de dire qu’il a été entièrement censuré. La disposition que les députés de la majorité et le Gouvernement souhaitaient appliquer en premier lieu tendait en effet à pénaliser ceux qui inscrivaient dans un fichier publié sur internet l’identité des policiers et leur photographie, les mettant particulièrement en danger – on pense au sombre et triste, ignominieux même, site Copwatch.
    Le Conseil constitutionnel a validé la disposition défendue par les parlementaires de la majorité. Le délit de provocation à l’identification créé par les rapporteurs du Sénat et validé par la commission mixte paritaire a, lui, été censuré par le Conseil constitutionnel ; nous en prenons acte. Nous ne souhaitons pas revenir sur ces dispositions, sauf en ce qui concerne les drones, que vous avez évoqués : nous constatons que tout le monde en France peut en faire voler, sauf les policiers et les gendarmes, ce qui, vous en conviendrez, est un peu délicat lorsqu’on lutte contre le trafic de stupéfiants, les troubles à l’ordre public ou les violences urbaines.
    Après avoir consulté notamment la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés –, je proposerai prochainement à M. le Premier ministre de nouvelles dispositions à présenter au Parlement. (Applaudissementssur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Vincent Descoeur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    J’ai posé une question précise : allez-vous, oui ou non, renoncer à l’article 18 en cours de discussion ? Vous savez pertinemment que nous saisirons le Conseil constitutionnel ; or cet article est aussi large que l’article 24.

    Nouvelle-Calédonie

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Vuilletet.

    M. Guillaume Vuilletet

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer. Le 8 avril, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a demandé l’organisation d’un troisième référendum pour décider si la Nouvelle-Calédonie restera au sein de la République. Ce rendez-vous hautement démocratique est le dernier prévu par l’accord de Nouméa ; il achèvera un processus entamé en 1988. Il nous impose de regarder l’ensemble de notre histoire commune. Elle a été douloureuse – chacun garde en mémoire les événements des années 1980. Mais je me souviens aussi d’une histoire plus lumineuse, celle d’une concorde, que l’ensemble des composantes de la société calédonienne ont décidé de bâtir avec les accords de Matignon et ceux de Nouméa. Une nouvelle génération est là : la moitié des Calédoniens ont moins de 30 ans, l’âge de beaucoup parmi nous.
    Notre vision commune doit reposer sur la compréhension lucide de cette histoire, avec ses nuances, articulée à la volonté de construire l’avenir. L’enjeu pour ces jeunes est de bâtir une communauté de destins. Nous sommes les représentants de la nation ; chacun s’impliquera dans son rôle.
    La question qui sera posée aux Calédoniens l’a déjà été par deux fois : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Elle est un peu binaire et doit être précédée d’un débat. Quel que soit le choix, il demande une vision franche du jour d’après, qui prenne en considération la diversité des questions soulevées.
    Comme beaucoup d’entre vous, je suis attaché à l’épanouissement de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, mais ce choix appartient à nos compatriotes de ce territoire. Pour les accompagner, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives, que je salue. Une table ronde commence aujourd’hui, qui durera jusqu’au 1er juin. L’ensemble des forces vives de Nouvelle-Calédonie y ont été invitées. Vous avez aussi souhaité qu’une vaste concertation locale ait lieu ; elle a été irriguée par près d’un millier de contributions.
    Avec cette table ronde, le territoire calédonien entame aujourd’hui un processus décisif, qui le mènera à la date butoir du référendum d’octobre 2022. Pouvez-vous détailler ce chemin et en préciser l’agenda ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. Pierre Cordier

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    Il n’est pas en septaine ?

    M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

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    Les accords de Matignon ont été conclus en 1988, ceux de Nouméa en 1998 et – c’est une certitude – ils arrivent à leur terme. Il appartient à ce gouvernement – celui de Jean Castex, précédemment celui d’Édouard Philippe – et à votre législature d’appliquer la fin de cet accord, qui deviendra obsolète à son échéance. Deux référendums ont déjà eu lieu, le troisième a été demandé, vous l’avez rappelé. Nous devons être prêts. Depuis vingt ans, on travaille à la formulation de la question, à définir ceux à qui elle sera posée – c’est le fameux sujet du corps électoral – et la date à laquelle elle devra l’être.
    Assez curieusement, parce que c’est à bien des égards le plus délicat, jamais aucun travail n’avait été accompli concernant les conséquences du « oui » et celles du « non ». C’est chose faite, avec la production d’un document inédit. Sous l’autorité du Premier ministre, l’ensemble des ministères se sont prononcés, ont défini les implications de chacun des choix, les conséquences qui s’imposeront aux différentes parties et celles qui feront l’objet de négociations. Ces dernières donneront lieu à une discussion politique avec l’ensemble des acteurs calédoniens. Ils ont été invités à Paris, où ils séjournent pour plus de dix jours. Je sais que certains parlementaires auront à cœur de les rencontrer.
    Il est quasiment impossible de parler de la Nouvelle-Calédonie en deux minutes. Qu’il me soit seulement permis, au nom du Gouvernement, de former le vœu que nous sortions de l’alternative obscure et stérile dans laquelle nous sommes malheureusement tous enfermés depuis plusieurs décennies. En éclairant le « oui » et le « non », essayons de trouver un nouveau chemin, qui permette la paix, la concorde et le développement prospère de la Nouvelle-Calédonie. Telle est en tout cas la promesse républicaine que nous exprimons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Conséquences pédiatriques du port du masque obligatoire

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la crise sanitaire que nous traversons bouleverse nos habitudes et notre vie quotidienne, plus particulièrement celles des enfants. L’obligation de porter le masque a été étendue aux enfants d’au moins 6 ans en novembre 2020. Il s’agissait alors d’une mesure adaptée à la situation sanitaire. Cependant, l’OMS a établi une liste de plusieurs effets indésirables liés au port du masque. Elle a reconnu que les enfants pouvaient mal le supporter et que son port présentait des inconvénients et des difficultés.
    Nous sommes alertés par des professionnels, orthophonistes, thérapeutes du langage et de la communication, qui s’inquiètent quant au développement neurologique de l’enfant. Les premières années de l’enfance sont une période cruciale de développement neurologique. Le langage du nourrisson se développe à travers les interactions sociales, le ressenti, l’imitation : comment peut-il percevoir les émotions de son interlocuteur lorsque la moitié du visage de ce dernier est cachée ?
    Pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, qui sont masqués quasiment toute la journée, les risques physiologiques et psychologiques sont importants. Les professionnels du langage et de la communication redoutent de les voir atteints de dyslexie et de dysorthographie. Beaucoup d’entre eux souffrent déjà de maux de tête, de saignements de nez, de difficultés à respirer, d’angoisses, de phobies, de troubles de l’attention et du comportement – la liste est encore longue.
    Il est donc nécessaire et urgent d’apprécier la balance entre les bénéfices et les risques et de défendre les besoins fondamentaux des enfants en allégeant le protocole sanitaire à leur intention. Quelle est votre stratégie pour nos jeunes enfants quant au port du masque, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Je vous remercie pour votre question, qui est importante, madame la députée. Si nous avons rendu le port du masque obligatoire pour les enfants âgés de 6 ans et plus dans certaines situations, c’est avec l’agrément de la Société française de pédiatrie, sur la base de recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et du Haut Conseil de la santé publique. Cette mesure est intervenue dans un temps ultérieur au port obligatoire du masque chez les adultes et fait sens – vous l’avez dit vous-même – d’un point de vue sanitaire pour limiter le risque de diffusion du virus. La semaine dernière encore, environ 20 % des contaminations dans notre pays concernaient des mineurs. Il faut donc pouvoir protéger les plus jeunes, comme nous protégeons les adultes, pour eux-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de la communauté nationale.
    Le port du masque obligatoire pour les enfants dans certaines situations n’est pas l’apanage de la France : la plupart des pays qui nous entourent l’ont rendu obligatoire et continuent de le faire – c’est le cas de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce, de l’Autriche et de bien d’autres pays. Si les recommandations de la Société française de pédiatrie nous ont permis de rendre obligatoire le port du masque, c’est d’abord parce que celle-ci a jugé qu’aucune contre-indication de nature dermatologique, pneumologique, ORL, phoniatrique ou psychiatrique n’était de nature à l’empêcher. Il existe bien évidemment des exceptions, que vous connaissez : les tout petits, à savoir les enfants âgés de moins de 6 ans, en sont dispensés ; de plus, nous ne le rendons pas obligatoire en toutes circonstances.
    Vous dites, et vous avez raison, qu’il faut être très attentif à ce que le port du masque n’entrave pas le développement de certaines capacités et ne suscite pas l’apparition de troubles au niveau du langage ou troubles « dys ». Nous serons extrêmement vigilants, nous y travaillons avec l’ensemble des professionnels et des spécialistes du secteur.
    Enfin, vous m’avez interrogé sur la date jusqu’à laquelle les enfants devraient porter le masque. Aujourd’hui, le virus circule toujours, même si je constate avec joie et soulagement qu’il y a moins de questions au Gouvernement portant sur la crise sanitaire,…

    M. Maxime Minot

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    Ne soyez pas frustré !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …ce qui signifie que nous tenons le bon bout. Si le moment d’enlever le masque pour les enfants n’est pas encore venu, nous l’autoriserons dès que nous le pourrons – ce dont nous serons à n’en pas douter unanimes à nous féliciter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Maxime Minot

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    Il est jaloux car on ne lui a pas encore posé de questions aujourd’hui !

    Réforme de l’aide médicale d’État

    M. le président

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan.

    Mme Chantal Jourdan

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. Le 16 février dernier, 500 professionnels de santé dénonçaient la réforme de l’aide médicale d’État (AME) comme une triple faute morale, économique et sanitaire. Par décret, le Gouvernement s’est engagé dans la dégradation d’un mécanisme destiné à soigner les plus précaires.
    Concrètement, cette réforme soumet les personnes en situation irrégulière à un délai de neuf mois entre le dépôt de la demande d’AME et l’accès à certaines opérations ou soins de ville considérés comme secondaires. De plus, les demandeurs ne peuvent plus déposer leur dossier auprès de leur commune, des services sociaux départementaux ou d’une association : ils doivent passer par l’assurance maladie, par un hôpital ou par une permanence d’accès aux soins, parfois très éloignés de leur lieu de résidence.
    Ces mesures ont plusieurs conséquences déplorables. Premièrement, les professionnels du soin et les associations nous le répètent, les démarches doivent se faire au plus près des demandeurs pour lutter contre le non-recours massif et ne pas laisser ces populations sans accès aux soins de proximité.
    Deuxièmement, confier ces démarches aux services de santé, c’est oublier que les services hospitaliers, les permanences d’accès aux soins et l’assurance maladie sont débordés, a fortiori avec la crise de la covid-19. Faire reposer ces démarches sur des services publics sous tension, c’est porter directement atteinte à la santé des sans-papiers.
    Troisièmement, cette réduction des droits fondamentaux entraînera des privations de soins pour des personnes ayant déjà un parcours difficile, atteintes de pathologies nécessitant souvent une prise en charge rapide qui pourrait se faire auprès de soignants de proximité.
    Allez-vous revenir sur cette réforme très dommageable pour des hommes et des femmes qui sont déjà dans une très grande précarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Pour vous répondre en une phrase, la non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l’ADN de notre pays, ni de l’ADN de nos blouses blanches, et elle ne fait certainement pas partie de l’ADN de notre majorité. Soyez donc rassurée quant à notre volonté et à notre détermination à faire en sorte que quelle que soit la situation rencontrée, une personne qui a besoin de soins en reçoive, quelle que soit sa nationalité, quel que soit son statut social, quelles que soient ses origines, quelle que soit sa profession. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    On ne saurait considérer une seule seconde, de façon raisonnable, qu’une personne malade se présentant dans un hôpital ou chez un médecin se voie renvoyer chez elle sous prétexte qu’elle n’a pas les bons papiers ou le bon certificat, ou qu’elle n’a pas vu le bon guichet de telle ou telle administration. Vous pouvez donc déjà être rassurée.
    On peut également réfléchir à l’évolution récente des démarches en matière d’accès à l’AME. C’est un point important, qui fait débat parmi les associations et dont je discute avec elles. Lorsqu’une personne fait une demande d’AME, elle doit être physiquement présente. Elle peut être accompagnée par un responsable associatif – il ne s’agit pas de la contrainte massive que vous semblez redouter, même si je sais que votre question n’est pas mal intentionnée et que ce sujet fait couler beaucoup d’encre… Mon engagement comme parlementaire, et aujourd’hui comme ministre,…

    M. Pierre Cordier

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    Profitez-en ! Il vous reste quelques mois, ensuite, c’est fini !

    M. Olivier Véran, ministre

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    …et celui de ma prédécesseure pour faire de l’AME un outil de protection sociale à la fois généreux et le plus adapté possible, n’est pas à démontrer.
    S’il vous fallait des preuves de l’intention du Gouvernement, regardez ce que le Ségur de la santé, dont nous fêtons aujourd’hui les un an du lancement, a proposé pour les populations les plus précaires : développement de lits halte, de soins de suite, d’équipes mobiles qui vont dans les quartiers les plus populaires et auprès des publics précaires, développement des fameux PASS, les parcours d’accès spécifique santé, pour améliorer l’accueil des personnes en situation irrégulière, qui n’ont parfois même pas accès à l’AME. Croyez à notre très grande vigilance sur le maintien de l’accès aux droits et aux soins pour toutes les personnes qui en ont besoin sur notre territoire national.

    Politique agricole commune

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Le 30 mars dernier, monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, je vous interrogeais ici même sur les intentions qui vous guidaient pour élaborer le plan stratégique national en vue de répondre aux enjeu de la nouvelle PAC. J’évoquais alors la quadrature du cercle, entre le besoin de préserver les aides, donc les revenus de chaque agriculteur, et la nécessité d’accompagner les transformations pour dessiner l’agriculture française de demain.
    Vendredi dernier, vous avez présenté vos premiers arbitrages. Malgré les réactions attendues de certains, je tiens à les saluer, car il s’agit d’abord du choix d’une grande stabilité des dispositifs d’accompagnement. L’agriculture est l’essence même de l’activité économique de temps long. Redistribuer toutes les cartes des financements européens tous les sept ans n’est pas supportable pour nos nombreuses exploitations. La continuité est donc un signal fort.
    Pour autant, vos propositions comportent aussi des choix structurants d’avenir : un accompagnement très volontariste pour la production de protéines végétales, donc pour notre autonomie agricole ; l’évolution des modalités de paiement à l’UGB – unité de gros bétail – pour accompagner la filière bovine ; 50 % de fonds supplémentaires pour faciliter l’installation et le renouvellement des générations ; l’aide au petit maraîchage, une première ; une trajectoire de conversion à l’agriculture biologique très ambitieuse.
    Pourriez-vous, d’une part, nous éclairer sur vos intentions, et d’autre part, en évoquer les conséquences en termes de paiement pour les exploitations actuelles ? Je pense notamment à celles situées en zone intermédiaire, à l’élevage en bovins allaitants ou à l’agriculture ultramarine.
    D’autres points ne sont d’ailleurs toujours pas tranchés au niveau européen, comme le plafonnement des aides ou la définition de l’agriculteur actif, points essentiels pour maintenir une agriculture à taille humaine. Pourriez-vous également nous éclairer sur vos intentions en la matière, à quelques heures du super trilogue consacré à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    J’ai en effet exposé, vendredi dernier, les premières orientations de cette nouvelle politique agricole commune. Je tiens à cet égard à vous remercier personnellement, ainsi que vos collègues, quelle que soit la majorité à laquelle ils appartiennent, car nous avons eu de nombreux débats sur la PAC, au service de notre agriculture et de notre pays.
    Nous travaillons actuellement sur une PAC au budget conséquent, car la France, singulièrement le Président de la République, a obtenu de l’Europe que nous puissions conserver un tel budget : c’est une victoire française ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Au moment où nous en déclinons les principales orientations, je voudrais souligner que la PAC doit répondre à la vision politique qui est la nôtre, tournée vers la souveraineté agroalimentaire : il n’y a pas et il n’y aura jamais de pays fort sans une agriculture forte. Cette souveraineté implique d’abord que la PAC consolide la production qualitative : il n’est pas possible d’investir si nous n’avons pas de revenus, raison pour laquelle nous stabilisons un certain nombre d’aides sur le premier pilier, mais également l’ICHN – indemnité compensatoire de handicaps naturels – au bénéfice des territoires de montagne ; c’est le budget de l’État qui apportera les sommes complémentaires nécessaires.
    Deuxièmement, la PAC doit accompagner les transitions agroécologiques : un budget consacré au bio en hausse de 30 %, un écorégime qui soit accessible, là encore, grâce à l’abondement, par le budget de l’État, des mesures agroenvironnementales.
    Troisièmement, nous voulons une PAC qui fasse le pari de la jeunesse et qui mise sur l’avenir : les aides à l’installation augmentent comme jamais, les régions étant également partie prenante.
    Quatrièmement, la PAC doit nous sortir des dépendances, car la souveraineté consiste bien à regagner notre indépendance, notamment grâce à un doublement, à terme, des aides aux protéines.
    Enfin, la PAC doit être tournée vers la création de valeur, notamment sur les territoires, comme je l’ai évoqué pour les territoires de montagne, qui bénéficient de l’ICHN, ou pour les zones intermédiaires, qui feront l’objet de dispositifs particuliers. Vous le voyez, nous avons une vision très claire, orientée vers notre souveraineté alimentaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Compétences des régions

    M. le président

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    La parole est à M. Bernard Perrut.

    M. Bernard Perrut

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    Monsieur le Premier ministre, notre pays connaît depuis plus d’un an une crise sanitaire, économique et sociale éprouvante pour tous et exigeante pour l’État, les collectivités et les entreprises.
    Les régions ont montré leur agilité et leur réactivité pour faire face à la crise, tant dans le domaine sanitaire que dans le soutien apporté aux acteurs économiques. Elles sont désormais reconnues comme l’échelon territorial majeur de demain. À l’approche des élections, je souhaite connaître vos engagements pour l’avenir des régions.
    Dans le domaine de la santé, une nouvelle gouvernance et le pilotage d’un projet régional de santé avec chaque agence régionale de santé sont indispensables.
    Dans le domaine économique, il faut donner plus de liberté et de souplesse aux régions pour un pilotage au plus près du terrain, car la relance exige de prendre en compte les spécificités de chaque territoire pour développer les filières, relocaliser les productions, favoriser les circuits courts.
    Dans le domaine de l’emploi, une coopération renforcée entre Pôle emploi et chaque région favoriserait un accompagnement des demandeurs d’emploi plus efficace et plus adapté aux perspectives de développement d’activités dans chaque bassin, aux formations et aux mobilités.
    Quant à la sécurité, essentielle dans les transports ferroviaires, il faut en donner la responsabilité aux régions, qui font des efforts financiers importants. Je pense notamment à la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui soutient aussi les communes : équipements de police municipale, vidéosurveillance, protection des gares, des places, des rues et des lycées.
    Pourquoi ne pas associer les régions à l’action de l’État pour la sécurité, qui est la priorité des Français ? À l’heure où le Parlement s’apprête à débattre de la loi dite 4D, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à faire de l’exigence de proximité, d’efficacité et de résultat, attendue par les Français, votre priorité ? Êtes-vous prêt à soutenir nos élus, communaux, départementaux ou régionaux, qui veulent davantage d’autonomie ? Êtes-vous prêt à donner un nouveau souffle, indispensable, à la décentralisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.

    Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville

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    Vous nous interrogez sur un renforcement des compétences que vous souhaitez voir confiées aux régions. Vous le savez, la ministre Jacqueline Gourault a présenté le 12 mai dernier en conseil des ministres le projet de loi 4D, qui répond aux attentes concrètes formulées par les élus.
    À l’occasion des concertations sur le texte, elle a fait le tour de France de toutes les régions, et aucune n’a exprimé le souhait d’un big bang institutionnel ; au contraire, après la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRE, et la loi relative à la délimitation des régions, toutes ont réclamé de la stabilité pour intégrer leurs nouvelles compétences et organiser leur administration en conséquence.
    Ainsi, lors de nos nombreuses réunions avec les élus de Régions de France, dont le président de votre région est d’ailleurs l’un des vice-présidents, il a toujours été très clair que de nouvelles compétences aussi structurantes que celles que vous mentionnez ne pourraient être transférées aux régions.
    Je voudrais revenir sur deux d’entre elles. La sécurité est une compétence régalienne, partagée avec les communes sur un certain nombre de sujets de proximité, en lien avec l’exercice de leurs propres compétences, et je m’étonne de ne la voir apparaître que maintenant dans les débats.
    En ce qui concerne la santé, ensuite, les enseignements de la crise sanitaire nous portent à croire que les Français sont attachés à un système universel de santé, parfaitement égalitaire sur l’ensemble du territoire. Toutefois, vous le savez, nous sommes en faveur d’une meilleure association des élus locaux à la gouvernance des ARS, et une disposition spécifique en ce sens figurera dans la loi 4D.
    Je sais que le débat parlementaire sera riche, sur ce point comme sur d’autres, et nous comptons sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour avancer ensemble et dans la continuité des échanges qui ont eu lieu jusqu’à présent avec les élus locaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Lancement du pass’sport

    M. le président

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    La parole est à Mme Jacqueline Dubois.

    Mme Jacqueline Dubois

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    J’associe à ma question François Cormier-Bouligeon, Cédric Roussel et Sandrine Mörch.
    Dans son discours de soutien à la candidature de Paris 2024, le Président de la République a affirmé que ces Jeux olympiques étaient une occasion de faire de la France une vraie nation sportive. Le sport, a-t-il dit, est un outil d’émancipation et d’apprentissage de la vie. Ce n’est pas qu’un secteur économique ou une activité subsidiaire ; cela fait partie de ce qui fait rêver notre jeunesse et la mobilise, de ce qui permet à quelqu’un de trouver sa place dans l’existence, c’est un instrument de l’autonomie.
    En pédagogue, j’ajouterai que chez les petits, c’est un moyen de comprendre l’intérêt qu’il y a à respecter les règles, tandis que chez les adolescents, c’est un moyen de prévention des addictions et de la prédélinquance.
    Nous savons tous que le manque d’activité dû à la crise sanitaire a eu des répercussions tangibles sur la santé physique et psychique des enfants, chez qui on constate une prise de poids anormale dans deux cas sur trois, ainsi qu’une diminution des capacités physiques et aérobies, de la coordination et des performances globales.

    M. Fabien Di Filippo

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    Elle a raison !

    Mme Jacqueline Dubois

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    Heureusement, ce n’est pas irréversible. Prenant acte de la baisse des adhésions dans les clubs de sport, le président Macron vient d’annoncer le déploiement d’un pass’sport pour la jeunesse.

    M. Maxime Minot

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    Historique !

    M. Frédéric Reiss

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    Il faut le généraliser !

    M. Pierre Cordier

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    Où est Roxana ?

    Mme Jacqueline Dubois

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    Initialement destiné aux enfants du primaire, il sera finalement accessible jusqu’à 18 ans. Je salue cette extension aux adolescents, car c’est un projet que je défends depuis le début de la législature et auquel je suis très attachée.
    Ce pass, destiné aux familles qui perçoivent l’allocation de rentrée scolaire et aux jeunes en situation de handicap, aidera à financer l’inscription dans un club. C’est une grande nouvelle pour la jeunesse, c’est une grande nouvelle pour les clubs, qui ont perdu jusqu’à 30 % de leurs adhérents cette année.
    Ce que nous voulons à présent, c’est que les familles s’approprient ce dispositif. Dans cette perspective, quelle est la feuille de route du Gouvernement pour le pass’sport ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Merci d’avoir souligné l’importance de cette mesure, symétrique et complémentaire du pass culture défendu par Roselyne Bachelot ; ces deux dispositifs annoncés la même semaine vont ensemble et illustrent la priorité que nous donnons à la jeunesse, tout comme en témoigne le plan mentorat, dont j’ai présidé aujourd’hui le premier comité de suivi avec Élisabeth Borne.
    L’exercice physique est fondamental pour les jeunes et, bien entendu, nous l’encourageons de mille manières, tout particulièrement depuis que l’éducation nationale, la jeunesse et les sports ne forment plus qu’un seul ministère.

    M. Maxime Minot

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    C’est une belle connerie !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    La semaine dernière, le Président de la République s’est déplacé dans l’Aube pour annoncer la nouvelle mesure, dans les termes que vous venez de décrire. Il s’agit de toucher potentiellement près de 5 millions d’enfants et de jeunes, parmi les plus défavorisés, ainsi que des jeunes en situation de handicap – nous y avons veillé avec Sophie Cluzel.
    La mesure aura un double effet : d’une part, elle permettra que davantage de jeunes fassent du sport à partir de la rentrée prochaine ; d’autre part, elle contribuera à soutenir financièrement les clubs qui bénéficieront de ces inscriptions.

    M. Frédéric Reiss

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    Faites confiance aux fédérations sportives !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Elle est donc de la plus haute importance, parce qu’elle doit en effet montrer que dans la perspective de Paris 2024, nous voulons une nation sportive, composés de jeunes bien dans leur tête, mais aussi bien dans leur corps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Confiance dans l’institution judiciaire

    Votes solennels

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les explications de vote et les votes, par scrutin public, sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (nos 4091, 4146) et le projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire (nos 4092, 4147).
    La conférence des présidents a décidé que ces deux votes seraient précédés d’explications de vote communes.

    Explications de vote

    M. le président

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    La parole est à Mme Blandine Brocard.

    Mme Blandine Brocard (Dem)

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    Je tiens tout d’abord à saluer le travail constructif qui a été réalisé sur ce projet de loi avec le rapporteur et le Gouvernement, mais aussi avec l’ensemble des groupes de notre assemblée. Pas moins de 106 amendements, issus de tous les bancs de cet hémicycle, ont été adoptés sur les 579 qui ont été soutenus. C’est suffisamment rare pour être souligné et pour retenir non seulement la qualité des contributions, mais aussi l’accueil qui leur a été réservé.
    Je souhaite également saluer les modifications apportées à ce texte grâce à la forte implication du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, notamment à travers l’action de notre collègue Laurence Vichnievsky. Nous sommes ainsi parvenus, par exemple, à faire aboutir la création d’un pôle d’instruction national spécialisé dans les crimes sériels et les affaires non élucidées, projet soutenu par notre collègue Vichnievsky et réétudié avec le Gouvernement en vue de l’examen en séance.
    Notre groupe a enrichi ce projet de loi de plusieurs autres dispositions, comme l’extension aux infractions connexes à celles faisant l’objet d’une enquête, la possibilité d’effectuer des mesures de réquisition ou des perquisitions chez un avocat lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner ce dernier d’avoir commis lesdites infractions, l’inscription dans la loi des autorités compétentes pour autoriser l’enregistrement des audiences ou encore l’allongement des délais d’enquête préliminaire pour les actes de terrorisme et tous les crimes qui relèvent du parquet national antiterroriste.
    Cependant, nous avons également des regrets, notamment le rejet de deux de nos amendements qui portaient sur des points importants. Le premier visait à inscrire les infractions financières pour lesquelles le parquet national financier (PNF) est compétent parmi celles qui bénéficient d’un régime dérogatoire, avec une durée maximale d’enquête portée à trois ans. Les infractions financières, du fait de leur complexité, nécessitent en effet souvent des investigations plus longues et réduire la durée des enquêtes préliminaires en la matière risque de favoriser l’impunité de leurs auteurs.
    Notre second regret concerne la présence d’un avocat honoraire parmi les assesseurs dans la composition de la formation de jugement aux assises. Outre que cette disposition peut être interprétée comme la manifestation d’une défiance à l’égard des magistrats, l’argument du manque d’effectifs qui nous a été opposé s’agissant des cours criminelles départementales n’est pas pertinent pour les cours d’assises, qui n’éprouvent aucune difficulté à se réunir. Ce dispositif expérimental porte atteinte aux fonctions respectives des juges et des avocats en opérant une confusion entre le jugement et la défense. Il eût été plus judicieux, si l’objectif est de diversifier les profils des juges, d’élargir l’accès à titre temporaire des avocats au statut de magistrat.
    En dépit de ces quelques regrets, nous estimons que ce projet de loi  est empreint de mesure et d’équilibre. Il accorde des droits nouveaux à la défense, tout en lui imposant une déontologie. Il récompense l’effort, le travail et le désir de réinsertion, mais sanctionne leur absence chez les détenus. Il œuvre non pas pour une justice expéditive, mais pour qu’elle ne s’égare pas dans les méandres de procédures sans fin. En effet, quelle famille, ébranlée par le viol d’un de ses enfants, peut attendre tant d’années avant de voir comparaître l’auteur des faits ? La généralisation des cours criminelles départementales permettra, nous l’espérons tous, que ces affaires soient jugées plus rapidement – deux fois plus rapidement au vu des résultats de l’expérimentation. Mais il faudra veiller à ce que les moyens nécessaires leur soient donnés pour parvenir à cette étape – je parle d’étape, car deux fois moins d’attente, c’est parfois encore bien trop long.
    Je tiens à évoquer un dernier point qui me tient particulièrement à cœur : ces dernières années, notre groupe a proposé à plusieurs reprises de supprimer ou de réviser le rappel à la loi, mesure alternative aux poursuites. Or le Gouvernement n’y était pas favorable. Nous nous réjouissons donc que vous ayez finalement intégré une disposition en ce sens, que nous appelions de nos vœux de longue date. Nos concitoyens, respectueux de la loi, peuvent comprendre qu’on rappelle celle-ci une fois, peut-être deux, mais à la troisième, c’est la confiance en toute l’institution qui est ébranlée. En outre, l’action de la justice s’inscrit bien souvent dans la continuité de celle des forces de l’ordre, qui ont besoin, elles aussi, de savoir qu’une suite autre qu’un simple sermon est donnée. « La police ne fait rien, elle ne se déplace même pas » : combien de fois ai-je entendu cette remarque de la part de nos concitoyens, excédés par des tapages, outrages, injures et incivilités répétés par les mêmes individus ? En renforçant la confiance dans la justice et dans les réponses qu’elle donne aux délits, nous ferons en sorte que nos concitoyens se sentent protégés, que les policiers et gendarmes se sachent soutenus, et que leur travail ne soit pas vain. Combien de fois ai-je aussi entendu les forces de l’ordre exprimer leur lassitude de courir toujours après les mêmes personnes ? Vous nous avez annoncé une mission flash pour étudier ensemble une nouvelle disposition qui remplacerait le rappel à la loi : notre groupe souhaite vivement y être associé.
    Monsieur le ministre, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera en faveur de ce projet de loi, qui est un pas supplémentaire vers un meilleur fonctionnement de la justice et une restauration du lien de confiance entre les justiciables et l’institution judiciaire.

    M. Pierre Cordier

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    Ça, ce n’est pas gagné !

    Mme Blandine Brocard

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    Toutefois, le chantier dans lequel nous sommes engagés à vos côtés reste ouvert et appelle de nouvelles avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier (SOC)

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    À l’occasion de la motion de rejet préalable que j’ai défendue, j’ai exprimé, au nom de mon groupe, des points sérieux de contestation que je rappellerai ici rapidement. Le premier réside dans la diffusion des procès : si elle vise un but pédagogique intéressant, elle n’est pas entourée par le législateur des garanties suffisantes pour faire en sorte qu’elle concerne avant tout les professionnels qui s’y intéressent.
    Notre deuxième critique sérieuse porte sur les cours criminelles, dont nous contestons la généralisation. L’expérimentation de ces cours a été votée ici même par la représentation nationale, qui a prévu qu’elle durerait jusqu’en 2023 ; aussi nous paraît-il étrange et cavalier de revenir sur un tel dispositif. Un rapport a certes été établi à son sujet par des députés parfaitement méritants, mais dans une période de pandémie qui n’était pas tout à fait idéale, convenons-en. Les cours criminelles seront en outre coûteuses en magistrats, puisqu’ils seront cinq à y siéger, contre trois dans les cours d’assises. Enfin, il y a une forme d’incohérence à vouloir supprimer les cours d’assises – ou en tout cas les réduire notablement – alors que dans le même temps, on crée une convention citoyenne pour le climat et on cherche, à juste titre, tous les moyens pour que les citoyens, à l’image des jurys populaires, participent à la chose publique. Les cours d’assises constituaient justement un formidable outil faisant appel aux jurys populaires, et nous les regretterons.
    Enfin, notre troisième critique sérieuse concerne la réforme des peines. Nous partageons bien évidemment l’objectif de réinsertion des détenus, mais encore faudrait-il que les prisons en aient les moyens. Le laxisme dont on pourrait taxer la présente réforme doit être démenti : les juges savent pénaliser les mauvaises conduites des détenus, et nous n’évoluons pas dans un monde de laxisme ou de laisser-aller – bien au contraire. Cette réforme risque de provoquer des tensions en prison. Si elle est appliquée – mais elle ne le sera pas, faute de moyens –, elle entraînera une surpopulation carcérale qui sera de toute évidence contraire au projet de réinsertion que nous devons proposer à chaque détenu.
    Le projet de loi comporte certes des dispositions utiles, comme la protection du secret de l’avocat. Toutefois, qu’en sera-t-il du secret professionnel du journaliste ? Dans le cadre de la navette, vous devrez faire en sorte qu’il soit protégé. La limitation de la durée de l’enquête préliminaire, assortie d’un renforcement des droits de la défense et du contradictoire, est également une excellente chose. Enfin, je ne contesterai bien évidemment pas la création de collèges de déontologie et de discipline chez les officiers publics ministériels et les officiers ministériels ; je regrette néanmoins que l’on n’ait pas jugé utile d’instaurer un collège de déontologie chez les avocats, comme si une profession pouvait s’en abstraire.
    Pour finir, la confiance dans la justice passe d’abord par l’indépendance du parquet. On ne doit pas répondre aux interrogations légitimes des policiers et des gendarmes en augmentant les peines, dans une logique de surenchère, mais plutôt en affichant l’indépendance du parquet. Je vous livrerai deux propositions à ce sujet, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, que vous transmettrez à M. le garde des sceaux. Il faut institutionnaliser un espace de dialogue dans la loi, protéger le pouvoir du juge, mais aussi éclairer les policiers et les gendarmes sur les mesures prises par ce dernier. À cet égard, l’idée du référent n’est pas suffisante : il faut aller beaucoup plus loin, et faire en sorte que les conseils de juridiction, qui sont une vitrine du tribunal et relèvent du domaine réglementaire, accèdent au niveau de la loi et deviennent de véritables vitrines dans lesquelles une discussion puisse avoir lieu.
    En conclusion, notre groupe votera très majoritairement contre ce texte, et certains de ses membres s’abstiendront. (Mme Marietta Karamanli applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Pierre Cordier

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    Je parie qu’ils vont voter pour !

    M. Dimitri Houbron (Agir ens)

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    Suspense ! (Sourires.)
    J’aimerais tout d’abord vous faire part de la satisfaction du groupe Agir ensemble : nous sommes parvenus à un texte solide, qui atteint les objectifs fixés. Je remercie particulièrement M. le garde des sceaux, Mme la présidente de la commission des lois et M. le rapporteur pour la qualité des travaux que nous avons conduits et des échanges qui ont été les nôtres ; je remercie aussi les responsables des autres groupes parlementaires : chacun a pu défendre ses conceptions de la justice, du milieu carcéral et de la place des professions concernées.
    Le débat, parfois vif, a mis en lumière les propositions de certaines sensibilités politiques, dont le caractère infaisable, voire dangereux, devrait interpeller nos concitoyens. Nous avons malheureusement constaté une surenchère de pseudo-solutions, abreuvée par les ambitions électorales et l’instrumentalisation de drames humains : citons la mise au pas de la presse proposée par Mme Le Pen, l’automaticité de la détention provisoire, ou encore le retour des fameuses peines planchers, automatisme qui réduirait l’appréciation des magistrats.

    M. Maxime Minot

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    Les amendements ont été déclarés irrecevables !

    M. Dimitri Houbron

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    Les statistiques disponibles, éprouvées et vérifiées, démontrent pourtant que l’individualisation de la procédure, jusqu’aux modalités d’exécution de la peine, réduit le risque de récidive, et par conséquent le nombre de futures victimes. Les peines planchers sont une mesure dogmatique ; expérimentées par le passé, elles n’ont en rien réduit la délinquance. Elles n’ont jamais fonctionné, ni dans l’histoire, ni dans le monde : cinq ans après leur instauration en 2007, le taux de récidive des crimes est passé de 3,9 % en 2006 à 6 % en 2012.
    J’ai entendu des réserves, notamment chez nos collègues du groupe Les Républicains, concernant la présence de l’avocat lors des perquisitions.

    M. Pierre Cordier

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    Décidément, vous aimez attaquer Les Républicains !

    M. Dimitri Houbron

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    Cette disposition est prévue à l’article 3 du projet de loi. Dès lors, pourquoi le groupe Les Républicains, à l’exception d’Éric Diard, a-t-il voté en faveur de cet article ? Stop aux effets d’annonce !
    Tout au long de l’examen du texte, le groupe Agir ensemble a étroitement travaillé avec les autres groupes de la majorité pour en corriger et en renforcer les dispositions ; c’est ainsi que nous avons œuvré, avec Laurence Vichnievsky, du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, à la création du pôle national unique pour les crimes sériels ou non résolus. Dès l’examen en commission des lois, notre groupe a également défendu l’audience préparatoire de mise en état des affaires criminelles obligatoire, pour gagner du temps et éviter de faire venir de toute la France des témoins inutiles. Nous avons aussi tenu à ce que les cours criminelles départementales puissent se réunir dans d’autres juridictions que celles qui dépendent du ressort de la cour d’assises. (M. Jean Terlier applaudit.) C’était une proposition de notre collègue Jean Terlier, que nous avons soutenue avec force car elle est de bon sens, pragmatique, et donne de la flexibilité à nos territoires.
    Dans le domaine pénitentiaire, notre groupe a fait adopter des amendements sur deux sujets spécifiques : d’une part, les effets personnels et le pécule des détenus évadés seront employés pour indemniser les victimes ; d’autre part, le travail en détention sera adapté pour que les territoires d’outre-mer puissent en bénéficier.
    La suppression du crédit de réduction de peine automatique va également dans le bon sens : demain, la responsabilité individuelle, l’effort et la bonne conduite seront au cœur du dispositif de réduction des peines. Rappelons que ce crédit automatique avait été créé par la droite pour réguler la population carcérale : il est surprenant de voir ses représentants critiquer notre ambition de le fonder sur les efforts des détenus.
    Le présent projet de loi concrétise une attente forte de nos concitoyens, mais aussi des acteurs du monde de la justice – j’aimerais d’ailleurs rendre hommage aux magistrats, greffiers, assistants de justice et membres des services pénitentiaires, surveillants et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Ce texte est aussi pour eux : il vise à faire connaître leurs métiers à nos concitoyens. Nous avons tous une part de responsabilité dans l’effectivité des mesures qu’il comporte, car nul ne peut nier que le lien de confiance entre nos concitoyens et la justice n’est pas uniquement conditionné par les décisions rendues dans les tribunaux. Nous l’avons constaté plusieurs fois au cours de nos échanges : la confiance dans la justice constitue le socle de notre pacte social. Le projet de loi donnera de la visibilité à l’action quotidienne de notre institution judiciaire, car c’est aussi par la connaissance et la compréhension que passe la confiance. Ces deux textes y contribuent ; c’est pourquoi le groupe Agir ensemble votera en leur faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès (UDI-I)

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    Le chantier est d’ampleur. En effet, ce projet de loi affiche une noble et grande ambition pour la confiance dans l’institution judiciaire. Monsieur le ministre de la justice, cette ambition, nous la partageons et nous sommes heureux que vous la partagiez désormais avec nous, puisque vous déclariez il y a peu : « J’ai davantage confiance dans la cuisine de mon pays que dans sa justice. »

    M. Thierry Benoit

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    Excellent !

    M. Philippe Gomès

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    À ceux qui vous interpellaient sur le caractère populiste de cette déclaration quelques années plus tard, vous répondiez : « Certes, la formule est un peu facile, mais la cuisine française nous est enviée dans le monde entier, mais pas la justice. » Nous partageons donc cette ambition, d’abord parce que c’est la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice qui fondent l’État de droit. Et s’il n’y a pas de justice sans séparation des pouvoirs, il n’y a pas non plus de justice sans indépendance et impartialité des juges.
    Or la justice est mal en point. Elle est jugée coûteuse, lente, complexe et peu efficace. C’est une institution mal aimée par nos compatriotes : 62 % de nos concitoyens considèrent que les tribunaux fonctionnent mal, un Français sur deux n’a pas confiance en elle. Qu’on en juge : la seule institution plus mal aimée encore, ce sont les partis politiques. C’est dire l’ampleur du désamour à l’égard de la justice de notre pays !
    Pour reprendre la formule du procureur général François Molins lors de l’audience de rentrée de la Cour de cassation, la justice est ainsi de plus en plus contestée, brocardée, au risque de dresser la société contre ses juges alors que notre société n’a jamais eu autant besoin de confiance en ses institutions, et tout particulièrement dans la justice.
    Ce malaise, des juges ont récemment pris la plumepour en parler dans un ouvrage collectif intitulé Rendre la justice. Ils ont exprimé pour beaucoup leur découragement, leur solitude aussi, l’inévitable faillibilité du système encore. Ils ont rappelé l’impérieuse nécessité de se tenir à distance de l’opinion, « cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche », selon la belle formule de maître Moro-Giafferi.
    C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, une confiance dont vous avez réduit le champ d’application à la portion congrue, puisque la quasi-totalité des dispositions qui nous ont été soumises concernent la procédure pénale, c’est-à-dire seulement 25 % des affaires judiciaires.
    Alors oui, certaines propositions de ce texte vont dans le bon sens. Bien évidemment, réduire la durée des enquêtes préliminaires et rendre possible le contradictoire passé un certain délai constituent des objectifs que nous partageons. Il en est de même en ce qui concerne les mesures instaurées pour une meilleure protection du secret de la défense, dont le respect relevait de plus en plus, hélas, du rite incantatoire.
    Nous soutenons également le dispositif proposé concernant le contrat d’emploi pénitentiaire et l’ouverture des droits sociaux qu’il permet. En revanche, nous sommes plus réservés sur l’enregistrement des audiences. Si certains garde-fous ont été instaurés, beaucoup d’incertitudes demeurent, et nous ne sommes pas sûrs qu’une dérive progressive vers une télé-réalité puisse à terme être évitée.
    Nous sommes également réservés sur la généralisation des cours criminelles départementales, dont le Parlement a décidé l’expérimentation il y a moins de dix-huit mois – ce même Parlement qui déciderait de mettre aujourd’hui un terme à ladite expérimentation alors même qu’un bilan devait lui être présenté en 2022 avant toute décision.
    Sur la réduction automatique des peines, nos concitoyens n’y comprennent plus rien. Vous avez indiqué avoir proposé la suppression de ce dispositif car il permettait la régulation de la surpopulation pénale sans le dire. Je crains que ce ne soit plus la loi qui, en tant que telle, permette la régulation de cette surpopulation pénale, mais le système lui-même, qui devra s’organiser pour éviter l’embolie. La peine ne sera plus réduite automatiquement de droit, mais l’automaticité sera toujours au rendez-vous. De fait, un trompe-l’œil aura chassé un autre trompe-l’œil.
    Je ne saurais terminer mon propos…

    M. le président

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    Il faut conclure.

    M. Philippe Gomès

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    …sans évoquer les dispositions relatives aux infractions commises à l’égard des agents dépositaires de l’autorité publique. Elles donnent un signal clair, justifié et fort à l’opinion publique au moment où celles et ceux qui nous protègent sont de plus en plus exposés dans l’exercice de leurs missions.
    Monsieur le ministre, votre texte ne restaurera nulle confiance dans l’institution judiciaire. La confiance ne se décrète pas, elle ne se légifère pas : elle se construit. C’est pourquoi la majorité du groupe UDI et indépendants s’abstiendra sur ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Exclamations sur divers bancs.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément (LT)

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    L’examen de ce texte était bien parti, mais il s’est malheureusement moins bien terminé.

    Un député du groupe LT

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    Eh oui !

    M. Jean-Michel Clément

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    Bien parti, parce que nous soutenons les dispositions votées pour certaines à l’unanimité. Je pense notamment au renforcement du contradictoire lors de l’enquête préliminaire ou au renforcement du secret de la défense. Mais moins bien terminé, parce que nous déplorons le choix du Gouvernement de jouer la surenchère en ajoutant au dernier moment des dispositions non directement liées au texte, non préparées en amont, simplement en réaction à l’agitation médiatique ou électorale, quand c’est de sérénité que nous avons besoin.
    Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la politique. La loi n’est pas là pour répondre à l’émotion, à l’immédiat, à la remorque de l’opinion ; elle est faite pour s’inscrire dans la durée, et nous trouvons insupportable et dangereuse toute surenchère démagogique.
    Votre texte nous laisse perplexes. Nous soutenons une partie des dispositions, mais nous en déplorons bien d’autres. Celles qui visent à limiter la durée de l’enquête sont particulièrement bienvenues alors que 95 % des justiciables déplorent une justice trop lente, même si nous aurions souhaité, au regard des durées observées, que le délai limite soit raccourci à un an au lieu de deux ans.
    Les mesures visant à renforcer le secret de la défense et celles visant à ouvrir l’enquête au contradictoire constituent aussi des avancées importantes. Nous nous félicitons de l’unanimité qui s’est manifestée sur ce sujet.
    Les dispositions visant à favoriser le recours aux alternatives à l’incarcération en détention provisoire vont également dans le bon sens, bien qu’elles demeurent encore trop timorées.
    Enfin, nous nous félicitons de la création d’un vrai contrat de travail et de l’ouverture de droits sociaux pour les détenus, ce qui met fin à une discrimination et reconnaît un statut de nature à faciliter la réinsertion.
    Mais nous déplorons aussi bien des mesures. S’agissant de la diffusion des audiences, nous n’avons pas été convaincus par vos explications. Des mécanismes sont déjà prévus pour retransmettre les grands procès historiques et nous ne comprenons pas l’apport qu’aura la diffusion d’audiences anodines. Le fait que les images deviennent finalement la propriété des chaînes de télévision ne fait qu’accroître le risque d’ouvrir la porte à des procès transformés en séries télévisées.
    Concernant la généralisation des cours criminelles départementales dont l’expérimentation, lancée en 2019, n’est pas terminée et l’évaluation inachevée, pourquoi ne pas avoir attendu la fin de l’expérimentation ? Nous nous étonnons de cette manière de procéder pour une mesure qui n’est pas qu’une simple modification de procédure. Vous avez ouvert la porte à la disparition progressive des jurys populaires dans notre pays. Monsieur le garde des sceaux, il y a quelques mois, en tant qu’avocat, vous n’aviez pas de mots assez forts pour dénoncer la disparition des jurés d’assises.

    Un député du groupe LT

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    Eh oui !

    M. Jean-Michel Clément

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    Que s’est-il passé ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je vous l’ai déjà expliqué cent fois !

    M. Jean-Michel Clément

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    Y a-t-il deux Éric Dupond-Moretti ? J’espère que l’avocat que vous êtes n’a pas changé. Le ministre, lui, semble avoir dû passer sous les fourches caudines de Bercy pour gérer la pénurie de moyens, portant ainsi un coup à la présence des citoyens dans les cours d’assises. Redonne-t-on confiance en la justice en écartant les citoyens de leur participation à son œuvre ?
    La réforme des crédits de réduction de peine nous inquiète aussi. Le condamné ne pourra plus connaître à l’avance la date de sa sortie de prison, ce qui risque d’accroître les sorties sèches. L’arbitraire risque aussi de s’y immiscer, puisque les décisions varieront selon les lieux et les juges.
    Enfin, les nouvelles mesures introduites en séance, pour certaines par des amendements déposés le jour même de l’examen, sont aussi problématiques à mes yeux. Le rappel à la loi est une mesure utile qui représente 21 % de la réponse pénale et qui permet à une personne, par exemple à un jeune ayant commis un petit méfait, de se voir soumis à la solennité de la justice. Surtout, cette mesure évite le classement sans suite et l’absence de réponse de la part de la justice. Vous avez décidé cette suppression dans l’urgence, sous la pression médiatique, sans avoir préparé aucune alternative.
    D’autres mesures sont venues ajouter à la surenchère. Le passage de vingt-deux à trente ans de la période de sûreté pour meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique est une illustration du temps présent. Les peines de sûreté éviteront-elles les crimes ? Malheureusement non. Ce sont les causes qu’il faut combattre. Enfin, vouloir limiter les possibilités de réduction de peine pour les personnes condamnées pour infraction ou pour crime sur des personnes dépositaires de l’autorité publique va accroître encore la durée de peine et accentuer la surpopulation carcérale.
    En définitive, ce texte, comme bien d’autres, rassemble des mesures très différentes et bien souvent contradictoires entre elles, certaines que nous trouvons satisfaisantes et d’autres auxquelles nous sommes par conviction opposés. Dans ces conditions, nos votes seront le reflet de ces constats et la majorité des membres du groupe Libertés et territoires s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis (FI)

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    Nous voterons contre ce texte, et je vais dire pourquoi. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises à la tribune, nous sommes favorables à certaines mesures qui ont été votées à l’unanimité, y compris par la France insoumise. Je pense notamment au renforcement du secret de l’avocat, à l’encadrement de l’enquête préliminaire et à l’accès au dossier. Mais ce texte comporte, je le dis, des éléments rédhibitoires.
    Je suis favorable au fait de filmer les audiences. Par contre, se faire une émission de télé sur mesure, ce sera sans nous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) Ce n’est pas l’objectif de la justice, ce n’est pas l’objectif de sa sérénité, de sa tranquillité et surtout des impératifs démocratiques qui vont avec la publicité des débats et des audiences. On ne le fait pas par voyeurisme, mais sous le contrôle du peuple, car la justice est rendue au nom du peuple français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à la généralisation des cours criminelles départementales, non pas que nous soyons des amoureux de la correctionnalisation – nous la déplorons comme tout le monde – mais parce que nous sommes des amoureux de la cour d’assises, et plus précisément des jurés populaires. Car c’est là la quintessence de la justice, l’idéal de justice, avec ses citoyens qui participent directement à la prise de décision. C’est pourquoi nous avons défendu quelques amendements afin que ces jurés puissent intervenir aussi sur des procès en correctionnelle, pour faire œuvre de pédagogie, mais surtout pour avoir une conscience collective de l’idée de justice, de l’impératif de justice et de la manière dont on rend la justice.
    Nous nous opposons fermement à la suppression des réductions de peine dites automatiques – je dis bien « dites automatiques », puisqu’elles n’ont rien d’automatique.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Rien d’automatique !

    M. Ugo Bernalicis

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    Pour beaucoup de détenus, elles disparaissent en effet au fil de leurs mois de détention, puisqu’elles sont soumises au moins à une bonne conduite.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Voilà ! Rien d’automatique !

    M. Ugo Bernalicis

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    Et cette fusion avec les réductions de peine supplémentaires risque de conduire, comme l’indique l’étude d’impact, à une augmentation du nombre de personnes en détention. On voit bien la raison pour laquelle le garde des sceaux finit par fixer une libération sous contrainte quasi obligatoire à trois mois de l’échéance de la fin de peine. Voilà ce à quoi on est réduit : à une gestion des flux, en quelque sorte. Je l’ai entendu de la bouche du ministre : ces réductions de peine automatiques seraient iniques, car il faudrait que le détenu montre qu’il est motivé pour réintégrer la société et s’en sortir. Mais tout le monde est d’accord avec le fait que les détenus doivent être motivés pour s’en sortir ! Mais enfin, à quel moment questionne-t-on les moyens qu’on met à disposition pour avoir du travail en détention, pour avoir de l’activité en détention, pour travailler à sa réinsertion ? Les moyens ne sont pas là, et on va faire porter la responsabilité de ce manque de moyens sur les détenus concernés !

    Mme Danièle Obono

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    Quelle honte !

    M. Ugo Bernalicis

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    On nous dit : oui, mais les juges tiendront compte du fait qu’il n’y a pas suffisamment de travail en détention, ils tiendront compte du fait qu’il n’y a pas suffisamment d’activité. La belle affaire ! La réalité, quelle est-elle ? La réalité, elle est crue et drue : la réalité, c’est que ce gouvernement veut absolument marcher sur les plates-bandes du Rassemblement national, puisque c’était une mesure proposée par Marine Le Pen en 2017. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    La voilà satisfaite ! Ce sont les deux faces d’une même pièce de la surenchère sécuritaire…
    J’en viens malheureusement à la conclusion de mon propos, puisque j’ai presque épuisé mes cinq minutes de temps de parole. Je dois dire que, peut-être, nous aurions pu émettre à un moment donné l’hypothèse d’une abstention. Mais nous l’avons écartée assez rapidement, car des éléments sont venus s’ajouter à la discussion.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Voilà !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne peux pas ne pas parler ici de cette manifestation des policiers qui a eu lieu le 19 mai, dehors, pendant que nous étions en train de discuter de ce texte.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Le problème, ce n’était pas que nous discutions de ce projet – quoique –, mais que, pour satisfaire les revendications de ces policiers, sont arrivés en cours de route des amendements du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Brouhaha sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Bruno Millienne s’exclame) qui mettaient en cause la justice et le garde des sceaux. Ce dernier, après s’être fait siffler dehors, s’est néanmoins exécuté promptement à la demande d’Alliance police nationale et d’autres syndicats qui voudraient faire vaciller la République. Non, nous ne sommes pas là pour appliquer les desiderata de certains extrémistes ! Non, nous ne sommes pas là pour supprimer les rappels à la loi séance tenante – et tenez-vous bien, nous allons lancer une mission flash pour savoir ce qu’on pourrait faire à la place.
    Si tout cela, ce n’est pas de l’improvisation ! Le problème, c’est qu’improviser sur les plates-bandes de l’extrême droite, à la fin, ça finit par leur servir le pays sur un plateau. Mais nous tiendrons bon. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    Les scrutins publics sur le projet de loi et sur le projet de loi organique sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu (GDR)

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    La confiance dans l’institution judiciaire ne se décrète pas ; elle se construit et elle se mérite. Plus de six Français sur dix considèrent que la justice fonctionne mal et moins de la moitié lui font confiance ; dans un tel contexte , il faudra bien plus qu’une énième loi d’affichage élaborée à la va-vite, sans concertation avec les professionnels et examinée en procédure accélérée, pour répondre aux besoins impérieux de la justice.
    Votre réforme, monsieur le garde des sceaux, est en décalage avec la réalité des besoins, raison pour laquelle le texte est contesté par l’ensemble des professionnels de la justice, qui dénoncent un projet fourre-tout, sans ambition et mal rédigé. C’est une loi de communication – nous l’avons vu jusque dans les amendements que vous avez fait adopter au dernier moment, sous l’injonction scandaleuse de certains syndicats de police, donnant ainsi un retentissement supplémentaire à cette mauvaise musique qui oppose la police à la justice et oubliant l’avertissement de Pascal : « la justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique ». Je vous le dis d’autant plus tranquillement que je me suis associé à l’hommage citoyen rendu aux policiers tombés.
    Certes, le texte comporte quelques mesures intéressantes comme le contrat d’emploi pénitentiaire, le renforcement du contradictoire au cours de l’enquête préliminaire, la captation des audiences – même si nous déplorons que nos amendements visant à garantir le caractère éthique de leur diffusion n’aient pas été adoptés –, mais ces avancées sont de peu de poids face au renoncement à la réforme du parquet et aux remontées d’informations des juridictions vers la Chancellerie.
    Vous prétendez rapprocher citoyen et justice, mais certaines dispositions du texte produiront l’effet inverse, comme la généralisation des cours criminelles départementales, qui acte la suppression programmée des cours d’assises pour la plupart des affaires. L’extension de ces cours criminelles, c’est tout simplement la mort de la cour d’assises, pour reprendre les mots que vous aviez prononcés il y a un an, monsieur le ministre.
    De même, nous considérons que le nouveau régime incitatif de réduction de peine sera contreproductif. Modifiant profondément les modalités d’octroi des réductions de peine, il aura en effet des conséquences très lourdes, tant pour les détenus que pour les juges d’application des peines qui, faute de moyens, seront incapables d’assurer pleinement cette nouvelle charge. Enfin, si nous avons salué le nouveau statut accordé aux travailleurs détenus, statut qui donnait lieu depuis de trop nombreuses années à des dérives inacceptables, nous regrettons que sur des questions aussi essentielles que la rémunération et la durée du temps de travail, le Parlement ait été dessaisi au profit des ordonnances.
    Je veux évoquer pour finir la grande oubliée de cette loi : la justice civile, c’est-à-dire la justice du quotidien de millions de nos concitoyens. Comment prétendre réconcilier le peuple avec l’institution judiciaire sans donner à cette dernière les moyens de défendre les intérêts des justiciables ? Votre martingale est toujours la même : déjudiciariser, dématérialiser, plutôt que doter convenablement une justice civile asphyxiée. Je vous assure que dans mon département de Seine-Saint-Denis, il nous importe bien moins que les audiences soient filmées et bien plus qu’elles se tiennent en temps et en heure ! Puisque vous faites le choix de vous épargner la peine d’octroyer à la justice les moyens d’affronter cette réalité, nous nous épargnerons celle de voter votre projet de loi.
    J’achèverai mon intervention par une interrogation un peu solennelle. Alors que nous examinons ce projet de loi qui concerne une institution essentielle à notre République, un vent mauvais souffle sur le pays, au moment où, aux portes de l’Assemblée, certains appellent à faire sauter les digues de la loi et de la Constitution.

    Mme Danièle Obono

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    Des factieux !

    M. Stéphane Peu

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    Cet après-midi, j’ai interpellé le chef du Gouvernement mais n’ai pas obtenu de réponse. Je m’adresse donc à vous, monsieur le garde des sceaux : vous qui êtes le garant de nos lois les plus fondamentales, serez-vous cette digue ? Allez-vous vous souvenir des mots de Montesquieu, selon qui pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Avia.

    Mme Laetitia Avia (LaREM)

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    Nous avons beaucoup parlé de justice la semaine dernière, dans cet hémicycle comme en dehors. Je pense notamment à la manifestation de mercredi dernier,…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Factieux !

    Mme Laetitia Avia

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    …où l’on a pu entendre des propos regrettables à l’encontre de la justice…

    Mme Danièle Obono

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    Regrettables ?

    Mme Laetitia Avia

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    …et où certains ont organisé des mises en scène déplorables.

    Mme Danièle Obono

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    Déplorables ?

    Mme Laetitia Avia

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    Je dis « certains », car nous savons que ce n’est pas le message que souhaitait envoyer la majorité des forces de l’ordre par ce rassemblement organisé en hommage au regretté Éric Masson et en l’honneur de tous ceux qui s’engagent pour la sécurité et la protection de nos concitoyens.

    M. Pierre Cordier

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    Vous êtes mal renseignée !

    Mme Laetitia Avia

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    Je veux ici rappeler notre soutien sans équivoque aux forces de l’ordre…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ils sont les gardiens de la paix !

    Mme Laetitia Avia

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    …mais je tiens aussi à dire à ceux qui veulent opposer police et justice qu’ils se trompent : police et justice sont deux piliers de notre pacte républicain. Nous ne devons jamais les opposer, mais plutôt nous assurer qu’ensemble, ils assurent la solidité de nos institutions.
    Oui, les Français ont droit à la sécurité et à la justice. C’est dans cette optique que vous avez, monsieur le garde des sceaux, lancé dès votre nomination une réforme de la justice pénale des mineurs et une réforme de la justice pénale de proximité. En outre, parce que c’est là que se trouve le nerf de la guerre, vous avez doté la justice de nouveaux moyens en augmentant son budget de 8 % – c’est inédit. Plus de 9 000 magistrats en poste, aucune vacance de poste, des recrutements importants – 800 greffiers, 460 magistrats nommés à titre temporaire, plus de 2 000 contractuels : l’investissement en moyens financiers et humains est bien là.
    Avec ce projet de loi, vous vous êtes donné pour ambition d’aller encore plus loin, à la recherche de ce qui fait que nos concitoyens ressentent aujourd’hui de la distance, au mieux, au pire de la défiance vis-à-vis de cette institution. Entendre les causes pour y remédier, c’est l’objet de ce projet de loi, grâce auquel on peut imaginer que nos concitoyens auront davantage confiance. (Conversations et brouhaha.)

    M. le président

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    Un peu de silence ! Il convient quand même d’écouter poliment ceux qui défendent le vote de leur groupe, quel qu’il soit. La règle est la même pour tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, FI et GDR.)

    M. Stéphane Peu

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    En l’occurrence, c’est de votre groupe qu’il s’agit, monsieur le président !

    Mme Laetitia Avia

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    Oui, on peut imaginer que nos concitoyens auront davantage confiance en une justice dont ils connaîtront un minimum le fonctionnement parce qu’ils l’auront vu de chez eux, à la télévision. Ils auront davantage confiance en une justice plus rapide, plus protectrice des droits de chacun face au tribunal des médias et des réseaux sociaux ; en une justice qui ne bafoue pas le secret de la relation entre un avocat et son client, en des enquêtes qui ne s’opposent pas à la présence d’un avocat en perquisition – car non, monsieur Savignat, il ne s’agit pas ici d’imposer quoi que ce soit ni de ralentir des procédures. Il ne s’agit pas de défiance, mais de confiance pour les justiciables – mais cela, vous le savez, puisque votre groupe a voté à l’unanimité pour l’article 3 comme pour de nombreux articles de ce texte : les faits et les votes sont là ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Laetitia Avia

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    Nos concitoyens auront, nous l’espérons sincèrement, davantage confiance en une justice qui jugera les viols comme tels et ne tolérera plus leur correctionnalisation. Ils devraient avoir une plus grande confiance en une justice qui sait faire preuve de fermeté, qui ne se contente pas de simples rappels à la loi, qui sait aussi lutter contre la récidive en donnant plus de sens à l’exécution des peines, aux efforts de réinsertion, au travail en détention. Enfin, on devrait avoir davantage confiance en une justice dont les représentants, les professionnels du droit, voient leur déontologie renforcée.
    Je tiens, au nom du groupe La République en marche, à remercier le garde des sceaux pour la grande capacité d’écoute dont il a fait preuve lors de nos travaux. Ce texte, nous l’avons construit ensemble, nous le défendrons ensemble avec fierté. En atteste le nombre important d’amendements adoptés – amendements de tous bords. Nous avons adopté des amendements reflétant les observations qui nous parviennent du terrain ; je pense notamment aux amendements défendus par nos collègues Muriel Roques-Étienne et Jean Terlier afin de prendre en compte la réalité territoriale du Tarn.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien ! Bravo le Tarn !

    Mme Laetitia Avia

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    Nous avons adopté des dispositions issues de travaux menés de longue date par les commissaires aux lois : Didier Paris sur le secret de l’enquête, Raphaël Gauvain et Naïma Moutchou sur le secret professionnel, Fabien Matras et Cécile Untermaier sur la déontologie, et bien sûr Stéphane Mazars sur les pôles d’instruction. (Mme Anne-Laure Cattelot applaudit.)
    De même, nous avons su enrichir ce texte de la vision de nos collègues de la commission des affaires sociales, en particulier des travaux de Fadila Khattabi sur l’apprentissage et de ceux de Laurianne Rossi et Frédéric Petit sur la médiation.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Laetitia Avia

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    Ce texte a aussi bénéficié de l’engagement sans faille de Raphaël Gérard pour le respect de la dignité des personnes transgenres en détention (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) et du puissant combat de Pierre-Alain Raphan contre les détentions arbitraires.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Laetitia Avia

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    Un dernier mot pour nos collègues de la majorité, Dimitri Houbron et Laurence Vichnievsky en particulier : ils ont su enrichir notre débat de leur sensibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Laetitia Avia

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    Je le disais la semaine dernière en introduction à nos débats : ce qui nous lie toutes et tous, c’est un profond attachement à la justice, une envie de redorer son blason. C’est ce qui a guidé nos travaux et c’est pourquoi nous voterons ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti (LR)

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    Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez un texte visant à restaurer la confiance dans la justice. Que ce texte soit devant nous, comme vous l’avez souhaité, est hélas le signe tristement éclatant que cette indispensable confiance entre les Français et la justice n’est plus au rendez-vous.
    Ce constat que, je crois, nous partageons tous, quelles que soient nos appartenances, vous l’avez fait vôtre, monsieur le ministre, dès votre première intervention dans cet hémicycle. Les sondages le confirment, les voix les plus éclairées le décrivent – l’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas parlant même d’une « clochardisation » de la justice.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Il en sait quelque chose, c’est lui qui l’a organisée !

    M. Éric Ciotti

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    Oui, nous pourrions, nous devrions même tous partager le constat de l’immense majorité des Français, qui nous disent que leur justice est malade, que l’institution judiciaire est grippée, paralysée, trop souvent impuissante.

    Un député du groupe LaREM

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    La faute à qui ?

    M. Éric Ciotti

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    Oui, notre justice est malade quand les peines sont mal exécutées, voire pas exécutées du tout, perdant de ce fait leur effet dissuasif et nourrissant l’explosion d’une violence devenue insupportable. Notre justice est malade quand, sur les 4,2 millions d’affaires dont la justice est saisie chaque année, seules 3 % aboutissent à une condamnation à une peine de prison ferme. Notre justice est malade quand il faut attendre des années pour obtenir soit une condamnation, soit une réparation pour les victimes. Notre justice est malade quand les délais de décision de la justice civile deviennent insupportables.

    M. Erwan Balanant

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    Ça, c’est la réforme de la carte judiciaire de Mme Dati !

    M. Éric Ciotti

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    Notre justice est malade lorsque nos policiers, nos gendarmes, nos forces de l’ordre ont le sentiment d’être abandonnés face à une violence gratuite qu’ils subissent au quotidien et face au lourd tribut qu’ils payent pour assurer, au péril de leur vie, la sécurité de nos concitoyens.
    C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous attendions, nous espérions même un sursaut, un texte fondateur. Nous l’attendions de vous parce que vous avez une voix qui porte et qu’on ne peut pas vous faire le procès de ne pas connaître parfaitement l’institution judiciaire et ses difficultés. Nous l’attendions pour les victimes, nous l’attendions pour les magistrats, nous l’attendions pour les forces de l’ordre. Mais, mes chers collègues, une nouvelle fois la montagne a accouché d’une souris. Comme pour le texte sur le séparatisme, vous avez eu peur de vos audaces. Le « en même temps », impuissante machine qui ne sait produire que de l’immobilisme, s’est mise en marche. (Soupirs et murmures sur les bancs du groupe LaREM.)
    Certes, des éléments positifs sont à relever (« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.) – vous verrez, monsieur le garde des sceaux, que mon propos est objectif et équilibré : je pense à l’introduction du contradictoire dans l’enquête préliminaire (Mêmes mouvements), à la protection du secret professionnel des avocats, auquel vous êtes légitimement attaché, à la suppression de certaines réductions de peine. Le groupe Les Républicains y a travaillé dans un esprit constructif autour d’Antoine Savignat, auquel je veux rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Notre groupe a été aussi à l’origine de la suppression de ces ridicules et hypocrites rappels à la loi, signes de l’impuissance de la justice, supprimés par un amendement d’Éric Pauget.
    En définitive, cependant, le compte n’y est pas. Votre texte, à bien des égards, est marqué par ses absences. La puissance de votre voix ne comblera pas les immenses silences qu’il comporte. Qu’en est-il de cette grande loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la justice que nous réclamons depuis tant d’années pour réduire cette fracture devenue insupportable entre policiers et magistrats ? Qu’en est-il des peines planchers, protectrices de nos forces de l’ordre, que vous refusez avec une obstination coupable ? Ce débat, vous n’en avez pas voulu, alors que, devant l’Assemblée nationale, la colère légitime des policiers s’exprimait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.) Qu’en est-il, encore, des simplifications des procédures pénales réclamées par tous, alors que la présence, désormais obligatoire, de l’avocat dans les perquisitions va considérablement compliquer le travail des enquêteurs ?

    Mme Naïma Moutchou

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    C’est faux !

    M. Éric Ciotti

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    Monsieur le garde des sceaux, ce texte aurait pu apporter de grandes avancées mais, au bout du compte, il provoquera d’immenses frustrations chez les magistrats, chez les policiers, parmi les justiciables et parmi les victimes. Nous le déplorons, car nous étions prêts à nous mobiliser pour recoudre le lien entre les Français et leur justice. C’est pour cela que notre groupe ne soutiendra pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Vote sur l’ensemble du projet de loi

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        543
            Nombre de suffrages exprimés                447
            Majorité absolue                        224
                    Pour l’adoption                342
                    Contre                105

    (Le projet de loi est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        543
            Nombre de suffrages exprimés                445
            Majorité absolue                        223
                    Pour l’adoption                342
                    Contre                103

    (Le projet de loi organique est adopté.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d’abord remercier toutes celles et tous ceux d’entre vous, quelle que soit leur sensibilité, qui ont coconstruit ce texte avec moi. J’ai utilisé amplement les rapports parlementaires, qui m’ont inspiré et dont j’ai fait une traduction la plus fidèle possible dans ce projet de loi. Il y a également eu le travail de la commission, où tout le monde, m’a-t-il semblé, souhaitait que nous construisions ensemble cette loi destinée à rétablir la confiance. Et puis, il y a eu la séance publique. J’ai accepté des amendements de tous bords – je dis bien : de tous bords. (« C’est faux ! » sur quelques bancs des groupes LR et FI.)
    Cette loi opère une petite révolution, car elle permettra à nos compatriotes de voir la justice au quotidien, dans sa difficulté, dans son âpreté. C’est la justice qui va entrer dans le salon des Français. Cette loi apporte de grandes modifications et renforce le droit de nos compatriotes lorsqu’ils confient un secret à leur avocat, lorsqu’ils font l’objet d’une enquête préliminaire, qui était devenue une enquête éternelle, ou lorsqu’ils ont des difficultés avec les différentes professions du droit. Cette loi va remettre l’effort au cœur même de la détention.
    Mais je voudrais remercier particulièrement les membres du groupe Les Républicains, car ils m’ont donné une très grande leçon, qui me manquait sans doute, de très petite politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.) Vous avez voté pour la plupart des articles (Protestations sur les bancs du groupe LR)

    M. Ugo Bernalicis

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    Même Mme Le Pen a voté contre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et, aujourd’hui, vous vous défilez, parce que le vent qui vous porte est annoncé par la météo électoraliste. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe LR.) J’ai même accepté, monsieur le député Ciotti, l’un de vos amendements.
    Ces murs ont des oreilles, mais ils ont également une mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.) La réalité, c’est que même dans la presse, les uns et les autres se sont exprimés pour dire que ce texte était un bon texte, mais à l’intérêt de nos compatriotes, vous avez préféré la petite politique politicienne. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et Dem se lèvent et applaudissent.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

    Présidence de M. Marc Le Fur
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Gestion de la sortie de crise sanitaire

    Commission mixte paritaire

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire (no 4182). 

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission mixte paritaire.

    M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Je suis particulièrement fier de vous présenter le texte élaboré par la commission mixte paritaire – CMP – et consacrant l’accord de haut niveau auquel nous sommes parvenus, mercredi dernier, avec nos collègues sénateurs. Nous renouons avec l’esprit de conciliation qui avait présidé à l’examen des deux premiers textes relatifs à la gestion de la crise sanitaire, en mars et en mai 2020, mais que nous n’avions malheureusement pas su préserver par la suite. C’est une excellente nouvelle que les deux chambres du Parlement aient prouvé leur capacité à travailler ensemble, loin de polémiques parfois stériles et infondées, pour organiser conjointement la sortie de crise que nous sommes en droit d’espérer.
    Ce compromis avec le Sénat constitue une bonne chose : il démontre que le cadre des mesures autorisées par le Parlement est nécessaire, adapté et proportionné à la lutte contre l’épidémie et à la protection de la santé des Français. Le texte que je vous présente reste fidèle à la position exprimée par l’Assemblée nationale lors de l’examen du dernier texte visant à proroger les mesures sanitaires : il faut sortir dès que possible de l’état d’urgence au profit d’un régime transitoire – objet de ce projet de loi – suffisamment robuste, afin de poursuivre la lutte contre le virus de manière proportionnée tout en permettant la reprise des activités. Mes chers collègues, nous y sommes : le 2 juin, l’état d’urgence sanitaire laissera place à ce régime de sortie de crise – encore un régime d’exception, certes, mais strictement encadré et ne permettant pas de reconfinement. Quant à la prorogation du couvre-feu, assortie des garanties adoptées par l’Assemblée nationale, elle ne restera possible que jusqu’au 30 juin.
    Pour que cette CMP aboutisse, nous nous sommes donné tous les moyens, notamment s’agissant du pass sanitaire, dont nous avions commencé à élaborer l’encadrement avant que l’avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ne vienne éclairer utilement les travaux du Sénat. Nous avons repris le dispositif sénatorial, tout à fait pertinent et à la hauteur des enjeux que suscite ce dispositif exceptionnel. Vous noterez également qu’à l’article 2, le dispositif dérogatoire de déclenchement estival de l’état d’urgence sanitaire, sollicité par le Gouvernement, n’a pas été retenu : nous lui avons directement substitué une prorogation de ce même état d’urgence en Guyane, où la situation demeure malheureusement préoccupante en raison de la proximité du Brésil.
    Concernant la nécessité que les données sanitaires liées à la covid-19 soient versées au système national des données de santé, le SNDS, nous avons tenu compte des critiques et prévu un mécanisme d’information renforcée des personnes concernées, tout en préservant la finalité des dispositions en question. Enfin, s’agissant du reste du texte, à savoir les mesures d’accompagnement et les aspects électoraux, le compromis obtenu en CMP préserve l’essentiel de ce que l’Assemblée avait souhaité garantir, tout en conservant les apports utiles du Sénat : citons le maintien de la prise en charge des jeunes vulnérables au titre de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, la possibilité d’annuler les élections en Guyane si l’évolution de la crise sanitaire l’exige, ou encore la couverture médiatique des débats électoraux prévus en juin, qui a fait l’objet d’aménagements opportuns en CMP.
    Nous devons désormais continuer notre œuvre utile pour réussir le déconfinement et nous sortir durablement – espérons-le du moins – d’une crise qui n’a que trop duré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    À l’issue d’un travail parlementaire exigeant, à la mesure de l’attachement de chacun, sur ces bancs, à un juste équilibre entre nos libertés et la protection des plus vulnérables, un compromis a été trouvé, qui permet d’envisager sereinement l’avenir. J’aimerais donc saluer ce travail démocratique et, oserai-je dire, la démocratie tout court : à chaque étape d’une crise sanitaire sans précédent, elle a prouvé qu’elle était le moyen le plus sûr de protéger nos concitoyens. Sans éviter le débat, les doutes, les interrogations, nous avons fait bloc ; si la vie de l’Assemblée a été perturbée, voire bouleversée par l’épidémie, la représentation nationale n’a jamais manqué à l’appel, la démocratie n’a jamais été mise en suspens.
    Après une longue attente, la vie reprend enfin. Elle ne reprend pas parce que nous aimons aller au théâtre, au musée, ou boire entre amis un verre en terrasse, même si c’est évidemment une joie immense que de retrouver ces plaisirs : elle reprend parce que les indicateurs sont favorables, parce que la campagne vaccinale progresse et que le vaccin protège chaque jour un nombre un peu plus grand de nos concitoyens. J’insiste sur ce point, car il est essentiel : les décisions prises sont tout entières guidées par ce que la science nous permet de savoir ou d’espérer. L’état d’urgence sanitaire prendra donc fin le 2 juin, et nous entrerons alors dans un régime transitoire de sortie de cet état d’urgence, qui durera lui-même jusqu’au 30 septembre. Dans des conditions très précisément encadrées par cette future loi, le couvre-feu pourra être maintenu, en complément de ce régime, pour le seul mois de juin – entre vingt et une heures et six heures jusqu’au 9 juin, puis à partir de vingt-trois heures, sauf dans les territoires encore confrontés à une circulation active du virus. En cas de rebond épidémique pendant la période estivale et de nouvelle déclaration de l’état d’urgence sanitaire, un vote du Parlement sera requis pour proroger ce dispositif au-delà d’un mois, notamment si les circonstances nécessitent un nouveau confinement territorialisé.
    Afin de confirmer ces dispositions et de fixer les échéances les plus appropriées, nous avons examiné de près la situation de chacun de nos territoires, en métropole et en outre-mer, y compris celle de la Guyane. Vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur : celle-ci se détériore. Les chiffres des indicateurs épidémiologiques y sont particulièrement élevés ; les tendances observées ces derniers jours donnent à penser que le nombre de patients atteints par la covid-19 et hospitalisés en réanimation va continuer d’augmenter, entraînant le risque d’un débordement à court terme. Le pic de l’épidémie n’a pas encore été franchi et la plus grande vigilance s’impose. Ce texte contient donc des dispositions visant à maintenir jusqu’au 30 septembre l’état d’urgence sanitaire en Guyane.
    J’en viens à la question du pass sanitaire, qui a suscité des interrogations légitimes, mais trouve dans ce texte des conditions d’application strictes et sécurisées. En premier lieu, il sera temporaire : il ne pourra plus être utilisé après le 30 septembre. Ce pass sanitaire constitue un moyen de lutter contre la propagation du virus, d’éviter l’apparition soudaine de foyers épidémiques dont vous n’ignorez pas qu’ils deviennent vite incontrôlables : souvenez-vous un instant des premiers d’entre eux, constitués par de grands rassemblements, et de leurs conséquences catastrophiques. Comme l’a rappelé le Conseil scientifique, cet outil supplémentaire permettra de rouvrir certains lieux, d’autoriser la reprise de certaines activités rassemblant un grand nombre de personnes, tout en contrôlant le risque sanitaire. Il sera donc réservé aux grands événements où le respect des gestes barrières ne peut être assuré ; en aucun cas il ne pourra être réclamé dans un commerce alimentaire ou dans un restaurant. Je me permets d’insister sur cette dernière précision et de redire que toute demande de présenter le pass sanitaire en dehors des cas prévus par la loi fera l’objet de sanctions. Les personnes chargées de le contrôler devront également y être habilitées, dans des conditions fixées par voie réglementaire – et, je le répète, uniquement lors des événements en vue desquels un tel dispositif sera mis en place pour éviter la propagation du virus.
    En outre, des garanties complémentaires ont été opportunément intégrées au texte lors de la navette parlementaire, afin de sécuriser la suite de la gestion de crise, en totale cohérence avec l’exercice par le Gouvernement des prérogatives qui sont les siennes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ou de la lutte contre les menaces sanitaires graves. De même, des précisions adoptées en première lecture visent à encadrer l’intégration au SNDS des données pseudonymisées recueillies au sein des systèmes d’information déployés pour lutter contre l’épidémie de covid-19 : cette intégration est essentielle si nous voulons mieux faire face aux futures crises sanitaires. Enfin, le texte issu de la CMP comprend une batterie de mesures d’accompagnement économique et social et d’adaptation opérationnelle, afin de tenir compte des conséquences de la fin de la crise sanitaire, de soutenir la reprise progressive de l’activité ; il prévoit également les adaptations indispensables au bon déroulement des prochaines élections.
    Mesdames et messieurs les députés, nous nous tenons à la croisée des chemins. D’un côté, ce que nous avons vécu et même subi depuis un an et demi ; de l’autre, ce que nous décidons pour les prochains mois, à la faveur des circonstances et de l’espoir que représente la campagne vaccinale. Cette croisée des chemins, c’est la sortie de l’état d’urgence sanitaire, sortie qui n’est pas conçue comme temporaire, mais que nous espérons définitive : voilà la seule ambition qui est la nôtre. Vous connaissez l’adage : il faut de la mesure en toutes choses. Ce texte n’en manque pas. Nous avons trouvé un point d’équilibre entre l’enthousiasme et la prudence : enthousiasme de retrouver notre mode de vie et ses nombreux plaisirs, prudence consistant à ne pas oublier que le combat contre le virus se poursuit. Les échanges autour de ce projet de loi ont révélé des divergences ; ils ont demandé un travail approfondi ; mais, pour finir, nous disposons d’un outil robuste, qui nous permet d’être raisonnablement optimistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.

    M. Guillaume Gouffier-Cha

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    Un café en terrasse, un déjeuner entre amis, une séance de cinéma, une pièce de théâtre : depuis le 19 mai, les Français goûtent de nouveau aux plaisirs de l’existence, sourires, discussions, retrouvailles. Tout le monde attendait avec impatience ce début de retour aux jours heureux, à la vie normale. Au cours des dernières semaines, nos concitoyens ont tous consenti des efforts incroyables pour lutter contre la propagation du virus et accélérer la campagne vaccinale. Ce sont ces efforts qui nous permettront dans quelques instants, après de longues journées de débat, d’adopter le projet de loi visant à organiser la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la sortie de crise, jusqu’au 30 septembre.
    Ce texte est le fruit d’un accord avec le Sénat. Nous pouvons nous en féliciter, car cela démontre tout d’abord que nous partageons le constat qu’il est temps de sortir de l’état d’urgence tout en conservant des dispositions qui nous assurent de pouvoir continuer à prendre des mesures territorialisées de lutte contre l’épidémie. À compter du 2 juin, nous entrerons donc dans un régime transitoire de gestion de la sortie de crise sanitaire, un régime juridique qui accompagnera le déconfinement progressif que nous vivons depuis le 19 mai. Il autorisera l’exécutif à prendre au besoin des mesures adéquates et proportionnées, afin de freiner la diffusion du virus en cas de reprise identifiée de sa circulation active. Recourir au confinement ne sera plus possible et le couvre-feu, strictement encadré, ne pourra s’étendre au-delà du 30 juin. En revanche, dans les parties de notre territoire où le virus circulerait activement, il sera possible à l’exécutif d’interdire la circulation des personnes et d’ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public, ainsi que des lieux de réunion. De telles mesures doivent permettre de traiter les foyers localisés susceptibles d’apparaître durant l’été. Par ailleurs, nous avons été amenés à prendre des dispositions spécifiques concernant la Guyane, eu égard à la gravité de sa situation sanitaire actuelle et de celle qu’elle avait connue l’été dernier : l’état d’urgence sanitaire y sera prorogé jusqu’au 30 septembre.
    Cet accord avec le Sénat concrétise également notre ambition partagée de voir toutes les activités reprendre progressivement, en vertu de dispositions qui garantiront notre sécurité : je pense bien entendu au pass sanitaire. Ce nouveau dispositif a fait l’objet de débats animés, et je me réjouis de notre capacité à les mener sérieusement, de manière sereine. Diabolisé par certains commentateurs complotistes, ce pass doit au contraire être bien défini et clairement encadré pour conduire à la reprise d’un grand nombre d’activités ; les deux chambres ont travaillé dans ce but jusqu’à parvenir à un accord. Le pass ne pourra en aucun cas concerner les activités de la vie quotidienne : il sera réservé aux grands événements ou rassemblements de plus de 1 000 personnes, la densité du dispositif devant être adaptée aux caractéristiques du lieu, y compris à l’extérieur, afin qu’y soient appliquées des mesures de nature à prévenir la circulation du virus. Je tiens d’ailleurs à saluer ici Philippe Gosselin (M. Maxime Minot applaudit), notre compromis ayant été obtenu à partir de l’un de ses amendements. De plus, les personnes qui contrôleront ce pass devront être habilitées par l’autorité organisatrice de l’événement ou gestionnaire du lieu accueillant le rassemblement. Enfin, des sanctions ont été prévues à l’encontre de ceux qui tenteraient de recourir au pass sanitaire en dehors des cas prévus par la loi – permettez-moi de saluer cette fois Sacha Houlié pour ses travaux.
    Je viens de brosser les principaux points qui ont alimenté nos échanges avec le Sénat et qui nous permettent de proposer aujourd’hui l’adoption d’un texte commun. Notre accord n’aurait pu voir le jour sans le travail de notre rapporteur Jean-Pierre Pont, de son homologue au Sénat Philippe Bas et de la présidente de la commission des lois Yaël Braun-Pivet. Je tiens aussi à saluer le soutien et l’implication du président de notre groupe, Christophe Castaner, dans la construction des décisions que nous avons eu à prendre au cours des derniers jours. Bien entendu, nos débats ont été intenses et c’est bien normal, eu égard à la gravité de la situation que nous connaissons depuis plus d’un an et des sujets que nous avions à traiter au fond. Ces débats ont été le reflet de l’exigence que nous avons toutes et tous à trouver le bon équilibre entre la nécessaire protection des Français, la solidarité en faveur de nos personnels soignants et la garantie du respect de nos libertés publiques. Or nous sommes arrivés à trouver cet équilibre, dans un moment où nous devons aux Françaises et aux Français de la clarté, de la sérénité et une certaine forme de rassemblement face à la crise. Nous y sommes arrivés, dans un moment où nous devons retrouver le chemin de la confiance dans notre société et dans son avenir.
    Dans cette période où nous avons toutes et tous besoin d’être optimistes, le projet de loi que nous nous apprêtons à voter de manière conjointe, aujourd’hui à l’Assemblée nationale et jeudi au Sénat, est, je le pense, de nature à nous y aider. Aussi le groupe La République en marche votera-t-il pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps, une terrasse ne fait la fin de la pandémie, malheureusement. Mais nous nous trouvons aujourd’hui à un moment particulier, après que le Sénat et l’Assemblée sont parvenus à un accord en CMP la semaine dernière sur la gestion de la sortie de crise. Nous voilà donc réunis pour la dernière fois, en lecture définitive de ce projet de loi. C’est un cycle qui se termine aujourd’hui – notons au passage qu’il aura vu la semaine dernière les piliers de la majorité se fissurer – car la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire est désormais, et définitivement, caduque. En l’absence d’un texte de pérennisation – celui présenté en Conseil des ministres le 21 décembre dernier ayant été retiré –, il ne peut désormais y avoir de nouvel état d’urgence sanitaire qu’après un débat parlementaire – forcément animé, car nous serions plus de dix-huit mois après le début de la crise – et après le vote d’une nouvelle loi. Il s’agit donc bien d’un nouveau cycle et, sauf vote d’une nouvelle loi, le texte dont nous débattons actuellement n’aura plus d’effets à compter du 30 septembre. Ouf, ai-je envie de dire.
    C’est donc une sortie de l’état d’urgence sanitaire qui commencera, certes pour une période un peu longue, à partir du 2 juin, et qui permettra, avec la nouvelle étape prenant le relais le 30 juin, d’enjamber avec prudence la période estivale. Je regrette toujours, évidemment, que le calendrier des travaux parlementaires n’ait pas permis à l’Assemblée – et pour cause – d’examiner la semaine dernière l’avis de la CNIL, celle-ci ayant délibéré le lendemain de notre vote. Je continue également de regretter le dépôt tardif d’amendements par le Gouvernement, qui nous a privés du message éclairé et éclairant du Conseil d’État.
    Mais il me semble qu’il y a quelques avancées. Pendant nos débats la semaine dernière – et depuis des mois en réalité –, nous avons voulu mettre en relief la sortie de crise et éviter la banalisation de l’état d’urgence sanitaire. Et voilà que cet état d’exception semble aujourd’hui s’éloigner. Nous ne voulions pas nous habituer à ce droit exorbitant du droit commun, et quelques questions nous taraudaient sérieusement concernant le pass sanitaire et le couvre-feu. La commission mixte paritaire a trouvé un terrain d’entente sur le couvre-feu qui n’est pas, en tant que tel, un élément de la sortie de l’état d’urgence – même si, juridiquement, la situation n’est peut-être pas encore totalement sécurisée. Le couvre-feu est accepté jusqu’au 30 juin. Cette date est une dernière limite : au-delà, il ne peut plus y avoir de couvre-feu, sous aucun prétexte et sous quelque forme que ce soit.
    Le pass sanitaire appelait aussi de nombreuses remarques et observations ; la CMP me semble avoir avancé sur ce point. Ce ne sera pas un passeport, comme on l’entend parfois. La distinction entre pass et passeport peut paraître byzantine, mais elle est importante. Ce pass n’aura plus aucun effet à partir du 30 septembre et – je vous le dis d’ores et déjà – nous nous opposerons le cas échéant à toute prorogation. Le pass, qui permet d’enjamber la période estivale, ne rendra pas obligatoire la vaccination. Il n’est d’ailleurs pas question qu’elle le soit un jour : nous l’avons toujours refusé et nous continuerons de le faire. Cela a été dit, les trois éléments qui fondent le pass – test négatif, vaccination ou résultat d’après infection au covid-19 – restent alternatifs : il n’est pas question de les cumuler. Je le dis : c’est l’une de nos conditions.
    La définition des grands rassemblements auxquels il permettra d’accéder se fonde désormais sur la notion de densité, conformément à un amendement que j’avais déposé et que notre groupe avait soutenu. Cela permettra d’apprécier des jauges in concreto, en fonction des lieux et des établissements recevant du public, en intérieur comme en extérieur. Cette disposition sera de nature à permettre la tenue cet été de festivals, d’événements culturels, de rassemblements religieux et de salons eux aussi attendus par nombre de nos concitoyens – sans attenter, me semble-t-il, aux droits et libertés. Nous n’aurions pu l’accepter et l’avons toujours refusé depuis des mois.
    Dans ces conditions, et seulement dans ces conditions, il nous semble que le pass peut-être qualifié d’estival puisqu’il sera en vigueur jusqu’au 30 septembre ; il nous paraît, dans ce cas et pour ces raisons, proportionné à la situation. Nous resterons vigilants sur la définition des lieux concernés par le pass, qui manque encore de clarté. Nous resterons aussi très vigilants sur les jauges réelles qui seront pratiquées ainsi que sur les questions concernant les données de santé, qui ne peuvent être galvaudées. Les fichiers ne sont ni autonomes ni indépendants et leur durée de vie va au-delà des engagements initiaux. En tout état de cause, vous constatez que mes propos sont peut-être plus équilibrés – aux yeux de certains, du moins.
    Ce pass, qui était l’un des éléments essentiels du projet de loi, nous semble quoi qu’il en soit apporter aujourd’hui un certain nombre de garanties dans le temps et dans l’espace, qui sont de nature à rassurer nos concitoyens.
    Nous resterons vigilants sur le reste. Cela conduit le groupe Les Républicains à modifier son vote de façon substantielle, me semble-t-il, non pas pour approuver le texte, mais pour exprimer notre abstention vigilante. Il s’agit pour nous d’affirmer à notre façon, dans le respect du droit, dans le respect de nos concitoyens et dans le respect des libertés publiques et individuelles, la sortie de crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    À l’occasion du déconfinement en cours, nos concitoyens nous indiquent avec force qu’ils souhaitent retrouver le plus vite possible, en toute responsabilité, une vie la plus normale possible. Ils ont bien conscience des contraintes sanitaires restant nécessaires du fait de la circulation du virus ; ils sont prêts à les accepter, pour peu que celles-ci s’estompent au fur et à mesure de la vaccination, de la baisse de la pression hospitalière et des contaminations. Ils sont adultes et c’est en adultes qu’ils ont consenti des mois de sacrifices, d’abnégation, de souffrance et d’efforts. C’est cette perspective, ce chemin vers la vie comme avant, que nos concitoyens nous demandent d’éclairer pour les semaines à venir. Ils veulent se projeter ; ils veulent prévoir, construire et anticiper, malgré l’incertitude pesant sur les conséquences économiques et sociales de la crise. Nous devions impérativement les entendre, les traiter en adultes et donc les accompagner en adoptant un texte clair, cohérent et intelligible. C’est d’ailleurs la prérogative des parlementaires dans la Constitution et un principe à valeur constitutionnelle dans la rédaction de la loi.
    Pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, ce texte nécessitait un travail particulier sur trois points précis. Ce sont les points déjà largement évoqués en commission des lois et sur lesquels nos travaux se sont poursuivis en séance ainsi que lors de la CMP avec nos collègues sénateurs, dont je tiens ici à saluer le travail, l’esprit de concorde et la volonté de construction d’un accord. Ces trois points étaient la date de sortie prévue par le texte, le délai accordé à l’exécutif pour les éventuels confinements locaux et enfin le pass sanitaire.
    La date de sortie, prévue par le texte le 30 octobre, était pour nous trop lointaine et peu cohérente avec les annonces faites à la fois par le Président de la République et par le Gouvernement à sa suite. La progression de la vaccination et l’objectif que tout Français le souhaitant soit vacciné avant la fin de l’été plaidaient pour une date plus rapprochée que le 30 octobre. Les Français souhaitaient que nous sortions vite de cet état exceptionnel – nous, parlementaires, aussi. En conscience, les parlementaires ont accepté en CMP de fixer l’échéanche au 30 septembre, une date que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés avait proposée. Nous nous en réjouissons.
    Concernant la possibilité pour le Gouvernement de décréter des confinements locaux d’une durée pouvant atteindre deux mois sans saisir les parlementaires, nous nous réjouissons du travail fait en commission pour ramener cette durée à un mois. Nous nous réjouissons encore plus que l’article 2 ne fasse plus état de cette durée tout en prolongeant l’état d’urgence sanitaire pour la seule Guyane. Cela respecte les prérogatives constitutionnelles des parlementaires. Là encore, en responsabilité, si nous devions être saisis d’un texte au débotté durant l’été, au cas où la situation sanitaire l’exigerait, nous serions présents comme nous l’avons toujours été.
    J’en viens enfin au pass sanitaire, un sujet qui nous a occupés pendant de longues heures de débats. Comme indiqué en commission et en séance, notre groupe soutient ce pass sanitaire, au contraire du concept de passeport vaccinal qui avait été évoqué précédemment. Ce pass est une solution respectueuse des libertés de chacun, pourvu qu’il soit réservé à des événements spécifiques, qu’il soit clairement exclu pour les sorties de la vie courante – restaurants, cinémas, magasins – et qu’il soit clairement défini par la loi. Nous souhaitions donc en avoir une définition plus claire et discuter du cas particulier des établissements de nuit à l’occasion d’un amendement de notre collègue Christophe Blanchet, afin d’éviter de nouveaux psychodrames généralisés comme celui que nous avons connu au sujet du caractère essentiel ou non essentiel des commerces. Le texte adopté en CMP sur la base du texte sénatorial nous convient et nous semble parfaitement équilibré.
    Au-delà de ces points essentiels, deux autres points inscrits dans le texte de la CMP recueillent la satisfaction des membres du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés. Le premier concerne les données de santé, les conditions d’utilisation du pass sanitaire et l’intégration dans le texte des demandes de la CNIL, publiées après notre séance mais que nous avions relayées en grande partie par amendements. Le texte de la CMP, basé sur la rédaction sénatoriale, répond à ces demandes, et nous y sommes favorables.
    Enfin, le dernier point que nous souhaitons aborder concerne la consultation des élus locaux et des parlementaires par le représentant de l’État dans le département en cas de mesures territorialisées. Notre groupe a toujours attaché une grande importance à ce sujet et se félicite de la rédaction adoptée en CMP. Nous comprenons que la rédaction puisse être contraignante pour le Gouvernement et les préfets, mais il nous semblait nécessaire que tous les élus soient partie prenante dans ces mesures. La volonté d’union nationale face à la pandémie trouve ici un beau symbole et une réalité concrète, ce qui nous réjouit.
    Ainsi, notre groupe se retrouve pleinement dans ce texte. Il y voit l’aboutissement d’un long travail parlementaire de discussion et parfois de désaccords. Ce texte est néanmoins sage dans sa rédaction et offre à nos concitoyens ce que j’évoquais en introduction de mon propos – une perspective de retour à la vie normale – tout en les traitant en adultes, c’est-à-dire en les responsabilisant. Nous voterons donc à l’unanimité ce texte ainsi rédigé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    Il y a environ un an, la presse titrait que les députés avaient voté le 2 juillet la fin de l’état d’urgence sanitaire en vigueur depuis le 23 mars 2020, mais que cette sortie serait très progressive. Entre-temps, nous avons dû revenir sur cette sortie à deux reprises, avec deux nouvelles périodes de confinement. Ainsi, le Parlement a accepté en mars, en mai, en juillet, en novembre 2020, puis en février 2021, d’accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Tout au long de quinze mois ou presque, nous avons pu espérer que des mesures d’encadrement général des pouvoirs ainsi donnés seraient examinées. Aujourd’hui encore, sur un mode dégradé, ce texte confie au Premier ministre toutes les mesures que l’état d’urgence induit, ce qui était déjà la critique faite au moment de la précédente loi de sortie de l’état d’urgence, il y a un an.
    Pour résumer, la philosophie du texte consiste à organiser une sortie de l’état d’urgence tout en réaffirmant une délégation permanente à l’exécutif pour limiter les libertés publiques et individuelles, et tout en prévoyant la possibilité de déléguer ce pouvoir au préfet dans le cadre d’une gestion territorialisée. En première lecture, nous aurions pu discuter d’un régime amélioré de l’état d’urgence sanitaire offrant davantage de transparence et un meilleur contrôle des mesures prises, mais nous n’en avons pas eu l’occasion. Nous avions besoin d’un débat éclairé sur les enjeux de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, mais nous ne l’avons pas eu non plus. Les débats menés en première lecture par notre assemblée ont montré une réelle impréparation des mesures que l’exécutif a eu du mal à défendre devant la représentation nationale. Le texte met fin à l’état d’urgence dans le flou et l’imprécision.
    Lors de l’examen du projet de loi au Sénat, nos collègues sénateurs qui soulevaient les mêmes griefs contre la durée du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire, contre l’imprécision et le manque de garanties relatives aux libertés individuelles du pass sanitaire et contre le dispositif de l’article 2, ont obtenu que la majorité fasse plusieurs concessions qui n’avaient pu être obtenues en première lecture par notre assemblée.
    La CMP qui a suivi a été conclusive, débouchant sur le texte dont nous discutons. Parmi ses avancées, notons que le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire voit sa durée restreinte du 2 juin au 30 septembre 2021 – au lieu du 31 octobre 2021 dans la version initiale. Parallèlement, les dispositions de l’article introduit en première lecture par voie d’amendement concernant le pass sanitaire ont connu une évolution sensible. Ainsi, s’appuyant sur les travaux des sénateurs, le texte de la CMP a précisé que le pass sanitaire pourrait être présenté sous forme électronique comme sous format papier, et que les personnes habilitées à contrôler celui-ci ne pourraient savoir si la personne qui présente un pass valide en bénéficie au titre de la vaccination, d’un test virologique négatif ou d’un certificat de rétablissement.
    On ne peut que se féliciter de ces garanties résultant de la discussion au Sénat. Si le projet de loi ne prévoit pas la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà du 1er juin, le régime transitoire proposé par le texte conserve néanmoins les principales mesures prévues en matière de restrictions relatives aux déplacements et moyens de transport, aux établissements recevant du public et aux rassemblements sur la voie publique, dans les mêmes conditions que celles de l’état d’urgence sanitaire. Le périmètre et l’encadrement des mesures exorbitantes du droit commun, qui permettent au Premier ministre de continuer à réglementer la libre circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’ouverture de certains établissements recevant du public et les rassemblements, réunions et activités sur la voie publique, restent inchangés. Il lui est donc donné d’interdire, et non plus de réglementer ces libertés, dès lors qu’il existe une circulation active du virus sur un territoire.
    Malgré nos propositions et amendements visant à préciser cette notion, elle reste très générique et générale, alors même qu’elle permet le déclenchement des mesures prises par le pouvoir réglementaire et pouvant porter atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre et au droit d’expression collective des idées, des opinions et des libertés constitutionnellement garanties. La rédaction du dispositif introduisant le pass sanitaire demeure floue et imprécise pour ce qui est de son périmètre réel ou de la jauge des participants justifiant son usage. Enfin, aucune disposition permettant un renforcement du contrôle parlementaire n’a été adoptée, alors même que le régime transitoire restera applicable durant quatre mois sans aucune intervention du Parlement. Au regard des nombreuses imprécisions quant à la définition d’une circulation active du virus, qui permet au Gouvernement de retrouver un pouvoir réglementaire d’exception, proche de l’état d’urgence sanitaire, et considérant la même imprécision quant à l’encadrement du pass sanitaire, nous voterons contre ce projet de loi issu des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel.

    M. Pierre-Yves Bournazel

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    Le texte que nous examinons en lecture définitive est issu d’une commission mixte paritaire conclusive, fruit d’un travail intense et constructif entre les deux chambres. L’épidémie de la covid-19, née d’un nouveau virus, est par nature très complexe : parce qu’elle est mondiale, parce qu’il existe encore des inconnues quant à son évolution et parce qu’elle a fait l’objet de vagues successives et de profondes mutations.
    Jamais nous n’avons connu une telle mobilisation de la communauté scientifique afin de trouver un vaccin, grâce auquel la sortie de crise est aujourd’hui à l’horizon. Avec la réouverture progressive des restaurants, des cafés, des bars, des cinémas, des théâtres, des musées et de tous les lieux culturels, nous commençons à retrouver la vie que nous aimons. C’est un moment de bonheur et d’optimisme, à la fois individuel et collectif.
    Le Gouvernement a tenu son objectif de 20 millions de vaccinés fin mai et, fin juin, ce sont 30 millions de nos concitoyens qui seront vaccinés. À partir du 31 mai, tous les Français pourront se faire vacciner : ce sera alors une nouvelle étape afin de sortir durablement de la crise. Le groupe Agir ensemble est très majoritairement favorable au texte : celui-ci est nécessaire, il est pragmatique et il constitue le bon équilibre entre les impératifs de protection de notre santé et la conservation de nos libertés publiques.
    On a évoqué plusieurs sujets. Pour ce qui est des dates, le compromis trouvé quant aux règles du régime transitoire entre le 2 juin et le 30 septembre 2021 est satisfaisant. Pour ce qui est du couvre-feu, nous soutenons la possibilité d’imposer un couvre-feu éventuel jusqu’au 30 juin 2021. Si un doute persiste quant à la constitutionnalité de cette disposition transitoire, nous pensons néanmoins qu’il est important de pouvoir le lever. Rappelons que le couvre-feu est une possibilité strictement encadrée et limitée jusqu’au 30 juin 2021.
    Sur la question du renforcement des mesures de mise en quarantaine et d’isolement, notre groupe est particulièrement satisfait de l’article 4, qui renforce l’effectivité de la quarantaine obligatoire, avec la possibilité pour le préfet de s’opposer au lieu d’hébergement. Le représentant de l’État dans le département pourra ainsi s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé si celui-ci ne répond pas aux exigences d’une application effective. Comme nous l’avons soutenu depuis le début de la crise, il faut davantage faire respecter le triptyque « tester, tracer, isoler ».
    En ce qui concerne le pass sanitaire, la mise en œuvre d’un tel dispositif aux frontières et pour l’accès aux grands événements est aussi le moyen le plus efficace, selon nous, pour retrouver notre vie normale. Soyons clairs, il ne s’agit pas d’un pass vaccinal, mais d’un pass sanitaire comprenant trois options : soit un certificat de vaccination, soit un test PCR négatif, soit un test sérologique positif.
    Comme l’a souligné notre excellent collègue sénateur Claude Malhuret, il faut s’opposer avec force à ceux qui répandent de fausses nouvelles, particulièrement nombreux sur le pass sanitaire. Rappelons d’abord que le Conseil scientifique, le Conseil d’État et la CNIL ont donné un avis favorable à ce pass sanitaire. À l’échelle de l’Union européenne, un vote au Parlement européen visant à accélérer la mise en œuvre du certificat vert numérique prévoit que le laissez-passer sanitaire de l’Union européenne soit mis en œuvre à la fin du mois de juin 2021. Le certificat vert numérique, qui constituera un document de voyage, permettra aux citoyens européens de se déplacer en toute sécurité et sérénité au sein de l’Union européenne au cours de la pandémie de covid-19.
    Le pass sanitaire aux frontières est un élément nécessaire et un moyen d’action auquel recourent de nombreux pays dans le monde. L’obligation d’être vacciné contre certains virus est une réalité que l’on connaît depuis longtemps. Ainsi, nul ne peut se rendre en Afrique ou dans une grande partie de l’Amérique du Sud sans un certificat de vaccination contre la fièvre jaune. Qui remettrait en cause le bien-fondé évident de cette exigence ?
    L’irrationnel autour de la covid-19 nous a fait perdre beaucoup de temps et beaucoup d’énergie dans la crise sanitaire. Face à la pandémie que nous traversons, on ne gouverne pas un pays comme la France à coups de « y a qu’à, faut qu’on ». Il faut remettre en perspective la raison d’être de ce pass sanitaire. Loin des accusations de restrictions, c’est le seul moyen de retrouver la liberté de se déplacer en toute sécurité et en toute tranquillité.
    En conclusion, je formulerai un seul vœu, celui que ce texte soit le dernier sur le chemin conduisant à la sortie de la crise sanitaire et qu’il soit le début d’un retour à l’optimisme, d’un retour à la vie telle que nous l’aimons. Pour cela, nous devons tenir ensemble. Mes chers collègues, la très grande majorité des députés du groupe Agir ensemble est favorable à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Thill.

    Mme Agnès Thill

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    Nous aurions pu nous réjouir qu’au bout du huitième texte dont nous débattons sur l’état d’urgence sanitaire, une commission mixte paritaire soit enfin conclusive – je mets à part le premier texte qui, dans l’urgence, avait bien sûr suscité l’union nationale. Malheureusement, le texte proposé par la CMP ne nous convient toujours pas. Tout d’abord, il envoie un mauvais signal à nos concitoyens, car sortir de l’état d’urgence sanitaire avant l’été entraînera forcément un relâchement des comportements, donc un risque évident de circulation accrue du virus. Sur ce point, notre groupe, qui avait interrogé le Premier ministre sur les conditions de la vaccination durant la période estivale, n’a pas obtenu de réponse satisfaisante,…

    M. Maxime Minot

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    On est habitués !

    Mme Agnès Thill

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    …à l’exception de l’ouverture sans condition de la vaccination aux majeurs, qui a été avancée comme l’avait demandé notre groupe lors de la séance de questions au Gouvernement du 18 mai.
    Le régime mis en place prête à confusion. Ce n’est ni l’état d’urgence, ni le droit commun : sans que cela soit véritablement assumé, le Premier ministre conserve l’essentiel de ses prérogatives. Pourquoi s’obstiner à maintenir ce régime hybride, qui crée plus de problèmes qu’il n’en résout ? Heureusement, le Gouvernement ayant été mis en minorité par votre propre majorité, ce régime ne subsistera que jusqu’au 30 septembre 2021.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    Mme Agnès Thill

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    Sur ce point, nous nous félicitons que le Parlement ait enfin pu imposer son choix à un gouvernement trop souvent sourd aux demandes de la représentation nationale.
    Je ne reviendrai pas sur chacune des mesures prévues par le texte, puisqu’elles sont malheureusement identiques à celles des sept textes précédents. La seule grande nouveauté de ce texte réside dans la mise en place du pass sanitaire. Nous soutenons évidemment son utilisation, puisque nous sommes le premier groupe à avoir suggéré sa création en décembre, à un moment où il aurait fallu anticiper sa mise en place.
    En revanche, ce pass sanitaire ne peut voir le jour dans n’importe quelles conditions. Il s’agit d’en assurer la compréhension, donc l’acceptabilité par nos concitoyens. En ce sens, nous avions proposé d’inscrire clairement dans la loi que le pass ne pourrait être mis en place que lorsque tous nos concitoyens pourraient avoir accès à la vaccination. De même, nous avions suggéré de mieux définir les lieux et événements pour lesquels ce pass pourrait être exigé. Nos amendements ont tous été rejetés au bénéfice de la voie réglementaire. Heureusement, le Sénat a réussi à ajouter une modification de bon sens que nous avions tenté d’introduire ici à l’Assemblée, en vain, afin de préciser que cette réglementation devra être appliquée en tenant compte d’une densité adaptée aux caractéristiques des lieux.
    Finalement, la version du projet de loi que nous devons voter aujourd’hui conserve le visage de celui déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, le visage d’un gouvernement habitué aux pouvoirs exceptionnels, habitué à tout tenter pour se passer du Parlement. Plus d’un an après le début de cette crise sanitaire, les membres du groupe UDI et indépendants estiment que nous devrions plutôt discuter de l’aide que nous pourrions apporter aux jeunes, de l’organisation de la rentrée, de la réouverture de certains secteurs fermés depuis plus d’un an et de tant d’autres priorités, plutôt que de la façon dont le Gouvernement souhaite encore s’arroger de nouvelles prérogatives au sein d’un état d’urgence qui ne dit pas son nom.
    Nos concitoyens font preuve d’une extraordinaire résilience. La moindre des choses serait de leur apporter un peu de clarté et de visibilité pour les mois à venir. La gestion de la crise sanitaire ne peut se résumer à des mesures coercitives et à des listes sans fin d’ordonnances. C’est pourquoi, comme en première lecture, notre groupe votera contre ce texte.

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Le texte de loi sur la gestion de la sortie de l’état d’urgence qui nous est soumis après accord en commission mixte paritaire crée un nouveau régime de sortie d’état d’urgence qui s’étend du 2 juin au 30 septembre. Il va ainsi prolonger de quatre mois la succession des régimes d’exception dans lesquels nous vivons depuis le début de la crise sanitaire.
    Depuis novembre 2015 et l’instauration de l’état d’urgence pour lutter contre le terrorisme, les Français ont davantage vécu sous un régime d’exception que sous un régime ordinaire. S’il n’est pas un état d’urgence, ce nouvel état d’exception en diffère relativement peu et continue de porter atteinte à des libertés fondamentales telles que la liberté de se réunir ou de se déplacer. Il n’apparaît pas proportionné, et les Français supportent d’ailleurs de moins en moins ces restrictions de libertés. Au regard de la possibilité, soulignée à plusieurs reprises par notre groupe, de mettre en œuvre d’autres moyens offerts par le droit, notamment par le code de la santé publique, la prolongation sans limites de ces différents états d’exception n’apparaît pas nécessaire.
    Ces états d’exception sont fondés sur une suspicion permanente à l’encontre de la population : il y a eu plus de 2,2 millions de verbalisations liées aux mesures sanitaires. Les motifs contestables sont légion. Lors du premier confinement, des hélicoptères ont survolé les zones de montagne et les forêts afin de traquer et sanctionner les randonneurs ou joggers solitaires. Sur les réseaux sociaux, des comptes de la gendarmerie ont publié des messages pour se féliciter de sanctionner des citoyens ayant oublié leur attestation pour faire leurs courses ou d’autres ayant fait des erreurs dans la rédaction de l’attestation alors que leur motif de sortie était parfaitement valable.
     
    Quand va-t-on mettre un terme à cette infantilisation systématique de la population, indigne d’une démocratie fondée sur la liberté et la responsabilité des individus ? La question se pose d’autant plus que les Français ont été particulièrement obéissants, dirai-je, pendant toute cette période. Selon un collègue ayant des parents à Lausanne, il paraît que les Suisses n’en reviennent pas de nous voir nous conformer aussi bien aux recommandations officielles.

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    C’est vrai !

    M. Paul Molac

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    On dit les Français indociles mais s’ils contestent les règles, ils les appliquent tout de même ! Ils se sont, je trouve, montrés particulièrement responsables à l’égard de leur santé et de celle de leurs concitoyens.
    Nous déplorons une nouvelle fois la méthode employée par l’exécutif : le Président de la République décide, le Gouvernement exécute et le Parlement et les élus locaux sont priés d’acquiescer. La politique du fait accompli a assez duré. Pour être acceptées, les mesures de lutte contre le virus doivent être strictement proportionnées et différenciées selon la situation sanitaire et commandent d’être prises en toute transparence. L’adhésion nécessite de fédérer. Ce n’est toujours pas le cas. Il n’est qu’à voir la précipitation avec laquelle nous dépossédons le Parlement de ses prérogatives à coups d’habilitations à légiférer par ordonnances. Comparons-la au peu d’entrain que manifeste le Gouvernement à venir expliquer devant ce même parlement les décisions prises par l’exécutif !
     
    Sans minimiser la gravité de la situation sanitaire, nous estimons qu’il ne faudrait pas que la période actuelle serve de prétexte pour mettre en place un régime d’exception pérenne où les libertés seraient limitées, le fonctionnement des institutions serait mis sous cloche. Les exemples sont légion dans l’histoire récente de notre République : les législations d’exception finissent par entrer dans notre droit commun pour ne plus en sortir.
    Nous saluons le fait que le Gouvernement ait progressivement compris la nécessité de prendre des mesures adaptées aux particularités des contextes territoriaux. Nous regrettons toutefois que cette prise de conscience soit intervenue si tard, après plus d’une année durant laquelle des décisions prises au niveau central ont été appliquées uniformément à l’ensemble du territoire.
    Le régime de sortie de l’état d’urgence proposé donne la possibilité de poursuivre la mise en place d’un couvre-feu, mesure appliquée sans interruption depuis octobre 2020 sur tout le territoire, soit plus de six mois consécutifs, alors même que très peu de données ou d’études démontrent son efficacité. Le Président a annoncé son maintien sur l’ensemble des territoires au minimum jusqu’au 30 juin, date à laquelle les salles de restaurant et de sport auront rouvert, les festivals auront recommencé et le recours au télétravail sera moindre. Quel est le sens de la pérennisation d’une mesure aussi attentatoire aux libertés ? Sur quelles bases scientifiques le Gouvernement se fonde-t-il ?
    Il est temps de considérer les citoyens français comme des adultes et de les traiter avec respect. Pour leur grande majorité, ils font preuve de sens des responsabilités face au covid. Conscients des risques, ils ont compris les mesures permettant de lutter contre la propagation de la maladie. Mettons un terme à cette suite de mesures liberticides à l’efficacité non prouvée !
    Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre cet état d’urgence qui ne dit pas son nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    Sur le vote du projet de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche et la France insoumise d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Ce projet de loi, auquel nous continuons de nous opposer, pèche tant par son inefficacité sanitaire que par l’autoritarisme dont il est empreint. Il pose problème à plusieurs égards et peut même être qualifié de dangereux. Au-delà du fait que son impact en matière de santé publique est discutable, il met en question les libertés, l’État de droit et la séparation des pouvoirs – mais on peut craindre que ce principe ne signifie plus grand-chose pour le Gouvernement depuis que le ministre de l’intérieur s’est joint aux manifestants protestant devant l’Assemblée pour faire pression sur les députés. Pour toutes ces raisons, nous allons saisir le Conseil constitutionnel. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
    Ce texte prolonge et consolide un état d’exception. À nos yeux, c’est s’installer dans une certaine facilité que d’avoir recours depuis des années, quels que soient les domaines, à l’état d’exception comme si notre démocratie, notre constitution et nos lois ne nous permettaient pas d’être efficaces. Depuis plus d’un an que la crise sanitaire dure, vous ne pouvez plus prétexter l’urgence ou la surprise pour vous affranchir des règles habituelles de la démocratie.
    Le fait que vous prolongiez certaines mesures ne nous rassure pas. Prenons d’abord le couvre-feu, qui nous apparaît attentatoire aux libertés individuelles et inefficace d’un point de vue sanitaire, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer.
    Il s’agit ensuite de la possibilité de tenir des réunions politiques dans certains lieux. Un amendement de nos collègues du groupe LR, que nous avons voté, visait à préciser très clairement que les rassemblements de nature politique devaient être exclus, ce qui nous semble particulièrement pertinent dans la perspective de la préparation des prochaines élections.
    Nous venons d’apprendre par le préfet de Seine-Saint-Denis qu’il s’est appuyé sur un décret récemment publié pour empêcher un meeting en plein air organisé à Montreuil la semaine prochaine par notre liste « Pouvoir vivre en Île-de-France » alors même que les manifestations revendicatives sont autorisées. Quel paradoxe stupide : je ne vois pas en quoi un meeting politique en plein air serait plus dangereux qu’une manifestation syndicale ! Qu’une telle mesure soit laissée à l’appréciation du Gouvernement repose la question de l’état d’exception. J’espère qu’une solution spécifique sera apportée.
    Il s’agit encore du choix du lieu de l’isolement, auquel le préfet pourra s’opposer pour en imposer un autre, et de mesures qui permettront de maintenir plus longtemps que prévu des personnes dans la précarité d’un CDD et de leur imposer des dates ou des modifications de congés. Tout se passe comme si, une fois de plus, c’était aux salariés de payer la crise du covid. Pourquoi devrions-nous instaurer des conditions encore plus insupportables après l’année que nous venons de vivre ? (Conversations et brouhaha.)

    M. le président

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    Chers collègues, veuillez écouter l’orateur.

    M. Éric Coquerel

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    Il s’agit en outre de la question de la collecte et du traitement des données de santé sensibles dans le cadre du SI-DEP et de Contact-Covid. Certains nous diront : rassurez-vous ! Franchement, rassuré, je ne le suis pas depuis que j’ai vu l’émission Cash Investigation grâce à laquelle nous avons appris qu’une pharmacie sur deux, avec l’accord du Gouvernement, transmet les données de santé personnelles de ses clients à la société IQVIA. Cela me rend encore plus dubitatif. J’ai envoyé au ministre de la santé à ce sujet une question écrite et je n’ai toujours pas eu de réponse, mais il est vrai que nous obtenons rarement des réponses.
    Monsieur le président, ce brouhaha est insupportable…

    M. le président

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    Mes chers collègues, je vous en prie.

    M. Éric Coquerel

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    Ce texte est inquiétant pour ce qui est des libertés ; il est inquiétant aussi du fait du modèle de société qu’il installe. Pour nous, le pass sanitaire ne passe toujours pas. Nous continuons à douter de son efficacité et même si, fort heureusement, il a été modifié, sous la pression de l’Assemblée et du Sénat, nous déplorons qu’il instaure une surveillance généralisée et des discriminations, problèmes sur lesquels la Défenseure des droits s’est exprimée il y a quelques jours.
    Enfin, nous pensons que votre projet de loi est inefficace car vous péchez en matière d’anticipation et de préparation. Vous n’envisagez aucune alternative au confinement, or personne ne peut garantir qu’une quatrième vague ne survienne pas dans les mois à venir. Votre texte ne prend appui que sur la vaccination collective, outil certes indispensable mais qui n’empêche en rien une résurgence de la pandémie. Les scientifiques se posent en effet des questions sur son incidence sur la transmission et son efficacité contre la propagation des prochains variants.
    Dans ces conditions, le principe de précaution veut que nous prévoyions des solutions alternatives au confinement. Chacun sera ici d’accord pour dire que nous ne pouvons pas laisser perdurer des dispositifs de surveillance généralisée et de restriction des libertés.
    Il convient de donner aux personnes contaminées des moyens concrets pour s’isoler, de mettre au point un plan d’urgence pour les hôpitaux, un plan d’urgence contre la pauvreté qui grandit avec la crise sociale…

    M. le président

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    Veuillez conclure, monsieur Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Je conclus, monsieur le président. Il faut aussi, le cas échéant, envisager de dédoubler les classes, ce qui implique d’embaucher des emplois jeunes.
    Bref, nous sommes contre ce texte qui prolonge l’état d’exception alors qu’il faudrait envisager un état de nécessaire anticipation. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.
    Mes chers collègues, un peu d’attention ! Je vous invite à faire preuve de respect à l’égard des orateurs.

    M. Stéphane Peu

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    Votre projet de loi, loin d’organiser, comme il le prétend, la sortie de l’état d’urgence sanitaire, ne fait que le reconduire. Nous ne revenons pas à un fonctionnement normal de nos institutions : ce sont encore et toujours les logiques dérogatoires qui vont présider aux prises de décisions publiques. Comme les députés communistes n’ont eu de cesse de le dire, gouverner la France n’est pas chose aisée en cette période, aussi bien en raison de la gravité des répercussions de la pandémie que de l’ampleur des domaines de la vie de nos concitoyens qu’elle touche, qu’il s’agisse de la santé, de la vie professionnelle, de la vie sociale ou de l’accès à l’éducation, à la culture et aux loisirs.
    Aussi compliquée cette période soit-elle, le choix systématique de l’exécutif et du Président de la République de contourner le Parlement ne saurait se justifier. Tout au long de cette crise, c’est un pouvoir confiné à l’Élysée, s’entourant de la compagnie de quelques experts, qui s’est arrogé le droit de décider de tout et de ne rien écouter des avis qu’exprimaient les élus, les corps intermédiaires, les syndicats, les organisations professionnelles à partir de leur expérience des territoires ou des réalités vécues par nos concitoyens, comme si l’efficacité ne pouvait être que du côté du pouvoir d’un seul et non de la délibération collective.
    L’agacement exprimé par nos concitoyens à l’encontre du Gouvernement n’est pas seulement le produit de ses échecs, voire de ses mensonges ; il est aussi lié à sa décision de restreindre les libertés individuelles et collectives dans la plus grande opacité. Il n’a pas respecté le Parlement, convié de temps à autre pour donner un blanc-seing au Gouvernement, et c’est le peuple lui-même qui s’est senti méprisé. Soulignons que c’est une situation tout à fait unique en Europe, puisque les autres pays ont fait face à la pandémie en continuant de faire fonctionner leur démocratie parlementaire.
    Nous n’avons eu de cesse de vous alerter contre cette pente dangereuse qui consiste à juger que nos institutions et notre démocratie ne sont plus en mesure de relever les défis lorsque notre pays doit affronter une crise majeure affectant la santé publique ou la sécurité nationale. Il n’est pas anodin que depuis plus de cinq années, nous ayons été, d’une manière ou d’une autre, soumis plus de la moitié du temps à un régime d’urgence dérogeant au fonctionnement normal de nos institutions.
    Quel paradoxe de sans cesse célébrer les vertus de notre Ve République et de lui faire si peu confiance au moindre coup de vent ! C’est un partisan d’une VIe République qui vous le dit, redoutant que pour affronter des défis futurs, qu’ils soient climatiques, sécuritaires ou économiques, notre démocratie soit toujours davantage mise entre parenthèses, ce qui ne fera qu’alimenter les thèses des partisans des régimes autoritaires chères à l’extrême droite.
    C’est la principale et très sérieuse raison qui nous pousse à refuser de voter cette loi, qui comporte plusieurs sujets d’inquiétude sur lesquels nous étions revenus dans des amendements qui n’ont pas été retenus. Je pense en particulier à la gestion de données de santé non anonymisées, dont la sécurité aussi bien que les conditions de recueil, de stockage et de traitement ne sont nullement entourées de garanties. C’est là, me semble-t-il, un chantier que nous serions inspirés d’ouvrir, compte tenu notamment des graves interrogations que suscite le Health Data Hub.
    J’observe par ailleurs que vous dévalez toujours la même pente antisociale avec des mesures qui vont contraindre des salariés déjà durement éprouvés à ne pouvoir profiter de leurs congés que lorsque leur employeur le voudra bien. Le choix de ne pas proroger au-delà du 31 mai prochain la trêve des expulsions alors que pour bon nombre de familles, les difficultés ne se dissipent pas, bien au contraire, est un exemple supplémentaire de cette tendance funeste.
    C’est pourquoi, mes chers collègues, aussi bien en raison de la prolongation de l’urgence que de dispositions que nous jugeons défavorablement, nous rejetterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe FI.)

    Mme Danièle Obono

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    Il a raison !

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        194
            Nombre de suffrages exprimés                170
            Majorité absolue                        86
                    Pour l’adoption                119
                    Contre                51

    (Le projet de loi est adopté.)

    4. Accès au foncier agricole

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (nos 3853, 4151).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    En préambule, je souhaiterais remercier la majorité qui a soutenu cette proposition de loi en me permettant d’être devant vous ce soir ; les organisations professionnelles agricoles avec lesquelles, depuis des mois, j’écris ce texte main dans la main ; mais aussi les autres syndicats minoritaires, qui ont encore permis la semaine dernière de l’enrichir à la suite de nombreux échanges ; le Conseil d’État, pour son analyse fine du texte et ses propositions visant à parfaire sa conformité avec nos principes constitutionnels et le droit européen ; mes collègues et leurs riches contributions ; le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, avec lequel nous avons échangé.
    Je suis fier de cette proposition de loi commune : c’est tout ce travail collaboratif qui la rend légitime, adaptée, opérationnelle pour réguler l’accès au foncier agricole sur le marché sociétaire et favoriser l’installation. Même si une loi foncière d’envergure n’a pas vu le jour, notre proposition de loi témoigne de notre mobilisation pour agir sur les urgences identifiées afin de préserver notre foncier agricole. Il s’agit enfin de percer l’abcès de la réglementation qui profite aux sociétés.
    En effet, la situation est grave. Entre 1988 et 2013, la surface moyenne d’une exploitation a doublé en France. Entre 1955 et 2013, le nombre d’exploitations a été divisé par cinq. Dans dix ans, la moitié des chefs d’exploitation partira à la retraite et, avec eux, adviendra le risque de voir encore s’agrandir des exploitations au détriment de l’installation de nouveaux agriculteurs, car les concentrations excessives de terres dans les mains d’un propriétaire restent en partie non contrôlées.
    Tel est le constat que je dresse. Nos outils de régulations que sont les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER – et le contrôle de structures ne peuvent agir sur le marché sociétaire. En somme, il existe une inégalité entre personnes physiques et sociétés qu’il convient de réparer. Il y a deux poids deux mesures : si en 1960, date de création de nos actuels outils, le fait sociétaire était anecdotique, aujourd’hui il est au centre des mutations de terres puisque 60 % du foncier agricole sont détenus en sociétés et que les transmissions par le biais de cessions de parts ne cessent de croître. La Cour des comptes a révélé que ces transactions, qui étaient en 2014 au nombre de 275, représentaient, en 2018, 8 611 opérations, conduisant les magistrats financiers à adresser au Premier ministre un référé, dans lequel ils l’alertent sur « l’importance des enjeux [qui] ne s’accommode plus du statu quo ».
    Le législateur a bien essayé par le passé de contrer ces pratiques mais, à chaque fois, il s’est heurté à la censure du Conseil constitutionnel. Dès lors, je me permets d’insister avant de détailler : pour qu’un dispositif de contrôle des cessions de parts sociales soit opérant, il faut qu’il soit proportionné. Celui que je soumets au débat est proportionné car il cible l’excès sans pour autant manquer d’efficacité. Il comporte un double objectif : lutter contre l’accaparement et la concentration excessive des terres dans le marché sociétaire ; agir pour remobiliser du foncier de façon à soutenir l’installation et la consolidation et à renouveler les générations d’agriculteurs.
    Qui sera concerné ? Une personne physique ou morale prenant le contrôle d’une société qui possède ou exploite du foncier agricole en achetant des titres sociaux et qui détiendrait des surfaces agricoles dépassant un seuil d’agrandissement fixé localement entre une et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne – SAURM.
    Comment fonctionne le contrôle ? Premièrement, la cession de parts est déclarée, formalité qui existe déjà. En cas de dépassement du seuil, elle est soumise à autorisation préalable. Deuxièmement, les dossiers sont instruits par le comité technique de la SAFER, qui rend un avis simple au préfet. Troisièmement, plusieurs cas de figure se rencontrent : le préfet autorise la cession si le projet ne porte pas atteinte à la vitalité du territoire ; le préfet l’autorise si le bénéficiaire s’engage à libérer une surface compensatoire pour un agriculteur qui s’installe ou se consolide ; le préfet la refuse.
    Ainsi, du seuil de déclenchement aux personnes contrôlées, en passant par la place de la SAFER, tout a été pensé pour que le dispositif soit efficace, adapté aux territoires et aux acteurs concernés.
    En outre, permettez-moi de vous apporter des précisions sur trois sujets qui seront particulièrement commentés durant l’examen de ce texte. Non, le seuil surfacique de déclenchement du contrôle n’est pas trop haut : il sera compris entre une et trois fois la SAURM. Or le seuil d’autorisation d’exploiter est compris entre un tiers et une fois la SAURM. Pourquoi ne pas les aligner ? Le dispositif ne contrôle pas la même chose que celui des structures : nous contrôlons l’exploitation, mais également la détention, c’est-à-dire la propriété pure non cultivée. Cette fourchette est établie sur proposition des organisations professionnelles agricoles après concertation. Ce seuil est choisi pour ne pas porter atteinte à la flexibilité du marché sociétaire, qui est utile aux agriculteurs. Nous contrôlons l’excès. Il est conforme aux principes constitutionnels et européens du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. Le Conseil d’État nous a rendu un avis détaillé sur ce point.
    Non, les SAFER ne seront pas juge et partie et leurs comités techniques sont les plus aptes à analyser les dossiers ; ils sont les parlements du foncier dans les territoires. Ils sont efficaces, opérationnels et capables d’instruire des dossiers d’une grande technicité, ce qui ne serait pas forcément le cas des commissions départementales d’orientation de l’agriculture – CDOA –, dont le fonctionnement est très inégal selon les territoires.
    Jamais la SAFER ne prend la décision d’autoriser ou de refuser une cession de parts : c’est le préfet qui statue après avis détaillé du comité technique de la SAFER. Il peut ou non le suivre ; la SAFER n’est donc pas juge. Enfin, je rappelle que les SAFER sont chargées d’une délégation de service public et sont placées sous la tutelle de l’État.
    Oui, nous contrôlerons les opérations familiales. Aujourd’hui, il y a un risque identifié d’exempter les opérations familiales menant à une concentration excessive. Des dérives sont constatées. Dans certains départements, quelques familles se partagent le territoire, ce qui affecte sa vitalité, mais également l’environnement.
    Dans notre dispositif, certaines opérations familiales onéreuses seront effectivement contrôlées. Mais contrôler ne signifie pas interdire : si elles sont vertueuses, les cessions seront autorisées. J’insiste : le texte ne s’oppose pas à la transmission familiale, notamment car les opérations gratuites n’entrent pas dans son champ d’application, mais également car nous introduirons une exemption familiale conditionnée. C’est une mesure équilibrée qui donne la possibilité de maîtriser les cas extrêmes qui nuisent au territoire, à l’agriculture et à sa valeur ajoutée.
    Pour conclure, les enjeux sont immenses afin de préserver notre modèle d’agriculture traditionnelle, la vitalité de nos territoires, la qualité de nos sols, la biodiversité et notre souveraineté alimentaire. Cela passe par une régulation de l’accès au foncier pour tous, personnes physiques et sociétés. Ce troisième outil de régulation, qui serait une première au niveau européen, entend répondre à cette nécessité, pour nos terres agricoles, pour l’intérêt général. Pas d’agriculture ni de territoires vivants sans agriculteur ; pas d’agriculteurs sans foncier agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra