XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021
Séance du jeudi 25 mars 2021
- Présidence de M. Sylvain Waserman
- 1. Protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote
- Discussion des articles
- Article 2
- Amendement no 9
- Mme Valérie Six, rapporteure de la commission des affaires sociales
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
- Amendements nos 3, 13, 28 rectifié et 30
- Sous-amendement no 33
- Amendements nos 7, 8, 21, 1, 23, 22, 29 rectifié, 18, 12, 2, 27, 6, 24, 17, 26, 4, 14, 25, 31 et 11
- Article 2 ter
- Article 3
- Amendement no 20
- Article 4
- Amendement no 5
- Après l’article 4
- Amendement no 16
- Titre
- Amendement no 15 rectifié
- Article 2
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles
- 2. Musées d’Orsay et de l’Orangerie
- 3. Accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Mme Sereine Mauborgne
- Amendements nos 9 et 3
- Après l’article 1er
- Amendement no 34 rectifié
- Article 1er
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de la proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote (nos 2498, 3987).
En application de l’article 107 du règlement, je n’appellerai que les amendements et les articles auxquels ces amendements se rapportent.
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 9.
C’est un amendement rédactionnel.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, pour donner l’avis du Gouvernement.
Avis favorable.
(L’amendement no 9 est adopté.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 3.
Il s’agit de s’opposer à la création d’une nouvelle infraction. Je suis très favorable à la présente proposition de loi, que j’espère voir adoptée. Néanmoins, l’alinéa 7 de l’article 1er pose problème, en ce qu’il élargit le périmètre de répression initialement envisagé : alors qu’on prévoyait simplement d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, il s’agit désormais de réprimer le fait de provoquer un mineur à en consommer. Je comprends l’intention derrière la disposition, mais un tel délit, qui nécessite des enquêtes, me semble difficile à caractériser. Aussi la mesure me semble-t-elle disproportionnée par rapport au but recherché.
Les propositions du groupe La France insoumise sur la répression de la vente aux mineurs relevaient d’ailleurs la complexité du contrôle, à moins qu’un policier, présent dans chaque commerce, vérifie que le commerçant contrôle les quantités des cartouches de protoxyde d’azote vendues et l’identité des acheteurs. Le délit que nous avions proposé d’instaurer permettait mécaniquement de favoriser la prévention, en alertant les commerçants sur l’existence d’un délit et en leur expliquant les conséquences de l’usage détourné du produit sur la santé des mineurs, ce que les dispositions actuelles ne font pas.
Il nous semblait suffisant de mettre l’accent sur la prévention et sur le délit de vente aux mineurs. C’est pourquoi je demande la suppression de l’alinéa 7. Quel est l’avis de la commission ? Vous souhaitez supprimer le délit de provocation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante, pour en obtenir des effets psychoactifs. L’exposé des motifs indique que ce nouveau délit n’a aucun équivalent dans la législation française, ce qui est faux, puisque cet article s’inspire justement de l’article 227-19 du code pénal, qui, depuis 2016, sanctionne le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d’alcool. La création du délit de provocation est donc la pierre angulaire de la présente proposition de loi : peut-on tolérer une incitation décomplexée à la consommation, actuellement impunie, d’autant plus qu’il s’agit de mineurs ? Je suis très défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Tout d’abord, je me réjouis que nous débattions de cette proposition de loi. J’en profite pour saluer la sénatrice Valérie Létard pour son volontarisme. Ce texte a été applaudi par l’ensemble des groupes parlementaires – Ugo Bernalicis vient de rappeler le soutien du groupe La France insoumise –, en particulier par tous les députés et sénateurs du Nord. En effet, le phénomène en question est apparu initialement dans cette région, avant de se répandre sur l’ensemble du territoire.
Monsieur Bernalicis, toute la difficulté réside dans le fait que le protoxyde d’azote n’est pas illicite, mais que son usage détourné engendre des ravages de plus en plus grands auprès de la jeunesse, à des âges de plus en plus précoces. Nous devons donc mettre l’accent sur la prévention en adoptant le dispositif le plus efficace possible, ce qui n’est pas simple.
Le dispositif doit être clair, avec un interdit strict de l’utilisation de ces produits, et complet, comme pour le tabac et l’alcool. Il est donc cohérent de restreindre l’accès des jeunes au produit, en interdisant sa vente bien sûr, mais également en empêchant que les mineurs soient la cible de manœuvres d’incitation à consommer. Le dispositif actuellement présenté offre un cadre protecteur, utile et suffisant au regard des enjeux de santé publique.
Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Le dispositif proposé est très large. Même limitée au seul protoxyde d’azote, sur lequel je me suis concentré en défendant mon amendement, la création du délit de provocation à en faire un usage détourné me semble malvenue. Mais l’alinéa vise n’importe quel produit de consommation susceptible d’être détourné pour ses effets psychotropes ; ce n’est pas tout à fait la même chose que l’alcool.
Le code pénal permet déjà de sanctionner la mise en danger d’autrui, sous une acception beaucoup plus large, ce qui est suffisant pour caractériser le problème auquel nous sommes confrontés : une situation où des personnes majeures obligent des mineurs à adopter des comportements portant atteinte à leur intégrité physique ou psychique. L’alinéa 7 est donc inopérant et problématique. Il n’apporte rien à l’ensemble du texte de loi et nous pourrions nous en passer. (L’amendement no 3 n’est pas adopté.) L’amendement no 13 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 13, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de trois amendements, nos 28 rectifié, 30 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 30 fait l’objet d’un sous-amendement no 33.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 28 rectifié. Il propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers et d’en réserver l’accès aux professionnels. En effet, il ne s’agit pas uniquement de protéger les mineurs, mais également les jeunes majeurs, qui font aussi un usage détourné du produit. Je vous laisse la parole pour soutenir l’amendement no 30. Cet amendement de repli propose de limiter la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers. Le protoxyde d’azote est communément vendu par lots de dix boîtes, ce qui est largement suffisant pour un usage de cuisine quotidien. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir le sous-amendement no 33. Comme mes collègues, je me réjouis de la discussion de ce texte, qui s’attaque à un véritable enjeu de santé publique. Si la question des jeunes majeurs peut se poser, n’oublions pas que le produit est utilisé tant par les professionnels que par les particuliers, ceux-ci pouvant être tout aussi responsables que ceux-là. Le sous-amendement propose de fixer à 2 kilogrammes, au lieu de 0,8 kilogramme, la quantité maximale de protoxyde d’azote autorisée pour la vente aux particuliers. Le contrôle de l’achat par des mineurs est complexe, mais s’il faut absolument interdire la vente du produit aux mineurs, le problème des jeunes majeurs n’est pas résolu. La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 7. Cette proposition de loi aborde un enjeu de santé publique, qui concerne directement un nombre croissant de jeunes personnes. Initialement utilisé en anesthésie, en chirurgie, en oncologie ou encore en cuisine, le protoxyde d’azote est un gaz incolore qui a une odeur et un goût sucrés. Le produit étant de plus en plus détourné de ses fonctions premières, il est souhaitable d’instituer un quota de bonbonnes par personne, dont seraient exemptés les professionnels de la restauration. Quel est l’avis de la commission ? L’amendement no 28 rectifié propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers majeurs comme aux mineurs. Or le protoxyde d’azote est vendu à des particuliers, essentiellement pour faire de la chantilly maison, puisque la France est un pays de gastronomie. Oui ! Il est également utilisé dans les bombes de nettoyage destinées par exemple aux claviers des ordinateurs. Il n’existe actuellement pas de produits de substitution pour de tels usages. C’est vrai. Interdire la vente aux particuliers constituerait donc un obstacle à la liberté de circulation des biens, et l’adoption de l’amendement fragiliserait la proposition de loi au regard du droit européen et de la libre circulation des marchandises. Il est préférable de réfléchir à la classification de ce produit au niveau européen, des travaux étant déjà en cours, à l’initiative de la France.
Pour ce qui est de l’amendement no 30, je suis d’accord sur la nécessité d’agir sur les quantités vendues. C’est un moyen efficace de lutter contre les méfaits du mésusage du protoxyde d’azote, que le Danemark a récemment mis en application : on ne peut désormais y vendre à des particuliers plus de deux cartouches à la fois, pour un total supérieur à 17 grammes. Je souhaite que nous progressions sur cette question et nous avons donc adopté, en commission, à mon initiative, de nouvelles dispositions à cet effet : l’alinéa 8 du texte précise ainsi qu’une quantité maximale de chaque produit de consommation courante pouvant être détourné à des fins psychoactives, autorisée pour la vente aux particuliers, peut être fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de l’économie. L’amendement est donc déjà satisfait. La commission est même allée plus loin, en incluant d’autres produits, comme l’hélium.
J’en profite pour interroger M. le secrétaire d’État sur le délai dans lequel cet arrêté pourrait être pris une fois la loi promulguée.
Le sous-amendement no 33 et l’amendement no 7 sont relatifs à la quantité de protoxyde d’azote autorisée. Je ne peux donc qu’y être défavorable, puisque l’alinéa 8 restreint déjà la quantité de produit pouvant être vendue. Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous sommes au cœur de la difficulté à réglementer l’usage et la vente de ce type de produits, qui ne sont pas illicites en tant que tels. S’il faut un dispositif complet et cohérent, qui s’attaque non seulement à la consommation des mineurs, mais aussi à l’incitation, évoquée dans l’amendement de M. Bernalicis, il faut aussi avoir une approche proportionnée des choses. Madame Liso, interdire toute vente aux particuliers reviendrait à restreindre l’usage que des millions de Français font de ce produit, avec les siphons à crème Chantilly. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement no 28 rectifié, à moins que celui-ci ne soit retiré.
Concernant la limitation des volumes, je partage totalement l’avis de la rapporteure. La commission a instauré une quantité maximale, en confiant aux ministres le soin d’en fixer le niveau par décret. Je vous suggère de conserver un peu de souplesse et de ne pas fixer une telle limite dans le présent texte ; vos différentes propositions varient d’ailleurs déjà de 0,8 à 2 kilogrammes. La situation peut changer et amener les pouvoirs publics à évoluer. Les amendements nos 30 et 7 ainsi que le sous-amendement no 33 sont donc satisfaits. Demande de retrait ou avis défavorable.
Pour répondre à votre question, madame la rapporteure, le Gouvernement s’engage à prendre le décret le plus rapidement possible. Une fois la loi adoptée et soumise aux autorités européennes, une concertation avec les industriels concernés sera nécessaire, pour déterminer avec précision le niveau de la quantité maximale autorisée. Le Gouvernement s’engage à se montrer volontariste et actif sur cette question, pour aboutir le plus rapidement possible. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Permettez-moi de revenir sur l’ensemble de l’article 2. Je regrette que vous refusiez les amendements qui viennent d’être défendus, en particulier celui de mon collègue Alain Ramadier. Le protoxyde d’azote est vendu librement dans de nombreux commerces, pour des applications en cuisine ou dans divers aérosols. Il est devenu un véritable enjeu de santé publique et d’ordre public.
Il est possible d’en acheter jusqu’à 600 cartouches sur internet, pour 200 euros, et dans certains bars, on remplit un ballon de baudruche pour 3 à 5 euros. Pourtant, la consommation du protoxyde d’azote peut entraîner des maux de tête, des vertiges et, plus grave encore, des problèmes neurologiques. Pire, en Grande-Bretagne, en 2016, sa consommation a provoqué seize décès. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES – a ainsi alerté, l’an dernier, sur les dangers de ce produit euphorisant.
Ce sont les jeunes, enivrés par leurs sensations et par le sentiment de ne pas courir de risques, qui sont les plus exposés. Pour faire face aux usages détournés du protoxyde d’azote, l’Angleterre et le Pays de Galles en ont interdit la vente aux mineurs. En France, malgré l’absence de dispositions législatives, plusieurs maires en ont fait de même, dès l’été dernier, interdisant également la consommation dans l’espace public. La police municipale, les services sociaux, les services de voirie et de déplacement en témoignent : les conséquences sont réelles. Outre les risques sanitaires, les déchets représentent un problème écologique, des cartouches de gaz et des ballons se retrouvant dans les caniveaux. À l’heure du débat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l’environnement, une telle question ne peut rester ignorée.
Pour ces multiples raisons, les maires de Nîmes, Mulhouse, Évreux, Cannes, Carcassonne et de nombreuses autres communes ont pris leurs responsabilités en encadrant strictement le commerce de ce gaz hilarant. En tant qu’élue de Paris, j’avais alerté la mairie de Paris pour l’inviter à se doter d’un arsenal réglementaire afin d’endiguer l’usage détourné du produit par certains jeunes. Je ne peux que regretter que l’exécutif parisien se soit alors défaussé de ses responsabilités en renvoyant à l’État l’initiative d’interdire la vente de ce produit aux mineurs et d’encadrer sa consommation dans l’espace public.
Je me réjouis que nous examinions ce texte et félicite nos collègues qui en ont eu l’initiative. L’article 2 offrira en effet un cadre juridique et une base légale à l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote aux mineurs. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Le protoxyde d’azote sert effectivement à faire de la chantilly, mais pas uniquement : on peut réaliser beaucoup d’autres recettes dans un siphon, par exemple des espumas. Ceux qui s’y intéressent le savent, mais je constate que ce n’est pas le cas de tout le monde dans cet hémicycle.
Je signale en outre un usage du protoxyde d’azote dont nous n’avons pas encore parlé : mélangé à de l’oxygène et à quelques autres ingrédients, ce gaz est utilisé dans les ambulances et dans les services d’urgence, pour une anesthésie de premier niveau. Si l’on y a recours dans les ambulances – à faible dose et à un moment bien précis –, c’est que son utilisation n’emporte pas de manière immédiate de conséquences irréversibles. Ce sont les usages répétés que nous pointons : quand des jeunes prennent vingt, quarante, voire cinquante douilles dans des ballons de baudruche, ils s’exposent à des lésions définitives. En outre, quand on l’utilise n’importe comment, c’est-à-dire sans ballon de baudruche, le gaz sortant à une température très basse peut causer des séquelles importantes. Le froid crée des brûlures dans la bouche. Il peut même entraîner le décès.
Il me semble disproportionné d’interdire la vente du produit aux majeurs. On passerait de l’autre côté de la répression, puisqu’on frapperait non ceux qui vendent ou provoquent la consommation, mais ceux qui utilisent ce gaz ou le consomment. Or, dans notre pays, on constate l’inefficacité d’une politique de lutte contre les stupéfiants, dont le caractère principal est de s’attaquer aux usagers. Ne reproduisons pas les mêmes travers le jour où nous légiférons sur l’effet détourné d’un produit qui n’est pas un stupéfiant, et dont l’utilisation est tout à fait légale. Ce n’est manifestement pas la piste à suivre.
En revanche, limiter la vente, sachant que les conditionnements qu’on achète en supermarché ou en hypermarché comprennent au plus une trentaine de douilles, voire huit pour les plus petits paquets, ne demanderait pas un effort considérable.
Quoi qu’il en soit, je le répète : sur le fond, au-delà de ce que prévoit la réglementation européenne, s’attaquer aux consommateurs sous un angle répressif n’est pas la voie à suivre. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo. Mon sous-amendement à l’amendement d’appel de Mme Liso était lui aussi d’appel. Je vais donc le retirer. Je pense moi aussi qu’il ne faut pas interdire la vente de ces produits aux particuliers.
Par ce sous-amendement, j’appelais également l’attention sur la difficulté qu’il y aurait à fixer la quantité maximale de protoxyde d’azote autorisée pour la vente aux particuliers. Je conviens que le mieux est de le faire par décret. (Le sous-amendement no 33 est retiré.) La parole est à Mme la rapporteure. Monsieur Bernalicis, la proposition de loi tend à défendre – et non à réprimer – les consommateurs, particulièrement les jeunes. En ce qui concerne l’usage médical, je rappelle que le MEOPA – mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote – figure sur la liste I, qui regroupe des médicaments stupéfiants devant être rangés dans des armoires ou des locaux fermant à clé. On ne peut donc pas s’en procurer aussi facilement que du protoxyde d’azote, dont on trouve des cartouches dans les supermarchés. (Les amendements nos 28 rectifié, 30 et 7, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 8 de Mme la rapporteure, qui est rédactionnel, est défendu. (L’amendement no 8, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 21, 1, 23 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 21. La rédaction adoptée en commission interdit la vente de protoxyde d’azote aux majeurs comme aux mineurs dans les débits de boissons, les bars ou les boîtes de nuit, en vue d’un usage récréatif. Je vous propose d’aller plus loin, en étendant cette interdiction aux débits de tabac et aux points de vente de carburant, où, selon certains témoignages, on peut en acheter, bien que ce ne soit évidemment pas pour en faire un usage culinaire : un produit destiné à faire de la crème Chantilly n’a pas sa place dans ces lieux très ciblés, dans une vitrine, entre un briquet et un jeu de cartes. Je signale que certains bureaux de tabac vendent même des crackers …
Il y a quelques mois, les Danois ont interdit la vente de protoxyde d’azote dans les tabacs. Je souhaite que nous les imitions. Nous n’avons pas été alertés sur sa vente dans les stations-service, mais la sécurité routière a signalé que de nombreux accidents seraient dus à l’inhalation de ce gaz par des conducteurs. Il n’est pas possible de le prouver puisqu’on ne peut pas en rechercher la présence dans le sang, comme on le fait pour l’alcool ou le cannabis. Mais, si l’on veut encadrer la loi, il vaut mieux prévenir que guérir. C’est pourquoi je propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote dans les débits de tabac et les stations-service. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1. Je commence par remercier Mme la rapporteure pour sa proposition de loi visant à lutter contre un véritable fléau qui frappe nos villes comme nos campagnes. Mon amendement va dans le même sens que le sien, même si sa rédaction diffère légèrement. Je propose de reprendre, pour le protoxyde d’azote, les dispositions qui s’appliquent à l’alcool, aux termes de l’article L. 3322-9 du code de la santé publique.
Madame la rapporteure, si aucune information n’est remontée jusqu’à vous, les forces de police m’ont indiqué que, dans les stations-service, qui, dans de nombreux quartiers, sont souvent les seuls commerces ouverts la nuit, le commerce de petits flacons de protoxyde d’azote est florissant. Les services de nettoyage de la ville le constatent régulièrement le matin, quand ils trouvent à leur proximité des récipients dispersés sur le sol.
J’insiste donc sur l’importance de prévoir, dans notre dispositif, l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote entre dix-huit heures et huit heures, y compris aux personnes majeures, dans les points de vente de carburant. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 23. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement no 22. Nous vous écoutons. Ces deux amendements sont de repli. L’amendement no 23 vise à interdire la vente de protoxyde d’azote dans les points de vente de carburant et l’amendement no 22, dans les débits de tabac. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les quatre amendements tendent au même but, les amendements nos 23 et 22 étant effectivement de repli.
L’amendement no 21 est celui dont la rédaction est la plus large. Si le Gouvernement a lui aussi pour objectif de protéger les jeunes consommateurs, le dispositif prévu par la proposition de loi, telle qu’amendée par la commission, semble apporter une réponse équilibrée. Il permet en effet, d’une part, de sanctionner les personnes qui exploitent l’usage détourné du protoxyde d’azote en le mettant à disposition dans les bars, discothèques, soirées étudiantes ou en le vendant en gros volume, associé à la vente de crackers , et, d’autre part, d’empêcher que le produit ne soit vendu ou offert à des personnes mineures. Tel est le socle de la proposition de loi, qui nous semble offrir un cadre protecteur, compte tenu des enjeux de santé publique.
Cependant, il ressort des informations qui remontent jusqu’à nous – et qui confirment les vôtres –, que, dans certains territoires, le protoxyde d’azote est vendu dans des bureaux de tabac, ce qui, comme vous le soulignez, est contre-intuitif : on peut supposer que la vente n’est alors effectuée qu’en vue d’un usage détourné du produit. Nous nous rejoignons sur ce point. C’est pourquoi, sur l’amendement no 22, qui tend à interdire la vente dans les débits de tabac, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Reste que nous ne partageons pas encore vos craintes concernant la vente dans les stations-service, sur laquelle nous n’avons pas rassemblé assez d’éléments objectifs. Je vous propose que nous continuions à travailler ensemble sur le sujet, avec le ministère de l’intérieur – Mme Ménard a fait allusion aux forces de police – afin d’apprécier plus finement la réalité. Pour l’heure, il semble prématuré de prendre de telles dispositions.
En résumé, je demande le retrait des amendements nos 21, 1 et 23 – faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable – et m’en remets à la sagesse de l’assemblée sur l’amendement no 22. Nous avons induit que la rapporteure émet un avis défavorable à l’amendement no 1.
La parole est à M. Frédéric Reiss. Je soutiens ces amendements. M. le secrétaire d’État indique qu’il ne partage « pas encore » les craintes de la rapporteure concernant la vente dans les stations-service. Tout est dans ce « pas encore » ! Aujourd’hui, les jeunes utilisent ce gaz hilarant lorsqu’ils sont ensemble, souvent en bande : ils passent par un débit de tabac ou une station-service avant de se réunir, car ils ne trouveraient aucun intérêt à en consommer seuls. C’est donc dans ces lieux qu’il faut agir.
Comme de nombreux collègues, j’avais posé au Gouvernement des questions écrites sur le sujet. M. le secrétaire d’État en a probablement reçu beaucoup, car ce problème est véritablement un fléau non seulement en ville mais, je puis vous l’assurer, à la campagne et dans les petites villes, où il pose également des problèmes liés à la préservation de l’environnement et au respect de la salubrité publique. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Je trouve dommage qu’on s’arrête au milieu de gué : en admettant que l’amendement no 22 soit voté, on interdira la vente du protoxyde d’azote dans les bureaux de tabac, mais non dans les stations-service. Or que montrent les retours de terrain ? Que, dans certains quartiers où l’on ne trouve pas d’épicerie de nuit, les seuls points de vente de protoxyde d’azote accessibles sont les stations-service.
Si sa vente dans des bureaux de tabac vous semble étrange, elle ne l’est pas moins dans les points de vente de carburant et, pour faire état encore une fois de retours du terrain, c’est bien à leur proximité qu’on retrouve, le matin, des capsules vides. C’est là, M. Reiss vient de le rappeler, que certains jeunes se rassemblent la nuit.
L’amendement no 1, que j’ai défendu, vise à calquer, pour les appliquer au protoxyde d’azote, les dispositions relatives à la vente d’alcool, de nuit, dans les stations-service. Cela me semble logique. En outre, on évitera d’ajouter à la loi des formulations ou des obligations différentes. La parole est à M. Christophe Naegelen. Je soutiens l’amendement de Mme Ménard, car je ne vois aucune raison de traiter différemment, sur ce sujet, les stations-service et les bureaux de tabac. Dans bien des endroits, il s’agit des seuls commerces ouverts la nuit où l’on peut acheter, outre l’alcool, les produits dont la proposition de loi interdira la vente aux mineurs. Dès lors, pourquoi ne pas les inclure dans le dispositif ?
Il est simplement dommage de voter cette loi, qui va dans le bon sens, et de s’arrêter sans aller jusqu’au bout. Ainsi, dans quelques mois, on sera obligé de légiférer à nouveau parce qu’on se sera rendu compte qu’on aurait dû voter cet amendement, qui est de bon sens et cohérent avec ce qui a été dit. La parole est à M. le secrétaire d’État. En réponse aux différentes interventions, notamment à la dernière : ce ne sont pas deux visions mais deux réalités différentes. Pour l’instant, on constate dans les territoires qu’il y a beaucoup plus de ventes de capsules dans les bureaux de tabac que dans les stations-service. Certes, il y a plus de ventes, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y en a pas ailleurs ! (Murmures d’approbation sur les bancs du groupe UDI-I.) Nous parlons d’interdire la vente d’un produit licite. La difficulté est donc de trouver un équilibre dans la proposition de loi. Je vous propose simplement d’aller au-delà de ce que vous avez constaté les uns et les autres, et d’objectiver davantage vos observations, afin de comprendre la réalité de la situation et de prendre les décisions adéquates, comme vous avez pu le faire pour les débits de tabac – je vous rejoins sur ce point.
Par ailleurs, s’il ne faut pas faire de discriminations, pourquoi n’interdisons-nous pas la vente des capsules dans les supérettes ou dans les supermarchés la nuit, de la même façon ? Vous expliquez que dans votre territoire, seules les stations-service sont ouvertes la nuit. Or dans les autres territoires, ce sont les supérettes. (Mme Emmanuelle Ménard proteste.)
Je le répète, le texte dont vous avez débattu et que vous avez adopté en commission a trouvé le bon équilibre. Ainsi, je vous propose d’avancer ensemble sur les débits de tabac, car cela correspond à une réalité constatée dans les territoires, objectivée, qui a fait l’objet de nombreux articles de presse. Pour ce qui est des stations-service, nous devons avancer davantage en amont, afin d’affiner notre perception de la réalité avant de prendre une mesure d’interdiction de vente d’un produit licite. Voilà la position du Gouvernement. La parole est à Mme la rapporteure, puis nous passerons au vote. Si j’en suis venue à déposer l’amendement n° 21, c’est parce que la proposition de loi vise à faire de la prévention. Nous devons encadrer la vente aux consommateurs. On sait qu’il y a des accidents de la route et l’on retrouve des cartouches de protoxyde d’azote sur les périphériques ; on sait donc que les cartouches de protoxyde d’azote sont consommées au volant. Bien entendu, il n’est pas encore prouvé que ces cartouches sont vendues dans les stations-service – je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins si, dès maintenant, nous encadrons ensemble la vente afin de l’interdire dans les stations-service, au moins ferons-nous effectivement de la prévention.
Ainsi, je vous propose de voter plutôt l’amendement no 21 qui interdit la vente de cartouches de protoxyde d’azote dans les stations-service toute la journée, et non uniquement le soir. (Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 21, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.) (Les amendements nos 1 et 23, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 22 est adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 29 rectifié et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 29 rectifié. Il vise à interdire l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique, en le punissant d’une amende de 200 euros, comme pour la consommation de cannabis.
Je rejoins ainsi la plupart des maires de ma circonscription. Je rappelle que ce phénomène est apparu dans le département du Nord et que nombre de maires ont déjà pris des arrêtés en interdisant la vente. Pour toutes les raisons déjà mentionnées, mais aussi en raison du nombre de bonbonnes que l’on retrouve le lendemain dans les rues, je demande l’interdiction de l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique. La parole est à Mme Bénédicte Pételle, pour soutenir l’amendement no 18. Il tend à inscrire dans la proposition de loi l’interdiction de l’utilisation détournée du protoxyde d’azote sur la voie publique. Comme l’a souligné ma collègue Brigitte Liso, il s’agit d’une mesure de santé publique visant à mieux contrôler et à sanctionner la consommation de ce gaz hilarant, dont les effets neurologiques et neuromusculaires peuvent s’avérer particulièrement graves. L’ANSES a recensé, entre 2017 et 2019, soixante-six intoxications à ce gaz, principalement chez des jeunes âgés entre 20 et 25 ans.
Plusieurs élus confrontés à ce phénomène dans leur commune ont d’ores et déjà pris des arrêtés municipaux interdisant l’utilisation de ces petites cartouches métalliques. C’est vrai que, lorsque l’on retrouve, les lendemains de fête, toutes ces cartouches dans la rue, on envoie un très mauvais message à nos jeunes et à nos enfants. Quel est l’avis de la commission ? Madame Liso, en tant que députée du Nord, vous connaissez bien le problème. Madame Pételle, je sais que vous êtes également très attachée à cette proposition de loi. Je comprends vos amendements. D’ailleurs, les maires nous avaient interpellés à ce sujet, puisque des arrêtés municipaux interdisent l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique.
Le problème, c’est que l’usage détourné du protoxyde d’azote reste très difficile à caractériser. Il s’agit encore d’un produit licite, en vente dans tous les supermarchés ; toute la difficulté est là. La proposition de loi repose sur deux piliers : encadrer l’offre, par exemple en interdisant la vente aux mineurs, également dans les bars ; faire de la prévention, par exemple en imposant un pictogramme ou en menant des campagnes de sensibilisation. Néanmoins, elle ne vise pas à sanctionner le consommateur, ce qui serait, dans tous les cas, inopérant, étant donné que la vente du produit est légale.
Une telle disposition n’existe d’ailleurs pas pour d’autres produits licites comparables. Ainsi, on a le droit de boire de l’alcool sur la voie publique, seule l’ivresse manifeste y est interdite.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. La parole est à Mme Brigitte Liso. J’entends bien, madame la rapporteure, que c’est un produit licite. En revanche, je ne considère pas que son usage sur la voie publique le soit ; il ne peut s’agir que d’un usage détourné. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement et que je voulais y inclure une sanction. Il faut vraiment imprimer dans les consciences des plus jeunes que ce qu’ils font est hors la loi. (Les amendements nos 29 rectifié et 18, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 12 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 12, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 2. Il prévoit de sanctionner la récidive de vente ou d’offre à titre gratuit de protoxyde d’azote à un mineur. En effet, les ravages de ce produit sur la santé sont tout aussi graves que ceux de l’alcool et il est donc normal de punir plus sévèrement la récidive.
L’alinéa 12 dispose : « La violation des interdictions prévues au présent article est punie de 3 750 euros d’amende ». Je propose de compléter cet alinéa par la phrase suivante : « La récidive est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ». La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 27. Il tend à instaurer une amende de 200 000 euros en cas de récidive de vente ou d’offre à titre gratuit de protoxyde d’azote à un mineur. Il vise également à permettre au tribunal de prononcer deux peines complémentaires : interdiction de vente de protoxyde d’azote pour le commerce concerné pour une durée d’un à cinq ans, et confiscation de la marchandise. À l’instar de la peine sanctionnant un buraliste qui récidiverait dans la vente de tabac à un mineur, il convient d’alourdir les peines applicables au vendeur. Quel est l’avis de la commission ? Madame Ménard, vous souhaitez que la récidive dans ce domaine soit punie d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Or je rappelle que ce produit n’est pas classé dans la catégorie des stupéfiants puisqu’il peut s’acheter dans tout supermarché de manière tout à fait légale. La proposition de loi vise à encadrer l’offre, en interdisant la vente aux mineurs, et à faire de la prévention auprès des consommateurs, en créant notamment un pictogramme spécifique. Ainsi, je ne souhaite pas que nous introduisions des peines de prison dans le texte ; je choisis la prévention plutôt que la répression.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable.
Madame Liso, vous souhaitez que la récidive dans ce domaine soit punie de 200 000 euros d’amende et d’une interdiction de vente. Cette peine pourrait être assortie d’une interdiction de vente de protoxyde d’azote pour le commerce concerné pour une durée d’un à cinq ans et de la confiscation des marchandises ayant fait l’objet de l’infraction. Je le redis : ce produit n’est pas classé comme stupéfiant et s’achète facilement dans un supermarché de manière légale. Eu égard à cette situation spécifique, l’amende proposée semble très lourde. Quant à l’interdiction de vente, elle serait vraiment très difficile à contrôler.
Avis défavorable également. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Ménard, l’article 132-10 du code de procédure pénale prévoit qu’en cas de récidive, les peines encourues sont doublées. Dès lors, il n’est nul besoin de prévoir de telles dispositions. Par ailleurs, prévoir une peine d’emprisonnement en cas de récidive, alors même que ce type de peine ne serait pas prévu pour les primo-délinquants, semble pour le moins excessif.
Madame Liso, je vous fais la même remarque : le code de procédure pénale contient déjà des dispositions permettant de durcir les peines encourues en cas de récidive. Quant au passage de 3 750 euros d’amende, lorsque les faits sont commis pour la première fois, à 200 000 euros en cas de récidive, il représente un rapport de 1 à 50, qui est sans précédent dans la législation pénale et qui nous semble un peu excessif.
Avis défavorable sur ces deux amendements. La parole est à Mme Brigitte Liso. Pour l’amende de 200 000 euros, je me suis inspirée de l’article L. 3515-3 du code de la santé publique, relatif à la lutte contre le tabagisme et le dopage, qui prévoit exactement ce montant en cas de récidive. Bien sûr, plutôt que d’être mentionnée dans la loi, la sanction peut être laissée à la discrétion des ministères concernés. Considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que le code de procédure pénale prévoit déjà des peines plus importantes en cas de récidive et qu’il est donc est inutile de le préciser dans le texte. Or, pour répondre également aux propos de Mme la rapporteure, si notre ambition est d’envoyer un message clair de prévention pour éviter la fourniture, de quelque manière que ce soit, de protoxyde d’azote aux mineurs pour un usage détourné qu’il est impossible d’ignorer, j’estime qu’il convient d’écrire explicitement dans la proposition de loi que les personnes qui y dérogeraient encourraient, en cas de récidive, une peine plus importante.
Nous venons de voter l’interdiction de la vente de ce produit dans les débits de tabac. Par conséquent, si demain un buraliste en vendait de manière répétée à des mineurs, il ne me semblerait pas disproportionné que cette personne puisse être emprisonnée, compte tenu de l’importance du délit et du dommage que le protoxyde d’azote cause sur les mineurs et les enfants. (Les amendements nos 2 et 27, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 6. La limitation de l’accessibilité et de la vente de protoxyde d’azote aux jeunes personnes, même majeures, est l’objectif de cette proposition de loi. C’est pourquoi le groupe Les Républicains propose d’interdire la vente de ce produit après vingt heures. Quel est l’avis de la commission ? Lors de son examen en commission, je me suis longuement interrogée sur cet amendement, qui vise à interdire la vente de protoxyde d’azote après vingt heures. L’idée est intéressante,… Ah ! …mais une telle interdiction serait difficile à contrôler. Par exemple, il faudrait bloquer la vente de ce produit dans les supermarchés, alors que la loi ne le prévoit pas pour la vente d’alcool.
En revanche, les maires peuvent décider de ce type d’interdictions par le biais d’arrêtés municipaux, ce qui me paraît plus pertinent et plus adapté pour appliquer des contrôles en raison de la limite géographique de ces actes.
Cela étant, je suis sensible au message que vous souhaitez envoyer. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je lui donnerai un avis de sagesse à titre personnel. Voilà ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est défavorable pour les raisons que j’ai exposées précédemment. (L’amendement no 6 n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 24. J’en ai déjà parlé lors de l’examen des précédents amendements, dans leur usage récréatif, les cartouches de protoxyde d’azote sont très souvent vendues sous le manteau, au cours d’une soirée, et donc sans leur emballage d’origine. Je souhaite donc vivement que le pictogramme de prévention soit également apposé sur la cartouche elle-même. La commission a rejeté le présent amendement, mais en tant que rapporteure il me semblait indispensable de le présenter à nouveau et de le défendre à titre personnel. Quel est l’avis du Gouvernement ? Prévoir une double obligation s’agissant du pictogramme de prévention nous semble quelque peu excessif : le faire apparaître sur le conditionnement assure déjà qu’il sera visible de tous. Notons d’ailleurs que dans le cas des bonbonnes de protoxyde d’azote, le contenant peut être assimilé au conditionnement extérieur. J’ajoute que, tel qu’il est actuellement rédigé, le texte prévoit que le produit ne pourra être commercialisé par les metteurs sur le marché sans faire figurer ce pictogramme sur chaque unité de conditionnement. L’acte réglementaire qui sera pris pourra, si nécessaire, fixer des obligations supplémentaires en fonction des types de conditionnement.
En attendant, avis défavorable. (L’amendement no 24 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 26.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 17. Il est rédactionnel. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l’amendement no 26. Il est identique, mais je souhaite profiter de cette occasion pour remercier ma collègue Valérie Six et la sénatrice Valérie Létard pour cette excellente proposition de loi, ainsi que le groupe UDI et indépendants pour son inscription à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés avait soulevé ce thème il y a plus d’un an (Approbation sur les bancs du groupe UDI-I) et soutient donc pleinement ce texte, que nous serons heureux de voter.
Nous remercions le Gouvernement et saluons votre travail, madame la rapporteure, qui a permis d’aboutir à un texte équilibré aussi bien sur les questions de prévention que d’encadrement de la publicité. Et nous approuvons bien sûr l’interdiction des usages détournés de ce produit aux mineurs.
Le texte était très attendu, et ce bien au-delà du département du Nord. Pour avoir étudié la question, je puis vous assurer que ce fléau sévit malheureusement à l’échelle nationale. Les parlementaires dans leur ensemble sont désormais concernés et je pense que nous allons accomplir une très bonne chose ce matin en votant la proposition de loi. À cet égard, j’espère que nous pourrons aller plus loin dans les dispositions qu’elle contient, s’agissant notamment des jeunes majeurs. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez travaillé sur cette question et vous pouvez compter sur notre soutien.
Je le répète, notre groupe est absolument favorable à ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LaREM et UDI-I.) Bien parlé ! (Les amendements identiques nos 17 et 26, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 4. Il s’adresse en particulier à M. le secrétaire d’État, étant donné que nous n’avons pas souvent eu la chance d’entendre le Gouvernement sur le protoxyde d’azote. Les rares fois où l’exécutif a pris la parole sur ce sujet lors des semaines de contrôle, il s’est d’ailleurs montré plutôt dubitatif sur l’opportunité de voter un texte comme celui que nous examinons. Non ! Si, monsieur le secrétaire d’État. Vous lirez les comptes rendus publiés dans le Journal officiel . J’ai été estomaqué d’entendre dire qu’il ne s’agissait pas d’un véritable problème et que des actions de prévention pouvaient suffire.
Le présent amendement porte d’ailleurs sur ce point, étant donné qu’il concerne la MILDECA – mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Jusqu’à présent, mais vous me direz que c’est déjà bien, celle-ci s’est contentée de fournir des informations sur la dangerosité du protoxyde d’azote sur son site internet. Or de nombreuses communes du Nord ont cherché à obtenir son appui, ainsi que celui du département, qui est également compétent dans ce domaine, démunies qu’elles étaient pour mener des campagnes concrètes de prévention et de sensibilisation, avec des affiches ou des flyers à distribuer.
Il nous paraît important de renforcer le suivi de la consommation de ce produit, car nous constatons qu’elle prend de l’ampleur et se répand à une vitesse extraordinaire.
J’ajoute que si l’on dit souvent que tout est parti du Nord, ce n’est pas vrai : les premiers mésusages du protoxyde d’azote remontent à une dizaine d’années, voire plus encore, en Angleterre. Nous n’étions donc pas les premiers concernés et, pour boucler la boucle des arguments que j’ai présentés tout à l’heure, à l’époque ce sont des bonbonnes à usage médical qui étaient détournées.
Il s’agit donc d’un amendement d’appel… Ça existe encore ! …ou d’interpellation du secrétaire d’État. Je le vois aujourd’hui convaincu du bien-fondé du texte : tant mieux ! Je souhaiterais désormais qu’il soit convaincu de l’importance des moyens qu’il convient de donner à la MILDECA pour lui permettre de mener une action concrète sur l’ensemble du territoire national. Quel est l’avis de la commission ? Nous avons déjà eu ce débat en commission. Selon moi, votre amendement est satisfait. La MILDECA travaille déjà à la sensibilisation aux dangers relatifs aux mésusages du protoxyde d’azote. L’été dernier, elle a organisé une campagne de distribution de flyers et publié, sur son site internet, des informations destinées aux jeunes. Elle a même commencé un travail de fond, en coopération avec les élus locaux et les préfectures. Dans le Nord, elle est en contact depuis un an avec la ville dont vous êtes originaire ou encore celle de Roubaix.
Quoi qu’il en soit, c’est plutôt l’OFDT – Observatoire français des drogues et des toxicomanies – qui suit l’évolution de la consommation de protoxyde d’azote. À compter de la prochaine édition de son enquête conduite auprès des jeunes de 17 ans, nous pourrons mesurer l’ampleur des usages détournés de cette substance. Je m’en félicite et vous pouvez compter sur moi pour m’assurer que ce travail sera mené à bien. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Chassez le naturel, il revient au galop ! C’est probablement parce que j’ai salué le fait que La France insoumise soit, pour une fois, d’accord avec un texte défendu par l’ensemble des groupes politiques et le Gouvernement ; cela a dû vous vexer. Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement a appuyé l’idée et collaboré avec les sénateurs – j’ai cité Valérie Létard. C’est moi qui l’ai représenté au banc lors de l’examen du texte au Sénat. J’ai travaillé avec les sénateurs et nous sommes ravis de l’avancée majeure que constitue ce texte que vous vous apprêtez à voter à votre tour.
Pour en venir au fond de l’amendement, je vous rappelle, monsieur le député, mais vous le savez probablement, que les missions de la MILDECA sont fixées par décret. La disposition que vous proposez ne saurait donc être ajoutée au texte.
De plus, comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, la MILDECA travaille déjà sur le protoxyde d’azote. Je ne détaillerai pas l’ensemble de ses missions ou de ses outils de suivi de la consommation, d’observation et de vigilance, mais son action a permis de publier, en juillet 2020, des chiffres actualisés faisant état d’une hausse préoccupante des intoxications au protoxyde d’azote au cours de la période 2017-2019. Ces chiffres seront prochainement mis à jour pour l’année 2020.
Pour être parfaitement complet, sachez aussi que l’OFDT, opérateur se trouvant sous la tutelle de la MILDECA, a prévu d’affiner la mesure des mésusages du protoxyde d’azote chez les jeunes dans ses prochaines enquêtes.
Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Tant mieux, monsieur le secrétaire d’État, que nous soyons parvenus à un accord, mais, en l’occurrence, c’est vous qui avez changé d’avis et pas moi. Je m’adresse ici au Gouvernement dans son ensemble étant donné que c’était l’une de vos collègues qui était au banc lorsque j’ai fait inscrire la question du protoxyde d’azote à l’ordre du jour d’une semaine de contrôle. J’avais alors affirmé qu’il importait de légiférer sur la question. Il aura donc fallu l’habileté des sénateurs – j’étais moi-même en contact avec Valérie Létard –, qui ont réussi à élaborer leur propre texte et à le voter à l’unanimité.
Je le répète, tant mieux si vous avez désormais conscience qu’il s’agit d’un enjeu majeur et national – et non spécifique au Nord – et qu’il convient de donner à la MILDECA les moyens suffisants pour agir concrètement, au service des communes. Ce n’est que l’année dernière, par exemple, que l’ARS – Agence régionale de santé – des Hauts-de-France a obtenu une subvention extraordinaire et urgente de 200 000 euros pour réaliser des campagnes de sensibilisation, alors que, dans le département du Nord, la question du protoxyde d’azote avait été soulevée bien avant que je ne le fasse dès 2017.
Je suis donc très content que nous en arrivions là aujourd’hui et je tenais à vous le dire directement puisque, jusqu’à preuve du contraire, c’est vous qui êtes membre du Gouvernement. (L’amendement no 4 n’est pas adopté.) L’amendement no 14 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 25 et 31.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 25. Il vise à préciser la rédaction des alinéas 23 et 24. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 31. Il vise effectivement à préciser le périmètre des missions des agents qui travaillent sur le terrain, gardes champêtres ou policiers municipaux, de sorte qu’ils agissent davantage pour la prévention des délits que nous instaurons dans ce texte que pour leur répression. (Les amendements identiques nos 25 et 31, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.) L’amendement no 11 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 2, amendé, est adopté.) Sur la proposition de loi, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les propositions du groupe La France insoumise sur la répression de la vente aux mineurs relevaient d’ailleurs la complexité du contrôle, à moins qu’un policier, présent dans chaque commerce, vérifie que le commerçant contrôle les quantités des cartouches de protoxyde d’azote vendues et l’identité des acheteurs. Le délit que nous avions proposé d’instaurer permettait mécaniquement de favoriser la prévention, en alertant les commerçants sur l’existence d’un délit et en leur expliquant les conséquences de l’usage détourné du produit sur la santé des mineurs, ce que les dispositions actuelles ne font pas.
Il nous semblait suffisant de mettre l’accent sur la prévention et sur le délit de vente aux mineurs. C’est pourquoi je demande la suppression de l’alinéa 7. Quel est l’avis de la commission ? Vous souhaitez supprimer le délit de provocation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante, pour en obtenir des effets psychoactifs. L’exposé des motifs indique que ce nouveau délit n’a aucun équivalent dans la législation française, ce qui est faux, puisque cet article s’inspire justement de l’article 227-19 du code pénal, qui, depuis 2016, sanctionne le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d’alcool. La création du délit de provocation est donc la pierre angulaire de la présente proposition de loi : peut-on tolérer une incitation décomplexée à la consommation, actuellement impunie, d’autant plus qu’il s’agit de mineurs ? Je suis très défavorable à cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Tout d’abord, je me réjouis que nous débattions de cette proposition de loi. J’en profite pour saluer la sénatrice Valérie Létard pour son volontarisme. Ce texte a été applaudi par l’ensemble des groupes parlementaires – Ugo Bernalicis vient de rappeler le soutien du groupe La France insoumise –, en particulier par tous les députés et sénateurs du Nord. En effet, le phénomène en question est apparu initialement dans cette région, avant de se répandre sur l’ensemble du territoire.
Monsieur Bernalicis, toute la difficulté réside dans le fait que le protoxyde d’azote n’est pas illicite, mais que son usage détourné engendre des ravages de plus en plus grands auprès de la jeunesse, à des âges de plus en plus précoces. Nous devons donc mettre l’accent sur la prévention en adoptant le dispositif le plus efficace possible, ce qui n’est pas simple.
Le dispositif doit être clair, avec un interdit strict de l’utilisation de ces produits, et complet, comme pour le tabac et l’alcool. Il est donc cohérent de restreindre l’accès des jeunes au produit, en interdisant sa vente bien sûr, mais également en empêchant que les mineurs soient la cible de manœuvres d’incitation à consommer. Le dispositif actuellement présenté offre un cadre protecteur, utile et suffisant au regard des enjeux de santé publique.
Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Le dispositif proposé est très large. Même limitée au seul protoxyde d’azote, sur lequel je me suis concentré en défendant mon amendement, la création du délit de provocation à en faire un usage détourné me semble malvenue. Mais l’alinéa vise n’importe quel produit de consommation susceptible d’être détourné pour ses effets psychotropes ; ce n’est pas tout à fait la même chose que l’alcool.
Le code pénal permet déjà de sanctionner la mise en danger d’autrui, sous une acception beaucoup plus large, ce qui est suffisant pour caractériser le problème auquel nous sommes confrontés : une situation où des personnes majeures obligent des mineurs à adopter des comportements portant atteinte à leur intégrité physique ou psychique. L’alinéa 7 est donc inopérant et problématique. Il n’apporte rien à l’ensemble du texte de loi et nous pourrions nous en passer. (L’amendement no 3 n’est pas adopté.) L’amendement no 13 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 13, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de trois amendements, nos 28 rectifié, 30 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 30 fait l’objet d’un sous-amendement no 33.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 28 rectifié. Il propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers et d’en réserver l’accès aux professionnels. En effet, il ne s’agit pas uniquement de protéger les mineurs, mais également les jeunes majeurs, qui font aussi un usage détourné du produit. Je vous laisse la parole pour soutenir l’amendement no 30. Cet amendement de repli propose de limiter la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers. Le protoxyde d’azote est communément vendu par lots de dix boîtes, ce qui est largement suffisant pour un usage de cuisine quotidien. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir le sous-amendement no 33. Comme mes collègues, je me réjouis de la discussion de ce texte, qui s’attaque à un véritable enjeu de santé publique. Si la question des jeunes majeurs peut se poser, n’oublions pas que le produit est utilisé tant par les professionnels que par les particuliers, ceux-ci pouvant être tout aussi responsables que ceux-là. Le sous-amendement propose de fixer à 2 kilogrammes, au lieu de 0,8 kilogramme, la quantité maximale de protoxyde d’azote autorisée pour la vente aux particuliers. Le contrôle de l’achat par des mineurs est complexe, mais s’il faut absolument interdire la vente du produit aux mineurs, le problème des jeunes majeurs n’est pas résolu. La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 7. Cette proposition de loi aborde un enjeu de santé publique, qui concerne directement un nombre croissant de jeunes personnes. Initialement utilisé en anesthésie, en chirurgie, en oncologie ou encore en cuisine, le protoxyde d’azote est un gaz incolore qui a une odeur et un goût sucrés. Le produit étant de plus en plus détourné de ses fonctions premières, il est souhaitable d’instituer un quota de bonbonnes par personne, dont seraient exemptés les professionnels de la restauration. Quel est l’avis de la commission ? L’amendement no 28 rectifié propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers majeurs comme aux mineurs. Or le protoxyde d’azote est vendu à des particuliers, essentiellement pour faire de la chantilly maison, puisque la France est un pays de gastronomie. Oui ! Il est également utilisé dans les bombes de nettoyage destinées par exemple aux claviers des ordinateurs. Il n’existe actuellement pas de produits de substitution pour de tels usages. C’est vrai. Interdire la vente aux particuliers constituerait donc un obstacle à la liberté de circulation des biens, et l’adoption de l’amendement fragiliserait la proposition de loi au regard du droit européen et de la libre circulation des marchandises. Il est préférable de réfléchir à la classification de ce produit au niveau européen, des travaux étant déjà en cours, à l’initiative de la France.
Pour ce qui est de l’amendement no 30, je suis d’accord sur la nécessité d’agir sur les quantités vendues. C’est un moyen efficace de lutter contre les méfaits du mésusage du protoxyde d’azote, que le Danemark a récemment mis en application : on ne peut désormais y vendre à des particuliers plus de deux cartouches à la fois, pour un total supérieur à 17 grammes. Je souhaite que nous progressions sur cette question et nous avons donc adopté, en commission, à mon initiative, de nouvelles dispositions à cet effet : l’alinéa 8 du texte précise ainsi qu’une quantité maximale de chaque produit de consommation courante pouvant être détourné à des fins psychoactives, autorisée pour la vente aux particuliers, peut être fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de l’économie. L’amendement est donc déjà satisfait. La commission est même allée plus loin, en incluant d’autres produits, comme l’hélium.
J’en profite pour interroger M. le secrétaire d’État sur le délai dans lequel cet arrêté pourrait être pris une fois la loi promulguée.
Le sous-amendement no 33 et l’amendement no 7 sont relatifs à la quantité de protoxyde d’azote autorisée. Je ne peux donc qu’y être défavorable, puisque l’alinéa 8 restreint déjà la quantité de produit pouvant être vendue. Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous sommes au cœur de la difficulté à réglementer l’usage et la vente de ce type de produits, qui ne sont pas illicites en tant que tels. S’il faut un dispositif complet et cohérent, qui s’attaque non seulement à la consommation des mineurs, mais aussi à l’incitation, évoquée dans l’amendement de M. Bernalicis, il faut aussi avoir une approche proportionnée des choses. Madame Liso, interdire toute vente aux particuliers reviendrait à restreindre l’usage que des millions de Français font de ce produit, avec les siphons à crème Chantilly. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement no 28 rectifié, à moins que celui-ci ne soit retiré.
Concernant la limitation des volumes, je partage totalement l’avis de la rapporteure. La commission a instauré une quantité maximale, en confiant aux ministres le soin d’en fixer le niveau par décret. Je vous suggère de conserver un peu de souplesse et de ne pas fixer une telle limite dans le présent texte ; vos différentes propositions varient d’ailleurs déjà de 0,8 à 2 kilogrammes. La situation peut changer et amener les pouvoirs publics à évoluer. Les amendements nos 30 et 7 ainsi que le sous-amendement no 33 sont donc satisfaits. Demande de retrait ou avis défavorable.
Pour répondre à votre question, madame la rapporteure, le Gouvernement s’engage à prendre le décret le plus rapidement possible. Une fois la loi adoptée et soumise aux autorités européennes, une concertation avec les industriels concernés sera nécessaire, pour déterminer avec précision le niveau de la quantité maximale autorisée. Le Gouvernement s’engage à se montrer volontariste et actif sur cette question, pour aboutir le plus rapidement possible. La parole est à Mme Brigitte Kuster. Permettez-moi de revenir sur l’ensemble de l’article 2. Je regrette que vous refusiez les amendements qui viennent d’être défendus, en particulier celui de mon collègue Alain Ramadier. Le protoxyde d’azote est vendu librement dans de nombreux commerces, pour des applications en cuisine ou dans divers aérosols. Il est devenu un véritable enjeu de santé publique et d’ordre public.
Il est possible d’en acheter jusqu’à 600 cartouches sur internet, pour 200 euros, et dans certains bars, on remplit un ballon de baudruche pour 3 à 5 euros. Pourtant, la consommation du protoxyde d’azote peut entraîner des maux de tête, des vertiges et, plus grave encore, des problèmes neurologiques. Pire, en Grande-Bretagne, en 2016, sa consommation a provoqué seize décès. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES – a ainsi alerté, l’an dernier, sur les dangers de ce produit euphorisant.
Ce sont les jeunes, enivrés par leurs sensations et par le sentiment de ne pas courir de risques, qui sont les plus exposés. Pour faire face aux usages détournés du protoxyde d’azote, l’Angleterre et le Pays de Galles en ont interdit la vente aux mineurs. En France, malgré l’absence de dispositions législatives, plusieurs maires en ont fait de même, dès l’été dernier, interdisant également la consommation dans l’espace public. La police municipale, les services sociaux, les services de voirie et de déplacement en témoignent : les conséquences sont réelles. Outre les risques sanitaires, les déchets représentent un problème écologique, des cartouches de gaz et des ballons se retrouvant dans les caniveaux. À l’heure du débat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l’environnement, une telle question ne peut rester ignorée.
Pour ces multiples raisons, les maires de Nîmes, Mulhouse, Évreux, Cannes, Carcassonne et de nombreuses autres communes ont pris leurs responsabilités en encadrant strictement le commerce de ce gaz hilarant. En tant qu’élue de Paris, j’avais alerté la mairie de Paris pour l’inviter à se doter d’un arsenal réglementaire afin d’endiguer l’usage détourné du produit par certains jeunes. Je ne peux que regretter que l’exécutif parisien se soit alors défaussé de ses responsabilités en renvoyant à l’État l’initiative d’interdire la vente de ce produit aux mineurs et d’encadrer sa consommation dans l’espace public.
Je me réjouis que nous examinions ce texte et félicite nos collègues qui en ont eu l’initiative. L’article 2 offrira en effet un cadre juridique et une base légale à l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote aux mineurs. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Le protoxyde d’azote sert effectivement à faire de la chantilly, mais pas uniquement : on peut réaliser beaucoup d’autres recettes dans un siphon, par exemple des espumas. Ceux qui s’y intéressent le savent, mais je constate que ce n’est pas le cas de tout le monde dans cet hémicycle.
Je signale en outre un usage du protoxyde d’azote dont nous n’avons pas encore parlé : mélangé à de l’oxygène et à quelques autres ingrédients, ce gaz est utilisé dans les ambulances et dans les services d’urgence, pour une anesthésie de premier niveau. Si l’on y a recours dans les ambulances – à faible dose et à un moment bien précis –, c’est que son utilisation n’emporte pas de manière immédiate de conséquences irréversibles. Ce sont les usages répétés que nous pointons : quand des jeunes prennent vingt, quarante, voire cinquante douilles dans des ballons de baudruche, ils s’exposent à des lésions définitives. En outre, quand on l’utilise n’importe comment, c’est-à-dire sans ballon de baudruche, le gaz sortant à une température très basse peut causer des séquelles importantes. Le froid crée des brûlures dans la bouche. Il peut même entraîner le décès.
Il me semble disproportionné d’interdire la vente du produit aux majeurs. On passerait de l’autre côté de la répression, puisqu’on frapperait non ceux qui vendent ou provoquent la consommation, mais ceux qui utilisent ce gaz ou le consomment. Or, dans notre pays, on constate l’inefficacité d’une politique de lutte contre les stupéfiants, dont le caractère principal est de s’attaquer aux usagers. Ne reproduisons pas les mêmes travers le jour où nous légiférons sur l’effet détourné d’un produit qui n’est pas un stupéfiant, et dont l’utilisation est tout à fait légale. Ce n’est manifestement pas la piste à suivre.
En revanche, limiter la vente, sachant que les conditionnements qu’on achète en supermarché ou en hypermarché comprennent au plus une trentaine de douilles, voire huit pour les plus petits paquets, ne demanderait pas un effort considérable.
Quoi qu’il en soit, je le répète : sur le fond, au-delà de ce que prévoit la réglementation européenne, s’attaquer aux consommateurs sous un angle répressif n’est pas la voie à suivre. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo. Mon sous-amendement à l’amendement d’appel de Mme Liso était lui aussi d’appel. Je vais donc le retirer. Je pense moi aussi qu’il ne faut pas interdire la vente de ces produits aux particuliers.
Par ce sous-amendement, j’appelais également l’attention sur la difficulté qu’il y aurait à fixer la quantité maximale de protoxyde d’azote autorisée pour la vente aux particuliers. Je conviens que le mieux est de le faire par décret. (Le sous-amendement no 33 est retiré.) La parole est à Mme la rapporteure. Monsieur Bernalicis, la proposition de loi tend à défendre – et non à réprimer – les consommateurs, particulièrement les jeunes. En ce qui concerne l’usage médical, je rappelle que le MEOPA – mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote – figure sur la liste I, qui regroupe des médicaments stupéfiants devant être rangés dans des armoires ou des locaux fermant à clé. On ne peut donc pas s’en procurer aussi facilement que du protoxyde d’azote, dont on trouve des cartouches dans les supermarchés. (Les amendements nos 28 rectifié, 30 et 7, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 8 de Mme la rapporteure, qui est rédactionnel, est défendu. (L’amendement no 8, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de quatre amendements, nos 21, 1, 23 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 21. La rédaction adoptée en commission interdit la vente de protoxyde d’azote aux majeurs comme aux mineurs dans les débits de boissons, les bars ou les boîtes de nuit, en vue d’un usage récréatif. Je vous propose d’aller plus loin, en étendant cette interdiction aux débits de tabac et aux points de vente de carburant, où, selon certains témoignages, on peut en acheter, bien que ce ne soit évidemment pas pour en faire un usage culinaire : un produit destiné à faire de la crème Chantilly n’a pas sa place dans ces lieux très ciblés, dans une vitrine, entre un briquet et un jeu de cartes. Je signale que certains bureaux de tabac vendent même des crackers …
Il y a quelques mois, les Danois ont interdit la vente de protoxyde d’azote dans les tabacs. Je souhaite que nous les imitions. Nous n’avons pas été alertés sur sa vente dans les stations-service, mais la sécurité routière a signalé que de nombreux accidents seraient dus à l’inhalation de ce gaz par des conducteurs. Il n’est pas possible de le prouver puisqu’on ne peut pas en rechercher la présence dans le sang, comme on le fait pour l’alcool ou le cannabis. Mais, si l’on veut encadrer la loi, il vaut mieux prévenir que guérir. C’est pourquoi je propose d’interdire la vente de protoxyde d’azote dans les débits de tabac et les stations-service. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1. Je commence par remercier Mme la rapporteure pour sa proposition de loi visant à lutter contre un véritable fléau qui frappe nos villes comme nos campagnes. Mon amendement va dans le même sens que le sien, même si sa rédaction diffère légèrement. Je propose de reprendre, pour le protoxyde d’azote, les dispositions qui s’appliquent à l’alcool, aux termes de l’article L. 3322-9 du code de la santé publique.
Madame la rapporteure, si aucune information n’est remontée jusqu’à vous, les forces de police m’ont indiqué que, dans les stations-service, qui, dans de nombreux quartiers, sont souvent les seuls commerces ouverts la nuit, le commerce de petits flacons de protoxyde d’azote est florissant. Les services de nettoyage de la ville le constatent régulièrement le matin, quand ils trouvent à leur proximité des récipients dispersés sur le sol.
J’insiste donc sur l’importance de prévoir, dans notre dispositif, l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote entre dix-huit heures et huit heures, y compris aux personnes majeures, dans les points de vente de carburant. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 23. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement no 22. Nous vous écoutons. Ces deux amendements sont de repli. L’amendement no 23 vise à interdire la vente de protoxyde d’azote dans les points de vente de carburant et l’amendement no 22, dans les débits de tabac. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les quatre amendements tendent au même but, les amendements nos 23 et 22 étant effectivement de repli.
L’amendement no 21 est celui dont la rédaction est la plus large. Si le Gouvernement a lui aussi pour objectif de protéger les jeunes consommateurs, le dispositif prévu par la proposition de loi, telle qu’amendée par la commission, semble apporter une réponse équilibrée. Il permet en effet, d’une part, de sanctionner les personnes qui exploitent l’usage détourné du protoxyde d’azote en le mettant à disposition dans les bars, discothèques, soirées étudiantes ou en le vendant en gros volume, associé à la vente de crackers , et, d’autre part, d’empêcher que le produit ne soit vendu ou offert à des personnes mineures. Tel est le socle de la proposition de loi, qui nous semble offrir un cadre protecteur, compte tenu des enjeux de santé publique.
Cependant, il ressort des informations qui remontent jusqu’à nous – et qui confirment les vôtres –, que, dans certains territoires, le protoxyde d’azote est vendu dans des bureaux de tabac, ce qui, comme vous le soulignez, est contre-intuitif : on peut supposer que la vente n’est alors effectuée qu’en vue d’un usage détourné du produit. Nous nous rejoignons sur ce point. C’est pourquoi, sur l’amendement no 22, qui tend à interdire la vente dans les débits de tabac, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Reste que nous ne partageons pas encore vos craintes concernant la vente dans les stations-service, sur laquelle nous n’avons pas rassemblé assez d’éléments objectifs. Je vous propose que nous continuions à travailler ensemble sur le sujet, avec le ministère de l’intérieur – Mme Ménard a fait allusion aux forces de police – afin d’apprécier plus finement la réalité. Pour l’heure, il semble prématuré de prendre de telles dispositions.
En résumé, je demande le retrait des amendements nos 21, 1 et 23 – faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable – et m’en remets à la sagesse de l’assemblée sur l’amendement no 22. Nous avons induit que la rapporteure émet un avis défavorable à l’amendement no 1.
La parole est à M. Frédéric Reiss. Je soutiens ces amendements. M. le secrétaire d’État indique qu’il ne partage « pas encore » les craintes de la rapporteure concernant la vente dans les stations-service. Tout est dans ce « pas encore » ! Aujourd’hui, les jeunes utilisent ce gaz hilarant lorsqu’ils sont ensemble, souvent en bande : ils passent par un débit de tabac ou une station-service avant de se réunir, car ils ne trouveraient aucun intérêt à en consommer seuls. C’est donc dans ces lieux qu’il faut agir.
Comme de nombreux collègues, j’avais posé au Gouvernement des questions écrites sur le sujet. M. le secrétaire d’État en a probablement reçu beaucoup, car ce problème est véritablement un fléau non seulement en ville mais, je puis vous l’assurer, à la campagne et dans les petites villes, où il pose également des problèmes liés à la préservation de l’environnement et au respect de la salubrité publique. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Je trouve dommage qu’on s’arrête au milieu de gué : en admettant que l’amendement no 22 soit voté, on interdira la vente du protoxyde d’azote dans les bureaux de tabac, mais non dans les stations-service. Or que montrent les retours de terrain ? Que, dans certains quartiers où l’on ne trouve pas d’épicerie de nuit, les seuls points de vente de protoxyde d’azote accessibles sont les stations-service.
Si sa vente dans des bureaux de tabac vous semble étrange, elle ne l’est pas moins dans les points de vente de carburant et, pour faire état encore une fois de retours du terrain, c’est bien à leur proximité qu’on retrouve, le matin, des capsules vides. C’est là, M. Reiss vient de le rappeler, que certains jeunes se rassemblent la nuit.
L’amendement no 1, que j’ai défendu, vise à calquer, pour les appliquer au protoxyde d’azote, les dispositions relatives à la vente d’alcool, de nuit, dans les stations-service. Cela me semble logique. En outre, on évitera d’ajouter à la loi des formulations ou des obligations différentes. La parole est à M. Christophe Naegelen. Je soutiens l’amendement de Mme Ménard, car je ne vois aucune raison de traiter différemment, sur ce sujet, les stations-service et les bureaux de tabac. Dans bien des endroits, il s’agit des seuls commerces ouverts la nuit où l’on peut acheter, outre l’alcool, les produits dont la proposition de loi interdira la vente aux mineurs. Dès lors, pourquoi ne pas les inclure dans le dispositif ?
Il est simplement dommage de voter cette loi, qui va dans le bon sens, et de s’arrêter sans aller jusqu’au bout. Ainsi, dans quelques mois, on sera obligé de légiférer à nouveau parce qu’on se sera rendu compte qu’on aurait dû voter cet amendement, qui est de bon sens et cohérent avec ce qui a été dit. La parole est à M. le secrétaire d’État. En réponse aux différentes interventions, notamment à la dernière : ce ne sont pas deux visions mais deux réalités différentes. Pour l’instant, on constate dans les territoires qu’il y a beaucoup plus de ventes de capsules dans les bureaux de tabac que dans les stations-service. Certes, il y a plus de ventes, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y en a pas ailleurs ! (Murmures d’approbation sur les bancs du groupe UDI-I.) Nous parlons d’interdire la vente d’un produit licite. La difficulté est donc de trouver un équilibre dans la proposition de loi. Je vous propose simplement d’aller au-delà de ce que vous avez constaté les uns et les autres, et d’objectiver davantage vos observations, afin de comprendre la réalité de la situation et de prendre les décisions adéquates, comme vous avez pu le faire pour les débits de tabac – je vous rejoins sur ce point.
Par ailleurs, s’il ne faut pas faire de discriminations, pourquoi n’interdisons-nous pas la vente des capsules dans les supérettes ou dans les supermarchés la nuit, de la même façon ? Vous expliquez que dans votre territoire, seules les stations-service sont ouvertes la nuit. Or dans les autres territoires, ce sont les supérettes. (Mme Emmanuelle Ménard proteste.)
Je le répète, le texte dont vous avez débattu et que vous avez adopté en commission a trouvé le bon équilibre. Ainsi, je vous propose d’avancer ensemble sur les débits de tabac, car cela correspond à une réalité constatée dans les territoires, objectivée, qui a fait l’objet de nombreux articles de presse. Pour ce qui est des stations-service, nous devons avancer davantage en amont, afin d’affiner notre perception de la réalité avant de prendre une mesure d’interdiction de vente d’un produit licite. Voilà la position du Gouvernement. La parole est à Mme la rapporteure, puis nous passerons au vote. Si j’en suis venue à déposer l’amendement n° 21, c’est parce que la proposition de loi vise à faire de la prévention. Nous devons encadrer la vente aux consommateurs. On sait qu’il y a des accidents de la route et l’on retrouve des cartouches de protoxyde d’azote sur les périphériques ; on sait donc que les cartouches de protoxyde d’azote sont consommées au volant. Bien entendu, il n’est pas encore prouvé que ces cartouches sont vendues dans les stations-service – je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins si, dès maintenant, nous encadrons ensemble la vente afin de l’interdire dans les stations-service, au moins ferons-nous effectivement de la prévention.
Ainsi, je vous propose de voter plutôt l’amendement no 21 qui interdit la vente de cartouches de protoxyde d’azote dans les stations-service toute la journée, et non uniquement le soir. (Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 21, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.) (Les amendements nos 1 et 23, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) (L’amendement no 22 est adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 29 rectifié et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 29 rectifié. Il vise à interdire l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique, en le punissant d’une amende de 200 euros, comme pour la consommation de cannabis.
Je rejoins ainsi la plupart des maires de ma circonscription. Je rappelle que ce phénomène est apparu dans le département du Nord et que nombre de maires ont déjà pris des arrêtés en interdisant la vente. Pour toutes les raisons déjà mentionnées, mais aussi en raison du nombre de bonbonnes que l’on retrouve le lendemain dans les rues, je demande l’interdiction de l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique. La parole est à Mme Bénédicte Pételle, pour soutenir l’amendement no 18. Il tend à inscrire dans la proposition de loi l’interdiction de l’utilisation détournée du protoxyde d’azote sur la voie publique. Comme l’a souligné ma collègue Brigitte Liso, il s’agit d’une mesure de santé publique visant à mieux contrôler et à sanctionner la consommation de ce gaz hilarant, dont les effets neurologiques et neuromusculaires peuvent s’avérer particulièrement graves. L’ANSES a recensé, entre 2017 et 2019, soixante-six intoxications à ce gaz, principalement chez des jeunes âgés entre 20 et 25 ans.
Plusieurs élus confrontés à ce phénomène dans leur commune ont d’ores et déjà pris des arrêtés municipaux interdisant l’utilisation de ces petites cartouches métalliques. C’est vrai que, lorsque l’on retrouve, les lendemains de fête, toutes ces cartouches dans la rue, on envoie un très mauvais message à nos jeunes et à nos enfants. Quel est l’avis de la commission ? Madame Liso, en tant que députée du Nord, vous connaissez bien le problème. Madame Pételle, je sais que vous êtes également très attachée à cette proposition de loi. Je comprends vos amendements. D’ailleurs, les maires nous avaient interpellés à ce sujet, puisque des arrêtés municipaux interdisent l’usage détourné du protoxyde d’azote sur la voie publique.
Le problème, c’est que l’usage détourné du protoxyde d’azote reste très difficile à caractériser. Il s’agit encore d’un produit licite, en vente dans tous les supermarchés ; toute la difficulté est là. La proposition de loi repose sur deux piliers : encadrer l’offre, par exemple en interdisant la vente aux mineurs, également dans les bars ; faire de la prévention, par exemple en imposant un pictogramme ou en menant des campagnes de sensibilisation. Néanmoins, elle ne vise pas à sanctionner le consommateur, ce qui serait, dans tous les cas, inopérant, étant donné que la vente du produit est légale.
Une telle disposition n’existe d’ailleurs pas pour d’autres produits licites comparables. Ainsi, on a le droit de boire de l’alcool sur la voie publique, seule l’ivresse manifeste y est interdite.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. La parole est à Mme Brigitte Liso. J’entends bien, madame la rapporteure, que c’est un produit licite. En revanche, je ne considère pas que son usage sur la voie publique le soit ; il ne peut s’agir que d’un usage détourné. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement et que je voulais y inclure une sanction. Il faut vraiment imprimer dans les consciences des plus jeunes que ce qu’ils font est hors la loi. (Les amendements nos 29 rectifié et 18, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 12 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 12, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 2. Il prévoit de sanctionner la récidive de vente ou d’offre à titre gratuit de protoxyde d’azote à un mineur. En effet, les ravages de ce produit sur la santé sont tout aussi graves que ceux de l’alcool et il est donc normal de punir plus sévèrement la récidive.
L’alinéa 12 dispose : « La violation des interdictions prévues au présent article est punie de 3 750 euros d’amende ». Je propose de compléter cet alinéa par la phrase suivante : « La récidive est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ». La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 27. Il tend à instaurer une amende de 200 000 euros en cas de récidive de vente ou d’offre à titre gratuit de protoxyde d’azote à un mineur. Il vise également à permettre au tribunal de prononcer deux peines complémentaires : interdiction de vente de protoxyde d’azote pour le commerce concerné pour une durée d’un à cinq ans, et confiscation de la marchandise. À l’instar de la peine sanctionnant un buraliste qui récidiverait dans la vente de tabac à un mineur, il convient d’alourdir les peines applicables au vendeur. Quel est l’avis de la commission ? Madame Ménard, vous souhaitez que la récidive dans ce domaine soit punie d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Or je rappelle que ce produit n’est pas classé dans la catégorie des stupéfiants puisqu’il peut s’acheter dans tout supermarché de manière tout à fait légale. La proposition de loi vise à encadrer l’offre, en interdisant la vente aux mineurs, et à faire de la prévention auprès des consommateurs, en créant notamment un pictogramme spécifique. Ainsi, je ne souhaite pas que nous introduisions des peines de prison dans le texte ; je choisis la prévention plutôt que la répression.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable.
Madame Liso, vous souhaitez que la récidive dans ce domaine soit punie de 200 000 euros d’amende et d’une interdiction de vente. Cette peine pourrait être assortie d’une interdiction de vente de protoxyde d’azote pour le commerce concerné pour une durée d’un à cinq ans et de la confiscation des marchandises ayant fait l’objet de l’infraction. Je le redis : ce produit n’est pas classé comme stupéfiant et s’achète facilement dans un supermarché de manière légale. Eu égard à cette situation spécifique, l’amende proposée semble très lourde. Quant à l’interdiction de vente, elle serait vraiment très difficile à contrôler.
Avis défavorable également. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Ménard, l’article 132-10 du code de procédure pénale prévoit qu’en cas de récidive, les peines encourues sont doublées. Dès lors, il n’est nul besoin de prévoir de telles dispositions. Par ailleurs, prévoir une peine d’emprisonnement en cas de récidive, alors même que ce type de peine ne serait pas prévu pour les primo-délinquants, semble pour le moins excessif.
Madame Liso, je vous fais la même remarque : le code de procédure pénale contient déjà des dispositions permettant de durcir les peines encourues en cas de récidive. Quant au passage de 3 750 euros d’amende, lorsque les faits sont commis pour la première fois, à 200 000 euros en cas de récidive, il représente un rapport de 1 à 50, qui est sans précédent dans la législation pénale et qui nous semble un peu excessif.
Avis défavorable sur ces deux amendements. La parole est à Mme Brigitte Liso. Pour l’amende de 200 000 euros, je me suis inspirée de l’article L. 3515-3 du code de la santé publique, relatif à la lutte contre le tabagisme et le dopage, qui prévoit exactement ce montant en cas de récidive. Bien sûr, plutôt que d’être mentionnée dans la loi, la sanction peut être laissée à la discrétion des ministères concernés. Considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que le code de procédure pénale prévoit déjà des peines plus importantes en cas de récidive et qu’il est donc est inutile de le préciser dans le texte. Or, pour répondre également aux propos de Mme la rapporteure, si notre ambition est d’envoyer un message clair de prévention pour éviter la fourniture, de quelque manière que ce soit, de protoxyde d’azote aux mineurs pour un usage détourné qu’il est impossible d’ignorer, j’estime qu’il convient d’écrire explicitement dans la proposition de loi que les personnes qui y dérogeraient encourraient, en cas de récidive, une peine plus importante.
Nous venons de voter l’interdiction de la vente de ce produit dans les débits de tabac. Par conséquent, si demain un buraliste en vendait de manière répétée à des mineurs, il ne me semblerait pas disproportionné que cette personne puisse être emprisonnée, compte tenu de l’importance du délit et du dommage que le protoxyde d’azote cause sur les mineurs et les enfants. (Les amendements nos 2 et 27, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 6. La limitation de l’accessibilité et de la vente de protoxyde d’azote aux jeunes personnes, même majeures, est l’objectif de cette proposition de loi. C’est pourquoi le groupe Les Républicains propose d’interdire la vente de ce produit après vingt heures. Quel est l’avis de la commission ? Lors de son examen en commission, je me suis longuement interrogée sur cet amendement, qui vise à interdire la vente de protoxyde d’azote après vingt heures. L’idée est intéressante,… Ah ! …mais une telle interdiction serait difficile à contrôler. Par exemple, il faudrait bloquer la vente de ce produit dans les supermarchés, alors que la loi ne le prévoit pas pour la vente d’alcool.
En revanche, les maires peuvent décider de ce type d’interdictions par le biais d’arrêtés municipaux, ce qui me paraît plus pertinent et plus adapté pour appliquer des contrôles en raison de la limite géographique de ces actes.
Cela étant, je suis sensible au message que vous souhaitez envoyer. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je lui donnerai un avis de sagesse à titre personnel. Voilà ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est défavorable pour les raisons que j’ai exposées précédemment. (L’amendement no 6 n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 24. J’en ai déjà parlé lors de l’examen des précédents amendements, dans leur usage récréatif, les cartouches de protoxyde d’azote sont très souvent vendues sous le manteau, au cours d’une soirée, et donc sans leur emballage d’origine. Je souhaite donc vivement que le pictogramme de prévention soit également apposé sur la cartouche elle-même. La commission a rejeté le présent amendement, mais en tant que rapporteure il me semblait indispensable de le présenter à nouveau et de le défendre à titre personnel. Quel est l’avis du Gouvernement ? Prévoir une double obligation s’agissant du pictogramme de prévention nous semble quelque peu excessif : le faire apparaître sur le conditionnement assure déjà qu’il sera visible de tous. Notons d’ailleurs que dans le cas des bonbonnes de protoxyde d’azote, le contenant peut être assimilé au conditionnement extérieur. J’ajoute que, tel qu’il est actuellement rédigé, le texte prévoit que le produit ne pourra être commercialisé par les metteurs sur le marché sans faire figurer ce pictogramme sur chaque unité de conditionnement. L’acte réglementaire qui sera pris pourra, si nécessaire, fixer des obligations supplémentaires en fonction des types de conditionnement.
En attendant, avis défavorable. (L’amendement no 24 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 26.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 17. Il est rédactionnel. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l’amendement no 26. Il est identique, mais je souhaite profiter de cette occasion pour remercier ma collègue Valérie Six et la sénatrice Valérie Létard pour cette excellente proposition de loi, ainsi que le groupe UDI et indépendants pour son inscription à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés avait soulevé ce thème il y a plus d’un an (Approbation sur les bancs du groupe UDI-I) et soutient donc pleinement ce texte, que nous serons heureux de voter.
Nous remercions le Gouvernement et saluons votre travail, madame la rapporteure, qui a permis d’aboutir à un texte équilibré aussi bien sur les questions de prévention que d’encadrement de la publicité. Et nous approuvons bien sûr l’interdiction des usages détournés de ce produit aux mineurs.
Le texte était très attendu, et ce bien au-delà du département du Nord. Pour avoir étudié la question, je puis vous assurer que ce fléau sévit malheureusement à l’échelle nationale. Les parlementaires dans leur ensemble sont désormais concernés et je pense que nous allons accomplir une très bonne chose ce matin en votant la proposition de loi. À cet égard, j’espère que nous pourrons aller plus loin dans les dispositions qu’elle contient, s’agissant notamment des jeunes majeurs. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez travaillé sur cette question et vous pouvez compter sur notre soutien.
Je le répète, notre groupe est absolument favorable à ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LaREM et UDI-I.) Bien parlé ! (Les amendements identiques nos 17 et 26, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 4. Il s’adresse en particulier à M. le secrétaire d’État, étant donné que nous n’avons pas souvent eu la chance d’entendre le Gouvernement sur le protoxyde d’azote. Les rares fois où l’exécutif a pris la parole sur ce sujet lors des semaines de contrôle, il s’est d’ailleurs montré plutôt dubitatif sur l’opportunité de voter un texte comme celui que nous examinons. Non ! Si, monsieur le secrétaire d’État. Vous lirez les comptes rendus publiés dans le Journal officiel . J’ai été estomaqué d’entendre dire qu’il ne s’agissait pas d’un véritable problème et que des actions de prévention pouvaient suffire.
Le présent amendement porte d’ailleurs sur ce point, étant donné qu’il concerne la MILDECA – mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Jusqu’à présent, mais vous me direz que c’est déjà bien, celle-ci s’est contentée de fournir des informations sur la dangerosité du protoxyde d’azote sur son site internet. Or de nombreuses communes du Nord ont cherché à obtenir son appui, ainsi que celui du département, qui est également compétent dans ce domaine, démunies qu’elles étaient pour mener des campagnes concrètes de prévention et de sensibilisation, avec des affiches ou des flyers à distribuer.
Il nous paraît important de renforcer le suivi de la consommation de ce produit, car nous constatons qu’elle prend de l’ampleur et se répand à une vitesse extraordinaire.
J’ajoute que si l’on dit souvent que tout est parti du Nord, ce n’est pas vrai : les premiers mésusages du protoxyde d’azote remontent à une dizaine d’années, voire plus encore, en Angleterre. Nous n’étions donc pas les premiers concernés et, pour boucler la boucle des arguments que j’ai présentés tout à l’heure, à l’époque ce sont des bonbonnes à usage médical qui étaient détournées.
Il s’agit donc d’un amendement d’appel… Ça existe encore ! …ou d’interpellation du secrétaire d’État. Je le vois aujourd’hui convaincu du bien-fondé du texte : tant mieux ! Je souhaiterais désormais qu’il soit convaincu de l’importance des moyens qu’il convient de donner à la MILDECA pour lui permettre de mener une action concrète sur l’ensemble du territoire national. Quel est l’avis de la commission ? Nous avons déjà eu ce débat en commission. Selon moi, votre amendement est satisfait. La MILDECA travaille déjà à la sensibilisation aux dangers relatifs aux mésusages du protoxyde d’azote. L’été dernier, elle a organisé une campagne de distribution de flyers et publié, sur son site internet, des informations destinées aux jeunes. Elle a même commencé un travail de fond, en coopération avec les élus locaux et les préfectures. Dans le Nord, elle est en contact depuis un an avec la ville dont vous êtes originaire ou encore celle de Roubaix.
Quoi qu’il en soit, c’est plutôt l’OFDT – Observatoire français des drogues et des toxicomanies – qui suit l’évolution de la consommation de protoxyde d’azote. À compter de la prochaine édition de son enquête conduite auprès des jeunes de 17 ans, nous pourrons mesurer l’ampleur des usages détournés de cette substance. Je m’en félicite et vous pouvez compter sur moi pour m’assurer que ce travail sera mené à bien. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Chassez le naturel, il revient au galop ! C’est probablement parce que j’ai salué le fait que La France insoumise soit, pour une fois, d’accord avec un texte défendu par l’ensemble des groupes politiques et le Gouvernement ; cela a dû vous vexer. Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement a appuyé l’idée et collaboré avec les sénateurs – j’ai cité Valérie Létard. C’est moi qui l’ai représenté au banc lors de l’examen du texte au Sénat. J’ai travaillé avec les sénateurs et nous sommes ravis de l’avancée majeure que constitue ce texte que vous vous apprêtez à voter à votre tour.
Pour en venir au fond de l’amendement, je vous rappelle, monsieur le député, mais vous le savez probablement, que les missions de la MILDECA sont fixées par décret. La disposition que vous proposez ne saurait donc être ajoutée au texte.
De plus, comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, la MILDECA travaille déjà sur le protoxyde d’azote. Je ne détaillerai pas l’ensemble de ses missions ou de ses outils de suivi de la consommation, d’observation et de vigilance, mais son action a permis de publier, en juillet 2020, des chiffres actualisés faisant état d’une hausse préoccupante des intoxications au protoxyde d’azote au cours de la période 2017-2019. Ces chiffres seront prochainement mis à jour pour l’année 2020.
Pour être parfaitement complet, sachez aussi que l’OFDT, opérateur se trouvant sous la tutelle de la MILDECA, a prévu d’affiner la mesure des mésusages du protoxyde d’azote chez les jeunes dans ses prochaines enquêtes.
Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Tant mieux, monsieur le secrétaire d’État, que nous soyons parvenus à un accord, mais, en l’occurrence, c’est vous qui avez changé d’avis et pas moi. Je m’adresse ici au Gouvernement dans son ensemble étant donné que c’était l’une de vos collègues qui était au banc lorsque j’ai fait inscrire la question du protoxyde d’azote à l’ordre du jour d’une semaine de contrôle. J’avais alors affirmé qu’il importait de légiférer sur la question. Il aura donc fallu l’habileté des sénateurs – j’étais moi-même en contact avec Valérie Létard –, qui ont réussi à élaborer leur propre texte et à le voter à l’unanimité.
Je le répète, tant mieux si vous avez désormais conscience qu’il s’agit d’un enjeu majeur et national – et non spécifique au Nord – et qu’il convient de donner à la MILDECA les moyens suffisants pour agir concrètement, au service des communes. Ce n’est que l’année dernière, par exemple, que l’ARS – Agence régionale de santé – des Hauts-de-France a obtenu une subvention extraordinaire et urgente de 200 000 euros pour réaliser des campagnes de sensibilisation, alors que, dans le département du Nord, la question du protoxyde d’azote avait été soulevée bien avant que je ne le fasse dès 2017.
Je suis donc très content que nous en arrivions là aujourd’hui et je tenais à vous le dire directement puisque, jusqu’à preuve du contraire, c’est vous qui êtes membre du Gouvernement. (L’amendement no 4 n’est pas adopté.) L’amendement no 14 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 25 et 31.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 25. Il vise à préciser la rédaction des alinéas 23 et 24. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 31. Il vise effectivement à préciser le périmètre des missions des agents qui travaillent sur le terrain, gardes champêtres ou policiers municipaux, de sorte qu’ils agissent davantage pour la prévention des délits que nous instaurons dans ce texte que pour leur répression. (Les amendements identiques nos 25 et 31, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.) L’amendement no 11 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 2, amendé, est adopté.) Sur la proposition de loi, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Bénédicte Pételle, pour soutenir l’amendement no 19.
Il vise à compléter l’article L. 312-18 du code de l’éducation afin de mieux informer les élèves de la dangerosité de certaines substances nocives. En effet, cet article prévoit que les élèves des collèges et lycées reçoivent au moins une fois par an une information sur les conséquences de la drogue. Depuis plusieurs années, les gaz hilarants, en vente libre dans les grandes surfaces et sur internet, causent d’importants dégâts sanitaires, incluant des comas ou des arrêts cardio-respiratoires. Prévenir des dangers de la consommation de ces substances lors de séquences d’information organisées dans les établissements scolaires permettrait de mieux protéger les jeunes.
L’amendement tend également à charger la MILDECA d’établir au moins une fois par an la liste de ces substances nocives. Quel est l’avis de la commission ? Le terme de substances nocives proposé par votre amendement n’est pas approprié. En effet, le monoxyde de carbone ou le bisphénol sont aussi des substances nocives, or l’idée, ici, est bien de faire de la prévention dans les collèges et les lycées autour des différentes drogues et autres produits psychoactifs.
Par ailleurs, votre amendement est pleinement satisfait sur le fond puisque l’article 2 ter de cette proposition de loi, introduit par le Sénat et précisé par le groupe LaREM en commission, la semaine dernière, étend à toutes les conduites addictives, et non plus seulement aux drogues, le champ des modules de prévention dispensés dans l’enseignement secondaire. En outre, la MILDECA a pour mission de suivre les différentes substances nocives et d’alerter en cas de développement d’un nouveau mode d’utilisation ou de consommation, ce qu’elle a fait à plusieurs reprises au sujet du protoxyde d’azote.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’amendement est satisfait. C’est une demande de retrait. La parole est à Mme Sandrine Mörch. En matière de prévention, la vraie difficulté concerne le trafic par le biais des réseaux sociaux, notamment Snapchat et Instagram, où les vendeurs s’appuient sur des influenceurs, auxquels, en échange de publicité, ils proposent des cartouches de protoxyde d’azote gratuites. Ces influenceurs, qui sont d’ailleurs souvent des influenceuses, peuvent ainsi consommer jusqu’à cinquante ou soixante cartouches dans la même soirée.
Comme pour le cannabis, les réseaux sociaux abritent des réseaux de distribution organisés avec livraison sur les lieux de soirée par les « dealers », car il s’agit presque de cela, même si la législation actuelle fait qu’ils ne courent aucun risque. En matière de prévention, toute la question est donc de savoir comment toucher les jeunes à travers les influenceurs et les canaux qu’ils utilisent. (L’amendement no 19 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Michèle Peyron, pour soutenir l’amendement no 32. Il est retiré. (L’amendement no 32 est retiré.) (L’article 2 ter est adopté.)
L’amendement tend également à charger la MILDECA d’établir au moins une fois par an la liste de ces substances nocives. Quel est l’avis de la commission ? Le terme de substances nocives proposé par votre amendement n’est pas approprié. En effet, le monoxyde de carbone ou le bisphénol sont aussi des substances nocives, or l’idée, ici, est bien de faire de la prévention dans les collèges et les lycées autour des différentes drogues et autres produits psychoactifs.
Par ailleurs, votre amendement est pleinement satisfait sur le fond puisque l’article 2 ter de cette proposition de loi, introduit par le Sénat et précisé par le groupe LaREM en commission, la semaine dernière, étend à toutes les conduites addictives, et non plus seulement aux drogues, le champ des modules de prévention dispensés dans l’enseignement secondaire. En outre, la MILDECA a pour mission de suivre les différentes substances nocives et d’alerter en cas de développement d’un nouveau mode d’utilisation ou de consommation, ce qu’elle a fait à plusieurs reprises au sujet du protoxyde d’azote.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’amendement est satisfait. C’est une demande de retrait. La parole est à Mme Sandrine Mörch. En matière de prévention, la vraie difficulté concerne le trafic par le biais des réseaux sociaux, notamment Snapchat et Instagram, où les vendeurs s’appuient sur des influenceurs, auxquels, en échange de publicité, ils proposent des cartouches de protoxyde d’azote gratuites. Ces influenceurs, qui sont d’ailleurs souvent des influenceuses, peuvent ainsi consommer jusqu’à cinquante ou soixante cartouches dans la même soirée.
Comme pour le cannabis, les réseaux sociaux abritent des réseaux de distribution organisés avec livraison sur les lieux de soirée par les « dealers », car il s’agit presque de cela, même si la législation actuelle fait qu’ils ne courent aucun risque. En matière de prévention, toute la question est donc de savoir comment toucher les jeunes à travers les influenceurs et les canaux qu’ils utilisent. (L’amendement no 19 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Michèle Peyron, pour soutenir l’amendement no 32. Il est retiré. (L’amendement no 32 est retiré.) (L’article 2 ter est adopté.)
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 20.
Il a pour vocation de préciser l’application de cette loi dans les collectivités d’outre-mer.
(L’amendement no 20, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence l’article 3 est ainsi rédigé.)
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 5.
Il s’agit d’une demande de rapport au Gouvernement, que je vais m’efforcer de justifier. Lors de la première séance du 26 mars 2019, la secrétaire d’État Christelle Dubos, assise au banc des ministres, nous avait expliqué qu’en matière de protoxyde d’azote, la prévention était suffisante et qu’il n’y avait pas lieu d’aller plus loin. Je me réjouis donc du fait que nous soyons ici ce matin pour en reparler.
Il aime bien avoir raison !
Cela étant, les belles lois que nous votons ont parfois tendance à se perdre dans les méandres de l’administration. Certes, l’Assemblée peut lancer des missions d’évaluation, mais un rapport est au moins aussi efficace, puisqu’il oblige le Gouvernement à saisir ses directeurs d’administration centrale, qui à leur tour saisiront les sous-directions et les bureaux concernés, ce qui les obligera, pour compléter le rapport, à s’assurer de l’effectivité des mesures votées par l’Assemblée nationale.
En d’autres termes, ce que nous vous proposons, c’est un accompagnement à la conduite du changement. Quel est l’avis de la commission ? Je vous ai déjà dit en commission que nous devions nous emparer de nos pouvoirs de contrôle, et que je souhaitais vivement que nous suivions l’application de cette loi grâce à une mission d’évaluation, dans laquelle je suis prête à m’engager avec enthousiasme et à laquelle je vous ai d’ailleurs convié à participer. N’oublions pas néanmoins que l’OFDT et l’ANSES assurent déjà un certain nombre de suivis, qui donnent lieu à des rapports nourris, et publics.
À la lumière de ces éléments, je vous propose de retirer votre amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. Le Parlement dispose déjà d’outils de contrôle, dont je ne doute pas que vous les activerez. Par ailleurs, comme l’a noté Mme la rapporteure, les études régulièrement produites et rendues publiques par l’OFDT devraient également permettre d’évaluer l’impact de la loi. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’entends vos réponses, mais, au-delà de nos demandes ou d’une éventuelle mission d’évaluation parlementaire, je compte vraiment sur le ministère pour effectuer le suivi concret des mesures. Il est en effet assez pénible de lancer une mission d’évaluation pour constater que la loi qu’on a votée est mal appliquée, et il serait tellement plus rapide que le Gouvernement s’en assure directement… Je vais donc, par tradition dirons-nous (Sourires sur les bancs des commissions) , maintenir cet amendement. Ils sont très conservateurs, en fait, à La France insoumise… (L’amendement no 5 n’est pas adopté.) (L’article 4 est adopté.)
En d’autres termes, ce que nous vous proposons, c’est un accompagnement à la conduite du changement. Quel est l’avis de la commission ? Je vous ai déjà dit en commission que nous devions nous emparer de nos pouvoirs de contrôle, et que je souhaitais vivement que nous suivions l’application de cette loi grâce à une mission d’évaluation, dans laquelle je suis prête à m’engager avec enthousiasme et à laquelle je vous ai d’ailleurs convié à participer. N’oublions pas néanmoins que l’OFDT et l’ANSES assurent déjà un certain nombre de suivis, qui donnent lieu à des rapports nourris, et publics.
À la lumière de ces éléments, je vous propose de retirer votre amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. Le Parlement dispose déjà d’outils de contrôle, dont je ne doute pas que vous les activerez. Par ailleurs, comme l’a noté Mme la rapporteure, les études régulièrement produites et rendues publiques par l’OFDT devraient également permettre d’évaluer l’impact de la loi. La parole est à M. Ugo Bernalicis. J’entends vos réponses, mais, au-delà de nos demandes ou d’une éventuelle mission d’évaluation parlementaire, je compte vraiment sur le ministère pour effectuer le suivi concret des mesures. Il est en effet assez pénible de lancer une mission d’évaluation pour constater que la loi qu’on a votée est mal appliquée, et il serait tellement plus rapide que le Gouvernement s’en assure directement… Je vais donc, par tradition dirons-nous (Sourires sur les bancs des commissions) , maintenir cet amendement. Ils sont très conservateurs, en fait, à La France insoumise… (L’amendement no 5 n’est pas adopté.) (L’article 4 est adopté.)
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 16, portant article additionnel après l’article 4.
Il permettrait aux maires de sanctionner administrativement de façon plus lourde l’abandon sur la voie publique de cartouches de gaz de protoxyde d’azote.
Quel est l’avis de la commission ?
Votre amendement entend sanctionner le non-respect d’arrêtés municipaux qui interdiraient l’abandon de cartouches de gaz de protoxyde d’azote, ayant pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine publics. Je suis consciente que ce sont parfois des centaines de cartouches qui jonchent nos rues ou nos caniveaux mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’elles entravent la voie publique. Cette sanction ne me paraît donc pas le vecteur le plus pertinent pour agir.
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement me semble satisfait et la précision que vous proposez, superfétatoire. Demande de retrait. Monsieur Claireaux ? L’amendement ayant été déposé par M. Sébastien Cazenove, je le maintiens. (L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement me semble satisfait et la précision que vous proposez, superfétatoire. Demande de retrait. Monsieur Claireaux ? L’amendement ayant été déposé par M. Sébastien Cazenove, je le maintiens. (L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 15 rectifié.
La présente proposition de loi, adoptée par la commission, ne concerne plus seulement les mineurs puisqu’elle permettra d’interdire la vente de protoxyde d’azote dans les débits de boisson, de limiter les quantités vendues ou d’empêcher la vente du produit assorti d’accessoires dédiés à son inhalation –
crackers
ou ballons. Le titre que nous proposons reflète ce nouvel équilibre. Il s’agit d’une modification qui n’a pas été acceptée en commission, mais j’espère qu’elle recevra aujourd’hui un avis favorable.
Je profite de ce dernier amendement pour remercier la commission des affaires sociales, ainsi que le Gouvernement pour l’important travail de fond que nous avons accompli sur ce texte. Nous avons eu des échanges nourris et transpartisans, qui font honneur au travail parlementaire.
Je souhaite également remercier toutes les personnes entendues lors de nos travaux préparatoires. Leurs contributions ont été décisives pour l’évolution de ce texte.
Mes remerciements vont enfin au Sénat, à l’origine de cette proposition de loi. De nombreux échanges ont notamment eu lieu avec les sénatrices Valérie Létard et Jocelyne Guidez ; ils devraient faciliter la poursuite de la navette parlementaire. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis d’accord de bout en bout avec les propos de la rapporteure. Avis favorable. Très bien ! La parole est à M. Christophe Naegelen. Je profite de cet amendement pour saluer, au-delà du changement de titre, le travail accompli par Valérie Létard au Sénat et par Valérie Six à l’Assemblée.
Cette proposition de loi, qui traite d’un problème de société qui touche tout notre territoire, nous permettra de mettre en place des outils pour mieux protéger les jeunes.
Il faudra, d’ici quelques mois, dresser un premier bilan de l’application de la loi et envisager éventuellement quelques évolutions – je pense notamment aux stations-service. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un texte équilibré, qui fait consensus et qui, surtout, fait honneur au travail parlementaire. Ce sera donc non seulement un plaisir mais un honneur de voter en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) (L’amendement no 15 est adopté.)
Je profite de ce dernier amendement pour remercier la commission des affaires sociales, ainsi que le Gouvernement pour l’important travail de fond que nous avons accompli sur ce texte. Nous avons eu des échanges nourris et transpartisans, qui font honneur au travail parlementaire.
Je souhaite également remercier toutes les personnes entendues lors de nos travaux préparatoires. Leurs contributions ont été décisives pour l’évolution de ce texte.
Mes remerciements vont enfin au Sénat, à l’origine de cette proposition de loi. De nombreux échanges ont notamment eu lieu avec les sénatrices Valérie Létard et Jocelyne Guidez ; ils devraient faciliter la poursuite de la navette parlementaire. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis d’accord de bout en bout avec les propos de la rapporteure. Avis favorable. Très bien ! La parole est à M. Christophe Naegelen. Je profite de cet amendement pour saluer, au-delà du changement de titre, le travail accompli par Valérie Létard au Sénat et par Valérie Six à l’Assemblée.
Cette proposition de loi, qui traite d’un problème de société qui touche tout notre territoire, nous permettra de mettre en place des outils pour mieux protéger les jeunes.
Il faudra, d’ici quelques mois, dresser un premier bilan de l’application de la loi et envisager éventuellement quelques évolutions – je pense notamment aux stations-service. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un texte équilibré, qui fait consensus et qui, surtout, fait honneur au travail parlementaire. Ce sera donc non seulement un plaisir mais un honneur de voter en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) (L’amendement no 15 est adopté.)
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 80
Contre 0 (La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)
(Applaudissements sur tous les bancs.)
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 80
Contre 0 (La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)
(Applaudissements sur tous les bancs.)
L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution relative à l’ajout du nom de l’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, à celui de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie (no 3640).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
J’ai une pensée affectueuse pour notre ministre de la culture, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement. Je salue également la présence, dans les tribunes du public, de l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Louis Giscard d’Estaing.
Le président de la République Valéry Giscard d’Estaing s’est éteint le 2 décembre 2020, soit trente-quatre ans, presque jour pour jour, après l’inauguration du musée d’Orsay.
Le 1er décembre 1986, à l’invitation du président François Mitterrand, il y avait, parmi les invités à cette inauguration, l’homme sans qui ce musée n’aurait pas vu le jour : l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing. « Ce musée vous doit d’exister », lui avait écrit François Mitterrand, dans une lettre manuscrite envoyée quelques semaines auparavant. « Au-delà du protocole et des bons usages, je vous écris pour que vous sachiez mon vif désir de votre présence ce jour-là, au premier rang des personnalités conviées à cette cérémonie. Ce musée vous doit d’exister. »
Le président Valéry Giscard d’Estaing a été un grand homme d’État. Il a conduit des réformes sociétales majeures, qui ont façonné la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Comme a pu le dire le Président de la République, Emmanuel Macron, dans son hommage posthume : « Si notre société s’est modernisée, ouverte, si nos vies sont plus libres, c’est aussi à son courage et à son audace que nous le devons. » Que de réformes majeures ont été menées au cours du septennat de Valéry Giscard d’Estaing ! En 1976, dans son ouvrage Démocratie française , ce président de la République parlait ainsi des profondes mutations de la société française en l’espace de vingt-cinq ans : « Les choses changent si vite que les mots ne parviennent pas à suivre. » Et cela n’était pas près de s’arrêter ! Toutes les transformations qu’il a entreprises par la suite ont fait passer la société française du noir et blanc à la couleur.
Ces changements presque étourdissants ont aussi concerné notre patrimoine, sa préservation et sa valorisation, à travers notamment les musées. Dominique Poulot, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, les décrit comme des « lieux par excellence où se joue le processus de patrimonialisation, au double sens d’une conservation des ressources et d’une jouissance. » Je me rappelle la première fois que j’ai poussé les portes d’un musée, parce que j’en avais envie et non pour suivre une visite organisée par mon école. C’était à la fin des années 1970. Je viens d’un milieu modeste et je croyais que la culture n’était pas pour moi – elle me paraissait élitiste, elle m’impressionnait. Mais Valéry Giscard d’Estaing, homme de profonde culture, fin connaisseur de l’art et de la littérature du XIXe siècle, avait la préoccupation de son partage avec le plus grand nombre, notamment à travers les musées et leur mission de préserver, étudier, communiquer.
Malheureusement, près de quarante ans après la fin de son septennat, le nom de Valéry Giscard d’Estaing n’est presque plus jamais associé à ces réformes et aucun édifice culturel ne porte son nom, alors qu’il y a – et c’est légitime – un musée Georges Pompidou, une bibliothèque François Mitterrand et un musée du Quai Branly - Jacques Chirac. Nous ne pouvons laisser prospérer cette injustice. J’ai donc déposé, avec le groupe UDI et indépendants, et de nombreux députés issus de différents groupes, une proposition de résolution visant à accoler au nom du musée d’Orsay celui de Valéry Giscard d’Estaing, le président à qui le musée d’Orsay doit d’exister, comme l’avait si justement écrit le président Mitterrand.
Cet appel au président Emmanuel Macron et au Gouvernement, en faveur d’une juste reconnaissance, d’un hommage légitime à un ancien président de la République, je vous propose de l’acter officiellement aujourd’hui, au nom de la représentation nationale, en adoptant cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR et Dem.)
En nous prononçant pour que le musée d’Orsay porte aussi le nom du président Giscard d’Estaing, nous saluerons à notre façon l’héritage culturel d’un chef d’État qui a notamment dans son bilan la création du musée Picasso, décidée en 1974, afin d’accueillir et de gérer les œuvres du célèbre peintre venu enrichir, après son décès, les collections de l’État ; le musée national de la Renaissance d’Écouen, inauguré en 1977 après de lourds travaux de restauration – le président de la République Valéry Giscard d’Estaing en avait fait un élément de sa politique culturelle, entendant ainsi satisfaire la demande du public pour la culture et le développement culturel de la France ; l’Institut du monde arabe, dont l’acte de fondation a été signé le 28 février 1980, entre la France et les ambassadeurs de dix-neuf États, tous membres de la Ligue arabe ; le parc de la Villette, dont Valéry Giscard d’Estaing a arrêté les grandes lignes en 1979, avec un musée des sciences et des techniques, un auditorium dédié à la musique et à la danse, et un parc urbain ouvert sur le quartier.
L’un des plus importants succès de la politique culturelle française est certainement, vous le savez, la transformation de la gare d’Orsay en musée. C’est grâce à la décision du président Valéry Giscard d’Estaing qu’est entrepris ce geste patrimonial, architectural et culturel majeur, mêlant la préservation d’un monument historique et sa transformation en musée, ainsi qu’un projet scientifique et culturel d’une particulière modernité. La conception de ce nouveau musée dans une gare classée monument historique, entièrement reconvertie et réhabilitée, aura nécessité de trouver un équilibre entre le respect du patrimoine monumental et les contraintes de la présentation muséographique. Le président Valéry Giscard d’Estaing expliquait en 1980 que « ce musée [allait] modifier l’image que nous nous [faisions] de ce siècle. » Pour la première fois, il ne s’agit pas de concevoir seulement un musée de peinture, mais de présenter aussi les arts décoratifs, la sculpture – si brillante –, l’architecture, la littérature, notamment l’admirable œuvre romanesque, la musique, et d’évoquer ainsi l’évolution de la culture en France au XIXe siècle.
Le président Valéry Giscard d’Estaing s’est particulièrement impliqué dans la naissance de ce musée qu’il avait imaginé plusieurs années auparavant, alors qu’il était ministre de l’économie et des finances, dans son bureau, au Louvre. Il l’a rêvé, il l’a défendu, il l’a voulu beau et accessible à tous les Français. Pour y parvenir, des moyens administratifs et financiers importants ont été mobilisés, des solutions nouvelles ont été adoptées et la réalisation du musée du XIXe siècle a été inscrite dans la loi de programme sur les musées, votée par le Parlement au mois de mai 1978. Cette loi a individualisé les crédits affectés à l’opération d’Orsay et a garanti l’échelonnement des crédits nécessaires durant les années 1979 à 1983. L’enveloppe financière importante, de plus de 360 millions de francs, était nécessaire, au vu de la taille des surfaces à aménager – 55 000 mètres carrés –, de la complexité technique de l’ouvrage, et de la nécessaire qualité de la présentation de ce qui devait être l’un des plus beaux musées du monde. Depuis son ouverture, en 1986, le musée d’Orsay ne cesse d’attirer des visiteurs et d’étendre sa notoriété à travers le monde. En 2019, il a réalisé un record de fréquentation – plus de 4 millions d’entrées – alors que beaucoup de ses concurrents enregistraient une baisse du nombre de visiteurs.
Vous me permettrez, monsieur le ministre délégué, à ce moment de mon intervention, d’avoir une pensée particulière pour tous les musées de France et pour l’ensemble des acteurs du monde culturel, aujourd’hui en grande souffrance. Eh oui ! N’oublions pas que la culture est essentielle au lien social et à l’épanouissement harmonieux d’une société. C’est vrai ! Trente-quatre ans après l’inauguration du musée, que reste-t-il dans la mémoire populaire de l’histoire de la renaissance du bâtiment de l’ancienne gare d’Orsay ? Combien de visiteurs savent que sans la volonté et l’acharnement d’un chef d’État profondément imprégné de culture, ce musée qui fait rayonner la France à l’étranger n’aurait jamais vu le jour ?
Le 3 décembre dernier, le président Emmanuel Macron nous a appelés à continuer de faire vivre cette flamme de la culture, du patrimoine et de la création, au moment où se tourne, avec la mort du président Giscard d’Estaing, une page de l’histoire de notre pays. Oui, mes chers collègues, nous sommes tous dépositaires du patrimoine et chargés de sa transmission, et cette proposition de résolution nous donne l’occasion de poursuivre l’œuvre engagée par le président Valéry Giscard d’Estaing. Elle est la juste reconnaissance de notre assemblée pour son engagement en faveur de la création du musée d’Orsay et plus largement de la pérennisation du patrimoine et de son appropriation par le public.
Le patrimoine nous permet de construire le quotidien de nos identités multiples, de nous connaître et d’avancer ensemble avec des valeurs communes qui fondent notre démocratie. Comme d’autres présidents de la République, Valéry Giscard d’Estaing a laissé une trace dans l’histoire de notre patrimoine et fait jaillir de la démocratie française ce rayon de lumière nécessaire pour éclairer le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM, LR, Dem, SOC et Agir ens.) La parole est à M. Bertrand Pancher. Évoquer la mémoire et l’héritage de Valéry Giscard d’Estaing a pour moi une saveur particulière. J’avais 16 ans en 1974 et sa figure, qui incarnait la modernité et faisait souffler un vent de liberté, dépoussiérant une classe politique compassée, a contribué à mon engagement très précoce à l’Union pour la démocratie française, l’UDF. Je sais, pour en avoir souvent parlé avec lui, que mon collègue Yannick Favennec-Bécot et moi partageons cette filiation. Pour des raisons qui tiennent aux événements, à leur enchaînement, à la crise économique des années 1970, à certaines défaites, la place que l’histoire réserve au troisième président de la Ve République n’est pas à la hauteur de ce que nous lui devons. Tout à fait ! Pourtant, les réformes qu’il a menées ont laissé un legs riche, souvent méconnu – les orateurs qui se succéderont à cette tribune le diront aussi. Pour ma part, je veux insister sur l’esprit d’ouverture et de modernité qu’il a insufflé. Lors de son unique mandat, d’indéniables avancées sociales et sociétales ont été accomplies ; il a ouvert la voie à des combats qu’il reste aujourd’hui encore à achever.
Comment ne pas songer à l’Europe, qui fut certainement le combat de sa vie ? Dès son entrée en politique, il a soutenu la construction de l’Union européenne et jusqu’à la fin de ses jours, il milita pour une Europe unie, forte, fédérale. Sa complicité avec le chancelier allemand Helmut Schmidt a permis de faire perdurer le couple franco-allemand comme moteur de l’intégration européenne et d’impulser notamment le système monétaire européen, ancêtre de l’euro. L’action de Valéry Giscard d’Estaing a surtout permis de renforcer les institutions communautaires, avec la création du Conseil européen et l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
Un autre de ses engagements forts aura été celui en faveur des droits des femmes. Dès son arrivée à l’Élysée, il nomme cinq femmes au Gouvernement, dont Simone Veil, qu’il a toujours soutenue dans ses combats. Il a également créé un secrétariat d’État à la condition féminine, confié à Françoise Giroud. Son septennat a vu l’accomplissement de plusieurs réformes majeures : le divorce par consentement mutuel, le remboursement de la pilule par la sécurité sociale, ou encore la reconnaissance de la nature criminelle du viol, en 1980. Célébrons également sa confiance dans la jeunesse, et son engagement en faveur de celle-ci. Nous lui devons l’abaissement de la majorité à 18 ans – certains le rappelleront. Il a également été le premier président à se mobiliser pour l’emploi des jeunes, que la dégradation de l’économie française sous l’effet du premier choc pétrolier avait touchés en premier. Comment ne pas établir un parallèle avec la situation que la jeunesse traverse aujourd’hui ?
Enfin, un autre de ses combats, moins connu, est celui des territoires. On pense évidemment à l’Auvergne, à Chamalières, son fief où lui a succédé son fils, mon ami Louis, que je salue aujourd’hui. Grand spécialiste des finances, c’est par cet angle qu’il a ouvert la voie aux futures lois de décentralisation. Nous lui devons la dotation globale de fonctionnement, qui permet de garantir les ressources des collectivités, ainsi que le comité des finances locales et le principe d’autonomie fiscale et financière des collectivités, si mis à mal. S’il n’a pu aller au bout de son plan de développement des responsabilités locales, il a posé des jalons qui seront suivis par d’autres. Valéry Giscard d’Estaing, c’était la France des territoires.
Enfin, pour revenir à l’objet de cette proposition de résolution, il faut nous pencher sur la place accordée aux arts et à la culture pendant le septennat et plus généralement dans la vie de Valéry Giscard d’Estaing. Homme de lettres et de culture, il mène une politique de patrimoine qui consiste notamment à réhabiliter plusieurs grands bâtiments : le musée Picasso, le musée national de la Renaissance d’Écouen. Citons également le lancement de la Cité des sciences et de l’industrie à la Villette, un outil pédagogique et une vitrine de la France qui innove. Mais le plus important de ses projets, le plus emblématique, restera sans aucun doute la transformation en musée de l’ancienne gare d’Orsay, gare d’apparat construite pour l’Exposition universelle de 1900. Prouesse architecturale, elle mêle parfaitement son goût pour la modernité et sa volonté de faire découvrir au grand public les productions artistiques du XIXe siècle – peinture, sculpture, mais aussi musique ou littérature. Y associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing serait une juste reconnaissance de la part de la France et des Français, un début de réhabilitation pour un homme d’État qui avait placé la modernité au cœur de son engagement politique et de son mandat présidentiel. Ce sera aussi un ultime clin d’œil à l’histoire, le musée d’Orsay se trouvant à quelques encablures du musée du Quai Branly - Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.) La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel. La proposition de résolution que nous examinons vise à demander au Gouvernement d’ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing au nom du musée d’Orsay. Je remercie le groupe UDI et indépendants de cette belle proposition que nous soutenons.
Ce soutien est largement partagé sur tous les bancs. Cette proposition de résolution témoigne combien la culture est notre bien commun, combien elle nous rassemble, combien ce projet de société transcende les clivages et les époques. Telle était bien l’ambition du président Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il entreprit, en 1977, de transformer la gare d’Orsay en musée. Il ne souhaitait pas seulement créer l’un des plus beaux musées du monde mais sauver un exceptionnel patrimoine architectural.
Construite pour l’Exposition universelle de 1900, cette gare avait vocation à devenir un palace. Le projet de transformer une gare en musée résume parfaitement la créativité, la modernité et l’amour des arts du président Giscard d’Estaing. Celui-ci voulait faire du musée d’Orsay un outil du rayonnement de la France dans le monde. Amoureux de la richesse culturelle du XIXe siècle, il s’est personnellement impliqué pour transmettre cette passion au plus grand nombre.
Le président François Mitterrand, qui inaugura le musée le 1er décembre 1986, eut l’élégance de souligner l’action de Valéry Giscard d’Estaing et la paternité de la réalisation de ce chef-d’œuvre muséal. Ce geste républicain témoigne d’une certaine transcendance et d’une continuité politique en matière culturelle. C’est cela la grandeur de la France ! Exactement ! En décembre 2020, le Conseil de Paris a pris position, dans la diversité de ses sensibilités politiques, pour que le nom de Valéry Giscard d’Estaing soit associé au musée d’Orsay, en accord avec sa famille. Le ministère de la culture a engagé un travail de reconnaissance de son œuvre afin d’imaginer la solution la plus adaptée.
Trois options sont envisagées : ajouter le nom de l’ancien président à celui du musée d’Orsay, baptiser de son nom l’esplanade du musée ou donner son nom à la grande nef du musée. Le groupe Agir ensemble soutient la première option,… Nous aussi ! …à l’instar de ce qui avait été retenu pour le musée du Quai Branly - Jacques Chirac, la grande bibliothèque François-Mitterrand ou le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Absolument ! C’est un hommage profondément républicain que nous devons à un président qui a laissé un bel héritage au cœur de Paris, mais aussi à l’homme de lettres, profondément érudit et grand admirateur de Guy de Maupassant.
Le musée d’Orsay est une réussite unanimement reconnue. Musée très fréquenté, il suscite la satisfaction de ses visiteurs venus du monde entier. En 1900, le peintre Édouard Detaille écrivait : « La gare est superbe et a l’air d’un palais des beaux-arts. » Il ne pensait pas si bien dire. Son fameux tableau Le Rêve est conservé au musée d’Orsay, dans ce qui est devenu un palais qui magnifie toute la diversité de la création artistique de 1848 à 1914.
Je suis particulièrement heureux que nous puissions évoquer Valéry Giscard d’Estaing ce matin. Non pas un homme politique, mais un homme d’État, un visionnaire profondément réformateur et toujours en avance sur son temps sur les questions de société, l’économie et l’Europe. Sa voix manque à la France et à l’Europe. À travers cette proposition de résolution, nous souhaitons méditer son message. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à M. André Chassaigne. Faut-il rappeler que j’ai une certaine légitimité à intervenir sur cette proposition de résolution ? D’abord pour avoir siégé à partir de 1982 avec Valéry Giscard d’Estaing au conseil général du Puy-de-Dôme,… Ah ! …dont j’étais alors le benjamin et lui un inattendu et atypique revenant après l’élection présidentielle ; ensuite pour avoir dirigé un groupe dont l’opposition à sa présidence du conseil régional d’Auvergne était sans concession. Faut-il également rappeler que le fossé politique et social qui nous séparait ainsi que nos joutes oratoires n’ont jamais fait obstacle au respect voire à la considération que nous avions l’un pour l’autre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et SOC.)
Mais ce n’est pas sur le fondement de ces cheminements arvernes partagés à résonances grégaires que je soutiens cette proposition de résolution visant à ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Le communiste que je suis est, à l’image de son parti, très attaché à la sauvegarde du patrimoine industriel dont la gare d’Orsay est une si belle expression dans le domaine ferroviaire. Cet édifice monumental associe une superbe verrière à structure métallique à un parement de pierres richement orné et offre le témoignage d’une voie ferrée pénétrant au cœur de Paris. Au-delà de son architecture, ce monument est une respiration de la mémoire de la classe ouvrière du XIXe siècle, un souffle de ces ouvriers qui ont tant donné de leur chair à la révolution industrielle et tant souffert de l’injustice sociale.
Certes, me direz-vous, le président Giscard d’Estaing, pas plus que son successeur n’avait le monopole du cœur, n’avait celui de la culture patrimoniale et encore moins celui de la culture ouvrière. Mais, reconnaissons-le, sans sa volonté, ce bâtiment allait subir le sort des anciennes halles de Paris pour laisser la place à une construction contemporaine comme Beaubourg. Comment ne pas citer Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire, c’est dépasser son droit » ?
Faut-il rappeler aussi, mais sans doute est-ce anecdotique, que la succession du camarade Picasso, dont le génie artistique avait connu quelques plus-values, a pu se régler grâce à une mesure initiée par le secrétaire d’État aux finances Giscard d’Estaing qui a ouvert la voie à ce que des droits de succession puissent être payés par des œuvres d’art ? La dation Picasso est ainsi à l’origine de la belle réalisation du musée national Picasso ; je n’irai pas jusqu’à proposer que le musée Picasso prenne aussi le nom d’un président qui a toujours assumé son parti pris libéral et que j’ai toujours combattu avec, faute de pinceaux, deux outils du patrimoine ouvrier : la faucille d’une main et le marteau de l’autre. (Sourires sur de nombreux bancs.) Pour reprendre Pierre Corneille, « le temps est un grand maître, il règle bien des choses ».
Je terminerai mon intervention en donnant lecture du courrier manuscrit envoyé par François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing le 21 novembre 1986 : « Monsieur le président, le 1er décembre aura lieu comme vous le savez l’inauguration du musée d’Orsay. Au-delà des invitations qui découlent du protocole et des bons usages, je vous écris pour que vous sachiez mon vif désir de votre présence ce jour-là au premier rang des personnalités conviées à cette cérémonie. Ce musée vous doit d’exister, j’en parachève l’entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l’État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. Je me permets d’espérer votre accord et j’y serais fort sensible. » Tout est dit.
Ce courrier offre une confirmation de ce que, dans notre République, ce sont toujours les rois qui font les arts : du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou au musée du Quai Branly - Jacques Chirac, en passant par la grande bibliothèque François-Mitterrand et bientôt, comme je le souhaite, le musée d’Orsay - Valéry Giscard d’Estaing. Oui, je le souhaite, chers collègues et cher Louis, mais tout en restant de l’autre côté de la barricade ! (Sourires et applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à M. Pascal Bois. C’est dans la soirée du 2 décembre dernier que nous avons appris la disparition de Valéry Giscard d’Estaing, notre ancien président de la République. Après la surprise et la tristesse, toujours ressenties en pareille circonstance, vient tout naturellement le moment de la reconnaissance et des hommages. Toute polémique est alors vaine, l’essentiel se concentrant sur l’œuvre d’un homme, son héritage politique et la gratitude éprouvée par le peuple. Nous lui devons bien des avancées sociétales, devenues depuis de véritables totems du progrès : l’abaissement de la majorité à 18 ans, qui a déjà été évoquée, la légalisation de l’avortement et le divorce par consentement mutuel, pour ne citer qu’eux. Il fut également un président audacieux, à l’origine d’initiatives fortes pour la construction européenne ou à l’échelle internationale. Il aura impulsé de grands projets culturels. À travers cette résolution, dont je salue l’auteur, notre collègue député élu en Mayenne, Yannick Favennec-Bécot, la représentation nationale se donne l’occasion de lui rendre hommage et de montrer sa reconnaissance.
Hommage en associant son nom à celui du musée d’Orsay dont il est à l’origine et reconnaissance pour l’héritage culturel de son septennat. En effet, l’engagement fort du président Giscard d’Estaing pour la culture s’est traduit par une politique active de restauration patrimoniale, de rayonnement et de diffusion de la culture, et de création de nouveaux musées consacrés à des périodes stylistiques dont les collections étaient éparpillées. Nous lui devons le musée national de la Renaissance, situé dans le magnifique château d’Écouen dans le Val-d’Oise, entièrement restauré pour accueillir ce musée. Nous lui devons la création de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, qui a métamorphosé ce quartier populaire parisien. Nous lui devons le musée Picasso, qui accueille la collection nationale des œuvres du célèbre peintre dans un hôtel particulier rénové du Marais. Nous lui devons la genèse de l’Institut du monde arabe. Nous lui devons enfin le magnifique musée d’Orsay, créé dans un monument à conserver et dédié aux arts du XIXe siècle.
En alliant la valorisation du patrimoine à la création artistique, l’opération Orsay allait concrétiser le chantier complexe de la renaissance de la mythique gare d’Orsay et de la naissance d’un musée dont la renommée actuelle n’est plus à démontrer. Cette gare au décor typique de la Belle époque, achevée pour l’Exposition universelle de 1900, fut très vite obsolète. Abandonnée dans l’entre-deux-guerres, elle sombra dans l’oubli avant d’être retrouvée dans les années 1970 dans un état dégradé alors qu’elle servait d’entrepôt ou de parking. Sous sa verrière d’un volume gigantesque, un chapiteau s’y dressa un temps pour les spectacles de la compagnie de théâtre Renaud-Barrault. Le président Giscard d’Estaing la sauva : alors qu’il cherchait un lieu à même d’accueillir les collections dispersées du XIXe siècle, il trouva un emplacement idéal au cœur du Paris monumental. Transformer cette gare en musée devint le nouvel acte audacieux du président. Après un chantier colossal, le nouveau musée fut inauguré par son successeur en 1986.
Dédié à toute la diversité esthétique du XIXe siècle – peinture, sculpture, arts décoratifs, photographie, monuments réalistes, peintres impressionnistes, art nouveau –, le musée possède et expose des chefs-d’œuvre, véritables icônes de l’art. Nous sommes tous capables de reconnaître ou de nous émouvoir devant La Pie de Claude Monet, Les Raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte, La Nuit étoilée de Vincent van Gogh ou L’Ours blanc de François Pompon. Le public ne s’y est pas trompé et la fréquentation n’a cessé de croître pour atteindre un record en 2019, dernière année avant la crise sanitaire, avec près de 5 millions de visiteurs.
Le président Giscard d’Estaing a décidé de créer ce musée, a choisi son emplacement et a élaboré sa conception. Il a veillé au chantier et a fait l’éloge de ce que devait être un beau musée, à savoir un endroit où règne l’harmonie entre le bâtiment et les œuvres exposées. Ce résultat est unanimement salué. « La reconnaissance est le sentiment d’un bienfait », disait Vauvenargues. Assurément, l’adoption de cette proposition de résolution que le groupe La République en marche appelle de ses vœux honorera la mémoire du président de la République et restituera le sentiment collectif d’un bienfait en faisant en sorte que le musée d’Orsay devienne le musée Valéry Giscard d’Estaing.
Permettez-moi enfin d’avoir une pensée émue pour mon cousin René Monory, ancien président du Sénat, qui fut son ministre pendant cinq années. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Constance Le Grip. C’est avec une certaine émotion que je m’exprime devant vous, à la faveur de l’examen de la proposition de résolution du groupe UDI-I relative à l’ajout du nom du président Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Une certaine émotion – pardonnez-moi cette digression personnelle –, parce que le président Giscard d’Estaing fut celui pour lequel je m’engageai en politique, à la toute fin des années 1970. J’ai eu l’honneur et la chance de le rencontrer, d’appartenir à la famille politique qu’il présida et qu’il inspira longtemps. Sa vision, ses idées, ses projets pour la France et pour l’Europe, ses leçons d’histoire, constituent toujours pour moi un legs inestimable. Je salue la présence de Louis Giscard d’Estaing dans les tribunes réservées au public.
Parmi les passions qui animèrent Valéry Giscard d’Estaing, il n’y eut pas seulement la politique, la volonté de réformer la société française et d’œuvrer pour la construction européenne, de faire de la France une puissance moderne ; il y eut aussi, et peut-être même surtout, la culture, l’art, la littérature et le patrimoine. Valéry Giscard d’Estaing a su très tôt, très jeune, que la France était grande ; grande par le rayonnement de sa culture, de son patrimoine, de ses créations artistiques. Ministre des finances du général de Gaulle, il œuvra fort efficacement, avec le ministre de la culture André Malraux, à la conception et à l’application du dispositif fiscal permettant le paiement des droits de succession sur les grandes collections d’œuvres d’art par dation d’œuvres. C’est ainsi que vit le jour la dation Picasso, après la mort de l’artiste, que put rester en France la collection Picasso et que naquit le musée Picasso à Paris, en l’hôtel Salé.
D’autres fortes réalisations culturelles portent la marque du président Valéry Giscard d’Estaing : le musée de la Renaissance à Écouen, l’acte de fondation du futur Institut du monde arabe, la réhabilitation du quartier parisien de la Villette, avec le parc et la Cité des sciences et de l’industrie. Mais c’est avec le projet du musée d’Orsay que s’épanouit vraiment sa passion pour l’art et le patrimoine, à travers la vision et l’amour qu’il avait du XIXe siècle, le siècle où, selon ses propres termes, en Europe et dans le monde entier, le rayonnement et l’influence de la France furent prépondérants.
Pour le président Valéry Giscard d’Estaing, le XIXe siècle est pour la France une période de l’histoire de l’art et de la civilisation d’une richesse exceptionnelle. Homme de grande culture, le successeur du général de Gaulle et du président Pompidou avait compris qu’il fallait au XIXe siècle un musée. Ce sera le musée d’Orsay, qui assurera le lien et la continuité dans la politique d’organisation des musées nationaux, et permettra que s’exprime, dans la prolongation du musée du Louvre et avec le relogement des impressionnistes hébergés au Jeu de paume, toute la richesse et la diversité des courants artistiques qui traversent alors l’Europe et la France, depuis le romantisme jusqu’à l’Art nouveau, en passant par le post-impressionnisme et le symbolisme. Le musée présente tous les arts : la photographie naissante, l’architecture – de celle d’Eugène Viollet-le-Duc à celle de l’ingénieur Gustave Eiffel –, mais aussi les arts graphiques, les arts décoratifs, la sculpture, la musique et la littérature. Le président Giscard d’Estaing avait une vision globale de la culture et de l’harmonie entre les arts ; nul endroit mieux que le musée d’Orsay ne rend hommage à cette vision.
Le président Giscard d’Estaing s’est personnellement et particulièrement impliqué dans la conception et la réalisation du musée d’Orsay ; cela a été excellemment rappelé par notre collègue Yannick Favennec-Bécot, à l’origine de la proposition de résolution que j’ai eu le plaisir de cosigner. Une interview du président Giscard d’Estaing, donnée en février 1980 au magazine Connaissance des arts, décrit fort bien les raisons qui ont conduit le chef de l’État à cette prestigieuse réalisation culturelle, les objectifs poursuivis et la volonté de sauver de la destruction l’ancienne gare d’Orsay pour la transformer en musée, en un geste patrimonial, architectural et culturel majeur, alliant patrimoine, création, transmission et audace. Le président Giscard d’Estaing a porté ce rêve de musée pendant dix ans, depuis le moment où, ministre des finances, il occupait des bureaux rue de Rivoli, dans le palais du Louvre. Il a souvent exprimé le souhait que le musée du XIXe siècle fût un beau musée ; je pense que ce souhait est exaucé. Cela a été dit, la très forte affluence que connaît le musée d’Orsay – enfin, qu’il connaissait avant la pandémie – en atteste.
On connaît le geste de grande élégance du président Mitterrand, qui prit personnellement la plume pour inviter Valéry Giscard d’Estaing à l’inauguration du musée d’Orsay le 1er décembre 1986, évoquant son vif désir de sa présence ce jour. Je ne doute pas qu’à ce geste de grande élégance présidentielle en succéderont d’autres ; je les souhaite. Quoi qu’il en soit, le groupe Les Républicains, dont je suis heureuse de porter les couleurs, approuve avec sincérité et enthousiasme l’ajout du nom du président Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay et votera donc en faveur de la proposition de résolution du groupe UDI-I. Vive le musée d’Orsay - Valéry Giscard d’Estaing ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean-Paul Mattei. C’est aussi avec une certaine émotion que j’interviens à cette tribune. Je voudrais remercier Yannick Favennec-Bécot de son initiative et saluer Louis Giscard d’Estaing dans les tribunes réservées au public.
Le 2 décembre dernier disparaissait le président Valéry Giscard d’Estaing. L’ensemble de la classe politique française lui a rendu hommage et Emmanuel Macron a souligné à quel point son septennat avait transformé la France. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés revendique cet héritage d’une société ouverte, moderne et solidaire. Nous sommes quelques-uns à avoir connu ce président fédérateur, qui avait su conjuguer, dans l’exercice de l’État, modernité et respect de notre héritage culturel et collectif. Je me souviens de la dynamique qu’il avait impulsée, bien avant Emmanuel Macron, celle d’une politique transpartisane transcendant les clivages et s’adressant à toutes les générations.
Je m’étais d’ailleurs personnellement engagé dans son mouvement de jeunesse, Génération sociale et libérale, avec notre regrettée Marielle de Sarnez – qui pourrait être à ma place en ce jour. Nous avions notre carte de militant sur laquelle était inscrite la devise « l’élan de la jeunesse est l’élan de tout le pays », à laquelle je suis toujours attaché. Que ces moments étaient intenses ! Valéry Giscard d’Estaing incarnait la modernité, l’audace, l’ouverture au monde ; il a fait avancer notre pays dans le XXIe siècle, qu’il voulait européen. Si je suis parmi vous aujourd’hui, c’est grâce à lui ; il a su me convaincre de l’importance d’œuvrer pour le bien commun. Nous connaissons bien, dans cet hémicycle, son apport au droit : l’abaissement de la majorité à 18 ans, la légalisation de l’IVG menée par Simone Veil, l’introduction du divorce par consentement mutuel, la création de l’APL – aide personnalisée au logement –, sans oublier le collège unique, permettant un plus large accès au baccalauréat, ou encore l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires.
Mais il est un domaine de l’action de Valéry Giscard d’Estaing qui est peut-être un peu plus méconnu : son apport à la culture, qu’il s’agisse du musée Picasso, de l’Institut du monde arabe, du musée de la Renaissance d’Écouen ou encore du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Tous ces hauts lieux de culture ne seraient pas sans son impulsion. En novembre 1980, le président Giscard, de son regard visionnaire, voyait déjà dans ce qui n’était encore que la gare d’Orsay désaffectée, glacée par les courants d’air – bien que cela soit contraire à sa prétention auvergnate de résister à toutes les formes de glaciation, comme il le rappelait avec humour –, ce qui deviendra l’un des plus hauts lieux culturels du monde, abritant certains des plus grands chefs-d’œuvre impressionnistes. Sans doute avait-il l’idée, en regroupant en un seul lieu ce patrimoine artistique, paysager, historique et culturel, de mettre en lumière une facette de notre identité et de notre histoire.
À naviguer désormais dans les travées, couloirs et passerelles de ce paquebot des arts, aussi exigeant artistiquement qu’accessible à tous, on ne peut que constater le défi que s’était lancé le président Valéry Giscard d’Estaing. Ce défi consistant à réaliser un écrin à même de reconstituer le décor humain de la création – selon ses propres mots –, tout en restant démocratique, est brillamment relevé. Son ambition de permettre aux visiteurs de toucher la main des artistes disparus pour inscrire les œuvres dans le temps long, face à l’immédiateté de notre temps, a été réalisée. Désormais, il revient à notre temps de savoir rendre hommage à ce grand homme discret ; il nous appartient de témoigner notre reconnaissance collective, au-delà du deuil national que nous avons porté, en accolant son nom à celui du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Adoptons donc cette proposition de résolution, pour laisser perdurer à travers son nom le message d’espoir et de confiance dans l’avenir d’un pays attaché à ses racines, fier de sa culture, qu’il s’était appliqué à traduire tout au long de sa vie politique comme littéraire. (Applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à Mme Valérie Rabault. Avant d’aborder le fond de la proposition de résolution que nous devons au groupe UDI et indépendants, je tenais, au nom des députés du groupe Socialistes et apparentés, à transmettre nos vœux de bon rétablissement à la ministre de la culture Roselyne Bachelot. (Mêmes mouvements.)
J’en viens maintenant à la proposition de résolution qui invite le Gouvernement à ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Nous voterons en faveur de cette résolution pour au moins trois raisons. Très bien ! Comme le rappelle justement la présente proposition de résolution et comme cela a été dit avant moi, sans le volontarisme politique du président Valéry Giscard d’Estaing, l’ancienne gare d’Orsay ne serait jamais devenue le musée – et quel musée ! – dédié à l’art de la seconde moitié du XIXe siècle qu’elle est aujourd’hui. Cette décision remonte à l’automne 1977. Clairement, le président Valéry Giscard d’Estaing a été l’artisan de la transformation et de la renaissance de la gare d’Orsay, avec un esprit qui lui était propre, celui de l’exigence de l’excellence.
Dans un documentaire d’Arte diffusé en 2011, il raconte avec malice comment un dîner à Venise, à l’occasion d’un sommet européen, l’a inspiré pour l’architecture intérieure du musée d’Orsay, avec « le choix d’une personne inconnue en France ». C’est cette prise de risque qui est la marque du président Giscard d’Estaing, comme l’a été pour d’autres la pyramide du Louvre. La réussite d’une création, c’est de créer du nouveau, pas de refaire l’existant ; Valéry Giscard d’Estaing avait pour Orsay cette exigence. La « personne inconnue en France » était une architecte d’intérieur italienne, qui expliqua que son inspiration consistait à donner aux visiteurs l’énergie de visiter le musée. Or cette énergie ne découle que de l’organisation de l’espace. Clairement, Orsay porte la marque du président Valéry Giscard d’Estaing dans les choix retenus : « Je ne voulais pas que ce soit trop pharaonique […], peut-être mettre un peu plus de mouvement, de légèreté dans les volumes ; ce qu’elle a fait ». Au-delà des choix architecturaux, Orsay traduit l’exigence d’excellence qui a été le moteur de Valéry Giscard d’Estaing – je le cite à nouveau : « L’individualisme est un comportement exclusivement négatif, inspiré par la médiocrité et le ressentiment : il ne consiste pas à chercher l’élévation, l’épanouissement, mais à empêcher les autres de s’élever, à étouffer l’épanouissement des autres qui sont ressentis jalousement, comme une concurrence. Une société saine combat nécessairement l’individualisme. Elle cherche l’excellence, et ceci est incompatible avec l’individualisme. »
La deuxième raison qui justifie notre vote favorable, c’est l’idée de l’inscription dans l’histoire. Les grands travaux participent de cette inscription physique dans le temps. Certains pourront les critiquer, au motif qu’ils relèveraient du fait du prince, mais le problème du fait du prince n’est pas les grands travaux, mais plutôt la Ve République. Oui, il est important de marquer son temps, d’abord évidemment avec des politiques publiques – c’est l’ambition première de la politique –, mais aussi en s’inscrivant dans l’espace ; Orsay répond à cette exigence.
Plus encore peut-être que tout autre monument, il échappe à la critique d’être le fait du prince, puisqu’il doit son existence à trois présidents de la République : Georges Pompidou a évité la destruction de la gare avec un premier classement, Valéry Giscard d’Estaing a inventé et créé le musée et François Mitterrand a poursuivi le projet engagé.
Comme l’a évoqué M. Chassaigne, François Mitterrand avait adressé à Valéry Giscard d’Estaing une invitation très personnelle à l’inauguration : « Ce musée vous doit d’exister, j’en parachève l’entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l’État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. » Le président Mitterrand parlait de « continuité esthétique ».
Oui, donner son nom à un monument, c’est inscrire une incarnation. Le président Pompidou a donné son nom au Centre national d’art et de culture – on sait qu’il a permis l’éclosion de l’art contemporain en France ; le président Mitterrand a donné son nom à la Bibliothèque nationale – on sait qu’il aimait les livres ; le président Chirac a donné son nom au musée des Arts et Civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques – nous avons découvert le jardin secret que constituaient pour lui les arts premiers.
Il est grand temps de donner au musée d’Orsay le nom du président Valéry Giscard d’Estaing, dont on se remémore les dissertations sur le XIXe siècle. Ce n’est donc pas l’esplanade devant le musée ou sa grande nef qui doivent être rebaptisées pour porter son nom, mais le musée lui-même. Très bien ! Troisième raison pour justifier ce vote positif : la famille de l’ancien président, que je salue, s’est exprimée publiquement pour soutenir cette initiative. Cette approbation était un préalable. Donner au musée d’Orsay le nom de Valéry Giscard d’Estaing est une initiative bienvenue, que mon groupe soutient, en particulier ma collègue Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, Dem et GDR.) La parole est à M. Michel Larive. Nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution visant à ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée national d’Orsay. Cette démarche se justifie notamment par l’engagement de l’ancien président de la République, pendant son septennat, en faveur de la transformation de la gare d’Orsay en musée. En effet, c’est à son initiative que ce majestueux bâtiment de la fin du XIXe siècle fut préservé de la destruction et offert à la culture, contribuant ainsi à mettre en valeur l’art occidental contemporain.
La tradition d’attribuer à des lieux et institutions publics le nom d’un ancien président est ancrée depuis de nombreuses décennies. Nous n’y avons pas d’opposition majeure, d’autant que la dénomination « musée d’Orsay » demeurera.
Toutefois, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour nuancer le discours qui tend à présenter M. Giscard d’Estaing comme un protecteur des arts. Sous son septennat, la part du budget de la culture dans les dépenses de l’État a rétrogradé de 0,64 % en 1974 à 0,47 % en 1981. Comme la majorité actuelle, il a considéré la culture comme une variable d’ajustement du budget national et des budgets des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Le printemps culturel du début du septennat, incarné par Michel Guy, connut quelques avancées notables, mais ne fut qu’une brève respiration avant la mise aux oubliettes de la culture. Oh, non ! Dès 1976, la culture, rétrogradée au rang de secrétariat d’État, a été diluée dans le marché libéral et la communication. Le citoyen n’est plus usager de la culture, mais consommateur de produits culturels, influencé par l’ American way of life .
Ce rappel étant fait, je dirais un mot de votre bilan dans le domaine de la culture et de l’état de la culture en France. Puisqu’on parle de musées, j’alerte en premier lieu sur la situation désespérante des guides conférenciers, qui subissent de plein fouet la crise sanitaire. Entre l’effondrement du nombre de visiteurs, l’emploi du temps incertain et la fermeture des lieux culturels, beaucoup basculent et sombrent dans la précarité, voire envisagent d’abandonner leur métier, qu’ils exercent souvent par vocation et par passion. La détresse financière est surtout le fait des guides indépendants, moins protégés que les salariés des musées. Certains d’entre eux s’interrogent sur la pertinence de notre débat et du temps que nous lui consacrons eu égard à la détresse dans laquelle se trouvent nombre de professionnels du secteur.
Vous n’êtes pas sans savoir que le secteur culturel traverse l’une des plus grandes crises de son histoire. Ce matin, presque soixante-quinze théâtres sont occupés pour diverses raisons, notamment la lutte contre toutes les précarités, la revendication d’une seconde année blanche pour tous les intermittents, l’abandon de la réforme délétère de l’assurance chômage et la réouverture des lieux culturels, comme à Berlin ou à Barcelone. Face à cette mobilisation d’ampleur, il est insupportable d’entendre la ministre de la culture qualifier d’inutiles et dangereux ces mouvements de lutte, qui ne visent qu’à mettre en lumière un quotidien désespérant.
La culture n’est pas un secteur économique comme un autre ; il s’agit aussi d’une nourriture intellectuelle, d’un support de lien social et d’épanouissement entre les êtres humains. Encore et toujours, j’insiste sur l’urgence de déconfiner la culture. La fermeture des lieux culturels, l’empêchement de pratiquer son art, l’impossibilité de vivre un film, un spectacle ou un concert ne sauraient tenir lieu de perspectives de réenchantement pour une société toujours en proie à une crise sanitaire majeure.
À plusieurs reprises, lors des séances de questions, j’ai alerté le Gouvernement. Les interventions de Mme Bachelot n’ont pas été à la hauteur, puisqu’elles ne répondaient à aucune des revendications légitimes des occupantes et des occupants des théâtres français. C’est la raison pour laquelle je profite de ce temps de parole pour porter la voix des artistes et professionnels des arts et de la culture, et d’une certaine façon du public, dont nous faisons tous partie.
Le groupe La France insoumise ne s’opposera pas à cette proposition de résolution,… Ah, merci ! …mais nous aurions préféré voter des solutions en faveur des artistes-auteurs, des intermittents, des diffuseurs et bien sûr des guides conférenciers. À la place, nous renommons un musée pour qu’il porte le nom d’un ancien chef d’État – je laisse aux professionnels de la culture et aux citoyennes et aux citoyens de ce pays le soin de juger votre sens des priorités. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La discussion générale est close.
Sur la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (« Très bien ! sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Excellent ministre ! Permettez-moi de saluer Louis Giscard d’Estaing, qui a siégé sur ces bancs, et à travers lui toute la famille du président Giscard d’Estaing.
Je vous prie de bien vouloir excuser la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui, pour les raisons que vous savez. Comme Mme Rabault et d’autres avant moi, je lui adresse tous mes vœux de prompt rétablissement – je crois que nous les partageons. Soyez assuré qu’elle est attentive est impliquée dans l’avancement de ce dossier.
Je remercie le groupe UDI et indépendants, son président, et l’auteur de cette proposition de résolution, Yannick Favennec-Bécot, de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de leur journée réservée. Elle trouve chez moi un écho particulier, politique, pour les raisons que vous pouvez imaginer, qui ont déjà été soulignées par Jean-Paul Mattei et bien d’autres, tant il y a ici d’héritiers de Valéry Giscard d’Estaing.
Ajouter le nom de l’ancien président de la République à celui du musée d’Orsay est de l’ordre du symbole. N’oublions pas qu’en grec ancien, le mot « symbole » signifie « ce qui rassemble ». Or face à la crise et à ses conséquences, rien n’est plus important que ce qui rassemble et fédère. L’histoire et les grands hommes, le patrimoine et les musées, la culture et l’action publique sont des ciments précieux pour faire front ensemble. Ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay, c’est rendre hommage à un président qui n’a cessé de réformer pour préparer l’avenir.
Au-delà des réformes sociales majeures que vous connaissez tous et qui ont transformé notre société – certains les ont citées –, son septennat a été scandé par des initiatives importantes dans le domaine de la culture et de l’audiovisuel dont nous sommes, aujourd’hui encore, les héritiers. Je pense d’abord à la suppression de l’ORTF – Office de radiodiffusion-télévision française – en 1974 et à la création de sept sociétés autonomes composant l’audiovisuel public. Cette réforme modernisatrice ne fut pas seulement une refonte, mais bien un moment fondateur pour la libéralisation de l’audiovisuel public ; elle s’est effectuée sans négliger les missions de service public qui sont les siennes, ni la création musicale.
Je pense également à sa volonté constante d’ouvrir les lieux de culture au plus grand nombre. Souvenons-nous que c’est sous son septennat que fut organisée en 1977 la journée portes ouvertes du palais de l’Élysée, qui devait devenir en 1980 les Journées du patrimoine, moments de rassemblement populaire que les Françaises et les Français se sont appropriés au cours des dernières années et que nous continuons de célébrer.
Il faut également citer son implication personnelle dans le projet d’urbanisme culturel pour le quartier de La Villette, avec l’implantation de la Cité des sciences et de l’industrie, vaste espace d’exposition consacré aux sciences et aux techniques, rejoints plus tard par la grande halle de la Cité de la musique. Projet éminemment moderne, la Cité des sciences et de l’industrie n’a pas seulement métamorphosé un quartier de Paris : elle a également permis d’approfondir le dialogue entre recherche scientifique et recherche culturelle.
La volonté de réforme du président Giscard d’Estaing a durablement marqué l’action du ministère de la culture et a conduit à la contractualisation culturelle entre l’État et les collectivités territoriales, avec notamment l’extension du bénéfice de la sécurité sociale aux artistes et auteurs en 1975 et la réforme du classement et de la fiscalité cinématographique.
Ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay, c’est également rendre hommage à un président qui, mû par l’histoire, n’a cessé de préparer la France à l’avenir. De tous les champs culturels, c’est le patrimoine qui a le plus retenu l’attention du président Giscard d’Estaing, personnellement passionné par le sujet et soucieux d’offrir aux Françaises et aux Français des éléments de stabilité dans une période marquée par les conséquences économiques et sociales de la première crise pétrolière. La culture comme force de stabilité et de rassemblement face aux bouleversements du monde : l’analogie avec l’époque que nous vivons est frappante.
Plusieurs projets majeurs trouvent leur origine sous sa présidence : le musée Picasso dans le 4e arrondissement, que Pascal Bois – entre autres – a cité, ainsi que les musées de Cherbourg, de Troyes, de Villeneuve d’Ascq, de Guiry-en-Vexin ou encore d’Orléans – Valéry Giscard d’Estaing, à la fois homme d’État et élu local, savait toute l’importance que revêt la culture pour l’attractivité d’un territoire. Bien évidemment, la décision culturelle la plus marquante de ce président moderne fut de faire de l’ancienne gare d’Orsay un grand musée du XIXe siècle, ou plus exactement de la période 1848-1914, afin que soient rassemblées en un seul lieu des collections éparses et jusqu’alors mal valorisées, comme l’a justement souligné Constance Le Grip.
La décision est prise en octobre 1977 et l’établissement public est créé l’année suivante. C’est également en 1978 que le bâtiment est classé monument historique. Les travaux scientifiques et architecturaux n’aboutissent qu’en 1986, année de l’inauguration du musée d’Orsay par François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing. La réunion des deux présidents constitue un énième témoignage du dépassement des clivages par les arts, comme l’écrivait François Mitterrand dans l’invitation adressée à Valéry Giscard d’Estaing, que vous avez citée. Mme Rabault a évoqué une continuité historique qui est aussi une continuité esthétique : je trouve la formule très juste.
Le projet du musée d’Orsay est l’œuvre d’un visionnaire et votre proposition de résolution invite à lui rendre hommage. Valéry Giscard d’Estaing connaissait peut-être la remarque prophétique du peintre Édouard Detaille, que Pierre-Yves Bournazel a citée ; s’il l’ignorait, il l’a de toute évidence accomplie. Le bâtiment lui-même, que chacun connaît, était une gare désaffectée, dont les trains avaient autrefois conduit – notamment – vers le Loir-et-Cher, autre territoire d’élection de Valéry Giscard d’Estaing et de sa famille, et que je connais bien. Faute d’une longueur de quais suffisante pour accueillir les trains électriques, elle avait à plusieurs reprises été menacée de démolition. Comme M. Chassaigne l’a justement souligné, cela aurait constitué une injustice à notre héritage industriel commun. Privée d’usage et de sa valeur, elle a abrité diverses activités telles qu’un centre de tri postal, des ventes aux enchères ou une compagnie de théâtre. Le musée d’Orsay apporte la preuve définitive que l’audace alliée à la ténacité peuvent inverser le cours des choses : nous le devons à Valéry Giscard d’Estaing.
Après la disparition de l’ancien président de la République, le 2 décembre dernier, de nombreuses réactions ont salué son parcours et la marque qu’il laisse dans notre histoire ; de multiples personnalités élues, dont les cinquante-deux signataires de la proposition de résolution, ont rapidement appelé à lui rendre hommage en associant son nom à celui du musée d’Orsay.
Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a engagé une réflexion en ce sens, en lien avec la famille de Valéry Giscard d’Estaing – son épouse et ses enfants –, ainsi qu’avec l’association regroupant ses amis, représentée par l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Plusieurs options sont à l’étude, comme par exemple changer l’adresse du musée d’Orsay en baptisant l’esplanade « Valéry Giscard d’Estaing » ou, mieux encore, comme vous le suggérez, compléter le nom de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie.
La phase d’instruction des différentes hypothèses est pratiquement achevée. Le Président de la République et la ministre de la culture devraient être en mesure d’annoncer la décision dans les prochaines semaines. Conséquence de l’adoption de cette proposition de résolution, la représentation nationale figurera naturellement parmi les premiers informés.
Valéry Giscard d’Estaing souhaitait rassembler deux Français sur trois. En vous écoutant ce matin, avec le recul historique, je songeais que c’est autour de ce qui est essentiel qu’une nation peut faire cause commune, et je me trouvais heureux de voir que ce matin, sa volonté est réalisée, et même au-delà. Je vous en remercie. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Neuf sur dix !
Le président de la République Valéry Giscard d’Estaing s’est éteint le 2 décembre 2020, soit trente-quatre ans, presque jour pour jour, après l’inauguration du musée d’Orsay.
Le 1er décembre 1986, à l’invitation du président François Mitterrand, il y avait, parmi les invités à cette inauguration, l’homme sans qui ce musée n’aurait pas vu le jour : l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing. « Ce musée vous doit d’exister », lui avait écrit François Mitterrand, dans une lettre manuscrite envoyée quelques semaines auparavant. « Au-delà du protocole et des bons usages, je vous écris pour que vous sachiez mon vif désir de votre présence ce jour-là, au premier rang des personnalités conviées à cette cérémonie. Ce musée vous doit d’exister. »
Le président Valéry Giscard d’Estaing a été un grand homme d’État. Il a conduit des réformes sociétales majeures, qui ont façonné la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Comme a pu le dire le Président de la République, Emmanuel Macron, dans son hommage posthume : « Si notre société s’est modernisée, ouverte, si nos vies sont plus libres, c’est aussi à son courage et à son audace que nous le devons. » Que de réformes majeures ont été menées au cours du septennat de Valéry Giscard d’Estaing ! En 1976, dans son ouvrage Démocratie française , ce président de la République parlait ainsi des profondes mutations de la société française en l’espace de vingt-cinq ans : « Les choses changent si vite que les mots ne parviennent pas à suivre. » Et cela n’était pas près de s’arrêter ! Toutes les transformations qu’il a entreprises par la suite ont fait passer la société française du noir et blanc à la couleur.
Ces changements presque étourdissants ont aussi concerné notre patrimoine, sa préservation et sa valorisation, à travers notamment les musées. Dominique Poulot, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, les décrit comme des « lieux par excellence où se joue le processus de patrimonialisation, au double sens d’une conservation des ressources et d’une jouissance. » Je me rappelle la première fois que j’ai poussé les portes d’un musée, parce que j’en avais envie et non pour suivre une visite organisée par mon école. C’était à la fin des années 1970. Je viens d’un milieu modeste et je croyais que la culture n’était pas pour moi – elle me paraissait élitiste, elle m’impressionnait. Mais Valéry Giscard d’Estaing, homme de profonde culture, fin connaisseur de l’art et de la littérature du XIXe siècle, avait la préoccupation de son partage avec le plus grand nombre, notamment à travers les musées et leur mission de préserver, étudier, communiquer.
Malheureusement, près de quarante ans après la fin de son septennat, le nom de Valéry Giscard d’Estaing n’est presque plus jamais associé à ces réformes et aucun édifice culturel ne porte son nom, alors qu’il y a – et c’est légitime – un musée Georges Pompidou, une bibliothèque François Mitterrand et un musée du Quai Branly - Jacques Chirac. Nous ne pouvons laisser prospérer cette injustice. J’ai donc déposé, avec le groupe UDI et indépendants, et de nombreux députés issus de différents groupes, une proposition de résolution visant à accoler au nom du musée d’Orsay celui de Valéry Giscard d’Estaing, le président à qui le musée d’Orsay doit d’exister, comme l’avait si justement écrit le président Mitterrand.
Cet appel au président Emmanuel Macron et au Gouvernement, en faveur d’une juste reconnaissance, d’un hommage légitime à un ancien président de la République, je vous propose de l’acter officiellement aujourd’hui, au nom de la représentation nationale, en adoptant cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR et Dem.)
En nous prononçant pour que le musée d’Orsay porte aussi le nom du président Giscard d’Estaing, nous saluerons à notre façon l’héritage culturel d’un chef d’État qui a notamment dans son bilan la création du musée Picasso, décidée en 1974, afin d’accueillir et de gérer les œuvres du célèbre peintre venu enrichir, après son décès, les collections de l’État ; le musée national de la Renaissance d’Écouen, inauguré en 1977 après de lourds travaux de restauration – le président de la République Valéry Giscard d’Estaing en avait fait un élément de sa politique culturelle, entendant ainsi satisfaire la demande du public pour la culture et le développement culturel de la France ; l’Institut du monde arabe, dont l’acte de fondation a été signé le 28 février 1980, entre la France et les ambassadeurs de dix-neuf États, tous membres de la Ligue arabe ; le parc de la Villette, dont Valéry Giscard d’Estaing a arrêté les grandes lignes en 1979, avec un musée des sciences et des techniques, un auditorium dédié à la musique et à la danse, et un parc urbain ouvert sur le quartier.
L’un des plus importants succès de la politique culturelle française est certainement, vous le savez, la transformation de la gare d’Orsay en musée. C’est grâce à la décision du président Valéry Giscard d’Estaing qu’est entrepris ce geste patrimonial, architectural et culturel majeur, mêlant la préservation d’un monument historique et sa transformation en musée, ainsi qu’un projet scientifique et culturel d’une particulière modernité. La conception de ce nouveau musée dans une gare classée monument historique, entièrement reconvertie et réhabilitée, aura nécessité de trouver un équilibre entre le respect du patrimoine monumental et les contraintes de la présentation muséographique. Le président Valéry Giscard d’Estaing expliquait en 1980 que « ce musée [allait] modifier l’image que nous nous [faisions] de ce siècle. » Pour la première fois, il ne s’agit pas de concevoir seulement un musée de peinture, mais de présenter aussi les arts décoratifs, la sculpture – si brillante –, l’architecture, la littérature, notamment l’admirable œuvre romanesque, la musique, et d’évoquer ainsi l’évolution de la culture en France au XIXe siècle.
Le président Valéry Giscard d’Estaing s’est particulièrement impliqué dans la naissance de ce musée qu’il avait imaginé plusieurs années auparavant, alors qu’il était ministre de l’économie et des finances, dans son bureau, au Louvre. Il l’a rêvé, il l’a défendu, il l’a voulu beau et accessible à tous les Français. Pour y parvenir, des moyens administratifs et financiers importants ont été mobilisés, des solutions nouvelles ont été adoptées et la réalisation du musée du XIXe siècle a été inscrite dans la loi de programme sur les musées, votée par le Parlement au mois de mai 1978. Cette loi a individualisé les crédits affectés à l’opération d’Orsay et a garanti l’échelonnement des crédits nécessaires durant les années 1979 à 1983. L’enveloppe financière importante, de plus de 360 millions de francs, était nécessaire, au vu de la taille des surfaces à aménager – 55 000 mètres carrés –, de la complexité technique de l’ouvrage, et de la nécessaire qualité de la présentation de ce qui devait être l’un des plus beaux musées du monde. Depuis son ouverture, en 1986, le musée d’Orsay ne cesse d’attirer des visiteurs et d’étendre sa notoriété à travers le monde. En 2019, il a réalisé un record de fréquentation – plus de 4 millions d’entrées – alors que beaucoup de ses concurrents enregistraient une baisse du nombre de visiteurs.
Vous me permettrez, monsieur le ministre délégué, à ce moment de mon intervention, d’avoir une pensée particulière pour tous les musées de France et pour l’ensemble des acteurs du monde culturel, aujourd’hui en grande souffrance. Eh oui ! N’oublions pas que la culture est essentielle au lien social et à l’épanouissement harmonieux d’une société. C’est vrai ! Trente-quatre ans après l’inauguration du musée, que reste-t-il dans la mémoire populaire de l’histoire de la renaissance du bâtiment de l’ancienne gare d’Orsay ? Combien de visiteurs savent que sans la volonté et l’acharnement d’un chef d’État profondément imprégné de culture, ce musée qui fait rayonner la France à l’étranger n’aurait jamais vu le jour ?
Le 3 décembre dernier, le président Emmanuel Macron nous a appelés à continuer de faire vivre cette flamme de la culture, du patrimoine et de la création, au moment où se tourne, avec la mort du président Giscard d’Estaing, une page de l’histoire de notre pays. Oui, mes chers collègues, nous sommes tous dépositaires du patrimoine et chargés de sa transmission, et cette proposition de résolution nous donne l’occasion de poursuivre l’œuvre engagée par le président Valéry Giscard d’Estaing. Elle est la juste reconnaissance de notre assemblée pour son engagement en faveur de la création du musée d’Orsay et plus largement de la pérennisation du patrimoine et de son appropriation par le public.
Le patrimoine nous permet de construire le quotidien de nos identités multiples, de nous connaître et d’avancer ensemble avec des valeurs communes qui fondent notre démocratie. Comme d’autres présidents de la République, Valéry Giscard d’Estaing a laissé une trace dans l’histoire de notre patrimoine et fait jaillir de la démocratie française ce rayon de lumière nécessaire pour éclairer le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM, LR, Dem, SOC et Agir ens.) La parole est à M. Bertrand Pancher. Évoquer la mémoire et l’héritage de Valéry Giscard d’Estaing a pour moi une saveur particulière. J’avais 16 ans en 1974 et sa figure, qui incarnait la modernité et faisait souffler un vent de liberté, dépoussiérant une classe politique compassée, a contribué à mon engagement très précoce à l’Union pour la démocratie française, l’UDF. Je sais, pour en avoir souvent parlé avec lui, que mon collègue Yannick Favennec-Bécot et moi partageons cette filiation. Pour des raisons qui tiennent aux événements, à leur enchaînement, à la crise économique des années 1970, à certaines défaites, la place que l’histoire réserve au troisième président de la Ve République n’est pas à la hauteur de ce que nous lui devons. Tout à fait ! Pourtant, les réformes qu’il a menées ont laissé un legs riche, souvent méconnu – les orateurs qui se succéderont à cette tribune le diront aussi. Pour ma part, je veux insister sur l’esprit d’ouverture et de modernité qu’il a insufflé. Lors de son unique mandat, d’indéniables avancées sociales et sociétales ont été accomplies ; il a ouvert la voie à des combats qu’il reste aujourd’hui encore à achever.
Comment ne pas songer à l’Europe, qui fut certainement le combat de sa vie ? Dès son entrée en politique, il a soutenu la construction de l’Union européenne et jusqu’à la fin de ses jours, il milita pour une Europe unie, forte, fédérale. Sa complicité avec le chancelier allemand Helmut Schmidt a permis de faire perdurer le couple franco-allemand comme moteur de l’intégration européenne et d’impulser notamment le système monétaire européen, ancêtre de l’euro. L’action de Valéry Giscard d’Estaing a surtout permis de renforcer les institutions communautaires, avec la création du Conseil européen et l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
Un autre de ses engagements forts aura été celui en faveur des droits des femmes. Dès son arrivée à l’Élysée, il nomme cinq femmes au Gouvernement, dont Simone Veil, qu’il a toujours soutenue dans ses combats. Il a également créé un secrétariat d’État à la condition féminine, confié à Françoise Giroud. Son septennat a vu l’accomplissement de plusieurs réformes majeures : le divorce par consentement mutuel, le remboursement de la pilule par la sécurité sociale, ou encore la reconnaissance de la nature criminelle du viol, en 1980. Célébrons également sa confiance dans la jeunesse, et son engagement en faveur de celle-ci. Nous lui devons l’abaissement de la majorité à 18 ans – certains le rappelleront. Il a également été le premier président à se mobiliser pour l’emploi des jeunes, que la dégradation de l’économie française sous l’effet du premier choc pétrolier avait touchés en premier. Comment ne pas établir un parallèle avec la situation que la jeunesse traverse aujourd’hui ?
Enfin, un autre de ses combats, moins connu, est celui des territoires. On pense évidemment à l’Auvergne, à Chamalières, son fief où lui a succédé son fils, mon ami Louis, que je salue aujourd’hui. Grand spécialiste des finances, c’est par cet angle qu’il a ouvert la voie aux futures lois de décentralisation. Nous lui devons la dotation globale de fonctionnement, qui permet de garantir les ressources des collectivités, ainsi que le comité des finances locales et le principe d’autonomie fiscale et financière des collectivités, si mis à mal. S’il n’a pu aller au bout de son plan de développement des responsabilités locales, il a posé des jalons qui seront suivis par d’autres. Valéry Giscard d’Estaing, c’était la France des territoires.
Enfin, pour revenir à l’objet de cette proposition de résolution, il faut nous pencher sur la place accordée aux arts et à la culture pendant le septennat et plus généralement dans la vie de Valéry Giscard d’Estaing. Homme de lettres et de culture, il mène une politique de patrimoine qui consiste notamment à réhabiliter plusieurs grands bâtiments : le musée Picasso, le musée national de la Renaissance d’Écouen. Citons également le lancement de la Cité des sciences et de l’industrie à la Villette, un outil pédagogique et une vitrine de la France qui innove. Mais le plus important de ses projets, le plus emblématique, restera sans aucun doute la transformation en musée de l’ancienne gare d’Orsay, gare d’apparat construite pour l’Exposition universelle de 1900. Prouesse architecturale, elle mêle parfaitement son goût pour la modernité et sa volonté de faire découvrir au grand public les productions artistiques du XIXe siècle – peinture, sculpture, mais aussi musique ou littérature. Y associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing serait une juste reconnaissance de la part de la France et des Français, un début de réhabilitation pour un homme d’État qui avait placé la modernité au cœur de son engagement politique et de son mandat présidentiel. Ce sera aussi un ultime clin d’œil à l’histoire, le musée d’Orsay se trouvant à quelques encablures du musée du Quai Branly - Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.) La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel. La proposition de résolution que nous examinons vise à demander au Gouvernement d’ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing au nom du musée d’Orsay. Je remercie le groupe UDI et indépendants de cette belle proposition que nous soutenons.
Ce soutien est largement partagé sur tous les bancs. Cette proposition de résolution témoigne combien la culture est notre bien commun, combien elle nous rassemble, combien ce projet de société transcende les clivages et les époques. Telle était bien l’ambition du président Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il entreprit, en 1977, de transformer la gare d’Orsay en musée. Il ne souhaitait pas seulement créer l’un des plus beaux musées du monde mais sauver un exceptionnel patrimoine architectural.
Construite pour l’Exposition universelle de 1900, cette gare avait vocation à devenir un palace. Le projet de transformer une gare en musée résume parfaitement la créativité, la modernité et l’amour des arts du président Giscard d’Estaing. Celui-ci voulait faire du musée d’Orsay un outil du rayonnement de la France dans le monde. Amoureux de la richesse culturelle du XIXe siècle, il s’est personnellement impliqué pour transmettre cette passion au plus grand nombre.
Le président François Mitterrand, qui inaugura le musée le 1er décembre 1986, eut l’élégance de souligner l’action de Valéry Giscard d’Estaing et la paternité de la réalisation de ce chef-d’œuvre muséal. Ce geste républicain témoigne d’une certaine transcendance et d’une continuité politique en matière culturelle. C’est cela la grandeur de la France ! Exactement ! En décembre 2020, le Conseil de Paris a pris position, dans la diversité de ses sensibilités politiques, pour que le nom de Valéry Giscard d’Estaing soit associé au musée d’Orsay, en accord avec sa famille. Le ministère de la culture a engagé un travail de reconnaissance de son œuvre afin d’imaginer la solution la plus adaptée.
Trois options sont envisagées : ajouter le nom de l’ancien président à celui du musée d’Orsay, baptiser de son nom l’esplanade du musée ou donner son nom à la grande nef du musée. Le groupe Agir ensemble soutient la première option,… Nous aussi ! …à l’instar de ce qui avait été retenu pour le musée du Quai Branly - Jacques Chirac, la grande bibliothèque François-Mitterrand ou le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Absolument ! C’est un hommage profondément républicain que nous devons à un président qui a laissé un bel héritage au cœur de Paris, mais aussi à l’homme de lettres, profondément érudit et grand admirateur de Guy de Maupassant.
Le musée d’Orsay est une réussite unanimement reconnue. Musée très fréquenté, il suscite la satisfaction de ses visiteurs venus du monde entier. En 1900, le peintre Édouard Detaille écrivait : « La gare est superbe et a l’air d’un palais des beaux-arts. » Il ne pensait pas si bien dire. Son fameux tableau Le Rêve est conservé au musée d’Orsay, dans ce qui est devenu un palais qui magnifie toute la diversité de la création artistique de 1848 à 1914.
Je suis particulièrement heureux que nous puissions évoquer Valéry Giscard d’Estaing ce matin. Non pas un homme politique, mais un homme d’État, un visionnaire profondément réformateur et toujours en avance sur son temps sur les questions de société, l’économie et l’Europe. Sa voix manque à la France et à l’Europe. À travers cette proposition de résolution, nous souhaitons méditer son message. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à M. André Chassaigne. Faut-il rappeler que j’ai une certaine légitimité à intervenir sur cette proposition de résolution ? D’abord pour avoir siégé à partir de 1982 avec Valéry Giscard d’Estaing au conseil général du Puy-de-Dôme,… Ah ! …dont j’étais alors le benjamin et lui un inattendu et atypique revenant après l’élection présidentielle ; ensuite pour avoir dirigé un groupe dont l’opposition à sa présidence du conseil régional d’Auvergne était sans concession. Faut-il également rappeler que le fossé politique et social qui nous séparait ainsi que nos joutes oratoires n’ont jamais fait obstacle au respect voire à la considération que nous avions l’un pour l’autre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et SOC.)
Mais ce n’est pas sur le fondement de ces cheminements arvernes partagés à résonances grégaires que je soutiens cette proposition de résolution visant à ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Le communiste que je suis est, à l’image de son parti, très attaché à la sauvegarde du patrimoine industriel dont la gare d’Orsay est une si belle expression dans le domaine ferroviaire. Cet édifice monumental associe une superbe verrière à structure métallique à un parement de pierres richement orné et offre le témoignage d’une voie ferrée pénétrant au cœur de Paris. Au-delà de son architecture, ce monument est une respiration de la mémoire de la classe ouvrière du XIXe siècle, un souffle de ces ouvriers qui ont tant donné de leur chair à la révolution industrielle et tant souffert de l’injustice sociale.
Certes, me direz-vous, le président Giscard d’Estaing, pas plus que son successeur n’avait le monopole du cœur, n’avait celui de la culture patrimoniale et encore moins celui de la culture ouvrière. Mais, reconnaissons-le, sans sa volonté, ce bâtiment allait subir le sort des anciennes halles de Paris pour laisser la place à une construction contemporaine comme Beaubourg. Comment ne pas citer Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire, c’est dépasser son droit » ?
Faut-il rappeler aussi, mais sans doute est-ce anecdotique, que la succession du camarade Picasso, dont le génie artistique avait connu quelques plus-values, a pu se régler grâce à une mesure initiée par le secrétaire d’État aux finances Giscard d’Estaing qui a ouvert la voie à ce que des droits de succession puissent être payés par des œuvres d’art ? La dation Picasso est ainsi à l’origine de la belle réalisation du musée national Picasso ; je n’irai pas jusqu’à proposer que le musée Picasso prenne aussi le nom d’un président qui a toujours assumé son parti pris libéral et que j’ai toujours combattu avec, faute de pinceaux, deux outils du patrimoine ouvrier : la faucille d’une main et le marteau de l’autre. (Sourires sur de nombreux bancs.) Pour reprendre Pierre Corneille, « le temps est un grand maître, il règle bien des choses ».
Je terminerai mon intervention en donnant lecture du courrier manuscrit envoyé par François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing le 21 novembre 1986 : « Monsieur le président, le 1er décembre aura lieu comme vous le savez l’inauguration du musée d’Orsay. Au-delà des invitations qui découlent du protocole et des bons usages, je vous écris pour que vous sachiez mon vif désir de votre présence ce jour-là au premier rang des personnalités conviées à cette cérémonie. Ce musée vous doit d’exister, j’en parachève l’entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l’État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. Je me permets d’espérer votre accord et j’y serais fort sensible. » Tout est dit.
Ce courrier offre une confirmation de ce que, dans notre République, ce sont toujours les rois qui font les arts : du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou au musée du Quai Branly - Jacques Chirac, en passant par la grande bibliothèque François-Mitterrand et bientôt, comme je le souhaite, le musée d’Orsay - Valéry Giscard d’Estaing. Oui, je le souhaite, chers collègues et cher Louis, mais tout en restant de l’autre côté de la barricade ! (Sourires et applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à M. Pascal Bois. C’est dans la soirée du 2 décembre dernier que nous avons appris la disparition de Valéry Giscard d’Estaing, notre ancien président de la République. Après la surprise et la tristesse, toujours ressenties en pareille circonstance, vient tout naturellement le moment de la reconnaissance et des hommages. Toute polémique est alors vaine, l’essentiel se concentrant sur l’œuvre d’un homme, son héritage politique et la gratitude éprouvée par le peuple. Nous lui devons bien des avancées sociétales, devenues depuis de véritables totems du progrès : l’abaissement de la majorité à 18 ans, qui a déjà été évoquée, la légalisation de l’avortement et le divorce par consentement mutuel, pour ne citer qu’eux. Il fut également un président audacieux, à l’origine d’initiatives fortes pour la construction européenne ou à l’échelle internationale. Il aura impulsé de grands projets culturels. À travers cette résolution, dont je salue l’auteur, notre collègue député élu en Mayenne, Yannick Favennec-Bécot, la représentation nationale se donne l’occasion de lui rendre hommage et de montrer sa reconnaissance.
Hommage en associant son nom à celui du musée d’Orsay dont il est à l’origine et reconnaissance pour l’héritage culturel de son septennat. En effet, l’engagement fort du président Giscard d’Estaing pour la culture s’est traduit par une politique active de restauration patrimoniale, de rayonnement et de diffusion de la culture, et de création de nouveaux musées consacrés à des périodes stylistiques dont les collections étaient éparpillées. Nous lui devons le musée national de la Renaissance, situé dans le magnifique château d’Écouen dans le Val-d’Oise, entièrement restauré pour accueillir ce musée. Nous lui devons la création de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, qui a métamorphosé ce quartier populaire parisien. Nous lui devons le musée Picasso, qui accueille la collection nationale des œuvres du célèbre peintre dans un hôtel particulier rénové du Marais. Nous lui devons la genèse de l’Institut du monde arabe. Nous lui devons enfin le magnifique musée d’Orsay, créé dans un monument à conserver et dédié aux arts du XIXe siècle.
En alliant la valorisation du patrimoine à la création artistique, l’opération Orsay allait concrétiser le chantier complexe de la renaissance de la mythique gare d’Orsay et de la naissance d’un musée dont la renommée actuelle n’est plus à démontrer. Cette gare au décor typique de la Belle époque, achevée pour l’Exposition universelle de 1900, fut très vite obsolète. Abandonnée dans l’entre-deux-guerres, elle sombra dans l’oubli avant d’être retrouvée dans les années 1970 dans un état dégradé alors qu’elle servait d’entrepôt ou de parking. Sous sa verrière d’un volume gigantesque, un chapiteau s’y dressa un temps pour les spectacles de la compagnie de théâtre Renaud-Barrault. Le président Giscard d’Estaing la sauva : alors qu’il cherchait un lieu à même d’accueillir les collections dispersées du XIXe siècle, il trouva un emplacement idéal au cœur du Paris monumental. Transformer cette gare en musée devint le nouvel acte audacieux du président. Après un chantier colossal, le nouveau musée fut inauguré par son successeur en 1986.
Dédié à toute la diversité esthétique du XIXe siècle – peinture, sculpture, arts décoratifs, photographie, monuments réalistes, peintres impressionnistes, art nouveau –, le musée possède et expose des chefs-d’œuvre, véritables icônes de l’art. Nous sommes tous capables de reconnaître ou de nous émouvoir devant La Pie de Claude Monet, Les Raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte, La Nuit étoilée de Vincent van Gogh ou L’Ours blanc de François Pompon. Le public ne s’y est pas trompé et la fréquentation n’a cessé de croître pour atteindre un record en 2019, dernière année avant la crise sanitaire, avec près de 5 millions de visiteurs.
Le président Giscard d’Estaing a décidé de créer ce musée, a choisi son emplacement et a élaboré sa conception. Il a veillé au chantier et a fait l’éloge de ce que devait être un beau musée, à savoir un endroit où règne l’harmonie entre le bâtiment et les œuvres exposées. Ce résultat est unanimement salué. « La reconnaissance est le sentiment d’un bienfait », disait Vauvenargues. Assurément, l’adoption de cette proposition de résolution que le groupe La République en marche appelle de ses vœux honorera la mémoire du président de la République et restituera le sentiment collectif d’un bienfait en faisant en sorte que le musée d’Orsay devienne le musée Valéry Giscard d’Estaing.
Permettez-moi enfin d’avoir une pensée émue pour mon cousin René Monory, ancien président du Sénat, qui fut son ministre pendant cinq années. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Constance Le Grip. C’est avec une certaine émotion que je m’exprime devant vous, à la faveur de l’examen de la proposition de résolution du groupe UDI-I relative à l’ajout du nom du président Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Une certaine émotion – pardonnez-moi cette digression personnelle –, parce que le président Giscard d’Estaing fut celui pour lequel je m’engageai en politique, à la toute fin des années 1970. J’ai eu l’honneur et la chance de le rencontrer, d’appartenir à la famille politique qu’il présida et qu’il inspira longtemps. Sa vision, ses idées, ses projets pour la France et pour l’Europe, ses leçons d’histoire, constituent toujours pour moi un legs inestimable. Je salue la présence de Louis Giscard d’Estaing dans les tribunes réservées au public.
Parmi les passions qui animèrent Valéry Giscard d’Estaing, il n’y eut pas seulement la politique, la volonté de réformer la société française et d’œuvrer pour la construction européenne, de faire de la France une puissance moderne ; il y eut aussi, et peut-être même surtout, la culture, l’art, la littérature et le patrimoine. Valéry Giscard d’Estaing a su très tôt, très jeune, que la France était grande ; grande par le rayonnement de sa culture, de son patrimoine, de ses créations artistiques. Ministre des finances du général de Gaulle, il œuvra fort efficacement, avec le ministre de la culture André Malraux, à la conception et à l’application du dispositif fiscal permettant le paiement des droits de succession sur les grandes collections d’œuvres d’art par dation d’œuvres. C’est ainsi que vit le jour la dation Picasso, après la mort de l’artiste, que put rester en France la collection Picasso et que naquit le musée Picasso à Paris, en l’hôtel Salé.
D’autres fortes réalisations culturelles portent la marque du président Valéry Giscard d’Estaing : le musée de la Renaissance à Écouen, l’acte de fondation du futur Institut du monde arabe, la réhabilitation du quartier parisien de la Villette, avec le parc et la Cité des sciences et de l’industrie. Mais c’est avec le projet du musée d’Orsay que s’épanouit vraiment sa passion pour l’art et le patrimoine, à travers la vision et l’amour qu’il avait du XIXe siècle, le siècle où, selon ses propres termes, en Europe et dans le monde entier, le rayonnement et l’influence de la France furent prépondérants.
Pour le président Valéry Giscard d’Estaing, le XIXe siècle est pour la France une période de l’histoire de l’art et de la civilisation d’une richesse exceptionnelle. Homme de grande culture, le successeur du général de Gaulle et du président Pompidou avait compris qu’il fallait au XIXe siècle un musée. Ce sera le musée d’Orsay, qui assurera le lien et la continuité dans la politique d’organisation des musées nationaux, et permettra que s’exprime, dans la prolongation du musée du Louvre et avec le relogement des impressionnistes hébergés au Jeu de paume, toute la richesse et la diversité des courants artistiques qui traversent alors l’Europe et la France, depuis le romantisme jusqu’à l’Art nouveau, en passant par le post-impressionnisme et le symbolisme. Le musée présente tous les arts : la photographie naissante, l’architecture – de celle d’Eugène Viollet-le-Duc à celle de l’ingénieur Gustave Eiffel –, mais aussi les arts graphiques, les arts décoratifs, la sculpture, la musique et la littérature. Le président Giscard d’Estaing avait une vision globale de la culture et de l’harmonie entre les arts ; nul endroit mieux que le musée d’Orsay ne rend hommage à cette vision.
Le président Giscard d’Estaing s’est personnellement et particulièrement impliqué dans la conception et la réalisation du musée d’Orsay ; cela a été excellemment rappelé par notre collègue Yannick Favennec-Bécot, à l’origine de la proposition de résolution que j’ai eu le plaisir de cosigner. Une interview du président Giscard d’Estaing, donnée en février 1980 au magazine Connaissance des arts, décrit fort bien les raisons qui ont conduit le chef de l’État à cette prestigieuse réalisation culturelle, les objectifs poursuivis et la volonté de sauver de la destruction l’ancienne gare d’Orsay pour la transformer en musée, en un geste patrimonial, architectural et culturel majeur, alliant patrimoine, création, transmission et audace. Le président Giscard d’Estaing a porté ce rêve de musée pendant dix ans, depuis le moment où, ministre des finances, il occupait des bureaux rue de Rivoli, dans le palais du Louvre. Il a souvent exprimé le souhait que le musée du XIXe siècle fût un beau musée ; je pense que ce souhait est exaucé. Cela a été dit, la très forte affluence que connaît le musée d’Orsay – enfin, qu’il connaissait avant la pandémie – en atteste.
On connaît le geste de grande élégance du président Mitterrand, qui prit personnellement la plume pour inviter Valéry Giscard d’Estaing à l’inauguration du musée d’Orsay le 1er décembre 1986, évoquant son vif désir de sa présence ce jour. Je ne doute pas qu’à ce geste de grande élégance présidentielle en succéderont d’autres ; je les souhaite. Quoi qu’il en soit, le groupe Les Républicains, dont je suis heureuse de porter les couleurs, approuve avec sincérité et enthousiasme l’ajout du nom du président Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay et votera donc en faveur de la proposition de résolution du groupe UDI-I. Vive le musée d’Orsay - Valéry Giscard d’Estaing ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean-Paul Mattei. C’est aussi avec une certaine émotion que j’interviens à cette tribune. Je voudrais remercier Yannick Favennec-Bécot de son initiative et saluer Louis Giscard d’Estaing dans les tribunes réservées au public.
Le 2 décembre dernier disparaissait le président Valéry Giscard d’Estaing. L’ensemble de la classe politique française lui a rendu hommage et Emmanuel Macron a souligné à quel point son septennat avait transformé la France. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés revendique cet héritage d’une société ouverte, moderne et solidaire. Nous sommes quelques-uns à avoir connu ce président fédérateur, qui avait su conjuguer, dans l’exercice de l’État, modernité et respect de notre héritage culturel et collectif. Je me souviens de la dynamique qu’il avait impulsée, bien avant Emmanuel Macron, celle d’une politique transpartisane transcendant les clivages et s’adressant à toutes les générations.
Je m’étais d’ailleurs personnellement engagé dans son mouvement de jeunesse, Génération sociale et libérale, avec notre regrettée Marielle de Sarnez – qui pourrait être à ma place en ce jour. Nous avions notre carte de militant sur laquelle était inscrite la devise « l’élan de la jeunesse est l’élan de tout le pays », à laquelle je suis toujours attaché. Que ces moments étaient intenses ! Valéry Giscard d’Estaing incarnait la modernité, l’audace, l’ouverture au monde ; il a fait avancer notre pays dans le XXIe siècle, qu’il voulait européen. Si je suis parmi vous aujourd’hui, c’est grâce à lui ; il a su me convaincre de l’importance d’œuvrer pour le bien commun. Nous connaissons bien, dans cet hémicycle, son apport au droit : l’abaissement de la majorité à 18 ans, la légalisation de l’IVG menée par Simone Veil, l’introduction du divorce par consentement mutuel, la création de l’APL – aide personnalisée au logement –, sans oublier le collège unique, permettant un plus large accès au baccalauréat, ou encore l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires.
Mais il est un domaine de l’action de Valéry Giscard d’Estaing qui est peut-être un peu plus méconnu : son apport à la culture, qu’il s’agisse du musée Picasso, de l’Institut du monde arabe, du musée de la Renaissance d’Écouen ou encore du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Tous ces hauts lieux de culture ne seraient pas sans son impulsion. En novembre 1980, le président Giscard, de son regard visionnaire, voyait déjà dans ce qui n’était encore que la gare d’Orsay désaffectée, glacée par les courants d’air – bien que cela soit contraire à sa prétention auvergnate de résister à toutes les formes de glaciation, comme il le rappelait avec humour –, ce qui deviendra l’un des plus hauts lieux culturels du monde, abritant certains des plus grands chefs-d’œuvre impressionnistes. Sans doute avait-il l’idée, en regroupant en un seul lieu ce patrimoine artistique, paysager, historique et culturel, de mettre en lumière une facette de notre identité et de notre histoire.
À naviguer désormais dans les travées, couloirs et passerelles de ce paquebot des arts, aussi exigeant artistiquement qu’accessible à tous, on ne peut que constater le défi que s’était lancé le président Valéry Giscard d’Estaing. Ce défi consistant à réaliser un écrin à même de reconstituer le décor humain de la création – selon ses propres mots –, tout en restant démocratique, est brillamment relevé. Son ambition de permettre aux visiteurs de toucher la main des artistes disparus pour inscrire les œuvres dans le temps long, face à l’immédiateté de notre temps, a été réalisée. Désormais, il revient à notre temps de savoir rendre hommage à ce grand homme discret ; il nous appartient de témoigner notre reconnaissance collective, au-delà du deuil national que nous avons porté, en accolant son nom à celui du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Adoptons donc cette proposition de résolution, pour laisser perdurer à travers son nom le message d’espoir et de confiance dans l’avenir d’un pays attaché à ses racines, fier de sa culture, qu’il s’était appliqué à traduire tout au long de sa vie politique comme littéraire. (Applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à Mme Valérie Rabault. Avant d’aborder le fond de la proposition de résolution que nous devons au groupe UDI et indépendants, je tenais, au nom des députés du groupe Socialistes et apparentés, à transmettre nos vœux de bon rétablissement à la ministre de la culture Roselyne Bachelot. (Mêmes mouvements.)
J’en viens maintenant à la proposition de résolution qui invite le Gouvernement à ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Nous voterons en faveur de cette résolution pour au moins trois raisons. Très bien ! Comme le rappelle justement la présente proposition de résolution et comme cela a été dit avant moi, sans le volontarisme politique du président Valéry Giscard d’Estaing, l’ancienne gare d’Orsay ne serait jamais devenue le musée – et quel musée ! – dédié à l’art de la seconde moitié du XIXe siècle qu’elle est aujourd’hui. Cette décision remonte à l’automne 1977. Clairement, le président Valéry Giscard d’Estaing a été l’artisan de la transformation et de la renaissance de la gare d’Orsay, avec un esprit qui lui était propre, celui de l’exigence de l’excellence.
Dans un documentaire d’Arte diffusé en 2011, il raconte avec malice comment un dîner à Venise, à l’occasion d’un sommet européen, l’a inspiré pour l’architecture intérieure du musée d’Orsay, avec « le choix d’une personne inconnue en France ». C’est cette prise de risque qui est la marque du président Giscard d’Estaing, comme l’a été pour d’autres la pyramide du Louvre. La réussite d’une création, c’est de créer du nouveau, pas de refaire l’existant ; Valéry Giscard d’Estaing avait pour Orsay cette exigence. La « personne inconnue en France » était une architecte d’intérieur italienne, qui expliqua que son inspiration consistait à donner aux visiteurs l’énergie de visiter le musée. Or cette énergie ne découle que de l’organisation de l’espace. Clairement, Orsay porte la marque du président Valéry Giscard d’Estaing dans les choix retenus : « Je ne voulais pas que ce soit trop pharaonique […], peut-être mettre un peu plus de mouvement, de légèreté dans les volumes ; ce qu’elle a fait ». Au-delà des choix architecturaux, Orsay traduit l’exigence d’excellence qui a été le moteur de Valéry Giscard d’Estaing – je le cite à nouveau : « L’individualisme est un comportement exclusivement négatif, inspiré par la médiocrité et le ressentiment : il ne consiste pas à chercher l’élévation, l’épanouissement, mais à empêcher les autres de s’élever, à étouffer l’épanouissement des autres qui sont ressentis jalousement, comme une concurrence. Une société saine combat nécessairement l’individualisme. Elle cherche l’excellence, et ceci est incompatible avec l’individualisme. »
La deuxième raison qui justifie notre vote favorable, c’est l’idée de l’inscription dans l’histoire. Les grands travaux participent de cette inscription physique dans le temps. Certains pourront les critiquer, au motif qu’ils relèveraient du fait du prince, mais le problème du fait du prince n’est pas les grands travaux, mais plutôt la Ve République. Oui, il est important de marquer son temps, d’abord évidemment avec des politiques publiques – c’est l’ambition première de la politique –, mais aussi en s’inscrivant dans l’espace ; Orsay répond à cette exigence.
Plus encore peut-être que tout autre monument, il échappe à la critique d’être le fait du prince, puisqu’il doit son existence à trois présidents de la République : Georges Pompidou a évité la destruction de la gare avec un premier classement, Valéry Giscard d’Estaing a inventé et créé le musée et François Mitterrand a poursuivi le projet engagé.
Comme l’a évoqué M. Chassaigne, François Mitterrand avait adressé à Valéry Giscard d’Estaing une invitation très personnelle à l’inauguration : « Ce musée vous doit d’exister, j’en parachève l’entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l’État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. » Le président Mitterrand parlait de « continuité esthétique ».
Oui, donner son nom à un monument, c’est inscrire une incarnation. Le président Pompidou a donné son nom au Centre national d’art et de culture – on sait qu’il a permis l’éclosion de l’art contemporain en France ; le président Mitterrand a donné son nom à la Bibliothèque nationale – on sait qu’il aimait les livres ; le président Chirac a donné son nom au musée des Arts et Civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques – nous avons découvert le jardin secret que constituaient pour lui les arts premiers.
Il est grand temps de donner au musée d’Orsay le nom du président Valéry Giscard d’Estaing, dont on se remémore les dissertations sur le XIXe siècle. Ce n’est donc pas l’esplanade devant le musée ou sa grande nef qui doivent être rebaptisées pour porter son nom, mais le musée lui-même. Très bien ! Troisième raison pour justifier ce vote positif : la famille de l’ancien président, que je salue, s’est exprimée publiquement pour soutenir cette initiative. Cette approbation était un préalable. Donner au musée d’Orsay le nom de Valéry Giscard d’Estaing est une initiative bienvenue, que mon groupe soutient, en particulier ma collègue Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, Dem et GDR.) La parole est à M. Michel Larive. Nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution visant à ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée national d’Orsay. Cette démarche se justifie notamment par l’engagement de l’ancien président de la République, pendant son septennat, en faveur de la transformation de la gare d’Orsay en musée. En effet, c’est à son initiative que ce majestueux bâtiment de la fin du XIXe siècle fut préservé de la destruction et offert à la culture, contribuant ainsi à mettre en valeur l’art occidental contemporain.
La tradition d’attribuer à des lieux et institutions publics le nom d’un ancien président est ancrée depuis de nombreuses décennies. Nous n’y avons pas d’opposition majeure, d’autant que la dénomination « musée d’Orsay » demeurera.
Toutefois, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour nuancer le discours qui tend à présenter M. Giscard d’Estaing comme un protecteur des arts. Sous son septennat, la part du budget de la culture dans les dépenses de l’État a rétrogradé de 0,64 % en 1974 à 0,47 % en 1981. Comme la majorité actuelle, il a considéré la culture comme une variable d’ajustement du budget national et des budgets des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Le printemps culturel du début du septennat, incarné par Michel Guy, connut quelques avancées notables, mais ne fut qu’une brève respiration avant la mise aux oubliettes de la culture. Oh, non ! Dès 1976, la culture, rétrogradée au rang de secrétariat d’État, a été diluée dans le marché libéral et la communication. Le citoyen n’est plus usager de la culture, mais consommateur de produits culturels, influencé par l’ American way of life .
Ce rappel étant fait, je dirais un mot de votre bilan dans le domaine de la culture et de l’état de la culture en France. Puisqu’on parle de musées, j’alerte en premier lieu sur la situation désespérante des guides conférenciers, qui subissent de plein fouet la crise sanitaire. Entre l’effondrement du nombre de visiteurs, l’emploi du temps incertain et la fermeture des lieux culturels, beaucoup basculent et sombrent dans la précarité, voire envisagent d’abandonner leur métier, qu’ils exercent souvent par vocation et par passion. La détresse financière est surtout le fait des guides indépendants, moins protégés que les salariés des musées. Certains d’entre eux s’interrogent sur la pertinence de notre débat et du temps que nous lui consacrons eu égard à la détresse dans laquelle se trouvent nombre de professionnels du secteur.
Vous n’êtes pas sans savoir que le secteur culturel traverse l’une des plus grandes crises de son histoire. Ce matin, presque soixante-quinze théâtres sont occupés pour diverses raisons, notamment la lutte contre toutes les précarités, la revendication d’une seconde année blanche pour tous les intermittents, l’abandon de la réforme délétère de l’assurance chômage et la réouverture des lieux culturels, comme à Berlin ou à Barcelone. Face à cette mobilisation d’ampleur, il est insupportable d’entendre la ministre de la culture qualifier d’inutiles et dangereux ces mouvements de lutte, qui ne visent qu’à mettre en lumière un quotidien désespérant.
La culture n’est pas un secteur économique comme un autre ; il s’agit aussi d’une nourriture intellectuelle, d’un support de lien social et d’épanouissement entre les êtres humains. Encore et toujours, j’insiste sur l’urgence de déconfiner la culture. La fermeture des lieux culturels, l’empêchement de pratiquer son art, l’impossibilité de vivre un film, un spectacle ou un concert ne sauraient tenir lieu de perspectives de réenchantement pour une société toujours en proie à une crise sanitaire majeure.
À plusieurs reprises, lors des séances de questions, j’ai alerté le Gouvernement. Les interventions de Mme Bachelot n’ont pas été à la hauteur, puisqu’elles ne répondaient à aucune des revendications légitimes des occupantes et des occupants des théâtres français. C’est la raison pour laquelle je profite de ce temps de parole pour porter la voix des artistes et professionnels des arts et de la culture, et d’une certaine façon du public, dont nous faisons tous partie.
Le groupe La France insoumise ne s’opposera pas à cette proposition de résolution,… Ah, merci ! …mais nous aurions préféré voter des solutions en faveur des artistes-auteurs, des intermittents, des diffuseurs et bien sûr des guides conférenciers. À la place, nous renommons un musée pour qu’il porte le nom d’un ancien chef d’État – je laisse aux professionnels de la culture et aux citoyennes et aux citoyens de ce pays le soin de juger votre sens des priorités. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La discussion générale est close.
Sur la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (« Très bien ! sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Excellent ministre ! Permettez-moi de saluer Louis Giscard d’Estaing, qui a siégé sur ces bancs, et à travers lui toute la famille du président Giscard d’Estaing.
Je vous prie de bien vouloir excuser la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui, pour les raisons que vous savez. Comme Mme Rabault et d’autres avant moi, je lui adresse tous mes vœux de prompt rétablissement – je crois que nous les partageons. Soyez assuré qu’elle est attentive est impliquée dans l’avancement de ce dossier.
Je remercie le groupe UDI et indépendants, son président, et l’auteur de cette proposition de résolution, Yannick Favennec-Bécot, de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de leur journée réservée. Elle trouve chez moi un écho particulier, politique, pour les raisons que vous pouvez imaginer, qui ont déjà été soulignées par Jean-Paul Mattei et bien d’autres, tant il y a ici d’héritiers de Valéry Giscard d’Estaing.
Ajouter le nom de l’ancien président de la République à celui du musée d’Orsay est de l’ordre du symbole. N’oublions pas qu’en grec ancien, le mot « symbole » signifie « ce qui rassemble ». Or face à la crise et à ses conséquences, rien n’est plus important que ce qui rassemble et fédère. L’histoire et les grands hommes, le patrimoine et les musées, la culture et l’action publique sont des ciments précieux pour faire front ensemble. Ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay, c’est rendre hommage à un président qui n’a cessé de réformer pour préparer l’avenir.
Au-delà des réformes sociales majeures que vous connaissez tous et qui ont transformé notre société – certains les ont citées –, son septennat a été scandé par des initiatives importantes dans le domaine de la culture et de l’audiovisuel dont nous sommes, aujourd’hui encore, les héritiers. Je pense d’abord à la suppression de l’ORTF – Office de radiodiffusion-télévision française – en 1974 et à la création de sept sociétés autonomes composant l’audiovisuel public. Cette réforme modernisatrice ne fut pas seulement une refonte, mais bien un moment fondateur pour la libéralisation de l’audiovisuel public ; elle s’est effectuée sans négliger les missions de service public qui sont les siennes, ni la création musicale.
Je pense également à sa volonté constante d’ouvrir les lieux de culture au plus grand nombre. Souvenons-nous que c’est sous son septennat que fut organisée en 1977 la journée portes ouvertes du palais de l’Élysée, qui devait devenir en 1980 les Journées du patrimoine, moments de rassemblement populaire que les Françaises et les Français se sont appropriés au cours des dernières années et que nous continuons de célébrer.
Il faut également citer son implication personnelle dans le projet d’urbanisme culturel pour le quartier de La Villette, avec l’implantation de la Cité des sciences et de l’industrie, vaste espace d’exposition consacré aux sciences et aux techniques, rejoints plus tard par la grande halle de la Cité de la musique. Projet éminemment moderne, la Cité des sciences et de l’industrie n’a pas seulement métamorphosé un quartier de Paris : elle a également permis d’approfondir le dialogue entre recherche scientifique et recherche culturelle.
La volonté de réforme du président Giscard d’Estaing a durablement marqué l’action du ministère de la culture et a conduit à la contractualisation culturelle entre l’État et les collectivités territoriales, avec notamment l’extension du bénéfice de la sécurité sociale aux artistes et auteurs en 1975 et la réforme du classement et de la fiscalité cinématographique.
Ajouter le nom de Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay, c’est également rendre hommage à un président qui, mû par l’histoire, n’a cessé de préparer la France à l’avenir. De tous les champs culturels, c’est le patrimoine qui a le plus retenu l’attention du président Giscard d’Estaing, personnellement passionné par le sujet et soucieux d’offrir aux Françaises et aux Français des éléments de stabilité dans une période marquée par les conséquences économiques et sociales de la première crise pétrolière. La culture comme force de stabilité et de rassemblement face aux bouleversements du monde : l’analogie avec l’époque que nous vivons est frappante.
Plusieurs projets majeurs trouvent leur origine sous sa présidence : le musée Picasso dans le 4e arrondissement, que Pascal Bois – entre autres – a cité, ainsi que les musées de Cherbourg, de Troyes, de Villeneuve d’Ascq, de Guiry-en-Vexin ou encore d’Orléans – Valéry Giscard d’Estaing, à la fois homme d’État et élu local, savait toute l’importance que revêt la culture pour l’attractivité d’un territoire. Bien évidemment, la décision culturelle la plus marquante de ce président moderne fut de faire de l’ancienne gare d’Orsay un grand musée du XIXe siècle, ou plus exactement de la période 1848-1914, afin que soient rassemblées en un seul lieu des collections éparses et jusqu’alors mal valorisées, comme l’a justement souligné Constance Le Grip.
La décision est prise en octobre 1977 et l’établissement public est créé l’année suivante. C’est également en 1978 que le bâtiment est classé monument historique. Les travaux scientifiques et architecturaux n’aboutissent qu’en 1986, année de l’inauguration du musée d’Orsay par François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing. La réunion des deux présidents constitue un énième témoignage du dépassement des clivages par les arts, comme l’écrivait François Mitterrand dans l’invitation adressée à Valéry Giscard d’Estaing, que vous avez citée. Mme Rabault a évoqué une continuité historique qui est aussi une continuité esthétique : je trouve la formule très juste.
Le projet du musée d’Orsay est l’œuvre d’un visionnaire et votre proposition de résolution invite à lui rendre hommage. Valéry Giscard d’Estaing connaissait peut-être la remarque prophétique du peintre Édouard Detaille, que Pierre-Yves Bournazel a citée ; s’il l’ignorait, il l’a de toute évidence accomplie. Le bâtiment lui-même, que chacun connaît, était une gare désaffectée, dont les trains avaient autrefois conduit – notamment – vers le Loir-et-Cher, autre territoire d’élection de Valéry Giscard d’Estaing et de sa famille, et que je connais bien. Faute d’une longueur de quais suffisante pour accueillir les trains électriques, elle avait à plusieurs reprises été menacée de démolition. Comme M. Chassaigne l’a justement souligné, cela aurait constitué une injustice à notre héritage industriel commun. Privée d’usage et de sa valeur, elle a abrité diverses activités telles qu’un centre de tri postal, des ventes aux enchères ou une compagnie de théâtre. Le musée d’Orsay apporte la preuve définitive que l’audace alliée à la ténacité peuvent inverser le cours des choses : nous le devons à Valéry Giscard d’Estaing.
Après la disparition de l’ancien président de la République, le 2 décembre dernier, de nombreuses réactions ont salué son parcours et la marque qu’il laisse dans notre histoire ; de multiples personnalités élues, dont les cinquante-deux signataires de la proposition de résolution, ont rapidement appelé à lui rendre hommage en associant son nom à celui du musée d’Orsay.
Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a engagé une réflexion en ce sens, en lien avec la famille de Valéry Giscard d’Estaing – son épouse et ses enfants –, ainsi qu’avec l’association regroupant ses amis, représentée par l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Plusieurs options sont à l’étude, comme par exemple changer l’adresse du musée d’Orsay en baptisant l’esplanade « Valéry Giscard d’Estaing » ou, mieux encore, comme vous le suggérez, compléter le nom de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie.
La phase d’instruction des différentes hypothèses est pratiquement achevée. Le Président de la République et la ministre de la culture devraient être en mesure d’annoncer la décision dans les prochaines semaines. Conséquence de l’adoption de cette proposition de résolution, la représentation nationale figurera naturellement parmi les premiers informés.
Valéry Giscard d’Estaing souhaitait rassembler deux Français sur trois. En vous écoutant ce matin, avec le recul historique, je songeais que c’est autour de ce qui est essentiel qu’une nation peut faire cause commune, et je me trouvais heureux de voir que ce matin, sa volonté est réalisée, et même au-delà. Je vous en remercie. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Neuf sur dix !
Dans les explications de vote, la parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
Chers collègues, je voudrais vous dire toute l’émotion qui a été la mienne au long de cette discussion. C’est en effet aux côtés du candidat Giscard d’Estaing que j’ai débuté ma vie politique à l’âge de seize ans et c’est à lui, à qui je suis resté fidèle, que je dois une grande partie de mon parcours politique, notamment le fait d’être dans cet hémicycle parmi vous.
Défendre cette proposition de résolution est évidemment une grande fierté. Le fait qu’elle fasse l’unanimité, ce qui n’est pas si courant ici, est un signal politique fort que nous envoyons au Président de la République, Emmanuel Macron, parce que c’est bien lui qui, in fine , avec le Gouvernement, prendra la décision d’associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée d’Orsay, et non pas à l’esplanade où il se situe – je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, monsieur le ministre. Voilà ! Je remercie tous les groupes pour cette unanime légitimité ou cette légitime unanimité. Comme Jean-François Mattei, j’ai une pensée pour Marielle de Sarnez qui, comme M. Bourlanges, était très proche de Valéry Giscard d’Estaing. Je tiens également à remercier mon groupe, à commencer par son président, Jean-Christophe Lagarde, d’avoir accepté d’inscrire cette proposition de résolution dans la journée consacrée à nos propositions.
Pour conclure, une fois n’est pas coutume, chère Valérie Rabault, je vais m’inspirer du président Mitterrand. Moi aussi, je crois aux « forces de l’esprit » (« Ah » ! sur les bancs des groupes SOC et GDR) et j’ai la conviction, cher Louis, que là où il se trouve, le président Valéry Giscard d’Estaing veillera éternellement sur le musée d’Orsay-Valéry Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Gilles Carrez. Je me félicite de cette unanimité des groupes politiques. Associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée d’Orsay, proposition à laquelle tous les membres de notre groupe sont favorables, est une très belle manière de rendre hommage à cet homme de profonde culture, connaisseur exceptionnel de l’art et de la littérature du XIXe siècle.
Je voudrais insister sur le caractère unique de son implication personnelle. Non seulement il a veillé à choisir les architectes –Colboc, Bardon et Philippon, et pour l’aménagement intérieur, Gae Aulenti, alors peu connue, comme le soulignait Valérie Rabault –, mais il a lui-même – point peut-être moins souligné – imaginé le montage ayant permis de mener à bien ce projet, c’est-à-dire la création d’un établissement public de mission ad hoc , ce qui était quasiment une première dans le domaine culturel. Ajoutons à cela la loi de programme sur les musées de 1978, qui a contribué à garantir la bonne fin de multiples travaux et qui nous sert aujourd’hui pour mener à bien ceux de la cathédrale Notre-Dame.
Je saluerai, pour finir, mon ancien collègue et ami Louis Giscard d’Estaing, et à travers lui toute sa famille, et lui redirai tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec lui pendant plusieurs législatures dans cet hémicycle.
Merci, cher collègue Favennec-Bécot, pour cette initiative : grâce à votre groupe, ce musée, magnifique réussite qui contribue au rayonnement de la France, s’appellera désormais musée d’Orsay-Valéry Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges. Ayant participé de près à l’action du président Giscard d’Estaing, notamment au niveau européen, je partage bien évidemment l’émotion de beaucoup d’entre vous et me félicite de l’initiative de notre collègue et de son groupe, à laquelle je m’associe très fortement.
Au-delà de l’intérêt esthétique que le président Giscard d’Estaing portait aux grands mouvements artistiques, picturaux, bien sûr, mais également musicaux, de la fin du XIXe siècle, il faut aussi saluer son engagement en faveur de ce siècle que Charles Maurras qualifiait de stupide – témoignage de ce que Jean-Paul Sartre aurait appelé l’unité d’un homme. Il a compris ce qu’il avait de libérateur, de créateur, de progressiste, d’entraînant ; il a saisi ce que la République naissante, celle de Jules Ferry, celle de Waldeck-Rousseau, celle de son aïeul Agénor Bardoux, avait apporté d’essentiel à ce qui fait notre bien commun : la liberté syndicale, la liberté d’association, la liberté communale, le renforcement des droits du Parlement. Derrière la création du musée d’Orsay, il importe de voir un hommage à cette période insuffisamment célébrée de notre histoire, une réhabilitation de cette part essentielle de la France. Rendons-en grâce au président Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel. Je remercie à mon tour nos collègues du groupe UDI-I et son président Jean-Christophe Lagarde d’avoir déposé cette proposition de résolution et Yannick Favennec-Bécot de l’avoir défendue avec conviction. Il faut évidemment que le nom du président Giscard d’Estaing soit ajouté à celui du musée d’Orsay, comme cela a été le cas pour celui du président Chirac avec le musée du quai Branly. Je crois très important aussi de méditer le message du président Giscard d’Estaing : c’était un Européen convaincu qui a montré un chemin, c’était un réformateur qui a toujours eu un temps d’avance sur les grandes questions sociales et économiques, sur l’équilibre des pouvoirs aussi, comme le bilan de son septennat l’a montré. Ce message, il est bon que les nouvelles générations puissent aussi l’entendre. (Applaudissements sur divers bancs.)
Défendre cette proposition de résolution est évidemment une grande fierté. Le fait qu’elle fasse l’unanimité, ce qui n’est pas si courant ici, est un signal politique fort que nous envoyons au Président de la République, Emmanuel Macron, parce que c’est bien lui qui, in fine , avec le Gouvernement, prendra la décision d’associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée d’Orsay, et non pas à l’esplanade où il se situe – je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, monsieur le ministre. Voilà ! Je remercie tous les groupes pour cette unanime légitimité ou cette légitime unanimité. Comme Jean-François Mattei, j’ai une pensée pour Marielle de Sarnez qui, comme M. Bourlanges, était très proche de Valéry Giscard d’Estaing. Je tiens également à remercier mon groupe, à commencer par son président, Jean-Christophe Lagarde, d’avoir accepté d’inscrire cette proposition de résolution dans la journée consacrée à nos propositions.
Pour conclure, une fois n’est pas coutume, chère Valérie Rabault, je vais m’inspirer du président Mitterrand. Moi aussi, je crois aux « forces de l’esprit » (« Ah » ! sur les bancs des groupes SOC et GDR) et j’ai la conviction, cher Louis, que là où il se trouve, le président Valéry Giscard d’Estaing veillera éternellement sur le musée d’Orsay-Valéry Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Gilles Carrez. Je me félicite de cette unanimité des groupes politiques. Associer le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée d’Orsay, proposition à laquelle tous les membres de notre groupe sont favorables, est une très belle manière de rendre hommage à cet homme de profonde culture, connaisseur exceptionnel de l’art et de la littérature du XIXe siècle.
Je voudrais insister sur le caractère unique de son implication personnelle. Non seulement il a veillé à choisir les architectes –Colboc, Bardon et Philippon, et pour l’aménagement intérieur, Gae Aulenti, alors peu connue, comme le soulignait Valérie Rabault –, mais il a lui-même – point peut-être moins souligné – imaginé le montage ayant permis de mener à bien ce projet, c’est-à-dire la création d’un établissement public de mission ad hoc , ce qui était quasiment une première dans le domaine culturel. Ajoutons à cela la loi de programme sur les musées de 1978, qui a contribué à garantir la bonne fin de multiples travaux et qui nous sert aujourd’hui pour mener à bien ceux de la cathédrale Notre-Dame.
Je saluerai, pour finir, mon ancien collègue et ami Louis Giscard d’Estaing, et à travers lui toute sa famille, et lui redirai tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec lui pendant plusieurs législatures dans cet hémicycle.
Merci, cher collègue Favennec-Bécot, pour cette initiative : grâce à votre groupe, ce musée, magnifique réussite qui contribue au rayonnement de la France, s’appellera désormais musée d’Orsay-Valéry Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges. Ayant participé de près à l’action du président Giscard d’Estaing, notamment au niveau européen, je partage bien évidemment l’émotion de beaucoup d’entre vous et me félicite de l’initiative de notre collègue et de son groupe, à laquelle je m’associe très fortement.
Au-delà de l’intérêt esthétique que le président Giscard d’Estaing portait aux grands mouvements artistiques, picturaux, bien sûr, mais également musicaux, de la fin du XIXe siècle, il faut aussi saluer son engagement en faveur de ce siècle que Charles Maurras qualifiait de stupide – témoignage de ce que Jean-Paul Sartre aurait appelé l’unité d’un homme. Il a compris ce qu’il avait de libérateur, de créateur, de progressiste, d’entraînant ; il a saisi ce que la République naissante, celle de Jules Ferry, celle de Waldeck-Rousseau, celle de son aïeul Agénor Bardoux, avait apporté d’essentiel à ce qui fait notre bien commun : la liberté syndicale, la liberté d’association, la liberté communale, le renforcement des droits du Parlement. Derrière la création du musée d’Orsay, il importe de voir un hommage à cette période insuffisamment célébrée de notre histoire, une réhabilitation de cette part essentielle de la France. Rendons-en grâce au président Giscard d’Estaing. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel. Je remercie à mon tour nos collègues du groupe UDI-I et son président Jean-Christophe Lagarde d’avoir déposé cette proposition de résolution et Yannick Favennec-Bécot de l’avoir défendue avec conviction. Il faut évidemment que le nom du président Giscard d’Estaing soit ajouté à celui du musée d’Orsay, comme cela a été le cas pour celui du président Chirac avec le musée du quai Branly. Je crois très important aussi de méditer le message du président Giscard d’Estaing : c’était un Européen convaincu qui a montré un chemin, c’était un réformateur qui a toujours eu un temps d’avance sur les grandes questions sociales et économiques, sur l’équilibre des pouvoirs aussi, comme le bilan de son septennat l’a montré. Ce message, il est bon que les nouvelles générations puissent aussi l’entendre. (Applaudissements sur divers bancs.)