XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du mercredi 25 janvier 2023

Sommaire détaillé
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Séance du mercredi 25 janvier 2023

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Accord France-Pays-Bas

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume des Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur les territoires caribéens et sud-américain de la République française et du royaume des Pays-Bas (nos 7, 685).
    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

    Mme Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe

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    La France et les Pays-Bas, deux États européens historiquement présents dans les Caraïbes, ont tissé des liens privilégiés conduisant à une forte coopération dans cette zone. Cette collaboration soutenue s’est notamment développée dans le cadre d’entraînements militaires, de la réaction aux catastrophes naturelles et de la gestion de la récente crise sanitaire liée à la covid-19. Le renforcement de la coopération bilatérale en matière de défense et des coopérations opérationnelles dans la zone a induit une évolution juridique nécessaire du cadre bilatéral afin de l’adapter à nos opérations conjointes. C’est la raison d’être de ce projet de loi, qui vise à autoriser l’approbation de l’accord signé entre les deux gouvernements le 25 juin 2021, à Paris.
    À la suite d’une initiative néerlandaise formulée en octobre 2011, les négociations de cet accord ont débuté dès 2012. Le passage de l’ouragan Irma en 2017 a révélé l’urgence de disposer d’un cadre juridique pérenne afin de permettre les déploiements opérationnels sur les territoires de chacune des parties. Jusqu’alors, en effet, ces opérations dépendaient de notes verbales d’une durée d’un an, la convention du 19 juin 1951 entre les États parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, dite Sofa Otan, n’étant pas applicable dans les territoires autonomes des Antilles néerlandaises. Vous m’accorderez que cette manière de procéder n’était ni très pratique, ni très efficace, surtout en cas d’urgence.
    L’objectif de l’accord signé à Paris consiste donc à régir la coopération entre les parties en matière de défense et de sécurité, ainsi que le statut des forces armées et des membres du personnel d’une des parties – la partie d’envoi – présents dans le territoire de l’autre partie – la partie d’accueil. L’accord prévoit le règlement de certaines questions essentielles au déploiement opérationnel : ainsi, l’article 5 concerne les modalités du soutien logistique ; l’article 8 les modalités de l’entrée et du séjour dans le territoire d’accueil ; l’article 9 les modalités de l’importation de matériel nécessaire à ces opérations ; l’article 10 les modalités du port de l’uniforme et de l’arme de service. Il vise plus particulièrement à garantir un statut juridique protecteur aux personnels français et néerlandais engagés dans des activités de coopération militaire ou des opérations d’assistance humanitaire en réponse à une catastrophe naturelle ou à toute autre situation d’urgence affectant le territoire des Antilles françaises et néerlandaises ou la Guyane ; il offrira ainsi aux forces des deux États un cadre juridique adapté à l’organisation de missions conjointes.
    La coopération entre les parties peut prendre diverses formes telles que l’échange d’instructeurs et d’élèves des institutions militaires, la possibilité pour un navire de guerre de faire escale dans le territoire d’accueil, ou encore l’organisation conjointe d’entraînements ou d’exercices militaires. Les parties pourront, d’un commun accord et en fonction de leurs intérêts partagés, ajouter d’autres activités aux formes de coopération listées dans l’accord.
    Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord dont ce texte vous invite à autoriser l’approbation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR. – M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

    Mme Laurence Robert-Dehault, rapporteure de la commission des affaires étrangères

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    L’Assemblée nationale est saisie d’un projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord franco-néerlandais signé le 25 juin 2021 à Paris, qui porte sur la coopération en matière de défense et sur le statut des forces des deux pays dans leurs territoires caribéens et sud-américain. Pour la France, les territoires concernés sont la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et la Guyane. Pour les Pays-Bas, il s’agit d’Aruba, de Curaçao, de Saint-Martin et des îles caribéennes de Bonaire, Saint-Eustache et Saba. En concluant cet accord, nos deux pays ont souhaité renforcer leur coopération dans une zone caractérisée par des défis communs, dont les catastrophes naturelles.
    L’accord s’inscrit également dans le contexte plus général du renforcement de notre coopération bilatérale dans divers domaines. Ce mouvement est engagé depuis plusieurs années : ainsi, en matière de défense, Paris et La Haye ont signé une déclaration d’intention le 6 mai 2019 et s’apprêtent à faire aboutir deux accords intergouvernementaux. Le premier, en cours de négociation, concerne la coopération dans les territoires métropolitains. Le second, relatif à la coopération dans les territoires ultramarins, fait l’objet du texte que nous examinons.
    J’appelle votre attention sur le fait que cet accord est principalement favorable à notre partenaire. En effet, si les forces françaises comprennent 3 600 personnes en Guyane et aux Antilles, dont 3 180 militaires, les effectifs militaires néerlandais dans les Caraïbes comptent environ 900 personnes : ils sont donc 3,5 fois moins nombreux.
    Jusqu’à présent, la coopération entre les deux pays en matière de défense consistait surtout en des exercices et des stages, qu’ils aient trait au domaine militaire ou à l’aide humanitaire et à la gestion de catastrophes. En outre, les marines militaires française et néerlandaise réalisaient une dizaine d’escales par an dans les îles caribéennes de l’autre État. Toutefois, l’ouragan Irma a frappé les Antilles le 6 septembre 2017, entraînant des conséquences dramatiques : quinze personnes ont perdu la vie et de très nombreux bâtiments ont été endommagés à Saint-Barthélemy, mais surtout à Saint-Martin, une île partagée entre la France et le royaume des Pays-Bas. La survenue de ce terrible événement a nécessité des opérations conjointes d’aide humanitaire et de soutien logistique.
    Pourtant, toute coopération franco-néerlandaise en matière de défense aux Caraïbes ou en Amérique du Sud requérait jusqu’alors la signature de notes diplomatiques ou d’accords techniques spécifiques. En effet, le Sofa Otan ne s’appliquant pas en dehors des territoires métropolitains ou situés dans l’Atlantique Nord et aucun accord bilatéral spécifique n’ayant été conclu, les actions de coopération menées dans la zone ne pouvaient s’appuyer sur aucun cadre solide de niveau intergouvernemental. C’est pourquoi l’accord signé le 25 juin 2021 apparaissait nécessaire.
    Ses vingt-trois articles, dont le contenu est classique pour un accord de ce type, définissent un cadre juridique plus précis, plus complet et surtout durable. Ils détaillent les formes de coopération possibles – par exemple les stages, les actions conjointes d’entraînement, d’instruction et d’exercice militaires, le partage de connaissances opérationnelles, ou encore l’assistance humanitaire en cas de situation d’urgence – et prévoient les procédures associées.
    Je regrette néanmoins de ne pas avoir obtenu d’informations chiffrées concernant les coûts liés à la coopération de défense : un tel partenariat bilatéral devrait faire l’objet d’une évaluation annuelle des coûts engagés, afin de rendre possibles d’éventuels réajustements. Plus généralement, si cet accord apparaît justifié, il conviendra d’évaluer sa mise en œuvre ; cela devrait d’ailleurs être le cas de tous les accords similaires.
    Cela étant, je vous invite à voter pour l’approbation de cet accord. Je précise que le royaume des Pays-Bas l’a d’ores et déjà approuvé sans exclure de territoire de sa zone d’application, comme l’article 22 en prévoyait la possibilité.
    Je conclus en indiquant qu’un autre accord bilatéral franco-néerlandais est actuellement en cours de négociation. Il concerne certes un sujet très différent – le tracé de la frontière de Saint-Martin –, mais l’ouragan Irma a également conduit à accélérer les tractations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Frantz Gumbs.

    M. Frantz Gumbs

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    Permettez-moi de vous inviter à un petit voyage dans le temps et dans l’espace. Le 28 novembre 1839 à Philipsburg, capitale de la partie hollandaise de l’île de Saint-Martin – mon territoire –, fut signée une convention franco-hollandaise faisant référence au traité de Concordia, organisant le partage de l’île, signé le 23 mars 1648 au nom du roi de France et du prince d’Orange, stathouder des Provinces-Unies. Ce traité de partage, préfigurant en quelque sorte l’Union européenne, organisait à la fois la mise en commun de ressources entre les deux parties et la libre circulation des personnes et des biens.
    Lors de ces temps anciens et tumultueux, le siège du gouverneur des colonies hollandaises était situé au Suriname, en Amérique du Sud, avant d’être transféré à Curaçao, au large des côtes du Venezuela.
    Le siège du gouverneur pour les colonies françaises a été implanté d’abord à Saint-Christophe puis à la Martinique ou en Guadeloupe. C’est dire que nos deux pays se fréquentent dans la Caraïbe, plutôt en bonne intelligence, depuis plus de trois cent cinquante ans.
    Il n’est donc pas du tout surprenant que, les situations géopolitiques évoluant, nos deux pays trouvent nécessaire de mieux cadrer leur coopération sur le plan militaire dans la mer Caraïbe. L’accord de coopération auquel nous nous intéressons s’inscrit dans la continuité de cette longue tradition, renforcée par l’élaboration de pistes de travail communes dessinées par la France et les Pays-Bas à partir de 2012 et confirmées en 2021.
    Jusqu’à présent, les forces armées françaises et néerlandaises menaient des exercices communs dans les territoires caribéens et sud-américains sans cadre juridique pérenne, cette région du monde étant exclue de la convention de l’Otan régissant les échanges de personnels entre alliés, qui concerne seulement les territoires européens.
    Cet accord est d’autant plus nécessaire que les forces en présence sont relativement importantes, que les exercices reviennent de manière très régulière et qu’il faut renforcer l’efficacité des forces armées face aux catastrophes naturelles et aux trafics en tous genres, qui concernent aussi bien les drogues que les armes ou les humains. Il y a en effet des trafiquants qui s’enrichissent au détriment de ceux qui fuient la misère ou la persécution dans leur pays. Il faut être présents et organisés pour décourager tous les trafics et les trafiquants.
    Cet accord intervient aussi au moment où l’Union européenne perd un membre important, la Grande-Bretagne, dont le poids historique est incontestable dans la Caraïbe, par l’intermédiaire des nombreux pays du Commonwealth que compte cette région du monde. Je ne connais pas l’impact du Brexit sur ces îles, mais le renforcement d’un lien intra-européen ne présente que des avantages.
    Je crois nécessaire de rappeler l’importance de prendre en considération les populations locales à travers leurs représentants afin d’éviter toute ambiguïté quant aux raisons du passage de militaires sur l’une de nos îles. Vous savez comme moi combien la présence de nombreux militaires en mouvement peut être anxiogène pour les populations.
    L’accord que nous examinons revêt également une importance notable du fait de l’interdépendance évidente des territoires et des îles de la Caraïbe et de la nécessaire coopération dans les temps difficiles, comme votre rapport le démontre en s’appuyant sur l’exemple de l’ouragan Irma en 2017.
    Le groupe Démocrate tient à saluer la discussion plus large qu’il ouvre dans l’objectif d’aboutir à la signature d’un accord-cadre de défense en 2024, dont le principe a été réaffirmé lors de la visite en France du Premier ministre néerlandais en mars 2022.
    Notre groupe étant attaché à la construction européenne et à l’autonomie stratégique de l’Union européenne, il ne peut que se réjouir de voir deux États membres coopérer directement sur ces questions essentielles de défense. Nous voterons donc évidemment en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Comme nous l’avons dit lors de l’examen du texte en commission des affaires étrangères, un accord qui renforce la coopération bilatérale franco-néerlandaise dans les Caraïbes et en Amérique du Sud est toujours une bonne chose.
    Cet accord sur le statut des forces et la coopération en matière de défense dans la Caraïbe et en Amérique du Sud fait suite à une demande du ministre de la défense néerlandais, qui en 2011 avait exprimé le souhait de renforcer la coopération entre nos deux pays. Le texte définit un cadre juridique adapté aux opérations communes dans les Antilles néerlandaises pour lesquelles les dispositifs de coopération dans le cadre de l’Otan ne s’appliquent pas. La France et les Pays-Bas entretiennent déjà des liens étroits dans la Caraïbe, qui se manifestent par des entraînements militaires, la gestion de catastrophes naturelles ou plus récemment la lutte contre la pandémie de covid-19. Cet accord concerne également la lutte contre la grande criminalité, y compris le trafic de stupéfiants.
    Il s’appliquera pour les Pays-Bas à Aruba, Saint-Martin et aux Pays-Bas caraïbes, qui rassemblent les îles de Bonaire, de Saint-Eustache et de Saba ; et, pour la France, à ses territoires dans les Caraïbes et en Amérique du Sud : la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et la Guyane.
    En matière de défense, la France et les Pays-Bas effectuent d’ores et déjà, indépendamment de l’accord, des opérations de surveillance dans le détroit d’Ormuz dans le cadre de la mission Agénor ainsi que des entraînements conjoints dans la Caraïbe, dernièrement en 2018. En pratique, cet accord permettra la conduite dans la région de missions de coopération organisées hors du cadre de l’Otan, qui ne prévoit de coopération que sur le territoire métropolitain des États signataires.
    Il n’y avait donc pas de cadre juridique pérenne ni de niveau intergouvernemental adapté aux opérations militaires communes dans la Caraïbe et en Amérique du Sud. Cette carence est désormais comblée pour ce qui concerne la France et les Pays-Bas.
    Même si nous sommes éloignés du théâtre européen qui concentre de nombreuses préoccupations, un accord militaire entre deux pays membres de l’Union européenne est toujours une bonne nouvelle. Cela me donne l’occasion de rappeler l’attachement du groupe Socialistes et apparentés à l’intégration européenne, y compris dans le domaine militaire.
    La France et les Pays-Bas entretiennent déjà des liens étroits dans les Caraïbes, et un renforcement de la coopération est indispensable dans une région du globe où les deux pays sont souvent amenés à travailler ensemble. L’île de Saint-Martin, dont le nord est français et le sud néerlandais, en est le parfait exemple.
    Cet accord bilatéral porte également sur l’organisation d’exercices d’aide humanitaire et de gestion de catastrophe. L’ouragan Irma, qui a notamment dévasté l’île de Saint-Martin en septembre 2017, a montré l’importance d’une coopération structurée et pérenne entre la France et les Pays-Bas dans ce domaine. Cet accord intergouvernemental permettra, à l’avenir, une meilleure gestion par les forces de défense et de sécurité de ce type de catastrophe humanitaire.
    Pour toutes ces raisons, les Socialistes et apparentés voteront pour l’approbation de cet accord.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Kochert.

    Mme Stéphanie Kochert

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    Le 31 août 2021, lors de sa visite en France, le Premier ministre du royaume des Pays-Bas avait réaffirmé sa volonté de renforcer notre coordination sur les sujets européens. Les Pays-Bas sont un partenaire important au sein de l’Otan et de l’Union européenne. La diplomatie des Pays-Bas s’est ouverte à de nouveaux accords avec la France, notamment à la suite du Brexit. À l’heure où nous agissons ensemble, en Européens, pour la sécurité à l’est de l’Europe, où nous conduisons des missions militaires communes, nous devons renouveler notre engagement auprès d’un partenaire majeur.
    Nos coopérations militaires avec les Pays-Bas sont nombreuses. D’abord, nos deux pays sont membres de l’Otan : 200 militaires français sont, à l’heure où je vous parle, stationnés aux Pays-Bas dans les bases de l’Alliance atlantique à Brunssum, Eindhoven, La Haye et Den Helder. Cette coopération couvre l’ensemble de nos corps armés : sur terre, par des travaux visant à renforcer l’interopérabilité ; dans les airs, par des participations régulières à l’exercice Frisian Flag à Leeuwarden ; en mer, enfin, dans les Caraïbes, pour lutter contre le narcotrafic et intervenir en cas de catastrophe naturelle.
    L’enjeu de la lutte contre le narcotrafic est de taille. La mer des Antilles couvre un espace comparable à la Méditerranée, or les pays côtiers ont des capacités d’intervention maritime limitées. L’enjeu est aussi technologique, les narcotrafiquants utilisant des navires toujours plus discrets, parfois submersibles. Un accord militaire avec les Pays-Bas doit donc s’inscrire dans les nombreuses opérations interalliées en cours dans la région pour contrer ce fléau.
    Les catastrophes naturelles en sont un autre pour nos territoires insulaires. En 2017, l’ouragan Irma a eu des conséquences désastreuses pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, touchant également les territoires français et néerlandais. Les forces de défense et de sécurité des deux pays ont été déployées pour venir au secours des populations. Malheureusement, cette coopération n’était alors pas encore suffisamment encadrée, ce qui a nécessité de signer des accords ad hoc et de s’en tenir à des notes verbales.
    Tels sont les enjeux pour les Caraïbes et l’Amérique du Sud, auxquels s’ajoute l’instabilité politique de certains pays côtiers. Pour y faire face, nous devons activer l’ensemble des leviers de coopération avec nos alliés afin d’agir le plus efficacement possible. L’accord sur le statut des forces avec les Pays-Bas est l’un de ces leviers.
    Il facilitera les interventions communes avec nos partenaires néerlandais dans la région. Il simplifiera en effet l’échange d’instructeurs et d’élèves des institutions militaires, les escales de navires de guerre et aéroportuaires, les visites d’entités militaires et civiles, les actions conjointes, le partage de connaissances.
    L’accord prévoit aussi des missions d’assistance humanitaire en cas de catastrophe naturelle. Si, demain, un autre événement de l’ampleur de l’ouragan Irma venait à se produire, nous aurions les outils pour faciliter une réponse militaire coordonnée.
    Enfin, cet accord est parfaitement cohérent avec nos objectifs stratégiques. Nous devons faire de la France une puissance d’équilibre, capable de s’intégrer et de mener des exercices communs au sein de nos alliances, autant pour l’Otan que pour l’Union européenne.
    Le groupe Horizons et apparentés votera en conséquence en faveur du projet de loi visant à approuver cet accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes

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    Face à la multiplication des menaces hybrides, aux conflits armés qui mettent à l’épreuve les relations internationales, à l’urgence à laquelle nous confrontent le dérèglement climatique et ses dommages irrémédiables, notre réponse ne pourra pas être individuelle. Seuls, nous en serions réduits à la résignation face à ces conséquences inéluctables car nos actions n’auraient pas de poids et resteraient vaines.
    Les écologistes que nous sommes sont depuis toujours partisans d’une Europe renforcée et fédérale, dont le socle reposerait sur l’humanisme. Mais il nous faut trouver une boussole à la hauteur de l’urgence et de notre puissance collective. Il nous faut renforcer sans cesse nos coopérations, dans nos domaines établis comme au sein de ces nouveaux domaines d’intérêt stratégiques communs et envisager de relever les défis par une action multimodale, complexe, universaliste et parfois non alignée.
    Nous examinons ici un projet de loi qui paraît presque évident, non seulement en raison de l’urgence, mais aussi du fait de la forme de coopération qu’il propose. Il existe en effet déjà des liens étroits et anciens dans les Caraïbes entre la France et les Pays-Bas. Saint-Martin, Sint Maarten, avec son histoire, en est l’exemple type. C’est tout le sens d’une politique de coopération incarnée, consciente de son histoire et de ses atouts.
    Ce texte montre que face aux défis majeurs que nous rencontrons, une politique de défense efficace peut aussi se présenter comme non alignée, indépendante et être parfaitement capable de surmonter collectivement des défis communs. Cet accord offrira les bases d’une meilleure collaboration technique, logistique et humaine, ainsi que d’une plus grande efficacité dans le soutien apporté aux populations, notamment pour répondre aux événements climatiques à venir. Je ne peux que saluer cette dynamique en tant que présidente du groupe d’amitié entre la France et les Pays-Bas.
    Aux grands maux les grands remèdes. Nous le voyons aujourd’hui, l’élément qui nous amène à étudier ce texte de coopération n’a rien à voir avec une quelconque armée, et son nom, que d’autres ont évoqué avant moi, résonne sûrement encore chez vous : Irma.
    Irma, c’est le nom de cet ouragan qui a détruit une grande partie de l’île de Saint-Martin. Il incarne le désastre, notre impuissance face aux éléments et à l’environnement qui pourtant ne cesse de nous rappeler la nécessité d’agir. Notre manque d’organisation à l’époque pour répondre à l’urgence humanitaire après la catastrophe a sans nul doute accéléré les négociations qui ont abouti à ce texte.
    Face à l’urgence, il faut bien admettre que nos territoires d’outre-mer ne sont pas aussi bien lotis que nous : si, à terme, nous sommes tous touchés par les conséquences environnementales du changement climatique, ils sont le premier front particulièrement affecté par les bouleversements climatiques, et le travail pour protéger nos concitoyens ultramarins reste immense.
    Je tiens à l’affirmer à nouveau devant vous : les outre-mer sont un levier indispensable pour construire des politiques internationales et des partenariats régionaux dans de nouveaux domaines de coopération. Ils seront les pionniers d’une nouvelle forme de diplomatie, capable de relever les défis contemporains, parmi lesquels les nombreux aléas climatiques qui nous toucheront indubitablement dans les années à venir.
    La coopération bilatérale prévue par le texte est donc essentielle à court terme, puisqu’elle permettra de fournir une assistance logistique et humanitaire. Mais son intérêt sera également central à long terme, grâce à l’échange de bonnes pratiques ou l’élaboration de plans communs de prévention et de protection des populations et des infrastructures, appui dont nos territoires d’outre-mer ne sauraient autrement bénéficier.
    Je me réjouis particulièrement de la définition large de la défense qui a été retenue, et qui fait de l’aide humanitaire une clé de voûte du texte. Dans ces territoires plus encore qu’ailleurs, nous devons être en mesure de renforcer concrètement nos coopérations techniques, matérielles et humaines. Ainsi, lors d’une catastrophe comme celle de l’ouragan Irma, nous serons bien plus efficaces pour pallier l’urgence, voire l’anticiper ensemble.
    Pour terminer, j’irai même un peu plus loin : la défense n’est pas le seul défi que nous pourrons relever dans cette région du monde grâce à la relation bilatérale avec les Pays-Bas. Je suis persuadée que d’autres coopérations suivront, liées à d’autres enjeux tout aussi importants, comme la fraude fiscale ou le trafic de drogue. Gageons que cet accord, dont la visée humanitaire ne fait aucun doute, sera aussi un terrain propice à l’échange de savoirs et de bonnes pratiques entre nos militaires et nos deux pays.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera donc en faveur du texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marcellin Nadeau.

    M. Marcellin Nadeau

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    Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera en faveur de la ratification de l’accord de coopération militaire dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, signé le 25 juin 2021 à Paris entre les ministres des armées de France et des Pays-Bas, et qui couvre l’ensemble des îles françaises de la Caraïbe – Saint-Martin, Saint-Barthélemy, mon territoire de la Martinique et la Guadeloupe – ainsi que les États autonomes dépendant du royaume des Pays-Bas – à savoir Sint Maarten, Saba, Bonaire, Saint-Eustache, Curaçao et Aruba.
    Si nos deux pays sont frontaliers dans la Caraïbe, nous n’avons que peu d’échanges en dehors de l’accord relatif aux échanges d’informations protégées et classifiées du 28 juillet 1992 et de l’accord intergouvernemental relatif au séjour des forces néerlandaises en France – qui n’est pas réciproque – signé le 16 septembre 1988 et modifié les 13 et 25 septembre 2000. Ces accords sont d’ailleurs, vous en conviendrez, purement techniques et limités ; seul l’accord d’Eindhoven du 6 mai 2019 prévoit une coopération entre les territoires ultramarins de la zone Caraïbe. Il manquait un souffle, une ambition, une véritable analyse des enjeux communs.
    Bien que les relations de nos deux États dans la Caraïbe soient anciennes et remontent à un accord de 1648, qui prévoyait un droit de poursuite des corsaires, les statuts institutionnels n’ont évolué que depuis une quinzaine d’années : c’est regrettable, et nous en avons d’ailleurs fait l’amère expérience lors du cyclone Irma, qui a ravagé Saint-Martin et révélé l’inanité de la coopération franco-hollandaise dans la zone Caraïbe.
    Alors, qu’est-ce qui a fait évoluer le paradigme ? Le 15 juillet 2007, Saint-Martin, commune de Guadeloupe, est devenue une collectivité d’outre-mer à part entière, régie par l’article 74 de la Constitution, et reconnue comme région ultrapériphérique par Bruxelles. Le 10 octobre 2010, Sint Maarten, dépendant de La Haye, est devenu l’un des quatre États autonomes du royaume néerlandais : il dispose depuis d’un parlement distinct et s’est vu reconnaître le statut de pays et territoire d’outre-mer par l’Union européenne.
    Cette double évolution institutionnelle a rendu nécessaire l’amélioration et l’organisation de la coopération dans cette zone au vu des enjeux qu’elle recèle. Jusqu’ici, la coopération y était en effet, au mieux balbutiante, au pire inexistante – et je le répète, cela s’est vu à l’occasion d’une catastrophe naturelle aux conséquences dramatiques : le passage de l’ouragan Irma en septembre 2017. En l’absence d’accords préalables comme celui que nous nous apprêtons à adopter, les Français n’ont pas pu accoster ou atterrir en zone néerlandaise, ce qui a évidemment retardé les secours de plusieurs jours et occasionné de gros problèmes de sécurité.
    Nous avons donc besoin d’améliorer la coopération et d’homogénéiser les normes et le droit dans la zone Caraïbe. J’en profite pour vous demander officiellement d’accélérer les négociations sur l’accord avec les Pays-Bas visant à définir précisément la frontière de l’île de Saint-Martin et la gestion du lagon de Simpson Bay, car cela est nécessaire.
    Le Brexit a également rebattu les cartes : Sainte-Lucie, la Dominique, Trinidad ou la Barbade regardent en effet désormais de plus en plus vers l’Union européenne et se démarquent de la Couronne britannique. Il est donc nécessaire d’amplifier notre coopération dans la Caraïbe, tout en gardant à l’esprit les propos tenus la semaine dernière par le Président de la République au sujet de la nécessité pour nos armées de se préparer à une démultiplication de potentiels conflits liés au dérèglement climatique. Les territoires visés par l’accord y sont en effet très exposés.
    Mais la question ne s’arrête pas là : avec près de 3 600 militaires français dans la Caraïbe et en Guyane, et près de 900 militaires hollandais, la coopération bilatérale s’impose pour mieux lutter contre la corruption et le narcotrafic qui passe par la Caraïbe, puisqu’elle offre aux États européens concernés par l’accord les moyens d’intervenir tout en clarifiant leurs zones d’intervention. L’opération Corymbe, qui lutte contre les trafics illicites de stupéfiants dans le golfe de Guinée depuis 1990, devrait ainsi pouvoir être transposée dans la Caraïbe.
    Les chantiers sont donc nombreux, mais il semble nécessaire de mieux impliquer les structures représentatives locales aux décisions. La coopération régionale émanant des collectivités d’outre-mer, Guadeloupe, Martinique ou Guyane, doit être intensifiée et facilitée : sur ce sujet comme sur bien d’autres, les élus locaux veulent en effet que leur avis soit mieux pris en considération et souhaitent être davantage impliqués dans les négociations diplomatiques. Par exemple, sur l’île de Saint-Martin, c’est un même peuple qui vit de part et d’autre de la frontière. Depuis 2014, la collectivité de Saint-Martin défend donc un projet de structure institutionnelle, baptisée Congrès uni de Saint-Martin, qui regrouperait le gouvernement de Sint Maarten et la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin pour des échanges ponctuels. Pour l’instant, ni Paris, ni La Haye n’ont donné suite à ce projet de coopération structurelle, et nous le regrettons profondément. En Guyane aussi, il y a urgence à intégrer les élus et les citoyens à la réflexion sur le degré de militarisation de leur territoire.
    Cet accord doit donc être la première pièce d’une véritable coopération entre Paris et La Haye, mais les élus locaux devront être davantage intégrés aux projets.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Serva.

    M. Olivier Serva

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    Je remercie tout d’abord Mme la rapporteure pour la qualité de son travail. En tant que député de la Guadeloupe, ce texte me semble aller dans le bon sens, et le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera en faveur de la ratification de cet accord pour deux raisons.
    La première est la présence indéniablement importante de nos deux pays dans cette région. Près de 1 million de citoyens français et néerlandais vivent dans les Antilles et en Guyane, où les relations entre Français et Néerlandais sont nourries – je pense particulièrement aux rapports entre les deux populations à Saint-Martin, aux rapports entre des territoires français et néerlandais proches, mais également à ceux entre Guadeloupéens et Saint-Martinois, puisque les deux îles sont distantes de seulement 250 kilomètres.
    Les catastrophes naturelles, comme celle évoquée précédemment par d’autres collègues, l’assistance humanitaire, la lutte contre les trafics et la sûreté de nos espaces aérien et maritime justifient une coopération entre nos personnels militaires. L’armée des Pays-Bas est en effet présente en permanence à Aruba et Curaçao, tandis que la France déploie plus de 3 000 soldats aux Antilles et en Guyane. La proximité de nos territoires caribéens respectifs justifie donc la formalisation d’un tel accord, d’autant que nos deux pays possèdent dans la région quatre bases militaires. Je pense en particulier au 33e régiment d’infanterie de marine (Rima), en partie stationné chez moi, en Guadeloupe, au camp Dugommier. La force de souveraineté y est notamment composée de deux frégates de surveillance, d’un navire patrouilleur et de deux bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer. En Guyane, le 3e régiment d’infanterie de la Légion étrangère mène l’opération Harpie et la mission Canopée contre l’orpaillage illégal.
    La seconde réside dans la nécessité de formaliser une coopération, qui n’est pas nouvelle. En effet, les premières coopérations tendaient à faire face aux catastrophes météorologiques. Des opérations conjointes avaient ainsi été menées en 2017, après le passage de l’ouragan Irma, et, en 2019, le 33e Rima était intervenu aux Bahamas dans le cadre d’une opération amphibie conjointe avec les forces néerlandaises antillaises suite au passage de l’ouragan Dorian. L’article 3 de l’accord prévoit d’ailleurs explicitement que l’assistance humanitaire entre dans le cadre de la coopération.
    Par ailleurs, l’accord complète un arsenal de traités de coopération entre la France et les Pays-Bas, notamment s’agissant d’actions militaires menées conjointement dans d’autres régions du monde.
    En pratique, cet accord prévoit l’échange d’instructeurs et d’élèves militaires, la possibilité d’escales de navires de guerre, des actions conjointes d’entraînement, l’échange d’informations classifiées, l’importation et l’exportation de matériel militaire et l’installation d’un système de communication spécifique. En matière de contraintes, il prévoit très judicieusement les cas où une peine disciplinaire serait nécessaire, ainsi que les dispositions à appliquer en cas d’infraction. Enfin, il précise la répartition des coûts de la coopération et prévoit une prise en charge médicale d’urgence pour les soldats de l’une ou l’autre des parties sur le territoire de l’autre.
    On peut regretter que l’accord ne précise pas le champ des zones économiques exclusives (ZEE) entre nos deux pays. En effet, un rapport du Sénat, publié en 2014, soulignait le caractère incomplet de la délimitation des ZEE entre les Antilles françaises et les Antilles néerlandaises.
    Malgré un champ assez large, les dispositions de l’accord assurent la sauvegarde de notre souveraineté, puisqu’il ne concerne pas les opérations de guerre ni le maintien de l’ordre. Par ailleurs, il définit la compétence juridictionnelle en cas de litige ou de décès.
    Pour finir, je tiens à revenir sur le contexte dans lequel s’inscrit l’accord. En 2021, la France et les Pays-Bas avaient déjà signé un accord de défense portant sur le statut des forces. En mars 2022, lors d’une déclaration commune, la France et les Pays-Bas affichaient l’objectif de signer un accord-cadre de défense d’ici à 2024 : cela nécessitait d’améliorer la coopération policière, la gestion des frontières et la lutte contre la criminalité organisée, mais également de renforcer notre partenariat en matière militaire grâce à la convergence des doctrines militaires, des programmes d’armement communs et des exercices conjoints.
    Voilà donc tout l’intérêt du texte qui nous occupe aujourd’hui, et qui se situe à mi-chemin d’un accord de coopération plus global entre nos deux pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Guy Bricout applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.

    Mme Laetitia Saint-Paul

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    Je tiens à associer à nos travaux notre collègue Éléonore Caroit, qui a représenté la région concernée par cet accord.
    L’accord que l’on nous demande aujourd’hui de ratifier entend encadrer la coopération entre la France et les Pays-Bas en matière de défense, et vise à établir le statut juridique et les conditions de séjour des membres du personnel des deux États déployés dans les Caraïbes.
    Ce nouvel accord vient entériner une situation de fait existante, à savoir un partenariat militaire déjà engagé depuis plusieurs années entre la France et les Pays-Bas dans la zone Caraïbes et Amérique du Sud. Nos deux pays disposent de forces armées dans les Antilles, ainsi qu’en Guyane, pour la France. Les forces armées en Guyane constituent la première force stationnée outre-mer et le principal point d’appui français dans la zone Amérique latine-Caraïbes. Il est, à cet égard, sans doute utile de rappeler que la France partage, en Guyane, sa plus grande frontière avec un pays étranger, le Brésil, sur 730 kilomètres ; ce qui en fait une terre latino-américaine.
    Cette présence militaire française et néerlandaise permet de relever des défis communs caractéristiques des Caraïbes, mais certains enjeux internationaux dépassent cette seule zone géographique : le narcotrafic et les catastrophes naturelles, la traite d’êtres humains et le trafic d’espèces animales et végétales protégées – défis majeurs qui ne sont pas propres aux Antilles françaises ou néerlandaises mais qui sont communs à l’ensemble de la zone Caraïbes.
    Madame la secrétaire d’État, vous avez mentionné l’ouragan Irma de 2017. Plus récemment, les ouragans Fiona de fin septembre 2022 puis lan de novembre 2022 ont également entraîné d’importants dégâts humains et matériels non seulement en Guadeloupe, mais aussi en République dominicaine, en Haïti et à Cuba.
    Or, nous le savons, en cas de catastrophe humanitaire, l’important est non pas de savoir qui intervient mais d’intervenir vite. Les forces militaires présentes dans les Caraïbes constituent ainsi un relais et un point d’appui essentiels pour intervenir à la suite de catastrophes naturelles : cyclones, séismes, éruptions volcaniques.
    Cet accord est un exemple rare de coopération entre deux États européens sur le continent latino-américain. La France et les Pays-Bas ont démontré une coopération ancienne et active en matière de construction européenne. Ils démontrent une fois de plus leur capacité à coopérer. Il serait bon que cet accord encourage le développement d’une véritable politique étrangère de la France en Amérique latine et dans les Caraïbes.
    Jusqu’à la signature de l’accord que nous examinons aujourd’hui, la coopération franco-néerlandaise reposait sur des notes verbales : la coopération sera enfin formelle. Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à approuver ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. le président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson.

    M. Jérôme Buisson

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    Les Pays-Bas, au même titre que la France, sont de ces illustres nations qui ont contribué à façonner le continent européen et, pour notre pays, ils sont un État, une nation, un peuple ami avec lesquels la coopération est nécessaire. Nous n’avons cependant pas de frontière commune en Europe, mais nous en avons bien une dans les Caraïbes, à Saint-Martin. Il est ici question de coopération dans le domaine de la défense avec le royaume des Pays-Bas dans nos territoires ultramarins voisins.
    Le groupe Rassemblement national souhaiterait en premier lieu rappeler l’importance que revêtent, pour la nation, nos compatriotes vivant dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer – devrais-je dire, madame la secrétaire d’État, comme l’un de vos collègues, de France océane ou de l’archipel français ? Reste qu’au-delà de querelles terminologiques byzantines, ou plutôt parisiennes, il est indispensable de mieux intégrer ces territoires, à la fois dans le cadre national – car ils figurent souvent parmi les oubliés des gouvernements successifs – et dans leur cadre régional, qui offre également des possibilités de coopération pour un bénéfice mutuel. À ce titre, nous soutenons les efforts engagés en matière de coopération avec les États frontaliers, ou seulement voisins, en vue d’améliorer le cadre de vie de nos compatriotes et de favoriser leur protection et leur prospérité.
    Rappelons, en outre, que le Rassemblement national privilégie les initiatives bilatérales aux initiatives multilatérales : n’en déplaise à certains, les nations demeurent et demeureront l’échelon imprescriptible de l’exercice de la souveraineté et de la démocratie. À l’inefficacité patente de certaines initiatives multilatérales qui, à force de vouloir impliquer la terre entière, finissent par ne plus concerner personne, nous préférons, encore une fois, la conclusion d’accords bilatéraux, respectant la souveraineté des États.
    S’agissant du texte soumis à notre examen, nous approuvons non seulement le cadre de l’accord, mais aussi le fond : comme l’a encore montré le passage dévastateur sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy de l’ouragan Irma, qui a coûté la vie à quinze personnes, endommagé à divers degrés 85 % des bâtiments et coupé l’eau, l’électricité et les télécommunications, la coopération entre la France et les Pays-Bas est nécessaire. Cet accord vise à simplifier les démarches liées aux exercices et stages militaires, ainsi qu’aux opérations d’aide humanitaire et de gestion des catastrophes naturelles, en créant un cadre intergouvernemental stable : celui-ci mettra un terme aux lourdeurs résultant de notes verbales émanant des ministères et ambassades, ou d’accords spécifiques, en vue de réaliser la moindre action commune.
    Enfin, comme l’a souligné Mme la rapporteure, nous nuançons notre approbation en invitant le Gouvernement à veiller au coût des opérations menées avec nos partenaires : nos compatriotes et l’État lui-même en sont en effet à l’euro près. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    Il va sans dire que nous traversons une époque marquée par les crises et les défis : émergence de nouvelles guerres, résurgence d’anciens conflits, multiplication des menaces hybrides et des événements climatiques extrêmes. Loin de moi, cependant, l’idée de vouloir nous plonger dans une forme d’apathie ; au contraire, ce constat incite à l’action. Face aux tempêtes, la France se doit de mener une politique extérieure et de défense vigoureuse, non alignée, indépendante.
    L’accord que nous examinons vise à renforcer la coopération en matière de défense entre les Pays-Bas et la France dans leurs territoires caribéens et sud-américain, où sont stationnés 3 600 personnels des forces armées françaises et 900 militaires néerlandais. Au demeurant, cette coopération est déjà féconde : de nombreux entraînements militaires, une dizaine d’escales de navires de guerre dans les îles des deux États, des exercices d’aide humanitaire et de gestion de catastrophe. Elle a constitué une précieuse ressource en 2017, lorsque, après le passage d’Irma, les forces françaises et néerlandaises ont été déployées à Saint-Martin afin d’apporter une assistance à des populations qui en avaient grand besoin.
    Jusqu’à présent, cette coopération s’exerçait de manière ad hoc, sans cadre juridique : la Convention entre les États parties au traité de l’Atlantique nord sur le statut de leurs forces, dite accord de statut des forces à l’étranger, à laquelle la France et les Pays-Bas sont parties, ne s’applique qu’à leur territoire métropolitain. Par conséquent, les deux pays se trouvaient dans l’obligation de recourir à des notes verbales et accords spécifiques afin de pouvoir mener outre-mer des actions de défense communes. Après la signature, en août 2021, d’une déclaration d’intention visant à renforcer leur coopération, il devenait essentiel pour eux d’élaborer une solution durable.
    Cet accord présente un double avantage : il permet non seulement de structurer et pérenniser notre action commune avec un partenaire dans une zone d’intérêts partagés, mais aussi de s’affranchir du carcan de l’Otan. Il démontre qu’il est possible d’instaurer des coopérations opérationnelles sans devoir pour cela se plier à une quelconque doctrine atlantiste.

    M. Bastien Lachaud

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    Elle a raison !

    Mme Élise Leboucher

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    Indépendance et coopération ne sont pas opposées, bien au contraire : il est possible de mener une politique de défense non alignée et indépendante, capable de relever les défis communs. Or un rapport d’information publié en octobre 2022 par la commission des finances du Sénat notait que la présence militaire dans les outre-mer subissait de plein fouet la rationalisation des moyens alloués, ce qui a entraîné une réduction des effectifs au strict nécessaire. Pourtant nos outre-mer représentent des ressources uniques pour constituer des politiques internationales et des partenariats régionaux. Or deux composantes sont essentielles à l’élaboration de politiques ambitieuses : une vision à long terme et des moyens suffisants.
    Au-delà des enjeux liés à la défense, que nous examinons aujourd’hui, la relation bilatérale avec les Pays-Bas dans la région caribéenne présente de vastes possibilités de coopération renforcée, dont nous profiterions grandement : lutte non seulement contre la criminalité organisée – notamment le trafic de drogues et d’armes, la pêche illégale et l’orpaillage clandestin –, mais aussi contre la corruption et contre la fraude fiscale – ce serait là un moyen d’agir, étant donné que le Gouvernement ne cesse de nous parler de déficit. En octobre dernier, ma collègue Charlotte Leduc estimait dans un rapport que la fraude fiscale représente un manque à gagner de 50 à 120 milliards d’euros par an. Allons chercher cet argent ! Quant à la défense, elle requiert également un élargissement des perspectives. Les ouragans Irma de 2017, Fiona et Ian de l’automne 2022 nous rappellent la réalité du dérèglement climatique : l’urgence d’agir est d’autant plus grande que les événements climatiques extrêmes affectent particulièrement nos territoires ultramarins.
    Pour bon nombre de nos compatriotes, ce dérèglement ne constitue plus une abstraction, mais une menace grandissante pour leurs conditions d’existence. Il est grand temps de rompre avec l’inaction climatique et le manque d’ambition auxquels ce gouvernement nous a habitués. Notre politique de défense doit contribuer à relever ce défi, ce qui suppose le renforcement de notre coopération bilatérale à court et à long terme. Dans l’immédiat, il convient de multiplier les actions conjointes en matière d’assistance logistique et humanitaire, ce que cet accord rendra possible ; dans un avenir plus lointain, de faciliter le partage de bonnes pratiques ayant trait aux événements climatiques extrêmes et d’élaborer des plans communs de prévention et de protection des populations et des infrastructures.
    Les élus ultramarins et les communautés concernés devront être associés à chaque étape de cette coopération et leurs demandes prises en compte. Les territoires d’outre-mer deviendront ainsi le fer de lance d’une diplomatie non alignée, universaliste, susceptible de relever les défis contemporains. Pour ces raisons, le groupe LFI-NUPES votera en faveur de la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Alain David applaudit également.)

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui ! Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous sommes réunis cet après-midi en vue de ratifier l’accord entre la France et les Pays-Bas relatif à la coopération en matière de défense et au statut de leurs forces sur leurs territoires caribéens et sud-américain respectifs. S’agissant de partenaires de longue date, membres fondateurs de l’Union européenne, membres de l’Otan, je ne suis pas certain que cette levée de la procédure simplifiée soit absolument nécessaire.
    Comme cela a été rappelé lors de l’examen en commission, cet accord constitue du reste un rare exemple de coopération entre deux pays européens sur le continent latino-américain – c’est particulièrement vrai depuis que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. La présence française et néerlandaise dans la zone résulte d’une longue et riche histoire : si la Guyane française continue de faire partie intégrante de la France, les Pays-Bas ne possèdent plus de territoire en Amérique du Sud, ayant accordé en 1975, au terme d’un processus entamé dans les années 1950, son indépendance à la Guyane néerlandaise, devenue le Suriname. Néanmoins, leur influence demeure forte dans ce pays, dont le néerlandais reste la langue officielle et qui compte plus de 500 kilomètres de frontière avec la France. En raison de cette indépendance, les 900 militaires néerlandais de la région sont concentrés dans les Caraïbes, à Curaçao, Aruba et Saint-Martin, tout en ayant la possibilité de s’entraîner en Guyane, d’où l’ouverture de cette zone à l’accord. Pour mémoire, les forces armées en Guyane comptent près de 2 200 militaires chargés de la protection du Centre spatial guyanais et de la lutte contre divers trafics, dont le fléau de l’orpaillage. Les forces armées aux Antilles comprennent pour leur part plus de 1 000 militaires, essentiellement stationnés en Guadeloupe et en Martinique. Je tiens ici à saluer leur travail non seulement au service de nos concitoyens, mais aussi pour défendre la souveraineté française dans cette zone.
    Ainsi que l’a évoqué la rapporteure, Irma a mis en évidence l’importance de la coopération avec les Pays-Bas, dont beaucoup ont découvert à cette occasion qu’ils partagent avec nous Saint-Martin. Particulièrement touchée par l’ouragan, cette île française dans sa partie nord a bénéficié dès les premières heures d’un soutien humanitaire et logistique déployé par les forces de sécurité et de défense des deux pays. Ne reposant sur aucun accord intergouvernemental pérenne, cette collaboration avait nécessité un certain nombre d’échanges de notes et d’accords spécifiques : c’est pourquoi l’accord que nous examinons, largement inspiré des clauses classiques des accords de coopération en matière de défense et de sécurité, ou des accords régissant le statut des forces, signés par la France, doit permettre d’organiser cette coopération, contribuant ainsi à la développer.
    La France coopère de façon étroite en matière miliaire avec le royaume des Pays-Bas, aussi bien au travers d’opérations communes dans diverses zones du monde – telles que les actions en Méditerranée, la lutte contre la piraterie, la task force Takuba au Mali ou encore l’opération Aigle en Roumanie – que dans des programmes communs d’armement avec, entre autres, la lutte antimines navales.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour la ratification de cet accord qui fait avancer notre défense, notre souveraineté et nos outre-mer. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Depuis 2016, la France et les Pays-Bas ont émis le souhait de renforcer une coopération déjà riche dans leurs territoires ultramarins de la zone Caraïbes et Amérique du Sud. Cette alliance, géographiquement et politiquement naturelle, n’est pas nouvelle. Et pour cause : l’île de Saint-Martin est, depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648, partagée par une frontière d’une dizaine de kilomètres entre nos deux pays. Le processus conventionnel entamé il y a déjà sept ans devrait aboutir en mars prochain à un accord bilatéral mettant fin à l’imprécision du tracé de cette frontière et à ses conséquences en matière fiscale notamment. L’ouragan Irma qui, le 6 septembre 2017, a frappé avec une violence inouïe ces régions malheureusement placées sur la trajectoire directe de l’œil du cyclone – quinze personnes y ont perdu la vie et 85 % des bâtiments ont été endommagés –, et, plus récemment le Brexit puis la guerre en Ukraine ont favorisé le rapprochement entre nos deux nations.
    Déjà liés par l’accord du 28 juillet 1992, la France et les Pays-Bas ont signé en août 2021, à l’occasion de la visite du Premier ministre néerlandais à Paris, une déclaration d’intention. Celle-ci prévoyait, pour la zone caribéenne et sud-américaine, un renforcement de la coopération en matière non seulement de défense, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée, mais aussi d’échanges opérationnels. Le dernier rapport du Mica Center – Centre d’information, de coopération et de vigilance maritimes – fait état des menaces majeures que représentent les trafics de drogue, d’êtres humains ou d’armes, sans oublier la pêche illicite, entraînant, dans l’arc antillais, l’un des taux de mortalité les plus élevés au monde. Cet accord va officialiser, faciliter et intensifier une coopération déjà forte entre la France et les Pays-Bas dans le cadre des entraînements militaires, dans la gestion des catastrophes naturelles ou dans celle de la crise liée à la covid-19. Je rends ici hommage à nos 2 120 militaires déployés en Guyane et aux 1 060 soldats supplémentaires stationnés en Guadeloupe et en Martinique.
    Au-delà de cet accord et des coûts qu’il pourrait représenter – absents pour l’heure des rapports parlementaires –, c’est des outre-mer français qu’il nous faut débattre. Ils sont l’un des impensés les plus criants de notre politique nationale. Et pour cause : la vision que la France a de ces territoires se limite trop souvent à des problèmes sociaux. Trop souvent, les outre-mer tels la Martinique ou la Guadeloupe ne sont vus que sous le prisme d’une actualité agitée par les grèves et les conflits durs.
    Je ne parlerai pas de la Guyane, dont on pourrait croire que la seule richesse consiste en orpailleurs et en entrées clandestines. Pourtant, c’est grâce à la Guyane que la France dispose de sa plus longue frontière terrestre – avec l’un des plus grands pays au monde en plus, le Brésil. Ce pays est autant le voisin de la France que le sont l’Italie ou l’Allemagne en Europe. Les Antilles françaises, insérées dans l’important espace caraïbe, à proximité du Mexique et des États-Unis, ont elles aussi un rôle stratégique à jouer : celui-ci ne peut se limiter au tourisme de masse et à la redistribution d’aides destinées à acheter la paix sociale pour mieux oublier l’absence d’une véritable ambition de développement. Ne l’oublions pas, nos outre-mer sont souvent pauvres comparés à la métropole mais riches comparés à leurs voisins immédiats. Par rapport à Cuba et à Haïti, les Antilles françaises sont des îlots de prospérité et de stabilité. Et que penser de Mayotte, exclue de la Commission de l’océan Indien (COI) aux seules fins de ménager les Comores ? Celles-ci s’apprêtent à prendre la tête de l’Union africaine et à faire entendre leurs revendications sur Mayotte tout en négociant des aides financières de Paris dans le cadre de la COI. Cherchez l’erreur…
    Enfin, nous votions la semaine dernière un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. Dois-je rappeler ici que c’est grâce à nos outre-mer que nous possédons la plus grande zone économique exclusive au monde après les États-Unis ? Nos outre-mer sont, du fait de leurs emplacements stratégiques, des territoires vitaux pour notre pays et ils font de la France un acteur majeur dans le concert des nations. La France est le seul pays présent dans six des sept continents et dans les trois grands océans de la planète. Pour sauvegarder la puissance française, nous nous devons d’avoir une politique volontariste pour ces régions ou départements qui sont la France.
    Je souscris donc à l’accord dont nous discutons, mais il nous reviendra de décider ce qu’il convient de faire pour que nos territoires français d’outre-mer se transforment en leviers de puissance économique, géostratégique et militaire. La tâche est immense mais la France le mérite ! (M. Karl Olive applaudit.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    Sur le vote du projet de loi, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Laurence Boone, secrétaire d’État

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    Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de votre large soutien à ce projet de loi. Je voudrais apporter quelques précisions en réponse aux questions soulevées. S’agissant des coûts, d’abord, il n’est pas possible de les estimer puisque l’accord porte sur un cadre juridique : ils dépendront des actions et des besoins à venir. Nous espérons qu’ils seront les plus faibles possible, car ces besoins seront en grande partie liés à des catastrophes naturelles. L’important, c’est qu’en dehors de ces événements, l’accord permettra aux forces armées aux Antilles – qui le demandent – de s’entraîner, notamment aux évacuations. Au sujet des frontières, qu’un certain nombre d’entre vous avez évoquées, je puis vous assurer que nous progressons ; j’ai bien noté le souhait de certains d’aller vers un accord de coopération plus global.
    Je remercie ceux qui, parmi vous, ont compris que le renforcement continuel de nos coopérations renforce notre puissance collective.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        86
            Nombre de suffrages exprimés                86
            Majorité absolue                        44
                    Pour l’adoption                86
                    Contre                0

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

    2. Accord France-Kosovo emploi des membres des familles

    Procédure d’examen simplifiée

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, du projet de loi adopté par le Sénat autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (nos 6, 752).
    Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je mets directement aux voix l’article unique du projet de loi.

    (L’article unique est adopté ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

    3. Déroulement des élections sénatoriales

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat (procédure de législation en commission)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales (nos 597, 750).
    La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons les interventions du Gouvernement et du rapporteur de la commission, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

    Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

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    La proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales a été déposée par le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, et adoptée en première lecture par la Haute Assemblée. Je profite de cette occasion pour vous dire combien j’attache d’importance à la qualité de nos travaux au service des collectivités, des territoires et de nos concitoyens. Je crois profondément au dialogue, à la possibilité de s’accorder sur les meilleurs compromis et à la nécessité de dégager des consensus.
    Cette proposition de loi, qui a été votée à l’unanimité par l’ensemble des groupes au Sénat, nous en offre d’ores et déjà une bonne occasion. Elle concerne bien sûr un sujet important, qui touche à la mécanique même de notre démocratie. Elle se fonde aussi sur un constat que nous partageons tous : celui de l’inadéquation des modifications de 2019 avec les particularités du scrutin sénatorial dans notre pays, notamment dans les départements concernés par le scrutin majoritaire à deux tours.
    C’est pourquoi le Gouvernement porte un avis favorable sur l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi. Elles permettront de lever l’interdiction de la communication de résultats avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire de la France métropolitaine, ainsi que de faire campagne entre les deux tours des sénatoriales le cas échéant. Ce sont des mesures de bon sens, qui permettent de corriger les difficultés et les ambiguïtés constatées lors de la première application de ces modifications à l’occasion du scrutin de 2020. La communication des résultats dans les départements à scrutin majoritaire dont le premier tour avait été conclusif avait été longuement repoussée jusqu’à la fin de la journée, alors même que les résultats fuitaient déjà dans les médias. Par ailleurs, l’impossibilité de faire campagne entre les deux tours avait risqué de remettre en cause la sécurité juridique des élections sénatoriales, comme a pu le démontrer la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    En définitive, l’objectif recherché consiste à rendre aux élections sénatoriales les dispositions les plus adaptées à leur spécificité et donc à la réalité de nos territoires. Pour la levée de l’interdiction de la communication de résultats, le Gouvernement n’a aucune réserve puisqu’il n’y a pas de risques de créer un précédent pour d’autres types de scrutin. en ce qui concerne la levée de l’interdiction de faire campagne entre les deux tours, une difficulté doit à mon sens être prise en compte : elle risque de rendre inapplicable l’article L. 49 du code électoral. Des mesures de retenue doivent donc être simplement observées, afin de préserver la neutralité du vote. C’est la raison pour laquelle nous proposons de reconduire au niveau infraréglementaire, comme c’était le cas auparavant, les recommandations antérieures de mesure et de retenue faites aux candidats.
    Je crois, mesdames et messieurs les députés, que ces ajustements techniques sont les bienvenus alors que le prochain scrutin sénatorial se profile à l’horizon, et je suis convaincue qu’ils susciteront une large adhésion des députés, au-delà de tout débat passionnel. La présente proposition de loi va dans le sens de l’intérêt général de notre démocratie et de la juste prise en considération des caractéristiques du Sénat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Gilles Le Gendre

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Notre débat présente une intensité dramatique qui n’aura échappé à personne, et je pense qu’il marquera notre histoire. (Sourires.) Même si les dispositions qu’il prévoit sont assez ramassées, le présent texte traite d’un sujet important. Il peut être le prétexte d’un débat beaucoup plus large et j’attends avec appétit l’intervention future de notre collègue Bastien Lachaud, qui nous a gratifiés en commission de propos très profonds sur l’avenir des institutions : ceux-ci traduisaient sans doute une vision un peu large du sujet qui nous préoccupait mais s’appuyaient sur des arguments qui méritent d’être débattus. (Mme Caroline Fiat s’exclame.) Je crains de ne pas être totalement à la hauteur des sujets qu’il voulait aborder mais je ne doute pas qu’il le fasse d’ici peu de temps.
    Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi d’une ambition raisonnable, ce qui ne signifie pas qu’elle ne soit pas indispensable au bon fonctionnement de nos institutions. C’est pourquoi il a été choisi de recourir à la procédure de législation en commission sur l’ensemble de ses articles. Je remercie les différents groupes d’avoir, si je puis dire, joué le jeu en ne s’opposant pas à ce choix. Nous devons tous garder nos forces, je crois, pour les jours et les semaines à venir ! D’aucuns considéreront que nous pourrions en avoir besoin.
    Je vous rappelle le contexte dans lequel s’inscrit cette proposition de loi déposée par le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet. Au mois de septembre 2023, environ la moitié des 162 000 grands électeurs seront appelés aux urnes pour renouveler 170 des 348 sièges du Sénat. Vous le savez, depuis 2003 et la réduction de neuf à six ans du mandat sénatorial, le renouvellement du Sénat s’effectue par moitié et non plus par tiers.
    Ce scrutin présente plusieurs spécificités. Comme le prévoit l’article 24 de la Constitution, il se déroule au niveau des départements et au suffrage indirect. Compte tenu de la taille limitée du corps électoral, les opérations de vote se terminent généralement avant la fermeture du bureau, ce qui permet le dépouillement anticipé des bulletins – nous verrons que cela a son importance.
    Par ailleurs, deux modes de scrutin coexistent : si le scrutin majoritaire à deux tours a été conservé dans les départements où sont élus un ou deux sénateurs, dans les départements désignant trois sénateurs et plus, l’élection se déroule depuis 2000 au scrutin de liste, paritaire, à la représentation proportionnelle. Enfin, le scrutin, quel qu’en soit le mode, se déroule pendant une seule journée et dans un bureau unique, installé au chef-lieu du département.
    Ces trois éléments sont d’importance pour comprendre le texte qui nous est soumis.
    D’initiative sénatoriale, la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a étendu aux élections sénatoriales certaines exigences applicables aux autres élections, notamment législatives, en matière de propagande électorale.
    Si elle visait, à juste titre, à améliorer la transparence du scrutin, la coexistence des deux modes de scrutin et le déroulement de l’élection sur une seule journée ont entraîné, lorsqu’elle a été appliquée à l’occasion des élections sénatoriales de septembre 2020, quelques effets de bord – disons-le de manière taquine – que nos collègues sénateurs n’avaient pas forcément anticipés et qu’il convient de corriger.
    En effet, les élections sénatoriales de 2020 ont mis en évidence deux difficultés dans l’application de la loi du 2 décembre 2019 et qui tiennent à la publication des résultats et à la possibilité de faire campagne entre les deux tours.
    D’abord, la loi étendant aux élections sénatoriales les dispositions de l’article L. 52-2 du code électoral, il est devenu impossible de publier les résultats dans un département avant que le dernier bureau de vote métropolitain n’ait été fermé. Or, comme je l’ai indiqué, les opérations de vote et le dépouillement se font traditionnellement au fil de l’eau pour libérer les grands électeurs et cela n’a jamais posé de difficulté. Au contraire, la nouvelle disposition a suscité des problèmes : puisqu’elle interdit la publication des résultats, même si le premier tour était clos à onze heures dans les départements votant au scrutin majoritaire, les bureaux restaient ouverts toute la journée. Il fallait donc attendre dix-sept heures trente pour communiquer les résultats du premier tour alors que le second commençait à quinze heures trente. Il s’agit donc d’une incongruité à corriger.
    Par ailleurs, l’application de l’article L. 49 du code électoral interdit toute réunion ou communication ayant le caractère de propagande électorale la veille et le jour du scrutin. Or, le scrutin se déroulant sur une seule et même journée, la campagne d’entre deux tours est de facto illégale. Nos collègues sénateurs avaient l’habitude d’organiser des déjeuners conviviaux les jours de scrutin, ce qui peut s’entendre et ne mérite pas de mettre en péril la sincérité du scrutin.
    Or le Conseil constitutionnel a dû se prononcer sur plusieurs recours, concernant l’organisation de repas ou l’envoi de messages aux grands électeurs entre les deux tours. Le Conseil n’a pas annulé de scrutin sur ce fondement mais il a confirmé que ces actions contrevenaient aux dispositions du code électoral.
    Autre conséquence de l’application de cette disposition : les dépenses engagées n’ont pu faire l’objet d’un remboursement au titre des frais de campagne. Cela n’est pas davantage justifié, dans la mesure où les dépenses sont plafonnées à 10 000 euros par candidat, plus 5 ou 2 centimes d’euros par électeur.
    La présente proposition de loi, adoptée par le Sénat le 6 décembre dernier, prévoit donc deux dérogations pour corriger ces dysfonctionnements. Elle exclut l’application de l’article L. 52-2 du code électoral aux élections sénatoriales pour permettre, comme c’est le cas dans les départements d’outre-mer, de publier les résultats département par département, dès la fermeture du bureau de vote du département. Cela permettra aux préfectures de garder la main sur la divulgation des résultats plutôt que de les voir fuiter durant la journée. Nous nous sommes demandé en commission si la publication précoce de résultats pouvait influencer le scrutin dans d’autres départements, mais je crois que seule la publication officieuse, sous le manteau, peut avoir un effet délétère.
    La proposition de loi prévoit que, dans les départements où l’élection se déroule au scrutin majoritaire, les candidats ne sont pas soumis aux obligations résultant de l’article L. 49 du code électoral. Ils sont ainsi autorisés à faire campagne entre la fin du premier tour et le début du second tour, tout en restant soumis, comme c’est le cas depuis 2019, aux règles de bienséance qui régissent les campagnes électorales.
    En accord avec la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le rapporteur du Sénat a complété le texte par un article 1er bis, qui permet aux candidats d’inscrire à leur compte de campagne, pour remboursement, les dépenses engagées entre les deux tours.
    Enfin, l’article 2 précise que cette modification du code électoral concerne l’ensemble du territoire de la République – une précision utile pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle-Calédonie, qui obéissent au principe de spécialité législative.
    La commission des lois est profondément attachée à ce que le renouvellement partiel du Sénat se déroule, en septembre, dans les meilleures conditions. Elle s’est prononcée à l’unanimité en faveur de l’adoption, dans les mêmes termes, de cette proposition de loi. J’espère qu’il en sera de même cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR)

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    Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce texte de bon sens. Alors que les élections sénatoriales approchent, son adoption permettra d’éviter les écueils rencontrés en septembre 2020.
    Il est incroyable, en effet, que les candidats qualifiés au premier tour n’aient pas pu faire campagne dans l’entre-deux-tours. Si l’interdiction de mener campagne la veille du scrutin est indispensable lorsqu’une semaine sépare les deux tours, elle est absurde lorsque l’élection se déroule sur une seule journée !
    Par cohérence, les résultats du premier tour des scrutins majoritaires devront être communiqués dès la fin de matinée, tandis que les résultats du second tour et ceux des scrutins à la représentation proportionnelle seront diffusés progressivement sur l’ensemble du territoire métropolitain, au fur et à mesure de leur remontée depuis les départements. Outre que cette disposition permettra d’éviter les fuites dans la presse, elle donnera à ces élections importantes une couverture médiatique suffisante.
    Nos collègues sénateurs ont clarifié, en cohérence avec les autres ajustements, la question des dépenses à visée électorale engagées entre les deux tours. Il nous paraît légitime qu’elles soient éligibles au remboursement forfaitaire par l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benjamin Lucas.

    M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)

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    Les députés écologistes, comme leurs collègues du Sénat, voteront évidemment en faveur de cette proposition de loi de bon sens. Que les résultats du premier tour puissent être proclamés, mais pas publiés, avant le second tour est pour le moins incongru !
    Je ne peux qu’inviter notre assemblée à poursuivre l’exercice, en continuant de corriger l’ensemble des dysfonctionnements démocratiques dans notre pays. Alors que l’abstention est massive, que l’épouse du Président de la République se substitue au ministre de l’éducation nationale pour défendre le port de l’uniforme à l’école, que vous avez choisi de gouverner contre l’immense majorité du peuple en imposant la réforme des retraites (Protestations sur les bancs du groupe RE), il nous apparaît que les institutions obsolètes de la Ve République sont à bout de souffle et qu’elles produisent de la colère et de la désespérance. Elles doivent être profondément repensées, tant dans leur structure que dans leur pratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gilles Le Gendre.

    M. Gilles Le Gendre (RE)

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    Je n’abuserai pas de votre temps, tout ayant été fort bien dit par la ministre déléguée, le rapporteur et les orateurs précédents.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Allez, vous serez bientôt ministre !

    M. Gilles Le Gendre

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    Ce texte, tout en étant indispensable, ne revêt pas une signification politique très forte. Le groupe Renaissance votera en faveur de son adoption, dans la version conforme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Sur la proposition de loi, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Gisèle Lelouis.

    Mme Gisèle Lelouis (RN)

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    Cette proposition de loi ne bouleverse pas les règles électorales applicables aux élections sénatoriales. Nous souhaitons donc son adoption.
    Elle est le résultat du besoin exprimé par nos collègues sénateurs et les grands électeurs de mettre ces règles en conformité avec la spécificité de ces élections, qui se déroulent sur une journée unique et dont le corps électoral est restreint. Sans prendre en considération cette spécificité, la réforme de 2019 a aligné le régime des élections sénatoriales sur celui des autres élections. Le texte qui nous est soumis revient sur certaines de ses dispositions.
    La première modification permet aux candidats, dans les départements soumis au scrutin majoritaire, de faire campagne entre les deux tours du scrutin le jour de l’élection. Cette modification relève du bon sens et il est heureux qu’elle soit proposée par nos collègues sénateurs, ceux qui connaissent le mieux cette élection.
    Il apparaît logique, aussi, que les frais de cette campagne soient pris en charge par l’État, au même titre que ceux engagés lors d’autres élections.
    Concernant la fin de l’embargo prévu par l’article L. 52-2 du code électoral, le groupe Rassemblement national considère qu’il est pertinent d’autoriser la publication des résultats dès qu’ils sont connus. Cette modification, propre aux élections sénatoriales, appelle cependant une réflexion plus globale pour l’avenir. Ne faut-il pas réglementer davantage les sondages lorsque le scrutin est imminent ? Il s’agit, là aussi, de préserver l’impartialité des élections démocratiques et de permettre la sincérité du vote de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES)

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    Ce texte vise à corriger des aberrations que l’extension aux élections sénatoriales des règles applicables aux scrutins a introduites.
    Le rythme effréné qui nous a été imposé sous le précédent mandat (Exclamations sur les bancs du groupe RE) ne nous permettait pas, et ne nous permet toujours pas, de légiférer sereinement, en prenant le temps de bien examiner les sujets. Aussi la modification apportée en 2019, alignant les élections sénatoriales sur les autres élections, a-t-elle entraîné des aberrations qui sont apparues au grand jour lors du dernier scrutin.
    L’interdiction de proclamer les résultats des élections avant la fermeture du dernier bureau de vote de France métropolitaine a fait qu’en théorie, les résultats du premier tour ne pouvaient être proclamés avant le début du second tour – mais comment organiser un second tour sans connaître le nom des candidats ? L’interdiction de faire campagne la veille et le jour du scrutin a empêché, de fait, toute campagne, même brève, entre les deux tours. Pourtant, la campagne électorale est inhérente au vote et au choix éclairé des électeurs.

    M. Benjamin Lucas

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    Il a raison !

    M. Bastien Lachaud

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    S’il est vrai que l’élection sénatoriale est spécifique dans notre paysage politique – en ce qu’elle s’adresse non pas aux citoyennes et citoyens dans leur ensemble, mais seulement aux grands électeurs –, une élection reste une élection, c’est-à-dire un choix entre différentes personnes qui soutiennent des programmes. Cela vaut pour les sénatrices et les sénateurs, pour les députés comme pour la présidence de la République : masquer la campagne électorale, c’est nier le choix démocratique. Ces aberrations de la loi doivent être corrigées. Nous ne pouvons donc qu’être favorables à ce texte.
    Plus largement, il faut réfléchir à l’élection sénatoriale dans son ensemble. Avons-nous aujourd’hui besoin d’un système bicaméral ?

    M. Pascal Lavergne

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    Vous voulez donc supprimer le Sénat !

    M. Bastien Lachaud

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    Si oui, voulons-nous maintenir le scrutin indirect ? Nos institutions ont été conçues sans le peuple, à l’occasion d’un coup de force en 1958. (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Romain Daubié

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    Toujours dans l’excès !

    M. Bastien Lachaud

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    Le peuple français a pourtant considérablement changé depuis 1958 ! Mais ces institutions sont vermoulues, sclérosées et leur légitimité fond à vue d’œil. Notre régime dérive lentement mais sûrement vers l’autoritarisme. Depuis l’adoption forcée du traité de Lisbonne contre le vote explicite du peuple français, les exemples sont légion.
    Le recours au 49.3 est banalisé, écrasant jusqu’au Parlement, et la réforme des retraites qui s’annonce augure encore d’une pitoyable manœuvre antidémocratique (Protestations sur les bancs du groupe RE), méthode délétère qui éloigne encore plus le peuple des institutions censées le représenter.
    La participation aux différentes élections s’effondre, sauf bien sûr pour les élections sénatoriales, où le vote est obligatoire. Pourquoi ce vote obligatoire ne serait-il pas, dans le sens inverse, généralisé aux autres élections ? Nous y serions favorables mais encore faudrait-il pour cela avoir une réelle discussion démocratique dans ce pays.

    Mme Caroline Abadie

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    Et la discussion démocratique au sein de LFI, elle existe ?

    M. Bastien Lachaud

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    Nous devons non plus faire des lois de modifications à la marge de notre système électoral mais refonder entièrement notre système politique, du sol au plafond.
    Il faut que le peuple politique se refonde lui-même en refondant ses institutions. Pour cela, une assemblée constituante devrait siéger parallèlement à nos institutions jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution pour une République démocratique, écologique et sociale, une VIe République, soit adoptée.

    M. Erwan Balanant

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    Il faudrait veiller à ce qu’il n’y ait pas de problème de démocratie interne dans cette nouvelle République !

    M. Bastien Lachaud

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    Il serait alors opportun de redéfinir l’équilibre des pouvoirs dans son ensemble, non seulement le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, mais aussi et surtout le pouvoir du peuple. Quelle serait la place du Sénat dans ce nouveau système ? Ce serait au peuple d’en décider. Ce sont des questions démocratiques fondamentales qui doivent être débattues par le peuple pour que notre démocratie revive. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard (LR)

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    Je serai bref, car je n’ai pas prévu, contrairement à mon prédécesseur, de revisiter l’intégralité des institutions de notre République. Le groupe Les Républicains votera évidemment en faveur de cette proposition de loi qui vise à éviter que les irrégularités constatées lors des dernières élections sénatoriales de 2020 ne se reproduisent lors du prochain renouvellement du Sénat en septembre 2023. Je tiens à saluer notre collègue François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat, qui est à l’initiative de ce texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Mandon.

    M. Emmanuel Mandon (Dem)

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    La discussion de cette proposition de loi d’initiative sénatoriale, adoptée à l’unanimité par nos collègues sénateurs, me donne l’occasion de formuler deux observations de caractère général.
    La première a trait aux obligations que la Constitution attache à l’exercice de notre fonction législative. À juste titre, la jurisprudence constitutionnelle impose au Parlement, depuis au moins une vingtaine d’années, de l’exercer effectivement et pleinement. Dans son dernier état, elle a fait de la clarté de la loi un corollaire de cette obligation. Le respect de la clarté de la loi trouve toute sa place lorsqu’il s’agit, comme nous nous y employons ici, de définir les conditions de déroulement des élections sénatoriales. Cet acte politique majeur a été involontairement malmené et la proposition de loi apporte un remède nécessaire.
    Ma seconde observation porte sur la technique législative. Sur un sujet particulièrement sensible, en raison du domaine politique auquel il touche, la proposition de loi met une fois de plus en lumière le danger inhérent à la pratique des renvois de texte à texte, dont on ne cesse, au fil des législatures, de relever les risques juridiques qu’elle induit. La structure du code électoral, marquée par de tels renvois, a pu rendre moins vigilant face à ce phénomène. La leçon est sans aucun doute bonne à tirer.
    Dans ce contexte, la clarification opérée par cette proposition de loi répond plutôt avec bon sens aux problèmes constatés lors des élections sénatoriales de septembre 2020. Les dispositions en cause ont suscité dans leur dernière version de réelles difficultés, Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur l’ont bien précisé. Simple, clair et technique, ce texte, de portée somme toute limitée, vient utilement corriger et clarifier notre droit. En cela, il ne pose pas de difficultés. Il n’est pas inutile de le rappeler, les prochaines élections sénatoriales ayant lieu en septembre prochain, il est impératif d’en garantir le bon déroulement. Il convient donc de légiférer dans les meilleurs délais et nous considérons donc qu’une adoption conforme s’impose.
    Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) approuvera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        97
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                97
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Guillaume Vuilletet, rapporteur

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    Je voudrais tout d’abord remercier notre assemblée pour ce vote. Ensuite, je tiens à préciser que mes sentiments sont partagés après avoir entendu l’intervention de notre collègue Bastien Lachaud. D’un côté, je lui sais gré d’avoir animé ce débat qui aurait paru un peu terne.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Merci Bastien !

    M. Guillaume Vuilletet, rapporteur

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    De l’autre, je ne peux m’empêcher de me dire que voir derrière ce texte, comme il l’a fait, un sourd complot du Gouvernement destiné à assécher la démocratie, il fallait oser ! Je ne sais pas si c’est de la manipulation ou de la récupération, en tout cas, je ne doute pas que son intervention donnera lieu à une très belle capsule vidéo. J’espère seulement que les autres prises de parole y figureront, car notre débat risque sinon d’être réduit à une fake news. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

    4. Limitation de l’engrillagement des espaces naturels et protection de la propriété privée

    Deuxième lecture (procédure de législation en commission)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée (nos 596, 751).
    La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons les interventions du Gouvernement et du rapporteur de la commission, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie.

    Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie

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    Nous nous apprêtons à vivre un moment important pour notre biodiversité. Dans cette enceinte, vous aurez dans quelques instants l’occasion de mettre fin à des années de dégradation de notre paysage et de cette biodiversité que nous chérissons tant. Cette proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée est un texte fondamental.
    Le travail mené avec le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement, ainsi qu’avec les groupes parlementaires, est la concrétisation d’une rigoureuse démarche de coconstruction législative. Je tiens à le saluer car je suis fière d’avoir pu le mener avec vous. Il est la preuve qu’ensemble, dans l’écoute et le débat, nous pouvons aboutir à des consensus forts et faire bouger les lignes pour nos territoires et pour les Français.
    Je crois qu’une prise de conscience a récemment émergé au sein de la population française autant que dans l’esprit des responsables politiques du monde entier : la biodiversité est en danger, il est urgent de la sauver. Le Gouvernement a fait de sa sauvegarde une priorité que nous avons su traduire en actes.
    La Première ministre a annoncé la mise en place d’un fonds vert doté de 2 milliards d’euros, qui fera la part belle à la biodiversité, avec 150 millions uniquement fléchés vers sa préservation. Nous avons classé sous protection 30 % de notre territoire terrestre et marin et nous travaillons à renforcer la protection de 10 % supplémentaires. À la COP15, avec les pays membres de l’Union européenne, nous avons soutenu une ambition inégalée en faveur de la biodiversité. Ce combat a porté ses fruits et nous avons obtenu des engagements historiques de la part de l’ensemble des pays. Ce texte sera donc une victoire supplémentaire pour la biodiversité.
    Cette préservation de la biodiversité est la boussole qui a guidé ce travail transpartisan : il a permis de réunir toutes les parties prenantes, des chasseurs aux usagers de la nature, autour d’une ambition commune.
    Ces dernières années, la pratique de l’engrillagement n’a cessé de croître et nous savons quel impact néfaste elle a pour notre environnement. En votant en faveur de ce texte, vous permettrez la reconstitution des continuités écologiques nécessaires aux espèces animales et végétales pour assurer leur cycle de vie. En votant en faveur de ce texte, vous mettrez fin à plus de 3 000 kilomètres de grillages qui ont dévasté les paysages de la Sologne et dénaturé des pans entiers de nos bois et de nos forêts dans de très nombreux départements. En votant en faveur de ce texte, vous redonnerez à nos pompiers les moyens d’assurer la sécurité et la préservation des forêts car, comme vous l’avez souligné en commission la semaine dernière, ces grillages entravent la progression de nos soldats du feu et les empêchent d’agir.
    Projetons-nous dans quelques années et posons-nous cette question : à quoi ressembleront nos paysages en 2027 ? Les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme (PLU) permettront en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles seront posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, ne dépasseront pas 120 centimètres et ne pourront ni blesser, ni constituer des pièges pour les animaux. Dans quatre ans, tout propriétaire concerné aura dû procéder à la mise en conformité de ses clôtures de manière qu’elles ne portent pas atteinte à l’état sanitaire, aux équilibres écologiques ou aux activités agricoles ou forestières du territoire.
    Néanmoins, certaines clôtures existeront toujours, car elles sont nécessaires. Des exceptions sont prévues car il ne s’agit pas de mettre fin aux clôtures qui protègent certaines de nos routes ou voies ferrées, ni à celles qui participent à la régénération forestière et soutiennent l’activité agricole. Je tiens cependant à vous rassurer, car j’ai entendu les craintes que vous avez exprimées en commission la semaine dernière. Ces exceptions n’ont pas vocation à vider la loi de sa substance. Je veillerai tout particulièrement, notamment lors de la rédaction des décrets, à ce qu’il ne soit pas procédé à leur implantation quand cela n’est pas pertinent.
    Cette proposition de loi s’est construite du Sénat à l’Assemblée nationale, de réunion de commission en réunion de commission, débat après débat. Vous êtes nombreux à avoir déposé des amendements qui ont tous concouru à cette version finale. Lors du dernier examen du texte au Sénat, son article 5 a été modifié après une concertation nourrie et adopté, à une voix près, à l’unanimité. C’est, je crois, le symbole d’une réussite collective et d’un accord total.
    Ce consensus n’aurait jamais pu être trouvé sans l’important travail fourni par le sénateur Jean-Noël Cardoux, qui est à l’initiative du texte, par le sénateur Laurent Somon et par le député Richard Ramos. Je tiens à les remercier sincèrement pour le dialogue constant qu’ils ont nourri avec les députés et les sénateurs qui se sont investis dans l’élaboration de ce texte, dans la recherche permanente du consensus. Vous avez fait honneur au travail parlementaire et, pour l’élue que je suis, c’est une grande satisfaction.
    Je peux vous assurer que le Gouvernement veillera à ce que cette nouvelle loi soit strictement appliquée dans les territoires, dans le respect de l’esprit que vous, parlementaires, lui avez donné. Je compte aussi sur vous pour participer à la construction du dialogue qui devra débuter très prochainement avec les acteurs de terrain, les propriétaires, les élus, les fédérations départementales de chasseurs et les associations écologiques.
    Je suis persuadée que cette proposition de loi contribuera de manière significative à sauvegarder la biodiversité. La protéger doit devenir notre priorité à tous. Je continuerai de porter ce message en France autant qu’à l’échelon international. C’est le sens de mon engagement au sein du Gouvernement, et cette proposition de loi est une réponse à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Richard Ramos, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

    M. Richard Ramos, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Nous avons réalisé, et je m’en réjouis, un travail consensuel, mené avec l’ensemble des groupes politiques ainsi qu’avec nos collègues sénateurs, sans oublier Mme la secrétaire d’État et ses services. Ensemble, nous nous sommes accordés sur un texte juste, permettant l’équilibre entre la libre circulation des animaux sauvages et le respect de la propriété privée.
    Je remercie tous nos collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, en particulier son président Jean-Marc Zulesi, ainsi que tous ceux, issus de tous les groupes politiques, qui ont participé à l’élaboration de cette proposition de loi. Elle est l’illustration d’une activité parlementaire accomplie dans l’intérêt des territoires. Je tiens à souligner l’excellent travail de notre collègue sénateur Jean-Noël Cardoux, auteur initial de la proposition de loi et très engagé sur les sujets relatifs à la nature. Je le remercie pour son implication et nos échanges constructifs, même s’ils ont parfois été vifs. Je salue également notre collègue sénateur Laurent Somon, rapporteur de ce texte lors des deux lectures. Je vous remercie également, madame la secrétaire d’État, ainsi que votre équipe, pour le travail effectué à nos côtés. Enfin, je remercie les associations qui œuvrent depuis des années, sans relâche, en faveur du désengrillagement. Une fois encore, le travail parlementaire traduit la reconnaissance de l’engagement de ces milliers de bénévoles qui essaient d’agir pour le bien commun.
    Lors de la première lecture, nous avons adopté différentes mesures permettant de consolider le texte. Ainsi, nous avons établi que les nouvelles clôtures, tout comme celles érigées depuis moins de vingt ans, devront se mettre en conformité avec les dispositions de la présente proposition de loi. Nous avons précisé les exceptions prévues pour certaines clôtures, telles que celles entourant les parcelles agricoles, celles revêtant un caractère historique ou patrimonial ou encore celles liées à la sécurité routière. Je le dis à ceux qui voudraient, demain, aller au tribunal dans l’espoir de contourner la loi : l’esprit de celle-ci est que les clôtures soient enlevées – à l’exception des cas que je viens d’évoquer. La règle est donc simple, c’est l’interdiction des clôtures, et elle devra être respectée. Celles qui ne seront pas conformes aux nouvelles règles ne pourront plus être posées ou maintenues. Les exceptions citées plus haut ne pourront être autorisées, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, que par l’administration.
    Nous avons accru les pouvoirs de contrôle des agents de développement assermentés des fédérations départementales des chasseurs. Nous avons abaissé à la quatrième classe – suivant en cela une proposition de notre collègue du groupe Écologiste-NUPES, Mme Lisa Belluco –  le niveau de la contravention qui s’applique en cas de pénétration non autorisée au sein d’une propriété privée, dont les limites devront être matérialisées. En effet, il nous a paru trop sévère vis-à-vis de nos concitoyens, en particulier des promeneurs, d’établir une contravention de cinquième classe. Enfin, nous avons réservé l’utilisation du fonds biodiversité pour le retrait des clôtures à leur remplacement par des haies bénéfiques à la biodiversité.
    De retour à l’Assemblée nationale après une deuxième lecture au Sénat, le texte a été examiné en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 18 janvier, selon la procédure de législation en commission, dite Plec. L’article 5 sur l’agrainage et l’affouragement en enclos était le seul restant en discussion : aucun amendement n’ayant été déposé, il a été adopté dans une version conforme à celle du Sénat. Voté à la quasi-unanimité, ce texte, mes chers collègues, nous permet de réaffirmer une ultime fois combien la libre circulation des animaux sauvages est importante et qu’il nous faut la garantir partout en France.
    Combien de fois le fléau de l’engrillagement a-t-il été évoqué dans nos murs ou dans les territoires ? Nous en parlions depuis si longtemps, ici et dans les territoires touchés, en particulier en Sologne, région à l’origine du terme spécifique inventé pour désigner le phénomène : la « solognisation ». Plusieurs propositions de loi ont même été déposées au cours des dernières années pour tenter d’enrayer cette tendance, notamment celle du député François Cormier-Bouligeon.
    Emprisonner la nature, contraindre les animaux sauvages en les empêchant de circuler librement d’une parcelle à une autre, voilà l’un des aspects néfastes de l’engrillagement. Nous pourrions également évoquer les difficultés d’accès des pompiers lors d’incendies ou encore les problèmes d’attractivité touristique de ces secteurs enlaidis par les grillages. Alors, pourquoi ériger de telles clôtures, hautes de deux mètres et enfoncées dans le sol ? Pour protéger la propriété privée ? Sans doute, mais cela ne concerne que quelques-uns. Ne nous le cachons pas : ne serait-ce pas plutôt pour pratiquer un ball-trap vivant, contraire à l’esprit même de la chasse ?
    N’emprisonnons pas les animaux, laissons-les courir librement dans les forêts. Dans un monde souvent trop urbanisé, protégeons les espaces sauvages, les forêts, ces lieux où les animaux sont rois. Libérons nos paysages de ces barrières, comme l’écrit si bien le réalisateur et écrivain Jean-Pierre Fleury – pour une fois, je ne citerai pas Maurice Genevoix, entré au Panthéon – dans son ouvrage Mes chemins buissonniers : « Mon bois n’a guère de frontières. Ses chemins n’ont pas de clôture, pas de barrière, ni dans l’espace ni dans le temps. Ils vont dans des endroits magiques où, si l’on en a envie, on peut voir se côtoyer des faits et des êtres largement authentiques, hautement vraisemblables, qui vécurent et se produisirent en des lieux et en des temps parfois bien différents, souvent bien éparpillés. Les chemins de halliers qui me conduisent sont difficiles à trouver. C’est souvent un labyrinthe. […] Si vous voulez vous aussi vous y promener, c’est en vous que vous devrez trouver l’itinéraire. Dans vos souvenirs, dans vos tripes, dans votre cœur. »
    Mes chers collègues, cessons de maltraiter nos animaux sauvages, nos milieux naturels, nos forêts, nos cours d’eaux, toute notre biodiversité. Dans ce monde trop artificiel que nous avons créé, reprenons les choses en main et faisons tout pour qu’à nouveau notre belle nature s’épanouisse, avec les animaux. La présente proposition de loi y contribue. Enlevons ces grillages laids sur lesquels s’éventrent les animaux pour les laisser à nouveau se déplacer sans entraves ni contraintes. Vive la nature et vive la liberté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Lisa Belluco.

    Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES)

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    L’engrillagement des espaces naturels permet d’aborder l’une des principales causes de l’effondrement de la biodiversité, à savoir la fragmentation des habitats. En effet, plus les habitats sont morcelés, moins les espèces sont en mesure de maintenir leur population. La discussion de ce texte nous permet de mettre la biodiversité au cœur de nos débats pendant quelques heures – je devrais dire pendant quelques minutes, compte tenu de la procédure de législation en commission –, et il convient de le saluer.
    Lors de son examen en première lecture, ce texte sur l’engrillagement a pu être amélioré, en précisant par exemple la date à partir de laquelle les clôtures sont concernées par les dispositions de la proposition de loi ou encore le fait que ces mesures s’appliquent également aux réparations des clôtures existantes, même si celles-ci ont été installées antérieurement à la date d’application. Par ailleurs, la proposition de loi prend en considération – cette modification sémantique a son importance – la faune sauvage dans son ensemble, et non plus uniquement le gibier.
    Toutefois, nous sommes restés sur notre faim sur certains sujets. Bien que ce ne soit pas explicitement indiqué, nous savons toutes et tous que ce texte s’attaque indirectement à la pratique barbare de la chasse en enclos. Nous aurions apprécié qu’il soit plus direct et interdise purement et simplement cette pratique d’un autre temps. Cette activité draine des sommes d’argent importantes pour le plaisir de riches industriels, de rentiers ou d’aristocrates de tout poil. Dans le moindre enclos bas de gamme, le droit d’abattre un sanglier se monnaie aux alentours de 300 euros. Les prix s’envolent lorsqu’il s’agit d’abattre un individu d’une espèce exotique et certains sont prêts à payer jusqu’à 4 000 euros pour avoir la possibilité de tuer un grand cerf, à demi apprivoisé car issu de l’élevage et qui n’a aucune chance de s’échapper.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Elle a raison !

    Mme Lisa Belluco

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    À celles et ceux qui avanceraient l’argument selon lequel la chasse est une activité populaire, je réponds que ce type de chasse n’a absolument rien à voir avec le droit à chasser obtenu par le peuple pendant la Révolution française.

    M. Julien Bayou

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    Eh oui !

    Mme Lisa Belluco

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    Il s’agit du mode de chasse des classes méprisantes et destructrices, celles-là mêmes qui sont à l’origine de l’exploitation des femmes et des hommes et de la destruction de la planète. (« Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Elle a raison !

    Mme Lisa Belluco

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    Mais la proposition de loi répond aussi à une demande des autres chasseurs, ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un carnage sur animaux enfermés, ceux qui sont, dans certaines régions, privés de chasse à cause de l’engrillagement à outrance de toutes les forêts. Même si le texte n’évoque pas directement la chasse, elle est en fait présente dans chacun de ses articles.
    Je reviendrai sur un article particulièrement injuste et auquel je m’étais opposée lors de son examen en première lecture. L’article 2 instaure la possibilité de sanctionner d’une contravention de quatrième classe toute personne qui s’introduirait dans une propriété privée rurale ou forestière, sauf dans les cas où la loi le permet. Au premier abord, cette mesure semble être frappée au coin du bon sens : si vous n’approfondissez pas le sujet, vous serez certainement convaincus que l’obligation de déclôturer certains terrains doit obligatoirement s’accompagner d’une protection renforcée de la propriété privée. Il s’avère pourtant que cette disposition pose deux problèmes majeurs.
    Premièrement, elle risque en fait de limiter très fortement l’accès de toutes et tous à la nature. En effet, 75 % des forêts françaises sont privées. La disposition introduite par ce texte permettrait donc, par l’installation d’une simple limite physique sans que cette notion soit définie dans le texte, d’interdire à quiconque de s’y promener. Je réitère donc ici l’appel que j’avais formulé en commission d’engager des états généraux des usages de la nature pour discuter de l’accès et du partage de la nature entre toutes et tous.
    Deuxièmement, ce que nous n’avions pas identifié lors de la première lecture, c’est que cette disposition instaure une inégalité face à la loi entre chasseurs et non-chasseurs. En effet, les chasseurs ont le droit de pénétrer dans quasiment toutes les propriétés sans jamais être inquiétés, à partir du moment où ils poursuivent un animal mortellement blessé. Avec le texte que nous allons vraisemblablement voter aujourd’hui, nous entérinons le fait qu’un naturaliste qui pénétrerait intentionnellement dans une propriété privée rurale ou forestière, dans le but par exemple de compter les individus d’une espèce qu’il étudie, aurait toutes les chances de se voir verbaliser d’une amende d’un montant pouvant atteindre 750 euros, alors même qu’il n’aurait commis aucun dégât. À l’inverse, un chasseur qui s’introduirait dans une propriété privée rurale ou forestière, en coupant au passage les fils de la clôture électrique – expérience de cavalière – pour traquer un animal agonisant et sans défense autre que la fuite, ne se verra jamais inquiété par la moindre amende.
    Cette situation conduit mon groupe à revoir sa position de vote : ce texte entérinant tout de même quelques avancées en faveur de la biodiversité et de la faune sauvage, le groupe Écologiste-NUPES s’abstiendra. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Longtemps la biodiversité était un angle mort de l’écologie et de nos politiques publiques. Même si aujourd’hui nous faisons face à un lent éveil, accompagné d’une meilleure prise en compte de ces enjeux, la route reste encore longue.
    La proposition de loi que nous allons adopter constitue un pas supplémentaire vers la préservation de notre patrimoine environnemental et le groupe auquel j’appartiens s’en réjouit. Cela a été rappelé à plusieurs reprises lors de nos débats, certains territoires voient les grillages et les barrières se multiplier : c’est une tendance aux effets négatifs nombreux qu’il était nécessaire de corriger. Contrairement à ce qui peut parfois être allégué, le droit de se clôturer n’est pas un droit absolu et, dans une logique de préserver le bien commun qu’est la nature, il est normal d’en limiter intelligemment la portée.
    Par l’adoption de la présente proposition de loi, nous ne remettons pas en cause le droit de clore sa propriété et nous ne cherchons pas non plus à diviser la population entre chasseurs et non-chasseurs. Nous ne poursuivons à travers ce texte qu’un seul but : préserver du mieux possible la biodiversité et le droit de chacun à profiter de la nature sans obstacle indu. Sans notre action, nous le savons, les promeneurs continueront de se voir refuser l’accès à bon nombre d’espaces et regretteront de voir les paysages déformés et perdre peu à peu leur caractère naturel.
    La question de l’accessibilité de ces espaces naturels ne concerne pas uniquement les promeneurs, mais aussi les forces de sécurité, les pompiers au premier chef. Nous l’avons constaté à grand regret l’été dernier : la France est de plus en plus exposée aux conséquences du dérèglement climatique et doit affronter des feux toujours plus massifs et dévastateurs. En aucun cas, nous ne pouvons fermer les yeux sur les risques que représentent des espaces naturels morcelés et barricadés. En facilitant le travail des femmes et des hommes qui nous secourent, ce texte renforce donc aussi notre sécurité au quotidien.
    Au-delà de l’accessibilité des espaces, la proposition de loi vise à s’assurer que l’objectif de continuité écologique est garanti ou rétabli. Les clôtures ayant désormais une hauteur limitée, elles pourront être franchies par le gibier – une fois encore, rappelons que les premières victimes sont les animaux qui se blessent en tentant de franchir les enclos. Comme nous l’avons affirmé récemment à cette tribune, notre devoir est de respecter la vie animale, ainsi que d’en comprendre les contraintes et les difficultés. Telle doit être notre priorité.
    En imposant, de surcroît, que les clôtures soient constituées de matériaux naturels ou traditionnels, la proposition de loi garantit une certaine préservation de la beauté des paysages. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires accueille très favorablement la possibilité d’utiliser le fonds biodiversité pour remplacer des clôtures par des haies : cette disposition nous semble s’inscrire dans une logique de long terme qui va dans le bon sens. Cela favorisera en outre l’acceptabilité de la mesure et concourra à l’objectif fixé par le programme Plantons des haies. Nous nous félicitons que le Sénat ait conservé le dispositif visant à imposer de nouvelles normes pour les barrières construites à partir de 1992 – compromis trouvé à l’Assemblée nationale.
    Plus globalement, nous nous réjouissons que nos collègues sénateurs aient maintenu l’intégralité des apports issus de l’Assemblée. Cela prouve notre capacité à avancer collectivement sur des sujets chers à l’immense majorité de nos concitoyens : la mise en valeur de la beauté des territoires et la défense de leur biodiversité.
    Je conclurai par une remarque concernant l’article 5, le seul à ne pas avoir été adopté conforme : nous soutenons l’ajustement des sénateurs qui définit clairement les espaces étanches dans lesquels l’agrainage est interdit.
    Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires voteront en faveur de cette proposition de loi – à l’exception notable de notre collègue Guy Bricout – et se réjouissent de sa future adoption. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT. – M. le rapporteur et M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.

    M. François Cormier-Bouligeon (RE)

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    Nous arrivons au terme d’un travail engagé au début de la précédente législature, lorsque les associations locales ont sollicité notre soutien pour lutter contre l’engrillagement de la Sologne. L’association Les amis des chemins de Sologne nous avait contactés avec prudence car jusqu’alors aucun parlementaire n’avait accepté de s’engager pour cette juste cause. Personne ne pensait qu’un député oserait s’opposer un jour aux grands propriétaires solognots engrillageurs : nous étions les David face aux Goliath.

    M. Maxime Minot

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    Ce n’était pas vous, mais plutôt les sénateurs Les Républicains !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Cinq ans plus tard, quelle avancée ! Nous nous sommes engagés, nous avons observé, expertisé, auditionné, concerté, rassemblé et mobilisé les chasseurs comme les non-chasseurs, les promeneurs contemplatifs comme les sportifs et les élus locaux et nationaux. Nous avons ensuite légiféré au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur la base de la proposition de loi de notre collègue sénateur Jean-Noël Cardoux, qu’il convient de saluer,…

    Mme Frédérique Meunier

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    Ah !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …tout comme nous saluons M. le rapporteur Richard Ramos, dont le soutien a été fort utile. Les résultats sont patents ; parmi eux, je citerai deux mesures importantes.
    Premièrement, les clôtures de 2 mètres en fil de fer et barbelés érigées depuis 1993 devront avoir été retirées d’ici au 1er janvier 2027. Si elles sont remplacées, elles devront l’être par des clôtures en matériaux naturels posées à 30 centimètres du sol et d’une hauteur maximale de 1,20 mètre, de façon à marquer les limites de la propriété mais aussi – et surtout – à laisser passer les animaux, petits et grands : ceux-ci retrouveront ainsi leur liberté, comme il convient aux animaux sauvages dans la nature.
    Deuxièmement, l’effacement des grandes clôtures devra être précédé par des actions assurant le respect de l’état sanitaire des équilibres écologiques et des activités agricoles et forestières du territoire. Il n’est pas question de remettre en liberté des dizaines de milliers de sangliers, chevreuils, biches et autres cerfs, non seulement parce que nous en avons déjà trop, mais aussi parce que nous ne voulons pas mettre des animaux sauvages libres en contact avec des animaux consanguins et des espèces exotiques. Si le texte recueille un très large soutien, c’est parce que nous avons trouvé un équilibre entre le respect de la nature et le respect du droit de propriété.
    Une fois la loi votée, il restera à la faire appliquer ; nous y veillerons. Nous porterons une attention particulière à deux éléments devant figurer dans le décret d’application. D’une part, le droit de suite pour l’activité de chasse doit être confirmé – il ne doit donc pas être concerné par la contravention que nous créons contre les intrusions. D’autre part, madame la secrétaire d’État, je souhaite que vous soyez très claire concernant les clôtures le long des routes, et que vous confirmiez, dans la continuité de votre intervention préalable, que l’amendement voté au Parlement concerne uniquement les routes proches des domaines relevant de la défense nationale.
    En votant cette proposition de loi, chers collègues, nous gagnerons la satisfaction du respect de la parole donnée et convaincrons nos concitoyens, je l’espère, que les élus de la nation savent s’extraire des polémiques vaines et se rassembler pour construire des solutions conformes à l’intérêt général et au bien commun. Pour ma part, j’y aurai également gagné autre chose. Je l’annonce devant vous, debout, à la tribune de l’Assemblée nationale, car c’est ici que j’ai décidé de rendre publique cette information :…

    M. Maxime Minot

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    Ah, un scoop !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …dans ce combat, j’aurai aussi gagné une mise en examen – vous entendez bien – à la suite d’une plainte portée à mon encontre par un des engrillageurs.

    Plusieurs députés du groupe RE

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    C’est scandaleux !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Je rejoins ainsi le glorieux cortège composé de Marie et Raymond Louis, des Amis des chemins de Sologne, François Bonneau, président de la région Centre-Val-de-Loire, Nicolas Vanier, explorateur et réalisateur de cinéma, Émilie Rencien et Frédérique Rose, journalistes au Petit Solognot, Mikaël Texier, journaliste à TV Tours et Hugo Clément, journaliste. À mon tour, donc, député de la République, d’être mis en examen. De quoi, au juste, serions-nous coupables dans cette affaire ? Serions-nous coupables d’aimer passionnément notre territoire, notre nature et notre Sologne ? Serions-nous coupables de vouloir protéger la biodiversité et le bien-être animal ? Serions-nous coupables d’être convaincus que la nature peut être vécue non pas dans l’opposition et la confrontation, mais dans le partage entre tous ceux qui l’aiment, quelle que soit l’activité qu’ils pratiquent ? Serions-nous coupables de l’affirmer publiquement, en liberté, et serions-nous coupables de vouloir changer la loi ? Serions-nous coupables de faire primer l’intérêt général sur des intérêts particuliers excessifs ? Voilà ce dont nous serions coupables ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, cher collègue.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Je vais vous faire une confidence : de tout cela, nous sommes immensément fiers. En votant cette proposition de loi, vous vous ferez les avocats de la Sologne, de la forêt française et de tous ceux qui défendent la nature, comme nous la défendons. C’est pourquoi j’ai le grand honneur de vous demander de voter le texte, comme le feront les députés du groupe Renaissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, LR et Écolo-NUPES. – M. Roger Chudeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Sur la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance, Démocrate (MODEM et indépendants) et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Mathilde Paris.

    Mme Mathilde Paris (RN)

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    En octobre, l’Assemblée a adopté, en première lecture, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Très attendu en Sologne, ce texte permettra de protéger la faune et de préserver les paysages, tout en facilitant l’intervention des pompiers en cas d’incendie.
    Le groupe Rassemblement national se satisfait des avancées obtenues tout au long des débats, notamment de l’extension des dispositions du texte à l’ensemble des clôtures édifiées depuis trente ans au sein d’un espace naturel – évolution obtenue grâce à l’adoption d’un amendement de notre groupe durant l’examen en commission. Les sénateurs ont confirmé ces avancées lors des échanges que nous avons eus à l’occasion de la navette parlementaire, conscients de la nécessité de légiférer urgemment sur le sujet. Rappelons en effet que le désengrillagement des espaces naturels est défendu de longue date par des associations telles que Les amis des chemins de Sologne – certains de ses membres sont présents dans les tribunes du public, comme ils l’ont été tout au long des débats.
    Je tiens à remercier l’auteur de la proposition de loi, le sénateur Jean-Noël Cardoux, ainsi que notre rapporteur, Richard Ramos, qui se sont saisis de ce sujet dans un esprit constructif et transpartisan.

    M. Maxime Minot

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    Bravo ! Excellent !

    Mme Mathilde Paris

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    Grâce au travail parlementaire, le texte aboutit à une conciliation satisfaisante entre, d’une part, la protection de la faune, la préservation des paysages et la sécurité incendie, et, d’autre part, la protection du droit de propriété.
    Il ne s’agit aucunement de diviser les propriétaires, les promoteurs, les chasseurs et les promeneurs, mais de rassembler tous les amoureux de la nature autour d’un texte de bon sens. Néanmoins, comme nous l’avons indiqué lors de l’examen en commission, différents acteurs associatifs ont exprimé leurs craintes quant au champ de l’exception au dispositif liée à la sécurité publique – notamment routière – et à la régénération forestière. Les propos que vient de tenir Mme la secrétaire d’État ont confirmé que l’application de cette exception fera l’objet de la plus grande vigilance. Si nous comprenons la pertinence de ces dérogations, nous espérons que leur champ d’application sera strictement circonscrit, afin que la loi atteigne pleinement les effets attendus et que, sur le terrain, ne se multiplient pas des dérogations contraires à l’esprit du dispositif. La proposition de loi étant motivée par une urgence soulignée depuis longtemps par différents acteurs, il nous semble indispensable qu’elle soit appliquée de manière prompte et effective. Nous veillerons donc à ce que les décrets d’application soient pris rapidement et à ce que le dispositif soit pleinement mis en œuvre sur le terrain, notamment en Sologne. Nous craignons, certes, une multiplication des recours contentieux, mais nous avons confiance quant au traitement qui leur sera réservé.
    J’espère que nous serons une majorité à nous retrouver autour de ce texte consensuel, qui a recueilli l’unanimité en première lecture, et qui est très attendu par les associations, les chasseurs et les riverains. Je regrette toutefois que l’unanimité ne semble pas prévaloir lors de cette deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Richard Ramos

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    L’extrême gauche ne veut pas libérer les animaux sauvages !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier.

    Mme Manon Meunier (LFI-NUPES)

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    La première fois que j’ai pris la parole à cette tribune, au début de la législature, c’était afin de vous alerter du désintérêt grave que semblait manifester le Gouvernement pour une cause qui détermine pourtant l’avenir de nos concitoyens, puisqu’elle détermine celui de notre planète : la préservation de la biodiversité et du vivant. Je rappelais à quel point nous étions dépendants de la biodiversité, que ce soit à travers les pollinisateurs, premiers alliés des paysans, ou à travers l’océan et son monde vivant, qui fournissent une bouffée d’oxygène sur deux de l’air que nous respirons. Je rappelais également notre bilan : 1 million d’espèces sont menacées de disparition dans les années à venir. En parallèle, je rappelais que le Gouvernement n’investissait que 300 millions d’euros dans cette cause dans le projet de loi de finances – autant dire rien, des miettes au regard du budget de l’État.
    J’aimerais vous dire que tout a changé, que la COP15 pour la biodiversité qui a eu lieu en décembre à Montréal fut une révélation pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu. J’aimerais vous dire qu’il en est revenu en homme changé et déterminé à investir massivement pour le vivant. Malheureusement, il n’en est rien. Pire, des ONG nous ont alertés sur le rôle néfaste qu’aurait joué la France dans les négociations de la COP15, notamment pour défendre la pêche intensive industrielle. Nous attendons toujours des réponses de M. Béchu à la suite de ces accusations.
    Puisque le Gouvernement ne met pas le sujet de la biodiversité sur la table, je me réjouis qu’il soit au moins pris en main par les membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, comme en témoigne l’examen de la proposition de loi sur le désengrillagement des espaces naturels.
    C’est avec un sentiment partagé que je me présente devant vous aujourd’hui. Certes, la disposition principale de cette proposition de loi – désengrillager nos forêts et nos paysages – va dans le bon sens : la discontinuité des milieux, c’est-à-dire la fragmentation de nos paysages due à des routes, des barrages ou des grillages, empêche les animaux de circuler librement, ce qui est l’une des causes importantes et scientifiquement reconnues du déclin de la biodiversité.
    Cette proposition de loi va aussi dans le bon sens car la chasse en enclos, qui se cache souvent derrière ces grillages, a été dénoncée en chœur sur la plupart de ces bancs pour ce qu’elle est : une pratique cruelle qui ne laisse aucune possibilité de fuite à l’animal et lui crée énormément de stress.

    Mme Danielle Brulebois

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    Cela n’a rien à voir !

    Mme Manon Meunier

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    Désengrillager revient donc à rendre une partie de l’espace à la nature, notamment à la faune sauvage. C’est aussi libérer visuellement nos paysages et tendre finalement vers l’idée d’un paysage comme bien commun.
    Or c’est là que le bât blesse : l’article 2, qui prévoit la création d’une contravention de niveau 4 pour toute intrusion sur une parcelle forestière privée, s’oppose à ce principe. Le chasseur, qui possède un droit spécifique de circulation, ne sera pas concerné par cette contravention. Mais c’est le seul usager de la nature qui en sera exempté.
    Est-ce bien là le message que nous souhaitons envoyer ? Les promeneurs traversent la forêt sans y causer de dégâts et ils sont bien loin de penser à mal quand ils passent d’un chemin de randonnée à un autre, en empruntant un raccourci qui se dessine, un petit sentier qui traverse peut-être des parcelles privées, le parcellaire forestier français étant si complexe. C’est sans aucune volonté de nuire que ce sentier sera emprunté par les promeneurs, et c’est chose courante dans nos campagnes.
    Cette contravention, que la NUPES dénonce depuis le départ, est injustifiée. Souhaitons-nous vraiment envoyer à ces promeneurs le message que la nature est chasse gardée ? Souhaitons-nous vraiment tendre vers une privatisation punitive de l’espace naturel ?
    Signalons aussi ces autres usagers de la nature, souvent méconnus et en tout cas non considérés à leur juste valeur par le Gouvernement : les bénévoles des associations de protection de la nature. Si nous sommes un certain nombre de parlementaires à reconnaître l’importance de la protection de la biodiversité, alors il nous faut reconnaître leur rôle.
    S’il est désormais possible de connaître la répartition des espèces animales et végétales de notre pays, c’est parce que ces bénévoles et ces associations jouent depuis des dizaines d’années un rôle essentiel dans le recensement des espèces sauvages. (Mme Caroline Fiat applaudit.) Ces naturalistes passionnés, qui vont sur le terrain, savent déterminer la présence d’un oiseau, reconnaître un mammifère à son empreinte, identifier la ponte d’une libellule dans une écorce d’arbre.
    Ce sont eux qui sont à l’origine des atlas régionaux de répartition des espèces, qui observent le déclin de notre biodiversité, qui alertent sur les dommages causés à l’environnement. La forêt est leur lieu de prospection ; le libre accès à la nature est la seule chose dont ils ont besoin. Mais eux n’ont pas de statut particulier et ne seront pas exempts de contravention. Est-ce bien le message que nous souhaitons envoyer à ses premiers protecteurs de la biodiversité ?
    Partagé entre la perspective positive et nécessaire du désengrillagement et le rejet de cette contravention et du message qu’elle envoie, notre groupe s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme Caroline Fiat

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    Très bien, madame Meunier !

    M. Maxime Minot

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    Oh, quel dommage !

    Mme Caroline Fiat

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    Si vous n’avez pas compris, c’est que vous n’avez pas écouté ! Monsieur Minot, vous n’avez pas écouté !

    M. Maxime Minot

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    Je n’ai fait que cela !

    Mme Caroline Fiat

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    Alors vous avez compris Mme Meunier…

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Vatin.

    M. Pierre Vatin (LR)

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    En octobre, l’Assemblée a adopté en première lecture une proposition de loi visant à lutter contre l’engrillagement des espaces naturels, sous l’impulsion de notre collègue Richard Ramos. Nous sommes d’autant moins hostiles à ce texte qu’il a été initialement rédigé par deux sénateurs du groupe Les Républicains : Jean-Noël Cardoux et Laurent Somon, que nous tenons à remercier ici pour leur remarquable travail.

    M. Maxime Minot

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    Il faut rendre à César ce qui est à César !

    M. Pierre Vatin

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    Cette proposition de loi a d’autant plus de mérite qu’elle est un texte d’équilibre dans un débat qui en manque tant.

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    M. Pierre Vatin

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    Disant cela, je pense aux récentes annonces du Gouvernement sur la sécurité à la chasse, nouvelle occasion de pointer les chasseurs du doigt – hélas – et de donner libre cours aux discours extrémistes et haineux du lobby antichasse.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Du lobby de la chasse plutôt !

    M. Pierre Vatin

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    La chasse est l’une des activités de loisirs les mieux régulées et les plus surveillées, en matière de sécurité, dans notre pays : les plans de gestion permettent un exercice raisonné de la pratique ; chaque chasseur est formé à des consignes de sécurité exigeantes lors du passage de son permis ; les sanctions prévues en cas de manquements sont sévères ; les contrôles des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) sont fréquents – et c’est très bien ainsi. Ce sont d’ailleurs souvent les chasseurs eux-mêmes qui sanctionnent ceux d’entre eux qui ne respectent pas les règles en les excluant des sociétés de chasse.

    M. Maxime Minot

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    C’est vrai !

    M. Pierre Vatin

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    Il est donc d’autant plus ridicule et insultant de vouloir supprimer la chasse le dimanche.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Non, ce n’est pas ridicule !

    M. Pierre Vatin

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    Ce débat est le fruit d’une véritable guérilla contre les chasseurs, qui ignore tout de la capacité des Français à partager intelligemment la nature, à entretenir des relations de bon voisinage, à dialoguer et à se faire confiance.

    M. Maxime Minot

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    Tout à fait !

    M. Pierre Vatin

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    Plus grave : cette offensive militante est une véritable négation de l’art de vivre à la française, qui participe d’une volonté de faire table rase du passé, milite même pour l’abolition de la corrida et le déboulonnage de statues. Ce projet de privation de nos libertés est pourtant incapable de proposer un monde plus agréable à vivre.
    Non, interdire définitivement la chasse n’est ni possible ni souhaitable. Sans chasse, vous n’auriez plus de régulation de la faune sauvage, plus de contrôle du développement des espèces. Sans chasse, vous auriez un jour les loups à Paris.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Oh là là !

    M. Pierre Vatin

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    Si l’on interdit la chasse le dimanche, ira-t-on jusqu’à interdire aux cavaliers ou vététistes de se balader en forêt le samedi ?

    Mme Lisa Belluco

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    Ils ne tuent personne, eux !

    M. Pierre Vatin

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    Ira-t-on jusqu’à inventer un calendrier où à chaque jour correspond son activité ? Non, les chasseurs ne sont pas les ennemis de la nature, ils en sont même les premiers défenseurs, toujours soucieux de respecter le gibier et l’équilibre biologique des espèces.

    Mme Lisa Belluco et M. Jérémie Iordanoff

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    Ce sont les premiers écologistes de France ! (Sourires.)

    M. Pierre Vatin

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    Exactement, ce sont les premiers écologistes de ce pays. (Mme Lisa Belluco et M. Jérémie Iordanoff s’esclaffent.)

    Mme Lisa Belluco

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    C’est moi qui ai écrit votre texte…

    M. Pierre Vatin

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    C’est pourquoi les chasseurs eux-mêmes sont favorables à la proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter aujourd’hui. Ce texte oblige à remplacer, d’ici à 2027, les clôtures construites depuis trente ans autour des propriétés privées situées au sein d’espaces naturels, clôtures qui empêchent le passage de la faune sauvage.
    La pratique de l’engrillagement, très développée notamment en Sologne, n’était plus acceptée localement, y compris par les amoureux de la chasse eux-mêmes. Cette proposition de loi a d’ailleurs fait l’objet d’un vote à l’unanimité des groupes politiques à chacun de ses passages en séance au Sénat comme à l’Assemblée.
    Ce texte ne vise ni à favoriser ni à punir qui que ce soit. Il n’est pas contre les propriétaires puisqu’il renforce le respect du droit de propriété et les sanctions contre les intrusions de visiteurs indélicats.

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    M. Pierre Vatin

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    Il n’est pas non plus contre les chasseurs, ce dont je remercie les élus de cet hémicycle, qui ont fait preuve d’esprit constructif et n’ont pas transformé les débats en tribune antichasse.
    Il restait à valider l’article 5 qui avait fait l’objet dans notre enceinte d’un amendement prétendument rédactionnel, empêchant l’adoption conforme du texte au Sénat. La nouvelle rédaction prévoit un examen au cas par cas des autorisations d’agrainage et d’affouragement, ce qui permettra de respecter les intérêts et contraintes de chacun – je pense notamment aux chasses commerciales dans les petites communes rurales, qui sont parfois la dernière activité à faire vivre le tissu économique local.

    M. Maxime Minot

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    Eh oui !

    M. Pierre Vatin

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    Il est donc temps de clore ce débat sur les enclos et de laisser vivre ce texte. Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Éric Martineau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott (Dem)

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    En préambule, je rappelle que cette proposition de loi, née au Sénat sous l’impulsion de Jean-Noël Cardoux, est arrivée à l’Assemblée dans le cadre de discussions préalables en commission, avant d’être présentée lors de la niche du groupe Démocrate, le 6 octobre dernier, à l’initiative de Richard Ramos.
    Le texte nous revient quasi inchangé du Sénat : mis à part une modification apportée à l’article 5, les sénateurs ont confirmé notre travail. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, mais découle de l’état d’esprit qui a prévalu lors des différentes étapes de nos discussions, à savoir une volonté transpartisane de produire une synthèse consensuelle mais néanmoins fidèle aux aspirations initiales.
    Si j’insiste sur ce point, c’est qu’il n’était pas acquis d’avance de faire régner un esprit de concorde dans ces débats sur la protection de la nature, la préservation de la biodiversité et du patrimoine forestier. En fait, tout au long de nos échanges en commission ou dans l’hémicycle, la grande pluralité politique de notre législature n’a pas été un obstacle mais un atout : elle a permis de produire un texte enrichi et équilibré qui atteint l’objectif initial. C’est pourquoi je remercie tous les groupes parlementaires : personne n’a perdu de vue que nous servions mieux l’intérêt général si nous partagions la même volonté de faire aboutir ce texte.
    Le désengrillagement élargi à l’ensemble du territoire va indiscutablement contribuer à améliorer la fonctionnalité des écosystèmes, notamment forestiers. De nombreux animaux sauvages vont retrouver la liberté de circuler sans obstacle, ce qui répond à une aspiration de la société.
    Cette liberté retrouvée va surtout leur permettre d’occuper pleinement leur niche écologique dans un espace dans lequel les activités humaines ne doivent plus introduire de contraintes. En effet, tout ce qui empêche la libre circulation d’une espèce animale entrave la subtile imbrication des relations entre espèces vivantes sur un même territoire. L’équilibre naturel s’en trouve fragilisé, ce qui menace la pérennité de l’écosystème tout entier.
    Il ne faut pas non plus oublier que la cohabitation des gibiers avec les strates arbustives et arborescentes, dans un milieu forestier où se pratique de plus en plus une sylviculture fondée sur la régénération naturelle spontanée de peuplements faits d’essences mêlées, nécessite une liberté de circulation des animaux herbivores à grande échelle. La limitation de leurs déplacements conduit inexorablement à une pression trop forte sur les jeunes pousses d’arbre, ce qui peut compromettre la régénération d’un massif boisé.
    Cette réalité s’impose encore davantage à une époque où nous connaissons des périodes de grande sécheresse, facteur aggravant qui affecte inévitablement la santé des arbres et donc leur aptitude à réagir, à se reproduire et finalement à survivre. Il nous revient donc de faire prendre pleinement conscience de la nécessité, grâce au désengrillagement, de donner une nouvelle chance à nos forêts. Cet effort contribuera à éviter le dangereux affaissement de notre patrimoine vivant.
    Permettez-moi enfin de mettre l’accent sur une dimension sous-jacente de ce désengrillagement : la durée de vie d’un arbre, qui nous impose d’intégrer le temps long en matière de gestion forestière.
    L’arbre et son bois, que nous finissons par utiliser, sont l’œuvre de la nature qui, pour ce faire, a mis des décennies à piéger du carbone. Nos forêts possèdent donc de multiples vertus : elles contribuent fortement à la décarbonation de l’atmosphère tout en l’enrichissant en oxygène ; elles entraînent une pondération significative des excès climatiques grâce à leur grand potentiel d’évapotranspiration ; elles nous fournissent du bois, matière noble et renouvelable ; elles incarnent de grands espaces d’expression de la biodiversité, qui complètent tous les autres milieux de notre environnement naturel ou cultivé.
    N’oublions jamais que tout cela ne peut exister, s’accomplir et durer qu’à la faveur du temps. Il a toujours fallu et il faudra toujours des décennies, voire des siècles, pour constituer des environnements forestiers dignes de ce nom. Alors, rappelons-nous que nous avons le devoir d’intégrer ce temps long dans notre manière d’aborder toute richesse naturelle. La vraie valeur découle avant tout du temps.
    Grâce à ce texte sur le désengrillagement des forêts, nous faisons collectivement et fièrement un vrai pas en direction du respect de la nature. Puisse cette étape nous inspirer pour tous les autres défis que nous aurons à relever ensemble – je dis bien ensemble. L’avenir de notre beau pays et de son exceptionnel patrimoine naturel l’exige de nous, surtout si nous voulons inscrire la transition écologique au premier rang de nos priorités par respect pour nos concitoyens et les générations futures.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, cher collègue.

    M. Hubert Ott

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    En conclusion, je voulais assurer notre collègue Cormier-Bouligeon que je suis entièrement à sa disposition si un témoignage peut lui être utile au cours de la procédure dont il fait l’objet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Merci !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan.

    Mme Chantal Jourdan (SOC)

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    Nous sommes nombreux et nombreuses à constater dans nos territoires le développement souvent incontrôlé de clôtures en milieu naturel, notamment dans le cadre de la création de nouveaux enclos de chasse.
    Le législateur avait tenté de réguler ce phénomène, notamment en précisant le statut des trames vertes et bleues. Les lois Grenelle 1 et 2, complétées par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ont sanctuarisé cette approche et introduit l’obligation pour les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels de maintenir la libre circulation de la faune sauvage.
    Toutefois, nous ne pouvions que constater l’insuffisance de l’arsenal législatif en vigueur. La libre circulation de la faune sauvage est un paramètre essentiel pour la préservation de la biodiversité dans nos territoires.
    Or l’impact de telles clôtures sur la circulation de la faune est établi : elles induisent des entraves à l’alimentation et à la reproduction des espèces. Cette pratique contribue en outre à une fragmentation excessive de l’habitat, notamment en milieu forestier.
    La mise en conformité des clôtures existantes dans un délai raisonnable – avant le 1er janvier 2027 – est donc une bonne chose, tout comme la possibilité donnée aux agents de l’OFB, à l’initiative de nos collègues sénateurs, de contrôler les enclos sans se voir opposer le principe d’inviolabilité du domicile. Je tiens donc à saluer l’initiative du rapporteur, qui permet de progresser sur la question de l’engrillagement des zones naturelles.
    Cette proposition de loi marque une avancée en faveur de la biodiversité et de la préservation du milieu naturel. Pour cette raison, le groupe Socialistes et apparentés maintiendra son vote en faveur du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Richard Ramos, rapporteur

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    Ah ! Voilà des gens corrects et cohérents !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Thiébaut.

    M. Vincent Thiébaut (HOR)

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    Nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Je remercie le Sénat, particulièrement le sénateur Jean-Noël Cardoux, de l’avoir déposée. Je tiens aussi à remercier très chaleureusement le rapporteur Richard Ramos pour son travail engagé et ambitieux, ainsi que notre collègue François Cormier-Bouligeon, qui s’est mobilisé sur cette question pendant de nombreuses années, notamment pendant la précédente législature. Je salue enfin l’ensemble des membres de la commission du développement durable, qui ont su travailler de façon transpartisane.
    Cela a été dit, de nombreux territoires sont touchés par le phénomène dramatique de l’engrillagement. Si la Sologne est souvent mentionnée, c’est également le cas des Landes, de la Picardie, ou encore de la Normandie, où de nombreux propriétaires installent de façon incontrôlée des grillages empêchant la libre circulation des animaux sauvages. En effet, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, en sanctuarisant les différents avantages dont bénéficient les zones hermétiquement clôturées, a créé une forte dynamique d’engrillagement des espaces naturels. Comme d’autres l’ont souligné, plus de 4 000 kilomètres de grillages ont ainsi été déployés en Sologne ces dernières années.
    Les conséquences de ces engrillagements pour la biodiversité sont pourtant dramatiques puisque les clôtures empêchent la circulation des animaux sauvage, nient leurs besoins écologiques et affectent leurs habitats naturels. Le constat ne s’arrête pas là, des incidences se faisant aussi sentir sur les promeneurs et sur les paysages – qui s’en trouvent dégradés. Les clôtures entraînent également de graves conséquences en matière de sécurité, comme nous l’avons constaté cet été, notamment, avec les incendies survenus dans les Landes.
    Le texte qui nous est proposé pour s’attaquer à ce grave phénomène est à la fois éclairé et fondamental. Les dix articles de la proposition de loi sont en effet le fruit de discussions bienveillantes et fertiles, qui ont permis d’enrichir le texte et d’élargir son périmètre d’application, afin d’engager une mise en œuvre plus vaste et rapide de la loi. Désormais – et nous devons nous en féliciter –, toutes les zones naturelles et forestières, et non plus les seules trames vertes, sont identifiées dans les PLU et s’inscrivent dans le périmètre d’application de la loi. Par ailleurs, les discussions ont permis d’étendre le champ du texte aux clôtures édifiées depuis trente ans – et non plus seulement celles construites après 2005, comme prévu dans la rédaction initiale –, mais aussi d’accélérer la mise en conformité des clôtures existantes, l’échéance ayant été fixée au 1er janvier 2027 alors que la première version du texte prévoyait un délai de sept ans.
    Examinée et enrichie de manière collaborative et transpartisane, la proposition de loi aboutit ainsi à un équilibre fécond entre droit de propriété et respect de la biodiversité et des biens communs. C’est dans cette logique qu’elle prévoit non seulement de permettre aux agents de l’Office français de la biodiversité de contrôler les enclos, mais également de protéger les propriétaires en créant une contravention de quatrième classe. Dans la continuité de nos actions en faveur de la protection de l’environnement et de la biodiversité, la suppression des enclos devra garantir le respect des équilibres écologiques et des activités agricoles. Enfin, la disposition de l’article 5 relative à l’interdiction de l’agrainage et de l’affouragement, modifiée par le Sénat, traduit l’engagement de nos collègues sénateurs en faveur de la protection de la biodiversité et du droit de propriété.
    Pour conclure, je rappelle que le présent texte ne contrevient aucunement au droit de chasse. La chasse est essentielle en France, notamment pour réguler les gibiers, qui empêchent bien souvent la régénération des forêts. Comme le rapporteur l’a rappelé, les chasseurs eux-mêmes sont favorables à cette proposition de loi.
    Ce texte répond avant tout aux préoccupations de nos concitoyens, des associations et des élus locaux. Il protège et respecte le droit de propriété et, surtout, constitue une avancée majeure pour la protection de la biodiversité. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Maxime Minot

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    Merci !

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        111
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                98
                    Contre                2

    (La proposition de loi est adoptée.)

    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Roger Chudeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Richard Ramos, rapporteur

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    Je remercie les députés qui, à deux exceptions près, ont tous voté en faveur du texte, y compris les membres du groupe Socialistes et apparentés, qui n’ont pas cédé aux sirènes de la politique politicienne. Les animaux sauvages ne font pas de politique. Je regrette que les députés de la NUPES, par les voix de Mmes Belluco et Meunier, aient refusé de voter un texte visant à garantir leur libre circulation. Vous auriez dû préférer la pensée libre à la politique politicienne, et songer aux animaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État

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    Je tiens à remercier l’ensemble des députés qui ont adopté avec conviction cette proposition de loi. Je vous assure une nouvelle fois que je serai très vigilante quant à son application, notamment pour limiter les risques de contentieux à venir. Vous avez raison d’être fier, monsieur le député Cormier-Bouligeon. Merci encore pour votre investissement, qui fut très précieux pour faire aboutir le texte.
    Comme le rapporteur, je regrette la position des élus des groupes Écologiste-NUPES et La France insoumise-NUPES, qui ont une nouvelle fois montré leur vrai visage : celui de l’opposition systématique.

    M. Aymeric Caron

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    C’est une loi prochasse, et c’est la seule raison pour laquelle nous ne l’avons pas votée !

    Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État

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    Alors que vous aviez voté en faveur du texte tout au long de son examen, vous avez finalement décidé de vous abstenir, dans le seul but de vous opposer.

    Mme Caroline Fiat

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    Mais non !

    Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État

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    Les animaux sauvages et leur liberté de circulation méritaient mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est un vote dogmatique de l’extrême gauche !

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, mardi 31 janvier, à quinze heures :
    Allocution de M. Stefantchouk, président de la Rada d’Ukraine ;
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ;
    Discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-sept heures quarante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra