XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mardi 10 octobre 2023

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 10 octobre 2023

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Attaques terroristes en Israël

    Mme la présidente

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    Horreur, sidération, angoisse. Le monde est aujourd’hui en état de choc devant la violence de l’attaque terroriste qui a frappé Israël. Face à cette barbarie, je veux redire ici qu’Israël est un pays ami, à qui je réaffirme, au nom de la représentation nationale, notre totale solidarité et notre soutien inconditionnel. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – De nombreux députés des groupes RN et LR huent leurs collègues qui n’applaudissent pas. – Tous les députés se lèvent. – Les députés des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT applaudissent longuement.)
    À l’heure où nous parlons, les combats se poursuivent et le nombre de victimes ne cesse de s’alourdir. Nous pleurons également la mort de quatre de nos compatriotes et nous sommes toujours sans nouvelles de treize d’entre eux.
    Rien ne justifie, ni ne justifiera jamais, le terrorisme. Aucune cause n’autorise à tirer sur des civils, à enlever des enfants, à utiliser des otages comme des boucliers humains. Partout, sous toutes ses formes et quels qu’en soient les prétextes, le terrorisme doit être condamné et combattu sans ambiguïté et sans la moindre nuance. Attenter à un pays démocratique, c’est attaquer toutes les démocraties du monde. Attenter aux populations civiles, c’est menacer l’humanité entière.
    En hommage aux victimes, en témoignage de notre solidarité avec leurs familles et avec celles qui sont sans nouvelles de personnes prises en otage ou portées disparues, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
    La parole est à Mme la Première ministre.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    À mon tour, au nom du Gouvernement, je veux dire notre émotion et notre solidarité face à l’horreur des attaques terroristes qui touchent Israël. J’aurai l’occasion de m’exprimer plus longuement dans quelques instants, mais je veux d’emblée, alors que le bilan ne cesse de s’alourdir, avoir une pensée pour les victimes, leurs familles et leurs proches. Je pense tout particulièrement à nos ressortissants décédés lors des attaques et à ceux dont nous attendons encore des nouvelles. Je pense aussi à la communauté française d’Israël et aux Franco-israéliens. Leur situation est éprouvante. Nous sommes mobilisés et nous sommes avec eux.
    Je le dis sans ambiguïté : toujours la France défend la démocratie ; rien n’excuse ni le terrorisme ni la barbarie. Comme l’a affirmé dès samedi le Président de la République, nous sommes aux côtés du peuple israélien dans l’épreuve qu’il subit. (Tous les députés se lèvent. – Les députés des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT applaudissent. – Quelques députés du groupe LFI-NUPES applaudissent aussi.)

    2. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. La conférence des présidents a décidé que les dix premières questions seraient consacrées à la situation en Israël, à raison d’une question par groupe, et qu’elles donneraient lieu à une réponse globale de Mme la Première ministre.

    Situation en Israël

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Madame la Première ministre, je m’associe aux paroles que vous avez prononcées, ainsi qu’à celles de Mme la présidente. Oui, c’est avec sidération et horreur que nous avons reçu, samedi matin, les images terrifiantes et horribles en provenance d’Israël. Des massacres de civils ont été perpétrés, des vieillards ont été traqués jusque dans leur domicile, des enfants ont été kidnappés, des femmes ont été violées et les terroristes du Hamas qui ont commis ces exactions menacent maintenant d’assassiner les otages.
    Ce scénario nous renvoie à d’autre temps et à d’autres lieux : à ce 13 novembre 2015 au cours duquel de jeunes Français attablés à des terrasses parisiennes ont été pris pour cible comme les jeunes du désert du Néguev ; à ce 14 juillet 2016 à Nice aussi.
    Notre réaction doit être celle de tous les républicains attachés à la liberté : nous devons condamner sans réserve les terroristes et soutenir totalement Israël en lui exprimant notre fraternité et notre humanité commune. Au-delà de l’affirmation de notre soutien et de la manifestation de notre émotion, il est également important de réagir, madame la Première ministre. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a déposé une proposition de résolution visant à la suspension de l’aide publique au développement française en Cisjordanie et dans la bande de Gaza : nous ne pouvons plus accorder de financements publics à ceux qui soutiennent ou financent le terrorisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Laurent Croizier applaudit également.)

    M. Nicolas Sansu

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    On est d’accord !

    M. Éric Ciotti

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    Imaginerait-on la France financer Daech ?

    M. Stéphane Peu

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    Il faut geler les avoirs du Qatar !

    M. Éric Ciotti

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    Il faut couper toute aide au développement à ceux qui soutiennent le terrorisme (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES) et sanctionner lourdement les États comme l’Iran et le Qatar qui le financent !

    M. Stéphane Peu

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    Il faut interdire le PSG !

    M. Éric Ciotti

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    Madame la Première ministre, y êtes-vous prête ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot. (Les députés du groupe LR quittent l’hémicycle.)

    Mme Mathilde Panot

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    Nos pensées se tournent à cette heure vers le Proche-Orient, où les peuples israélien et palestinien souffrent, encore une fois. Je souhaite, depuis cette assemblée, exprimer une pensée emplie d’humanité pour les otages et les civils tués en Israël par les actes de terreur perpétrés par le Hamas, ainsi que pour les civils qui, à Gaza, sont tués sous les bombes de Tsahal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Nous condamnons tous ces crimes de guerre. Un seul message doit parvenir du concert des nations en cette heure si grave, nullement propice aux polémiques franco-françaises (Exclamations sur les bancs du groupe RE) : cessez-le-feu ! Tel est le message du secrétaire général des Nations unies, celui du pape et celui de Lula, dont le pays préside actuellement le Conseil de sécurité des Nations unies.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Condamnez le Hamas clairement !

    Mme Mathilde Panot

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    Cessez-le-feu ! Car le pire est à prévoir, quand le ministre de la défense israélien décide le siège de Gaza, privant 2 millions de civils d’eau, d’électricité et de nourriture (Vives exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem),…

    Un député du groupe RE

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    Indigne !

    Mme Mathilde Panot

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    …soit une violation du droit international devant laquelle la France ne peut rester silencieuse. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !

    Mme Mathilde Panot

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    Nous n’avons jamais eu autant besoin du courage de la paix que dans ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Cela fait trop longtemps que la communauté internationale laisse la situation s’envenimer. Deux communiqués du Quai d’Orsay et un communiqué du Président de la République, mais pas un appel au cessez-le-feu, pas une fois le mot paix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Huées sur divers bancs.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est honteux, madame Panot !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous êtes complices du Hamas !

    Mme Mathilde Panot

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    Notre pays rompt avec la tradition diplomatique qui est la nôtre au Proche-Orient depuis soixante-cinq ans. Il nous faut œuvrer au rétablissement d’un processus de paix qui mène à deux États, sans quoi les horreurs passées s’amplifieront non seulement des atrocités présentes, mais aussi des désastres à venir. (Les députés du groupe Dem et de nombreux députés des groupes RE et LIOT quittent l’hémicycle, ainsi que quelques députés non inscrits. – Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent longuement.) Aucune paix durable ne peut voir le jour sans respect du droit international ni sans qu’il ne soit mis fin à la colonisation.
    Madame la Première ministre, retrouverez-vous la voix indépendante portée par la France de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, cette voix d’une France qui est écoutée quand elle parle, cette voix qui fait entendre la parole de la paix et qui ne s’aligne pas sur les positions va-t-en-guerre d’un gouvernement d’extrême droite, cette voix qui réaffirme que toutes les vies comptent sans exception ?

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous êtes complices du Hamas !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ça suffit, vous êtes la honte de cette assemblée !

    Mme Mathilde Panot

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    La France va-t-elle retrouver le langage de la paix ? (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Complices !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard. (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent longuement.)

    M. Sylvain Maillard

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    Ils s’appelaient Tamar et Yonathan, ils étaient parents de trois enfants et ont été tués dans leur foyer. Ils s’appellent Shiri, Ariel, Ditza, Noa : ce sont des mères de familles, des enfants, des personnes âgées, des adolescents enlevés et pris en otage dans la bande de Gaza. Tous sont des victimes du terrorisme du Hamas, qui, depuis samedi, sème la mort et la désolation en Israël.
    Déjà 900 civils tués, dont quatre de nos compatriotes, et plus de 2 600 blessés. Des victimes assassinées et mutilées parce qu’israéliennes.
    Près de 150 otages, qui vivent en ce moment même l’insoutenable, attendent que leurs geôliers les marchandent. Certains de nos ressortissants pourraient être parmi eux, alors que nous sommes toujours sans nouvelles de treize d’entre eux. J’ai une pensée particulière pour Ethan, un enfant, un Français de 12 ans.
    Certains voudraient créer ce climat de terreur sur notre sol, alors qu’une vingtaine d’attaques antisémites ont été relevées en deux jours. Il est du devoir de la représentation nationale de dénoncer avec force ces actes de haine qui sapent nos principes. Toucher à un citoyen juif, c’est toucher à la République.
    Dans ce combat commun des démocraties contre la terreur, la complaisance aveugle et l’ambiguïté coupable sont intolérables, car rien, absolument rien, ne justifie le terrorisme. (Les députés des groupes RE, Dem, HOR et LIOT se lèvent et applaudissent, ainsi que plusieurs députés du groupe LR.  Applaudissements sur les bancs des groupes RN, SOC et Écolo-NUPES.)
    Le Président de la République l’a réaffirmé avec plusieurs de nos alliés : Israël a le droit de se défendre.
    Madame la Première ministre, comment le Gouvernement compte-t-il assurer la sécurité de nos concitoyens sur place mais également sur notre propre territoire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.  –M. Meyer Habib applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marine Le Pen.

    Mme Marine Le Pen

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    Ce 7 octobre 2023, nous avons assisté à ce que nous pensions ne plus jamais revoir dans l’histoire de l’humanité : des pogroms, des pogroms sur la terre même d’Israël, au cours desquels on a tué des femmes, des enfants, des hommes, uniquement parce qu’ils étaient juifs.
    Ces attaques sont un crime contre les humains mais aussi un crime contre la paix, contre cet extraordinaire et lent processus qui, ces derniers mois, semblait progresser et rapprocher Israël et les nations arabes.
    Nous, Français, avons revécu avec effroi les horreurs du Bataclan ou les tueries d’enfants de Mohamed Merah. Les scènes, d’une violence inouïe, contre des civils ou des militaires blessés ou tués, les prises d’otages, dont des personnes âgées et des enfants, sont d’une inhumanité rare.
    Je tiens à affirmer que ceux qui soutiennent l’insoutenable, l’excusent ou le relativisent – et dont certains siègent sur ces bancs – attentent aux valeurs humaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Ils en répondront politiquement, y compris vis-à-vis de leurs alliés, et le cas échéant devant la justice.
    Je réaffirme solennellement notre soutien au peuple israélien frappé au cœur, aux familles touchées dans leur chair et à tous ceux qui souffrent dans leur âme de ces abominations.
    La lutte contre l’hydre islamiste, que ce soit en Israël ou en France, est un enjeu majeur pour notre époque, notamment parce qu’elle doit libérer certaines populations, dont je crois une partie du peuple palestinien, prises en otage par des mouvements islamistes terroristes.

    M. Meyer Habib

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    Absolument !

    Mme Marine Le Pen

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    Cette lutte demande des moyens et surtout une volonté politique. Pour nous, responsables politiques français, l’urgence est de protéger physiquement, mais aussi moralement, les Français juifs. Si, sur le plan physique, le gouvernement a annoncé le déploiement de forces de l’ordre, sur le plan moral, comment comptez-vous faire respecter en France l’interdiction de l’apologie du terrorisme, première étape dans la lutte contre l’islamisme ? (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.  Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Meyer Habib

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Faure.

    M. Olivier Faure

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    Le massacre de jeunes à une rave party, l’exécution de bébés, de vieillards, d’innocents, le kidnapping d’otages, y compris d’enfants, n’est pas un acte de résistance, mais un crime terroriste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, LR, Dem, HOR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Les actes du Hamas doivent être condamnés, comme leur projet politique, qui n’est pas la paix et qui exclut toute coexistence avec l’État d’Israël.
    Notre condamnation est totale. Le terrorisme n’est pas un moyen d’expression. Aucune cause ne le justifie. Aucun contexte ne l’excuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, HOR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN, LFI-NUPES et LR.) La fin ne justifie jamais les moyens.

    M. Sébastien Chenu

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    Dites-le à vos voisins !

    M. Olivier Faure

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    J’exprime ici, au nom des socialistes, notre solidarité avec les familles des victimes et le peuple israélien traumatisé.

    M. Fabien Di Filippo

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    J’espère que c’est la position de la NUPES !

    M. Olivier Faure

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    Chacun le sait, l’embrasement est désormais possible. Un scénario du pire s’écrit sous nos yeux.
    La tentation du chaos existe. Elle est portée par tous ceux qui, du Hamas à l’extrême droite israélienne, ont tout fait pour tuer les accords d’Oslo. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La riposte ne peut donc pas être la vengeance aveugle. Notre soutien à Israël, comme à toute démocratie frappée par le terrorisme, est indéfectible dans les limites du droit international. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Le droit humanitaire doit être respecté. Le siège de Gaza n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – M. Benjamin Saint-Huile applaudit aussi.)

    M. Meyer Habib

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    Ah, d’accord, et on ne fait rien ?

    M. Olivier Faure

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    La déshumanisation des Palestiniens par le ministre israélien de la défense est une insulte à notre commune humanité. (Mêmes mouvements.) Infliger une punition collective à des populations civiles est insupportable. Chaque vie compte.

    M. Meyer Habib

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    Et les otages, ils vont sortir tout seuls ?

    M. Olivier Faure

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    Notre conviction est inchangée : il n’y aura pas de paix durable sans un État palestinien et sans garantie de sécurité pour Israël.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Olivier Faure

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    Nous appelons dans l’immédiat le gouvernement français et l’Union européenne à prendre une initiative diplomatique pour un cessez-le-feu, avant de convoquer ultérieurement un sommet pour une issue politique.
    La guerre a de trop nombreux partisans. La paix a maintenant besoin de ses combattants. (Les députés des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi quelques députés du groupe LFI-NUPES, se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI-NUPES et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Marcangeli.

    M. Laurent Marcangeli

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    Le 7 octobre 2023 restera dans l’histoire comme un jour où le genre humain a montré sa face la plus sombre. Le Hamas a lancé une attaque organisée, coordonnée, visant à prendre le maximum de civils israéliens en otage, quand ils n’étaient pas sommairement exécutés, chez eux, parfois par familles entières. Ce ne sont pas des crimes de guerre, une qualification qui s’applique uniquement à des actes commis par une armée régulière. Ici, les méthodes employées ont changé de nature et de degré. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.) Elles sont désormais comparables à ce que l’État islamique a pu faire de pire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE, RN et Dem.)
    Le groupe Horizons et apparentés condamne fermement et à l’unanimité ces actes terroristes, perpétrés par une organisation terroriste. Il n’y a de place pour aucune ambiguïté qui bénéficierait à ceux qui commettent des opérations barbares sur des femmes et des enfants.
    Nous sommes solidaires du peuple israélien et de toutes les victimes. J’ai une pensée particulière pour les familles des quatre Français dont la mort a été confirmée à cette heure par le Quai d’Orsay et pour celles qui sont encore dans une longue et douloureuse attente.
    La vérité est que la cause palestinienne mérite mieux qu’une organisation islamiste terroriste qui n’hésite pas à prendre des populations civiles, qu’elles soient israéliennes ou palestiniennes, comme boucliers humains. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et Écolo-NUPES.)
    Plus personne n’ignore que le but ultime du Hamas n’est pas la paix, mais bien la destruction pure et simple de l’État d’Israël. (Mêmes mouvements.)

    M. Meyer Habib

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    Bravo !

    M. Laurent Marcangeli

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    Madame la Première ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quelles mesures la France compte prendre pour assurer le rapatriement de nos ressortissants, lorsqu’ils le demandent ? Comment prévenir, ensuite, l’importation de ce conflit dans notre pays ? Plus généralement, quelle est la position de la France sur l’évolution de la situation au Proche-Orient et en Méditerranée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Les écologistes pensent aux familles, aux victimes, à toutes celles et ceux qui sont dans l’angoisse et dans l’attente des nouvelles de leurs proches. Notre solidarité est totale. Les Israéliens ont le droit absolu de vivre en sécurité.
    Les écologistes condamnent sans réserve les atrocités commises par les terroristes du Hamas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et LR.) Aucune lutte ne justifie des tirs de roquettes contre un hôpital. Aucune cause ne justifie la prise d’otages et l’assassinat de civils. Aucun acte de résistance ne justifie le massacre de 260 festivaliers.
    Les écologistes ne seront jamais du côté de celles et ceux qui sèment la terreur et la mort. (« Si ! » sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Annie Genevard désigne les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous serons toujours aux côtés de celles et ceux qui œuvrent pour la paix. Face à la barbarie, seul le droit international est notre réponse. Aujourd’hui, les bombardements incessants de Gaza et l’instauration d’un siège total privant 2,3 millions de Gazaouis d’eau, de nourriture et d’électricité nous alarment au plus haut point.

    M. Meyer Habib

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    Qu’ils libèrent les otages, ils auront l’eau et l’électricité immédiatement !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Les propos déshumanisants du ministre israélien de la défense comparant les Gazaouis à des animaux laissent craindre un massacre dans la prison à ciel ouvert qu’est Gaza. Nous ne pouvons plus tolérer cela. La communauté internationale a fait le pari que le conflit israélo-palestinien s’éteindrait de lui-même. Elle a fait le choix de regarder ailleurs.
    Les soixante-douze dernières heures nous rappellent à quel point c’est une question géopolitique centrale. La France a une responsabilité majeure en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Le gouvernement français ne peut se contenter d’apporter un soutien aveugle au gouvernement israélien. La France doit réaffirmer sa position historique pour la coexistence de deux États vivant en paix et en sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    M. Meyer Habib

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    Elle l’a fait cent fois !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Les Palestiniens ont le droit absolu de vivre libres dans un État souverain.

    M. Meyer Habib

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    Et la sécurité d’Israël ?

    Mme Cyrielle Chatelain

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    L’urgence est donc à un cessez-le-feu, au respect du droit international et à la protection des civils. Madame la Première ministre, comment votre gouvernement compte-t-il agir en faveur de la désescalade ? Comment la France compte-t-elle, au sein d’une démarche européenne, agir résolument pour la paix et la protection des civils ? (Les députés des groupes Écolo-NUPES, SOC et GDR-NUPES, ainsi que quelques députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle sera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente, où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant », écrivait Albert Camus.
    Depuis samedi dernier, les populations civiles israéliennes sont victimes d’une attaque terroriste massive et sans précédent de la part du Hamas, qui a causé l’effroi dans la population israélienne.
    Plus de 700 personnes ont été assassinées, dont plus de 250 qui participaient à un moment de fête. Plus de 150 Israéliens, hommes, femmes et enfants sont retenus en otage par les terroristes du Hamas dans la bande de Gaza. Des quartiers et des villages ont été réduits en cendres et les roquettes continuent de pleuvoir sur les villes israéliennes, mettant en danger plus de 9 millions de civils.
    Cette violence nous indigne, nous bouleverse profondément et ne peut laisser place à aucune ambiguïté d’interprétation quant aux motivations de ce groupe terroriste. Face à ces crimes, nous ne pouvons rester silencieux ou, pire, indulgents. Je veux le dire simplement : aucune lutte ne justifie le terrorisme. Aucun conflit territorial n’explique ces horreurs. Au-delà des communautés, c’est bien la dignité et l’humanité qui sont attaquées. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LR et HOR. – M. Thomas Ménagé applaudit également.)
    Nous condamnons fermement ces attentats. Les manifestations nombreuses qui ont eu lieu hier en fin de journée ont marqué la solidarité du peuple de France vis-à-vis du peuple israélien si durement touché. Nous étions nombreux à y être et j’avoue avoir été particulièrement touché par la fraternité qui s’y est exprimée. Je veux dire, au nom du groupe Démocrate, tout notre soutien au peuple israélien. Nous adressons nos condoléances aux proches des victimes de ces attentats et nous sommes aux côtés des familles des otages.
    Madame la Première ministre, pouvez-vous nous dire quelles seront les actions à venir de la France et de l’Europe, surtout, dans ce contexte de crise aiguë ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, comme le monde entier, ont découvert avec effroi les attaques du mouvement terroriste Hamas contre la population civile israélienne. C’est avec la plus grande fermeté que nous les condamnons, sans aucune réserve.
    Quelles que soient les causes de leurs actions, les humains ne peuvent en arriver à de tels niveaux d’atrocité contre leurs semblables. Les assassinats et les prises d’otage d’enfants, d’adultes, de femmes ou de personnes âgées sont des actes monstrueux.
    Nous apportons toute notre solidarité aux familles et aux proches des victimes, des disparus et des otages du Hamas, qui sont pris dans un chantage odieux. Loin de toute querelle politicienne, la représentation française et les responsables politiques que nous sommes doivent s’exprimer avec responsabilité et dignité. Face à un conflit d’une telle complexité, les prises de position sans aucune nuance, qui versent dans la surenchère, et celles cherchant des excuses ou appelant à la vengeance, ne sont décemment pas acceptables. Nul, ici, ne peut régler ses comptes avec d’autres, car ce serait une offense aux victimes et à tous ceux qui continuent de souffrir, ceux qui sont dans l’angoisse d’un enfant ou d’un parent disparu et qui craignent pour leur vie. Je le dis avec solennité : il est essentiel que nous donnions collectivement de l’hémicycle une autre image que celle que nous renvoyons parfois.
    Ce matin, nous avons malheureusement appris la mort de quatre Français. Nous présentons évidemment nos condoléances à leurs familles et à leurs proches et tenons à les assurer de notre soutien. Nous demandons au Gouvernement quelles solutions il entend proposer à nos ressortissants actuellement en Israël et qui souhaitent revenir en France. Nous craignons un déluge de feu à venir et un élargissement du conflit. Au-delà de l’émotion immédiate, légitime, la France, l’Union européenne et l’ONU doivent commencer à chercher des solutions pour éviter un engrenage incontrôlable. Madame la Première ministre, c’est dans ce sens que nous devons tous œuvrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES et les députés communistes ont condamné sans réserve l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas sur les civils israéliens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN, LFI-NUPES, LR et Écolo-NUPES.) Comme tous ici, nous avons exprimé notre plus profonde émotion face à la violence aveugle qui s’est déchaînée sur des femmes, des enfants, des vieillards. Une condamnation s’impose, mais…

    M. Éric Ciotti

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    Avec la gauche, il y a toujours un « mais » !

    M. André Chassaigne

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    …elle ne suffira pas à mettre fin aux violences, à protéger les populations et à trouver le chemin de la paix et de la sécurité.
    Aujourd’hui, Gaza est sous le feu des bombes, privée d’eau et d’électricité.
    Le gouvernement israélien d’extrême droite promet de traiter ses habitants comme des animaux (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR – Mme Marie Pochon applaudit) –…

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est la guerre !

    M. André Chassaigne

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    …une vengeance terrifiante qui s’abat, là encore, sur des femmes, des enfants, des vieillards, des millions de civils innocents. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC, et Écolo-NUPES.)

    M. Meyer Habib

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    Ce n’est pas le millième de ce qu’a fait Staline !

    M. André Chassaigne

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    Madame la Première ministre, la France doit aussi condamner cette opération vengeresse qui plongera un peu plus encore les peuples israélien et palestinien dans le désespoir et le deuil. Elle doit lancer une initiative diplomatique forte pour imposer le respect du droit et mettre fin à soixante-quinze ans de duplicité de la communauté internationale sur la question palestinienne (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem) – une communauté internationale qui, par la voix de l’ONU, condamne la politique colonialiste israélienne et le traitement réservé aux Palestiniens, privés de leurs droits fondamentaux (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES), mais ferme les yeux sur les résolutions bafouées par Israël. La France doit reprendre le flambeau de la paix qu’elle a abandonné depuis tant d’années, et être à l’initiative d’un Conseil de sécurité des Nations unies…

    Mme Émilie Bonnivard

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    À ce niveau-là, être si naïf !

    M. André Chassaigne

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    …qui mette fin à la politique d’occupation et se consacre à la recherche d’une solution faisant coexister deux États : un État pour le peuple israélien, un pour le peuple palestinien (Les députés du groupe GDR-NUPES et quelques députés du groupe Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe Dem applaudissent également),…

    Mme Yaël Menache

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    C’est du clientélisme ! C’est une honte !

    M. Jean-Pierre Taite

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    Ce ne sont pas vos femmes qui sont violées, ni vos enfants qui sont assassinés !

    M. André Chassaigne

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    …dont les frontières seraient protégées par la communauté internationale. Alors, seulement, nous gagnerons une paix durable et mettrons fin à la spirale destructrice. (Les députés des groupes GDR-NUPES, plusieurs députés des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES et quelques députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes RE et Dem applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    Chaque groupe politique s’étant exprimé, la parole est à Mme la Première ministre.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Ce samedi 7 octobre, l’horreur s’est abattue sur plusieurs villes d’Israël. Quelques heures plus tard, nous allions découvrir l’ampleur, la gravité et la barbarie de l’attaque terroriste commise par le Hamas : des tirs de roquettes massifs visant des civils ; des femmes, des hommes, des personnes âgées, des enfants exhibés, humiliés, pris en otage, tués. Ces images ont été un choc, elles étaient probablement encore en deçà de la réalité.
    Dans les heures qui ont suivi, nous avons découvert 260 victimes dans le désert – des jeunes femmes et des jeunes hommes sauvagement tués. Ce matin encore, nous avons été frappés par l’horreur avec la découverte d’un charnier d’une centaine de corps dans le kibboutz de Beeri, à l’est de Gaza. Ces drames ont un retentissement particulier en France, où l’on connaît trop bien le prix et les souffrances du terrorisme. Notre pays a un rôle à tenir pour défendre toujours la démocratie et la liberté. Je veux dire à nouveau mon soutien aux victimes et à leurs familles, dont nous partageons la douleur. Comme vous l’avez fait, mesdames et messieurs les présidents de groupe, permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les familles françaises qui souffrent aujourd’hui. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    À l’heure actuelle, nous déplorons le décès de quatre de nos ressortissants, et restons sans nouvelles de treize de nos compatriotes dont la situation est extrêmement préoccupante : certains – dont un enfant de douze ans – sont probablement pris en otage. Mes pensées vont vers les familles, avec lesquelles nous sommes en liaison constante. Et, en lien avec Air France, nous veillons à ce que les vols puissent reprendre au plus vite.

    M. Meyer Habib

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    C’est urgent ! Urgent !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Nous sommes face à une attaque terroriste commise par un groupe, le Hamas, que la France comme l’Union européenne reconnaissent comme un groupe terroriste (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT) ;…

    Mme Blandine Brocard

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    Il faut nommer correctement les choses !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    …une attaque odieuse et inacceptable commise avec l’aide du Djihad islamique, qui a revendiqué ces actes. Tout à l’heure encore, le Président de la République s’est exprimé dans les termes les plus clairs : comme l’ensemble des démocraties du monde, nous condamnons ces actes avec la plus grande fermeté et sans ambiguïté. C’est la seule réponse possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR. – Mme Anna Pic et M. Stéphane Peu applaudissent aussi.)
    Ne nous trompons pas sur ce qui vient de se passer : l’ampleur de l’opération, mais aussi sa complexité et son exécution, montrent que nous faisons face un changement d’échelle. Cette barbarie et ce niveau de violence inimaginable nous rappellent les pires moments de notre combat contre l’État islamique. Ceux qui ont soutenu, financé et armé le Hamas…

    M. Nicolas Sansu

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    Le Qatar !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    …ont basculé avec lui dans l’ignominie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)
    Dans ces heures graves, la responsabilité doit guider notre action. Notre message est clair, le Président de la République l’a rappelé ce matin : tout d’abord, nous nous tenons aux côtés d’Israël et sa population et les assurons de notre soutien total. (M. Meyer Habib applaudit.) Face au terrorisme et à la barbarie des attaques terroristes, ils ont le droit de se défendre : personne ne peut leur dénier ce droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR.)

    M. Jérôme Guedj

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    C’est vrai.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Ensuite, nous devons tout mettre en œuvre pour permettre la désescalade et éviter l’embrasement de la région : tous les civils doivent être protégés et le droit international respecté. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La diplomatie est à l’œuvre : le Président de la République a multiplié les échanges avec ses homologues, et, avec l’ensemble de nos diplomates, la ministre des affaires étrangères est pleinement mobilisée. Nous restons en contact très étroit avec nos partenaires dans la région : chacun doit mesurer les risques de la situation. Enfin, nous sommes vigilants dans notre pays : aucun acte, aucun propos antisémite ne sera toléré en France. (Applaudissements sur tous les bancs.) Nous ne laisserons passer aucun débordement, ni sur la voie publique, ni dans l’espace numérique :…

    M. Jérôme Buisson

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    Ni dans l’hémicycle !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    …notre cadre républicain est clair, il s’appliquera avec la plus grande fermeté à tous ceux qui, dans nos rues, nos écoles, nos universités, feraient de ce conflit un prétexte à l’antisémitisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Je veux adresser un message à la communauté juive de notre pays, choquée, et dont je mesure l’angoisse : nous sommes avec vous. S’en prendre à vous, c’est s’en prendre à toute la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR, sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Dès samedi, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a appelé tous les préfets et les forces de l’ordre à la vigilance. Avec le concours des militaires de l’opération Sentinelle, la protection des lieux sensibles a été renforcée. Enfin, nos services de renseignement travaillent activement à la détection des menaces afin de prévenir tout acte de violence.
    Mesdames et messieurs les députés, je veux également être claire sur un point : la France a toujours été l’artisan de la paix, et elle le reste. Malgré l’horreur des événements, ces violences injustifiables ne doivent pas nous détourner de la recherche d’une paix durable au Moyen-Orient et d’une solution politique dans le conflit israélo-palestinien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Le Hamas ne cherche pas à répondre à ces aspirations : il a démontré que son seul objectif était de faire couler le sang. Dans ce contexte, je n’ignore pas les interrogations sur notre aide humanitaire. Sachez qu’elle est versée à des organismes de l’ONU sur place, qui agissent directement pour assurer l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire, la santé ou l’éducation. Nous sommes particulièrement vigilants à ce que pas un euro d’aide française ne parvienne à une organisation terroriste, quelle qu’elle soit (M. Meyer Habib s’exclame) –…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Comme le fonds Marianne !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    …ni à Gaza, ni ailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Israël, un pays ami et allié, vit un traumatisme terrible, qui nous replonge cinquante ans en arrière. Notre devoir est d’être aux côtés de la démocratie, de dénoncer sans relâche le terrorisme, de tout mettre en œuvre pour trouver le chemin de la paix grâce à la diplomatie. Ce chemin sera très long, mais nous ne pouvons pas baisser les bras : la France tiendra sa place et fera tout pour trouver une solution politique et mettre fin à ce conflit territorial qui dure depuis des décennies. Dans ces moments tragiques, je trouve choquant et désolant d’entendre des voix dissonantes, jusque sur les bancs de cet hémicycle : c’est par la cohésion nationale et la défense de nos valeurs républicaines que nous pourrons être à la hauteur. (Les députés des groupes RE, LR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent vivement. – Quelques députés du groupe RN applaudissent également.)

    Visibilité des Jeux paralympiques

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ingrid Dordain.

    Mme Ingrid Dordain

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    Notre pays accueillera dans quelques mois l’un des plus grands événements sportifs du monde.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Ingrid Dordain

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    Si les Jeux olympiques bénéficient déjà d’une très grande visibilité aux yeux du public, les Jeux paralympiques, en revanche, restent malheureusement, édition après édition, le parent pauvre de cet événement. Les compétitions paralympiques ne trouvent un écho qu’auprès d’un public restreint, et la communication qui leur est accordée reste toujours dans l’ombre des épreuves des valides.
    Pourtant, nous ne pouvons qu’encourager les sportifs qui participent aux épreuves paralympiques, les valoriser et en être fiers, non seulement pour les efforts physiques considérables qu’ils fournissent mais aussi parce qu’ils sont un symbole de persévérance et de courage. En outre, à chaque épreuve, nous sommes frappés par la solidarité dont font preuve les aidants, dont l’investissement colossal est trop peu mis en valeur.
    Ce dimanche 8 octobre, vous avez conduit à Paris une belle première opération de promotion du sport pour les personnes handicapées et les parathlètes tricolores. Le public y était enthousiaste, signe que l’intérêt peut être fort parmi nos concitoyens. Le sport démontre une fois encore à quel point il est rassembleur, qu’on soit valide ou en situation de handicap.
    L’inclusion est certes mise en valeur sur le parcours de la flamme olympique mais les associations souhaiteraient également y voir leurs membres – personnes handicapées et aidants – y participer à toutes les étapes. C’est une demande forte dans ma région, à Amiens.
    Quelle ambition le Gouvernement nourrit-il pour donner enfin aux Jeux paralympiques la même visibilité qu’aux épreuves des sportifs valides, et pour que ces Jeux soient le reflet de notre dynamique en faveur d’une société inclusive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

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    En effet, la deuxième édition de la Journée paralympique a réuni 20 000 personnes ce dimanche, place de la République, en présence du chef de l’État. Avec le relais paralympique, c’est l’un des temps forts sur la route de nos Jeux paralympiques d’été, les premiers à être organisés en France et le plus grand événement parasportif de tous les temps.
    Nous voulons faire de ces Jeux un rendez-vous capital, et d’abord un levier pour changer le regard que la société porte sur le handicap, en mettant en valeur les performances exceptionnelles de nos champions, en faisant vivre au grand public – en particulier la jeunesse, les personnes en situation de handicap et leurs aidants – ces moments extraordinaires de sport et les émotions que les exploits de nos parathlètes suscitent, et en faisant connaître leurs parcours hors normes et les leçons de vie qu’ils nous enseignent.
    Nos Jeux paralympiques s’inscriront dans la longue succession d’événements sportifs majeurs. Ils seront intégralement retransmis sur France Télévisions ; nous pourrons ainsi admirer notre équipe de France.
    Je ferai écho aux mots d’Olivia Grégoire : ces Jeux ne doivent pas seulement être l’occasion de changer le regard de la société, mais aussi la vie des personnes en situation de handicap. C’est le sens de la feuille de route gouvernementale, et c’est le sens de nos actions en faveur de l’héritage sportif de cet événement, pour diffuser une pratique sportive plus accessible, moins chère, plus diverse, quel que soit le handicap, avec l’appui de l’école, du monde médico-social, des clubs sportifs, et grâce à des aides comme le pass’sport. La billetterie des Jeux paralympiques est ouverte : 2,8 millions de billets sont en vente, dont 80 % à moins de 50 euros. Nous devons battre le record d’affluence des Jeux de Londres : tous aux Jeux paralympiques ! Ils seront spectaculaires et, comme l’a dit la Première ministre, ils seront aussi un accélérateur vers une société plus inclusive ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Bénédicte Auzanot applaudit également.)

    Politique d’immigration

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Les Français assistent, médusés, au lamentable spectacle d’un gouvernement qui les prend pour des imbéciles. Quand le ministre de l’intérieur montre les muscles en affirmant qu’aucun migrant arrivé à Lampedusa ne sera accueilli en France, la secrétaire d’État chargée de l’Europe explique et justifie le fait – et pire, y adhère – que l’Union européenne, dans le cadre du prochain pacte des migrations, impose une amende de 20 000 euros par migrant aux pays refusant de se soumettre à son idéologie immigrationniste ; 20 000 euros, c’est quatorze fois le montant du Smic. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Autre exemple : le scandale de l’aide médicale de l’État – AME – qui nous a coûté l’an dernier plus de 1 milliard d’euros afin de prendre en charge les soins de plus de 400 000 clandestins.

    M. Maxime Minot

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    Oui, c’est un scandale !

    Mme Edwige Diaz

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    Là encore, M. Darmanin joue aux durs. Alors qu’il a toujours refusé de soutenir la proposition de Marine Le Pen, par ailleurs plébiscitée par les deux tiers des Français, visant à supprimer l’AME pour la remplacer par une aide médicale d’urgence, on apprend par la presse qu’il change d’avis : bienvenue au Rassemblement national, monsieur Darmanin ! (Mêmes mouvements.)
    Une fois de plus, l’absence d’unanimité au sein du gouvernement Borne est totale. Alors que 2 millions de ménages français attendent un logement social, que deux Français sur trois ont déjà été contraints de renoncer à se soigner et qu’un Français sur deux a déjà été obligé de se priver de manger à sa faim,…

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous avez refusé l’augmentation du Smic !

    Mme Edwige Diaz

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    …allez-vous continuer longtemps d’imposer votre coûteuse politique immigrationniste et de vous soumettre au diktat de l’Union européenne, pour qui l’immigration massive et anarchique n’est pas un problème, mais un projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ville.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la ville

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    Chacun peut constater qu’en 2023, toute l’Europe est soumise à une forte pression migratoire. L’agence Frontex a enregistré une hausse de 14 % des entrées irrégulières aux frontières extérieures de l’Union et le doublement des arrivées en Italie. En matière d’immigration, toutefois, il y a ceux qui commentent et ceux qui agissent. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous, vous ne faites rien !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Dès le mois de mai, la Première ministre a annoncé l’expérimentation, à la frontière italienne, d’une border force à la française qui mobilisera conjointement policiers, gendarmes, douaniers et militaires de l’opération Sentinelle.
    Après les arrivées à Lampedusa, le ministre de l’intérieur a annoncé que 200 effectifs supplémentaires seraient déployés à la frontière en plus des 500 qui sont déjà mobilisés. Plus de 40 000 reconduites à la frontière ont déjà été effectuées en 2023. Le ministre de l’intérieur vient d’annoncer la création de onze centres de rétention administrative (CRA) afin de porter la capacité d’éloignement de ces centres à 3 000 places d’ici à 2027.
    Au niveau européen, sous l’impulsion constante du Président de la République, les États membres de l’Union viennent de trouver un accord concernant le pacte sur la migration et l’asile.

    M. Grégoire de Fournas

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    C’est ça, le problème !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    C’est une réforme historique, relancée sous la présidence française de l’Union. Elle permettra notamment d’établir des procédures d’enregistrement et d’asile à la frontière dès les débarquements en Italie, donc de procéder au retour dans leur pays des nationalités ne relevant pas du droit d’asile.

    M. Grégoire de Fournas

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    Au secours !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Or le député Bardella, du Rassemblement national, n’a pas voté cette réforme (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN) ; non, vous n’avez pas voté cette réforme au Parlement européen. Pourtant, nous savons bien que seule une réponse coordonnée au niveau européen permettra de traiter un sujet de dimension internationale. (Les exclamations se poursuivent.)

    M. Bruno Bilde

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    C’est affligeant !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Au niveau européen comme au niveau national, nous agissons sans relâche. Là où…

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, votre temps de parole est écoulé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Étant donné votre mépris, votre suffisance et votre déconnexion, ne venez pas vous étonner que 60 % des Français ne plébiscitent pas votre politique. Quant à nous, nous avons un message pour les Français : nous leur disons que ce qu’ils subissent n’est pas le résultat d’une fatalité mais de vos politiques. Ces politiques, ils pourront les changer le 9 juin, lors des élections européennes, en votant pour Bardella ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont la plupart des membres se lèvent.)

    Conséquences de la situation en Israël sur la sécurité des Français

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Henri Alfandari.

    M. Henri Alfandari

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    Samedi dernier, un nouveau conflit armé a débuté au Moyen-Orient. Une organisation terroriste a lancé une opération militaire d’ampleur contre l’État d’Israël et contre des personnes pacifiques, sans défense, qui ne se doutaient pas que la mort allait les séparer des leurs. Nos pensées vont bien évidemment à toutes ces victimes et à leurs familles, qui sont dans l’effroi et la peine.
    À cette heure, notre rôle est d’être aux côtés d’Israël dans le combat qu’il livre contre ces actes barbares et leurs commanditaires qui sont, ne l’oublions pas, les premiers à utiliser leur population comme bouclier humain pour se couvrir de leurs crimes.
    Cet événement est une surprise et nous devrons tous nous interroger sur la capacité de nos services de renseignement à prévenir de tels actes. Nous avons vu, dans cet hémicycle, toute l’importance de trouver des réponses pour combattre le sentiment d’impunité et le contrôle de la haine en ligne. Je n’ose vous inviter, chers collègues, à lire les torrents d’immondices, notamment antisémites, qui prospèrent en ce moment et qui sont autant d’invitations au crime. Partout sur le globe, les terres s’embrasent, et les équilibres géopolitiques du XXe siècle disparaissent, au profit de puissances régionales ou plutôt sur la route d’affrontements entre alliances de fortune qui peuvent nous entraîner tous dans l’abîme.
    Nos concitoyens constatent en silence. Ils ont peur pour leurs enfants, pour leurs proches et pour eux-mêmes. Ils veulent connaître la place de leur pays dans ce monde. Ils veulent savoir quelle place nous voulons donner à l’Union européenne dans cette reconfiguration géostratégique. Ils souhaitent aussi que les directives et règlements européens permettent à leurs institutions nationales de les protéger.
    Vous l’avez bien compris, derrière les conflits et la réorganisation mondiale, c’est l’importation de ces dangers sur notre propre sol qui nous inquiète. Détermination et choix difficiles nous attendent, mais nous devons aussi être au rendez-vous de la dignité humaine et de la démocratie. Comment le Gouvernement compte-t-il faire évoluer nos outils et anticiper les menaces pour protéger les Français sur notre sol ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

    M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer

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    Toucher à un Juif en France, c’est toucher à la République, comme l’a dit le président Maillard et selon les mots de Gérald Darmanin ; je les reprends à mon compte – et je vous prie d’excuser le ministre de l’intérieur, en déplacement cet après-midi en Allemagne avec le Président de la République. Barbarie, terrorisme, horreur : je crois revivre 2015 et les mots me manquent pour qualifier les attentats que le Hamas a commis en Israël et que rien – j’insiste : rien – n’excusera jamais.
    À la demande du Président de la République et de la Première ministre, le ministre de l’intérieur a immédiatement donné des consignes très strictes à l’ensemble des services de sécurité, en particulier aux préfets, pour protéger nos concitoyens partout sur le sol national. Comme l’a indiqué la Première ministre, 582 lieux communautaires juifs sont protégés par 10 000 policiers, gendarmes et militaires de l’opération Sentinelle afin d’éviter que l’irréparable se reproduise. Toutes les manifestations de soutien à Israël ont été protégées et se sont déroulées dans les meilleures conditions. Toutes les manifestations susceptibles d’entraîner des troubles à l’ordre public ou faisant l’apologie du terrorisme seront tout simplement interdites afin, vous l’avez bien compris, d’éviter l’importation du conflit sur le sol français. Tous les services – y compris la plateforme Pharos pour le cyberespace – sont mobilisés en lien avec la justice afin de protéger nos concitoyens partout – je dis bien : partout. Le terrorisme ne doit pas passer et, dans de telles circonstances, nous devons tous être unis.

    M. Aurélien Pradié

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    La question portait sur le renseignement ! C’est désespérant !

    Exportation de systèmes de cybersurveillance

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Le Gall.

    M. Arnaud Le Gall

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    La semaine dernière, des journaux français et étrangers ont révélé que la société française Nexa Technologies a vendu un logiciel de surveillance généralisée à plusieurs dictatures et milices pratiquant qui la torture d’opposants, qui des crimes de guerre, qui l’espionnage de journalistes ou d’élus – pour certains français.
    La mise en relation entre cette société, dont le numéro trois a fait la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, et un client comme l’Arabie Saoudite a été facilitée par Alexandre Benalla, alors membre du cabinet du Président de la République. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) D’après des documents cités par les enquêteurs, le Président en personne aurait participé à au moins une réunion afférente. Certaines licences d’exportation, destinées par exemple aux milices du maréchal Haftar en Libye, ont été accordées par le ministère de l’économie en dépit de l’embargo et des accusations de crimes de guerre visant ces milices.
    Les faits révélés sont graves et les questions nombreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Pourquoi ces autorisations ont-elles été délivrées ? Pourquoi le Président de la République a-t-il cru bon d’aider cette société ? Quel rôle informel Alexandre Benalla continue-t-il de jouer auprès du Président de la République ? Pourquoi la justice attend-elle toujours que soit déposée une plainte par le ministère de l’économie, seul habilité à le faire, pour violation de l’embargo sur la vente d’armes et pour complicité de torture ? (Mêmes mouvements.) Comment prétendre défendre les droits humains quand on aide les régimes égyptien et saoudien, entre autres, à réprimer leur population ? Et comment ne pas craindre, quand on découvre la participation de l’exécutif à ces opérations d’exportation de matériels de surveillance de masse, que certains droits fondamentaux des Français ne soient pas eux aussi menacés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique

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    Permettez-moi d’abord de saluer le travail d’enquête accompli par la presse pluraliste qui contribue, comme toujours, à la manifestation de la vérité.
    Les exportations de biens à double usage tels que les systèmes de cybersurveillance que vous visez dans votre question, monsieur Le Gall, sont soumis depuis la loi de programmation militaire de 2013 à des procédures réglementaires et à des autorisations administratives, dont l’objectif est de garantir, d’une part, que les systèmes en question sont conformes aux intérêts et engagements internationaux de la France, d’autre part qu’ils ne peuvent pas être détournés à des fins contraires à nos principes, en particulier le respect des droits de l’homme.
    Je peux vous assurer qu’aucune autorisation contraire à ces deux principes n’a été accordée. Je peux également vous assurer qu’à aucun moment le ministère de l’économie et des finances n’a été saisi, sous quelque forme que ce soit, d’une demande visant une violation de l’embargo auquel est soumise la Libye. Pour le reste, une procédure judiciaire est ouverte. Laissons la justice faire son travail. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Le Gall.

    M. Arnaud Le Gall

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    Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour votre réponse qui rappelle les procédures en vigueur. L’enquête médiatique en cours montre toutefois que celles-ci – à tout le moins l’embargo – n’ont pas été respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Je renouvelle donc ma question : le ministère de l’économie va-t-il porter plainte pour le non-respect de ces procédures, parce qu’il a été saisi par le parquet national antiterroriste de cette question ? Compte tenu de la gravité des faits, le groupe parlementaire La France insoumise demande la création d’une commission d’enquête sur les Predator Files. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Situation en Israël

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib. (Les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent également.)

    M. Meyer Habib

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    Cinquante ans, jour pour jour, après le déclenchement d’une guerre le jour de Kippour, nous venons de vivre le 11 septembre de l’État juif. Cette fois, c’était shabbat et le jour sacré de Sim’hat Torah. La barbarie islamiste a frappé des femmes, des enfants, des bébés, des vieillards. Des familles entières décimées, des femmes violées, des corps mutilés, filmés et exhibés devant une foule galvanisée par la haine du Juif. Le Hamas, c’est Daech. Des Juifs victimes de pogrom, 120 ans après Kichinev. Jamais, depuis la tragédie de la Shoah, autant de Juifs n’avaient été massacrés le même jour – cette fois, en Eretz Israël. Quatre Français ont été tués dont Avidan, ce magnifique jeune homme né à Bordeaux ; une quinzaine sont portés disparus et les 200 000 Français d’Israël, que j’ai l’honneur de représenter, sont menacés ou sous les bombes. Je pense à eux.
    Ne vous y trompez pas. Cette guerre est une guerre contre notre civilisation, une guerre entre la civilisation et la barbarie ! Non, ce n’est pas une guerre de territoires. Les colonies ? Israël a évacué Gaza jusqu’au dernier centimètre carré ! Le Hamas veut un État à la place et non à côté d’Israël. Israël est le premier rempart contre l’islamisme qui a défiguré la France, y faisant 271 morts. Ces barbares s’attaquent à notre modèle de société, à nos valeurs, à notre art de vivre, et surtout à notre conception du monde et de la dignité humaine. Si Israël perd cette guerre, c’est le monde libre qui vacille : c’est eux ou nous. N’oubliez jamais Sartre : « Pas un Français ne sera en sécurité tant qu’un Juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie. »
    La guerre sera longue, madame la Première ministre. Pouvez-vous m’assurer que la France rendra le Hamas directement responsable de la sécurité de nos otages ? Qu’elle fera confiance à Tsahal, l’armée la plus morale du monde, pour détruire totalement et écraser le Hamas qui asservit son peuple ? Que vous allez dissoudre le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et les autres organisations faisant l’apologie du terrorisme ? Enfin, pouvez-vous m’assurer que vous éviterez la tenue de manifestations comme celle qui a eu lieu à Sydney hier, au cours de laquelle on a crié « Gazez les Juifs » ?
    Je ne pensais pas que depuis que l’Assemblée nationale a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, l’antisémitisme puisse se déchaîner ouvertement à la gauche de ces bancs.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Madame la présidente, le temps est écoulé !

    M. Meyer Habib

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    L’histoire jugera cette cinquième colonne nichée au cœur de la République. (Les députés des groupes LR, RN et HOR se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT, dont plusieurs députés se lèvent également.)

    Mme la présidente

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    M. Habib représentant les Français qui vivent en Israël, il m’a semblé normal de lui laisser le temps de s’exprimer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Meyer Habib

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    Merci, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la Première ministre.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    J’ai conscience, monsieur Meyer Habib, de la gravité de la situation à laquelle vous faites face, en tant que député des Français établis en Israël, avec tous nos ressortissants sur place. Je sais que vous êtes en lien permanent avec eux et je veux vous remercier pour votre engagement. Une nouvelle fois, je veux dire à nos ressortissants qu’ils peuvent compter sur le plein soutien du Gouvernement. Je l’ai dit, la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est l’horreur : l’horreur du terrorisme, l’horreur des témoignages, l’horreur face à des hommes, des femmes, des enfants massacrés, des hommes, des femmes et des enfants enlevés, dont des fillettes de 4 ans. Le Hamas, groupe terroriste, a agi pour terroriser la population israélienne. Face à ces drames, nous sommes aux côtés d’Israël et du peuple israélien. Israël a droit à la sécurité, droit de se défendre. Rien ne peut excuser le terrorisme.
    Sur les otages, le Président de la République a été très clair. Il a dénoncé un chantage odieux et insupportable du Hamas. Nous le condamnons avec la plus grande fermeté. Enfin, monsieur le député, vous connaissez mon engagement et celui de mon gouvernement dans la lutte contre l’antisémitisme. Aucune ambiguïté n’est possible. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : aucun acte ou propos antisémite n’est acceptable. Nous ne les tolérerons ni dans les cortèges, ni sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)

    M. Mansour Kamardine

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    Ni à l’Assemblée !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Je veux rassurer tous les Juifs de France : nous les protégeons. C’est l’engagement du Gouvernement, c’est le devoir de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)

    Journée mondiale de la santé mentale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Huguette Tiegna.

    Mme Huguette Tiegna

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    Ma question s’adressait à l’origine au ministre de la santé et de la prévention. Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la santé mentale. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il s’agit d’un droit humain universel. Pour la France, c’est un enjeu majeur de santé publique. Et pour cause : près d’un adulte sur six serait touché. La santé mentale représente le premier poste de dépenses du régime général de l’assurance maladie, avant les cancers et les maladies cardiovasculaires. La Cour des comptes estime le coût total de ces troubles à 109 milliards d’euros par an. Si ce montant n’est rien devant la souffrance intime des patients et de leurs proches, il doit nous interpeller et nous pousser à agir davantage, en particulier en faveur des enfants et des adolescents. Selon Santé publique France, un jeune sur cinq souffre de troubles dépressifs, et leur nombre est en forte augmentation depuis la crise sanitaire. Il existe, malgré l’identification des besoins, d’importantes disparités territoriales.
    Nous devons donc être aux côtés des professionnels du secteur afin de leur permettre de répondre aux besoins des patients dans les meilleures conditions. L’an dernier, le Président de la République a réaffirmé que la santé mentale devait être au cœur de notre stratégie de santé publique. Début 2023, les assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ont été engagées. J’ai déposé en janvier dernier une proposition de loi, signée par plusieurs parlementaires, qui vise à refonder le cadre de la santé mentale des enfants et adolescents. Il nous faut poursuivre nos efforts pour améliorer l’attractivité des carrières et augmenter l’offre de soins. Aussi, madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, pouvez-vous nous préciser la stratégie qu’entend déployer le Gouvernement pour faire de la santé mentale, notamment des enfants et adolescents, une grande cause du quinquennat ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit et M. Philippe Gosselin applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

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    Je vous remercie pour votre question. Vous l’avez dit, la santé mentale des Français est l’un des principaux enjeux de santé publique, en particulier depuis la crise du covid. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne les plus jeunes, et je vous remercie d’avoir une attention pour eux en cette Journée mondiale de la santé mentale. Nous constatons en effet que les taux d’anxiété et de dépression chez les enfants et les adolescents se maintiennent à des niveaux importants, plus élevés qu’avant la crise du covid. Vous l’avez signalé, un jeune sur cinq souffre de troubles de la santé mentale.
    Il s’agit d’une préoccupation majeure et depuis 2017, le Gouvernement a engagé de nombreuses actions pour y répondre. Il importe d’abord de ne pas laisser nos jeunes seuls et sans information. Il est donc indispensable de rappeler l’existence du Fil santé jeunes, service anonyme et gratuit accessible en ligne et au 0 800 235 236, qui propose une écoute sept jours sur sept, de neuf heures à vingt-trois heures. Il importe ensuite, bien sûr, d’améliorer l’accompagnement et la prise en charge. Les assises de la santé mentale de 2021 ont permis de réaffirmer l’ambition du Gouvernement en matière de santé mentale des jeunes. Cette ambition se traduit par le développement des maisons des adolescents, la formation de près de 70 000 secouristes en santé mentale à ce jour ou encore le déploiement du dispositif MonPsy – devenu Mon soutien psy –, qui permet de bénéficier de jusqu’à huit séances remboursées par l’assurance maladie. Enfin, nous avons souhaité renforcer de près de 400 équivalents temps plein (ETP) les ressources des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles.
    Mais il faut aller plus loin. Le récent plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école comporte de nouvelles mesures en faveur d’une meilleure coopération territoriale et d’une meilleure formation à cette problématique. Les conclusions des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, ainsi que l’installation prochaine du volet santé mentale du Conseil national de la refondation (CNR), nous permettront de construire de nouvelles solutions. Je signale enfin que Santé publique France lance une campagne, constituée notamment de courtes vidéos, pour inciter les jeunes à prendre soin de leur santé mentale. Vous le voyez, le Gouvernement agit de façon résolue sur ce sujet essentiel. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Santé mentale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Joël Aviragnet.

    M. Joël Aviragnet

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    Je vous poserai également une question sur la santé mentale, mais la mienne sera assortie de propositions ! Nous sommes aujourd’hui le 10 octobre, Journée mondiale de la santé mentale. La pandémie de covid-19 et ses multiples confinements ont accéléré la détérioration de la santé mentale de nos concitoyens. Or notre pays n’est pas préparé pour affronter ce défi majeur.
    Conscients de cette situation, ma collègue Chantal Jourdan et moi-même avons été chargés par le groupe Socialistes et apparentés de travailler sur ce qui apparaît aujourd’hui comme un angle mort de nos politiques de santé. Après six mois d’auditions hebdomadaires de tous les acteurs du domaine et plusieurs visites de terrain, les députés socialistes présentent dix mesures pour faire de la santé mentale une grande cause nationale.

    Mme Valérie Rabault

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    Vous devriez l’écouter ! C’est important !

    M. Joël Aviragnet

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    La santé mentale est le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, avec 23 milliards d’euros. Cependant, nous sommes loin des coûts directs et indirects des troubles qu’elle engendre pour la société, qui atteignaient 163 milliards d’euros en 2018.

    Mme Valérie Rabault

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    Exactement !

    M. Joël Aviragnet

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    Il est urgent d’agir. Nous devons changer d’approche et aller vers l’objectif « zéro contention » et « zéro isolement » en psychiatrie, comme le préconise l’OMS. Nous devons faire évoluer les pratiques en psychiatrie vers le rétablissement des patients, en réorientant progressivement les moyens de l’hospitalier vers l’ambulatoire, à moyens constants. Nous devons former davantage de professionnels, mais aussi mieux les former. En bref, nous devons remettre l’humain – qu’il s’agisse des professionnels ou des citoyens – au cœur de la gestion de la santé mentale, qui est tout aussi importante que la santé physique.
    Nous constatons pourtant que la psychiatrie et la pédopsychiatrie sont les parents pauvres de notre système de santé, déjà affaibli par des décennies de vision gestionnaire et comptable. Notre pays doit répondre à ce défi majeur ; c’est pourquoi nous espérons que notre initiative trouvera un écho dans cet hémicycle. Madame la ministre déléguée, êtes-vous disposée à travailler avec nous et avec toutes les bonnes volontés de l’Assemblée nationale sur ce sujet essentiel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

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    Je viens de le dire à votre collègue Huguette Tiegna, la promotion de la santé mentale est l’une des priorités de la politique du Gouvernement.

    Mme Valérie Rabault

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    Mais là, il y a une proposition !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Je vous remercie donc de votre question en cette Journée internationale de la santé mentale – qui explique que je porte un petit ruban vert. Nous le savons désormais, la crise du covid a eu un impact très important sur la santé mentale de nos concitoyens. Dès juin 2018, en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie fondée sur trois piliers : la prévention, le parcours de soins et l’insertion sociale. En 2021, cette feuille de route a été enrichie par les trente mesures issues de la conclusion des assises de la santé mentale et de la psychiatrie. De nombreuses actions concrètes ont été conduites, notamment la construction d’une stratégie nationale de prévention du suicide, la création du dispositif MonPsy – devenu Mon soutien psy –, le renforcement des maisons des adolescents, l’amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, avec plus de 70 000 personnes formées, ou encore la mise en œuvre d’une stratégie de déploiement des compétences psychosociales, avec en ligne de mire la génération 2037. L’ensemble de ces actions s’appuient sur des moyens inédits, avec un budget total de près de 2 milliards d’euros entre 2022 et 2026 – un niveau historique pour une délégation de crédits.
    Même si vous omettez parfois de le rappeler, de nombreuses actions ont donc été entreprises. Beaucoup reste à faire et, vous le savez, le sujet de la santé mentale est bien plus qu’un sujet de santé, en particulier sur le volet des ressources humaines. Il nous faut renforcer nos connaissances ainsi que les ressources disponibles dans le périmètre de la santé mentale et de la psychiatrie. Nous devons en particulier renforcer les coopérations et le partage des compétences. C’est pourquoi nous souhaitons accélérer, par exemple, le déploiement des infirmiers en pratique avancée ou encore des psychologues. Annoncé par le Président de la République, le lancement prochain du volet santé mentale du CNR – Conseil national de la refondation – doit nous permettre d’améliorer la prévention et de favoriser l’innovation dans la prise en charge globale de la santé mentale. Nul doute que vos propositions y trouveront un écho. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Hor.)

    Mme Anna Pic

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    Et notre proposition ?

    Lutte contre le sans-abrisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Le 10 octobre, c’est aussi la Journée internationale de lutte contre le sans-abrisme. En la matière, les chiffres sont sans appel : le nombre de personnes à la rue a augmenté de 130 % ces dix dernières années, et 2 000 enfants n’ont pas de logement en 2023, soit 20 % de plus que l’année précédente. Pourtant, je dois le concéder, vous n’êtes pas restés inactifs. Ces dix dernières années, l’État a augmenté l’enveloppe consacrée à l’hébergement. De votre côté, vous avez lancé l’Observatoire du sans-abrisme et deux plans « logement d’abord ». Je rappelle toutefois que dans le Bas-Rhin, seules soixante-dix personnes sont prises en charge, alors qu’elles sont un millier à appeler le 115 – reconnaissez que le compte n’y est pas. Bien que l’investissement n’ait jamais été aussi élevé, les appels au 115 sont toujours plus nombreux ; c’est la preuve que le problème n’est pas seulement financier, mais systémique : inflation, crise, creusement et renforcement des inégalités… Les moyens qui sont déployés aujourd’hui correspondent aux enjeux d’hier.
    Toutes les grandes villes de France dressent le même constat. Elles pallient les manques et gèrent dans l’urgence la grande précarité, qui est pourtant une compétence de l’État, sans bénéficier d’un accompagnement adapté. Associations et collectivités ne sont ni associées, ni informées des décisions ; en un mot, elles sont à bout. Conséquence : Strasbourg en premier lieu, mais aussi Lyon, Rennes, Bordeaux, Paris, Grenoble et d’autres villes attaquent l’État en justice pour dénoncer le sous-dimensionnement de son action. Ces recours traduisent une demande simple : sortir d’un système fondé sur la méfiance et sur la suspicion à l’égard des collectivités et des associations. Ce que ces villes vous demandent – ce que nous vous demandons –, c’est un choc de confiance. Mesdames et messieurs les ministres, accepterez-vous enfin de coconstruire dans le pluralisme les solutions d’aujourd’hui, et surtout celles de demain ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    M. Aurélien Pradié

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    C’est lui qu’ils envoient quand ils n’ont rien à dire !

    M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Je vous remercie pour la pondération de votre question, madame la députée. Je vous sais gré d’avoir reconnu que s’il reste des problèmes criants, notamment dans certaines grandes métropoles, en matière d’hébergement d’urgence, un effort sans précédent a été réalisé par l’État grâce aux impôts des Français. Pendant la crise du covid, alors que j’étais chargé des solidarités – poste qu’occupe désormais Aurore Bergé, que je remplace ici car elle est en Allemagne avec le Président de la République –, nous avons atteint 200 000 places d’hébergement d’urgence, volume parfaitement inédit. Pour autant, malgré le choix de Mme la Première ministre de maintenir le parc d’hébergement d’urgence à un très haut niveau, les comptes ne sont pas bons. Trop de personnes et trop de familles vivent encore dans la rue.
    Je vous rejoins pour affirmer que la solution doit être structurelle – telle est bien notre volonté. Le plan quinquennal que nous avons présenté en 2018 a déjà permis à 440 000 personnes de quitter la rue pour accéder à un logement pérenne. À cela s’ajoutent des solutions structurelles. Ainsi, nous avons porté à 30 000 le nombre de places en intermédiation locative, qui permettent à des personnes en grande précarité de bénéficier d’un logement dans le parc privé à un tarif abordable. En outre, les plus démunis sont mieux accompagnés au quotidien, notamment grâce à l’ouverture de nouveaux sites relevant du dispositif Un chez soi d’abord, après une expérimentation concluante. Cette mesure prévoit un accès direct au logement depuis la rue, ainsi qu’une prise en charge au domicile par divers professionnels – car, vous le savez, la solution ne se limite pas au logement, mais doit aussi toucher à l’accès à l’emploi et à la santé. Enfin, le fonctionnement de l’hébergement d’urgence a été amélioré, grâce au recrutement de 500 personnes supplémentaires venues renforcer le dispositif du 115.
    La main que vous tendez à l’État pour qu’il travaille avec les collectivités, nous la saisissons, madame la députée. En la matière, il est fondamental de travailler avec les collectivités et avec les associations. Pour conclure, permettez-moi de m’associer à vos remerciements destinés au monde associatif, qui est solide et qui nous permet de tenir dans des conditions difficiles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Je retiens de vos propos que le Gouvernement réservera une réponse favorable aux six villes qui se sont déjà manifestées, et qui seront suivies par d’autres. C’est donc noté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Aurélien Pradié

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    C’est exactement comme on vous a dit ! Vous avez compris ce que vous vouliez comprendre, et ça ne changera rien !

    Prélèvement sur les excédents de l’Agirc-Arrco

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Paris.

    Mme Mathilde Paris

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    Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. La réforme des retraites, dont vous aviez hâte de tourner la page, se réinvite dans le débat avec la scandaleuse tentative de hold-up du pécule de l’Agirc-Arrco. Vous avez essayé de faire avaler aux Français la retraite a 67 ans en leur promettant une retraite minimale à 1 200 euros, mensonge éhonté tant s’agissant du montant de la pension – brut et non pas net –, que du nombre de bénéficiaires – passé de 2 millions à seulement 20 000, voire 10 000, après vos aveux.

    Mme Nathalie Oziol

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    Que faisiez-vous pendant les débats ? Vous étiez endormie ?

    Mme Mathilde Paris

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    Nous découvrons que vous ne saviez pas comment financer cette promesse, et que vous devez trouver 1 à 3 milliards d’euros. Vous avez alors eu une idée de génie : « Nous allons piocher dans la caisse de l’Agirc-Arrco, qui, grâce à sa bonne gestion, a accumulé six mois de réserves. »

    Mme Caroline Parmentier

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    Scandaleux !

    Mme Mathilde Paris

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    « Si elle refuse, nous passerons en force grâce au projet de loi de financement de la sécurité sociale ! » Le parti présidentiel En marche, devenu Renaissance, devrait être rebaptisé « Par la force », tant le passage en force est devenu votre modus operandi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Après être passés en force par votre usage immodéré du 49.3 pour contourner le vote de l’Assemblée nationale et contrer la volonté du peuple français, vous voulez maintenant obliger une caisse de retraite complémentaire privée à donner 1 à 3 milliards à l’État.
    Monsieur le ministre, on ne joue pas avec la vie des Français – car ce sont 58 millions d’assurés de l’Agirc-Arrco qui vont être volés. En cette période d’inflation terrible pour le pouvoir d’achat des Français, la caisse de retraite complémentaire comptait revaloriser les pensions de ses assurés grâce à ses excédents. Non seulement elle ne sera plus capable de le faire si vous persévérez dans ce pillage organisé, mais vous allez aussi fragiliser gravement l’Agirc-Arrco et sa capacité à faire face aux crises.
    Nous, députés du Rassemblement national, disons stop : stop au saccage de notre système social ; stop au pillage de l’argent des Français ; stop à ce gouvernement et à ses politiques délétères. Quand arrêterez-vous de faire payer vos erreurs à la France qui travaille ? Quand cesserez-vous de ronger le pouvoir d’achat de millions de retraités et de salariés ? Laissez les Français qui travaillent vivre dignement leur retraite, et arrêtez de saccager notre système social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

    M. Aurélien Pradié

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    Vous aviez juré qu’on ne toucherait pas à l’Agirc-Arrco !

    M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

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    Vous n’avez pas voté la réforme des retraites, madame la députée,…

    M. Jocelyn Dessigny

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    Personne ne l’a votée !

    M. Aurélien Pradié

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    On n’a pas pu voter !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    …et vous n’avez assumé aucune responsabilité lorsque nous en avons débattu, étant entendu que nous visions un objectif : le retour à l’équilibre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Qu’avons-nous dit à l’ensemble des partenaires sociaux qui ont participé aux concertations en novembre dernier ? Nous leur avons expliqué que la réforme que nous présentions permettrait au système de retraite de revenir à l’équilibre, tous régimes confondus.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est sûr que si on pique de l’argent partout…

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Nous avons toujours dit, en toute transparence, que les excédents réalisés grâce à la réforme dans les quarante-deux régimes devraient participer au retour à l’équilibre général.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous n’êtes pas obligés de voler l’argent de l’Agirc-Arrco !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    L’Agirc-Arrco est un système bien géré – je vous le concède, et j’en conviens avec les partenaires sociaux.

    Mme Caroline Parmentier

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    Donc, pillons-le !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Si ce système est bien géré, c’est parce qu’il y a quatre ans, les partenaires sociaux ont eux-mêmes décidé d’appliquer une décote temporaire pour les retraités qui partaient avant 65 ans. Lors de l’ouverture des négociations, nous leur avons indiqué qu’à l’horizon de 2026, sur le total des excédents de l’Agirc-Arrco, 1,2 milliard serait directement généré par la réforme des retraites. Nous leur avons signifié en toute transparence que cet argent devrait être mobilisé pour le retour à l’équilibre du régime général.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas votre argent !

    M. Aurélien Pradié

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    Vous pourriez vendre des tapis, vous feriez ça très bien ! Je ne sais pas quelle est la part de mauvaise foi dans votre discours : c’est incroyable !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Les partenaires sociaux ont jusqu’à demain pour signer un accord. Ce dernier ne prévoit que des dépenses nouvelles – dépenses d’indexation, suppression de la décote pour les nouveaux retraités comme pour les retraités actuels… –, qui seront financées pour l’essentiel par le rendement de la réforme des retraites. Nous avons fait confiance au dialogue social, et nous poursuivons les échanges. Toutefois, nous regrettons que les partenaires sociaux n’aient pas assumé cette responsabilité pourtant nécessaire pour les finances publiques,…

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est lunaire !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    …car les dépenses de l’Agirc-Arrco sont des dépenses publiques et sont comptabilisées comme telles aux yeux de l’Union européenne. L’accord déséquilibre les comptes publics pour 1 milliard d’euros, et nous devrons y faire face. Il ne s’agit pas d’aller chercher un pécule dans des réserves.

    Mme Caroline Parmentier

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    Si !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Une série de mauvais jeux de mots et d’outrances ne sont pas des gages de responsabilité, madame la députée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Jordan Guitton

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    Rendez l’argent !

    Réduction des dépenses publiques

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics. Lutte contre l’inflation, réduction du déficit, investissement : tels sont les trois objectifs que vous avez définis pour le projet de loi de finances pour 2024. Nous approuvons pleinement cette politique, mais tout résidera dans la pondération entre ces objectifs. En effet, la lutte contre l’inflation conduit à des dépenses supplémentaires, que vous avez chiffrées à 37 milliards d’euros pour l’année 2023. Or la réduction du déficit implique nécessairement une diminution des dépenses publiques si l’on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires. L’investissement, enfin, ce sont d’abord de nouvelles dépenses, quel que soit le bénéfice qu’on en attend.
    Le plus sensible de ces trois objectifs est évidemment la réduction des dépenses publiques. On pense d’abord à l’importance des transferts sociaux, dont beaucoup considèrent qu’ils sont trop élevés en France : une réponse forte a été apportée avec la réforme des retraites, que votre gouvernement a menée avec courage et détermination.
    Outre la lutte contre les fraudes fiscale et sociale, et outre la réforme de l’assurance chômage et de l’assurance maladie, qui doivent contribuer à la réduction des dépenses publiques, le projet de loi de finances table sur une meilleure performance des dépenses des collectivités locales. (Mme Frédérique Meunier s’exclame.) À ce sujet, je souhaite vous poser deux questions, monsieur le ministre délégué. Peut-on envisager une réforme structurelle de notre millefeuille administratif, qui n’a pas été sérieusement remis en cause par la dernière loi de décentralisation ? Peut-on envisager une plus grande maîtrise de leurs recettes par les collectivités locales, ce qui pourrait occasionner une limitation de leurs dépenses ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme Frédérique Meunier

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    Vous ne pouvez pas dire cela !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Face aux crises multiples que nous avons affrontées, l’État a protégé massivement les Français, les salariés, les entreprises, les associations et les collectivités territoriales. Il nous faut désormais redresser les finances publiques, sachant que le déficit atteint 5 % du PIB et que la dette se monte à 3 000 milliards d’euros.

    Mme Frédérique Meunier

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    Tel est le sens du projet de loi de finances que nous défendons dès à présent en commission.
    Pour redresser les finances publiques, nous devons partager les efforts entre l’État, la sécurité sociale, mais aussi les collectivités territoriales. Nous avons toujours dit que nous comptions sur ces dernières pour participer à l’effort de redressement des finances publiques.

    Mme Frédérique Meunier

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    Elles ne sont pas déficitaires !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    Nous ne leur demandons pas de réduire leurs dépenses, mais que celles-ci évoluent moins vite que l’inflation.
    C’est dans ce cadre que nous les invitons à imaginer une nouvelle méthode avec nous. Il n’y aura pas de contrats de Cahors ;…

    M. Francis Dubois

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    Vous voulez masquer la dette de l’État en la mettant sur le dos des collectivités territoriales ! Il ne faut pas abuser !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    …ce sera un contrat de confiance avec les collectivités territoriales. De nombreux élus sont persuadés que nous devons redresser nos finances publiques.

    M. Francis Dubois

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    Celles de l’État ?

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    Comment y parviendrons-nous ? Nous nous mettons d’accord sur des missions, en commun, pour ralentir la dépense. À cette fin, nous évoquons notamment l’organisation administrative. État, opérateurs, agences, quatre niveaux de collectivités… : pouvons-nous continuer à payer une telle organisation ? Nous avons eu cette discussion avec les collectivités, dans le cadre du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) que nous avons tenu avec Bruno Le Maire et Dominique Faure. Notre objectif est de maîtriser la dépense pour investir dans l’avenir, avec une méthode : le dialogue et la confiance dans les collectivités territoriales.

    M. Aurélien Pradié

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    En général, c’est comme ça qu’on se fait avoir !

    Projet d’autoroute A69

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Karen Erodi.

    Mme Karen Erodi

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    On sait Thomas Brail déjà très affaibli. En grève de la faim depuis quarante jours avec quatorze autres grévistes contre le projet d’autoroute A69, il a fait un malaise aujourd’hui, au petit matin, et a été transféré à l’hôpital. Alors que les opposants à ce projet écocidaire jettent leurs dernières forces dans la bataille contre les travaux, vous vous obstinez et vous foncez vers la construction d’une autoroute décidée au siècle dernier. Un projet d’un autre temps pour des élus du « en même temps » ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Aurélien Pradié

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    Vous avez quand même une indignation à géométrie variable ! Quelle bande de pitres, alors !

    Mme Karen Erodi

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    Quand allez-vous arrêter les travaux ? Trois jours de suspension d’abattage des arbres : vous plaisantez, madame la Première ministre ! Les abattages reprendront samedi prochain. Nous demandons un changement de braquet ! Si vous n’entendez pas vos opposants dans l’hémicycle, entendez au moins la gronde écologique qui monte de toutes parts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous l’entendrez mieux lors de la prochaine mobilisation, prévue les 21 et 22 octobre. Dans le Tarn, les mobilisations s’amplifient. Nous étions 300, samedi, à Lisle-sur-Tarn, pour dire non aux quatre usines d’enrobés qui alimenteront le projet de l’A69. La semaine dernière, nous étions 750 personnalités à signer une tribune dans Libération appelant à un arrêt des travaux. (Mêmes mouvements.) Le lendemain, près de 1 500 scientifiques, dont plusieurs contributeurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), nous emboîtaient le pas. (Mme Mathilde Panot applaudit.) Rien ne vous a fait ciller face à ce projet opaque, qui est l’emblème d’une fuite en avant.
    J’ai consulté le dossier de demande d’autorisation environnementale. Qu’y trouve-t-on ? Des pages grisées ! Motif ? Secret des affaires !
    À l’heure où les Tarnais préparent les festivités de Noël sous 30 degrés à l’ombre, vous imposez toujours plus de véhicules sur les routes. Les grands projets en totale contradiction avec les annonces pour la transition écologique prolifèrent comme les punaises de lit.
    On connaissait le Président des ultra-riches, voici maintenant le gouvernement des fermes-usines, des mégabassines et des routes inutiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean Terlier

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    C’est faux, ce que vous dites !

    Mme Karen Erodi

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    Un projet alternatif existe, innovant, proposé par le collectif La Voie est libre. S’il ne vous convient pas, faites mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) 

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

    M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

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    On trouve beaucoup de confusions, d’amalgames et de contre-vérités dans votre question, madame la députée. J’essaierai tout de même de vous répondre, car nous sommes tous des responsables politiques, guidés par des principes simples. Tout d’abord, nous sommes plus que tout attachés à la protection de la vie. C’est pourquoi j’ai suivi, heure par heure, l’évolution de l’état de santé de M. Brail et de celui d’autres personnes qui mettent leur vie en danger. Nous n’hésiterons pas à intervenir et à prendre toutes les mesures humanitaires nécessaires. L’honneur de notre modèle social est aussi de protéger les gens contre eux-mêmes. Personne n’a le monopole du cœur.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas de vous, cela !

    M. Clément Beaune, ministre délégué

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    D’autre part, les principes tenant à la démocratie et à l’État de droit devraient tous nous réunir. Je suis donc surpris que vous fassiez fi des 500 réunions publiques, des milliers de débats qui ont été organisés, des décisions prises par les élus, dont la légitimité démocratique est évidente, des procédures judiciaires, ouvertes à tous dans notre État de droit – vendredi dernier encore, une cinquième procédure en référé a été engagée, à l’issue de laquelle le juge a décidé qu’aucun motif ne justifiait de suspendre les travaux. Cela aussi, il faut l’entendre !

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous n’écoutez pas l’opposition !

    M. Clément Beaune, ministre délégué

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    Enfin, nous devons garder à l’esprit le principe de responsabilité pour ne rien faire qui puisse pousser à l’excès, à la radicalité, au martyre. Chacun porte sa part de responsabilité à cet égard. J’ai la mienne, vous avez la vôtre, madame la députée : assumez-la. (M. Jean Terlier applaudit.)
    La responsabilité, c’est aussi de s’appliquer à préserver la sérénité des débats. La Première ministre s’y emploie, tout comme le Gouvernement, et j’y tiens particulièrement. C’est pourquoi, à ma demande, l’ensemble des élus concernés seront conviés à une nouvelle réunion en préfecture en fin de semaine. Les représentants des associations seront également reçus, comme ils l’ont déjà été par mon équipe et par celle de Carole Delga.
    Ces principes essentiels devraient nous guider, car ils sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie. Il est important de s’en souvenir et de s’en faire l’écho, madame la députée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Karen Erodi.

    Mme Karen Erodi

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    C’est donc un moratoire. Assumez-le et faites vivre la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Crise du logement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Monsieur le ministre délégué chargé du logement, vous avez pris la semaine dernière, devant le Congrès HLM réuni à Nantes, l’engagement de conforter le prêt à taux zéro pour soutenir l’accession sociale à la propriété et annoncé une enveloppe de 1,2 milliard d’euros sur trois ans pour la rénovation énergétique.
    Nous saluons ces propositions, mais l’absence de mesures de soutien à la production de logements sociaux nous inquiète profondément.
    Pourtant, la situation du pays le commande. Le chiffre de 2,4 millions de ménages en attente d’un logement HLM doit être pris pour ce qu’il est : le signe clinique qu’une part croissante de la population ne parvient pas à se loger dans des conditions décentes et à un prix abordable dans le parc locatif, sans parler de l’accession à la propriété.

    M. Paul Molac

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    Eh oui !

    M. Stéphane Peu

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    Vous le savez, la crise du logement, que certains qualifient de véritable bombe sociale, est avant tout une crise de l’offre. Or jamais la France n’a construit aussi peu de logements et les prévisions sont catastrophiques. Alors qu’ils devraient produire davantage de logements sociaux, les organismes HLM doivent supporter la charge financière de la taxe mal nommée « réduction de loyer de solidarité », de l’ordre de 1,3 milliard par an, du relèvement de la TVA et de l’augmentation du taux du livret A.
    Alors que nous nous apprêtons à engager le débat budgétaire, au cours duquel vous comptez mettre fin au dispositif Pinel, êtes-vous prêt à réaffecter les financements à un nouvel effort de construction de logements à loyer modéré dans toute la France ? Supprimerez-vous la taxe de la réduction de loyer de solidarité et rétablirez-vous la TVA à 5,5 % sur la production de logements sociaux, qui constituent bel et bien un produit de première nécessité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Paul Molac applaudit aussi.)

    M. Paul Molac

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    Très bonne question !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ville.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la ville

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    Notre pays est confronté à une crise de la production immobilière qui s’explique notamment par la hausse soudaine des taux d’intérêt, l’augmentation des coûts de construction suite au conflit en Ukraine et la crise des permis de construire qui sévit dans certains territoires, par exemple à Marseille. Le Gouvernement a pris des mesures pour résoudre ces problèmes à tous les niveaux de l’offre.
    S’agissant de la production de logements sociaux, l’accord conclu la semaine dernière, pour la période 2024-2026, par le ministre délégué au logement avec l’Union sociale pour l’habitat prévoit la mobilisation d’une enveloppe de 8 milliards d’euros de prêts à taux bonifié pour la construction de logements très sociaux PLAI – prêt locatif aidé d’intégration – et de logements sociaux. C’est une économie de charges de plus de 650 millions pour les bailleurs sociaux.
    D’autre part, la Caisse des dépôts a décidé de porter de 250 à 400 millions son enveloppe de titres participatifs.
    L’accord prévoit également de créer un fonds dédié à la rénovation des logements sociaux, doté de 1,2 milliard d’euros pour les trois prochaines années. Les fonds propres des bailleurs seront ainsi préservés et pourront être réinvestis dans la production nouvelle.
    Enfin, nous nous engageons à étudier tous les dossiers qui rencontreraient des difficultés de montage pour trouver des solutions avec vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Vous avez pris, il y a quelques années, des mesures injustes que vous considériez comme justes. La crise actuelle et l’augmentation des taux d’intérêt rendent nécessaire de les revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Paul Molac applaudit également.)

    Lutte contre l’apologie du terrorisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Abadie.

    Mme Caroline Abadie

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    Monsieur le garde des sceaux, samedi, Sdérot et Ofakim, deux petites villes d’Israël, ont été la cible d’une attaque calculée et ordonnée du Hamas : 900 civils, des hommes, des femmes et des enfants, ont été tués, 2 600 personnes ont été blessées.
    La première des humanités est de regretter ces morts. Puis, la responsabilité de tous ceux qui ont une audience est de condamner cette attaque terroriste sans ambiguïté. Être critique vis-à-vis du gouvernement d’Israël, c’est légitime – mon groupe le rappelle sans cesse.
    Oubliant leur part d’humanité et leur responsabilité, certains sont malheureusement allés jusqu’à justifier cette attaque terroriste. Le conflit israélo-palestinien a toujours résonné très fort dans notre pays. Toute ambiguïté dans ces moments-là est irresponsable.
    Que produisent ces ambiguïtés ? Le sentiment que l’on peut faire l’apologie du terrorisme en toute impunité. Pire, on a vu des internautes se féliciter de ces attaques sur les réseaux sociaux.
    Que produit cette apologie du terrorisme ? Des actes, toujours des actes. Depuis samedi, nous assistons à une recrudescence des actes motivés par l’antisémitisme le plus vil. Nous connaissons ici, mieux que quiconque, la force des mots.
    Monsieur le ministre, même si ce n’est qu’une frange étroite de notre société qui s’est déchaînée sur les réseaux sociaux, un État de droit ne saurait laisser impunie cette apologie du terrorisme.
    Les moyens humains alloués à la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements – Pharos – ont été renforcés depuis 2017 ; un budget historique a été accordé à votre ministère. Pouvez-vous me confirmer que nous sommes en mesure de lutter contre l’apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux ?
    Ces citoyens ne distinguent plus le digne de l’indigne ; nous devons leur rappeler ce qu’il est illégal de dire publiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Thierry Benoit applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Ce qui a frappé Israël samedi dernier, c’est le terrorisme. Derrière ce mot se cache un coupable, le Hamas. L’Union européenne a dit très clairement que le Hamas était un groupe terroriste. Il n’y a aucune ambiguïté sur cette question.
    Je veux rappeler que notre pays souffre encore des stigmates de l’attentat du 13 novembre. Certains ont préconisé que le Hamas et les représentants d’Israël se mettent autour d’une table. C’est comme si en 2015, on avait demandé au gouvernement de la France de s’installer autour d’une table avec Daech. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Nadège Abomangoli

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    Mais on n’a pas parlé du Hamas, on a parlé de Netanyahou !

    Mme Alma Dufour

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    De quoi parlez-vous ? C’est une honte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez raison, madame la députée : il y a des règles, que je vais rappeler. La démonstration de soutien à un groupe terroriste, l’apologie du terrorisme, sont des infractions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    Les auteurs de messages incitant à porter un jugement favorable sur le Hamas ou le Djihad islamique encourent cinq ans d’emprisonnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Thibault Bazin

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    Oui, ces messages sont scandaleux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    S’ils diffusent leurs discours de provocation sur les réseaux sociaux, ils encourent non plus cinq ans, mais sept ans d’emprisonnement ! Dès samedi, j’ai demandé aux procureurs de la République et aux procureurs généraux, en lien avec les attentats perpétrés en Israël, de poursuivre les auteurs de telles infractions. Dix enquêtes sont en cours.
    J’ai également signé, il y a quelques minutes, une circulaire demandant un traitement immédiat, ferme et systématique de toutes ces infractions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.) Le terrorisme n’a rien à voir ici, son apologie non plus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.)

    Implants de stérilisation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Galzy.

    Mme Stéphanie Galzy

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    Monsieur le ministre de la santé, je m’adresse à vous avec la gravité qui sied à un sujet aussi lourd, en tant que députée, mais aussi en tant que femme. Pas moins de 200 000 femmes se sont fait implanter le dispositif de stérilisation Essure en France entre 2002 et 2017, suite à un véritable emballement commercial autour de ce produit particulièrement rentable et dont la mise sur le marché a été suivie avec négligence.
    Plusieurs milliers d’entre elles ont subi quelques mois après l’implantation de graves effets secondaires leur faisant vivre un véritable calvaire. Ils ont bien souvent entraîné une impossibilité de travailler et donc une perte de revenus, accompagnée du lot habituel des difficultés familiales, personnelles et sociales – des vies brisées.
    Ces femmes ont longtemps été discréditées et se sont vu dénier le statut de victimes. On leur a même affirmé que leurs problèmes étaient d’ordre psychologique et psychosomatique. Des femmes qui se sentent humiliées lorsqu’on leur fait remarquer que ce n’est pas grave si elles se retrouvent mutilées, puisqu’elles souhaitaient une contraception définitive. Des femmes déconsidérées lorsque leur indemnisation dépend de leurs organes et qu’elles sont réduites à leur utilité procréative.
    Dans notre belle République, une femme ménopausée n’a pas droit à la même considération qu’une femme en âge de procréer. Finalement, entre 25 000 et 30 000 femmes ont dû se résoudre à recourir à l’explantation. Cinquante d’entre elles sont décédées en 2018, dans un silence coupable.
    Votre solution et l’étude dite Ables ne répondent pas aux attentes des victimes. En dépit de leurs multiples courriers, vous ne les écoutez pas. Quelles mesures prendrez-vous pour que de telles négligences ne se reproduisent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

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    Essure est un dispositif médical implantable de stérilisation définitive et irréversible indiqué chez les femmes majeures en âge de procréer. Il n’est plus commercialisé en France depuis le 18 septembre 2017. Un comité de suivi des femmes porteuses de ce dispositif a été installé par le ministère de la santé dès octobre 2017 pour répondre aux questions qu’elles peuvent se poser, notamment lorsqu’elles présentent des symptômes pouvant être en lien avec ce dispositif.
    Dans le cadre de ce comité, en lien avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM –, la Haute Autorité de santé – HAS –, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français et les associations de patientes, un plan d’action a été élaboré pour garantir la sécurité des conditions de retrait du dispositif lorsque cela est nécessaire ainsi que l’information complète des femmes concernées. La procédure de retrait du dispositif doit être réalisée conformément au protocole établi par les gynécologues, comme le prévoit l’arrêté du 14 décembre 2018. Afin de favoriser la bonne application de la procédure, une nouvelle campagne de communication auprès de l’ensemble des professionnels de santé concernés a été lancée.
    Un registre de suivi des explantations a été mis en place en avril 2023 afin d’améliorer le suivi des patientes concernées.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Répondez à la question !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Il permet de collecter les données individuelles relatives aux antécédents médicaux ou chirurgicaux, aux effets secondaires et aux modalités d’explantation et d’assurer un suivi de l’état de santé des femmes après explantation.
    Enfin, le ministère de la santé et de la prévention assurera le financement d’une étude pilotée par les Hospices civils de Lyon qui portera sur les éventuels symptômes présentés par les patientes après ablation de l’implant contraceptif Essure. Celle-ci explorera notamment des hypothèses liées au rôle de la libération de métaux potentiellement toxiques dans la symptomatologie. Elle devrait démarrer au premier trimestre 2024.
    Un tel drame ne doit pas se reproduire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Indépendamment des suites de ce dossier, il nous faut être irréprochables dans la gestion de la certification des dispositifs médicaux.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Galzy.

    Mme Stéphanie Galzy

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    Madame la ministre déléguée, ces femmes sont présentes dans les tribunes du public. Regardez-les dans les yeux et dites-leur qu’elles sont des victimes collatérales d’un État qui refuse de prendre ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Urgences hospitalières

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Ferrer.

    Mme Sylvie Ferrer

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    Le mardi 4 octobre, une opération ville morte a eu lieu à Bagnères-de-Bigorre, sous-préfecture de 7 000 habitants. Près de 3 000 personnes sont descendues pacifiquement dans la rue pour défendre l’hôpital public de la ville et son service des urgences. À la fermeture de nuit qu’il connaît depuis plus de deux ans s’est ajoutée les 3, 4, 5, 6 et 17 septembre derniers une fermeture complète, qui sera reconduite au mois d’octobre. Pour le mois de novembre, nous ne savons rien.
    Cet été a été marqué par des fermetures ponctuelles de services d’urgences dans 163 communes de France et plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour défendre un véritable service public de la santé à Carhaix, Aubusson et Montfavet. Un centre hospitalier en milieu rural, c’est en effet vital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)
    Notre système de soins, qui était l’un des meilleurs du monde, fait l’objet depuis trente ans d’un soigneux détricotage. Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit 3,2 % d’augmentation pour les soins de ville et l’hospitalisation, soit un pourcentage bien inférieur à l’inflation, qui atteint 5 % dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.)
    Les syndicats et la Fédération hospitalière de France sonnent l’alarme : cela ne permettra pas de répondre aux besoins de la population. Les membres du personnel médical déplorent de devoir opérer un tri parmi les patients. Écoutez bien, mes chers collègues : les médecins sont obligés de trier les patients dans la septième puissance économique mondiale !

    M. Damien Maudet

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    La honte !

    M. Maxime Minot

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    C’est un scandale !

    Mme Sylvie Ferrer

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    Ma question est simple : le Gouvernement assume-t-il la responsabilité de ne pas maintenir le système actuel en bon fonctionnement et de condamner certains Français, ou bien compte-t-il mettre des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins pour éviter un tri tragique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES, dont plusieurs députés se lèvent. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

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    Nier ou minimiser les difficultés de notre système de santé serait une erreur. Certes, la crise des urgences n’est malheureusement pas nouvelle…

    M. Damien Maudet

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    Il n’y a pas que les urgences qui sont en crise !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    … et dans certains endroits, le système est sur une ligne de crête ; mais cette crise est en réalité la manifestation de difficultés plus profondes de notre système de santé.

    M. Maxime Minot

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    Cela fait combien d’années que vous êtes au pouvoir ?

    M. Damien Maudet

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    Sept ans !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Malgré un été difficile, le système a tenu, et ce d’abord grâce à une plus grande anticipation favorisée par la coordination des agences régionales de santé (ARS),…

    M. Maxime Minot

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    Elles ne servent à rien !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    …dont je tiens à saluer le travail avec les élus locaux. Il a tenu aussi grâce à des mesures d’accompagnement et de soutien, y compris financier, mises en œuvre par le Gouvernement. Il a tenu surtout grâce à la mobilisation des professionnels, que je tiens eux aussi à saluer, et aux modes d’organisation établis localement entre la ville, l’hôpital et les élus des territoires.
    La situation n’est pas binaire : un service n’est pas soit à 100 % ouvert, soit à 100 % fermé. Cet été, sur 680 services d’urgence, cinq ont connu une fermeture totale et une quarantaine une fermeture ponctuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il est important de le rappeler.

    M. Pierre Cordier

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    Mettez un peu de cœur dans votre réponse !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Toutefois, nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation. Elle ne doit pas être pérenne. Notre préoccupation est bien le fonctionnement de la filière des urgences, de l’amont à l’aval.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est surtout votre bilan qui est préoccupant !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    On le sait, les urgences ne fonctionnent bien que lorsque le parcours des patients est fluide.
    En amont, la généralisation des services d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire nous permettra de mieux répondre et de mieux orienter les patients. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons annoncé, il y a dix jours, un ensemble de mesures visant à mieux valoriser les assistants de régulation médicale, notamment grâce à une prime de 100 euros par mois.

    M. Pierre Cordier

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    Arrêtez de lire vos fiches comme ça, c’est pénible !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Aux urgences, il s’agit aussi de mieux organiser les flux et d’assurer la sécurité des soignants.
    En aval, la question de la réouverture de lits, actuellement fermés du fait d’un manque de personnels, est centrale. Pour cela, nous avons annoncé, aux côtés de la Première ministre, pour plus de 1 milliard d’euros de nouvelles mesures visant à mieux valoriser les gardes, le travail pendant la nuit et le dimanche.
    Vous le voyez, madame la députée, nous essayons d’apporter des réponses, point par point, territoire par territoire, hôpital par hôpital.

    M. Pierre Cordier

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    « Nous essayons d’apporter » ! Ce n’est pas digne d’un ministre de dire une chose pareille !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Ferrer.

    Mme Sylvie Ferrer

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    Vous n’avez pas répondu à ma question. Le Gouvernement fait le choix, avec les fermetures, de mettre en danger nos concitoyennes et nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Surtout la santé de nos enfants !

    Journée mondiale contre la peine de mort

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Guillemard.

    M. Philippe Guillemard

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    Il y a quarante-deux ans, la France abolissait la peine de mort, tournant ainsi les « pages sanglantes de notre justice », selon la formule de Robert Badinter. Le principe de son interdiction a été introduit dans notre Constitution, en 2007, dans son article 66-1. Depuis 2003, tous les 10 octobre, est organisée la Journée mondiale contre la peine de mort, soutenue par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Lors d’une table ronde organisée la semaine dernière par la commission des affaires étrangères, il a été rappelé que cinquante-cinq pays, principalement à des fins d’oppression politique, perpétuent cette pratique au mépris des droits humains. En 2022, le nombre d’exécutions a connu une augmentation de 53 %, selon Amnesty International. Elles sont d’abord le fait de l’Iran, qui utilise cet instrument de terreur pour étouffer toute contestation du régime, mais aussi de l’Arabie Saoudite ou de la Chine.
    Si le principe d’abolition universelle progresse, certains de nos alliés appliquent encore cette sentence. Au sein même de notre pays, des ambiguïtés sur cette question sont entretenues par certains. Pourtant, nous le savons, une justice qui tue n’est pas une justice plus efficace.
    Notre pays milite et agit, par le biais de sa diplomatie, notamment par la présentation d’une résolution biennale devant l’assemblée générale des Nations unies. Monsieur le ministre, compte tenu des chiffres évoqués, comment la France envisage-t-elle d’intensifier ses efforts pour promouvoir ce principe d’abolition universelle et, surtout, de quels leviers dispose-t-elle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Merci d’avoir rappelé, selon la formule qui a résonné dans cet hémicycle, qu’il ne peut y avoir de justice qui tue. Comme vous, je ne peux m’empêcher à cet instant d’avoir une pensée émue pour Robert Badinter et vos prédécesseurs. Ce n’était pas un combat facile que d’éradiquer de notre arsenal législatif cette peine d’un autre temps. Et vous avez raison, certaines ambiguïtés sont cultivées. J’ai entendu dire récemment, avec un soupçon de regret, que l’échelle des peines avait été abaissée parce que la peine de mort n’existait plus.
    Dans notre pays, elle est abolie ; mais ce qui pose problème, c’est ce qui se passe ailleurs. La France soutient devant l’ONU l’universalisation de l’abolition de la peine de mort, et lors du huitième congrès mondial contre la peine de mort, j’ai proposé à mon homologue allemand qu’une formation relative à ces enjeux soit dispensée aux jeunes à l’échelle européenne. C’est le Conseil de l’Europe qui l’a organisée en juin 2023. Et à titre personnel, chaque fois que je reçois l’un de mes homologues venant d’un pays qui applique encore la peine de mort, je dis ce que j’ai à dire sur cette question.
    Nous sommes tous mobilisés pour qu’un jour, que nous espérons prochain, il n’y ait plus de peine de mort dans notre monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Accès à l’eau en Guadeloupe

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Serva.

    M. Olivier Serva

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    À chaque tempête, son lot de pénurie d’eau et de pollution aux bactéries coliformes et à la boue. Mais disons-le : « sé dlo a kaka nou ka bwè jodla an Gwadloup ». Et cela, parce qu’à chaque tempête, le syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) et l’État s’illustrent par leur impréparation. La tempête Philippe, qui nous a touchés le 5 octobre, n’a pas fait exception à cette règle. À l’heure où je vous parle, ce sont plus de 100 000 usagers qui n’ont pas d’eau potable en Guadeloupe, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer.

    M. Thibault Bazin

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    C’est grave !

    M. Olivier Serva

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    Quelle a été la réponse de l’agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe ? Tenez-vous bien : « Portez l’eau à ébullition pendant cinq minutes et laissez-la reposer pendant au moins une heure ».

    Mme Mathilde Panot

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    C’est la honte !

    M. Olivier Serva

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    Nous sommes bien sur le territoire de la septième puissance économique mondiale. D’ailleurs, la constitution de ces réserves d’eau participe à la prolifération de la dengue, qui tue chez nous – l’épidémie a déjà fait dix morts cette année.
    Autre répercussion : en Guadeloupe, les élèves sont privés d’un mois et demi de cours chaque année du fait des coupures d’eau.

    Mme Mathilde Panot

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    Exactement !

    M. Olivier Serva

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    La facture d’eau est salée pour la population, à bout de souffle, alors que les robinets restent secs ou ne dispensent que de l’eau souillée.
    Monsieur le ministre délégué, dois-je vous rappeler que la sécurité sanitaire des populations est de la responsabilité de l’État ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Soyons concrets. Premièrement, nous demandons un déploiement, effectif cette fois-ci, du plan Orsec Eau potable. Je salue ici le travail du collectif Moun Gwadloup qui m’y a sensibilisé. Nous attendons une distribution massive de packs d’eau dans les zones touchées par la pénurie.
    Deuxièmement, nous demandons l’application à la Guadeloupe du dispositif déployé par l’État à Mayotte, afin qu’il prenne en charge les factures d’eau des usagers jusqu’à la fin d’année. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
    Troisièmement, nous demandons, comme l’année dernière, un plafonnement du prix du pack de six bouteilles de 1,5 litre à un euro.
    Quatrièmement, nous demandons que vous veniez dans de brefs délais en Guadeloupe.
    Donnez de l’eau à nos compatriotes guadeloupéens en souffrance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Elie Califer applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

    M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer

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    Monsieur Serva, vous m’interrogez sur le problème que connaît la Guadeloupe depuis quelques jours, à la suite du passage de cette fameuse tempête Philippe. Comme vous connaissez merveilleusement bien ce territoire, vous savez qu’il est coutumier des tempêtes. Comme 80 % de l’eau du robinet provient des eaux de pluie, il peut y avoir des incidents comme ceux que vous venez de relater lorsque se produisent des événements climatiques. Vous avez raison, il y a de l’eau devenue impropre à la consommation et l’État, l’ARS en particulier, a pris toutes les dispositions nécessaires, qui ne se résument pas à la réponse que vous avez citée dans votre intervention. Dans un courrier que je tiens à votre disposition, ont été détaillées les mesures à prendre dans de telles conditions. Trois villes, plus de 100 000 habitants, sont pendant quelques jours privés d’eau.

    Mme Mathilde Panot

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    Cela fait des années que la population est confrontée à de telles situations !

    M. Philippe Vigier, ministre délégué

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    Rappelons toutefois, monsieur le député, et vous le savez très bien, qu’en 2021, l’État a pris toutes ses responsabilités. Il a en effet créé un syndicat unique procédant de la fusion de quatre syndicats.

    Mme Mathilde Panot

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    Cela n’a pas réglé le problème !

    M. Philippe Vigier, ministre délégué

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    Il a mis beaucoup d’argent sur la table : 340 millions d’euros d’investissement pour les quatre prochaines années. En outre, il a apporté 47 millions d’euros au titre du financement du fonctionnement du SMGEAG. L’État a bien été présent pour accompagner les collectivités territoriales. Ces soucis de factures, je les comprends, mais je crois que le syndicat, avec les financements qu’il a reçus, peut contribuer à soulager les abonnés.

    Mme Mathilde Panot

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    Et le plan Orsec Eau potable ?

    Mme Christine Pires Beaune

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    Vous ne répondez pas à la question !

    M. Philippe Vigier, ministre délégué

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    Enfin, je tiens à vous dire que l’on ne peut pas comparer la situation de la Guadeloupe avec celle de Mayotte.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Mayotte est solidaire de la Guadeloupe !

    M. Philippe Vigier, ministre délégué

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    Rappelons qu’à la demande de la Première ministre, sur les quatre mois de la fin de l’année 2023, l’ensemble des Mahoraises et des Mahorais seront exonérés du paiement de leurs factures d’eau. En outre, la distribution de bouteilles d’eau, limitée à 50 000 personnes, sera élargie à toute la population d’ici à quelques semaines.
    L’État est présent, il l’est aujourd’hui, il le sera demain, avec une eau de qualité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Mathilde Panot

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    La honte !

    Régime Agirc-Arrco

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Ray.

    M. Nicolas Ray

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    Monsieur le ministre du travail, du Medef à la CGT, vous avez réussi à coaliser contre vous tous les partenaires sociaux, après avoir annoncé votre projet de ponctionner entre 1 milliard et 3 milliards par an dans les caisses de l’Agic-Arrco.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Eh oui !

    M. Nicolas Ray

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    Vous le savez, ce régime de retraite complémentaire est un succès du paritarisme auquel les Français et notre groupe sont profondément attachés. L’an dernier, nous nous étions d’ailleurs battus pour que le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers les Urssaf que vous aviez décidé n’ait pas lieu. Nous avions obtenu satisfaction mais malheureusement, le Conseil constitutionnel s’est prononcé contre cette annulation.

    M. Pierre Cordier

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    Je me doutais qu’ils avaient menti !

    M. Nicolas Ray

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    Les excédents dont dispose l’Agirc-Arrco sont le résultat de soixante-quinze années de bonne gestion, pendant lesquelles des efforts ont été demandés aux salariés du privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Paul Molac applaudit aussi.) Ces excédents n’appartiennent pas ni à l’État, ni aux syndicats, ni au patronat. Ces excédents, c’est l’argent des salariés qui ont cotisé toute leur vie.

    M. Maxime Minot

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    Il a raison !

    M. Nicolas Ray

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    Ces excédents, ce sont les réserves mises de côté par les gestionnaires du régime dans une logique prudentielle. C’est pourquoi cet argent ne peut aujourd’hui être utilisé arbitrairement pour combler les déficits des autres régimes.
    Monsieur le ministre, toucher aux réserves de l’Agirc-Arrco sans l’accord des partenaires sociaux, ce serait la fin du paritarisme !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Ce serait honteux !

    M. Maxime Minot

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    C’est du vol !

    M. Inaki Echaniz

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    Je suis d’accord avec la droite !

    M. Nicolas Ray

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    Cette méthode est d’ailleurs en contradiction totale avec votre volonté de restaurer le dialogue social. Elle est aussi un très mauvais signal à quelques jours de la conférence sociale que vous organisez.
    Votre argument selon lequel cette ponction serait opérée pour récupérer les bienfaits de la réforme des retraites ne tient pas.

    M. Maxime Minot

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    Mais bien sûr ! Pipeau !

    M. Nicolas Ray

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    Cela ne s’est jamais produit dans le passé, lors des précédentes réformes. Les nouvelles recettes doivent rester la propriété de l’Agirc-Arrco.
    Ma question est donc simple : entendez-vous abroger le transfert du recouvrement et abandonner ce projet de ponctionner les caisses de l’Agirc-Arrco,…

    M. Vincent Descoeur

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    Projet scélérat !

    M. Nicolas Ray

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    …qui fait l’unanimité contre lui ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Inaki Echaniz et Alain David applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

    M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

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    Vous avez raison, la caisse Agirc-Arrco est bien gérée. En 2019, les partenaires sociaux ont décidé, pratiquement à l’unanimité, d’appliquer une décote aux assurés qui partent à la retraite à partir de 62 ans, et avant 65 ans. Cette décision a engendré un excédent, que nous estimons à environ 5,1 milliards d’euros pour cette année et l’année prochaine.
    Lorsque nous avons présenté la réforme des retraites aux partenaires sociaux, il y a quelques mois, nous leur avons précisé que nous visions un retour à l’équilibre général du système de retraite, tous régimes confondus. Nous n’avons rien dissimulé : cet objectif a été exposé lors du troisième cycle de concertation, entre la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre 2022.
    Lorsqu’au début du mois de juillet dernier les partenaires sociaux ont commencé à examiner leur projet de nouvelle convention, le Gouvernement leur a indiqué qu’il estimait que la réforme des retraites produirait, de manière intrinsèque, 1,2 milliard d’euros supplémentaires d’excédent à l’horizon de l’année 2026, excédent qui n’aurait pas existé sans cette réforme. De leur côté, les services de l’Agirc-Arrco ont tablé sur 1 milliard – convenez que nos estimations sont proches. Par conséquent, il nous semble logique que cet excédent supplémentaire dégagé grâce à la réforme contribue au retour à l’équilibre général.
    L’accord qui est actuellement soumis à la signature des partenaires sociaux ne tient pas compte de cet objectif. En entérinant la suppression de la décote et une revalorisation des pensions supérieure à ce qui était prévu, il prévoit 1 milliard d’euros de dépenses supplémentaires, c’est-à-dire 1 milliard de dépenses publiques, au sens communautaire du terme.
    Nous avions proposé aux partenaires sociaux que leur participation au retour à l’équilibre finance, par exemple, des dispositifs de solidarité, comme le relèvement du minimum de pension, qui auraient profité aux salariés du secteur privé. Nous regrettons très clairement leur choix,…

    M. Thibault Bazin

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    C’est leur liberté !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    …car les nouvelles dépenses contenues dans l’accord soumis à la signature sont en réalité financées pour l’essentiel par le rendement de la réforme, qui vise le retour à l’équilibre.

    M. Maxime Minot

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    Tout va très bien, madame la marquise !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Les débats budgétaires en cours devront également nous aider à retrouver cet équilibre, que ce soit à travers le projet de loi de finances (PLF) ou à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS), afin de garantir la crédibilité des finances publiques.

    M. Thibault Bazin

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    Ne faites pas ça, monsieur le ministre !

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez trompé la représentation nationale !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    J’ajoute, si Mme la présidente le permet…

    Mme la présidente

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    Je suis désolée, monsieur le ministre, mais le temps est écoulé.
    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Plein emploi

    Vote solennel

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi pour le plein emploi (nos 1528, 1673).

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon (HOR)

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    Depuis 2017, notre majorité a eu pour ambition claire et résolue de donner la priorité à la politique de l’emploi. Le projet de loi audacieux qui nous est soumis aujourd’hui s’inscrit dans une vision à long terme : il vise à améliorer le service public de l’emploi – un emploi pour tous –, à renforcer le dialogue et l’accompagnement, et à conforter la confiance dans nos collectivités territoriales.
    Regardons les chiffres. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas en France depuis quarante ans ; il s’établit en effet, au deuxième trimestre 2023, à 7,2 % de la population active. Depuis 2017, 1,7 million d’emplois ont été créés, amenant notre taux d’emploi à son niveau le plus élevé depuis qu’il est mesuré par l’Insee. Cette dynamique est le fruit de nombreuses réformes, de nombreux textes ambitieux. La tendance à la baisse est particulièrement notable chez les jeunes ; cela montre que la vision d’un marché du travail dynamique n’est pas seulement un idéal mais une réalité en construction, avec pour objectif le plein emploi d’ici à 2027.
    Le rapport de la mission de préfiguration de France Travail a dressé un tableau qui, bien que réaliste, nous interpelle. Il mentionne des accompagnements « peu intensifs », des suivis « tardifs, voire plus formels que réels » et des « actions peu tournées vers l’emploi ou l’entreprise ». Il illustre combien les parcours peuvent être éclatés, manquant cruellement de coordination : alors que les entreprises peinent à recruter, 18 % des allocataires du RSA ne sont suivis par aucun organisme. Tous ces constats poussent à l’action.
    C’est pourquoi, au-delà des chiffres, le présent projet de loi vise une transformation profonde, avec l’ambition de renforcer l’accompagnement vers l’emploi de chacune et chacun, en particulier de ceux qui sont les plus éloignés du monde professionnel. Cet accompagnement doit être plus efficace, plus tangible, davantage personnalisé, afin de faciliter les parcours.
    Grâce à la création de cette bannière commune qu’est France Travail, l’inscription de toutes les personnes sans emploi, dont les allocataires du RSA et les bénéficiaires d’un accompagnement par Cap emploi ou par les missions locales, sera rendue automatique. Au-delà de cette simplification, l’enjeu premier est de garantir à chaque individu un suivi adapté, continu et coordonné. Le contrat d’engagement unique vient remplacer la mosaïque actuelle, clarifiant ainsi les droits et devoirs de chacun. Sur ce sujet, nous avons collectivement réussi à inclure une clause visant à s’assurer que les quinze heures d’activité demandées aux bénéficiaires du RSA soient adaptées, notamment pour les plus éloignés de l’emploi et les plus fragiles.
    Le texte prévoit également un ensemble de mesures pour les travailleurs en situation de handicap, dont le taux de chômage est actuellement à son niveau le plus bas depuis huit ans, puisqu’il s’établit à 12 % en 2022. C’est une avancée notable, particulièrement en comparaison du taux de chômage global qui est passé de 8 % à 7 % entre juin 2021 et juin 2022. Mais nous pouvons, et nous devons, faire mieux. C’est pour cette raison que le projet de loi vise également à renforcer notre dispositif dans ce domaine. Les articles du titre III tendent spécifiquement à faciliter l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
    En outre, ce texte permet de reconnaître et d’amplifier le rôle crucial, au sein du réseau France Travail, des missions locales, qui sont en première ligne pour accompagner les jeunes nécessitant un soutien socio-professionnel. À la suite de son examen par la commission des affaires sociales, il précise désormais que tous les jeunes suivis par les missions locales ne sont pas nécessairement en attente d’un accompagnement professionnel et n’ont donc pas tous vocation à être inscrits à France Travail.
    Enfin, je regrette sincèrement que certains aient fait de la petite enfance une arme politique au détriment des familles et des enfants, en supprimant l’article 10 qui permettait la création du service public de la petite enfance, conformément aux besoins exprimés.
    Après quarante heures de débat, 1 490 amendements examinés et 138 amendements adoptés, chaque mesure reflète notre engagement en faveur du plein emploi, un objectif que nous poursuivrons aussi avec d’autres textes à venir : je pense notamment au travail en cours avec les partenaires sociaux sur l’emploi des seniors, qui représentera lui aussi un pas capital pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
    Le groupe Horizons et apparentés soutient évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES)

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    Qu’est-ce que faire société ? Qu’est-ce qu’être une société résiliente ? Telles sont les questions auxquelles ce texte s’évertue à ne surtout pas répondre. Des questions qui, pourtant, devraient être au cœur de nos réflexions en ces temps de montée importante de l’incertitude et de l’insécurité, notamment sur les plans social et climatique.
    Faire société, c’est fonder une communauté de destin sur la solidarité, sur des protections communes, sur notre capacité à nous soutenir quand l’un ou l’autre connaît un passage à vide. Telle est la grandeur des sociétés. Telle est l’originalité et la force de la société française, de ses institutions et du système de protection sociale unique qui fait sa solidité.
    La recherche de points de PIB ne saurait se substituer à un projet de société ; l’obsession identitaire non plus. La société est bien plus complexe et bien plus solide que cela. Elle repose sur notre capacité à créer les conditions de la solidarité.
    Or le projet central du texte réside précisément dans la fin de l’entraide universelle, ce revenu de base à la française. Il consiste en l’abandon de la promesse faite à chacun et à chacune que nous ne laisserons personne sur le bord de la route, que tous disposeront d’un socle de dignité, de quoi vivre – ou survivre –, de ce qu’on appelle, en jargon administratif, un reste à vivre. Nous ne tendrons plus la main de la solidarité sans condition. Exit le revenu de base conçu comme un socle fondamental et inconditionnel de dignité : il faudra désormais mériter la solidarité.
    Ce projet de loi prépare les conditions pour que de nombreuses personnes en France vivent avec 0 euro. C’est nous qui, dans le confort d’un hémicycle tapissé de velours (Murmures sur les bancs des commissions), soutenus par de généreuses indemnités, allons décider qu’un être humain pourra vivre sans aucune ressource. Tel est le vote qui se présente à nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Sur le fondement de théories économiques libérales, vous avez adopté le principe étendard des Reagan et des Thatcher : « Make work pay », « Faire en sorte que le travail paie ». (M. François Cormier-Bouligeon s’exclame.) Vous avez fait vôtre l’idée qu’il existe une trappe à inactivité, un piège à pauvreté. Vous n’avez pas examiné avec suffisamment d’attention les effets qu’ont produits ces doctrines dans les pays où elles ont été appliquées. Ainsi, dans l’Angleterre de Thatcher, la très grande pauvreté a été multipliée par deux, le nombre de demandes auprès des banques alimentaires a explosé et les expulsions de logements ont connu un accroissement sans précédent.
    Nous ne parlons pas de numéros, mais d’êtres humains. La moitié d’entre eux font partie d’une famille monoparentale ; parmi cette moitié, on compte évidemment une majorité de femmes avec enfants. Quand un bateau coule, on dit : « Les femmes et les enfants d’abord ! » Vous avez mal compris la consigne : il s’agit de les protéger en premier, pas de les exposer encore davantage au danger. (M. Jean-Paul Lecoq applaudit.)
    Nous pourrions revenir sur chaque détail de cette loi scélérate, mais s’il faut en retenir une seule chose, c’est qu’elle met le genou sur la nuque des plus pauvres et des plus vulnérables (M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, soupire), sous prétexte qu’ils auraient une part de responsabilité dans leur situation. Bien sûr, vous ne montrez jamais autant de volontarisme et d’autoritarisme lorsqu’il s’agit de mettre le genou sur la nuque des plus riches ou de faire pression sur les entreprises écocidaires.
    Je terminerai en évoquant un rêve. Selon une étude de l’association Global Finance, il suffirait de taxer à hauteur de 2 % les personnes possédant plus de 5 millions de patrimoine net et à hauteur de 6 % celles qui possèdent plus de 100 millions de patrimoine net, ainsi que d’instaurer une taxe carbone pour les entreprises internationales, pour offrir à toutes les personnes les plus pauvres au monde un revenu de base et pour fournir des moyens considérables aux pays les plus pauvres. « I have a dream » (Mme Michèle Peyron s’esclaffe), j’ai un rêve : celui qu’un jour, nous étudiions ici une résolution de ce type, visant à donner mandat à notre gouvernement pour accomplir une transition mondiale écologique et juste.
    Pour l’instant, en enchaînant la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL), la réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites et désormais ce projet de loi, nous nous enfermons dans le cauchemar d’un productivisme destructeur, aveugle à la condition humaine comme à celle de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)

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    Il y aura une belle enseigne toute neuve, un truc qui clignote, un truc qui flashe. Bim ! « France Turbin », dans tout le pays. En dessous, on ajoutera un slogan : « Le truc que le Président avait dit et qu’on savait pas trop ce que c’était ». (Sourires sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)
    On vous explique ; enfin, on essaie : on inscrit un max de monde sur la liste des demandeurs d’emploi – et pourquoi pas leur conjoint avec –, on leur fait signer un contrat d’engagement dans lequel on leur file une bonne quinzaine d’heures d’activité obligatoires – on ne sait pas trop de quelles activités il s’agira, mais ça leur fera les pieds –, on les contrôle et on les contraint à accepter fissa une offre d’emploi, sinon – couic ! – on coupe.
    Pour défendre ce projet, ses promoteurs nous ont expliqué que c’était pour le bien des gens, pour les accompagner. Visiblement, nous n’avons pas la même définition du mot « accompagner ».

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    C’est sûr !

    M. Pierre Dharréville

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    Vous proposez un régime de coercition, d’infantilisation, de punition. Le présupposé est bien connu : les personnes privées d’emploi seraient coupables de leur situation. Cette idée va à l’encontre de toute notre histoire sociale. De plus, elle constitue une négation du réel : il existe 367 500 offres d’emploi vacantes – dont de nombreuses sont d’une qualité discutable – pour 5,4 millions de chômeurs. Il y a de quoi traverser la rue plusieurs fois !
    Le chômage est un fléau social, une épreuve. Il abîme des vies. Oui, nombre de femmes et d’hommes ont besoin d’un meilleur accompagnement humain pour se frayer un chemin vers le monde du travail ; toutefois, ce n’est pas là le cœur du plan proposé.
    La mission de France Travail ne sera pas celle de Pôle emploi, car l’opérateur principal du service public de l’emploi deviendra une sorte de gare de triage. Les missions locales, dont le rôle consiste à accompagner les jeunes dans tous les aspects de leur vie, devront rentrer au chausse-pied dans le dispositif. En outre, la confusion s’organise entre le public et le privé à but lucratif qui vient s’asseoir à la table. Nous considérons qu’il n’y a pas lieu de se faire du pognon sur le dos des chômeurs, qui traversent une période de vulnérabilité particulière. Vous répondez : le grand marché de l’activité est ouvert, faites vos jeux ! Enfin, alors qu’il y a besoin de formations qualifiantes, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) semble pour l’instant reléguée à un strapontin.
    À ceux qui nous ont accusés de ne pas faire confiance aux agents de Pôle emploi, je réponds que de nombreux agents ne vous font pas confiance. Leurs missions seront modifiées et s’inséreront dans un cadre contraint régi par une logique de pilotage par les chiffres, ce qui risque de provoquer rapidement de la maltraitance. Ainsi, l’institution elle-même suscitera la méfiance des demandeurs d’emploi.
    Le légendaire groupe de rock marseillais Quartiers nord a écrit en 2013 ce refrain : « Elle s’appelle Pôle, Pôle emploi. Elle écrit son beau prénom avec un ’’o’’, c’est trop sympa. »

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ce n’est pas vraiment du rock…

    M. Pierre Dharréville

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    Ce projet de loi n’est pas « trop sympa ». Il a été durci avec la complicité des parlementaires Les Républicains. (Mme Valérie Bazin-Malgras s’exclame.) Vous auriez même aimé aller plus loin en catimini : après nous avoir vanté les bienfaits de la suspension-remobilisation, sanction qui pourrait être ensuite compensée par une régularisation, vous avez essayé d’y adjoindre un délai de carence. Quelle obsession de la punition !
    Toutes ces mesures produiront des effets. Elles conduiront à augmenter les difficultés sociales de nombreuses familles et à les endetter. Ce n’est pas ainsi qu’on combattra la pauvreté ! Les associations de solidarité ont tiré la sonnette d’alarme.

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    M. Pierre Dharréville

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    Le texte s’inscrit dans le grand plan de casse sociale mis en œuvre méthodiquement depuis six ans.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Pierre Dharréville

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    La réforme des retraites fabriquera des chômeurs chez les jeunes et chez les seniors ; les deux réformes de l’assurance chômage ont réduit les droits des demandeurs d’emploi ; la réforme France Travail fera désormais pression sur eux pour les faire rentrer, comme des pions, dans des cases, ou plutôt comme des carrés dans des trous ronds.
    Le projet de loi porte atteinte à la solidarité nationale matérialisée par le RSA, ainsi qu’au droit à l’assurance chômage acquis par la cotisation, qu’il confond avec un revenu de solidarité. Qui plus est, le tout sera financé par les cotisations de l’Unedic prévues pour assurer un revenu de remplacement, à hauteur de 11 milliards d’euros d’ici à 2027. Les allocations chômage seront rabotées pour financer le traçage et les heures d’activité. Le Gouvernement a une fâcheuse tendance à croire que ce qui est à d’autres lui appartient : il pioche dans les caisses sociales par des lettres de cachet, comme il prévoit de le faire pour l’Agirc-Arcco.
    Dans le texte, il n’est nullement question de la qualité de l’emploi, des conditions de travail, du bien-être au travail, du sens du travail ou de la rémunération du travail – en somme, il n’est jamais question du travail. Il s’agit simplement d’annihiler la légère amélioration du rapport de forces, qui profitait aux salariés. Derrière la belle enseigne se cache une nouvelle étape de la casse sociale. Les députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre cette mauvaise loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Victor Catteau.

    M. Victor Catteau (RN)

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    Après avoir stigmatisé les seniors et désenchanté l’avenir des jeunes, le Gouvernement continue de martyriser les Français en s’attaquant aux demandeurs d’emploi et aux allocataires du RSA.
    Vous nous demandez de voter un projet de loi pour le plein emploi qui n’en a que le nom. Ce nouveau texte relatif à l’emploi constituait pourtant une nouvelle chance pour vous de rectifier vos erreurs passées, de traiter de la question des salaires et de la baisse continue du pouvoir d’achat, d’œuvrer contre la précarité des jeunes et la difficulté des seniors à trouver un emploi, et de réformer efficacement la gouvernance des pouvoirs publics en matière d’emploi.
    Loin de saisir cette chance, vous nous décevez une nouvelle fois et osez nous proposer un texte comportant de profondes lacunes. Au lieu de réformer utilement Pôle emploi pour en faire un opérateur simple et efficace, vous avez préféré centrer les débats sur un changement de nom futile et sans intérêt qui ne changera strictement rien au quotidien des demandeurs d’emploi.
    Ce changement de nom coûtera plus de 300 millions d’euros. Quelle somme pour changer des panneaux,…

    M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    C’est n’importe quoi !

    M. Victor Catteau

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    …des affiches et des logos, alors que plus de la moitié des Français sont contraints de sauter un repas sur deux pour survivre. Quelle somme pour une mesure cosmétique, alors que vous auriez pu vous servir de cet argent pour proposer un parcours d’accompagnement cohérent aux demandeurs d’emploi et aux allocataires du RSA. Au lieu de cela, vous leur imposez un contrat d’engagement qui comprend l’obligation totalement lunaire d’effectuer quinze heures d’activité hebdomadaire. Monsieur le ministre, où donc trouverez-vous chaque semaine près de 30 millions d’heures d’activité pour l’ensemble des bénéficiaires du RSA ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Il faudrait relire le texte !

    M. Victor Catteau

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    Où les trouverez-vous ? Vous avez été incapable de répondre à cette question tant en commission qu’en séance, et vous êtes encore incapable d’y répondre aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que vous ne le savez pas.

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Lisez le texte !

    M. Victor Catteau

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    En réalité, vous proposez un projet de loi pour le plein emploi, mais sans les emplois qui vont avec. D’ailleurs, vous n’avez pas été capable, lors de l’examen du texte, de définir ce qui constituait une activité. C’est là votre problème : à ne rien définir précisément, vous laissez la porte ouverte aux abus, au travail dissimulé, voire à une forme d’esclavage moderne. Vous avez parlé de bénévolat, de service civique…

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    De formation !

    M. Victor Catteau

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    …ou encore d’immersion en entreprise. Voilà votre projet pour les Français les plus précaires : vous voulez en faire de la main-d’œuvre bon marché. C’est une honte.
    Il est plus honteux encore que vous ne vous rendiez pas compte du message que vous envoyez aux Français. En travaillant quinze heures par semaine dans le cadre du contrat d’engagement, un allocataire du RSA gagnera 9,35 euros de l’heure,…

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Ce n’est pas du travail, monsieur Catteau !

    M. Victor Catteau

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    …alors même qu’un travailleur au Smic ne gagnera que 9,12 euros. (Mme Valérie Bazin-Malgras s’exclame.) Pour vous, il est donc préférable de signer un contrat d’engagement et d’être bénéficiaire du RSA que de signer un contrat de travail à temps partiel. Chaque mois qui passe, vous rognez un peu plus les acquis et les droits sociaux des Français ; chaque mois, vous les laissez sombrer davantage dans la pauvreté.
    Le texte ne contient toujours rien pour les jeunes, dont le taux de chômage s’élève à plus de 16 %, et toujours rien pour les seniors. Alors que vous demandez aux Français de travailler jusqu’à 64 ans, vous n’avez toujours pas pris de mesures destinées à favoriser la réinsertion des seniors sur le marché du travail et leur maintien dans l’emploi.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Mais si !

    M. Victor Catteau

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    Le projet de loi est irréalisable et déconnecté de la réalité que vivent les Français. Notre groupe s’oppose évidemment à votre vision. Vous voulez réduire le nombre de bénéficiaires du RSA en leur imposant un contrat d’engagement honteux ; nous voulons le faire en réservant aux Français cette aide de solidarité nationale. Vous souhaitez réformer Pôle emploi en changeant inutilement son nom ; nous souhaitons le faire en réduisant le portefeuille des conseillers Pôle emploi afin de garantir à chacun un accompagnement de qualité. Vous voulez atteindre le plein emploi en imposant aux demandeurs d’emploi des heures d’activité ; nous voulons l’atteindre en renforçant l’attractivité des métiers en tension et en augmentant les salaires. Vous ne souhaitez pas agir en faveur des jeunes ; nous souhaitons les exempter de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés. Vous ne voulez pas œuvrer en faveur des seniors ; nous œuvrons à déplafonner le compte personnel de formation (CPF) pour les plus de 50 ans et à réformer le CDD senior.
    Monsieur le ministre, notre vision est totalement opposée à la vôtre. Là où vous œuvrez dans l’intérêt de l’argent et du mondialisme, nous œuvrons dans l’intérêt de la France et des Français. Néanmoins, ne vous inquiétez pas : nous corrigerons vos erreurs en 2027 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoit Mournet.

    M. Benoit Mournet (RE)

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    Quelque 1,7 million d’emplois créés, 200 usines ouvertes, près de 1 million d’apprentis, un taux d’emploi de près de 70 %, un taux de chômage de 7,2 % – taux passant de 19 % à 12 % pour les personnes en situation de handicap : ces résultats sont le fruit d’une politique constante depuis 2017 pour sortir notre pays de la fatalité du chômage de masse en s’attaquant à tous les freins identifiés. Nous saluons tous les travailleurs et chefs d’entreprise de France ainsi que le travail de terrain de Pôle emploi, des missions locales, de nos collectivités et de tous les acteurs de l’insertion qui ont participé à ces résultats.
    Si le plein emploi est d’ores et déjà une réalité dans certains territoires, le combat n’est pas terminé. Il deviendra même de plus en plus dur à mesure que nous nous approcherons de la barre des 5 % pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l’emploi, en particulier dans les quartiers, dans les zones rurales et dans les outre-mer.
    D’un côté, 367 000 offres d’emploi n’étaient pas pourvues au dernier trimestre, de même que 65 000 postes saisonniers cet été ; deux tiers des PME industrielles nous disent renoncer à des opportunités de croissance faute de pouvoir recruter. De l’autre côté, certains travailleurs restent au bord du chemin, notamment les plus précaires ; ils subissent des temps partiels, peinent à faire valoir leurs compétences ou souhaitent quitter des entreprises, parfois abîmés par des modes de management datés.
    Ce projet de loi s’inscrit dans une continuité d’action, après les efforts budgétaires en matière de formation professionnelle, la réforme de l’assurance chômage et les milliers d’accords d’entreprise permis par les ordonnances travail. C’est le fruit d’un long travail et de l’engagement du haut-commissaire à l’emploi, que nous saluons : au terme d’une large concertation, quatre-vingt-dix-neuf propositions ont été formulées pour redonner du sens et de la valeur au travail, en partant de ce qui fonctionne, et pour amplifier la démarche du « aller vers ».
    Nos missions locales, dont l’accompagnement dépasse la seule question de l’emploi, obtiennent des résultats probants sur le contrat d’engagement jeune. Nous les remercions pour l’incroyable travail de terrain qu’elles réalisent au quotidien. Elles contribuent bien souvent à redonner à nos jeunes l’essentiel : la confiance en eux.
    L’objectif est de donner du sens et de faire du sur-mesure pour tous les publics qui en ont besoin, pour les accompagner durablement dans l’emploi.
    Lors de votre visite dans les Hautes-Pyrénées, monsieur le ministre, vous avez énoncé un message fort : on n’est pas quitte de notre devoir de solidarité quand on a versé à une personne 607 euros. En effet, nous sommes quittes dès lors que nous avons tout fait pour ramener vers le travail ceux qui peuvent travailler. C’est le sens du contrat d’engagement. Le RSA, inventé par Michel Rocard, est et demeurera un filet de sécurité inconditionnel pour les plus fragiles d’entre nous, qui ne peuvent pas ou plus travailler, temporairement ou définitivement. C’est notre devoir de solidarité nationale, au nom duquel nous considérons juste et efficace de réformer le régime de suspension-remobilisation du RSA. Une attention toute particulière est portée aux bénéficiaires assumant la charge d’un ou plusieurs enfants.
    Il est également nécessaire d’approfondir et d’améliorer la coordination de tous les acteurs de l’insertion, sans plaquer un schéma national, mais partant des réalités et des besoins de terrain. C’est l’objet de France Travail.
    Ce projet de loi renforce enfin l’accompagnement des demandeurs d’emploi en situation de handicap ; car, si ces derniers n’ont jamais été aussi nombreux à travailler dans notre pays, il leur reste plus difficile qu’à d’autres de trouver un emploi ou de s’y maintenir. Nous simplifions donc la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l’accès aux droits qui lui sont associés, et alignons les droits des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail (Esat) sur ceux des salariés.
    Au cours de nos débats, le texte a été notamment enrichi par le vote du contrôle de la légalité des offres d’emploi collectées et publiées. J’ai été, comme bon nombre d’entre vous, interpellé par nos syndicats sur le phénomène inacceptable d’offres illégales ou faisant doublon. Nous remercions les partenaires sociaux pour cette alerte qui a permis l’adoption à une large majorité de cette mesure. Nous serons attentifs à sa mise en œuvre comme à celle de l’ensemble de ce texte, afin qu’il serve effectivement d’abord aux personnes les plus éloignées de l’emploi, aux plus fragiles et à nos travailleurs saisonniers ou intérimaires.
    Un seul regret : que l’article 10 sur la gouvernance de l’accueil du jeune enfant ait été repoussé. Nous devrons remettre l’ouvrage sur le métier. En effet, 150 000 personnes, essentiellement des femmes, renoncent aujourd’hui à un emploi faute d’accueil : ce n’est pas satisfaisant.
    Notre groupe votera avec beaucoup de conviction en faveur de ce projet de loi. Je remercie le ministre, les rapporteurs et chacun de vous, chers collègues, pour la qualité des débats, qui ont enrichi le texte. Nous souhaitons plein succès à France Travail pour que vive notre promesse constitutionnelle : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois (Dem)

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    Notre société est confrontée à de nombreux maux, qui renvoient à autant de défis – la pauvreté, le logement, l’intégration, la violence intrafamiliale, le chômage, l’éducation, le déséquilibre des finances publiques, la santé, la sécurité, et j’en passe – que nous essayons de relever à travers des politiques publiques dont nous débattons ici longuement.
    Sans être le seul facteur en jeu, l’accès à l’emploi est un déterminant majeur de nombreux problèmes. Au groupe Démocrate et plus largement au sein de la majorité, nous avons la profonde conviction que l’emploi est un moyen puissant de lutter contre la pauvreté et de travailler sur tout le cortège des conséquences qui y sont liées. L’emploi est pour nous aussi un facteur d’intégration et de cohésion sociale : il donne une place à chacun dans la société et permet de financer nos politiques de solidarité, qui sont au cœur de notre modèle social.
    L’emploi a donc été un fil rouge de l’action des gouvernements depuis 2017. Favoriser la formation professionnelle, réindustrialiser la France, lever les verrous administratifs de l’emploi, diffuser largement l’apprentissage : telles sont les politiques cohérentes autour de l’emploi qui ont été menées. Et les résultats sont là : près de 2 millions d’emplois créés, 900 000 contrats d’apprentissage signés en un an et un taux de chômage historiquement bas.
    Mais nous ne nous en satisfaisons pas ! Il nous faut aller vers une société du plein emploi, où le taux de chômage serait inférieur à 5 %. C’est l’ambition du texte qui est soumis à notre vote. Il présente une approche singulièrement différente des politiques menées jusqu’à maintenant en matière d’emploi, en s’appuyant sur deux constats.
    Le premier, c’est que les personnes encore privées d’emploi le sont pour la plupart à cause de déterminants extérieurs aux questions de formation et de compétences. Ces personnes ont souvent des problèmes de mobilité, de santé, de garde d’enfants, de maîtrise de la langue ou de l’informatique ; et si nous ne considérons pas ces freins, il est illusoire de vouloir les ramener vers l’emploi. À quoi bon proposer un poste à une femme seule avec des enfants si elle n’a pas de solution accessible physiquement et financièrement pour faire garder ses enfants ? Cette dimension doit absolument être prise en compte pour permettre à ces personnes d’accéder à l’emploi.
    Le deuxième constat concerne l’organisation des acteurs chargés de l’emploi et de l’insertion, qui apparaît complexe et manquant de coordination – bref, un système qui exclut les plus éloignés de l’emploi et qui n’est pas efficace.
    Ce projet de loi propose donc une approche coordonnée de tous les acteurs de l’emploi, notamment au niveau local. Il faut de la cohérence dans l’organisation : c’est l’ambition du réseau France Travail. Le texte met en œuvre un accompagnement à 360 degrés de la personne éloignée du travail, en tenant compte de tout ce qui freine le retour à l’emploi. Cet accompagnement doit être progressif d’abord et intensif ensuite : c’est une des conditions de sa réussite.
    Je déplore que l’examen de ce texte ait été l’occasion pour certains de faire de la politique sur le dos des plus fragiles. Le RSA doit être temporaire et s’intégrer dans un parcours d’insertion. Je regrette aussi vivement le rejet par la NUPES et l’extrême droite de l’article 10, consacré à l’accueil de la petite enfance. L’absence de solution de garde est un frein majeur pour le retour à l’emploi, en particulier pour les femmes isolées.
    Les députés du groupe Démocrate sont fiers d’agir en faveur de l’insertion. Au-delà des mots, de l’incantation, de la stigmatisation, il faut des actes : c’est ce que nous accomplissons à travers ce texte. Merci donc pour ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Romain Daubié

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte (SOC)

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    Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les sanctions qui seront appliquées aux bénéficiaires du RSA, leur montant, leur durée et leur effet sur l’insertion, comme je vous l’ai demandé le 2 mai, les 13, 18, 20 et 27 septembre, le 3 et le 4 octobre ? Vous ne me répondrez pas plus aujourd’hui, puisque cela fait bientôt six mois que nous nous confrontons avec effroi au vide abyssal de votre absence de réponses à nos questions pourtant précises sur votre projet mal nommé « plein emploi ». Face à votre silence et à votre mépris, je suis contraint de tenter de répondre à votre place. (Durant la suite de son intervention, l’orateur se tourne alternativement vers la gauche et vers la droite, mimant un dialogue entre le ministre et le député qu’il est.)
    « — Monsieur le député, je vous remercie pour votre question légitime, puisque nous nous apprêtons à renforcer les sanctions et à les systématiser. Il s’avère que nous n’avons jamais demandé ces chiffres. Vous les avez obtenus directement et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont inquiétants ! » (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Blandine Brocard

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    Oh là là !

    M. Arthur Delaporte

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    « — Merci, monsieur le ministre, de le reconnaître. (Les protestations se poursuivent.) L’administration nous confirme en effet que la sanction semble avoir un impact sur le droit au RSA à moyen terme et entraîne fréquemment une sortie du droit. Les chiffres montrent par exemple que parmi les personnes sanctionnées en juin 2022, les deux tiers n’avaient plus droit au RSA quatre mois plus tard. En tout état de cause, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que ces chiffres démontrent – comme le constatent économistes, sociologues, et même la Défenseure des droits pas plus tard qu’aujourd’hui – que les sanctions n’engendreront que pauvreté accrue ? »

    Une députée du groupe RE

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    Arrêtez le cinéma !

    M. Arthur Delaporte

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    « — Merci, monsieur le député. Je suis bien contraint de reconnaître que sur ce point vous avez raison. Nous allons, par ce texte, créer mécaniquement de la précarité, en particulier pour les femmes. »
    « — Merci pour votre réponse, monsieur le ministre,…

    M. Romain Daubié

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    On a compris !

    M. Arthur Delaporte

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    …mais pourquoi inscrire automatiquement ces femmes et, plus largement, les conjoints des allocataires à Pôle emploi, mal renommé France Travail, alors même que certains, comme les agriculteurs, travaillent déjà beaucoup ? (Nouvelles protestations.) Pourquoi, alors que 40 % des allocataires travaillent déjà, les jeter à la vindicte populaire en les faisant passer pour des paresseux, avec vos quinze heures d’activité obligatoires ?

    M. Bruno Millienne

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    Heureusement que je n’ai pas payé ma place !

    M. Arthur Delaporte

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    Que vais-je répondre à Pierre qui m’écrivait hier encore que vous le poussez à aller gagner des misères dans des emplois instables et mal payés en ajoutant du stress plutôt que de l’en soulager, ou encore à Magaly qui, au cours de sa formation financée par Pôle emploi et interrompue par l’organisme de formation, reçoit un mail de désinscription et se retrouve aujourd’hui sans revenu ? (Brouhaha.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, un peu de silence.

    M. Bruno Millienne

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    Mais enfin la mise en scène n’est pas très bonne !

    M. Arthur Delaporte

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    Que vais-je enfin répondre à Emmanuel, Myriam, Iris – toutes ces personnes qui bataillent pour maintenir la tête hors de l’eau, mais que vous refusez d’entendre alors que leur situation témoigne des défaillances d’un système ? Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger sur le montant des sanctions que vous allez leur appliquer dès demain. »
    « — Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser mon absence de réponse, mais nous refusons d’annoncer le montant des sanctions pour éviter d’effrayer les députés qui devraient voter cette loi, afin qu’ils ne puissent pas se rendre compte que des familles avec enfants se retrouveront fréquemment avec moins de 300 euros par mois, après une sanction pourtant inefficace qui leur ponctionne 50 % des allocations. »

    M. Jérôme Guedj

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    Et voilà ! Assumez !

    M. Arthur Delaporte

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    « — Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette réponse pragmatique et inquiétante, issue du rapport de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Mais, dans ce cas, cela veut dire que les conseillers du service public de l’emploi seront débordés par l’afflux de dossiers lié à votre réforme, mais qu’ils devront appliquer vos sanctions qui rendront les pauvres plus pauvres ? »

    M. Bruno Millienne

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    J’espère que la vidéo sera mieux !

    M. Arthur Delaporte

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    « — Ce n’est pas exact, monsieur le député, nous voulons les sortir de la pauvreté ! »
    « — Mais comment donc ? Quels moyens prévoyez-vous pour l’insertion et l’accompagnement ? Le rapport du haut-commissaire dit qu’il faut au minimum 2,3 milliards d’euros, et une note que j’ai publiée à la Fondation Jean-Jaurès chiffre votre projet de quinze heures d’activité à 10 milliards. »
    « — Il est vrai que je me suis contenté d’annoncer 1 milliard d’euros à l’horizon 2027. C’est faible, mais c’est déjà ça. »
    « — C’est faible ; et surtout, comment sont-ils ventilés, combien de créations de poste dans les départements, à Pôle emploi ? Quelles seront les activités proposées ? Comment les dépenses nouvelles des collectivités seront-elles compensées ? »

    M. Bruno Millienne

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    On a connu mieux comme stand-up !

    M. Arthur Delaporte

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    « — L’honnêteté m’oblige à vous dire que je suis incapable de vous répondre. J’ai tenté d’esquiver le sujet dans les débats car les quinze heures d’activité sont avant tout un totem pour obtenir le soutien des députés LR et caresser ce que nous croyons être l’opinion publique majoritaire dans le sens du poil. » (Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    « — C’est bien dommage, car vous êtes incapable de mettre les moyens pour l’accompagnement et vous reniez la philosophie du revenu minimum d’insertion (RMI), qui combinait l’insertion grâce à des moyens considérables et le droit à un revenu minimum pour survivre. Tout cela est bien loin.
    Monsieur le ministre, je vois que vous n’arrivez plus à répondre. Pourquoi devrions-nous alors voter ce texte ? »
    « — Monsieur le député, je dois bien reconnaître que les éléments objectifs que nous avons discutés devraient m’inciter à conclure que ce texte n’apportera rien, sinon de la misère, et qu’il faut donc voter contre. »

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Rendez-nous Delaporte !

    M. Arthur Delaporte

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    « — Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre sincérité confondante.

    Un député du groupe LR

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    Guignol !

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    La schizophrénie vous gagne, monsieur Delaporte !

    M. Arthur Delaporte

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    Je vous indique, au nom du groupe Socialistes et apparentés, que nous voterons contre ce terrible texte. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Juvin

    M. Philippe Juvin (LR)

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    Ce débat sur le RSA était nécessaire. Il a été l’occasion d’énoncer et de clarifier les choses, sur le RSA, mais aussi sur le travail et la France. Vous connaissez la situation, pas glorieuse : 3 000 milliards d’euros de dettes ; la France qui finance toute nouvelle dépense en empruntant et qui n’a plus de marge de manœuvre puisque les intérêts de la dette sont désormais la première dépense de l’État.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Il a raison !

    M. Philippe Juvin

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    Toutes nos politiques publiques sont affectées par cette faillite collective. Si nous voulons une meilleure santé, une meilleure justice, une meilleure éducation, il nous faut de l’argent. Or notre argent, celui que nous devrions investir dans nos services publics, s’évapore pour payer la dette. Aussi, c’est avec gravité que je vous le dis, devrions-nous tous orienter toute notre énergie vers une unique pensée : comment rétablir les comptes publics et se redonner des marges de manœuvre ?

    Mme Danielle Simonnet

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    En volant l’argent aux pauvres !

    M. Philippe Juvin

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    Nous en sommes là parce qu’il y a trop d’impôts et de taxes, que nous dépensons trop et mal, mais aussi parce que nous ne travaillons pas assez. Alors oui, ce débat sur le RSA était nécessaire car c’est en fait un débat sur le travail. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous, Les Républicains, pensons qu’une partie de notre système social est dévoyée, qu’elle détourne du travail au lieu de ramener vers lui. (Mêmes mouvements.) Avec cette loi sur le RSA, nous voulons une chose très simple : que tous ceux qui peuvent travailler, travaillent.

    M. Fabrice Brun

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    C’est du bon sens !

    M. Philippe Juvin

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    Quand on perçoit le RSA, on a le devoir de s’engager dans une démarche d’insertion vers le travail. Et j’ajoute que la société a le droit de contrôler que vous respectez cette obligation car l’argent du RSA n’est pas magique, ce n’est pas l’argent de l’État, c’est l’argent de ceux qui travaillent et qui cotisent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Et l’argent de ceux qui spéculent ?

    M. Philippe Juvin

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    Alors oui, je vous le dis tranquillement, les Français qui travaillent et qui cotisent ont le droit de demander des comptes sur ce qu’on fait de leur argent.

    M. Fabien Di Filippo

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    Tout le monde doit contribuer !

    M. Jean-François Coulomme

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    Fillon, rends l’argent !

    M. Philippe Juvin

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    C’est pourquoi nous soutenons la mesure phare de ce texte, que Les Républicains ont fait adopter : quand on perçoit le RSA, on doit faire quelques heures par semaine d’insertion professionnelle ou sociale – j’exclus bien sûr les parents isolés ou les personnes malades ou en situation de handicap. Pas de RSA sans contrepartie.

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est cela, la solidarité active !

    M. Fabien Di Filippo

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    Le but doit toujours être un retour rapide à l’emploi.

    M. Philippe Juvin

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    Le problème de la vie et du débat politiques, c’est la caricature. Certains ont dit qu’exiger des heures d’activité en contrepartie du RSA, c’était obliger les gens à travailler gratuitement. Calinotades ! Ces heures représentent évidemment une obligation pour le bénéficiaire du RSA, mais aussi pour la société.

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est aussi une nécessité pour l’allocataire !

    M. Philippe Juvin

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    Actuellement, quand vous êtes au RSA, une fois sur deux, on ne vous propose rien pour vous réinsérer. Avec le RSA, la société vous paye – pas grand-chose –, vous assigne à domicile et se désintéresse de vous. Voilà votre RSA, débrouillez-vous tout seul ! Ça aussi, mes chers collègues, ça doit changer.

    M. Sébastien Delogu

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    Qu’est-ce que vous en savez, vous ? Vous avez été au RSA ?

    M. Philippe Juvin

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    Comprenez bien : cette mesure que vous allez voter est à la fois une obligation pour le bénéficiaire du RSA de faire un stage ou une formation – en tout cas, de ne plus rester dans l’inactivité –, mais aussi une obligation pour la société de former et de réinsérer dans le monde du travail. Ces heures d’activité, que vous décriez tant, c’est le pied à l’étrier. Il y a des droits et des devoirs. Qui cela va-t-il gêner ? Ceux qui travaillent au noir. Quant aux autres, ils vont se former et se réinsérer. Je parlais de clarification. Nous, au groupe Les Républicains, nous préférerons toujours ceux qui se lèvent pour aller travailler, faire en stage ou se former, à ceux qui font le choix délibéré de ne pas se lever et aux assistés professionnels. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Elle faisait la grasse matinée, Pénélope Fillon ?

    M. Philippe Juvin

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    Oui, je sais, cela ne vous plaît pas. Mais, voyez-vous, c’est comme cela : nous assumons de dire que nous sommes pour la France qui travaille et qui se forme. Tous les patrons de TPE et de PME – les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises –, tous les commerçants et artisans, tous les directeurs d’Ehpad ou d’hôpital, tous les maires vous diront la même chose : nous ne trouvons pas à embaucher.

    M. Benjamin Lucas

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    Augmentez les salaires !

    M. Philippe Juvin

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    Si nous réformons le RSA, c’est aussi parce que, partout, nous avons besoin d’intelligences et de travailleurs. Nous pouvons faire le choix de ne rien faire, ce qui revient à abandonner les bénéficiaires du RSA à leur isolement en prétendant les défendre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Je vous entends, mesdames et messieurs de la LFI-NUPES, mais il n’y a pas de pire ennemi des Français au RSA que leurs faux amis.

    M. Fabien Di Filippo

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    Le RSA, c’est une prison destructrice !

    M. Philippe Juvin

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    Voilà pourquoi, mes chers collègues, parce que vous avez compris que le pays ne sortira du gouffre dans lequel il s’enfonce que s’il travaille, vous voterez comme nous pour un RSA qui ramène au travail et non pour un RSA qui anesthésie, enferme dans la pauvreté et, contrairement à son but initial, exclut lentement de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Le scrutin sur l’ensemble du projet de loi pour le plein emploi est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Benjamin Saint-Huile.

    M. Benjamin Saint-Huile (LIOT)

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    Choisir de parler du plein emploi en commençant par la réforme du RSA, c’est suggérer à nos compatriotes que tout a été fait pour que chacun soit en situation de vivre dignement de son travail. Or, à ce stade, c’est une erreur de le penser. Depuis le premier jour de cette législature, le groupe LIOT demande une conférence sociale sur les salaires, pour que nous puissions parler du travail et des revenus du travail, particulièrement pour les travailleurs pauvres, qui sont conscients que, malgré leurs efforts, leur situation reste très précaire. Dans ce texte, on ne trouve rien non plus sur la reprise d’activité, supposée garantir à celui qui retourne vers l’emploi qu’il sera mieux rémunéré qu’en percevant un revenu d’assistance, si fragile soit-il. Vous avez fait le choix de présenter ce texte à un moment de forte inflation, alors que les prix continuent à galoper et que le pouvoir d’achat est largement érodé.

    M. Laurent Croizier

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    C’est précisément une bonne raison de le faire !

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Tout au long des débats, nous avons fait des propositions correspondant à notre philosophie : nous croyons au mérite et au travail, à l’idée de ne pas affaiblir ceux qui sont déjà fragilisés. Nous vous avons proposé de revenir sur l’inscription automatique des conjoints ; vous avez refusé. Nous vous avons proposé un contrat d’engagement réciproque renforcé sur la base du volontariat ; vous avez refusé. (Brouhaha sur divers bancs.)

    Mme la présidente

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    Un peu de silence, mes chers collègues.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Nous vous avons proposé de bonifier le RSA de ceux qui tiendraient les engagements renforcés, parce que nous croyons au mérite ; vous avez refusé. Nous vous avons proposé des sanctions plus souples et agiles, qui n’enfoncent pas les gens dans davantage de pauvreté ; vous avez refusé. Nous vous avons proposé de travailler et de légiférer pour tous les territoires de France, qu’ils soient hexagonaux ou d’outre-mer ; vous avez refusé. Nous vous avons proposé de travailler en attendant le retour d’expérimentation ; vous avez refusé.
    Difficile dans ces conditions de considérer que le dialogue a effectivement eu lieu. Pire : entre le dépôt du texte au Sénat et la version qui est soumise à notre approbation aujourd’hui, il y a eu le mariage coûteux avec Les Républicains, la noce étant scellée par un amendement prévoyant d’inscrire dans le texte les quinze heures d’activité. Vous aviez pourtant dit – à moi et à d’autres – que vous ne le souhaitiez pas ; une partie de la majorité avait pourtant fait savoir qu’elle désirait une progressivité des heures d’activité.

    M. Jean-François Coulomme

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    Ils ont menti !

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Non, qu’à cela ne tienne, vous avez cédé et considéré qu’une seule alliance était possible, celle avec Les Républicains. Cela se respecte, mais mon petit doigt me dit que cela ne durera pas. Étant tous les jours en prise avec le terrain, nous savons que cette disposition est inapplicable. Si les professionnels de terrain peuvent comprendre la logique consistant à établir un parallèle entre les droits et les devoirs, ils savent que cette durée d’activité de quinze heures est quasi inatteignable. Voilà la réalité qu’il faut rappeler.
    Pour être tout à fait transparent, je dirai que les membres de notre groupe étaient intéressés par ce texte : certains d’entre nous considéraient que l’idée des devoirs devait être entendue ; tous, nous avions relevé que les droits étaient défaillants.

    M. Fabien Di Filippo

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    Leur seule défaillance est leur excès de générosité !

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Nous avons été particulièrement attentifs aux arguments que vous avez développés pour essayer de renforcer et d’améliorer l’accompagnement. Cependant, à ce stade, nous doutons encore de notre capacité collective à influer sur les arbitrages financiers pour faire en sorte qu’un tel accompagnement soit possible.
    En conséquence, ceux d’entre nous qui partageaient la philosophie initiale du texte s’abstiendront, considérant que la méthode choisie ne correspond pas à leurs attentes. Dans leur très grande majorité, les membres de notre groupe voteront contre le texte, n’étant en accord ni avec sa philosophie ni avec la méthode employée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES)

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    Mes chers collègues, ne votez pas pour ce projet de loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe RE. – « Si ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Ne votez pas pour ce texte qui, malgré ce que suggère son titre, ne créera aucun emploi. Ne votez pas pour ce texte de maltraitance et de régression sociale sans précédent. Ne votez pas pour ce texte qui incarne un renversement de notre droit constitutionnel. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Un peu de silence, s’il vous plaît.

    Mme Danielle Simonnet

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    Si les interventions de tous les groupes de la NUPES, du groupe LIOT et des députés ultramarins ne vous ont pas convaincus, écoutez au moins la Défenseure des droits, qui qualifie cette réforme de régression digne d’un retour au XIXe siècle (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), d’un renversement majeur du devoir constitutionnel et inconditionnel de solidarité, qui va appauvrir encore davantage les plus pauvres.
    Pourquoi faites-vous cette loi ? Elle est la suite de la contre-réforme des retraites, imposée à coups de 49.3, contre l’avis de 93 % des actifs. Voler les deux plus belles années de retraite au peuple va créer 100 000 allocataires du RSA supplémentaires et des dizaines de milliers de personnes en situation de handicap. Et pour vous, ça va coûter un « pognon de dingue », même si c’est bien peu comparé à tous les cadeaux que vous faites aux assistés du CAC40. (Mêmes mouvements.)
    Par cette loi, vous allez inscrire de force à France Travail, ex-Pôle emploi, les bénéficiaires du RSA, leurs conjointes et conjoints, les jeunes des missions locales et les personnes en situation de handicap. Vous aviez même prévu, comble de l’absurdie, d’y inscrire d’office les personnes invalides. La France ne compte que 300 000 emplois non pourvus et 7,5 millions de chômeurs. (Brouhaha sur divers bancs.)

    Mme la présidente

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    Un peu de silence, s’il vous plaît.

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous échouez à préserver l’emploi, et vous cherchez à en rendre responsables les allocataires du RSA et les chômeurs. « Au boulot, bande de fainéants ! » : tel est votre message. Pourtant ils travaillent déjà : aidants d’un proche ou bénévoles, ils assument gratuitement tant de solidarités ! Malgré les alertes des associations, vous avez décidé de vous allier aux Républicains, dans le silence complice du Rassemblement national, pour faire voter ces « au moins quinze heures » d’activité obligatoires.
    Encore une fois, monsieur le ministre, nous vous demandons : ce sera combien d’heures finalement ? Vous avez seulement dit qu’il n’y aurait ni plancher ni plafond ; ce flou est inacceptable. Et pour quelles activités ? Nous avons appris par M. le rapporteur qu’il pourrait s’agir de stages ou d’immersion professionnelle, donc de travail gratuit ou sous-payé. Tel est en effet votre autre objectif : faire pression à la baisse sur les salaires, dégrader les conditions de travail, faire en sorte que tout le monde soit contraint d’accepter n’importe quel emploi, n’importe quel sous-emploi.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Elle n’a rien compris au texte ! C’est terrible.

    Mme Danielle Simonnet

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    Contrôler, traquer et humilier les plus pauvres ne vous suffit pas. Vous inventez la pédagogie par la faim en menaçant de couper les allocations – déjà si faibles, 500 euros – à des familles entières : c’est ce que vous appelez la « suspension-remobilisation ». Le constat est là : 400 000 pauvres de plus depuis 2017 et l’arrivée de Macron ; un Français sur trois qui saute un repas ; des familles entières à la rue faute de logement (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE) ; les Restos du cœur qui appellent à l’aide. Et que répondez-vous ? « Coupons-leur le reste à vivre, les pauvres s’inséreront. » À la fin, ce sont les enfants qui trinquent. Ayez au moins de l’humanité, ne votez pas pour ce texte !
    Aucune garantie n’est prévue non plus pour les mères isolées, alors que les femmes représentent 96 % des allocataires du RSA majoré. Toutes les mesures seront prises par décret ou circulaire, selon le bon vouloir du roi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Le service public de l’emploi est déjà fracassé par les réformes successives. Aux 5 millions de demandeurs d’emploi, vous voulez ajouter 1,9 million de bénéficiaires du RSA et les regrouper tous dans un immense fichier. Quels moyens prévoyez-vous pour que les agents de Pôle emploi puissent suivre ces personnes ? Aucun – même pas une formation aux situations de handicap ! Vous refusez d’adopter une loi-cadre qui permettrait d’adapter les moyens aux besoins.
    Quelle solution privilégierez-vous à terme ? Le recours aux opérateurs privés de placement, que l’ancien corapporteur du texte connaît bien. Peu importe que toutes les études concluent qu’ils sont moins efficaces que le service public : la solution, pour vous, c’est l’externalisation et la privatisation. Le malheur des uns fait le business des autres – c’est là le comble de votre cynisme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Enfin, alors que tous nos collègues ultramarins alertent sur l’urgence sociale et la dégradation des services publics dans leurs circonscriptions, vous niez leur rôle de représentants de la nation en affirmant la volonté autoritaire de passer par ordonnance.

    M. Bruno Millienne

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    Vous prônez le statu quo !

    Mme Danielle Simonnet

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    Une tout autre logique doit prévaloir : préservons et créons des emplois par la planification écologique et le développement des services publics ; instaurons une garantie d’emploi ; défendons les Territoires zéro chômeur de longue durée dont vous coupez les budgets ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Rappelez-vous, enfin, que le préambule de la Constitution de 1946 fonde un droit à l’aide sociale au profit des personnes sans ressources ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        568
            Nombre de suffrages exprimés                561
            Majorité absolue                        281
                    Pour l’adoption                310
                    Contre                251

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    4. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027
    -
    Modernisation et responsabilité du corps judiciaire

    Commissions mixtes paritaires

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (no 1706) et du projet de loi organique relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (no 1705).
    La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

    Présentation commune

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ordinaire.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Aujourd’hui s’achève un long processus entamé avec les états généraux de la justice, lancés en octobre 2021 par le garde des sceaux et le Président de la République.
    Les consultations, débats et réflexions menés partout en France pendant plus d’un an en associant l’ensemble des acteurs du monde judiciaire ont permis de faire émerger des constats communs et une feuille de route pour remettre notre justice au niveau qui doit être le sien dans notre pays.
    Depuis plusieurs années déjà, les moyens de la justice connaissent une forte hausse. Cette tendance se poursuivra dans le budget que nous nous apprêtons à examiner. Mais au-delà des crédits, c’est une véritable programmation qui était attendue par l’ensemble des professionnels – magistrats, greffiers, avocats, notaires, commissaires de justice, enquêteurs –, auxquels je tiens à rendre hommage pour leur engagement à servir l’État de droit. (Mme Caroline Abadie applaudit.)
    Ce texte apporte des réponses à des difficultés trop longtemps ignorées par ceux qui nous reprochent désormais de ne pas aller assez loin. Je saisis cette occasion pour saluer et remercier très chaleureusement mes collègues Erwan Balanant, Philippe Pradal et Didier Paris pour le travail d’équipe que nous avons réalisé dans une grande harmonie.
    La première avancée réside évidemment dans l’ouverture de 10 000 postes supplémentaires, dont 1 500 postes de magistrats, sur les cinq prochaines années. Ces renforcements s’ajoutent à la revalorisation indemnitaire effective ce mois-ci. En accord avec les sénatrices Agnès Canayer et Dominique Vérien, nous avons également décidé de créer 1 800 postes de greffiers supplémentaires sur cinq ans. Il s’agit là d’une reconnaissance de leur travail et de leur engagement au quotidien pour faire fonctionner les juridictions.
    Il est une autre ambition du projet de loi dont je me réjouis : la refonte du code de procédure pénale, devenu peu accessible. L’habilitation donnée au Gouvernement lui permettra de le réécrire à droit constant, afin de le rendre plus lisible et maniable. Ces travaux de longue haleine seront aussi l’occasion pour nous, parlementaires, d’identifier des pistes de simplification de la procédure.
    Outre cette refonte, le texte comporte de très nombreuses dispositions techniques relatives à la procédure pénale. Mais la longueur des débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat a porté ses fruits, puisque nous avons trouvé sans difficulté un accord en CMP. En effet, les sénateurs ont été convaincus par la pertinence des équilibres trouvés dans notre assemblée, notamment par l’ajout dans le texte de nombreuses garanties permettant de mieux concilier respect des droits et efficacité des enquêtes.
    S’agissant du tribunal des activités économiques, l’Assemblée et le Sénat étaient d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le principe d’une expérimentation et sur la nécessité d’exclure l’échevinage. Nous avons trouvé une rédaction de compromis pour garantir la présence d’un juge agriculteur et pour définir le champ de compétences de ces juridictions. Il nous a fallu faire quelques concessions, mais nous pouvons nous réjouir de ce premier pas en vue de la création d’une véritable justice économique en France.
    La CMP a confirmé et amélioré le dispositif voté par l’Assemblée nationale pour favoriser l’impartialité de l’instance disciplinaire des avocats en créant un conseil de discipline commun aux barreaux de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Elle a adopté des dispositions facilitant le recours à la visioconférence, que nous avons également ouvert au conseil de discipline réunissant les barreaux de La Réunion et de Mayotte.
    La CMP a également rétabli l’article 17 relatif à la saisie des rémunérations en veillant à conserver les apports du Sénat et de la commission des lois de l’Assemblée afin de protéger le débiteur : la loi prévoira à l’avenir que le commissaire de justice est tenu de proposer une conciliation préalable avant la mise en œuvre de la saisie.
    Je me réjouis aussi que la CMP ait retenu le legal privilege dans la version adoptée par l’Assemblée nationale. La confidentialité des consultations écrites des juristes d’entreprise contribuera à l’attractivité de notre pays et y favorisera l’implantation de grandes directions juridiques.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas l’attractivité dont nous avons besoin !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Sur ces différentes mesures, l’accord trouvé avec nos homologues du Sénat permet, selon nous, d’aboutir à un texte équilibré prenant en compte les réalités de nos tribunaux, les exigences des acteurs de terrain et les besoins des justiciables. Je souhaite remercier les sénateurs pour leur esprit de responsabilité et pour leur coopération, qui démontre notre volonté et notre capacité à continuer de réformer la France et à améliorer le service public de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.

    M. Didier Paris, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Les deux projets de loi soumis à notre approbation concrétisent un effort tout bonnement historique en faveur de la justice de notre pays. À l’effort budgétaire et humain, que Jean Terlier vient de détailler très clairement, s’ajoute la volonté de donner de la respiration aux juridictions, de libérer les modes de décision et de gouvernance, de limiter une centralisation trop souvent excessive et d’inscrire la justice dans le numérique en réduisant l’écart avec d’autres professions du droit, en particulier celle des avocats.
    Un effort est aussi mené pour adapter nos procédures pénales ou civiles, le texte allant jusqu’à lever définitivement les derniers freins à la compétence universelle des juridictions françaises en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité – avancée dont les événements survenus en Ukraine et, ces derniers jours, en Israël montrent malheureusement à quel point elle constitue une nécessité absolue.

    M. Sébastien Delogu

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    Et en Arménie !

    M. Didier Paris, rapporteur

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    Disposer de 1 500 magistrats de plus d’ici à 2027 suppose de prévoir 2 900 recrutements pour compenser les départs en retraite – sans même revenir sur l’augmentation tout aussi conséquente du nombre de greffiers, avec 1 800 créations de postes, ni sur la création d’un nouveau corps d’attachés de justice. L’équipe autour du juge prend enfin corps. Elle produira ses effets. Pour les acteurs de la justice, c’est enfin la concrétisation d’un espoir, saluée – tout arrive – par certaines organisations syndicales.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Pas par toutes !

    M. Didier Paris, rapporteur

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    J’ai bien dit « certaines », en effet, monsieur le ministre ! C’est la réforme à laquelle les magistrats veulent croire.
    Mais l’objectif aurait été insuffisant s’il ne s’était accompagné d’une réforme du corps judiciaire lui-même, visant à ouvrir plus largement sa composition, à le rendre plus attractif, à moderniser et assouplir sa structuration et à améliorer les conditions dans lesquelles la responsabilité des magistrats peut – et parfois doit – être engagée.
    Là est tout l’enjeu du projet de loi organique. Il va de soi que le fait de modifier, pour la première fois depuis plus de vingt ans, l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, nécessite d’infinies précautions et ne doit en aucune façon conduire à dégrader la qualité de notre justice ou l’indépendance de la magistrature, qui sont deux fondements de notre démocratie.
    C’est cette construction que vous avez admise en première lecture, par votre vote massif en faveur du texte – à l’exception notable de La France insoumise, qui ne manque jamais une occasion de faire passer son idéologie rétrograde avant le pragmatisme constructif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sébastien Delogu

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    Mais bien sûr !

    M. Didier Paris, rapporteur

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    C’est cette même volonté progressiste qui a animé le Sénat, rendant, disons-le, nos échanges aisés et fluides. J’en remercie sincèrement les deux sénatrices rapporteures de la commission mixte paritaire (CMP), Agnès Canayer et Dominique Vérien, ainsi que Jean Terlier, Philippe Pradal et Erwan Balanant, rapporteurs pour l’Assemblée nationale de la loi ordinaire en première lecture.
    En définitive, peu de modifications ont été apportées depuis nos derniers débats et aucune n’est de nature à contrecarrer ou à dégrader le projet en faveur duquel vous vous étiez clairement prononcés : tout juste quelques rééquilibrages portent-ils sur l’amélioration des critères d’évaluation de l’activité non juridictionnelle, ou encore sur le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans la chaîne d’instruction des sanctions, lesquelles ont été alourdies.
    À noter une démarche novatrice, du moins dans le corps judiciaire : la création d’une voie d’accès à des candidats sélectionnés sur critères sociaux ainsi que l’instauration d’une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, bien sûr compatible avec les particularités de l’organisation judiciaire, sous l’impulsion de notre collègue Guillaume Gouffier Valente, que je tiens à saluer.
    Les sénateurs ont exprimé le souhait d’appliquer un principe d’impartialité au droit syndical – ce fut un point saillant de nos débats. Nous nous y sommes unanimement opposés en raison de la liberté d’expression syndicale et parce qu’il s’agit d’un droit à portée constitutionnelle. Nous avons néanmoins validé avec les sénateurs une mesure d’équilibre consistant à rappeler que « l’expression publique des magistrats ne saurait nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice ».
    Loin d’ériger un cadre nouveau de contrainte pour les juges – que nous n’aurions en aucune façon accepté –, cette mesure reste fidèle aux principes de la loi organique qui fixe déjà, et depuis longtemps, les devoirs de leur état en leur interdisant notamment « toute délibération politique » de même que « toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ». Il était sans doute bon de le rappeler.
    Cette réforme ambitieuse, directement issue des états généraux de la justice et portée par une volonté politique continue, est un des leviers essentiels de restauration du service public de la justice auquel aspirent nos concitoyens. Je ne doute pas, dans ces conditions, que nous confirmerons ce soir notre engagement en votant définitivement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Nous y sommes. Il ne suffit plus que de deux votes – le vôtre tout à l’heure, puis celui du Sénat demain – pour tourner définitivement la page de ce qu’un de mes prédécesseurs appelait à juste titre la « clochardisation » de la justice.
    J’échangeais il y a quelques jours, assez librement, avec des magistrats en juridiction. L’un d’entre eux m’a confié que selon lui, les politologues, et peut-être les historiens, se pencheront un jour sur les décennies qui précèdent et se demanderont comment notre grande démocratie, berceau de l’État de droit, a pu pendant tant d’années laisser à l’abandon l’institution qui est le fondement même de notre pacte social. Il a raison.

    Mme Danielle Brulebois

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr, cela semble presque impensable aujourd’hui, alors que nous débattons d’une loi de programmation qui portera le budget de la justice à près de 11 milliards d’euros, mais la question mérite d’être posée. Comment, pendant tant de décennies, a-t-on pu donner toujours moins à la justice en demandant toujours plus à nos magistrats, nos greffiers, nos agents pénitentiaires, surtout quand on en fait le réceptacle de toutes les colères et de toutes les frustrations ?

    M. Bruno Millienne

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    Bien sûr !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Soyons très clairs. Cette loi de programmation ne sort pas de nulle part : si la justice a pendant si longtemps fait les frais d’un manque de volonté politique, ce n’est plus le cas désormais. Le Président de la République et la Première ministre ont fixé un cap clair et nous ont donné les moyens d’atteindre notre objectif.
    Cette loi de programmation et cette loi organique proviennent ensuite des états généraux, exercice démocratique sans précédent…

    Mme Cécile Untermaier

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    Pas tout à fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …où tout le monde a eu voix au chapitre.
    Surtout, ces lois interviennent après des hausses de moyens massives engagées depuis 2017. Il serait faux d’affirmer que tout commence aujourd’hui. On a déjà fait beaucoup – vous avez déjà fait beaucoup.

    Mme Cécile Untermaier

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    Merci !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Les 700 magistrats, 850 greffiers et 2 000 contractuels embauchés sous le précédent quinquennat ont d’ores et déjà permis un déstockage historique, notamment en matière civile, de l’ordre de 30 %.
    Il nous fallait toutefois aller plus loin pour restaurer la place de la justice à la hauteur de la mission fondamentale qui est la sienne, de l’engagement de ceux qui la servent et surtout des attentes des Français, au nom de qui – ne l’oublions jamais – elle est rendue.
    L’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière ouvre la voie à cette nouvelle étape décisive. Je veux ici saluer le travail acharné du rapporteur général Jean Terlier et des rapporteurs Erwan Balanant et Philippe Pradal, s’agissant du projet de loi, ainsi que du rapporteur Didier Paris pour le projet de loi organique. En première lecture comme en CMP, ils ont consacré toute leur énergie à l’aboutissement de cet accord.

    M. Philippe Gosselin

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    Ce sont les César de la justice !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Dans leurs efforts, ils ont été épaulés par les chefs de file des groupes de la majorité, que je veux ici chaleureusement remercier. Ils ont pu aussi compter – n’est-ce-pas, monsieur Gosselin ? – sur des oppositions très constructives, forces de proposition. Merci à elles. Je décerne enfin une petite mention spéciale au groupe LFI-NUPES, toujours au rendez-vous du nihilisme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-François Coulomme

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    « Nihilisme » ? Il faut lire notre programme !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cette coconstruction a permis d’enrichir significativement ces textes, qui sont meilleurs aujourd’hui qu’ils n’étaient hier. Là est tout le rôle du Parlement. Il est toujours dangereux de le mésestimer.

    M. Ugo Bernalicis

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    Avec le 49.3, par exemple !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je tiens également à vous remercier, monsieur le président de la commission des lois, pour votre appui et pour votre constante volonté de porter un regard attentif sur les questions de justice.
    Parmi les mesures qui ont fait l’objet d’un accord final, je souhaite m’arrêter sur le nombre de greffiers que nous recruterons dans les cinq prochaines années. Si je me suis montré prudent dans un premier temps, c’est surtout parce que l’enjeu, pour le ministère de la justice, n’était pas tant de savoir s’il allait recruter que comment il allait réussir à recruter l’ensemble des postes que nous programmions. Ma préoccupation de tous les instants est d’être en mesure d’exécuter, au plus près de la volonté du législateur et de la mienne, cette loi de programmation qui nous oblige. Je vous dois l’application de ce texte, comme je la dois à nos concitoyens.
    C’est pourquoi il était important de s’assurer que le chiffre finalement arrêté ne soit pas qu’un vœu pieux, mais soit concrètement réalisable. Nous recruterons donc au cours des cinq prochaines années 1 800 greffiers. C’est là la démonstration indiscutable de l’attachement que nous portons à nos greffiers sans qui, je le dis haut et fort, il ne saurait y avoir de justice.
    J’ajoute que, concernant le corps du greffe, le dialogue social se poursuit de manière constructive…

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, par la grève !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et devrait aboutir très prochainement, avec la création de greffiers de catégorie A qui représenteront une part très significative du corps et une revalorisation salariale des greffiers de catégorie B. C’est là une avancée inédite et la définition d’un parcours de carrière attractif pour cette profession essentielle.
    Concernant les moyens supplémentaires que l’accord en CMP est venu consacrer, je voudrais souligner que le budget 2024, présenté il y a quelques jours, respecte à la lettre cette loi de programmation, et ce avant même son adoption définitive. Vous l’aurez compris, je ferai de l’exécution de cette loi de programmation un combat de tous les instants.
    Nous nous engageons concrètement sur la trajectoire du plan d’embauche, puisque nous recruterons en 2024 327 magistrats, 340 greffiers et 400 attachés de justice. Tous ces postes, comme l’ensemble des 1 500 magistrats, des 1 800 greffiers et des 1 100 attachés de justice, seront recrutés en plus des remplacements des départs à la retraite. Pour être plus clair, la création de 1 500 postes de magistrats supplémentaires nécessite en réalité le recrutement de 2 800 magistrats.
    Je vous annonce que la revalorisation de la rémunération des magistrats à hauteur de 1 000 euros en moyenne sera effective dès la fin du mois sur leur fiche de paie. Je vous confirme également la mise en place de la revalorisation inédite des métiers pénitentiaires, qui passeront en catégorie B à compter du 1er janvier 2024, tandis que les officiers passeront en catégorie A, avec des revalorisations catégorielles en parallèle. Le personnel pénitentiaire attendait cela depuis vingt ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Vous l’avez compris, l’ensemble de ces revalorisations visent à renforcer l’attractivité des métiers de la justice, sans laquelle il nous sera impossible de recruter à la hauteur de nos ambitions. Là est toute la cohérence de cette programmation.
    La hausse des moyens profitera à deux autres chantiers essentiels. Le premier est l’accélération de l’indispensable transformation numérique du ministère.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je donne mon avis en levant le pouce !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je pense notamment à la procédure pénale numérique, qui simplifie drastiquement le travail des enquêteurs et des magistrats et se déploie à vitesse grand V : ce sont désormais 150 000 procédures pénales qui sont transmises chaque mois par voie dématérialisée du commissariat ou de la brigade vers le tribunal, soit 300 fois plus qu’en 2020 – et bien sûr, cela va continuer.
    Le deuxième chantier consiste à accroître et rénover le parc immobilier du ministère de la justice. Cela passe d’abord par un investissement important dans l’immobilier judiciaire, notamment pour accueillir les nouvelles recrues. Je me suis par exemple rendu à Brest il y a quelques jours…

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Bravo ! (Sourires)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et j’ai pu annoncer une extension de la cité judiciaire. Cela passe ensuite par la poursuite du plan immobilier pénitentiaire de 15 000 nouvelles places de prison.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il s’est planté, c’est 18 000 ! Dites quelque chose, à droite !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’étais vendredi dernier à Caen pour inaugurer avec la Première ministre la nouvelle prison d’Ifs, qui compte près de 550 places.
    Au cours du seul mois d’octobre, j’inaugurerai près de 1 000 nouvelles places de prison. Elles sont indispensables à l’effectivité de la réponse pénale, que je veux ferme mais sans démagogie, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail et de sécurité de nos agents pénitentiaires, mais aussi des conditions de détention, qui sont parfois indignes.
    Ces hausses de moyens poursuivent un objectif simple mais ambitieux : je veux diviser par deux l’ensemble des délais de justice d’ici à 2027. Il est en effet indispensable que ces hausses budgétaires se traduisent très concrètement par une amélioration du fonctionnement de la justice et de la qualité du service public rendu aux justiciables. Nous commençons à le percevoir grâce aux moyens déployés par les précédentes lois de finances.
    Je veux être très clair : il faut désormais aller plus loin et chacun doit prendre toute sa part dans cet effort collectif. Les Français ne comprendraient pas que l’État consacre autant d’argent à notre justice si ces moyens n’améliorent pas concrètement le service public qui leur est rendu. Les efforts des contribuables – et, je l’espère, la confiance du Parlement – nous obligent à des résultats. Ils ne pourront être atteints qu’avec la mobilisation de tous.
    Les acteurs du monde judiciaire ont pu compter sur moi pour décrocher ces budgets historiques et sur le Parlement pour les adopter. Je sais pouvoir compter sur eux pour que ces moyens, tant attendus et mérités au regard de leur engagement, aient rapidement des effets concrets pour les justiciables. C’est un impératif : il y va de la crédibilité de notre justice aux yeux de tous les Français.
    Je veux rappeler ici les mots du président Sauvé : tout ne se résume pas à la question des moyens. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en sus des moyens, ces textes comportent des mesures concrètes de réforme de notre justice dans tous les domaines – pénal, civil et commercial.
    Je tiens donc à m’arrêter un instant sur les enjeux de simplification, notamment en ce qui concerne la procédure pénale. Permettez-moi d’abord de saluer le chantier inédit que va constituer la refonte complète du code de procédure pénale, attendue par tous les professionnels de la chaîne pénale, des magistrats aux forces de l’ordre en passant par les greffiers et les autres professionnels de la justice. Comme je m’y étais engagé, si le Parlement confirme son vote dans quelques instants, j’écrirai lors de la promulgation de la loi de programmation aux présidents des deux assemblées afin que chaque groupe désigne son représentant au sein du comité de suivi parlementaire dont seront par ailleurs membres de droit les présidents des commissions des lois. Toujours en ce qui concerne la simplification des procédures, je vous annonce que le décret portant la réforme de l’amiable, tant attendue et inscrite dans le rapport annexé, entrera en vigueur le 1er novembre. De même, la refonte de la procédure d’appel est en cours de révision avec les avocats et les magistrats, et elle entrera très prochainement en vigueur.
    Il y a également des enjeux d’organisation : je pense à la parution prochaine de textes qui feront la part belle à la déconcentration afin de donner davantage d’autonomie aux chefs de cour ; à titre d’exemple, je veux rappeler que pour la première fois de l’histoire du ministère, j’ai donné mandat aux chefs de cour d’appel pour répartir les 1 500 magistrats supplémentaires entre les juridictions de leur ressort, car ce sont eux qui ont la connaissance la plus fine du terrain. (Mme Brigitte Klinkert, Mme Danielle Brulebois et M. Lionel Royer-Perreaut applaudissent). Je pense aussi à l’organisation spécialisée des juridictions en matière de lutte contre les violences intrafamiliales : le décret créant des pôles spécialisés est à l’examen du Conseil d’État, comme je m’y étais engagé et conformément au rapport annexé que vous vous apprêtez à voter.
    Il est impossible d’évoquer l’ensemble des mesures, mais je veux conclure sur le défi majeur que représente la rénovation de la gestion des ressources humaines du ministère de la justice. Je compte employer tous les leviers à disposition pour m’assurer non seulement que le plan de recrutement sera réalisé, mais surtout qu’il correspondra aux besoins du terrain. C’est pourquoi, en plus des recrutements massifs de contractuels dans les juridictions, le projet de loi de programmation vous propose tout à la fois de pérenniser ces emplois en les « CDIsant » et d’en institutionnaliser une partie en créant la fonction d’attaché de justice. Ces attachés de justice seront formés à l’École nationale de la magistrature (ENM), ils prêteront serment et permettront de constituer une véritable équipe autour du magistrat, ce qui va constituer la prochaine révolution au sein de la justice. C’est cette même impulsion que nous souhaitons donner à l’administration pénitentiaire par la possibilité de recruter des surveillants adjoints par voie contractuelle, sur le modèle réussi du ministère de l’intérieur.
    Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines est aussi ouvert par le projet de loi organique, à travers la réforme du statut de la magistrature, qui est l’une des plus ambitieuses entreprises depuis 1958. Celle-ci passe d’abord par l’ouverture du corps judiciaire. Recruter 1 500 magistrats va en effet nécessiter d’ouvrir l’accès à la magistrature. À cette fin, nous proposons la création de magistrats en service extraordinaire, mais également l’ouverture des recrutements, en simplifiant les différentes voies d’accès, notamment pour les avocats, et en professionnalisant le recrutement par l’instauration d’un jury professionnel. Le maintien du principe du concours républicain nous garantira l’excellence du niveau de recrutement.
    Le dernier axe repose sur la responsabilité du corps judiciaire, notamment par l’élargissement des conditions de recevabilité des plaintes des justiciables contre des magistrats devant le Conseil supérieur de la magistrature, lesquelles ne donnent aujourd’hui jamais lieu à sanction in fine.
    Je conclurai en soulignant que la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur une série de mesures importantes, concrètes et immédiatement applicables. Je pense, par exemple, aux mesures améliorant l’efficacité de l’enquête pénale en renforçant des techniques spéciales d’enquête qui ont été assorties de garanties nouvelles ; je pense aussi à l’extension du travail d’intérêt général aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, afin de développer le recours à cette peine qui est parfaitement adaptée pour réprimer la petite délinquance ; je pense enfin à l’extension du champ des infractions pouvant justifier une indemnisation des victimes, qui doivent être au cœur de nos préoccupations.
    Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris : toutes ces améliorations contenues dans le projet de loi de programmation et dans le projet de loi organique, qu’il s’agisse des recrutements massifs, de revalorisations inédites, de la numérisation de la justice, de l’amélioration de l’immobilier ou de la réforme de la magistrature, rendent le vote qui interviendra dans quelques minutes absolument décisif pour l’institution judiciaire. L’ensemble des acteurs de la justice nous regardent cet après-midi…

    Mme Andrée Taurinya

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    Ça, oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et ils attendent que chacun prenne ses responsabilités, que l’Assemblée nationale leur envoie un signal fort, un message de reconnaissance, mais surtout un message d’espérance. Il y va de notre pacte social ; il y va de la qualité du service public de la justice rendue à tous nos compatriotes. Je le confirme : j’y mettrai toute mon énergie, comme je l’ai fait depuis le premier jour. Pour la justice, le meilleur est incontestablement à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire)

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise - Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Comme c’est original !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ils ne vous ont même pas gardé une petite place sur le banc des commissions, mon cher collègue…
    Monsieur le ministre, qu’en est-il, alors ? Pour ma part, j’étais resté bloqué en 2021,…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    En 1921, plutôt !

    M. Ugo Bernalicis

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    …puisqu’il est entendu que depuis cette année-là, la justice est réparée dans notre pays. Mais finalement, pas vraiment.
    Je commencerai cette motion de rejet préalable en rendant hommage aux magistrates et aux magistrats, aux greffières et aux greffiers, à tous les membres de cette belle institution judiciaire qui ont signé une tribune ou organisé des manifestations historiques, se mobilisant pour arracher des crédits supplémentaires,…

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Que vous n’avez pas votés !

    M. Ugo Bernalicis

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    …car c’est à eux que revient cette gloire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Cécile Untermaier applaudit également.) Message que je leur adresse : en se mobilisant, on obtient quelque chose. D’ailleurs, les personnels des greffes continuent de se mobiliser. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous parlez d’un dialogue social nourri et efficace, n’est-ce pas ? On peut le dire comme ça, c’est une façon de voir les choses, même si je crois que le compte n’y est pas encore pour les intéressés.
    Mais pourquoi votre projet de loi de programmation est-il néfaste et problématique ? Ce n’est pas en raison des sommes engagées, dont le mérite ne vous est de toute façon pas attribué car non, vous n’avez pas beaucoup de mérite en la matière. Il est néfaste notamment parce que sur l’aspect pénal que vous avez vanté, on trouve d’abord une ordonnance. Ah, c’est bien, les ordonnances ! Cela permet d’éviter des débats et de fabriquer la loi à l’écart de l’Assemblée nationale – et, par un petit tour de passe-passe, hop ! on se fait attraper.

    Mme Maud Petit

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    C’est une ordonnance qui a permis le droit de vote des femmes !

    M. Ugo Bernalicis

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    La dernière fois qu’on s’est fait attraper, c’était lors de la création du code de justice pénale des mineurs :…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Que tout le monde salue dans les juridictions, monsieur Bernalicis !

    M. Ugo Bernalicis

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    …on nous l’annonçait à droit constant, mais ce n’est jamais écrit noir sur blanc et il comporte des exceptions au droit en vigueur, toutes choses qui justifiaient un débat de fond, d’autant que l’objectif central était d’accroître la rapidité de la reconnaissance de culpabilité et de la condamnation des jeunes en infraction avec la loi, comme si en allant plus vite, on jugeait mieux – ce qui reste à démontrer en la circonstance. Les retours des juridictions ne sont pas aussi bons que vous voulez le laisser entendre, cher Erwan Balanant, puisqu’il y a eu régulièrement, depuis l’application de ce nouveau code, des manifestations de magistrats et d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Mais cela, vous vous en fichez !
    J’en reviens à l’ordonnance du projet de loi d’orientation et de programmation. On pourrait se dire : « Comme elle est à droit constant, il n’y a pas à s’inquiéter. » Mais vous prévoyez tout de même beaucoup d’exceptions ; nous allons donc nous montrer prudents. En plus, je crois que c’est plutôt lors du débat sur le texte de ratification qu’on nous présentera des éléments de simplification. Il n’est pas vrai que réécrire le code de procédure pénale suffira à apporter de la simplification. Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif politique que vous vous êtes assigné, monsieur le ministre, ou plutôt que vous ont assigné les organisations policières, dans le cadre d’un lobbying efficace en faveur de la simplification de la procédure pénale qui vise à réduire les droits des justiciables, personne n’est dupe,…

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    C’est profondément ridicule, monsieur Bernalicis. Et vous êtes le seul à ne pas vous en rendre compte !

    M. Ugo Bernalicis

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    …mais aussi, sous couvert de simplification, à modifier le régime de la mise en détention provisoire des policiers mis en cause dans certaines affaires, notamment en raison de leur usage de l’arme à feu. Est-ce là l’objectif politique final, monsieur le ministre ? Celui d’avoir une justice d’exception pour les policiers et les gendarmes là où tout le monde réclame l’égalité et la vérité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Didier Paris

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    C’est pathétique !

    M. Ugo Bernalicis

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    Et les perquisitions de nuit, qui sont déjà possibles dans certaines circonstances, pourront dorénavant avoir lieu au bon vouloir de l’autorité compétente. Ne dormez surtout pas sur vos deux oreilles, mes chers collègues : on ne sait jamais, une perquisition nocturne est si vite arrivée ! C’est pourtant au nom de l’inviolabilité du domicile et du droit à la vie privée que les perquisitions de nuit avaient été exclues dans un cadre normal. Historiquement, nos prédécesseurs n’en avaient pas décidé ainsi au motif que ce serait plus compliqué la nuit, parce qu’il fait noir, mais parce qu’il y va du respect de garanties fondamentales inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela étant, je vois qu’on a pris depuis l’habitude de prendre quelques libertés avec ce texte fondamental.
    Toujours en matière pénale, il y a l’augmentation du nombre de places de prison. À ce propos, monsieur le ministre, vous vous êtes trompé à la tribune : il ne s’agit pas de 15 000 places de prison supplémentaires – j’ai revérifié dans le rapport annexé au texte de la commission mixte paritaire –, mais bien de 18 000, objectif chiffré obtenu de haute lutte grâce à un amendement de nos collègues Les Républicains.

    M. Thibault Bazin

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    On en avait absolument besoin !

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Si vous aviez participé à la CMP, vous sauriez que ce n’est pas vrai ! Vous ne travaillez pas, monsieur Bernalicis !

    M. Ugo Bernalicis

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    Selon la formulation retenue, c’est 15 000, mais cela pourrait monter jusqu’à 18 000 sous certaines conditions – autorisation de la collectivité concernée, etc. Je ne sais pas, monsieur le ministre, s’il faut y voir la conséquence d’un marché passé avec Les Républicains, sachant qu’il y a un procès à venir vous concernant et où des parlementaires auront à voter… J’espère que ce n’est pas le grand marchandage qui a commencé en la circonstance.

    M. Philippe Gosselin

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    Admettez l’impartialité des juges, cher collègue !

    M. Ugo Bernalicis

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    J’émets des doutes, cher collègue, sur cette Cour de justice de la République, que tout le monde voulait supprimer et qui est toujours en place. C’est une juridiction qui aurait justifié une nouvelle loi.

    M. Philippe Gosselin

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    LFI y a un représentant, assumez !

    M. Ugo Bernalicis

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    En matière civile, vous avez annoncé la suppression du décret Magendie. C’était la joie chez tous les avocats du pays – « Enfin, on en vient à bout ! » –, mais ils finissent par se dire que cela va être plus compliqué qu’il n’y paraît, qu’il restera des délais couperets et qu’on va enserrer les écritures dans un formalisme particulier parce qu’au final, il n’y aura toujours pas assez de magistrats pour traiter le civil en dépit des 1 500 recrutements supplémentaires. Il en faudrait bien plus, et pour y parvenir, nous avons besoin de bien davantage de moyens.
    Finalement, vous êtes encore dans la gestion de flux, comme vos prédécesseurs, et vous comptez continuer ainsi.
    Le pire, c’est que vous avez inscrit dans le texte la reconnaissance du legal privilege pour les juristes d’entreprise. Cette mesure, que vous avez défendue fièrement à cette tribune, vient démonétiser le secret professionnel de l’avocat…

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Pas du tout !

    M. Ugo Bernalicis

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    …et son statut en tant que tel. Nous avons été sollicités – tout comme vous, je l’imagine – par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui sont très inquiètes. Elles redoutent de voir entravées les enquêtes qu’elles mènent lors des contrôles exercés dans les entreprises dans le cadre de la lutte contre la délinquance économique et financière,…

    Mme Andrée Taurinya

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    …c’est-à-dire contre le financement du terrorisme et le blanchiment. Bravo, monsieur le ministre ! C’est pour faire proliférer des voyous en plus grand nombre que vous souhaitez que notre pays puisse rayonner à l’international ? Est-ce ce que vous voulez importer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qui pourrait avoir intérêt à faire ça ? Certainement pas nos autorités de contrôle, qui ont bel et bien protesté. Mais vous n’avez donné aucune suite !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ils ne sont pas concernés ! Lisez le texte !

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Vous n’avez pas travaillé !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est zéro !

    M. Ugo Bernalicis

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    Si, j’ai travaillé le texte : vous verrez !

    Mme la présidente

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    Seul M. Bernalicis a la parole : laissez-le terminer, s’il vous plaît !

    M. Ugo Bernalicis

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    De toute façon, tout cela finira devant le Conseil constitutionnel…

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Vous ne pouvez pas vous contenter de copier-coller dans vos discours les éléments de langage qu’on vous donne !

    M. Ugo Bernalicis

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    J’en viens au tribunal des activités économiques : encore une nouvelle expérimentation, comme vous savez si bien les faire. Alors que vous avez échoué avec les cours criminelles départementales, vous vous entêtez et récidivez avec les tribunaux des activités économiques. On se pince ! Certes, vous avez introduit la possibilité de désigner des agriculteurs parmi les juges ; mais des problèmes de conflits d’intérêts peuvent surgir entre ces derniers et les commerçants.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    C’est une insulte aux juges consulaires !

    M. Ugo Bernalicis

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    Comment allez-vous les régler ? Une fois de plus, nous verrons ce que dira le Conseil constitutionnel. En tout cas, voilà encore une bonne raison de ne pas vous laisser mener des expérimentations au hasard ; celle des tribunaux des activités économiques va engendrer d’importantes inégalités entre les territoires. Bref, je n’y vois guère le signe d’une bonne administration de la justice, comme vous vous plaisez pourtant à le dire.
    Quant au devoir de réserve, on croit rêver ! Je n’ose imaginer que vous puissiez prévoir des dispositions similaires pour les policiers. Certes, des violations du secret de l’enquête par des syndicalistes protégés par le droit syndical se produisent souvent. C’est d’ailleurs un sujet qui aurait pu faire l’objet d’un beau débat. Mais il n’en est rien. Ce qui vous intéresse, monsieur le ministre, ce sont les syndicalistes magistrats : eux, c’est sûr qu’ils vous embêtent ; on l’a bien vu à la Fête de l’Huma ! C’est peut-être parce qu’il y a un procès à venir…

    M. Mounir Belhamiti

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    C’est vrai qu’il n’y a pas d’affaires à La France insoumise !

    M. Ugo Bernalicis

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    Encore une fois, vous réglez vos affaires personnelles par le biais de textes de loi : c’est vraiment problématique. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RE et LR.)

    M. Bruno Millienne

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    Vous devriez faire profil bas !

    M. Ugo Bernalicis

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    En définitive, ces 7 milliards serviront pour l’essentiel à assumer la fonction répressive du ministère de la justice, dans la continuité de ce qui s’est fait auparavant.

    M. Bruno Millienne

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    C’est minable !

    M. Éric Poulliat

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    Ça mérite un « Complément d’enquête » !

    M. Ugo Bernalicis

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    Pourtant, nous aurions eu besoin de cette somme – voire de 10 milliards d’euros – pour assurer la déflation pénale et carcérale, pour mettre en place un vrai mécanisme de régulation carcérale. Cet objectif, je vous le rappelle, avait été formulé au cours des états généraux de la justice. On aurait pu dédier des crédits à l’élaboration d’une nouvelle carte judiciaire, pour ouvrir de nouveaux tribunaux au plus proche des citoyennes et des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Le nouveau tribunal en construction à Lille s’avère trop petit, parce que vous avez oublié que vous alliez procéder à des recrutements. La belle affaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)
    On aurait pu consacrer des moyens à l’accès au droit, pour étendre la capacité à accéder à l’aide juridictionnelle. On aurait pu construire un vrai service public de la conciliation, mais le budget dédié stagne, puisque ce n’est pas l’objectif que vous souhaitez poursuivre.
    Vous auriez pu renforcer le magistrat dans son rôle, plutôt que d’en faire un manager d’attachés de justice. Mais encore une fois, il aurait fallu engager des moyens supplémentaires pour que l’ENM puisse s’agrandir et ouvrir des antennes dans chaque région. Cela aurait permis de former largement les magistrats dont nous avons besoin maintenant, mais aussi pour l’avenir. En effet, monsieur le ministre, le recrutement de 1 500 magistrats aujourd’hui implique que le nombre de postes à pourvoir dans le futur en raison des départs à la retraite sera beaucoup plus grand. Il faut donc plus de places, mais cela n’est pas prévu dans le budget… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. –  Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Bernalicis.
    Je suis saisie de plusieurs demandes d’explications de vote. (Protestations sur divers bancs.) Il vous est toujours possible de faire des interventions brèves, chers collègues !
    La parole est à Mme Caroline Abadie.

    Mme Caroline Abadie (RE)

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    Les propos que je viens d’entendre dans la bouche de mon collègue Bernalicis me donnent envie de lui faire la même réponse que celle qui lui avait été adressée lorsque nous avions discuté la motion de rejet préalable en première lecture au mois de juillet. Pour vous, les 10 milliards d’euros supplémentaires, les 10 000 recrutements et l’augmentation du traitement des magistrats et de tous les professionnels qui font vivre notre justice depuis tant d’années – avec si peu de moyens jusque-là –, ne sont pas un enjeu ! M. Bernalicis s’est donné en spectacle et a démontré que pour lui, la justice n’était pas un enjeu.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Elle n’est qu’un jouet politique !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est exactement ça !

    Mme Caroline Abadie

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    Vous êtes encore en train de vous en jouer, cher collègue !
    Bien évidemment, nous voterons contre cette motion de rejet, comme ce fut le cas pour les trente ou quarante autres que nous avons vu défiler ces derniers mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes (RN)

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    L’outrance dont fait preuve La France insoumise est habituelle. Ce n’est pas la première fois qu’elle nous la fait subir et je ne m’attendais pas à autre chose de la part de ses députés aujourd’hui. Mais à l’outrance est venue s’ajouter l’ignominie. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Oui, ce qui a été dit en début d’après-midi est tout simplement ignoble. Et vous persévérez avec cette motion de censure plus que caricaturale.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    C’est une motion de rejet !

    Mme la présidente

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    Seule l’oratrice à la parole, chers collègues !

    Mme Pascale Bordes

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    Vous qui prétendez avoir la présomption d’innocence chevillée au corps, votre inspiration est plus que sélective : on ne vous a pas entendus quand l’un des vôtres a connu des problèmes judiciaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ayez donc un peu de respect vis-à-vis de nos institutions et des personnes qui ont à répondre de leurs actes devant la justice ; ce n’est de toute façon pas l’objet du débat aujourd’hui, même si nous vous avons connus beaucoup plus diserts à ce sujet.
    J’en viens à la motion de censure elle-même…

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    De rejet !

    Mme Pascale Bordes

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    …– pardon, de rejet. Il est vrai que le texte est imparfait ; j’aurai d’ailleurs l’occasion de le dire tout à l’heure, lors de la discussion générale. Mais que proposez-vous ? Rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui, zéro !

    Mme Pascale Bordes

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    Vous êtes dans l’ignominie, dans l’ignorance, dans la vindicte – et c’est tout ! (Mme Mathilde Panot s’exclame vivement.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, seule l’oratrice a la parole !

    Mme Pascale Bordes

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    Si vous vous préoccupez réellement du sort de la justice et de nos concitoyens (Mme Sophia Chikirou s’exclame), alors proposez quelque chose plutôt que de verser comme toujours dans la caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sébastien Delogu

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    C’est un procès que vous nous faites, là ?

    Mme la présidente

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    Merci de donner votre position et de conclure, chère collègue.

    Mme Pascale Bordes

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    Pour ne surtout pas faire comme vous, le groupe Rassemblement national votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    M. Bruno Millienne

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    Mme la honte !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur Millienne !

    Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES)

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    Chers collègues, nous vous donnons encore la possibilité de rejeter un recul des libertés publiques sans précédent…

    M. Bruno Millienne

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    Ne parlez pas de libertés publiques, vous n’avez pas le droit !

    Mme Mathilde Panot

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    …– voilà qui permettra aux députés du Rassemblement national d’apprendre à faire la différence entre une motion de rejet et une motion de censure.
    Parmi les mesures phares du texte que notre collègue Ugo Bernalicis a présentées brillamment à l’instant et auxquelles nous nous opposons, je voudrais insister sur un point : celui de l’activation à distance des objets connectés. Votre but est de transformer ces appareils en mouchards.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Seulement pour les actes de grand banditisme et de terrorisme !

    Mme Mathilde Panot

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    Français, sachez ceci : on pourra, à votre insu, vous géolocaliser, écouter et enregistrer tout ce qui est dit sur et autour de votre téléphone, ou encore allumer la caméra de votre ordinateur – un monde dystopique, « parce que c’est votre projet » ! La Macronie programme non pas la justice, mais des drones, de la répression, des restrictions, le tout carcéral et la surveillance généralisée – un monde dystopique, « parce que c’est votre projet » ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Comment être surpris alors que, la semaine dernière, nous apprenions qu’Emmanuel Macron lui-même, aidé d’Alexandre Benalla, aurait facilité la vente de logiciels espions par des sociétés françaises à des dictatures qui les utilisent pour surveiller et réprimer en masse opposants politiques, journalistes et activistes ? (Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.) Encore une fois, voilà un monde dystopique, « parce que c’est votre projet » !
    Partout où passe votre casse, c’est la démocratie qui est menacée. Votre but : forcer la soumission à l’injustice sociale, écologique et démocratique.
    À l’heure où les moyens antiterroristes sont mobilisés pour réprimer des militants, nous sonnons l’alerte. Mais force est de constater que votre sinistre projet de surveillance généralisée est déjà bien entamé.

    M. Bruno Millienne

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    C’est contre vous qu’il faut protéger les Français !

    Mme Mathilde Panot

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    Demain paraîtra un livre du journaliste Vincent Nouzille qui révèle que les géolocalisations ont doublé en deux ans. Voici ce qu’il écrit : « C’est un secret d’État jusque-là bien préservé que nous dévoilons ici : en pleine crise des ’’gilets jaunes’’, les services de renseignement français ont mis sur écoute et géolocalisé des milliers de manifestants. Jamais une surveillance aussi massive n’avait été déployée. Jamais autant d’individus en même temps n’avaient été concernés. »
    Chers collègues, vous n’aurez bientôt plus rien à envier aux méthodes des régimes autoritaires…

    Plusieurs députés du groupe RE

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    C’est fini !

    Mme Mathilde Panot

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    …si vous ne rejetez pas ce texte ! (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin (LR)

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    Mes chers collègues, il faut raison garder. Et j’aurais tendance à dire – l’expression n’est pas de moi et elle apparaît sans doute convenue aujourd’hui – que tout ce qui est excessif est insignifiant.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Philippe Gosselin

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    Tout à l’heure, lors de la discussion générale, j’aurai l’occasion de saluer les moyens que ce texte met à la disposition de la justice. Je ne parerai pas le garde des sceaux de toutes les vertus : je ne lui vois pas encore pousser des ailes et n’aperçois nulle auréole scintiller au-dessus de sa tête – n’exagérons rien ! (Sourires.) Mais il y a tout de même une avancée à saluer ; cette consolidation de la justice devrait nous réjouir sur tous les bancs.
    Nous allons enfin pouvoir concrétiser des dizaines d’heures de débats. Je rappelle que nous n’en sommes pas au début du processus législatif. Je conçois que l’on puisse déposer une motion de rejet préalable au début de l’examen d’un texte, dans un certain nombre de cas et sous certaines conditions, parce qu’on ne veut pas des débats. Mais en l’occurrence, ceux-ci ont eu lieu et les avancées ont été votées. En outre, la commission mixte paritaire a été conclusive. Se manifeste donc sur une majorité de bancs, sinon l’unanimité, du moins une volonté d’aller de l’avant, dans l’intérêt de la justice et des justiciables.
    Toutes ces raisons conduisent évidemment le groupe Les Républicains à voter contre cette motion de rejet qui, en effet, n’est pas une motion de censure – que certains se gardent de confondre vitesse et précipitation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. Sylvain Maillard

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    Il est très bien, ce Gosselin !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Blandine Brocard.

    Mme Blandine Brocard (Dem)

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    Chers collègues de La France insoumise, il est bien difficile de garder son calme et d’avoir un raisonnement un peu posé après le gloubi-boulga pseudo-intellectuel qu’Ugo Bernalicis nous a donné à entendre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Les insultes ne sont pas nécessaires !

    M. Ugo Bernalicis

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    Dans votre bouche, c’est un compliment !

    Mme Blandine Brocard

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    Je veux tout de même saluer votre goût pour une certaine cohérence : un projet de loi, une motion de rejet préalable. (Mme Mathilde Panot s’exclame.) Mais vous rejetez ici un budget sans précédent : 11 milliards d’euros en faveur de nos institutions judiciaires, lesquelles constituent, si tant est que cela signifie quelque chose pour vous, un socle fondamental de notre pacte social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
    Vous refusez l’augmentation très significative du nombre d’embauches de magistrats – + 1 500 – et de greffiers – + 1 800. Vous refusez un texte qui octroie à nos services pénitentiaires des moyens absolument inédits. Vous refusez la nécessaire modernisation de nos institutions judiciaires. Bref, vous refusez délibérément à nos concitoyens le bénéfice d’une justice plus proche d’eux, plus protectrice, plus rapide ; en clair, plus qualitative.
    Votre motion de rejet fait, en outre, peu de cas du travail significatif réalisé par les deux chambres pour l’enrichir. Je pense notamment à l’adoption, dans notre hémicycle, d’amendements de groupes de l’opposition qui vous sont proches, du moins qui vous étaient proches – on ne sait plus très bien aujourd’hui. (Rires sur plusieurs bancs du groupe RE.) Vous tenez donc à refuser ce travail consolidé par une commission mixte paritaire conclusive.

    M. Romain Daubié

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    Tout à fait !

    Mme Blandine Brocard

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    Vous l’aurez compris : le groupe Démocrate votera contre votre motion de rejet et pour une institution judiciaire à la hauteur des attentes légitimes de nos concitoyens. (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier (SOC)

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    Pour nous, tout ne se résume pas à une question de moyens, bien évidemment. Les orientations qui sont prises dans les deux textes ne nous conviennent pas non plus totalement, et il me semble bien légitime que mon collègue Bernalicis ait cité certaines d’entre elles. Tout n’est pas parfait, monsieur le ministre ;…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai jamais dit cela !

    Mme Cécile Untermaier

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    …tout n’est pas inédit, tout n’est pas réinventé à cette heure. Nombreux sont nos collègues, sur ces bancs, qui ont travaillé sur ces questions avant que vous ne deveniez ministre de la justice. (M. Gérard Leseul applaudit.) Soyons tous humbles, car la tâche qui se présente à nous est immense.
    La justice souffre, autant que le justiciable, et la démocratie tremble. Je pense que la classe politique n’aime pas l’autorité judiciaire. Vous vous interrogez sur les raisons qui ont conduit à cette situation, monsieur le ministre. Voici l’explication que je vous donnerai : on a tout fait pour éviter que l’autorité judiciaire puisse bénéficier d’une autonomie financière qui fonde son indépendance.
    Certes, l’indépendance de la justice est garantie par la Constitution, mais si notre justice manque de moyens, si ceux-ci sont inférieurs à ceux que tous les autres États de l’Union européenne y consacrent, que devient cette indépendance ? C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés considère que nous devons poursuivre dans la voie d’une massification des budgets, dans la continuité de ce que vous avez obtenu, monsieur le ministre. C’est indispensable, c’est vital, pour la démocratie et pour la justice, qui n’en peut plus.
    Pour ces raisons, et parce que nous devons faire écho à la responsabilité des magistrats, nous prendrons les nôtres, de responsabilités, et voterons contre la motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou (HOR)

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    On s’habituerait presque aux discours de La France insoumise, toujours caricaturaux et excessifs, mais également approximatifs…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice et M. Jean Terlier, rapporteur

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    Eh oui !

    Mme Naïma Moutchou

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    …et souvent contradictoires. LFI a créé l’exploit de banaliser, sous la Ve République, le recours à la motion de rejet préalable.

    M. Jean-François Coulomme

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    Et qui a banalisé le recours au 49.3 ?

    Mme la présidente

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    Monsieur Coulomme, seule Mme Moutchou a la parole.

    Mme Naïma Moutchou

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    Avec quels objectifs ? Prendre la parole – c’est toujours utile – et, surtout, pratiquer une obstruction systématique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Thomas Portes

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    Et nos arguments, alors ?

    Mme Naïma Moutchou

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    Toute la journée, LFI dit non. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) C’est ce qu’on appelle la stratégie de l’habitude.
    Je n’ai pas l’impression qu’elle soit partagée par tous les partenaires de la NUPES : je viens d’entendre une intervention beaucoup plus nuancée de la part de ma collègue du groupe Socialistes et apparentés. Elle a raison, comme tous ceux qui doutent. L’opposition permanente ne peut être un projet de gouvernement ; c’est, au mieux, un projet pour exister. En s’opposant tout le temps à tout, vous passez à côté de l’essentiel, chers collègues, à savoir l’intérêt général et les Français.
    Vous dites que la France va mal, que la justice va mal, que le compte n’y est pas – mais vous dites non à une augmentation historique du budget, de plus de 11 milliards d’euros, du jamais vu en trente ans. Vous dites que les magistrats et les greffiers ont des conditions de travail épouvantables – mais vous dites non à la création de 10 000 postes supplémentaires, dont 1 800 greffiers et 1 500 magistrats.

    Mme Andrée Taurinya

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    Les greffiers et les magistrats, ils sont dans la rue !

    Mme Naïma Moutchou

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    Et ainsi de suite : vous dites non aux attachés de justice, aux revalorisations salariales, au statut de surveillant pénitentiaire adjoint, au renforcement des moyens d’enquête pour lutter contre le terrorisme et contre la criminalité organisée.

    Mme Blandine Brocard

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    Ils disent non à tout !

    Mme Naïma Moutchou

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    Bref, c’est non tout le temps. Il est vrai que c’est confortable : on ne prend aucun risque quand on ne fait rien et qu’on ne participe à aucun compromis.
    Pour sa part, le groupe Horizons et apparentés votera pour les deux textes issus de la CMP, et dira pour le coup non à cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Vous êtes toujours contre les motions de rejet !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES)

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    Nous partageons avec nos collègues du groupe LFI-NUPES le constat d’une loi insuffisante,…

    M. Philippe Gosselin

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    On pouvait le dire de façon plus modérée !

    Mme Emeline K/Bidi

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    …qui ne répond pas aux enjeux de la justice. (« Mais… ? » sur les bancs du groupe RE.)
    Nous avons joint notre voix à la leur durant les débats pour exprimer des inquiétudes réelles concernant certaines mesures, comme l’activation d’appareils connectés à distance ou les perquisitions de nuit. Ce texte ne nous convient pas. (« Néanmoins… ? » sur les bancs du groupe RE.)
    Mais (« Ah ! » sur les bancs du groupe RE), dans un souci de cohérence, parce que lors des votes en première lecture notre groupe avait partagé ses voix entre l’abstention et le vote contre, et parce que, sans dévoiler tout ce qui sera dit lors de la discussion générale à venir, certains s’abstiendront à nouveau aujourd’hui, nous nous abstiendrons lors du vote sur la motion de rejet.
    Ne prenez pas pour autant notre position comme un blanc-seing, monsieur le ministre. Cela ne signifie pas que nous acceptons tout ce qu’il y a dans vos textes ; cela signifie simplement qu’en l’état des discussions, après les examens en première lecture et la CMP, et eu égard au fait que vous annoncez quelques créations de postes, certains d’entre nous ne voudrons pas rejeter les textes, tandis que d’autres le feront.

    M. Philippe Gosselin

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    Serait-ce du « en même temps » ? (Sourires.)

    Mme Emeline K/Bidi

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    Pour ce qui concerne la motion de rejet, nous nous abstiendrons. Quant aux textes, je vous en dirai davantage tout à l’heure, mais nous serons de nouveau partagés.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        241
            Nombre de suffrages exprimés                236
            Majorité absolue                        119
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                197

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    M. Bruno Millienne

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    Quel succès !

    Discussion générale commune

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    La justice n’est pas un service public comme les autres. Elle est la garantie de notre État de droit et de nos libertés. À ce titre, elle mérite une trajectoire à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
    Comme chacun ici, les députés du groupe LIOT avaient accueilli avec regret et beaucoup d’inquiétude le constat accablant tiré des états généraux de la justice. Les mots ont été durs, mais ils traduisent une réalité : le système judiciaire français est dans un état de délabrement et se trouve au bord de la rupture.
    Face à ce constat, le texte de programmation adopté par la commission mixte paritaire trace une trajectoire favorable, à la hauteur des besoins de ce service public si particulier. Notre groupe salue l’augmentation du budget de 9,6 à 10,7 milliards d’euros durant la période 2023-2027. Cependant, cette hausse ne saurait clore le débat sur la justice de ce pays. Le vote du texte d’orientation, qui contient une cinquantaine d’articles, ne peut se résumer à la validation d’une simple ligne de crédits !
    Plusieurs évolutions interpellent les membres de notre groupe.
    D’une part, les deux textes issus de la CMP comportent des dispositions à risque – le mot est faible – envers les libertés publiques.
    D’autre part, nous considérons qu’ils ne s’attaquent pas suffisamment au manque d’effectifs dans certains territoires, en particulier dans les juridictions d’outre-mer et de Corse. Ces territoires souffrent d’un manque d’effectifs chronique ; ils auraient besoin de moyens humains durables, et non de mesures éphémères – même si elles sont les bienvenues.
    La création du dispositif de priorité d’affectation comme contrepartie pour les magistrats qui auront accepté une nomination dans ces territoires peu attractifs, notamment en outre-mer, va dans le bon sens. Notre groupe soutient une telle logique d’incitation. De même, le recours accru aux renforts temporaires de magistrats issus de l’Hexagone en Corse et en outre-mer est un signal positif. Néanmoins, je le répète, c’est plutôt d’effectifs permanents que nous avons besoin. Des affectations ponctuelles ne sauraient constituer une réponse à la hauteur des enjeux – même si, faute de mieux, de tels renforts sont toujours bons à prendre.
    À chaque budget, nous ne cessons de souligner le manque d’attractivité des métiers de la pénitentiaire. Nous soutenons la proposition de création d’un statut de surveillant adjoint, mais cette mesure ne suffira pas. C’est un travail global qu’il faut mener, en traitant aussi le problème de la surpopulation carcérale.
    J’en viens à la question des libertés publiques. Je concentrerai mon propos sur l’article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation, celui qui a suscité le plus de débats, de polémiques, de critiques – et d’amendements. Il permet l’activation à distance des appareils électroniques, notamment les téléphones, à l’insu de leurs propriétaires, à des fins de géolocalisation, d’enregistrement et d’écoute. Ce dernier point est plus qu’inquiétant, car, au-delà de la personne surveillée, c’est tout son entourage direct ou indirect qui sera par la même occasion enregistré et écouté !
    Des propositions tendant à limiter le recours à ce dispositif ou à renforcer les garanties pour les libertés individuelles sont venues tant des groupes d’opposition que de ceux de la majorité présidentielle. Ce travail a été balayé par la commission mixte paritaire. Alors que le Sénat avait limité l’activation aux fins de géolocalisation aux infractions punies de plus de dix ans de prison, la CMP a fait le choix d’un retour en arrière en généralisant cette mesure à toutes les infractions punies de plus de cinq ans de prison. C’est un recul dommageable pour nos libertés, auquel notre groupe s’oppose. Les effets de cette mesure ne doivent pas être sous-estimés.
    De manière générale, ce que nous déplorons, c’est que chaque texte sur la justice déploie son lot de mesures portant une atteinte grave aux libertés publiques. Jusqu’où irons-nous ? Comment allons-nous encadrer les abus des services d’enquête – car il y en a eu et il y en aura encore, c’est certain ?
    Je crois que cette mesure clivante nous fait franchir un cap dangereux alors même que notre priorité et notre seule trajectoire devraient être de rénover le service public de la justice au profit de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Tanzilli.

    Mme Sarah Tanzilli

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    Enfin ! Enfin, nous voici réunis pour adopter définitivement, je l’espère, cette réforme historique,…

    M. Raphaël Schellenberger

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    Calmons-nous !

    Mme Sarah Tanzilli

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    …fruit de travaux entamés il y a presque deux ans jour pour jour lors du lancement des états généraux de la justice. Enfin, après de trop nombreuses années à parler de justice clochardisée, débordée par le nombre des dossiers, à déplorer le décalage entre l’institution judiciaire et les attentes des justiciables, à évoquer des prisons surpeuplées et inhumaines, comme si cet état de fait était inéluctable, nous donnons à la justice et à ses agents les moyens de fonctionner normalement, dans la France du XXIe siècle.
    Grâce à la mise en œuvre de la loi d’orientation et des lois de finances successives, le budget consacré à la justice passera d’à peine 7 milliards d’euros en 2017 à près de 11 milliards en 2027. C’est un effort historique, inédit dans son ampleur depuis le début de la Ve République, et qui contribue à l’indépendance de la justice. Je crois que nous pouvons tous nous accorder sur le fait qu’il s’agit d’une nécessité impérieuse.
    Toutefois, ces deux projets de loi ne se contentent pas d’accorder des moyens financiers supplémentaires. Ils permettent également de moderniser l’institution judiciaire.
    Moderniser, en réalisant la première réforme du statut des magistrats depuis vingt-deux ans, non seulement afin de répondre aux objectifs de renforcement des effectifs, ce qui nécessite une simplification et une ouverture du corps judiciaire, mais également afin d’accroître la responsabilité des magistrats tout en améliorant l’attractivité de leur fonction.
    Moderniser, en permettant à nos forces d’investigation de disposer d’outils modernes d’enquête pour faire face au crime organisé et au terrorisme.
    Moderniser, en expérimentant une nouvelle organisation de la justice commerciale, avec le tribunal des activités économiques, pour plus de clarté et d’efficacité.
    Moderniser, encore, en renforçant les moyens de lutte de la justice française contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité grâce à l’instauration de la compétence universelle de la justice française. À l’heure où le monde s’embrase, où les dictateurs et les terroristes libèrent leur volonté destructrice, c’était une véritable nécessité.
    Moderniser, toujours, en réorganisant certains contentieux pour alléger les missions d’acteurs de la justice débordés. Ainsi, le juge des libertés et de la détention, surchargé, n’interviendra plus en matière civile afin de se concentrer sur son périmètre d’intervention pénal. De même, les magistrats et les greffiers bénéficieront de la déjudiciarisation des procédures de saisie des rémunérations.
    Moderniser, enfin, en renforçant la place donnée au mode de règlement amiable des litiges et en instituant une véritable équipe juridictionnelle, composée du magistrat, du greffier et des attachés de justice, pérennisés par le projet de loi.
    Sur le plan pénitentiaire, la logique est la même. Oui, nous avons besoin de plus de places de prison et des personnels pénitentiaires qui vont avec, mais nous ne nous arrêtons pas là ; nous développons en parallèle les alternatives à l’incarcération – travaux d’intérêt général et bracelet électronique – et nous pérennisons la caméra individuelle pour les surveillants pénitentiaires.
    Avec ces deux projets de loi, nous ouvrons une nouvelle page dans l’histoire de la justice. Une justice restaurée, renforcée, modernisée, à laquelle est enfin accordée la considération qu’elle mérite et qui dispose des moyens nécessaires pour jouer pleinement son rôle : apaiser notre société, écouter et respecter nos concitoyens.
    Certes, tout n’est pas parfait. Certains regrettent peut-être que ce texte de compromis ne tienne pas entièrement compte de leurs aspirations. Pourtant, qui, sur ses bancs, peut, après avoir regardé l’état de notre justice depuis des décennies, affirmer que les moyens financiers supplémentaires prévus auraient dû être affectés ailleurs ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Pas ailleurs : autrement !

    Mme Sarah Tanzilli

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    Qui peut dire que nous pouvons nous passer de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires ? De 15 000 places de prison supplémentaires ? Qui peut refuser aux agents la réorganisation bienvenue de leur travail et de leurs procédures, susceptible de les soulager ?
    Sur ces deux grands textes, qui feront date dans l’histoire de la justice, nous pouvions espérer un détachement des enjeux politiciens et partisans ; nous aurions pu participer ensemble à la construction d’une justice restaurée, renforcée et modernisée. Manifestement, il n’en sera rien. Les mêmes, encore et toujours, ne sont pas au rendez-vous. (Mme Andrée Taurinya s’exclame.) Les personnels de l’institution judiciaire sauront à quoi s’en tenir.
    Pour sa part, le groupe Renaissance prendra toutes ses responsabilités, pour permettre à la justice de se projeter dans un cycle de restauration et de rénovation de long terme, en faveur d’une justice qui apaise notre société et réponde pleinement aux attentes légitimes de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    Les textes sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer représentent incontestablement un progrès, mais nous partons de si loin et la route devant nous est à ce point semée d’embûches qu’il nous faut savoir raison garder.
    La création annoncée de 1 500 postes de magistrat et de 1 800 postes de greffier est à saluer. Il y a néanmoins un petit bémol : le traitement des magistrats sera majoré, mais non celui des greffiers ; c’est une injustice que nous devrons corriger, car les greffiers sont des acteurs majeurs et indispensables – ô combien ! – de l’œuvre de justice. Il faut également se réjouir de la création annoncée de 18 000 places de prison – 3 000 ayant été ajoutées aux 15 000 initialement prévues. Toutefois, là encore, il nous faut rester vigilants, car places annoncées ne veut pas dire places construites.

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Certes…

    Mme Pascale Bordes

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    Les places de prison annoncées lors du précédent quinquennat n’ont pas toutes été construites, tant s’en faut. Il ne faudrait pas que, sous couvert d’autorisations administratives défaillantes, le nombre de places de prison annoncé se réduise comme une peau de chagrin. En effet, à l’heure où notre pays doit faire face à des défis majeurs en matière de lutte contre la haute criminalité organisée, qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants ou de terrorisme, à l’heure où l’on détecte des risques de déstabilisation de notre État, à un niveau majeur, il nous faut mener une politique pénale ferme ; il nous faut construire des places de prison et faire exécuter les peines prononcées, sans quoi l’on risque de vider la peine de son sens et de renvoyer l’image d’un État faible.
    Je déplore en revanche que le projet de loi fasse la part belle à toutes les mesures alternatives à l’emprisonnement, malheureusement devenues la règle, l’emprisonnement étant l’exception, y compris pour des multirécidivistes. Ainsi en va-t-il des travaux d’intérêt général (TIG), au sujet desquels aucune étude sérieuse n’a jamais vraiment été réalisée, ni sur leur prétendue efficacité, ni sur les risques de récidive, ni sur l’effectivité du suivi des tigistes par les services compétents. Or, en dépit de cette absence d’étude sérieuse, tant les tribunaux que les juges de l’application des peines recourent très fréquemment aux TIG, y compris pour convertir des peines de prison ferme. Certains agissent ainsi par idéologie ; d’autres, en raison du manque de places de prison. Il n’en reste pas moins que, dans notre monde actuel, compte tenu des défis majeurs que nous devons relever tant en matière de criminalité organisée qu’en matière d’ensauvagement de la France, prononcer à tout prix une peine alternative à la prison me paraît totalement inapproprié, pour ne pas dire surréaliste.
    Par ailleurs, si la délinquance augmente, il faut s’attacher aux causes de cette délinquance. Il ne s’agit pas tant d’augmenter à l’infini le nombre de magistrats, de greffiers ou de places de prison – à supposer qu’elles soient construites – que de réduire les causes de la criminalité en général, en acceptant notamment de regarder en face les problèmes qui se posent.
    Je me réjouis de la création de nouvelles techniques d’enquête telles que les perquisitions de nuit, s’agissant de certains crimes, et l’activation à distance d’appareils électroniques à l’insu de leur propriétaire,…

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est la surveillance généralisée !

    Mme Pascale Bordes

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    …aux seules fins de procéder à leur géolocalisation, pour les crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, alors que le Sénat avait retenu initialement une durée minimale de dix ans d’emprisonnement. Cet abaissement du seuil aura le mérite d’étendre le recours à cette technique à bon nombre de dossiers relatifs au trafic de stupéfiants ou au trafic d’êtres humains. Qui plus est, ce procédé facilitera le travail des enquêteurs en leur permettant de déclencher à distance, en toute sécurité – c’est important pour eux –, des appareils permettant de géolocaliser des suspects. C’est un progrès incontestable, qui contribue à combler le fossé qui nous sépare des groupes criminels, lesquels disposent de moyens autrement plus sophistiqués que ceux de nos enquêteurs.
    Je regrette qu’à la faveur de la CMP, la procédure de saisie des rémunérations ait été totalement déjudiciarisée, pour être confiée aux commissaires de justice. Je ne doute pas un instant de leur probité, mais il ne faudra en aucune façon qu’ils puissent être juge et partie. Déjudiciariser la procédure de saisie des rémunérations revient à abandonner un certain nombre de nos concitoyens les plus fragiles du point de vue économique, à les priver d’un accès au droit dont ils auraient pourtant grand besoin. L’Assemblée nationale avait résisté à cette logique comptable et inhumaine en supprimant l’article 17, mais celui-ci a malheureusement été réintroduit par la CMP.
    En conclusion, les textes proposés sont incontestablement imparfaits, notamment en matière de justice pénale. La situation qui prévaut est vécue comme une véritable injustice par nombre de victimes, au regard tant du prononcé de la peine que de son exécution, ou plutôt de son inexécution. Néanmoins, le Rassemblement national votera ces deux textes, car ils contiennent quelques mesures qui vont dans le bon sens…

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, chère collègue.

    Mme Pascale Bordes

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    …et qui permettront, si elles sont consolidées, de lutter contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

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    Quatre milliards d’euros. Tel est, d’après la Cour des comptes, le coût annuel de l’indignité des conditions de détention en France.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah !

    Mme Andrée Taurinya

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    Quatre milliards, c’est le coût de la lâcheté de l’exécutif, qui renonce une fois de plus à prendre à bras-le-corps le problème de la surpopulation carcérale.

    Mme Nathalie Oziol

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    Bravo !

    Mme Andrée Taurinya

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    Quatre milliards, c’est le coût de ces cellules encombrées, ces matelas au sol infestés de punaises de lit, ces cours de promenade jonchées de détritus,…

    M. Philippe Gosselin

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    C’est pour cela que l’on va construire des places supplémentaires !

    Mme Andrée Taurinya

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    …ce mobilier qui tombe en ruine, ces personnels pénitentiaires en souffrance, submergés par la situation, l’embolisation de tous les dispositifs d’insertion, qui ne peuvent plus, dès lors, avoir d’effet notable sur la récidive, contre laquelle vous prétendez lutter. L’occasion d’adopter un mécanisme pérenne de régulation carcérale vous était offerte, mais vous avez préféré regarder ailleurs.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le ministre a même boudé !

    Mme Andrée Taurinya

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    Votre seule réponse : construire 18 000 places de prison supplémentaires, qui ne régleront pourtant aucun problème. (Mme Nathalie Oziol applaudit.)

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est ça, la justice !

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous ne menez aucune réflexion sur l’inflation pénale ; vous ne prenez aucune mesure en matière de formation des surveillants pénitentiaires, à laquelle vous ne réfléchissez pas davantage ; vous n’avez aucune volonté concrète de recourir à la régulation carcérale. Vous préférez faire appel à des contractuels et des réservistes de 67 ans pour surveiller des geôles sales et surpeuplées.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    Mme Andrée Taurinya

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    Le projet de loi n’est pas encore adopté et, déjà, nous voyons que les maigres promesses formulées ne peuvent être tenues. Sur les 1 500 nouveaux magistrats promis, plus d’un tiers pourvoiront des postes vacants. En réalité, ils seront 947 en 2027. Loin de la rengaine du ministre, nous affirmons que les objectifs de création de postes affichés sont bien inférieurs au nombre de postes nécessaires…

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Comment les formeriez-vous ?

    Mme Andrée Taurinya

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    …pour pallier des décennies de restrictions budgétaires, qui laissent exsangue le service public de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Demandez donc aux greffiers qui continuent à lutter ce qu’ils pensent des miettes de rémunération que vous leur jetez à la figure !

    Mme Blandine Brocard

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    Oh là là !

    Mme Andrée Taurinya

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    Surtout, ce budget historique ne saurait masquer votre dérive inquiétante. Avec vous, vive la justice antisociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Maxime Minot

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    Arrêtez !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Vous perdez votre sang-froid !

    Mme Andrée Taurinya

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    En effet, l’article relatif à la déjudiciarisation des saisies sur rémunérations, supprimé par les députés, a été rétabli dans le huis clos de la commission mixte paritaire.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    C’est une honte !

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est une provocation, qui plus est en plein examen de la réforme dite « pour le plein emploi », qui va jeter des milliers de personnes dans la misère. Pour ce qui est du paiement de leur dette, vous les tiendrez éloignées du juge. Nous assistons en outre à une dérive libérale avec le legal privilege,…

    M. Raphaël Schellenberger

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    En français, s’il vous plaît !

    Mme Andrée Taurinya

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    …qui empêchera tout regard extérieur sur les agissements possiblement frauduleux des grandes entreprises.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    C’est faux ! Vous n’avez pas lu le texte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne l’avez pas lu ! Vous dites n’importe quoi !

    Mme Andrée Taurinya

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    Avec vous, vive la censure syndicale ! Vous restreignez la liberté d’expression des magistrats avec l’ajout d’une référence à l’impartialité dans le projet de loi organique, alors que notre assemblée avait supprimé une disposition analogue. Les syndicats dénoncent les atteintes à l’indépendance de la justice et les reculs de l’État de droit dans notre pays,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    Mme Andrée Taurinya

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    …mais le garde des sceaux reste silencieux à propos de ce rappel à l’ordre, au silence et à la déférence. Il a sans doute la tête ailleurs, trop concentré qu’il est sur son procès pour prise illégale d’intérêt,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Quelle honte !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    C’est lamentable !

    Mme Andrée Taurinya

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    …qui s’ouvrira dans quelques semaines devant la Cour de justice de la République.

    M. Sacha Houlié, président des commissions mixtes paritaires

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    Il est innocent ! Contrairement à M. Mélenchon, qui a déjà été condamné à plusieurs reprises !

    Mme Andrée Taurinya

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    Avec vous, vive la surveillance de masse généralisée ! Vous continuez d’étendre les possibilités de perquisitions de nuit et autorisez l’activation à distance de tout objet connecté à des fins de géolocalisation ou de captation audio ou vidéo. Vous êtes sourds aux critiques de tous les défenseurs des libertés publiques,…

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui ! Elles n’émanent pas seulement de LFI !

    Mme Andrée Taurinya

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    …qui relèvent des angles morts dans votre fuite en avant. Et le Rassemblement national jubile ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et LR.) Tout est ainsi prêt pour mettre en place le contrôle de tout citoyen, si le Gouvernement le décidait.
    Vous avez balayé d’un avis défavorable tous les amendements de mon groupe qui visaient à garantir une justice au service du peuple. Les rares amendements que nous avions réussi à faire adopter grâce au vote de la majorité de l’hémicycle ont été effacés par la commission mixte paritaire. Vous avez au passage une vision très curieuse de ce que vous appelez « la coconstruction ».
    Oui, monsieur le ministre, votre projet de loi est historique : il ressort de la CMP plus dur encore, grâce à l’appui de la droite et de l’extrême droite, que vous accueillez à bras ouverts. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et LR.) Parce qu’ils sont historiquement liberticides et contraires aux intérêts du peuple, nous voterons contre ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Après la CMP conclusive qui s’est tenue jeudi dernier, nous arrivons au terme du processus législatif sur ces deux textes, qui seront soumis à un dernier vote.
    J’évoquerai rapidement, même s’il n’est en rien secondaire, le projet de loi organique relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire. Je tiens notamment à souligner l’importance, à nos yeux, du 1o A de l’article 1er, ajouté par la commission mixte paritaire. Il tend à compléter ainsi l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 : « L’expression publique des magistrats ne saurait nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice. » Voilà qui est bien dit. C’est clairement l’engagement militant et syndical bien connu de certains, qui se rendent à des fêtes politiques elles aussi bien connues pour animer des tables rondes où l’on traite des violences policières – vous m’avez bien entendu ! –, qui est visé ici.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    M. Philippe Gosselin

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    Il va sans dire que cette modification nous convient très bien.

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est cela, la séparation des pouvoirs ! Elle s’applique aussi aux magistrats !

    M. Philippe Gosselin

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    En ce qui concerne le projet de loi ordinaire, nous ne boudons pas notre plaisir, même si, je dois le dire, il n’atteint pas l’extase. Nous espérons tous que les moyens prévus, tant humains que financiers, permettront de donner une suite concrète aux états généraux de la justice, afin que celle-ci ne soit plus en voie de clochardisation. Porter le budget de la justice à 11 milliards d’euros d’ici à 2027, ce n’est pas rien ; c’est un effort significatif, même s’il est tempéré par la hausse persistante de l’inflation, qui pourrait, là comme ailleurs, jeter un peu le trouble. En tout cas, il faudra des actes d’amour réguliers, notamment dans les projets de loi de finances examinés à l’automne, pour concrétiser les engagements. Nous y veillerons.
    Réjouissons-nous du recrutement de près de 10 000 agents supplémentaires, 9 395 pour être précis, dont 1 500 magistrats, 1 800 greffiers – c’est tout de même 300 de plus que ce qui avait été prévu – et 600 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. À cela s’ajoute la possibilité de créer des équipes, constituées notamment d’attachés de justice – cette disposition importante a été mentionnée par le ministre et par plusieurs d’entre nous.
    Les établissements pénitentiaires ne sont pas oubliés. Relevons à ce sujet l’embauche de nouveaux surveillants – les établissements en ont besoin et il convient d’accompagner ces surveillants, parfois soumis à rude épreuve, y compris nerveusement –, la création de surveillants adjoint contractuels et le développement de la réserve pénitentiaire.
    Nous l’avons dit, encore faudra-t-il que la justice soit globalement attractive pour pourvoir tous ces emplois et créer ainsi de vrais postes. Il faut que l’on ait envie de s’engager dans la justice. À l’heure où de plus en plus de services publics ont du mal à recruter, il faudra mobiliser les candidats et les talents ; il faudra aussi, d’une certaine façon, retenir les personnels. C’est là un défi majeur.
    Au-delà de ces moyens humains, des crédits seront ouverts pour agrandir et moderniser les palais de justice. Certains d’entre eux sont bien vieillots et nous renvoient à l’époque de Flaubert ou de Maupassant. De ce point de vue, le nouveau tribunal de Paris et le tribunal judiciaire de Caen – permettez-moi de citer ici la Normandie –…

    M. Sébastien Jumel

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    La plus belle région de France !

    M. Philippe Gosselin

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    …font plutôt exception.
    Le groupe Les Républicains se réjouit d’avoir arraché de haute lutte 300 000 places de prison supplémentaires qui s’ajouteront aux 15 000 places prévues dans le texte initial.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république et M. Erwan Balanant

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    Trois mille !

    M. Philippe Gosselin

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    J’ai dit 300 000 ? C’est intéressant, comme lapsus… Bridons mon enthousiasme, chers collègues ! (Sourires.) En effet, 3 000 places. Encore faudra-t-il que les élus locaux se mobilisent rapidement pour permettre la délivrance des autorisations d’urbanisme nécessaires et que l’État lui-même mette les bouchées doubles, car nous sommes encore loin du compte. Même si M. le garde des sceaux a annoncé l’inauguration de 1 000 ou 1 500 places au mois d’octobre de cette année, il reste plus de 10 000 places à concrétiser d’ici à la fin du mandat, ce qui est énorme.
    De nouvelles procédures sont en germe avec ces deux textes, auxquels s’ajoute la refonte du code de procédure pénale à droit constant. Parmi celles-ci, l’expérimentation des tribunaux des affaires économiques, par lesquels les accords amiables seront favorisés ; la réforme des saisies sur salaire, qui n’était pas une évidence, et qui a été actée par la commission mixte paritaire ; je me réjouis aussi que le legal privilege soit enfin reconnu pour les juristes d’entreprise, ce qui nous permettra de lutter à armes égales avec les professionnels étrangers.
    Tout cela va dans le bon sens, mais ne saurait justifier un blanc-seing. C’est un vote favorable qui s’annonce de la part des députés Les Républicains, un vote de confiance, mais pas de confiance absolue, un vote de soutien vigilant et exigeant pour lequel nous nous mobiliserons à chaque loi de finances, car rien ne serait pire que d’avoir été trompés sur la marchandise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Mandon.

    M. Emmanuel Mandon

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    La réussite des deux commissions mixtes paritaires sur les projets de loi portant réforme de la justice est une source de satisfaction pour le groupe Démocrate. Sur un tel sujet, qui suscitait de nombreuses attentes, l’aboutissement d’un compromis raisonnable est en lui-même un succès. L’abondante discussion à laquelle a donné lieu l’examen des dispositions relatives à la procédure pénale, avant même toute recodification, est un bon exemple du résultat d’une volonté de compromis, entre efficacité de la riposte pénale et garanties des libertés publiques.
    En vous engageant dans la voie de la réforme, vous n’avez pas choisi la voie de la facilité. Certes, vous avez obtenu, grâce à votre conviction obstinée, un accroissement très important des moyens budgétaires alloués à la justice et vous avez voulu, avant même le vote définitif de la réforme, prendre des mesures pour assurer l’application la plus rapide possible des dispositions qu’elle contient, avec le lancement, il y a deux mois, d’un plan de recrutement ambitieux pour la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui ! Exactement.

    M. Emmanuel Mandon

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    En même temps, vos déclarations et vos actes montrent que vous avez pris conscience de l’ampleur de la crise actuelle du système et des procédures judiciaires. Il faut apporter à cette crise à la fois les remèdes d’urgence indispensables et des réponses à plus long terme, autrement dit conjuguer le réalisme de l’immédiat et l’ambition du long cours. Dans la conduite de la réforme, cela demandait un dosage politique délicat dont il fallait assurer le respect, non seulement dans la formulation du texte initial mais dans les évolutions qu’il allait connaître jusqu’à la fin de la procédure parlementaire. Seule une volonté politique affirmée peut rendre cette démarche efficace.
    C’est pourquoi le groupe Démocrate apporte son soutien au projet. Nous saluons positivement les dispositions adoptées pour accroître rapidement le nombre des magistrats, tant du siège que du parquet, par le biais de procédures de recrutement exceptionnelles, et nous vous faisons confiance pour prendre les dispositions appropriées afin de garantir la qualité de ces recrutements.

    M. Philippe Gosselin

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    La confiance n’exclut pas le contrôle.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Petite confiance, grand contrôle !

    M. Emmanuel Mandon

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    Nous notons également, de façon plus durable, l’arrivée de la notion d’évaluation pour la désignation des chefs de juridiction, en rappelant cependant que la première qualité que les citoyens attendent des magistrats dans leur ensemble est l’aptitude à bien juger et à juger équitablement. Nous approuvons la reconnaissance par la loi de l’équipe qui entoure les magistrats, avec les attachés de justice et les assistants spécialisés, dont le texte nouveau consacre et définit les tâches. Toutefois, il ne faut pas oublier les greffiers, dont le rôle est indispensable à la bonne marche de l’institution judiciaire.
    Nous comprenons le principe de réalité qui a poussé les deux chambres du Parlement, et après elles la CMP, à prévoir, pour pallier le manque d’intérêt manifesté pour les carrières de personnel pénitentiaire titulaire, le recrutement de surveillants adjoints de statut contractuel. La continuité pratique du service public, nous l’espérons, y trouvera son compte, le projet de loi faisant également droit à la stabilité statutaire – importante pour une fonction régalienne – avec l’instauration de passerelles vers les emplois de personnel titulaire.
    Le développement de la médiation, l’attention accrue portée aux victimes de violences intrafamiliales et l’adaptation, par l’expérimentation de la justice commerciale, au monde économique d’aujourd’hui, sont autant de points positifs et d’orientations que nous approuvons particulièrement. Nous nous félicitons aussi des améliorations apportées, avec notre concours, à la législation sur les travaux d’intérêt général.
    Je regrette néanmoins, à titre personnel, qu’en définitive, le texte adopté soit trop frileux sur les audiences tardives, dont nous nous étions efforcés, avec Laurence Vichnievsky, de démontrer l’incidence sur la qualité des décisions rendues. Enfin, vous avez souhaité ne pas inscrire dans la loi elle-même les modalités de fonctionnement du comité parlementaire associé à la réécriture du code de procédure pénale ; or, comme les sénateurs, nous attachons beaucoup de prix à la prise en compte effective des intentions politiques que, par nature, un tel comité transpartisan sera appelé à manifester.
    Sous le bénéfice de ces observations, le groupe Démocrate votera pour ces deux textes de réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    On avait peur !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je vous indique que Mme la présidente de l’Assemblée nationale a reçu de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant du report à la séance de ce soir, en premier point à l’ordre du jour, de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’industrie verte.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Ces textes de loi tentent de répondre à l’état de délabrement du système judiciaire français, à la souffrance de ses professionnels et à la défiance du justiciable vis-à-vis de cette institution. Comme je l’ai dit lors de l’examen de la motion de rejet préalable, la justice est assise sur le socle constitutionnel de son indépendance. Il est essentiel pour notre démocratie d’y veiller. La France compte onze juges pour 100 000 habitants, contre vingt-deux en moyenne en Europe. Les greffiers, les fonctionnaires et les assistants spécialisés autour du juge y sont bien moins nombreux qu’ailleurs. L’indépendance de la justice passe autant par son autonomie financière que par sa capacité à s’organiser. Si nous ne redressons pas la barre, le système judiciaire français se délitera progressivement, en même temps que les fondements de son indépendance.
    S’agissant de la loi organique, la CMP n’a rien changé. Nous sommes satisfaits de l’adoption en séance publique, et du maintien en CMP, des amendements de mon groupe permettant de faciliter l’ouverture de la magistrature aux professionnels, à la jeunesse étudiante et aux doctorants. Le départ de magistrats dans des cabinets d’avocats d’affaires, par exemple, a démontré l’insuffisance de l’encadrement actuel et la nécessité d’un dispositif de régulation – nécessaire, mais sans doute pas suffisant. La responsabilité renforcée des magistrats devant le CSM et l’inscription dans la loi des conseils de juridiction, avec la participation de l’ensemble des parlementaires du ressort, participent de cette volonté d’ouverture. Le renforcement du rôle local du député, auquel je tiens pour parfaire la démocratie, trouve ici toute sa place.
    La seule nouveauté est une disposition relative à l’expression publique des magistrats qui vient alourdir l’article 10 de l’ordonnance de 1958. Cette mesure, ajoutée en CMP, est aussi inutile qu’incompréhensible. Elle est le résultat d’un compromis permettant au Sénat de sauver la face et au Gouvernement de recueillir un accord, mais n’apporte rien de plus à ce qui existe déjà dans les textes.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ce n’est pas très élégant vis-à-vis des sénateurs…

    Mme Cécile Untermaier

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    Sur le fond, la première partie de la phrase est inutile. Les magistrats n’ont pas attendu les sénateurs pour régler la question de la potentielle mise à mal de l’impartialité par une expression publique. L’impartialité est une vertu ; cette vertu s’applique au cas par cas et oblige le juge unique – ou un juge membre de la formation de jugement – soit à se déporter, soit à être mis à l’écart. Tout magistrat a le droit de s’exprimer publiquement et toute expression publique trouvera sa sanction dans l’exigence d’impartialité.

    M. Philippe Gosselin

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    On ne l’a pas toujours vu !

    Mme Cécile Untermaier

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    Enfin, disons-le clairement, le droit syndical ne saurait être limité dans notre droit – pour les juges comme pour les policiers. Il ne peut donc être atteint ni par l’article 10 ni par l’article 10-1 de l’ordonnance de 1958.
    Quant à la seconde partie de la phrase, elle est incompréhensible, puisque c’est précisément l’indépendance du magistrat qui lui permet de s’exprimer. C’est plutôt sur la réalité de l’indépendance des magistrats du parquet que l’expression publique pourrait se concentrer. Cet ajout malvenu doit nous interroger collectivement sur le caractère archaïque de la CMP : la tendance actuelle aux CMP conclusives ne devrait pas susciter un tel enthousiasme autour d’arrangements partisans et obscurs qui ternissent l’image du Parlement.
    Ainsi, le texte ne bouge pas dans ses fondamentaux. Si la volonté du Gouvernement et du Sénat était de restreindre l’expression publique des magistrats, c’est un objectif raté, et c’est tant mieux, car nous avons besoin de cette expression publique. Nous voterons donc le texte organique, et je remercie Didier Paris et le Gouvernement pour les avancées constructives obtenues en séance publique.
    S’agissant de la loi ordinaire, le texte prévoit une majoration budgétaire de 2 milliards d’euros supplémentaires et des créations d’emploi d’ici à 2027. Nous serons vigilants à la concrétisation de cette programmation chaque année dans le cadre de la loi de finances. Force est de constater que ces annonces sont appréciées par les professionnels et que certaines juridictions en ressentent déjà les effets bénéfiques. Dans ce contexte de nette embellie budgétaire, les greffiers nous apparaissent comme les grands oubliés de la réforme. Nous sommes soucieux de la suite qui sera donnée aux négociations en cours ; l’aide substantielle réservée aux magistrats doit s’accompagner d’un effort similaire pour ces chevilles ouvrières qui tiennent les colonnes des palais de justice.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Tout à fait !

    Mme Cécile Untermaier

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    Au-delà de ces avancées budgétaires importantes, le texte conserve des mesures qui ne nous conviennent pas. Vous les connaissez, nous n’y revenons pas. Compte tenu de ces critiques, mais en considération de la priorité budgétaire, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra sur le vote du projet de loi ordinaire, comme il l’avait fait en première lecture, et certains d’entre nous continueront à voter contre. En revanche, le projet de loi organique recueille de notre part, comme en première lecture, un vote très positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.  M. Didier Paris, rapporteur, applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Si la force doit être juste, pour reprendre les mots de Pascal, la justice se doit aussi d’être forte. Réformer la justice, en ce sens, est une priorité absolue. Il n’est pas simple de réparer les méfaits de trente ans de dépérissement de la justice, mais nous nous y attelons depuis 2017, avec des résultats que nous comptons bien accentuer et consolider, notamment grâce aux deux textes issus de la commission mixte paritaire qui sont soumis à notre vote aujourd’hui : la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice d’une part, et la loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire d’autre part.
    J’ai coutume de citer Jean-Étienne-Marie Portalis, qui disait que la justice est la première dette de la souveraineté. Je suis convaincue que ces deux lois contribuent pour une part significative, et certainement historique, à honorer cette dette. Historique, puisque le budget de la justice sera porté à près de 11 milliards d’euros d’ici à 2027 ; il était d’un peu moins de 6,9 milliards en 2017. Historique avec ses recrutements : 10 000 personnels supplémentaires, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers ; plus de juges et plus d’équipes autour du juge, dans des proportions inédites. Historique aussi par les adaptations ambitieuses à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, et par les procédures de simplification de la justice civile et commerciale.
    Je suis, en particulier, satisfaite de voir la justice restaurative s’ancrer davantage dans notre paysage judiciaire. Il y a la place, à côté du contentieux, dans un certain nombre de cas bien définis, à un espace de dialogue sécurisé qui permette à l’auteur de devenir plus responsable et à la victime de se reconstruire.
    Sur le volet pénitentiaire, le groupe Horizons et apparentés a exprimé sa réticence à l’égard des mécanismes de régulation carcérale, qui tendent, dans une vision que nous croyons contraire à l’idée même de justice, à prononcer les décisions d’incarcération en fonction des capacités d’accueil. Face au défi carcéral et pour soulager les agents que je tiens à assurer de mon soutien pour les missions qu’ils remplissent dans des conditions difficiles, nous devrons construire des places de prison supplémentaires et continuer à travailler aux alternatives à la peine.
    Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au nom du groupe Horizons et en mon nom bien sûr, j’ai largement soutenu ces réformes. J’ai salué les avancées qu’elles apporteront à tous ceux qui concourent à l’œuvre de justice, au bénéfice de nos concitoyens, les justiciables, dont les droits seront renforcés, comme les procédures seront accélérées et la confiance en la justice, ainsi, un peu restaurée.
    Il y a une chose, néanmoins, dont je ne me satisfais pas dans cet accord de commission mixte paritaire. Nous expérimenterons de nouveaux tribunaux des activités économiques. J’avais défendu un amendement pour exclure de la compétence de ces tribunaux les associations, fondations et fonds de dotation. Avec le soutien du rapporteur Philippe Pradal, cet amendement a été adopté à l’Assemblée nationale, mais il n’a pas survécu au compromis de la CMP. Pour quelles raisons ? Je me pose encore la question. Le secteur du bénévolat, le monde de la générosité – c’est bien de cela que nous parlons – ne répond pas à une logique marchande.

    M. Romain Daubié

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    Bonne remarque !

    Mme Naïma Moutchou

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    Il est curieux et contre-productif de renvoyer à ces tribunaux des organismes dont la principale activité ne relève pas du commerce mais est non lucrative et désintéressée. La spécificité de ces structures sans but lucratif à vocation sociale, culturelle, cultuelle, sportive ou touristique, et le caractère particulier de leurs règles de fonctionnement sont peu compatibles avec l’objet et la finalité de ces tribunaux. Il eût été plus judicieux, me semble-t-il, d’exclure les associations, les fondations et les fonds de dotation, dont les projets, rappelons-le, sont marqués par les valeurs et les principes de l’économie sociale et solidaire, et se placent avant tout au service de l’intérêt général. Je regrette donc, comme le rapporteur Philippe Pradal l’a exprimé en commission mixte paritaire, de ne pas avoir convaincu sur ce sujet.
    Ce grief mis à part, le groupe Horizons et apparentés votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Notre justice est en mauvais état. Cela doit être un sujet de préoccupation pour tous ceux qui croient en la nécessité de préserver et de renforcer l’État de droit. La matière qui nous occupe est fondamentale, aussi notre exigence est-elle forte. Des moyens financiers sont mis sur la table – c’est indéniable –, mais il y a aussi des oublis et des dérives.
    Nous déplorons que le débat institutionnel sur l’autorité judiciaire n’ait pas été ouvert. L’indépendance de la justice aurait pu et aurait dû être un axe central. C’était une demande forte des états généraux de la justice comme du Conseil supérieur de la magistrature. La mainmise progressive du parquet sur les enquêtes et les poursuites a déséquilibré la procédure pénale et pose la question du statut du parquet. Le ministère public devrait être à l’abri de tout soupçon, or nous assistons plutôt au mouvement inverse. Il est, par exemple, malvenu que le garde des sceaux, par définition membre de l’exécutif, ait connaissance des plaintes des justiciables, alors que le Conseil supérieur de la magistrature a décidé de ne pas y donner suite, sans parler de l’encadrement de la liberté d’expression des magistrats, qui fait son retour dans la loi organique au détour d’une CMP pour le moins expéditive.
    Nous regrettons ensuite le traitement réservé à la question de la surpopulation carcérale. Un mécanisme de régulation vous a été proposé par Caroline Abadie et Elsa Faucillon, mais il a été écarté par manque de courage politique. Vous auriez également pu redonner toute sa place au juge de l’application des peines, comme nous l’avions suggéré. Les chiffres récents attestent d’une baisse du nombre de travaux d’intérêt général prononcés, or cet échec s’explique en grande partie par la réforme du « bloc peines » de 2019 dont les effets n’ont pas été anticipés.
    Nous sommes également opposés aux mesures qui privent les parties d’un accès à une justice équitable et impartiale. La commission mixte paritaire a réintroduit l’article 17, qui avait pourtant été supprimé en séance, qui prévoit de décharger le juge de sa compétence en matière de saisie des rémunérations pour la transférer aux commissaires de justice. C’est une mesure purement gestionnaire qui risque d’aggraver les situations de surendettement.
    De la même manière, nous ne pouvons accepter l’expérimentation d’une contribution pour la justice économique, qui remet en cause des principes de gratuité et d’accessibilité à tous de la justice. À ce sujet, je m’associe à la remarque qu’a faite Naïma Moutchou concernant les associations.
    Nous n’acceptons pas plus le transfert d’une partie du contentieux des mesures de sûreté du juge des libertés et de la détention (JLD) vers un juge non spécialisé. Le placement des étrangers en zone d’attente ou en centre de rétention administrative et l’hospitalisation sous contrainte sont des mesures administratives qui privent les personnes de leur liberté d’aller et venir. Transférer ces matières à un juge non spécialisé, qui ne bénéficie pas des mêmes garanties d’indépendance que le JLD, est un retour en arrière. Plutôt que de réduire le champ d’intervention du JLD, il aurait fallu renforcer ses moyens d’action en créant un cabinet autour de lui, mais vous avez préféré négocier avec la droite.
    En ce qui concerne l’extension des pouvoirs d’enquête, l’activation à distance de tout appareil électronique à des fins de captation d’images et de sons nous paraît inacceptable, en raison de la difficulté à encadrer la technique. En effet, nous ne disposons d’aucune garantie sur les volumes concernés et vous n’avez même pas accepté un rapport d’information sur ce sujet.
    De la même manière, rien de nous paraît justifier une généralisation des perquisitions nocturnes en dehors des cas complexes. L’extension que vous avez décidée est, selon nous, beaucoup trop grande. C’est une atteinte à l’inviolabilité du domicile qui ne s’accompagne d’aucune garantie effective, contrairement à ce qui a été dit. Encore une fois, on ne peut pas étendre démesurément le domaine de l’enquête de police, sous la direction du procureur, sans renforcer dans le même temps les moyens du juge des libertés et de la détention.
    En somme, les moyens supplémentaires accordés à la justice sont nécessaires et bienvenus, mais ils ne doivent pas servir de paravent à un trop grand nombre de dispositions dictées principalement par un souci de raccourcir les délais, sans considération de la qualité de la justice et sans recherche d’un équilibre entre efficacité et garantie des droits et libertés. De plus, pour que le texte soit voté en séance, le Gouvernement avait dû faire un accord avec la droite sur le nombre de places de prison – encore aujourd’hui, nous constatons une incertitude sur le chiffre de 15 000 ou de 18 000 – et la situation s’est nettement aggravée en commission mixte paritaire pour donner satisfaction à la droite sénatoriale.
    En conséquence, le groupe Écologiste-NUPES votera contre les deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble du projet de loi ordinaire, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Dans l’en-tête de toutes les décisions de justice rendues dans notre pays – par les tribunaux, les cours d’appel et jusqu’aux plus hautes juridictions –, une même formule est estampillée : « Au nom du peuple français ». C’est donc tout naturellement, monsieur le garde des sceaux, que, lors des derniers états généraux de la justice, vous aviez décidé d’associer les citoyens aux réflexions sur l’évolution de celle-ci. Les magistrats, les greffiers et l’ensemble du personnel de justice réclamaient déjà des solutions à cor et à cri, comme dans la « tribune des 3 000 » en novembre 2021.
    Nous votons ce jour sur la loi d’orientation et de programmation de la justice pour les cinq années à venir. Que reste-t-il des états généraux de la justice ? Qu’avez-vous retenu de la « tribune des 3 000 » ?
    Permettez-moi une piste de réponse : ni les créations de postes annoncées, ni les revalorisations salariales promises n’ont suffi à faire cesser les manifestations des personnels de justice et notamment des greffiers. Les journées « justice morte » se multiplient au fil des semaines partout, en France hexagonale et en outre-mer où le manque est encore plus criant. (Brouhaha continu.)

    Mme la présidente

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    Merci d’écouter Mme K/Bidi, chers collègues.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Personne n’est dupe : l’augmentation des moyens est sans commune mesure avec les besoins actuels et encore moins avec les besoins futurs. Vous promettez 1 500 postes de magistrats en cinq ans. Il en manque au moins 1 500 immédiatement et il en manquera autant pour faire face à l’inflation législative et à la judiciarisation de la société.
    La justice est au cœur de notre modèle social. Au Parlement, elle est le fil rouge de tous les projets de loi examinés. Depuis le début de la législature, nous avons voté de nombreux textes qui ajoutent de nouveaux droits et créent de nouvelles infractions : dernièrement, les propositions de loi contre les violences faites aux élus ou pour lutter contre les violences intrafamiliales ; ce soir, la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ; demain, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
    La France, État de droit, place le juge au cœur de son fonctionnement. Pour garantir les droits fondamentaux, protéger les libertés individuelles, indemniser les victimes, sanctionner les coupables, maintenir la paix sociale, nous avons besoin d’un système judiciaire fort. (Le brouhaha continue.)

    Mme la présidente

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    Silence, chers collègues.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Dans le système actuel, les juges sont en burn-out, les greffiers sont en grève et les justiciables sont désespérés.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    N’exagérons rien !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Ils sont désespérés de devoir attendre en moyenne 637 jours pour obtenir un jugement civil en première instance et 607 jours de plus en appel. Plus de trois ans – sans compter la cassation –, en raison du manque de personnel de justice.
    Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez les chiffres de la comparaison avec nos voisins européens : la France est en bas de tableau. Alors, à défaut d’y consacrer des moyens suffisants, vous proposez de gérer la pénurie. Pour recruter vite, vous créez des passerelles. Pour recruter moins, vous créez un nouveau statut des attachés de justice, vous déjudiciarisez certains contentieux. Pour recruter partout, vous fragilisez l’inamovibilité des juges.
    Comme maigre compensation, vous annoncez une revalorisation salariale, mais pas pour tous et avec des montants différents. Elle sera en effet vingt fois plus importante pour les magistrats que pour les greffiers. Difficile pour ceux-ci de ne pas y voir une forme de mépris, d’autant plus que vous refusez la création d’une filière de catégorie A juridictionnelle pour tous les greffiers. Vos propositions divisent – sur nos bancs, entre les professions du monde judiciaire, et jusqu’au sein d’un même corps.
    Si, dans votre projet de loi, les moyens humains sont insuffisants, certaines mesures sont totalement absentes. Tel est le cas d’un mécanisme de régulation carcérale, qui ressortait pourtant du rapport du comité des états généraux de la justice et qui avait été proposé lors des débats par Caroline Abadie et Elsa Faucillon. Il manque des juges pour juger, des surveillants pénitentiaires pour surveiller, des conseillers d’insertion et de probation pour conseiller, mais il vous manque aussi la volonté et le courage pour réguler.
    Votre volonté est en revanche manifeste lorsqu’il s’agit de vous attaquer aux libertés publiques en étendant les perquisitions de nuit, en dématérialisant l’examen médical en garde à vue ou en allongeant les délais en comparution immédiate. Elle l’est aussi lorsqu’il s’agit de déposséder le Parlement de son rôle en décidant de réécrire le code de procédure pénale, mais sans nous.
    Pour vous, tout est donc question de choix. Mais quel choix peut faire le personnel de justice ? Quel choix peuvent faire les justiciables ?
    Le groupe GDR-NUPES fait le choix d’une justice humaine et de qualité, une justice où personne ne meurt au travail ou n’y laisse sa santé, une justice où les délais de jugement ne se comptent pas en années, une justice digne de notre pays et du peuple français au nom de qui elle est rendue. Nous faisons le choix de ne pas voter vos deux projets de loi, aussi bien le projet de loi organique que le projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble du projet de loi organique, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La discussion générale commune est close.

    Texte de la commission mixte paritaire (projet de loi ordinaire)

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ordinaire.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir les amendements nos 2, 7, 5, 9, 1, 3, 6, 4 rectifié et 8, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’allais justement vous proposer de les présenter ensemble, car il s’agit d’amendements rédactionnels ou de coordination qui ont été élaborés avec les rapporteurs.

    (Les amendements nos 2, 7, 5, 9, 1, 3 et 6, modifiant respectivement les articles 3, 3 bis AAE, 5, 6, 13, 26 bis et 27, ainsi que les amendements nos 4 rectifié et 8, modifiant l’article 29, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        342
            Nombre de suffrages exprimés                318
            Majorité absolue                        160
                    Pour l’adoption                260
                    Contre                58

    (L’ensemble du projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Texte de la commission mixte paritaire (projet de loi organique)

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir les amendements nos 1, 2 et 3, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il s’agit d’amendements rédactionnels ou de coordination.

    (Les amendements nos 1, 2 et 3, modifiant respectivement les articles 1er, 5 et 7, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        350
            Nombre de suffrages exprimés                337
            Majorité absolue                        169
                    Pour l’adoption                279
                    Contre                58

    (L’ensemble du projet de loi organique est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l’industrie verte ;
    Discussion, en nouvelle lecture, selon la procédure d’examen simplifiée, de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ;
    Suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra