XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du jeudi 01 décembre 2022
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Expulsion des étrangers en cas de menace grave pour l’ordre public
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article unique
- Amendements nos 115 et 130
- M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
- Amendements nos 132, 107, 108, 109 et 122
- Rappel au règlement
- Après l’article unique (suite)
- Amendement no 6
- Après l’article unique
- Discussion des articles (suite)
- 2. Juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants
- Présentation
- Présentation (suite)
- Discussion générale
- M. Olivier Marleix
- Mme Anne Bergantz
- Mme Marietta Karamanli
- M. Didier Lemaire
- M. Jérémie Iordanoff
- Mme Soumya Bourouaha
- Mme Béatrice Descamps
- M. Ludovic Mendes
- Mme Marie-France Lorho
- M. Andy Kerbrat
- M. Raphaël Schellenberger
- M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
- M. Éric Ciotti, rapporteur
- M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
- Discussion des articles
- 3. Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales
- Présentation
- M. Aurélien Pradié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
- Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances
- Discussion générale
- Présentation
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public (nos 354, 510).
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 115 portant article additionnel après l’article unique.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 115 et 130.
L’amendement no 115 de Mme Laporte est défendu.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 130. Le lien entre les personnes bénéficiant du statut d’étranger sur le territoire de la République et la délinquance est de plus en plus évident, ainsi que M. le rapporteur l’a démontré. Madame la ministre déléguée, vous l’avez reconnu en citant des chiffres que le Président de la République a lui-même évoqués. Nous devons en tirer les conclusions, malgré la suppression de l’article unique de cette proposition de loi à la suite d’un vote de la majorité et des groupes de la NUPES, unis dans un programme commun contre le bon sens et l’efficacité du combat contre l’immigration illégale et la délinquance.
Je vais encore plus loin que M. le rapporteur, qui proposait d’alléger certaines garanties de la procédure d’expulsion d’étrangers pour des faits mettant gravement en cause l’ordre public, puisque cet amendement vise une expulsion dès qu’existe une menace à l’ordre public, laquelle déchire en effet le contrat de confiance avec la nation que constitue le titre de séjour. Il faut en tirer les conséquences, qu’il s’agisse de faits graves ou moins graves. Il a tort ! La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. La commission n’a pas examiné ces amendements.
À titre personnel, mon avis est favorable, car je pense qu’il s’agit d’amendements de bon sens, qui méritent une attention toute particulière, compte tenu de la situation actuelle. Nous reviendrons tout à l’heure sur le cas spécifique de Mayotte. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, pour donner l’avis du Gouvernement. L’impossibilité d’expulser un mineur est solidement ancrée dans notre droit et il n’apparaît pas opportun de remettre en cause ce principe. La mise à exécution de la mesure d’expulsion serait, en tout état de cause, particulièrement complexe. Elle nécessiterait en effet que le pays de renvoi accepte de mettre en place un dispositif particulier d’accueil si les parents de l’intéressé résident en France.
Monsieur Ciotti, nous sommes d’accord sur les chiffres, mais je pense que vous n’avez pas entendu mon propos liminaire dans lequel je rappelais qu’un débat est déjà prévu depuis deux mois à l’Assemblée nationale et qu’il se tiendra les 6 et 13 décembre. On repousse toujours ce débat, nous l’attendons depuis six ans ! C’est de la procrastination ! Vous ne pouvez pas dire que nous n’agissons pas. Nous consultons, nous travaillons et nous débattrons, dans les délais prévus, du projet de loi porté par Gérald Darmanin.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La parole est à M. Aurélien Taché. Monsieur Ciotti, vous avez raison, les étrangers représentent 7 % de la population en France et 16 % des condamnés. Vous oubliez toutefois de dire qu’ils sont principalement condamnés pour des infractions liées au statut d’étranger, notamment pour celles de travail dissimulé. Je vous invite donc, si vous souhaitez vraiment faire baisser les chiffres de la délinquance des étrangers, à œuvrer plutôt à la régularisation des travailleurs sans papiers et à faire sanctionner les patrons qui embauchent clandestinement ces travailleurs. C’est là que se situe la prétendue délinquance étrangère.
Sur la question des mineurs, pourquoi n’avoir pas mené une politique sociale active d’aide à l’enfance lorsque vous présidiez le conseil départemental des Alpes-Maritimes ? En aidant et en accompagnant davantage les mineurs étrangers isolés, vous verrez que les problèmes se régleront. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Vous savez très bien que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont très difficiles à faire appliquer en raison des problèmes liés à la délivrance des laissez-passer consulaires et diplomatiques. Vos propositions répétées d’expulsion à outrance et de renforcement de la loi ne sont donc que de l’affichage politique pour satisfaire votre électorat. Je sais que vous êtes en plein congrès, mais soyez sérieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) La parole est à M. Éric Ciotti. Monsieur Taché, je suis d’accord avec vous : il faut sanctionner les employeurs qui utilisent de la main-d’œuvre clandestine. J’ai d’ailleurs été étonné de voir le porte-parole du Gouvernement, M. Véran, faire, dans une émission de télévision, la publicité d’un restaurateur grenoblois, qui est manifestement un de ses amis, pour souligner la pertinence du texte proposé par M. Darmanin qui vise à régulariser certains clandestins travaillant dans des secteurs en tension. Son argument m’a paru quelque peu spécieux. Cela dit, je pense que, dès que quelqu’un viole la loi de la République, une sanction doit être prononcée.
Madame la ministre déléguée, je suis l’élu d’un département frontalier qui compte sans doute parmi ceux qui accueillent le plus grand nombre de mineurs isolés. Avec Mayotte ! Ils restent toutefois très peu de temps dans le département puisque, une fois placé par les services de l’aide sociale à l’enfance, beaucoup d’entre eux fuguent dans les quarante-huit heures. L’année dernière, le département des Alpes-Maritimes a ainsi accueilli environ 5 000 mineurs non accompagnés (MNA) remis par la police aux frontières, mais seuls 500 demeurent dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance.
Monsieur Taché, nous mettons tous les moyens nécessaires pour les entourer et les accompagner. Toutefois, il y a beaucoup de fraudes et la plupart sont de faux mineurs. Oh ! Nous ne disposons pas de moyens de contrôle suffisants, même en comptant sur ceux déployés en coordination entre le département et le ministère de l’intérieur au poste frontière de Menton, qui constituent un progrès.
Vous avez cité les pays d’origine de ces mineurs. Aujourd’hui, presque un tiers d’entre eux viennent de Tunisie, qui n’est pourtant pas un pays en guerre. Je ne comprends ni la mansuétude du Gouvernement ni son manque de volontarisme pour procéder au retour des MNA dans leur pays d’origine. Il est inadmissible qu’un pays se désintéresse du sort de ses enfants. Il y a des parents en Tunisie et dans les autres pays ! Pourquoi une politique diplomatique beaucoup plus ferme n’est-elle pas menée ? Il n’y a aucune raison pour que l’aide sociale à l’enfance prenne en charge ces mineurs, avec des coûts très importants pour les départements, à moins bien sûr qu’ils ne soient en danger. Il faut faire preuve de moins de naïveté et vérifier si ces mineurs le sont vraiment et il faut agir et expulser les mineurs de plus de 16 ans qui sont impliqués dans des actes de délinquance. (Les amendements identiques nos 115 et 130 ne sont pas adoptés.) Sur amendement no 6, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. José Gonzalez, pour soutenir l’amendement no 132. Il vise à accorder à l’autorité administrative la possibilité de prononcer une peine d’expulsion du territoire national à l’encontre d’un mineur de plus de 16 ans en cas de comportement lié à des activités à caractère terroriste.
Le groupe Les Républicains a un seul et unique cheval de bataille, celui de la sécurité, mais cela ne garantit pas la qualité de ses travaux sur ce sujet, contrairement à ce qu’on pourrait naïvement penser. Ses propositions de réforme sont, à l’image de ce texte, tardives et simplistes. Elles n’apportent que le strict minimum aux Français. Cette proposition de loi vise à faciliter l’expulsion des étrangers en cas de menace grave à l’ordre public. Je vous en félicite, mais je vous rappelle que le 26 novembre 2003, un certain Nicolas Macrony (Sourires) … C’est nul ! Il s’agit d’un lapsus, mais peut-être est-il révélateur.
Le 26 novembre 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur de Chirac, faisait voter une loi permettant la protection des mineurs étrangers et leur maintien sur le territoire national, quel que soit leur crime ou comportement à caractère terroriste.
Nous vous proposons par cet amendement de rattraper vos erreurs et de muscler votre jeu. Il est de notre devoir de nous montrer fermes et intraitables face à la menace terroriste, y compris avec les mineurs de plus de 16 ans. Ils peuvent en effet, tout autant qu’un adulte, constituer une menace terroriste grave et un réel danger pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La commission n’a pas examiné cet amendement.
J’émets à titre personnel un avis défavorable, car l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence d’expulser un mineur de plus de 16 ans quel que soit le trouble à l’ordre public causé par l’infraction qu’il aurait commise. Un mineur pourrait donc être expulsé s’il n’a pas respecté un stop ou un feu rouge en voiture. Retirer le mot « grave » pour qualifier le trouble à l’ordre public conduirait à rendre expulsable un trop grand nombre de mineurs pour que les mesures d’expulsion puissent effectivement être exécutées. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je répète ce que j’ai dit au député Ciotti : l’impossibilité d’expulser un mineur est solidement ancrée dans notre droit et il n’apparaît pas opportun de remettre en cause ce principe. La mise à exécution de la mesure que vous proposez serait, en tout état de cause, particulièrement complexe. Elle demanderait que le pays de renvoi accepte de mettre en place un dispositif particulier d’accueil si les parents de l’intéressé résident en France. En outre, l’expulsion de l’intéressé pourra être envisagée une fois qu’il aura atteint la majorité si le comportement à caractère terroriste est établi.
Avis défavorable. Très bien ! (L’amendement no 132 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 107. La possibilité d’expulser des mineurs étrangers est une évidence. C’est du bon sens et les Français le réclament !
Je vais rappeler quelques chiffres. En 2020, à Paris, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient commis par des mineurs non accompagnés. C’est faux ! Le volume de jeunes en errance impliqués dans des faits violents a augmenté de 407 % entre 2016 et 2020. Aujourd’hui, les mineurs étrangers représentent près de 75 % du total des mineurs déférés devant le parquet de Paris. Les choses sont claires et les chiffres sont ce qu’ils sont. Inutile d’argumenter davantage !
Voyons maintenant si la NUPES et la majorité présidentielle continuent de nier la réalité main dans la main, comme tout à l’heure. On comprend la position des députés de la NUPES, car c’est leur fonds de commerce – plus le chaos, le bordel, est grand, mieux c’est (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) – mais pas la vôtre, chers membres de la majorité présidentielle. Comment pouvez-vous vous regarder en face… Et vous, vous pouvez ? C’est vrai que vous, vous êtes du côté de l’ordre et du calme, surtout dans l’hémicycle ! …après ce que vous avez fait ce matin ? Nous voulons durcir les règles. La secrétaire d’État elle-même nous donne raison en déclarant partager cet objectif. Or quand le rapporteur dépose un texte en ce sens, que les députés ici présents l’amendent pour le rendre plus efficace encore, vous votez un amendement de suppression. Franchement, je ne sais pas comment vous pouvez vous regarder en face. C’est une mise en cause personnelle ! Honteux ! Quant à vous, membres de la NUPES, vous gardez vos habitudes, alors qu’il est nécessaire d’agir. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) N’oubliez pas dans quel état se trouve la France, aujourd’hui, en 2022, et que les Français réclament des actions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La commission n’ayant pas examiné cet amendement, c’est à titre personnel que j’émets un avis défavorable. La raison en est simple : vous proposez des mesures beaucoup plus drastiques pour les mineurs que pour les adultes. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. La parole est à Mme Danièle Obono. Nous sommes bien évidemment défavorables à cet amendement, pour des raisons simples. La France a signé des conventions internationales, notamment en matière de droit des enfants, qu’elle doit respecter sur son territoire. Nous assumons notre position fièrement. Pour nous, ce n’est pas un fonds de commerce, même si je sais qu’à l’extrême droite, la petite entreprise Le Pen ayant prospéré (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également) , vous considérez que la politique n’est qu’un commerce de haine et de xénophobie.
La protection des enfants est le fonds même de notre formation politique… Non ! Vous, c’est le communautarisme ! …. et nous sommes fiers de nous inscrire dans la grande histoire de la défense des droits des enfants. Nous pensons que tous les enfants, quelle que soit leur situation sur le territoire, qu’ils soient accompagnés ou non, Français ou non, doivent être protégés. Rien à voir ! Oui, il est déplorable qu’à Paris, dans ma circonscription, qui est à cheval sur le 18e et le 19e arrondissement, tant d’enfants vulnérables soient en errance. Notre responsabilité est de les protéger. Nous rejetons votre amendement, qui est contraire à tout ce que nous défendons et à tout ce qui devrait être défendu ici. Ce sont les Français qu’il faut protéger ! Il s’inscrit dans une course mortifère dont le seul objectif est électoraliste et antirépublicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Ludovic Mendes. Je poursuis dans la même logique que précédemment. Même si cela vous dérange, la protection absolue dont disposent les mineurs étrangers fait l’honneur de la France ; elle sert l’humanité et élève la République. Vous parlez des délinquants étrangers ! Ils restent des mineurs ! Mais sont-ils toujours mineurs ? L’intention du législateur a toujours été claire sur ce principe fondamental, y compris sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La Convention européenne des droits de l’homme et surtout la Convention internationale des droits de l’enfant abondent à ce sens : tous les enfants résidant sur le territoire français devraient bénéficier de la même protection, quelle que soit leur situation administrative. La jurisprudence est tout aussi éloquente : « La protection des mineurs contre l’éloignement ne fait pas obstacle à l’éloignement d’étrangers majeurs ayant des enfants mineurs, dès lors qu’il n’existe aucune circonstance mettant les intéressés dans l’impossibilité d’emmener leurs enfants avec eux. »
Enfin, en tout état de cause, il appartient à l’intéressé d’apporter la preuve de son âge.
Quoi qu’il arrive, nous protégerons toujours les mineurs, même quand toute leur famille est menacée d’expulsion à cause de l’OQTF qui pèse sur leurs parents et qu’ils sont internés dans un CRA – centre de rétention administrative. Je rappelle que sous la législature précédente, Florent Boudié a déposé une proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs, que nous reprendrons prochainement, afin de limiter le nombre de ces cas. Notre volonté, la volonté de la République est de protéger tous les mineurs, quoi qu’il arrive. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Sandra Regol applaudit également.) (L’amendement no 107 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 108. Les mesures prises par les autorités ne sont pas à la hauteur de la volonté affichée. En effet, les dispositions législatives ne sont pas adaptées et ne répondent pas de façon suffisamment ferme aux exigences de la sécurité intérieure du pays. L’amendement vise donc à assouplir la procédure administrative d’expulsion. La dérogation aux règles fixant les conditions d’édiction d’une expulsion ne serait plus réservée aux seuls cas d’urgence « absolue ». Quel est l’avis de la commission ? La commission n’a pas examiné cet amendement. Toutefois, j’émets un avis défavorable, à titre personnel. Vous proposez de supprimer l’adjectif « absolue ». Or les auditions que nous avons conduites – avec talent et brio ! – ne nous ont pas permis de conclure à l’intérêt de cette nouvelle caractérisation et à son efficacité ; ce serait une réforme inutile de plus. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Gillet, l’article L. 632-1 du Ceseda – code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – prévoit que les procédures d’expulsion sont précédées d’une audition de l’étranger concerné devant la commission d’expulsion (Comex), sauf en cas d’urgence absolue.
Cette règle permet le respect du principe du contradictoire. Cette procédure est équilibrée, au regard de la Constitution et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. (L’amendement no 108 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 109. La crise migratoire et la réponse qu’y apportent les pouvoirs publics menacent la sécurité du pays.
Actuellement, les dispositions applicables en matière d’expulsion donnent une grande marge de manœuvre aux autorités administratives qui peuvent abroger la décision d’expulsion à tout moment. Cet amendement vise à mettre l’accent sur la sécurité intérieure du pays, en prévoyant une condition proportionnée et justifiée à de telles décisions que les autorités administratives n’auraient plus le droit de prendre « en cas de menace à l’ordre public ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, à titre personnel. Vous proposez de préciser que les abrogations visées sont impossibles « en cas de menace à l’ordre public ». Or, on peut considérer, compte tenu de l’ordonnancement juridique actuel, que cet amendement est satisfait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Gillet, il est inutile de préciser que l’abrogation d’un arrêté d’expulsion n’est pas possible si l’étranger concerné représente une menace pour l’ordre public. En effet, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’abrogation d’un arrêté d’expulsion, l’autorité administrative procède à un examen actualisé du comportement adopté par l’intéressé et n’abroge bien évidemment la mesure que s’il est établi que l’intéressé ne représente pas une menace pour l’ordre public. L’amendement étant déjà satisfait, le Gouvernement vous demande de le retirer. Le problème est que nous n’avons pas tous la même définition de l’ordre public. Les députés RN ne connaissent pas la loi ! La parole est à M. Yoann Gillet. Je le maintiens, évidemment. Tout cela montre une chose : alors que ce matin, les députés du groupe Les Républicains faisaient semblant d’avoir retrouvé le courage d’agir – on se demande d’ailleurs s’ils n’avaient pas fait un deal avec la majorité présidentielle pour s’assurer que l’amendement de suppression de l’article unique du texte serait adopté –, ils incarnent de nouveau une droite molle – encore plus molle qu’avant, même. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) On a bien compris, pas la peine de le répéter dix fois ! Encore une fois, les membres de la NUPES, de la majorité, comme ceux du groupe Les Républicains – notez, c’est merveilleux, que leurs bancs sont vides, alors que c’est leur journée de niche – laissent pourrir la situation. Le pays va mal, vous vous en foutez, vous laissez courir. Les Français s’en souviendront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) (L’amendement no 109 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 122. Ah, qu’il est difficile d’expulser un criminel ou un délinquant étranger ! C’est presque impossible. Entre les dérogations, les excuses, les OQTF non appliquées, il est bien rare qu’ils quittent le sol national. Certains s’en réjouissent, d’autres font mine de ne pas le croire. Pourtant, c’est la réalité.
Croyez-le ou non, même lorsque l’expulsion est prononcée, un droit de retour est prévu. Oui, tenez-vous bien, au bout de cinq ans, il est possible de réviser le statut de ces personnes ! C’est un peu comme une date de péremption du jugement, qui permet à celui qui avait été jugé comme une menace de revenir en France. C’est aberrant ! C’est un principe constitutionnel ! Celui qui, une fois, a mis en danger nos concitoyens, une fois, a porté atteinte à nos valeurs, ne doit jamais revenir. Une fois encore, aurez-vous le courage de durcir l’application des lois, comme les Français le demandent et comme c’est nécessaire ?
Ce matin, un amendement de suppression soutenu par l’extrême gauche est devenu un amendement de soumission, après le ralliement de l’extrême centre du Gouvernement. Cette situation est insupportable. Parlez du fond, au lieu de vous faire plaisir ! Les Français méritent d’être protégés. Je le dis à la NUPES et à leurs nouveaux alliés : les honnêtes gens en ont marre que vous soyez toujours du côté des délinquants, de ceux qui ne respectent pas la loi. Prenez vos responsabilités ! Ce n’est pas nous qui devons 7 millions d’euros aux Français après avoir fraudé ! Vous êtes députés de la République. Vous êtes là pour défendre les Français, pas les criminels étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Raciste ! Répétez ! Quel est l’avis de la commission ? À titre personnel, j’émets un avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Seul M. le rapporteur a la parole. C’est le respect de la procédure contradictoire qui fait la force de notre État de droit. Or les mesures proposées priveraient les personnes mises en cause de ce droit. Il aurait été compliqué, dès lors, de donner un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jacobelli, même si vous n’avez pas présenté votre amendement, je répondrai sur le fond. La mesure d’expulsion est une mesure de police administrative, aux effets juridiques particulièrement forts. Elle doit à ce titre respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la directive européenne « libre circulation » et la Constitution.
Même si la mesure d’expulsion est prononcée sans limitation de durée, le législateur a considéré qu’elle ne pouvait être éternelle et a imposé un réexamen de la situation de l’étranger concerné tous les cinq ans, afin d’apprécier l’opportunité qu’elle soit maintenue. Par parallélisme des formes, la consultation de la commission d’expulsion paraît obligatoire lors de ces réexamens. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement.
L’amendement no 115 de Mme Laporte est défendu.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 130. Le lien entre les personnes bénéficiant du statut d’étranger sur le territoire de la République et la délinquance est de plus en plus évident, ainsi que M. le rapporteur l’a démontré. Madame la ministre déléguée, vous l’avez reconnu en citant des chiffres que le Président de la République a lui-même évoqués. Nous devons en tirer les conclusions, malgré la suppression de l’article unique de cette proposition de loi à la suite d’un vote de la majorité et des groupes de la NUPES, unis dans un programme commun contre le bon sens et l’efficacité du combat contre l’immigration illégale et la délinquance.
Je vais encore plus loin que M. le rapporteur, qui proposait d’alléger certaines garanties de la procédure d’expulsion d’étrangers pour des faits mettant gravement en cause l’ordre public, puisque cet amendement vise une expulsion dès qu’existe une menace à l’ordre public, laquelle déchire en effet le contrat de confiance avec la nation que constitue le titre de séjour. Il faut en tirer les conséquences, qu’il s’agisse de faits graves ou moins graves. Il a tort ! La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. La commission n’a pas examiné ces amendements.
À titre personnel, mon avis est favorable, car je pense qu’il s’agit d’amendements de bon sens, qui méritent une attention toute particulière, compte tenu de la situation actuelle. Nous reviendrons tout à l’heure sur le cas spécifique de Mayotte. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, pour donner l’avis du Gouvernement. L’impossibilité d’expulser un mineur est solidement ancrée dans notre droit et il n’apparaît pas opportun de remettre en cause ce principe. La mise à exécution de la mesure d’expulsion serait, en tout état de cause, particulièrement complexe. Elle nécessiterait en effet que le pays de renvoi accepte de mettre en place un dispositif particulier d’accueil si les parents de l’intéressé résident en France.
Monsieur Ciotti, nous sommes d’accord sur les chiffres, mais je pense que vous n’avez pas entendu mon propos liminaire dans lequel je rappelais qu’un débat est déjà prévu depuis deux mois à l’Assemblée nationale et qu’il se tiendra les 6 et 13 décembre. On repousse toujours ce débat, nous l’attendons depuis six ans ! C’est de la procrastination ! Vous ne pouvez pas dire que nous n’agissons pas. Nous consultons, nous travaillons et nous débattrons, dans les délais prévus, du projet de loi porté par Gérald Darmanin.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La parole est à M. Aurélien Taché. Monsieur Ciotti, vous avez raison, les étrangers représentent 7 % de la population en France et 16 % des condamnés. Vous oubliez toutefois de dire qu’ils sont principalement condamnés pour des infractions liées au statut d’étranger, notamment pour celles de travail dissimulé. Je vous invite donc, si vous souhaitez vraiment faire baisser les chiffres de la délinquance des étrangers, à œuvrer plutôt à la régularisation des travailleurs sans papiers et à faire sanctionner les patrons qui embauchent clandestinement ces travailleurs. C’est là que se situe la prétendue délinquance étrangère.
Sur la question des mineurs, pourquoi n’avoir pas mené une politique sociale active d’aide à l’enfance lorsque vous présidiez le conseil départemental des Alpes-Maritimes ? En aidant et en accompagnant davantage les mineurs étrangers isolés, vous verrez que les problèmes se régleront. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Vous savez très bien que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont très difficiles à faire appliquer en raison des problèmes liés à la délivrance des laissez-passer consulaires et diplomatiques. Vos propositions répétées d’expulsion à outrance et de renforcement de la loi ne sont donc que de l’affichage politique pour satisfaire votre électorat. Je sais que vous êtes en plein congrès, mais soyez sérieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) La parole est à M. Éric Ciotti. Monsieur Taché, je suis d’accord avec vous : il faut sanctionner les employeurs qui utilisent de la main-d’œuvre clandestine. J’ai d’ailleurs été étonné de voir le porte-parole du Gouvernement, M. Véran, faire, dans une émission de télévision, la publicité d’un restaurateur grenoblois, qui est manifestement un de ses amis, pour souligner la pertinence du texte proposé par M. Darmanin qui vise à régulariser certains clandestins travaillant dans des secteurs en tension. Son argument m’a paru quelque peu spécieux. Cela dit, je pense que, dès que quelqu’un viole la loi de la République, une sanction doit être prononcée.
Madame la ministre déléguée, je suis l’élu d’un département frontalier qui compte sans doute parmi ceux qui accueillent le plus grand nombre de mineurs isolés. Avec Mayotte ! Ils restent toutefois très peu de temps dans le département puisque, une fois placé par les services de l’aide sociale à l’enfance, beaucoup d’entre eux fuguent dans les quarante-huit heures. L’année dernière, le département des Alpes-Maritimes a ainsi accueilli environ 5 000 mineurs non accompagnés (MNA) remis par la police aux frontières, mais seuls 500 demeurent dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance.
Monsieur Taché, nous mettons tous les moyens nécessaires pour les entourer et les accompagner. Toutefois, il y a beaucoup de fraudes et la plupart sont de faux mineurs. Oh ! Nous ne disposons pas de moyens de contrôle suffisants, même en comptant sur ceux déployés en coordination entre le département et le ministère de l’intérieur au poste frontière de Menton, qui constituent un progrès.
Vous avez cité les pays d’origine de ces mineurs. Aujourd’hui, presque un tiers d’entre eux viennent de Tunisie, qui n’est pourtant pas un pays en guerre. Je ne comprends ni la mansuétude du Gouvernement ni son manque de volontarisme pour procéder au retour des MNA dans leur pays d’origine. Il est inadmissible qu’un pays se désintéresse du sort de ses enfants. Il y a des parents en Tunisie et dans les autres pays ! Pourquoi une politique diplomatique beaucoup plus ferme n’est-elle pas menée ? Il n’y a aucune raison pour que l’aide sociale à l’enfance prenne en charge ces mineurs, avec des coûts très importants pour les départements, à moins bien sûr qu’ils ne soient en danger. Il faut faire preuve de moins de naïveté et vérifier si ces mineurs le sont vraiment et il faut agir et expulser les mineurs de plus de 16 ans qui sont impliqués dans des actes de délinquance. (Les amendements identiques nos 115 et 130 ne sont pas adoptés.) Sur amendement no 6, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. José Gonzalez, pour soutenir l’amendement no 132. Il vise à accorder à l’autorité administrative la possibilité de prononcer une peine d’expulsion du territoire national à l’encontre d’un mineur de plus de 16 ans en cas de comportement lié à des activités à caractère terroriste.
Le groupe Les Républicains a un seul et unique cheval de bataille, celui de la sécurité, mais cela ne garantit pas la qualité de ses travaux sur ce sujet, contrairement à ce qu’on pourrait naïvement penser. Ses propositions de réforme sont, à l’image de ce texte, tardives et simplistes. Elles n’apportent que le strict minimum aux Français. Cette proposition de loi vise à faciliter l’expulsion des étrangers en cas de menace grave à l’ordre public. Je vous en félicite, mais je vous rappelle que le 26 novembre 2003, un certain Nicolas Macrony (Sourires) … C’est nul ! Il s’agit d’un lapsus, mais peut-être est-il révélateur.
Le 26 novembre 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur de Chirac, faisait voter une loi permettant la protection des mineurs étrangers et leur maintien sur le territoire national, quel que soit leur crime ou comportement à caractère terroriste.
Nous vous proposons par cet amendement de rattraper vos erreurs et de muscler votre jeu. Il est de notre devoir de nous montrer fermes et intraitables face à la menace terroriste, y compris avec les mineurs de plus de 16 ans. Ils peuvent en effet, tout autant qu’un adulte, constituer une menace terroriste grave et un réel danger pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La commission n’a pas examiné cet amendement.
J’émets à titre personnel un avis défavorable, car l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence d’expulser un mineur de plus de 16 ans quel que soit le trouble à l’ordre public causé par l’infraction qu’il aurait commise. Un mineur pourrait donc être expulsé s’il n’a pas respecté un stop ou un feu rouge en voiture. Retirer le mot « grave » pour qualifier le trouble à l’ordre public conduirait à rendre expulsable un trop grand nombre de mineurs pour que les mesures d’expulsion puissent effectivement être exécutées. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je répète ce que j’ai dit au député Ciotti : l’impossibilité d’expulser un mineur est solidement ancrée dans notre droit et il n’apparaît pas opportun de remettre en cause ce principe. La mise à exécution de la mesure que vous proposez serait, en tout état de cause, particulièrement complexe. Elle demanderait que le pays de renvoi accepte de mettre en place un dispositif particulier d’accueil si les parents de l’intéressé résident en France. En outre, l’expulsion de l’intéressé pourra être envisagée une fois qu’il aura atteint la majorité si le comportement à caractère terroriste est établi.
Avis défavorable. Très bien ! (L’amendement no 132 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 107. La possibilité d’expulser des mineurs étrangers est une évidence. C’est du bon sens et les Français le réclament !
Je vais rappeler quelques chiffres. En 2020, à Paris, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient commis par des mineurs non accompagnés. C’est faux ! Le volume de jeunes en errance impliqués dans des faits violents a augmenté de 407 % entre 2016 et 2020. Aujourd’hui, les mineurs étrangers représentent près de 75 % du total des mineurs déférés devant le parquet de Paris. Les choses sont claires et les chiffres sont ce qu’ils sont. Inutile d’argumenter davantage !
Voyons maintenant si la NUPES et la majorité présidentielle continuent de nier la réalité main dans la main, comme tout à l’heure. On comprend la position des députés de la NUPES, car c’est leur fonds de commerce – plus le chaos, le bordel, est grand, mieux c’est (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) – mais pas la vôtre, chers membres de la majorité présidentielle. Comment pouvez-vous vous regarder en face… Et vous, vous pouvez ? C’est vrai que vous, vous êtes du côté de l’ordre et du calme, surtout dans l’hémicycle ! …après ce que vous avez fait ce matin ? Nous voulons durcir les règles. La secrétaire d’État elle-même nous donne raison en déclarant partager cet objectif. Or quand le rapporteur dépose un texte en ce sens, que les députés ici présents l’amendent pour le rendre plus efficace encore, vous votez un amendement de suppression. Franchement, je ne sais pas comment vous pouvez vous regarder en face. C’est une mise en cause personnelle ! Honteux ! Quant à vous, membres de la NUPES, vous gardez vos habitudes, alors qu’il est nécessaire d’agir. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) N’oubliez pas dans quel état se trouve la France, aujourd’hui, en 2022, et que les Français réclament des actions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La commission n’ayant pas examiné cet amendement, c’est à titre personnel que j’émets un avis défavorable. La raison en est simple : vous proposez des mesures beaucoup plus drastiques pour les mineurs que pour les adultes. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis, pour les mêmes raisons. La parole est à Mme Danièle Obono. Nous sommes bien évidemment défavorables à cet amendement, pour des raisons simples. La France a signé des conventions internationales, notamment en matière de droit des enfants, qu’elle doit respecter sur son territoire. Nous assumons notre position fièrement. Pour nous, ce n’est pas un fonds de commerce, même si je sais qu’à l’extrême droite, la petite entreprise Le Pen ayant prospéré (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également) , vous considérez que la politique n’est qu’un commerce de haine et de xénophobie.
La protection des enfants est le fonds même de notre formation politique… Non ! Vous, c’est le communautarisme ! …. et nous sommes fiers de nous inscrire dans la grande histoire de la défense des droits des enfants. Nous pensons que tous les enfants, quelle que soit leur situation sur le territoire, qu’ils soient accompagnés ou non, Français ou non, doivent être protégés. Rien à voir ! Oui, il est déplorable qu’à Paris, dans ma circonscription, qui est à cheval sur le 18e et le 19e arrondissement, tant d’enfants vulnérables soient en errance. Notre responsabilité est de les protéger. Nous rejetons votre amendement, qui est contraire à tout ce que nous défendons et à tout ce qui devrait être défendu ici. Ce sont les Français qu’il faut protéger ! Il s’inscrit dans une course mortifère dont le seul objectif est électoraliste et antirépublicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Ludovic Mendes. Je poursuis dans la même logique que précédemment. Même si cela vous dérange, la protection absolue dont disposent les mineurs étrangers fait l’honneur de la France ; elle sert l’humanité et élève la République. Vous parlez des délinquants étrangers ! Ils restent des mineurs ! Mais sont-ils toujours mineurs ? L’intention du législateur a toujours été claire sur ce principe fondamental, y compris sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La Convention européenne des droits de l’homme et surtout la Convention internationale des droits de l’enfant abondent à ce sens : tous les enfants résidant sur le territoire français devraient bénéficier de la même protection, quelle que soit leur situation administrative. La jurisprudence est tout aussi éloquente : « La protection des mineurs contre l’éloignement ne fait pas obstacle à l’éloignement d’étrangers majeurs ayant des enfants mineurs, dès lors qu’il n’existe aucune circonstance mettant les intéressés dans l’impossibilité d’emmener leurs enfants avec eux. »
Enfin, en tout état de cause, il appartient à l’intéressé d’apporter la preuve de son âge.
Quoi qu’il arrive, nous protégerons toujours les mineurs, même quand toute leur famille est menacée d’expulsion à cause de l’OQTF qui pèse sur leurs parents et qu’ils sont internés dans un CRA – centre de rétention administrative. Je rappelle que sous la législature précédente, Florent Boudié a déposé une proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs, que nous reprendrons prochainement, afin de limiter le nombre de ces cas. Notre volonté, la volonté de la République est de protéger tous les mineurs, quoi qu’il arrive. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Sandra Regol applaudit également.) (L’amendement no 107 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 108. Les mesures prises par les autorités ne sont pas à la hauteur de la volonté affichée. En effet, les dispositions législatives ne sont pas adaptées et ne répondent pas de façon suffisamment ferme aux exigences de la sécurité intérieure du pays. L’amendement vise donc à assouplir la procédure administrative d’expulsion. La dérogation aux règles fixant les conditions d’édiction d’une expulsion ne serait plus réservée aux seuls cas d’urgence « absolue ». Quel est l’avis de la commission ? La commission n’a pas examiné cet amendement. Toutefois, j’émets un avis défavorable, à titre personnel. Vous proposez de supprimer l’adjectif « absolue ». Or les auditions que nous avons conduites – avec talent et brio ! – ne nous ont pas permis de conclure à l’intérêt de cette nouvelle caractérisation et à son efficacité ; ce serait une réforme inutile de plus. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Gillet, l’article L. 632-1 du Ceseda – code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – prévoit que les procédures d’expulsion sont précédées d’une audition de l’étranger concerné devant la commission d’expulsion (Comex), sauf en cas d’urgence absolue.
Cette règle permet le respect du principe du contradictoire. Cette procédure est équilibrée, au regard de la Constitution et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. (L’amendement no 108 n’est pas adopté.) La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 109. La crise migratoire et la réponse qu’y apportent les pouvoirs publics menacent la sécurité du pays.
Actuellement, les dispositions applicables en matière d’expulsion donnent une grande marge de manœuvre aux autorités administratives qui peuvent abroger la décision d’expulsion à tout moment. Cet amendement vise à mettre l’accent sur la sécurité intérieure du pays, en prévoyant une condition proportionnée et justifiée à de telles décisions que les autorités administratives n’auraient plus le droit de prendre « en cas de menace à l’ordre public ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable, à titre personnel. Vous proposez de préciser que les abrogations visées sont impossibles « en cas de menace à l’ordre public ». Or, on peut considérer, compte tenu de l’ordonnancement juridique actuel, que cet amendement est satisfait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Gillet, il est inutile de préciser que l’abrogation d’un arrêté d’expulsion n’est pas possible si l’étranger concerné représente une menace pour l’ordre public. En effet, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’abrogation d’un arrêté d’expulsion, l’autorité administrative procède à un examen actualisé du comportement adopté par l’intéressé et n’abroge bien évidemment la mesure que s’il est établi que l’intéressé ne représente pas une menace pour l’ordre public. L’amendement étant déjà satisfait, le Gouvernement vous demande de le retirer. Le problème est que nous n’avons pas tous la même définition de l’ordre public. Les députés RN ne connaissent pas la loi ! La parole est à M. Yoann Gillet. Je le maintiens, évidemment. Tout cela montre une chose : alors que ce matin, les députés du groupe Les Républicains faisaient semblant d’avoir retrouvé le courage d’agir – on se demande d’ailleurs s’ils n’avaient pas fait un deal avec la majorité présidentielle pour s’assurer que l’amendement de suppression de l’article unique du texte serait adopté –, ils incarnent de nouveau une droite molle – encore plus molle qu’avant, même. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) On a bien compris, pas la peine de le répéter dix fois ! Encore une fois, les membres de la NUPES, de la majorité, comme ceux du groupe Les Républicains – notez, c’est merveilleux, que leurs bancs sont vides, alors que c’est leur journée de niche – laissent pourrir la situation. Le pays va mal, vous vous en foutez, vous laissez courir. Les Français s’en souviendront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) (L’amendement no 109 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 122. Ah, qu’il est difficile d’expulser un criminel ou un délinquant étranger ! C’est presque impossible. Entre les dérogations, les excuses, les OQTF non appliquées, il est bien rare qu’ils quittent le sol national. Certains s’en réjouissent, d’autres font mine de ne pas le croire. Pourtant, c’est la réalité.
Croyez-le ou non, même lorsque l’expulsion est prononcée, un droit de retour est prévu. Oui, tenez-vous bien, au bout de cinq ans, il est possible de réviser le statut de ces personnes ! C’est un peu comme une date de péremption du jugement, qui permet à celui qui avait été jugé comme une menace de revenir en France. C’est aberrant ! C’est un principe constitutionnel ! Celui qui, une fois, a mis en danger nos concitoyens, une fois, a porté atteinte à nos valeurs, ne doit jamais revenir. Une fois encore, aurez-vous le courage de durcir l’application des lois, comme les Français le demandent et comme c’est nécessaire ?
Ce matin, un amendement de suppression soutenu par l’extrême gauche est devenu un amendement de soumission, après le ralliement de l’extrême centre du Gouvernement. Cette situation est insupportable. Parlez du fond, au lieu de vous faire plaisir ! Les Français méritent d’être protégés. Je le dis à la NUPES et à leurs nouveaux alliés : les honnêtes gens en ont marre que vous soyez toujours du côté des délinquants, de ceux qui ne respectent pas la loi. Prenez vos responsabilités ! Ce n’est pas nous qui devons 7 millions d’euros aux Français après avoir fraudé ! Vous êtes députés de la République. Vous êtes là pour défendre les Français, pas les criminels étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Raciste ! Répétez ! Quel est l’avis de la commission ? À titre personnel, j’émets un avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Seul M. le rapporteur a la parole. C’est le respect de la procédure contradictoire qui fait la force de notre État de droit. Or les mesures proposées priveraient les personnes mises en cause de ce droit. Il aurait été compliqué, dès lors, de donner un avis favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jacobelli, même si vous n’avez pas présenté votre amendement, je répondrai sur le fond. La mesure d’expulsion est une mesure de police administrative, aux effets juridiques particulièrement forts. Elle doit à ce titre respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la directive européenne « libre circulation » et la Constitution.
Même si la mesure d’expulsion est prononcée sans limitation de durée, le législateur a considéré qu’elle ne pouvait être éternelle et a imposé un réexamen de la situation de l’étranger concerné tous les cinq ans, afin d’apprécier l’opportunité qu’elle soit maintenue. Par parallélisme des formes, la consultation de la commission d’expulsion paraît obligatoire lors de ces réexamens. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, du règlement. Les insultes envers les membres de cette assemblée sont interdites. Or, M. Saintoul vient de nous traiter de racistes.
Ce n’était pas une insulte !
Je demande donc que des mesures soient prises contre ce député, qui ne respecte pas le règlement.
(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
J’espère que vous ne ferez pas deux poids deux mesures et qu’une insulte venue de l’extrême gauche est aussi condamnable qu’une autre !
Ce n’est pas une insulte ! Les tribunaux ont tranché ! C’est la simple qualification de votre position politique !
Madame Regol, s’il vous plaît !
(L’amendement no 122 n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 6.
Cet amendement nous transporte à 10 000 kilomètres d’ici, à Mayotte, où des événements dramatiques se déroulent, comme chacun sait. Des enfants sont caillassés dans les bus – tout comme certains policiers ; ils sont blessés, tués à coups de machette. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a envoyé là-bas en urgence les forces du Raid – recherche assistance intervention dissuasion ; celles-ci ont été prises à partie violemment hier encore, par les mêmes personnes.
Sans faire la promotion de Paris Match (M. le rapporteur brandit un imprimé),… C’est Valeurs actuelles ! Vous n’avez pas le droit de brandir des objets dans l’hémicycle ! Par contre, traiter des députés de racistes, ça ne pose pas de problème ! …les photos de ce numéro montrent des jeunes armés de machettes, qui menacent les personnes alentour. Elles ont été prises dans le 101e département de la République. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que l’utilisation de tout document à l’appui d’un propos est interdite dans l’enceinte de l’hémicycle, aux termes de l’article 9 de l’Instruction générale du bureau. Je vous invite donc à reposer ce magazine. Les médias nationaux – notamment la presse – qualifient la situation de Mayotte de « descente aux enfers ». Ces forfaits, ces crimes, sont commis par des jeunes de 16 à 18 ans et plus. Nous vous proposons donc de faire un geste.
Dans la discussion générale, la secrétaire d’État a évoqué la dérive qui a lieu à Mayotte, tout comme nos collègues de la majorité. Le temps est venu de faire aboutir nos déclarations. L’adoption du présent amendement enverrait aux Mahoraises et aux Mahorais, à l’ensemble de la population de Mayotte, le signal qu’ils pourront vivre en paix. C’est le seul objet de notre proposition. Le 7 septembre, lorsqu’il a reçu les élus ultramarins à l’Élysée, le Président de la République a déclaré au Gouvernement que la situation de Mayotte était particulière – à situation particulière, mesures spécifiques.
Les amendements précédemment examinés concernaient l’ensemble du territoire. Or la situation de Mayotte impose de porter un regard nouveau. Je vous propose d’adopter cet amendement à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Merci Mendes ! (M. Ludovic Mendes sourit.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous sommes évidemment solidaires de Mayotte, dans la situation qu’elle connaît. Prouvez-le ! Vous êtes solidaires, mais vous ne faites rien ! La pression migratoire à Mayotte autorise en permanence à adapter les règles applicables à l’ensemble du territoire national ; le Conseil constitutionnel ne juge pas que ce soit contraire au principe d’égalité. Néanmoins, comme je l’ai plusieurs fois répété depuis ce matin, une telle modification doit être examinée dans le cadre plus général de la révision des protections attachées à certaines catégories d’étrangers. Surtout, ne rien faire ! Gagner un peu de temps ! Le Gouvernement a entrepris de remettre à plat les règles de protection et la désignation des comportements qui permettent de les lever, après concertation avec les parlementaires et le monde associatif qui prend en charge les étrangers.
Par ailleurs, un travail spécifique à Mayotte est également en cours. M. Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, se rendra à Mayotte avant la fin de l’année. (Mme Béatrice Roullaud s’exclame.)
Il n’est pas souhaitable de réformer ces règles de protection avant l’aboutissement de ces réflexions et des débats prévus les 6 et 13 décembre.
Avis défavorable. La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Je rends hommage au rapporteur : depuis des années, il n’a cessé d’alerter la représentation nationale sur la situation à Mayotte. Eh oui, mais « Tout va très bien, madame la marquise ! » Bien avant que le Président de la République lui-même ne reconnaisse que ce territoire de la République subit une pression spécifique liée aux assauts migratoires, devenus insoutenables, Mansour Kamardine a sonné l’alerte ; il n’a cessé de répéter dans notre hémicycle que le Gouvernement et le législateur devaient lui accorder une attention particulière.
Mayotte n’a cessé de clamer son attachement à la République ; elle l’a démontré en votant pour devenir le 101e département. Nous pouvons être fiers de ces territoires éloignés de Paris qui sont en attente de République.
Le temps est venu que notre nation apporte une réponse spécifique à ce département, qui a besoin de nous. Il a besoin que nous définissions les règles grâce auxquelles il se sentira soutenu, que nous agissions contre le mal qui le frappe, contre la pression devenue insupportable pour ce territoire, qui ne distingue plus la lumière que donne l’espérance républicaine.
Aussi les membres du groupe Les Républicains soutiendront-ils cet amendement du rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Excellent ! La parole est à M. Ludovic Mendes. Nous comprenons très bien pourquoi vous défendez le présent amendement. Votez-le, alors ! On écoute ! On écoute si on veut ! Nous nous sommes mutuellement tendu la main. Mme la ministre déléguée vient d’annoncer que le ministre de l’intérieur et des outre-mer se rendrait à Mayotte avant la fin de l’année. Nous vous avons proposé qu’une délégation de la commission des lois vous accompagne à Mayotte. Nous allons travailler tous ensemble.
Nous connaissons cette spécificité de Mayotte et comprenons la visée du présent amendement. Vous n’arrêtez pas de le répéter : vous accomplissez votre travail en nous informant des difficultés mahoraises, que certains n’ont pas l’air de comprendre.
Le Président de la République a également décrit la réalité, il y a quelques jours, au Salon des maires et des collectivités locales ; il a lui-même souligné l’importance d’adopter des mesures spécifiques adaptées au département Mayotte.
Cependant, même si nous adoptions cet amendement, son dispositif ne pourrait pas s’appliquer, ni même être voté au Sénat, avant que nous ayons examiné l’ensemble du texte relatif à l’asile et à l’immigration. Eh oui ! On vous garantit que le Sénat pourrait voter conforme très rapidement ! Il serait dommage d’adopter un texte, alors qu’un autre texte relatif au même objet, complet, sera examiné en début d’année prochaine… Ça pourrait être réglé en trois jours ! Si cela ne vous dérange pas, laissez-moi terminer ! Je ne dis pas que nous sommes contre le texte, j’explique notre raisonnement ! Chers collègues, écoutons M. Mendes, le rapporteur interviendra ensuite. Nous vous tendons la main : nous proposons de travailler ensemble afin que le projet de loi que le ministre de l’intérieur et des outre-mer défendra prochainement prenne pleinement en considération la situation mahoraise. Il est urgent de perdre du temps ! Comme le Gouvernement l’a dit lors de la présentation, et comme nous l’avons dit dans la discussion générale, nous vous tendons la main pour œuvrer ensemble à la rédaction, afin que ce point figure dans un texte de portée générale, et non seulement dans une proposition de loi présentée à l’occasion d’une niche parlementaire qui prendra fin à minuit : ce n’est pas non plus le bon moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Bruno Fuchs applaudit également.) Il a raison ! Non, il n’a pas raison ! Pourquoi on ne fait pas l’inverse ? La parole est à M. le rapporteur. À ceux qui en douteraient ou qui n’auraient pas eu l’information, je précise que je ne suis pas candidat à l’élection à la présidence du parti Les Républicains, bien que j’en sois un membre éminent, et que je sois fier de lui appartenir. (Sourires.)
Madame la ministre déléguée, vous avez invoqué des risques d’inconstitutionnalité. Chaque fois que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question concernant Mayotte, parce que nous avions été trop frileux pour agir, il a tendu la main à Mayotte – davantage probablement que le législateur. Il en va ainsi de la décision du 30 décembre 1975, selon laquelle Mayotte est française et ne peut cesser d’appartenir à la République sans que ses habitants en expriment la volonté. Sans elle, il y a longtemps que ce côté-ci (M. le rapporteur désigne les bancs de gauche) nous aurait chassés de cet hémicycle. Ah ! Il en va également ainsi de la décision que le Conseil constitutionnel a rendue il y a une semaine seulement, en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par les associations droit-de-l’hommistes relativement à l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui autorise, dans ce contexte d’avalanche migratoire, les forces de l’ordre à procéder à des contrôles. À leur profond regret, le Conseil a décidé que la situation particulière de Mayotte rendait cette mesure conforme à la Constitution, car elle tient compte de la singularité du territoire, soumis notamment à d’incessantes vagues migratoires.
Selon moi, nous pouvons adopter ce texte sans risquer de le voir déclaré inconstitutionnel. À moins que la majorité ne considère que seul le texte du Gouvernement sera bien rédigé, alors que nous savons tous ici correctement rédiger des textes de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Je mets aux voix l’amendement no 6. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 49
Contre 78 (L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) L’article unique et les amendements portant article additionnel ayant été rejetés, il n’y a pas lieu d’appeler les amendements au titre et la proposition de loi est rejetée.
La parole est à M. le rapporteur. Je rends hommage à tous ceux qui ont participé à ces travaux ; je salue la disponibilité et la qualité du travail accompli par Mme Poncet, qui m’a accompagné pour élaborer ce texte. Je ne désespère pas que nous nous retrouvions très prochainement, car Mayotte refuse de se laisser abandonner par la République ; elle est fière de ce qu’elle est, une terre entièrement française. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR. – Mme Laurence Vichnievsky applaudit également.)
Sans faire la promotion de Paris Match (M. le rapporteur brandit un imprimé),… C’est Valeurs actuelles ! Vous n’avez pas le droit de brandir des objets dans l’hémicycle ! Par contre, traiter des députés de racistes, ça ne pose pas de problème ! …les photos de ce numéro montrent des jeunes armés de machettes, qui menacent les personnes alentour. Elles ont été prises dans le 101e département de la République. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que l’utilisation de tout document à l’appui d’un propos est interdite dans l’enceinte de l’hémicycle, aux termes de l’article 9 de l’Instruction générale du bureau. Je vous invite donc à reposer ce magazine. Les médias nationaux – notamment la presse – qualifient la situation de Mayotte de « descente aux enfers ». Ces forfaits, ces crimes, sont commis par des jeunes de 16 à 18 ans et plus. Nous vous proposons donc de faire un geste.
Dans la discussion générale, la secrétaire d’État a évoqué la dérive qui a lieu à Mayotte, tout comme nos collègues de la majorité. Le temps est venu de faire aboutir nos déclarations. L’adoption du présent amendement enverrait aux Mahoraises et aux Mahorais, à l’ensemble de la population de Mayotte, le signal qu’ils pourront vivre en paix. C’est le seul objet de notre proposition. Le 7 septembre, lorsqu’il a reçu les élus ultramarins à l’Élysée, le Président de la République a déclaré au Gouvernement que la situation de Mayotte était particulière – à situation particulière, mesures spécifiques.
Les amendements précédemment examinés concernaient l’ensemble du territoire. Or la situation de Mayotte impose de porter un regard nouveau. Je vous propose d’adopter cet amendement à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Merci Mendes ! (M. Ludovic Mendes sourit.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous sommes évidemment solidaires de Mayotte, dans la situation qu’elle connaît. Prouvez-le ! Vous êtes solidaires, mais vous ne faites rien ! La pression migratoire à Mayotte autorise en permanence à adapter les règles applicables à l’ensemble du territoire national ; le Conseil constitutionnel ne juge pas que ce soit contraire au principe d’égalité. Néanmoins, comme je l’ai plusieurs fois répété depuis ce matin, une telle modification doit être examinée dans le cadre plus général de la révision des protections attachées à certaines catégories d’étrangers. Surtout, ne rien faire ! Gagner un peu de temps ! Le Gouvernement a entrepris de remettre à plat les règles de protection et la désignation des comportements qui permettent de les lever, après concertation avec les parlementaires et le monde associatif qui prend en charge les étrangers.
Par ailleurs, un travail spécifique à Mayotte est également en cours. M. Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, se rendra à Mayotte avant la fin de l’année. (Mme Béatrice Roullaud s’exclame.)
Il n’est pas souhaitable de réformer ces règles de protection avant l’aboutissement de ces réflexions et des débats prévus les 6 et 13 décembre.
Avis défavorable. La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Je rends hommage au rapporteur : depuis des années, il n’a cessé d’alerter la représentation nationale sur la situation à Mayotte. Eh oui, mais « Tout va très bien, madame la marquise ! » Bien avant que le Président de la République lui-même ne reconnaisse que ce territoire de la République subit une pression spécifique liée aux assauts migratoires, devenus insoutenables, Mansour Kamardine a sonné l’alerte ; il n’a cessé de répéter dans notre hémicycle que le Gouvernement et le législateur devaient lui accorder une attention particulière.
Mayotte n’a cessé de clamer son attachement à la République ; elle l’a démontré en votant pour devenir le 101e département. Nous pouvons être fiers de ces territoires éloignés de Paris qui sont en attente de République.
Le temps est venu que notre nation apporte une réponse spécifique à ce département, qui a besoin de nous. Il a besoin que nous définissions les règles grâce auxquelles il se sentira soutenu, que nous agissions contre le mal qui le frappe, contre la pression devenue insupportable pour ce territoire, qui ne distingue plus la lumière que donne l’espérance républicaine.
Aussi les membres du groupe Les Républicains soutiendront-ils cet amendement du rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Excellent ! La parole est à M. Ludovic Mendes. Nous comprenons très bien pourquoi vous défendez le présent amendement. Votez-le, alors ! On écoute ! On écoute si on veut ! Nous nous sommes mutuellement tendu la main. Mme la ministre déléguée vient d’annoncer que le ministre de l’intérieur et des outre-mer se rendrait à Mayotte avant la fin de l’année. Nous vous avons proposé qu’une délégation de la commission des lois vous accompagne à Mayotte. Nous allons travailler tous ensemble.
Nous connaissons cette spécificité de Mayotte et comprenons la visée du présent amendement. Vous n’arrêtez pas de le répéter : vous accomplissez votre travail en nous informant des difficultés mahoraises, que certains n’ont pas l’air de comprendre.
Le Président de la République a également décrit la réalité, il y a quelques jours, au Salon des maires et des collectivités locales ; il a lui-même souligné l’importance d’adopter des mesures spécifiques adaptées au département Mayotte.
Cependant, même si nous adoptions cet amendement, son dispositif ne pourrait pas s’appliquer, ni même être voté au Sénat, avant que nous ayons examiné l’ensemble du texte relatif à l’asile et à l’immigration. Eh oui ! On vous garantit que le Sénat pourrait voter conforme très rapidement ! Il serait dommage d’adopter un texte, alors qu’un autre texte relatif au même objet, complet, sera examiné en début d’année prochaine… Ça pourrait être réglé en trois jours ! Si cela ne vous dérange pas, laissez-moi terminer ! Je ne dis pas que nous sommes contre le texte, j’explique notre raisonnement ! Chers collègues, écoutons M. Mendes, le rapporteur interviendra ensuite. Nous vous tendons la main : nous proposons de travailler ensemble afin que le projet de loi que le ministre de l’intérieur et des outre-mer défendra prochainement prenne pleinement en considération la situation mahoraise. Il est urgent de perdre du temps ! Comme le Gouvernement l’a dit lors de la présentation, et comme nous l’avons dit dans la discussion générale, nous vous tendons la main pour œuvrer ensemble à la rédaction, afin que ce point figure dans un texte de portée générale, et non seulement dans une proposition de loi présentée à l’occasion d’une niche parlementaire qui prendra fin à minuit : ce n’est pas non plus le bon moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Bruno Fuchs applaudit également.) Il a raison ! Non, il n’a pas raison ! Pourquoi on ne fait pas l’inverse ? La parole est à M. le rapporteur. À ceux qui en douteraient ou qui n’auraient pas eu l’information, je précise que je ne suis pas candidat à l’élection à la présidence du parti Les Républicains, bien que j’en sois un membre éminent, et que je sois fier de lui appartenir. (Sourires.)
Madame la ministre déléguée, vous avez invoqué des risques d’inconstitutionnalité. Chaque fois que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question concernant Mayotte, parce que nous avions été trop frileux pour agir, il a tendu la main à Mayotte – davantage probablement que le législateur. Il en va ainsi de la décision du 30 décembre 1975, selon laquelle Mayotte est française et ne peut cesser d’appartenir à la République sans que ses habitants en expriment la volonté. Sans elle, il y a longtemps que ce côté-ci (M. le rapporteur désigne les bancs de gauche) nous aurait chassés de cet hémicycle. Ah ! Il en va également ainsi de la décision que le Conseil constitutionnel a rendue il y a une semaine seulement, en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par les associations droit-de-l’hommistes relativement à l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui autorise, dans ce contexte d’avalanche migratoire, les forces de l’ordre à procéder à des contrôles. À leur profond regret, le Conseil a décidé que la situation particulière de Mayotte rendait cette mesure conforme à la Constitution, car elle tient compte de la singularité du territoire, soumis notamment à d’incessantes vagues migratoires.
Selon moi, nous pouvons adopter ce texte sans risquer de le voir déclaré inconstitutionnel. À moins que la majorité ne considère que seul le texte du Gouvernement sera bien rédigé, alors que nous savons tous ici correctement rédiger des textes de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Je mets aux voix l’amendement no 6. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 49
Contre 78 (L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) L’article unique et les amendements portant article additionnel ayant été rejetés, il n’y a pas lieu d’appeler les amendements au titre et la proposition de loi est rejetée.
La parole est à M. le rapporteur. Je rends hommage à tous ceux qui ont participé à ces travaux ; je salue la disponibilité et la qualité du travail accompli par Mme Poncet, qui m’a accompagné pour élaborer ce texte. Je ne désespère pas que nous nous retrouvions très prochainement, car Mayotte refuse de se laisser abandonner par la République ; elle est fière de ce qu’elle est, une terre entièrement française. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR. – Mme Laurence Vichnievsky applaudit également.)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants (nos 352, 517).
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
On va gagner encore en subtilité !
Péguy écrivait : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »
Oh oui !
En écoutant les débats sur le texte que notre collègue Mansour Kamardine a présenté avec beaucoup de courage
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR)
, j’ai le sentiment que beaucoup d’entre nous ne voient pas ce que voient les Français.
La réalité de la situation migratoire de notre pays est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Ils voient la réalité, lucidement, et elle suscite chez eux une extraordinaire inquiétude.
Que voient nos concitoyens, et que voyons-nous, mes chers collègues ? Une immigration massive, qu’elle soit régulière ou irrégulière, qui ne cesse de croître. Chaque année, plus de 400 000 titres de séjour en moyenne sont octroyés à des ressortissants étrangers, au titre du séjour ou de la demande d’asile. Cela signifie que pendant le premier quinquennat de M. Macron, 2 millions d’étrangers sont entrés sur le territoire national de manière régulière.
Que voient nos concitoyens ? Ils voient également la hausse de l’immigration illégale, quasiment hors de contrôle désormais. Malheureusement, l’arrivée de l’ Ocean Viking à Toulon symbolise avec éclat ce laxisme migratoire. Or, en matière de population clandestine, l’équivalent de l’ Ocean Viking arrive chaque jour à Menton, dans le département des Alpes-Maritimes, que comme moi vous connaissez bien, monsieur le garde des sceaux. Chaque jour, la police aux frontières y interpelle en moyenne 150 immigrés en situation irrégulière. Parmi ces clandestins, près d’un tiers sont de nationalité tunisienne : nous sommes bien loin de la fable que l’on entend réciter en permanence, selon laquelle les étrangers en situation irrégulière arriveraient tous de zones de conflit ou de pays où leur vie est menacée.
Que voient les Français ? Ils constatent que malgré cette situation, il n’y a quasiment pas d’éloignement ni d’expulsion. Les taux de reconduite à la frontière sont ridiculement faibles. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur lui-même, à peine 5,7 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF), soit 62 000, avaient été exécutées au premier semestre 2021. Ce laxisme est ridicule.
Que voient nos concitoyens ? Ils voient le lien statistique évident, objectif, documenté, entre l’immigration et la délinquance. Ce n’est pas nous qui établissons ce lien, mais le service statistique du ministère de l’intérieur. Les chiffres sont incontestables, et d’ailleurs incontestés. Certains de vos amis ou anciens amis, monsieur le garde des sceaux, commencent à ouvrir les yeux. C’est le cas du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, qui déclarait à raison il y a quelques jours encore qu’il serait idiot de nier qu’une part importante de la délinquance est le fait de personnes immigrées. C’est le cas d’un de ses illustres prédécesseurs, Gérard Collomb, père fondateur du macronisme, touché par la lumière au dénouement de sa carrière politique :… Eh oui ! Excellent ! …il a osé dénoncer publiquement l’irresponsabilité qui a présidé à l’accueil de l’ Ocean Viking , et sa dangerosité. Naturellement, il a raison. C’est encore le cas de l’ancien préfet de police Didier Lallement, qui dans son livre déclare qu’une partie des étrangers primo-arrivants s’intègrent d’abord par la délinquance. Cette phrase terrifiante, qui signe l’échec de toute une politique migratoire, devrait susciter la mobilisation sur tous les bancs. C’est enfin le cas de celui qui vous réunit dans cette partie de l’hémicycle, le Président de la République lui-même, dont la parole devrait vous guider. Il déclarait encore récemment dans une interview télévisée qu’à Paris, « la moitié des faits de délinquance qu’on observe viennent de personnes qui sont des étrangers ». Il n’en tire pourtant aucune conclusion.
Voilà pourquoi nous voulons faciliter l’expulsion des étrangers qui menacent la France et les Français, grâce à la création d’une Cour de sûreté de la République permettant de faciliter les expulsions et de lever les innombrables obstacles procéduraux qui brisent l’élan et la volonté de la nation de faire respecter le droit. Cette proposition de loi a été défendue en son temps par le président du groupe Les Républicains Olivier Marleix.
Nous voulons stopper l’immigration clandestine et nous voulons nous donner tous les moyens pour ce faire. Tous les clandestins ont vocation à être placés en centre de rétention avant leur expulsion : c’est le seul moyen de faciliter les éloignements. J’ai fait adopter en ce sens, avec l’approbation du Gouvernement,… Une faiblesse ! …un amendement permettant de porter à 3 000 le nombre de places dans les centres de rétention.
Nous voulons protéger les Français. C’est pourquoi, au moyen de la proposition de loi défendue par Mansour Kamardine, nous voulions rétablir la double peine : la prison, puis l’expulsion, ou l’inverse si la peine peut être exécutée dans le pays d’origine.
La présente proposition de loi vise donc à faciliter l’expulsion de tous les étrangers qui constituent une menace grave pour l’ordre public, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. Pour cela, nous voulons améliorer le cadre procédural de la décision d’expulsion, qui est trop peu utilisé. En 2021, il y a eu à peine 344 décisions d’expulsion au motif de la menace pour l’ordre public ; en 2020, il y en a eu 246,… Une bonne année ! …dont seulement 124 ont été exécutées. Ah ! Je me disais, aussi… En résumé, il y a peu de décisions et une très mauvaise exécution : tout le monde entre en France comme il le veut, attiré par un modèle social très généreux, et plus personne n’est expulsé. Bien sûr ! Ces décisions donnent très souvent lieu à des recours ; plusieurs années sont généralement nécessaires pour qu’une décision soit rendue exécutoire. Or la multiplicité des juridictions compétentes ne favorise pas l’homogénéisation indispensable de la jurisprudence. Nous en avons eu un triste et ridicule exemple avec l’affaire de l’imam Iquioussen. Il va bien, il m’a envoyé une carte postale ! L’arrêté ministériel d’expulsion a été suspendu par le tribunal administratif dans le cadre d’un référé liberté. Certes, cette décision a ensuite été annulée par le Conseil d’État ; entre-temps, l’imam a fui en Belgique. Eh oui ! Il n’est donc plus en France ! Il est regrettable que la République n’ait pas eu le dernier mot dans cette sorte de tragi-comédie. Nous avons besoin, plus que jamais, d’une juridiction spécialisée pour traiter efficacement ces recours. La proposition de loi vise justement à créer la Cour de sûreté de la République, juridiction administrative spécialisée dans le contentieux des décisions d’expulsion pour motif d’ordre public. Elle ne concernerait pas le fond du droit, elle est procédurale – nous en reparlerons. Cette simplification est très importante : en créant une juridiction spécialisée, nous favorisons l’harmonisation de la jurisprudence ainsi qu’un traitement rapide des procédures. C’est du bon sens, monsieur le garde des sceaux ! Mais non ! Nous vous invitons à faire preuve de bon sens ! Cela vous manque tellement ! Il faut arrêter de parler et agir : nous avons besoin de bon sens et d’action. Ne perdez pas votre temps ! La France doit retrouver sa pleine capacité à décider qui elle veut accueillir sur son territoire. Cette proposition de loi y contribue ; c’est pourquoi j’espère qu’elle fera consensus dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est bien parti pour, c’est comme si c’était voté ! Quel beau congrès des Républicains nous avons là ! Ça vous embête, monsieur Balanant ? Oh ! Dès qu’on est plus drôle que Maxime Minot, ils sont jaloux ! C’est vraiment d’un niveau… Venant d’un parti qui organise ses congrès dans des cabines téléphoniques… La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et à lui seul. J’invite nos collègues souhaitant poursuivre leurs conversations à le faire en dehors de l’hémicycle.. J’hésite à prendre la parole dans ce qui s’apparente à la primaire du parti Les Républicains. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Nous aussi ! Il est contre les primaires ! Chez nous, les candidats sont élus ! Je me pose la question : à quel titre dois-je m’interposer ?
L’Assemblée nationale examine, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LR, la proposition de loi déposée par le président Marleix.
Vous voulez créer une juridiction administrative spécialisée, compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur les mesures administratives d’expulsion prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette juridiction serait composée de membres du Conseil d’État désignés par son vice-président et serait dénommée la Cour de sûreté de la République. Rien que ça. Rien que ça ! Je reviendrai dans un instant sur cet intitulé. Nous avons repris votre style pompeux ! Mieux vaut un style pompeux qu’un style pompant… Je voudrais revenir sur les raisons présidant à la création d’une telle juridiction. Les motifs de la proposition de loi nous l’indiquent : permettre l’expulsion plus rapide de personnes étrangères ayant pris part à des actions terroristes ou les ayant encouragées de manière quelconque. Monsieur Schellenberger, qu’en des termes choisis et sobres ces choses-là sont dites, n’est-ce pas ? C’est notre usage. Selon vous, le recours à la procédure d’expulsion serait tombé en désuétude et les raisons de cette désaffection des pouvoirs publics seraient – je n’invente rien – à chercher du côté des juridictions, que vous accusez de « se laisser distraire de l’essentiel » parce qu’elles ont, parfois, donné tort à l’État. Quelle solution proposez-vous ? Dessaisir les juridictions de droit commun… Les juridictions administratives. …au profit de cette nouvelle Cour de sûreté de la République.
La création de cette juridiction suscite beaucoup d’interrogations, pour ne pas dire plus. Un mot, tout d’abord, sur l’intitulé de cette proposition de loi « portant création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants ». Le mot « délinquant » traduit une compréhension restrictive de la procédure d’expulsion des étrangers ; c’est assez surprenant et même à rebours de l’effet recherché. En effet, la procédure d’expulsion s’applique à toute personne constituant « une menace grave pour l’ordre public ». Dans les textes existants, que vous voulez déconstruire, il ne s’agit pas seulement d’expulser des condamnés, mais d’expulser toute personne dont le comportement crée un danger pour la société. Vous êtes plus restrictifs que les textes s’appliquant déjà !
Ensuite, le nom de cette juridiction me paraît très mal choisi – pardonnez-moi de vous le dire avec autant de liberté. Il renvoie, dans l’esprit de chacun, à la Cour de sûreté de l’État – beau souvenir ! –, juridiction d’exception chargée de réprimer les infractions politiques dans le contexte particulier de 1963, notamment les crimes perpétrés par l’OAS – Organisation armée secrète –, tant aimée par le doyen de l’Assemblée, membre du Front national. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Cette inspiration, qu’elle soit volontaire ou non, paraît tout à la fois inadaptée et anachronique, pour ne pas dire plus encore. Vous êtes ignoble ! Quand on vous voit passer de l’île d’Yeu à Colombey-les-Deux-Églises, on est en droit de se poser des questions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) C’est honteux ! Ce qui est honteux, ce sont les propos du doyen de l’Assemblée, qui est issu de vos rangs ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) C’est faux ! En outre, tant les motifs de cette proposition de loi que la dénomination de cette juridiction, qui est loin d’être neutre, ne manqueraient pas de jeter le doute sur sa capacité à respecter l’état de droit. Je n’ai aucun doute sur l’impartialité objective dont feraient preuve ses membres. Mais vous le savez : en la matière, les apparences comptent autant que la réalité. Il ne suffit pas qu’une juridiction soit impartiale, il faut également qu’elle présente toutes les apparences de l’impartialité.
Par ailleurs, le choix d’une juridiction statuant en premier et dernier ressort ne me paraît pas le plus indiqué. De l’appel, le professeur René Chapus disait qu’il est « intimement lié à la considération ou à la conviction qu’un litige doit pouvoir être jugé deux fois ». Pour quelle raison ? Parce que le second jugement – en citant toujours René Chapus – sera le fait « de magistrats normalement plus expérimentés et dont, de toute façon, on peut attendre qu’ils jugent mieux ». Le double degré de juridiction n’est pas seulement une garantie pour les parties au procès et, en l’occurrence, pour l’État aussi, car il vise à garantir que l’affaire sera bien et complètement jugée. En cela, la voie de l’appel ne profite pas seulement à la personne qui en fait l’objet ; elle profite tout autant à l’administration lorsque celle-ci n’a pas obtenu gain de cause devant les premiers juges.
Mais il est des contentieux où la voie de l’appel est particulièrement utile : il s’agit des affaires où les appréciations sont les plus délicates, les hésitations les plus lourdes, les données de fait les plus complexes. Dans ces affaires, un double regard, en premier ressort puis en appel, est précieux : les juges d’appel, par le prisme du premier jugement, ont souvent un regard plus aiguisé, « parce que l’instruction devant les premiers juges a décanté et éclairé les données de l’affaire » – encore les mots de René Chapus. Le contentieux de l’expulsion est au nombre de ceux-ci : en cette matière, l’appréciation de la dangerosité de la personne et celle de la proportionnalité de la mesure avec le droit au respect de sa vie privée et familiale, conventionnellement garanti, sont souvent complexes. Le bénéfice d’un deuxième regard est une évidence.
Enfin, la compétence nationale de cette juridiction me paraît poser problème. Ah ! Vous faites le choix d’une juridiction à compétence nationale, composée uniquement de membres du Conseil d’État, pour un contentieux de masse, qui concerne des personnes installées sur l’ensemble du territoire.
Ce choix me paraît aller à rebours de l’objectif d’efficacité assigné à cette proposition de loi : l’efficacité commande au contraire de rapprocher autant que possible le jugement de l’affaire de l’auteur de la décision attaquée, généralement le préfet, et de la personne intéressée. Tellement efficace ! À la lecture du texte proposé pour l’article L. 132-2, un tel choix paraît encore plus inadéquat puisque cette Cour de sûreté de la République serait chargée de statuer sur les référés d’urgence, pour lesquels des délais d’enrôlement extrêmement brefs sont observés.
Plus généralement, je ne partage pas votre constat. Je relève en effet que l’ensemble de votre propos est fondé sur une appréciation erronée de la situation. Vous estimez que la France ne prononce chaque année qu’une centaine de mesures d’expulsion, révélant ce que vous appelez un « renoncement ». Rien n’est plus inexact. Le Gouvernement est, de longue date, pleinement engagé sur le sujet. Très peu de résultats, monsieur le ministre ! Le 29 septembre 2020, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a adressé aux préfets une instruction afin de leur demander d’appliquer systématiquement cette procédure, dès lors que les faits le permettent. Cet été, des résultats concrets ont été annoncés : en deux ans, 2 751 étrangers ont été expulsés de notre sol pour des motifs d’ordre public.
En premier lieu, concernant la procédure d’expulsion, je rappelle que la commission d’expulsion doit se prononcer dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois et que sa consultation n’est pas obligatoire en cas d’urgence absolue. En deuxième lieu, le recours en annulation qui peut être exercé devant les juridictions administratives n’est pas suspensif. J’insiste sur ce point : la procédure juridictionnelle n’a donc aucune incidence sur le caractère exécutoire de la décision d’expulsion.
La clé de votre analyse réside sans doute dans l’allégation selon laquelle les juridictions de droit commun se laisseraient « distraire de l’essentiel » lorsqu’elles ont le tort, selon vous, de prononcer une annulation. Permettez-moi de rappeler une règle simple : comme il le fait pour toutes les décisions administratives, le juge administratif contrôle le respect par l’administration des règles de légalité externe ainsi que de légalité interne. Il n’est pas acceptable, au prétexte que vous désapprouvez certaines décisions, de jeter le discrédit sur l’ensemble des juridictions administratives et des magistrats qui les composent. Je veux d’ailleurs leur rendre un hommage appuyé. Nous ne jetons le discrédit que sur le Gouvernement ! Ah, que vous critiquiez le Gouvernement, rien n’est plus normal dans une démocratie ! En revanche, en ma qualité de garde des sceaux, le fait que vous critiquiez les magistrats me choque considérablement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Non, non ! Distorsion de la réalité ! Monsieur Marleix, vous n’êtes pas obligé de vous joindre à moi ; en ce qui me concerne, je veux leur rendre un hommage appuyé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
En matière d’expulsion, l’enjeu du litige se situe très souvent sur le terrain de la vie privée et familiale de l’intéressé. Or celle-ci, que vous le vouliez ou non, est protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Et c’est heureux ! Vous avez dit que vous alliez changer le droit ! Les juridictions sont donc tenues de donner à ce droit une portée effective, dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de celle du Conseil d’État. Il n’en demeure pas moins que les juridictions du fond exercent un contrôle particulièrement exigeant. À chaque fois, elles confrontent l’intégration dans la société française dont se prévaut l’individu avec la gravité des risques que son comportement présente. Cette mise en balance est rigoureuse, exigeante, et sans aucune complaisance. J’insiste sur ce point. Au motif que certaines décisions ne vous plaisent pas, vous dites que les magistrats ne sont pas au rendez-vous de leurs devoirs et que vous souhaitez modifier les juridictions. Voilà exactement l’enjeu de la proposition de loi que vous avez déposée.
Vous prenez l’exemple de l’affaire de l’imam Iquioussen, dans laquelle le juge des référés avait, en première instance, suspendu l’exécution de la mesure d’expulsion. Dans cette affaire que, bien entendu, je ne commenterai pas, vous noterez que pour infirmer l’ordonnance rendue en première instance, le Conseil d’État a explicitement fait référence, dans sa décision, à des éléments nouveaux produits en appel. Les premiers juges étaient tout simplement moins bien informés. Eh oui ! À elle seule, cette décision nous rappelle qu’il est impérieux de conserver un double regard et, donc, un double degré de juridiction. (Mme Caroline Yadan applaudit.)
Contrairement à ce que vous soutenez, rien ne permet d’affirmer qu’il y aurait un dysfonctionnement des voies de recours ouvertes devant le juge administratif. Au contraire, même. Ainsi, celles-ci ont permis au Conseil d’État de se prononcer dans un très bref délai. Je tiens à souligner que, chaque année, la juridiction administrative statue sur quelques centaines de recours formés contre des arrêtés d’expulsion sans que ces affaires suscitent une quelconque polémique. Rapporté à l’activité globale des juridictions administratives – 240 000 affaires ont été enregistrées par les tribunaux administratifs, 34 000 par les cours administratives d’appel, 11 000 par le Conseil d’État –, le contentieux de l’expulsion représente un très petit nombre d’affaires : environ 500 affaires ont été enregistrées par les tribunaux administratifs, une centaine devant les cours administratives d’appel, une cinquantaine devant le Conseil d’État.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à la création d’une Cour de sûreté de la République qui rappelle des souvenirs d’un autre temps et ne résout strictement aucun problème. Cette proposition de loi relève de l’affichage, de l’annonce. C’est un expert qui parle ! Quant aux questions migratoires, qui sont au cœur des préoccupations du Gouvernement, Gérald Darmanin, représenté aujourd’hui par ma collègue et amie Dominique Faure, a annoncé un projet de loi en la matière. Conformément au souhait de la Première ministre, l’examen de ce projet de loi sera précédé d’un débat devant les deux chambres, en vertu de l’article 50-1 de notre Constitution.
Mesdames, messieurs les députés, je vous renvoie donc à ce débat qui aura lieu mardi prochain – « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » –, afin de construire ensemble des solutions concrètes et efficaces qui tiennent la route juridiquement, car malheureusement ce n’est pas le cas de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Vous prenez beaucoup de temps sur notre niche !
La réalité de la situation migratoire de notre pays est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Ils voient la réalité, lucidement, et elle suscite chez eux une extraordinaire inquiétude.
Que voient nos concitoyens, et que voyons-nous, mes chers collègues ? Une immigration massive, qu’elle soit régulière ou irrégulière, qui ne cesse de croître. Chaque année, plus de 400 000 titres de séjour en moyenne sont octroyés à des ressortissants étrangers, au titre du séjour ou de la demande d’asile. Cela signifie que pendant le premier quinquennat de M. Macron, 2 millions d’étrangers sont entrés sur le territoire national de manière régulière.
Que voient nos concitoyens ? Ils voient également la hausse de l’immigration illégale, quasiment hors de contrôle désormais. Malheureusement, l’arrivée de l’ Ocean Viking à Toulon symbolise avec éclat ce laxisme migratoire. Or, en matière de population clandestine, l’équivalent de l’ Ocean Viking arrive chaque jour à Menton, dans le département des Alpes-Maritimes, que comme moi vous connaissez bien, monsieur le garde des sceaux. Chaque jour, la police aux frontières y interpelle en moyenne 150 immigrés en situation irrégulière. Parmi ces clandestins, près d’un tiers sont de nationalité tunisienne : nous sommes bien loin de la fable que l’on entend réciter en permanence, selon laquelle les étrangers en situation irrégulière arriveraient tous de zones de conflit ou de pays où leur vie est menacée.
Que voient les Français ? Ils constatent que malgré cette situation, il n’y a quasiment pas d’éloignement ni d’expulsion. Les taux de reconduite à la frontière sont ridiculement faibles. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur lui-même, à peine 5,7 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF), soit 62 000, avaient été exécutées au premier semestre 2021. Ce laxisme est ridicule.
Que voient nos concitoyens ? Ils voient le lien statistique évident, objectif, documenté, entre l’immigration et la délinquance. Ce n’est pas nous qui établissons ce lien, mais le service statistique du ministère de l’intérieur. Les chiffres sont incontestables, et d’ailleurs incontestés. Certains de vos amis ou anciens amis, monsieur le garde des sceaux, commencent à ouvrir les yeux. C’est le cas du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, qui déclarait à raison il y a quelques jours encore qu’il serait idiot de nier qu’une part importante de la délinquance est le fait de personnes immigrées. C’est le cas d’un de ses illustres prédécesseurs, Gérard Collomb, père fondateur du macronisme, touché par la lumière au dénouement de sa carrière politique :… Eh oui ! Excellent ! …il a osé dénoncer publiquement l’irresponsabilité qui a présidé à l’accueil de l’ Ocean Viking , et sa dangerosité. Naturellement, il a raison. C’est encore le cas de l’ancien préfet de police Didier Lallement, qui dans son livre déclare qu’une partie des étrangers primo-arrivants s’intègrent d’abord par la délinquance. Cette phrase terrifiante, qui signe l’échec de toute une politique migratoire, devrait susciter la mobilisation sur tous les bancs. C’est enfin le cas de celui qui vous réunit dans cette partie de l’hémicycle, le Président de la République lui-même, dont la parole devrait vous guider. Il déclarait encore récemment dans une interview télévisée qu’à Paris, « la moitié des faits de délinquance qu’on observe viennent de personnes qui sont des étrangers ». Il n’en tire pourtant aucune conclusion.
Voilà pourquoi nous voulons faciliter l’expulsion des étrangers qui menacent la France et les Français, grâce à la création d’une Cour de sûreté de la République permettant de faciliter les expulsions et de lever les innombrables obstacles procéduraux qui brisent l’élan et la volonté de la nation de faire respecter le droit. Cette proposition de loi a été défendue en son temps par le président du groupe Les Républicains Olivier Marleix.
Nous voulons stopper l’immigration clandestine et nous voulons nous donner tous les moyens pour ce faire. Tous les clandestins ont vocation à être placés en centre de rétention avant leur expulsion : c’est le seul moyen de faciliter les éloignements. J’ai fait adopter en ce sens, avec l’approbation du Gouvernement,… Une faiblesse ! …un amendement permettant de porter à 3 000 le nombre de places dans les centres de rétention.
Nous voulons protéger les Français. C’est pourquoi, au moyen de la proposition de loi défendue par Mansour Kamardine, nous voulions rétablir la double peine : la prison, puis l’expulsion, ou l’inverse si la peine peut être exécutée dans le pays d’origine.
La présente proposition de loi vise donc à faciliter l’expulsion de tous les étrangers qui constituent une menace grave pour l’ordre public, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. Pour cela, nous voulons améliorer le cadre procédural de la décision d’expulsion, qui est trop peu utilisé. En 2021, il y a eu à peine 344 décisions d’expulsion au motif de la menace pour l’ordre public ; en 2020, il y en a eu 246,… Une bonne année ! …dont seulement 124 ont été exécutées. Ah ! Je me disais, aussi… En résumé, il y a peu de décisions et une très mauvaise exécution : tout le monde entre en France comme il le veut, attiré par un modèle social très généreux, et plus personne n’est expulsé. Bien sûr ! Ces décisions donnent très souvent lieu à des recours ; plusieurs années sont généralement nécessaires pour qu’une décision soit rendue exécutoire. Or la multiplicité des juridictions compétentes ne favorise pas l’homogénéisation indispensable de la jurisprudence. Nous en avons eu un triste et ridicule exemple avec l’affaire de l’imam Iquioussen. Il va bien, il m’a envoyé une carte postale ! L’arrêté ministériel d’expulsion a été suspendu par le tribunal administratif dans le cadre d’un référé liberté. Certes, cette décision a ensuite été annulée par le Conseil d’État ; entre-temps, l’imam a fui en Belgique. Eh oui ! Il n’est donc plus en France ! Il est regrettable que la République n’ait pas eu le dernier mot dans cette sorte de tragi-comédie. Nous avons besoin, plus que jamais, d’une juridiction spécialisée pour traiter efficacement ces recours. La proposition de loi vise justement à créer la Cour de sûreté de la République, juridiction administrative spécialisée dans le contentieux des décisions d’expulsion pour motif d’ordre public. Elle ne concernerait pas le fond du droit, elle est procédurale – nous en reparlerons. Cette simplification est très importante : en créant une juridiction spécialisée, nous favorisons l’harmonisation de la jurisprudence ainsi qu’un traitement rapide des procédures. C’est du bon sens, monsieur le garde des sceaux ! Mais non ! Nous vous invitons à faire preuve de bon sens ! Cela vous manque tellement ! Il faut arrêter de parler et agir : nous avons besoin de bon sens et d’action. Ne perdez pas votre temps ! La France doit retrouver sa pleine capacité à décider qui elle veut accueillir sur son territoire. Cette proposition de loi y contribue ; c’est pourquoi j’espère qu’elle fera consensus dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est bien parti pour, c’est comme si c’était voté ! Quel beau congrès des Républicains nous avons là ! Ça vous embête, monsieur Balanant ? Oh ! Dès qu’on est plus drôle que Maxime Minot, ils sont jaloux ! C’est vraiment d’un niveau… Venant d’un parti qui organise ses congrès dans des cabines téléphoniques… La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et à lui seul. J’invite nos collègues souhaitant poursuivre leurs conversations à le faire en dehors de l’hémicycle.. J’hésite à prendre la parole dans ce qui s’apparente à la primaire du parti Les Républicains. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Nous aussi ! Il est contre les primaires ! Chez nous, les candidats sont élus ! Je me pose la question : à quel titre dois-je m’interposer ?
L’Assemblée nationale examine, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LR, la proposition de loi déposée par le président Marleix.
Vous voulez créer une juridiction administrative spécialisée, compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur les mesures administratives d’expulsion prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette juridiction serait composée de membres du Conseil d’État désignés par son vice-président et serait dénommée la Cour de sûreté de la République. Rien que ça. Rien que ça ! Je reviendrai dans un instant sur cet intitulé. Nous avons repris votre style pompeux ! Mieux vaut un style pompeux qu’un style pompant… Je voudrais revenir sur les raisons présidant à la création d’une telle juridiction. Les motifs de la proposition de loi nous l’indiquent : permettre l’expulsion plus rapide de personnes étrangères ayant pris part à des actions terroristes ou les ayant encouragées de manière quelconque. Monsieur Schellenberger, qu’en des termes choisis et sobres ces choses-là sont dites, n’est-ce pas ? C’est notre usage. Selon vous, le recours à la procédure d’expulsion serait tombé en désuétude et les raisons de cette désaffection des pouvoirs publics seraient – je n’invente rien – à chercher du côté des juridictions, que vous accusez de « se laisser distraire de l’essentiel » parce qu’elles ont, parfois, donné tort à l’État. Quelle solution proposez-vous ? Dessaisir les juridictions de droit commun… Les juridictions administratives. …au profit de cette nouvelle Cour de sûreté de la République.
La création de cette juridiction suscite beaucoup d’interrogations, pour ne pas dire plus. Un mot, tout d’abord, sur l’intitulé de cette proposition de loi « portant création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants ». Le mot « délinquant » traduit une compréhension restrictive de la procédure d’expulsion des étrangers ; c’est assez surprenant et même à rebours de l’effet recherché. En effet, la procédure d’expulsion s’applique à toute personne constituant « une menace grave pour l’ordre public ». Dans les textes existants, que vous voulez déconstruire, il ne s’agit pas seulement d’expulser des condamnés, mais d’expulser toute personne dont le comportement crée un danger pour la société. Vous êtes plus restrictifs que les textes s’appliquant déjà !
Ensuite, le nom de cette juridiction me paraît très mal choisi – pardonnez-moi de vous le dire avec autant de liberté. Il renvoie, dans l’esprit de chacun, à la Cour de sûreté de l’État – beau souvenir ! –, juridiction d’exception chargée de réprimer les infractions politiques dans le contexte particulier de 1963, notamment les crimes perpétrés par l’OAS – Organisation armée secrète –, tant aimée par le doyen de l’Assemblée, membre du Front national. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Cette inspiration, qu’elle soit volontaire ou non, paraît tout à la fois inadaptée et anachronique, pour ne pas dire plus encore. Vous êtes ignoble ! Quand on vous voit passer de l’île d’Yeu à Colombey-les-Deux-Églises, on est en droit de se poser des questions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) C’est honteux ! Ce qui est honteux, ce sont les propos du doyen de l’Assemblée, qui est issu de vos rangs ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) C’est faux ! En outre, tant les motifs de cette proposition de loi que la dénomination de cette juridiction, qui est loin d’être neutre, ne manqueraient pas de jeter le doute sur sa capacité à respecter l’état de droit. Je n’ai aucun doute sur l’impartialité objective dont feraient preuve ses membres. Mais vous le savez : en la matière, les apparences comptent autant que la réalité. Il ne suffit pas qu’une juridiction soit impartiale, il faut également qu’elle présente toutes les apparences de l’impartialité.
Par ailleurs, le choix d’une juridiction statuant en premier et dernier ressort ne me paraît pas le plus indiqué. De l’appel, le professeur René Chapus disait qu’il est « intimement lié à la considération ou à la conviction qu’un litige doit pouvoir être jugé deux fois ». Pour quelle raison ? Parce que le second jugement – en citant toujours René Chapus – sera le fait « de magistrats normalement plus expérimentés et dont, de toute façon, on peut attendre qu’ils jugent mieux ». Le double degré de juridiction n’est pas seulement une garantie pour les parties au procès et, en l’occurrence, pour l’État aussi, car il vise à garantir que l’affaire sera bien et complètement jugée. En cela, la voie de l’appel ne profite pas seulement à la personne qui en fait l’objet ; elle profite tout autant à l’administration lorsque celle-ci n’a pas obtenu gain de cause devant les premiers juges.
Mais il est des contentieux où la voie de l’appel est particulièrement utile : il s’agit des affaires où les appréciations sont les plus délicates, les hésitations les plus lourdes, les données de fait les plus complexes. Dans ces affaires, un double regard, en premier ressort puis en appel, est précieux : les juges d’appel, par le prisme du premier jugement, ont souvent un regard plus aiguisé, « parce que l’instruction devant les premiers juges a décanté et éclairé les données de l’affaire » – encore les mots de René Chapus. Le contentieux de l’expulsion est au nombre de ceux-ci : en cette matière, l’appréciation de la dangerosité de la personne et celle de la proportionnalité de la mesure avec le droit au respect de sa vie privée et familiale, conventionnellement garanti, sont souvent complexes. Le bénéfice d’un deuxième regard est une évidence.
Enfin, la compétence nationale de cette juridiction me paraît poser problème. Ah ! Vous faites le choix d’une juridiction à compétence nationale, composée uniquement de membres du Conseil d’État, pour un contentieux de masse, qui concerne des personnes installées sur l’ensemble du territoire.
Ce choix me paraît aller à rebours de l’objectif d’efficacité assigné à cette proposition de loi : l’efficacité commande au contraire de rapprocher autant que possible le jugement de l’affaire de l’auteur de la décision attaquée, généralement le préfet, et de la personne intéressée. Tellement efficace ! À la lecture du texte proposé pour l’article L. 132-2, un tel choix paraît encore plus inadéquat puisque cette Cour de sûreté de la République serait chargée de statuer sur les référés d’urgence, pour lesquels des délais d’enrôlement extrêmement brefs sont observés.
Plus généralement, je ne partage pas votre constat. Je relève en effet que l’ensemble de votre propos est fondé sur une appréciation erronée de la situation. Vous estimez que la France ne prononce chaque année qu’une centaine de mesures d’expulsion, révélant ce que vous appelez un « renoncement ». Rien n’est plus inexact. Le Gouvernement est, de longue date, pleinement engagé sur le sujet. Très peu de résultats, monsieur le ministre ! Le 29 septembre 2020, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a adressé aux préfets une instruction afin de leur demander d’appliquer systématiquement cette procédure, dès lors que les faits le permettent. Cet été, des résultats concrets ont été annoncés : en deux ans, 2 751 étrangers ont été expulsés de notre sol pour des motifs d’ordre public.
En premier lieu, concernant la procédure d’expulsion, je rappelle que la commission d’expulsion doit se prononcer dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois et que sa consultation n’est pas obligatoire en cas d’urgence absolue. En deuxième lieu, le recours en annulation qui peut être exercé devant les juridictions administratives n’est pas suspensif. J’insiste sur ce point : la procédure juridictionnelle n’a donc aucune incidence sur le caractère exécutoire de la décision d’expulsion.
La clé de votre analyse réside sans doute dans l’allégation selon laquelle les juridictions de droit commun se laisseraient « distraire de l’essentiel » lorsqu’elles ont le tort, selon vous, de prononcer une annulation. Permettez-moi de rappeler une règle simple : comme il le fait pour toutes les décisions administratives, le juge administratif contrôle le respect par l’administration des règles de légalité externe ainsi que de légalité interne. Il n’est pas acceptable, au prétexte que vous désapprouvez certaines décisions, de jeter le discrédit sur l’ensemble des juridictions administratives et des magistrats qui les composent. Je veux d’ailleurs leur rendre un hommage appuyé. Nous ne jetons le discrédit que sur le Gouvernement ! Ah, que vous critiquiez le Gouvernement, rien n’est plus normal dans une démocratie ! En revanche, en ma qualité de garde des sceaux, le fait que vous critiquiez les magistrats me choque considérablement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Non, non ! Distorsion de la réalité ! Monsieur Marleix, vous n’êtes pas obligé de vous joindre à moi ; en ce qui me concerne, je veux leur rendre un hommage appuyé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
En matière d’expulsion, l’enjeu du litige se situe très souvent sur le terrain de la vie privée et familiale de l’intéressé. Or celle-ci, que vous le vouliez ou non, est protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Et c’est heureux ! Vous avez dit que vous alliez changer le droit ! Les juridictions sont donc tenues de donner à ce droit une portée effective, dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de celle du Conseil d’État. Il n’en demeure pas moins que les juridictions du fond exercent un contrôle particulièrement exigeant. À chaque fois, elles confrontent l’intégration dans la société française dont se prévaut l’individu avec la gravité des risques que son comportement présente. Cette mise en balance est rigoureuse, exigeante, et sans aucune complaisance. J’insiste sur ce point. Au motif que certaines décisions ne vous plaisent pas, vous dites que les magistrats ne sont pas au rendez-vous de leurs devoirs et que vous souhaitez modifier les juridictions. Voilà exactement l’enjeu de la proposition de loi que vous avez déposée.
Vous prenez l’exemple de l’affaire de l’imam Iquioussen, dans laquelle le juge des référés avait, en première instance, suspendu l’exécution de la mesure d’expulsion. Dans cette affaire que, bien entendu, je ne commenterai pas, vous noterez que pour infirmer l’ordonnance rendue en première instance, le Conseil d’État a explicitement fait référence, dans sa décision, à des éléments nouveaux produits en appel. Les premiers juges étaient tout simplement moins bien informés. Eh oui ! À elle seule, cette décision nous rappelle qu’il est impérieux de conserver un double regard et, donc, un double degré de juridiction. (Mme Caroline Yadan applaudit.)
Contrairement à ce que vous soutenez, rien ne permet d’affirmer qu’il y aurait un dysfonctionnement des voies de recours ouvertes devant le juge administratif. Au contraire, même. Ainsi, celles-ci ont permis au Conseil d’État de se prononcer dans un très bref délai. Je tiens à souligner que, chaque année, la juridiction administrative statue sur quelques centaines de recours formés contre des arrêtés d’expulsion sans que ces affaires suscitent une quelconque polémique. Rapporté à l’activité globale des juridictions administratives – 240 000 affaires ont été enregistrées par les tribunaux administratifs, 34 000 par les cours administratives d’appel, 11 000 par le Conseil d’État –, le contentieux de l’expulsion représente un très petit nombre d’affaires : environ 500 affaires ont été enregistrées par les tribunaux administratifs, une centaine devant les cours administratives d’appel, une cinquantaine devant le Conseil d’État.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à la création d’une Cour de sûreté de la République qui rappelle des souvenirs d’un autre temps et ne résout strictement aucun problème. Cette proposition de loi relève de l’affichage, de l’annonce. C’est un expert qui parle ! Quant aux questions migratoires, qui sont au cœur des préoccupations du Gouvernement, Gérald Darmanin, représenté aujourd’hui par ma collègue et amie Dominique Faure, a annoncé un projet de loi en la matière. Conformément au souhait de la Première ministre, l’examen de ce projet de loi sera précédé d’un débat devant les deux chambres, en vertu de l’article 50-1 de notre Constitution.
Mesdames, messieurs les députés, je vous renvoie donc à ce débat qui aura lieu mardi prochain – « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » –, afin de construire ensemble des solutions concrètes et efficaces qui tiennent la route juridiquement, car malheureusement ce n’est pas le cas de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Vous prenez beaucoup de temps sur notre niche !
La parole est à M. José Gonzalez, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3. Monsieur le garde des sceaux, je suis vraiment chagriné par l’attention particulière que vous me portez. Je vous invite à écouter scrupuleusement mon discours, cela vous évitera de vous tromper ou bien de mentir devant les Français. Maintenant que vous souriez, vous êtes sympathique ; tout à l’heure, ce n’était pas le cas.
Je n’ai jamais parlé de l’OAS, pas plus que des porteurs de valise, d’ailleurs. Soit vous vous êtes trompé, soit vous avez menti devant l’assemblée des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Je n’ai jamais parlé de l’OAS, pas plus que des porteurs de valise, d’ailleurs. Soit vous vous êtes trompé, soit vous avez menti devant l’assemblée des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
J’ai l’honneur de représenter M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer,…
Merci !
…que vous savez particulièrement investi sur le sujet qui fait l’objet de la proposition de loi examinée aujourd’hui.
L’Assemblée vient tout juste de rejeter la proposition de loi visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public, déposée par le groupe Les Républicains. Et c’est bien dommage ! Oui, mais c’est la démocratie. Vous nous proposez désormais la création d’une juridiction spécialisée pour l’expulsion des étrangers délinquants. Cette proposition relève à titre principal de la compétence du garde des sceaux.
Nous l’avons déjà dit, une mesure d’expulsion permet à l’État d’ordonner à un étranger présentant une menace pour l’ordre public de quitter le territoire français, y compris lorsqu’il se trouve en situation régulière en France. Cette mesure, qui est un outil précieux de notre droit, constitue un pilier de l’action résolue du ministère et du ministre de l’intérieur et des outre-mer visant à la préservation de l’ordre public.
En 2021, le ministre de l’intérieur et des outre-mer et les préfets ont prononcé 454 mesures d’expulsion contre 200 à 250 au cours des années antérieures. Ces mesures concernent les individus les plus dangereux – terroristes, personnes radicalisées ou condamnées pour des faits graves. Le chiffre doit être mis en regard avec celui des OQTF, dont 11 630 mesures ont été exécutées en 2021, soit plus que chez nos partenaires européens – on note même une augmentation de 20 % en 2022. Ce ne sont pas les chiffres du ministre ! Au nom du ministre de l’intérieur et des outre-mer, je tiens à indiquer que nous n’ignorons pas les progrès qu’il nous reste à accomplir en matière d’exécution des mesures d’expulsion. Votre proposition de loi aborde un sujet crucial pour les Français qui mérite d’être examiné de manière globale. À la demande du Président de la République, le Gouvernement prépare un projet de loi sur l’asile et l’immigration – je vous l’ai déjà dit –, qui fera l’objet d’un large débat préalable à l’Assemblée la semaine prochaine, le 6 décembre. Mais aujourd’hui, c’est notre niche ! Pour la troisième fois de la journée, je m’étonne, à quelques jours de ce grand débat annoncé il y a déjà deux mois, que vous ayez inscrit à votre ordre du jour réservé une deuxième proposition de loi relative à l’expulsion des étrangers délinquants. Où est l’urgence ? Sommes-nous à six jours près ? Non, mais peut-être un congrès se profile-t-il au tout début du mois de décembre ? Ça s’appelle l’initiative parlementaire ! Vous verrez quand vous serez élue ! C’est donc avec la volonté de préparer le débat de la semaine prochaine que nous abordons l’examen de votre proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
L’Assemblée vient tout juste de rejeter la proposition de loi visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public, déposée par le groupe Les Républicains. Et c’est bien dommage ! Oui, mais c’est la démocratie. Vous nous proposez désormais la création d’une juridiction spécialisée pour l’expulsion des étrangers délinquants. Cette proposition relève à titre principal de la compétence du garde des sceaux.
Nous l’avons déjà dit, une mesure d’expulsion permet à l’État d’ordonner à un étranger présentant une menace pour l’ordre public de quitter le territoire français, y compris lorsqu’il se trouve en situation régulière en France. Cette mesure, qui est un outil précieux de notre droit, constitue un pilier de l’action résolue du ministère et du ministre de l’intérieur et des outre-mer visant à la préservation de l’ordre public.
En 2021, le ministre de l’intérieur et des outre-mer et les préfets ont prononcé 454 mesures d’expulsion contre 200 à 250 au cours des années antérieures. Ces mesures concernent les individus les plus dangereux – terroristes, personnes radicalisées ou condamnées pour des faits graves. Le chiffre doit être mis en regard avec celui des OQTF, dont 11 630 mesures ont été exécutées en 2021, soit plus que chez nos partenaires européens – on note même une augmentation de 20 % en 2022. Ce ne sont pas les chiffres du ministre ! Au nom du ministre de l’intérieur et des outre-mer, je tiens à indiquer que nous n’ignorons pas les progrès qu’il nous reste à accomplir en matière d’exécution des mesures d’expulsion. Votre proposition de loi aborde un sujet crucial pour les Français qui mérite d’être examiné de manière globale. À la demande du Président de la République, le Gouvernement prépare un projet de loi sur l’asile et l’immigration – je vous l’ai déjà dit –, qui fera l’objet d’un large débat préalable à l’Assemblée la semaine prochaine, le 6 décembre. Mais aujourd’hui, c’est notre niche ! Pour la troisième fois de la journée, je m’étonne, à quelques jours de ce grand débat annoncé il y a déjà deux mois, que vous ayez inscrit à votre ordre du jour réservé une deuxième proposition de loi relative à l’expulsion des étrangers délinquants. Où est l’urgence ? Sommes-nous à six jours près ? Non, mais peut-être un congrès se profile-t-il au tout début du mois de décembre ? Ça s’appelle l’initiative parlementaire ! Vous verrez quand vous serez élue ! C’est donc avec la volonté de préparer le débat de la semaine prochaine que nous abordons l’examen de votre proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Marleix.
Monsieur le ministre, vous étiez plus convaincant dans vos rôles d’acteur ou d’avocat que lorsque vous défendez un système juridictionnel kafkaïen qui ne fonctionne pas.
C’est vrai !
En effet, si l’on s’en tient aux chiffres donnés par votre collègue, seule une centaine de mesures d’expulsion sont exécutées chaque année.
C’est pas lourd !
Rappelons quelques chiffres – nous les répétons depuis ce matin : 25 % des détenus dans nos prisons sont des étrangers et la moitié de la délinquance générale à Paris est commise par des étrangers. Or seule une centaine d’étrangers délinquants sont expulsés chaque année contre 5 000 dans les années soixante-dix.
Eh oui, ça montre bien qu’il y a un problème !
Monsieur le garde des sceaux, tel est le système que vous venez de défendre !
Nous sommes parvenus à cette piteuse situation car la France – essayons de regarder les choses en face, sans passion – a elle-même organisé son impuissance.
Rappelons que la même procédure s’applique pour expulser un étranger qui constitue une menace terroriste ou un étranger qui a déjà commis des délits. Lors de la première étape, la personne sera convoquée devant une commission d’expulsion préfectorale. Il suffit que la personne dise qu’elle est souffrante ou qu’elle n’est pas disponible pour demander le report de l’audition. Ensuite, si elle est entendue par la commission, celle-ci vérifie que la personne peut être expulsée, notamment eu égard aux protections dont elle peut bénéficier. Alors seulement, le préfet pourra prendre un arrêté pour décider son éloignement.
C’est là que commence la folie des recours. Le premier est formé devant le tribunal administratif, lequel va se prononcer entre deux dossiers de contentieux de droit de l’urbanisme ou de toute autre matière. Si l’arrêté d’expulsion n’est pas cassé à ce stade, la personne concernée pourra saisir la cour administrative d’appel. Et, quelques mois plus tard – quelques semaines plus tard dans le meilleur des cas –, elle pourra enfin chercher à obtenir la cassation devant le Conseil d’État. Telle est la réalité, monsieur le ministre : trois niveaux de juridiction à franchir pour enfin obtenir – éventuellement – l’exécution de l’expulsion d’un étranger délinquant.
Nous avons ainsi assisté il y a quelques semaines au spectacle pitoyable d’un État incapable d’expulser un étranger menaçant l’ordre public, l’imam Iquioussen, alors même que la procédure était plus courte puisque faisant suite à un arrêté ministériel. L’imam a pu prendre la poudre d’escampette… Eh oui ! …sans que, visiblement, cela vous émeuve outre mesure, monsieur le garde des sceaux.
Une autre organisation est-elle possible, une organisation qui ne bouleverserait pas les âmes sensibles qui composent le Gouvernement ? Je vous invite, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée – même si l’âme sensible, en l’occurrence, est plutôt le garde des sceaux –, à faire un peu de droit comparé… Voyez ce qui se passe outre-Rhin ! …et à observer l’Allemagne qui, à ma connaissance, est une démocratie où l’on respecte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)… Ne faites pas de grimaces, monsieur le ministre, ça vous va mal. Je ne fais pas de grimaces, je fais des mimiques… Mimiques ou grimaces, ce n’est dans les deux cas pas très joli ni très respectueux du débat démocratique.
Nous sommes parvenus à cette piteuse situation car la France – essayons de regarder les choses en face, sans passion – a elle-même organisé son impuissance.
Rappelons que la même procédure s’applique pour expulser un étranger qui constitue une menace terroriste ou un étranger qui a déjà commis des délits. Lors de la première étape, la personne sera convoquée devant une commission d’expulsion préfectorale. Il suffit que la personne dise qu’elle est souffrante ou qu’elle n’est pas disponible pour demander le report de l’audition. Ensuite, si elle est entendue par la commission, celle-ci vérifie que la personne peut être expulsée, notamment eu égard aux protections dont elle peut bénéficier. Alors seulement, le préfet pourra prendre un arrêté pour décider son éloignement.
C’est là que commence la folie des recours. Le premier est formé devant le tribunal administratif, lequel va se prononcer entre deux dossiers de contentieux de droit de l’urbanisme ou de toute autre matière. Si l’arrêté d’expulsion n’est pas cassé à ce stade, la personne concernée pourra saisir la cour administrative d’appel. Et, quelques mois plus tard – quelques semaines plus tard dans le meilleur des cas –, elle pourra enfin chercher à obtenir la cassation devant le Conseil d’État. Telle est la réalité, monsieur le ministre : trois niveaux de juridiction à franchir pour enfin obtenir – éventuellement – l’exécution de l’expulsion d’un étranger délinquant.
Nous avons ainsi assisté il y a quelques semaines au spectacle pitoyable d’un État incapable d’expulser un étranger menaçant l’ordre public, l’imam Iquioussen, alors même que la procédure était plus courte puisque faisant suite à un arrêté ministériel. L’imam a pu prendre la poudre d’escampette… Eh oui ! …sans que, visiblement, cela vous émeuve outre mesure, monsieur le garde des sceaux.
Une autre organisation est-elle possible, une organisation qui ne bouleverserait pas les âmes sensibles qui composent le Gouvernement ? Je vous invite, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée – même si l’âme sensible, en l’occurrence, est plutôt le garde des sceaux –, à faire un peu de droit comparé… Voyez ce qui se passe outre-Rhin ! …et à observer l’Allemagne qui, à ma connaissance, est une démocratie où l’on respecte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)… Ne faites pas de grimaces, monsieur le ministre, ça vous va mal. Je ne fais pas de grimaces, je fais des mimiques… Mimiques ou grimaces, ce n’est dans les deux cas pas très joli ni très respectueux du débat démocratique.