XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du jeudi 01 décembre 2022

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Marleix, M. Julien Dive et plusieurs de leurs collègues visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus (nos 353, 515).
La parole est à M. Julien Dive, rapporteur de la commission des affaires sociales. Pas moins de 580 euros brut : voilà ce qui sépare chaque mois un agriculteur retraité d’un salarié à la retraite. Pour s’en tenir aux moyennes, le premier, avec une pension de 800 euros par mois, perçoit en un an près de 7 000 euros de moins que le second. C’est une honte ! C’est là un constat d’échec ancien, bien établi, mais d’autant plus terrible : notre système d’assurance vieillesse ne parvient pas à garantir aux agriculteurs à la retraite un niveau de vie digne. Or, parmi les facteurs expliquant la faiblesse des pensions agricoles, on relève le fait que le calcul des droits des agriculteurs se fonde sur l’ensemble de leur carrière,… Eh oui ! …tandis que ceux des salariés et indépendants sont calculés en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenus. En dépit de l’engagement réitéré de la profession, l’idée d’un alignement a été laissée, si je puis dire, en friche, repoussée de réforme des retraites en réforme des retraites. Dix ans après le dernier rapport publié à ce sujet par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), cette proposition de loi déposée par les députés du groupe Les Républicains entend remédier à une injustice qui n’a que trop duré. Il est temps ! En proposant de fonder sur leurs vingt-cinq meilleures années le calcul des pensions de retraite des agriculteurs, nous visons trois objectifs principaux.
Tout d’abord, il s’agit de limiter les effets sur les droits à pension de la forte variabilité des revenus agricoles, conséquence des fluctuations des prix, des aléas climatiques pour les récoltes, épizootiques pour les cheptels. En écartant les mauvaises années, la réforme permettrait de mettre un terme à la double peine des agriculteurs : une baisse de revenu dans l’immédiat, une baisse de la pension de retraite par la suite.
Ensuite, le passage à un calcul des retraites agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années rétablirait l’équité entre assurés sociaux : il est injuste que le bénéfice d’une règle appliquée à la quasi-totalité des retraités soit refusé aux agriculteurs, qui cumulent déjà les difficultés tout au long de leur carrière. Par rapport aux autres actifs, en effet, leur charge de travail est particulièrement lourde : neuf agriculteurs sur dix travaillent le week-end, deux sur trois ne partent pas en vacances plus de trois jours consécutifs. S’ajoute à ces conditions de travail contraignantes une situation financière souvent peu enviable au regard de celle des autres non-salariés.
Enfin, précisément, cette réforme contribuerait à rendre le métier plus attractif. À l’heure actuelle, les salariés ou indépendants qui font le choix courageux de devenir agriculteurs passent d’un régime d’assurance vieillesse où seules leurs meilleures années sont prises en compte à un régime où le montant des pensions est calculé sur l’ensemble de la carrière. L’alignement du second sur le premier constituerait donc, je le répète, un levier d’attractivité et encouragerait ces reconversions.
Eh oui ! Malgré ces objectifs louables, et dont je ne doute pas qu’ils nous rassemblent tous, la commission des affaires sociales a rejeté ce texte par dix-huit voix contre dix-huit. C’est une honte ! Mes chers collègues, il aura manqué une voix pour que la proposition de loi soit adoptée en commission, ce qui nous aurait permis d’envoyer, dès cette étape, un signal fort aux agriculteurs qui suivent nos débats. À défaut, je répondrai point par point aux arguments avancés pour justifier ce rejet.
Premièrement, le passage aux vingt-cinq meilleures années ne profiterait qu’aux agriculteurs à la carrière ascendante.
Très bonne remarque ! D’une part, la même critique pourrait être formulée à l’égard des régimes qui suivent déjà cette règle, à commencer par le régime général ; auquel cas, par souci de cohérence, il conviendrait de la supprimer pour les salariés et indépendants. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous préférons proposer de mettre fin à une situation inéquitable en alignant par le haut, non par le bas. D’autre part, il est nettement expliqué dans le rapport publié en 2012 par l’Igas que cette règle des vingt-cinq meilleures années est particulièrement bienvenue lorsque les revenus varient fortement au cours de la carrière : « Dès lors, le calcul sur les 25 meilleures années doit être lu comme un dispositif neutralisant davantage les variations de revenus », y est-il écrit en toutes lettres. Or, personne ne conteste le fait que les agriculteurs sont soumis à ces aléas bien davantage que les salariés, voire que les artisans et commerçants.
La réforme que nous proposons profitera donc également aux agriculteurs à la carrière descendante : je pense à ceux qui, âgés, s’apprêtent à passer la main, à céder leur exploitation, et dont les dernières années de travail sont souvent moins fructueuses que les précédentes. Les lois dites Chassaigne du 3 juillet 2020 et du 17 décembre 2021, adoptées sur ces bancs à l’unanimité, ont permis de revaloriser les pensions agricoles les plus modestes ;…
Très bonnes lois ! …en visant à améliorer la retraite des agriculteurs qui n’ont pas bénéficié des lois Chassaigne, notre proposition s’inscrit dans le prolongement de ces travaux, et nous l’assumons. Très bien ! Deuxièmement, le texte serait entaché d’incompétence négative, en tant qu’il renvoie à un décret les modalités d’application de la réforme. Au contraire, il s’agit là de se conformer à la répartition des compétences fixée par les articles 34 et 37 de la Constitution. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante en la matière : la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale relève de la loi, celle des modalités d’application de ces principes, je le répète, du pouvoir réglementaire, ce qui est le cas de l’essentiel des règles de droit que modifierait la réforme. L’architecture duale du régime de retraite de base des agriculteurs appartient au domaine de la loi ; son mode de calcul et son fonctionnement à points sont prévus par la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime. De même, c’est dans la partie réglementaire du code de la sécurité sociale que figure, pour le régime général, la règle de prise en compte des vingt-cinq meilleures années de revenus. Ce code n’étant a priori pas entaché d’incompétence négative, il ressort avec évidence de ce constat que la proposition de loi ne l’est pas non plus.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais je crois aux vertus pédagogiques de la répétition : nous n’entendons pas revenir sur l’architecture du régime ni sur son fonctionnement à points, non plus que nous ne souhaitons un alignement complet sur le régime général qui ferait perdre au régime des non-salariés agricoles tout caractère spécifique. Cela m’amène à répondre à la troisième et dernière objection soulevée en commission : le système des vingt-cinq meilleures années ne serait pas compatible avec un régime à points. C’est faux ; le rapport déjà cité de l’Igas rappelle que la prise en compte des seules meilleures années de carrière peut être dissociée de la technique de calcul des droits. J’aurai du reste l’occasion de revenir sur ce détail lors de la discussion des articles, puisque j’ai déposé un amendement visant à préciser la rédaction de l’article 1er, afin de dissiper toute ambiguïté relative à nos intentions. Cet amendement prend également en compte les contraintes techniques liées à l’application de la réforme par la Mutualité sociale agricole (MSA), en prévoyant son entrée en vigueur le 1er janvier 2026 – j’y reviendrai également.
Avant de conclure, je veux réaffirmer que la mesure dont nous entamons l’examen vise à corriger un régime moins-disant. Nous devons adresser un message puissant à ceux qui nous nourrissent, qui garantissent la souveraineté alimentaire de la France. Producteurs bio ou conventionnels, grands exploitants ou maraîchers, viticulteurs ou éleveurs,…
Bravo ! …ils ont droit à cette reconnaissance. Ils en ont bien besoin ! Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre hommage aux agriculteurs qui siègent dans cet hémicycle, sur tous les bancs, à commencer par mes collègues Jean-Yves Bony et Jean-Luc Bourgeaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Emmanuelle Ménard et M. André Chassaigne applaudissent également.)
Les auditions de représentants des syndicats et des acteurs de la filière ont révélé un large consensus au sujet de la nécessité de cette réforme. Quoiqu’elle ne touche en apparence qu’un simple paramètre, celle-ci requerrait des évolutions juridiques et techniques : la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) s’est dite prête à les mener à bien.
C’est le droit commun ! Ne manque donc que la volonté politique ; c’est cette volonté que le groupe Les Républicains et moi-même entendons marquer par notre proposition de loi. Parce que les raisons qui démontrent le bien-fondé de cette réforme sont nombreuses et que les obstacles ont été levés, nous vous proposons, en adoptant ce texte, de faire calculer sur la base des vingt-cinq meilleures années la retraite des non-salariés agricoles. (« Très bien ! Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.) La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Nous commençons cette journée de débats parlementaires par l’examen d’une proposition de loi relative au régime de retraite des non-salariés agricoles. En la matière, les attentes sont fortes et légitimes : après avoir consacré leur carrière à nourrir le pays, les agriculteurs retraités doivent pouvoir vivre dignement. C’est pourquoi j’ai inclus les retraites agricoles dans la concertation que je mène actuellement au sujet de la réforme des retraites. Outre les partenaires sociaux interprofessionnels représentatifs, et en quelque sorte classiques, j’ai souhaité associer la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) à toutes les discussions : nous avons naturellement abordé la question des vingt-cinq meilleures années, qui retient également l’attention du ministre de l’agriculture. Je suis convaincu qu’une meilleure prise en compte des spécificités des métiers agricoles est indispensable à la justice sociale de la réforme des retraites.
Aussi, avant d’entrer dans le détail de la proposition de loi que vient de présenter M. Dive, j’aimerais la replacer dans son contexte. Encore une fois, l’attention portée aux retraites agricoles ne date pas de cette législature ; réformes et suggestions se succèdent depuis vingt ans en vue d’améliorer la situation des intéressés et de revaloriser les petites pensions, démarches constamment soumises à l’impératif de concilier prise en compte des spécificités agricoles et convergence des régimes. Nous avons su opérer cette conciliation il y a vingt ans, en créant la retraite complémentaire des exploitants agricoles – permettez-moi d’avoir une pensée amicale pour notre ancien collègue Germinal Peiro ; il y a bientôt dix ans, en instaurant la garantie d’une pension minimale pour les chefs d’exploitation agricole, dans le cadre de la réforme conduite par Marisol Touraine ; enfin, dernièrement, par les deux lois dues au président Chassaigne, qui ont revalorisé de manière inédite les pensions des chefs d’exploitation et de leur conjoint, c’est-à-dire la plupart du temps de leur épouse.
Ces avancées nous ont enseigné que le consensus ne se décrète pas : il se construit. Beaucoup d’entre vous siégeaient déjà sur ces bancs lors de l’examen des futures lois Chassaigne : celles-ci avaient été longuement mûries dès 2016, faisant l’objet d’une concertation avec l’ensemble des syndicats agricoles, discutées avec les représentants des retraités – je pense à l’Association nationale de retraités agricoles de France (Anraf) –, élaborées avec les opérateurs, en premier lieu le réseau de la MSA et les services de l’État. Pas à pas, collectivement, nous avons su préparer et financer ces dispositions finalement soutenues par tous les groupes parlementaires, la majorité, le Gouvernement, et qui ont produit des effets concrets : plus de 330 000 anciens agriculteurs, soit 30 % des retraités de droit direct du régime, ont vu leur pension augmenter de manière significative – en moyenne d’une centaine d’euros par mois.
Cela signifie-t-il pour autant que nous touchons au but ? Je sais que vous ne le croyez pas ; moi non plus. Additionnant les strates de pension et multipliant les paramètres, le régime de retraite des non-salariés agricoles est devenu extrêmement complexe, comme l’a clairement rappelé Nicolas Turquois lors de l’examen du texte en commission. Cette sédimentation nuit à la lisibilité du système, donc à la confiance qu’il inspire, en particulier aux jeunes agriculteurs ; quelle que soit notre appartenance politique, nous le constatons dans notre circonscription.
C’est dans ce contexte, monsieur le rapporteur, qu’intervient l’examen de votre proposition de loi visant à étendre aux agriculteurs le principe des vingt-cinq meilleures années. Celui-ci est en apparence consensuel : nous souscrivons à votre logique de justice, à votre souhait de rapprocher les régimes, dans un esprit d’égalité et d’équité. Les débats en commission des affaires sociales, sous la présidence de Fadila Khattabi, ont toutefois permis de soulever un certain nombre de questions : comment instaurer la règle des vingt-cinq meilleures années tout en préservant un système devenu, depuis les lois Chassaigne, très redistributif, ainsi que les droits à pension déjà acquis ? Comment appliquer un mode de calcul par années à un régime à points, combinaison qui n’existe encore nulle part ? Comment financer cette transformation, avec quelles conséquences pour nos agriculteurs ?
La date de l’entrée en vigueur de la réforme a également suscité de nombreux débats : je me réjouis que les échanges techniques, les indications de la MSA, aient été pris en compte, puisqu’un amendement du rapporteur vise désormais à fixer cette échéance à 2026 et non plus à 2024. Même ainsi prolongé au point que son terme peut sembler lointain, un tel délai reste très ambitieux : il faudra une mobilisation collective pour avancer de manière concrète et efficace.
Cette proposition de loi a donc soulevé de nombreuses questions, auxquelles je souhaite désormais que nous puissions apporter des réponses. C’est le sens de l’amendement que le rapporteur soumet à la discussion aujourd’hui, et que le Gouvernement soutient : sa nouvelle rédaction résoudra, j’en suis sûr, les interrogations légitimes qui ont été exprimées par les députés de la majorité en commission – je pense notamment à Didier Le Gac et Charlotte Parmentier-Lecocq. Le rapport et la mission qui verront le jour si cette proposition de loi est adoptée par votre assemblée puis par le Sénat devront définir, dans un délai très ambitieux de trois mois, les scénarios permettant d’atteindre l’objectif de transformation. Nous devrons veiller collectivement à ne pas remettre en cause les droits acquis et à ne pas fragiliser les carrières linéaires qui ne bénéficieraient pas de cette mesure.
Au moment d’engager les débats, je souhaite donc poser, avec le rapporteur comme avec les différents groupes, les bases d’un consensus le plus large possible. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement considère que l’adoption de l’amendement déposé par le rapporteur permettrait l’adoption de la proposition de loi ainsi amendée.
(« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.)
Est-ce de la coconstruction ? Est-ce un travail de conviction partagée ? Est-ce parce que le rapporteur a su convaincre sur l’objectif des vingt-cinq meilleures années, et parce que nous savons aussi entendre les difficultés techniques posées par cet objectif et qu’il nous faudra surmonter ? Je n’en sais rien. Je sais juste que ce texte sera un texte utile, une fois l’amendement du rapporteur adopté, et qu’il est attendu.
Très bien, monsieur le ministre. Marche après marche, réforme après réforme, sachons trouver encore aujourd’hui les chemins du compromis républicain qui a si bien su s’illustrer par le passé en matière de retraites agricoles. Le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement de M. le rapporteur, ainsi qu’à la proposition de loi ainsi amendée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE et RN.) Ça, c’est de la coconstruction !
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Valentin. Les retraites agricoles sont un vrai sujet, dont nous discutons déjà depuis plusieurs années. Je remercie mon collègue Julien Dive pour cette proposition de loi tant attendue par le milieu agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Heureusement qu’on l’a, celui-là ! Les agriculteurs restent aujourd’hui encore les parents pauvres de notre système d’assurance vieillesse. Eh oui ! Parmi les principaux régimes, c’est celui des non-salariés agricoles qui verse les retraites les plus faibles. Le calcul des retraites agricoles est en fait basé sur l’intégralité de la carrière, ce qui constitue bien entendu un non-sens au regard des nombreux aléas auxquels est confronté le monde agricole : sécheresses, gelées, grêle, grippe aviaire, brucellose, salmonelles, et j’en passe. Eh oui, il est temps d’en finir avec ce calcul ! Tous les agriculteurs connaissent effectivement, au cours de leur carrière, de très mauvaises années. Il faut y ajouter les quatre ou cinq années passées en tant qu’aide familial, comptabilisées à revenu zéro, ainsi que la première année d’installation, non prise en compte dans le calcul des retraites. Fin 2020, un agriculteur ayant travaillé toute sa vie et validé l’ensemble de ses droits à la retraite ne touchait qu’une retraite de 880 euros. Cette somme est inférieure au minimum vieillesse, chers collègues, et présente un écart phénoménal – plus de 500 euros par mois – avec celle que percevrait un salarié ayant eu le même parcours. Une honte ! Le calcul sur les vingt-cinq meilleures années est simplement une mesure d’équité et de justice sociale. Eh oui ! La lutte contre la précarité de certains agriculteurs et la reconnaissance de leur travail passe évidemment par une retraite décente. Eh oui ! Ils nourrissent le pays, quand même ! La durée moyenne de travail des agriculteurs est la plus élevée parmi les actifs. Les éleveurs laitiers ont une charge de travail particulièrement lourde, puisqu’ils travaillent en moyenne 61 heures par semaine, parfois beaucoup plus. 90 % des agriculteurs travaillent le week-end et les deux tiers d’entre eux ne partent pas plus de trois jours consécutifs par an. Offrons aujourd’hui des perspectives favorables aux jeunes agriculteurs qui s’installent. La question du renouvellement des générations en agriculture est primordiale, puisque 50 % des actifs agricoles prendront leur retraite d’ici dix ans. À l’heure où la souveraineté alimentaire devient évidemment une priorité pour notre pays, comment pallier le déficit de production annoncé si le métier n’attire plus et s’il n’est pas récompensé à sa juste valeur ?
Les arguments de la majorité ne nous étonnent pas, puisqu’en 2018, le Gouvernement avait bloqué une proposition de loi visant à porter les retraites à 85 % du Smic au moins, au motif que cette revalorisation serait discutée dans le cadre de la prochaine réforme des retraites.
À l’époque, ils étaient majoritaires ! Mais il y a urgence : arrêtons de nous cacher derrière cette réforme qui n’avance pas. Elle a raison ! Fort heureusement, les lois dites Chassaigne 1 et 2 ont marqué un premier pas pour nos agriculteurs ainsi que pour les aidants familiaux et les conjoints collaborateurs. En refusant d’aborder les souffrances du monde agricole de manière globale, le Gouvernement renforce les incompréhensions et les fractures de la société, tout en mettant en jeu la souveraineté alimentaire de notre pays. La proposition de loi du groupe Les Républicains, si elle est votée, constituera en revanche un pas supplémentaire vers la reconnaissance du monde agricole et le respect de ceux qui nous nourrissent. Absolument ! Elle a raison ! Une retraite agricole décente constitue une impérieuse nécessité. L’amendement proposé par le rapporteur est la preuve de notre volonté de conciliation avec les professionnels et les filières ; nous espérons qu’il satisfera l’ensemble des groupes parlementaires ici présents et les retraités agricoles, mais aussi qu’il répondra aux appréhensions que peut rencontrer la MSA pour la mise en place d’une telle mesure.
Avant d’aborder les débats sur la prochaine réforme des retraites, il y a des corrections à apporter à certains régimes. Plusieurs d’entre vous ont voté contre ce texte en commission, en prétextant notamment que la reconstitution des vingt-cinq meilleures années ne serait pas possible car la MSA manquerait d’historique sur les carrières des agriculteurs. La précocité de la mesure, mais aussi la complexité juridique d’une telle réforme, vous dérangeaient. Je tiens à vous rassurer : la MSA et le monde agricole seront bien entendu capables de retracer les carrières complètes.
Eh oui, c’est leur travail ! Les problèmes techniques dont le groupe Renaissance fait état ne nous concernent pas. Un député est là pour voter la loi,… Eh oui ! … pour s’assurer qu’elle est bien appliquée et que les décrets qui en découlent sont rédigés correctement. Aucune problématique technique ne saurait constituer une raison valable pour ne pas voter cette proposition de loi de bon sens et tant attendue par les professionnels. J’ose toutefois espérer que le vote égalitaire – dix-huit pour, dix-huit contre – intervenu en commission des affaires sociales est le début d’une réelle prise de conscience de la représentation nationale quant à la situation précaire du monde agricole et de ses retraités. Nous comprenons qu’une telle réforme soulève des interrogations compte tenu de son ampleur, mais c’est le prix de l’équité. Les agriculteurs sont fatigués d’être traités comme des actifs de seconde zone. Ne l’oublions pas, ce sont eux qui assurent notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et LFI-NUPES.) Rien n’est joué, nous pouvons encore changer les choses aujourd’hui. Ne manquons pas à notre devoir de courage et de volonté politique. Nous devons donner une autre vision de notre agriculture… Vous pouvez compter sur nous pour ça ! … et faire un geste fort envers le monde agricole : éleveurs, viticulteurs, maraîchers, laitiers. Nous devons réparer l’injustice dans le traitement des retraites agricoles, et c’est ce que propose ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Roger Chudeau applaudit également.) La parole est à M. Nicolas Turquois. Vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur, un texte visant à calculer la retraite des agriculteurs sur leurs vingt-cinq meilleures années. Je vous remercie, car nous sommes aujourd’hui à la confluence des sujets qui me sont chers : l’agriculture et les questions de retraite. Je vous le dis d’emblée : philosophiquement, le groupe Démocrate est favorable au calcul sur les vingt-cinq meilleures années. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.) Dans le système général comme dans le système agricole, vingt-cinq années sur une carrière de quarante-deux ans permettent de passer l’éponge sur dix-sept années qui peuvent avoir été marquées par l’absence de revenus pour cause de maladie, de chômage ou d’éducation des enfants, ou bien par des revenus faibles, voire nuls, en raison du climat ou du niveau des cours mondiaux. C’est souvent le cas. Mais philosophiquement, nous sommes aussi attachés à ce que l’on ne vende pas d’illusions à nos concitoyens, en particulier à nos agriculteurs. Je vais donc vous faire part des doutes que j’ai exprimés en commission.
Ils portent d’abord sur la date de mise en œuvre de la réforme. D’après les statistiques, un agriculteur partant à la retraite en 2026 se sera installé en 1983 ou en 1984. Jusqu’en 1990, les revenus des agriculteurs servant au calcul des cotisations sociales étaient appuyés sur des bases forfaitaires, qui tenaient compte du nombre d’hectares et du nombre d’animaux détenus. Par souci d’équité avec nos concitoyens, comment pourrions-nous retenir des revenus forfaitaires dans le calcul des vingt-cinq meilleures années ?
Ce serait mieux que rien ! À partir de 1990, s’appuyant sur des revenus réels, la MSA a transformé ceux-ci en points, selon une règle assez complexe que je me permets de vous expliquer. En valeur 2022, entre 0 et 5 000 euros de revenus annuels, on a 23 points. Entre 5 000 et 8 000 euros, on passe progressivement de 23 à 30 points. De 8 000 à 16 000 euros, alors que l’effort contributif va du simple au double – 20 % de 16 000 étant le double de 20 % de 8 000 –, on reste à 30 points. De 16 000 euros jusqu’au plafond de la sécurité sociale, on passe progressivement de 30 à 113 points, et au-delà, on ne cotise que pour la solidarité. Or la MSA explique que jusqu’en 2014, elle n’a le souvenir que des points, et non des revenus qui leur sont associés. Si l’on a 30 points pour l’année 2010, était-ce pour un revenu de 16 000 ou bien de 8 000 euros ? Comment reconstituer les vingt-cinq meilleures années dans ces conditions ?
Il faut ensuite évoquer l’architecture du système. Aujourd’hui, le système agricole est une fusée à cinq étages : une retraite forfaitaire proportionnelle à la durée ; une retraite proportionnelle par points – celle dont je viens de vous parler, qui n’est pas vraiment proportionnelle, mais progressive ; un complément de retraite – l’équivalent du minimum contributif du régime général, qu’on appelle PMR, pension minimale de référence ; un système de retraite complémentaire par points – qui ne sont pas les mêmes points que ceux évoqués précédemment ; enfin, un complément différentiel, que nous avons récemment revalorisé grâce à notre collègue Chassaigne. Comment transformer ce système à cinq niveaux en système basé sur les vingt-cinq meilleures années ? Je vous invite à réfléchir à cette question en termes de méthode, chers collègues. C’est un vrai sujet. Pour moi, le vrai courage aurait consisté à rapprocher les règles du système de la MSA de celles du système général. Certains ont peur que cela conduise à une remise en cause des caisses de la MSA ; je crois quant à moi que ces dernières ont un avantage spécifique, celui d’être un guichet unique de la protection sociale et de constituer ainsi un relais de proximité avec les élus dans les territoires. Ce n’est pas la complexité des règles qui contribuera au maintien des caisses de la MSA.
J’ai également un doute s’agissant de l’équité du système. Celui-ci est actuellement très redistributif : ceux dont les revenus dépassent le plafond de la sécurité sociale cotisent pour les autres et ceux qui perçoivent 16 000 euros cotisent pour ceux qui perçoivent 8 000 euros. Cela doit être pris en compte dans le futur système. J’ai un autre doute quant au vecteur juridique : vous évoquez un décret dans votre amendement de réécriture, monsieur le rapporteur, mais aussi les dispositions législatives sur lesquelles le rapport proposé pourrait déboucher. Il me semble que la modification de droits individuels relève de la loi – l’expertise nous le montrera.
Compte tenu de cet amendement, qui modifie le texte examiné en commission et prévoit un rapport d’évaluation, notre groupe votera ce texte. Mais je suis prêt à parier que la mise en œuvre de celui-ci sera très progressive, qu’elle impliquera de modifier en profondeur le système, qu’il faudra en passer par la loi et qu’un effort financier devra être prévu en matière de cotisations. Il me semblait important de le dire. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vous être penché sur ce sujet ; votre texte constituera une véritable avancée. Soyons cependant modestes quant au calendrier de sa mise en œuvre et quant à ses modalités.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.) Excellent ! La parole est à M. André Chassaigne. Je dois vous avouer qu’à la première lecture de votre texte et de son exposé des motifs, monsieur le rapporteur, j’ai été saisi par la beauté du geste, admiratif devant cet ovni réglementaire à caractère législatif apparu soudainement dans le ciel de nos campagnes – à moins que les héritiers du Général n’aient voulu tester un nouvel hybride, croisement entre le modernisme de l’ordonnance macronnienne et la rusticité du décret-loi, dont le dernier usage remonte à la IVe République. C’est trop compliqué pour nous ! Indéniablement, votre OGM – organisme génétiquement modifié – aurait pu concourir pour le prix de l’innovation politique afin d’être inscrit au catalogue. Heureusement, votre présentation du texte devant la commission des affaires sociales et le contenu de votre excellent rapport m’ont finalement rassuré. Vous avez tenu à rectifier certaines imprécisions, pour ne pas dire occultations. Vous avez également rappelé, à juste titre, à quel point la complexité du régime des non-salariés agricoles et les modalités de calcul de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle sont des facteurs limitant le niveau de pension ; c’est d’ailleurs pourquoi la création du régime complémentaire obligatoire (RCO) est venue améliorer au coup par coup un système de retraite qui reste cependant insuffisant pour garantir un niveau de vie digne à l’ensemble des travailleurs de la terre.
Vous avez aussi rappelé, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs, que les avancées des lois dites Chassaigne 1 et 2 ont permis d’améliorer sensiblement la situation des retraités agricoles, actuels comme futurs. Là encore, vous avez raison : alors même que les agriculteurs sont soumis aux mêmes exigences que les autres professions en matière d’âge légal et de durée de cotisation, le niveau moyen des pensions de retraite agricole dans notre pays reste très insuffisant et très en deçà du niveau moyen des autres pensionnés, ce qui n’est pas à la hauteur de la reconnaissance que nous leur devons.
Votre proposition d’alignement du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années apparaît donc comme une mesure de justice, en ce qu’elle ouvre des droits identiques à ceux de la majorité des actifs de notre pays. Elle pose cependant de nombreuses difficultés au regard des incertitudes sur les conditions de son application et des effets de bord qu’elle est susceptible de comporter. Vous l’avez dit vous-même, il est indispensable de pouvoir bénéficier de véritables simulations et de scénarios affinés afin de déterminer les modalités concrètes d’une telle réforme. J’ai été soulagé en découvrant votre réécriture de l’article 1er : si j’avais songé à présenter un amendement similaire afin de remédier aux subtiles imperfections du texte initial, je dois dire que je suis comblé à la lecture du vôtre.
Une fois ce rapport établi, il conviendra de veiller tout particulièrement aux effets d’une telle réforme sur le niveau des pensions des agriculteurs qui font toute leur carrière au sein d’exploitations familiales et de petite taille, avec des chiffres d’affaires et des revenus particulièrement limités. Vous conviendrez qu’en aucun cas les avancées que vous et nous souhaitons réaliser ne doivent pénaliser les agriculteurs aux revenus les plus modestes, que ce soit dans l’hypothèse d’un système par points, même rénové, ou dans celle d’un système en annuités.
De même, il faudra veiller scrupuleusement aux conditions exigibles en fonction des différents statuts – chef d’exploitation, collaborateur d’exploitation, années passées en tant que conjoint collaborateur ou aide familial – et nous pouvons compter pour cela sur ce joyau du monde agricole qu’est la MSA. En revanche, je considère qu’un tel engagement ne devrait pas être pris sans débat éclairé devant la représentation nationale et renvoyé à une définition par décret. Êtes-vous d’accord sur ce point, monsieur le rapporteur ?
J’ajoute qu’au-delà de l’ambition tout à fait honorable du texte, une autre nuance à apporter tient manifestement au fait que cette réforme ne bénéficierait pas aux retraités agricoles qui figurent justement parmi les plus bas niveaux de pension auxquels vous avez fait référence. Enfin, même si nous y sommes confrontés sur tous les textes visant à proposer de nouveaux droits, on ne peut passer outre la question du financement d’une telle réforme. Si les lois Chassaigne 1 et 2 ont finalement pu bénéficier de la levée du gage par le Gouvernement et de la mise à contribution de la solidarité nationale, cette réforme nécessitera de disposer de nouvelles recettes pour le régime. Il faut donc aborder ce sujet sans tabou ; à défaut, en l’absence de chiffrage et de certaines précisions, il est des mains qui pourraient être prises de tremblements au moment de valider votre œuvre législative, ce qui n’est pas souhaitable. Pour leur part, convaincus par la portée révolutionnaire de votre texte et par le soutien bienvenu du Gouvernement, les députés du groupe GDR lèveront la main, voire le poing, pour le voter.
(Sourires et applaudissements sur de nombreux bancs.) La parole est à M. Paul Christophe. Le constat est partagé et tous les chiffres nous l’indiquent : les travailleurs du monde agricole, soit près de 1,3 million de personnes, ont un sort plus précaire que le reste des Français pendant leur retraite. Certes, lors de la précédente législature, de nouvelles avancées ont pu avoir lieu. Depuis 2021, la loi leur garantit notamment un niveau minimum de pension à hauteur de 1 035 euros, soit 85 % du Smic agricole. Si nous pouvons saluer ces progrès récents, portés en grande partie par notre collègue André Chassaigne, il convient de noter que le niveau de pension de retraite moyen reste tout de même très inférieur à la moyenne nationale. Rappelons que la retraite des non-salariés agricoles est calculée sur toute la durée de la vie professionnelle, quand les salariés du régime général et les indépendants, eux, voient le calcul de leurs droits s’effectuer sur les vingt-cinq meilleures années de leur carrière. Cette proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains vise donc à corriger cette différence de mode de calcul, et nous soutenons cette intention.
Cependant, si nous souscrivons à cette proposition sur le fond, nous avons exprimé en commission notre souhait de voir apporter quelques modifications au texte afin de le rendre juridiquement applicable de manière certaine. En effet, l’examen en commission et nos discussions ont démontré la fragilité du texte proposé, avec le risque avéré qu’il se trouve impossible, selon la MSA, de l’appliquer tant juridiquement que techniquement. Vous avez été invité à y remédier, monsieur le rapporteur, car à défaut, nous aurions immanquablement suscité autant de déceptions que d’espoirs.
Des modifications étaient nécessaires pour que le texte puisse être opérationnel. Aussi, nous saluons les amendements proposés par le rapporteur, qui visent à corriger les points de crispation afin que l’on puisse aboutir à un accord. En supprimant la référence au terme de « revenu » ainsi qu’à l’extension au régime des non-salariés agricoles de la règle applicable dans le régime général, votre amendement exclut une interprétation stricte de l’article 1er qui aurait pu se révéler défavorable au monde agricole en conduisant à devoir aligner le régime des non-salariés sur le régime général. Cette suppression permet de maintenir l’architecture actuelle, donc de diminuer l’adaptation des systèmes d’information des caisses de mutualité sociale agricole.
Nous soutenons également la proposition d’une entrée en vigueur progressive de ladite réforme au 1er janvier 2026, ce qui permettra d’aboutir à un processus pleinement opérationnel. Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de cette proposition de loi, amendée comme je l’ai indiqué. Enfin, nous souhaitons, monsieur le ministre, que les consultations à venir viennent apporter des réponses complémentaires et des dispositifs efficaces pour améliorer de façon consensuelle la retraite de nos agriculteurs. Il est primordial que ceux-ci bénéficient d’une valorisation à la hauteur de l’enjeu vital auquel ils consacrent leur vie professionnelle, à savoir l’alimentation de leurs concitoyens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe LR. – M. André Chassaigne applaudit également.) La parole est à Mme Marie Pochon. On va voir si les écolos aiment les agriculteurs ! Oui, nous les aimons ! On sait qu’ils n’aiment pas les exploits maritimes, en tout cas ! « Moralement, c’était très dur à tenir ». « Je ne pouvais plus rien faire ». « Au début, une fois toutes les factures réglées, il ne restait rien ; ensuite, moins que rien ». « Il ne faut pas décrocher, parce que la vie est belle ». Ce sont là des témoignages d’agriculteurs.
Nous sommes aujourd’hui appelés à réparer une injustice subie par les paysans depuis bien trop d’années. Fille d’une mère vigneronne comme nombre d’entre vous êtes fils, filles, petits-fils ou petites-filles de celles et ceux qui cultivent nos terres et nourrissent nos familles, je suis convaincue que nous leur devons justice. Depuis trop d’années, l’État faillit à ses obligations vis-à-vis de celles et ceux qui travaillent jour et nuit, qui ne connaissent ni week-ends ni vacances, car ils et elles vivent au gré des saisons, des précipitations, des gels et des épisodes de grêle. Dans un modèle profondément dysfonctionnel où de nombreuses fermes ne survivent qu’avec des subventions, nous importons toujours à bas prix des aliments que nous produisons en France,…
C’est vrai ! …ce qui engendre une pression monstre sur les prix et donc sur les agriculteurs. Nous le disons : oui, rémunérons nos paysans, soutenons-les, payons l’alimentation de qualité à son juste prix, sans quoi notre agriculture s’effondrera et le vivant avec. Très bien ! Ce sont bien elles et eux, en effet, qui assurent aujourd’hui – et assureront demain – notre sécurité alimentaire quand les cours internationaux s’emballent, qui enchaînent comptabilité, cueillette, recrutement de saisonniers, semences, labours, en gardant toujours un ?il inquiet sur les prévisions de la météo agricole.
Car le changement climatique est là, qui menace notre agriculture et notre autonomie alimentaire. Zoonoses qui se multiplient et ravagent nos modèles sociétaux, sécheresses, vagues de chaleur, inondations, incendies, guerres, famines, vous connaissez le film, puisque vous en écrivez le scénario.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Il est possible que tous les insectes aient disparu de la surface de notre planète dans cent ans et que nous connaissions une augmentation de près de 4 degrés en France d’ici la fin du siècle. Ce bouleversement implique de longues périodes de chaleur extrême à plus de 40 degrés dans les années à venir. Or, à partir de 40 degrés, la croissance des plantes et la pollinisation s’arrêtent. Les paysans sont en première ligne face au changement climatique et notre sécurité alimentaire dépend d’eux. Considérer leur travail, c’est dire que c’est seulement par eux et avec eux que nous pourrons faire face aux défis de ce siècle. Les accompagner, c’est agir.
Un agriculteur se suicide tous les trois jours : c’est tout simplement la profession au sein de laquelle on observe le plus haut taux de suicide en France. Quand, au bout de bien plus de quarante années de labeur, les agriculteurs peuvent enfin prendre leur retraite, c’est souvent esseulés et déconsidérés. Leurs terres sont convoitées par les investisseurs de tout poil, leurs enfants sont de moins en moins volontaires pour reprendre la ferme, et leurs pensions sont souvent d’un montant ridiculement bas. Faire justice à ce métier qu’on dit essentiel, mais qu’on balaie au gré d’accords de libre-échange négociés sans la représentation nationale, qui nous permettent d’importer en masse pendant que nos paysans perdent pied, c’est assurer l’égalité des droits dans notre pays.
Très bien ! Il faudrait aussi les protéger face au loup ! Les agriculteurs sont désormais les derniers pour lesquels la retraite est calculée sur l’intégralité de la carrière, bonnes et mauvaises année confondues, ce qui est un non-sens total quand on sait que pour les salariés, elle est calculée sur les vingt-cinq meilleures années. C’est une double peine, celle de paysans qui font face de plein fouet à tous les impacts du changement climatique et de la fluctuation des prix pendant leur activité, et qui en font à nouveau les frais lors du calcul de leur retraite.
La France compte à ce jour 1,3 million de retraités anciens non-salariés du secteur agricole. Selon les données issues des travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), cette iniquité conduit à une différence nette de 930 euros entre les retraites des agriculteurs et celles des retraités au régime général. La pension s’élève à 1 810 euros brut pour un retraité du régime général ayant travaillé toute sa vie et validé l’ensemble de ses droits, et à 880 euros brut pour un agriculteur retraité dans la même situation. Comment vivre avec 880 euros brut par mois, voilà une question de société tout bonnement insolvable…
Insoluble, plutôt ! Vous voyez, on vous écoute attentivement ! …ou insoluble, en effet, car avec ce montant, inférieur de 250 euros au seuil de pauvreté, on ne parle plus de vie, mais de survie.
Face à l’inflation des prix à la consommation, face à l’augmentation des prix des carburants, il faut enfin redonner aux agriculteurs retraités une juste valorisation d’une vie dédiée au travail de la terre. C’est une urgence pour le renouvellement agricole quand on sait que la moitié des paysans partiront à la retraite d’ici dix ans, c’est une urgence pour notre sécurité alimentaire.
En 2021, le Président de la République avait estimé impossible de revaloriser les pensions de retraite. Nous, écologistes, voterons en faveur de cette proposition de loi qui rétablit la justice. Conscients de la nécessité d’être vigilants sur la complexité des modalités de calcul des montants entre les différentes formes de retraites agricoles et le besoin de les aligner, nous maintenons notre soutien plein et entier au principe consistant à calculer la pension de retraite des non-salariés agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années, afin que sur ce sujet ô combien important, il n’y ait enfin plus aucun perdant.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et RN. – M. Paul Molac applaudit également.) La parole est à M. Joël Aviragnet. Cette proposition de loi se donnait en apparence pour objectif de mettre fin à une injustice criante résidant dans le mode de calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles : tous les exploitants agricoles, aides familiaux et collaborateurs voient aujourd’hui leur retraite calculée sur l’ensemble de leur carrière. Ils sont les seuls dans cette situation. Alors que toute leur vie durant, ils travaillent dur pour nourrir notre pays, leurs retraites sont bien plus faibles que la moyenne nationale. Leur pension de retraite moyenne s’établit à 1 150 euros brut, contre 1 500 euros pour la moyenne globale.
La loi votée sous la précédente législature à l’initiative du président Chassaigne a cependant permis une avancée non négligeable en garantissant un niveau minimum de pension à 1 035 euros, soit 85 % du Smic net agricole. Il nous semble donc de bon sens de calquer le mode de calcul des retraites des salariés non agricoles sur le régime de base, en prenant en compte leurs vingt-cinq meilleures années, quelles que soient les difficultés administratives qui en découlent.
Les non-salariés agricoles, dont le travail est indispensable à la nation et dont la pénibilité du travail est unanimement reconnue, souffrent de revenus trop bas. Sans une augmentation conséquente de leurs revenus d’activité, leurs pensions de retraite resteront faibles.
Cette proposition de loi est perfectible. Avec une mesure plus contraignante juridiquement et une entrée en vigueur plus rapide, notre Parlement se montrerait à la hauteur : nous serions vraiment utiles à tous ces citoyens qui travaillent dur, qui méritent notre respect et notre considération. Toutefois, nous préférons un progrès, aussi petit soit-il, à un
statu quo défaillant. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes RE et LR.) La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Nous avons à nous prononcer sur un texte essentiel pour nombre de nos compatriotes : la France compte 1,3 million de retraités anciens non-salariés agricoles, lesquels bénéficient d’une retraite moyenne de 1 150 euros brut, soit environ 800 euros net, montant bien inférieur à la pension moyenne des autres assurés, qui s’élève à un peu plus de 1 500 euros brut.
Saluons ici les avancées permises par les deux lois défendues par notre collègue Chassaigne, que je souhaite ici saluer : un vrai député de la montagne, André ! Son combat de longue date a abouti à des résultats qui ont été un soulagement pour nos agriculteurs. La première loi Chassaigne, entrée en vigueur le 1er novembre 2021, visait à assurer aux chefs d’exploitation une revalorisation de leurs pensions de retraite à hauteur de 85 % du Smic agricole – environ 1 045 euros – pour une carrière complète. En décembre 2021, c’est une seconde loi Chassaigne que le Parlement s’est honoré d’adopter : elle concernait cette fois la revalorisation des retraites des conjoints et aides familiaux des exploitants agricoles.
Néanmoins, la situation des non-salariés agricoles – certains exploitants, aides familiaux et conjoints collaborateurs – restait à améliorer. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions. Député d’un département à vocation majoritairement agricole, je continue d’être quotidiennement sollicité par de jeunes retraités se sentant lésés qui ne comprennent pas pourquoi leur pension est si faible.
Les difficultés que rencontrent nos agriculteurs, tout au long de leur carrière comme au moment de la retraite, contribuent à la désaffection pour le métier. Près de 50 % des actifs pourront faire valoir leurs droits à la retraite dans dix ans. La question du renouvellement des générations et de la transmission des exploitations se pose. Nous devons apporter des garanties à nos jeunes qui souhaitent s’engager dans ces carrières. En 2012, un rapport de l’Igas visant à évaluer le passage à un calcul sur les vingt-cinq meilleures années pour les retraites des non-salariés agricoles estimait que cette modification garantirait une plus grande équité entre les régimes et prémunirait les agriculteurs contre l’effet des mauvaises années.
N’oublions pas que nos agriculteurs et nos éleveurs sont les derniers à voir leur retraite calculée sur la totalité de leur carrière, alors même qu’ils ont été englobés dans des mouvements de convergence s’agissant d’autres aspects, comme l’allongement de la durée d’assurance de référence en 2003. Ce mode de calcul les expose à subir doublement le coût des mauvaises années, eux qui sont de plus en plus frappés par les effets des aléas climatiques mais aussi des crises géopolitiques, qui rendent chaque année incertaine. Faire reposer le calcul de leur retraite de base sur leurs vingt-cinq meilleures années est une réponse adaptée et sécurisante.
Les débats en commission n’ont pas permis de trouver un consensus sur le texte initial, mais des amendements vont être débattus en séance et il semblerait, monsieur le préfet, …
Ça viendra ! …monsieur le ministre, pardon, que vous y soyez favorable.
Cette réforme est plus qu’attendue sur le terrain. Alors que la réforme des retraites a été abandonnée lors du précédent quinquennat et que les contours de la future loi ne sont pas encore connus, cette proposition de loi enverrait un signal très positif dont nous ne devons pas nous passer. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est conscient du fait que ces dispositions pourront être complétées par une réforme des retraites plus vaste, incluant la question des taux et assiettes de cotisation et visant une plus grande contributivité, mais il votera en faveur de ce texte qui va dans le bon sens.
Monsieur le ministre, je terminerai en vous demandant de bien vouloir intervenir auprès de vos collègues Fesneau et Béchu au sujet de la prédation du loup.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Je ne comprends pas que la France ait voté contre la révision de la convention de Berne il y a quelques jours. C’est inacceptable.
Inacceptable ! Disons-le : notre pays ne respecte pas les engagements pris en septembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LR et GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes RE et RN.) C’est vrai ! La parole est à M. Didier Le Gac. Cette proposition de loi vise à améliorer le régime de retraite de nos agriculteurs en comblant un manque : leur pension serait désormais calculée sur les vingt-cinq meilleures années de leur carrière. Sous la précédente législature, nous avions adopté à l’unanimité la proposition de loi du président Chassaigne visant à garantir un niveau minimum de pension pour les non-salariés agricoles fixé à 85 % du Smic net, soit 1 035 euros. Concrètement, ce texte de 2020 a permis un gain de 100 euros en moyenne pour plus de 200 000 chefs d’exploitation agricole, ce dont nous pouvons nous réjouir. Le 9 février 2022, nous avons adopté, toujours à l’unanimité, une autre proposition de loi de notre collègue Chassaigne permettant cette fois d’augmenter la pension des conjoints et des aidants familiaux des chefs d’exploitation. Ces derniers touchaient, en moyenne, une pension de 604 euros seulement chaque mois. Plus de 120 000 conjointes d’exploitant agricole ont bénéficié d’une hausse de leur retraite grâce à cette mesure que le secrétaire d’État chargé des retraites avait alors qualifiée de « mesure forte de justice envers de nombreuses femmes qui ont travaillé toute leur vie aux côtés de leur conjoint agriculteur » et de « signe de la reconnaissance du pays pour leur travail ».
Si j’ai tenu à citer ces lois, c’est pour souligner que notre majorité a toujours regardé d’un œil favorable les textes visant à améliorer la situation matérielle et financière de nos agriculteurs, notamment le montant de leurs pensions.
Pas toujours ! Le texte que nous examinons contribue de manière considérable à l’amélioration de leurs retraites. Comme le rappelle une organisation syndicale très représentative du monde agricole, cette réforme vise à réparer une injustice, car « les agriculteurs sont les derniers à calculer leur retraite sur la totalité de leur carrière, bonnes et mauvaises années mêlées ».
Député de la première région agricole de France, la Bretagne,…
La Normandie n’est pas très loin derrière ! …je rencontre tous les jours des agriculteurs qui consacrent leur vie à nourrir nos concitoyens et à rendre notre pays autosuffisant sur le plan alimentaire grâce à des produits agricoles de qualité à des prix abordables. Je mesure donc parfaitement ce que la nation doit à leur engagement.
J’ai lu avec attention le texte de nos collègues LR et j’ai également pris connaissance de l’amendement que M. le rapporteur a déposé depuis l’examen en commission à l’article 1er, appréciant à leur juste valeur les modifications apportées au texte initial. En venant préciser plusieurs points importants, elles rendent la proposition de loi pleinement acceptable aux yeux de notre majorité. D’abord, il est prévu que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai de trois mois afin de préciser les modalités de mise en œuvre techniques spécifiques de ce nouveau dispositif, sur lesquelles a insisté notre collègue Turquois. Ensuite, le report de l’application du nouveau régime de 2024 à 2026 permettra à la MSA de bénéficier du temps indispensable pour reconstituer les vingt-cinq meilleures années de nos agriculteurs.
Favorable d’emblée à l’esprit de cette proposition de loi, notre groupe avait toutefois émis un avis défavorable lors de son examen la semaine dernière en commission des affaires sociales. En effet, tel qu’il était rédigé, il n’aurait pas pu être appliqué dès 2024. Le danger était de susciter de faux espoirs au sein du monde agricole. Or vous le savez, chers collègues, il y a suffisamment de défiance entre le politique et les citoyens pour que nous ne prenions pas le risque d’alimenter le ressentiment.
Maintenant que le rapporteur a amendé son texte et qu’un compromis a été trouvé avec le Gouvernement, compromis que nous devons saluer,…
C’est vrai ! … c’est avec enthousiasme que j’exprime devant vous mon souhait de le voir adopté par l’ensemble de notre assemblée.
À travers ce débat sur les retraites agricoles se posent deux questions majeures pour l’agriculture de notre pays : d’une part, celle de l’attractivité du métier d’agriculteur ; d’autre part, celle du renouvellement des générations alors que 55 % de nos exploitants partiront à la retraite d’ici à 2030.
Sans paysans, pas de paysages ! Ce texte concernera donc les futurs retraités du monde agricole, mais il s’adresse également à nos jeunes agriculteurs, qui doivent bénéficier de tout notre soutien pour continuer à vivre de leur métier. Le passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années leur offre des perspectives plus favorables. C’est le minimum qu’on leur doit. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Serge Muller. Au Rassemblement national, nous avons toujours souhaité que les agriculteurs puissent bénéficier d’un niveau de vie décent tout au long de leur carrière, et particulièrement lors de leur départ à la retraite. Aujourd’hui, ils subissent les effets d’un régime profondément injuste qu’il convient de corriger. Profondément injuste, puisque le calcul de la pension de retraite prend en compte la totalité de leur carrière, alors qu’il se fonde sur les vingt-cinq meilleures années pour les indépendants et sur les six derniers mois pour les fonctionnaires. Profondément injuste, puisqu’ils sont soumis à des lois qu’ils ne peuvent pas maîtriser : les lois des marchés financiers, mais aussi les lois climatiques, toutes deux aussi imprévisibles que violentes. Profondément injuste, puisque les membres de leur famille, partie intégrante de cette main qui nous nourrit, touchent une retraite inférieure à l’allocation que perçoivent les demandeurs d’asile. Quelle décadence !
Calculer la retraite des agriculteurs sur leurs vingt-cinq meilleures années renvoie aussi à la question de notre souveraineté. Alors qu’il y a trente ans, notre pays était au deuxième rang mondial pour les exportations, il serait aujourd’hui déficitaire s’il n’y avait pas les exportations de vins et de spiritueux. Cette situation ne risque pas de s’arranger, pour une double raison : 50 % de nos agriculteurs vont partir à la retraite dans dix ans et ce métier n’attire plus.
Je vous le demande donc : qui prendra le relais dans dix ans pour assurer notre souveraineté alimentaire, pour façonner nos territoires et pour faire vivre nos campagnes ? Leurs enfants ? Je ne le pense pas. Je doute sincèrement qu’ils veuillent connaître le même sort que leurs parents après les avoir vus subir de plein fouet la mondialisation. Des actifs en quête de vocation, peut-être ? Mais qui rêve d’un métier qui réclame soixante heures de travail par semaine pour une retraite très largement inférieure au reste de la population ? Qui rêve d’un métier qui n’offre pas plus de trois jours consécutifs de vacances aux deux tiers de ceux qui l’exercent ? Qui rêve d’un métier qui n’assure qu’une pension de retraite de 800 euros par mois, soit 7 000 euros de moins que les retraités du régime général sur l’année ?
Mes chers collègues, je vous le demande : qui rêve d’un métier où l’on travaille tous les jours de la semaine, où l’on vous assomme avec des normes produites par la technocratie européenne, où l’on vous expose à la concurrence internationale pour des raisons purement idéologiques ? Mesdames et messieurs les députés de la majorité, je vous en prie, un peu de bon sens ! Ne tombez pas dans la crainte de la réforme qu’ont connue les gouvernements successifs des socialistes et des Républicains.
Les réformes de petits pas ne fonctionnent pas. Après l’échec d’Egalim 1 et d’Egalim 2 – loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous et loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs –, ne nous proposez pas d’Egalim 3, 8 ou 12. Il nous faut des réformes de fond. Il est grand temps de se réveiller ; il est grand temps de nous écouter ; il est grand temps d’agir au service des agriculteurs de France.
Il faut en finir avec l’idéologie du libre-échange qui permet l’importation en Europe de produits agricoles à bas coût de piètre qualité mettant nos agriculteurs dans une situation de concurrence exacerbée.
Bravo ! Cette situation est insupportable ! Il faut en finir avec les marges abusives que s’octroie la grande distribution, car les agriculteurs sont systématiquement perdants dans les négociations commerciales. Il faut en finir, enfin, avec la stratégie « De la ferme à la fourchette » imposée par l’Europe, qui organise délibérément la réduction drastique de notre production agricole.
Commençons par privilégier nos agriculteurs. Cela fait trop longtemps qu’ils nous attendent. Vous l’aurez compris, nous sommes favorables à cette proposition de loi, car au Rassemblement national, nous savons remercier la main qui nous nourrit et qui fait notre fierté depuis tant de siècles.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Hadrien Clouet. Je ne laisserai pas durer excessivement le suspense : notre position a évolué depuis que vous proposez de modifier le contenu de cette proposition de loi et nous la voterons avec enthousiasme, car elle possède deux qualités essentielles. Bravo ! D’abord, ce texte fixe un objectif : élever le niveau des pensions de retraite de celles et de ceux qui ont tout donné à la collectivité par leur travail. C’est un enjeu de justice sociale qui entraînera, évidemment, un vote favorable. Ensuite, il propose une tactique politique : fixer un cap et des objectifs, puis contraindre le Gouvernement à en discuter les détails et à assurer l’intendance. La méthode a fonctionné, puisque si les macronistes y étaient opposés lors de son examen par la commission des affaires sociales, la pression de l’opinion publique les a obligés à réviser leur position et à réfléchir avec les auteurs de la proposition de loi pour aboutir à ce texte.
Cela a déjà été rappelé, la situation des travailleuses et des travailleurs de la terre en France est catastrophique : ils travaillent plus que quiconque, mais gagnent moins que tout le monde. Ils passent environ cinquante-quatre heures par semaine au travail ; l’aiguille de l’horloge ne cesse jamais de tourner et les plus chanceux d’entre eux ne prennent parfois que deux ou trois jours de congés par an. Le droit au repos n’existe ainsi qu’à partir du moment où ils quittent le métier et cessent leur carrière professionnelle pour prendre leur retraite, le plus souvent, d’ailleurs, en continuant de travailler.
C’est vrai ! Dès lors, comment jouir de ce droit au repos, garanti à toutes les Françaises et à tous les Français, lorsqu’on n’a pas d’argent pour chauffer son domicile, réparer son frigo ou aller voir ses petits-enfants ? C’est impossible ! Et pourtant, c’est le destin de la plupart des agriculteurs, notamment des 17 % d’entre eux qui déclarent un revenu soit nul, soit négatif – c’est-à-dire qu’ils travaillent pour s’endetter ! Compte tenu de cette situation, on comprend pourquoi un agriculteur ou une agricultrice qui travaille sans interruption pendant toute sa vie, sans congés, sans week-ends, sans vacances, survit avec une retraite de 880 euros par mois, alors que dans les mêmes conditions d’exercice, c’est-à-dire avec la même quotité de travail, un autre actif toucherait mensuellement 1 000 euros de plus, soit 12 000 euros d’écart à l’année. Très bien ! Profitons de ce moment pour faire œuvre de pédagogie politique et revenir sur les motifs – déjà évoqués auparavant – qui nous conduisent à calculer la retraite agricole sur les vingt-cinq meilleures années plutôt que sur l’ensemble de la carrière. La raison en est que l’activité agricole est par essence variable : il y a les bonnes et les mauvaises années, indépendamment du travail accompli. Avec le dérèglement climatique, cette déconnexion empire : sécheresses, inondations, vents violents, salinisation des sols, grêle sont autant d’événements qui frappent les rendements et amputent le revenu des agriculteurs, limitant ainsi leur capacité contributive et sabrant le niveau des pensions de retraite futures. Dès lors qu’il existe de mauvaises années, de plus en plus nombreuses et récurrentes, il convient de les écarter du calcul de la retraite pour éviter que les agriculteurs et agricultrices soient sacrifiés en raison du dérèglement climatique.
Si la pauvreté des agriculteurs et des agricultrices est une torture sociale pour eux, qui sont les premiers concernés, c’est également une forme d’abattement moral pour l’ensemble du pays. Ce n’est en effet pas à l’heure de la retraite qu’on se demande comment on va vivre, mais lorsque, au vu de l’expérience des anciens, on voit son propre avenir passer à côté de soi. Or que voient les jeunes qui hésitent à entrer dans l’agriculture ? Ils voient, comme dans un miroir très sombre, se dessiner, quelques années en avance, l’image d’agriculteurs retraités survivant avec quelques centaines d’euros par mois, parfois à la charge de leurs proches ou contraints de compter sur leurs enfants, quand ils ne perdent pas pied faute de revenus ! Comment, dans ces conditions, attirer à l’agriculture, pour assurer notre souveraineté alimentaire et organiser la grande bifurcation écologique du pays, les centaines de milliers de jeunes dont nous avons besoin ? C’est impossible ! Ce qui se joue concerne à la fois la protection sociale des sortants de l’agriculture et la garantie sociale des entrants.
Votre texte nous rappelle enfin, peut-être malgré vous, le caractère détestable du système de retraite par points qu’Emmanuel Macron a voulu imposer à la France entière en 2020. Les non-salariés agricoles, auxquels il s’applique, se retrouvent désormais sous le seuil de pauvreté après une carrière complète à s’exténuer pour garantir notre alimentation, donc notre survie.
Eh oui ! Les retraites par points ne sont ni fiables ni viables ; elles conduisent systématiquement à des rectifications législatives ultérieures, ce qui plaide en faveur d’un système de retraite ordinaire par répartition, à même d’assurer à toutes et à tous, après une vie de travail, un revenu décent. Parce que ce texte est étonnamment social et implicitement anti-macroniste, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Selon la Mutualité sociale agricole, le montant des retraites agricoles se situe autour de 1 150 euros brut par mois, alors que la moyenne des pensions de retraite en France avoisine 1 500 euros. Avouez que l’écart n’est pas négligeable. Cherchez l’erreur ! Les agriculteurs sont les derniers à voir leur retraite calculée sur l’intégralité de leur carrière et les non-salariés agricoles, eux, sont toujours en dehors des évolutions qu’ont connues les autres régimes de non-salariés, alors qu’ils représentent pas moins de 1,3 million de retraités. Quand on pense que le régime des commerçants et des artisans est aligné, lui, sur le régime général depuis 1973 !
Cherchez l’erreur encore, quand on sait combien sont aléatoires les récoltes ou les vendanges : sécheresses, inondations, gelées noires ou blanches, grippe aviaire ou peste porcine, voilà ce qu’affronte le monde agricole. Dans mon département de l’Hérault, au cours des dix-sept dernières années, pas moins de trente-et-un événements climatiques ont été qualifiés d’exceptionnels et ont donné lieu à une reconnaissance de l’état de calamité agricole, pour un montant total de 47 millions d’euros de dommages !
Et l’on s’étonne, et l’on regrette, et l’on s’émeut que meurent nos campagnes, que le métier n’attire plus, que les agriculteurs se suicident ! Doit-on rappeler l’horreur de ces chiffres, qui témoignent de la souffrance profonde de ceux qui nous nourrissent ? 522 suicides par an en moyenne, selon les derniers chiffres, qui datent de 2017. Quelle injustice ! Quelle honte quand on sait que ce sont eux, nos agriculteurs et leurs familles – je pense ici avec tendresse à nos viticulteurs, spécialement à ceux de l’Hérault et du Biterrois –, qui façonnent patiemment, souvent génération après génération, nos paysages et sculptent gratuitement, par amour de la terre, l’harmonie de nos belles provinces !
Bravo ! Ce sont eux qui font de la France un jardin à ciel ouvert admiré de tous.
Les deux propositions de loi dites Chassaigne 1 et 2 ont apporté des améliorations considérables. Il était temps ! La première prévoyait la revalorisation des pensions de retraite agricoles à hauteur de 85 % du Smic agricole, soit 1 045 euros net. La deuxième effectuait un pas supplémentaire afin de revaloriser les pensions de retraite des conjoints et des aides familiaux, frères, sœurs et enfants, des exploitants agricoles. Mais comme leur application fut longue et laborieuse ! Sans cesse reportée depuis plus de dix ans, une réforme globale et ambitieuse du régime agricole s’impose. Cela est d’autant plus urgent que près de 50 % des actifs agricoles devraient faire valoir leurs droits à la retraite dans dix ans.
Nonobstant les difficultés d’application évoquées par certains, concernant notamment les modalités de calcul, la proposition de loi que nous examinons fixe un cap. Elle est donc la bienvenue. J’y mettrais cependant un bémol : il est regrettable que ce texte reste incantatoire. C’est bien de viser un objectif, c’est mieux de l’atteindre : repousser l’entrée en vigueur de la réforme de 2024 à 2026 fera de nombreux déçus.
Au-delà de cette réforme, au-delà des querelles de clochers, c’est le monde agricole français, la ruralité et les agriculteurs qu’il nous faut replacer au centre du village. Selon le rapport d’information sénatorial relatif à la compétitivité de la ferme France, publié le 28 septembre dernier, nous assistons à la lente érosion de notre agriculture. Malgré une balance commerciale encore excédentaire de 8 milliards d’euros en 2021, la France est passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles en vingt ans. Nous sommes l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent. Plus inquiétant, en trente ans, plus de 57 % des exploitations ont disparu. Les surfaces agricoles utiles se réduisent et les investissements sont en berne, sans compter les difficultés liées à la transmission des terres et des exploitations.
À l’heure où la guerre en Ukraine nous rappelle cruellement la nécessité d’une souveraineté alimentaire solide et effective, il nous faut renouer avec une agriculture compétitive.
Elle a raison ! Cela doit passer aussi par une politique de protection pour tous ceux qui consacrent leur vie à nous nourrir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.) La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
À l’écoute de vos propos, chers collègues, j’ai le sentiment qu’un consensus se dessine, certes malgré quelques nuances – sinon, ce ne serait pas drôle ! Je répondrai néanmoins sur quelques points.
Tout d’abord, sur la question du décret, soulevée notamment par le président Chassaigne. La proposition de loi vise, vous l’avez compris, à aligner le régime des retraites agricoles sur le régime général, celui des salariés agricoles et celui des travailleurs indépendants en fondant le calcul sur les vingt-cinq années les plus avantageuses. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’architecture duale du système, toute modification en la matière relevant du domaine législatif. J’ai compris de l’argumentation de notre collègue Nicolas Turquois qu’il souhaiterait un autre système : cela serait du ressort de la loi. L’amendement no 42 que j’ai déposé à l’article 1er, s’il est adopté, permettra précisément d’obtenir la remise d’un rapport au Parlement détaillant les meilleurs scénarios et leurs déclinaisons possibles. En revanche, l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul relève du domaine réglementaire, donc du décret. Il est vrai que mon amendement fait référence à un décret pris par le Gouvernement ; le sous-amendement de notre collègue Rabault, qui sera examiné tout à l’heure et auquel je donnerai un avis favorable, propose que ce décret soit pris en Conseil d’État – cela me paraît nécessaire, ne serait-ce que pour la partie réglementaire.
Je veux répondre également à notre collègue Turquois concernant la date d’entrée en vigueur de la réforme. J’ai ici, chers collègues, un article du
Paysan breton (M. Didier Le Gac et Mme Graziella Melchior applaudissent) Très bonne revue ! Bonne lecture ! …daté du 23 novembre 2015, dont je vous lis un extrait : « Lors d’une séance de questions au Gouvernement, le 22 novembre, Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, a annoncé que la conférence sur les retraites agricoles et leur financement se tiendra le 30 novembre prochain. Fin octobre, à l’Assemblée nationale, il s’est prononcé favorable à un calcul des retraites des agriculteurs sur les vingt-cinq meilleures années de leur carrière ». On voit bien que cette question est débattue depuis de nombreuses années ; la loi de 2010 portant réforme des retraites, dont l’article 91 prévoyait la remise d’un rapport au Parlement et a conduit à la publication du rapport de l’Igas de mars 2012, ainsi que les prises de position des gouvernements successifs, ont créé une réelle attente. Dans votre sous-amendement no 50, vous proposez, monsieur Turquois, de reporter l’entrée en vigueur de la réforme à 2030. Pourquoi pas à la Saint-Glinglin ? 2050, pendant que vous y êtes ! Ce n’est pas sérieux ! Non, pas sérieux ! Pas respectueux ! Ce n’est pas sérieux, parce que 2030 signifierait un retard de quinze ans par rapport à la position prise en 2015, voire de vingt ans par rapport aux débats sur la réforme des retraites de 2010. Je comprends qu’il ne faille pas vendre d’illusions, vous avez raison sur ce point, mais il ne faut pas non plus exacerber le désespoir et laisser penser qu’on se moquerait des agriculteurs – certains nous regardent depuis chez eux, d’autres sont présents aujourd’hui dans les tribunes. Un report à 2030 serait vécu comme une provocation.
Je rappelle, de manière synthétique, le fonctionnement du système de retraite des non-salariés agricoles. Il repose sur deux étages, à savoir une partie proportionnelle, l’assurance vieillesse agricole (AVA), dont le montant dépend des cotisations versées tout au long de la carrière et donc du nombre d’années d’exercice, et une partie forfaitaire, l’assurance vieillesse individuelle (AVI), calculée à partir d’un montant forfaitaire multiplié par le nombre de trimestres d’activité. Plus vous cotisez, plus vous validez de points. Vous obtenez ainsi schématiquement une courbe permettant de présenter ce que j’appellerais un plat, c’est-à-dire une tranche de revenus annuels professionnels compris entre 8 400 et 15 600 euros pour laquelle le nombre de points validés – à savoir trente points – ne varie pas. C’est là que réside la véritable injustice. Cela conduit d’ailleurs certains exploitants à faire de l’optimisation fiscale pour ne plus contribuer au régime. Cela fait partie des questions dont nous devrons sans doute débattre – nous avons pu le faire lors des auditions – et la profession est prête à s’y engager ; nous devrions avoir l’occasion d’y revenir lorsque le Gouvernement remettra le rapport au Parlement – si mon amendement est adopté.
En dehors de cette spécificité duale du régime des non-salariés agricoles, je rappelle que la MSA n’a jamais dit qu’elle n’était pas capable de reconstituer les carrières. Elle dispose d’un historique sur l’ensemble des points cumulés et pourrait le faire, y compris s’il s’agissait de revenir aux vingt-cinq meilleures années. La difficulté consiste davantage dans la reconstitution des revenus qui ont permis d’accumuler ces points.
Un certain nombre d’agriculteurs ne partiront pas à la retraite avant 2030 ; avec le système que nous proposons, ils pourront continuer à cumuler leurs meilleures années. Il faut rendre la carrière plus attractive ! L’argument selon lequel la MSA ne pourra pas reconstituer les carrières est fallacieux : je ne peux le recevoir.
M. Muller est le seul à avoir invoqué l’enjeu de la souveraineté alimentaire : il a eu raison de le faire, d’autant que la moitié des agriculteurs prendront leur retraite dans les dix prochaines années.
C’est très important ! Il faut accompagner les agriculteurs qui souhaitent reprendre des exploitations, mais aussi les personnes qui souhaitent opérer une reconversion professionnelle vers le monde agricole. Or la souveraineté agricole et alimentaire est intimement liée à la question des carrières et de la retraite des exploitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE et RN.)
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte. C’est bien dommage !
La parole est à M. Dino Cinieri. La proposition de loi défendue par notre collègue Julien Dive, visant à calculer la retraite des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, a été rejetée d’extrême justesse – par dix-huit voix pour et dix-huit voix contre – en commission des affaires sociales le 23 novembre. Il s’agit pourtant d’une mesure de justice sociale, qui dépasse les clivages partisans et qui est très attendue dans les territoires. Eh oui ! Les agriculteurs sont en effet les derniers à calculer leur retraite sur la totalité de leur carrière, bonnes et mauvaises années mêlées, alors que les salariés la calculent sur leur vingt-cinq meilleures années de revenus, et les fonctionnaires sur leurs six derniers mois. Certains, sur les bancs de la majorité, voulaient encore attendre pour régler cette question, au prétexte qu’une grande réforme des retraites serait bientôt discutée ; mais attendre encore, comme on nous l’impose depuis quinze ans malgré nos demandes récurrentes, équivaudrait à renoncer à un traitement équitable entre les agriculteurs et le reste de la population, en particulier les salariés et les indépendants.
En retirant les plus mauvaises années du calcul, la présente réforme vise simplement à mettre à niveau les pensions des non-salariés agricoles, dont la moyenne reste inférieure à celle de l’ensemble des retraités. Tous régimes confondus – y compris les régimes complémentaires –, les anciens non-salariés agricoles – chefs d’exploitation, conjoints et aidants familiaux –, bien qu’ils aient exercé une activité agricole sept jours sur sept, perçoivent une pension de 1 150 euros brut mensuels, alors que la moyenne nationale dépasse 1 500 euros brut.
Les agriculteurs sont fatigués d’être traités comme des actifs de seconde zone. Après la revalorisation des minima de retraite instituée par les lois dites Chassaigne 1 et 2, nous devons donner des perspectives aux jeunes qui s’installent. J’espère que comme pour la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), nous voterons à l’unanimité cette mesure de justice sociale pour nos agriculteurs.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. José Beaurain applaudit également.) La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Au nom du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, ainsi qu’en mon nom personnel, je tiens à saluer l’engagement constant de M. le rapporteur en faveur du monde agricole – samedi encore, nous échangions tous deux avec les éleveurs du département de l’Aisne : ils nous faisaient part de leurs difficultés, notamment de celles qui découlent de la loi Egalim 2 et de la construction des prix. Je salue aussi sa volonté de nous rassembler, au-delà de nos divergences politiques, autour d’une cause que nous partageons tous : la reconnaissance des agriculteurs et du travail de toute une vie qu’ils fournissent – travail souvent éprouvant, synonyme de privations – pour assurer notre souveraineté alimentaire.
Je veux également saluer le travail qui a été mené, à la suite des réunions de la commission, dans le but de coconstruire un amendement de réécriture ; celui-ci a été expertisé et validé par M. le ministre, que je remercie pour son écoute et sa collaboration. Mes remerciements vont aussi à celles et ceux qui contribuent depuis plus de vingt ans à améliorer et à rendre plus juste le régime des retraites agricoles – je pense en particulier à Germinal Peiro, Marisol Touraine et André Chassaigne.
Il reste évidemment des obstacles à surmonter pour reconstituer toutes les années d’efforts des agriculteurs et revaloriser leurs pensions. Nous devrons ajuster le dispositif dans le temps, cela a été rappelé, mais tout est possible quand la volonté politique est là et que toutes les volontés politiques convergent vers l’objectif de justice qu’est l’alignement des régimes. Nous voterons donc sans hésitation cette proposition de loi, en témoignage de notre respect pour le monde agricole.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.) La parole est à M. Éric Woerth. Je me réjouis que notre assemblée manifeste une unanimité – cela ne nuit pas. Ce n’est pas la première fois ! Ce n’est en effet pas la première fois, et sans doute pas la dernière – en tout cas en ce qui concerne les retraites. La proposition de loi de M. Dive est un texte important. Nous avions déjà évoqué la question des pensions des non-salariés agricoles en 2010, quand je défendais, en tant que ministre, une réforme des retraites. Nous avions demandé un rapport à l’Igas pour y voir plus clair – M. le rapporteur y a fait référence, et la proposition de loi le mentionne. Nous devons nous efforcer d’actualiser ce rapport, qui a sommeillé pendant une dizaine d’années. De toute évidence, le régime agricole est décalé par rapport à la réalité. Il est de surcroît d’une grande complexité, que ne justifient pas entièrement les spécificités du monde agricole – pour tout dire, il est incompréhensible. Nous devons viser non pas un alignement complet des régimes – ce serait impossible –, mais un alignement passant par la prise en compte des vingt-cinq années les plus avantageuses. L’amendement du rapporteur précise le dispositif et assure sa faisabilité. Ne sous-estimons pas le travail demandé à la MSA – j’ai entendu les propos de M. le rapporteur à ce sujet –, et faisons en sorte que personne ne sorte perdant de ce chantier.
Je salue donc ce texte, amendé par le rapporteur ; il me paraît souhaitable de l’adopter avant les discussions plus générales que nous aurons sur la réforme des retraites.
La parole est à M. Julien Rancoule. Je tiens à insister sur l’obligation de résultat qui nous incombe. L’article 1er a pour objectif d’étendre aux non-salariés agricoles le calcul de la retraite de base sur les vingt-cinq meilleures années de revenus. Nous n’avons pas le droit d’échouer : c’est un objectif que nous devons obligatoirement atteindre. Les non-salariés agricoles, ce sont les chefs d’exploitation, les aidants familiaux ou encore les conjoints d’agriculteurs qui participent aux travaux quotidiens : ce sont tout simplement nos agriculteurs, nos viticulteurs, nos éleveurs ou encore nos maraîchers.
Emmanuel Macron avait affirmé en 2020, lors du Salon de l’agriculture, qu’il était impossible de revaloriser les pensions de retraite des agriculteurs : j’invite tous les parlementaires à lui donner tort. Il est de notre responsabilité collective d’avancer dans ce domaine, et de montrer aux Français que l’Assemblée nationale peut changer directement et positivement leur vie. En 2022, comment est-il encore possible que des agriculteurs perçoivent moins de 900 euros net de pension de retraite ? C’est largement en dessous de la moyenne nationale, et il est temps que cela change. N’oublions jamais que les agriculteurs sont ceux qui font vivre la nation : nous leur devons tant – en l’occurrence, nous leur devons de meilleures retraites.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Loïc Kervran. Si certaines interventions ont insisté sur les difficultés du métier d’agriculteur, je tiens à rappeler que c’est un métier magnifique, indispensable, porteur de sens et d’avenir ; c’est un métier de jeunes. Cette proposition de loi ne constitue ni une obole, ni une récompense : c’est une juste et belle décision dont l’Assemblée va s’honorer à l’égard du plus beau des métiers que compte notre nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) La parole est à Mme Danielle Simonnet. C’est une victoire idéologique importante et un acte historique que nous nous apprêtons, je l’espère, à accomplir : nos débats montrent en effet que l’idée selon laquelle la retraite doit être un moment de vie digne pour toutes et tous, est en passe de devenir majoritaire dans l’hémicycle. Calculer sur les vingt-cinq meilleures années la retraite des non-salariés agricoles – eux qui ont pu connaître des accidents de parcours, des revenus en dents de scie et de mauvaises récoltes – est une avancée sociale majeure, qui va à rebours de tant de régressions sociales.
Ayons conscience que nos paysans et nos agriculteurs nous alimentent, que leur travail est essentiel et que la nation tout entière leur doit reconnaissance. Oui, la nation doit sa reconnaissance aux agriculteurs, non seulement parce qu’ils nous nourrissent, mais aussi parce que les mesures qui doivent être prises urgemment pour protéger l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique les mettent en première ligne. C’est sur leur travail que repose le respect de la terre et de l’environnement, ainsi que la qualité des aliments que nous mettons dans nos assiettes.
L’agriculture, ce n’est pas cultiver des tomates sur le toit d’un immeuble ! Les agriculteurs incarnent un métier d’avenir. La transition de l’ensemble du secteur agricole vers une agriculture paysanne et bio nécessitera bien plus d’hommes et de femmes qu’aujourd’hui, et permettra de créer de nombreux emplois. Nous devons leur garantir une vie digne et la retraite décente qu’ils méritent amplement, eux qui remplissent un rôle si important pour la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 42, qui fait l’objet de quatre sous-amendements, nos 50, 49, 51 et 52. Il vise à assurer la faisabilité technique du dispositif prévu par la proposition de loi. Nous proposons ainsi d’inscrire celui-ci après l’article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime, qui définit l’architecture duale du régime de retraite de base des non-salariés des professions agricoles. Ce faisant, nous affirmons que l’objectif de la proposition de loi n’est pas de remettre en cause l’architecture que j’évoquais tout à l’heure – avec l’AVA et l’AVI –, mais de l’assumer et de la faire coïncider avec la prise en compte des vingt-cinq meilleures années.
Dans sa version actuelle, l’article 1er prévoit d’étendre aux non-salariés agricoles la règle de prise en compte des vingt-cinq meilleures années de revenu. Une lecture stricte de cette disposition aurait pu conduire à interpréter l’article comme une invitation à aligner le régime des non-salariés agricoles sur le régime général, et notamment à abandonner le fonctionnement du régime à points : ce n’est pas mon intention, et ce n’est pas ce que souhaite la profession.
Comme le démontrait le rapport de l’Igas en 2012, il est tout à fait possible d’envisager à la fois un régime à points – avec une règle de calcul telle qu’elle est prévue – et un régime qui prenne en compte les années les plus avantageuses. Les points acquis seraient ainsi calculés sur les vingt-cinq meilleures années, et le montant de la retraite serait déterminé au prorata de la durée réelle de l’assurance.
Mon souhait initial était que le dispositif entre en vigueur en 2024 – nous en avions discuté avec les acteurs. Les engagements qui ont été pris en 2010 et 2015, et qui ont été réitérés lors de chaque réforme des retraites, ont suscité une attente. Pour autant, le dispositif ne peut être mis en œuvre qu’avec le concours de la MSA. La commission a auditionné de nombreux acteurs, parmi lesquels des représentants des filières, des syndicats agricoles, les ministères concernés et, bien évidemment, la MSA – en tant que caisse de retraite, elle sera la première concernée par le recouvrement des cotisations et le versement des pensions de retraite. La MSA a expliqué que l’échéance de 2024 était difficilement tenable. Elle utilise en effet un système d’information binaire, qui permet d’une part de recouvrer les cotisations, et d’autre part de verser les pensions. Le nouveau dispositif implique qu’elle mette à jour son système d’information pour s’adapter au nouveau calcul des points et à l’évolution de la partie forfaitaire. Cela demandera un certain temps. J’ai entendu la demande de la MSA de reporter l’échéance, car je ne souhaite pas que le nouveau dispositif soit bâclé.
La MSA nous a également rappelé qu’il existe deux types de pensionnés : les monopensionnés, qui ont travaillé pendant toute leur carrière en tant que non-salariés agricoles et dont le cas ne présente pas de difficulté majeure, et les polypensionnés, qui ont exercé une activité différente avant de devenir non-salarié agricole : salarié agricole, salarié dans le secteur privé ou encore fonctionnaire.
C’est vrai ! Leur cas pose davantage de difficultés à la MSA.
Lors des auditions, celle-ci nous a clairement indiqué qu’elle pourrait appliquer le nouveau mode de calcul en 2025 pour les monopensionnés et en 2026 pour les polypensionnés. Sauf qu’à y regarder de plus près, les polypensionnés représentent 92 % des non-salariés agricoles.
Eh oui ! Il aurait été inéquitable, voire inconstitutionnel – cela reste à vérifier –, de fixer deux dates distinctes d’entrée en vigueur pour les monopensionnés et pour les polypensionnés. C’est pourquoi, tenant compte des attentes de la MSA et des acteurs, nous avons choisi la date unique du 1er janvier 2026.
Néanmoins, qui peut le plus peut le moins : si la MSA est prête avant cette date, il ne faudra pas qu’elle se prive d’anticiper l’entrée en vigueur du dispositif !
Lors de l’examen du texte en commission, plusieurs d’entre vous ont regretté l’absence d’une simulation permettant d’évaluer les effets de la réforme. Je pense notamment à Yannick Monnet, du groupe GDR-NUPES. Nous avons demandé à la MSA de nous fournir des éléments chiffrés, que nous n’avons malheureusement pas obtenus dans le temps imparti.
Comme je le rappelais lors de la discussion générale, l’essentiel des mesures nécessaires à l’application de la réforme relèvent du domaine réglementaire. Le Parlement doit être informé des choix du Gouvernement en la matière.
C’est pourquoi nous proposons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport présentant le détail des scénarios envisagés et des paramètres retenus pour son application, l’évaluation quantitative de ses conséquences sur les cotisations et prestations des non-salariés agricoles, ainsi que des propositions de mesures visant à renforcer les dispositifs de redistribution et à améliorer la lisibilité du régime de retraites tout en respectant sa spécificité et en garantissant le niveau des pensions.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.) La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir le sous-amendement no 50. Avant de le présenter, je tiens à saluer l’intervention de Loïc Kervran. En tant qu’agriculteur, je vous assure que j’en ai marre d’entendre toujours parler de ma profession comme d’un métier pénible et sombre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR.)
C’est un métier qui demande certes des efforts particuliers, mais si on veut susciter des vocations, il faut montrer que de nombreux agriculteurs vivent honnêtement de leur travail,…
Bien évidemment ! Personne ne dit le contraire ! …exercent une activité passionnante, produisent de l’alimentation, vendent des produits de qualité… C’est un très beau métier, bien différent du servage moderne décrit par certains ! Personne n’a rien dit de tel ! Qui ici a tenu de tels propos ? Présentons l’agriculture comme une activité valorisante ; nous attirerons ainsi de jeunes agriculteurs pleins d’ambition.
J’ai déposé trois sous-amendements d’appel, visant à alerter sur divers sujets. Je les retirerai tout à l’heure.
Retirez-les dès maintenant ! Le sous-amendement no 50 tend à reporter à 2030 l’entrée en vigueur de la mesure.
Monsieur Chassaigne, vous avez été l’auteur de dispositions louables. Vous reconnaîtrez toutefois, je pense, que si certains agriculteurs nous en ont remerciés, d’autres se sont plaints de n’avoir pas pu en bénéficier.
C’est votre faute ! En effet, la complexité du système a causé des malentendus : les retraités agricoles n’ont pas compris que le dispositif concernait uniquement les personnes ayant exercé une activité agricole pendant toute leur carrière et ayant liquidé leur pension. C’est vous qui en avez exclu certains ! En proposant la date de 2030, je souhaite surtout vous alerter sur le fait qu’en 2026, le système actuel ne permettra pas de connaître les revenus des vingt-cinq meilleures années des agriculteurs.
Je rappelle à ceux qui étaient absents lors de la discussion générale – je ne vous en tiens pas rigueur – que jusqu’en 1990, les revenus des agriculteurs étaient calculés sur une base forfaitaire. Or on ne peut pas inclure un revenu forfaitaire dans le calcul des vingt-cinq meilleures années !
En outre, la MSA ne dispose pas des informations relatives aux revenus perçus par les agriculteurs entre 1990 et 2014.
Par conséquent, en 2026, nous connaîtrons au mieux douze ans de revenus, sauf si des dispositions particulières permettent d’obtenir ces informations différemment, en interrogeant par exemple le fisc ou les centres de comptabilité.
C’est l’objet de la proposition de loi ! Je retirerai ce sous-amendement, mais je l’ai défendu pour alerter sur le fait qu’il sera possible, en 2026, de considérer tout au plus trente-huit années de carrière sur quarante – ou trente-sept, comme le suggérait M. le rapporteur lors de la discussion générale. En tout cas, nous serons incapables de calculer la retraite sur la base des vingt-cinq meilleures années. Souhaitez-vous ajouter quelques mots pour soutenir les sous-amendements nos 51 et 52 ? Le taux de cotisation des agriculteurs est légèrement inférieur à celui du régime général. Le sous-amendement no 52 vise à alerter sur ce sujet. En effet, pour se constituer des droits à la retraite, les agriculteurs ont besoin de verser des cotisations d’assurance vieillesse plus élevées. Ce sera certes un effort collectif pour le milieu agricole, mais il me semble qu’il faut tendre vers un tel système.
Enfin, le sous-amendement no 51 tend à expertiser la faisabilité de la reconstitution des revenus non enregistrés par la MSA. Peut-être me manque-t-il certains éléments, mais je suis très surpris qu’on envisage d’appliquer la réforme uniquement par décret : au vu de sa complexité, il me semble qu’elle exigera certains aménagements légaux, ce qui allongera nécessairement les délais d’application. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles une entrée en vigueur en 2026 paraît précoce.
En tout cas, il faut travailler dès à présent à reconstituer les revenus antérieurs à 2014, qui n’ont pas été enregistrés.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir le sous-amendement no 49. Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé plusieurs amendements, rédigés notamment par Joël Aviragnet, qui ont été jugés irrecevables au motif qu’il s’agissait de cavaliers législatifs. Je profiterai donc de cette intervention pour rappeler plusieurs choses.
Le sous-amendement vise à compléter l’alinéa 4 par les mots « en Conseil d’État ». En effet, l’application des deux lois Chassaigne a souffert de décrets dysfonctionnels dont il a ensuite fallu rectifier les erreurs. Il importe que le décret d’application du présent texte soit clair et efficace ; c’est pourquoi nous proposons qu’il soit pris en Conseil d’État.
Très bien ! Parfait ! Je tiens à répondre à M. Turquois. Les retraites agricoles ont toujours été revalorisées par la gauche : par Lionel Jospin en 2001, par François Hollande en 2012 et par les deux lois Chassaigne votées sous le précédent quinquennat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Eh oui ! Votées à l’unanimité, je le rappelle ! Vous vous étonnez aujourd’hui que les polypensionnés ne bénéficient pas de la revalorisation prévue par la loi Chassaigne ; mais cher collègue, c’est vous qui avez déposé un amendement pour les en exclure ! C’est vous, députés de la majorité, qui avez écarté les polypensionnés de ce dispositif ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, LR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Je prends l’exemple de mon département : le Tarn-et-Garonne compte 11 076 retraités agricoles qui ont été chefs d’exploitation. Seuls 481, soit 4,3 %, ont eu droit à la revalorisation Chassaigne. Pourquoi ? Parce que vous en avez écarté les polypensionnés ou encore les élus, notamment les maires. Je pourrais vous citer toute la liste des trous que vous avez percés dans la loi Chassaigne.
Ils font semblant de le découvrir ! Bien sûr, nous avons voté cette loi, car une avancée minime vaut mieux que le statu quo. Mais vous ne pouvez pas vous étonner de ses défauts : relisez donc l’amendement que vous aviez déposé ! (Protestations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Vous aurez beau protester, cela ne change rien au fait que vous avez amputé la loi Chassaigne : regardez la réalité en face ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Merci ! M. Turquois vient de défendre les sous-amendements nos 51 et 52.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre sous-amendements ?
Favorable au sous-amendement de Mme Rabault, qui précise utilement l’amendement no 42.
Monsieur Turquois, vous êtes bien sûr libre de retirer vos sous-amendements, mais je suis favorable au sous-amendement no 52, qui complète la demande de rapport.
En revanche, avis défavorable sur les deux autres sous-amendements. Je suis en désaccord avec vous : je suis convaincu qu’il sera possible de reconstituer les revenus des vingt-cinq meilleures années de carrière dès 2026.
En effet, la MSA conserve l’historique de l’ensemble des points. Il est vrai qu’elle ne conserve que sept à dix ans les données concernant la manière dont sont constitués les points, ce qui s’explique par le fonctionnement de son système d’information : en écrasant certaines données, elle évite de l’alourdir. Pour autant, la MSA est parfaitement capable de sélectionner les vingt-cinq meilleures années grâce aux points, et cela dès 2026 : elle n’a jamais indiqué le contraire.
Le rapport du Gouvernement identifiera les meilleurs scénarios et nous indiquera s’il vaut mieux appliquer le dispositif dès 2026 à l’ensemble des retraités agricoles – bien sûr, cette option a ma préférence –…
M. le rapporteur a raison ! …ou s’il est préférable, comme cela a été envisagé avec l’ensemble des acteurs, de prendre d’abord en compte trente-sept années et de les réduire progressivement à vingt-cinq années jusqu’en 2030, afin d’éviter à la MSA des difficultés financières. Ce second scénario pourrait se révéler nécessaire, mais si le premier est applicable, ne nous en privons pas ! Il a raison ! Par ailleurs, je tiens à rappeler que les premiers acteurs engagés dans une réforme de cette nature sont les agriculteurs eux-mêmes, leurs représentants, la MSA ; or ils ne s’opposent pas à une entrée en vigueur en 2026. Je vous demande de retirer votre sous-amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Lors de l’examen du texte en commission, M. Turquois avait exprimé des interrogations quant à l’applicabilité de cette proposition de loi. Les sous-amendements qu’il a déposés servent également à souligner les inquiétudes qui subsistent, que nous aurons trois ans pour apaiser si le texte est amendé et adopté dans la version proposée par M. le rapporteur.
Je demande donc le retrait du sous-amendement no 50 : en coopération avec la MSA, nous ferons tout notre possible pour tenir l’objectif d’une entrée en vigueur en 2026.
Je vous demande également de retirer le sous-amendement no 51. Vous avez opportunément souligné une difficulté existante ; toutefois, je ne crois pas que l’adoption de votre sous-amendement la résoudrait. Au contraire, l’amendement de M. le rapporteur permet d’y répondre.
Avis favorable sur le sous-amendement no 52, qui permettra d’apporter une précision utile à la demande de rapport.
Enfin, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale quant au sous-amendement no 49 de Mme Rabault. Le Gouvernement et une partie de la majorité ont exprimé en commission leurs doutes quant à la possibilité d’une application par décret. Le rapport que remettra le Gouvernement éclaircira ces doutes : peut-être conclura-t-il qu’un décret est suffisant, peut-être recommandera-t-il la voie législative.
Plusieurs députés ont demandé la parole. Je rappelle que si cet amendement de réécriture est adopté, les amendements nos 45 et 23 tomberont. Je donnerai donc la parole à un orateur par groupe souhaitant s’exprimer.
La parole est à M. Nicolas Turquois. Retirez-vous tout ou partie de vos sous-amendements, cher collègue ?
Je retire les sous-amendements nos 50 et 51. Qu’on ne se méprenne pas sur mon intention : je suis favorable au calcul de la retraite sur la base des vingt-cinq meilleures années. Attention toutefois à ne pas donner de faux espoirs aux agriculteurs ! Ils retiendront que l’ensemble de leur carrière sera valorisé dès 2026 ; pourtant, certaines données manqueront. Comme je le rappelais, les revenus forfaitaires ne sauraient être comptabilisés au sein d’une carrière.
Bien sûr, mon objectif n’est pas de repousser jusqu’à 2030 la mise en œuvre de cette réforme, mais de rappeler la nécessité de faire preuve de la plus grande vigilance.
Je maintiens le sous-amendement no 52.
(Les sous-amendements nos 50 et 51 sont retirés.) La parole est à M. Pascal Lavergne. Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir déposé cet amendement. (M. Philippe Gosselin applaudit.) Il permettra de mettre les aspects techniques de la réforme en cohérence avec le message politique qu’elle adresse au monde agricole, rappelé plusieurs fois lors de la discussion générale.
Je remercie également M. le ministre d’avoir participé à la construction de ce texte, afin qu’il soit à la fois applicable et porteur de sens.
Je rejoins les propos tenus lors de la discussion générale : l’agriculture est au cœur de toutes les crises. Ainsi, lors de la crise sanitaire, elle a démontré à nouveau qu’elle était essentielle à l’alimentation de la population. Elle est également au cœur de la crise climatique, puisque l’eau est indispensable à la vie des plantes.
Elle est, enfin, au cœur de la crise énergétique puisque les terres sont d’ores et déjà l’enjeu d’une concurrence entre la production de denrées alimentaires, d’une part, et la production de matières premières destinées aux méthaniseurs, par exemple, ou les installations photovoltaïques, d’autre part. N’oublions pas, à cet égard, que l’agriculture a pour mission de nourrir la population, et qu’il est essentiel de se nourrir pour vivre !
Cependant, le renouvellement des générations n’est pas assuré alors que nous devons relever le défi de la souveraineté alimentaire. Nous adressons donc un message politique au monde agricole : nous lui disons que nous ne l’abandonnons pas,…
Il est temps de le dire ! …que nous reconnaissons son travail et que nous nous engageons en faveur d’une revalorisation de l’agriculture pour qu’elle attire les nouvelles générations. On attend les actes ! C’est indispensable : l’enjeu est de nature géopolitique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux. Ce matin, je suis un peu gêné, car en tant qu’agriculteur, j’ai le sentiment de demander l’aumône. Or pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Pourquoi discutons-nous aussi souvent de la question des retraites agricoles ? Parce que ce système de retraite n’était pas bon : M. Turquois l’a dit, chaque agriculteur se voyait attribuer des points dont le nombre était calculé par tranches. Si, par chance, il avait fonctionné comme l’Ircantec, par exemple, le nombre de points aurait correspondu aux revenus, alors que dans ce système par tranches, vous pouviez vous voir attribuer trente points, que vous cotisiez à la MSA à hauteur de 4 000 euros ou de 8 000 euros.
C’est bien là tout le problème : si nous avions eu un système à points classique, les retraites agricoles seraient beaucoup plus importantes. Si elles sont si faibles, ce n’est donc pas, comme certains le disent, parce que nous avons peu cotisé.
Aussi, puisque le texte va être adopté, je tiens à tous vous remercier de réparer l’injustice que nous subissons, nous, les agriculteurs.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La parole est à M. André Chassaigne. Je souhaite revenir rapidement sur quelques points.
Premièrement, j’ai la conviction que le rapport du Gouvernement conclura à la nécessité d’une intervention législative. En effet, les retraites agricoles sont ainsi construites qu’un simple décret ne suffira pas pour acter la décision que nous allons prendre aujourd’hui de façon, je l’espère, unanime.
Deuxièmement, l’esprit des premières lois consacrées à cette question n’a pas été respecté. De fait, lorsque nous avons adopté les fameuses propositions de loi Chassaigne 1 et 2, nous étions persuadés, en particulier pour la première d’entre elles, que le fait d’avoir fait une carrière complète dans l’agriculture et 17,5 années en tant que chef d’exploitation ouvrait droit, en l’absence d’autre pension, à une retraite équivalente à 85 % du SMIC.
Exactement ! C’était l’objectif, en effet ! C’est juste ! C’est ce que nous avions tous en tête : aucun d’entre nous, j’en suis persuadé, ne pensait qu’il n’en serait pas ainsi. Or, la retraite agricole est construite de telle façon que le montant de la pension des agriculteurs qui remplissent ces deux critères n’atteint pas 85 % du SMIC, car celle-ci est calculée au prorata d’autres éléments constitutifs de la retraite – il faudra y revenir.
Troisièmement, on nous a en effet imposé le fameux écrêtement au moment du vote sur ma première proposition de loi. Or, il a des conséquences terribles. On a pu remédier à l’une d’entre elles, grâce au Gouvernement, dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat. En effet, un retraité paysan qui était maire ne pouvait pas bénéficier de l’augmentation de sa retraite agricole parce qu’il cotisait à l’Ircantec.
Scandaleux ! On a mis fin à cette situation au mois de juillet, grâce à un amendement que j’avais déposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Au mois de septembre,… Merci, monsieur Chassaigne. …nous sommes parvenus à faire adopter la même disposition pour les élus agricoles qui siègent dans les chambres d’agriculture ou les MSA. Merci ! Il faut que petit à petit, on détricote tout cela. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LR et Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Bien entendu, nous soutiendrons l’amendement de réécriture de l’article, car il s’agit de la seule solution raisonnable et responsable. Il est en effet nécessaire d’expertiser le système d’information et d’évaluer le dispositif pour éviter les écueils éventuels. Ce faisant, nous épargnerons des déceptions au monde agricole, qui ne le mérite certainement pas.
Par ailleurs, je souscris aux propos de M. Chassaigne. Il faut se méfier des amendements de dernière minute et de la manière dont les décrets d’application sont rédigés ou appliqués, car ils nous jouent parfois de vilains tours.
La parole est à M. Hadrien Clouet. Sauf sur celui, excellent, de Mme Rabault, le groupe LFI-NUPES s’abstiendra sur les sous-amendements, notamment sur celui qui vise à reporter l’application de la mesure dans le temps. En effet, cela fait plus de dix ans que nous disposons de rapports d’information de nature à éclairer nos décisions. C’est vrai ! Prévoir un an pour réaliser les simulations nécessaires, cela nous paraît d’autant plus suffisant que le régime de retraite des salariés est né dans des conditions bien pires : en 1946, il n’était pas possible de reconstituer les carrières et l’informatique n’existait pas. Nous sommes donc convaincus qu’il est possible d’avancer l’entrée en vigueur de la mesure. Nous nous sommes tous accordés, et c’est heureux, sur la reconnaissance d’un principe de dignité pour les travailleurs et les travailleuses agricoles non salariés. Dès lors, il nous semble que l’on ne peut pas se permettre de fixer un échéancier aussi lâche : prévoir une année entière avant l’entrée en vigueur, c’est se donner 364 jours de trop.
Pour conclure, j’ai entendu dire qu’il était « difficilement possible » que cette mesure entre en application en 2024. Dans cette formule, il y a deux mots : « difficilement », mais aussi « possible »…
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Frédéric Cabrolier. Le groupe RN s’abstiendra sur l’amendement no 42 du rapporteur, qui tend notamment à repousser la date d’entrée en vigueur de la proposition de loi. Puisque mon amendement no 45 risque de tomber, je rappelle que nous sommes quant à nous favorables à une obligation de résultat plutôt qu’à une obligation de moyens.
Je reviendrai sur trois points qui nous paraissent essentiels.
Premièrement, comme l’a dit Mme Ménard, les agriculteurs sont les premiers écologistes : ce sont eux qui entretiennent les campagnes. Deuxièmement, ils sont les garants d’une alimentation saine et de la souveraineté alimentaire que nous appelons de nos vœux. Enfin, par cette proposition de loi, non seulement nous réparons une véritable injustice sociale, mais nous adressons un message de soutien moral à nos agriculteurs, qui en ont bien besoin.
Nous nous abstiendrons sur l’amendement no 42, mais nous voterons bien entendu la proposition de loi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Valérie Rabault. Tout d’abord, lorsque nous parlons d’une pension équivalente à 85 % du Smic net, n’oublions pas d’en retrancher la contribution sociale généralisée (CSG), qui est prélevée après coup. C’est ce type d’éléments qui peuvent être ajoutés dans les décrets d’application : il faut donc y être très attentif si nous voulons que la mesure telle qu’elle est appliquée corresponde à celle qui a été adoptée par le Parlement.
Par ailleurs, je profite de la présence de M. le ministre pour lui soumettre une question qui me tient à cœur. Les retraités agricoles ne reçoivent plus du tout de la MSA un état de leurs éléments de retraite sous forme papier. Or, celle-ci prélève notamment sur la pension le forfait dû sur les boîtes de médicaments, de sorte que cette pension est parfois amputée de 50 euros. Des agriculteurs âgés parfois de 85 ans ou de 90 ans et qui n’ont pas internet chez eux sont ainsi dans l’incapacité de savoir exactement quel est l’état de leur retraite et à quoi correspond le montant qui est versé sur leur compte. Il serait donc important qu’ils puissent recevoir s’ils le souhaitent, au moins une fois par trimestre, un état de leur retraite sous forme papier.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
(Les sous-amendements nos 49 et 52, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L’amendement no 42, sous-amendé, est adopté.
En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé et les amendements nos 45 et 23 tombent.)
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, inscrit sur l’article. Monsieur le ministre, je le dis solennellement, ce texte revêt une importance majeure pour nos agriculteurs, qui sont les derniers dont le montant de la retraite est calculé sur l’intégralité de leur carrière. C’est un non-sens total ! Aussi, je me permets d’insister sur la portée symbolique de notre vote et sur son importance ; j’espère que la proposition de loi sera adoptée à l’unanimité. Les agriculteurs nous regardent. En leur accordant cette mesure juste et équitable, nous reconnaîtrons leur travail qui, rappelons-le, permet de nourrir la planète.
Cette proposition de loi tient compte d’enjeux financiers importants pour nos agriculteurs tout en contribuant à long terme au nécessaire renforcement de l’attractivité des métiers agricoles. Soyons donc unis pour l’adopter. Les agriculteurs comptent sur nous !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement de suppression no 53. Je précise, pour rassurer tout le monde, qu’il s’agit de supprimer l’article de gage.
Madame Rabault, il est possible pour les assurés de recevoir un relevé sous forme papier : ils doivent le demander directement au conseiller de la MSA chargé de leur dossier.