Première séance du mercredi 15 mars 2023
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Communication de Mme la présidente
- 2. Premier amendement et protocole à la convention d’Espoo
- 3. Amendement et règlement d’application de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure
- 4. Accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et fonctionnement des installations existantes
- Discussion des articles (suite)
- Article 11 bis (appelé par priorité)
- Mme Delphine Batho
- M. Benjamin Saint-Huile
- Mme Barbara Pompili
- Mme Aurélie Trouvé
- M. Philippe Bolo
- M. Dominique Potier
- M. Hubert Wulfranc
- M. Jérôme Nury
- M. Nicolas Dupont-Aignan
- Amendements nos 7, 23, 64, 112, 127, 181, 271, 304, 489, 565 et 671
- Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 11 bis (amendement appelé par priorité)
- Amendement no 672
- Article 11 ter (appelé par priorité)
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article 11 ter (appelé par priorité) (suite)
- Rappels au règlement
- Article 11 ter (appelé par priorité) (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Amendement no 257
- Rappels au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 11 bis (appelé par priorité)
- Discussion des articles (suite)
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Communication de Mme la présidente
Mme la présidente
Chers collègues, je vous informe qu’à l’issue de l’examen des deux conventions internationales dont nous sommes saisis, le Gouvernement demande, en application du quatrième alinéa de l’article 95 du règlement, que l’Assemblée reprenne la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes en examinant par priorité les articles 11 bis et 11 ter, les amendements portant article additionnel après ces deux articles et l’article 9 A.
2. Premier amendement et protocole à la convention d’Espoo
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’approbation du premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière et du protocole à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière relatif à l’évaluation stratégique environnementale (nos 602, 869).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux
Je suis heureuse de présenter aujourd’hui le projet de loi visant à autoriser l’approbation de deux textes : d’une part, le premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, dite convention d’Espoo, amendement lui-même adopté le 27 février 2001 à Sofia ; d’autre part, le protocole à cette convention relatif à l’évaluation stratégique environnementale, conclu dans la capitale ukrainienne le 21 mai 2003 et dit protocole de Kiev.
Comme la convention d’Helsinki sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, la convention d’Espoo trouve son origine dans les conclusions de la réunion de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui s’est tenue à Sofia en novembre 1989. Dans l’esprit des auteurs de ces textes, il s’agissait de favoriser la prévention et la résolution pacifique des litiges internationaux liés à des problèmes environnementaux.
L’élaboration de la convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière s’est déroulée dans le cadre de la commission économique pour l’Europe de l’Organisation des Nations unies (CEE-ONU), qui rassemble aujourd’hui cinquante-six pays. En vertu de cette convention, que la France a signée le 26 février 1991 et ratifiée le 15 juin 2001, les parties sont tenues d’évaluer, avant leur autorisation, l’impact sur l’environnement d’activités susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur une autre partie. Ce texte garantit la notification des pays touchés par des projets et leur consultation dans le processus de décision.
Le premier amendement à cette convention a pour objet de préciser la définition du terme « public » afin d’ouvrir aux organisations et aux associations non gouvernementales la possibilité de participer aux procédures d’évaluation et de permettre aux États non-membres de la commission économique pour l’Europe des Nations unies de devenir parties à la convention.
Le protocole de Kiev à la convention d’Espoo délimite le champ de l’évaluation stratégique environnementale en précisant les informations pertinentes à consigner dans le rapport environnemental, les autorités compétentes en matière d’environnement et de santé à consulter et le public concerné par le processus de détermination des informations pertinentes. Il prévoit, en outre, un cadre de consultation transfrontière entre les États parties pour l’élaboration des plans et des programmes et impose la notification de tout plan ou de tout programme qui pourrait avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État.
Les obligations fixées par ces textes ont d’ores et déjà été transposées intégralement dans le droit français, plus particulièrement dans le code de l’environnement, à la suite de l’adoption de plusieurs directives européennes. Comme l’indique M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères dans son rapport, l’enjeu est donc aujourd’hui limité. Deux points particuliers doivent néanmoins retenir notre attention.
Tout d’abord, l’approbation de ces textes intervient plus de vingt ans après leur signature par la France. Notre pays est l’un des derniers à les avoir signés sans les avoir ratifiés. Le Gouvernement déplore la lenteur de la procédure de ratification, mais se félicite des travaux engagés afin de l’accélérer. Ils permettront à la France de régulariser sa situation au regard de la convention d’Espoo.
Ensuite, le maintien de la réserve appliquée à la Polynésie française mérite d’être examiné. En 1998, au moment de la ratification de la convention d’Espoo, l’Assemblée de Polynésie française avait souhaité que ce texte ne soit pas appliqué sur son territoire en raison du « manque de concertation en amont dans un domaine touchant à sa compétence, en l’espèce, l’environnement ». Suivant cet avis défavorable, le Gouvernement avait déposé une déclaration, au moment de la ratification, excluant la Polynésie française du champ d’application territorial de la convention. Le premier amendement à la convention d’Espoo et le protocole de Kiev ayant le même champ d’application que la convention d’Espoo, la même déclaration a donc été reprise par le Gouvernement au sujet de ces deux textes.
Pour mémoire, la Polynésie française a été consultée en 2013 sur le champ d’application de la convention d’Espoo et du protocole de Kiev, mais cette consultation est restée sans réponse. À la suite de la demande exprimée par M. le rapporteur, le ministère chargé des outre-mer a de nouveau sollicité l’avis de la Polynésie française. Nous espérons un retour prochainement et nous ne manquerons pas d’en informer l’Assemblée nationale.
Je souligne que l’approbation de ces textes par le Parlement ne préjuge en rien la décision de la Polynésie française. La réserve qui lui est appliquée persistera tant qu’elle ne sera pas levée. En attendant, la procédure d’approbation peut être poursuivie. Par ailleurs, si la Polynésie française décide de modifier sa position quant à l’application sur son territoire de la convention d’Espoo, la réserve pourra être levée après la ratification.
L’approbation de ces textes par la France enverrait un message positif aux pays signataires et inciterait ceux qui ne les ont pas encore approuvés à le faire. En effet, si trente-quatre pays ont ratifié le premier amendement adopté en 2001, cinq pays l’ayant signé ne l’ont pas encore ratifié. Quant au protocole de Kiev, trente-sept pays l’ont ratifié, mais six pays l’ayant signé ne l’ont pas encore ratifié.
Les projets sources de contentieux concernent principalement les frontières franco-allemande et franco-belge.
Mme Annie Genevard
Et la Suisse !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État
Aussi l’approbation française de ces textes permettra-t-elle de confirmer nos engagements européens, en particulier vis-à-vis de nos voisins directs. En ce qui concerne les problématiques propres à la frontière franco-suisse, auxquelles je sais Mme la députée Genevard très attentive (Sourires sur les bancs du groupe LR), la ratification n’aura pas d’effet direct sur leur examen car la Suisse n’est pas signataire du protocole de Kiev et n’a pas exprimé l’intention de le devenir.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu’appelle le projet de loi autorisant l’approbation du premier amendement à la convention adoptée sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière et du protocole à la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière relatif à l’évaluation stratégique environnementale, projet de loi que nous vous invitons à soutenir.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Aurélien Taché, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Notre assemblée est saisie cet après-midi d’un projet de loi portant sur l’approbation de deux textes adoptés par la commission économique des Nations unies pour l’Europe : le premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 ; le protocole à la convention d’Espoo relatif à l’évaluation stratégique environnementale, conclu le 21 mai 2003 à Kiev et dit protocole de Kiev – Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler.
Ces deux textes ont été signés par la France respectivement le 25 juin 2001 et le 21 mai 2003 – cela fait donc un moment ! Ils sont présentés au Parlement près de vingt-deux et de vingt ans après leurs signatures. Ce retard n’est pas justifié et marginalise la France. En effet, le premier amendement à la convention d’Espoo et le protocole de Kiev ont déjà été ratifiés respectivement par trente-quatre et trente-deux États, ainsi que par l’Union européenne. Ils sont entrés respectivement en vigueur en 2014 et en 2010.
Chers collègues, je veux vous alerter sur le fait que trois autres conventions internationales sur l’environnement – deux signées en 1985 et une en 2011 – n’ont toujours pas été approuvées par notre pays. Compte tenu de l’urgence climatique, la France devrait pourtant se montrer exemplaire et approuver ou ratifier très rapidement les accords et les traités qui la concernent. Cette première remarque étant faite, j’en viens au contenu du projet de loi.
Rappelons, tout d’abord, l’objet de la convention d’Espoo. En 1991, ce texte représentait une avancée majeure puisqu’il prévoit l’évaluation de l’impact sur l’environnement de certaines activités à risque, identifiées par domaine et notifiées aux parties concernées. Parmi ces activités figurent, à titre d’exemple, l’installation d’une centrale nucléaire ou la production d’hydrocarbures en mer. Un État frontalier doit notifier à ses voisins tout projet majeur à l’étude s’il est susceptible d’avoir sur eux des impacts transfrontaliers préjudiciables importants. Les parties doivent ensuite se consulter pour réduire ou supprimer ces impacts.
Le premier amendement à la convention d’Espoo est composé d’un unique article, qui modifie la convention en deux points – Mme la secrétaire d’État les a rappelés. Il précise tout d’abord quel « public » doit être informé et peut formuler des observations ou des objections sur les projets concernés, en incluant les associations et les organisations. Il ouvre ensuite à des États tiers à la CEE-ONU la possibilité d’adhérer à la convention. Pour la France, ce point est particulièrement important : il permettrait au Brésil et au Suriname, deux pays frontaliers de la Guyane française, de rejoindre les États parties à la convention. Même si, à ce stade, aucun non-membre de la CEE-ONU n’a manifesté sa volonté de rejoindre la convention d’Espoo et ses textes dérivés, les deux textes sur lesquels nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer ouvrent cette possibilité.
Le protocole de Kiev relatif à l’évaluation stratégique environnementale est composé d’un préambule, de vingt-six articles et de cinq annexes, que j’ai présentés en détail dans mon rapport. Il prévoit un dispositif d’évaluation des effets de certains plans et programmes sur l’environnement et sur la santé. Un rapport environnemental doit être élaboré et un processus de consultation et de participation du public mis en œuvre. À la différence de la convention d’Espoo, ce protocole ne concerne pas uniquement le cadre transfrontalier, même si des consultations transfrontalières sont prévues à l’article 10.
M. Aurélien Taché, rapporteur
Les deux textes – le premier amendement à la convention d’Espoo et le protocole de Kiev – représentent aujourd’hui un enjeu limité pour la France – vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État –, puisqu’ils ont déjà été quasiment totalement intégrés dans le code de l’environnement par la transposition de directives européennes.
Ainsi, l’examen de ces textes est avant tout symbolique. Mais il pourrait inciter les autres États qui les ont signés mais ne les ont pas encore ratifiés à engager, eux aussi, les procédures internes nécessaires. Pour le premier amendement, il s’agit de l’Arménie, de la Belgique, de la Macédoine du Nord et du Royaume-Uni ; pour le protocole de Kiev, ce sont la Belgique, la Géorgie, la Grèce, l’Irlande et le Royaume-Uni.
Je terminerai en abordant un point essentiel – vous l’avez mentionné et je vous en remercie, madame la secrétaire d’État –, à propos duquel j’avais alerté le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi que celui de l’intérieur et des outre-mer : il s’agit de la réserve qui concerne la Polynésie française. Le Gouvernement avait initialement déclaré que ni le premier amendement ni le protocole de Kiev ne devaient s’appliquer à ce territoire. Il indiquait suivre l’avis défavorable émis le 29 octobre 1998 par l’Assemblée de la Polynésie française sur la convention d’Espoo. Toutefois, compte tenu du délai écoulé depuis la consultation de 1998 et surtout depuis la ratification de la convention d’Espoo par la France en 2001, il m’apparaissait normal de consulter à nouveau la Polynésie française sur les textes dérivés de cette convention présentés aujourd’hui au Parlement.
À la suite de ma demande, vous l’avez rappelé, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a engagé une nouvelle consultation. Une lettre de saisine du haut-commissaire de la République en Polynésie a été envoyée par courrier et par mail. Dès que la collectivité accusera réception de la demande, elle aura un mois pour se prononcer. En fonction de la réponse qui sera apportée par la Polynésie, le Gouvernement pourra éventuellement décider de lever la réserve.
En conclusion, si ce projet de loi présente un enjeu limité sur le fond, il est l’occasion de rappeler qu’il est indispensable d’accélérer les procédures de ratification par la France de ses engagements internationaux en matière environnementale, mais aussi de consulter dès que nécessaire nos territoires ultramarins. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter en faveur de l’approbation du premier amendement à la convention d’Espoo et du protocole de Kiev. (M. Jean-Paul Lecoq applaudit.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Guiniot.
M. Jean-Louis Bricout
Allez la Picardie !
M. Michel Guiniot
La convention d’Espoo, adoptée le 25 février 1991, ainsi que le protocole à cette convention, veillent à l’établissement d’une évaluation stratégique environnementale qui doit être obligatoirement communiquée aux parties concernées pour tout projet majeur pouvant avoir un impact transfrontalier significatif et préjudiciable à l’environnement.
Cette convention, approuvée par la France en juin 2001 et source de contraintes environnementales et diplomatiques, constitue une atteinte flagrante à notre souveraineté nationale. Elle ne vise qu’à la production d’études d’impact censées déterminer si des projets développés à proximité d’une frontière peuvent être nocifs pour l’environnement de l’État voisin, mais il ne s’agit en aucun cas d’un élément contraignant.
Le texte vise donc à autoriser l’approbation d’un amendement adopté en février 2001, soit avant que la France ait approuvé la convention. Nous avons mis dix ans pour ratifier l’accord et, depuis, vingt-deux longues années se sont encore écoulées avant que nous examinions cet amendement qui vise à inclure, « conformément à la législation […] nationale, les associations, organisations et groupes constitués par [celle-ci] » dans les procédures d’évaluation. Cela contrevient au principe même de contexte étatique transfrontalier. Des organisations qui ne sont pas des États et qui n’ont donc pas à se mêler de questions frontalières vont pouvoir s’impliquer dans les études d’impact : c’est un non-sens. Autant sortir de la convention d’Espoo et changer de dispositif.
S’il est louable, bien entendu, de prendre en considération le fait que les impacts environnementaux de certains projets ne s’arrêtent pas aux frontières nationales, le rapport de la commission est plutôt clair : « la convention ne [garantit] pas l’arrêt des projets ». L’amendement n’a pour seul objectif que de sensibiliser le public aux enjeux environnementaux.
Il est à préciser que lorsque nous avons approuvé, en juin 2001, la seule convention d’Espoo, les autres parties signataires avaient déjà pris acte de l’imperfection du texte et produit l’amendement qui nous intéresse aujourd’hui. Il faut aussi noter – cela a été dit – que l’Arménie, la Belgique, la Macédoine du Nord et le Royaume-Uni doivent encore cosigner l’amendement pour permettre sa mise en application.
Nous devons ensuite, dans un second temps, approuver le protocole du 21 mai 2003, dit de Kiev. Il vise à « assurer un degré élevé de protection de l’environnement, y compris de la santé », en prévoyant notamment que le public participe aux évaluations stratégiques environnementales. Il s’agit là d’un abus de langage, puisque l’article 8 du protocole limite cette participation à une consultation simple. L’article 4 prévoit que l’évaluation stratégique environnementale, à laquelle peuvent participer des organisations et des groupes, peut s’appliquer à l’élaboration de plans dans des secteurs divers allant de l’énergie à l’urbanisme en passant par le tourisme. Alors, nous faudra-t-il demander une évaluation stratégique environnementale pour faire visiter nos cathédrales et nos châteaux de Picardie ? De telles activités sont visées par le protocole, puisque l’alinéa 7 de l’article 2 mentionne « tout effet sur l’environnement, y compris sur […] les sites naturels, les biens matériels, le patrimoine culturel et l’interaction entre ces facteurs ».
Au-delà des aspects techniques, le Rassemblement national a dénoncé en commission l’instrumentalisation politique de ce texte, et je ferai de même dans l’hémicycle : le fait d’inclure les ONG écologistes dans le processus de décision ne remplacera pas les dispositions légales qui ont été supprimées par la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cette disposition « inclusive » n’empêchera pas l’installation de parcs éoliens dans les espaces protégés de notre beau pays, et le protocole n’est donc pas un voile posé sur le texte relatif aux énergies renouvelables.
Pour conclure, je reprendrai les termes du rapport : « l’enjeu du projet de loi […] soumis à l’examen du Parlement est surtout [et simplement] symbolique ». Le cœur des dispositions a déjà été intégré en droit français, au sein du code de l’environnement. Le Parlement étant sollicité pour prendre acte de décisions qui ont déjà été prises, le groupe Rassemblement national s’abstiendra sur cette farce démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
Nous voici réunis pour examiner le projet de loi autorisant l’approbation par l’Assemblée nationale du premier amendement à la convention d’Espoo et du protocole de Kiev. Pour l’anecdote, Espoo est la deuxième ville de Finlande ; c’est là que la convention a été signée, en 1991.
Cette convention est intéressante à double titre : d’une part, elle vise à prévenir et à empêcher un nombre important d’activités potentiellement polluantes pour les pays avec lesquels nous partageons une frontière ; d’autre part, elle peut être mise en œuvre dans le cadre d’une coopération régionale pour couvrir une zone géographique donnée, a fortiori lorsque cette zone est transfrontalière.
Comme d’autres accords relatifs à la protection de l’environnement, ces deux textes sur lesquels la France s’est engagée n’ont toujours pas été ratifiés par le Parlement, alors qu’ils ont respectivement 22 et 23 ans ; c’est le temps qu’il faut à certains produits plastiques pour se biodégrader. Pourquoi la France est-elle autant à la traîne sur des sujets pourtant si urgents ? La raison principale invoquée par les ministères concernés est la suivante : les deux textes n’étaient pas considérés comme prioritaires parce que leurs dispositions étaient en grande partie couvertes par des directives européennes. Une telle justification, disons-le, n’est pas satisfaisante : tout accord ou traité relatif à la préservation de la planète et du vivant devrait être rapidement approuvé ou ratifié par la France, compte tenu de l’urgence climatique. Notre pays doit se montrer exemplaire dans ce domaine.
Ce retard vient une nouvelle fois ternir le bilan déjà sombre de M. Macron et de son gouvernement en la matière. Faisons ce bilan, calmement, en nous remémorant toutes les décisions qui n’allaient pas dans le bon sens – si c’est possible, car il y en eu tant ! En pleine crise du covid-19, M. Macron déclarait que personne n’hésite à faire des choix profonds et radicaux quand c’est une question de vie ou de mort, et que c’est la même chose avec le risque climatique. Or que trouve-t-on dans le budget pour 2023 ? Soixante-sept milliards d’euros injectés dans des activités néfastes pour la planète !
En 2017, le même Emmanuel Macron promettait de faire de la santé environnementale une « priorité du quinquennat », en interdisant notamment le glyphosate. Deux ans plus tard, il est revenu sur sa promesse et peu lui importe que ce pesticide menace la santé des agriculteurs et pollue durablement l’environnement.
M. Macron aime se poser en garant de l’accord de Paris sur le climat, qu’il ne le respecte même pas. Pas une seule fois, depuis la COP21, la France n’a réussi à tenir ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pire, le Gouvernement a tout simplement augmenté le volume annuel d’équivalent CO2 que la France a le droit d’émettre.
En septembre 2019, devant un parterre international, M. Macron clamait : « On ne peut plus avoir un agenda commercial contraire à notre agenda climatique. » Pourtant, il accumule les traités de libre-échange, qu’il fait signer par sa majorité parlementaire sans précaution pour les droits humains ni pour le climat : le Ceta – Accord économique et commercial global –, bien sûr, mais aussi ceux passés avec le Vietnam et le Mexique, sans oublier le Mercosur, le Marché commun du Sud.
M. Charles Sitzenstuhl
Pour le Mercosur, c’est faux !
Mme Danielle Brulebois
C’est de la calomnie !
M. François Piquemal
Face à l’inaction climatique du Gouvernement, toutes les occasions sont bonnes pour remettre notre pays dans le droit chemin ; c’est pourquoi nous voterons pour l’approbation de ces deux textes. Nous le ferons alors que nos voisins européens regardent en ce moment le peuple de France lutter contre une réforme injuste socialement, mais aussi – on ne l’a pas assez dit – nocive pour la planète.
M. Pierre-Henri Dumont
Vous avez tenu trois minutes trente !
M. Maxime Minot
Ce n’est pas à l’ordre du jour ! Ne mélangez pas tout !
M. François Piquemal
Car oui ! La réforme des retraites vise, on le sait, à enrichir des fonds de pension qui ont des activités écocides, à mettre davantage de personnes sur le marché du travail et à produire plus, sans que jamais le sens de cette production ne soit confronté à l’épuisement des ressources. Nous vous proposons la planification écologique mais dans les actes, la seule chose que vous êtes capable de programmer, c’est l’obsolescence de la planète Terre. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Votre réforme des retraites s’en prend aussi à notre rapport au temps et au vivant, en participant à la grande accélération de la mondialisation néolibérale : que ce soit par les notifications incessantes des dizaines d’applications que comptent nos objets connectés, par la précarité du travail ou par la dégradation de l’accès aux biens communs et aux services publics, elle ne nous laisse jamais le temps de souffler, de vivre.
Il est plus que temps de remettre nos pas dans ceux de la planète. Si vous écoutez bien, vous pouvez les entendre : ce sont les pas de celles et ceux qui aujourd’hui, manifestent partout dans le pays. (Même mouvement.)
M. Charles Sitzenstuhl
Allez-y ! Ce n’est pas ici, la manif !
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
La convention d’Espoo prévoit que, dans les États parties frontaliers, des évaluations d’impact sur l’environnement soient conduites pour certaines activités à risque, identifiées par domaine et notifiées aux autres parties pouvant être concernées. Les États frontaliers doivent signifier à leurs voisins tout projet majeur à l’étude s’il est susceptible d’avoir un impact transfrontalier significatif et préjudiciable à l’environnement.
Les activités concernées sont listées dans l’appendice I de la convention d’Espoo. Elles ont été modifiées en 2004 par l’adoption du second amendement et on y trouve aussi bien les centrales nucléaires et thermiques que les mines, les usines de pâte à papier, les élevages intensifs de volailles ou les parcs d’éoliennes. La France applique notamment cette convention avec la Suisse pour les projets autoroutiers et éoliens, avec le Royaume-Uni ou la Belgique pour les projets d’éoliennes en mer, ou avec l’Allemagne pour les projets relatifs au nucléaire.
Mais c’est d’un exemple concret que je souhaite vous parler aujourd’hui, madame la secrétaire d’État ;…
M. Aurélien Taché, rapporteur
Et voilà, on y vient…
Mme Annie Genevard
…il illustre les limites de cette convention et la nécessité qu’il y a à la modifier efficacement.
La Suisse souhaite implanter neuf éoliennes à forte puissance et dotées de rotors de grand diamètre. Situé à la frontière avec la France, sur la commune de Jougne, ce projet, dénommé Bel Coster, aura inévitablement des répercussions importantes et préjudiciables sur le territoire français.
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Dino Cinieri
Tout à fait !
Mme Anne-Laure Blin
Elle a raison !
Mme Annie Genevard
Il suscite ainsi de fortes oppositions parmi les élus et les habitants du territoire : ceux-ci considèrent que le projet présente des risques importants, insuffisamment pris en compte.
Mme Emmanuelle Anthoine
Malheureusement !
Mme Annie Genevard
Les préjudices, pour cet espace naturel de moyenne montagne, sont de différentes natures. L’impact est tout d’abord paysager : les éoliennes seront visibles à plus de 30 kilomètres.
M. Maxime Minot
Catastrophe !
Mme Annie Genevard
L’emplacement a été choisi pour minimiser l’impact visuel côté suisse, au détriment de la vue somptueuse dont les habitants français jouissent actuellement…
M. Dino Cinieri
C’est inacceptable !
Mme Annie Genevard
…et qu’ils veulent légitimement conserver, sur cette partie du massif du Jura vierge de toute implantation et à forte valeur ajoutée touristique.
M. Marc Le Fur
C’est vrai ! C’est une fierté !
Mme Annie Genevard
Venons-en à l’impact sanitaire. L’hydrogéologue chargé de délivrer un avis sur le projet a conclu à la très forte vulnérabilité de l’aquifère karstique alimentant une source. De ce fait, tenant compte de l’absence de solutions alternatives pérennes pour l’alimentation en eau potable de la commune, il a donné un avis défavorable au projet.
M. Maxime Minot
Ça veut bien dire quelque chose !
Mme Annie Genevard
Ce n’est d’ailleurs pas un, mais deux avis défavorables qui ont été émis sur ce projet, l’un de la part de l’hydrogéologue, l’autre de la part du préfet du département du Doubs.
Les Français ne demandent pas aux Suisses de renoncer à leur projet, mais d’accepter d’en modifier l’implantation. Ces derniers restant sourds à nos demandes, la partie française porte l’affaire en justice.
La convention d’Espoo, qui date de 1991, n’est plus adaptée aux enjeux actuels. Nous plaçons donc tous nos espoirs dans le protocole dit de Kiev, relatif à l’évaluation stratégique environnementale.
Madame la secrétaire d’État, la convention d’Espoo prévoit bien une information des autorités du pays limitrophe, qui rend un avis, mais la décision appartient in fine au pays d’origine. Qu’en est-il du protocole de Kiev ? Est-il en mesure de protéger les intérêts de la France dans ce dossier, qui concerne Jougne et ses environs, mais aussi la Haute-Savoie, également voisine de la Suisse ?
La Suisse borde en effet une grande partie de la frontière Est de la France, faite de territoires de montagne remarquables, patrimoine précieux et vivant qu’il est de notre devoir de protéger. Or il semble que la Suisse fasse des difficultés pour signer ce protocole, ce qui en affaiblit considérablement la portée. N’est-il pas un leurre si l’un des principaux intéressés ne le signe pas ?
Quand nous nous adressons au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, on nous renvoie vers le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Une telle réponse est totalement inadaptée : à ce stade, il faut laisser la place à la diplomatie.
M. Maxime Minot
Il n’y a rien de mieux que le dialogue !
Mme Annie Genevard
Il faut que les pays se parlent et évoquent ces sources de conflit dans nos territoires frontaliers. C’est un enjeu très important dans une grande partie de notre pays.
Mme Anne-Laure Blin
C’est fondamental !
Mme Annie Genevard
Sans engagement d’un processus diplomatique avec la Suisse, le protocole de Kiev à la convention d’Espoo, dont nous approuvons l’esprit, restera lettre morte. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Zgainski.
M. Frédéric Zgainski
Le présent projet de loi vise à ratifier le premier amendement et le protocole additionnel à la convention d’Espoo, qui demandent aux États de la commission économique des Nations unies pour l’Europe de prévoir une consultation transfrontalière sur les activités ayant des incidences environnementales pour les États voisins.
Dans une Europe qui abolit progressivement ses frontières et se dote chaque jour de nouvelles règles communes, la gestion de l’espace partagé doit être au cœur de nos réflexions et de la coopération internationale. Le premier amendement à la convention nous permet même d’élargir cette coopération au-delà des États de la seule CEE-ONU et d’envisager la zone européenne de façon plus globale.
Il est important de réaffirmer l’engagement de la France en faveur de la protection de l’environnement et de la santé humaine.
La coopération entre les États est indispensable pour ce qui concerne les activités ayant une potentielle incidence sur l’environnement, car leurs effets – la pollution des sols ou de l’air, par exemple – ne s’arrêtent bien évidemment pas aux frontières.
En instaurant un dispositif d’évaluation stratégique environnementale, le protocole additionnel à la convention contribue à une meilleure protection de l’environnement et de la santé humaine. Il fait également la promotion du développement durable – lequel, pour que nos efforts ne soient pas vains, ne peut s’envisager qu’en collaboration avec tous les États de la région.
Lors de nos travaux en commission, mon collègue Frédéric Petit avait cité des exemples de tensions observées en Europe centrale autour de mines de charbon ou de centrales nucléaires. C’est le signe que le dialogue entre les États doit toujours primer, notamment dans un contexte où l’Europe continue à se réindustrialiser.
En incluant la société civile dans les procédures prévues par la convention, le premier amendement fait aussi des citoyens et des associations des acteurs plus centraux en matière de protection de leur environnement local, ce qui permet une meilleure sensibilisation du public aux questions environnementales, étape indispensable de la protection de notre environnement.
Nous saluons particulièrement la défense du droit d’accès à l’information environnementale qui, nous l’espérons, donnera lieu à un respect plus large de la législation en matière d’environnement.
Bien que le premier amendement et le protocole additionnel à la convention aient déjà été transposés en grande partie en droit interne, il nous semble important de démontrer, en adoptant ce texte, que la France ratifie ses engagements internationaux en matière environnementale. De même, nous réaffirmerions notre volonté de coopérer avec nos voisins les plus proches, notamment en matière de protection de l’environnement et de la santé.
Enfin, je sais les doutes que certains de nos collègues – notamment vous, monsieur le rapporteur – ont soulevés concernant la Polynésie française. La réponse apportée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, notamment aujourd’hui par la voix de Mme la secrétaire d’État, montre que rien ne fera obstacle à ce que la convention s’applique à la Polynésie si cette dernière en faisait la demande.
Les députés du groupe Démocrate voteront donc en faveur de la ratification proposée par ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alain David.
M. Alain David
La convention d’Espoo, signée le 25 février 1991 et entrée en vigueur le 10 septembre 1997, prévoit, dans les États parties, la conduite d’une étude d’impact environnementale avant toute décision d’entreprendre une activité pouvant avoir des conséquences transfrontalières sur la santé, la sécurité, la flore, la faune, le sol, l’air, l’eau, le climat, le paysage et les monuments historiques ou autres constructions.
Au début de la planification, l’une des parties doit informer l’autre de son projet et elles doivent convenir entre elles des moyens de réduire son impact sur l’environnement. Outre les décisions, la convention concerne également les « plans et programmes ». Son objet est donc la prévention. La partie d’origine doit offrir au public des zones susceptibles d’être touchées la possibilité de participer aux procédures d’évaluation des impacts environnementaux.
Le présent projet de loi vise à autoriser l’approbation d’un amendement et d’un protocole à la convention d’Espoo qui permettent de préciser ces obligations.
L’amendement précise ainsi que le public susceptible de participer aux procédures d’évaluation inclut la société civile, notamment les organisations non gouvernementales (ONG).
Quant au protocole, qui ne se réduit pas aux activités transfrontières, il vise à assurer, tant au niveau national que transfrontalier, une meilleure prise en compte des facteurs environnementaux, y compris en matière de santé, dans l’élaboration des plans et programmes.
Ce projet devrait contribuer à l’amélioration des relations entre la France et les États voisins concernant les questions relatives à l’environnement et à une meilleure connaissance des procédures en vigueur dans les États parties à la convention.
Je pense notamment à la petite polémique née chez notre voisin suisse lorsque l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait ouvert la porte, en février 2021, à un prolongement – pouvant aller jusqu’à cinquante ans – de l’utilisation de centrales nucléaires comme celle du Bugey, dans l’Ain. Ce projet avait été contesté par des militants antinucléaires et écologistes, et même par la ville et le canton de Genève. Les autorités suisses avaient ainsi déposé un recours dénonçant « l’état de vétusté du Bugey et les risques sécuritaires que cette centrale fait courir à un large bassin de population. »
Dans leur communiqué, elles ajoutaient : « En plus de ces questions sécuritaires, les autorités cantonale et municipale dénoncent la procédure suivie par l’ASN. En choisissant la voie de la "poursuite d’exploitation", elle n’a pas eu à réaliser d’évaluation environnementale ni d’étude d’impacts transfrontaliers comme le prévoit la convention d’Espoo. C’est également la première fois que l’ASN se prononce sur les garanties qu’EDF doit respecter pour continuer à exploiter certains réacteurs, alors même qu’une hypothèse de quarante ans de fonctionnement avait été retenue lors de leur conception. »
Les textes dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation renforceront utilement l’obligation de mener une concertation avant de prendre ce type de décision.
Par ailleurs, je comprends la volonté de certains collègues de relancer, à l’occasion de l’examen de ces accords internationaux, le débat engagé autour de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dans la mesure où les études d’impact prévues par la convention prennent en compte la dimension paysagère des territoires. Cela étant, le fait de permettre aux ONG de participer à ces études représente, aux yeux de mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, une évolution très positive.
Pour toutes ces raisons, nous voterons pour ce texte qui constitue un indéniable progrès.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Kochert.
M. Charles Sitzenstuhl
L’Alsace s’exprime !
Mme Stéphanie Kochert
Notre continent est traversé d’espaces géographiques partagés entre pays européens : le Rhin, les Alpes, les Pyrénées. Chacun d’eux recèle un trésor de biodiversité à préserver. Comme nous partageons ces espaces, l’impact sur l’environnement des projets que nous y menons ne s’arrête pas aux frontières de notre pays. Nous devons donc consulter nos partenaires régionaux et agir en bonne intelligence avec eux.
C’est pourquoi, dès 1991, la CEE-ONU, dont la France est membre, a créé un outil juridique contraignant : la convention d’Espoo. Celle-ci impose à tous les États membres autorisant un projet susceptible d’avoir des effets transfrontières d’en évaluer les conséquences environnementales et de consulter les pays concernés.
En 2001, un premier amendement était adopté par les États parties à la convention d’Espoo. Puis, en 2003, à l’issue de la cinquième conférence ministérielle « Un environnement pour l’Europe » de la CEE-ONU, un protocole additionnel a été signé.
Le premier amendement ouvre la voie à une consultation plus large de la société civile lors des évaluations d’impact, incluant les ONG. En l’approuvant, nous permettrions aussi à des États non-membres de la CEE-ONU d’adhérer à la convention.
Le protocole prévoit une prise en compte des enjeux environnementaux encore plus en amont, dès les premières étapes de la prise de décision. Ainsi, aucun plan, programme, politique ou législation susceptible d’avoir des effets environnementaux significatifs ne pourra faire l’économie d’une évaluation stratégique environnementale approfondie.
C’était en 2003. Vingt ans après, notre Assemblée est saisie pour autoriser le premier amendement et le protocole de la convention d’Espoo. Tout vient à point à qui sait attendre, aussi sommes-nous heureux de voir à nouveau examinée ici la question de l’évaluation des impacts sur l’environnement dans un contexte transfrontière.
Il y a une raison simple à ce débat tardif. Au fond, une très grande partie, si ce n’est l’ensemble, des dispositions de l’amendement et du protocole sont déjà appliquées par la France et ses partenaires européens. L’Union européenne a elle-même décidé le 20 octobre 2008 d’approuver le protocole et de l’appliquer en son sein. De plus, de nombreuses formes de coopération transfrontière existent déjà en matière environnementale, dans le cadre des projets Interreg gérés par nos régions avec leurs voisines, sans parler des accords bilatéraux relatifs aux projets d’infrastructures transfrontières, qui comportent tous une clause environnementale.
Mes chers collègues, l’ambition de ce texte d’approbation est tout autre. En approuvant ce projet de loi, nous nous engageons pour l’environnement, pour la démocratie et à l’international.
S’agissant de l’environnement, nous montrons notre détermination à toujours évaluer l’empreinte écologique de projets et de plans majeurs.
Pour la démocratie, nous inscrivons dans le marbre notre détermination à toujours consulter en amont les parties prenantes et la société civile.
À l’international, nous favorisons l’élargissement du champ d’application de la convention, qui aura vocation à être acceptée et ratifiée largement, au-delà des frontières européennes.
Avec ce projet de loi, nous nous engageons aussi à intégrer l’enjeu environnemental à nos politiques publiques dès leur conception, et ce de manière systémique. À l’heure où la majorité agit pour favoriser le développement des énergies renouvelables et du nucléaire, nous garantissons que les nouveaux projets seront toujours pensés, approuvés et évalués à l’aune de leur empreinte environnementale et de leur conséquence sur la santé humaine.
C’est pour cette raison que le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de l’approbation du premier amendement et du protocole à la convention d’Espoo. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Je remercie mon collègue du groupe Écologiste-NUPES, Aurélien Taché, pour sa présentation. Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet l’adoption de deux textes adoptés par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe : le premier amendement à la convention d’Espoo et le protocole de Kiev. Ces textes sont d’une importance capitale pour notre environnement et notre santé.
Le premier amendement à la convention d’Espoo stipule que le public doit être informé et invité à formuler des observations ou des objections sur les projets présentant des impacts transfrontaliers préjudiciables importants : les citoyens doivent être informés et consultés sur les projets susceptibles d’affecter leur environnement et leur santé, notamment s’ils sont situés dans une zone frontalière. Le protocole de Kiev, quant à lui, instaure un dispositif d’évaluation des effets de certains plans et programmes sur l’environnement et sur la santé. Il stipule aussi que le public doit être consulté et informé tout au long du processus d’évaluation. Bien que ces deux textes aient été signés par la France il y a plus de vingt ans, ils n’ont pas encore été ratifiés. Il est donc grand temps de les approuver pour protéger notre environnement et notre santé.
Je tiens cependant à souligner que la société civile ne doit pas seulement être informée et consultée : elle doit également être impliquée dans la prise de décision, car les citoyens sont les premiers concernés par la pollution transfrontalière. Les décisions doivent être prises de manière transparente et démocratique, avec la participation active des citoyens. Les membres du groupe Écologiste-NUPES sont convaincus que la participation de la société civile est essentielle pour protéger l’environnement et la santé, et qu’elle contribuera à améliorer la qualité des décisions prises. Nombre de projets, en France, ont été contestés par les citoyens en raison de leur impact sur l’environnement et sur la santé – les exemples ne manquent pas. Il est temps de tenir compte de ces contestations et d’impliquer la société civile dans la prise de décision. Nous devons construire un système dans lequel les citoyens ont une voix et un pouvoir, et dans lequel leurs préoccupations sont prises en considération.
Je m’inquiète également du fait que la France ait tant tardé à ratifier ces textes, dont je rappelle qu’ils ont été adoptés il y a plus de vingt ans. Cette lenteur nuit à notre réputation internationale en matière de protection de l’environnement et de la santé. Nous devons agir rapidement pour montrer notre engagement en la matière.
En réponse au point soulevé par notre collègue du groupe Les Républicains, Annie Genevard, permettez-moi d’expliquer pourquoi le projet éolien Bel Coster ne constitue pas, en réalité, un cas de pollution transfrontalière. Tout d’abord, ce terme désigne la pollution causée par un pays et affectant, directement ou indirectement, un pays voisin. Dans le cas des éoliennes, il faut distinguer la pollution émise par les énergies fossiles de celle qu’induiraient les énergies renouvelables : le fait de gâcher le paysage ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec la réalité de l’urgence causée par le dérèglement climatique. (M. le rapporteur applaudit.) Si nous continuons sur notre lancée, il n’y aura bientôt même plus de paysages à gâcher !
Il importe en outre de souligner que la France et la Suisse coopèrent dans le domaine de l’énergie éolienne en vue de renforcer leurs efforts conjoints en matière de lutte contre le changement climatique. Les deux pays travaillent ensemble pour partager les avantages de cette source d’énergie propre et durable, tout en minimisant ses inconvénients potentiels. Certes, l’installation d’éoliennes peut avoir des incidences locales, telles que la perturbation visuelle du paysage, des nuisances sonores ou des effets sur la faune, mais ces impacts sont généralement limités et gérables, grâce à une planification et à une réglementation adéquates. Par ailleurs, ils ne constituent pas une pollution transfrontalière à proprement parler, car ils n’affectent pas directement le territoire d’un pays voisin.
Enfin, rappelons que la transition vers les énergies renouvelables, telles que l’énergie éolienne, est cruciale pour lutter contre le changement climatique et atteindre nos objectifs de développement durable. Le projet d’installation d’éoliennes à la frontière franco-suisse auquel Mme Genevard a fait référence contribue à cet effort global et s’inscrit dans le respect des normes internationales et des législations des deux pays.
Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera en faveur du projet de loi. Ensemble, nous pouvons construire un avenir plus durable et plus juste pour tous. Il est temps d’agir, de protéger l’environnement et de prendre en considération les préoccupations des citoyens.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
La convention d’Espoo, qui date de 1991, porte sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontalier. Elle prévoit une consultation transfrontalière sur les activités revêtant des incidences environnementales pour un autre État. Le premier amendement, dit de Sofia, a été signé il y a longtemps, en 2001. Il élargit l’acception de la notion de public participant aux procédures en y incluant les associations et les ONG – c’est une bonne chose. Il autorise également les pays membres de l’ONU mais non-membres de la CEE-ONU à devenir partie à la convention. Le protocole dit de Kiev, signé en 2003, porte quant à lui sur l’évaluation stratégique environnementale prévue dans la convention d’Espoo. Il assure une meilleure prise en considération de l’environnement et de la santé humaine lors de l’évaluation et de l’adoption des plans et des programmes, tant à l’échelle nationale que transfrontalière.
Au-delà du bien-fondé de ces accords sur le fond, le problème majeur du projet de loi réside dans le fait qu’il exclut la Polynésie française du champ d’application de l’accord, du fait d’une décision prise par son exécutif en 1998. Vingt-cinq ans plus tard, l’Assemblée de la Polynésie française devrait être une nouvelle fois sollicitée par l’État français pour faire connaître sa position actuelle. Nous apprécions la démarche du rapporteur en ce sens. Nous débattons donc d’un texte sans même connaître l’avis de tous les territoires concernés, ce qui nuit à la tenue d’un débat éclairé. Par conséquent, il est fondamental que le Parlement, qui représente tous les territoires formant la République française, reporte ce vote. À défaut, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES, qui accueille tous les députés de Polynésie, ne pourront voter ce texte.
Rappelons le déroulé des faits : l’Assemblée de la Polynésie française a émis, en 1998, un avis défavorable à l’application de la convention d’Espoo, en raison du manque de temps laissé à la concertation entre l’État et la Polynésie sur cet accord relatif à des questions environnementales, donc relevant de la compétence de ce territoire ultramarin. L’avis défavorable de la Polynésie française se fondait donc sur un argument de forme : celui du mépris de l’État central envers les territoires d’outre-mer, qui suscite d’ailleurs des critiques adressées de manière récurrente par tous nos collègues ultramarins. Pour tenir compte de cet avis défavorable, l’État français a déposé, au moment de ratifier la convention d’Espoo, une déclaration excluant la Polynésie française de son champ d’application.
Maintenant que cette controverse politique datant de 1998 est terminée, cette décision devrait toutefois faire l’objet d’un nouveau débat en Polynésie, après les élections territoriales qui s’y tiendront dans un mois. Après avoir attendu vingt ans pour ratifier ces deux textes, nous ne sommes plus à un ou deux mois près ! L’installation d’un nouvel exécutif dans la collectivité constitue le moment idéal pour que l’État interroge à nouveau les élus polynésiens. L’exécutif devrait donc attendre que les élections territoriales polynésiennes se soient tenues, afin de proposer au Parlement un texte complet, qui permettra de débattre en connaissant le positionnement de tous les territoires français concernés.
Il me semble absolument nécessaire de procéder ainsi, car même si le rapporteur a expliqué en commission que les consultations entre l’État et la Polynésie française pourraient être menées après l’adoption du projet de loi, l’État n’a donné aucune garantie assurant que le ministère des outre-mer mènerait effectivement ces consultations. Mes collègues polynésiens m’ont d’ailleurs confirmé n’avoir pas encore été sollicités par le ministère. Alors comment obliger l’État français à agir ? Nous pourrions rejeter le texte : nous adresserions ainsi un message très fort et très clair à l’exécutif pour l’inciter à respecter sa parole et à revoir sa copie, et nous pourrions mener un vrai débat de fond la prochaine fois.
Enfin, je partage les préoccupations d’Annie Genevard : il me semble que la ratification de protocoles ou de conventions de la nature de ceux qui sont soumis à notre approbation aujourd’hui ne doit pas empêcher la diplomatie de jouer son rôle, même en matière environnementale et paysagère, car ces questions affectent la vie quotidienne de nos concitoyens. D’une manière générale, chacun constate, à travers ces traités internationaux, combien le Gouvernement prend les questions environnementales à la légère. Par exemple, au Havre, la parution d’une étude de dangers pourtant promise depuis des mois n’a toujours pas eu lieu, ce qui montre bien que l’exécutif ne ressent pas d’urgence particulière à agir, même lorsque la sécurité et la santé des populations sont en jeu. La ratification tardive de ces deux textes en est une autre illustration, même si elle ne remet pas en cause les lois adoptées par le passé en matière de protection de l’environnement. Espérons qu’à l’avenir, le Gouvernement sera vigilant sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
M. Jean-Louis Bricout
Les élus du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires estiment que tout ce qui peut permettre de renforcer les coopérations transfrontalières et de contribuer à la préservation de l’environnement est bon à prendre. Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette logique. N’ayons pas peur des mots : en matière de risques environnementaux, la pollution ne connaît pas de frontière !
C’est la raison pour laquelle le renforcement de nos outils d’alerte communs, dans un dialogue continu avec nos voisins, est incontournable, à plus forte raison à l’heure où nous nous apprêtons à mener de grands projets d’installations d’infrastructures énergétiques. Je songe en particulier aux enjeux récemment soumis au débat à l’occasion de l’examen de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, puis du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Venons-en aux deux textes qui nourrissent le projet de loi qui nous réunit. L’amendement de Sofia de 2001, d’abord, vise à associer les ONG aux études d’impact, ce qui constitue une vraie bonne idée : ces documents gagneront ainsi en qualité et contribueront à rendre les projets d’installation plus acceptables. Nous accueillons donc favorablement ces dispositions. Par ailleurs, l’amendement de Sofia étend la coopération au-delà des frontières de l’Europe, ce qui permettra de promouvoir les standards européens.
Le protocole additionnel de Kiev de 2003, quant à lui, tend à améliorer la participation et la consultation du public ainsi que le contenu du rapport environnemental. Si la plupart des dispositions qu’il contient existent déjà dans le droit français, le protocole permet tout de même d’enrichir le droit d’information et de participation, ce que nous saluons. Cet accord signé à Kiev, dont l’Ukraine est partie prenante, s’impose comme un symbole de ce que devraient être la coopération et les relations entre États.
Pourtant, ces avancées, dont nous nous félicitons, ne sauraient nous faire ignorer les carences des accords qui ont été trouvés. D’une part – et ce n’est pas neutre –, les textes n’entreront en vigueur que lorsqu’un nombre suffisant d’États les auront ratifiés. En conséquence, les projets déjà réalisés ne sont pas concernés par l’article 12 du protocole : aucun suivi de leurs conséquences sur l’environnement et sur la santé n’est prévu. Il paraît donc nécessaire d’étendre les obligations relatives aux dispositifs d’alerte des autorités compétentes et du public en cas d’effets négatifs imprévus.
D’autre part, la convention d’Espoo comporte, à nos yeux, un angle mort : si les installations fixes sont intégrées dans l’accord, les risques environnementaux transfrontaliers issus des flux de marchandises en sont exclus. Je songe par exemple au risque de marée noire en mer du Nord, dans la Manche ou en Méditerranée, ou encore aux risques liés au trafic fluvial sur le Rhin et les canaux du Nord. Rappelons que la représentation nationale a récemment voté un texte sur cette question.
Ainsi, les accords soumis à notre examen ne suffiront pas à eux seuls : nous devrons poursuivre la construction d’une architecture juridique à même de prévenir les risques sur l’environnement et sur la santé à l’échelle nationale, européenne, voire internationale. Parce que ces textes sont porteurs d’avancées et qu’ils esquissent un chemin vers une protection de l’environnement progressivement partagée, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera pour leur adoption. (M. Alain David applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Olga Givernet.
Mme Olga Givernet
Notre assemblée est appelée à connaître de deux aménagements à la convention d’Espoo. Ces textes ont été adoptés dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe.
Signée en 1991, la convention d’Espoo est un instrument de démocratie environnementale transfrontière. Elle prévoit une évaluation d’impact sur l’environnement pour certaines activités à risque telles que le raffinage de pétrole, le nucléaire, les centrales thermiques, les autoroutes, les grands réservoirs d’eau ou le déboisement de superficies importantes. Elle est donc l’affaire de tous.
Un État doit notifier aux voisins concernés tout projet majeur susceptible d’avoir un impact transfrontière significatif et préjudiciable. Les parties concernées doivent ensuite se consulter pour réduire ou éliminer ces impacts. Cet engagement important limite la souveraineté nationale dans le domaine de l’environnement. L’impact sur l’environnement ignore, par définition, les frontières des États. La convention revêt évidemment une importance singulière dans les territoires frontaliers.
Les deux textes inscrits pour approbation viennent renforcer le dispositif de la convention d’Espoo. Le premier amendement date de 2001. Il précise quel est le public qui doit être informé et peut alors formuler des observations ou des objections à propos de projets structurants : les associations et ONG en font partie et ont donc la possibilité de participer aux procédures d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Le premier amendement renforce ainsi la légitimité de la société civile, y compris dans des pays où celle-ci n’est pas reconnue.
Il permet également aux États qui ne sont pas membres de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe de devenir parties à la convention. Depuis son entrée en vigueur en 2014, une telle situation ne s’est pas produite mais cette possibilité est intéressante – notamment dans le cas des États voisins de territoires ultramarins.
Le deuxième texte est le protocole de Kiev, signé en 2003, qui intègre la question de la santé humaine aux mesures et instruments de promotion du développement durable.
Cette procédure, nécessaire mais essentiellement technique, n’aura qu’une portée juridique limitée. La convention d’Espoo et ses deux amendements ont en effet été intégrés au droit de l’Union européenne par une directive du 13 décembre 2011, laquelle a d’ores et déjà été transposée en France dans le code de l’environnement. Le droit existant couvre donc largement le domaine du projet de loi. Dès lors, le délai d’approbation, s’il peut sembler regrettable – tous ici l’ont d’ailleurs noté –, est sans préjudice pour l’environnement.
L’examen de ce projet de loi permet d’avoir un débat. Il soulève des problèmes encore non résolus – je pense notamment à la question, déjà évoquée, de la réserve applicable à la Polynésie.
Nous appelons de nos vœux des procédures de ratification et d’approbation plus rapides. Notre pays a vocation à être exemplaire, en particulier en matière de droit international de l’environnement.
Avant de conclure, j’aimerais revenir sur la prolongation de la durée de vie de nos centrales nucléaires, comme celle du Bugey, citée par notre collègue David. À l’heure où nous examinons le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, notre groupe propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la prolongation au-delà de soixante ans de la durée d’exploitation des centrales. Il est nécessaire de porter une attention particulière sur cette question. Notons que l’exploitation des centrales suisses n’est pas limitée dans le temps.
Le groupe Renaissance soutient sans réserve l’approbation de ce projet de loi qui vise à favoriser une véritable coopération – que nous appelons de nos vœux – dans nos régions transfrontalières. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Aurélien Taché, rapporteur
Nous en convenons tous : l’approbation de ces textes, adoptés il y a environ vingt ans, intervient beaucoup trop tard. Cependant elle est enfin à l’ordre du jour et je vous invite donc à l’autoriser.
Je signale à notre collègue Lecoq que nos amis polynésiens n’ont pas été oubliés et que le Gouvernement les a bien sollicités. La tenue des élections territoriales à venir, que nous suivrons avec attention parce qu’elles sont importantes, n’y change rien. La nouvelle majorité issue de ce scrutin pourrait, si elle le souhaite, décider que la convention Espoo s’applique à son territoire – je tiens à insister sur ce point car je suis soucieux de laisser cette possibilité aux Polynésiens.
J’ajoute enfin, à l’attention de nos chers collègues du groupe Les Républicains, notamment Mme Genevard, qu’il ne faudrait pas refuser de voter en faveur d’un texte aussi important…
M. Maxime Minot
Nous ne voterons pas contre ! Il n’a rien écouté !
Mme Virginie Duby-Muller
Nous allons voter pour !
Mme Annie Genevard
Il faut nous écouter !
Mme Virginie Duby-Muller
Vous pourriez au moins être attentifs à nos propos !
M. Maxime Minot
Aujourd’hui, nous votons pour ! Demain, ce n’est pas sûr !
M. Aurélien Taché, rapporteur
…au prétexte qu’un petit projet d’éolienne est envisagé à la frontière franco-suisse. Il ne me semble pas qu’un tel projet entre dans le champ de la pollution transfrontalière.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Articles 1er et 2
(Les articles 1er et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 124
Contre 1
(Le projet de loi est adopté.)
3. Amendement et règlement d’application de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure
Procédure d’examen simplifiée
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017 (nos 766, 868).
Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je le mets directement aux voix, en application de l’article 106 du règlement.
(Le projet de loi est adopté.)
4. Accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et fonctionnement des installations existantes
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (nos 762, 917).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant aux orateurs inscrits à l’article 1er.
Conformément à la demande du Gouvernement, nous examinons à présent par priorité l’article 11 bis.
Article 11 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Permettez-moi tout d’abord de saluer celles et ceux qui manifestent actuellement contre la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.)
On ne réforme pas la sûreté nucléaire à la légère, à la va-vite, à la hussarde. Car en agissant ainsi, on prend un risque énorme. C’est un luxe que la France ne peut se permettre.
L’article 11 bis est un cavalier législatif. Il nous conduit à ouvrir un débat qui ne porte pas sur la politique énergétique mais sur la sûreté. Que l’on soit favorable au nouveau nucléaire, à la prolongation de la durée d’exploitation des centrales ou à la sortie du nucléaire, les installations existantes doivent fonctionner dans des conditions de sûreté absolues. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Le démantèlement de l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, est une hypothèse qui non seulement n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, mais a été écartée par la Cour des comptes, par plusieurs anciens ministres chargés de la sûreté nucléaire et de l’énergie – dont je fais partie – ainsi que par trois anciens présidents de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) de sensibilité politique différente.
Cette proposition est dangereuse parce que la sûreté nucléaire en France repose sur cinq principes : la responsabilité de l’exploitant, l’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire, la transparence – y compris de l’expertise –, l’élévation continue des normes et la reconnaissance du facteur humain.
Le démantèlement de l’IRSN remet en cause quatre de ces cinq principes : la reconnaissance du facteur humain, tout d’abord, puisque, unanimement dénoncé par le corps social, il promet une fuite des cerveaux et une paralysie ; la transparence, ensuite, car il remet en cause la publication des avis d’expertise : l’élévation continue des normes également, celle-ci reposant sur l’articulation entre la recherche et l’expertise ; enfin, le schéma proposé par le Gouvernement est en réalité celui que souhaite l’exploitant, ce qui constitue une atteinte fondamentale au principe d’indépendance de la sûreté nucléaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile.
M. Benjamin Saint-Huile
Il faut tout de même saluer le brio du Gouvernement qui est parvenu à se mettre en difficulté avec un projet de loi qui, a priori, ne posait aucun problème. Les rapports de force et les positions des groupes parlementaires sur la question énergétique et nucléaire sont en effet assez connus.
Au nom du groupe LIOT – mais d’autres exprimeront le même point de vue –, je dois confesser ma grande surprise, s’agissant aussi bien de la méthode que du fond. Nous examinons un projet de loi visant à accélérer les procédures. Très bien. Nous faisons partie de ceux qui sont plutôt enclins à aller dans ce sens. Depuis la première minute des débats en commission, nous disons cependant que ce texte présente le risque d’envoyer un signal négatif en matière de sécurité et de sûreté nucléaires.
Pourtant vous choisissez, en déposant en commission des amendements portant article additionnel, d’opérer un changement majeur dans l’organisation de la sûreté, et ce alors même que cette question n’a pas été mise sur la table lors de l’examen au Sénat. Nos collègues de la chambre haute se sont positionnés sur ce texte sans que jamais l’hypothèse d’une fusion entre l’IRSN et l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, soit envisagée.
Je poserai des questions relativement simples à Mme la rapporteure et à Mme la ministre. Pourquoi formulez-vous cette proposition maintenant (M. Maxime Laisney applaudit) alors que nous aurions le temps de l’examiner dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat et que, comme cela vient d’être dit, nous ne disposons d’aucune étude d’impact ? Pourquoi le faites-vous de manière aussi surprenante – puisque vous n’avez pas présenté cette hypothèse au Sénat ? Pourquoi prenez-vous le risque d’envoyer à tous nos concitoyens, et particulièrement aux professionnels du secteur de la sûreté, le message que vous voulez changer la donne en la matière alors même que vous appelez de vos vœux une accélération s’agissant du nucléaire ?
Pour nous, cette décision est incompréhensible. De bonne foi, et tout en étant enclins à étudier de façon très sérieuse la question du recours au nucléaire, nous considérons que c’est un signal catastrophique. Voilà pourquoi nous souhaitons que vous oubliiez ce projet de fusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur de nombreux bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Aurélie Trouvé applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Barbara Pompili.
Mme Barbara Pompili
Je tiens tout d’abord à adresser mes plus cordiales salutations et mon plus profond respect à tous les travailleurs de l’IRSN mais aussi de l’ASN qui contribuent, depuis plusieurs années, à garantir la sûreté nucléaire de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et LIOT.)
Grâce à eux, aujourd’hui, que l’on soit pour ou contre le nucléaire, chacun s’accorde à dire que la sûreté nucléaire dans notre pays – qui peut bien sûr toujours faire l’objet d’aménagements et d’améliorations – est tout à fait satisfaisante, ce qui est de nature à rassurer nos concitoyens, à plus forte raison lorsqu’on décide de lancer un nouveau programme électronucléaire. Nous avons besoin de vigies, elles sont là et font bien leur travail.
C’est pourquoi, comme nombre de mes collègues, je m’étonne réellement du moment et de la méthode choisis. Pourquoi, alors que ces personnels doivent être à leur poste et concentrés uniquement sur leur travail de vérification du bon fonctionnement de nos réacteurs actuels, de détection d’éventuels problèmes mais aussi de préparation face aux évolutions à venir, décide-t-on de fusionner deux organismes qui n’ont rien à voir, qui n’ont ni les mêmes missions ni les mêmes responsabilités ?
Un tel projet est nouveau. Je tiens d’ailleurs à témoigner du fait que, lorsque j’étais ministre – c’était il n’y a pas si longtemps, quelques mois seulement –, en particulier au moment du discours de Belfort, que nous avons préparé avec les services concernés, une telle hypothèse n’a, à aucun moment, été envisagée sérieusement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Elle n’était pas du tout à l’ordre du jour, pas même dans le cadre d’une relance du nucléaire.
Je soutiendrai plus tard des amendements, ce qui me permettra d’évoquer plus longuement cette question. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Aurélie Trouvé
Bravo, madame la ministre !
M. Matthias Tavel
On comprend pourquoi elle n’est plus au Gouvernement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Vous voulez procéder par cet article à un démantèlement en règle de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Ce n’est pas nous qui le disons, mais les représentants des salariés de l’IRSN. Vous voulez d’abord fusionner les fonctions de recherche et d’expertise dans une unique autorité administrative, l’ASN, qui instruit les autorisations, notamment vis-à-vis des exploitants. Ce changement peut paraître technique mais il serait extrêmement grave. Moi qui ai été chercheuse dans un organisme public, je sais par expérience qu’une telle fusion déstabiliserait pendant de longues années des équipes de recherche très pointues et professionnelle dont nous voulons saluer ici le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Comme notre collègue Pompili, je salue le travail de l’IRSN et de l’ASN (Mêmes mouvements), des organismes qui demandent avant tout plus de moyens humains, et même plus de moyens tout court, pour pouvoir exercer toutes les fonctions qui leur sont attribuées, y compris en matière de recherche.
Ils ne doivent pas être fusionnés parce que, sur un sujet aussi sensible, la recherche doit rester 100 % indépendante. Vous parlez de fluidité de l’expertise pour justifier votre choix, mais ce que vous voulez surtout éviter, c’est la publication de certaines expertises. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce qui vous ennuie, c’est que l’IRSN publie, parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant que l’ASN ait rendu sa décision, son propre avis, issu de sa propre recherche indépendante. Or, pour que les décisions prises soient éclairées et surtout transparentes, il est nécessaire que l’IRSN conduise une recherche et formule des avis en toute indépendance.
M. Matthias Tavel
Très bien !
Mme Aurélie Trouvé
Cet organisme a été construit pendant deux décennies sur les ruines de Tchernobyl et joue un rôle de vigie indispensable pour restaurer la confiance du public et assurer des missions scientifiques de haut niveau en matière de sûreté et de santé.
Mme la présidente
Je vous prie de conclure.
Mme Aurélie Trouvé
Et, pour finir, nous dénonçons la méthode brutale employée puisque les personnels de l’IRSN n’ont appris l’existence du projet qu’il y a moins d’un mois… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, suscitant les protestations de plusieurs députés du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur de nombreux bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme Clémence Guetté
Un peu d’équité, madame la présidente !
Mme Ségolène Amiot
Encore deux poids, deux mesures !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo
La réorganisation de la sûreté nucléaire occupe désormais la commission des affaires économiques depuis plusieurs semaines, c’est-à-dire depuis que le sujet est sur la table. La commission a adopté l’amendement du Gouvernement tendant à créer l’article 11 bis, mais comme je l’avais dit alors, ce dernier pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses.
Ces questions sont au nombre de trois.
Premièrement, quelle garantie avons-nous que la recherche et l’expertise d’un côté, et, de l’autre, la prise de décision resteront clairement séparées ? Je fais partie de ceux qui pensent qu’un mélange sans précaution de ces trois fonctions ne servirait pas utilement la sûreté nucléaire. (Mme Delphine Batho et M. Hubert Julien-Laferrière applaudissent.)
Deuxièmement, que deviendraient les missions de l’IRSN, en particulier celles qu’elle assurait dans le cadre de sa fonction commerciale en tant qu’établissement public industriel et commercial (Epic) ? Je pense au suivi de l’exposition au radon, à la surveillance de l’environnement mais aussi au suivi de la radioprotection en milieu médical ou encore à la scénarisation et à la gestion des exercices de gestion de crise et à l’étude de la perception du risque par les Français.
Troisièmement, qu’en sera-t-il de la transparence s’agissant de la sûreté, de la radioprotection et des rayonnements ionisants ? L’IRSN a su construire la confiance chez les Français. Il ne faudrait pas la perdre.
Ces questions ne se poseraient pas si une autre méthode avait été choisie. Au lieu de décider de la réorganisation, puis de réfléchir à sa mise en œuvre, il aurait été préférable d’évaluer les besoins de réorganisation avant de décider de les satisfaire.
Il ne s’agit pas pour nous, au groupe Démocrate, de remettre en cause toute évolution. Celle-ci est absolument nécessaire, mais doit être pensée dans une perspective de prolongement de la durée de vie du parc électronucléaire existant et de la création de nouvelles centrales. Nous devons poser les bonnes questions dans le bon ordre pour faire le mieux possible.
Au sein du groupe, je dois vous le dire, madame la ministre, madame la rapporteure, les avis sont divergents sur le sujet. Certains voteront pour cette réorganisation, d’autres s’y opposeront. En tout cas, nous serons force de propositions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je ne suis pas du tout un spécialiste du nucléaire. Par contre, il m’est arrivé de travailler sur des questions d’agronomie, notamment dans le cadre d’une mission que m’avait confiée le Gouvernement pour bâtir le programme Écophyto II, et j’ai eu alors l’occasion de mener une véritable exploration des institutions d’État, en particulier de l’Inrae – l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, et de l’Anses – l’Agence nationale de sécurité alimentaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Et j’ai pu vérifier au Salon de l’agriculture que ces deux organismes coopèrent très souvent autour de la sécurité alimentaire et de la recherche agronomique. Ils ont ainsi signé des conventions couvrant quasiment toutes les recherches relatives à la prévention des effets néfastes des molécules. Cependant, ils ont des organisations bien séparées puisque l’un est un institut et l’autre une agence, et que chacun conserve sa fonction propre en toute liberté, la recherche pour l’un et la sécurité pour l’autre. Leur indépendance, qu’un continuum législatif n’a cessé de renforcer, a été vérifiée mille fois par des comités de déontologie.
Un tel modèle me semble proche de celui dans lequel s’inscrivent l’IRSN et l’ASN. Nucléaire, agronomie et sécurité sanitaire, même combat ; la séparation des institutions et leur capacité à coopérer sont une chance pour la France. Il n’y aurait donc pas plus de sens à les fusionner que de fusionner l’Inrae et l’Anses. Ce serait même dangereux, du point de vue de la sûreté nucléaire comme de l’acceptation par les Français de cette source d’énergie, de procéder à un rapprochement en l’absence de toute étude d’impact. Ce serait une première… dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
En plus, vous savez très bien que la programmation nucléaire sans programmation pluriannuelle de l’énergie est une hérésie.
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
Le groupe GDR-NUPES juge votre proposition abrupte et incompréhensible, madame la ministre. Il s’agit pourtant d’une question centrale, celle la sûreté nucléaire. En la matière, vous remettez en cause l’équilibre subtil, mais décisif, entre expertise indépendante et décision opérationnelle. C’est un très mauvais signal, adressé non seulement aux professionnels hautement qualifiés qui œuvrent au suivi de la sûreté de nos installations (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES ainsi sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES), mais aussi au commun des Français dont il faudrait au contraire, dans ce domaine, conforter la confiance.
Avant toute chose, madame la ministre, vous devez nous éclairer sur les enjeux de cette fusion au travers d’un rapport exigeant, circonstancié et totalement transparent. En effet, votre proposition, mise en débat de façon impromptue, compromet, floute notre vision de la trajectoire proposée dans l’ensemble du texte. Nous voterons donc contre cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES ainsi sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
On peut en effet être surpris, sur la forme, qu’une telle fusion soit proposée par un amendement du Gouvernement. Il est vrai que ce texte vise à accélérer les procédures pour relancer le nucléaire :…
Mme Julie Laernoes
Accélérer les procédures au détriment de la sûreté ? Vous êtes sérieux ?
M. Jérôme Nury
…si le but de cette nouvelle disposition est de fluidifier ces procédures et de renforcer les équipes chargées de donner des avis afin de faciliter la réalisation des nombreux projets à venir, on peut admettre que l’adopter serait un gage d’efficacité.
Mais nous ne devons pas perdre en sûreté, en sécurité et en indépendance. Il faut donc absolument assurer un suivi précis de cette fusion – nous défendrons en ce sens des amendements prévoyant la remise de rapports. Il faut également des garanties sur les moyens financiers et humains qui seront accordés à la nouvelle structure et s’assurer qu’elle conservera un personnel de qualité. Cela a été rappelé à plusieurs reprises : l’IRSN et l’ASN disposent aujourd’hui de compétences que la fusion ne doit pas faire perdre. Comment aller vite tout en garantissant la sûreté et en conservant les compétences de ces deux organismes ? Vous devez nous préciser les éléments qui permettront de satisfaire ces différentes exigences.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan
C’est la fausse bonne idée par excellence, madame la ministre. Car la crédibilité de l’énergie nucléaire repose sur celle de la sûreté nucléaire.
Un député du groupe LFI-NUPES
Exactement !
M. Nicolas Dupont-Aignan
Si pendant des décennies, la France a été un modèle, c’est d’abord parce qu’elle bénéficiait de la qualité du service public d’EDF, qui a été malheureusement abîmé, et puis parce qu’il y avait cette double organisation qui formait un double verrou. C’est une folie de la supprimer. Cela va susciter des procès d’intention, une suspicion généralisée et permanente, et ce au moment précis où il faut justement relancer l’énergie nucléaire et donc pouvoir garantir à nos concitoyens que cette relance repose sur des bases solides. Or c’est véritablement saboter l’accélération souhaitée que de vouloir fusionner ces organismes, démanteler l’expertise et réduire la transparence. C’est une très mauvaise et très dangereuse idée. Voilà pourquoi, mes chers collègues, il faut s’opposer de toutes nos forces à cet article.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 7, 23, 64, 112, 127, 181, 271, 304, 489, 565 et 671, visant à supprimer l’article 11 bis.
Après avoir entendu les orateurs souhaitant les défendre et pris l’avis de la commission et celui du Gouvernement, je donnerai la parole à un orateur de chaque groupe pour exprimer une position sur l’ensemble de ces amendements – c’est une petite entorse à la règle d’un orateur pour et un orateur contre par amendement, mais qui semble justifiée en la circonstance.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Julie Laernoes
Comme l’ont exposé nombre d’orateurs avant moi, cette réforme à la hussarde porterait une atteinte grave à la sûreté nucléaire dans notre pays, le plus nucléarisé au monde. Or que l’on soit pour ou contre le nucléaire, on se doit d’agir dans l’intérêt général, c’est-à-dire pour la sûreté ! En la matière, la France était la risée du monde lors de la catastrophe de Tchernobyl il y a presque quarante ans, quand les autorités prétendaient que le nuage n’avait pas passé nos frontières… On a mis des décennies à installer un système de sûreté dual, robuste et dont la qualité est internationalement reconnue. Tous les syndicats de l’IRSN sont opposés à cette réforme et pas seulement eux, mais aussi ceux de Framatome et d’EDF.
De plus, les contours de cette réforme sont mal définis. La note que vous vous êtes empressés de nous envoyer par mail pour nous convaincre de sa nécessité s’appuie sur des arguments fallacieux. Vous vous référez au rapport de la Cour des comptes de 2014, celui-là même qui conclut qu’une fusion de l’IRSN et de l’ASN constituerait une réponse inappropriée en raison des multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. Votre fébrilité est palpable.
Qu’en est-il des activités commerciales de l’IRSN, s’agissant notamment de la dosimétrie ou des vérifications opérées en cas d’accident concernant le transport de matières nucléaires ? L’institut aura-t-il, en cas d’accident, la capacité de fournir rapidement et massivement des dosimètres à toutes celles et ceux qui en auront besoin ? Allons-nous nous retrouver dans la même situation que pendant le covid, quand il n’y avait pas suffisamment de masques pour protéger la population ?
Au moment de relancer le nucléaire, alors que nos centrales sont vieillissantes, cette réforme brutale porte une atteinte grave à la sûreté, à la sécurité de toutes et tous. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le cavalier législatif que constitue l’article 11 bis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
Je vous informe que, sur l’ensemble des amendements de suppression, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, par le groupe Écologiste-NUPES et par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 23.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Nous sommes évidemment opposés à cette proposition de fusion précipitée. Nous vous l’avons dit en commission : au-delà des questions de fond se pose un problème de méthode. On ne peut pas accepter de découvrir, au détour d’un amendement déposé par le Gouvernement, un projet de fusion de l’IRSN et de l’ASN sur lequel le Sénat n’a même pas eu à se prononcer, un projet dont nous ne connaissons même pas le contenu. Certes, vous nous avez fourni des éléments d’information, mais seulement une demi-heure avant l’ouverture de la séance. Mieux vaut tard que jamais, sans doute, mais notre information reste incomplète. De toute façon, nous n’avons pas le temps d’examiner votre proposition avec attention ni de consulter les personnes concernées. C’est ainsi, madame la ministre, que vous avez monté tout le monde contre vous.
Nous ne sommes pas contre une optimisation, une plus grande fluidité des échanges entre les deux organisations, mais avouez que la méthode pose problème. Votre précipitation est totalement incompréhensible, d’autant qu’en commission, vous avez dit à plusieurs reprises qu’il faudrait une quinzaine de mois pour appliquer la fusion. Dès lors, pourquoi agir maintenant ? Pourquoi ne pas attendre l’examen du projet de loi programmation sur l’énergie et le climat, qui aura lieu dans quelques mois seulement ? Cela ne vous empêcherait pas de commencer le travail de concertation, et nous disposerions, nous, du temps et des éléments nécessaires pour nous prononcer.
Cette dualité, qui était un gage de crédibilité et de confiance pour la population, va être finalement mise à mal. Je crois que ce n’est pas le moment de défaire ce qui a été construit et reconnu par les Français depuis de nombreuses années. Vous allez, par un simple article, discuté en quelques heures, saper cette crédibilité et cette confiance. De toute évidence, nous nous y opposons et c’est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir l’amendement no 64.
Mme Lisa Belluco
On l’a dit, l’article 11 bis acte le démantèlement pur et simple de l’IRSN au profit de l’ASN ; la méthode est brutale et antidémocratique. La question que l’on peut se poser, c’est pourquoi ? Pourquoi détruire un système dual qui sépare l’expertise de la décision et qui fonctionne depuis plus de vingt ans avec les structures actuelles ? Pourquoi détruire ce système alors que nous nous apprêtons à nous lancer dans de grands chantiers pour la construction de nouvelles installations nucléaires ? Il s’agit de projets qui nécessiteront un système d’expertise et de décision totalement opérationnel pour absorber, si c’est seulement possible, la surcharge de travail. Or le démantèlement de l’IRSN va engendrer une instabilité dans l’exécution de ses missions, sans doute pendant plusieurs années – et cela concerne aussi l’ASN.
Une telle réorganisation ne se fait pas en quelques semaines ; tous les élus locaux ici présents qui ont vécu une fusion d’intercommunalités ou de régions le savent parfaitement. Avez-vous donc une foi si grande dans le nucléaire que vous êtes prêts à attaquer le système qui en assure la sécurité, et surtout la sûreté ? Êtes-vous prêts à assumer de futurs problèmes de sûreté qui n’auront pas pu être anticipés ou contrôlés efficacement ? Et si notre système ne pouvait plus détecter la corrosion sous contrainte ou les fissures, comme celles de la centrale de Penly ? En matière nucléaire, nous n’avons pas le droit à l’erreur : le système de sûreté nucléaire doit être fonctionnel, et c’est le cas aujourd’hui. Nous nous opposons donc avec force au démantèlement de l’IRSN et c’est pourquoi nous avons également déposé un amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 112.
Mme Delphine Batho
En complément de ce qu’ont affirmé de nombreux collègues sur tous les bancs, je veux dire que cette réforme traduit une méconnaissance très importante de ce qu’est l’IRSN, lequel ne travaille qu’à 25 % pour l’ASN. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Alors que nous parlons du démantèlement de l’IRSN, j’aimerais avoir des réponses précises. Si l’IRSN disparaît, qui conduira l’expertise radiologique pour le compte de l’État, c’est-à-dire pour le Premier ministre ou le Président de la République, en cas de crise nucléaire dans notre pays ? Qui conduira l’expertise pour le compte des services de police et de gendarmerie, ainsi que du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, en cas d’actes de malveillance sur des matières ou des installations nucléaires ? Comment vont être mutualisées la recherche et l’expertise entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire, dans le cadre de cette réforme ?
Le schéma du Gouvernement est fondé sur une vision fausse selon laquelle certains agents de l’IRSN travailleraient pour le compte de l’ASN tandis que d’autres seraient chargés d’accomplir des missions différentes, et qu’il faudrait tout réorganiser. En pratique, l’expert d’un processus physique, d’un type de matériau ou d’un aspect de la protection radiologique travaille tour à tour dans le cadre d’une procédure de l’ASN, puis au traitement d’actes de malveillance, et enfin pour le compte des services de défense nationale.
Cette réforme ne fonctionne pas : il faut l’abandonner et voter contre l’article. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l’amendement no 127.
M. Benjamin Saint-Huile
Tout le monde a eu l’occasion de le dire : il y a une forme d’impréparation criante ; les groupes Démocrate et Horizons l’ont d’ailleurs relevé lors des travaux de la commission de l’aménagement durable. Devant la commission des affaires économiques, nos collègues du groupe Démocrate ont redit à quel point ils ne comprenaient pas la méthode – je tiens à les saluer ici.
Nous aimerions obtenir une réponse à une question simple : qu’est-ce qui, aujourd’hui, dysfonctionne et disqualifie le système dual pour que vous changiez de position si rapidement ? Certes, les choses doivent pouvoir évoluer et la question de la sûreté nucléaire ne doit pas être figée pour toujours. Mais nous devons au moins prendre le temps d’étudier les pistes avec méthode, pour ensuite travailler de façon concertée.
La fusion, à n’en pas douter, envoie un contre-message puissant. Finalement, nous allons faire l’inverse de ce que vous souhaitez : nous allons ralentir. Si vous organisez cette fusion, l’IRSN perdra un certain nombre de ses collaborateurs et devra en recruter de nouveaux. Or, selon l’IRSN lui-même, il faut cinq ans pour former les nouveaux employés. Bref, ce texte est à rebours de ce que vous souhaitez faire.
Mme Batho l’a rappelé : de manière générale, l’IRSN travaille un quart de son temps sur les questions liées aux activités de l’ASN. Et le reste, qu’en faites-vous ? La liste est toujours en suspens. Vous nous direz que l’organisation envisagée est destinée à rendre les choses plus fluides. Comment ? Je ne le comprends toujours pas. N’envoyez pas de contre-message ! Sur ces bancs, nous partageons un certain nombre de principes évidents, dont le respect du Parlement, bien sûr, mais aussi celui de la méthode et de la concertation. Retirez cet article qui n’a aucun sens et qui vient jeter le discrédit sur le texte initial ! Ainsi, nous parviendrons à retrouver une certaine légitimité à travailler ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 181.
M. Nicolas Dupont-Aignan
Je resterai cohérent par rapport à ce que j’ai dit tout à l’heure sur l’absurdité de cette réforme de relance du nucléaire, qui va introduire de la suspicion. Cette absurdité frappe les équipes mêmes de l’IRSN qui, je le rappelle, sont polyvalentes et accomplissent des tâches différentes. Il est donc complètement délirant de vouloir les fusionner avec les personnels de l’ASN. Quelles seront les tâches menées pour le compte de la défense nationale ? Car, vous le savez, l’IRSN accomplit à la fois des missions civiles et de défense. Comment peut-on encore continuer à accepter ces fusions mal préparées qui, la plupart du temps, deux ou trois ans après, aboutissent à un gâchis considérable ? On a connu cela dans quantité de domaines !
J’ai, moi aussi, déposé un amendement de suppression, car je pense que nous avons tous, sur ces bancs, quelle que soit notre couleur politique, suffisamment d’expérience de fusions technocratiques mal préparées qui ont abouti à des fiascos – de quoi nous dissuader de continuer sur cette pente ! D’autant plus que nous pourrions envisager cette fusion dans un autre projet de loi, si toutefois le Gouvernement nous présentait un texte bien ficelé, expliquant pourquoi et comment la réforme serait conduite, avec une étude d’impact à l’appui. Aujourd’hui, je ne vois rien d’autre que de la précipitation ; cet article n’a aucun sens et nous devons le rejeter !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 271.
Mme Christine Arrighi
Madame la ministre, hier, lors des questions au Gouvernement, je vous interrogeais sur cette réforme de fusion, d’absorption, de suppression – on ne sait plus ! concernant l’IRSN et à l’ASN, sans obtenir de réponse de votre part. L’amendement de suppression reste complètement d’actualité, d’autant plus que nous venons de recevoir des éléments de votre part, à quatorze heures neuf. Figurez-vous que je n’ai pas eu le temps de les découvrir puisque je m’efforçais, ailleurs, de combattre une autre de vos réformes (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES), conduite avec précipitation et dans le même esprit du rapport de force permanent. Qu’est-il advenu de l’esprit de coconstruction dont vous parliez tant en juin dernier ?
Nous avons reçu ces éléments à quatorze heures neuf, disais-je, en vue du point appelé à l’ordre du jour à seize heures. Est-ce bien sérieux, madame la ministre ? (« Non ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Vous refusez de faire précéder cette réforme d’un diagnostic matérialisé par une étude d’impact, et d’une phase de négociations avec le personnel et les organisations syndicales, piétinant ainsi le partenariat social. L’Opecst, qui n’est quand même pas une agence complètement islamo-gauchiste, comme vous pourriez le supposer, recommande que la réforme ne fasse pas l’économie de la plus grande transparence quant aux forces et aux faiblesses du système actuel. Vous comprendrez donc, dans ce contexte, et vu ce que nos collègues ont précédemment affirmé, que nous devons voter contre cette réforme et mettre en échec votre volonté de passer en force sur un sujet si important pour la sûreté de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l’amendement no 304.
M. Sébastien Jumel
Plusieurs collègues qui sont défavorables à la filière nucléaire viennent de développer des arguments pertinents ; vous devriez les entendre, madame la ministre. Mais vous devriez prêter une attention encore plus forte aux arguments que M. Saint-Huile et moi-même avançons sur le sujet.
C’est une réforme à la hussarde, non opportune, brutale et descendante, qui ne s’appuie sur aucune étude d’impact. Elle ne prend pas non plus en compte les préconisations de l’Opecst sur la nécessité de mener une évaluation préalable des forces et des faiblesses du système actuel, mais aussi des systèmes qui existent dans les pays étrangers. Bref, nous aurions dû nous poser, prendre le temps, afin de proposer un mécanisme qui puisse faire l’objet d’un débat contradictoire, voire d’un consensus. Or vous faites le choix inverse ; vous décidez de vous asseoir sur des rapports qui ont contesté l’objectif que vous nous présentez : le rapport de Jean-Yves Le Déaut de 2000, le rapport de la Cour des comptes de 2014 et, plus récemment, le rapport de Thierry Charles, ancien directeur de l’IRSN, qui nous invitait à réfléchir au risque d’appauvrissement que comporte une telle réforme.
Ce qui nous préoccupe tout particulièrement, ce sont les mesures de rabougrissement budgétaire que vous avez engagées contre l’IRSN : moins 50 millions d’euros ces dix dernières années, et moins 12 % rien que dans le budget pour 2012 ! Nous craignons que vous n’ayez une arrière-pensée strictement comptable (M. Hubert Wulfranc et Mme Christine Arrighi applaudissent), vu le projet que vous nous présentez. Celui-ci n’est pas de nature à nous rassurer, nous qui avons l’ardente obligation de veiller à consolider le rapport de confiance avec la filière, basé sur la sûreté et la transparence, qui est essentiel à son développement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 489.
Mme Barbara Pompili
Nous sommes tous ici parlementaires. Or que nous demande-t-on de voter exactement ? On nous demande de voter, sans aucune étude d’impact, une mesure qui peut avoir des conséquences sur la sûreté nucléaire de notre pays ; on nous demande de voter à l’inverse des conclusions de tous les travaux parlementaires qui ont été faits sur le sujet depuis dix ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) L’Opecst lui-même a indiqué que l’organisation actuelle convient très bien. Nous avons conduit une commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, dont j’étais la rapporteure, et Paul Christophe le président. Cela ne vous étonne-t-il pas que le président et la rapporteure d’une telle commission d’enquête, qui sont membres de la majorité et sont considérés comme étant plutôt modérés, vous disent que c’est une folie de nous balancer cette réforme comme cela, à l’inverse de tous les travaux que nous avons faits ? (Les députés des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et LIOT se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
M. Nicolas Forissier
Vu ceux qui applaudissent, il est clair qu’elle n’est pas au bon endroit dans l’hémicycle !
M. Julien Dive
Qu’elle devienne présidente d’EELV !
Mme Barbara Pompili
Où est le respect pour le travail du Parlement ? Cela me choque ! Et quel est le seul argument qu’on nous oppose ? « Dans d’autres pays, on fait comme ça ! » En effet, dans d’autres pays, les choses ne fonctionnent pas comme chez nous : voyez la situation aux États-Unis avec la Nuclear Regulatory Commission (NRC). Dans d’autres pays, il n’y a pas qu’un seul exploitant pour toutes les centrales nucléaires : aux États-Unis, encore une fois, il y en a plusieurs ; c’est un pays dans lequel on ne construit pas des EPR – réacteurs pressurisés européens –, mais des réacteurs AP1000, qui n’ont pas du tout le même niveau de puissance. La sûreté nucléaire française est adaptée à notre système. On peut toujours la modifier – pourquoi pas ? –, mais nous devons d’abord y travailler sérieusement et nous réunir, après quoi nous pourrons décider. Mais ne faisons pas l’inverse !
J’insiste sur un point : je n’ai déposé aucun amendement de repli et me contenterai de défendre des amendements tendant à la suppression des articles 11 bis et 11 ter. Pourquoi ? Parce que voter ces articles revient à valider le principe même de cette fusion, alors que rien ne la justifie aujourd’hui.
Mme la présidente
Merci, chère collègue !
Mme Barbara Pompili
Si nous validons ces articles, nous lançons la machine. Surtout, ne votez pas ces articles : votez plutôt les amendements de suppression ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Lise Magnier, pour soutenir l’amendement no 565.
Mme Lise Magnier
Cet amendement de suppression a été déposé par mon collègue Paul Christophe. Je le défends en son nom, car il est retenu par la commission mixte paritaire qui se déroule en ce moment. Barbara Pompili l’a indiqué, Paul Christophe a présidé, à l’Assemblée nationale, la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Celle-ci avait effectivement constaté, comme vous le faites aujourd’hui, madame la ministre, qu’il était nécessaire de fluidifier les rapports entre l’ASN et l’IRSN. Toutefois, elle n’a jamais abordé la question de la fusion, tout simplement parce que l’indépendance entre l’expert et le décideur reste bien évidemment essentielle.
Nous soutenons l’ambition du Gouvernement de lancer notre pays dans la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. En même temps, nous savons que nous devons faire face à des problèmes techniques sur certaines des installations existantes. Engager la fusion de l’ASN et de l’IRSN serait plutôt un facteur de déstabilisation de la gouvernance de nos installations et de la gestion de notre sûreté et de notre sécurité nucléaires (Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Bertrand Pancher applaudissent) qu’un facteur de facilitation et d’accélération, en tout cas à l’instant T.
Le problème de méthode a été longuement évoqué. Dans la mesure où l’article 11 bis résulte d’un amendement gouvernemental, nous ne disposons pas, à ce stade, d’une étude d’impact claire et précise, ni d’un plan d’accompagnement du changement. Or, vous en conviendrez certainement, un tel accompagnement est absolument nécessaire. Quant au calendrier proposé, il ne peut que susciter des inquiétudes. C’est pourquoi, à ce stade, dans l’attente de vos éléments de réponse, nous présentons cet amendement de suppression. (Applaudissements sur quelques bancs.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 671.
M. Éric Coquerel
Chers collègues, je voudrais convaincre le maximum d’entre vous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, qu’il faut s’opposer à ce démantèlement de l’IRSN. Chacun reconnaît le niveau d’expertise de l’IRSN, aux échelons national et international. En 2021, la Cour des comptes a constaté que l’IRSN remplissait ses missions et qu’il avait trouvé un équilibre de fonctionnement. Chacun reconnaît ou, du moins, consent qu’il est nécessaire de séparer l’expertise et le processus de décision. La preuve en est que le Gouvernement se dit prêt à accepter un amendement qui garantit cette séparation en l’inscrivant dans le règlement de l’ASN.
Pourquoi casser quelque chose qui fonctionne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Pourquoi risquer de disperser autant d’expertise ? Vous expliquez qu’il faut instaurer une séparation. Or la meilleure séparation qui soit est évidemment l’indépendance de l’IRSN.
Les propos de Pierre Gadonneix, ancien PDG d’EDF, suscitent mon inquiétude. Il estime qu’il faut accepter cette réforme « parce que la sécurité à 100 % n’existe pas et que l’on peut toujours introduire plus de sûreté. Il n’y a pas de limite. Or, il faut à un moment procéder à une estimation de cette limite. Et l’IRSN n’a que très peu contribué à faire cela. En promulguant ses avis avant la décision de l’ASN, il a davantage freiné l’ASN dans sa volonté de mieux prendre en compte la dimension industrielle dans ces décisions. »
Je suis en désaccord radical avec l’idée selon laquelle il y aurait une limite à la sûreté en matière nucléaire en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Que vous pensiez ou non que le nucléaire est l’avenir de l’énergie en France, je suis sûr que vous serez d’accord avec moi : alors que l’EPR a eu autant de problèmes et au moment où l’on constate des fissures à Penly, avec tout ce que cela révèle, on ne peut pas, au nom de critères industriels, penser qu’il y aurait une limite à la sûreté en France.
Or c’est bien cela dont il s’agit, puisque l’on explique, dans ce projet de loi, que l’IRSN ou ce qui le remplacera au sein de l’ASN publiera désormais ses avis non plus au bout de quelques semaines, mais au bout de plusieurs mois ou d’un an. Chers collègues, tous ces éléments doivent vous amener à refuser une telle irresponsabilité. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.
Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques
Non, l’article 11 bis ne remet pas fondamentalement en cause le niveau de la sûreté en France. Nous en avons longuement débattu en commission. J’entends les questions légitimes posées par une partie des membres de cette assemblée, attachés à la sûreté et qui souhaitent obtenir des précisions sur ce que compte faire le Gouvernement. Mme la ministre a apporté des réponses en commission. Nous avons pris alors le temps d’échanger et je ne doute pas que nous allons le faire ici aussi.
Depuis trente ans, l’organisation de la sûreté nucléaire a évolué. Le modèle institué lors de la création du parc nucléaire historique n’a pas été maintenu jusqu’à présent. Les évolutions étaient légitimes car la démarche de questionnement est permanente.
Pourquoi procède-t-on aujourd’hui à cette réforme ? Parce que la filière nucléaire est à une croisée des chemins. D’un côté, la prolongation du parc existant va exiger des études et des investissements très importants. De l’autre, nous allons renouveler le parc historique en construisant – c’est ce que nous souhaitons – six plus huit EPR 2. Cela justifie que nous nous posions la question de l’organisation de la sûreté et de celle de l’exploitation en France. C’est précisément ce que nous faisons. Ensuite, chacun votera en son âme et conscience. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Ce qui nous est proposé, c’est non pas un point d’arrivée, mais un point de départ.
Mme Anna Pic
Vous nous demandez de vous donner un blanc-seing !
Mme Maud Bregeon, rapporteure
Je crois savoir que la ministre s’engagera à ce qu’il y ait un suivi très précis par les parlementaires, tous groupes confondus, de la réforme qui sera menée dans les mois à venir.
Non, l’expertise et la recherche ne seront pas séparées. Oui, la décision et l’expertise continueront à être disjointes au sein de l’ASN,…
M. Benjamin Saint-Huile
Ça ne servira à rien !
Mme Maud Bregeon, rapporteure
…exactement comme elles le sont aujourd’hui. Ce qui fait la robustesse de la sûreté française, à mon sens, ce n’est pas la séparation de l’IRSN et de l’ASN en tant que telle.
Mme Anna Pic
Vous créez de la défiance dans le nucléaire !
Mme Maud Bregeon, rapporteure
C’est l’organisation, dans son intégralité, de la filière indépendante de sûreté. Or, à entendre certains d’entre vous, on a le sentiment que, sans l’IRSN, il serait permis à l’exploitant de faire un peu n’importe quoi. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Anna Pic
C’est de la mauvaise foi !
Une députée du groupe Écolo-NUPES
Vous ne nous écoutez pas !
Mme Maud Bregeon, rapporteure
C’est en tout cas comme cela que je comprends les choses, donc permettez-moi de vous répondre.
Des règles générales régissent la façon d’exploiter un réacteur. Quand l’exploitant déroge à l’une de ces règles, il a l’obligation de le signaler non pas à l’IRSN, mais à l’ASN. Les événements significatifs impliquant la sûreté font l’objet d’une déclaration rendue publique et sont répertoriés sur le site de l’ASN. Celle-ci est libre de prendre toute décision, par exemple la mise à l’arrêt, temporaire ou définitive, du réacteur ou encore des contrôles renforcés. Un certain nombre de sites ont ainsi vu leurs contrôles renforcés en matière de sûreté, l’ASN étant alors présente de façon continue sur le site. C’est ce qui permet à la sûreté nucléaire de progresser.
J’ai déjà donné des exemples de décisions très dures prises par l’ASN, notamment lorsqu’ont été constatés des cas de corrosion sous contrainte. Cet hiver, on a mis à l’arrêt la moitié du parc à un moment où l’équilibre entre l’offre et la demande était très tendu. Il faut bien comprendre ce que cela signifie : que l’on a toujours privilégié la sûreté sur la production,…
Mme Sabrina Sebaihi
Il faut continuer !
Mme Maud Bregeon, rapporteure
…quitte à prendre des risques de délestage. Cette décision a été prise non pas par l’IRSN, mais par l’ASN. La mise à l’arrêt d’un des réacteurs de la centrale de Cruas-Meysse et celle d’un réacteur de la centrale du Tricastin, pour permettre le renforcement de la digue, ont été décidées par l’ASN.
Mme Sabrina Sebaihi
Qui prendra la responsabilité s’il y a un incident ?
Mme Maud Bregeon, rapporteure
La décision de porter le niveau de sûreté des réacteurs de deuxième génération – ceux du parc existant – au plus près de celui des réacteurs de troisième génération – l’EPR et les EPR 2 – a également été prise par l’ASN. C’est possible car il y a, d’un côté, la filière indépendante de sûreté de l’exploitant et, de l’autre, l’ASN. À cela s’ajoutent des organisations internationales. Je pense notamment à l’Association mondiale des exploitants nucléaires (Wano), qui fait un travail de comparaison et de conseil. Nous disposons d’une filière robuste.
Les précisions qui ont été apportées et que la ministre continuera d’apporter aujourd’hui vont dans le sens de la préservation de ce que je viens de décrire. Plusieurs d’entre nous se sont posé des questions. Pour ma part, je ne voterais pas l’article 11 bis en mon âme et conscience si je n’avais pas la certitude, compte tenu du parcours qui est le mien et de la fonction qui est la mienne aujourd’hui, que la réforme ne touche en rien à la sûreté. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Je l’ai dit lors des auditions publiques conduites par l’Opecst, on ne badine pas avec la sûreté. (Mêmes mouvements.) À ce moment-là, j’avais des interrogations et je ne regrette pas de les avoir formulées ; c’était mon rôle en tant qu’ancienne ingénieure dans ce domaine, en tant que rapporteure, en tant que citoyenne, en tant que députée. Nous avons obtenu des réponses et nous en obtiendrons d’autres aujourd’hui. Il y aura un suivi.
Je le dis à tous les collègues qui siègent dans cette assemblée, en particulier à ceux de la majorité, vous pouvez voter l’article 11 bis en toute confiance. Pour ma part, je le ferai. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Mon intervention sera relativement longue, car de nombreuses interrogations ont été soulevées depuis le début de ce débat.
Première question : pourquoi maintenant ? La réponse est assez simple : parce que c’est maintenant que nous organisons la mobilisation de l’ensemble des briques et des compétences de la filière pour être prêts à réussir un programme de relance du nucléaire – c’est précisément l’objet de ce projet de loi. Ce n’était pas l’année dernière, ni il y a cinq ans, ni il y a vingt ans. Si nous ne faisons pas cette réforme maintenant, nous n’en reparlerons que dans trente ans, puisque le programme que nous lançons est appelé à nous occuper au minimum pendant les trente années qui viennent.
M. Matthias Tavel
Il sera arrêté avant !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Deuxième question : pourquoi ce choix ? D’abord, parce que c’est la concrétisation du long chemin que nous empruntons depuis quarante ans pour consolider l’indépendance et les compétences de notre sûreté nucléaire. Ensuite, parce que l’on s’interroge sur ce qui ne fonctionne pas suffisamment bien. Je vous renvoie aux rapports de la Cour des comptes, que certains d’entre vous ont mentionnés. La Cour a formulé à plusieurs reprises, notamment en 2007, en 2012 et en 2014 – je ne vais pas citer toutes les dates –, des interrogations sur l’organisation actuelle,…
Mme Julie Laernoes
Ce n’est pas vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…en questionnant son efficacité et en pointant des améliorations possibles.
Mme Anna Pic
C’est faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Ouvrons plus largement l’interrogation. Si l’on observe, au niveau international, l’organisation des autres autorités de sûreté nucléaire et de la sûreté nucléaire en général, on s’aperçoit que l’organisation française est assez inédite et assez spécifique.
Mme Julie Laernoes
Quel est le pays le plus nucléarisé au monde ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Or ce n’est pas nécessairement à l’avantage de la France, puisque l’ASN est l’autorité qui dispose du moins de forces vives engagées par rapport au nombre de réacteurs.
Mme Julie Laernoes
Ce n’est pas vrai ! Vous n’avez aucun argument ! C’est un tissu d’erreurs !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Or le problème concerne non pas le contrôle, mais l’expertise, qui est peu développée à l’ASN en comparaison de ce qu’elle est chez ses homologues.
Intéressons-nous à ce que recommande l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), notamment dans son rapport d’ensemble sur la sûreté nucléaire. Voici ce qu’elle indique très clairement : il importe que l’autorité dispose en interne des compétences lui permettant d’assumer ses responsabilités ; si besoin, l’autorité doit avoir accès à l’expertise externe nécessaire à l’accomplissement de ses missions, sans que cela la décharge des responsabilités qui lui sont assignées ; il est important de susciter des interactions entre les différents acteurs du contrôle pour favoriser « une approche intégrée du contrôle ». Je pourrais poursuivre cette énumération.
Au fond, l’AIEA nous dit qu’en matière de sûreté nucléaire, l’absence de rapprochement entre l’expertise, d’une part, et le contrôle et la décision, d’autre part, est plutôt inédit, et n’est pas forcément optimal du point de vue de l’organisation. Cela ne veut pas dire que les acteurs font le même travail. Cela ne veut pas dire que la décision doit dicter le rapport de l’expert – nous y reviendrons. Cela veut dire qu’il y a un réel questionnement sur le fait que cette organisation n’est pas la meilleure. C’est ce que nous disent les autorités internationales,…
Mme Barbara Pompili et M. Benjamin Saint-Huile
C’est faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…ceux qui établissent des benchmarks à l’échelle internationale et la Cour des comptes. En somme, c’est l’avis de nombreux experts et sachants dans ce domaine.
Mme Aurélie Trouvé
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
J’en viens aux questions que vous avez soulevées.
Les activités de recherche et d’expertise seront-elles séparées ? La réponse est non, ainsi que l’a très clairement indiqué Mme la rapporteure. Nous allons d’ailleurs proposer, par un amendement, de donner à l’ASN un statut d’établissement exerçant des missions de recherche, de façon qu’il n’y ait aucune ambiguïté à ce sujet.
Y aura-t-il une distinction entre les activités d’expertise et de contrôle ? Oui, mais rappelons que l’ASN dispose déjà d’une expertise. Cela n’a d’ailleurs jamais soulevé d’interrogations ; il faut croire que l’ASN a déjà réussi à organiser la cohabitation entre l’expertise et la décision. Précisons que l’expertise dont elle dispose à ce stade porte sur les éléments les plus stratégiques du réacteur, à savoir la cuve et les autres équipements sous pression. Il n’est pas exact qu’il faille nécessairement séparer l’expertise et la décision par une muraille de Chine, puisque l’ASN est elle-même fondée sur une distinction entre ces fonctions, mais non sur leur séparation et leur répartition entre deux entités.
Troisième question : que fera-t-on des autres missions ? Je le dis clairement, le principe est le maintien de l’ensemble des activités de l’IRSN dans la future autorité.
M. Ugo Bernalicis
Jusqu’à quand ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous savez que j’ai confié aux directeurs de l’IRSN et de l’ASN la mission de nous proposer la meilleure organisation possible de la nouvelle structure. Les amendements votés en commission sont ceux qu’ils nous ont proposés ; ce n’est donc pas le Gouvernement, mais le patron de l’IRSN et celui de l’ASN, avec l’appui de celui du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, qui ont proposé ce premier élément avec un double objectif, celui de lancer la réforme et – c’est essentiel, vous l’avez souligné – de sécuriser l’avenir des personnels.
M. Matthias Tavel
C’est faux, c’est un caprice de Macron, tout le monde le sait !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
La quatrième question est celle des moyens ; ils seront préservés. Je signale à cette occasion que le chiffre de 25 % que j’ai entendu n’est pas exact et que 75 % des missions de l’IRSN portent, à un titre ou à un autre, sur la sûreté nucléaire. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Ugo Bernalicis
Et alors ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
La recherche menée par l’IRSN participe des activités de l’Autorité de sûreté nucléaire ; par construction, l’IRSN est gréée pour répondre aux multiples questions qu’est amenée à traiter l’ASN.
Cinquièmement, il y a la question de la communication. Là encore, je le dis sans ambiguïté, il faut de la transparence : la décision devra faire l’objet d’une piste d’audit et les avis d’expertise devront être publiés. De même, il faudra que l’Autorité de sûreté nucléaire, dans sa version élargie et enrichie par l’expertise de l’IRSN, assume ses missions de communication auprès du public, ce qu’elle fait déjà assez naturellement.
La sixième question est celle de l’attractivité des métiers et des compétences. Je me permets de signaler que cette question est pendante depuis vingt-quatre mois ; ce n’est donc pas l’annonce de cette évolution qui a poussé certains membres du personnel de l’IRSN à partir. La question doit être traitée dans le cadre de cette réforme. Comment renforcer l’attractivité de ces métiers ?
M. Ugo Bernalicis
Payez-les !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
C’est en envisageant des parcours plus larges, en offrant la possibilité de partir dans le réseau de l’ASN et en menant une réflexion sur les statuts et le niveau de rémunération, plutôt qu’en restant dans l’évitement, que l’on répondra véritablement à cette question. C’est ce que nous allons faire.
Pour ce qui est de l’information du Parlement, j’ai saisi immédiatement l’Opecst pour qu’il nous fasse part de ses recommandations. En commission, nous avons tenu compte de cinq recommandations sur six. Par ailleurs, nous avons communiqué au Parlement les documents qui permettront de l’éclairer en détaillant, point par point, mission par mission, ce dont nous parlons. Nous vous les devons, et je pense que c’est une bonne chose. Quels sont les objectifs ? Pourquoi ce projet va-t-il dans le bon sens ? Quels sont les enjeux sous-jacents ? La conduite de la réforme se fera sous le contrôle du Parlement. Nous avons en partie concrétisé cette promesse en commission et nous sommes prêts à aller plus loin dans l’hémicycle.
Je veux dire une chose très claire : à aucun moment nous ne changerons une ligne de nos procédures de sûreté nucléaire. Je ne laisserai personne faire croire le contraire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Matthias Tavel
S’il y a un incident, vous serez responsable !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Au fond, c’est l’essentiel : être plus forts en matière de sûreté nucléaire. À cette fin, l’autorité administrative indépendante sera renforcée face au pouvoir politique. Il me semble que cet objectif devrait, à lui seul, emporter l’adhésion à la réforme. (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Tavel
C’était laborieux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme la présidente
Comme je l’ai annoncé, je donnerai la parole à un seul orateur par groupe.
La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Ugo Bernalicis
Le choix de la sûreté !
M. Bruno Millienne
Ce n’est un secret pour personne, nous n’avons pas voté cet amendement en commission des affaires économiques. Nous n’avons pas du tout apprécié la méthode du Gouvernement, lequel a décidé d’imposer un amendement entre l’examen du texte au Sénat et son passage à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce n’est absolument pas normal.
Cela étant, il relève aussi de notre responsabilité de parlementaires de trouver une possibilité d’arranger les choses. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Mes chers collègues, vous ne pouvez pas accuser le groupe Démocrate de ne pas avoir été à l’avant de la bagarre contre l’amendement déposé par le Gouvernement. Simplement, comme tout le monde et comme les autres membres de mon groupe, j’ai interrogé les organisations syndicales de l’IRSN – car c’est bien du personnel de l’IRSN qu’il s’agit, du moins pour ce qui me concerne –, lesquelles ne sont pas fermées à une réorganisation.
Le problème est le suivant : comment faire confiance au Gouvernement ? À mon sens, il n’y a qu’une méthode, c’est que le Parlement reprenne la main. Nous avons déposé un amendement prévoyant que les propositions faites par les deux organismes – trois, avec le CEA – et la réorganisation elle-même, si réorganisation il doit y avoir, seront intégralement contrôlées par les parlementaires.
M. Ugo Bernalicis
C’est une médaille en chocolat !
M. Bruno Millienne
J’ai vu que Mme Battistel avait déposé un sous-amendement demandant que le comité de suivi comprenne davantage de parlementaires que ce que nous demandions ; j’y suis favorable. Vous voulez que le Parlement reprenne la main ? Alors, votez contre les amendements de suppression et adoptez le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – « Oh… » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Je dois avouer que je suis un peu surpris. Nous étions censés examiner un texte technique pour accélérer le développement du nucléaire, or vous y intégrez une proposition de fusion qui suscite chez nos concitoyens de l’inquiétude, voire de la suspicion.
Vous savez très bien que l’énergie nucléaire peut être dangereuse. Je n’ai pas entendu les noms d’Harrisburg, de Tchernobyl ni de Fukushima, mais ces accidents ont bien eu lieu. J’ai connu un temps où l’on nous disait : « Le nucléaire n’est pas dangereux, ne vous inquiétez surtout pas, tout est sous contrôle. » C’était au moment où, comme l’a raconté notre collègue Laernoes, un certain nuage venant de Tchernobyl n’avait prétendument jamais passé le Rhin. On aurait mieux fait de dire aux gens qu’il l’avait passé et de faire en sorte qu’ils ne s’empoisonnent pas avec leurs propres légumes. De ce fait, pendant un temps, une lourde suspicion a pesé sur le nucléaire. Nous avons finalement réussi à trouver un équilibre. Des mesures ont été prises pour rendre nos centrales de plus en plus sûres, et les gens ont commencé à faire un peu plus confiance. Tout cela s’est fait dans le temps.
Or, tout à coup, le Gouvernement nous propose un amendement, qui n’est pas passé au Sénat, en nous disant : « C’était prévu depuis longtemps. » Mais alors pourquoi ne pas l’avoir inscrit dans le projet de loi initial ? Pourquoi n’y a-t-il pas d’étude d’impact ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
M. Jérémie Iordanoff
Et voilà !
M. Paul Molac
On voudrait créer la suspicion et faire peur à tout le monde que l’on ne ferait pas autrement.
Deux organismes, cela veut dire que l’un contrôle l’autre. Deux organismes, cela veut dire qu’il est plus difficile de faire pression sur les deux à la fois. Comme nous avons ici une séparation des pouvoirs, il doit y avoir une séparation des pouvoirs pour le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Etienne.
Mme Martine Etienne
Nous ne sommes pas du tout convaincus. Est-il sérieux de se lancer dans une modification hasardeuse des liens entre expertise et décision au moment où notre pays a besoin d’avoir confiance dans le système ? Quelles garanties avez-vous que les nombreuses missions et services supports actuels de l’IRSN seront maintenus dans la future ASN ? Ces questions, ce sont les anciens présidents de l’Office parlementaire des choix scientifiques et techniques et de l’intersyndicale qui vous les posent. Pour reprendre leurs mots, le démantèlement de l’IRSN est « une dérive technocratique dangereuse » qui risque fortement de paralyser la sûreté nucléaire.
Collègues, je m’adresse à tous ceux d’entre vous qui ont déposé des amendements d’atténuation : une fois le démantèlement fait, il n’y aura pas de retour en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Cette réforme est dangereuse, tant sur la forme que sur le fond. En démantelant l’IRSN, vous remettez profondément en cause notre système de sûreté nucléaire et revenez vingt ans en arrière en abandonnant les expertises transparentes et indépendantes. Vous mêlez la science à la dimension économique et balayez d’un revers de main toutes les mesures mises en place pour lutter contre les conflits d’intérêts et pour privilégier la sécurité aux enjeux économiques.
Vous craignez la publication indépendante des avis de l’IRSN ; vous l’avez démontré en annonçant cette réforme par surprise, le mois dernier, contre l’avis de l’intersyndicale et des scientifiques. Vous la faites passer par amendement, privant ainsi la représentation nationale d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Votre méthode est scandaleuse, surtout sur un sujet aussi sensible que la sûreté nucléaire.
Les lanceurs d’alerte à l’Assemblée, c’est possible ; c’est nous. Collègues, votez contre cette fusion ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je souhaite faire plusieurs remarques sur ces réponses que nous avons écoutées avec la plus grande attention.
Tout d’abord, madame la rapporteure, vous avez précisé que l’intégration de la fusion dans le texte n’était qu’un point de départ. Cela veut dire qu’il s’agit d’un projet de long terme. Alors considérez-vous quatre mois de concertation, c’est-à-dire le temps qu’il nous reste avant la discussion du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, comme du temps perdu ? Je ne le pense pas.
Ensuite, madame la ministre, si vous considérez cet article comme essentiel, pourquoi ne figurait-il pas dans le projet de loi initial ?
M. Paul Molac
Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Avez-vous découvert, tout à coup, que la fusion de l’ASN et de l’IRSN était une merveilleuse idée et qu’elle allait contribuer à accélérer de manière significative le déploiement du nucléaire ? Vous ne ferez croire cela à personne. En outre, fusionner une entité de 1 700 personnes avec une entité de 500 personnes présente certaines difficultés qui justifient l’étude d’impact que nous avons tous demandée sur ces bancs. Vous nous avez également dit que les dirigeants de l’ASN et de l’IRSN vous avaient fait des propositions. Mais qui a passé la commande ? Ils ne se sont pas levés, un matin, en se disant : « Tiens, faisons des propositions de fusion ASN-IRSN. » Cela non plus, nous n’y croyons pas. Enfin, vous nous dites que leurs moyens seront préservés ; heureusement, mais ces moyens doivent progresser.
Pour finir, je répondrai à mon collègue Millienne, au sujet du sous-amendement que nous avons proposé, que nous considérions son amendement comme un amendement de repli. Nous souhaitons que les amendements de suppression soient votés pour que le débat soit de nouveau posé au Parlement avec suffisamment de temps pour l’examiner, dans le cadre d’un texte dédié ou de tout autre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Travert.
M. Stéphane Travert
Mes chers collègues, nous voulons débattre sur le fond de cette réforme. Et, parce que nous voulons débattre sur le fond, nous ne voterons pas ces amendements de suppression. Comme l’a dit excellemment notre collègue Millienne il y a quelques minutes, nous avons besoin de redonner la main au Parlement.
Mme la ministre a été très claire dans ses explications : jamais la réforme ne transigera sur la sûreté et la sécurité – ni celles des biens, ni celles des personnes, ni celles des installations. Il s’agit de consacrer l’indépendance de notre système de sûreté nucléaire. La réforme est l’occasion de renforcer l’attractivité des métiers de la sûreté.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, cette réforme n’est pas conduite sur l’autel de la crise budgétaire,…
M. Jean-Paul Lecoq
Mais si !
M. Sébastien Jumel
Cinquante millions d’euros de budget en moins !
M. Stéphane Travert
…pas plus qu’elle ne remet en cause le travail des agents de l’IRSN, que nous saluons, dans l’ensemble des centrales.
Au-delà de la question des moyens, la nouvelle autorité que nous souhaitons constituer se trouvera renforcée, sachant que cette réforme doit également apporter des garanties en matière d’emploi.
Poursuivons donc le débat, donnons la main au Parlement pour suivre la fusion entre l’ASN et l’IRSN, et rejetons ces amendements visant à supprimer l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme Barbara Pompili
Aucune raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Le respect du Parlement implique qu’on ne lui mente pas. Or la Cour des comptes dit exactement l’inverse de ce que vous prétendez. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et LIOT.)
Mme Barbara Pompili
Voilà, merci !
Mme Delphine Batho
La Cour des comptes a étudié l’opportunité d’une fusion entre l’IRSN et l’Autorité de sûreté nucléaire et l’a écartée.
Deuxièmement, et c’est beaucoup grave, vous avez laissé entendre que la France ne serait pas dans les clous des standards internationaux de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Pour avoir représenté la France à la conférence ministérielle de l’AIEA à Fukushima, au Japon, j’estime que cette affirmation est grave. Non seulement la France respecte les standards de l’AIEA, mais elle milite pour les renforcer, afin que la sûreté nucléaire progresse dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
S’agissant de la recherche, vous affirmez qu’elle ne sera pas séparée de l’expertise, mais c’est faux, car certains programmes de recherche sont financés par l’opérateur. Par définition, une autorité indépendante – l’ASN – ne pourra pas s’appuyer sur des programmes de recherche financés pour partie par EDF ou par Orano. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LIOT. – M. Philippe Bolo applaudit également.)
De plus, vous indiquez que les compétences de l’IRSN en matière de sécurité intérieure et de défense nationale seront transférées à l’Autorité de sûreté nucléaire. Or ce n’est pas non plus possible, étant donné que l’ASN est une autorité indépendante. Le ministère de la défense, le ministère de l’intérieur et le Conseil de défense et de sécurité nationale ne peuvent, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, s’en remettre à une autorité indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Cette réforme est dangereuse et le Parlement doit reprendre la main. Nous avons le droit de nous poser toutes les questions mais, en définitive, nous devons supprimer cet article et renvoyer la question à l’Opecst. (Les députés des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES ainsi que quelques membres du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Dragon.
M. Nicolas Dragon
Nous avons écouté les arguments des uns et des autres et nous interrogeons sur la méthode choisie par le Gouvernement, qui tend ici à précipiter les décisions. Rappelons que la volonté de fusionner l’ASN et l’IRSN était absente du projet de loi initial. Il semble donc que vous ayez mis la charrue avant les bœufs, sachant qu’une fusion n’entraîne pas nécessairement la disparition d’une des parties.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la mutualisation de différentes agences, eu égard aux déficits abyssaux que connaît la France. Mais comme ce projet de fusion n’est manifestement pas abouti – nous le constatons bien –, le groupe Rassemblement national s’abstiendra. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est d’ailleurs ce que nous avions choisi de faire en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Un député du groupe LFI-NUPES
Le Gouvernement vous remercie !
M. Louis Boyard
Vous ne servez à rien, sur le nucléaire comme sur les retraites !
Mme la présidente