XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Séance du lundi 13 novembre 2023

La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (texte adopté no 168).
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
« Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, étant actuellement en déplacement en Irlande, j’ai demandé au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, M. Franck Riester, de vous lire cette lettre.
« Il y a plus d’un an, l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques a commencé. De longs débats ont eu lieu. Le texte a été enrichi, amélioré, et vous l’avez adopté en commission en septembre dernier. Cependant, en première lecture, ce texte a été rejeté et nous ne pouvons pas prendre ce risque à nouveau. En effet, le projet de loi de programmation des finances publiques est un texte nécessaire. Il nous donne une trajectoire budgétaire crédible pour atteindre notre cible de 2,7 % de déficit public d’ici 2027 – une trajectoire nécessaire pour assurer notre souveraineté.
« Il offre des garanties aux Français pour la tenue de nos engagements, notamment le premier : pas de hausses d’impôt. Il permet à notre pays de relever les grands défis à venir, notamment par des objectifs sans précédent en faveur de la transition écologique. Il assure notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens et nous assurera de toucher 18 milliards d’euros du plan de relance européen.
« Aussi, par la présente lettre, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité de mon gouvernement sur le vote en lecture définitive du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture le 30 septembre 2023, modifiée par quatre amendements adoptés au Sénat. »
L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel la Première ministre engage la responsabilité du Gouvernement est inséré en annexe au compte rendu de la présente séance. En application de l’article 155, alinéa 1er, du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu.
Le texte sera considéré comme adopté sauf si une motion de censure est déposée avant demain, seize heures quatre, et votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution. Dans l’hypothèse où une motion de censure serait déposée, la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Sébastien Chenu.)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques (nos 1347, 1837).
La parole est à Mme la ministre de la culture.
« Aucune société n’abandonne ses morts sans précaution rituelle » : tel est le constat du sociologue Patrick Baudry. Chaque culture, chaque religion, chaque société a sa manière de vivre la mort, mais toutes se retrouvent dans la nécessité d’un rite funéraire. Quel qu’en soit le cérémonial, ce rite permet de faire face à la brutalité et au non-sens attachés à la disparition en aménageant une nouvelle place au défunt et en donnant vie à son souvenir. La proposition de loi qui est soumise à votre vote aujourd’hui a donc une portée particulière, à la fois intime et collective, philosophique et historique. Rares sont les textes qui, comme celui-ci, renvoient à des questions que l’être humain se pose depuis toujours face à la mort. Cette proposition de loi incarne, en vérité, la valeur universelle de la dignité rendue aux morts.
L’apparition des pratiques funéraires est associée à l’émergence de la conscience et de l’humanité. Les premières sépultures remontent à 130 000 ans. Vous vous souvenez peut-être de l’exposition « La mort n’en saura rien » organisée au musée national des arts d’Afrique et d’Océanie en l’an 2000. En prenant pour titre le beau vers d’Apollinaire, elle révélait la diversité des pratiques ancestrales de conservation des reliques humaines de l’Europe chrétienne, de l’Océanie et de l’Asie du Sud-Est et soulignait autant leurs spécificités que leurs similarités.
Qu’il s’agisse de les enterrer, de les embaumer ou de les brûler, le soin apporté aux morts est un marqueur essentiel de l’humanité. Empêcher ces rites, c’est ajouter à l’impossibilité du deuil l’intranquillité des esprits. C’est ce que nous enseigne Antigone. Au péril de sa propre vie, elle défie Créon pour donner une sépulture à son frère Polynice : « Ceux qu’on n’enterre pas errent éternellement sans jamais trouver de repos. […] Il a droit au repos », écrit Jean Anouilh.
Sur les bancs de nos universités de droit, le mythe d’Antigone est enseigné pour illustrer ce qu’est un droit naturel : le droit à la sépulture est un droit que toute personne possède en vertu de sa nature. De ce droit naturel découlent des dispositions légales visant à protéger la dignité du corps après la mort. Pourtant, de nombreux établissements publics conservent des « restes humains » au nom d’un « intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique », comme le dispose l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Appliquée à des restes humains, la notion « d’intérêt public » peut surprendre, mais elle a un sens. Pour reprendre les mots du muséologue Michel Van Praët, « certains de ces restes humains ont participé à des avancées majeures de la médecine et de son enseignement. Ils sont des éléments fondateurs de l’archéologie, de la paléontologie humaine, de l’anthropologie physique et culturelle. » Pour lui, les restes humains permettent d’approfondir la connaissance des migrations, des maladies et des adaptations de l’humanité à son environnement et « présentent un incontestable intérêt pour l’histoire biologique et culturelle de l’humanité. »
Reste que ces vestiges sont parfois entrés dans nos collections après avoir été acquis de manière illégitime, voire violente. Que l’intention, à l’époque, ait été de recueillir des trophées ou de constituer des collections dont on croyait qu’elles disaient quelque chose des différences entre les hommes, le résultat est le même. Par ces actes, l’humanité a été blessée et des peuples ont été lésés. Il est légitime de les entendre.
Je prendrai comme exemple le cas du squelette du fils du chef amérindien Liempichun, dont la restitution est demandée par l’Argentine, avec qui nous travaillons depuis plusieurs années sur ce dossier, au nom de la communauté Mapuche-Tehuelche. La sépulture a été pillée par l’équipage du comte Henry de La Vaulx, qui, pendant plus de seize mois, entre 1896 et 1897, a parcouru la Patagonie, collectant aussi bien les spécimens naturels, les artefacts des cultures locales que ce sinistre « butin », comme lui-même désignait les restes rapportés de Patagonie. Passons sur le récit de l’exhumation, du dépeçage du corps et de « la cuisine macabre » qu’Henry de La Vaulx décrit complaisamment dans son ouvrage
Voyage en Patagonie
, paru en 1901. Je citerai ce seul passage : « Un moment je me fais horreur. […] J’ai pour moi une excuse, que diable ! Car je rapporterai en France un beau spécimen de la race Indienne. Qu’importe après tout que ce Tehuelche dorme en Patagonie dans un trou ou au Muséum sous une vitrine. »
La présente proposition de loi n’a pas vocation à faire le procès du passé, mais à apaiser l’avenir. Lorsque la conservation de restes humains dans un musée heurte les principes de la dignité humaine ou la mémoire d’un peuple, nous devons interroger la légitimité de leur présence dans les collections publiques. En 2010, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) soulignait d’ailleurs en conclusion de son avis 111 sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale : « Sans être dépourvu de légitimité, l’argument historique – la nécessité de préserver des traces et des vestiges d’un passé révolu – vaut d’être mis en balance avec d’autres valeurs telles que le respect de chaque civilisation et l’amitié entre les peuples. »
Le respect de chaque civilisation : tel est précisément l’objet de la proposition de loi. La force d’une société repose sur sa capacité à réinterroger ses pratiques au fil du temps en fonction de l’évolution des époques et de la transformation des consciences.
Si, en 2023, notre société n’est plus celle de 1896, si nos sensibilités ont évolué, si notre rapport à l’existence humaine a connu des progrès, si l’idée même de dignité s’est réalisée, alors il faut que nos lois le reconnaissent, qu’elles s’en fassent l’écho et qu’elles s’adaptent. Il ne s’agit pas de renier le principe général d’inaliénabilité de nos collections.
Il s’agit de construire, dans la transparence, un dialogue dépassionné pouvant aboutir à un processus de restitution.
Nous souhaitons collectivement avancer sur le chemin des restitutions. La présente proposition de loi-cadre, soutenue de manière transpartisane par les sénateurs Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, dont je salue la rigueur et la détermination, nous permet de le faire. Si elle est adoptée, elle facilitera le traitement et le règlement des dossiers de restitution de restes humains. Je tiens plus particulièrement à rendre hommage à Catherine Morin-Desailly pour son engagement personnel à ce sujet, qui remonte à plus de dix ans. Nous lui devons la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, qui a ouvert la voie en la matière.
En vertu du principe d’inaliénabilité des collections publiques, vous le savez, les restes humains ne peuvent être restitués sans une loi. À ce jour, seules deux lois d’exception ont permis d’aller au bout d’une démarche de restitution, à l’Afrique du Sud et à la Nouvelle-Zélande. Lesdites lois d’espèce concernaient uniquement ces cas particuliers et n’ont pas permis de dégager des principes généraux. Le sens de la présente proposition de loi est de combler ce manque : elle pose un cadre pleinement applicable aux demandes adressées à la France par des États étrangers ; elle permettra de conduire, de manière méthodique, rigoureuse et raisonnée, avec toute la rigueur scientifique requise, un processus de restitution conjoint et serein, sans pour autant porter atteinte à l’intégrité des collections publiques.
En instituant le recours, chaque fois que nécessaire, à un comité scientifique bilatéral chargé de travailler à l’identification des restes humains demandés – un tel comité a été créé avec l’Algérie ; un autre l’a été cette année avec l’Australie ; un autre encore le sera bientôt avec Madagascar –, ce texte offre une méthode sûre pour sécuriser, du point de vue scientifique, le processus de sortie des collections publiques.
Les auteurs de la proposition de loi ont trouvé, me semble-t-il, le bon point d’équilibre entre le respect du principe protecteur de l’inaliénabilité des collections, auquel nous restons tous très attachés, et une juste réponse aux demandes légitimes de populations dont la sensibilité et la mémoire sont heurtées par la conservation, dans une collection, des restes humains de leurs aïeux, ce qui les empêche d’accomplir leurs coutumes funéraires.
Un certain nombre de préoccupations sont apparues au cours du débat parlementaire. Monsieur le rapporteur, cher Christophe Marion, je tiens à saluer votre travail approfondi, qui a permis d’enrichir et de préciser le texte.
J’en viens au sort des restes humains ultramarins, qui demeure pour moi une préoccupation centrale. Je suis très sensible à la demande des descendants des Guyanais qui ont été honteusement exhibés dans un de ces « zoos humains », organisé en 1892 au Jardin d’acclimatation, mais de tels cas ne relèvent pas des relations internationales et leur traitement ne peut donc pas être intégré dans cette proposition de loi.
Mon équipe a engagé un dialogue constructif avec l’association Moliko Alet + Po, qui demande, en lien avec les autorités coutumières et la collectivité territoriale de Guyane, la restitution des restes de ces amérindiens Kali’na. Un mémorial est en construction, avec le soutien de la collectivité territoriale de Guyane et du Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges. Il sera livré à l’été 2024 et présentera les conditions de conservation recevables pour un transfert des restes en territoire guyanais, afin que les rites appropriés puissent être conduits. Il s’agit d’une solution d’attente jusqu’au moment où nous aurons trouvé le véhicule législatif adapté. Je m’engage à revenir vers vous, une fois ce travail accompli en lien avec mon collègue Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer.
Mesdames, messieurs les députés, le vote auquel vous allez procéder prend place dans un contexte particulier, celui de trois lois-cadres relatives aux restitutions. Après l’adoption à l’unanimité, en juillet dernier, de la loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 et avant l’examen, l’année prochaine, d’un projet de loi relatif aux biens culturels ayant pu être usurpés, l’Assemblée nationale a une fois encore l’occasion de se retrouver autour d’un texte qui permet d’apaiser et de réconcilier les mémoires.
En offrant la possibilité aux nations qui le demandent d’honorer la mémoire de l’un des leurs et de lui donner une sépulture, cette proposition de loi va dans le sens d’une plus grande justice et d’une plus grande dignité, en somme d’une plus grande humanité. Plus qu’un texte utile, c’est donc un texte nécessaire, que le Gouvernement soutient pleinement.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mmes Béatrice Descamps et Sophie Taillé-Polian applaudissent aussi.)
La parole est à M. Christophe Marion, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Après l’adoption à l’unanimité, en juillet dernier, de la loi relative à la restitution des biens culturels juifs spoliés, la présente proposition de loi ouvre un nouveau chapitre de la restitution des biens culturels, portant cette fois sur la question des restes humains détenus dans nos collections. Le Sénat l’a adoptée en première lecture le 13 juin dernier, à l’unanimité. Je tiens à saluer ici la ténacité de Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice, qui a fait de ces enjeux de restitution l’un des grands combats de son engagement politique.
Cette proposition de loi répond à une attente réelle exprimée par plusieurs États étrangers, qui ont présenté, il y a de nombreuses années parfois, des demandes de restitution de restes humains appartenant à nos collections publiques. Je salue à cet égard la présence de Mme l’ambassadrice d’Australie dans les tribunes. Il s’agit donc de satisfaire ces demandes et de renforcer des partenariats culturels et scientifiques déjà engagés. Il s’agit aussi, tout en prenant garde aux anathèmes rétrospectifs, à l’anachronisme et à l’ethnocentrisme, de procéder à un acte de réconciliation, un acte mémoriel qui reconnaît non seulement le droit des peuples à construire leur souveraineté, mais aussi une histoire scientifique ou coloniale qui fut marquée par des formes de violence, réelle ou symbolique.
Selon le conservateur du patrimoine Michel Van Praët, plusieurs centaines de milliers de restes humains figurent à l’inventaire de musées, d’universités ou d’établissements publics. Parmi ces restes, quelques milliers seraient d’origine étrangère, la plupart ayant été collectés au cours d’expéditions ou de conquêtes coloniales. La documentation scientifique qui s’y rapporte souffre de lacunes et, quelquefois, d’erreurs. Qui plus est, ces restes ont parfois fait l’objet de déplacements erratiques entre différents lieux de conservation, ce qui a bien souvent brouillé les pistes quant à leur origine.
La présence de ces restes dans nos collections publiques soulève depuis plusieurs années et de façon croissante la question du respect de la dignité humaine des individus dont ils proviennent et du soin apporté à leur conservation. Si les conditions de conservation se sont améliorées, elles ont longtemps été déplorables, comme l’a relevé, dès 2007, l’historienne Laure Cadot. Pourtant, ces restes sont dépositaires d’un fragment de l’espèce humaine et sont des témoins de son histoire. En cela, ils sont le patrimoine de notre humanité et méritent le plus grand respect.
Plus largement, nous devons nous interroger sur le statut de ce que la recherche archéologique nomme les « vestiges anthropo-biologiques », comme cela m’est apparu lors des auditions menées. À ce stade éclaté entre plusieurs codes – code civil, code du patrimoine, législation funéraire –, le statut des restes humains mériterait d’être unifié et clarifié. Cela faciliterait le travail des professionnels qui les manipulent et les protégerait contre toute immixtion, notamment de la sphère religieuse. Cela autoriserait en outre les descendants des personnes à qui ils ont appartenu autrefois d’y avoir un certain accès, de façon encadrée.
La proposition de loi se compose de deux articles. Le premier établit une procédure permettant de déroger à l’inaliénabilité des biens appartenant aux collections publiques afin de pouvoir répondre aux demandes étrangères de restitution. La proposition de loi se concentre en effet sur les demandes émanant d’États étrangers, lesquels pourront agir au nom d’un groupe humain présent sur leur territoire et dont la culture ou les traditions sont toujours actives.
Le texte issu du Sénat autorisait la sortie de restes humains des collections publiques « à des fins funéraires », en vue de l’accomplissement d’un hommage ou d’un culte rendu aux morts par les communautés d’origine. Je tiens à insister sur le sens très large que recouvre la notion de « fins funéraires » : il s’agit non seulement d’une perspective d’inhumation ou de crémation, mais aussi de toute cérémonie visant à célébrer les personnes dont sont issus les restes ou à perpétuer le lien entre les vivants et les morts.
Afin de s’assurer du plein respect, dans toutes leurs manifestations, des cultures des peuples concernés – sans préjuger du résultat des débats qui peuvent animer les communautés elles-mêmes, par exemple en Oklahoma, à Hawaï ou au Congo, quant au sort à réserver aux restes de leurs ancêtres – et pour tenir compte de l’observation de Klara Boyer-Rossol, historienne de l’Afrique, selon laquelle « les communautés devraient avoir le droit de choisir » dès lors que « les usages funéraires, cultuels et sociaux sont infinis », les commissaires aux affaires culturelles ont souhaité adjoindre, à ces fins funéraires, des fins « mémorielles ». Nous sommes sûrs de couvrir ainsi tous les cas de figure, par exemple les monstrations de reliques, étant entendu que les usages contraires au respect de la dignité humaine demeureront proscrits. Nous intégrons pleinement les deux arguments majeurs en faveur de la restitution, à savoir ses vertus thérapeutiques et ses visées réparatrices.
Dans ce texte, les restitutions sont encadrées par plusieurs conditions cumulatives. D’une part, elles doivent concerner des restes humains d’individus morts après l’an 1500, l’expérience étrangère ayant montré que les restitutions concernent rarement des cas remontant à plus de 300 ans, même lorsque la limite inscrite dans les textes est supérieure, ce qui est notamment le cas au Royaume-Uni. D’autre part, la collecte des restes doit avoir porté atteinte au principe de dignité humaine ou leur conservation contrevenir au respect de la culture du groupe d’origine auquel les restes humains peuvent être reliés.
L’article 1er ne se borne pas à énoncer les conditions dans lesquelles une restitution est possible : il prévoit également une procédure visant à identifier les restes humains ou leur lien avec le groupe humain demandeur. Arrêtons-nous un instant sur l’idée d’identification : il ne saurait être question de parvenir à déterminer l’identité exacte ou nominative de l’individu dont proviennent les restes ; la notion d’identification est ici entendue de manière bien plus large, comme un lien suffisamment probant avec un groupe humain défini.
La proposition de loi prévoit qu’un travail scientifique sera mené pour établir cette identité. Il devra être conduit par un comité d’experts composé de façon concertée avec l’État demandeur, en vue d’établir une filiation entre les restes humains et le groupe humain dont il est présumé provenir. Ce travail conjoint sera le fondement de la décision de restitution, qui sera rendue par le Premier ministre par un décret en Conseil d’État.
Le caractère très solennel de cette décision ainsi que la scientificité des bases qui l’auront motivée suffiront, je le pense, à assurer que l’inaliénabilité des collections publiques ne soit surmontée qu’avec les plus hautes garanties. En effet, ce principe est fondamental pour la conservation de nos collections. Il s’agit ici non pas de renier son caractère essentiel, mais de lui apporter une exception, limitée par l’exigence du respect de la dignité humaine. Il s’agit simplement de « faire respirer les collections », pour reprendre l’expression de Jacques Rigaud.
La transparence entourant la procédure sera assurée par la remise d’un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, faisant l’état des lieux des restitutions demandées et opérées.
La question de la restitution des restes ultramarins mérite à elle seule un second texte législatif. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement présente, dans un délai d’un an, des solutions spécifiques et adaptées. Je partage l’opinion selon laquelle une proposition de loi créant une procédure interétatique ne saurait être le cadre de résolution adéquat pour un sujet touchant notre communauté nationale. Cela ne signifie pas, j’y insiste, que celui-ci soit de moindre importance, mais précisément qu’il justifie que lui soit accordée toute l’attention qu’il mérite.
La restitution des restes ultramarins aux groupes humains d’origine doit avoir lieu. Que cela passe par un véhicule législatif ou par d’autres moyens, c’est une question de reconnaissance importante pour la cohésion nationale, qui participe d’un indispensable travail de mémoire commun. Je connais l’engagement de la ministre de la culture et du ministre délégué chargé des outre-mer à ce sujet, ainsi que leur volonté d’avancer. L’article 2 ne constitue qu’un premier pas nécessaire, qui devra mener à une résolution propre – j’y serai personnellement très attentif.
Je rappelle la lente évolution des mentalités sur ces questions et le chemin parcouru depuis la restitution à l’Afrique du Sud, en 2002, des restes de Saartjie Baartman. Si la recherche scientifique est indispensable, elle doit nécessairement aller de pair avec le respect de la dignité humaine. Dès lors qu’il est accompagné des moyens nécessaires à de réelles recherches de provenance, ce texte contribuera, j’en suis convaincu, à faire un pas de plus en direction d’une conservation plus conforme à l’éthique de nos collections publiques. Appliqué dans un esprit d’ouverture, il permettra, à la faveur d’une négociation entre intérêt scientifique, revendication politique et souci éthique, de parvenir à un équilibre savant entre le ressenti de la mémoire et le recul de l’histoire – entre science et conscience, aurait dit Rabelais.
Derrière les restes humains dont nous parlons se cachent des individus, des hommes et des femmes qui ont souvent connu des destins tragiques : certains sont morts loin de leur terre et de leur communauté ; d’autres ont été profanés par le scalpel des anatomistes ou exhumés par les explorateurs. Je propose que, l’espace d’un instant, nous nous identifiions à eux : vibrons des mêmes sentiments moraux qui les assaillirent, du même désespoir, de la même humiliation parfois ; souffrons avec eux et leur communauté. Ce faisant, d’une certaine manière, mesurons l’importance de cette loi : nous rendons leur dignité à des femmes et à des hommes ; nous les rendons à leur terre ; nous les rendons aux leurs. Et même, pour certaines cultures, grâce aux rites ancestraux qui n’ont pu être accomplis jusqu’à présent, nous leur redonnerons vie.
(« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit aussi.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie Genevard.
Cette proposition de loi d’origine sénatoriale portant sur la restitution des restes humains faisant partie des collections publiques et provenant d’un État étranger a fait l’objet d’une procédure accélérée, lancée par le Gouvernement en juin 2023.
La proposition de loi a pour objectif d’introduire, par une loi-cadre appliquée aux restes humains, une dérogation globale à l’un des principes fondamentaux qui protègent le caractère inaliénable des biens culturels publics suivant lequel ce n’est qu’à titre exceptionnel et par une loi que l’État français se dessaisit de certaines pièces ou objets qui appartiennent à la nation. Le ministre de la culture est le garant du respect de ce principe, envié dans le monde entier.
La proposition de loi vient substituer à la décision du législateur une procédure administrative générale en confiant au Premier ministre, par la voie d’un décret en Conseil d’État, la décision de sortie des collections publiques, sur la base d’un rapport établi par le ministre de la culture et d’un rapport scientifique.
Les restes humains ne sont, à l’évidence, pas des biens comme les autres. Certains ont une valeur particulière – religieuse, culturelle, voire cultuelle – qui motive une demande de restitution pouvant être parfaitement légitime, mais dont il convient à chaque fois de questionner la pertinence. Ce questionnement, vous avez décidé d’en priver le Parlement au seul motif de la nécessité de la rapidité de la procédure. Quand on songe à l’ancienneté de certains restes humains – je rappelle que la borne a été fixée à l’an 1500 –, et quand on constate la rapidité avec laquelle on peut examiner une proposition de loi – ce texte en est l’illustration –, cet argument ne tient pas. D’ailleurs, on voit bien que la loi-cadre est inadaptée aux biens ultramarins. Cela plaide en faveur de la loi d’espèce.
C’est donc ailleurs qu’il faut chercher la cause de la procédure retenue. Je crois, madame la ministre, que vous en avez fait votre combat personnel. J’en veux pour preuve l’enthousiasme que vous avez exprimé en commission à la perspective de la présentation d’une troisième loi-cadre, laquelle ne sera pas d’initiative sénatoriale, mais de votre propre chef. Restituer les biens spoliés aux juifs pendant la seconde guerre mondiale est juste ; redonner aux restes humains la dignité dont on a privé une personne de son vivant est juste. Il n’y a aucune ambiguïté de ma part en la matière. Mais votre intervention a porté presque exclusivement sur les biens – vous avez même convoqué Antigone pour ce faire – et non sur la procédure retenue, qui fait l’objet de mon propos. C’est habile, mais insatisfaisant. Pourquoi changer aussi radicalement les règles qui protègent le principe d’inaliénabilité ? Vous passerez, madame la ministre, comme nous tous, mais les principes fondateurs doivent demeurer.
Le caractère inaliénable des collections existe depuis l’Ancien Régime, époque de la première prise de conscience d’une propriété collective des biens par les citoyens, qui en deviennent les gardiens. Cette idée est consubstantielle à l’idée de patrimoine. Y déroger ne peut passer que par une loi au cas par cas, c’est-à-dire par le législateur. Le problème est que cette loi-cadre tue la loi et lui substitue un décret au motif discutable de la simplification, dont je rappelle qu’elle a fait disparaître la Commission nationale scientifique des collections, dans laquelle le Parlement était représenté. La dérogation administrative pourrait devenir la règle : c’est un véritable renversement de doctrine. C’est cela que nous refusons. C’est la raison pour laquelle j’avais souhaité présenter, au nom de mon groupe, deux amendements restaurant le Parlement dans ses droits, amendements hélas déclarés irrecevables, et un troisième pour revenir à la finalité funéraire de la restitution des restes humains, laquelle ne doit être ni diplomatique, ni politique, ni réparatrice des politiques du passé.
Madame la ministre, votre responsabilité est grande si un mésusage est fait un jour de ces lois-cadres dont vous avez fait une priorité de votre action. Mes chers collègues, votre responsabilité l’est tout autant, si vous consentez à cette réduction de votre pouvoir de législateur. Certains parmi vous conspuent régulièrement l’usage du 49.3 ou des ordonnances mais ne voient pas de problème en l’espèce, car la défense du patrimoine leur semble politiquement moins importante.
Si le législateur n’est pas, sous une forme ou sous une autre, réintégré dans la procédure, nous nous abstiendrons pour ce seul motif.
Il est des débats en cette chambre qui interrogent profondément et philosophiquement l’histoire passée et les pratiques qui ont été ou sont les nôtres. Le débat sur la proposition de loi-cadre relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques en fait partie.
Le groupe Démocrate est très heureux de cette proposition issue du travail important et suivi de Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture de 2014 à 2020 au Sénat. Elle a permis de faire évoluer remarquablement la législation et l’action des pouvoirs publics à la suite du travail de notre collègue du MODEM, Nicolas About, en 2002.
Nous avons rappelé en commission l’histoire initiale et, à ce titre, exemplaire, de Saartjie Baartman, à l’origine de la première loi de restitution intervenue en 2002. On la surnommait la « Vénus hottentote ». Cette jeune femme d’Afrique du Sud fut vendue, montrée en France, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas puis, après sa mort prématurée, à 27 ans, disséquée, formolisée, reconstituée et exhibée à nouveau jusqu’en 1974, date à laquelle ses restes furent enfin mis en réserve. Des décennies et une loi plus tard, elle retrouva enfin son sol natal, le jour de la fête nationale consacrée aux femmes, le 9 août 2002, soit 186 ans après son décès. C’est aussi par une loi, votée en 2010 grâce au travail de Catherine Morin-Desailly, qu’aboutit la restitution à la Nouvelle-Zélande de vingt têtes humaines tatouées et momifiées, dites têtes maories, dont l’une était conservée au Muséum d’histoire naturelle de Rouen depuis 1875.
Aussi profond que soit notre respect pour le principe d’inaliénabilité du domaine public, il n’était plus possible d’avoir recours à une loi à chaque demande. Ce principe protecteur, théorisé par le grand législateur Michel de l’Hospital et qui régit notre droit depuis l’édit de Moulins promulgué par Charles IX, en l’an 1566, reste bien évidemment essentiel pour nos collections. Toutefois, une dérogation à ce principe sera désormais rendue possible par décret en Conseil d’État après une analyse rigoureuse, scientifique et, au besoin, historique, dans le strict respect de critères précis.
Ce cadre a d’ailleurs des contours mieux définis après les travaux du Sénat et de la commission de notre assemblée. Les restitutions sont en lien avec la demande effective d’un État tiers, au nom d’un groupe humain à la culture et aux traditions actives, pour des fins funéraires ou mémorielles. Pour définir la période des restitutions possibles, un curseur placé à l’an 1500 a été privilégié à la borne mobile des 500 dernières années. Les restitutions sont possibles quand les conditions de collecte se sont avérées problématiques au regard du principe de dignité de la personne humaine ou du respect de la culture et des traditions du groupe humain considéré. Il est enfin rappelé que les recherches génétiques sur des restes humains sont possibles uniquement en concertation avec le pays tiers.
Voici donc une proposition de loi-cadre qui, en proposant de s’affranchir de la loi, ouvre la voie à de nouvelles restitutions pour des restes humains qui n’auraient jamais dû entrer dans nos collections publiques. En effet, certains de ces restes humains ont été collectés à une époque où les considérations sur l’infériorité de certaines races avaient cours. Ils résultent de « pillages, trafics illicites, vols, fouilles et excavations sauvages, confiscations, échanges inéquitables […], mutilations volontaires des cadavres massacrés, recueil d’individus exposés », pour reprendre les mots du chercheur Laurent Berger. Nous gagnerons nous-mêmes en dignité en répondant aux demandes de restitution de ces restes par des États tiers, en opérant cette « décision de justice différée pour les populations opprimées par le passé ».
Pour les restes humains ultramarins, nous nous satisfaisons de voir que le travail de réflexion entamé au Sénat se poursuivra avec la remise d’un rapport. Nous n’oublions pas que nos compatriotes ont, eux aussi, pu être les victimes, sur le sol hexagonal, de zoos humains.
Pour terminer, je voudrais vous confier une réflexion. Il y a quelques jours, je regardais un documentaire d’Arte sur un chantier de fouilles en Italie. Les os d’une femme étrusque étaient minutieusement récupérés, classés, prélevés. Derrière l’intérêt scientifique évident de ces fouilles et la nécessité de faire progresser nos connaissances pour les transmettre à la postérité se pose la question essentielle du respect dû à une tombe. La sagesse et cette proposition de loi nous invitent à faire clairement la différence entre la nécessaire mise en valeur et en lumière de civilisations anciennes et ce qui relève manifestement du recel, de l’exhibition malveillante et raciste. Il est indispensable que les communautés d’origine puissent honorer la mémoire de ceux qui, parmi elles, furent les victimes de ces actions indignes.
C’est ce que permettra ce texte, dont la portée est d’autant plus forte que nous venons d’honorer nos morts, le 2 novembre, et nos anciens combattants ce week-end. C’est aussi le rappel d’une histoire qu’il faut toujours interroger, regarder de face et réparer, pour que les cicatrices d’hier n’engendrent pas les désaccords et les conflits de demain. En un mot, c’est un geste de paix qu’accomplit cette belle proposition. Nous la voterons avec enthousiasme.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)
La proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, que nous examinons aujourd’hui, pose les bases d’une meilleure gestion de la restitution de ces biens à des États étrangers.
En effet, cette loi-cadre vise à instaurer une procédure spécifique qui permettra d’arrêter de produire des lois de circonstance lorsqu’un État étranger fait une demande de restitution. Actuellement, les restitutions de restes humains sont extrêmement limitées. La procédure est difficile à mettre en œuvre et il est nécessaire de recourir à des lois au cas par cas qui ne sont pas satisfaisantes. Le Parlement s’est prononcé antérieurement sur deux lois d’espèce en faveur de restitutions. La première a été votée en 2002 et concernait la restitution à l’Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote ». Quant à la seconde, elle a été adoptée en 2010 pour restituer vingt têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
La proposition de loi a pour objectif de faire cesser le recours à des lois de circonstance et d’offrir un cadre juridique clair à ces demandes. Je tiens à souligner qu’afin de contrôler l’action du Gouvernement, le texte prévoit que le Parlement sera destinataire, tous les ans, d’un rapport relatif à l’application de cette procédure dans lequel seront recensées les demandes de restitution, les décisions de sortie du domaine public et les restitutions de restes humains intervenues. Il est à préciser que les restes humains des collections publiques ont bien souvent été acquis de manière illégitime, voire violente. Ces biens sont arrivés dans des conditions suspectes ; des peuples ont été fortement lésés. La loi n’est donc pas seulement technique, car elle prend en compte ces spoliations.
Ces collections sont particulièrement sensibles car elles se composent de corps humains, ou d’éléments de corps humains, auxquels il est nécessaire d’offrir un traitement respectueux, digne et décent. Les restes humains, de ce fait, ont un statut juridique particulier. Actuellement, le principe d’inaliénabilité des collections fait obstacle à leur restitution. Aussi, afin de préserver la dignité humaine, le texte ne permet-il les restitutions qu’à des fins funéraires et mémorielles, en créant une procédure spécifique qui offrira aux États demandeurs un cadre juridique strict. La rédaction actuelle permet de déroger au principe d’inaliénabilité des restes humains, tout en préservant un traitement respectueux et digne de ces biens. À ce jour, l’Australie, Madagascar et l’Argentine ont formulé des demandes de restitution. La majorité de ces demandes sont à des fins funéraires. Le texte correspond donc pleinement à la réalité. Si la proposition de loi venait à être adoptée, comme nous le souhaitons, elle pourrait d’ailleurs profiter à ces trois demandes.
Le texte permettra également une meilleure reconnaissance de la nature particulière de ces biens et une reconnaissance de leur valeur culturelle et cultuelle. Le retour de ces restes humains permettra de maintenir la cohésion dans certaines communautés. Les groupes d’humains issus des États demandeurs pourront enfin rendre hommage à leurs défunts et réaliser des cérémonies ou des cultes dans le respect de leurs croyances et de leur culture d’origine. La restitution des restes humains s’impose comme un dialogue plus poussé et plus respectueux entre les cultures.
La France possède actuellement de nombreux restes humains. Ces vestiges permettent à la communauté scientifique d’effectuer des études. Une proportion significative des ossements pourrait d’ailleurs faire l’objet de demandes de restitution. Cette nouvelle procédure permettra à la France d’ouvrir de nouvelles coopérations culturelles et scientifiques, puisqu’un comité scientifique paritaire représentant les deux États sera mis en place pour travailler sur les biens concernés. Elle permettra également d’apporter une transparence indispensable sur le travail scientifique effectué, puisque le rapport produit par le comité scientifique pourra être rendu public, si c’est le souhait des deux États. Cette loi-cadre pourra aussi ouvrir de nouvelles relations diplomatiques entre la France et les pays demandeurs, avec pour finalité la réparation des peuples lésés à travers la restitution de ces biens.
Enfin, le cas des outre-mer ne peut pas être traité dans ce texte mais la majorité a bien entendu les demandes de restitution émises par nos collègues ultramarins. Les dispositions proposées en commission ne peuvent pas être adoptées dans le cadre de la présente proposition de loi car il s’agit d’un texte interétatique – Mme la ministre et M. le rapporteur l’ont souligné plusieurs fois en commission.
Néanmoins, la réflexion ayant trait aux territoires ultramarins, notamment la Guyane et la Polynésie française, doit se poursuivre rapidement, en concertation avec le Gouvernement, afin d’instaurer une procédure spécifique les concernant. C’est l’objectif de l’article 2 du texte, qui prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement afin d’identifier les solutions possibles à ces demandes de restitution et, bien sûr, de les appliquer dans un délai qui soit le plus court possible.
Pour conclure, le groupe Renaissance votera bien entendu en faveur de ce texte ; nous espérons qu’il sera adopté à l’unanimité, comme au Sénat.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Le 29 juin dernier, nous avons accompli un travail essentiel pour apaiser les mémoires et pour réparer, autant que possible, les errements du passé, en adoptant la première loi-cadre mémorielle dédiée aux biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ouvre un nouveau chapitre en matière de restitutions ; elle a cette fois pour objet les restes humains détenus dans nos collections. Je tiens, en cette occasion, à saluer l’engagement de la sénatrice Catherine Morin-Desailly, qui a fait de ces questions relatives à la restitution des biens culturels une priorité de son travail parlementaire.
Depuis plusieurs années, la présence de milliers de restes humains au sein de nos collections publiques, fruits de butins de guerre amassés au cours d’expéditions ou de conquêtes coloniales, ou encore d’exhumations illégales effectuées à l’étranger à des fins de recherche scientifique, nous pose un problème croissant qui tient au respect de la dignité humaine. Plusieurs centaines de ces restes humains ont été collectés à l’étranger, de manière parfois illégitime et parfois violente. Ils sont les témoins silencieux de notre histoire et de valeurs d’un autre temps ; ils sont l’héritage d’une domination coloniale que nous devons reconnaître. Ces restitutions sont donc en premier lieu un devoir moral, dont nous devons nous acquitter par respect de la dignité humaine, par reconnaissance de l’humanité blessée et des destins parfois tragiques de ceux dont les restes sont conservés dans nos collections publiques.
Elles sont également un devoir politique : nous les devons à de nombreux États étrangers qui, pour certains, réclament depuis plusieurs années des restes humains issus de nos collections publiques. Des nations, des peuples ont été lésés voire humiliés par cette pratique. Je pense en particulier aux restes de Saartjie Baartman – les premiers à avoir été restitués, en 2002 à l’Afrique du Sud –, dont l’histoire illustre ce que nous avons pu faire de pire en matière d’exploitation des corps. Surnommée la « Vénus hottentote », cette femme fut exhibée durant toute sa vie comme un monstre de foire, du fait de ses particularités physiques ; à sa mort, son corps fut disséqué et moulé, avant d’être exposé jusqu’en 1974 au musée de l’Homme. Son histoire terrible nous rappelle le pire d’une époque où, pour reprendre les mots de l’historien François-Xavier Fauvelle, « il existait une alliance entre le chapiteau et le musée parce que les gens de spectacle avaient besoin de la caution scientifique pour que le public soit sûr que les monstres sont vrais. »
Au-delà de cet exemple que l’on pourrait qualifier d’extrême, nous devons nous acquitter de ces restitutions par respect des coutumes funéraires et mémorielles, par considération à l’égard des cultures et de la souveraineté des peuples concernés, et enfin pour nous donner les moyens de construire avec eux des relations plus solides et apaisées.
Or, jusqu’à présent, il n’était pas possible de restituer des restes humains sans passer par la loi, compte tenu de l’inaliénabilité des collections publiques. Si ce principe, hérité du domaine royal, est essentiel pour garantir la préservation de notre patrimoine national, il a notablement freiné le travail de restitution. En effet, la France n’a accédé à ce jour qu’à cinq demandes de ce type – et encore, seules les restitutions des restes de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud et de vingt têtes maories momifiées à la Nouvelle-Zélande ont donné lieu à une loi d’exception, tandis que la restitution de crânes algériens, en 2020, a seulement fait l’objet d’une convention de dépôt.
Plusieurs pays – l’Australie, l’Argentine et Madagascar – ont fait des demandes de restitution et attendent encore, parfois depuis longtemps. Pour eux et pour ceux qui suivront, probablement nombreux à l’heure où l’enjeu des restitutions monte en puissance sur la scène internationale, nous devons désormais mettre en place des principes généraux, définir un cadre qui établisse un processus scientifique et rigoureux et nous donner les moyens de restituer plus rapidement.
C’est pourquoi les députés du groupe Horizons saluent cette proposition de loi, qui crée une dérogation générale au principe d’inaliénabilité du domaine public, exclusivement réservée à la restitution à un État étranger. Elle autorise dans ce but la sortie du domaine public de restes humains, y compris ceux entrés dans les collections des musées de France par don ou legs, tout en définissant plusieurs critères d’ordre matériel, juridique, de filiation, éthique et temporel. Ainsi, nous pourrons enfin garantir une procédure claire, scientifique et transparente, qui permettra d’accéder aux demandes légitimes des États concernés tout en protégeant notre principe d’inaliénabilité.
Je me réjouis enfin que ce cadre général permette non seulement de faciliter les restitutions de restes humains et d’inciter les établissements publics à engager un travail d’identification des restes potentiellement sensibles dans leurs collections, mais aussi de développer des coopérations culturelles et scientifiques avec les États demandeurs, grâce au travail qui pourra être amorcé au sein du comité scientifique mixte.
Je veux aussi saluer l’intention d’avancer en matière de restitution des restes ultramarins, comme l’a rappelé M. Sorre. Enfin, je me réjouis de l’évolution des mentalités sur ces questions, et je tiens à souligner que ces restitutions représentent une nouvelle étape fondamentale, un tournant pour nos musées. Pour conclure et pour toutes ces raisons, le groupe Horizons approuve cette proposition de loi et la votera.
(Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)
Nous avons besoin de faire face à notre passé pour mieux construire l’avenir de notre nation, et cela doit passer par des actes forts. La restitution des biens juifs spoliés pendant la seconde guerre mondiale était un premier pas ; celle des restes humains appartenant aux collections publiques en est un second. Il en restera d’autres à accomplir pour avancer vers la connaissance et la reconnaissance de notre histoire.
Plusieurs centaines d’établissements publics comptent des restes humains dans leurs collections ; une partie d’entre eux est d’origine étrangère, et certains sont directement issus d’anciennes colonies. Il est temps de reconnaître que le musée n’est pas un espace neutre qui n’aurait qu’une dimension esthétique : nos collections publiques sont le résultat d’une histoire parfois violente, faite de dominations et marquée par la colonisation. Il est important de le reconnaître aujourd’hui, en adoptant ce texte ayant trait aux restes humains, mais aussi demain, en soutenant un autre texte relatif à la restitution d’œuvres indûment acquises.
En effet, la création de nos musées et la collecte de ce dont ils regorgent ont souvent reposé sur une politique de saisie et de pillage des biens mais aussi des corps colonisés, qui est incompatible avec le principe de respect de la dignité humaine. C’est le cas des restes humains issus des exhibitions coloniales parisiennes, comme les zoos humains, et nous nous devons de dénoncer aujourd’hui ce qui était considéré hier comme une richesse, dans un contexte colonial : nous ne sommes pas les gardiens légitimes de ce que nos aïeux considéraient comme des trophées exotiques. Je pense ici à Saartjie Baartman, exhibée en Europe de 1810 à sa mort, en 1815, à Paris, puis disséquée et exhibée par les zoologues pour illustrer fallacieusement l’inégalité des races. Son corps n’a été restitué à l’Afrique du Sud qu’en 2002.
Nous ne devons pas craindre de regarder en face notre passé, car il est nécessaire de le faire. Cette partie de notre histoire reste une plaie au cœur de notre République, une plaie ouverte pour ses enfants descendants de colonisés, et une plaie enfouie pour ses enfants descendants de colonisateurs. Nous ne pouvons plus nous contenter de grandes déclarations d’intention : il nous faut prendre des actes forts et concrets, en organisant la restitution par une loi-cadre. Une telle loi est nécessaire, parce que la restitution de restes humains et d’objets spoliés est un principe aussi fort que l’inaliénabilité.
Nous devons aussi organiser la restitution des restes issus des territoires ultramarins français, et assurer la décolonisation de nos collections publiques. Nous devons en outre créer un musée national de l’histoire de la colonisation, idée que j’ai défendue lors des débats budgétaires, car il faut travailler à la décolonisation des imaginaires et de l’histoire officielle. Il est essentiel que la France se dote d’un lieu de pédagogie, d’histoire, de culture, de transmission et de débat en la matière. Cette partie de notre histoire reste en effet un sujet tabou dans notre République, et la création d’un tel musée contribuerait à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension de notre passé. Il est capital que nous nous livrions à cet exercice mémoriel, pour comprendre comment la France s’est construite et pour analyser la relation entre ce contexte historique et le racisme toujours bien présent dans notre pays.
Rappelons-nous qu’il ne peut y avoir de vivre ensemble sans un débat apaisé et sans lieux mis au service de la vérité, qui s’affranchissent d’un récit national systématiquement réécrit par les vainqueurs en étouffant la parole des victimes. Remettons cette mémoire au cœur de notre histoire commune, pour tisser et retisser les liens entre générations. Faisons-le également pour redonner toute sa vigueur au principe d’universalisme, qui a été dévoyé pour justifier la colonisation : si nous voulons l’employer à nouveau, nous devons reconnaître notre erreur à ce sujet.
Le groupe Écologiste appelle donc à voter pour la présente proposition de loi, dans un esprit similaire à celui qui avait prévalu lors de l’examen du texte relatif aux biens spoliés aux Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Il apparaît nécessaire – et je sais, madame la ministre, que vous vous y êtes engagée – que se tienne par la suite un débat ayant trait à l’ensemble des collections issues de la période coloniale française, assorti d’une loi-cadre permettant des restitutions fondées sur un avis scientifique, qui éclaire les décideurs et le débat public.
(Mme Eva Sas applaudit.)
Je salue l’engagement du Gouvernement sur la question des restitutions, qu’il était indispensable de traiter. Je rends également hommage aux modifications apportées par M. le rapporteur suite à la discussion du texte en commission. En revanche, je regrette que notre travail ne soit pas allé plus loin, car le texte constitue selon moi une occasion manquée d’aborder le sujet
in extenso
, en particulier pour permettre la guérison des maux de la période coloniale.
Comme exposé dans le cadre des auditions et des débats qui ont eu lieu en commission, la réflexion doit se poursuivre quant au statut juridique des restes humains en droit français. Que penser du statut des objets funéraires entreposés près des défunts ou sur eux, et des moules parfois réalisés sur les corps ? D’autres exemples spécifiques se présenteront dans le futur, ce qui justifie un travail plus poussé pour définir ces termes.
Le texte issu du Sénat prévoyait un délai maximum de 500 ans au-delà duquel toute restitution serait rejetée. M. le rapporteur a entendu nos craintes et remplacé ce délai par une date butoir : l’an 1500. Je propose de la conserver mais en prévoyant une exception, si l’origine des restes peut être identifiée avec certitude.
J’émets une réserve concernant la notion d’appartenance « à un groupe humain demeurant présent sur [un] territoire et dont la culture et les traditions restent actives », et propose de la supprimer du texte. Quel est l’apport d’une telle formulation, alors même que la date butoir de l’an 1500 est établie ? Il me paraît délicat de la conserver, car elle est empreinte de subjectivité.
La création du diplôme universitaire Recherche de provenance des œuvres à l’université de Nanterre, en février 2022, est louable. Cependant, cette formation doit être élargie à la question des restes humains ; elle pourrait être à l’origine de travaux qui étudieraient leur statut en droit français et pourrait prendre la forme de cours, d’ateliers, de mémoires de fin de formation ou de recherches académiques plus longues.
Ma plus grande réserve concernant ce texte est la non-inclusion des collectivités dites d’outre-mer. Comme c’est le cas pour bien d’autres sujets, il propose la remise sous un an d’un énième rapport. A-t-on besoin d’un an pour cela ? Pourquoi tant de réticences ? Le Gouvernement a souhaité cette loi pour ne plus avoir recours à des lois d’espèce, mais c’est exactement le sort que l’on veut réserver aux demandes ultramarines ! Qu’attendons-nous ?
En effet, le texte vise à permettre la sortie de restes humains du domaine public français, afin qu’ils soient restitués à des communautés étrangères. Or il existe des restes qui pourraient sortir du domaine public afin d’être restitués à des communautés françaises ultramarines. L’idée n’est pas ici de les faire passer d’un musée de l’Hexagone à un musée étranger ou ultramarin, mais bien de les restituer à une communauté étrangère ou française ultramarine. On voit donc qu’en l’espèce, l’obstacle n’est pas juridique : il est politique.
Prenons l’exemple très douloureux du peuple Kali’na. Ces personnes ont été arrachées de chez elles par la force ou la tromperie, exhibées comme des curiosités, et sont décédées en France métropolitaine, loin des leurs.
Le territoire kali’na s’étend des deux côtés du fleuve Maroni, source de vie qui le scinde en deux et qui fut désigné comme frontière coloniale entre le Suriname et la Guyane au XVIIe siècle. Si le texte que nous étudions venait à s’appliquer, seuls les Kali’na du Suriname pourraient légitimement formuler une demande de restitution à la France, par le biais de leur État. Ne serait-ce pas curieux ?
Autre exemple : cette année, l’université de Strasbourg a voulu engager la restitution d’une trentaine de crânes à la Namibie et à la Tanzanie. Les demandes ayant été formulées respectivement par une fondation et par une province, plutôt que par les États eux-mêmes, la restitution n’entre pas dans le cadre de la présente proposition de loi. Les communautés ou les peuples autochtones, qui sont le plus souvent des minorités, doivent pouvoir demander une restitution sans forcément passer par un État.
En Polynésie, l’association Te Tupuna, Te Tura – « le respect de nos ancêtres » – a déjà procédé au rapatriement de 350 kilogrammes d’
ivi
, ou ossements, parfois accompagnés d’objets funéraires. Les restes étaient conservés dans des musées étrangers. Le Muséum d’histoire naturelle de Stockholm a restitué des restes humains des îles Marquises, en prenant en charge le coût du transport des restes jusqu’à destination ainsi que l’assurance. Le directeur régional des douanes de Polynésie, à la demande de l’association et avec l’accord du gouvernement polynésien, a accepté d’exonérer de taxes les restes rapatriés. Qui prendra en charge ces frais dans le cadre de la présente proposition de loi ?
Enfin, le texte prévoit la création d’un comité dont le rôle essentiel doit être élargi pour englober à la fois le récolement et la recherche de provenance. Au vu de son rôle fondamental dans la recherche de vérité et dans la guérison des blessures du passé, cette instance ne doit pas se réunir uniquement en cas de doute sur l’identification de restes humains, mais avoir une activité pérenne, impliquant la participation d’experts et d’universitaires.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR-NUPES réserve son vote et se prononcera en fonction de la teneur des débats à venir.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.)
Paul Valéry a écrit : « C’est la vie et non point la mort qui sépare l’âme du corps. » Le code civil dispose de façon à peine moins poétique que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ». La question posée aujourd’hui dans cet hémicycle est sensible et douloureuse ; elle touche à la dignité des morts et à la reconnaissance des vivants.
Les collections publiques françaises comptent plusieurs dizaines de milliers de restes humains non fossiles, des petits fragments d’os retrouvés lors des fouilles archéologiques aux restes issus de notre passé colonial et résultant parfois de captations patrimoniales, de vols, de pillages, de profanations de sépultures ou d’exécutions. Dans ces conditions, il semble légitime d’entendre la volonté de certains pays de rapatrier les restes humains identifiés comme les leurs et auxquels ils souhaitent apporter la dignité et le respect à travers des rites funéraires conformes à leurs cultures et à leurs traditions. Le principe de dignité du corps humain ne peut que nous mettre d’accord et nous conduire à saluer la volonté d’instaurer un cadre général pour la restitution des restes humains conservés dans les collections publiques. Je salue d’ailleurs à mon tour cette initiative transpartisane de nos collègues sénateurs et particulièrement l’engagement de longue date de Catherine Morin-Desailly.
Ces biens ne peuvent pas être considérés, perçus, ni traités comme de simples objets au prétexte qu’ils font partie de collections publiques : ce sont des corps humains, qui ont vécu et ont parfois fait l’objet d’un trafic sordide et macabre. Un véritable effort doit être fait pour identifier la provenance des restes humains conservés dans nos musées, en déployant les moyens financiers et humains nécessaires pour y parvenir. C’est la condition
sine qua non
d’une application réelle et efficace du texte soumis à notre examen, qui nécessite aussi de mieux former les étudiants et les professionnels à l’activité de chercheur de provenance et d’accompagner les établissements culturels dans leur rôle de médiation.
Je le répète, ce texte touche à la dignité des morts et à la reconnaissance des vivants. Le fait de reconnaître aux morts leur humanité relève d’un indispensable travail de mémoire, de justice et de respect. Il permettra aussi aux États étrangers, qui sont nos interlocuteurs en la matière, de recouvrer eux aussi une forme de dignité et de reconnaissance, tout en construisant des relations internationales fondées sur la confiance et le respect.
Le groupe LIOT se satisfait de ce texte équilibré. Une question, que nous avons déjà posée en commission, demeure toutefois : rien ne semble prévu en cas de refus d’une restitution. Que se passera-t-il le cas échéant ? Un recours sera-t-il possible ? Nous proposerons que soit au moins rendue systématique la publication des rapports et avis du comité scientifique sur les demandes de restitution, pour que la procédure soit totalement transparente.
Nous resterons aussi très vigilants concernant les restes humains des collections publiques n’émanant pas de l’étranger, mais de territoires français : 5 % des restes humains conservés dans les musées français proviennent des territoires d’outre-mer. Si nous les évoquons aujourd’hui, c’est parce qu’ils présentent souvent des profils et des parcours très similaires à ceux concernés par la présente proposition de loi. Bien sûr, nous comprenons que la procédure, dès lors qu’elle serait franco-française, doive être différente. Bien évidemment, des questions se posent : à qui restituer les restes, puisqu’il ne s’agit pas de nations étrangères ? Selon quelles modalités ? Comment définir les contours de cette procédure à inventer ? Toutefois, quels que soient les difficultés techniques rencontrées et le temps nécessaire pour les résoudre, cette question doit impérativement trouver une solution et les restes humains concernés doivent faire l’objet d’une inhumation dans les territoires ultramarins auxquels ils appartiennent. Nous serons attentifs sur ce point et sur la réflexion à mener, même si je sais que vous partagez notre volonté, madame la ministre – vous l’avez d’ailleurs réaffirmé.
Notre groupe votera en faveur de ce texte.
Tout d’abord, veuillez me pardonner de ne pas avoir assisté au début de la discussion générale : j’ai été quelque peu prise de court par l’application rapide du 49.3.
(Sourires sur quelques bancs.)
Merci à M. Bertrand Sorre d’avoir accepté d’inverser l’ordre de nos interventions.
L’Assemblée est appelée à examiner cet après-midi une proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. Pourquoi sommes-nous amenés à légiférer sur cette question qui pourrait nous sembler étrangère ? Parce que, comme tous les biens appartenant aux collections publiques, les restes humains sont inaliénables : ils ne peuvent pas être restitués sans avoir été préalablement sortis du domaine public, ce qui implique l’autorisation du Parlement, donc une procédure longue et fastidieuse.
À ce jour, la France n’a fait droit qu’à très peu de demandes de restitution – cinq en tout. Ainsi, cette proposition de loi s’inscrit dans une série de textes récemment adoptés pour faciliter, accélérer et augmenter le nombre de restitutions.
Pour autant, nous ne discutons pas ici de collections comme les autres : ce ne sont pas d’œuvres dont il est question, mais bien de restes humains, qu’il s’agisse de momies d’Égypte antique ou d’Amérique précolombienne, de crânes de combattants s’étant opposés à la colonisation de leur territoire par la France ou bien encore de squelettes de personnes étudiées par les praticiens de l’anthropologie naissante. Rappelons que le code civil dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».
Un grand nombre de restes humains n’ont pas leur place dans les collections des musées. Bien souvent, ils ont été acquis dans des conditions non compatibles avec les valeurs qui sont désormais celles de notre démocratie. Pensons aux trophées de guerre ou à certains commerces barbares, comme celui des têtes maories, ces dernières ayant été il y a une quinzaine d’années au centre d’une affaire impliquant le Muséum de Rouen.
La proposition de loi permettra de faciliter la restitution de ces restes humains à des États étrangers. Examinée et adoptée par le Sénat, elle introduit une dérogation générale au principe d’inaliénabilité, rendant possible, sous certaines conditions, la sortie du domaine public de restes humains, sans qu’il soit nécessaire de délivrer au cas par cas une autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Par la création, à l’article 1er, d’un comité scientifique composé de représentants des deux États concernés ainsi que des institutions détenant les restes en question, le texte permet une approche collaborative, pluridisciplinaire et impartiale. Ensemble, ces experts évalueront de manière précise les demandes de déclassement et de restitution en tenant compte des aspects humains, éthiques et scientifiques, dans le respect des individus dont les restes sont en jeu.
Je salue les ajouts de la commission, qui ont permis de prendre en compte l’aspect mémoriel en incluant les restitutions visant à permettre l’accomplissement de rites ancestraux ou de cérémonies n’ayant pas nécessairement ou uniquement une nature funéraire, et de prévoir la publicité des rapports du comité. L’instauration de ce dispositif-cadre offre une solution globale et transparente en vue de la restitution des restes humains, dans le respect de la dignité de la personne, des cultures et de la mémoire, ainsi que du principe de justice.
Je tiens à avoir un mot pour mes collègues ultramarins en soulignant que ce texte ne constitue qu’une première étape, car il ne règle pas la question des restitutions de restes humains d’origine française : il faudra trouver une solution pérenne pour les restes ultramarins conservés dans les collections publiques. Tel est l’objet de l’article 2.
Enfin, rappelons que l’identité, l’origine et la trajectoire de la plupart des restes humains conservés dans les collections nationales restent inconnues, ce qui empêche évidemment les pays tiers de formuler des demandes de restitution. Cette identification imposera aux équipes des musées concernés de fournir un travail supplémentaire et minutieux. Les établissements les plus modestes craignent de ne pas disposer de moyens suffisants. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur les moyens financiers et matériels que votre ministère envisage de mobiliser pour accompagner les musées dans ces tâches ?
Mes chers collègues, ce texte vise à réparer des situations injustes – c’est aussi le rôle du législateur. Le groupe Socialistes et apparentés votera bien sûr en faveur de cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Cette proposition de loi est une juste réponse de la France à la nécessité de garantir à tout être humain le respect qui lui est dû. Elle constitue également une forme de réparation. Les restes humains ont un statut flou, étant tour à tour qualifiés de biens culturels ou de sujets humains. L’avancée prévue dans le texte tire les leçons d’une juste réflexion éthique sur le statut des corps humains
post mortem
et sur le respect de leur dignité : les restes humains ne sont pas des biens culturels comme les autres et il était indispensable de leur réserver un traitement particulier.
Jusqu’alors, la décision de procéder à des restitutions était prise au cas par cas. C’était parfois – souvent – le fait du prince qui prévalait. La procédure envisagée, qui implique la création d’un comité compétent et d’analyses scientifiques adaptées lorsqu’un doute demeure sur l’identification d’un reste humain, est plus qu’indispensable : elle est primordiale. Mais comment la réaliser concrètement ? Chacun se souvient en effet de l’affaire désastreuse de la restitution à l’Algérie, à l’initiative d’Emmanuel Macron, de crânes de résistants algériens dont certains n’avaient pas été correctement identifiés. Ce nouvel épisode est venu contrarier l’idylle franco-algérienne voulue par le Président de la République, qui aurait souhaité en tirer un avantage diplomatique. Où en est, d’ailleurs, le règlement de cette affaire humiliante pour la France ?
Les élus du groupe Rassemblement national soutiendront cette proposition de loi, mais nous attirons votre attention sur les questions qui restent à régler. Selon les termes de cette proposition de loi-cadre, la sortie du domaine public des restes humains serait exclusivement réservée à leur restitution à un État étranger, à des fins funéraires. Quelles garanties aura-t-on que ces conditions seront respectées ? Quel contrôle sera possible ?
L’ancienneté des restes potentiellement concernés par le texte pose aussi question. N’a-t-elle pas été fixée de façon arbitraire ? Le Rassemblement national, à cet égard, rejoint plutôt l’approche britannique, qui est différente.
Par ailleurs, peu d’États réclament à la France ce type de restitutions. Que conclure lorsque la communauté bénéficiaire ne veut pas récupérer les corps de ses ancêtres, comme c’est le cas dans le Wamba, en République démocratique du Congo, où la communauté refuse le rapatriement de ces « fantômes » qui menacent sa stabilité spirituelle et émotionnelle et ne partage pas notre discours sur la restitution des restes humains ? Les enjeux scientifiques, culturels et éthiques sont complexes : on commettrait une nouvelle erreur en leur appliquant systématiquement nos grilles de lecture et schémas de pensée occidentaux.
Nous réclamons donc l’instauration d’une information régulière et concrète du Parlement, sous la forme d’un rapport annuel présentant les demandes de restitution pendantes, les décisions de sortie des collections prises au cours de l’année écoulée et les travaux préparatoires associés, ainsi que les restitutions effectivement entreprises et les conditions dans lesquelles elles sont intervenues.
Enfin – dernier point qui nous paraît important –, parmi les conditions requises, les demandes de restitution doivent émaner d’un État, ce qui exclut celles qui proviennent des outre-mer. Il n’existe donc pas de cadre spécifique dédié à la question des restes humains ultramarins. C’est une anomalie de taille. Le texte exclut par exemple, de fait, la demande guyanaise concernant le peuple kali’na.
Si j’ai bien compris ce que vous avez dit en commission, monsieur le rapporteur et madame la ministre, rien n’est encore définitif à ce stade. J’ai justement déposé un amendement permettant de corriger ce manque. Nous comprenons en effet l’émoi de nos compatriotes ultramarins, exclus du dispositif. Il faut corriger cette injustice.
Nous porterons une attention particulière aux réponses apportées.
Plusieurs centaines d’établissements publics en France – musées, monuments, services d’archéologie ou universités – comptent dans leurs collections des restes humains qui, en majorité, émanent de France mais dont une partie sont d’origine étrangère – une minorité d’entre eux viennent d’anciennes colonies.
Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Pourtant, l’histoire nous a apporté de trop nombreux exemples d’actes indignes et de profanations. La tête du grand chef Ataï, héros de la grande révolte kanak de 1878, se trouvait au musée de l’Homme, dans un bocal. Celui-ci avait été perdu avant d’être opportunément retrouvé huit ans plus tard.
La dépouille de la malheureuse Saartjie Baartman, dite Vénus hottentote, fut restituée à l’Afrique du Sud en 2002. Son cadavre – ou son moulage – avait été exposé, nu, des années durant, au centre d’une salle du même musée. Il s’agissait de montrer l’angle droit de ses fesses par rapport à la ligne du dos. Elle était présentée en tant que modèle en raison de son fessier. Qu’est-ce qui destinait une jeune fille, née en Afrique du Sud, à voir son corps disséqué après sa mort puis reproduit à l’identique par un moulage de plâtre et enfin exhibé, certains de ses organes ayant été conservés dans des bocaux de formol ? Aucune absurdité écœurante n’est impossible dès lors qu’on entre dans la névrose raciste.
À la fin du XIXe siècle, des scientifiques prétendirent aussi avoir découvert un grand marqueur de l’identité humaine : l’angle facial. On le mesure à partir du croisement entre la ligne verticale passant par le nez et le front et la ligne horizontale, au niveau du crâne. Pierre Camper établissait un lien entre le niveau d’intelligence et le degré de cet angle. La différence entre les angles faciaux démontrait la différence entre les races. Ignoble et faux.
En janvier 2012, la France a rendu plusieurs têtes tatouées au musée maori Te Papa Tongawera en Nouvelle-Zélande.
Il y a un an, le 2 novembre 2022, je déposais une proposition de loi sur la restitution des crânes algériens. Je tiens à redire ici, comme je l’ai affirmé alors, que ces crânes, issus des pires heures du colonialisme de l’État français, ont intégré les collections publiques dans des conditions qui relèvent exclusivement de l’infamie et d’une célébration morbide. Une partie d’entre eux avaient déjà été restitués en 2020 sans passer par le Parlement, faisant l’objet d’une convention de dépôt pour cinq ans. Le 5 novembre 2022, je me suis rendu en Algérie, au cimetière El Alia, où j’ai constaté que les vingt-quatre crânes algériens avaient trouvé une sépulture définitive alors que le Parlement français doit statuer pour toutes les restitutions en adoptant une loi au Sénat puis à l’Assemblée nationale.
Cette nouvelle loi est salutaire. Elle permet de simplifier la procédure visant à restaurer les liens mémoriels. Or honorer la dignité des personnes décédées est un impératif moral.
J’exprime cependant des réserves. Nous devons tout d’abord nous assurer que les ressources matérielles et humaines correspondent à l’ambition du texte. J’ai la conviction que la mobilisation d’experts supplémentaires est nécessaire tant la documentation lors des entrées et sorties dans les collections est parfois insuffisante. Une enquête du
New York Times
a décrit le processus relatif aux crânes algériens comme un retour défectueux qui a révélé un problème plus large que le caractère secret et confus des restitutions. Il existe en effet des interrogations sur l’origine de certains crânes déposés.
Si l’intervention d’une expertise scientifique, menée conjointement et échelonnée à travers plusieurs niveaux de vérification, est à saluer, nous souhaitons nous assurer du caractère public des rapports prévus par ce dispositif. Cela permettra notamment de garantir un contrôle citoyen et une transparence des procédures de restitution, du point de vue administratif et culturel. Je rappelle que, lors de mes travaux législatifs, c’est l’interpellation d’une association franco-algérienne, le Grand Maghreb, qui m’a permis d’obtenir les éléments dont j’avais besoin.
La simplification des procédures de restitution est nécessaire – il n’y a pas de débat sur ce point – mais nous ne pouvons accepter que le Parlement soit totalement dessaisi en la matière. La représentation nationale doit pouvoir se prononcer, au même titre que les collectivités territoriales. Au Sénat, il a été noté : « La commission est consciente que ce texte ne constitue qu’une première étape sur la voie des restitutions de restes humains appartenant aux collections publiques. »
Par ailleurs, notre amendement visant à demander un rapport sur les formations, déclaré recevable en commission, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 en séance. Le Muséum national d’histoire naturelle abrite pourtant 30 000 crânes qui nécessiteraient bien une identification par un personnel formé.
Au vu de ces différents éléments, le groupe La France insoumise s’abstiendra, comme le groupe Les Républicains.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Avant l’examen des amendements, je souhaite remercier les députés pour leurs interventions et leur répondre sur quelques points.
Tout d’abord, certains s’interrogent – et c’est le cas depuis quelque temps – sur le choix d’une loi-cadre. Tout d’abord, sur un plan symbolique, une loi-cadre a une portée plus importante dans la mesure où elle définit des principes. Nous affirmons ainsi de façon plus solennelle et claire la valeur universelle de la dignité rendue aux morts, à laquelle nous tenons tous, en gravant ce principe dans le marbre de la loi.
D’autre part, une loi-cadre, comme son nom l’indique, permet de cadrer. Par ce texte, nous proposons une procédure claire pour les demandeurs : nous ne restituerons des restes que si c’est un État qui le demande, s’il le fait à des fins funéraires ou mémorielles – puisque vous avez souhaité apporter ce complément dans le texte –, en respectant les bornes temporelles que vous avez fixées et en réunissant des commissions bilatérales selon les modalités que vous avez définies. Un tel cadre permet d’établir un schéma clair et de fixer certaines conditions, ce qui évite d’être confronté à des demandes tous azimuts.
Pour ces différentes raisons, d’ordre à la fois symbolique et pragmatique, parce qu’il nous faut être transparents vis-à-vis des demandeurs et clarifier nos attentes ainsi que la procédure elle-même, une loi-cadre me semblait nécessaire.
Je réaffirme – même si nous y reviendrons certainement dans la discussion – notre volonté absolue de transparence. Nous n’avons rien à cacher au Parlement, le rapport annuel que nous vous remettrons contiendra toutes les informations dont nous disposerons.
En revanche, de mon point de vue, ni les députés, ni les sénateurs, ni un ministre quel qu’il soit n’ont leur place au sein des commissions bilatérales. Celles-ci seront en effet composées d’experts scientifiques auxquels nous ferons confiance pour analyser et identifier les restes humains avant de décider s’il faut, ou non, demander leur restitution.
Selon les cas, les pays ou les contextes, pourront ainsi être mobilisés des anthropologues, des juristes, des historiens, des conservateurs de musée ou encore des membres de communautés présentes dans certains États mais qui ne seraient pas directement représentées par ces États.
Il est très important pour moi que ces experts travaillent de manière indépendante, sans aucune pression. Ces commissions doivent être scientifiques, rigoureuses et indépendantes. C’est même pour cette raison que les agents du ministère de la culture qui siègent dans ces commissions – puisque certaines réunions ont déjà eu lieu – y assistent uniquement en qualité d’observateurs sans droit de vote.
Nous aurions pu également être présents à ce titre !
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
J’aimerais revenir sur l’idée, entendue au cours de la discussion générale, selon laquelle cette loi-cadre éviterait d’être soumis au fait du prince. Selon moi, c’est exactement l’inverse. C’est une loi d’espèce qui permettrait de l’éviter puisque, dans ce cas, le Parlement a un droit de regard et exerce son contrôle sur l’action de l’exécutif. Si vous laissez au – ou à la – ministre de la culture et au Premier ministre le soin de prendre la décision de la restitution, cela signifie que l’exécutif, et non le Parlement, a la main. Dès lors, je ne comprends absolument pas un tel argument.
D’autre part, puisque les commissions scientifiques accueillent des agents du ministère de la culture en qualité d’observateurs, des membres du Parlement pourraient tout à fait y être admis dans les mêmes conditions.
J’étais favorable au maintien de la Commission scientifique nationale des collections, une instance malheureusement supprimée dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap. Elle permettait en effet au Parlement d’exercer son devoir de contrôle sur les collections publiques. J’ai donc demandé au rapporteur s’il envisageait que le Parlement puisse tout de même être associé à la procédure, à un moment ou à un autre. Car, si le texte est voté en l’état, nous serons de simples spectateurs et n’aurons, à aucun moment, notre mot à dire.
À vous entendre, les demandes de restitution risqueraient de se compter par milliers, ce qui donnerait lieu à la rédaction de milliers de propositions de loi. Ce n’est pas vrai. Nous savons bien que nous sommes confrontés à seulement quelques cas particuliers.
J’aimerais revenir sur celle qu’on a appelée la Vénus hottentote – une histoire déchirante. Évidemment, la restitution des restes humains de cette femme qui a vécu une vie de douleur et de misère n’est que justice. Mais croyez-vous vraiment que l’écho d’une telle nouvelle aurait été aussi fort si cette mesure avait été prise au moyen d’une loi-cadre, dans le secret d’un comité scientifique et d’une décision de l’exécutif, plutôt qu’en passant par une de ces lois d’espèce qui informent l’ensemble du Parlement ? Évidemment non.
L’article 1er constitue le cœur de cette proposition de loi que soutient le Rassemblement national, comme je l’ai dit dans la discussion générale.
Oui, nous devons œuvrer collectivement pour aboutir à un respect véritable des restes humains. Il y va aussi de la dignité des êtres humains.
Cependant il convient d’apporter des améliorations de fond, s’agissant de la réflexion sur le degré d’ancienneté des restes humains, de la réponse à apporter à la revendication légitime des collectivités ultramarines qui souhaitent procéder elles aussi à de telles demandes ou encore des formalités à appliquer lors de la restitution.
Nous espérons que le Gouvernement adoptera une attitude constructive, loin de toute forme de sectarisme, et ne s’enfermera pas dans un rejet bête et systématique de tous nos amendements. Sur un sujet grave et aussi consensuel que celui-ci, nous devons essayer d’avancer ensemble.
Ce texte aborde des enjeux éthiques et diplomatiques forts puisqu’il vise à faciliter les restitutions de restes humains détenus dans les collections publiques françaises, essentiellement dans des musées, des services d’archéologie ou encore des universités. Le code civil prévoit que le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort et exige donc un traitement respectueux, digne et décent de ces restes.
Malgré des visées évidemment louables, les modalités prévues par la présente proposition de loi interrogent puisque le Parlement serait amené à se dessaisir de la question au profit de l’exécutif.
Ainsi, alors que nous venons de subir un dix-septième 49.3, il me semble dangereux que le Parlement abandonne encore un peu plus le droit de débattre et de voter. En effet, il ne jouerait plus aucun rôle dans les restitutions si le texte était adopté tel quel.
Il ne serait que le destinataire d’un rapport que le Gouvernement serait censé lui remettre annuellement. Le Parlement ne pourrait pas réellement contrôler l’action du Gouvernement puisqu’il s’agirait d’une simple information, donnée
a posteriori
.
De ce point de vue, le parallèle avec les collectivités territoriales est frappant. L’organe délibérant d’une collectivité doit en effet approuver, ou non, la restitution s’il s’agit de ses collections – par exemple un conseil municipal à propos de collections municipales. En revanche, lorsque la restitution porte sur des collections nationales, le Parlement ne serait pas saisi. Une telle mesure semble incohérente et serait prise au détriment du Parlement.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Le texte a été rédigé de façon précipitée. L’article 2 en témoigne puisque la question des outre-mer y est à peine ébauchée.
Nous devons avoir une discussion éthique s’agissant des restitutions des restes humains ; elles ne peuvent être décidées dans un bureau par un ministre qui n’aura jamais à rendre de comptes à ce sujet. Nous devons aussi établir une méthode qui permette les justes et nécessaires restitutions tout en respectant le principe de l’inviolabilité des collections publiques et sans remettre en question le rôle du Parlement. Or ce n’est pas le cas avec cette proposition de loi. Le débat sur les restitutions devrait donc avoir lieu devant le Parlement, publiquement, et être suivi d’un vote.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 18, 1, 16 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l’amendement no 18, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public, ainsi que sur les amendements nos 1 et 16 respectivement par le groupe Renaissance et par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, pour soutenir l’amendement no 18.
L’amendement vise à étendre le champ d’application du texte aux collectivités ultramarines. En effet, comme je l’ai dit dans la discussion générale, on compte leur imposer encore d’attendre l’élaboration d’un énième rapport alors que la démarche est bien de restituer des restes humains soustraits à des communautés. Dans l’état actuel du texte, une fois le reste humain sorti du domaine public français, les communautés étrangères reçoivent plus d’égards que les communautés françaises ultramarines. Et ce n’est pas dû à un obstacle juridique, mais à une décision politique. J’espère que les collègues ici présents sont sensibles au sort réservé aux communautés d’outre-mer, jusque dans la restitution des corps de leurs ancêtres. Vous enverrez à nos communautés un message de considération en votant cet amendement.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – Mme Clémence Guetté applaudit également.)
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 1.
Cet amendement de mon collègue Lenormand, cosigné par l’ensemble du groupe LIOT, vise à étendre la procédure ici proposée de restitution des restes humains aux collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu’à la Nouvelle-Calédonie. Il précise en outre que le décret en Conseil d’État destiné à fixer les conditions d’application puisse prévoir des modalités différentes selon que la demande émane d’un État étranger ou desdites collectivités.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 16.
Cet amendement propose d’étendre le périmètre couvert par ce texte aux collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu’à la Nouvelle Calédonie. Le groupe Rassemblement national est favorable à l’esprit de ce texte issu des débats en commission mais nous nous demandons pourquoi il ne permet la restitution de restes humains qu’à des États et non pas aux collectivités ultramarines. L’exclusion des demandes en provenance des outre-mer est une anomalie de taille. Nous comprenons l’émoi de nos compatriotes ultramarins et c’est une injustice qu’il faut corriger.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l’amendement no 9.
Nous l’avons déposé en soutien à l’amendement de ma collègue Reid Arbelot cosigné par l’ensemble de son groupe GDR. Nous considérons en effet que ce texte ne répond pas en l’état à l’ensemble des enjeux que représente la restitution des restes humains puisque l’on n’a pas encore trouvé de solution satisfaisante pour les territoires ultramarins. Pourtant, il faudrait que ce type de restitution puisse avoir lieu le plus facilement possible après, bien entendu, un travail approfondi mené par une commission scientifique dans lesdits territoires. Et il est vrai qu’à cet égard, le texte, absolument utile et même indispensable au regard des relations avec d’autres États, laisse vraiment un goût d’inachevé. Il demeure imparfait pour les territoires ultramarins. Madame la ministre, nous avons besoin de vous entendre sur ce sujet car il serait incompréhensible que cette situation ne soit pas résolue dans les plus brefs délais.
Nous sommes tous conscients qu’il est important de trouver une solution rapide pour les territoires ultramarins. Cela étant, je rappelle que nous débattons d’un texte qui vise uniquement à permettre la négociation entre États. Dès lors qu’il s’agirait d’une négociation interne à la République, en l’espèce entre l’État et une collectivité d’outre-mer, voire une communauté, le processus serait évidemment plus complexe : qui représenterait les demandeurs des restitutions ? Serait-ce une association constituée à cet effet ou la collectivité territoriale concernée – sachant qu’à ce jour, aucune n’a rien demandé et que cela m’ennuierait de leur confier une nouvelle compétence sans même en avoir discuté avec elles auparavant – ou, pour la Guyane, le Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges ? Ou bien alors serait-ce les descendants supposément identifiés et, en ce cas, devraient-ils tous être d’accord avec la restitution ? Et comment faire en cas de contestation d’une demande effectuée par une communauté ? Voilà beaucoup de questions, mais qui ne se posent pas dès lors qu’il s’agit d’une négociation d’État à État comme dans ce texte. Certes, nous devons nous les poser si on décide de régler aussi la question à l’échelle de la communauté, mais on ne peut y répondre par le biais d’amendements à ce texte.
Prenons le cas des tribus indiennes d’Amérique du Nord : certaines ont été chassées par les colons et par l’armée des États-Unis, d’autres ont été territorialement reconnues par le gouvernement fédéral, qu’elles aient ou non dû quitter leur terre d’origine, dans le cadre du statut des réserves indiennes, et, aujourd’hui, des communautés des deux types formulent des réclamations en restitution de restes humains. Vous voyez, mes chers collègues, que la situation est très complexe aux États-Unis, et peut-être aurons-nous ce type de sujet à régler dans des territoires ultramarins. D’où l’intérêt de prendre le temps de la réflexion – mais un an, c’est une durée tout de même très brève – pour aboutir à une solution. La ministre de la culture et le ministre délégué chargé des outre-mer se sont engagés à proposer au Parlement dans le délai d’un an des solutions possibles, et je serai très attentif au suivi de ce dossier.
L’avis est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Même avis. Ce texte n’est pas adapté pour traiter le sujet abordé par ces amendements mais, sur le fond, je suis évidemment favorable à avancer au plus vite, parce que le principe de restitutions outre-mer me semble totalement légitime. J’ai proposé de commencer par procéder à un transfert de restes humains dans le mémorial qui est en train d’être construit en Guyane et qui permettra de leur rendre hommage et, parallèlement, de rechercher le meilleur véhicule législatif : loi-cadre ou loi d’espèce ? Pour le moment, la seule demande de restitution émane de Guyane, ce qui justifierait une loi d’espèce le plus rapidement possible en fonction de l’agenda parlementaire, mais d’autres vont sans doute arriver, ce qui pourrait justifier une loi-cadre permettant de déroger au principe de l’inaliénabilité des collections, là encore à des fins funéraires ou mémorielles, mais sans qu’il s’agisse de restitution à un autre État, sachant qu’une telle loi impliquerait nombre de consultations et d’échanges avec des experts et les élus.
Quoi qu’il en soit, je m’engage à poursuivre dans cette voie et je tiens à vous assurer de ma totale détermination à aller au bout du chemin. Mais je pense qu’il faut préserver la cohérence de ce texte, à savoir une loi à portée internationale pour cadrer les demandes qui nous viennent d’autres pays. On ne peut pas confondre dans une proposition de loi comme celle-ci la demande tout à fait légitime des territoires ultramarins avec celle de certains États, mais nous y répondrons à coup sûr.
Je tiens à rappeler, après les interventions du rapporteur et de la ministre, qu’il n’y a pas dans cet hémicycle un seul député qui soit défavorable à ce que nous traitions aussi le sujet des territoires ultramarins. Pour autant, comme je l’ai dit moi aussi lors de la discussion générale, le texte que nous examinons aujourd’hui ne s’y prête pas. Nous avons tous pris note de l’engagement de Mme la ministre, qui a dit que le travail était déjà en cours et que, dans le délai très bref d’une année, nous disposerons de suffisamment d’éléments concrets pour inscrire dans une loi d’espèce ou dans une loi-cadre l’extension du champ des restitutions aux outre-mer. Le groupe Renaissance votera donc contre ces amendements, pas par refus de telles restitutions, mais parce qu’il convient de mettre en place un cadre adapté pour pouvoir répondre favorablement aux éventuelles demandes en la matière.
Il est tout de même étrange que dès qu’il s’agit des territoires ultramarins, c’est toujours remis à plus tard, jamais maintenant, et ce dans tous les domaines.
On l’a encore vu lors des débats budgétaires. Mais pourquoi ne pas avoir travaillé la question des collectivités d’outre-mer dès la conception de ce texte ? C’est parce que vous avez fait le choix de ne pas traiter la question ultramarine.
C’est le texte de la sénatrice Morin-Desailly, pas celui du Gouvernement !
Nous avons déjà dit, mon collègue Bilongo et moi-même, ce que notre groupe pense de ce texte, à savoir qu’il demeure inabouti, notamment faute de traiter de cette question. Nous ne voterons donc pas le texte en l’état, mais nous voterons ces amendements parce qu’ils sont justes !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous parlez de ce texte comme s’il était celui du Gouvernement alors qu’il est d’initiative sénatoriale. Il a été proposé de manière transpartisane par Mme Morin-Desailly, M. Max Brisson et M. Pierre Ouzoulias, des sénateurs ultramarins les ayant rejoints, et le débat a eu lieu au Sénat. Tout le monde a travaillé avec le plus grand sérieux.
Encore une fois, le texte tel qu’il a été proposé par Mme Morin-Desailly, après dix ans d’engagement sur ces questions, concerne le sujet international de la restitution d’État à État. Et vous voyez bien que c’est déjà suffisamment complexe au vu des débats qui ont suivi, aboutissant à un enrichissement du texte, et au vu des amendements déposés. Dans le texte soumis à votre assemblée, chaque mot a été pesé, et heureusement car nous touchons à des aspects si éthiques, si philosophiques, tout à la fois intimes et collectifs, qu’il était nécessaire de faire un travail particulièrement rigoureux.
Par conséquent, s’il vous plaît, n’instrumentalisez ni mes propos ni la réalité : j’ai évoqué le délai qui permettra d’avoir le temps de travailler et de mener des consultations, et rappeler que nous n’avons à ce jour été saisis que d’une seule demande de restitution émanant des outre-mer, en l’occurrence d’une association guyanaise. Et il ne s’agit pas d’une demande vieille de dix ans, oubliée sur une étagère, pas du tout. Cela fait un moment que mes équipes échangent avec l’association à ce sujet, et je demeure complètement mobilisée là-dessus. Il s’agit maintenant de trouver un cadre législatif adapté à la situation des restes humains ultramarins qui font l’objet d’une demande de restitution, et mon ministère ne dédaigne pas ce sujet, loin de là. C’est même tellement important que cela mérite un texte spécifique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest applaudit également.)
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 50
Contre 60
(L’amendement no 18 n’est pas adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 40
Contre 58
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 28
Contre 60
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 13, 15 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 13 et 15 sont identiques.
Sur ces trois amendements, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 13.
Dans sa version initiale, le texte du Sénat visait à la restitution de restes humains uniquement à des fins funéraires. Je pense que le terme « funéraire », pris dans son acception habituelle, est relatif à un ensemble de gestes, de rites ou de paroles accompagnant la mort d’une personne humaine, et ainsi me semble-t-il couvrir tous les rites qui peuvent entourer la restitution de restes humains.
Vous avez lors de votre intervention dans la discussion générale, chère collègue Taillé-Polian, souligné la fonction réparatrice des restitutions après la colonisation,…
…et on voit bien que la finalité en est mémorielle, mais dans une acception tout de même assez étroite : celle de la reconnaissance et même de la repentance de la colonisation.
Nous n’en finissons pas de nous repentir de la colonisation.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il faudra un jour travailler à la réparation et peut-être pourrons-nous enfin refaire nation au lieu de continuer à s’abîmer dans des débats incessants.
La colonisation est un fait historique dont nous avons tiré tous les enseignements.
(Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il est temps de refermer certaines plaies, mais vous considérez qu’elles doivent rester ouvertes.
Pour ma part, je crois que le Sénat a eu la sagesse de conclure à l’utilisation du seul adjectif « funéraire ». Je regrette que le rapporteur de notre commission ait ouvert ce débat. C’est la raison pour laquelle mon amendement tend à supprimer les mots « ou mémorielles ».
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 15.
Nous proposons d’autoriser à sortir du domaine public des restes humains pour les restituer à un État, exclusivement à des fins funéraires. L’ajout en commission des termes « ou mémorielles » à l’article 1er change le sens originel de cette proposition de loi : l’adjectif « mémoriel » est trop large et ouvre des possibilités de détournement qui nous paraissent risquées. Le texte serait plus équilibré et intelligible si nous retenions la seule expression « à des fins funéraires ».
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
C’est un débat intéressant. Selon les auteurs de ces amendements, l’adjectif « mémorielles » serait trop polysémique. Mais on peut en dire autant de l’adjectif « funéraire » :…
…comme je l’ai rappelé tout à l’heure, on peut l’entendre dans un sens très vaste, mais également dans un sens très étroit, comme ce qui a trait aux funérailles.
Prenons quelques exemples, à commencer par celui des souverains Sakalava de Madagascar, qui a introduit une demande de restitution de restes humains auprès de la France. Le pouvoir des souverains Sakalava est représenté et légitimé par la mise en scène rituelle de reliques de leurs ancêtres. Ce culte dynastique et populaire est marqué par le bain des reliques royales, lesquelles assurent la présence des anciens rois – qui sont devenus des ancêtres – tout en conférant la puissance sacrée nécessaire à la prospérité du souverain actuel du royaume et à la fertilité de la terre.
Ces reliques, une fois exposées, ont une efficacité tout à la fois symbolique, religieuse et politique. Ce rite permet au souverain de légitimer son pouvoir et de conforter l’organisation de la société. Pour les ethnologues et les spécialistes – je pense en particulier à Thomas Mouzard, qui assiste à nos débats aujourd’hui –, c’est plus qu’un simple rituel funéraire : c’est un rituel à la fois religieux et politique. C’est une des raisons pour lesquelles l’adjectif « mémorielles » me semble convenir.
(Mme Caroline Parmentier proteste.)

Je vous rappelle qu’en février 2023, pour la première fois depuis le Moyen Âge, on a sorti à Bordeaux la relique du crâne de Saint Thomas d’Aquin pour l’exposer.
Je ne le pense pas : c’était un rite cultuel, qu’il ne conviendrait pas de désigner comme « funéraire ».
En outre, respectons le fait que les membres d’une même communauté ne partagent pas toujours la même vision de ce qu’il doit advenir des restes humains. Par exemple, les Amérindiens de l’Oklahoma se déchirent sur le traitement qu’il y a lieu de réserver aux restes humains de leur communauté, certains voulant les retirer de la vue des profanes et les réinhumer, d’autres souhaitant les préserver pour assurer l’éducation des générations futures. À quel titre devrions-nous choisir à la place de ces communautés ?
Au fond, les restitutions reposent sur deux arguments majeurs. Elles ont tout d’abord des vertus thérapeutiques : il s’agit du respect des morts – nous en convenons tous – et d’honneur rendu aux ancêtres, mais aussi d’une négociation de paix entre les vivants et les morts, entre les descendants et les aïeux. Ensuite, les restitutions ont une visée réparatrice ; elles sont un acte symbolique de reconnaissance collective d’une injustice passée.
Restituer un corps est un processus menant au pardon et à l’oubli du traumatisme subi par les communautés. Parler simplement de « rites funéraires » revient, d’une certaine manière, à gommer, voire à nier cet acte symbolique ; c’est empêcher qu’une histoire commune se construise sur des bases plus égalitaires.
En conséquence, j’émets un avis défavorable.
Je n’ai rien à ajouter à ce magnifique argumentaire du rapporteur, qui a le mérite d’être très approfondi et précis – tout a été dit !
(Sourires.)
J’émets également un avis défavorable.
Madame Genevard, avons-nous réellement tiré les enseignements de la colonisation ? Je ne le crois pas. En témoigne le racisme qui est si présent dans notre société
(Exclamations sur les bancs du groupe RN)
…et dont les représentations sont issues de la colonisation.
(Mme Caroline Parmentier et M. Jean-Philippe Tanguy protestent.)
Quand on évoque des restes humains, on parle notamment des restes de personnes qui ont été exhibées dans les zoos humains, ceux-là mêmes qui visaient à montrer aux yeux du bon peuple à quel point les peuples colonisés étaient inférieurs, combien le racisme était normal et juste. Les restes de cette histoire sont encore visibles dans notre société, madame Genevard.
En outre, pardon de vous le dire, mais votre volonté d’expliquer aux peuples ce qu’ils doivent faire des corps qui leur sont restitués est la marque d’une forme de condescendance coloniale. Qui sommes-nous pour dire à ces peuples ce qu’il faut faire de ces restes humains ?
(Mme Caroline Parmentier s’exclame.)
Pour ma part, je ne le souhaite pas ! Il faut bien sûr leur demander de respecter la dignité humaine, qui demeure une exigence essentielle. Mais encore une fois, qui sommes-nous pour leur dire comment on doit montrer ce passé sans exhiber ces restes ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.)
Il ne s’agit pas de dire ce qu’il convient de faire de ces restes humains restitués.
Non, absolument pas ; chaque peuple, chaque tradition en décidera.
Lors de l’examen de ce texte en commission, Mme la ministre a indiqué que le dépôt des vingt-quatre crânes algériens inhumés dans les conditions que nous connaissons – je n’y reviendrai pas – avait posé un problème de « narratif » – selon votre propre terme –, les Algériens voyant dans ces crânes le témoignage des martyrs de la colonisation. Nous voyons bien qu’il n’était pas ici question de redonner à ces restes humains une dignité, mais d’en faire un usage politique.
Je voudrais vous faire part d’une expérience qui m’a beaucoup frappée. Un jour, à la télévision, j’ai vu un jeune Français d’origine algérienne, âgé d’une quinzaine d’années à peine, dire au président François Hollande : « Vous nous avez torturés en Algérie ». Cet échange illustre parfaitement ce que vous évoquiez tout à l’heure : ce jeune Français, qui avait été éduqué en France, envisageait ses origines uniquement sous l’angle de ce que ses ancêtres avaient vécu pendant la colonisation.
(Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

C’est la raison pour laquelle – je referme cette parenthèse et reviens à notre texte – il me semblerait plus sage qu’on limite la restitution des restes humains à une dimension funéraire.
(Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 15.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 29
Contre 69
(Les amendements identiques nos 13 et 15 ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 27.
Le fait de restreindre la restitution de restes humains à des fins dites funéraires pose problème ; le rapporteur n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler en commission. En effet, un certain nombre de rituels traditionnels pourraient dépasser la seule catégorie des rites funéraires, dès lors qu’ils sortent du cadre des funérailles : au sens large, ils pourraient s’entendre comme une cérémonie accompagnant le dernier voyage du défunt. Dans certaines cultures, d’autres types de rituels traditionnels relèvent de l’hommage, de la vénération ou de la transmission.
Nous comprenons votre volonté d’étendre le champ de la restitution. Néanmoins, l’adjectif « mémorielles » semble trop large et pourrait donner lieu à des détournements ; on risque ainsi de s’éloigner de l’objectif de cette proposition de loi. C’est pourquoi nous proposons, comme solution alternative, de préciser que les restitutions sont réalisées « à des fins funéraires ou d’hommage aux morts ».
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
J’ai déjà dit un certain nombre de choses sur ce sujet. Il me semble compliqué, aujourd’hui, de décider à la place des communautés,…
…sachant que ce texte concerne seulement la restitution des restes humains. Il s’agit d’une question de transfert de propriété, si j’ose dire, et non pas du rapatriement des restes humains. D’ailleurs, vous avez cité la communauté de Wamba, en République démocratique du Congo,…
…à qui l’université de Genève doit restituer des restes humains. Mais la communauté n’étant toujours par prête, les restes vont demeurer à Genève.
Que devrait-on répondre à une communauté qui souhaiterait récupérer la propriété de restes humains sans forcément vouloir les rapatrier, soit parce qu’elle n’est pas prête, soit parce que ces restes sont encore exposés dans les musées occidentaux comme des éléments de connaissance de ces cultures ? Faut-il lui dire que nous restons propriétaires de ces restes avant de les restituer, le temps que les membres de la communauté s’accordent sur le sort qu’il convient de leur réserver ? Je ne crois pas qu’il faille aller dans ce sens et je persiste à penser que l’adjectif « mémorielles » permettrait de traiter ces différents cas de manière plus large. Avis défavorable.
J’avoue être un peu perdue dans ce débat sémantique. Au fond, ces différentes formulations disent la même chose :…
…qu’on utilise « hommage aux morts » ou « fins mémorielles », on vise dans tous les cas des rites qui honorent la mémoire des morts. Je suivrai donc l’avis du rapporteur, son argumentation me paraissant cohérente. Avis défavorable.
Je souhaitais intervenir sur cet amendement – qui devait faire l’objet d’une discussion commune avec les amendements précédents –, notamment pour réagir aux propos qu’a tenus Mme Genevard tout à l’heure. Je vous citerai ces mots d’Aimé Césaire, extraits du
Discours sur le colonialisme
, qui me semblent utiles à l’ensemble de notre assemblée : « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader,…
…à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Vietnam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fille violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort,…
…une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées,…
…de tous ces prisonniers ficelés et " interrogés ", de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »
La colonisation, madame, c’est notre ensauvagement à nous, les Européens ; c’est ce que nous avons fait, nous, dans ces pays-là. Vous dites qu’il faudrait sortir de la repentance. Je crois au contraire que nous, Européens, avons un travail de mémoire à faire,…
…qui doit être un travail de respect extrêmement profond. Lorsqu’on voit que le plafond de la salle des pas perdus de notre assemblée exhibe encore une représentation de la colonisation de l’Algérie, je me dis qu’il y a encore beaucoup à faire pour corriger les erreurs que nous avons commises par le passé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il avait échappé à ma sagacité que l’amendement no 27 faisait l’objet d’une discussion commune avec les amendements identiques précédents, ce qui explique que nous avons légèrement allongé les débats.
Je mets aux voix l’amendement no 27.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 28
Contre 62
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
L’amendement no 25 de M. Bastien Lachaud est retiré.
(L’amendement no 25 est retiré.)
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, pour soutenir l’amendement no 19.
L’amendement tend à supprimer, à la fin de l’alinéa 10, les termes « agissant le cas échéant au nom d’un groupe humain demeurant présent sur son territoire et dont la culture et les traditions restent actives ».
Sans définition claire et précise des mots utilisés dans cette disposition, il sera délicat de l’appliquer avec objectivité. Qui sera légitime à déterminer les cultures et les traditions encore actives d’un groupe d’individus et selon quels critères ?
Avis défavorable. Vous avez déclaré tout à l’heure que les communautés devaient être nos interlocuteurs pour organiser les restitutions. À présent, vous voudriez effacer le concept de communauté vivante et présente dans le territoire. Cela me semble incohérent. Si ces communautés existent, il faut pouvoir se tourner vers elles.
Je voulais simplement insister sur le manque de précision du texte. Le travail n’a pas été assez approfondi et les dispositions mériteraient d’être clarifiées.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Sur les amendements nos 14 et 17, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 14.
L’amendement tend à proposer la restitution des restes humains de personnes mortes après l’an 1000. Il semble souhaitable d’allonger le délai, car des demandes de restitution auront probablement lieu au-delà de cinq cents ans d’ancienneté. Lorsque des éléments objectifs permettront d’identifier les restes humains, il sera ainsi possible d’accepter la demande de restitution au-delà de l’an 1500 – cela ne le sera pas si les restes humains n’ont pu être identifiés. Le modèle britannique témoigne qu’il est encore possible d’identifier avec rigueur des restes humains dans un tel délai.
Le Royaume-Uni a, en effet, fixé la limite à mille ans dans la loi adoptée au début des années 2000. Or les Britanniques se sont rendu compte qu’il n’y a eu quasiment aucune restitution de restes humains d’une ancienneté supérieure à trois cents ans et pas une seule de plus de cinq cents ans. C’est pourquoi il a été décidé de tirer les leçons de l’expérience britannique et de fixer la borne après l’an 1500 plutôt que de s’aligner sur des dispositions qui se révèlent aujourd’hui dénuées de sens. Surtout, rien n’interdirait de voter une loi d’espèce si nous devions un jour restituer des restes humains au-delà de cinq cents ans. Avis défavorable.
Même avis. Le délai de cinq cents ans, proposé par la sénatrice Catherine Morin-Desailly, est le fruit d’un travail engagé avec des scientifiques et des généalogistes. Il serait particulièrement difficile d’identifier des restes humains au-delà de cinq cents ans. La loi britannique, le
Human Tissue Act,
date de 2004. Il nous aura fallu vingt ans de plus pour nous doter d’une loi-cadre en la matière. Dès 2005, les Britanniques avaient fixé des lignes directrices pour organiser les restitutions. Avec le pragmatisme qui les caractérise, ils avaient ainsi prévu qu’il serait peu probable que des demandes de restitution soient satisfaites pour tout vestige de plus de trois cents ans. Ils avaient en effet rapidement pris conscience qu’il serait difficile de remplir les conditions scientifiques de telles demandes.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l’adoption 27
Contre 60
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 17 et 20, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 17.
L’amendement, qui s’inspire de la législation britannique, tend à ce que la restitution du reste humain antérieur à l’an 1500 soit possible lorsqu’il est identifié avec certitude et présente un lien géographique, religieux, spirituel et culturel étroit et continu avec le groupe humain.
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, pour soutenir l’amendement no 20.
Il s’agit de compléter l’alinéa 11 par les termes « sauf si l’origine des restes peut être identifiée avec certitude ». En effet, dans ce cas, pourquoi priver la communauté concernée d’une restitution et d’une réparation ?
Après avoir proposé de repousser la borne à mille ans, vous voulez à présent la faire sauter ! Avis défavorable.
J’interviens en ma qualité de Guyanais. Vous avez évoqué l’association Moliko Alet + Po. Malgré sa petite taille, cette association, composée en partie de quelques membres d’une même famille, a abattu un travail considérable et multiplié les allers-retours entre le village de Guyane et les musées d’ici pour mener seule ses recherches. Mais, jusqu’à l’année dernière, elle ne savait pas que vous aviez conservé des corps. Ce fut un choc en Guyane pour la communauté kali’na, mais aussi pour toute la communauté guyanaise. Nous n’aurions jamais imaginé qu’il soit possible d’en arriver là !
Si les demandes de restitution sont récentes, comme vous le dites, c’est parce qu’il faut déjà le savoir, que vous avez gardé des corps ! On ne peut pas demander ce qu’on ne sait pas ! Quand en ferez-vous l’inventaire, en toute transparence ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Quant au climat de défiance, nos collègues ont raison : nous n’existons dans aucun de vos textes de loi, seulement dans les décrets et les ordonnances. Même pour un sujet aussi sensible que celui-ci, qui touche à l’étroite relation que nous entretenons avec nos morts et à notre travail de deuil, vous avez oublié les territoires dits d’outre-mer.
Commencez par être transparents : combien de corps détenez-vous ? À quelles communautés appartiennent-ils ? Une fois que ces informations seront diffusées, vous verrez qu’il y aura pléthore de demandes !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il me semble que nous sommes précisément dans l’exception que vous avez mentionnée précédemment, monsieur le rapporteur. Peut-être serait-il sage d’adopter ces amendements afin de ne pas avoir à légiférer plus tard pour des cas d’espèce.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l’adoption 30
Contre 56
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
L’amendement no 31 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation est rédactionnel.
(L’amendement no 31, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 12.
L’amendement tend à associer les parlementaires au comité conjoint et paritaire que le texte prévoit de créer. Ce serait une manière habile d’associer le Parlement à la procédure de restitution, sans modifier les contours de la loi-cadre.
Par ailleurs, je vous invite à lire un article très intéressant paru dans
La Revue de l’art
en 2019, intitulé
De l’inaliénabilité à l’aliénation.
Il expose parfaitement le cadre historique et juridique qui devrait inspirer ce texte, que je continue à trouver inadapté et dangereux en ce qu’il remet en cause le caractère inaliénable de nos collections publiques, pilier de la protection de notre patrimoine dont il serait imprudent de se défaire, fût-ce pour la restitution de restes humains, dont je ne conteste pas la légitimité de la demande.
Le comité devra mobiliser, pour identifier les restes humains, des scientifiques de diverses disciplines – histoire, anthropologie, biologie moléculaire pour procéder à des recherches par l’ADN avec l’accord des communautés concernées. Les parlementaires ne me semblent pas avoir leur place au sein de ce comité, qui est d’abord technique et ne se prononcera pas sur la recevabilité de la demande. Avis défavorable.
Même avis. Le comité devra être indépendant et faire preuve de la plus grande rigueur scientifique qui soit. La présence de parlementaires français appellerait la présence de parlementaires du pays demandeur. Le rôle de ce comité en serait transformé en ce qu’il se politiserait. En revanche, nous nous sommes engagés à ce qu’un rapport très documenté soit remis chaque année et, en tant que parlementaires, vous pouvez auditionner aussi souvent que vous le souhaitez les ministres concernés et les experts ; vous pouvez également prendre connaissance des travaux des commissions scientifiques bilatérales.
Vous jouez un rôle important dans l’élaboration de ce texte, puisque vous en fixez le cadre, mais le comité doit rester technique et indépendant pour ne subir aucune pression politique de notre Parlement ou de celui de l’État demandeur.
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 21 par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES ; sur l’amendement no 26 par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ; sur l’article 1er par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
Manifestement, le Gouvernement souhaite que le Parlement n’ait plus rien à dire au sujet des restitutions. Vous nous renvoyez à un rapport d’information qui ne sera publié qu’
a posteriori.
Cela n’a pas de sens !
L’amendement de Mme Genevard, même s’il était de repli, était de bon sens car il permettait au moins que les parlementaires soient informés en temps réel de l’évolution de la situation. Votre attitude renforce nos craintes de voir le Parlement mis totalement de côté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
L’argument selon lequel les parlementaires n’auraient pas leur place dans un comité scientifique, au prétexte qu’il ne devrait être composé que de scientifiques, ne tient pas. En effet, vous le savez, madame la ministre, une représentation parlementaire est assurée au sein de nombreux organismes. En notre qualité de représentants de la nation, nous sommes nommés dans beaucoup d’organismes, alors que nous n’avons pas nécessairement les compétences
ad hoc
.
Je ne vous en citerai qu’un : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – Opecst –,…