XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mercredi 05 juin 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 05 juin 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Premier ministre

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Premier ministre.

    M. Pierre Cordier

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    C’est la fin de vie des questions au Premier ministre ! (Sourires.)

    Réchauffement climatique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    De nouveau, au cours des onze derniers mois, le réchauffement de la planète a dépassé 1,5 degré – vous savez, la limite qu’on ne voulait pas franchir, le point de bascule... Au Mexique, les feux ravagent les forêts et les singes hurleurs tombent comme des pommes, morts de déshydratation. Au Brésil, le ciel s’abat en pluies torrentielles et meurtrières. En Inde, trente-trois personnes sont mortes d’avoir tenu un bureau de vote en pleine canicule. Au Groenland, les neiges qu’on croyait éternelles ne sont plus. Il y aura bientôt plus de plastique que de poissons dans l’océan et les coraux chatoyants deviennent blancs comme un linceul. En Europe, les insectes disparaissent, les oiseaux se taisent et le continent se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Notre monde se meurt, et que faites-vous ? Vous faites des économies : des milliards en moins pour l’écologie,…

    M. Erwan Balanant

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    Ce n’est pas vrai, le budget a augmenté !

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    …et tant pis pour les passoires thermiques – de toute façon, vous avez la clim dans votre bureau ! Vous balafrez la campagne tarnaise d’une autoroute A69 aussi inutile que destructrice. (Mêmes mouvements.) Vous nous enfouissez sous les déchets nucléaires et le pays du Champion de la terre est le seul d’Europe à ne pas respecter ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Vous nous aspergez de pesticides, vous creusez des mégabassines et vous entassez toujours plus d’animaux dans des fermes-usines.

    M. Maxime Minot

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    Et vous, vous venez comment à l’Assemblée ?

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Vous méprisez les scientifiques, qui se disent désespérés. Votre gouvernement est pire qu’incapable : il est coupable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Et à tous ceux qui vous crient l’urgence à changer, aux « écureuils » qui se hissent dans les arbres, aux gueules cassées de Sainte-Soline, aux jeunes qui dénoncent Total, le pollueur en chef, aux défenseurs du vivant et de l’intérêt général, vous répondez profit et intérêt privé, à grand renfort de bombes lacrymos, de grenades et de gardes à vue. (Mêmes mouvements.)

    M. Pierre Cordier

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    Bonne question pour Marie Toussaint !

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Vous interdisez la manifestation festive contre l’A69 samedi alors que vous avez laissé défiler les néonazis dans Paris ! (« Exactement ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous ne protégez pas les gens, vous protégez le béton et l’argent.
    Et voilà le pays des droits de l’homme devenu bourreau, pire pays d’Europe pour la répression policière des militants environnementaux. Je n’ai qu’une question : n’avez-vous pas honte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit aussi.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et vous ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    J’ai relevé beaucoup de hargne et de mises en cause dans votre question,…

    Mme Frédérique Meunier

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    Ils ne savent parler que comme ça !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …mais pas une seule solution ou proposition. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    Jamais !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Zéro, pas une seule idée, pas une seule mesure ! (Mêmes mouvements.)

    M. Maxime Minot

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    Et aucune question !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    J’ai relevé beaucoup de choses fausses aussi.

    M. Philippe Vigier

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    Comme d’habitude !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous évoquez des économies dans le budget de l’écologie alors qu’il a augmenté de 8 milliards d’euros entre 2023 et 2024. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Laurent Alexandre

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    Pipeau !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Nous consacrons un budget de plus de 40 milliards à l’écologie cette année, ce qui n’était jamais arrivé en France. Vous évoquez les passoires thermiques et la rénovation énergétique, mais c’est cette majorité qui a permis la rénovation thermique de 2,4 millions de logements depuis 2017, précisément parce qu’elle a alloué les crédits nécessaires à cette politique ! (Mêmes mouvements.) C’est notre majorité qui a instauré le leasing social à 100 euros : cette mesure, profondément sociale, a connu un formidable succès et permis à plusieurs dizaines de milliers de Français d’acquérir une voiture électrique.

    M. Thibault Bazin

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    Et l’échec de MaPrimeRénov’ ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous parlez de résultats, mais les émissions de CO2 ont baissé six fois plus l’an dernier qu’en 2022. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Ce n’est pas nous qui le disons, mais le Citepa, un organisme indépendant. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons enregistré une baisse de 20 % des émissions depuis 2017. Si vous ne mentionnez pas ces chiffres, en vérité, c’est que vous préféreriez que nous passions notre temps à brutaliser, à taxer, à injurier, à stigmatiser les Français sur le sujet de l’écologie.

    M. Antoine Léaument

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    C’est vous qui brutalisez !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Nous considérons quant à nous que ce n’est pas la bonne méthode pour être efficaces et obtenir des résultats et qu’il vaut mieux accompagner, investir, soutenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Voilà comment nous avons obtenu ces baisses historiques des émissions de CO2. Vous ne voulez pas l’admettre car, en réalité, vous ne recherchez pas l’intérêt des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Je maintiens ce que j’ai dit : vous êtes menteurs et coupables. Dimanche, pour l’écologie, on vote Manon Aubry ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    Minable !

    Transition écologique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes

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    La semaine dernière, à quelques jours des élections européennes, vous avez organisé votre premier séminaire gouvernemental sur l’écologie pour faire le bilan de votre action et « montrer que l’engagement n’a pas diminué ». Quelle ambition ! Si je comprends bien, vous considérez que sabrer dans les budgets de l’État accélère la rénovation énergétique, qu’abandonner la loi de programmation sur l’énergie et le climat nous libère des énergies fossiles et contribue à réduire drastiquement nos émissions (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Dem), que les pesticides préservent la biodiversité et améliorent la santé de nos agriculteurs, que construire de nouvelles autoroutes réduit la pollution atmosphérique, qu’autoriser de nouveaux forages pétroliers est bon pour le climat, que laisser mourir les PME de la filière des énergies renouvelables encourage la réindustrialisation verte et que Patrick Pouyanné est le meilleur ambassadeur du climat à l’étranger.

    M. Bruno Millienne

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    Comment va Éric Piolle ?

    Mme Julie Laernoes

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    Aussi nous, écologistes, serions curieux de connaître votre définition de l’écologie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme Isabelle Périgault

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    Quelles sont vos propositions ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je vais répéter ce que j’ai dit il y a quelques instants en tâchant d’être plus concret. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Le budget de la transition écologique voté cette année par le Parlement…

    M. Francis Dubois

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    À coups de 49.3 !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous n’avons rien pu voter !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …représente 40 milliards d’euros. Il était de 32 milliards en 2023 : 40 moins 32 donne 8, ce qui signifie que nous dépensons 8 milliards de plus en 2024. Vous dites que nous avons baissé le budget de l’écologie, mais les chiffres sont clairs : il augmente et n’a jamais été aussi élevé ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
    Vous avez évidemment toute légitimité à vous exprimer dans le débat démocratique et nous vous avons beaucoup entendus au moment où l’État a été condamné par le Conseil d’État pour inaction climatique.

    M. Erwan Balanant

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    C’était la présidence de François Hollande qui était visée !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    La période concernée commençait avant l’élection d’Emmanuel Macron, quand votre famille politique était au gouvernement, sous la présidence de François Hollande. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Dem.) Vous avez utilisé cette décision de la justice administrative pour critiquer notre majorité, mais, à la fin de l’année dernière, lorsque cette même justice administrative a annoncé qu’elle mettait fin à la procédure parce que le Gouvernement avait fait ce qu’il fallait, on ne vous a pas entendus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Philippe Vigier

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    Imparable !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Quand il y a de bonnes nouvelles, on ne vous entend pas. Vous voulez à juste titre réduire les émissions de CO2 et la pollution, mais vous ne parlez pas des résultats historiques que nous avons enregistrés l’année dernière. Les émissions de CO2 ont baissé de 20 % depuis 2017 et vous ne le dites pas non plus ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    Cela les embête, c’est mieux qu’à Grenoble !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Quant aux produits phytosanitaires, depuis 2017 leur utilisation a baissé de 20 % – de 95 % même pour les plus dangereux. Lorsque vous étiez au gouvernement, à l’époque de François Hollande, elle avait augmenté de 20 %. Sur ce sujet non plus, on ne vous entend pas. (Mêmes mouvements.) Je m’interroge sincèrement sur les raisons de votre silence. Je crois connaître la réponse : pour vous, la lutte contre le changement climatique n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Vous ne recherchez pas tant l’écologie que la décroissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est tout à fait ça !

    Mme Isabelle Périgault

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Pour votre parti politique, l’écologie est un argument au service d’une idéologie de la décroissance. Vous voulez imposer non pas la baisse des émissions de CO2 ou la protection de la biodiversité, mais moins d’usines, moins d’agriculteurs, moins d’activité économique, moins de travail pour les Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Voilà la véritable différence entre nous ! Contrairement à vous, nous considérons que l’écologie et l’économie sont compatibles et dans l’intérêt des Français. Nous poursuivrons donc notre politique, bien plus efficace que celle que vous prônez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Anne-Laure Blin applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes

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    Vous n’avez définitivement rien compris à l’écologie ! (Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Vous vous gargarisez de la baisse des émissions de CO2, mais votre politique n’y est pour rien et vous le savez. Le Citepa et les ONG sont d’accord : l’une des principales causes de cette baisse est la sobriété subie par les ménages les plus précaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    À Grenoble, ils ont compris !

    Mme Julie Laernoes

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    Vous vous cachez derrière votre formule magique de « l’écologie à la française » en faisant appel à la fierté nationale pour opérer des reculs sans précédent. Or l’écologie demande une action claire, déterminée et résolue. Elle demande de l’humilité face à l’ampleur de la tâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Bruno Millienne

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    L’humilité n’est pas votre qualité principale !

    Mme Julie Laernoes

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    Elle demande aussi de l’écoute : celle des scientifiques, qui nous alertent et que vous attaquez, celle de la jeune génération en détresse, celle de la société civile, qui s’organise malgré vous. Force est de constater que vous n’y comprenez rien, monsieur le Premier ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.) Avant d’avoir entièrement détruit l’école publique et rayé des manuels scolaires… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Francis Dubois

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    Assez d’écologie !

    M. Bruno Millienne

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    Comment va M. Piolle ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous citez le Citepa : son estimation des émissions de gaz à effet de serre en France pour l’année 2023 est accessible en ligne à tous les Français et montre qu’elles ont baissé de 5,8 %. Vous affirmez que cette étude pointe le caractère conjoncturel de la baisse. (Mme Julie Laernoes s’exclame vivement.) Laissez-moi terminer, s’il vous plaît !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Un peu de politesse !

    M. Philippe Vigier

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    On ne coupe pas la parole !

    M. Bruno Millienne

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    On écoute !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous dites que la diminution des émissions de CO2 est liée à la sobriété subie par les ménages les plus précaires. J’invite tous ceux qui nous regardent à lire l’étude du Citepa, selon laquelle cette baisse s’explique pour deux tiers par les investissements et les mesures structurelles décidés par le Gouvernement et pour un tiers par des raisons structurelles, liées à la sobriété. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Nous investissons dans des mesures structurelles de conversion des véhicules et de rénovation des logements !
    En 2014, Cécile Duflot, qui appartient à votre famille politique, était ministre du logement. Cette année-là, 50 000 rénovations thermiques ont été accompagnées par l’Anah. L’an dernier, sous ce gouvernement, leur nombre était de 600 000. Ce sont des faits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE.)

    Mme Julie Laernoes

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Plutôt que de nous faire la leçon en permanence, soutenez les mesures positives pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Europe de la paix

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Depuis quatre-vingts ans, le 6 juin, nous entretenons la mémoire du débarquement qui a permis la libération de la France et le retour de la démocratie en Europe. Nos grands-parents, nos arrière-grands-parents, avec la passion entretenue par la mémoire douloureuse de la folie meurtrière, ont partagé leurs terribles souvenirs et, comme Simone Veil, nous ont appris le « plus jamais ça ». Pourtant, certains militent pour que l’extrémisme puisse prospérer de nouveau, ouvrant la voie à des expressions décomplexées et intolérables.
    Ainsi vendredi, à Rosporden, dans ma circonscription, durant une conférence de la Ligue des droits de l’homme, un ancien candidat du Front national a commis un acte ignoble : un salut nazi.

    M. Grégoire de Fournas

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    Rebeyrotte aussi !

    M. Erwan Balanant

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    Ce geste d’adhésion aux pires idées du siècle dernier a été vécu comme une gifle par les participants et il est insupportable pour nous tous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il est aussi une honte pour ceux qui ont libéré la France et construit une Europe d’entraide et de paix.
    À l’heure où la guerre revient aux frontières de l’Europe, où nombre de nos démocraties sont menacées par les populismes de tous bords, l’ère de paix et de prospérité que nous avons connue semble devoir finir. Que diraient nos grands-parents et nos arrière-grands-parents en voyant leurs petits-enfants et leurs arrière-petits-enfants voter ce week-end pour remettre l’Europe aux mains de l’extrémisme ?

    M. Frédéric Cabrolier

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    Quelle honte !

    M. Erwan Balanant

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    Nos aînés ne pensaient pas revivre la folie humaine, pourtant c’est ce qui nous attend sans un sursaut et un réveil des consciences. Comment raviver la mémoire du siècle dernier, en particulier auprès de la jeunesse ? N’est-il pas urgent de nous retrouver autour d’un projet européen promouvant une culture de tolérance et de diversité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Nous avons une chance, celle de n’avoir pas connu la guerre. Même les grands-parents des plus jeunes générations sont souvent nés après la guerre. Lorsque j’échange avec ces jeunes, je me rends compte que nous avons parfois perdu de vue que nous vivons la plus longue période de paix sur le continent européen – au sein des pays membres de l’Union européenne, puisque la guerre est revenue en Europe, en Ukraine.
    Une telle situation, rare, nous la devons notamment à l’Union européenne. Nous la devons aussi, et d’abord, à ceux qui ont débarqué il y a quatre-vingts ans – c’est l’objet des commémorations du Débarquement de cette semaine, en présence de très nombreux chefs d’État. Nous la devons à leur courage, eux qui voulaient mettre fin à la barbarie nazie. Ce courage nous a permis de vivre en paix, nous permet de vivre en démocratie, et nous permettra de voter dimanche.
    Vous avez raison de souligner à quel point ce que nous vivons est fragile. On le constate en Ukraine, où un État autoritaire, qui n’aime ni la démocratie, ni la liberté, s’en prend à un État démocratique.
    Notre situation est également fragile car certains prospèrent sur le doute ou les difficultés réelles que connaissent nos concitoyens, comme d’autres citoyens européens. Ils prospèrent et souhaitent défaire ce projet européen, tout en laissant entendre qu’ils seraient désormais favorables à l’Union européenne – ou qu’ils ne souhaiteraient plus en sortir. Pourtant, leur projet est bel et bien celui d’une sortie méthodique de l’Union européenne.

    Mme Isabelle Périgault

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    On n’est pas en campagne !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Notre inquiétude, et ce qui fait que le moment que nous vivons est particulièrement important, c’est que, pour la première fois, dans tous les pays européens, ceux qui portent ce projet pourraient bénéficier d’une minorité de blocage, donc d’une capacité à paralyser les institutions européennes.
    Imaginez ce qui se serait passé au cours des dernières années si l’Union européenne n’avait pu fonctionner : comment aurait-on géré la pandémie et l’achat de vaccins pour nos concitoyens ? Comment aurait-on géré la crise économique et la relance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Lisette Pollet

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    Vous n’avez pas toujours dit ça !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Comment aurait-on géré le soutien à l’Ukraine si l’Union européenne avait été paralysée de l’intérieur ?

    M. Yoann Gillet

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    N’importe quoi !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vos mots, monsieur Balanant, rappellent combien ces élections européennes sont importantes pour la protection des Français et celle des Européens. (Mêmes mouvements.)

    Réforme de la décentralisation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Ma question porte sur la nécessaire réforme de la décentralisation dont notre pays a cruellement besoin. En l’espace de quelques jours, deux rapports ont été publiés : le rapport Ravignon, sur le coût du millefeuille administratif, et celui de notre collègue Éric Woerth, sur la décentralisation.
    Avec leurs différences, et parfois leurs maladresses, ces rapports pointent tous deux l’importance pour notre pays de se réformer, dans la lignée d’une décentralisation entamée il y a plus de quarante ans et qui n’a pas vraiment trouvé son aboutissement.
    La France est sans doute le pays le plus centralisé d’Europe. Les collectivités locales ne disposent pas des leviers fiscaux et de l’autonomie réglementaire leur permettant d’engager une action publique efficiente pour nos concitoyens. Le rapport Ravignon estime le coût du millefeuille administratif et la suradministration de l’État central à 7 milliards d’euros. C’est faramineux dans le contexte budgétaire que nous connaissons !
    La France est un pays riche de sa diversité. Nous ne pouvons plus continuer avec cette uniformité ; nous ne pouvons plus être administrés sous ce spectre centralisateur ; nous devons faire confiance aux territoires, et bien sûr aux élus locaux.
    Un calendrier de réformes doit suivre. Je pense notamment à nos amis corses, dont le peuple a exprimé très clairement le choix de s’orienter vers une autonomie. Je pense également à la région Bretagne, qui a voté à la quasi-unanimité des groupes un rapport en faveur de l’autonomie.

    M. Hervé Saulignac

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    Oui !

    M. Paul Molac

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    Lors de la dernière législature, nous avons attendu ce choc de décentralisation : il a finalement accouché d’une souris avec la loi « 3DS » de 2022, bien loin des attentes de nos territoires. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
    Quelles mesures de ces deux rapports comptez-vous mettre en œuvre et quand ? Le prochain acte de la décentralisation sera-t-il bien celui de la différenciation législative, de l’adaptation réglementaire et de l’autonomie fiscale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    L’organisation administrative française, avec l’État et les collectivités territoriales, permet une action publique de qualité, même si nous devons encore l’améliorer, et une proximité avec nos concitoyens.
    Pourtant, depuis dix ans, en tant que conseiller municipal, je constate aussi l’enchevêtrement des compétences, l’absence de lisibilité des financements et l’affaiblissement de l’autonomie des collectivités locales du fait de différentes réformes intervenues au cours des dernières décennies. (M. Inaki Echaniz s’exclame.)
    Face à ce constat, le Président de la République a souhaité confier une mission à votre collègue, Éric Woerth. Pendant six mois, il a consulté et travaillé. Il vient de nous remettre un rapport extrêmement riche, et cinquante et une propositions.

    M. Maxime Minot

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    Classement vertical !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Il recommande de clarifier les compétences de chacun, mais aussi d’améliorer la prévisibilité des financements, donc l’autonomie des collectivités locales dans leurs décisions. Il plaide pour un véritable statut de l’élu et pour la clarification de certaines règles électorales, notamment pour les plus grandes communes.

    M. Pierre Cordier

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    Et sur le cumul ? Quel est votre avis sur le cumul ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je salue également le travail de Boris Ravignon sur le millefeuille administratif. Vous avez raison, il estime les économies à 7,5 milliards.
    Il est maintenant temps pour le Gouvernement de lancer les concertations, sur la base de ces propositions, pour aboutir à la rédaction de projets de loi. Je le ferai en juin et chaque ministère consultera également les acteurs concernés, les associations d’élus et les parlementaires engagés, dont vous faites partie.
    J’ai annoncé que nous déposerons différents projets de loi d’ici à la fin de l’année, sur la clarification des compétences ou sur le statut de l’élu. En outre, les textes financiers seront bientôt examinés.
    C’est dans cet esprit, et avec cette méthode, que je souhaite avancer avec le Gouvernement. Il ne faut jamais perdre de vue que, ce qui nous guide, c’est la nécessité de l’amélioration de la qualité de l’action publique sur le terrain, pour nos concitoyens – l’enjeu est également bien présent dans le rapport d’Éric Woerth. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Pierre Cordier

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    Il paraît que le Président n’était pas très content du rapporteur !

    Mme Isabelle Périgault

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    Il faut redonner le pouvoir aux territoires !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Nous sommes du même avis : l’efficacité de l’administration est très importante pour lutter contre la désespérance de nos concitoyens, qui se tournent vers les extrêmes. Au Sénat, à l’initiative de Françoise Gatel, trois propositions de loi ont été déposées, mais il nous faudra modifier la Constitution.

    Projet de loi d’orientation agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Que de temps perdu depuis les premières annonces d’un grand projet de loi d’orientation agricole ! Que de temps perdu, à proposer des mesures essentiellement techniques, qui ne répondent pas aux principales revendications de la profession agricole.
    Depuis trop d’années, l’État rend la vie impossible à celles et ceux qui ne comptent pas leurs heures pour nous nourrir et entretenir nos paysages.
    Alors que le projet de loi d’orientation agricole a été adopté sans enthousiasme par notre assemblée, force est de constater qu’il ne débarrassera pas nos agriculteurs des normes et des contraintes qui les empêchent de faire leur métier.
    Nous attendions un cap clair et ambitieux ; vous nous avez proposé un texte qui n’apporte aucune perspective s’agissant du revenu, de la fiscalité, du foncier, de la compétitivité ou des surtranspositions. Votre projet de loi se paie de mots, sans apporter, je le répète, de réponse satisfaisante à la crise agricole.
    À quatre jours d’un scrutin européen décisif, je salue les résultats obtenus et l’engagement des députés européens Républicains en faveur de la cause agricole et de notre ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Sans mesures fortes – augmentation des crédits de la PAC, clauses miroirs dans les accords de libre-échange –, la souveraineté alimentaire ne restera qu’un vœu pieux. Quand comptez-vous réagir pour redonner, enfin, de la valeur au socle nourricier de la nation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Francis Dubois

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    Allez, parlez-nous d’agriculture !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Dès ma nomination à Matignon, je l’ai rappelé : l’agriculture est au-dessus de tout et doit toujours être regardée comme telle.

    Mme Isabelle Périgault

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    Très bien !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Pourquoi ? Parce qu’elle nous nourrit ; parce que c’est notre souveraineté et parce que l’agriculture est l’âme de la France ; ce sont des savoir-faire.

    M. Francis Dubois

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    L’excellence !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    C’est notre identité ; ce sont nos terroirs et nos spécialités.
    J’ai été nommé au moment où un mouvement de colère des agriculteurs avait émergé dans l’Europe entière. J’ai passé du temps avec les agriculteurs sur le terrain, et avec leurs représentants.
    Il y a beaucoup à faire pour améliorer leur quotidien, simplifier certaines règles et sortir de situations kafkaïennes ou d’injonctions paradoxales. Ainsi, quand une loi oblige au débroussaillage pour des raisons de lutte contre les feux de forêt, une autre le leur interdit pour protéger la biodiversité !

    M. Francis Dubois

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    Très juste !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Quatorze textes différents réglementent les haies !

    Mme Isabelle Périgault

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    Oui, les haies !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    La météo des dernières semaines nous a rappelé combien les pluies sont importantes pour l’agriculture. Pourtant, alors que la sécheresse est toujours un risque, les agriculteurs ne peuvent stocker l’eau.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il faut construire des bassines !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Les enjeux sont également importants en termes de revenus. De tout cela, je suis conscient. C’est pourquoi nous avons pris soixante-cinq engagements avec les agriculteurs, qui sont traduits dans différents textes, dont le projet de loi d’orientation agricole. Mais d’autres vont suivre.

    Mme Isabelle Périgault

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    Très bien !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Ils traiteront du revenu, pour faire suite à la mission confiée à Anne-Laure Babault et Alexis Izard.

    Mme Isabelle Périgault

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    Attention !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Ils traiteront également des règles phytosanitaires puisque nous nous sommes engagés à supprimer l’obligation de conseil stratégique pour l’usage de produits phytosanitaires dès l’été.

    Mme Isabelle Périgault

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    Ah !

    M. Grégoire de Fournas

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    Ça ira alors, tout changera !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Des mesures en faveur de la compétitivité et de la fiscalité seront présentées dans les textes financiers. Le projet de loi d’orientation agricole n’est donc qu’une première étape ; une série de textes très importants le complétera très bientôt.

    M. Francis Dubois

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    Mais quel est le calendrier ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    N’oublions pas non plus le travail réglementaire. Un exemple – puisque l’un d’entre vous a évoqué les retenues d’eau : j’ai assumé de modifier l’article 4 de l’arrêté du 9 juin 2021 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux plans d’eau afin de faciliter la création de retenues d’eau sur dérogation, notamment en zone humide, et permettre à nos agriculteurs de faire leur travail.
    Le projet de loi d’orientation agricole est important, et ce n’est pas moi qui le dis. Les principaux syndicats agricoles – FNSEA, Jeunes Agriculteurs – plaident pour son adoption. Or ils sont souvent « vocaux » et, s’ils considéraient que le texte n’était pas utile, ils ne l’auraient pas soutenu.

    Mme Isabelle Périgault

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    C’est pour cela qu’on l’a voté !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je salue l’esprit de responsabilité du groupe LR. (Mmes Isabelle Périgault et Justine Gruet applaudissent.)

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Merci !

    M. Pierre Cordier

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    Pour une fois qu’on nous fait un compliment !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Comme la majorité, votre groupe a beaucoup travaillé sur le texte et quatre-vingt de vos amendements ont été adoptés. Beaucoup d’entre vous l’ont voté, d’autres se sont abstenus – je crois que c’est votre cas, monsieur Jean-Pierre Vigier.
    À l’inverse, la NUPES et le Rassemblement national ont voté contre. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Kévin Pfeffer

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    Il n’y a rien dedans !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Il y a quelques jours, je discutais avec un agriculteur qui estimait que ce projet de loi comprend d’importantes mesures sur la simplification des sanctions ou le classement de l’agriculture comme activité d’intérêt général majeur. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Julie Lechanteux

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    Mensonges !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous criez parce que cela vous énerve et vous met mal à l’aise. Quand j’ai appris à cet agriculteur que le Rassemblement national avait voté contre le texte, il ne m’a pas cru. C’est votre méthode pourtant : dans l’hémicycle, vous votez contre et, dehors, vous ne dites rien, vous cachez, vous n’en parlez pas.

    Plusieurs députés du groupe RE

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    Eh oui !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous jouez double jeu !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous jouez sur l’ambiguïté et vous faites croire aux agriculteurs que vous êtes là pour les aider. (M. Yoann Gillet proteste.)
    Vous procédez de la même façon sur les questions relatives au travail. Vous faites le tour de vos circonscriptions, en allant voir les patrons de PME, les commerçants, les artisans qui cherchent à recruter. Devant eux, vous estimez qu’il faut durcir les règles mais, une fois dans l’hémicycle, vous votez contre le conditionnement du versement du RSA à des heures d’activités, ou vous vous opposez à la réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Comme pour les soins palliatifs !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Bas les masques ! Bas les masques !
    Monsieur Jean-Pierre Vigier, nous continuerons à agir pour nos agriculteurs, et le projet de loi d’orientation agricole n’écrase pas le reste du travail qui doit encore être mené pour eux. Nous continuerons à avancer avec celles et ceux qui ont l’intérêt du pays et de nos agriculteurs chevillé au corps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Luc Bourgeaux applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Monsieur le Premier ministre, revenons à l’agriculture et aidons nos agriculteurs. Ce sont les premiers écologistes de France ;…

    Mme Isabelle Périgault et Mme Justine Gruet

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    Oui ! Bravo !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    …ils veulent tout simplement vivre de leur travail. Il faut leur simplifier la vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Financement des Esat

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard

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    En France, les établissements et services d’aide par le travail accueillent des personnes en situation de handicap qui ne peuvent travailler ni dans une entreprise ordinaire, ni dans une entreprise adaptée. Pas moins de 1 500 Esat accompagnent l’insertion professionnelle de 120 000 de nos compatriotes en favorisant leur épanouissement personnel et social ; dans certains cas, le travail en Esat mène à une intégration en milieu ordinaire. La double vocation de ces structures – mise au travail et soutien médico-social – les rend indispensables.
    En raison de leurs missions notamment, les Esat connaissent souvent des difficultés financières que l’entrée en vigueur de nouvelles mesures a accrues. Ainsi, la loi de 2023 pour le plein emploi permet aux travailleurs en Esat de bénéficier comme tout salarié de la prise en charge de leur complémentaire santé et d’une partie de leur abonnement de transport en commun. Il s’agit évidemment d’une bonne nouvelle pour ces travailleurs, mais certains Esat nous alertent – nous leur imposons des coûts qu’ils n’ont pas les moyens de supporter.
    L’insertion par l’emploi est une demande de nos concitoyens en situation de handicap ; c’est aussi une des priorités de votre gouvernement. Comment compte-t-il faire pour assurer la viabilité des Esat et leur permettre d’exercer leurs missions dans les meilleures conditions possibles ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Depuis sept ans, nous travaillons pour que la France soit vraiment inclusive. Pour ce faire, il faut avancer sur l’école, sur l’accessibilité des bâtiments, sur l’accès aux droits pour les personnes en situation de handicap – plusieurs groupes parlementaires ont contribué à la déconjugalisation de l’AAH. Il faut aussi traiter la question de l’inclusion des personnes en situation de handicap par le travail. Nous avons déjà fait beaucoup : le taux de chômage des travailleurs en situation de handicap est passé en cinq ans de 19 à 11 %, soit le taux le plus bas depuis quinze ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Danielle Brulebois

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    Bravo !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Il faut poursuivre dans cette voie.

    Mme Isabelle Périgault

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    Mais qui finance ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    La loi sur le plein emploi a constitué une avancée majeure pour les 120 000 travailleurs en Esat, en leur garantissant les mêmes droits qu’aux autres salariés tout en préservant une protection spécifique. Comme vous, je suis très fier de ce pas de géant, qui était nécessaire.
    Mais il faut reconnaître que cette décision a entraîné pour les Esat des dépenses supplémentaires, liées au versement mobilité et à la prise en charge de la complémentaire santé.

    Mme Isabelle Périgault

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Le rapport demandé par le Gouvernement à l’Igas montre que la proportion d’Esat déficitaires passerait de 29 % à 41 %.

    Mme Isabelle Périgault

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Devons-nous pour autant revenir sur ces droits ouverts aux travailleurs en situation de handicap, dont notre majorité s’honore ? Certainement pas !

    Mme Isabelle Périgault

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    Certes !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Par conséquent, nous nous mobilisons : l’investissement dans les Esat est au cœur de notre stratégie pour l’inclusion et pour l’emploi des personnes en situation de handicap. L’État verse une aide qui peut atteindre 50 % du Smic pour financer la rémunération des travailleurs ; la sécurité sociale finance l’intégralité de leur accompagnement médico-social, comme c’est le cas pour n’importe quel autre établissement pour personnes en situation de handicap.
    Certains Esat réalisent des bénéfices importants, mais en fonction du type d’activité économique, les situations sont très contrastées. C’est pourquoi nous avons créé un fonds de transformation doté de 21 millions d’euros pour soutenir ces structures.
    Comme j’entends les inquiétudes du secteur suscitées par les coûts supplémentaires découlant de nos mesures, j’ai demandé à Catherine Vautrin et à Fadila Khattabi de trouver des solutions afin de garantir la viabilité des activités des Esat.
    Ce gouvernement fait enfin respecter les droits des travailleurs en Esat après des décennies de discriminations. Ces établissements sont un maillon essentiel de l’action que nous menons pour accompagner et former les personnes en situation de handicap, car le plein emploi n’est pas réservé à une partie de la population, il est notre ambition pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme Justine Gruet

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    Et le CTI ?

    Application des lois Egalim

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Grégoire de Fournas.

    M. Grégoire de Fournas

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    Le 26 janvier dernier, en plein cœur de la mobilisation des agriculteurs contre votre politique, lors d’un déplacement en Haute-Garonne, vous faisiez la déclaration suivante, sur une botte de paille :…

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    De foin !

    M. Grégoire de Fournas

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    …« Je peux d’ores et déjà vous dire qu’on va prononcer trois sanctions très lourdes contre des entreprises qui ne respectent pas Egalim – trois situations qu’on a identifiées avec des entreprises importantes, qui seront sanctionnées lourdement. Je rappelle que cela peut aller jusqu’à une part du chiffre d’affaires en sanction financière. On va les prononcer, il faut montrer l’exemple. Notre main ne tremblera pas : on prononcera toutes les sanctions qui sont nécessaires. Sur ce sujet, ma détermination est totale. »
    Jeudi dernier, lors d’une audition de la commission d’enquête sur les raisons de la perte de souveraineté alimentaire, le PDG de Bigard nous a confirmé que son entreprise était l’une des trois concernées, mais il nous a dit n’avoir eu aucune nouvelle de cette sanction. Rapporteur de cette commission d’enquête, je me suis rendu lundi au siège de la DGCCRF pour consulter les dossiers d’instruction. Cette direction a envoyé vendredi dernier une note à votre ministre de l’économie lui indiquant clairement qu’aucune de ces trois entreprises ne se verra infliger de sanction financière. Monsieur le Premier ministre, où est passée votre détermination à sanctionner ces trois entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Un député du groupe RN

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    Excellent !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Il y a les paroles et les actes !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je suis tout à fait d’accord avec vous : il y a les paroles et les actes – j’y reviendrai.
    Peu après ma nomination, j’ai en effet indiqué que les entreprises qui contournent et dévoient les lois Egalim devaient être sanctionnées – c’est la loi. Avec Bruno Le Maire, j’ai lancé un plan de contrôle inédit des entreprises.

    Un député du groupe RN

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    Pas du tout !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Des procédures de sanction ont été engagées contre plusieurs entreprises, notamment contre les trois que vous avez évoquées. Selon les informations dont je dispose, la procédure contradictoire est en cours…

    M. Grégoire de Fournas, M. Yoann Gillet et M. Frédéric Boccaletti

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    Non !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …et les poursuites n’ont pas été abandonnées. À la suite de votre question, j’interrogerai de nouveau les ministères à ce sujet. J’ai été très clair et nous le resterons : lorsqu’il y a lieu de sanctionner et que c’est possible, nous le faisons.
    Il faut cependant aller plus loin, et faire évoluer les lois Egalim. En effet, certains contournements demeurent légaux, par exemple la construction du prix « en marche arrière ». Cette pratique consiste, pour un industriel, à s’accorder sur un prix avec le distributeur, avant d’annoncer au producteur qu’un accord a été conclu et que le prix n’est pas négociable. Cette pratique est malheureusement légale car elle n’est pas interdite par les lois Egalim, mais un tel contournement de la loi n’est pas admissible. Nous souhaitons que les prix tiennent compte des coûts de production des filières et que la négociation entre les producteurs et l’industriel précède celle entre l’industriel et le distributeur – une construction du prix « en marche avant ». Anne-Laure Babault et Alexis Izard sont chargés de préparer un texte pour faire évoluer les contours des lois Egalim, texte qui sera présenté après l’été.
    Nous proposons aussi un Egalim européen pour éviter que les lois Egalim françaises ne soient contournées en passant par des centrales d’achat situées dans d’autres pays européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Il est certain que s’il n’y a plus d’Europe, comme vous le proposez, il n’y aura pas d’Egalim européen !
    Un de vos collègues a dit des paroles et des actes – mais c’est à vous que l’on devrait faire ce reproche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN. – « Eh oui » sur plusieurs bancs du groupe RE.) Vous prétendez vouloir soutenir les agriculteurs, mais les deux principaux syndicats agricoles soutiennent la loi d’orientation agricole ! Vous votez contre le texte, puis vous prétendez dans vos circonscriptions que vous l’avez voté. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Eh si !
    Tous les agriculteurs nous ont demandé de classer l’agriculture parmi les filières en tension pour pouvoir faire appel à de la main d’œuvre étrangère, quand vous, vous militez pour le zéro immigration – vous ne voulez pas d’étrangers ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Vous prétendez défendre l’agriculture, mais vous êtes contre l’Europe. Or l’Europe, c’est la PAC : 9 milliards d’euros pour nos agriculteurs.

    M. Frédéric Cabrolier

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    Nous avons voté la PAC !

    M. Laurent Jacobelli

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    Nous l’avons votée et nous la payons !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Nous proposons un Egalim européen pour éviter les contournements, et vous vous y opposez. C’est chez vous que les actes ne correspondent pas aux paroles ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Votez et agissez conformément à vos discours, ou adaptez vos discours à vos votes – mais vous aurez peu de succès auprès des agriculteurs,…

    Mme Katiana Levavasseur

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    Nous en avons toujours plus que vous !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …car vous votez toujours contre eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Grégoire de Fournas.

    M. Grégoire de Fournas

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    Nous avons bien voté contre la loi d’orientation agricole mais nous l’avons assumé : il y a même eu un communiqué de presse.
    Au moment où vous avez annoncé ces procédures, vous saviez pertinemment qu’elles avaient très peu de chances de déboucher sur des sanctions. Vous avez donc sciemment menti aux agriculteurs qui désespèrent de votre inaction. Lois Egalim inappliquées, loi d’orientation agricole scandaleusement vide – l’agriculture continue son déclin dramatique, par votre faute et par vos mensonges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Calcul de la pension civile en Polynésie française

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.

    Mme Mereana Reid Arbelot

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    Ia orana.
    En Polynésie française, le taux de remplacement dans la fonction publique d’État est de 41 %, contre 73,8 % dans l’Hexagone. En effet, le traitement indiciaire de ces fonctionnaires n’est pris en compte qu’à hauteur de 54 % dans le calcul de la pension civile tandis que la part indiciaire majorée, qui fait pourtant l’objet de retenues, en est exclue.
    Une indemnité, la fameuse et tant décriée ITR, complétait, pour de bonnes raisons, la pension civile à hauteur de 30 %. À la suite d’une réforme intervenue en 2009, ce complément retraite décroît et s’éteindra dans quatre ans. Si l’on prend en compte cette indemnité, le taux de remplacement est passé de 71 % en 2008 à 51 % en 2018, et 43 % en 2023.
    Pour pallier la disparition de ce complément, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit la création d’une cotisation volontaire au régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), qui promet un complément fantastique de 4,4 % – soit un taux de remplacement global de 45,4 %. Pour 1 000 euros de traitement, un retraité en Hexagone touche une pension de 738 euros, quand un retraité polynésien touchera une pension de 410 euros, assortie de 44 euros de complément retraite. Comme moi, vous avez reçu un courrier de l’intersyndicale demandant la prise en compte de l’intégralité du traitement indiciaire dans le calcul de la pension civile. Ma question est simple : comptez-vous revoir votre copie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Votre question, qui porte sur un sujet important, me donne l’occasion de saluer la Polynésie française, qui accueillera les épreuves de surf des Jeux olympiques et paralympiques…

    M. Inaki Echaniz

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    Répondez à la question !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Me permettez-vous de répondre à Mme la députée ?
    La Polynésie accueillera les épreuves de surf à partir du 27 juillet. Le Gouvernement a voulu qu’elles aient lieu sur le site de Teahupo’o. Je comprends que les socialistes m’interrompent : on se souvient que Mme Hidalgo est allée visiter le site. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR et Dem.) Ce sera un moment de grande fierté et de fête pour la Polynésie et le reste de la France.

    M. Pierre Cordier

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    Pourvu qu’il y ait des vagues !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je salue l’engagement de tous les acteurs dans la préparation de cet événement majeur, notamment des autorités du pays, de Paris 2024, des services de l’État et des agents publics – nous aurons une pensée pour eux et nous espérons que ces épreuves seront une réussite.
    S’agissant de l’indemnité temporaire de retraite, je tiens à saluer votre engagement et, avant le vôtre, celui du président Brotherson, ainsi que celui du député calédonien Philippe Dunoyer. Quinze ans après la réforme de 2009 prévoyant la fin progressive de l’ITR, vous avez permis des avancées sur ce sujet. Je peux témoigner que vous m’avez souvent contacté à ce sujet lorsque j’étais ministre des comptes publics, et je vous remercie de votre persévérance.
    L’ITR est un dispositif de majoration des pensions créé après-guerre pour les fonctionnaires d’État de certains territoires ultramarins, parmi lesquels la Polynésie française. Ce dispositif avait toutefois ses limites et générait des abus unanimement reconnus. Lors de la réforme de 2009, le Gouvernement avait promis qu’un dispositif alternatif de cotisation compenserait la perte de pouvoir d’achat des futurs pensionnés liée à la fin de l’indemnité, prévue en 2028. Il a fallu attendre un rapport de Philippe Dunoyer en 2019, puis un engagement du Président de la République à Papeete à l’été 2021, pour qu’un comité ITR soit enfin créé afin d’étudier le sujet. Réunissant les élus des territoires concernés et les partenaires sociaux, il s’est réuni à plusieurs reprises en 2022 et 2023.
    Ses travaux nous ont permis de faire émerger une solution que nous avons inscrite dans la loi de finances de 2024 et qui est en cours de déploiement sur le terrain. Nous sommes partis d’un constat simple : si l’écart de coût de la vie entre l’Hexagone et les territoires ultramarins est bien pris en compte pendant la vie active de l’agent grâce à une indexation de la rémunération, il l’est moins lorsque l’agent part à la retraite, en particulier dans les territoires du Pacifique et à Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est pourquoi nous avons ouvert, à compter du 1er avril 2024, la possibilité à tout agent titulaire de la fonction publique d’État ou militaire en service en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, de cotiser sur l’ensemble des compléments de rémunération qu’il perçoit au régime de la retraite additionnelle de la fonction publique.
    Afin que ce dispositif ait des effets immédiats pour les agents partant prochainement à la retraite, nous avons fixé un montant plancher : aucun agent ne pourra toucher moins de de 4 000 euros par an. Si nous n’avions introduit aucune mesure dans la loi de finances pour 2024, les pensionnés qui seraient partis à la retraite à compter du 1er janvier auraient perçu une ITR annuelle qui aurait décru de 800 euros par an, passant de 3 200 euros en 2024 à zéro euro en 2028. Le système que nous avons déployé permet de figer le montant perçu à 4 000 euros, soit son niveau de 2023.
    Je sais que vous suivez très précisément la mise en œuvre de ce nouveau dispositif. Des sessions de présentation aux équipes locales gérant les ressources humaines ont d’ores et déjà été organisées. La consigne a été donnée d’intensifier la communication auprès des agents préparant leur départ en retraite.
    J’ai demandé pour la fin du mois de juin un premier bilan du dispositif d’adhésion et je ne manquerai pas de vous le communiquer. Alors qu’aucune solution à la mise en extinction de l’ITR n’avait été trouvée par les gouvernements successifs ces quinze dernières années, le Gouvernement a agi pour réaliser l’engagement du Président de la République et apporter une solution concrète et adaptée aux retraités ultramarins du Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.

    Mme Mereana Reid Arbelot

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    Monsieur le Premier ministre, sauf votre respect, je ne parlais pas de l’extinction de l’ITR, mais bien de la pension civile. (MM. Inaki Echaniz et Gérard Leseul applaudissent.) Les retenues sociales des 6 000 actifs compensent 4 à 5 fois le surcoût pour une pension civile juste et équitable pour les 130 nouveaux retraités polynésiens chaque année.
    Cela fait cinquante ans que les retenues sont faites sur l’intégralité de leur traitement indiciaire. Les retraités polynésiens ont droit à une vraie pension civile. Or on leur invente des dispositifs ad hoc qui ne répondent pas à la problématique. Appliquez le droit commun : à traitements indiciaires équivalents, pensions civiles équivalentes !

    Campagne des élections européennes

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Monsieur le Premier ministre, au mépris du pluralisme, vous débattez avec seulement l’un des candidats aux prochaines élections ; vous vous invitez à la radio publique pendant l’interview de votre candidate – peu importe que vous juriez y avoir été forcé ; le Président de la République, quant à lui, interviendra longuement à la télévision la veille de la fin de la campagne.

    M. Pierre Cordier

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    Il parle pour ne rien dire et, chaque fois, il baisse dans les sondages. Très bien !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Ce mélange des genres entre activité gouvernementale et électorale nous interroge.
    Depuis le 27 mai et jusqu’au 9 juin, le Gouvernement est dans la traditionnelle période de réserve. Pourtant, votre communication en faveur de votre liste par le biais de vos réseaux officiels contrevient à ce principe. Les moyens du ministère participent-ils à stimuler la campagne du camp présidentiel ?
    Votre position, ainsi que votre temps de parole, en tant que chef du Gouvernement, n’ont pas vocation à combler les manques d’une campagne visiblement en échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Jérôme Guedj

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    Il faut sauver le soldat Hayer !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Tout comme l’audiovisuel public n’a pas à être votre organe de communication au mépris du pluralisme. (Mêmes mouvements.)
    Nous redoutons que de telles dérives deviennent demain monnaie courante avec votre réforme mortifère de l’audiovisuel public, réforme que soutient la droite, animée sans doute par quelque nostalgie de l’ORTF. Finalement, l’exécutif prend les devants de sa propre réforme en s’accaparant toutes les antennes.
    Dans ce contexte inquiétant, quels sont les engagements du Gouvernement pour garantir un débat équitable et démocratique durant ces derniers jours de campagne ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Nous arrivons au terme de la séance. Cependant que les groupes La France insoumise et Écologiste nous ont parlé d’écologie,…

    Mme Isabelle Périgault

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    Ils ne sont plus là ! Il n’y a personne !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …le groupe Horizons des travailleurs en situation de handicap, les groupes Les Républicains et Rassemblement national d’agriculture,…

    M. Jérôme Guedj

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    Et alors ?

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …le groupe LIOT des collectivités locales et que la question du groupe Renaissance portera certainement sur la vie quotidienne des Français, vous, députés Socialistes, avez décidé de faire de la politique politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) C’est dommage,…

    M. Jérôme Guedj

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …car les Français attendent que l’on aborde leur quotidien et les enjeux importants.
    Il s’agit de politique politicienne, parce qu’il existe un gendarme, l’Arcom…

    M. Inaki Echaniz et M. Jérôme Guedj

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    Il vous a rappelés à l’ordre !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …qui veille sur les temps de parole durant les campagnes électorales– en tant que membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vous savez qu’il garantit que le temps employé par certaines personnalités pour soutenir une candidature soit décompté du temps de la liste. Cela a toujours fonctionné ainsi et j’espère que cela continuera. Ce sont tout simplement les règles.
    J’assume de soutenir la liste de Valérie Hayer, pour mon pays et pour l’Europe.

    M. Pierre Cordier

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    Elle va se prendre une veste dimanche !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Il en va de même pour le Président de la République. Quand des membres du Gouvernement s’expriment pour soutenir cette liste, leur temps de parole est décompté. Cela a toujours été le cas,…

    Mme Isabelle Périgault

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    Parce que nous l’avons demandé !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …quels que soient les gouvernements ou les majorités.
    Vous êtes probablement jaloux que nous soutenions la liste de Valérie Hayer et pas la vôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    Elle va faire 15 % ! Arrête Gabriel !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Vous, vous avez des soutiens honteux, tel celui de l’ancien Président de la République François Hollande,…

    M. Jérôme Guedj

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    On ne veut pas du vôtre !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …que vous semblez vouloir cacher – ce n’est pas très agréable pour lui.

    M. Inaki Echaniz

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    Vous n’êtes pas au niveau !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Voilà la réalité. Vous devriez plutôt vous réjouir qu’il y ait des débats dans le cadre des élections européennes, à des heures de grande écoute, car ils permettront aux Français de voter en connaissance de cause, le dimanche 9 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.)

    Parcoursup

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique de Montchalin.

    Mme Véronique de Montchalin

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    Depuis le 30 mai les résultats d’admission de la campagne 2024 sont publiés en continu sur la plateforme Parcoursup et comme chaque année depuis sa mise en place, la plateforme subit des critiques à cette occasion. Force est toutefois de constater que 945 500 candidats ont confirmé au moins un vœu d’orientation dans l’enseignement supérieur au cours de la phase principale d’admission, soit une progression de 3,1 %, en accord avec la progression de la démographie lycéenne.
    En outre, à l’issue de la campagne 2023, 95 % des néobacheliers avaient reçu au moins une proposition d’admission et 83 % en avaient accepté une.
    Si nous ne pouvons que nous réjouir pour nos jeunes étudiants de cette nette amélioration dans l’usage de Parcoursup et de ses performances, une interrogation demeure quant à la distinction entre les filières dites sélectives et non-sélectives.
    Les formations de type classes préparatoires, BTS, IUT et autres, sont identifiées comme sélectives, alors que les licences universitaires ne le sont pas.
    En réalité, la frontière semble plus ténue entre un IUT théoriquement sélectif attirant peu et une filière universitaire très demandée pour laquelle la sélection risque de se faire en raison du manque de places. Quand bien même l’université est censée garantir une place à chaque candidat, certaines licences recevant un nombre important de candidatures ne sont pas en mesure de le faire et deviennent de facto sélectives.
    Une évolution de la procédure est-elle envisagée, qui donnerait aux candidats une meilleure visibilité quant à leurs chances d’accéder à des formations devenues sélectives ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Je connais votre engagement de longue date – et même votre attachement – en faveur de notre jeunesse, de notre école et de notre enseignement supérieur.
    Chacun sait que les choix pour le supérieur, donc pour leur avenir, sont un des moments clé de la vie des lycéens. Il est important pour les jeunes et leurs familles mais peut aussi être source d’inquiétude et d’angoisse. À ces familles, nous devions fournir un système simple, clair et, quand bien même il demeure toujours un peu d’inquiétude, le moins anxiogène possible ;…

    Mme Isabelle Périgault

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    Mais non, cela ne fonctionne pas !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …un système juste, transparent, qui garantisse les chances de chacun et offre des solutions à tous ceux qui souhaitent poursuivre leurs études.
    En tant qu’« usager », lorsque j’ai obtenu mon bac, je me souviens qu’APB – admission postbac –, qui a précédé Parcoursup, consistait en un tirage au sort.

    Mme Isabelle Périgault

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    Il y avait d’autres choses avant APB !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Or il n’y a rien de plus angoissant que de dépendre d’un tirage au sort pour accéder à la filière que l’on souhaite. (Mme Danielle Brulebois applaudit.) Il est totalement antiméritocratique qu’une affectation à une filière se fasse par tirage au sort. Parcoursup a donc été instauré.
    Évidemment, tout n’a pas été parfait au départ et tout n’est pas encore parfait. Mais nous avons appris vite et je crois que nous avons su nous adapter avec méthode, en écoutant les lycéens et leurs familles.
    La procédure était très longue et nous l’avons réduite. Cette année, elle a duré 44 jours, contre 108 jours en 2018 – 108 jours ! Les familles nous demandaient de pouvoir davantage anticiper. Nous les avons entendues et un site d’entraînement a été ouvert début mai, afin que chacun puisse se familiariser au fonctionnement de Parcoursup.
    Je suis heureux, d’abord pour les jeunes et leurs familles, que les affectations par Parcoursup se soient déroulées sans difficulté cette année : 945 000 candidats étaient inscrits, soit 30 000 de plus que l’année dernière. Près de 80 % des lycéens ont déjà reçu une proposition : c’est bien mieux qu’en 2023.
    J’adresse mes félicitations aux lycéens qui sont sur le point de faire leurs choix et que soutiennent leurs professeurs, dont je salue la mobilisation au service de leurs élèves. À celles et ceux qui n’ont pas encore reçu de proposition d’admission, je dis « ne paniquez pas, nous sommes au début de la procédure ». Il reste encore plus d’un mois. Tous les matins, jusqu’au 10 juillet, les dossiers des candidats seront mis à jour en fonction de l’évolution des listes. Si un élève n’a pas d’offre aujourd’hui, il est tout à fait possible qu’il en reçoive une dans les jours qui viennent.
    Nous ne laissons aucun élève sur le bord de la route.

    Mme Isabelle Périgault

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    C’est faux !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Pour ceux qui n’auraient été admis à aucun de leurs vœux, une procédure complémentaire sera ouverte dès le 11 juin. Ils bénéficieront d’un accompagnement spécifique. Les équipes de Parcoursup prendront contact avec eux, par mail ou par téléphone, pour trouver des solutions à leur situation.
    Vous m’avez interrogé spécifiquement sur la sélectivité de certaines filières. C’est le cas des IUT ou encore d’écoles d’ingénieur universitaires et c’est la force de Parcoursup de proposer un éventail de possibilités et d’accompagner les lycéens.
    Je réitère que Parcoursup est une avancée par rapport à la situation antérieure, dans laquelle les jeunes étaient tirés au sort, car le dispositif offre une plus grande transparence, notamment en ce qui concerne les critères d’analyse des dossiers ; permet une plus grande égalité en promouvant les élèves boursiers ou inscrits dans Les cordées de la réussite et en reconduisant les aides à la mobilité s’élevant à 500 euros ; accorde enfin une plus grande liberté à des élèves qui ont pu choisir parmi 24 000 formations, dont 10 000 sous forme d’apprentissages.
    Nous restons non seulement vigilants et lucides, mais aussi à l’écoute des angoisses et des inquiétudes. Surtout, nous restons mobilisés dans cette campagne 2024 pour la réussite de tous les candidats inscrits sur Parcoursup.

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Premier ministre.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (no 2662 rectifié).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Holroyd, rapporteur de la commission mixte paritaire.

    M. Alexandre Holroyd, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Si la France est le pays le plus attractif en matière d’investissements depuis plusieurs années, ce n’est pas un hasard, mais le fruit de la politique que la majorité et le Gouvernement mènent depuis 2017. C’est aussi le fruit de l’engagement et de la qualité des acteurs privés de la place financière française et de l’excellence de nos régulateurs.
    Cependant, cette compétitivité ne doit pas être tenue pour acquise. C’est un objectif qui implique d’actualiser régulièrement notre paysage normatif, de manière équilibrée, et de prendre en considération l’univers concurrentiel dans lequel les entreprises évoluent, tout particulièrement dans le secteur financier.
    C’est dans cet esprit que j’ai déposé cette proposition de loi, qui vise à renforcer les atouts du modèle français de financement de nos entreprises. Il nous revient de mettre en place des conditions permettant que nos champions industriels, nos entreprises innovantes et les trésors d’intelligence, de labeur et de recherche que nous voyons chaque jour dans nos circonscriptions trouvent en France, dans leur pays les outils qui leur permettront de s’épanouir et de prospérer.
    Je me réjouis que notre volonté ait été partagée par nos collègues du Sénat,…

    M. Pierre Cordier

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    Le Sénat, qui est à droite !

    M. Alexandre Holroyd, rapporteur

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    …comme en témoigne l’examen rapide du texte par les deux assemblées. Une nouvelle fois, je tiens à remercier tous les acteurs qui m’ont apporté un soutien technique et politique dans ce processus. Je veux également remercier nos homologues sénateurs, pour l’accueil qu’ils ont réservé à cette proposition de loi dans une commission mixte paritaire (CMP) qui a été conclusive. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement au président de cette commission, Claude Raynal, et à ses rapporteurs Albéric de Montgolfier et Louis Vogel.
    Ensemble, et dans un esprit constructif, nous avons amélioré tant la portée pratique que la sécurité juridique du texte. Au cours de la navette, le nombre d’articles de la proposition de loi est passé de quatorze à vingt-neuf, dont six – les articles 4, 5, 10 bis, 10 ter, 11 et 11 bis –, objets d’aucun clivage, ont été adoptés en des termes conformes.
    Formellement, la commission mixte paritaire devait trouver un accord sur vingt-trois articles, dont plusieurs étaient considérés comme particulièrement ardus. En pratique, il est vite apparu préférable de conserver certains d’entre eux dans la rédaction issue du Sénat, sous réserve de retouches légistiques et rédactionnelles. Je me réjouis notamment du consensus apparu autour des articles 6 et 9, relatifs à la dématérialisation des titres transférables : le Sénat leur a apporté des précisions rédactionnelles bienvenues et a reconnu par là, comme l’Assemblée avant lui, que ces mesures placeront la France à l’avant-garde d’une modernisation qui accélérera et sécurisera les transactions commerciales.
    Seuls sept articles ont nécessité des discussions soutenues et nos débats ont permis de sécuriser des mesures de bon sens. L’article 1er permet la création d’actions à droits de vote multiples lors d’une première introduction en Bourse. Le Sénat y a apporté des précisions rédactionnelles bienvenues et a étendu la liste des cas dans lesquels les actions de préférence ne donnent droit qu’à une seule voix. Il s’agit bien de favoriser le développement des entreprises, en protégeant leurs projets industriels des aléas des marchés financiers, sans les priver des financements que peuvent leur procurer ces derniers.
    Dans un esprit proche de celui dans lequel ont travaillé les sénateurs, Mme la députée Sas avait déposé à l’Assemblée nationale un amendement concernant les votes relatifs aux rémunérations, auquel j’avais eu le plaisir de donner un avis favorable. Il n’avait malheureusement pas été adopté en séance, mais je me réjouis que le Sénat ait introduit dans le texte une disposition similaire, finalement retenue par la commission mixte paritaire.
    Certains députés se sont inquiétés de l’extension des plafonds de capitalisation des entreprises cotées éligibles à l’actif des fonds communs de placement à risques (FCPR), telle qu’introduite par l’article 2. J’espère que le choix qu’a fait la CMP de rehausser le plafond de la poche solidaire de certains véhicules d’investissement les rassurera.
    Les modalités de calcul de l’indemnité de licenciement des preneurs de risques, prévues par l’article 12 de la proposition de loi, ont également fait l’objet d’un compromis et je m’en réjouis. Conservant le souci de l’attractivité de la France, nous avons veillé à retenir le dispositif le plus cohérent, tout en préservant le principe d’une réparation juste du préjudice, en l’absence de cause réelle et sérieuse, mais en introduisant un plafonnement – contrepartie normale de métiers associés à des niveaux de rémunération exceptionnels et dont l’échec fait pleinement partie.
    Saluant à nouveau l’engagement de tous et le travail constructif de la commission mixte paritaire, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État chargée du numérique

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    Pour développer une entreprise, l’énergie des entrepreneurs et de leurs salariés, qui n’en manquent pas, ne suffit malheureusement pas toujours. Son financement doit être soutenu et rendu plus accessible, tandis que des procédures adaptées doivent être appliquées dans un cadre simple : en somme, il faut être capable d’établir un environnement attractif.
    C’est justement à la création d’un tel environnement que nous travaillons depuis 2017. Nous poursuivrons nos efforts, avec le plan d’action « Simplification ! » annoncé par Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, et qui fait l’objet d’un projet de loi actuellement examiné au Sénat.
    La proposition de loi s’inscrit dans la même démarche et contribue à l’attractivité de la France, en simplifiant et facilitant les conditions de financement des entreprises. Le travail de la commission des finances de l’Assemblée nationale s’est révélé précieux pour consolider ce texte. Permettez-moi de saluer le travail de son auteur et de son rapporteur, Alexandre Holroyd.
    L’accord trouvé en CMP démontre une nouvelle fois que des parlementaires de toutes sensibilités savent travailler ensemble et de manière constructive lorsque l’enjeu – en l’occurrence la compétitivité et le rayonnement de notre pays – est important.
    Sans prétendre à l’exhaustivité, je soulignerai quelques-uns des apports de la proposition de loi. Son premier objectif est de faciliter grandement le financement des entreprises : le plan d’épargne en actions pour les petites et moyennes entreprises (PEA-PME) permettra de financer plus de sociétés et plus facilement. La valorisation maximale des entreprises éligibles sera doublée, pour atteindre 2 milliards d’euros : le PEA-PME pourra ainsi soutenir les entreprises à taille intermédiaire (ETI) et les licornes de la French Tech, moteurs de notre croissance. Les critères d’éligibilité seront simplifiés, ce qui facilitera l’utilisation de l’enveloppe fiscale du PEA-PME.
    L’univers d’investissement de l’épargne salariale sera également élargi : les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) pourront dorénavant financer des PME cotées sur le marché de croissance de la Bourse de Paris. En outre, le Gouvernement pourra introduire dans le droit français le régime des actions fractionnées, qui permettra à un plus grand nombre de porteurs de mieux bénéficier d’opportunités d’investissements en Bourse, en plaçant régulièrement, en fonction de leurs moyens, de petits montants. C’est ce que propose notamment l’une des start-up récemment entrée dans le classement « French Tech 120 ».
    L’examen de la proposition de loi a permis d’enrichir les dispositions relatives à la modernisation de la gouvernance des entreprises. Les droits des actionnaires seront ainsi renforcés, grâce à la création d’une procédure d’examen accéléré au tribunal de commerce, visant à trancher un éventuel désaccord entre actionnaires et conseil d’administration quant à l’inscription d’une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
    Enfin, les rapporteurs du texte – à l’Assemblée et au Sénat – ont souhaité faciliter la relocalisation en France de certains emplois financiers. La place de Paris consolidera son attractivité grâce au plafonnement de la rémunération prise en compte dans le barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse des traders.
    Vous l’aurez compris, cette proposition de loi offre à nos entreprises de possibles gains de compétitivité et d’attractivité. En tant que secrétaire d’État chargée du numérique, je considère que les évolutions qu’elle vise promettent une augmentation des capacités de financement de nos scale-up, en rendant possible une introduction en Bourse avec des actions à droits de vote multiples. Les entrepreneurs ne seront plus pénalisés s’ils font le choix de la France ; ils y auront même intérêt ! Cette proposition de loi était donc très attendue par notre écosystème.
    Je me réjouis que le texte ait fait l’objet d’un compromis. Alors que certains auraient misé sur le financement familial, en supposant à chaque entrepreneur un oncle fortuné, ou que d’autres se seraient contentés de croire que les banques constitueraient un levier financier suffisant, je vous adresse, mesdames et messieurs les députés, mes remerciements : vous avez su être au rendez-vous que nous fixaient les entrepreneurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire.

    M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire

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    D’après moi, ce texte aurait dû être retiré pour être retravaillé par son rapporteur. Celui-ci a malheureusement persisté sans le faire évoluer : je le regrette et le lui ai d’ailleurs fait savoir.
    Lorsque l’examen de la proposition de loi a commencé, j’ai dû informer la représentation nationale des substantielles réserves émises par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Rappelons que l’empressement du Gouvernement à inscrire son examen à l’ordre du jour a empêché le rapporteur d’organiser l’audition de représentants de cette institution indépendante. Les commissaires aux finances n’avaient donc pas pu prendre connaissance de leur avis et j’ai dû écrire à la présidente pour obtenir ses observations. Qu’elle soit remerciée pour ses réponses, qui ont apporté au débat des lumières dont le rapporteur était, comme nous, privé.
    Nos alertes n’ont cependant pas été entendues. Vous nous présentez un projet insécurisant, qui propose de nouvelles mesures de dérégulation et qui renforce le risque systémique. Les droits de vote multiples octroyés pour quinze ans – et non sept, comme recommandé – ont été maintenus ; pendant leur période de validité, les décisions de leurs détenteurs auront un poids vingt-cinq fois plus important que celles des actionnaires ordinaires. J’ignore pourquoi un tel rapport a été conservé, alors que le Haut Comité juridique de la place financière de Paris préconisait de le limiter de un à dix. Il est également très regrettable qu’aucune liste limitative des bénéficiaires de ces super droits de vote n’ait été prévue : ces droits de vote multiples ne protégeront donc pas des acheteurs les fondateurs d’une entreprise, lors de son introduction en Bourse – ce que vous présentiez pourtant comme votre objectif.
    Enfin, sans citer exhaustivement les préoccupations de l’AMF, je rappelle que le texte risque de conduire à des opérations financières particulièrement dilutives, susceptibles de générer une forte pression baissière sur le cours des sociétés concernées. Il manque donc de garde-fous et risque de profiter aux plus grands actionnaires. Je le regrette d’autant plus que le pouvoir de décision dans les entreprises se concentre de plus en plus, tout comme les dividendes : d’après Euronext, cinq familles détiennent 18 % du capital cumulé des entreprises du CAC 40, soit 450 milliards d’euros.
    Oui, les petites entreprises sont confrontées à des difficultés lorsqu’elles veulent se financer ; cependant, le marché n’est pas la bonne solution. Face aux crises sociales, économiques et environnementales, ce n’est pas la recherche absolue du profit qui doit guider les financements. Les entreprises ne peuvent plus être soumises à des fonds qui recherchent la maximisation immédiate du profit au lieu d’investir dans des projets de long terme. L’épargne des personnes ne doit pas être exposée aux aléas des marchés financiers : je préfère un crédit réorienté vers les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) ou des aides publiques qui leur seraient avantageusement attribuées, plutôt qu’aux grands groupes.
    Vous auriez été embarrassés si vous, ou le Gouvernement – n’est-ce pas son texte, après tout ? –, nous aviez présenté une nouvelle copie : une étude d’impact aurait dû en mesurer les effets sur l’emploi, les rentrées fiscales et la balance des paiements. Or je crains qu’ils ne soient inexistants, comme le démontrent quasiment toutes les études portant sur la politique de l’offre et de la compétitivité, lesquels tendent à avantager, toujours plus, le capital et à déréguler les marchés.
    Votre recherche de l’attractivité à tout prix n’est en réalité qu’un prétexte pour accroître ce que vous nommez la compétitivité de la place financière de Paris, comparée à celle de Londres. Je dois observer que la bonne santé des marchés financiers n’est pas toujours liée à l’activité économique. Actuellement, les cadeaux fiscaux s’amoncellent pour séduire des investisseurs qui vous demanderont toujours plus pour toujours moins de retombées économiques : vous avez beau vanter le classement de la France en matière d’attractivité, le même investissement étranger se traduit en moyenne par 33 nouveaux emplois en France, contre 58 en Allemagne ou 326 en Espagne !
    De la même manière, une entreprise telle que Stellantis s’apprête à délocaliser la société MA France, implantée en Seine-Saint-Denis, et ainsi produire pour moins cher de l’autre côté de la Méditerranée, quitte à mettre 280 salariés sur le carreau. Or elle annonce dans le même temps des profits records – 18,6 milliards d’euros de bénéfices, dont 6,6 milliards reversés sous forme de dividendes –, ainsi que l’augmentation pharaonique de son directeur général, Carlos Tavares.
    Il faut arrêter de croire qu’en dérégulant et qu’en avantageant toujours les investisseurs, les actionnaires et la Bourse de Paris, nous créerons des emplois. Malheureusement, l’évolution économique de ces vingt dernières années montre que c’est parfois et même souvent l’inverse qui se produit. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    La proposition de loi de notre collègue Alexandre Holroyd dont je tiens à saluer la qualité s’inscrit pleinement dans la continuité de la politique économique que nous menons depuis 2017. Le texte examiné aujourd’hui est le fruit d’un large consensus entre le Sénat et notre assemblée.
    Permettez-moi de rappeler ses objectifs : améliorer l’attractivité de la place de Paris ; inciter aux introductions en Bourse pour offrir aux entreprises une indépendance stratégique par le financement boursier ; accélérer la dématérialisation pour simplifier nos échanges internationaux ; moderniser le droit pour attirer davantage d’investissements, notamment en facilitant la participation aux assemblées générales des sociétés.
    Les efforts déployés pour améliorer la compétitivité financière de la France ont déjà porté leurs fruits. Depuis 2017, 6 000 emplois, dont certains ont été transférés de Londres vers la France, ont été créés au sein de l’industrie financière. Il est désormais crucial de renforcer cette attractivité pour permettre à l’ensemble de l’économie française de bénéficier de financements nécessaires au développement des fleurons du tissu industriel et entrepreneurial, depuis leur création jusqu’aux stades les plus avancés, et pour financer la transition écologique et numérique.
    Dans la continuité de la loi Pacte de 2019, la proposition de loi donnera une nouvelle impulsion au développement des entreprises grâce à l’instauration de modalités de financement facilitées et simplifiées. Ce texte offre une réelle opportunité de soutenir le financement des TPE et PME – j’insiste sur ce point –, qui représentent plus de 99 % des entreprises, créent près de 55 % de la richesse nationale et emploient environ 60 % de la main-d’œuvre nationale. Grâce à ce texte, nous permettrons aux chefs d’entreprise, confrontés à une offre bancaire un peu timide – certains nous l’ont signalé –, de se tourner vers un marché financier plus compétitif et dynamique.
    En outre, ce dispositif est particulièrement pertinent pour les territoires ruraux, qui sont attractifs tant pour les investissements domestiques que pour les investissements directs étrangers. À ce titre, rappelons que près de la moitié des investissements directs étrangers sont réalisés dans des communes de moins de 20 000 habitants. Pour amplifier cette tendance, il faut créer de nouveaux instruments de financement. Monsieur le vice-président de la CMP, c’est parce que les investisseurs recherchent précisément une forte productivité des salariés que les investissements directs étrangers créent moins d’emplois qu’ailleurs.

    M. Philippe Brun

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    Ah, bravo ! Plus de productivité pour plus de marges, c’est cela ?

    M. Daniel Labaronne

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    Oui, la productivité est une composante de la compétitivité et de l’attractivité de notre économie. Les salariés sont compétents et améliorent les process de production, car ils ont été bien formés par l’ensemble de nos écoles et universités ; grâce à eux, les investissements directs étrangers sont rentables. C’est l’objet du capitalisme, ne vous en déplaise.
    La proposition de loi enrichit l’arsenal de mesures existantes en instaurant des outils aussi techniques qu’indispensables. Elle crée les conditions nécessaires à la croissance des PME, en leur permettant de diversifier leur base d’investisseurs tout en préservant le pouvoir décisionnel des fondateurs. Elle facilite les procédures de financement et d’échanges commerciaux internationaux. Elle offre des opportunités d’investissement aux épargnants français et européens. Elle adapte le droit français aux derniers développements technologiques internationaux pour fluidifier et simplifier les échanges des entreprises.
    Le groupe Renaissance soutient donc pleinement la proposition de loi. Elle améliorera le financement des PME et des ETI ; elle créera les conditions favorables à l’exportation, améliorant ainsi notre balance commerciale ; elle préservera notre capacité de financer des champions de l’innovation ; elle permettra à l’épargne française de financer les entreprises françaises ; enfin, elle fera de la place de Paris le cœur du financement de l’Europe de demain. (Applaudissements sur les bancs des des groupes RE et Dem, ainsi que sur ceux des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Le constat est clair : les petites et moyennes entreprises manquent d’un accès au financement. Au Rassemblement national, nous considérons que le financement d’une entreprise doit être pensé de manière concentrique – je l’ai déjà dit mais je n’ai pas été entendu : il doit provenir d’abord des propriétaires de l’entreprise, puis des salariés, de l’entourage, d’investisseurs départementaux, régionaux, nationaux, européens et, en dernier recours, internationaux. Si nous devons ouvrir le financement des entreprises, la part maximale du financement doit provenir du cœur de l’entreprise. Il y va de notre souveraineté et de la sienne.
    Les sénateurs ont fait preuve de sagesse – contrairement au Gouvernement – en apportant quelques améliorations bienvenues. Tout d’abord, le plafonnement du ratio entre les droits de vote attachés aux actions de préférence et ceux attachés à une action ordinaire à vingt-cinq pour un va dans le bon sens. Cette disposition limitera le risque de casse ou de perte de souveraineté pour les entreprises contraintes d’avoir recours aux actions de préférence. La question se pose toutefois du choix arbitraire de ce chiffre, déterminé au doigt mouillé. Pourquoi ne pas avoir fixé le plafond à dix ou à cinquante ?
    Malgré tout, le versement incontournable de dividendes à des actionnaires réduit les marges de manœuvre. Les éventuels gains réalisés par l’entreprise grâce à l’investissement préalable des actionnaires devront leur être au moins en partie rétrocédés sous la forme de dividendes, au lieu d’être réinjectés dans la recherche et l’innovation, et donc dans la croissance de l’entreprise.
    Autre amélioration du texte par le Sénat : l’article 2 bis prévoit que les droits préférentiels de souscription et les bons de souscription d’actions seront inclus dans les PEA. Cette mesure est également positive car elle cherche à atteindre – timidement – l’objectif de financement concentrique. Voilà les bonnes nouvelles, les améliorations que le Sénat a apportées au texte.
    Néanmoins, certaines difficultés ont été ajoutées, maintenues ou amplifiées. Tout d’abord, l’article 2 ter assouplit les critères d’éligibilité des titres d’entreprises cotées aux PEA-PME, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la volatilité du marché, en attirant des entreprises proches des nouveaux seuils donc potentiellement moins stables.
    L’article 4, qui élargit le bénéfice de la loi de blocage à l’ensemble des prestataires d’investissement, n’a pas été modifié. En l’absence d’étude d’impact, les effets du dispositif ne peuvent être anticipés.
    L’article 5, qui n’a pas non plus été modifié, soulève également une difficulté. Il ne s’agit en aucun cas de mobiliser l’épargne des particuliers pour faciliter les levées de fonds et octroyer aux entreprises des moyens pour se développer, mais de permettre aux acteurs financiers de disposer de davantage de fonds pour réaliser des opérations potentiellement spéculatives. Un tel article pose la question du but principal recherché : s’agit-il d’accroître le financement des entreprises ou de favoriser la spéculation ?
    Nous constatons donc l’introduction de quelques garde-fous, somme toute légers, par les sénateurs lors de la CMP, mais aussi l’ajout de certaines dispositions et le maintien d’autres qui soulèvent des difficultés, quand elles ne créent pas des dangers.
    Pour conclure – vous l’aurez compris et le savez déjà –, la priorité du Rassemblement national et de Marine Le Pen, est que la France reste française et souveraine, tout comme ses entreprises. Contrairement à nous, vous souhaitez que la France soit diluée dans un monde totalement ouvert et qu’in fine, elle appartienne à tous sauf aux Français.
    Nous pouvons examiner la proposition de loi sous le prisme du contexte européen, marqué tant par la suppression du droit de veto dans le cadre du fonctionnement de l’Union européenne, que par le transfert à l’Union européenne de nos armées et de notre arme nucléaire, de la gestion de notre immigration, de la gestion de notre électricité et de nos marchés électriques et, désormais, du financement de nos PME aux marchés financiers. La grande braderie de la France continue. Le Rassemblement national et Jordan Bardella y mettront fin et rendront à la France sa souveraineté, sa capacité à reprendre en main son destin que vous offrez au reste du monde.
    Alors, améliorons le financement de nos entreprises,…

    M. Daniel Labaronne

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    Ah, quand même !

    M. Kévin Mauvieux

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    …grâce au génie, au courage et aux richesses de la France, et non par la vénalité, les spéculations et les ambitions potentiellement déplacées d’investisseurs financiers déconnectés de l’économie réelle française dans laquelle évoluent nos entreprises. Marine Le Pen propose ainsi de créer un fonds souverain français afin d’augmenter la rémunération de l’épargne des Français et l’orienter vers des secteurs stratégiques, dont l’attractivité de notre pays et l’innovation.
    Malgré les quelques garde-fous introduits par le Sénat, le texte fait peser trop de risques sur les PME, leur souveraineté et, au passage, la nôtre. Nous voterons donc contre le texte issu de la CMP et espérons vivement que le Rassemblement national redonnera rapidement à la France les moyens de sa souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi.

    Mme Marianne Maximi

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    Le texte que nous examinons aujourd’hui s’intitule « proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France ». À tout le moins, on doit vous reconnaître un petit mérite : vous avez l’art de la tournure la plus consensuelle. En effet, sur le papier, comment être en désaccord avec un tel projet ? Mais, comme souvent avec vous, les mots creux et acceptés masquent une politique qui l’est beaucoup moins. Une fois n’est pas coutume, votre recette pour renforcer l’attractivité est de déréguler.
    Les petites entreprises françaises n’arrivent pas à obtenir des fonds suffisants auprès des banques, mais plutôt que d’améliorer leur accès au crédit, vous vous tournez vers la finance. Avec ce texte, vous permettez aux PME de recourir aux promesses d’action pour se financer – qu’importe si cela les expose à la voracité d’acteurs financiers plus puissants qu’elles !
    En outre, vous facilitez les augmentations de capital, qu’importe que ces opérations soient décriées par l’Autorité des marchés financiers comme trop dilutives et peu transparentes ; qu’importe qu’elles soient réalisées au détriment des petits actionnaires et des actionnaires salariés, et sans la moindre garantie d’investissements !
    L’exemple très concret d’Europlasma nous le montre. L’entreprise ne cesse de diluer son capital et de lever ainsi des fonds. Mais où vont-ils ? Ni les salariés des forges de Tarbes ni ceux des forges de Gerzat, rachetées par Europlasma, n’ont vu la couleur d’un investissement dans leur outil de travail. Qu’en sera-t-il de ceux de la forge de Valdunes ?
    Votre vision de l’économie est désincarnée. Pour vous, ce qui se passe sur les marchés se traduit en investissements et en emplois. Mais c’est tout le contraire. La financiarisation expose les entreprises à des acteurs dont la seule quête est non l’emploi, l’implantation locale ou le développement territorial, mais le profit à court terme. Vous nous engagez dans une course pour déterminer qui de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou des États-Unis sera le meilleur paradis pour la finance, mais à quel prix ?
    Votre projet a toujours été celui-ci. Vous n’avez aucune hésitation à faire de la France le terrain de jeu d’investisseurs peu scrupuleux, qui prennent des parts dans des entreprises, promettent monts et merveilles aux salariés et aux dirigeants des petites entreprises, mais qui n’hésiteront pas à liquider leur investissement dès qu’il ne sera plus profitable. La Macronie est un accélérateur du plus dangereux des capitalismes financiarisés, alors qu’elle prétend vouloir un capitalisme durable, écologique, à visage humain, ce qui est tout simplement une chimère. Plus personne n’est dupe de l’impasse dans laquelle nous mène votre politique.
    Vendredi dernier, l’agence de notation Standard & Poor’s a fini par dégrader la note de la France. Cette décision vient sanctionner des années de politique de l’offre, les 60 milliards d’euros de cadeaux fiscaux par an offerts aux grandes entreprises qui n’ont rien fait d’autre que de creuser le déficit et la dette. Et vous osez nous parler d’attractivité ! Même les cabinets d’audit comme EY ou Trendeo – qui ne sont pas des repères d’Insoumis – soulignent que l’attractivité, ce n’est pas uniquement la finance à tout prix. La qualité des emplois, les infrastructures stables, les services publics de qualité sont des atouts de long terme appréciés par les investisseurs. C’est précisément ce que votre politique de l’offre menace.
    Ne prétendez pas le contraire : au mois de février dernier, vous avez annulé par décret 2 milliards d’euros alloués à l’écologie et à la mobilité durable, près de 1 milliard d’euros consacrés à la recherche, 200 millions d’euros dédiés aux contrats d’apprentissage, 150 millions consacrés au plan d’investissement dans les compétences. D’autres secteurs connaîtront bien des coupes budgétaires, car vous vous obstinez à nous imposer une cure d’austérité.
    Alors, si vous voulez tant accroître l’attractivité, commencez par planifier la transformation de l’économie, pour en faire la première économie adaptée aux bouleversements climatiques qui nous attendent. C’est plus que jamais d’actualité, puisque nous avons appris ce matin, dans la presse, que le réchauffement climatique s’accélérait encore et que les températures battaient un nouveau record. Si nous ne faisons rien, c’est tout notre système de production qui sera mis à plat. Si vous voulez plus d’attractivité, investissez, par exemple, dans le train ou le fret ferroviaire pour offrir aux entreprises un réseau de transport fiable et décarboné.
    Je pourrais parler des entreprises clermontoises, dont les employés devant se rendre à Paris sont contraints de partir la veille, voire d’annuler leur rendez-vous, tant le train Intercités reliant Clermont-Ferrand à Paris est imprévisible. Lundi dernier, il avait encore quatre heures et demie de retard.
    Rien de tout cela ne sera possible tant que nous suivrons à la lettre les demandes austéritaires de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle il faut voter pour la liste de l’Union populaire menée par Manon Aubry, le 9 juin, lors du scrutin européen. Les électeurs feront ainsi barrage aux listes de Renaissance et du Rassemblement national, dont aucune ne remet en cause la politique austéritaire européenne. (Mme Marie-Christine Dalloz et M. Christophe Barthès s’exclament.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est insupportable !

    Mme Marianne Maximi

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    Nous voterons évidemment contre ce texte. (M. le vice-président de la commission mixte paritaire et Mme Eva Sas applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Je vais m’abstenir de faire de la politique nationale, et revenir sur le fond du texte…

    M. Alexandre Holroyd, rapporteur et M. Éric Martineau

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    Bravo !

    Mme Farida Amrani

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    On ne devrait pas faire de politique nationale à l’Assemblée nationale ?

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    …dont l’objectif est d’accroître les capacités de financement des entreprises depuis la France, notamment via les marchés financiers, et de faciliter les introductions en Bourse, après une année 2023 marquée par une faible activité de ce point de vue, puisque seules six opérations ont été enregistrées sur Euronext.
    Dans un premier temps, le Gouvernement avait annoncé un grand projet de loi pour renouer avec l’attractivité économique et financière. Finalement, nous devons nous contenter d’une simple revue de mesures techniques, dont les ambitions de départ ont été largement revues à la baisse. Nous déplorons le choix de la majorité, qui n’est, encore une fois, à la hauteur des enjeux ni sur le fond ni sur la forme, puisqu’en choisissant d’en passer par une proposition de loi, le Gouvernement nous a privés d’une étude d’impact et de l’avis éclairé du Conseil d’État sur des notions particulièrement complexes.
    Tous les indicateurs macroéconomiques sont, plus que jamais, dans le rouge : la balance commerciale de la France connaît une dégradation sans précédent, le déficit commercial s’établissant en 2023 à 99,6 milliards d’euros, après avoir enregistré un record absolu en 2022, à 164 milliards. Ces tristes performances auraient nécessité un projet de loi en bonne et due forme. Le texte que nous allons voter sera bien impuissant à restaurer l’image de la France : il ne nous aidera pas à recouvrer notre crédibilité auprès de la communauté financière internationale, d’autant que, vendredi dernier, l’agence de notation Standard & Poor’s a dégradé la note de la France, de AA à AA-, en raison du dérapage de nos finances publiques.
    Malheureusement, loin de mettre en place une stratégie globale pour relancer la compétitivité et les capacités de financement de l’ensemble des entreprises, le présent texte borne un dispositif exclusivement conçu pour celles qui sont déjà présentes sur les marchés financiers. Nous regrettons que les TPE, PME et la plupart des ETI en soient exclues, et que vous n’ayez pas mené une réflexion plus vaste sur leurs besoins.
    Le texte répond cependant aux attentes des principaux acteurs de la place financière de Paris, confrontés à la concurrence des autres acteurs du marché européen ainsi qu’à celle des États-Unis en matière de gestion d’actifs. Il introduit les actions à droits de vote multiples, permet la dématérialisation des titres transférables et l’accompagnement des entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros. Les entreprises qui pourront satisfaire leurs besoins croissants de financement grâce aux mesures prévues par le texte, l’attendent également avec impatience.
    Parce que, dans ce contexte, la France doit impérativement préserver ses atouts compétitifs et sa souveraineté, la proposition est bienvenue, mais elle reste modeste et risque de ne pas suffire à relancer le financement dont toutes les entreprises ont besoin. Nous regrettons que la majorité n’ait pas profité de cette occasion pour flécher l’épargne des Français vers les sociétés cotées, ou pour rendre le PEA-PME plus attractif, en simplifiant les critères d’éligibilité. Seuls les titres des entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à 1 milliard d’euros peuvent actuellement figurer dans ces plans d’épargne. Relever ce seuil à 2 milliards aurait permis d’y inclure davantage de sociétés…

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État et M. Alexandre Holroyd, rapporteur

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    Nous l’avons fait !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Cela a été modifié en CMP ? Très bien.
    Bien que de nombreux efforts restent encore à fournir pour défendre et accroître l’attractivité financière et juridique de la place de Paris, et pour que les investisseurs, les acteurs financiers et les entreprises en recherche de capitaux puissent financer leur développement, le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi, qui va globalement dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Dem ainsi que sur ceux des commissions. – M. Christophe Barthès applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mohamed Laqhila.

    M. Mohamed Laqhila

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    Alors qu’un accord a été trouvé en CMP la semaine dernière, nous allons nous prononcer définitivement sur la présente proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de la politique menée par le Gouvernement et la majorité pour restaurer l’attractivité financière du pays, laquelle avait dégringolé dans les années qui suivirent la crise financière de 2008.
    Depuis 2017, le pays a profité de réformes structurelles ambitieuses, qui ont permis d’adapter en profondeur son environnement fiscal, social et réglementaire : le droit du travail français a été assoupli, la fiscalité des entreprises a été allégée et simplifiée, notre système juridique a été modernisé grâce à la loi Pacte visant à favoriser le financement des entreprises.
    Ces réformes ont porté leurs fruits, puisque la France est devenue la nation européenne la plus attractive pour les investissements étrangers, et Paris la principale place financière de l’Union européenne. Le rétablissement de l’attractivité financière du pays se traduit concrètement : la France se réindustrialise, sa croissance est robuste – même quand l’environnement mondial est peu favorable à l’activité économique, comme ce fut le cas en 2023 –, des milliers de nouveaux emplois y sont créés et elle enregistre des milliards d’euros de recettes fiscales.
    Bien loin des caricatures et des faux procès, renforcer l’attractivité financière du pays permet de soutenir très efficacement la croissance et l’emploi. Un peu plus de cinq ans après la loi Pacte, plusieurs défis de taille nécessitent que l’on poursuive les efforts. Nous faisons face à un monde en complète mutation, où la technologie redéfinit les marchés, où la compétition internationale s’intensifie – un monde très concurrentiel, où la France et, plus largement, l’Union européenne devront relever des défis de financement nombreux et colossaux : transition écologique, vieillissement de la population, réindustrialisation, course à l’intelligence artificielle.
    Aussi devons-nous continuer de progresser, pour mobiliser des capitaux plus largement. La présente proposition de loi tient précisément compte de ces enjeux, en atteignant trois principaux objectifs. D’abord, elle renforcera les capacités de financement des entreprises depuis la France, en simplifiant la procédure d’augmentation du capital social et en facilitant l’accès à la Bourse des entreprises, notamment des PME et des ETI. Lors de leur entrée en Bourse, les entreprises pourront recourir à des actions de préférence ouvrant à des droits de vote multiples. Contrairement à ce qui a été affirmé en première lecture, cette mesure protégera les fondateurs d’une entreprise qui souhaitent la coter mais craignent d’en perdre rapidement le contrôle.
    Ensuite, grâce la dématérialisation des titres transférables, le texte facilitera la croissance des entreprises françaises à l’international. Cette évolution majeure améliorera également la compétitivité réglementaire du pays, puisqu’il se retrouvera ainsi à la pointe de l’innovation, ainsi que l’accompagnement et le financement des entreprises françaises dans leurs opérations à l’international.
    Enfin, il modernisera les instances de gouvernance des entreprises grâce à diverses mesures qui faciliteront leur numérisation, favorisant ainsi une meilleure participation à la gestion des affaires, ainsi qu’une plus grande réactivité.
    Toutes ces mesures vont dans le bon sens : elles renforceront concrètement la compétitivité réglementaire du pays par rapport à ses principaux concurrents, lui permettant de mobiliser plus vite et plus largement des capitaux – condition essentielle pour assurer son avenir, tant les défis de financement à relever sont nombreux. Le groupe Démocrate votera donc l’adoption définitive de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    J’aimerais revenir sur trois points.
    Le premier concerne évidemment le contexte de la proposition de loi. Je rappelle que cette initiative parlementaire est, en fait, pilotée par le ministère des finances, qui avait annoncé en début d’année une « loi attractivité ». Le Gouvernement a préféré s’appuyer sur le groupe Renaissance pour ne pas fournir d’étude d’impact ni solliciter l’avis du Conseil d’État, ce qui est fort regrettable.
    Le deuxième point concerne les réserves du groupe LIOT sur la version initiale du texte. Le ratio maximal entre les droits de vote et le capital des actions de préférence est bien trop élevé. Le coefficient de vingt-cinq pour un n’a pas été modifié ni lors de la navette ni en CMP, malgré les alertes de l’AMF et les préconisations du Haut Comité juridique de la place financière de Paris – pas vraiment des gauchistes…. Ainsi, un actionnaire qui détiendra 4 % du capital pourra disposer de la majorité des voix. N’est-ce pas formidable ? Eh bien, cela ne choque pas grand monde, hormis quelques collègues…

    M. Daniel Labaronne

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    Ça ne me choque pas !

    M. Charles de Courson

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    Ce n’est pas raisonnable ! Nous avions proposé un coefficient plus faible, de l’ordre de dix, ce qui n’était déjà pas mal.
    Nous nous sommes également opposés à l’article 2 sur la financiarisation des FCPR. Nous vous avions proposé une solution intermédiaire par voie d’amendement, monsieur le rapporteur ; elle a été écartée. Il aurait été possible de lisser le dispositif, en autorisant l’accompagnement des entreprises au-delà d’un certain niveau de cotation si et seulement si le FCPR avait investi depuis au moins un ou deux ans dans cette entreprise ; là encore, nos amendements ont été rejetés.
    Nous sommes enfin défavorables à l’ouverture, à l’article 5, de la publicité émanant des bourses étrangères auprès des particuliers français.
    Troisième point : cette version du texte, qui suscitait déjà bien des interrogations, a encore été durcie en séance, à l’Assemblée comme au Sénat.
    La version de la CMP comporte désormais trois habilitations à légiférer par ordonnances, sur des sujets aussi variés que le régime des nullités, le fractionnement des instruments financiers, les règles des organismes de placement collectifs. Tous ces articles additionnels confortent mon constat précédent : le Gouvernement préfère éviter les débats parlementaires. Ces choses sont sans doute trop sérieuses pour être débattues au Parlement !
    En outre, la suppression, opérée par le Sénat, de la nullité des assemblées générales réalisées par visioconférence qui connaîtraient des défaillances informatiques, est vraiment contre-productive. L’objectif du titre III n’est-il pas de favoriser les actionnaires minoritaires au moyen des outils numériques ? Une telle disposition les fragilise, au contraire. En conséquence, alors que mon groupe se réjouissait de la tenue dématérialisée des assemblées générales, et de l’équivalence des versions électronique et papier des titres transférables, nous ne pouvons apporter notre soutien au texte.
    Trop de choses, dans le fond comme dans la forme, ne sont pas satisfaisantes, sans compter votre absence d’ouverture, monsieur le rapporteur : vous n’avez pas souhaité écouter nos remarques, ce qui montre bien que vous entendez vous passer de notre avis. Dès lors, nous nous abstiendrons.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Tout ça pour ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Je dois vous avouer, monsieur le rapporteur, que j’ai eu la larme à l’œil durant quelques instants, en vous écoutant évoquer nos entreprises françaises, creuset d’intelligence et d’action, ainsi que nos entrepreneurs que nous devons soutenir.
    J’ai également pensé au terrible financement de l’économie, ainsi qu’aux difficultés que connaissent les start-up, elles qui pouvaient encore bénéficier en 2021 de 13 milliards d’euros d’investissements, hélas réduits à seulement 8 milliards en 2023…
    La proposition de loi permet-elle d’accroître le financement de l’économie et d’aider nos entreprises ? C’est tout le contraire, comme je vais vous le démontrer au nom du groupe Socialistes.
    Cette proposition de loi que le Gouvernement, par le truchement du rapporteur, s’est plu à intituler « proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France » aurait été mieux nommée « proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation du code monétaire et financier aux nécessités du moment ». On peine à percevoir la moindre cohérence entre les dispositions qu’elle contient, sorties pour la plupart des tiroirs de quelques chefs de bureau de Bercy.
    Certaines sont louables et nous ne nous opposons pas au recours accru à la visioconférence dans les assemblées générales des entreprises lorsque c’est nécessaire, ni à la dématérialisation de certains titres tels que les lettres de change, ni à la compétence attribuée à la cour d’appel de Paris pour connaître des recours en matière d’arbitrage international, ni à la redéfinition des preneurs de risque qui élargit les garanties contre les prises de risque excessives. Nous avons soutenu les articles correspondants en première lecture, qui semblent aller dans le bon sens.
    En revanche, les trois principales dispositions du texte paraissent dangereuses pour la stabilité du pays, sans qu’elles n’apportent aucune facilité de financement à l’économie française. L’article 1er contient la disposition phare de la proposition de loi : l’introduction en France des actions à droits de vote multiples. Certes, les socialistes avaient introduit, par la loi Florange de 2014, les droits de vote double afin de favoriser les actionnaires de long terme et de permettre à un nombre suffisant d’entre eux de conserver le contrôle des entreprises. L’État fait d’ailleurs lui-même usage des droits de vote double dans les entreprises dont il est actionnaire, afin de favoriser l’intérêt général. Cependant, il n’est pas raisonnable de multiplier par vingt-cinq les droits de vote acquis par certains actionnaires. Cette prise de pouvoir d’une entreprise cotée par des actionnaires minoritaires est contraire à l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et au droit de propriété qu’elle garantit. Il n’est pas acceptable que la possession de 5 % du capital d’une entreprise offre un contrôle total sur cette dernière. Cela fragilise la stabilité financière, le droit de propriété et la démocratie actionnariale que nous défendons.
    Les défenseurs de cette disposition prétendent qu’elle permettra à davantage de start-up – ou entreprises à forte croissance – françaises de demeurer en France et de ne pas rechercher une cotation sur des marchés financiers étrangers, en particulier le Nasdaq. Or on constate que les entreprises françaises ayant décidé de se faire coter aux États-Unis n’ont pas fait usage de droits de vote doubles. Si elles se sont expatriées, c’est parce que la profondeur des marchés étrangers était supérieure, offrant un accès plus facile aux financements, donc une meilleure valorisation. C’est sur ce point qu’il convient de travailler, au lieu d’instaurer un assouplissement qui ne servira pas les entrepreneurs de notre pays mais les flibustiers bien connus, qui font leur fortune par des manipulations financières – le passé en offre plus d’un exemple – plutôt que par la qualité de leurs résultats opérationnels.
    La généralisation du statut de société en commandite ne constitue pas une bonne solution. Nous sommes également défavorables à l’élévation du plafond de capitalisation boursière – de 150 à 500 millions d’euros – des sociétés dont les titres sont éligibles aux fonds communs de placement à risques. Le résultat obtenu sera contraire à l’objectif visé, puisque vous réduirez, pour les entreprises de petite taille, l’accès au financement permis par ces fonds spéciaux. Nous sommes également opposés à ce que les augmentations de capital auprès d’un cercle restreint d’investisseurs, désignés par les dirigeants de l’entreprise, puissent désormais représenter chaque année jusqu’à 30 % du capital social, contre 20 % actuellement.
    Enfin, le groupe Socialistes regrette que les propositions qu’il avait formulées n’aient pas été reprises, alors que la ministre Olivia Grégoire s’y était engagée. Dominique Potier avait notamment demandé qu’un groupe de travail soit réuni ; il ne l’a jamais été et l’engagement n’a pas été tenu. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Marc Tellier.

    M. Jean-Marc Tellier

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    Faire de Paris la première place financière d’Europe est bien loin de suffire à accroître le financement de l’économie française. C’est pourtant l’objectif de cette proposition de loi – mais en est-ce vraiment une ? Elle fait figure de quasi-projet de loi, tant vous tordez le cou aux règles parlementaires élémentaires. Une telle méthode nous contraint à légiférer à vue sur une matière technique, sans précisément connaître les enjeux et les conséquences de certaines dispositions.
    Sous un titre alléchant et plein de promesses se cache en réalité une proposition de loi dictée par les lobbys de la finance, bien loin des préoccupations des TPE et des PME qui ne trouveront dans le texte aucune réponse à leurs difficultés de financement. Il aurait fallu commencer par traiter la question de l’accès au crédit bancaire et de son coût pour les petites et moyennes entreprises – leurs conditions d’endettement s’étant particulièrement dégradées depuis la crise du covid. Or le texte n’en dit rien.
    L’essentiel des dispositions importantes est contenu dans le titre Ier. Elles visent principalement à faciliter l’introduction en Bourse et les émissions d’actions. Faciliter le financement des entreprises, y compris par une augmentation de capital accueillant de nouveaux investisseurs, réclamait d’assurer à ces entreprises les protections suffisantes ; or c’est tout le contraire qui est fait. Il n’est pas difficile de saisir l’objectif visé par la création d’actions de préférence, qui permettront de démultiplier les droits de vote d’une seule action : il s’agit d’ouvrir et d’accroître le capital sans diluer la gouvernance. Cependant, qu’est-ce qui garantit que ces actions resteront effectivement aux mains des dirigeants, sans tomber dans celles d’investisseurs voraces ?
    Les promesses d’actions risquent également d’exposer les entreprises à une forte instabilité en cas d’attaque spéculative des marchés. Enfin, les dérogations à la souscription préférentielle sont tout bonnement contreproductives : elles vont à l’inverse des objectifs affichés, puisqu’elles pourraient conduire à la perte de contrôle des dirigeants sur leur entreprise. Ces trois dispositifs illustrent combien la croissance rapide d’une entreprise est susceptible de la mettre en difficulté. Cependant, comment peut-elle se doter d’une stratégie de développement à long terme lorsque le capital exige toujours davantage de rendements, toujours plus vite ?
    En étendant la financiarisation à de nouvelles entreprises, vous soumettez encore un peu plus l’économie réelle aux règles de la finance – une finance déconnectée des territoires, des secteurs économiques et des enjeux écologiques et qui, par le jeu de la concurrence, aggrave les manques de financement de nombreux secteurs jugés trop peu lucratifs. Faire croître de manière dérégulée les entreprises, sans contrôle, en les jetant aux mains des marchés financiers, s’avère dangereux pour elles et inutile pour la société. De la même manière, faire de Paris la première place financière d’Europe ne peut constituer en soi un objectif de politique économique. Dans la continuité des lois antérieures – la loi Pacte de 2019 comme la loi de 2023 relative à l’industrie verte –, la ligne directrice du Gouvernement se borne à simplifier, à déréguler et à réduire les prélèvements. Cela ne peut fonder une politique économique digne de ce nom. Dans ces circonstances, le groupe Gauche démocrate et républicaine maintiendra sa position exprimée en première lecture et votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. le vice-président de la commission mixte paritaire applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard

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    Tout d’abord, je tiens à saluer le travail de notre collège Alexandre Holroyd sur ce texte technique mais essentiel pour les entreprises. Sous l’autorité du Président de la République, les gouvernements successifs ont considérablement modernisé le cadre législatif applicable à celles-ci, afin de libérer les énergies productives, de favoriser le développement de notre tissu économique et de renforcer l’attractivité de la France. La loi Pacte et la loi de 2023 relative au partage de la valeur ont apporté de nombreuses réponses aux demandes des entreprises en levant les obstacles à leur croissance, à toutes les étapes de leur développement.
    Ce texte s’inscrit ainsi dans la démarche engagée ces dernières années, dans l’intérêt des entreprises et de l’économie françaises. Il poursuit la dynamique de modernisation du cadre juridique afin de favoriser le développement des entreprises et de soutenir l’écosystème financier dans lequel elles évoluent. Coconstruite avec les services du ministère de l’économie et des finances, cette proposition de loi a été nourrie de travaux d’experts tels que le rapport « Accélérer la digitalisation des activités de financement du commerce international », remis au Gouvernement en juin 2023.
    Dans le contexte de l’après-Brexit – qui a vu la place de Paris déposséder la City de Londres de son titre de premier marché boursier européen en capitalisation –, renforcer l’attractivité financière de la France est un enjeu qui dépasse le seul secteur financier et constitue l’occasion pour les entreprises françaises d’accéder à un financement abondant, diversifié et à moindre coût, à toutes les phases de leur développement. Ce texte qui compte quatorze articles comporte des mesures essentielles telles que la facilitation de l’introduction en Bourse des entreprises, l’augmentation – de 150 à 500 millions d’euros – du plafond de capitalisation boursière des entreprises accompagnées par les fonds communs de placement à risques, ou encore l’encouragement de la numérisation des assemblées générales d’actionnaires et des réunions des organes de décisions des sociétés commerciales.
    Le groupe Horizons et apparentés salue l’adoption de cette proposition de loi en première lecture, à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Les deux chambres ont tour à tour enrichi le texte – l’examen au Sénat a notamment renforcé les dispositions en faveur du financement des PME et des ETI – et notre groupe se réjouit que l’accord trouvé en commission mixte paritaire ait repris leurs principaux apports. Le texte en sort renforcé, utile à l’économie et aux entreprises françaises. Il témoigne de la force du Parlement, de sa capacité à travailler sérieusement et à dialoguer pour trouver la meilleure rédaction possible de la loi, dans l’intérêt des Français. Notre groupe votera bien évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eva Sas.

    Mme Eva Sas

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    Nous examinons un texte concocté par Bercy qui vise à faciliter le recours aux marchés financiers des entreprises de taille intermédiaire en France. On appréciera votre sens des priorités ! À l’heure où les Français bouclent difficilement leurs fins de mois, où les énergéticiens continuent d’engranger des superprofits et où les trente-cinq entreprises du CAC40 réalisent des bénéfices toujours plus élevés – 144 milliards d’euros en 2023 –, votre priorité n’est pas de rétablir la justice fiscale, ni de conditionner les 157 milliards d’aides aux entreprises à l’augmentation des salaires, ni de mettre à contribution les multinationales pour financer le nécessaire ajustement des rémunérations dans la fonction publique. Non, votre priorité est de faciliter l’introduction en Bourse des PME ! En voulant ainsi accélérer la financiarisation des entreprises, vous défendez une vision de l’économie diamétralement opposée à celle des écologistes.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Ah oui, la décroissance !

    Mme Eva Sas

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    Car le capitalisme financier, c’est la tyrannie du rendement immédiat. Les entreprises, sous la pression incessante des marchés, sont incitées à maximiser leurs profits, trimestre après trimestre, avec les conséquences que nous connaissons : la précarisation des emplois et la détérioration des conditions de travail, la rentabilité à court terme plutôt que les investissements responsables et durables. Donner le pouvoir aux acteurs financiers, éloignés de la réalité de l’entreprise et de ses salariés, c’est renoncer à une gestion humaine, durable et responsable de l’entreprise.
    C’est pourquoi nous nous opposons aux principales mesures de ce texte, comme la négociation des promesses d’actions sur les marchés de croissance pour les PME ou l’assouplissement des modalités d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription. Afin de favoriser la stabilité du capital, seuls les actionnaires en place devraient pouvoir continuer à bénéficier de ce droit préférentiel.
    Notre amendement visant à exclure les droits de vote multiples pour la politique de rémunération des mandataires sociaux a certes été adopté au Sénat. Cependant, vous auriez pu choisir un meilleur équilibre, en soutenant nos amendements tendant à rendre obligatoires les résolutions climatiques en assemblée générale – le say on climate ; vous les avez malheureusement balayés d’un revers de la main.
    Nous, écologistes, au rebours de votre vision libérale, croyons à l’entreprise comme collectif humain, engagé dans la réalisation d’objectifs de long terme – économiques, mais aussi sociaux et environnementaux – où les salariés, et jusque dans les processus de décision, jouent un rôle central. Nous croyons à une économie plurielle donnant toute sa place à l’économie sociale et solidaire (ESS), aux côtés du secteur public et du secteur privé.

    M. Sylvain Maillard

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    L’un n’empêche pas l’autre !

    Mme Eva Sas

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    Nous nous félicitons, en ce sens, de l’adoption de notre amendement tendant à autoriser les Scop (sociétés coopératives de production) sous forme de SAS (sociétés par actions simplifiées) à émettre des titres participatifs, ouvrant ainsi les capacités de financement de l’économie sociale et solidaire.
    Cette avancée est cependant ternie par l’adoption, lors de l’examen du texte au Sénat, de l’article 2 quinquies. Il permet à des foncières immobilières classiques, ayant pour objet la préservation et la mise en valeur des monuments, des parcs et des jardins protégés, de bénéficier du statut d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus), torpillant ainsi les principes de l’économie sociale et solidaire. La porte est ouverte à des initiatives opportunistes et coûteuses, qui chercheront sans nul doute à bénéficier des dispositifs d’exonération fiscale prévus pour les investissements dans les entreprises agréées Esus – menaçant ainsi l’intégrité et les objectifs des véritables acteurs de l’ESS.
    Est-il vraiment pertinent de mettre sur un pied d’égalité l’entretien de parcs par des foncières immobilières et les missions d’associations et d’organismes d’insertion sociale ? Il est ironique de voir un tel changement s’opérer sans concertation préalable avec les acteurs de la filière, au mépris des efforts du Conseil supérieur de l’ESS pour maintenir une définition stricte et essentielle de l’utilité sociale, fondée sur la réponse à des besoins sociaux.
    Cet amendement ne fait que conforter notre détermination à voter contre ce texte qui, loin de moderniser notre économie, la livrera encore davantage aux intérêts financiers, au détriment des travailleurs, des petites entreprises et de l’environnement. Les Écologistes continueront à défendre une économie durable et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. le vice-président de la commission mixte paritaire applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La discussion générale est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
    Les amendements nos 1 et 2 du Gouvernement sont rédactionnels.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Alexandre Holroyd, rapporteur

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    Avis favorable, à titre personnel.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Nous aimerions que Mme la ministre nous réponde sur l’engagement que le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre Olivia Grégoire, avait pris à ce banc vis-à-vis de notre collègue Dominique Potier.
    Nous avions alors déposé un amendement visant à rénover le droit actionnarial en permettant à 150 actionnaires ou, pour les sociétés cotées dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard d’euros, à des actionnaires représentant 0,25 % du capital, d’inscrire un point à l’ordre du jour d’une assemblée générale. Le droit, en cette matière, n’a pas changé depuis 1967.
    La ministre s’était engagée à créer un groupe de travail destiné à faire évoluer cette question avant la réunion de la commission mixte paritaire. Cet engagement n’a pas été tenu. Nous aimerions avoir des réponses, compte tenu de l’importance du travail accompli par Dominique Potier sur ce sujet. La parole du Gouvernement doit avoir une valeur.

    (L’amendement no 1, modifiant l’article 2, est adopté.)

    (L’amendement no 2, modifiant l’article 13, est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        150
            Nombre de suffrages exprimés                147
            Majorité absolue                        74
                    Pour l’adoption                93
                    Contre                54

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Renforcement de l’ordonnance de protection et création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (no 2635).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Chandler, rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Émilie Chandler, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    Madame la ministre Aurore Bergé, permettez-moi de saluer dès à présent votre engagement sur cette question.
    La proposition de loi a été examinée dans cet hémicycle le 5 mars dernier. Elle est issue du rapport sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales – les VIF – que j’ai rédigé avec Dominique Vérien, rapporteure du texte au Sénat, et dont je salue ici également l’engagement.
    Alors même que les victimes qui tombent chaque année sous les coups de leur conjoint sont encore trop nombreuses, la proposition de loi apporte des solutions concrètes et une protection maximale aux victimes de violences intrafamiliales, y compris dans les cas où la procédure pénale n’est pas encore engagée.
    L’article 1er crée un nouveau dispositif : l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Celle-ci pourra être délivrée en vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales (JAF) en cas de danger grave et immédiat. Elle ne pourra être octroyée que dans le cas où une ordonnance de protection classique aura été demandée, car elle demeure accessoire à cette dernière.
    Les mesures prises dans le cadre de cette ordonnance provisoire prendront fin dès qu’une décision sur l’ordonnance de protection aura été prise. Ce dispositif doit permettre de ne pas laisser sans protection une victime de violences dans l’attente d’une décision sur sa demande d’ordonnance de protection.
    Le Sénat souhaitait que la personne en danger puisse, sur avis conforme du procureur de la République, demander une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cependant, tant pour éviter tout risque d’instrumentalisation que pour ne pas rendre la procédure plus complexe, seul le parquet sera habilité à faire cette demande.
    La violation d’une mesure prise dans le cadre d’une ordonnance de protection immédiate sera passible de 45 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement. Le même quantum de peine sera applicable en cas de violation de l’ordonnance de protection.
    L’article 2 bis, enfin, prévoit que puisse être octroyé un téléphone grave danger (TGD) dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate. C’est une nouveauté.
    Au-delà de la création de ce nouveau dispositif, nous avons également renforcé le dispositif de l’ordonnance de protection classique. L’article 1er du texte prévoit ainsi que soit prolongée jusqu’à douze mois, contre six aujourd’hui, la durée des mesures prononcées par le juge dans le cadre de l’ordonnance de protection. Cet allongement laisse plus de temps à la personne en danger pour organiser sa séparation, même si elle n’est pas mariée et si elle n’a pas d’enfant, pour une véritable égalité, quelle que soit la structure du foyer.
    À l’initiative de la rapporteure du Sénat, l’article 1er bis garantit qu’une personne bénéficiant d’une ordonnance de protection et qui a demandé la dissimulation de son adresse voie cette dernière masquée lors de la transmission des listes électorales : cette mesure de précaution utile est reprise dans le texte de compromis.
    Enfin, le Sénat a souhaité que le juge aux affaires familiales puisse attribuer temporairement à la partie demanderesse, dans le cadre de cette ordonnance de protection, la garde de l’animal de compagnie. Les animaux de compagnie sont en effet trop souvent utilisés dans ces procédures pour faire pression sur les victimes de violences, majeures comme mineures. Il nous a semblé important de conserver cet ajout dans le texte de compromis.
    Nous n’avons pas retenu la possibilité pour le juge d’autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’école de ses enfants car cela paraît incompatible avec les prérogatives du juge aux affaires familiales.
    Le texte adopté par le Sénat a modifié les conditions d’octroi d’une ordonnance de protection classique en faisant du danger et des violences vraisemblables un seul et même critère. Malheureusement, ce changement fragilise juridiquement le dispositif, risque que nous ne pouvons nous permettre de prendre. Néanmoins, pour clarifier notre intention en tant que législateur, nous vous proposons d’inclure la mention expresse qu’une ordonnance de protection peut être délivrée même en l’absence de cohabitation entre les deux époux. Soyons clairs : l’appréciation du danger ne doit pas être liée à ce critère de cohabitation.
    Je me félicite que ce texte arrive déjà au bout de son chemin législatif car il met à la disposition des juges un instrument supplémentaire pour protéger dans l’urgence les victimes de violences intrafamiliales, qu’il s’agisse d’adultes ou d’enfants. En tant que parlementaires, il nous reviendra évidemment de suivre la mise en œuvre de cette ordonnance provisoire de protection immédiate, notamment son appropriation par le ministère public.
    Pour éradiquer ce fléau social, nous ne lâcherons rien, jamais !
    Le Sénat a adopté le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) lundi dernier. J’espère qu’il sera également voté par notre assemblée à une large majorité.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Évelyne, 67 ans, abattue par son ex-conjoint à Saint-Jean-d’Assé, dans la Sarthe, alors qu’elle avait porté plainte pour harcèlement ; Hayatte, 38 ans, tuée à l’arme blanche à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, par son compagnon ; Yasmine, 25 ans, et ses deux enfants Lorenzo, 6 ans, et Nino, 3 ans, assassinés près de Cayenne par un ex-mari sortant de prison : ces morts font partie des quarante-huit féminicides recensés dans notre pays depuis le dépôt de cette proposition de loi en décembre. Quarante-huit femmes sont mortes assassinées sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints ; leurs enfants ont été les victimes directes ou indirectes de ces crimes, dont ils ont parfois été les témoins.
    Cette réalité glaçante, présente sur tous les territoires et fauchant des femmes de tous les âges et de tous les milieux, nous oblige tous. Il nous faut garantir un soutien et une protection à toutes les femmes victimes de conjoints ou d’ex-conjoints qui les considèrent comme leur propriété. Les femmes, comme les hommes, sont libres ; elles n’appartiennent à personne. Ce principe simple, nous devons inlassablement le répéter, le marteler.
    Quand elles souhaitent quitter un conjoint, violent ou non, qui n’accepte pas leur choix, quand elles veulent s’arracher à une dépendance ou à un contrôle coercitif, quand elles subissent ou veulent sortir des violences et reprendre le contrôle de leur vie, conquérir leur liberté, il est de notre devoir, de notre responsabilité, de mieux les protéger.
    C’est pourquoi, depuis son dépôt, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi. Elle est issue des travaux que vous avez menés, madame la rapporteure, chère Émilie Chandler, avec la présidente Dominique Vérien et qui ont fait l’objet d’un rapport parlementaire, « Plan Rouge VIF », dont les recommandations ont été intégrées dans le plan national Toutes et tous égaux.
    Votre rapport, qui fera date dans la lutte contre les violences faites aux femmes, a suscité une mobilisation transpartisane inédite pour renforcer la protection des victimes et assurer la réactivité de la chaîne judiciaire.
    Rappelons que la lutte contre les violences conjugales, grande cause nationale, a été placée au premier rang des priorités sous les deux quinquennats du Président de la République. Depuis le lancement du Grenelle des violences conjugales à l’automne 2019, nous avons œuvré collectivement pour encourager le recueil de la parole des victimes, renforcer la réponse pénale aux violences qu’elles subissent et améliorer leur protection. Je pense à la loi de 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille qui a créé le dispositif du bracelet antirapprochement (BAR) permettant de tenir les auteurs de violences à distance ou à la loi de 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui a instauré une dérogation autorisant la levée le secret médical pour les cas de violences.
    Par ailleurs, nous avons doublé les moyens du 3919, numéro national désormais accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Rappelons que le site arretonslesviolences.gouv.fr permet aux victimes d’entrer en contact direct à tout moment avec des policiers et des gendarmes spécifiquement formés et que la création de pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales dans toutes les juridictions est effective depuis le 1er janvier 2024.
    Plus récemment, vous avez voté à l’unanimité la proposition de loi d’Isabelle Santiago visant à mieux protéger et à accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales : le parent agresseur ne pourra plus se prévaloir de ses droits parentaux pour maintenir son contrôle coercitif ou réitérer ses agissements. Notre arsenal juridique a également été complété par la loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, promulguée la semaine dernière : un conjoint ayant tué son ou, plus souvent, sa partenaire ne pourra plus bénéficier des avantages tirés du contrat de mariage – en vertu d’une disposition scandaleuse et absurde.
    La lutte contre les violences intrafamiliales est un combat permanent qui se niche au cœur de nos familles, de nos intimités. Nous avons progressé : 52 302 personnes ont été condamnées pour des faits de violences conjugales en 2023, contre 22 202 en 2017 ; plus de 44 000 auteurs de violences ont été évincés de leur domicile en 2023, contre 11 300 en 2017 ; 5 693 téléphones grave danger (TGD) ont été déployés en 2023, contre 757 en 2020 ; plus de 1 000 bracelets antirapprochement ont été distribués, ce qui a permis de déclencher 10 500 interventions des forces de sécurité intérieure et de sauver sans doute autant de vies ; enfin, plus de 18 000 aides universelles d’urgence ont été versées depuis l’entrée en vigueur du dispositif, le 1er décembre 2023.
    Les juridictions ont par ailleurs su s’adapter : le délai moyen pour la délivrance des ordonnances de protection a été réduit à six jours ces derniers mois, contre quarante-deux jours en 2017 ; demain, si cette proposition de loi est définitivement adoptée, il ne sera plus que de quelques heures.
    Même si ce dispositif fait l’objet de demandes toujours croissantes – elles ont doublé par rapport à 2015 –, il faut reconnaître que le nombre d’ordonnances de protection délivrées en 2022, 6 000, semble bien faible par rapport au nombre de femmes s’étant déclarées victimes de violences conjugales cette même année – 321 000, selon la dernière lettre annuelle de l’Observatoire national des violences faites aux femmes.
    Nous devons donc collectivement poursuivre le combat grâce notamment à ce texte, porteur d’avancées concrètes en faveur des femmes, dont je salue l’ambition. Le dispositif tout à fait novateur et inédit qu’il met en place est fortement dérogatoire, dans la mesure où il conduit à conférer au juge civil des prérogatives de nature quasi pénales, en amont de toute déclaration de culpabilité et surtout en l’absence de contradictoire. Tant mieux, cela sauvera des vies – j’en ai la conviction !
    Je tiens à saluer aussi l’important travail accompli par la commission mixte paritaire, sous l’égide des deux rapporteures, Mmes Émilie Chandler et Dominique Vérien : le juge civil disposera d’un cadre sécurisé d’intervention urgente.
    L’article 1er permet d’allonger de six à douze mois la durée initiale des mesures ordonnées par le juge. Cette prolongation répond à de nombreux cas très complexes, auxquels il est difficile d’apporter une solution dans le délai initial de six mois, ou encore à la situation des personnes en danger qui ne peuvent pas bénéficier de la prolongation automatique parce qu’elles ne sont pas mariées ou n’ont pas eu d’enfant avec l’auteur présumé des violences.
    L’article 1er crée en outre un nouveau dispositif, l’ordonnance provisoire de protection immédiate, par laquelle le juge aux affaires familiales devra prononcer des mesures de protection en vingt-quatre heures et sans contradictoire, dans l’attente de l’audience au fond sur l’ordonnance de protection qui interviendra dans un délai de six jours. Possibilité est ainsi donnée au juge, dans les cas les plus graves, d’ordonner en urgence les mesures propres à assurer une protection immédiate des victimes de violences conjugales.
    Je salue l’introduction par le Sénat de l’article 1er bis, qui vise à dissimuler l’adresse de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection en cas de demande de communication des listes électorales.
    L’article 2 prévoit quant à lui que la violation d’une ordonnance de protection, comme d’une ordonnance de protection immédiate, sera sanctionnée pénalement d’une peine portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les peines encourues sont ainsi accrues et unifiées, quelle que soit la nature de l’ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales. Cette disposition est un message clair d’impunité zéro face aux agresseurs déjà identifiés, qui seraient tentés de passer outre les mesures édictées.
    Enfin, l’article 2 bis, lui aussi ajouté par le Sénat, prévoit expressément que la future ordonnance provisoire de protection immédiate donnera lieu, comme c’est le cas pour l’ordonnance de protection, à l’attribution d’un téléphone grave danger. Comme je le rappelais, 5 700 TGD ont été déployés l’année dernière. Ils permettent, grâce à la géolocalisation, de faire intervenir immédiatement les forces de l’ordre, après que la victime a déclenché l’alerte. Cet outil de protection est unanimement plébiscité pour son efficacité. Son extension aux futures ordonnances provisoires de protection immédiate contribuera à renforcer la protection que nous voulons accorder à toutes les victimes de violences conjugales.
    Alors qu’il faut en moyenne sept allers-retours aux victimes de violences avant de quitter définitivement le domicile conjugal, il est de notre devoir de renforcer par tous les moyens possibles le recueil de leur parole, le soutien à leur apporter et les sanctions à appliquer aux auteurs qui sont, faut-il encore le répéter, les seuls responsables de ce qu’elles ont subi. Si les femmes sont aujourd’hui davantage encouragées et aidées pour sortir de ces violences, force est de constater que les féminicides persistent et qu’il reste un très long chemin à parcourir pour garantir une réelle protection aux victimes.
    Il ne s’agit pas de chercher d’autres coupables et responsables que les auteurs de ces violences. Je tiens ici à saluer l’investissement de nos forces de l’ordre et les énormes progrès réalisés dans les pratiques d’accueil, de recueil de la parole et de prise en charge des victimes. Je salue également les autres acteurs de la chaîne judiciaire, dont je connais l’engagement quotidien en matière de lutte contre les violences intrafamiliales. Je pense à des juridictions particulièrement proactives. Ainsi, la cour d’appel de Poitiers a été la première à mettre en place un pôle de lutte contre les violences intrafamiliales ; elle a rendu en janvier cinq arrêts significatifs, se distinguant par le recours au concept de contrôle coercitif pour contextualiser des cas de violences conjugales.
    Le chemin que nous devons suivre est difficile. Ne nous y trompons pas, les féminicides, par la répétition du schéma qu’ils donnent à voir, ne sont pas des faits divers ; ce sont des faits de société, qui ont d’ailleurs trop longtemps bénéficié d’une forme de complaisance dans l’opinion en étant maquillés en crimes passionnels.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    En effet !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Pour faire reculer toutes ces violences, il importe que la société tout entière les combatte : l’éducation doit contribuer à faire grandir nos enfants dans nos valeurs d’égalité entre les filles et les garçons, dans les valeurs de liberté, pour soi mais aussi pour l’autre, et de respect de l’intégrité de chacun. Si la prévention est le maître mot pour éradiquer demain ces violences systémiques, il faut faire de la répression et de la tolérance zéro face aux conjoints violents notre ligne de conduite pour les victimes d’aujourd’hui.
    Pour elles, améliorons nos procédures, notre suivi, la détection des situations de plus forte exposition aux risques, l’accès aux droits et aux soins, la coordination entre les différentes réponses, qu’elles soient policières, judiciaires ou associatives. Nous leur devons aussi des comptes : lorsqu’un féminicide survient, un retour d’expérience doit être mis en place.
    Le renforcement de l’ordonnance de protection et la création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate constituent une étape forte du combat fondamental contre les violences faites aux femmes. Je vous invite à adopter ce texte qui s’inscrit dans notre objectif commun de garantir à chacune et à chacun la possibilité de garder ou de reprendre sa liberté d’aller et venir, de vivre avec qui et où il veut – laquelle est la liberté la plus fondamentale pour tout être humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Martin.

    Mme Pascale Martin

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    Ce texte va dans le bon sens : il solidifie le dispositif de protection des victimes en renforçant l’ordonnance de protection, par un allongement de sa durée notamment, et en créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Il constitue un progrès car toute protection supplémentaire est bonne à prendre au regard de l’urgence qu’il y a à agir pour protéger les femmes victimes de violences – le nombre effrayant de féminicides que vous avez cité, madame la ministre, ne nous la rappelle que trop – mais en raison de cette même urgence, il apparaît très insuffisant.
    D’abord, ses dispositions semblent difficilement applicables. Le bon fonctionnement de l’ordonnance provisoire de protection immédiate risque de se heurter aux réalités du terrain – je veux parler de la situation calamiteuse dans laquelle se trouvent les tribunaux judiciaires, surchargés et en manque d’effectifs. Le texte prévoit en effet que cette ordonnance sera délivrée sous vingt-quatre heures, en urgence, par le juge aux affaires familiales. Toutefois, dans la configuration actuelle, ce magistrat ne dispose pas de permanence sept jours sur sept. Il faudrait donc modifier en profondeur l’organisation des tribunaux pour accueillir cette nouvelle mesure, ce qui paraît difficilement envisageable au vu de la situation que je viens d’évoquer.
    Cette mesure risque donc d’être mal appliquée, voire de ne pas être appliquée du tout, si des moyens supplémentaires bien orientés ne sont pas alloués aux tribunaux. Pour que l’OPPI puisse se concrétiser et déployer toute son efficacité, il serait nécessaire d’investir massivement dans les services publics, en l’occurrence ici dans la justice.
    Plus largement, ce texte seul est très loin d’être à la hauteur de l’ampleur et des conséquences des violences sexistes et sexuelles et des violences intrafamiliales sur la vie des victimes. La réponse qu’il apporte en matière de protection des victimes et de lutte contre les VSS et les VIF ne comporte qu’un volet judiciaire et répressif et n’est que provisoire, limitée au court terme. Certes, il est nécessaire de disposer d’outils face à l’urgence, qui permettent aux victimes d’être protégées rapidement : c’est le sens de l’OPPI. Certes, il est nécessaire de donner plus de temps aux victimes pour se mettre en sécurité et reconstruire une situation stable : c’est le sens de l’allongement de l’ordonnance de protection de six à douze mois.

    M. Erwan Balanant

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    Ah ! Ce n’est pas si mal, quoi !

    Mme Pascale Martin

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    Cela étant dit, il convient d’engager désormais une politique publique, globale et ambitieuse, de lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales, qui prenne la mesure du caractère systémique de ces violences, du nombre de victimes, de l’explosion du nombre de plaintes ces dernières années, du temps et de l’accompagnement nécessaire pour s’extraire d’une situation de violence, d’un point de vue matériel mais aussi psychologique.
    Il est donc crucial que le texte dont nous débattons s’insère dans un ensemble plus large. C’est pourquoi nous défendons un accompagnement des victimes jusqu’à la sortie effective et durable des violences. Cela passe notamment par le renforcement des dispositifs d’accompagnement social et matériel des victimes – mise à disposition d’hébergements d’urgence et de téléphones grave danger, éviction de l’auteur du domicile familial, accès à des avocates ou avocats spécialisés, soutien financier aux associations féministes qui accompagnent les victimes, etc. – et par la prise en charge intégrale des soins spécialisés en psychotraumatologie : en la matière, le compte n’y est pas.
    La lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre les violences intrafamiliales nécessite de former des professionnels au repérage des violences, à l’accueil et à l’accompagnement des victimes. Elle passe enfin – c’est essentiel – par des politiques d’éducation et de sensibilisation sur la question des violences et des inégalités entre les femmes et les hommes, à destination de l’ensemble de la population, notamment des plus jeunes.
    Le déploiement de telles politiques nécessite un investissement. Or l’État consacre 184,4 millions d’euros par an à la protection des victimes de VSS et de VIF, soit 0,04 % de son budget global. Dans un rapport publié en 2023, la Fondation des femmes estime qu’il faudrait y consacrer au minimum 2,6 milliards d’euros par an, soit 0,5 % du budget de l’État. Cette proposition de loi, parce qu’elle est nettement insuffisante, constitue donc une nouvelle occasion de vous alerter sur le manque de moyens alloués à la justice et à la lutte contre les violences.
    Nous la voterons cependant, même si nous en déplorons les limites et le manque d’ambition. Elle nous rappelle l’urgence de la situation et nous alerte sur le fait que nous avons collectivement le devoir de faire plus et mieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Le collectif Féminicides par compagnons ou ex dénombre 102 féminicides en 2023. Cette statistique de l’horreur poursuit sa course au fil des années avec son cortège macabre de victimes. Ces féminicides se sont accompagnés de la mort de dix-huit enfants et laissent derrière eux 121 orphelins, dont vingt-quatre ont été témoins de ces violences absolues. Autre statistique effroyable : le service statistique ministériel de la sécurité intérieure a dénombré plus de 244 000 victimes de violences conjugales en 2022. Et ce nombre pourrait être plus élevé encore, puisqu’il repose sur les faits enregistrés par les forces de l’ordre et ne prend pas en compte toutes les violences emmurées dans le silence. En outre, d’après le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants sont victimes d’agressions sexuelles chaque année. Tous les cinq jours, un enfant meurt sous l’effet de violences parentales.
    Face au fléau des violences intrafamiliales, l’ordonnance de protection est une arme préventive efficace. Délivrée par le juge aux affaires familiales, elle permet à la victime vraisemblable de violences conjugales d’obtenir une mesure de protection judiciaire pour elle et ses enfants. Au total, 5 792 ordonnances de protection ont été demandées en 2022 – un peu moins qu’en 2021, mais nettement plus qu’au cours de la décennie précédente.
    Adoptée à l’initiative du groupe Les Républicains,…

    M. Maxime Minot

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    Eh oui ! C’est important de le dire !

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    …la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a permis de renforcer le recours aux ordonnances de protection.
    Elle dispose notamment que l’absence de dépôt de plainte pénale ne peut fonder un refus de délivrance et que la victime conserve la jouissance du logement commun, et prévoit la possibilité d’aménager le droit de visite du conjoint défendeur, le placement sous surveillance électronique du conjoint violent dès la délivrance de l’ordonnance de protection ou encore l’information automatique du procureur de la République.
    Surtout, face à l’urgence des situations, elle fixe à six jours maximum le délai de délivrance d’une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales. Ce délai est une avancée importante, mais insuffisante pour répondre pleinement à l’urgence des situations de violences conjugales. Aussi convient-il de prévoir une ordonnance de protection immédiate, temporaire, dans l’attente de la décision au fond sur l’ordonnance de protection. C’est ce que tend à faire, salutairement, cette proposition de loi en son article 1er, qui prévoit en outre d’allonger la durée initiale de l’ordonnance de protection de six à douze mois. La durée actuelle est effectivement insuffisante pour répondre à des contextes particulièrement conflictuels, qui nécessitent plus de six mois pour trouver des solutions.
    Saluons les autres avancées proposées et adoptées par le Sénat. Je pense à la suspension provisoire du droit de visite et d’hébergement de l’auteur présumé des violences et à l’extension du bénéfice de l’ordonnance provisoire de protection immédiate aux personnes majeures menacées de mariage forcé. Évoquons également la possibilité d’attribution d’un téléphone grave danger dans le cadre de cette procédure provisoire, ainsi que les garanties supplémentaires apportées pour masquer l’adresse de la victime ou encore une précision légistique bienvenue pour éviter que la demande d’ordonnance de protection soit refusée au motif qu’il n’y a plus de cohabitation. Ces avancées indéniables doivent être unanimement soutenues, tant elles permettent de combler des failles dans notre dispositif de protection et constituent des avancées dans la lutte contre les violences conjugales. Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de ce texte.
    Pour autant, une importante marge de progression demeure. Si près de 5 800 ordonnances de protection ont été demandées en 2022, près de 40 000 ont été sollicitées en 2018 en Espagne, pour une population moins nombreuse. Un long chemin reste à parcourir pour rattraper nos voisins ibériques, qui, grâce à un fort volontarisme politique, ont réussi de façon exemplaire à lutter plus efficacement contre les violences conjugales. Cette proposition de loi ne permettra pas de résoudre le problème du faible recours aux ordonnances de protection dans notre pays. Nous devons donc nous montrer particulièrement vigilants sur ce point et viser une amélioration du niveau de recours.
    Surtout, le périmètre des ordonnances de protection mériterait d’être étendu. Si les victimes de violences conjugales et les enfants covictimes peuvent en bénéficier et s’il existe une ordonnance de protection pour les personnes majeures menacées de mariage forcé, une lacune importante demeure dans la mise à l’abri des enfants victimes de violences. Les parents mis en cause ne font pas automatiquement l’objet d’une mesure d’éloignement et, dans la plupart des cas, les enfants restent exposés aux violences à la suite d’un signalement. Il est donc nécessaire de rendre obligatoire la saisine du juge aux affaires familiales par le ministère public pour qu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Enfin, une ordonnance de protection immédiate pour l’enfant victime de violences reste à inventer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    La lutte contre les violences conjugales et les violences intrafamiliales est une lutte de chaque instant. Même si tout n’est pas parfait, nous avons pris la mesure de l’urgence sociétale de cette situation en en faisant un véritable enjeu de politique publique. Notre présence pour adopter cette loi en est une preuve supplémentaire. En faisant de la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales l’une des grandes causes de son quinquennat, le Président de la République a permis un véritable coup d’accélérateur, notamment grâce au Grenelle des violences conjugales.
    Une nouvelle fois, je vais prendre le contre-pied de ce que nous faisons habituellement à cette tribune. La lutte contre les violences conjugales et les violences intrafamiliales est quotidienne et d’une telle importance qu’il me paraît primordial et nécessaire de profiter du temps qui m’est offert pour m’adresser directement à toutes les victimes et à tous les témoins de ces violences. Je veux leur dire que nous les croyons et leur rappeler les dispositifs auxquels ils peuvent recourir pour être écoutés et aidés – je vous remercie, madame la ministre, de les avoir énumérés dans votre discours.
    C’est une lutte de tous les instants et le combat doit continuer. Les chiffres de 2022 sont édifiants : 118 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales, 267 femmes ont été victimes de tentatives de féminicide et plus de 239 000 victimes de violences au sein du couple ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie. Les chiffres de 2023, malgré une petite baisse du nombre de féminicides, ne sont pas moins glaçants : 94 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales. Ainsi, l’urgence à agir demeure.
    Nous voilà donc – pour une fois, c’est heureux – à l’aube de la sixième réforme de l’ordonnance de protection depuis sa création en 2010 – suite logique de la loi visant à agir contre les violences faites aux femmes du 28 décembre 2019 qui avait réduit à six jours le délai dans lequel les ordonnances de protection doivent être prises, contre vingt-cinq jours en moyenne auparavant. Grâce à notre vote, nous allons doubler la durée d’application des mesures prononcées par le juge dans le cadre d’une ordonnance de protection, la prolongeant de six à douze mois. Grâce à notre vote, des ordonnances provisoires de protection immédiate pourront être prises dans un délai de vingt-quatre heures, laissant ainsi six jours à la justice pour statuer sur la délivrance de cette ordonnance de protection. Grâce à notre vote, nous allons assurer une meilleure protection aux victimes, qui pourront être protégées dès l’instant où elles feront une demande d’ordonnance de protection et qui disposeront de plus de temps pour organiser leur séparation.
    Lors des débats sur la loi de 2019, le groupe Démocrate avait déjà insisté sur la nécessité d’agir encore plus vite et de prévoir une protection d’urgence. L’an dernier, la proposition de loi de notre collègue Cécile Untermaier nous a permis d’insister à nouveau sur la nécessité de développer encore davantage l’ordonnance de protection, de favoriser sa délivrance et d’allonger sa durée. Le plan Rouge VIF, dont vous êtes l’une des auteures, madame la rapporteure, a permis d’établir définitivement la nécessité de prolonger la durée des mesures prises dans le cadre d’une ordonnance de protection, ainsi que la nécessité d’une ordonnance provisoire de protection immédiate.
    Cette réforme est donc indispensable et nous allons aujourd’hui l’adopter définitivement. Nous nous félicitons de la célérité avec laquelle ce texte trouve son aboutissement. Nous avons su collectivement – Gouvernement, députés et sénateurs – trouver les solutions. Si nous avons pu diverger et débattre sur la création des nouvelles ordonnances provisoires de protection immédiate, sachez, madame la rapporteure, que notre unique but, comme le vôtre, est bel et bien celui d’une plus grande et d’une meilleure protection de toutes les victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Le groupe Démocrate vous remercie d’avoir promu ce débat sur nos bancs. Nous voterons donc en faveur de votre proposition de loi avec conviction, soulagement et fierté. (M. Frédéric Petit applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    Le sujet de la lutte contre les violences conjugales n’est malheureusement pas épuisé : tout ce qui apporte, avec efficacité et réalisme, davantage de protection et de sécurité aux victimes est donc le bienvenu. Les violences intrafamiliales sont un véritable fléau qu’il convient d’endiguer par tous les moyens. À cet égard, cette proposition de loi fixe l’objectif louable de renforcer les outils judiciaires en faveur de la protection des victimes et en particulier des femmes, lorsque l’on sait que 147 d’entre elles ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire en 2022.
    L’égalité entre les femmes et les hommes ayant été déclarée grande cause nationale sous le quinquennat actuel et le précédent, de nombreuses mesures ont permis des avancées majeures, notamment s’agissant de la protection face aux violences intrafamiliales : je pense au renforcement de l’ordonnance de protection des victimes, à l’élargissement du port du bracelet antirapprochement, à l’attribution aux victimes d’un téléphone grave danger, à l’accompagnement à l’accès au logement, ou encore à la suspension du droit d’un parent violent à la visite et à l’hébergement de son enfant mineur.
    Le groupe Horizons et apparentés et la majorité présidentielle sont pleinement engagés dans cette lutte, aux côtés de toutes les forces vives de cette assemblée. L’ordonnance de protection est un outil judiciaire central dans la politique de protection des victimes. En 2023, nous avons d’ailleurs adopté à l’unanimité deux propositions de loi importantes : celle de Cécile Untermaier visant à allonger la durée maximale de l’ordonnance de protection – dispositif repris dans le présent texte – et celle d’Isabelle Santiago, devenue, depuis le 18 mars 2024, la loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
    Naturellement, le groupe Horizons et apparentés soutient avec force cette proposition de loi, notamment parce qu’elle propose un nouveau dispositif de protection des victimes : l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette innovation, proposée par l’excellente rapporteure Émilie Chandler et par la sénatrice Dominique Vérien, contribue à améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. En effet, face à un danger grave et imminent et à un risque élevé de violences, le délai de six jours entre la saisine du juge aux affaires familiales et la délivrance d’une ordonnance de protection se révélait très long et pouvait exposer inutilement les victimes à une situation pourtant connue des pouvoirs publics. Sous réserve que les conditions en soient remplies, l’ordonnance provisoire de protection immédiate serait délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures.
    L’équilibre entre nécessité de protéger les victimes et préservation des libertés individuelles de chacun en l’absence de décision judiciaire définitive me semble maintenu. Ainsi, la procédure de délivrance de cette nouvelle ordonnance de protection ne saurait être instrumentalisée par la victime au moyen d’une saisine directe du juge aux affaires familiales ; le monopole du ministère public en la matière me semble important. Le temps est venu de se doter des moyens de montrer aux Français que la justice est capable de faire preuve de réactivité au service de la protection de nos concitoyens et, surtout, de nos concitoyennes.
    Enrichi à l’Assemblée nationale comme au Sénat, le texte, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, permet également de conforter l’ordonnance de protection classique en précisant, ou du moins en rappelant, que le danger peut exister même lorsque la cohabitation a pris fin ou n’a jamais eu lieu. Cette modification importante vise à résoudre le problème que pose la frilosité de certains juges, qui refusent de délivrer une ordonnance de protection dès lors que la victime et l’auteur désigné ne vivent plus sous le même toit.
    La proposition de loi vise également à accroître les moyens de protection à la disposition du juge dans le cadre de l’ordonnance de protection classique et de l’ordonnance provisoire de protection immédiate : elle permet au procureur de la République d’attribuer à la victime un téléphone grave danger ; elle permet au juge d’imposer le port d’un bracelet antirapprochement à la personne ayant violé l’OPPI. Enfin, elle tend à modifier le code électoral pour remédier à un défaut d’articulation avec le code civil et garantir l’effectivité de la dissimulation de l’adresse de la victime lorsqu’elle est prononcée par le juge aux affaires familiales, y compris sur les listes électorales, que certains auteurs de harcèlement consultent pour localiser leur victime.
    Je suis convaincu que chacune de ces mesures permettra de protéger davantage et plus rapidement toutes celles et ceux qui en ont besoin. C’est la raison pour laquelle le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi, que nous remercions Mme la rapporteure d’avoir déposée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Cette proposition de loi est une réponse partielle à un constat dramatique : en 2022, alors qu’on dénombrait plus de 240 000 victimes de violences conjugales – un nombre en hausse de 15 % par rapport à 2021 –, moins de 6 000 ordonnances de protection ont été demandées et seules 3 586 ont été délivrées. Ce fossé entre le danger de mort auquel ces victimes sont exposées et l’impuissance de la police et de la justice à les protéger, malgré des efforts indéniables, nous oblige à réagir.
    Le renforcement de l’ordonnance de protection classique ne peut qu’emporter le soutien du groupe Socialistes et apparentés, d’autant que nous en avons eu l’initiative, comme l’ont aimablement rappelé MM. Balanant et Pradal. L’allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection de six à douze mois, qui, sous certaines conditions, ne s’accompagne pas de l’obligation de renouveler la procédure après six mois, est une vraie mesure de simplification tant pour les victimes que pour les magistrats, une mesure comme nous aimerions en voir plus souvent dans nos textes de loi. Quant à la possibilité de délivrer l’ordonnance de protection même en l’absence de cohabitation du couple et de masquer l’adresse de la victime sur les listes électorales lorsque la dissimulation de l’adresse a été autorisée par le juge aux affaires familiales, ces mesures répondent à un souci d’efficacité.
    En revanche, je reste convaincue – et je ne suis pas la seule –, que la nécessité de réunir les critères cumulatifs de l’existence d’un danger et de violences vraisemblables reste problématique pour le magistrat. Le critère des violences vraisemblables, nous semble-t-il, suffit à fonder une demande d’ordonnance de protection auprès du juge aux affaires familiales. Il me paraît inopportun de demander au magistrat de déterminer quel niveau de violence entraîne un danger. Le principe qui s’applique en matière de violences commises contre les enfants vaut aussi s’agissant des femmes : nous devons entendre la parole des victimes. C’est ce qu’elles attendent de nous.
    Il faut aussi faciliter l’argumentation des juges. Or tous ceux que j’ai rencontrés confirment l’analyse du Comité national de l’ordonnance de protection (Cnop), selon laquelle la notion de danger vraisemblable complexifie la décision du juge qui se refuse – à raison – à établir une hiérarchie des violences, en distinguant celles qui seraient sources de danger de celles qui ne le seraient pas. Rappelons que la délivrance d’une ordonnance constitue une mesure de protection et non une décision de culpabilité.
    Sur ce point, il me semble, madame la ministre, que nous aurions pu avancer plus résolument si vous aviez été aux commandes. Nous devrons procéder tôt ou tard à cette modification des critères.
    Enfin, l’ordonnance provisoire de protection immédiate, délivrée sous vingt-quatre heures, est une innovation essentielle en cas de danger imminent. Nous remercions Émilie Chandler de mettre ce nouvel outil à la disposition des magistrats et au service des femmes victimes de violences.
    La lutte contre les violences intrafamiliales est directement liée à la capacité des magistrats de se saisir rapidement des outils dont ils disposent, ce qui implique des moyens et des effectifs. Le texte crée un nouvel outil et les effectifs sont en train d’être réunis ; nous devons progresser dans cette voie. En raison de toutes ces avancées, nous voterons la proposition de loi, ce qui ne surprendra personne, car telle est notre position depuis la première lecture.
    Pour conclure, j’émettrai deux remarques. Premièrement, l’efficience de l’ordonnance de protection exige la réactivité de tous les acteurs judiciaires et de police. On retrouve encore trop de conjoints violents dans le lieu de vie de la victime ou à la sortie de son lieu de travail. Nous devons garantir la réaction rapide des services de police ou de gendarmerie saisis, sous l’autorité du juge ou du procureur.
    Deuxièmement, la justice restaurative, dans les cas de violences intrafamiliales, conforte l’efficacité de la peine. Ce dispositif, complémentaire de la justice pénale, n’a rien de laxiste. Il obtient d’excellents résultats, notamment au Québec, qui a instauré une réelle politique en la matière et l’a dotée de crédits d’État. Il faut avancer dans cette voie ; je tiens d’ailleurs à féliciter Caroline Yadan, qui a organisé hier avec beaucoup de succès un colloque à ce sujet. C’est ainsi que nous gagnerons cette bataille et que nous protégerons les femmes. La justice restaurative est un excellent moyen de responsabiliser l’auteur de violences en le mettant en face de sa victime.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    C’est vrai !

    Mme Cécile Untermaier

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    Il ne s’agit nullement de laxisme, mais d’un dialogue complémentaire à la peine. Or, sans le dialogue, nous ne parviendrons pas à lutter contre le fléau des violences intrafamiliales. (Mmes Caroline Yadan, Emmanuelle Anthoine et Sandra Regol applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Vous connaissez mon engagement dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Ce fléau touche particulièrement mon territoire, La Réunion, où 15 % des femmes sont victimes de violences intrafamiliales et où les forces de l’ordre mènent chaque jour vingt et une interventions pour des cas de VIF, comme on les appelle. On croirait une malédiction ; elle se transmet de génération en génération, infiltre tous les pores de notre société. Les VIF sont tantôt la cause, tantôt la conséquence des nombreux maux que nous combattons : les addictions, l’échec scolaire, la précarité, l’exclusion et – encore – la violence.
    En la matière, je soutiens donc toutes les initiatives, toutes les propositions, les grands projets comme les petits pas, tant qu’ils permettent de prévenir les violences intrafamiliales et de mieux protéger les victimes. Ce texte visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer une ordonnance provisoire de protection immédiate est un petit pas. Le groupe Gauche démocrate et républicaine le votera, mais permettez-moi de regretter cette occasion manquée de réformer en profondeur l’ordonnance de protection. Ensemble, nous aurions pu faire un grand pas.
    Il y a plus d’un an, en votant à l’unanimité la proposition de loi de Cécile Untermaier, nous avons dit oui à un texte ambitieux qui visait à modifier la double condition – caractère vraisemblable des violences et existence d’un danger effectif – exigée pour la délivrance d’une ordonnance de protection. Ce texte attend toujours quelque part entre le Palais-Bourbon et la rue de Vaugirard… En supprimant le critère de danger effectif ou en le remplaçant par un critère de danger potentiel, la proposition de loi de notre collègue socialiste aurait permis d’étendre les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, donc d’augmenter le nombre de victimes protégées.
    En effet, le véritable problème de ce dispositif réside dans le faible taux de saisine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2021, seules 5 901 demandes d’ordonnance de protection ont été formulées, pour 208 000 victimes de violences conjugales. Sur près de 6 000 demandes formulées, 67 % ont été accordées. Assouplir les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection n’est donc pas une lubie mais une nécessité. C’est ce que nous demandent les associations et les victimes.
    Puisqu’il ne modifie pas les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, je crains que votre texte ne change rien au faible taux de saisine. Peut-être est-ce volontaire ? Ne prenez pas personnellement ma remarque, madame la ministre déléguée ; je devrais plutôt dire : « Peut-être est-ce contraint ? » Peut-être notre système judiciaire n’est-il pas prêt à accueillir un afflux de demandes, ni suffisamment doté pour protéger toutes celles et tous ceux qui doivent l’être ? L’allongement de la durée de l’ordonnance de protection, portée de six à douze mois, fait écho à l’allongement des délais de jugement. Ainsi, en 2021, la durée moyenne d’une procédure correctionnelle était de neuf mois. Il était donc nécessaire d’allonger la durée de l’ordonnance de protection pour que la victime soit protégée, au moins jusqu’au jugement pénal.
    Il en va de même en ce qui concerne la nouvelle ordonnance de protection provisoire immédiate, délivrée par le juge aux affaires familiales : votre décision de ne pas ouvrir la saisine aux victimes et de la réserver au seul procureur de la République montre que vous craignez de ne pas pouvoir faire face à l’afflux de requêtes et de voir le délai de vingt-quatre heures non respecté.
    Le texte dit la volonté de lutter contre les VIF – je connais votre engagement en la matière, madame la ministre, et je ne doute pas de votre sincérité –, mais aussi la pénurie de notre système judiciaire. (Mme Pascale Martin applaudit.) Je m’interroge d’ailleurs quant à cette nouvelle procédure d’extrême urgence : quel intérêt le procureur aura-t-il à saisir le juge aux affaires familiales quand le juge des libertés et de la détention peut déjà prendre des mesures dans le cadre d’un contrôle judiciaire ? Vous allégez l’office du juge pénal, mais la justice civile, elle aussi, est exsangue !
    L’avenir nous dira si cette réforme permettra de faire avancer substantiellement le droit des victimes de violences intrafamiliales. J’en doute. Mais, pour toutes les femmes, tous les enfants, tous les hommes aussi, dont la vie, dans l’Hexagone comme à La Réunion, est mise en danger, j’espère me tromper. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – M. Frédéric Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Je ne ferai pas durer le suspense : le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra pleinement cette proposition de loi. À l’heure où les violences conjugales ne cessent de progresser, l’arsenal judiciaire mis à disposition des victimes doit être à la hauteur des enjeux.
    À chaque fois que notre assemblée est amenée à étudier un texte traitant des violences faites aux femmes, les mêmes chiffres alarmants reviennent. Je tiens cependant à les rappeler encore une fois, pour que chacun prenne conscience de la gravité de la situation. Rien qu’en 2022, on recense 244 000 victimes de violences conjugales – essentiellement des femmes –, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2021 ! Quant aux féminicides, le bilan de 2023 reste intolérable : 134 femmes ont été tuées, selon les associations.
    Face à ces drames, l’ordonnance de protection a déjà démontré toute son utilité, mais elle reste sous-employée : seules 3 300 ordonnances ont été délivrées en 2020. Il faut donc encore améliorer cet outil ; tel est l’objet de ce texte. Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour le travail mené au cours de la navette parlementaire.
    Le groupe LIOT soutient sans réserve le doublement, de six à douze mois, de la durée de l’ordonnance. Cette mesure est issue de la proposition de loi de Cécile Untermaier que notre assemblée a adoptée à l’unanimité il y a plus d’un an. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps ; il faut désormais que la proposition de loi d’Émilie Chandler entre rapidement en vigueur.
    L’autre grand apport de cette proposition de loi tient à la création d’un dispositif complémentaire, une ordonnance provisoire qui serait rendue sous vingt-quatre heures. Cette avancée essentielle est très attendue, en particulier par les associations de défense des droits des femmes et d’aide aux victimes. En effet, l’ordonnance actuelle ne répond pas aux cas de danger imminent. En cas d’urgence, il faut que le juge puisse intervenir au plus vite.
    Si cette mesure, telle qu’elle est présentée dans cette proposition de loi, est indéniablement une avancée, notre groupe s’interroge encore sur son application. En pratique, le juge aux affaires familiales pourra-t-il se saisir et rendre une décision dans les temps ? Une loi sans mise en œuvre concrète resterait une simple déclaration d’intention. Je connais la détermination du garde des sceaux à ce sujet ; j’espère donc qu’il veillera à ce que la justice dispose des moyens suffisants pour tenir les délais.
    Notre groupe se réjouit aussi de l’extension de certaines garanties votées au Sénat, notamment la possibilité de dissimuler l’adresse, de suspendre temporairement les droits de visite et d’hébergement et surtout d’octroyer un téléphone grave danger en cas d’ordonnance provisoire.
    Nous avons cependant un regret qui porte sur la protection des enfants de la victime. La commission mixte paritaire a fait le choix de supprimer la possibilité pour le juge, en cas d’ordonnance de protection, de dissimuler l’adresse de l’école des enfants. Cette suppression est liée à des limites juridiques, le juge aux affaires familiales n’étant pas compétent en matière de titularité de l’autorité parentale. Bien sûr, nous entendons ces réserves, mais il aurait été souhaitable de trouver une solution de compromis plutôt que de supprimer cette mesure, car un parent visé par une ordonnance de protection peut aussi constituer un danger pour ses enfants. Faute d’une telle mesure, nous espérons que les juges n’hésiteront pas à prononcer, si cela est nécessaire, une interdiction de paraître dans les lieux fréquentés par les enfants.
    Enfin, j’aborderai la question de l’application concrète de l’ordonnance de protection. Le groupe LIOT tient à rappeler que les dispositifs que nous votons ici, à Paris, doivent être appliqués avec la même efficacité et la même exigence dans tous nos territoires, par exemple dans le département de la Mayenne où se trouve ma circonscription. En matière de violences conjugales, les fractures territoriales jouent contre les femmes. Je n’ai pas besoin de rappeler que certains territoires sont parfois délaissés ; ce sont toujours les mêmes, les zones rurales et les outre-mer.
    En dépit des efforts indéniables déployés ces dernières années pour redonner des moyens à la justice, ces fractures se font malheureusement toujours sentir. Les mesures que nous votons ici trouvent une application tardive ou même décalée dans le temps dans certains territoires d’outre-mer. Je ne peux donc qu’espérer que la mise en œuvre de cette nouvelle proposition de loi sera à la hauteur des objectifs qu’elle vise.
    Je l’ai dit, le groupe LIOT votera évidemment pour cette proposition de loi ; nous espérons qu’elle recueillera l’unanimité des votes de notre assemblée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Les chiffres ont été rappelés à de multiples reprises : alors qu’environ 321 000 femmes ont été victimes de violences en 2021, 5 873 demandes d’ordonnances de protection ont été acceptées la même année. Le constat est sans appel : notre société est encore loin de protéger efficacement les femmes de violences qui sont essentiellement masculines.
    La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter vise à apporter une réponse certes partielle mais bienvenue à ce problème majeur. En créant une ordonnance provisoire de protection immédiate et en allongeant la durée potentielle de l’ordonnance de protection à un an, elle renforce la protection des femmes en amont et en aval du dispositif.
    Son examen a permis d’intégrer des avancées, telle que la possibilité pour le procureur de délivrer un téléphone grave danger à la personne bénéficiant de l’ordonnance provisoire. L’efficacité de ce dispositif est démontrée – il sauve des vies – mais il n’est pas suffisamment déployé. Depuis plusieurs années, nous avons un contentieux avec le garde des sceaux à ce sujet, alors qu’un rapport d’Oxfam dénonce le nombre dérisoire de ces téléphones par rapport aux besoins effectifs. Mine Günbay, directrice de la fédération nationale Solidarité femmes, nous alerte sur le fait que certains téléphones ne sont même pas distribués et restent dans les placards.
    En outre, le texte issu de la CMP étend des mesures que le juge peut prononcer : il ajoute par exemple la dissimulation de l’adresse ou la suspension du droit de visite du conjoint violent. Il octroie au juge la possibilité de prononcer une mesure attribuant la garde de l’animal de compagnie à la personne victime de violences – cela compte aussi.
    Comme nous l’avons martelé au long de la navette parlementaire, ce texte comporte cependant des lacunes, que les dernières avancées n’ont pas permis de combler. Alors que les Écologistes et d’autres parlementaires avaient proposé par voie d’amendement que la personne victime de violences puisse directement solliciter une ordonnance provisoire de protection et que le Sénat avait adopté cette mesure, la CMP n’a pas jugé bon de la maintenir, ce que nous regrettons. Il est à craindre que, du fait de cette restriction, ce dispositif soit finalement peu employé : les procureurs ne disposent pas de suffisamment de temps pour se pencher sur les dossiers – on se souvient que 2 % seulement des ordonnances de protection sont délivrées à leur initiative.
    Un autre point négatif réside dans la nécessité de remplir deux critères cumulatifs pour bénéficier de l’ordonnance de protection : courir un danger vraisemblable et être victime de faits de violence vraisemblables. Le maintien de ce double critère laisse entendre qu’il existerait des violences sans danger pour les personnes, un seuil de violences tolérables dans le couple qu’il appartiendrait au juge de fixer. Les Écologistes le rappellent avec force : la violence n’a pas sa place dans le couple ; toute personne victime de violences, de quelque ordre que ce soit, est en danger. Cette proposition de loi ne le reconnaît pas.
    Enfin, plusieurs aspects ne sont pas abordés par le texte, alors qu’ils ont été mis en évidence, notamment par les travaux scientifiques de la sociologue Solenne Jouanneau ; ils devraient nous inciter à nous interroger et à poursuivre le travail. Ainsi, 80 % des femmes qui sollicitent une ordonnance de protection sont en situation de précarité économique. L’accompagnement financier proposé est-il à la hauteur de leurs besoins ? Ensuite, les femmes étrangères ou d’origine étrangère qui sont en couple avec un Français né en France sont celles qui ont le moins de chance d’obtenir une ordonnance de protection ; pourquoi ? Enfin, alors que ce n’est pas obligatoire, pourquoi les juges exigent-ils le plus souvent un dépôt de plainte et un certificat médical pour délivrer l’ordonnance de protection ? Toutes ces données sont chiffrées et décrivent la réalité ; pourtant la proposition de loi n’y répond pas.
    Au-delà du seul cadre légal, sans prétendre ici apporter une réponse opérationnelle immédiate, puisque ce n’est pas l’objet de mon intervention, il nous faut donc, en nous appuyant sur les travaux scientifiques, questionner nos pratiques pour permettre à la justice de répondre au mieux à la situation, de condamner les auteurs de violences et d’accorder une réparation aux victimes. Cécile Untermaier a rappelé l’importance de la justice restaurative.
    Les Écologistes voteront évidemment cette proposition de loi, qui permet des avancées, tout en regrettant qu’elle n’aille pas au bout de sa logique. Nous appelons à légiférer bientôt pour muscler davantage le dispositif et combler les lacunes qui, chaque jour, font de nouvelles victimes.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan

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    La violence marque toujours la faiblesse en esprit et la lâcheté en acte. Elle est, rappelait Isaac Asimov « le dernier refuge de l’incompétence ».
    En 2022, 244 000 victimes de violences conjugales ont été enregistrées par les forces de sécurité, dont 86 % de femmes. Deux tiers de ces violences sont des violences physiques, 30 % des violences verbales ou psychologiques et 5 % des violences sexuelles.
    Au cours des dernières années, plus de 360 millions d’euros ont été dédiés exclusivement à prévenir ces violences, à mieux protéger les victimes, à mettre en place un suivi et une prise en charge des auteurs. De nombreuses mesures ont été adoptées par notre majorité pour lutter contre ce fléau, parmi lesquelles l’instauration d’un parcours renforcé de formation à l’attention des policiers et des gendarmes, le bracelet antirapprochement, l’ordonnance de protection ou encore le déploiement du téléphone grave danger.
    L’ordonnance de protection apparaît comme un outil essentiel de lutte contre les violences conjugales, désormais bien connu du grand public et maîtrisé par tous les professionnels du droit. Ce moyen de protection est plébiscité par les associations de défense des femmes victimes de violence, qui y voient un dispositif à la fois rapide et efficace.
    Entre 2017 et 2021, le nombre d’ordonnances de protection délivrées a augmenté de 153 %. Néanmoins, ces résultats encourageants ne doivent pas nous démobiliser, car si nous les comparons avec la situation dans des pays voisins, comme l’Espagne, le nombre d’ordonnances de protection prononcées reste insuffisant. De plus, la durée, le délai d’obtention et la possibilité de prolongation du dispositif peuvent être améliorés.
    C’est l’objet de la proposition de loi d’Émilie Chandler, dont je salue le travail et l’engagement pour cette noble cause. Après l’accord trouvé avec les sénateurs en CMP, l’examen du texte touche à son terme.
    L’article 1er prévoit d’allonger la durée des mesures prononcées au titre de l’ordonnance de protection. Le code civil prévoit une durée maximale de ces mesures de six mois à compter de la notification de l’ordonnance, durée qui peut être prolongée si, durant ce délai, « une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou que le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale ». En portant la durée maximale à douze mois, nous accorderons aux victimes plus de temps pour réorganiser leur vie et nous en ferons bénéficier les victimes non mariées et sans enfant.
    Ensuite, l’article 1er crée l’ordonnance provisoire de protection immédiate, nouvel outil procédural qui permet au juge des affaires familiales, saisi par le procureur de la République, de protéger dans un délai de vingt-quatre heures une personne en danger, sous couvert de son accord. L’ordonnance provisoire de protection immédiate n’est pas conçue comme une alternative à l’ordonnance de protection. Elle protégera provisoirement la victime pendant le délai maximal de six jours entre l’audience et la décision rendue sur le fond par le juge aux affaires familiales, dans les situations où il existe un risque sérieux pour la victime, susceptible de se retrouver en situation de vulnérabilité face à un conjoint violent.
    L’article 2 crée une nouvelle infraction au code pénal pour non-respect des mesures de l’ordonnance provisoire de protection immédiat. L’article 3 transpose ces dispositions dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer.
    Je plussoie aux propos de Cécile Untermaier sur la nécessité de réfléchir à la pacification des relations grâce aux mesures de justice restaurative. Celle-ci permet de se confronter à l’autre pour se réparer ; elle permet aux auteurs de violences de prendre conscience de la gravité de leurs actes. Le colloque que j’ai organisé hier aux côtés de l’association Les avocats de la paix a fait état de cette réalité, si besoin en était.
    Cette proposition de loi apporte des outils procéduraux utiles pour la justice et indispensables pour mieux protéger les victimes de violence et leur famille. C’est un texte dont l’intérêt a été reconnu par tous les groupes lors de son examen, à l’Assemblée nationale et au Sénat, puisqu’il a été voté à l’unanimité. Le groupe Renaissance votera une nouvelle fois, avec conviction et enthousiasme, cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble du texte de la CMP, je suis saisie par les groupes Renaissance et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho

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    Le 3 août, Sylvie Sanchez a été tuée par son ex-compagnon, malgré une main courante déposée pour des menaces de mort deux mois auparavant. Le futur meurtrier avait quitté la gendarmerie avec une simple convocation pour une audience qui devait se tenir le 3 novembre, soit cinq mois après les faits. Un tel délai n’est malheureusement pas inhabituel en la matière, il peut même être bien plus long dans certaines juridictions. Il existe une tension entre l’urgence à statuer, en matière de violences conjugales, et les délais nécessaires à l’enquête pénale puis à l’audiencement – le temps procédural est souvent incompatible avec le temps de la victime. Les meurtres de femmes, quels que soient les progrès qui seront accomplis, ne seront jamais adéquatement combattus si le temps n’est pas considéré comme un facteur absolument prioritaire.
    Néanmoins, l’urgence à statuer ne doit pas faire oublier les droits de la défense et le principe du contradictoire. L’ordonnance de protection, créée en 2010, est un moyen de concilier ces exigences. Cet outil, devenu incontournable au fil des ans, reste beaucoup moins utilisé qu’en Espagne, pays pionnier en matière de lutte contre les violences intrafamiliales – le nombre d’ordonnances de protection délivrées y est dix-sept fois plus élevé qu’en France.
    Certes, nous partons de très loin : rien n’a été réellement fait pendant des dizaines d’années. Nous devons donc rattraper notre retard dans cette lutte, car le temps est un facteur fondamental qui joue contre les victimes. Soyons plus ambitieux, ne limitons pas notre action à l’ordonnance de protection et mettons à la disposition des victimes, femmes et enfants, davantage de places d’hébergement spécialisées pour répondre à leurs besoins spécifiques.
    En effet, seuls les hébergements spécialisés peuvent apporter le réconfort, la sécurité et l’aide indispensables à une reconstruction. Or le nombre de ces hébergements est trente-trois fois moins important en France qu’en Espagne, alors que la population française est supérieure de 30 % à celle de l’Espagne. Le nombre de places correspond ainsi à seulement à 15 % des besoins identifiés.
    Il faut davantage de policiers et de gendarmes pour recueillir les plaintes, car le temps d’écoute est important pour permettre le dévoilement des faits de violence ; il faut des brigades spécialisées et formées, les notions d’emprise et de dépendance n’étant pas toujours faciles à appréhender.
    Il faut également plus de juges et de greffiers, car les ordonnances de protection s’ajoutent à des rôles d’audience déjà bien chargés. Dans un tribunal judiciaire, lorsqu’il manque la moitié des juges aux affaires familiales – qu’importe les raisons – le système dysfonctionne encore plus et les délais s’allongent, ce qui n’arrange rien dans les dossiers contentieux.
    En outre, il faut mettre fin à l’empilement législatif, qui privilégie les bonnes intentions aux dépens de règles bien pensées et applicables. Nous avons besoin d’une loi-cadre, pensée sur le modèle de la loi-cadre espagnole de 2004, qui prendrait en compte tous les aspects civils, pénaux et économiques, ainsi que la situation des enfants. Un tel texte commencerait par la mise à plat complète des dispositifs existants et la chasse aux angles morts.
    Malgré le Grenelle des violences conjugales, les campagnes de sensibilisation, les avancées incontestables dans la prise en charge des victimes et les avancées procédurales apportées, en particulier, par l’ordonnance de protection, le nombre de féminicides continue d’augmenter, comme l’ont montré l’envolée record des chiffres en 2022 et, plus inquiétant encore, la très forte augmentation – + 45 % – des tentatives de féminicides.
    Tant que nous ne modifierons pas sérieusement et durablement le regard que certains hommes portent sur les femmes, nombre d’entre elles continueront à mourir sous les coups de leur conjoint.
    Nous saluons les avancées, mais la route est encore longue. Le présent texte va dans le bon sens, car il améliore la protection des victimes, initiée par le texte fondateur des ordonnances de protection. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                110
                    Contre                0

    (L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, LIOT et Écolo-NUPES.)

    4. Prévention des ingérences étrangères en France

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (no 2704).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Constance Le Grip, suppléant M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission mixte paritaire.

    Mme Constance Le Grip, suppléant M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    M. Sacha Houlié ne peut être parmi nous, retenu par un heureux événement. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

    M. Erwan Balanant

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    Bienvenue, Edgar !

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Nous examinons le texte élaboré par la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France. Fruit d’un long travail parlementaire, ce texte vise à mieux armer notre pays contre la menace grandissante que représentent les ingérences étrangères. Il traduit les propositions législatives formulées par la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), dans son rapport rendu public en novembre 2023. Il s’est également nourri des nombreux constats formulés dans le rapport de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, que j’ai eu l’honneur de présenter en juin 2023.
    Ce texte est structuré autour de trois axes. Premièrement, il vise à renforcer la transparence en matière d’influence étrangère, grâce à la création d’un répertoire retraçant les opérations d’influence menées dans notre pays au nom de puissances ou d’entités étrangères. Ce répertoire sera rendu public et géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le non-respect des obligations d’enregistrement de la représentation d’intérêts étrangers sera assorti de sanctions pénales. Le dispositif s’inspire du Foreign Agents Registration Act (FARA) américain, en vigueur depuis 1938, et qui a inspiré des législations récentes au Royaume-Uni, au Canada et en Australie.
    Deuxièmement, le texte cherche à améliorer l’information du Parlement et du grand public sur les risques et la réalité des ingérences étrangères, grâce à la remise régulière d’un rapport du Gouvernement au Parlement et à l’organisation d’un débat dans chacune des chambres.
    Troisièmement, le texte tend à élargir et à renforcer les outils mis à la disposition des services de renseignement pour mieux contrer les opérations d’ingérences étrangères. Il autorise ainsi le recours expérimental à la technique dite de l’algorithme, afin de détecter les opérations d’ingérence. Il étend aussi les mesures administratives de gel des avoirs, applicables en matière antiterroriste, aux personnes ayant commis des actes d’ingérence.
    Lors de l’examen en première lecture, les 26 et 27 mars, nous avons adopté plusieurs modifications visant à rendre le dispositif plus efficace et à le sécuriser juridiquement. De son côté, le Sénat s’est attaché à préciser et à compléter le texte, sans en changer l’esprit. Il a apporté des enrichissements utiles, notamment en créant une circonstance aggravante, lorsqu’il est attenté aux biens ou aux personnes dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère. Cette rédaction permet d’appréhender un large spectre de faits d’ingérence étrangère, tout en conservant l’équilibre du code pénal. Le Sénat a également souhaité permettre l’expérimentation d’algorithmes en cas de menace pour la défense nationale. Cet élargissement – limité – paraît nécessaire et proportionné pour lutter contre certaines menaces, en particulier les cyberattaques commanditées depuis l’étranger. Je me réjouis que le Sénat, en parallèle, ait renforcé le contrôle parlementaire sur l’application de cet article.
    Je souhaite saluer les votes convergents de nos deux assemblées, qui, en première lecture, se sont prononcées très largement en faveur de cette proposition de loi. Ce vote témoigne de constats partagés et d’une vision commune de la direction à prendre. Le texte élaboré par la CMP traduit cette volonté de compromis et de coconstruction, tout en préservant les enrichissements apportés par nos deux chambres et en améliorant la cohérence de l’ensemble. Il restait quelques divergences techniques ; la commission mixte paritaire s’est attachée à les dépasser. À ce titre, je souhaite remercier la rapporteure de la commission des lois du Sénat, Mme Agnès Canayer, également membre de la DPR, pour la qualité de nos échanges.
    Nous nous sommes accordés pour fixer la date d’entrée en vigueur du nouveau répertoire au 1er juillet 2025, ce qui nous laisse le temps de voter l’octroi de moyens supplémentaires à la HATVP. Nous avons conservé la disposition, introduite par les sénateurs, qui renforce le contrôle des reconversions des anciens ministres, membres d’autorités administratives indépendantes et élus locaux – celui-ci s’exercera sur les cinq années qui précèdent le début de l’activité, contre trois ans dans le droit commun. Enfin, nous avons maintenu les précisions que les sénateurs ont apportées au dispositif de gel des avoirs.
    Nous considérons que le texte issu des conclusions de la CMP est à la fois équilibré et respectueux de la volonté des deux chambres et souhaitons qu’il soit largement adopté par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger

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    La guerre informationnelle fait rage et les crises multiples que nous avons traversées ces dernières années – covid 19, invasion russe de l’Ukraine – ont rendu les populations plus vulnérables à la désinformation. La démocratie, en recul dans le monde, compte de plus en plus d’adversaires. Ces adversaires ont compris que l’un des moyens d’affaiblir la démocratie consistait à attaquer notre système informationnel. En distillant par tous les moyens la désinformation, ils cherchent à perturber le débat public, qu’ils polarisent et radicalisent.
    En France, nous avons constaté ces ingérences durant les campagnes présidentielles de 2017 et de 2022. Ces derniers mois, nous les avons reconnues : je pense aux cercueils déposés devant la Tour Eiffel, il y a quelques jours, aux mains rouges taguées sur le mur des Justes du mémorial de la Shoah, il y a quelques semaines, aux étoiles de David peintes sur des façades d’immeubles, il y a quelques mois.
    À la veille d’élections cruciales pour le destin de l’Europe, il me semble important de rappeler que ces opérations de manipulation, souvent commanditées, ont pour seul but d’influencer le vote des citoyens, afin d’affaiblir et de déstabiliser notre démocratie.
    Depuis plusieurs années, le Gouvernement travaille à la construction d’un véritable bouclier démocratique, au niveau français, avec le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), créé en 2021 ; et au niveau européen, avec le règlement sur les services numériques (Digital Services Act) qui impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux de lutter activement contre la désinformation.
    Je tiens à remercier le président et rapporteur de la CMP, Sacha Houlié, la rapporteure, Constance Le Grip, et tous ceux qui se sont associés à ce travail sur la question essentielle des tentatives d’influence et d’ingérence étrangères.
    Cette proposition de loi permet aux Français d’être dûment informés des activités ordonnées ou dirigées, au travers de mandataires, par des puissances étrangères, afin d’influencer le débat public. L’article 1er propose la création d’un registre sous la responsabilité de la HATVP, qui a vocation à recenser les représentants d’intérêts étrangers en France. Je remercie les parlementaires d’avoir enrichi la disposition en commission, en définissant précisément et de manière proportionnée les activités d’influence, et en circonscrivant strictement le dispositif aux personnes qui agissent pour le compte de puissances étrangères.
    Le deuxième volet du texte vise à lutter contre les tentatives d’ingérence étrangères, qui se distinguent de l’influence en ce qu’elles sont malveillantes et illégales. Pour les faire échouer, nous avons besoin d’un bouclier démocratique : des moyens de détection pour identifier les manœuvres informationnelles et des dispositifs de traitement pour dissuader les auteurs, en supprimant leurs comptes sur les réseaux sociaux notamment.
    En autorisant la mobilisation des techniques algorithmiques de traitement de données en sources ouvertes, l’article 4 donne aux services de renseignement les moyens d’anticiper, de détecter, de caractériser et d’attribuer des opérations de manipulation de l’information. Le but est clair : il s’agit de protéger l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire, la défense nationale, les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et, plus largement, de prévenir toute forme d’ingérence étrangère.
    Le Gouvernement salue également l’initiative des parlementaires qui ont introduit un article ouvrant la voie à un renforcement des sanctions et des peines applicables à l’encontre des personnes ayant attenté aux biens et aux personnes pour le compte d’une puissance étrangère. Cette disposition, dissuasive pourra, au besoin, être rapidement appliquée.
    Alors que la démocratie est attaquée, de l’intérieur comme de l’extérieur, il est crucial de renforcer notre arsenal et de disposer des outils nécessaires pour faire face aux tentatives d’influence et d’ingérence étrangères, qui se sont hélas multipliées à vive allure ces derniers mois. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères les surveille avec attention, et le ministre, Stéphane Séjourné, s’implique personnellement dans ce dossier. Je remercie encore une fois le rapporteur de la CMP, la rapporteure, les commissaires et l’ensemble des députés qui se sont investis dans l’examen de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et quelques bancs du groupe Dem.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Aurélien Saintoul.

    M. Aurélien Saintoul

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    Nous sommes d’accord : il faut protéger la souveraineté populaire. Mais comme ce texte ne le fait pas, nous proposons de le rejeter.
    En vérité, il n’est pas seulement vide et inefficace : il est dangereux, car il prend prétexte de la lutte contre les ingérences étrangères pour réduire encore l’espace des libertés publiques.
    Sur un sujet aussi grave et important, on aurait attendu un texte d’ampleur, avec un exposé des motifs dense, une véritable doctrine soutenant une approche nouvelle face à un problème certes ancien, mais dont on peut à la rigueur soutenir qu’il prend des formes particulières à l’ère de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux, des transactions financières instantanées et de la dérégulation généralisée. Mais en réalité, votre texte comporte à peine deux mesures – même le rapport de la commission d’enquête relative aux ingérences de puissances étrangères, dont Mme Le Grip était la rapporteure, comptait au moins dix propositions !
    C’est donc surtout un texte d’affichage que vous vouliez. M. Houlié a senti du dépit chez ses amis ; ayant été un mauvais garnement – il a un peu regimbé, en décembre, lors de l’examen du projet de loi « immigration » avant, tout penaud, de finir par le voter –,…

    M. Thomas Rudigoz

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    Oh là là, n’importe quoi !

    M. Aurélien Saintoul

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    …il a voulu donner des gages et faire un joli cadeau à son groupe.

    Mme Natalia Pouzyreff

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    C’est mesquin !

    M. Aurélien Saintoul

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    À quelques jours des élections européennes, avec votre finesse coutumière d’éléphant en goguette dans un magasin de porcelaine, vous nous infligez donc ce texte indigent pour faire mine d’agir contre la Russie et la Chine, vous donner le beau rôle et, joie suprême, éventuellement hurler à la mort contre ceux qui ne joueraient pas votre petit jeu.
    Je regrette, mais ce genre de manœuvre n’a qu’un temps : personne n’est dupe – à part peut-être quelques propagandistes officiant, à l’abri d’une carte de presse, pour Bolloré, Dassault ou quelque autre sponsor milliardaire.
    Des deux mesures de ce texte, l’une prêterait à sourire si elle ne représentait une grave menace sur la vie démocratique – j’y reviendrai –, l’autre est tout bonnement effrayante.
    Comme ce texte est d’initiative parlementaire, il ne fait l’objet d’aucune étude d’impact, alors qu’il touche un sujet fondamental, puisqu’il ouvre aux services de renseignement la possibilité de pratiquer un espionnage numérique de masse de la population française. Année après année, la liste des cas dans lesquels il est possible de recourir à des techniques spécialement intrusives et attentatoires aux libertés ne cesse de s’allonger. Ce qui devait n’être qu’une exception, autorisée dans le seul cadre de la lutte antiterroriste, continuera à se banaliser : étendues par ce texte à la lutte contre l’ingérence, ces mesures le seront sans doute, dans quelque temps, à la lutte contre le crime organisé et, de proche en proche, nous finirons tous par être traités comme des terroristes en puissance, privés de nos droits fondamentaux.
    Pour dissimuler votre pente liberticide, vous avez donc choisi une méthode qui vous dispense de présenter l’avis du Conseil d’État. Venant de vous, cela n’a plus rien de surprenant : nous savons bien que l’intimidation, la surveillance et la répression sont désormais les fondamentaux du macronisme. François Sureau lui-même, rédacteur des premiers statuts du parti En Marche, l’avait esquissé dès septembre 2019 dans un libelle intitulé « Sans la liberté ». Depuis, le confinement et la pantalonnade des autoattestations, les innombrables manifestations d’arbitraire – interdictions de manifester, recours à la technique de la nasse, gazages et autres brimades – n’ont sûrement pas attendri son diagnostic.
    Vous voulez créer un nouveau registre, confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans lequel s’inscrirait toute personne travaillant au service d’une puissance étrangère. Quelle drôle d’idée !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ah ?

    M. Aurélien Saintoul

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    Comme si la représentation officielle des intérêts d’un État n’existait pas déjà – ça s’appelle la diplomatie ! Comme si les agents de l’ingérence d’une puissance étrangère, quelle qu’elle soit, allaient reculer à l’idée de violer la loi en ne s’inscrivant pas dans ce registre ! C’est grotesque.
    Je vous l’ai dit en première lecture et le répète : imaginez-vous un journaliste corrompu qui, se frappant le front en bondissant, se ruerait à la HATVP pour déclarer ses liens d’intérêts avec le Qatar ? Imaginez-vous un agent secret russe qui, pris de remords, filerait droit à la HATVP pour offrir à la France une retentissante nouvelle affaire Farewell ?

    M. Frédéric Mathieu

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    Eh oui !

    M. Aurélien Saintoul

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    Si vous le croyez, vous êtes confondants de naïveté – et bien sûr, vous ne le croyez pas.
    En revanche, on sait que ce registre pourrait être instrumentalisé pour servir la calomnie et diaboliser des opposants politiques. Avec les prérogatives d’enquête administrative renforcées que vous souhaitez lui confier, la HATVP décidera-t-elle, demain, d’investiguer à la place du juge ? Ira-t-elle fouiller les ordinateurs de tel ou tel opposant que le pouvoir lui aura désigné comme un relais du « narratif » d’une puissance étrangère, pour reprendre un mot que vous adorez ? Lancera-t-on des enquêtes sur des personnes qui auraient travaillé pour un think tank aux États-Unis mais ne se seraient pas inscrites depuis au registre de la HATVP ? Ou sur les relais, aussi parfaitement haineux et aveuglés que sincères, de la propagande génocidaire de M. Netanyahou ? Devant leur alignement, si évident, comment la HATVP ne suspecterait-elle pas une non-déclaration illégale, et comment ne lancerait-elle pas une enquête infamante ?
    Bien sûr, à cet instant vous pensez que c’est impossible, puisque le pouvoir, c’est vous, et que les relais de cette propagande sont parmi vous. (M. Frédéric Mathieu sourit.) Certes, mais demain ? Puisque vous nous prêtez des intentions diaboliques, réfléchissez donc à l’usage que vos adversaires les plus honnis pourraient faire de vos lois : c’est, je crois, la meilleure approche pour éviter de nuire aux libertés.

    M. Arnaud Le Gall

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    Bien dit !

    M. Aurélien Saintoul

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    En réalité, mille et un exemples prouvent que vous vous souciez de notre souveraineté comme d’une guigne. Pour n’en citer qu’un, vous invitez le président ukrainien à s’exprimer dans notre hémicycle, tout juste deux jours avant la tenue des élections européennes. Il y a manifestement, dans votre esprit, la bonne influence d’un côté, la mauvaise ingérence de l’autre.
    Cette loi est inutile : les manifestations nouvelles de l’ingérence, les tentatives de manipulation du débat public ne seront pas traitées par ce texte. Celui-ci n’empêchera pas, par exemple, les inscriptions sur les murs qui hystérisent le débat public. Mieux vaudrait faire respecter la déontologie journalistique par les chaînes d’information ! Surtout, la plupart des grands aspects de l’ingérence sont déjà réprimés par la loi. En réalité, ce sont la corruption de l’esprit public, le laxisme de l’oligarchie envers ses membres et la cupidité vorace qui habite nombre des dirigeants de ce pays, qui nous rendent vulnérables à l’ingérence et conduisent à faire passer l’intérêt étranger ou l’intérêt privé avant l’intérêt général.

    M. Frédéric Mathieu

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    Exactement !

    M. Aurélien Saintoul

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    Un ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, devient une sorte d’entremetteur entre un club de football et le Qatar. Qu’en dit votre loi ? Rien. Qu’il décide de renoncer à son indemnité à vie, conçue précisément pour protéger la patrie contre la marchandisation de son influence ou la divulgation de secrets, qu’en dit votre loi ? Rien.

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Oh là là…

    M. Aurélien Saintoul

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    Vous pouvez souffler, monsieur le ministre, mais la ministre de la culture a elle aussi vendu ses services au Qatar, et la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation a été directrice du cabinet Avisa Partners, dont le Qatar, le Bahreïn ou encore la Côte d’Ivoire sont clients. Sous la législature précédente, on pouvait être député macroniste, président du groupe d’amitié France-Chine et membre du parti communiste chinois. Votre loi y changera-t-elle quelque chose ? Non, évidemment.
    Plusieurs années après, les auteurs de l’assassinat de militantes kurdes en plein Paris restent inconnus.

    M. Frédéric Mathieu

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    Honteux !

    M. Aurélien Saintoul

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    Avait-on besoin d’une loi pour réprimer cet acte ou plutôt de davantage de volontarisme pour enquêter ? Détenue par un milliardaire franco-israélo-christophien – je n’invente rien, il possède la nationalité de Saint-Christophe-et-Niéves, riant paradis fiscal –, la chaîne de télévision i24 News déverse à jets continus une propagande en faveur du massacre de la population de Gaza. (Mme Sarah Legrain applaudit.) Pourquoi ne pas lui faire connaître le même sort qu’à Sputnik et à RT ?
    Des contrats d’armement pharaoniques ont été conclus avec des despotes, en échange de pétrole ou d’une Légion d’honneur, comme pour le maréchal al-Sissi. Vous me répondrez qu’il ne s’agit pas d’ingérence : c’est tout à fait souverainement que le Gouvernement et le Président de la République choisissent d’avaler des couleuvres et décident de ne rien faire pour nous sortir de la dépendance aux énergies fossiles.
    Organisée par Emmanuel Macron sous la pression du Department of justice des États-Unis, la vente d’Alstom était-elle une simple faute ou un cas d’ingérence ? Votre texte n’y réfléchit même pas ! Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de celles et ceux qui ont empoché des honoraires faramineux dans l’opération ont ensuite fait un petit don à la campagne d’Emmanuel Macron…

    M. Hadrien Clouet

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    Quel hasard !

    M. Aurélien Saintoul

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    …, comme nous l’a appris la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle, présidée par Olivier Marleix.
    Voilà donc une liste non exhaustive de situations que votre texte n’empêchera pas, pas davantage qu’elle ne les sanctionnera. Elles auraient pourtant de quoi émouvoir des républicains scrupuleux, qui ne font pas de leur fonction le moyen de leur enrichissement futur, qui préfèrent le service de la patrie et l’accomplissement de leur devoir à la prévarication – mais il y a longtemps que ce mot vous est étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Laurent Alexandre

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Constance Le Grip, suppléant le rapporteur de la commission mixte paritaire.

    Mme Constance Le Grip,, rapporteure

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    Sans répondre à l’ensemble des propos,…

    M. Aurélien Saintoul

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    Ce serait difficile !

    Mme Constance Le Grip,, rapporteure

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    …fantasmes et outrances développés par M. Saintoul à l’occasion de la défense de la motion de rejet déposée par La France insoumise,…

    M. Arnaud Le Gall

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    Ce ne sont pas des fantasmes ! Même si vous n’êtes pas d’accord, il n’a fait qu’énoncer des faits !

    Mme Constance Le Grip,, rapporteure

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    …je voudrais revenir sur la technique de l’algorithme, sur laquelle vous vous êtes particulièrement étendu, et qui avait fait l’objet de longs débats en première lecture, tant en commission qu’en séance.

    Mme la présidente

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    Seule Mme la rapporteure a la parole ! Vous pourrez réagir à votre tour ensuite.

    Mme Constance Le Grip,, rapporteure

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    Je rappelle que, dès 2015, le Conseil d’État avait jugé qu’elle ne portait pas une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales. Le dispositif prévu par le Sénat, qui a été retenu par la commission mixte paritaire et est donc soumis à votre vote cet après-midi, est parfaitement encadré : il présente toutes les garanties nécessaires et fera l’objet d’un contrôle parlementaire renforcé. Je vous renvoie également à l’excellent travail sur l’ensemble des techniques de renseignement –– notamment sur celle dite de l’algorithme – mené avec beaucoup de sérieux et de rigueur par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). J’espère que ces précisions rassureront les vrais démocrates qui s’interrogeraient encore sur cette technique.

    M. Arnaud Le Gall

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    Parce que vous, vous êtes de vrais démocrates ?

    Mme Constance Le Grip,, rapporteure

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    Elle est, je le répète, très utilement mise au service des défenseurs des libertés, de la démocratie et de la souveraineté de notre pays. Face aux tentatives de déstabilisation et de destruction, il est essentiel de réarmer notre démocratie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Ce sont des faits établis par une commission d’enquête, pas des outrances ! Rendez les brevets d’Alstom !

    Mme la présidente

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    Monsieur Le Gall, faites silence je vous prie.

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Pfeffer.

    M. Kévin Pfeffer (RN)

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    Nous nous opposerons à cette motion de rejet, car le sujet des ingérences étrangères en France est beaucoup trop important pour être écarté.

    M. Aurélien Saintoul

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    Guignol !

    M. Kévin Pfeffer

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    Rappelons d’ailleurs que sans la présence du groupe RN, entré en force à l’Assemblée en 2022, ce sujet n’aurait peut-être jamais été inscrit à l’ordre du jour du Parlement. Car en sept ans au pouvoir, vous n’avez jamais rien fait : vous n’avez pas organisé de débat, vous n’avez pas déposé de texte, vous n’avez pas demandé de commission d’enquête.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Aurélien Saintoul

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    Et vous, vous avez fait de beaux emprunts !

    M. Kévin Pfeffer

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    C’est bien le RN qui a demandé sa création, et l’inscription à l’ordre du jour de la lecture de ses conclusions – nous en reparlerons, car elles sont aussi intéressantes que son déroulement.
    Nous ne souhaitons donc pas éluder ce débat, au contraire : parlons des conclusions de la commission d’enquête, qui ont été manipulées ! Parlons de l’excellence des services de renseignements ! Parlons du vide sidéral de votre texte et de votre refus, par exemple, de créer un délit d’ingérence étrangère, comme le proposait le RN !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Parlons des relations permanentes entre le RN et Poutine !

    M. Kévin Pfeffer

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    Parlons de votre instrumentalisation permanente des débats sur ce sujet ! Parlons des courroies de transmission des idées de la Chine, de la Russie et des États-Unis au sein de la Macronie ! Votons cette loi vide, mais surtout, débattons-en : ce sera toujours mieux que rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal (HOR)

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    « L’espionnage serait peut-être tolérable s’il pouvait être exercé par d’honnêtes gens », rappelait Montesquieu. Nous avons besoin d’une telle loi, nous avons besoin d’en débattre. Le groupe Horizons et apparentés votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    M. Hadrien Clouet

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    Puissant…

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe (Dem)

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    Ce texte est attendu et nécessaire. Nous avons été trop longtemps naïfs et nous n’avons pas su prendre en charge les ingérences étrangères. Il comprend une nouveauté, que je développerai dans la discussion générale : l’instauration d’un débat sur l’intelligence économique au Parlement, tous les deux ans, qui permettra le contrôle des acquisitions étrangères d’entreprises françaises. Ce débat est absolument nécessaire.

    M. Arnaud Le Gall

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    J’espère que le contrôle sera rétroactif !

    M. Philippe Latombe

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    Nous nous opposerons à la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe DEM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

    M. Guillaume Gouffier Valente (RE)

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    Le groupe Renaissance votera contre la présente motion de rejet préalable. Cher collègue Saintoul, j’ai trouvé très peu corrects les propos que vous avez tenus à l’encontre du président de la commission des lois, Sacha Houlié. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Au nom de notre groupe, je tiens à saluer les travaux qu’il a menés avec Constance Le Grip et Thomas Gassilloud. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Votre obstination à vous opposer à ce texte traduit un réel aveuglement, qui soulève plusieurs questions. S’agissant de l’article 3, soyez rassuré : l’algorithme est déjà utilisé dans d’autres domaines, de façon très encadrée : il ne permet pas l’identification des personnes auxquelles les données de connexion se rapportent, sauf en cas de menace terroriste, après avis de la CNCTR, et sur autorisation du Premier ministre. Son emploi dans le cadre de la lutte contre les ingérences étrangères sera également très encadré, notamment dans le temps. Je tenais à vous apporter ces éléments de précision, que vous aviez largement évacués. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Saintoul.

    M. Aurélien Saintoul

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    Pour répondre à nos collègues du Rassemblement national, je rappelle que Marine Le Pen a déclaré devant la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères : « ce que je sais, c’est qu’il y a très peu de pays au monde où le système bancaire n’a pas de relation directe avec le pouvoir politique ». Elle avouait benoîtement qu’elle trouvait tout à fait normal d’emprunter à une banque russe, fortement liée au pouvoir politique – on se le tient pour dit.

    M. Hervé de Lépinau

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    Quel raccourci minable !

    M. Aurélien Saintoul

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    Monsieur le ministre, vous avez expliqué qu’il y avait des influences malveillantes, sous-entendant qu’il y en ait de bienveillantes. La difficulté est qu’il faut pouvoir en juger. Qui êtes-vous pour déterminer le caractère bienveillant ou malveillant d’une influence ? Dans deux jours, le président Zelensky se rendra dans notre hémicycle pour nous inciter à l’aider davantage ; certains pourront penser qu’il nous engage à entrer en guerre. Est-ce une influence bienveillante ou malveillante ? Vous le voyez bien, vous vous faites des nœuds au cerveau, et vous n’êtes pas plus crédible que les humoristes qui parlaient des bons et des mauvais chasseurs. Malheureusement, nous en sommes là ! Ce texte est indigent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.)
    Vous pouvez arguer que vous posez des limites à l’espionnage de la population française, que vous encadrez les dispositions ; mais vous crantez, année après année, mois après mois, et vous empiétez progressivement sur le domaine des libertés publiques.
    Pour le reste, vous êtes un gouvernement de millionnaires,… (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Hors sujet !

    M. Aurélien Saintoul

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    …la plupart d’entre vous sont très liés aux représentants d’intérêts, vous entretenez une relation particulière avec le capitalisme international.

    Un député du groupe RN

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    Un petit-bourgeois qui parle de millionnaires !

    M. Aurélien Saintoul

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    C’est un fait avéré. Je comprends que cela vous fasse soupirer, mais il faut vous faire à l’idée. Cela ne vous paraît pas problématique qu’on représente les intérêts de la Côte d’Ivoire quand on travaille pour Avisa Partners. Moi, il me semble choquant de se mettre au service tantôt de l’intérêt de la France, tantôt de celui d’autres puissances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et Mélenchon et ses millions ?

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues, seul M. Dumont a la parole.

    M. Pierre-Henri Dumont (LR)

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    Les députés Les Républicains s’opposeront évidemment à la motion de rejet préalable. Cela fait longtemps que notre groupe a mis en avant ces questions d’ingérence étrangère. Je vous renvoie aux travaux du président Marleix sur General Electric et Alstom, lors de la précédente législature ; il était à la pointe, alors que le sujet n’occupait pas l’opinion publique.

    M. Fabien Di Filippo

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    Eh oui, nous avons été précurseurs !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Nous pouvons tous constater que cette proposition de loi présente des manques. Si elle est adoptée, ses différents dispositifs assureront des parades, qui seront probablement vite dépassées par les ingérences étrangères. Mais, chers collègues de l’extrême gauche, ne vaut-il pas mieux avoir ce bouclier que de ne pas en avoir du tout ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Reste à savoir pourquoi l’extrême gauche insoumise souhaite laisser la France seule, isolée, faible, face aux ingérences étrangères. C’est qu’ils sont devenus les principaux relais de telles ingérences, notamment en Nouvelle-Calédonie, en faisant alliance avec ceux qui veulent détruire la France, la priver d’un de ses territoires.

    Mme Danièle Obono

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    Et les Chinois ?

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Ils sont les premiers à offrir leurs données aux Chinois, en alimentant leurs comptes TikTok pour faire du buzz, plutôt que de la politique.

    M. Ugo Bernalicis

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    Jaloux !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il y a une différence entre les députés de droite et ceux d’extrême gauche : quand les uns travaillent pour leur pays, les autres travaillent pour leur parti. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Il est où Raffarin ?

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Ceux qui travaillent pour leur pays s’opposeront à la présente motion de rejet préalable et voteront en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    C’est grotesque !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa (LIOT)

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    Le groupe LIOT votera, évidemment, contre cette motion de rejet. Il est toujours savoureux de vous entendre dénoncer les ingérences étrangères, alors qu’à chaque fois que vous vous opposez à une Mayotte française, vous défendez les ingérences comoriennes sur notre territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Eh oui !

    Mme Estelle Youssouffa

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    Vous soutenez systématiquement toute position qui diminue la souveraineté de la France. Vous relayez un discours haineux, qui vise à détruire notre intégrité territoriale.

    Mme Danièle Obono

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    Et les méchants Géorgiens ?

    Mme Estelle Youssouffa

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    Ce matin encore, on a eu droit à toute une mise en scène sur l’illégalité de la position de la France à Mayotte. Ces allégations sont totalement infondées, mais vous vous en faites le relais, vous les amplifiez, sans aucune vergogne. L’assemblée adoptera ce texte contre les ingérences étrangères, et ce ne sera pas grâce à vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Danièle Obono

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    Bien heureusement !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        122
            Nombre de suffrages exprimés                122
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                21
                    Contre                101

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Élisa Martin.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Elle va nous expliquer comment gagner 400 euros par mois !

    Mme Élisa Martin

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    Condamnation par l’ONU, l’Otan et l’Union européenne ; profonde préoccupation du Président Emmanuel Macron ; manifestations d’envergure ; valeurs européennes bafouées.

    M. Erwan Balanant

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    Comment ça se passe à Grenoble ?

    Mme Élisa Martin

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    Cela se comprend, puisque les mandants étrangers, à savoir « les personnes morales qui sont directement ou indirectement dirigées ou contrôlées par une puissance étrangère […] ou qui sont financées pour plus de la moitié par une telle puissance étrangère »…

    M. Erwan Balanant

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    C’était payé en cash ?

    Mme Élisa Martin

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    …devront s’inscrire dans un répertoire numérique public où toutes les informations les concernant seront divulguées.

    M. Erwan Balanant

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    Comme nous, nous devons faire une déclaration à la HATVP !

    Mme Élisa Martin

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    Il ne s’agit pas là du texte que la Géorgie a adopté le mois dernier, mais de celui du gouvernement français, que vous vous apprêtez à voter. Il existe une grande similitude, n’est-ce pas ? Ils sont presque identiques.

    Mme Constance Le Grip,, rappporteure

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    Le texte n’a rien à voir avec la loi géorgienne.

    Mme Élisa Martin

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    Pourtant, il y a, d’un côté, des condamnations, des manifestations d’ampleur et une grande préoccupation exprimée par la France ; et de l’autre, l’argument de la sécurité et de la nécessité. De nouveau, vous faites deux poids, deux mesures. Comment osez-vous condamner ailleurs ce que vous faites dans votre propre pays ?

    M. Erwan Balanant

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    Ah, c’est une bonne question ! Comment osez-vous ?

    Mme Élisa Martin

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    Revenons à votre texte : il est flou, et aucune notion n’y est définie. Tout y est – on connaît votre musique désormais : aggravation des peines, techniques spéciales d’enquête élargie, surveillance de masse, solutionnisme technologique, contrôle de la société civile, y compris des avocats et des opposants. Mais nous ne sommes pas dupes.

    M. Benjamin Haddad

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    Ah non ! Nous ne sommes pas dupes !

    Mme Élisa Martin

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    Cette proposition de loi, tant attendue par le Gouvernement, est une occasion rêvée pour déployer de nouveau votre rhétorique martiale et manichéenne. Elle est l’occasion idéale d’attaquer encore une fois nos droits, nos libertés et nos systèmes démocratiques. Elle est le prétexte parfait pour continuer à mettre en place la surveillance de masse : avocats, associations, opposants politiques, candidats aux élections européennes, lanceurs d’alerte, syndicalistes, tous sont suspects.

    M. Erwan Balanant

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    C’est vrai qu’il faudrait surveiller un peu mieux les élus !

    Mme Élisa Martin

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    Nous ne sommes pas dupes. L’utilisation du même dispositif de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme a confirmé nos craintes. Encore une fois, vous employez une notion indéfinie, très pratique en raison de son amplitude. Les militants sont pour vous des écoterroristes ; les demandes de cessez-le-feu, une apologie du terrorisme ; et vous parlez maintenant de terroristes d’ultragauche, dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques. Aurez-vous l’honnêteté de reconnaître que votre but est de surveiller tout le monde, à commencer par nous ? Vous vivez dans la crainte constante d’ingérence en tout genre, l’actualité le montre.

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Ah ! L’actualité le montre !

    Mme Élisa Martin

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    Mais quand allez-vous vous inquiéter des véritables ingérences, comme la captation des données de santé des Français, exploitées par les États-Unis, ou la vente de technologies de pointe par des sociétés étrangères, notamment israéliennes ? Le logiciel Pegasus a ainsi permis de surveiller des personnalités politiques françaises au plus haut niveau.

    M. Arnaud Le Gall

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    Et la vente d’Alstom ?

    M. Erwan Balanant

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    Par qui est financé Le Canard enchaîné ? C’est ça la véritable ingérence !

    Mme Élisa Martin

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    À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques, vous comptez imposer la vidéosurveillance algorithmique avec la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Le présent texte franchit une nouvelle étape dans l’escalade sécuritaire et liberticide. La finalité est toujours la même : la surveillance de toutes et tous, en tout temps et à tout endroit. La France ne doit pas devenir un pays sous surveillance ; nous continuerons à nous battre pour l’empêcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe. (Mme Élisa Martin descend de la tribune et se dirige vers M. Erwan Balanant.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Mme Martin vient menacer un collègue ! Qu’est-ce que c’est que ces méthodes ? C’est de l’insoumission !

    M. Erwan Balanant

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    Madame la présidente, elle m’a menacé ! Des menaces physiques !

    Mme la présidente

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    Madame Martin, je prononce un rappel à l’ordre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    En novembre dernier, nous avons découvert des étoiles de David taguées sur des façades d’immeubles à Paris et en banlieue. Le service de l’État Viginum a pu identifier un lien avec un réseau russe responsable de la diffusion de photos et de son amplification artificielle. Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, cette opération d’ingérence numérique russe visait à semer la confusion et à créer des tensions dans le débat public en France. Ce n’est qu’un exemple des ingérences étrangères qui se multiplient. Grâce à internet, aux réseaux sociaux, à l’intelligence artificielle, ou par le recrutement d’élites politiques ou économiques, ils tentent de déstabiliser et de polariser les sociétés d’États rivaux comme la France.
    La France a pris conscience de cette menace tardivement. Le rapport d’activité de la délégation parlementaire au renseignement, publié en novembre 2023, nous alarme en effet sur la naïveté de la France quant à la menace que représentent les ingérences étrangères pour notre souveraineté nationale. Il souligne notre vulnérabilité face à ces menaces, et la nécessité de renforcer notre arsenal juridique et opérationnel.
    La proposition de loi reprend les orientations de la DPR, et notre groupe tient à saluer cette initiative. Elle doit nous permettre de renforcer notre dispositif de prévention et d’entrave aux ingérences étrangères ainsi que d’améliorer l’information des responsables publics et des élus sur la nature de leurs interlocuteurs étrangers. Le texte crée pour cela un registre public répertoriant les acteurs qui influent sur la vie publique française pour le compte d’une puissance étrangère. Les personnes concernées devront s’enregistrer auprès de la HATVP et seront soumises à une série d’obligations déontologiques. Un décret pris en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), devrait fixer les modalités de mise en œuvre de ce répertoire afin qu’il entre en vigueur en juillet 2025.
    Pour mieux lutter contre les ingérences, la proposition de loi crée donc un régime de contrôle, qui permet à la HATVP de faire usage de ses pouvoirs d’enquête et de mise en demeure.
    Au cours de la navette parlementaire, l’article 1er a été précisé, afin de mieux définir la notion de mandant étranger et d’exclure de cette catégorie les membres du personnel diplomatique et consulaire, les membres et agents d’un État étranger et les États membres de l’Union européenne. Il détermine aussi quelles personnes peuvent être considérées comme des cibles potentielles d’ingérences étrangères.
    À ce titre, il était nécessaire de soumettre également les think tanks et les instituts aux obligations de déclaration des financements reçus auprès de la HATVP, tant il est vrai que certains États n’hésitent pas à passer par les universités et les centres de recherche pour mener leurs activités d’influence.
    L’article le plus décrié est sans doute celui qui concerne l’expérimentation, pendant trois ans, de l’usage de la technique de l’algorithme afin de lutter contre les ingérences étrangères. Alors que cette technique n’est, pour l’heure, autorisée que pour lutter contre le terrorisme, elle pourra désormais être utilisée pour prévenir toute forme d’ingérence étrangère. Au bout de deux ans d’expérimentation, le Gouvernement devra remettre au Parlement et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement un rapport afin d’évaluer les conséquences de l’élargissement de ce dispositif sur la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, nous aurions souhaité que ce dispositif soit également soumis au regard de la Cnil – dont acte ; ce point n’est pas bloquant pour le groupe Démocrate.
    Ensuite, un article bienvenu propose d’intégrer les ingérences étrangères dans le périmètre de la procédure des gels d’avoirs, pour l’instant limitée à la lutte contre le terrorisme. Il est accompagné d’un dispositif pénal, qui crée une circonstance aggravante lorsqu’une atteinte aux biens ou aux personnes est commise pour le compte d’une entité étrangère. Il permettra également de recourir aux techniques spéciales d’enquête, pour assurer une continuité entre les services de renseignement et l’autorité judiciaire.
    Enfin, un débat annuel sur l’intelligence économique se tiendra au Parlement, à l’initiative du Sénat. Ce débat devra prendre en considération la publication du rapport annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France et le respect des engagements des investisseurs. C’est la première fois que ce terme est inscrit dans la loi et qu’il fera l’objet d’un débat – je me félicite de cette prise de conscience de nos deux chambres.
    Ce texte était nécessaire. La lutte contre toutes les ingérences étrangères, y compris économiques, avait besoin d’être encadrée. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi, élaborée dans la plus grande sérénité avec le Sénat, et nous remercions le président et rapporteur Houlié de cette initiative.
    Redisons-le avec force : le débat au Parlement sur l’intelligence économique est une vraie nouveauté législative, attendue de longue date. À titre personnel, je me réjouis de ce débat que je demandais depuis longtemps et j’y prendrai toute ma part. Le groupe Démocrate soutiendra donc ce texte et le votera sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    Permettez-moi, pour commencer, de saluer à distance le président Houlié et de le féliciter.
    « Ce qui caractérise les nouveaux conflits de notre siècle est sans doute le brouillage entre une conflictualité ouverte, explicite et une malveillance répétée, systémique, pernicieuse. La guerre ne se déclare plus, elle se mène à bas bruit, insidieusement, elle est hybride ». Comment ne pas souscrire à cette analyse du Président de la République, lors de ses vœux aux armées l’année dernière ? Hybride et pernicieuse, la menace d’ingérences s’intensifie année après année, dans un contexte international toujours plus tendu, complexe et instable. En témoignent les récentes tentatives de déstabilisation, soupçonnées d’avoir été commanditées depuis l’étranger, telles que les mains couvertes de sang sur le mur des Justes à Paris ou encore les cercueils déposés aux pieds de la tour Eiffel.
    Face à ce qui est perçu par les puissances étrangères comme de la naïveté et du déni, il est urgent d’agir. En effet, selon plusieurs rapports parlementaires, le niveau de la menace d’ingérences étrangères se situe à un stade élevé. Il est urgent que la France se donne les moyens de les empêcher et de les sanctionner.
    Comme le souligne l’excellent rapport de la délégation parlementaire au renseignement, qui a inspiré la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, démêler le vrai du faux entre l’influence et l’ingérence n’est pas toujours chose facile, tant la frontière peut se révéler ténue. Il existe pourtant une différence majeure : tandis que l’influence est motivée par un désir de rayonnement, l’ingérence renvoie à une action malveillante, qui vise à porter atteinte aux intérêts fondamentaux d’un pays et à sa souveraineté, dans toutes ses dimensions – politique, juridique, militaire, économique et technologique.
    Le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de se donner les moyens de faire face à cette menace difficilement identifiable et lancinante. La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, que le groupe Horizons et apparentés a pleinement soutenue, prévoit de consacrer 5 milliards d’euros supplémentaires au renseignement, soit un doublement du budget des différents services.
    Outre les moyens financiers, il faut donner les moyens juridiques aux services de l’État de mieux identifier et sanctionner ceux qui se livrent à de telles activités sur notre territoire.
    Tout d’abord, il faut détecter davantage et mieux identifier. Nous soutenons pleinement les dispositions prévues aux articles 1 et 3, qui visent respectivement à créer un répertoire des représentants d’intérêts étrangers et à élargir la technique de renseignement dite des algorithmes aux ingérences étrangères. Prévue à titre expérimental, celle-ci permettrait aux services de renseignement de mieux détecter les comportements susceptibles de révéler une menace pour les intérêts fondamentaux de la nation.
    Je sais que l’élargissement du champ des finalités liées à l’utilisation des techniques algorithmiques soulève des interrogations. Toutefois, rappelons que les algorithmes utilisent exclusivement des données de connexion, sans recueillir d’autres informations que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les données de connexion se rapportent. Leur objectif consiste donc à agir à la manière d’un tamis sur les flux de données de connexion, afin de produire des alertes susceptibles de révéler l’existence d’une menace. L’algorithme n’est pas un outil de surveillance de masse, mais de détection de signaux faibles, qui pourra ensuite justifier l’usage d’une technique de renseignement, dans le cadre du droit commun. C’est pourquoi nous souscrivons pleinement à une extension du champ des finalités de cette procédure, à titre expérimental, afin d’y inclure la suspicion d’ingérence.
    Ensuite, il faut mieux sanctionner. Le groupe Horizons et apparentés estime que face à une menace protéiforme, il est indispensable de disposer d’un panel de sanctions élargi. La sanction financière est, nous le savons, efficace et nécessaire. C’est pourquoi il nous semble pertinent d’élargir la possibilité de geler les avoirs financiers des personnes qui participent à ce type de manœuvres déstabilisatrices.
    Enfin, je tiens à saluer le travail de nos collègues sénateurs, qui a permis de compléter les missions de la HATVP en matière de lutte contre les ingérences, en particulier s’agissant des reconversions professionnelles, ou encore d’aggraver les peines encourues en cas d’ingérences étrangères et d’autoriser le recours aux techniques spéciales d’enquête.
    Cette proposition de loi devrait recueillir l’assentiment de l’ensemble des groupes parlementaires : il y va de notre souveraineté politique, économique et technologique. C’est donc avec conviction que notre groupe votera en faveur de la proposition de loi. (M. Vincent Bru applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    Plusieurs constats d’ingérence étrangère ont été établis dans de nombreux pays européens, constituant une menace pour la sécurité démocratique de l’Europe.
    L’Assemblée nationale s’est d’ailleurs saisie de cette question : le président de la commission des affaires européennes, Pieyre-Alexandre Anglade, avait organisé, le 27 octobre 2022, une table ronde sur les ingérences étrangères dans les processus démocratiques de l’Union européenne, avec la participation de Raphaël Glucksmann, alors président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne. Ce dernier avait rappelé que, pendant vingt ans, bercés par le mythe de la fin de l’histoire et convaincus de ne plus avoir d’ennemis, les décideurs européens avaient fait preuve d’une naïveté confondante et d’une légèreté coupable. C’est pour mettre fin à une telle indolence que les sociaux-démocrates avaient demandé la création de cette commission spéciale, afin que l’Europe se réveille et que nos démocraties apprennent à se défendre de nouveau. (M. Stéphane Delautrette applaudit.)
    Des travaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui datent de près de quarante ans, font également état d’une préoccupation à éclipses, mais durable.
    Depuis plusieurs années, des cyberattaques et des manipulations sur les réseaux sociaux visent à orienter l’opinion : il s’agit, disons-le, de propagande. J’utilise ce terme à dessein, car il vient du latin propagare, qui signifie littéralement « ce qui doit être propagé ». C’est, en quelque sorte, la propagation de fausses informations qui doit servir à formater les opinions.
    Nous devons nous attacher à répondre à ces risques, en utilisant différents outils qu’il convient d’adapter aux menaces existantes ou potentielles. Les réponses possibles sont nombreuses et ont d’ailleurs été détaillées dans la présente proposition de loi. Celle-ci vise notamment à créer un répertoire, géré par la HATVP, retraçant les activités d’influence étrangère. À l’issue de la commission mixte paritaire, ce nouveau dispositif est désormais exclusivement centré sur les activités d’influence étrangère ; les conditions de transmission, le périmètre des responsables concernés et la distinction entre influence et ingérence ont été précisés. Parallèlement, les pouvoirs des assemblées ont été accrus en ce qui concerne les investissements étrangers, qui peuvent entraîner une perte de souveraineté de la nation. Enfin, s’y ajoute désormais la possibilité de geler les avoirs des personnes physiques ou morales qui pratiquent des actes d’ingérence étrangère.
    Je note que la question de la cybersécurité fait également l’objet de dispositions. En effet, les régimes politiques démocratiques sont désormais confrontés au phénomène de guerre hybride, menace fondée sur la combinaison de moyens militaires et non militaires, notamment des cyberattaques.
    À ce moment de mon propos, permettez-moi de formuler deux observations : d’une part, nous aurions pu aller plus loin en matière de responsables ou de durée des périodes de contrôle qui s’appliquent aux cibles d’ingérences étrangères ; d’autre part, le texte pose le principe de la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement. Rappelons qu’un récent rapport du Sénat dresse le constat selon lequel près de 80 % des rapports au Parlement ne lui sont jamais adressés et que la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Restons vigilants sur ce point.
    Enfin, les chaînes d’information – en ligne ou non –, les émissions, les journaux et les réseaux sociaux sont gourmands de commentateurs, présentés comme étant des spécialistes et des experts. Or l’expertise publique mérite notre attention car, trop souvent, l’expert – ou la personne désignée comme tel – ne dit pas ce qu’il sait, mais ce qu’il préfère. Si les avis et les conseils des scientifiques et des experts sont indispensables, il faut faire en sorte que l’expertise soit indépendante, collégiale et transparente et assumer qu’elle puisse être contradictoire, car la recherche et la science ne s’expriment pas d’une seule voix.
    Le groupe Socialistes et apparentés apporte son soutien au texte, en soulignant à la fois les progrès qu’il porte et la nécessité de mener une politique d’ensemble. Nous ne manquerons pas, en cas de saisine du Conseil constitutionnel, de faire valoir ces observations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Vincent Bru applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    De l’affaire Pegasus aux kompromats russes, toutes les ingérences étrangères ont pour objectif de porter atteinte à nos démocraties. Avant d’être révélées au grand jour, elles déstabilisent notre vie politique et peuvent mettre en danger nos concitoyens. Je pense en particulier au réseau de désinformation russe Doppelgänger, à l’origine notamment des étoiles de David taguées sur des murs de Paris et en proche banlieue. Il y a quelques jours encore, alors que notre société se fracture au sujet du conflit israélo-palestinien, l’organisme de lutte contre les opérations d’influence, Viginum, a démontré que les mains rouges apposées sur le mur des Justes cachaient en réalité une manœuvre de déstabilisation russe.
    Il est donc nécessaire de prendre des mesures d’urgence, en particulier en cette année où la France accueille les Jeux olympiques et paralympiques, dans un contexte géopolitique européen plus qu’incertain.
    Ces ingérences sont dangereuses pour la démocratie et, plus encore, pour la cohésion nationale. Toutefois, elles ne peuvent pas être combattues en fragilisant notre État de droit. Je pense ici à l’article 3 de la proposition de loi, qui constitue une grave atteinte aux libertés. En effet, cet article renforce la surveillance des opérations d’ingérence en autorisant les services de renseignement à expérimenter la détection par algorithmes des activités suspectes en ligne. Cette technique de renseignement dite de l’algorithme, ou « boîte noire de renseignement », a été instaurée par la loi relative au renseignement de 2015.
    Eu égard à son caractère liberticide, cette mesure avait été initialement limitée à la stricte lutte contre le risque terroriste. En modifiant le code de la sécurité intérieure, ce texte élargit cette technique de renseignement à de nouvelles finalités : l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire, la défense nationale ; les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère. L’élargissement des finalités permettant aux services de renseignement de recourir à l’usage de techniques algorithmiques demeure, en l’état actuel de la rédaction, trop vague et peut donc permettre d’utiliser ces techniques pour révéler des activités sans aucune relation avec les enjeux de défense.
    De fait, l’inclusion des finalités d’indépendance nationale ou d’intégrité du territoire doit nous alerter sur la possibilité d’utiliser ces techniques de renseignement à l’encontre de groupements politiques ou associatifs, ou de militants qui défendent des causes diverses, en se positionnant par exemple contre des accords de libre-échange, des projets pétroliers, des ventes d’armement à certains pays ou plus encore.
    Nous savons combien l’utilisation de dispositifs exceptionnels, sans contre-pouvoir, est susceptible de porter atteinte aux libertés fondamentales. Les dérives constatées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ont été largement documentées par le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cela devrait éclairer nos débats. Il est important de rappeler que nombre de mesures prévues dans le cadre de l’État d’urgence ont été successivement intégrées dans le droit commun. Ce fut le cas des dispositions de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
    Si les mesures de surveillance algorithmique apparaissent comme des solutions envisageables dans un contexte de résurgence des conflits interétatiques dans le territoire européen, nous pouvons craindre que, comme toutes les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, elles soient pérennisées et inscrites dans le droit commun, manifestant ainsi la dérive autoritaire et répressive de l’État.
    Enfin, nous devons signaler que l’une des principales limites de l’article réside dans l’absence de toute étude d’impact de ce dispositif sur le secret des sources des journalistes et sur le respect des libertés politiques des citoyens. Sur la forme, cette absence est d’autant plus grave que le Parlement n’a pas encore eu l’occasion d’examiner le rapport sur la mise en application de la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui sera remis en juillet 2024.
    En somme, la prévention des ingérences étrangères doit se faire dans le cadre du droit commun applicable à tous les types d’influence sur l’action publique. Des régimes autocratiques ou illibéraux profitent de cette lutte légitime pour museler l’opposition politique et pénaliser avant tout la société civile et les contre-pouvoirs. N’empruntons pas la voie qu’ils ont tracée.
    Certains de nos compatriotes se disent qu’après tout, ils n’ont rien à se reprocher et que, par conséquent, cela ne les dérange pas. Ils doivent comprendre que, par ce genre d’autorisation, nous ouvrons une boîte de Pandore qu’il sera impossible de refermer. Ce sont nos libertés fondamentales qui sont en jeu. Ne laissons pas la dystopie devenir réalité. Le groupe GDR votera donc contre ce texte. (Mme Emeline K/Bidi applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    La proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères arrive au terme de son parcours législatif, enrichie des travaux de nos collègues sénateurs puis de la commission mixte paritaire. Le groupe LIOT est satisfait des compléments et précisions apportés à ce texte qui permettra de mieux encadrer les représentants d’intérêts étrangers en France, en rendant obligatoire leur inscription auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Nos services de renseignement pourront également expérimenter la surveillance par algorithme des activités suspectes en ligne. Les peines sanctionnant des atteintes aux biens ou aux personnes seront alourdies lorsqu’elles sont commises « dans le but de servir les intérêts d’une entité étrangère ». Pour protéger notre processus démocratique des ingérences, la liste des cibles potentielles d’opérations d’influence comprendra désormais les membres et anciens membres du Gouvernement, ainsi que les candidats aux élections européennes.
    Enfin, la tenue d’un débat sur le contrôle des investissements étrangers en France apparaît salutaire pour mieux surveiller le pouvoir que peuvent prendre certains pays sur la France en entrant au capital de nos entreprises. Nous saluons aussi la remise tous les deux ans par le Gouvernement d’un rapport sur « l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ». Pour ma part, je veux croire que ce texte, les débats parlementaires et l’actualité ont permis à notre pays de prendre conscience des dangers de l’influence et de l’ingérence étrangères – de leur caractère insidieux, caché, mais tangible et nuisible.
    Certaines informations sur les violences en Nouvelle-Calédonie et des enquêtes journalistiques ont souligné la vulnérabilité des territoires ultramarins, qui sont la cible de puissances hostiles à la France face aux ingérences étrangères. Éloignés géographiquement, souvent pauvres et révoltés par les inégalités structurelles et les crises sociales successives, ils sont l’objet des convoitises de la Chine, de la Russie et de voisins hostiles.
    Je reviens régulièrement dans cet hémicycle sur l’ingérence comorienne à Mayotte, qui est le seul territoire français habité à être ouvertement revendiqué par une puissance étrangère. Si les Comores n’ont aucun argument juridique fondé pour contester Mayotte française, elles mobilisent une majorité des pays membres de l’Assemblée générale de l’ONU et exercent sur notre pays un tragique chantage migratoire, en utilisant le trafic humain pour déstabiliser Mayotte. L’afflux croissant et quotidien de milliers de ressortissants comoriens et africains arrivant illégalement à Mayotte provoque l’effondrement du pacte républicain et des services publics tout en rompant la paix civile sur l’île. La misère et la détresse, bien réelles, des migrants, ne peuvent pourtant servir d’excuse pour laisser les Comores détruire Mayotte, mettre notre diplomatie à genoux et pousser la France à renoncer à sa souveraineté sur notre île.
    L’abrogation du droit du sol proposée par le Président de la République est la solution la plus radicale, mais surtout la plus efficace, pour mettre fin à l’instrumentalisation des flux migratoires par les Comores, qui vise la prise de contrôle de Mayotte par le peuplement. Les Comoriens qui s’installent à Mayotte y sont encouragés par leur gouvernement, dont le véritable objectif est la modification du corps électoral et la tenue d’un énième référendum sur le futur statut de Mayotte. Je rappelle que les parturientes étrangères représentent 80 % des naissances à Mayotte. Force est de constater qu’en quelques décennies, la population comorienne est vraisemblablement devenue majoritaire sur notre île. Dans ce contexte, vous comprendrez pourquoi nous demandons la fin du visa territorialisé qui fixe les Comoriens régularisés à Mayotte : cette population serait absorbée par le territoire national et son influence diluée.
    Au fur et à mesure que la France s’affaiblit, qu’elle doute de sa puissance et de son rôle dans le monde, Mayotte tremble. Les tergiversations et les lâchetés de Paris sont autant de signaux de faiblesse qui nous mettent en danger à Mayotte. Alors que le monde change, nous vous demandons de défendre Mayotte et vos compatriotes, de cesser de financer les Comores, d’assumer franchement un conflit qui ne dit pas son nom, et de cesser de minorer les violences à portée politique qui s’exercent sur notre île ainsi que le phénomène d’éviction brutale qui nous chasse de notre terre ancestrale, qui tente de chasser la France de Mayotte.
    Alors que la France a pris une position de plus en plus ferme pour défendre l’Ukraine, la diplomatie russe soutient activement les Comores pour prendre le contrôle de Mayotte. La Chine se manifeste également et l’Azerbaïdjan utilise le groupe d’initiative de Bakou pour attaquer Mayotte française. Le temps de l’accommodement coupable avec Moroni et des petits arrangements aux relents de Françafrique est passé. Nous devons en constater l’échec. L’oubli systématique des Comores dans les discours officiels sur les ingérences étrangères en dit long sur la relation incestueuse entre Paris et Moroni.
    Nous vous demandons d’avoir le courage de dépasser le chantage à la misère humaine, au passif colonial, aux accusations à peine voilées de racisme, et d’agir pour protéger vos concitoyens et la souveraineté nationale. La France doit maintenant et urgemment défendre son intégrité territoriale à Mayotte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Les ingérences étrangères sont une menace sérieuse que la France ne peut pas prendre à la légère. Ces opérations visent à manipuler notre opinion publique, à déstabiliser notre société, et à fragiliser notre économie et la confiance dans nos institutions – dans notre démocratie. L’actualité ne cesse d’en témoigner. Ces ingérences peuvent prendre des formes multiples : cyberattaques, campagnes de désinformation, interférences dans les universités – et j’en passe. Et elles ne font que s’accentuer, en particulier à l’approche des échéances électorales. Nous ne pouvons pas rester aveugles face à ces attaques. C’est pourquoi le groupe Écologiste partage pleinement l’intention de ce texte.
    Je veux saluer une nouvelle fois le travail de la délégation parlementaire au renseignement, dont le rapport a servi de base au texte que nous examinons. Le Parlement doit encore renforcer ses prérogatives sur ces questions régaliennes. Évidemment, ce texte à lui seul ne suffira pas à nous protéger contre toutes les ingérences étrangères. Nous devons nous intéresser à l’information, à sa pluralité et à son indépendance, ainsi qu’au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Il ne s’agit pas d’isoler la France, mais de ne pas être naïfs sur tous les moyens qui peuvent servir à nous déstabiliser.
    Sur le fond, le texte contient des mesures pertinentes. Nous sommes particulièrement favorables au renforcement de la transparence des activités d’influence. La création d’un répertoire dédié sous le contrôle de la HATVP était une mesure attendue, qui permettra aux décideurs publics d’être informés des intérêts que poursuivent leurs interlocuteurs. La navette parlementaire a permis d’enrichir ce dispositif. Les moyens humains accordés à la Haute Autorité doivent suivre et être à la hauteur des nouvelles missions qui lui sont confiées. Nous soutenons également le renforcement de l’information du Parlement en matière d’ingérences étrangères. L’organisation régulière d’un débat parlementaire est essentielle pour que chacun puisse prendre la mesure des enjeux.
    Nous étions plus réservés sur l’extension de la technique de l’algorithme aux cas d’ingérence étrangère. Nos doutes portaient sur le champ d’application du dispositif, mais le débat en séance publique a finalement permis de dissiper nos inquiétudes. Il aurait néanmoins été judicieux d’attendre le rapport d’évaluation, promis en juillet, avant de légiférer sur ces techniques.
    Si nous avions soutenu le texte en première lecture, l’article 4 bis ajouté par le Sénat nous semble quelque peu hors cadre. Nous ne sommes pas opposés à des sanctions plus sévères en cas d’ingérence étrangère – nous avions d’ailleurs soutenu l’article 4 sur le gel des avoirs –, mais toute la difficulté est de définir strictement ce que l’on cherche à sanctionner. Or cette rigueur semble disparaître dans l’article 4 bis. La définition retenue est problématique en ce qu’elle est incomplète : elle recouvre des comportements qui ne relèvent pas nécessairement de l’ingérence étrangère.
    Servir les intérêts d’une entité étrangère, ce n’est pas nécessairement faire acte d’ingérence. L’ingérence suppose une volonté de nuire aux intérêts de la France. C’est la définition que nous avions retenue pour le gel des avoirs, et c’est le critère qui est utilisé pour délimiter les délits de trahison et d’espionnage. Je vous renvoie au chapitre 1er du titre 1er du livre IV du code pénal – j’y fais référence parce que c’est précisément à cet endroit que vous faites figurer la nouvelle circonstance aggravante. En toute rigueur, c’est cette même logique qui devrait gouverner la matière qui nous occupe.
    Pour le dire autrement, l’article 4 bis ajouté par les sénateurs Les Républicains tient du mélange des genres. C’est, je le crois, un cavalier législatif qui emporte des conséquences que nous n’avons pas eu le temps de mesurer. Si nous avions eu la possibilité d’amender le texte, nous aurions limité le motif d’aggravation de la peine aux cas d’ingérence. Le fait qu’une organisation soit enregistrée dans un autre pays ne suffit pas, à lui seul, à démontrer l’ingérence. Le déclenchement de la procédure accélérée nous prive de cette faculté d’amendement, je le regrette, mais c’est souvent le cas pour les textes que nous étudions. L’urgence est l’ennemie de la précision dans ce genre de texte, et c’est bien dommage. Notre démocratie doit pouvoir se protéger, mais elle ne peut le faire que dans le respect très strict des libertés fondamentales et des libertés publiques. C’est la raison pour laquelle le groupe Écologiste s’abstiendra sur le vote final de ce texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

    M. Guillaume Gouffier Valente

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    Le groupe Renaissance se réjouit des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue la semaine dernière sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, à l’issue d’un processus parlementaire à la fois dense et rapide. Déposé en février, ce texte défendu par nos collègues Sacha Houlié, Thomas Gassilloud et Constance Le Grip, fruit du travail collectif mené par la délégation parlementaire au renseignement et nourri par de nombreux travaux, tant académiques que parlementaires, avait en effet été adopté à une très large majorité par cette assemblée le 27 mars. Je salue le travail accompli par notre collègue Constance Le Grip et par le président de la commission des lois, Sacha Houlié, à qui j’adresse toute notre amitié. Le Sénat, quant à lui, a adopté ce texte le 22 mai, après l’avoir travaillé et enrichi.
    La conclusion positive de la commission mixte paritaire témoigne du sens des responsabilités et du souci de défendre la souveraineté nationale qui ont présidé parmi les sénateurs et les députés. Le groupe Renaissance salue cet esprit constructif entre les deux chambres, et tient à souligner l’implication forte de la rapporteure du texte au Sénat, Mme Agnès Canayer, dans ce travail de coconstruction. Est-il besoin de redire à quel point la réalité et la dangerosité des ingérences étrangères à l’œuvre dans notre pays appellent une mobilisation collective sans précédent pour les détecter, les entraver, les prévenir et les combattre ? Malveillantes, toxiques, sournoises, souvent – mais pas toujours – dissimulées, elles ont toujours une visée déstabilisatrice et destructrice.
    Je rappellerai quelques faits de l’actualité récente. Après les étoiles de David taguées sur les murs de la capitale et de plusieurs communes autour de Paris, après l’ignoble souillure apposée sur le Mur des Justes du mémorial de la Shoah, ce sont de faux cercueils évoquant le prétendu décès de soldats français qui ont été découverts devant la tour Eiffel. Provocation, manipulation, atteinte à la tranquillité nationale, violence psychologique : tels sont les buts poursuivis par les auteurs de ces opérations pernicieuses et toxiques, dont les modes opératoires se ressemblent étrangement, et derrière lesquels peut se deviner la présence de certains services russes opérant sur notre territoire.
    Et que dire des opérations de désinformation et de manipulation de l’information et des médias, telles que Doppelgänger et, tout récemment, Portal Kombat, largement documentées par le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, Viginum ? Il convient de rappeler aussi l’opération informationnelle de grande ampleur déployée par l’Azerbaïdjan autour des récents événements en Nouvelle-Calédonie, diffusant un narratif viscéralement antifrançais au prétexte de la lutte contre le néocolonialisme. De manière générale, nous devons nous attendre à ce que l’Azerbaïdjan intensifie son action d’ingérence dans tous nos territoires ultramarins.
    Ce sont donc plusieurs puissances étrangères – la Russie, la Chine, l’Azerbaïdjan, pour ne nommer qu’elles – qui sont à l’avant-garde d’une stratégie de déstabilisation généralisée de notre démocratie.
    Espionnage, cyberattaques, corruption, désinformation et manipulation, captation de certaines élites, ces menaces sont protéiformes, omniprésentes et durables. La France est l’une des principales cibles de cette guerre hybride. Nous n’avons donc pas le choix : nous devons impérativement nous adapter. Cela passe par une réaction rapide et consistante, notamment grâce à un cadre législatif renforcé permettant de prévenir les ingérences étrangères.
    Tel est l’objet de la proposition de loi que nous étudions dans sa version finale. Ce texte vise donc à améliorer la transparence en rendant obligatoire la déclaration des activités effectuées pour le compte d’intérêts étrangers. Elle a également pour but de renforcer notre capacité de détection, avec le développement des outils à disposition de nos services de renseignement. Enfin, elle introduit des sanctions pénales et financières participant à un effort de dissuasion.
    Au cours de son cheminement législatif, la proposition de loi initiale a été complétée et enrichie. La version finale que nous nous apprêtons à voter est donc le résultat d’un consensus républicain, obtenu par la volonté partagée de nos deux chambres de protéger notre pays et nos concitoyens face à la multiplication des opérations d’ingérence étrangère.
    Chers collègues, comment évoquer ce sujet sans conclure par la dimension européenne de ce défi, à quelques jours d’un scrutin européen crucial pour l’avenir de l’Union ? Cette dimension européenne est portée par M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe, et illustre la capacité d’entraînement et la force des propositions présentées par la France.
    Lutter contre les ingérences, c’est renforcer la souveraineté française et protéger les démocraties française et européenne. Si cet enjeu se joue dans les urnes dimanche, il se joue aussi dans le vote de cette proposition de loi essentielle. Le Groupe Renaissance la votera donc avec enthousiasme, conviction et détermination. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Pfeffer.

    M. Kévin Pfeffer

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    Il aura donc fallu sept ans de pouvoir pour que les parlementaires macronistes s’intéressent enfin aux ingérences étrangères dans notre pays ! Sept ans sans jamais rien faire : aucune loi, aucune commission d’enquête – alors qu’elles avaient été promises depuis des années. En revanche, il ne vous aura pas fallu sept ans pour faire peur aux Français : vous y parvenez à la moindre occasion, souvent juste avant les élections, et toujours pour diffamer vos oppositions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
    Sept ans pour accoucher péniblement d’une toute petite proposition de loi : un registre pour que les espions et les agents étrangers s’inscrivent – volontairement – et un rapport pour répéter tous les deux ans ce que nos excellents services savent déjà !
    Nous voterons ce texte, mais force est de constater qu’il est loin, très loin, des enjeux.

    Mme Edwige Diaz

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    Oui !

    M. Kévin Pfeffer

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    En réalité, c’est grâce au groupe Rassemblement national que le Parlement s’est enfin intéressé à la recherche et à la lutte contre les ingérences étrangères : c’est à notre initiative, grâce au travail mené par notre collègue Jean-Philippe Tanguy, et contre votre volonté – notamment la vôtre, madame Le Grip –, qu’une commission d’enquête a été créée.

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Vous oubliez le travail de la DPR, bien avant !

    M. Kévin Pfeffer

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    Les groupes macronistes, majoritaires au sein de cette commission, ont tout fait pour réduire son champ d’investigation. Ils ont refusé et retardé les auditions qui les gênaient, détourné et politisé ses conclusions, pour accoucher d’un rapport mensonger, procès politique contre le RN, dans lequel la vérité a été sacrifiée sur l’autel du cynisme électoral et du mensonge d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Edwige Diaz

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    Exactement !

    Mme Natalia Pouzyreff

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    On en connaît les conclusions…

    M. Thomas Rudigoz

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    Et elles vous gênent !

    M. Kévin Pfeffer

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    Si vous avez manipulé les conclusions du rapport d’enquête, vous n’effacerez jamais les centaines d’heures d’auditions et les déclarations sans équivoque et sous serment des services et personnes chargées de l’intégrité de notre démocratie.

    Mme Edwige Diaz

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    C’est vrai ! Il faut les rappeler !

    M. Kévin Pfeffer

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    Ces services, ainsi que nos médias, nous protègent efficacement des ingérences. Le monde entier devrait s’inspirer de leurs techniques. Ils ont un savoir-faire et protègent nos processus électoraux.
    Tous ces témoignages, toutes ces déclarations sous serment vaudront toujours plus que les citations de vos amis politiques, comme Mme Loiseau ou M. Glucksmann, chargé de faire la lumière sur les ingérences au Parlement européen alors que sa propre formation, le Parti socialiste européen, a été prise la main dans le sac du Qatar et du Maroc.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Eh oui !

    M. Kévin Pfeffer

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    M. Lerner, alors directeur général de la sécurité intérieure, n’a-t-il pas affirmé : « Je n’ai connaissance d’aucune structure ou parti politique qui, en tant que tel, ferait l’objet d’une influence ou d’une ingérence étrangère organisée et systémique telle qu’il ne serait que le relais d’un État étranger. » et « Je considère qu’aucun [parti politique] n’est à la main d’une puissance étrangère. C’est un argument du débat politique que de désigner l’adversaire comme la voix d’un pays étranger, pour décrédibiliser ses arguments ou sa capacité à diriger un pays indépendant. J’ai donc la certitude qu’une partie de ces éléments, sinon la totalité, relève de la rhétorique politique. » ?

    Mme Edwige Diaz et M. Michaël Taverne

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    Et voilà !

    M. Kévin Pfeffer

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    Que dire de l’audition de Mme Alice Rufo, conseillère de François Hollande puis d’Emmanuel Macron à l’Élysée, qui nous a expliqué, elle aussi, qu’elle n’avait eu connaissance d’aucune information, d’aucun soupçon crédible, sur une quelconque ingérence étrangère auprès de personnalités politiques ?
    Enfin, M. Ripert, ancien ambassadeur qui, volant au secours de la Macronie, avait sali le RN et ses dirigeants par ses déclarations dans les médias, a beaucoup moins fanfaronné sous serment devant notre commission.

    Mme Edwige Diaz

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    Ah ah !

    M. Kévin Pfeffer

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    Je le cite : « Si j’avais eu la preuve de quoi que ce soit, j’aurais fait un signalement au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. […] Je n’ai jamais prétendu avoir des preuves. […] j’avais une impression, je l’ai mentionnée. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Nous alertons les Français : les agents de l’étranger, ses courroies de transmission dans la vie politique française, ne se trouvent pas là où l’on a attiré votre regard !

    Mme Edwige Diaz

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    Il faut le dire à Valérie Hayer !

    M. Kévin Pfeffer

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    Ils se trouvent chez ceux qui font un usage indécent des cabinets de conseil étrangers, notamment américains, comme McKinsey, à qui Emmanuel Macron et ses ministères ont versé près de 900 millions d’euros d’argent public. Ils se trouvent chez ceux qui, au pouvoir, ont rendu toute l’Europe, notamment la France, dépendante du gaz russe et qui en restent toujours les principaux importateurs en Europe, malgré la guerre en Ukraine. Ainsi la France a-t-elle versé plus de 600 millions d’euros au Kremlin depuis le début de l’année 2024. Les agents de l’étranger, ce sont ceux qui ont fait élire un député qui fut le relais direct du parti communiste chinois dans notre assemblée – M. Buon Tan, député macroniste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Thomas Ménagé

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    Eh oui !

    M. Kévin Pfeffer

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    Vous voulez lutter contre les ingérences ? Chiche, monsieur le ministre ! Donnez plus de moyens aux services de renseignement, donnez à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, à la justice et aux enquêteurs les moyens de travailler !

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Nous l’avons fait ! Vous n’avez pas voté ces crédits !

    M. Kévin Pfeffer

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    Créez un véritable délit d’ingérence étrangère incriminant les personnes physiques ou morales françaises agissant pour le compte d’une personne physique ou morale étrangère, comme nous l’avons demandé par amendement – vous l’avez refusé.

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Cela ne tient pas la route juridiquement !

    M. Kévin Pfeffer

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    Le Rassemblement national ne cessera jamais de défendre l’indépendance et la souveraineté de la France face à tous ceux qui veulent la déstabiliser.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Nous n’avons jamais pris la gendarmerie en otage, nous !

    M. Kévin Pfeffer

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    Et vous, macronistes, indéniablement, vous en faites partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Le texte, c’est du Poutine ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Frédéric Boccaletti

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    C’est l’argument qu’on utilise quand on n’en a plus !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Les liens sont tellement forts, et démontrés !

    M. Thomas Ménagé

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    Ne levez pas trop la main, monsieur Rebeyrotte !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
    S’il vous plaît, seule l’oratrice a la parole.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    La proposition de loi que nous étudions vise à renforcer la protection de notre souveraineté nationale contre les ingérences étrangères. Ces dernières peuvent prendre diverses formes et menacer nos intérêts politiques, militaires, économiques, scientifiques, culturels et, évidemment, démocratiques.
    Je me félicite que ce texte d’intérêt national ait fait l’objet d’un accord en CMP et j’espère qu’il recueillera un large consensus au sein de notre assemblée.
    L’actualité est riche en exemples d’ingérences étrangères : étoiles de David et mains rouges taguées à Paris dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas, faux cercueils déposés près de la tour Eiffel avec la mention « Soldats français de l’Ukraine », tentatives de déstabilisation menées par l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie, la liste est malheureusement longue.
    Ce texte, largement enrichi par les propositions des députés et sénateurs Républicains, comprend une série de mesures législatives pour prévenir et contrer ces ingérences en instaurant un registre des acteurs étrangers influant sur la vie publique, ou en élargissant l’utilisation des techniques de renseignement et la procédure des gels d’avoirs.
    L’article 1er vise à la création d’un registre obligatoire des acteurs influant sur la vie publique française pour le compte d’une puissance étrangère, des sanctions pénales étant prévues en cas de non-respect de cette obligation de déclaration. Géré par la HATVP, ce registre vise à mieux informer les responsables publics sur leurs interlocuteurs étrangers. Il sera cependant nécessaire d’augmenter les moyens mis à disposition de la HATVP pour qu’elle soit en mesure de mener à bien cette mission.
    L’article 2 prévoit que le Gouvernement remette tous les deux ans au Parlement un rapport sur les menaces dues aux ingérences étrangères pesant sur la sécurité nationale.
    L’article 3 élargit les finalités permettant aux services de renseignement d’utiliser la technique de renseignement dite de l’algorithme. Actuellement limitée à la prévention du terrorisme, cette technique pourra désormais être utilisée pour prévenir toute ingérence étrangère. Elle permet d’utiliser des processus automatisés, de façon réglementée, pour repérer des activités en ligne pouvant indiquer une menace potentielle. L’extension est proposée à titre expérimental.
    Enfin, l’article 4 élargit la procédure des gels d’avoirs, actuellement limitée à la lutte contre le terrorisme, pour y inclure les ingérences étrangères.
    Toutes ces propositions vont dans le sens d’une limitation de ces ingérences, désormais omniprésentes et protéiformes, et d’une sortie de la naïveté vis-à-vis de puissances étrangères comme la Russie, la Chine ou l’Azerbaïdjan.
    Toutefois, malgré la richesse des travaux sur le sujet, les réponses proposées semblent beaucoup trop timides pour amorcer les changements nécessaires. De nombreuses mesures issues des travaux de la délégation parlementaire au renseignement auraient sans doute utilement trouvé leur place dans cette proposition de loi, plutôt que de laisser le Gouvernement les prendre par voie réglementaire, comme cela semble être devenu la norme.
    Malgré les lacunes de ce texte, le groupe LR le soutiendra, car il contribuera à régler une partie des problématiques liées aux ingérences étrangères. Pourtant, la précipitation avec laquelle cette proposition de loi nous a été présentée laisse craindre que les réponses qu’elle apporte ne soient pas suffisantes face aux ingérences étrangères.
    Si l’enjeu vous semble si important, pourquoi n’avez-vous eu de cesse depuis dix ans d’encourager ou de laisser faire le démembrement de l’appareil industriel stratégique français au profit d’acteurs étrangers ?

    M. Raphaël Schellenberger

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    Eh oui !

    Mme Virginie Duby-Muller

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    En 2014, la vente de la branche énergie d’Alstom, rachetée par l’américain General Electric, a été autorisée et pilotée en personne par le ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Un scandale pour toute la filière nucléaire !

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Le 30 mai 2024, ce même Emmanuel Macron, soudainement converti au souverainisme, a confirmé le rachat par EDF des turbines Arabelle, essentielles pour la relance d’un programme de construction de centrales nucléaires en France, donc pour notre souveraineté énergétique.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Oui, mais deux fois plus cher !

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Sur ce sujet, les Républicains ont toujours fait preuve de constance. (Mme Natalia Pouzyreff s’exclame.)
    En 2015, c’est également Emmanuel Macron qui a défendu la vente d’Alcatel-Lucent au Finlandais Nokia, en écartant « toute vision romantique vis-à-vis des grandes entreprises françaises ».
    Je le répète, nous soutiendrons ce texte, utile mais bien trop timide pour faire face à l’ampleur des périls qui nous menacent. Nous espérons que votre conversion au patriotisme économique n’est pas un énième leurre, car les périls de la guerre informationnelle sont malheureusement devant nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    Sur la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
    Les amendements nos 1, 2, 3 et 4 du Gouvernement sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Constance Le Grip, rapporteure

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    Favorable.

    (L’amendement no 1, modifiant l’article 1er, est adopté.)

    (L’amendement no 2, modifiant l’article 1er bis A, est adopté.)

    (L’amendement no 3, modifiant l’article 4, est adopté.)

    (L’amendement no 4, modifiant l’article 5, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        149
            Nombre de suffrages exprimés                148
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                138
                    Contre                10

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Mme Natalia Pouzyreff applaudit.)

    5. Poursuite de la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (nos 2618, 2690).
    Chers collègues, merci de quitter l’hémicycle en silence !

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger

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    Je tiens tout d’abord à remercier Mme Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et son président François Patriat, d’avoir pris l’initiative de ce texte, voté en première lecture le 14 mai dernier au Sénat. Je remercie plus généralement les sénateurs pour leurs contributions.
    Ce texte propose de poursuivre une expérimentation législative menée depuis 2019 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Sans nouveau vote du Parlement, elle prendrait fin le 10 juillet prochain, alors qu’elle s’inscrit pleinement dans la lignée du mouvement de simplification engagé par le Président de la République et qui constitue aujourd’hui une priorité du Premier ministre. Dans son discours de politique générale, celui-ci faisait de la simplification et de la débureaucratisation un axe majeur de sa feuille de route.
    En 2018, l’ambition de cette expérimentation était la même qu’aujourd’hui : dépoussiérer notre vieil état civil, fait de registres papier et de documents envoyés par courrier, et simplifier les démarches administratives de millions de Français libérés du carcan bureaucratique grâce à la dématérialisation et à la numérisation progressive de leur état civil. Il s’agissait également d’en finir avec les coûts liés à cette bureaucratie excessive – achat de papier, frais d’envoi postal, coût de transport et d’archivage des registres.
    Avec les progrès technologiques récents et les développements en matière de signature électronique, le recours au papier n’est tout simplement plus nécessaire pour garantir l’authenticité d’un document. Il nous faut donc reconsidérer les modes d’établissement, de mise à jour, de délivrance et de conservation des documents d’état civil. Dématérialiser ces actes est un chantier complexe – peut-être encore davantage en 2018 qu’aujourd’hui.
    Il y a six ans, la sensibilité des données imposait de prendre toutes les garanties nécessaires pour s’assurer de la viabilité de cette transformation. Le choix de passer par une phase d’expérimentation relevait donc de l’évidence, tout comme celui de la confier au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Celui-ci a en effet l’habitude de proposer aux Français de l’étranger ce type d’expérimentation, devenant ces dernières années un laboratoire du service public de demain. Entre autres innovations et mesures de modernisation, on peut relever le vote par internet ou le renouvellement à distance des passeports, inauguré au Canada et au Portugal en mars dernier. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères détient le plus grand fonds d’état civil en France – plus de 16 millions d’actes. Le service central d’état civil situé à Nantes conserve tous les actes d’état civil des Français qui sont nés, se sont mariés ou sont morts à l’étranger. Ce ministère était donc le candidat idéal pour mener cette expérimentation lancée en juillet 2019.
    J’en profite pour rendre hommage à la détermination et à l’efficacité de mes prédécesseurs, Jean-Baptiste Lemoyne et Olivier Becht, ministres délégués de Jean-Yves Le Drian et de Catherine Colonna, appuyés par les autres ministères, sans qui ce travail n’aurait pu être mené.
    Cinq ans après le début de l’expérimentation, il est temps de faire le bilan de la délivrance dématérialisée des copies et extraits d’actes d’état civil et de la création d’actes d’état civil électroniques.
    S’agissant de la délivrance dématérialisée des copies d’actes d’état civil, la réussite de l’expérimentation est sans appel. Les députés représentant les Français de l’étranger, que je salue, et dont les retours ont été précieux, abonderont dans mon sens. L’administration a réalisé des économies importantes, dans une période de forte contrainte budgétaire. La diminution du recours au courrier postal lui a permis de se passer de onze postes de travail et d’économiser 1,3 million d’euros par an en achat de papier, d’enveloppes, et en affranchissement.
    Ce bilan est surtout sans appel pour l’usager. Avant cette expérimentation, l’envoi par voie postale prenait cinq jours si vous viviez en France. Si vous résidiez à l’étranger, c’était une tout autre histoire : selon votre lieu de résidence, votre courrier arrivait parfois en quinze jours, voire en un mois – s’il arrivait ! La dématérialisation de la délivrance permet désormais à l’usager, peu importe où il se trouve, de recevoir une copie de son acte en trois jours en moyenne. C’est un délai plus court que ce que les mairies de France sont en mesure de proposer.
    Les usagers ont bien saisi l’intérêt de cette démarche. En 2023, ils ont été plus de 93 % à avoir eu recours à la dématérialisation et, depuis 2021, plus de 2,5 millions de documents signés électroniquement ont été délivrés. Pour ne pas léser nos concitoyens attachés au contact humain, qui sont souvent nos anciens, nous maintenons évidemment l’accueil téléphonique, ainsi que la possibilité de solliciter l’envoi papier des copies et extraits d’actes.
    Ce dispositif est simple, efficace et emblématique de notre stratégie de simplification administrative. L’article 1er du texte propose de mettre fin à l’expérimentation pour inscrire la délivrance dématérialisée dans le droit commun.
    Le bilan du second volet de l’expérimentation – l’établissement d’actes d’état civil électroniques – est tout aussi prometteur. Les économies obtenues grâce à l’arrêt de la création de registres papier sont estimées à terme à plus de 1,5 million d’euros par an. Les nouveaux outils de dématérialisation feront gagner un temps précieux aux agents. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a établi en janvier 2024 les premiers actes d’état civil électroniques.
    Un travail important est encore à mener pour généraliser la création et la mise à jour électroniques des actes. Plusieurs facteurs ont rendu ce chantier plus long que prévu. La crise sanitaire a certes mis en lumière la pertinence de ce chantier, mais elle a aussi freiné les développements informatiques. Le volume des données et la mise en production de fonctionnalités supplémentaires ont ralenti le projet.
    La complexité technique et la sensibilité des données d’état civil nous ont conduits à renforcer les standards de sécurité. Les mesures de protection de ces données sont multiples – cloisonnement, réplication des sauvegardes dans un système d’archivage électronique sécurisé, traçage des accès et des modifications. Ces chantiers sont coûteux mais indispensables ; ils permettent d’apporter toutes les garanties nécessaires à la protection des données, à des niveaux de sécurité jamais atteints par le papier. Le contexte politique et la récente multiplication des cyberattaques nous obligent à renforcer cette protection.
    Achever l’expérimentation de dématérialisation de l’état civil est un objectif majeur de la politique de simplification portée par le Gouvernement. Le texte examiné aujourd’hui étend la période d’expérimentation de trois ans, ce qui sera suffisant. Les développements pourront ainsi être achevés et déployés dans l’ensemble de notre réseau consulaire.
    Lors des débats au Sénat, j’ai émis le souhait que le Gouvernement puisse, dans les prochains mois, présenter les avancées de l’expérimentation aux élus des Français de l’étranger, afin qu’ils puissent s’assurer que les opérations de dématérialisation sont conformes aux engagements pris en matière de calendrier et de services rendus à l’usager.
    Je salue le travail mené en commission, et M. le rapporteur pour son engagement sur ce texte.
    Le vote de cette proposition de loi est une étape nécessaire pour inscrire dans le droit commun la délivrance d’actes dématérialisés et ainsi conserver les bénéfices déjà constatés par les administrations et les usagers au-delà du 10 juillet prochain.
    Ce vote permettra aussi de mener à bien la création du registre d’état civil électronique, deuxième étape de ce vaste et ambitieux chantier de modernisation de notre vieil état civil, qui s’inscrit pleinement dans l’ambition du Président de la République et du Premier ministre d’accélérer la simplification administrative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ludovic Mendes, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Ludovic Mendes, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    L’état civil communal est confié au maire et à ses adjoints, qui sont officiers d’état civil. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères gère l’état civil consulaire – les actes d’état civil qui concernent les Français de l’étranger. Le service central d’état civil, situé à Nantes, est chargé d’exploiter ces actes, d’établir les actes des personnes qui acquièrent la nationalité française et de transcrire les actes d’état civil étrangers. Il est dépositaire d’environ 16 000 actes d’état civil, dont il assure la conservation et l’exploitation.
    La loi « Essoc » de 2018 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour organiser une expérimentation de l’exploitation des actes de l’état civil dont le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est dépositaire. L’étude d’impact de la loi Essoc estimait initialement le coût du projet à 8 millions d’euros. Les parlementaires ont voté une réduction de la durée de l’expérimentation, la faisant passer de quatre à trois ans.
    L’ordonnance du 10 juillet 2019 et le décret du 26 septembre 2019 ont fixé les modalités de l’expérimentation. Un registre électronique centralisé et un système de gestion des données de l’état civil ont été créés. Dans le cadre de l’expérimentation, un acte de l’état civil établi et signé électroniquement est tout aussi authentique qu’un acte de l’état civil papier signé à la main par un officier de l’état civil.
    L’expérimentation a été prolongée pour deux ans par la loi « 3DS ».
    À l’exception du volet relatif à la délivrance des actes, les développements informatiques ne sont pas encore aboutis – il faut encore généraliser la création et la mise à jour électroniques des actes. Sans parler de la crise sanitaire, qui a compliqué les rencontres entre les différentes équipes, la complexité du processus aurait été sous-estimée lors de l’établissement du calendrier, ce qui explique ce retard. Le budget cible s’établirait maintenant à 12 millions d’euros. Selon le nouveau calendrier prévisionnel envisagé par le responsable de projet, les développements applicatifs manquants pourraient être achevés à l’horizon fin 2025.
    Or, en l’absence de disposition législative, l’expérimentation prendra fin le 10 juillet prochain. Cette proposition de loi procède en conséquence à deux modifications. L’article 1er pérennise le volet de l’expérimentation relatif à la délivrance des actes : il modifie l’article 101-1 du code civil pour prévoir la possibilité que le ministère des affaires étrangères délivre des copies ou des extraits d’acte civil sur support électronique. Il était déjà possible de formuler sa demande d’acte d’état civil en ligne ; depuis mars 2021, on peut choisir une transmission par voie dématérialisée. Le document est ainsi déposé sur l’espace documentaire du site service-public.fr.
    La pérennisation de ce volet intervient à la suite de deux rapports d’évaluation qui soulignent le succès de la délivrance par voie dématérialisée. La dématérialisation a entraîné une réduction des délais de délivrance – ils sont maintenant de quatre jours, contre dix avant 2021. Elle garantit aussi la bonne réception des documents, notamment dans des pays où les services postaux ne sont pas très fiables. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre octobre 2022 et octobre 2023, 93,5 % des délivrances d’actes ont été dématérialisées. Le taux de satisfaction des usagers s’établissait en 2023 à 8,7 sur 10, preuve que cette simplification des démarches était attendue.
    Cette dématérialisation présente également plusieurs avantages pour l’administration : elle entraîne une réduction des coûts grâce à la diminution de courriers mis sous pli et affranchis, mais elle limite surtout les risques de fraude.
    En commission des lois, nous avons évoqué la question de la fracture numérique ; nous aurons de nouveau ce débat lors de l’examen des amendements. Personne ne nie que cette préoccupation soit légitime : il ne faut pas que la dématérialisation se fasse au détriment de nos concitoyens les plus éloignés du numérique. Je rappelle donc que nous ne faisons que donner une option supplémentaire à nos concitoyens, nous ne les empêchons nullement de demander et de recevoir leurs documents par courrier.
    L’article 2 vise à étendre l’expérimentation jusqu’au 10 juillet 2027, soit trois ans supplémentaires. Cette prolongation doit permettre d’achever les développements informatiques et de tester le nouveau système avant de le pérenniser.
    Le Sénat a complété le texte en prévoyant que le Gouvernement présente chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger l’état d’avancement et le bilan provisoire de cette expérimentation. Cette présentation serait suivie d’un débat. Comme me l’ont indiqué la présidente de l’Association des Français de l’étranger et la présidente de la commission des lois de l’Assemblée des Français de l’étranger, le Gouvernement se prête en réalité déjà à cet exercice à l’occasion de la présentation du rapport…

    M. Christopher Weissberg

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    Très important !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    …sur la situation des Français établis hors de France. Il paraît donc opportun de préciser, comme l’a fait le Sénat, que l’Assemblée des Français de l’étranger puisse débattre de la mise en œuvre de l’expérimentation à l’occasion de cette présentation annuelle.
    Les représentantes de l’Assemblée des Français de l’étranger m’ont également fait part de leur satisfaction quant à la mise en œuvre de ce projet, qui participe à la modernisation des procédures pour les Français établis hors de France.
    Enfin, un nouveau rapport des inspections sera transmis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation en 2027. Nous pourrons ainsi nous assurer que les chantiers en cours ont bien été achevés. Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter le texte dans la version votée par le Sénat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Christopher Weissberg

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    Bravo !

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, si vous voulez que nos débats soient terminés pour vingt heures, je vous invite à une certaine concision dans vos prises de parole.

    M. Fabien Di Filippo

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    Et à courir pour monter à la tribune !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Amélia Lakrafi.

    Mme Amélia Lakrafi

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    On le sait peu, mais le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, est un laboratoire central d’innovation en matière d’action publique. D’ambitieuses expérimentations y sont conduites pour explorer les possibilités de modernisation de nos procédures – une modernisation porteuse de simplification pour les usagers et les agents, et d’économies substantielles pour le budget de la nation.
    Vote électronique, renouvellement à distance des passeports et envoi dématérialisé des actes d’état civil sont autant de mesures testées au sein du ministère et que nous souhaiterions tous voir aboutir à plus grande échelle pour simplifier le quotidien. La généralisation de ces dispositifs dépend de la réussite de ce qui est incubé dans ce périmètre précis. C’est l’un des enjeux qui sous-tend la proposition de loi examinée.
    Elle vise principalement à donner davantage de temps au ministère pour achever une réforme profonde de la gestion de l’état civil qui relève de sa responsabilité, à savoir la dématérialisation complète des actes – de leur établissement à leur conservation.
    Il n’y a rien de simple dans cette opération engagée depuis 2019. La protection des documents et des données personnelles est un prérequis prioritaire et incontournable. Apporter cette garantie dans un usage numérique de bout en bout exige une technicité pointue. Il ne s’agit pas d’un nouveau petit logiciel à destination de l’administration, mais bien d’éléments complexes de cybersécurité, dans un contexte croissant de cyberattaques, de vols de données ou encore d’usurpation d’identité à des fins d’escroquerie.
    Accorder plus de temps à la réalisation de ce changement, c’est permettre sa réussite et ouvrir la porte à une généralisation. Croyant davantage à la force de l’encouragement qu’à la critique permanente, je salue les efforts de tous ceux qui œuvrent pour que cela fonctionne, malgré les reports de calendrier sur lesquels se focalisent certains, sans doute par méconnaissance des réalités qui président à la sécurisation de l’espace numérique.

    M. Christopher Weissberg

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    Eh oui !

    Mme Amélia Lakrafi

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    Les Français de l’étranger continueront d’être les premiers bénéficiaires de cette expérimentation. Ils ne sont pas les seuls concernés, car le ministère gère 15 millions d’actes d’état civil, mais cette simplification aura pour eux un impact notoire et probant. L’éloignement de l’administration, la défaillance des services postaux dans certains pays, la méconnaissance des procédures et des délais peuvent vite rendre n’importe quelle démarche d’état civil extrêmement fastidieuse depuis l’étranger – y compris la déclaration de la naissance d’un enfant français.
    Rien que pour cela, cette modernisation provoque une grande satisfaction pour la députée des Français de l’étranger que je suis. Mais j’ai par ailleurs la conviction que ce type de mesures est de nature à apaiser les relations que nos compatriotes entretiennent avec le réseau consulaire.
    Bien souvent, une contradiction s’installe entre les exigences légitimes et croissantes des Français pour des démarches sans contrainte et la capacité légale, réglementaire et technique limitée dont disposent les agents consulaires. Source d’incompréhension, cette contradiction nuit au dialogue et se traduit par une tension, voire par de l’agressivité envers les fonctionnaires, qui ne sont pour rien dans cette frustration.
    Pas un consulat n’est épargné par cet état de fait que je déplore, mais qui montre à quel point la modernisation de l’action publique dépasse le seul enjeu de la simplification administrative.

    M. Christopher Weissberg

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    Tout à fait !

    Mme Amélia Lakrafi

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    Les avancées que nous évoquons font progresser à grande allure la capacité de l’État à répondre à nos concitoyens qui attendent des démarches plus rapides et plus souples. C’est l’image même de notre administration et de ses agents qui serait affectée positivement. Je forme le vœu que cela s’accompagne d’un vrai retour au civisme, sur lequel nous nous devons d’être intransigeants collectivement.
    Le groupe Renaissance soutient sans réserve le report de calendrier de cette expérimentation et je salue à nouveau le remarquable travail d’innovation mené par le ministère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Christopher Weissberg

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Guiniot.

    M. Michel Guiniot

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    Le texte examiné vise à pérenniser ou étendre certaines dispositions issues de l’expérimentation introduite par l’ordonnance du 10 juillet 2019. Cette dernière a permis au Gouvernement de procéder à la dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes d’état civil relevant du ministère des affaires étrangères. Cela s’applique aux Français ayant fait établir des actes de naissance, de mariage ou de décès à l’étranger auprès de consulats ou d’ambassades, ainsi qu’aux actes relevant du décret du 1er juin 1965. L’ensemble de ces actes est géré par le service central d’état civil à Nantes.
    L’expérimentation a créé le registre de l’état civil électronique, identifié comme une réforme prioritaire de l’État. L’ordonnance a prévu des dispositions expérimentales de deux ans, prolongées de deux années supplémentaires. L’ordonnance prévoyait également un mécanisme de contrôle par des rapports d’évaluation transmis au Parlement.
    Si l’intention est louable, tant dans son intention de privilégier un service public de qualité, plus confortable pour les agents et plus réactif pour les usagers, que dans sa volonté de diminuer les dépenses publiques, le bilan de l’expérimentation est mitigé. Le rapport publié par la direction des affaires civiles et du sceau – la DACS –, conjointement avec la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, aboutit aux mêmes conclusions que le rapport publié par l’Inspection générale de la Justice – l’IGJ – et par l’Inspection générale des affaires étrangères – l’IGAE – : ils n’ont pas pu se prononcer sur l’ensemble des composantes de l’expérimentation, faute de données exploitables.
    De plus, un retard a été pris du fait des crises sanitaires et le délai moyen de traitement a augmenté, passant de 8,5 jours en 2021 à 14 jours en 2023. Le budget prévisionnel prévoyait 5 millions ; en 2023, 11,35 millions d’euros ont été dépensés. Disposant initialement d’une équipe de vingt et un assistants externes, l’administration a fait le choix de privilégier les économies en supprimant onze équivalents temps plein (ETP) en 2021, dont trois postes de catégorie C, plutôt que de rattraper le retard. Cela a mis les agents dans une situation de pression et créé de l’attente parmi les usagers. Les dépenses évitées devraient être de l’ordre de 1,3 million d’euros annuels, selon les données de 2021.
    Ce texte s’inscrivant dans une démarche d’accessibilité des services publics s’appuie pour cela sur le renforcement des moyens investis pour les Français de l’étranger, comme pour les Français d’origine étrangère, ainsi que sur l’accroissement des démarches de contrôle des actes, afin de lutter contre la fraude dans la délivrance des actes d’état civil relevant du ministère.
    L’article 1er inscrit dans le code civil la possibilité de délivrer les actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères sur support électronique.
     
    L’article 2 modifie les termes de l’expérimentation. Il proroge sa durée au 10 juillet 2027, tire les conséquences de la codification de la délivrance d’acte de l’état civil à l’article 1er et prévoit la présentation de l’état d’avancée et le bilan provisoire de l’expérimentation à l’Assemblée des Français de l’étranger. Il est dommage que le Parlement ne soit pas concerné par cette disposition. Vous vous êtes expliqués à ce sujet en commission, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Avec cette proposition de loi, nous allons entériner la dématérialisation du traitement de l’état civil des Français de l’étranger. L’établissement, la mise à jour et la conservation des actes d’état civil, mis en place par décret entre 2019 et 2022 pour nos compatriotes qui résident loin des services consulaires, leur facilitent grandement l’accès à des documents essentiels, car cela leur évite de parcourir de longues distances. C’est une mesure d’égalité par rapport aux personnes résidant dans l’Hexagone. Pourtant, à en croire les retours d’expérience sur votre dispositif depuis 2019, le bilan peut sembler mitigé.
    Lors d’une énième panne du portail du ministère des affaires étrangères en octobre 2023, les services ont été sursollicités, ce qui a entraîné une interruption pendant plusieurs jours des services de délivrance en ligne d’extrait ou de copie d’actes. Par conséquent, le délai de traitement des demandes non urgentes a fortement augmenté et le nombre d’appels et de courriels a explosé. À la situation, prolongée depuis, se sont ajoutées d’autres pannes ayant entraîné la disparition de plusieurs demandes et documents. La loi ne peut pas changer le réel si elle n’est pas accompagnée d’actes.
    En l’occurrence, le service informatique doit être de qualité et encore renforcé pour être capable de résister aux fortes demandes, ainsi qu’aux tentatives de hacking, dans un contexte de tensions internationales.
    Nous vous rappelons, à la suite de la Défenseure des droits, que la dématérialisation n’est pas anodine. Elle ne peut pas remplacer la présence humaine, mais seulement la compléter afin de répondre aux besoins de tous les usagers. Si elle peut faciliter les démarches de nombre de nos concitoyens, elle n’est pas un but en soi : elle est un simple moyen pour garantir l’égal accès aux services publics, un objectif à valeur constitutionnelle, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946.
    Or, en prévoyant d’expérimenter la fermeture des guichets consulaires d’ici à 2027, vous rompez avec ce principe et vous vous retrouvez complètement hors-sol, car des régions entières du monde ont un accès très limité à internet. Certaines nations restreignent l’accès à des sites essentiels, y compris des sites français. De plus, nos compatriotes vivant à l’étranger demeurent victimes des mêmes inégalités, que ce soit en raison de l’âge ou du revenu.
    Cette dématérialisation doit être suivie d’une constante amélioration technique des conditions de travail des services humains. Or, depuis septembre 2021, onze ETP ont été supprimés et le ministère des affaires étrangères a prévu d’en supprimer vingt de plus pour faire des économies. Est-ce la véritable raison d’être de ce texte ?
    Supprimer des postes, détruire petit à petit nos services publics et rendre toujours plus difficile l’accès aux droits, n’est-ce pas la politique que vous avez menée ces sept dernières années ? Tous nos concitoyens, où qu’ils résident, veulent pouvoir interagir avec des êtres humains et non avec des robots ou des logiciels. Il faut se mettre à leur place. Si vous rencontrez un souci dans une démarche administrative, surtout à l’étranger, vous avez besoin d’interagir avec une personne. Quel manque de considération peut donc vous conduire à penser le contraire ?
    Nous vous demandons de réembaucher les fonctionnaires aux postes supprimés et de renoncer à en supprimer d’autres. À La France insoumise, nous n’avons qu’un seul mot d’ordre face aux casseurs des services publics : « Des moyens humains et du fric pour les services publics ! »

    Mme Danielle Simonnet

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    Bravo !

    M. Andy Kerbrat

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    En novembre dernier, dans le cadre de notre niche parlementaire, ma collègue commissaire aux lois, Danièle Obono, a fait adopter une loi pour rouvrir des guichets physiques dans l’ensemble des services publics. (Mme Danielle Simonnet applaudit.) C’est une mesure largement soutenue par les usagers, ainsi que par les élus locaux.
    Notre logique est de ne pas fermer de guichets et de rouvrir ceux qui ont été fermés, afin de garantir l’accès de toutes et tous à un service public de qualité. La généralisation des plateformes ne doit pas être un cache-maltraitance. La déshumanisation des services pose de véritables problèmes, comme c’est le cas pour l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef) et la disparition progressive de l’accueil physique en matière de droits des étrangers en préfecture.
    Diminuer le nombre de fonctionnaires est votre obsession à droite, mais la qualité des services publics pour les Français est la nôtre. Si cette dématérialisation répond à un besoin des usagers, elle ne peut pas pour autant se faire au détriment de l’égalité d’accès aux services publics et dans une vision déshumanisante. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Merci !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Nous saluons l’initiative d’expérimenter en matière de dématérialisation, car cela facilite l’accès de nos concitoyens au service public. Je me réjouis que plus de 1,2 million de Français se déclarent satisfaits de ce service qui permet, au surplus, la réalisation d’économies sur les frais d’envoi.
    Si le bilan de l’expérimentation est dans l’ensemble plutôt positif, on relève tout de même un certain nombre de facteurs de complexité et de retards, ce qui pose la question des moyens humains et financiers.
    Outre la crise sanitaire, qui a retardé l’avancée de cette dématérialisation, il apparaît que les développements informatiques n’aboutiront pas avant la fin de l’année 2025. La complexité du processus semble avoir été sous-estimée lors de l’établissement du calendrier, ce qui explique ce retard. L’expérimentation doit donc être prolongée, non seulement en raison de ce bilan en demi-teinte, mais aussi parce que le problème de la sécurité a été sous-estimé.
    L’établissement de l’état civil est une prérogative éminemment régalienne. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, le français est la langue de l’État. Avant la Révolution, les registres paroissiaux étaient assez complets ; par la suite, les communes ont officiellement reçu la mission de les tenir au nom de l’État, ce qui illustre l’importance de la fonction.
    Au-delà des questions touchant à l’identité et dans la mesure où les actes d’état civil servent désormais à établir d’autres documents et à ouvrir des droits, il importe qu’ils soient d’une fiabilité absolue. Si l’expérimentation en tant que telle ne semble pas poser de problème particulier, il faut absolument veiller à ce que l’établissement des actes, comme leur transfert, soit parfaitement sécurisé. Cela implique notamment d’éviter toute falsification et de se protéger des cyberattaques, afin que les données de nos concitoyens ne se retrouvent pas dans la nature. Cela soulève aussi la question de la protection et de la conservation des données personnelles – notamment dans le cloud –, ainsi que celle de la souveraineté numérique. Or, à ce stade, nous ne sommes pas totalement rassurés et j’espère que nos discussions permettront de dissiper nos derniers doutes. Les députés du groupe Les Républicains voteront ce texte, parce que cette expérimentation mérite d’être pérennisée, eu égard aux bénéfices constatés tant pour nos compatriotes établis hors de France que pour l’administration. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE et Dem.)

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Non seulement en tant qu’élu de la septième circonscription des Français établis hors de France, mais aussi en tant que père d’une fille née en Lituanie et de nationalité lituanienne, je suis un usager régulier des services d’état civil, désormais dématérialisés ; j’en connais donc les difficultés d’accès. Malgré la mise en service de nouveaux outils et malgré la prise de conscience des difficultés, des concitoyens demeurent éloignés de ces services. Dans certains endroits de la planète, la perte d’une carte nationale d’identité peut virer au cauchemar, comme l’a rappelé notre collègue Amélia Lakrafi.

    M. Philippe Bolo

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    Très juste !

    M. Frédéric Petit

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    La dématérialisation est une grande amélioration, qui fonctionne – ce qui est notable. Je ne reviendrai pas sur la description complète effectuée par Amélia Lakrafi, mais je tiens à formuler deux remarques – vous les connaissez bien, monsieur le ministre, puisque je les répète depuis longtemps.
    Premièrement, il a été question de laboratoire, mais nous ne devons pas morceler nos propositions de modernisation. À ma connaissance, trois expériences différentes ont été menées ; une quatrième – à mon avis la plus fondamentale – porte sur l’identité numérique. Les Français établis hors de France en ont malheureusement été exclus, alors qu’ils en seraient les meilleurs expérimentateurs.
    Si nous devons être un laboratoire de la modernisation des services, plutôt que nous contenter d’ajouter un nouveau logiciel ou de morceler les réformes, nous devons dès le départ avoir une vision d’ensemble de la modernisation. C’est ce qui se pratique dans toutes les organisations ; dans le secteur privé, on appelle ça la planification des ressources d’entreprise ou ERP – Enterprise Resource Planning. Sinon, nous n’y arriverons jamais – ou alors, l’expérimentation durera vingt-cinq ans.
    Deuxièmement, je rappelle que nous sommes les leaders mondiaux des services consulaires : la France est le premier pays à en avoir développé autant, aux quatre coins de la planète. La modernisation d’un réseau si énorme et si efficace passera nécessairement par une réorganisation des compétences au sein de la direction des Français à l’étranger du ministère. Si nous réussissons la modernisation des services, on ne peut imaginer que les personnels, aussi dévoués et compétents soient-ils, ne transforment pas leurs pratiques.
    Permettez-moi de prendre deux exemples pour illustrer mon propos. Tout d’abord, la mutualisation des tournées des valises diplomatiques et consulaires, dont je n’ai jamais compris le fonctionnement. Pourquoi certaines sont-elles dormantes 90 % du temps, alors qu’elles pourraient être regroupées ? Afin de moderniser l’organisation en silo, branchée sur les consulats, nous devons harmoniser et transformer les pratiques des fonctionnaires, en accompagnant chacune des démarches. Sinon, nous réveillerons dans dix ans pour nous apercevoir que nous avons oublié de procéder à une partie de la modernisation, celle-ci n’étant pas uniquement technique.
    Ensuite, nous devons intégrer dans cette expérimentation toutes les ressources et les bonnes volontés. Ainsi, les élus français à l’étranger et les consuls honoraires pourraient être autorisés à effectuer certaines opérations ; une telle réorganisation est nécessaire pour moderniser les services d’état civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Henri Alfandari.

    M. Henri Alfandari

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    Nous avons l’occasion d’achever la transformation numérique de la gestion des actes civils pour les Français vivant à l’étranger. Dans son article 40, le code civil consacre la signature manuscrite de l’officier d’état civil comme garantie de l’authenticité des actes d’état civil. Ceux-ci sont donc exclusivement établis sur papier ; leur publication et leur délivrance se font soit en mains propres, soit par voie postale. Cette garantie d’authenticité présente de nombreux avantages : outre la signature manuscrite, le support papier facilite la conservation sur un ou plusieurs registres, en double exemplaire.
    Pour nos concitoyens résidant à l’étranger, la demande d’un extrait ou d’une copie de l’acte civil pouvait être particulièrement longue et contraignante. Le recours à l’envoi postal présentait le risque que l’acte ne soit pas délivré à temps, voire qu’il se perde.
    C’est pourquoi en 2018 le Gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance pour expérimenter la dématérialisation du traitement des actes déposés au service central d’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Tout ne s’est pas fait au même rythme : la dématérialisation de la délivrance des actes d’état civil est effective depuis mars 2021, mais pour près de 1,7 million de nos concitoyens inscrits au registre des Français établis hors de France, la dématérialisation du registre permettant l’établissement, la mise à jour et la conservation de ces actes n’est pas encore opérationnelle.
    Compte tenu du succès de la dématérialisation de la délivrance des actes d’état civil établis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, il paraît opportun de pérenniser ce dispositif. Cette dématérialisation est largement plébiscitée par les Français établis hors de France et a déjà permis à l’administration d’économiser chaque année 1,3 million d’euros de frais postaux.
    Eu égard aux contraintes techniques d’établissement, de mise à jour et de conservation de ces actes, il est tout aussi nécessaire, voire urgent, d’étendre la période d’expérimentation, qui, en l’état actuel du droit, prendra fin le 10 juillet prochain. Nous espérons que le délai supplémentaire permettra aux services de l’état civil du ministère d’achever ce processus, en garantissant la sécurité des données de nos concitoyens.
    La proposition de loi représente une étape supplémentaire dans la simplification des démarches administratives. Elle est aussi un gage de liberté donné aux Français de l’étranger, en particulier ceux qui sont plus éloignés des outils et des pratiques numériques, qui conserveront la possibilité d’accéder au guichet. Le groupe Horizons et apparentés votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    La proposition de loi apporte une simplification à la vie administrative de nos concitoyens établis à l’étranger, prolongeant une expérimentation engagée il y a déjà plusieurs années. Si l’objet même du dispositif n’est pas sujet à discussion, comme nous l’avons dit en commission des lois, la question des moyens nécessaires à sa réalisation, au mieux et au plus vite, doit retenir notre attention.
    Très concrètement, ce texte vise à pérenniser le premier volet de l’expérimentation en l’intégrant au code civil. Il s’agit de la dématérialisation de la délivrance des copies intégrales et des extraits d’état civil. Le texte vise également à proroger les autres points de l’expérimentation concernant l’établissement, la conservation et la mise à jour des actes d’état civil dans le cadre du registre électronique. Rappelons que l’authenticité de l’acte d’état civil découle de l’application de l’article 40 du code civil, qui prévoit la signature manuscrite de l’officier d’état civil. En conséquence, les actes d’état civil sont établis sur support papier.
    La première expérimentation a déjà cinq ans d’existence : elle doit être prorogée. Toutefois, son coût s’élève à 5 millions et le montant total est appelé à doubler ; nous devons donc rester particulièrement attentifs aux moyens qui seront alloués.
    La seconde partie de l’expérimentation, qui concerne la déclaration en ligne des événements d’état civil survenus à l’étranger et la dématérialisation complète du traitement des actes, n’a été lancée qu’en 2024 et n’a donc pas encore été véritablement menée à bien.
    Nous ne pouvons que soutenir le déploiement de l’ensemble du dispositif. Cependant, son application révèle une façon de faire peu moderne – je l’ai rappelé en commission, au nom du groupe Socialistes et apparentés : les moyens informatiques et en ressources humaines, ainsi que les équipements ont été limités. Il semble qu’au fil du temps, les équipes nécessaires ont été réaffectées à d’autres projets et activités au sein même du ministère. Cette évolution soulève des questions quant à la façon dont ce dispositif a été promu, à son lancement et par la suite.
    L’investissement dans les outils informatiques en faveur des Français établis à l’étranger doit être l’une de nos priorités. Cette année, les moyens budgétaires nécessaires font l’objet d’âpres discussions. Il convient donc de mettre en perspective cette dématérialisation avec deux enjeux. Tout d’abord, le service d’état civil doit rester accessible à tous, notamment à celles et ceux qui ne sont pas familiers d’internet ou qui ne disposent pas d’un accès à celui-ci. Ce n’est malheureusement pas si rare, en particulier dans les régions éloignées du territoire métropolitain.
    Ensuite, le service dématérialisé doit être fiable, ce qui suppose non seulement que l’application soit disponible, mais aussi qu’elle s’accompagne de garanties de fonctionnement et de sécurisation. En un mot, il convient de veiller à ce que les moyens nécessaires à cette expérimentation soient fiables et le restent durablement.
    Le groupe Socialistes et apparentés apporte son soutien au texte, mais restera attentif à ce que les moyens soient affectés efficacement et à ce qu’ils le restent jusqu’au terme de l’expérimentation. Il sera également vigilant, afin que la dématérialisation des services constitue un service supplémentaire, parallèlement à un accès plus classique pour nos compatriotes éloignés de l’accès à internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Guillaume Garot

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Après la dématérialisation des procédures relatives à la carte grise, au permis de conduire, au renouvellement de la carte d’identité, à la réception des prestations sociales et à la déclaration des revenus – c’est d’actualité –, nous débattons aujourd’hui de celle des actes d’état civil des Français établis à l’étranger.
    Avant de nous pencher sur le fond, il est utile de s’intéresser à la forme. Il est à noter, ou plutôt à déplorer, que cette proposition de loi soit en réalité un projet de loi déguisé. Elle a été déposée par une sénatrice du groupe de la majorité, permettant ainsi au Gouvernement de ne pas avoir à produire d’étude d’impact ni à demander son avis au Conseil d’État – c’est bien là que le bât blesse.
    Pourtant, si la dématérialisation peut apparaître, par sa rapidité, comme une avancée, elle laisse de côté les millions de personnes qui peinent à utiliser les outils numériques. Quelques chiffres le prouvent : 15 % des Français étaient en situation d’illectronisme en 2021 selon l’Insee, et 54 % d’entre eux – un taux en augmentation de 16 points par rapport à 2020 – déclaraient en 2022 faire face à des difficultés dans l’accomplissement de démarches en ligne selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). Ces difficultés sont exacerbées dans les territoires d’outre-mer. En février 2020, la Défenseure des droits alertait l’opinion sur les dérives possibles d’une dématérialisation complète des démarches administratives ; elle renouvelait son alerte en février 2022 en rappelant cette réalité : toute dématérialisation s’accompagne d’un transfert de charges administratives vers l’usager et vers l’ensemble des acteurs publics ou associatifs qui l’accompagnent.
    S’agissant de l’article 1er, on peut saluer l’abandon de la logique du tout ou rien qui prévalait jusqu’ici en matière de dématérialisation. En effet, il inscrit dans le code civil la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d’état civil établis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, tout en précisant que la délivrance au format papier reste une possibilité : les usagers pourront toujours demander la délivrance par courrier d’une copie ou d’un extrait, ou solliciter leur impression.
    Nous proposons d’inverser cette logique, afin de faire de la délivrance de documents imprimés la norme et non l’exception. Notre amendement vise à conditionner la délivrance sur support électronique des copies et extraits d’actes d’état civil à la demande de l’usager.
    L’article 2 proroge, pour la deuxième fois et pour trois ans, l’expérimentation de la dématérialisation de l’établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d’état civil. D’abord, l’expérimentation a accusé un retard important et, n’ayant pas pu être pleinement déployée, n’a pas pu être correctement évaluée. Rappelons ensuite que l’expérimentation devait prendre fin le 10 juillet 2022 et qu’elle a déjà été prorogée jusqu’au 10 juillet 2024. Le fait qu’on ne nous demande de valider une nouvelle prorogation qu’en juin 2024 atteste du manque d’anticipation du Gouvernement.
    On peut saluer la décision du Sénat de conditionner cette deuxième prorogation à une transparence accrue de la part du Gouvernement. Chaque année, et lors d’un débat en sa présence, ce dernier devra présenter à l’Assemblée des Français de l’étranger l’état d’avancement de l’expérimentation et son bilan provisoire. Nous proposons que pendant la durée de prorogation, l’état d’avancement et le bilan annuel soient également transmis au Parlement.
    Enfin, nous rappelons avec force que si la dématérialisation peut améliorer la qualité du service rendu, elle ne doit pas être dictée par la recherche d’économies, sauf à ne pas être acceptée et, surtout, à ne pas être efficace. Or, alors même que dans tous les consulats, les équipes sont sous tension, onze ETP ont été supprimés en 2021 et le ministère prévoit d’en supprimer vingt de plus. Ces suppressions de moyens humains ont lieu alors que les antennes physiques manquent dans beaucoup des pays où nos ressortissants sont établis. Ces pays sont parfois deux ou trois fois plus grands que l’Hexagone, si ce n’est davantage, et ne garantissent pas toujours un accès stable et sécurisé à internet.
    La numérisation n’est qu’un outil et ne saurait être un but en soi. La relation que le service public entretient avec ses usagers, où qu’ils se trouvent, doit demeurer tangible. Si ce texte va plutôt dans le bon sens – notamment grâce aux améliorations qui lui ont été apportées au Sénat –, il nous semble que certaines garanties en matière de transparence et d’accès aux services physiques sont encore insuffisantes. En l’état actuel des choses, le groupe GDR s’abstiendra.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    D’ordinaire, lorsqu’on entend le mot « dématérialisation », on se dit qu’il y a un risque d’éloignement, avec la fermeture d’un guichet, ou un risque lié à la fracture numérique. En l’espèce, les choses sont différentes, car la proposition de loi vise à simplifier la vie des Français de l’étranger.
    Il arrive souvent que nos concitoyens établis hors de France rencontrent des difficultés d’accès à l’administration, notamment lorsqu’ils vivent loin d’une ambassade ou d’une section consulaire. C’est face à ce constat qu’il a été décidé d’expérimenter la dématérialisation de l’état civil par le ministère des affaires étrangères. Cette démarche doit permettre de répondre à la demande des usagers, qui souhaitent gérer certaines procédures à distance, sans avoir à se déplacer.
    Notre groupe soutient la dématérialisation, tout en émettant certaines réserves. Après cinq ans, les retards se sont accumulés et le coût total du projet devrait doubler, tandis que l’un des volets de l’expérimentation n’a pas été mis en œuvre. Pour l’heure, le compte n’y est donc pas, ce qui est regrettable, tant cette expérimentation est essentielle pour les quelque 2,5 millions de Français résidant à l’étranger.
    D’autres avant moi ont dressé l’historique de ce projet, mais je rappellerai que notre assemblée a validé l’expérimentation en 2018 et l’a prolongée une première fois jusqu’en juillet 2024. Certes, la pandémie de covid a provoqué certains retards, mais le ministère fait aussi face à des difficultés techniques. De toute évidence, le Gouvernement a surestimé ses capacités. Le ministère des affaires étrangères n’a mis en œuvre l’expérimentation relative à la délivrance des actes qu’à partir de mars 2021, mais ne l’a pas encore appliquée à leur établissement et à leur conservation.
    En plus des délais, le coût prévisionnel total du projet augmente, pour atteindre 11,3 millions d’euros, plus du double de son estimation initiale de 5 millions d’euros.
    C’est sur le volet « délivrance » des copies et extraits d’actes d’état civil que nous nous attarderons, car c’est le seul qui a été mis en œuvre. Il a produit des résultats positifs, puisqu’en 2023, seulement 0,3 % des 1,26 million de demandes adressées à l’état civil du ministère des affaires étrangères étaient assorties d’une demande d’impression.
    Certains résultats peuvent toutefois conduire à s’interroger : alors que l’un des objectifs de la réforme était de réduire le délai de traitement, le bilan de l’expérimentation atteste d’une contreperformance, avec un délai moyen de traitement passant de 8,5 jours en 2021 à 14 jours en 2023.
    Concernant le second volet de l’expérimentation, nous sommes également réservés : nous constatons qu’il n’a toujours pas été mis en œuvre et qu’il ne le sera pas avant 2025.
    Cette prolongation doit être la dernière et on se demande si le ministère réussira à tenir les nouveaux délais : le rapport du Sénat indique bien que le « nouveau calendrier prévisionnel reste à stabiliser » et que son respect dépend du maintien d’une capacité budgétaire et humaine. Notre groupe votera pour ce texte, car il sera utile à nos concitoyens, mais espère que le Parlement sera informé mieux – et annuellement – de l’avancement de cette dématérialisation.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Karim Ben Cheikh.

    M. Karim Ben Cheikh

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    Poursuivre la dématérialisation de l’état civil des Français établis hors de France, tel est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Disons-le d’emblée : les Français établis hors de France la jugent prioritaire.
    D’une part, cette proposition touche au lien fondamental entre eux et la nation, à savoir la gestion de leur état civil et de leur existence administrative. D’autre part, elle dessine de réelles perspectives d’amélioration de cette gestion, sachant que nos compatriotes se trouvent parfois dans une situation dramatique du fait de leur pays de résidence.
    Nous sommes tous d’accord, l’expérimentation de la dématérialisation de l’état civil est loin d’avoir atteint tous ses objectifs. Pourtant, son bilan est d’ores et déjà positif : le service central d’état civil a délivré plus de 1 million de copies et extraits d’actes aux usagers en 2022, dont 99,5 % ont été remis à leurs demandeurs grâce au registre d’état civil électronique créé par cette expérimentation.
    Pour de nombreuses catégories d’usagers, les délais de délivrance ont ainsi été considérablement raccourcis, passant de trente à trois jours, voire de trois mois à trois jours.
    Pour autant, nous pouvons regretter que quatre des cinq objectifs fixés par la loi n’aient pas été atteints ni évalués dans le rapport d’inspection de décembre 2023. Que dit ce rapport ? Qu’outre la sous-estimation de la complexité du projet et le retard pris en raison de la pandémie de covid-19, c’est le manque de moyens humains et financiers qui n’a pas permis d’atteindre plus rapidement les objectifs fixés. Oui, si l’objectif est louable et ambitieux, les moyens le sont beaucoup moins : nous devons être attentifs à cette affirmation, tant elle reflète la réalité d’une administration qui doit quotidiennement faire face au manque de moyens.
    Qu’a-t-on appris ces dernières années de la gestion des actes d’état civil de nos compatriotes établis à l’étranger ? Que nous faisons encore trop peu et pas assez vite. Que ce soit au Burkina Faso, au Niger ou au Sénégal, je suis souvent interpellé par nos compatriotes en difficulté dans des procédures d’état civil.
    Le projet de dématérialisation doit être pensé pour réduire les délais, mais il ne doit pas servir à masquer un tel manque de moyens humains dans les postes que la demande de nos compatriotes en matière de création – et non de délivrance – d’actes d’état civil n’est plus convenablement satisfaite.
    En l’occurrence, les officiers d’état civil doivent posséder une connaissance locale et fine des différents types d’états civils étrangers pour mener à bien un travail complexe. Un pays comme le Liban, où j’ai eu l’honneur de servir comme consul général, ne compte pas moins de dix-huit registres différents, chacun pouvant être source de transcription d’actes d’état civil. Le rapport d’évaluation des ministères le dit : la dématérialisation totale, permettant même la création d’actes d’état civil complexes, n’est pas encore à notre portée.
    Les ressources humaines sont donc indispensables, mais nous ne pouvons que constater leur insuffisance dans les postes consulaires. Chaque déplacement dans ma circonscription, ou encore à Madagascar, où je me suis rendu pour préparer un rapport pour la commission des finances, est l’occasion de le confirmer. Certains consulats accusent des retards importants dans des transcriptions d’actes d’état civil ; celles-ci prennent parfois plusieurs années et de tels délais peuvent avoir des conséquences dramatiques pour nos compatriotes établis à l’étranger ou pour les équipes consulaires. Là, c’est un enfant qui ne peut entrer à l’école maternelle parce que ses parents attendent la transcription de son acte de naissance depuis trois ans ; ailleurs, ce sont des levées d’actes qui ne peuvent être réalisées, car elles nécessitent le déplacement d’agents consulaires dans des mairies lointaines, si tant est que le poste de ces agents existe encore.
    Partout, j’ai rencontré des équipes exsangues, en situation de sous-effectif structurel. Leur situation semblerait inconcevable si elle menaçait un service public opérant en territoire français.
    Au demeurant, l’amélioration de l’état civil n’est pas la seule demande des concitoyens résidant à l’étranger. Les Français habitant Niamey au Niger, Fianarantsoa à Madagascar, Bobo Dioulasso au Burkina Faso ou encore Saint-Louis du Sénégal souhaitent par exemple voter lors des prochaines élections européennes, mais n’ont pas accès aux bureaux de vote, dont le nombre, comme celui des représentations consulaires françaises, a diminué. La procédure de vote électronique, valable pour les élections consulaires ou législatives, n’a pas été prévue dans le cas des élections européennes ou présidentielles. Quand bien même c’eût été le cas, cette modalité de vote est largement perfectible, je peux en témoigner.
    La dématérialisation complète de la procédure de procuration électorale n’est pas proposée aux Français établis hors de France, alors qu’elle l’est aux Français vivant dans le territoire national.
    Compte tenu de ces éléments, nous devons nous assurer que les Français établis hors de France percevront bien les gains que peut offrir cette dématérialisation, grâce à l’allocation de moyens humains et budgétaires supplémentaires, tant à Nantes que dans notre réseau. J’espère que vous pourrez rassurer la représentation nationale à ce sujet.
    Nous voterons favorablement à ce texte, qui permet une avancée essentielle, qu’il faut maintenir et encourager. Nous appelons à renforcer, chers collègues, les capacités de nos postes en matière d’accueil et de traitement des actes d’état civil. Les Français de l’étranger sont en droit de recevoir de la République la même considération que celle dont jouissent leurs concitoyens établis sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    Sur la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1 de Mme Emeline K/Bidi est défendu.

    (L’amendement no 1, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Guiniot, pour soutenir l’amendement no 3.

    M. Michel Guiniot

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    Il concerne le mode de délivrance des actes d’état civil relevant du ministère des affaires étrangères. En effet, si l’article 2 de l’ordonnance de 2019 relative à l’expérimentation de la dématérialisation des actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères dispose sans appel que l’établissement des actes est réalisé sous format papier, l’article 1er de la présente proposition de loi est moins explicite. Il mentionne simplement la possibilité d’une délivrance sur support papier, alors que la loi devrait rappeler les droits des usagers, notamment celui de choisir le mode de délivrance des copies ou des extraits d’actes qu’ils demandent.
    Il ne s’agit pas d’alourdir la loi, mais d’y apporter une précision rédactionnelle : il est important que nos compatriotes éloignés du numérique bénéficient du même accès aux actes d’état civil que celui promis à ceux nés avec un téléphone dans la main. De surcroît, l’expérience démontre que plus de 12 % des demandes – dont le nombre dépasse le million – trouvent satisfaction par un acte imprimé, selon le rapport de l’Inspection générale des affaires étrangères pour 2023.
    Cet amendement vise donc à assurer à ces concitoyens qu’ils sont bien pris en considération et qu’ils continueront à l’être, même hors du champ de l’expérimentation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Il est défavorable, car l’amendement est déjà satisfait. D’une part, le texte propose, mais n’impose pas une modalité de délivrance ; d’autre part, il tend à modifier l’article 101-1 du code civil, qui rappelle que l’impression des extraits ou copies d’actes d’état civil est la norme.

    (L’amendement no 3, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 6 de M. Michel Guiniot est défendu.

    (L’amendement no 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 1er est adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    L’amendement no 4 de M. Michel Guiniot est défendu.

    (L’amendement no 4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 5 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Michel Guiniot, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Michel Guiniot

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    Il vise à obtenir la communication au Parlement de la présentation annuelle transmise à l’Assemblée des Français de l’étranger. Comme vous l’avez rappelé, l’article 12 de l’ordonnance de 2019 prévoit la remise d’un rapport six mois avant le terme de l’expérimentation, mais ne l’envisage pas chaque année. J’espère que vous concevez, monsieur le rapporteur, que l’information du Parlement ne doit pas être anecdotique. De surcroît, étant donné que le Gouvernement présente chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger un rapport sur l’état d’avancement et le bilan provisoire de l’expérimentation, il n’est pas dérangeant d’ajouter un destinataire à cette présentation. En effet, c’est le Parlement français et non l’Assemblée des Français de l’étranger qui décidera de pérenniser ou non l’ensemble du dispositif. C’est aussi lui qui contrôle l’action du Gouvernement.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2 de Mme Emeline K/Bidi est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Je comprends la volonté de mes collègues. Au Parlement, il est normal de débattre ; nous avons échangé sur cette question en commission des lois. En réalité, le Parlement recevra des informations relatives à l’expérimentation.
    Cette question intéresse davantage l’Assemblée des Français de l’étranger. Par ailleurs, nos collègues représentant les Français établis hors de France pourront nous faire remonter des informations. Pour rappel, non seulement l’état d’avancement et le bilan provisoire de l’expérimentation seront présentés chaque année à l’Assemblée des Français de l’étranger, mais cette présentation donnera lieu à un débat dans cette assemblée.
    Je ne suis pas certain qu’on souhaite débattre à l’Assemblée nationale de la dématérialisation des actes d’état civil établis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

    (Les amendements nos 5 et 2, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        69
            Nombre de suffrages exprimés                66
            Majorité absolue                        34
                    Pour l’adoption                66
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra