Mercredi 29 mai 2024, Véronique Riotton (RE, Haute-Savoie) et Stéphane Delautrette (SOC, Haute-Vienne) ont présenté à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire les conclusions de la mission d’évaluation de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec).
Créée le 8 novembre 2023 en application du troisième alinéa de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, cette mission a pour objet de faire un état des lieux des conséquences environnementales, économiques, sociales, juridiques et financières de la loi ainsi que des éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de ladite loi.
La loi vise à « réduire le volume de nos déchets et préserver notre environnement » et « s’inscrit dans la droite ligne de la charte de l’environnement, adoptée en 2004 et […] d’une demande sociétale forte visant à rendre notre modèle plus vertueux » avait alors expliqué Véronique Riotton, l’une des rapporteures du projet de loi, à la tribune de l’Assemblée nationale.
La loi, composée de 130 articles, s’articule autour de quatre grandes orientations : réduire les déchets ; mieux informer le consommateur ; lutter contre le gaspillage et favoriser le réemploi et la réutilisation ; renforcer la responsabilité des producteurs.
Les rapporteurs ont mené une centaine d’auditions afin d’évaluer la mise en œuvre de cette loi jugée « ambitieuse » et« pionnière ».
Si les rapporteurs ont constaté un « fort engouement » des parties prenantes après la promulgation de la loi, ils appellent à « accélérer », « massifier » et « industrialiser » la mise en œuvre de la loi. Ils déplorent que « plusieurs dispositions de la loi soient peu appliquées, voire pas du tout appliquées, ne fassent pas l’objet de mesures de suivi ou de contrôle, ou se heurtent à divers blocages, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou européenne ».
Ils mettent l’accent sur trois écueils.
D’abord, ils constatent que les données sont encore trop parcellaires pour permettre l’évaluation de la mise en œuvre de la loi. Ils constatent que cette carence est due au délai d’analyse et de publication des données, aux objectifs échelonnés sur plusieurs années mais aussi à l’absence de définition claire de certains objectifs empêchant la création d’indicateurs de suivi.
Ensuite, ils regrettent que la mise en œuvre de la loi se soit trop focalisée sur la collecte, le tri et le recyclage, au détriment d’une approche globale de l’économie circulaire. Si la loi a entériné la création de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), les rapporteurs constatent que leur déploiement de manière concomittante a conduit à une charge de travail supplémentaire pour l’ensemble des acteurs. De fait, les filières se sont mises en place avec des retards et pour certaines n’atteignent pas encore les objectifs définis dans les cahiers des charges. Ils soulignent, en outre, que les producteurs se sontconcentrés sur l’aval du cycle de vie d’un produit et notamment sur le tri, la collecte et le recyclage des déchets. Ils regrettent que la prévention de la production de déchets, l’écoconception, et le réemploi ou la réutilisation restent les parents pauvres de la loi Agec. Face au poids grandissant des filières REP, les rapporteurs appellent à revoir leur gouvernance, pour faire évoluer ces filières vers de véritables « filières de l’économie circulaire », sans remettre en cause le principe de « pollueur-payeur ». Afin de contrôler, et d’appliquer systématiquement les sanctions prévues par la loi, les rapporteurs soutiennent la mise en place d’une instance indépendante de contrôle et de régulation des filières REP. La question du renforcement des contrôles dépasse le cadre des filières REP, et s’inscrit dans une dynamique plus globale. Les rapporteurs considèrent ainsi que des moyens humains suffisants doivent être accordés aux services de l’Etat pour assurer l’atteinte de l’ensemble des objectifs de la loi Agec, et éviter les distorsions de concurrence.
Enfin, les rapporteurs expliquent que si la loi Agec est un texte précurseur au niveau européen et est devenue une source d’inspiration dans le cadre de la révision de la directive-cadre « déchets », ils regrettent que plusieurs mesures phares de la loi soient menacées par la réglementation européenne. Alors que certaines avancées nationales n’ont pas su s’imposer auprès des institutions européennes, en particulier l’indice de durabilité pour les smartphones, d’autres peuvent encore être préservées, voir servir de modèle à la réglementation européenne à venir, expliquent les rapporteurs. Ils appellent à « défendre et promouvoir la loi Agec au niveau européen pour conserver les avances obtenues et préserver les investissements engagés par l’ensemble des acteurs »
Le rapport formule 100 propositions.
La loi avait fait l’objet d’un rapport de mise en application de la loi, en septembre 2020, visant à vérifier la bonne publication des textes réglementaires prévus, et par extension leur conformité à la loi. Le rapport avait alors constaté un taux d’application de seulement 5 % (5 décrets pris sur les 89 mesures d’application identifiées). Trois années après, en mai 2024, selon les informations données par le Gouvernement, ce taux est monté à 88 % (78 décrets publiés sur les 89 attendus).