Fabrication de la liasse

Amendement n°CL275

Déposé le vendredi 13 juin 2025
En traitement
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Paul Molac

Membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

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Photo de madame la députée Martine Froger

Martine Froger

Membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

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Jean-Luc Warsmann

Membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

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Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité

Le codes des juridictions financières est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 131‑5 sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le justiciable qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires n’est passible d’aucune sanction.

Le justiciable qui accomplit ou laisse s’accomplir un acte commandé par l’autorité légitime n’est passible d’aucune sanction. Dans ce cas, la preuve écrite n’a pas à être rapportée.

Le justiciable qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’il n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte n’est passible d’aucune sanction. »

2° Au deuxième alinéa actuel de l’article L. 131‑5, après le mot : « donnée », sont ajoutés les mots : « , ou l’acte accompli, »

3° Après le troisième alinéa de l’article L. 131‑6 sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Il n’y a point d’infraction sans intention de la commettre. Les justiciables ne sont passibles d’aucune sanction pour une infraction dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ainsi qu’en l’absence de l’élément matériel constitutif de l’infraction.

Les compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes se prescrivent par cinq années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. »

4° Au troisième alinéa de l’article L. 131‑9 après le mot : « justiciable », sont insérés les mots : « dans la limite d’une annualité budgétaire. ».

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Exposé sommaire

La responsabilité financière des gestionnaires publics issue de l’Ordonnance du 23 mars 2022, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, étend le champ de la responsabilité personnelle des élus locaux à certaines infractions relevant la compétence juridictionnelle de la Cour des comptes. En l’état actuel du droit et au regard de la jurisprudence croissante de la Cour des comptes, ce nouveau régime de responsabilité organise un régime ad hoc à cheval entre le droit pénal et le droit administratif.

Ce régime permet d’engager la responsabilité personnelle de l’élu pour des infractions liées à la gestion administrative et comptable de la collectivité, dans des conditions d’engagement plus sévères que le droit pénal et sans rechercher le caractère intentionnel.

À titre d’exemple :

Au titre de l’article L. 131‑12 du code des juridictions financières disposant de l’infraction d’octroi d’un avantage injustifié individuel :

– Un président de conseil départemental a été condamné à une amende financière de 9.000 € pour avoir accordé une indemnité transactionnelle de licenciement (C. Comptes, 3 mai 2024) ;

– Un maire d’une commune de 1 600 habitants a été condamné à 5.000 € (plus de deux mois d’indemnité brute) pour avoir monétiser un compte-épargne-temps de 12.000 € à l’occasion du départ à la retraite de la secrétaire de mairie, cette dernière ayant quant à elle été condamnée à 10 000 € (C. Comptes, 14 nov. 2024) ;

– Le président d’une société d’économie mixte exerçant une délégation de service public pour l’octroi d’une prime indexé sur la part variable du contrat a été condamné à 1.000 € (C. Comptes, 23 jui. 2024)

Au titre de l’article L. 131‑14 du code des juridictions financières disposant de l’infraction du refus ou manquement à l’exécution d’une décision de justice ou d’une astreinte administrative :

– Un maire pour avoir refusé d’exécuter la décision d’un juge administratif prononçant la réintégration d’un agent des services, a été condamné à 10.000 € (C. Comptes, 31 mai 2023)

Au titre de l’article L. 131‑5 du code des juridictions financières disposant de l’infraction de gestion de fait :

– Un maire d’une Commune a été condamné à une amende de 3.000 €, la première adjointe à 2.000 € et un adjoint à 1.000 € pour avoir organisé la gestion d’un musée et d’un comité des fêtes au moyen d’associations au sein desquelles la collectivité exerçant les pouvoirs d’administration et de financement

À ces décisions doivent être ajoutés celles concernant les agents publics, au premier titre desquels les agents chargés de la direction générale des services des personnes morales de droit public.

Il en résulte que le régime de responsabilité financière des gestionnaires publics fait peser un risque juridique important sur les élus locaux et leur patrimoine personnel à l’occasion des fonctions qu’ils accomplissent au titre de leur mandat. Le régime actuel, s’il apparait nécessaire à garantir une répression effective en cas de mauvais usage des deniers publics, risque cependant diminuer l’attractivité des mandats électifs et des fonctions publiques, tant qu’il n’offrira pas des garanties similaires au droit pénal.

En effet, contrairement au code monétaire et financier qui prévoit explicitement des dispositions pénales, la réunion des éléments nécessaires à l’engagement de la responsabilité et organise la répartition des compétences entre la juridiction judiciaire et l’Autorité des marchés financiers, le code des juridictions financières quant à lui ne définit qu’insuffisamment ces éléments. En particulier, et contrairement au droit pénal, ledit code ne garantit pas suffisamment le respect du principe de légalité des délits et des peines ainsi que de la nécessité, pour l’engagement de la responsabilité, de réunir un élément matériel, moral et légal pour constituer l’infraction. Il ne prévoit pas suffisamment de causes d’exonération. Il en résulte que la simple erreur administrative, par erreur de droit ou par méconnaissance, devient désormais source d’engagement de responsabilité financière personnelle de l’élu et de l’agent public, alors qu’elle relevait jusqu’alors de la procédure administrative.

Cet amendement propose de modifier le code des juridictions financières afin d’intégrer :

– L’exonération de responsabilité en cas d’ordre de l’autorité légitime ainsi qu’en cas d’acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires, et de l’erreur de droit, à la condition que l’ordre donné ou l’acte réalisé ne soient pas manifestement illégaux ni de nature à compromettre gravement un intérêt public, dans des conditions similaires au droit pénal ;

– Le respect du principe de la réunion d’un élément légal, matériel et moral pour caractériser l’infraction, dans des conditions similaires au droit pénal ;

– La limitation de la définition du caractère de préjudice financier significatif à une annualité budgétaire, pour respecter le principe de l’annualité budgétaire fixée par l’article 35 de la loi organique relative aux lois de finances ;

– D’ajouter un délai de prescription de 5 ans, qui correspond au délai anciennement prévu pour la responsabilité des comptables publics. L’Ordonnance de 2022 a en effet omis de prévoir un tel délai ce qui fait peser un risque juridique sur une période indéterminée. Cette situation a pour effet en matière répressive, depuis 2023, sur le plan de la prescription de placer les infractions des gestionnaires publics à un même niveau que les crimes contre l’Humanité (imprescriptibilité).

La modification proposée s’applique ainsi à l’ensemble des justiciables relevant de la compétence juridictionnelle de la Cour des comptes, qu’ils soient élus ou agents publics.