- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d'un statut de l'élu local, n° 136
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les conditions d’exercice du mandat des élus en situation de handicap. Ce rapport dresse notamment un état des lieux des actuels freins financiers, matériels et administratifs à la participation politique des personnes handicapées. Il formule également des recommandations destinées à garantir la prise en charge intégrale, à échelle nationale, sans avance de frais ni plafond, des dépenses relatives aux aides individuelles, matérielles, humaines et techniques engagées par les élus en situation de handicap dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
Par cet amendement, le groupe écologiste et social appelle à une réelle concrétisation du droit des personnes handicapées à la participation à la vie politique en considérant l’éventualité, nécessaire et urgente, d’aller vers une prise en charge intégrale par l’Etat des dépenses liées à la compensation du handicap engagées aussi bien lors d’une campagne électorale que dans le cadre de l’exercice d’un mandat électif.
Intégrer la prise en charge des frais de préparation de réunion, tel que le propose l’article 13 de la présente proposition de loi, représente, certes, une avancée.
Toutefois, cette mesure demeure insuffisante pour insuffler un changement substantiel permettant aux personnes concernées de s’engager sans entrave dans la vie politique de notre pays, dans un contexte de sous-représentation criante : alors que 16 % de la population est en situation de handicap, seuls 0,1 % des élus le sont, selon l’organisation Handéo.
Lever les freins encore en vigueur à l’encontre ddes personnes handicapées souhaitant s’engager politiquement s’inscrit dans la lignée de l’article 29 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, que la France a ratifié, qui engagent les Etats Parties à « faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique »
Tout d’abord, il convient à cet effet d’harmoniser à l’échelle nationale le financement des dépenses liées à la compensation des élu·es handicapé·es pour mettre fin au conditionnement de la prise en charge par des décisions locales parfois arbitraires et nécessairement source d’anxiété pour les personnes concernées.
La prise en charge des aides d'aides individuelles, matérielles, humaines et techniques nécessaires aux élu·es handicapé·es pour exercer correctement leur mandat est, en effet, actuellement mise en délibération par les conseils locaux. Ces dernier·ères dépendent, de fait, du bon vouloir de leurs homologues.
Handéo, dans son rapport de 2021 sur le mandat électoral des personnes handicapées, fait ainsi état du refus opposé à une élue d’opposition par la mairie pour bénéficier de l’aide humaine dont elle avait pourtant besoin pour préparer ses réunions. D’autres élu·es sont réticents à solliciter le conseil municipal par peur du jugement ou d’un refus, quitte à cacher leur handicap, limiter le recours aux aides dont ils et elles ont besoin ou se financer sur leurs deniers propres, une situation inacceptable et génératrice d’autocensure pour les personnes concernées.
Nous devons également envisager d’acter la prise en charge intégrale des frais de compensation liés aussi bien à l’exercice du mandat qu’à une campagne électorale. Mener une campagne électorale peut relever d’un véritable parcours du combattant lorsqu’on est en situation de handicap. Les besoins sont multiples et se décuplent en cas de campagne, caractérisée par l’instabilité, des rythmes intenses et de nombreux déplacements sur des lieux à l’accessibilité limitée. Si la prestation de compensation du handicap peut prendre en compte les frais liés spécifiquement à « une activité professionnelle ou d'une fonction élective », le plafonnement à 156 heures annuelles de cette aide contraint de fait les personnes concernées à devoir choisir entre vie personnelle et vie politique, au détriment en toute logique de la seconde. Livrées à elles-mêmes, ne souhaitant pas faire reposer les frais liés à la compensation sur les dépenses de campagne -plafonnées- des partis, les personnes candidates doivent recourir au bénévolat ou débourser sur leurs deniers propres pour faire campagne.
D’autre part, nous appelons à acter le financement de l’intégralité des activités, réunions et événements auxquels prennent part les candidat.es / élu.es, ne se restreignant pas aux réunions de conseils et de commissions. Dans sa version actuelle, l’article L.2123-18-1 n’inclut, en effet, pas les événements divers auxquels les élu·es sont amené·es à se rendre fréquemment, tels que des comités d’attribution d’aides, des jurys de concours maîtrise d’oeuvre, des commémorations ou des cérémonies officielles (comme le notait à juste titre le groupe LIOT lors du débat sur le statut de l’élu local organisé par Monsieur Delautrette en janvier dernier).Il est ainsi essentiel d’élargir la prise en charge afin que les personnes concernées ne soient pas lésées dans l’exercice de leurs fonctions.
Il est enfin nécessaire que la prise en charge des dépenses -qui, nous le rappelons, ne relève pas du confort mais du besoin de santé- se fasse sans avance de frais et sans plafond de dépenses. Les frais peuvent, par exemple, concerner le recours à la vélotypie, l’interprétation en langue des signes française, les services d’une auxiliaire de vie ou d’une personne de soutien plusieurs heures par jour, ou le recours aux transports adaptés pour les personnes à mobilité réduite. Ces dépenses peuvent s’élever dans quelques cas à plusieurs milliers d’euros, alors que le plafond envisagé dans le présent article ne s’élèverait qu’à, environ, 1600€ net, un plafond qui est non seulement bien en deçà de la réalité des besoins des personnes handicapées, mais est profondément injuste en ce qu’il vient considérablement limiter les perspectives d’engagement des personnes concernées, qui ne peuvent avoir à choisir entre soins essentiels du quotidien et engagement politique. Il relève avant tout d’une appréhension infondée quant à une hausse excessive des coûts, bien que la prise en charge soit déjà soumise à la présentation d’un justificatif attestant des besoins de la personne.
Cet amendement appelle ainsi à lever les barrières matérielles et administratives à la participation politique des personnes handicapées, que ce soit dans le cadre d’une campagne électorale ou de l’exercice d’un mandat électif par le biais d’une prise en charge intégrale, harmonisée à l'échelle nationale, sans avance de frais ni plafond, condition d’une démocratie réellement représentative de sa population et inclusive.
Au-delà de l’accès à un mandat électif, le groupe écologiste et social rappelle que la participation à la vie en société ne saurait se limiter à la vie politique. Les personnes handicapées, dont une partie significative est engagée dans le milieu associatif, rencontrent des difficultés supplémentaires et un déficit de moyens financiers et techniques pour pouvoir se dédier pleinement à des responsabilités associatives. Garantir la prise en charge des dépenses liées à la compensation dans le cadre des activités associatives est ainsi également une condition sine qua none d’une société véritablement inclusive, qui reflète la pluralité de ses membres et ne laisse personne de côté.
Tel est l’objet du présent amendement, travaillé avec l’Observatoire du validisme en politique et l’association Handeo.