- Texte visé : Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, n° 529
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Supprimer cet article.
Les députés du groupe LFI-NFP se proposent de rejeter en bloc cette offensive sans précédent de l’Union Européenne contre la transparence financière. Cette scandaleuse restriction de l’accès au registre des bénéficiaires effectifs des sociétés (RBE) aux seules personnes « démontrant un intérêt légitime » est sur le point d’être scellée avec la bénédiction du socle commun, ou ce qu’il en reste.
Ce RBE « permet d’interroger les informations de toutes les personnes physiques exerçant un contrôle sur une société ». En clair, tous les propriétaires d’entreprises. Elle fait partie des rares outils efficaces, et même citoyens, de lutte contre l’opacité des sociétés privées. Ce RBE permet de prévenir le blanchiment de capitaux issus de la criminalité organisée, et même les conflits d’intérêt de personnalités politiques, à l’image de l’affaire sur les liens d’Agnès Panier-Runacher et de la société Perenco, révélée par Disclose qui avait questionné ce registre. On comprend ainsi pourquoi le Gouvernement n’émet pas plus d’objection à cette disposition. La Macronie est décidément peu encline à défendre un droit de regard citoyen sur les directions d’entreprises.
La forfaiture morale et politique s’est déroulée en trois actes. Le Monde, qui parle d’un « net recul sur le plan de la transparence financière », raconte : d’abord, l’arrêt du 22 novembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré illégal l’accès du grand public aux registres européens de bénéficiaires effectifs « au nom de la vie privée », malgré les vives protestations des magistrats anticorruption et des ONG. Ensuite, les lobbyistes de l’opacité financière qui ont, par leur recours, forcé la main à l’État par une mise en demeure de la CNIL. Le RBE fermé au public depuis juillet 2024, et pour graver cette victoire du secret des affaires dans le marbre, le Gouvernement cède complaisamment et transpose automatiquement dans la loi, sans autre forme de procès.
Il est loin, le temps ou Emmanuel Macron reprenait à son compte, durant la campagne présidentielle de 2017, les propositions de Transparency International France pour plus de transparence politique et financière. Voilà ce que lui répond aujourd’hui la même ONG : « La France doit absolument maintenir un accès large et anonyme au registre, au risque de faire reculer la lutte contre l’opacité financière et de perdre la guerre contre la criminalité économique et organisée ».
Bercy nous assure que la notion « d’intérêt légitime », dont on ne sait rien, va « ouvrir la définition le plus largement possible », et permettra l’investigation par les journalistes et les acteurs associatifs engagés contre la corruption et la criminalité financière. Rien n’est moins sûr, et c’est au nom de la justice que nous appelons à supprimer cet article dangereux, tout en appelant à réouvrir le Registre des Bénéficiaires Effectifs au grand public.