- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Le chapitre Ier du titre II du livre VIII code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le deuxième aliéna de l’article L. 821‑1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, les techniques de recueil de renseignement prévues à l’article L. 851‑3 ne peuvent être autorisées après un avis défavorable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 821‑3 est complété par les mots : « , à l’exception des avis concernant les techniques de renseignement prévues à l’article L. 851‑3 » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 821‑4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cependant, l’autorisation de recours aux techniques de renseignement prévues à l’article L. 851‑3 du même code ne peut être délivrée si la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a rendu un avis défavorable. »
Le présent amendement de repli du groupe LFI-NFP vise à introduire des garanties contre les techniques de renseignement algorithmiques.
La technique de renseignement administrative dite de "l'algorithme'" revient à procéder à une forme de chalutage massif des données de connexions sur internet (notamment les URL). À ce titre, elle est partculièrement intrusive et porte en soi une atteinte aux droits et libertés fondamentaux. Son usage doit donc être strictement proportionné.
Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif (décision n° 2012-652 DC, 22 mars 2012).
Or, la technique de renseignement algorithmique a déjà fait l'objet d'un élargissement en juillet 2024 à l'occasion de la loi visant à prévenir les ingérences étrangères. Désormais, les techniques administratives de renseignement peuvent porter sur les "ingérences étrangères". Nous avions à ce moment contesté une tel élargissement.
Le recours à cette technique est dangereux et n'a pas, à ce jour, prouvé son efficacité. La loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et de renseignement prévoyait la remise d'un rapport en juillet 2024. À ce jour aucun rapport n'a été remis au Parlement. Le seul élément tangible dont dispose le législateur est le rapport de la délégation parlementaire de 2023 qui retranscrit les propos de M. Nicolas Lerner alors directeur général de la DGSI, celui expliquait : "J’insiste d’années en années, et de mois en mois auprès de mes services sur l’importance du renseignement humain et des sources humaines. Sur soixante-trois attentats déjoués par la DGSI depuis 2013, soixante et un ont fait intervenir, à un moment donné, une source humaine ou du renseignement humain."
La présente proposition de loi souhaite de nouveau élargir le champ d'application de la technique, sans que le législateur dispose des informations suffisantes pour se prononcer. Face à ce constat, nous souhaitons a minima rendre l'avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) conforme. Ceci permettra un meilleur garde-fou que le cadre actuel qui permet au Premier ministre de dépasser l'avis de la CNCTR.
Nous rappelons notre opposition ferme au recours à la surveillance algorthmique. Le développement de la « technopolice » qui s'est déployé ces dix dernières années : caméras-piétons, caméras embarquées, drônes, transmission des images en temps réel, utilisation d’algorithmes « intelligents », etc., doit prendre fin. Notre programme l'Avenir en Commun propose de mettre un terme à cette fuite en avant et nous reviendrons à des méthodes de police et d’investigation qui mettent le savoir-faire humain au cœur du dispositif, dans le respect de la vie privée des citoyen·nes.
Cette proposition d'amendement permet, a minima, un avis conforme de la CNCTR.