- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer les alinéas 3 et 4.
Par cet amendement de repli, les député·es du groupe LFI-NFP souhaitent a minima s'opposer à la création d'un délit de publication d’offres de recrutement liées au trafic de stupéfiants "accessibles aux mineurs" sur les plateformes. Cette surenchère pénale, dont nous savons qu'elle est inefficace, est aveugle aux problématiques économiques et sociales qui sous-tendent les trafics de petite échelle.
Contrairement à ce que cet article laisse entendre, le délit ici proposé, puni de pas moins de 7 ans d'emprisonnement, aura une portée bien plus large que la seule lutte contre le recrutement des mineurs. En effet, que signifie exactement “contenu accessible aux mineurs”? Sur ces plateformes, telles qu'Instagram, Snapchat, etc, où les mineurs sont très présents, la publication de tels contenus n’a pas forcément vocation à s’adresser spécifiquement à eux bien qu'ils puissent y être involontairement exposés. En outre, quid des obligations pour l’hébergeur ou l’éditeur au regard de ces contenus ?
Le Conseil National des Barreaux l'affirme : la législation actuelle est déjà suffisante pour réprimer efficacement l’ensemble du champ infractionnel lié au trafic de stupéfiant. Tout un pans du droit pénal y est déjà dédié. Il existe déjà un délit de provocation à l'usage ou au trafic punissable de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende, ainsi que des infractions spécifiques pour protéger spécifiquement les mineurs des incitations à l'usage.
En outre, le Syndicat de la magistrature souligne que ces dispositions ignorent voire aggravent “l’importance centrale que jouent les conditions sociales d’existence des différents protagonistes du trafic de stupéfiants”, une logique qui “s’illustre particulièrement par l’incorporation de mineurs ou de très jeunes majeurs parfois en situation irrégulière au sein des trafics.”
La lutte contre l’utilisation des mineurs en danger par les trafics est un réel sujet qui mérite mieux que le seul prisme pénal. Il s'agit de donner à l’école des moyens suffisants pour lutter contre le décrochage et faire de la prévention, augmenter les moyens des collectivités affectés à la prévention, et à une ASE réformée et recentralisée pour exécuter correctement les décisions de justice de protection des enfants...
L'inflation pénale, à l'heure où la France est épinglée pour sa supopulation carcérale incompatible avec des conditions de détention digne est une bêtise. Elle l'est d'autant plus que, loin d’isoler les trafiquants, les établissements pénitentiaires sont des plaques tournantes du trafic de drogue comme le souligne d’ailleurs la commission sénatoriale, et n'assurent absolument pas les conditions de la réinsertion des détenus.
Par conséquent, nous proposons de supprimer cette disposition.