- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus (n°561)., n° 996-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Au titre, après le mot :
« consommateurs »,
insérer les mots :
« et des travailleurs ».
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent expliciter que le démarchage téléphonique constitue un fléau non seulement pour les Françaises et les Français excédés d'être, à tout moment de la journée, perçus comme des consommateurs potentiels, et pour les travailleurs du secteur, dont les conditions de travail sont délétères. Ainsi, cette proposition de loi, qui constitue un pas important vers l'interdiction du démarchage téléphonique auquel nous appelons depuis des années, est aussi une manière de protéger les travailleuses et travailleurs.
Il est difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes travaillant dans le secteur (selon l’INSEE en 2019, le secteur comptait 27 300 salariés en équivalent temps plein, mais d'autres estimations évoquent près de 40 000 emplois pour les centres d'appels externalisés, qui concernent aussi l'ensemble des appels sortants, donc au-delà du démarchage téléphonique stricto sensu). Pour autant, l'INSEE a évalué avec précision le taux particulièrement important du recours à la sous-traitance dans le secteur, établi à 29 % en 2019, contre 13 % pour les activités de soutien. Cette sous-traitance est essentiellement orientée vers des pays à moindres coûts salariaux, et elle favorise les conditions de travail difficiles et opaques.
Les travailleurs et travailleuses sont soumis.es à de stricts objectifs de performance imposés par l'entreprise et à une surveillance constante et particulièrement oppressante. La dictature du chiffre ainsi que les obligations heure après heure de reporting mènent à une cadence infernale. Dans certains centres, on dénombre une centaine d’appels par jour.
Cette cadence couplée aux autres facteurs (absence d’autonomie, travail en « multitâches », bruit ambiant excessif…) a de fortes conséquences sur la santé des travailleurs : fatigue, stress, anxiété, troubles du sommeil, épuisement nerveux… Elle renforce aussi le caractère répétitif des gestes, qui est un facteur de pénibilité avec de fortes conséquences sur la santé. Couplés à des postes de travail souvent inadaptés et exigus, des gestes répétés favorisent les troubles musculosquelettiques. Ces "TMS" touchent principalement les femmes, et les risques sont trois fois plus importants dans les catégories les plus confrontées à la précarité, employées et ouvrières, selon le Haut Conseil à l’égalité (2020). Justement, ce secteur est fortement féminisé (en 2019, 69 % des salarié.es sont des femmes).
Ces emplois sont d'autant plus précaires que l'épuisement physique, nerveux et émotionnel auquel ils conduisent génèrent un très fort turn-over et donc une forte insécurité de l'emploi. Et ce pour un salaire horaire brut moyen inférieur à celui de l'ensemble des activités de soutien aux entreprises, et qui excède à peine le SMIC.
Les risques psychosociaux associés à ces conditions de travail sont connus et documentés. En 2021 encore, la Cour de cassation, reconnaissait un système de harcèlement moral mis en place par l'une de ces entreprises. Le salarié plaignant, qui avait bien spécifié que ces méthodes étaient généralisées, faisait état de notations constantes, de "briefs" s'apparentant à de véritables entretiens disciplinaires, d'un chronométrage systématique des temps de pause, d'injures et de menaces...
Pour toutes ces raisons, interdire le démarchage par téléphone sans consentement préalable, spécifique, éclairé et révocable du consommateur, sera aussi une bonne nouvelle pour les travailleuses et travailleurs.