- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues, n° 1163
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Au début de la section 4 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, il est ajouté un article L. 79 A ainsi rédigé :
« Art. L. 79 A. – Dans chaque établissement pénitentiaire situé sur le territoire de la République, un bureau de vote physique est ouvert afin de faciliter l’exercice du droit de vote des personnes détenues. »
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP demande l'installation d'un bureau de vote dans chaque établissement pénitentiaire.
Opposés à cette proposition de loi, nous pensons qu'au lieu de restreindre le droit de vote des détenus, qu'il revient à la représentation nationale d'évaluer comment améliorer l'effectivité de ce droit. Or selon l'Observatoire international des prisons (OIP) de nombreux obstacles restreignent le droit de vote des détenus ou sont désincitatifs.
Si le droit de vote par correspondance a permis d'améliorer le taux de participation, des atteintes au droit de vote des détenus sont toujours notables. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, l’OIP explique que 489 bulletins exprimés par des personnes détenues, soit 4,4% des voix exprimées, n’auraien pas été pris en compte à cause des manquements de l’administration pénitentiaire dans la procédure du vote par correspondance. Pour la majorité d’entre elles « la cause réside dans l’oubli de joindre l’attestation d’identité des personnes détenues – dans huit prisons, cet oubli concerne l’ensemble des votes exprimés. Les autres causes sont éparses ; parmi elles, la perte d’une enveloppe contenant les votes d’un établissement entier. »
Pour toutes ces raisons, l'OIP milite pour une autre solution : l’installation de véritables bureaux de vote en prison, plutôt que la mise en place d’un dispositif à part, suivant le même modèle : registre électoral, isoloirs, urne, etc. D'autres pays comme le Danemark ou la Pologne on fait ce choix « inclusif et protecteur des droits civiques des personnes incarcérées » selon l’OIP. Mais la France s’y oppose pour des raisons dites « pratiques et sécuritaires ». Cela permettrait de pallier deux problématiques selon l’OIP : d’une part permettre aux détenus de voter en même temps que le reste de la population française et non plus avant la période de réserve électorale. D’autres part, en 2022 les bulletins de vote des détenus ont été dépouillés à la Chancellerie et le ministère de la Justice a décidé de publier le résultat de leurs votes, faisant ainsi des personnes détenues une population à part plutôt que des citoyens à part entière.
Par ailleurs Emmanuel Macron, dans son discours à l'Ecole Nationale d'Administration Pénitentiaire le 6 mars 2018 disait lui-même qu'il « semblerait que ce soit le seul endroit de la République où ne sache pas organiser ni le vote par correspondance, ni l'organisation d'un bureau », exprimant le souhait de remédier à cette situation injuste aux prochaines élections européennes, ce qu'il n'a pas fait. Il expliquait que reconnaître les droits civiques et le droit de vote était une « mesure indispendable pour en faire des citoyens à part entière » et « permettre leur réinsertion dans la société véritable », une « mesure de dignité pour nous-mêmes, pour la République ».
Pour toutes ces raisons, nous proposons d'installer de véritables bureaux de vote physiques en prison et ainsi reconnaître le droit de vote des détenus, un droit fondamental.