- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Substituer aux alinéas 25 à 63 les six alinéas suivants :
« 1. Garantir un accueil digne des migrants
« Depuis plus de quinze ans, les réformes successives ont créé un droit différencié entre l’Hexagone et Mayotte en matière d’immigration qui n’a eu strictement aucun impact sur les flux migratoires. Parmi ces mesures, on compte le durcissement du droit du sol à Mayotte par la loi asile et immigration de 2018, un droit au séjour extrêmement complexifié, un droit d’asile limité, un enfermement dans les centres de rétention facilité et prolongé. Pour quels résultats ? Aucun, sinon joindre toujours plus de xénophobie dans la politique menée à Mayotte en matière migratoire et précariser les personnes migrantes.
« L’État s’engage à :
« – supprimer le titre de séjour territorialisé ;
« – renouer une diplomatie équilibrée et déterminée avec les Comores pour s’attaquer aux causes des migrations ;
« – refuser toute remise en cause du droit du sol et toute mesure relative au droit des étrangers dérogatoire par rapport au droit national. »
Par cet amendement, les députés du groupe LFI–NFP entendent rappeler l’existence d’un droit dérogatoire en matière d’immigration, son inefficacité avérée, et dénoncent la volonté du Gouvernement de prolonger une politique xénophobe et stérile.
Contrairement à ce que propose la France insoumise depuis des années, les gouvernements successifs ont préféré multiplier les lois anti-immigration plutôt que d’investir massivement dans les services publics à Mayotte. Cette inflation législative xénophobe a conduit à l’instauration, sur ce territoire, d’un véritable droit dérogatoire, où les conditions d’accueil et d’accès à la nationalité sont bien plus restrictives qu’en Hexagone. Depuis la loi Asile et Immigration du 10 septembre 2018, le droit du sol y est profondément restreint. De plus, le titre de séjour spécifique à Mayotte ne permet d’y résider que localement et empêche la solidarité hexagonale, à la différence du titre de séjour de droit commun qui ouvre des droits sur l’ensemble du territoire national. L'ensemble du droit au séjour y est limité, et l’enfermement administratif y est également facilité.
Ces dérogations n'ont pas eu d’impact sur les flux migratoires. Les naissances à Mayotte n’ont pas diminué depuis la restriction du droit du sol : 9 590 naissances en 2018 contre 10 280 naissances en 2023. La limitation du droit du sol a conduit à faire baisser l’acquisition de la nationalité française à Mayotte (le nombre d’acquisitions serait passé de 2 900 en 2018 à 900 en 2022) mais pas les flux migratoires ou le nombre de titres de séjour délivrés. Jules Lepoutre, professeur de droit public estime que “Les chiffres communiqués par le ministère confirment paradoxalement la faible attractivité du droit de la nationalité” et que “Les inégalités de richesse considérables entre les Comores et Mayotte expliquent bien mieux ce qui guide la migration”. Dans une tribune commune avec les autres professeurs de droit public Marie-Laure Basilien-Gainche et Serge Slama, les chercheurs résument ainsi que “L’attractivité de notre droit de la nationalité relève assez largement du mythe”. Les personnes venant des Comores (où le PIB est 8,5 fois inférieur à celui de Mayotte) ou plus largement d’Afrique sont portées par une grande détresse et fuient la misère : ils ne viennent pas au gré d’une législation complexe qu’ils ne connaissent pas.
Contre la politique xénophobe du Gouvernement, nous défendons un accueil digne des migrants et la fin des exceptions légales à Mayotte en matière de droit au séjour.