- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, nous nous opposons à cet article qui conditionne les flux financiers depuis Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour.
Le présent article prévoit en effet qu'à Mayotte, avant de procéder à une opération de transmission de fonds à partir d'un versement en espèces, les prestataires de service de paiement vérifient la régularité du séjour de leur client non ressortissant de l'Union-européenne, par la présentation de l'original de tout document de séjour.
Une sanction de 6 mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende est prévue en cas de participation pour le compte d'un étranger en situation irrégulière à une telle opération et un étranger condamné à ce titre encours une interdiction du territoire français pour une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans !
Cet article purement discriminatoire réalise un amalgame total entre personnes en situation irrégulière et personnes participant à “une économie parallèle, constitué de travail clandestin, source de fraude et de flux financiers (...) qui nourrissent le financement de trafics liés à l’immigration (...) mais aussi d’importation de produits stupéfiants et de blanchiment d’argent” pour reprendre l’étude d’impact.
Cela contribue encore à assimiler étrangers et délinquants, en créant une suspicion sur tous les flux financiers provenant de personnes en situation irrégulière. Cela revient à bloquer la possibilité pour toute personne en situation irrégulière à Mayotte d’envoyer des fonds à partir de versement en espèces (peu importe le montant).
En avril 2023, deux chercheurs du CEPII (centre d’études rattaché à Matignon), Arnaud Philippe et Jérôme Valette, ont publié une note dans laquelle ils dressent le bilan de plusieurs décennies de recherches internationales sur le lien entre immigration et délinquance. Leur conclusion : "Les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance." Le présent article contribue à nourrir ce mythe xénophobe.
Ce dispositif discriminant ne sera pas opérant car il n’empêchera pas des réseaux organisés de criminalité de le contourner, mais il empêchera les personnes d’envoyer des fonds à leurs familles dans le besoin !
Par ailleurs, il est dangereux de confier à des acteurs privés le soin de vérifier des documents administratifs originaux attestant de la régularité du séjour.
Enfin, avec l’ajout d'une forte sanction par le Sénat en cas de mise en échec du dispositif on retombe dans une logique d’inflation pénale par la création d’un nouveau délit.