- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n°118)., n° 1591-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l’article 28‑1 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 28‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. 28‑1‑1. – Toute décision de non-reconduction d’une autorisation mentionnée à l’article 28‑1 prise par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique doit être soumise à l’approbation du Parlement. Un rapport précisant les motifs de cette non-reconduction est transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui disposent d’un délai de soixante jours pour se prononcer. Le vote est rendu à la majorité des suffrages exprimés au sein des deux commissions. À défaut d’un vote en faveur de la non-reconduction dans ce délai, l’autorisation est reconduite de plein droit. »
La loi du 30 septembre 1986 confie à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique la mission d’attribuer et de renouveler les fréquences audiovisuelles selon des critères tels que « le respect du pluralisme », « la diversification des opérateurs » et « l’intérêt du public ». Si ces principes affichent une ambition légitime, leur formulation imprécise laisse place à des appréciations subjectives, ouvrant la voie à une régulation potentiellement arbitraire, influencée par des considérations idéologiques.
L’actualité récente démontre que l’ARCOM exerce un pouvoir discrétionnaire qui menace l’équilibre pluraliste du paysage audiovisuel français. Sous couvert de régulation, cette autorité administrative indépendante décide unilatéralement de l’attribution des fréquences selon des critères opaques, pouvant conduire à l’exclusion d’opérateurs sur des bases contestables.
Le cas de C8 et NRJ12 illustre parfaitement ces risques. C8, première chaîne de la TNT, rassemblait 3,3 millions de téléspectateurs pour la dernière émission de son programme phare « Touche pas à mon poste ! » tandis que de son côté, NRJ12, qui cible un public plus jeune, attirait chaque mois plus de 36 millions de téléspectateurs de 15 ans et plus, avec une audience quotidienne de 5 millions de personnes.
Pourtant, en un trait de plume, des centaines de professionnels – journalistes, techniciens, intermittents – ont été privés de leur emploi, tandis que des millions de téléspectateurs se sont vu imposer un choix manifestement en totale contradiction avec leurs préférences, comme en attestent les audiences et la popularité de ces programmes.
Pire encore, ce pouvoir disproportionné échappe à tout contrôle démocratique, renforçant la défiance des citoyens envers les institutions. Dans un contexte de crise de confiance généralisée envers les autorités publiques et les médias, il est impératif de garantir que l’éviction d’un acteur audiovisuel repose sur des critères objectifs, encadrés par des garde-fous et respectueux de la volonté populaire. L’implication du Parlement dans ces décisions apparaît dès lors indispensable.
Aujourd’hui, une autorité administrative non élue concentre trois fonctions essentielles : celle de régulateur, d’instructeur et de juge. De régulateur puisqu’elle définit les règles, d’instructeur puisqu’elle évalue les dossiers et de juge car elle décide, en dernier ressort, qui peut émettre et qui doit disparaître. Cette concentration des pouvoirs, contraire aux principes fondamentaux du droit français, notamment à la séparation des pouvoirs, permet des décisions qui échappent à toute forme de responsabilité.
Ce modèle n’existe dans aucune autre grande démocratie occidentale. Aux États-Unis, la Federal Communications Commission ne peut pas retirer une licence de diffusion sans une procédure contradictoire extrêmement encadrée et des recours judiciaires effectifs. Au Royaume-Uni, l’Ofcom est soumis à des règles de transparence strictes et à un encadrement parlementaire. La France est donc devenue une exception préoccupante, où une autorité administrative peut, dans l’opacité la plus totale, décider de l’éviction d’une chaîne regardée par des millions de personnes sans que le Parlement ne soit consulté, sans que les citoyens n’aient leur mot à dire.
Plus grave encore, cette suppression intervient alors que le groupe Canal, propriétaire de C8, avait déjà subi des amendes records, pour un total de 7,6 millions d’euros en huit ans. Cette double peine est un non-sens absolu. Comment justifier qu’une chaîne puisse être à la fois lourdement sanctionnée financièrement et purement et simplement supprimée ?
Faut-il d’ailleurs rappeler que d’autres chaînes, financées par l’argent public et régulièrement mises en cause pour leurs partis pris idéologiques, n’ont jamais été inquiétées ? Ce deux poids deux mesures criant témoigne d’un biais évident dans l’application des règles et pose une question essentielle : qui décide aujourd’hui de ce que les Français ont le droit de regarder ?
Fort de ces constats, une réforme s’impose afin de rétablir un équilibre institutionnel garantissant transparence, impartialité et surtout légitimité démocratique dans la régulation audiovisuelle. C'est l'objet du présent amendement qui vise à un renforcement du contrôle démocratique, notamment par l’implication du Parlement dans l’attribution et le renouvellement des fréquences, afin d’assurer une régulation équilibrée et de redonner au peuple un droit de regard sur la diversité des contenus diffusés.
Il ne s’agit pas d’entraver l’action du régulateur, mais de l’obliger à rendre des comptes et à garantir que ses décisions soient prises en toute transparence, dans le respect du pluralisme et de la volonté générale.