- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive (n°1148)., n° 1640-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer les alinéas 5 à 23.
Cet amendement de repli du groupe LFI-NFP vise à supprimer l'extension inutile et inhumaine du champ de l'article à toutes les personnes faisant l'objet d'une interdiction du territoire français (ITF), d'une condamnation pour certains crime ou dont le comportement constituerait "une menace particulièrement grave à l'ordre public".
Les extensions successives de régimes dérogatoires en matière de rétention tendent à devenir la règle : D’abord fixée à dix jours en 1993, la durée en centre de rétention administrative (CRA) a été portée de « manière exceptionnelle » à 90 jours avec la loi Collomb de 2018 puis à 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste. C'est une pratique habituelle en macronie, pour priver de leurs droits les plus élémentaires un champ de plus en plus large de la population étrangère. C'est ce que fait cet article en élargissant considérablement le champ des personnes visées par le régime de rétention dérogatoire originellement prévu pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme.
En permettant l’extension de ce régime dérogatoire aux étrangers dont le “comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public”, l'alinéa 23 comporte un risque manifeste de donner lieu à des décisions arbitraires. Rédigée en termes généraux et imprécis, cette disposition pourrait entraîner une grande insécurité juridique et un risque d’abus du pouvoir discrétionnaire. La notion de « menace à l’ordre public » manque de matérialité et d'objectivité, ce qui ouvre la voie à une interprétation extensive de la part de l’administration. En d’autres termes, cette disposition transforme la rétention administrative en une sanction par privation de liberté d’une variété de comportements des personnes étrangères, indépendamment de toute infraction pénale commise. De plus, ce recours obsessionnel à l’exception de “menace pour l’ordre public”et son usage débridé renvoie à l’image de l’étranger fauteur de troubles, en somme indésirable.
S'agissant de l’ITF, cette peine peut être prononcée pour un champ infractionnel extrêmement large, et dont la commission ne fait pas des justiciables concernés des personnes “dangereuses”, contrairement à ce qui a été avancé à maintes reprises en commission pour justifier l'allongement déraisonné de ces mesures privatives de liberté. Par exemple, est passible d’une ITF la simple aide à l’entrée ou au séjour irrégulier.
Parfaitement inutiles, ces dispositions auront pour seul effet d'aggraver la violence institutionnelle et la maltraitance des personnes retenues. Les associations ne cessent d’alerter au sujet des conditions indignes de rétention et des effets délétères de l’enfermement sur la santé physique et mentale des personnes enfermées. Les conséquences de la rétention sur la santé et la dignité des personnes ne sont plus à prouver : suicides, tentatives de suicide, traumatismes, violations du droit à une vie privée et familiale, violations du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, atteinte à la dignité des personnes, violences policières, etc. Cette mesure apparaît donc inefficace, et relève de la pure démagogie sécuritaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, cette extension doit être supprimée. C'est le sens de cet amendement.