- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
I. – Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est remplacé par douze alinéas ainsi rédigés :
« L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part du bénéfice imposable qui excède 10 000 € le taux de :
« – 5 % pour la fraction supérieure à 10 000 € et inférieure ou égale à 15 000 € ;
« – 10 % pour la fraction supérieure à 15 000 € et inférieure ou égale à 20 000 € ;
« – 15 % pour la fraction supérieure à 20 000 € et inférieure ou égale à 30 000 € ;
« – 20 % pour la fraction supérieure à 30 000 € et inférieure ou égale à 50 000 € ;
« – 25 % pour la fraction supérieure à 50 000 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;
« – 27,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 500 000 € et inférieure ou égale à 1 000 000 € ;
« – 33,3 % pour la fraction supérieure à 1 000 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 € ;
« – 35 % pour la fraction supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 € ;
« – 37,5 % pour la fraction supérieure à 10 000 000 € et inférieure ou égale à 100 000 000 € ;
« – 40 % pour la fraction supérieure à 100 000 000 €. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Par cet amendement d’appel, le groupe LFI propose un principe simple : qu'au sein des entreprises les petits paient petit et que les gros paient gros. En d'autres termes, il s'agit d'en finir avec le taux unique d'impôt sur les sociétés, pour mettre en place la progressivité de cet impôt, comme c’est le cas pour l’impôt sur le revenu, en modulant le taux d'imposition marginal selon des tranches de bénéfices réalisés par les sociétés.
Le versement de près de 100 milliards d'euros en dividendes et rachats d’actions par le seul CAC40 en 2024 témoigne de leur incapacité à réinvestir leurs profits dans l'économie productive. À l'inverse, les bénéfices des petites entreprises sont soit réinvestis l'année d'après en achats, en recrutement. Même lorsqu'ils sont sortis de l'entreprise, c'est pour irriguer l'économie réelle en permettant aux dirigeants de subvenir à leurs besoins, pas pour acheter une nouvelle résidence secondaire ou pour gonfler leur portefeuille d'actions.
Nous voulons aussi corriger un mythe répandu : le taux d'impôt sur les sociétés en France serait parmi les plus élevés des pays de l'OCDE, nécessitant une réduction jusqu'à un taux unique de 25 %. Or, ce taux nominal ne reflète pas la réalité, car il est appliqué sur une assiette fiscale très réduite et ne tient pas compte des nombreuses déductions et crédits d'impôt disponibles. Alors que l'impôt sur les sociétés « brut » aurait dû représenter 2,7 % du PIB français, ce taux tombe à moins de 2 % (1,96 % en 2024) après déduction des crédits et réductions d'impôts, bien en dessous de la moyenne de l'OCDE qui est de 2,4 %.
Les grands groupes ont les moyens de contribuer davantage à l'effort national, mais ne le font pas. Les multinationales peuvent engager des avocats fiscalistes et bénéficier de nombreuses niches fiscales qui réduisent leur taux d'imposition effectif. En 2023, un nouveau record a été atteint avec près de 150 milliards d'euros de bénéfices pour le seul CAC40, dont plus des deux-tiers partent en dividendes et en rachats d’actions, qui ne participent en rien ni à l’activité productive, ni à la création de meilleures conditions de vie. Le ""repli"" supposément subi ensuite, à 131 milliards d'euros en 2024 ferait pâlir d'envie les actionnaires de 2019 et leur 80 milliards d'euros de bénéfices ! Les réductions d'impôts successives n'ont fait qu'augmenter la distribution de dividendes, sans impact significatif sur l'emploi et l'investissement, et ont contribué à l'augmentation des inégalités, tout en asséchant les caisses de l'Etat.
Il s’agit autant d’un amendement de restauration des comptes publics qu’un amendement de justice fiscale. Pendant que les multinationales échappent très largement à l’impôt sur les sociétés en exploitant à leur profit les nombreuses niches fiscales encore autorisées (lorsqu’elles ne dissimulent pas tout simplement leurs bénéfices dans les paradis fiscaux), les petites entreprises, elles, s’en acquittent plein pot ! Les petites et moyennes entreprises ont un taux d’impôt effectif supérieur à celui des grandes entreprises : près de 6 points de plus. Par la mise en place d’un barème indexant le taux sur les montants des bénéfices, nous proposons donc aux petites entreprises de pouvoir réemployer leurs bénéfices, tout en contraignant les superprofiteurs à participer à la solidarité nationale. Pour les entreprises comme pour les personnes, il est temps que les petits paient petit et que les gros paient gros !