XVIIe législature
Session ordinaire de 2025-2026

Première séance du jeudi 30 octobre 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 30 octobre 2025

Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Dénonciation des accords franco-algériens du 27 décembre 1968

    Discussion d’une proposition de résolution

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Guillaume Bigot, de Mme Marine Le Pen et des autres membres du groupe Rassemblement national visant à dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968 (no 1778).

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Bigot.

    M. Guillaume Bigot

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    Imaginez un contrat : un contrat qui vous lie à un partenaire qui ne respecte aucun de ses engagements ; un contrat où vous devez tout, et votre partenaire ne doit rien ; mais un contrat que vous continuez pourtant à respecter scrupuleusement, dans l’esprit comme dans la lettre. Ce contrat existe, c’est l’accord franco-algérien du 27 octobre 1968.
    L’excellent rapport d’information que notre collègue Charles Rodwell a consacré à cet accord évoque un « véritable statut » de l’Algérien en France, extrêmement dérogatoire au droit commun. C’est d’abord vrai en matière de prestations sociales. Un étranger, selon le droit commun, doit résider cinq ans en France pour toucher le RSA, les allocations familiales ou la prime d’activité ; pour un Algérien, cette exigence disparaît. Un étranger doit résider dix ans en France avant de bénéficier du minimum vieillesse ; un Algérien y a droit au bout d’un an.
    Ce régime extrêmement dérogatoire concerne aussi le franchissement des frontières : les Algériens peuvent s’absenter trois ans de France sans perdre leur titre de séjour, contre six mois pour les autres étrangers. On peut retirer un titre de séjour à un étranger qui trouble l’ordre public ou qui pratique la polygamie ; ce n’est pas possible pour un Algérien.
    Autre dérogation : le regroupement familial. Un Algérien peut faire venir sa famille en ne gagnant qu’un smic –⁠ en intégrant les aides sociales –, là où le droit commun exige bien davantage des autres étrangers. Plus extravagant encore, dans certains domaines, l’accord de 1968 avantage les Algériens par rapport aux nationaux. Par exemple, lorsqu’un étudiant algérien veut ouvrir un commerce, l’administration n’a pas le droit de vérifier la réalité de l’entreprise créée, alors qu’elle le peut pour un étudiant français.
    On nous dira que c’est le prix à payer pour l’intégration, mais le rapport Rodwell démontre le contraire. Le taux de chômage des Algériens est plus du double de celui de l’Hexagone. Le taux d’emploi des immigrés algériens est inférieur de 14 points à la moyenne nationale. Près de 40 % des Algériens de 15 ans et plus ne sont ni en emploi, ni en études. Ils sont simplement inactifs, vivant pour beaucoup des aides sociales.

    M. Sébastien Delogu

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    Mais bien sûr !

    M. Guillaume Bigot

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    Les ressortissantes algériennes sont inactives à plus de 50 %.
    Avec le contrat de 1968, nous avons non seulement créé une filière d’immigration à part entière, mais aussi engendré des trappes à pauvreté intergénérationnelle –⁠ le taux d’emploi des descendants d’immigrés algériens est encore plus bas que celui de leurs parents. C’est une véritable pompe aspirante pour l’immigration, et une pompe expirante pour nos finances publiques.
    En outre, ce régime dérogatoire, maintenu par les accords de 1968, produit des effets encore plus choquants. Par cet accord, la France accepte la kafala, une norme du droit islamique qui facilite le regroupement familial en plaçant des enfants algériens sous l’autorité de grands-parents ou d’oncles et de tantes, qui peuvent les faire venir.
    Comment pouvons-nous d’un côté interdire les signes religieux à l’école et de l’autre appliquer la kafala dans notre droit pour complaire à un autre État ? Cette anomalie bafoue la laïcité.

    M. Sébastien Delogu

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    Ça n’a rien à voir !

    M. Guillaume Bigot

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    Cela a tout à voir ! Soit vous êtes sincèrement laïques et vous votez pour abroger ce texte qui ne l’est pas, soit vous refusez de l’abroger, et dans ce cas, ne venez plus jamais nous parler de laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Boris Vallaud

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    Racisme !

    M. Guillaume Bigot

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    Sur le plan sécuritaire, le déséquilibre induit par l’accord de 1968 est tout aussi manifeste. En dix ans, le nombre d’Algériens dans nos prisons est passé de moins de 2 000 à plus de 4 000, soit une hausse de 177 % ; autant de criminels et de délinquants qui devraient, une fois leur peine purgée, être renvoyés dans leur pays –⁠ c’est logique.
    Mais il n’en est rien. Pourquoi ? Parce qu’Alger refuse de délivrer les laissez-passer consulaires et de reprendre ses propres ressortissants. Le terroriste de l’attentat de Mulhouse : il a été visé par quatorze procédures d’expulsion, mais il y a eu quatorze refus de l’Algérie. Un Algérien condamné pour violences conjugales : il est protégé par l’accord, donc inexpulsable. La meurtrière de la petite Lola : elle est, elle aussi, placée, sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), obligation non exécutée.
    Alors, que faire ? Continuer à verser 2 milliards d’euros par an d’aides et de prestations sociales aux Algériens, de manière dérogatoire, alors que leur pays refuse toute réciprocité ? Continuer à espérer la clémence d’un régime qui a injustement emprisonné nos ressortissants, Boualem Sansal et Christophe Gleizes ?
    C’est le chantage qu’Alger a exercé sur le Quai d’Orsay, lequel a supplié nos alliés de l’UDR de retirer le texte de leur niche le 26 juin dernier. Pour quel résultat ? Mon ami Boualem a été condamné encore plus durement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
    Nous ne devons plus tergiverser ; il faut adopter cette proposition de résolution pour enjoindre au gouvernement de dénoncer l’accord franco-algérien de 1968.
    Pour vous en convaincre, permettez-moi de répondre à une critique formulée, sur les réseaux sociaux, par Charles Rodwell, l’auteur du rapport d’information que j’évoquais il y a un instant. Notre collègue prétend que, en prévoyant de n’appliquer que le droit commun des étrangers aux Algériens, nous allons rétablir la libre circulation entre la France et l’Algérie prévue par les accords de 1962. C’est le fameux chantage : si on dénonce l’accord de 1968, les dispositions des accords d’Évian de 1962 s’appliqueront.
    Notre collègue tente même de nous effrayer en brandissant le spectre d’un déferlement migratoire sur notre pays. En France, la population immigrée a augmenté en un an autant que durant les trois années précédentes, et elle affiche une hausse vingt-cinq fois supérieure à la moyenne des années 1990. M. Rodwell ne manque donc pas d’air : il agite la menace d’un déferlement qu’Emmanuel Macron orchestre depuis 2017 ! (M. Boris Vallaud s’exclame.)
    Mais surtout, cette menace infondée révèle que le macronisme est une baudruche, à la fois technique et intellectuelle. L’argument de la libre circulation automatique est un épouvantail juridique. En droit international, la dénonciation d’un traité bilatéral ne ressuscite pas automatiquement les traités antérieurs lorsque que ces derniers ont été remplacés ou complétés –⁠ comme ce fut le cas des accords d’Évian de 1962, remplacés par celui de 1968.
    C’est précisément ce que prévoit l’article 59 de la Convention de Vienne : lorsqu’un traité antérieur est réputé avoir été remplacé par un traité postérieur plus contraignant, le premier ne revient pas.
    En outre, l’accord de 1968 n’a absolument aucune raison d’être perpétuel –⁠ il n’avait pas vocation à l’être. L’immigration est un sujet qui peut évoluer dans le temps. Cet accord a été conclu six ans après l’indépendance de l’Algérie, à une époque de plein-emploi et de prospérité ; ce n’est évidemment plus le cas.
    Ajoutons que, selon le principe pacta sunt servanda, la non-application par Alger de ses engagements nous donne le droit de renégocier l’accord. Si l’Algérie refuse un nouvel accord, alors c’est le droit commun qui s’appliquera.
    En dénonçant cet instrument désuet, nous appliquerons le droit commun de la République, celui qui encadre l’entrée, le séjour et l’établissement des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne.
    Notre démarche est soutenue par 66 % de nos compatriotes. Les Français nous regardent, et ils attendent de nous cohérence et courage.
    D’ailleurs, n’exagérons pas la dose de courage requise : il s’agit simplement de sortir d’un mélange de torpeur et de mauvaise conscience. Au fond, l’Algérie a beaucoup plus à perdre que nous dans cette confrontation ; avec un PIB vingt fois inférieur au nôtre, elle ne peut tout simplement pas se passer des visas que nous accordons à ses élites, ni des flux financiers qui relient nos deux pays –⁠ se fâcher avec la France aurait un coût bien plus dirimant pour Alger que pour Paris.
    Il nous faut donc dénoncer cet accord,…

    M. Pierre Pribetich

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    Non !

    M. Guillaume Bigot

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    …et nous devons le faire non par hostilité envers le peuple algérien,…

    M. Boris Vallaud

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    Ah bon ?

    M. Pierre Pribetich

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    À peine…

    M. Guillaume Bigot

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    …qui souffre lui aussi du régime d’Alger, mais au contraire parce que les Algériens ne doivent plus être des étrangers à part ; ils doivent devenir des étrangers à part entière. Il ne doit y avoir en France qu’une seule catégorie d’étrangers hors Union européenne, égaux en droits et en devoirs.
    L’Algérie française, c’est fini ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    M. Pierre Pribetich

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    C’était vous !

    M. Guillaume Bigot

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    Soixante-trois ans après l’indépendance, il est temps d’en accepter les conséquences, en traitant notre ancienne colonie comme tous les autres pays –⁠ ni mieux, ni moins bien, sans dérogation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Pierre Pribetich

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    C’était vous, l’Algérie française !

    M. Guillaume Bigot

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    Cette dénonciation n’est pas une fin en soi ; cela envoie le signal que notre pays cesse de courber l’échine, rompt avec une mauvaise conscience malsaine et veut normaliser ses relations avec l’Algérie.
    À cet égard, assumer le bras de fer est indispensable pour rétablir l’équilibre : plus aucun visa tant que nos ressortissants Boualem Sansal et Christophe Gleizes ne seront pas libérés, ou plutôt un visa par OQTF exécutée –⁠ donnant-donnant, entre égaux. (M. Boris Vallaud s’exclame.)
    Je vous entends déjà dire populisme, démagogie, effet de tribune. Vous avez tort.

    M. Sébastien Delogu

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    Racistes ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Guillaume Bigot

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    C’est vous ! C’est vous qui adaptez votre propagande selon l’origine de nos concitoyens !
    La France doit se respecter, en se faisant respecter, et en faisant respecter le droit international.
    Pour finir, je m’adresse à ceux de mes collègues qui, tout en étant secrètement d’accord avec nous, hésitent à voter avec nous.

    M. Pierre Pribetich

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    Nous ne sommes pas d’accord avec vous !

    M. Guillaume Bigot

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    Collègues Républicains, voterez-vous pour cette résolution, en cohérence avec les positions du président Bruno Retailleau, qui a rappelé l’impérieuse nécessité de dénoncer l’accord il y a deux semaines encore ?

    M. Jean-Pierre Vigier et M. Éric Pauget

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    Oui !

    M. Pierre Pribetich

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    Il n’est plus là !

    M. Guillaume Bigot

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    Collègues Démocrates, suivrez-vous le souhait de votre président François Bayrou, qui admettait le 26 février dernier la nécessité de remettre en cause l’accord ?
    Collègues du groupe Horizons, allez-vous désavouer votre candidat à la présidentielle Édouard Philippe, qui appelait en mars dernier à revenir sur les accords de 1968 ?
    Collègues macronistes, vos votes contrediront-ils les propos tenus par Gabriel Attal le 10 janvier 2025 –⁠ « La France doit avoir le courage de […] mettre un terme à l’accord franco-algérien de 1968 […]. » « L’heure de la fermeté a sonné », ajoutait-il.

    M. le président

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    Merci de bien vouloir conclure.

    M. Guillaume Bigot

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    Oui, l’heure de la fermeté… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent ce dernier.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laure Miller.

    Mme Laure Miller

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    Il m’est impossible de commencer sans avoir une pensée pour Boualem Sansal, honteusement enfermé depuis le 16 novembre 2024, et dont nous demandons la libération immédiate, ainsi que celle de Christophe Gleizes.
    Nous sommes réunis pour débattre d’un sujet grave et sensible, qui engage bien plus que notre politique migratoire : celui de nos relations avec l’Algérie, plus particulièrement de l’accord franco-algérien de 1968, dont les effets suscitent de nombreuses critiques au-delà des clivages partisans.
    Ce débat, parce qu’il touche aux relations entre nos deux peuples, doit être abordé avec lucidité, sans tabou et sans excès. La position du groupe Ensemble pour la République est connue et claire : oui, l’accord franco-algérien de 1968 pose plusieurs problèmes. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN.)
    D’abord, un problème d’égalité de traitement entre ressortissants étrangers résidant sur le territoire français. L’application des accords franco-algériens crée une inégalité injustifiée en accordant aux ressortissants algériens des avantages dérogatoires qui ne reposent plus sur aucune justification objective –⁠ ni juridique, ni diplomatique.

    Un député du groupe RN

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    C’est bien !

    Mme Laure Miller

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    Comme l’a démontré le rapport de Charles Rodwell, le texte de 1968, ses avenants successifs et une jurisprudence constante ont progressivement instauré des droits beaucoup plus favorables pour les ressortissants algériens –⁠ je pense en particulier à la carte de séjour de dix ans, de plein droit, et dont le renouvellement est automatique.
    Dans le même temps, la jurisprudence a affaibli certains garde-fous du droit commun : elle a notamment considéré qu’aucune disposition ne permettait de retirer cette carte à des ressortissants algériens pour des motifs d’ordre public.
    Autrement dit, même dans des situations où un retrait de titre serait légitime, l’administration est contrainte d’engager une procédure d’expulsion, beaucoup plus lourde –⁠ beaucoup plus lente – et réservée aux cas les plus graves.
    Plus largement, l’ensemble des mécanismes de contrôle classiques –⁠ examen des ressources, durée de présence, conditions d’entrée, exigence d’intégration – ont été progressivement affaiblis par la manière dont cet accord est aujourd’hui appliqué.
    Parallèlement, l’accord produit un effet paradoxal : il prive ces mêmes ressortissants de certains avantages du droit commun qui leur seraient pourtant plus favorables –⁠ je pense notamment au passeport talent.
    Notre position est claire : un ressortissant algérien ne doit avoir ni plus, ni moins, de droits qu’un autre étranger non communautaire. Il y va du principe même d’égalité devant la loi.

    M. Laurent Wauquiez

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    Très bien.

    Mme Laure Miller

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    Au-delà de ces anomalies juridiques, l’accord a également un coût significatif pour nos finances publiques. Le rapport Rodwell estime entre 200 et 300 millions d’euros par an le surcoût administratif et juridictionnel lié aux facilités d’accès et de maintien sur le territoire. À cela s’ajoute un surcoût social estimé entre 1,5 et 2 milliards d’euros par an, en raison de structures familiales plus dépendantes des minima sociaux et des prestations telles que le RSA, la prime d’activité, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ou encore l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
    Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à la remise en cause de cet accord. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Mais il faut le faire dans l’ordre et dans le droit. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.) Ce n’est pas un sujet tabou, c’est un problème de méthode. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.) La méthode que nous propose le RN ce matin avec cette dénonciation sèche ne manque en effet pas d’ironie puisqu’elle conduirait à un désordre juridique pire encore que celui qu’il prétend vouloir corriger !
    En effet, la disparition soudaine du régime conventionnel créerait un vide normatif affectant des pans entiers du droit du séjour. Faute de règles de substitution claires, les préfectures devraient statuer au cas par cas, en fonction des principes généraux du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) et des exigences dégagées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). De son côté, le juge pourrait en outre réactiver des normes antérieures encore partiellement en vigueur et maintenir des dérogations par effet de rebond jurisprudentiel.
    Dénoncer un accord international sans prévoir de cadre de remplacement, tel celui proposé de façon claire, réfléchie et documentée par le rapport Rodwell, c’est, sous prétexte de fermeté, proposer à la France de plonger dans l’improvisation la plus incompréhensible de la part de gens obsédés par la question migratoire.
    Mes chers collègues, loin de moi l’idée de faire la leçon. J’entends chaque jour des Français déçus par des politiques de tous bords qui ont failli, parfois par optimisme, parfois par lâcheté politique. C’est un fait.

    Mme Marine Le Pen

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    Huit ans au pouvoir !

    Mme Laure Miller

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    Mais voilà un parti politique, le parti lepéniste, qui renvoie dos à dos toute la classe politique depuis maintenant quarante ans,…

    Mme Marine Le Pen

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    Et pour cause !

    Mme Laure Miller

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    …car le discours de madame Le Pen est, à ce titre, exactement le même que celui de son père. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.) Voilà plus de quarante ans que vous courez après le pouvoir, quarante ans à nous expliquer que, si vous gouvernez, tout sera réglé à coup de menton, quarante ans à dénoncer, à vous indigner, à promettre et à prétendre diriger un jour la France. Et puis voilà que, quarante ans plus tard, un parti obsédé par la question migratoire vient nous présenter une proposition de résolution brouillonne et absolument pas aboutie. (Exclamations continues sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est démago !

    Mme Laure Miller

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    Parler le langage du populisme est bien sûr confortable. Ça permet de faire le buzz sur les réseaux sociaux, d’agiter les peurs, d’accuser les autres de faiblesse. Mais, quand il s’agit d’aller au-delà des postures et de proposer des dispositifs concrets, de travailler, en somme, d’évaluer, d’anticiper, là, il n’y a plus personne ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    Chers collègues, laissez l’oratrice s’exprimer !

    Mme Laure Miller

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    Chers collègues, sortir de l’accord, oui. Mais pas au prix du vide. Pas au prix du désordre. Alors non, nous ne voterons pas cette proposition brouillonne et inopérante. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. M. Sébastien Delogu applaudit également.)

    M. Sébastien Delogu

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    Bravo, madame Miller !

    M. le président

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    Chers collègues, il n’est que 9 h 17. Nous avons toute une journée à passer ensemble jusqu’à minuit. Essayons d’entamer ces débats dans le calme.
    La parole est à M. Abdelkader Lahmar.

    M. Abdelkader Lahmar

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    En devenant député, je ne m’attendais pas à ce que nous perdions notre temps sur des textes aussi scandaleux et inutiles que celui qui nous est proposé aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce texte mélange tout : relations internationales, immigration, délinquance, sécurité... le combo gagnant de l’extrême droite !
    En s’appuyant sur quelques faits divers, le groupe RN propose de réécrire tout un régime juridique. Pour faire peur, et en contradiction totale avec toutes les études sérieuses, il n’hésite pas à établir des liens grossiers entre immigration irrégulière et délinquance. Pourtant les faits sont têtus : entre 2019 et 2022, 93 % des OQTF ont visé des personnes sans aucun passé judiciaire.
    Et, comme si ça ne suffisait pas, pour alimenter la haine à l’encontre des immigrés, l’extrême droite surfe sans retenue sur les difficultés diplomatiques avec l’Algérie provoquées par un pouvoir macroniste déliquescent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Car, il faut le rappeler, si M. Retailleau, ancien ministre de l’intérieur, ne s’était pas pris pour le ministre des affaires étrangères –⁠ ou peut-être des colonies –, si M. Retailleau n’avait pas ruiné la crédibilité diplomatique de la France pour son seul petit bénéfice médiatique et politicien, nous n’en serions tout simplement pas là, à débattre pour savoir qui est le champion de l’algérophobie !

    M. Pierre Cordier

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    Retailleau n’a rien à voir avec ça !

    M. Abdelkader Lahmar

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    Depuis des mois, en effet, nous assistons à une surenchère sur la question. En juin dernier, c’était M. Ciotti –⁠ il n’est pas là (« Mais si, il est là ! » sur les bancs des groupes UDR et RN) –…

    M. Éric Ciotti

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    Je suis là !

    M. Pierre Cordier

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    Il est tellement grand que vous ne l’avez pas vu !

    M. Abdelkader Lahmar

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    …qui, pour sceller son allégeance au RN, proposait déjà de dénoncer les accords de 1968 : un soi-disant gaulliste qui reprend les marottes d’un parti fondé par d’anciens membres de l’OAS –⁠ Organisation de l’armée secrète –, on aura tout vu !…

    M. Sébastien Delogu

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    Ils sont là ! (M. Sébastien Delogu désigne les bancs du groupe Rassemblement national.)

    M. Abdelkader Lahmar

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    Depuis, c’est tout l’extrême centre macroniste qui s’est rallié à cette idée : François Bayrou, Gabriel Attal, Édouard Philippe… trois anciens premiers ministres à la remorque de l’extrême droite –⁠ c’est affligeant !
    Mais venons-en au cœur de la proposition d’aujourd’hui. L’exposé des motifs est rempli de mensonges, de raccourcis grossiers et de données tronquées mais, venant de vous, nous y sommes habitués. Le RN dénonce un faible taux d’exécution des OQTF, en oubliant de dire que notre pays en prononce bien plus que ses voisins –⁠ la comparaison avec le Danemark en est presque risible : ce pays prononce moins de 4 000 obligations de quitter son territoire chaque année, contre 140 000 en France pour la seule année 2024, soit autant que l’Italie, la Grèce et l’Espagne réunies.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas le prononcé qui compte, c’est l’exécution !

    M. Abdelkader Lahmar

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    L’Algérie est ensuite présentée comme le premier pourvoyeur de migrants. C’est faux ! Depuis deux ans, les Algériens ne sont que la deuxième nationalité la plus représentée dans l’octroi de premiers titres de séjour. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Pire, pour arriver au chiffre de 2,5 millions d’Algériens, le RN propose, sans honte, de compter les descendants français d’immigrés parmi les Algériens présents sur notre sol ! Citer des chiffres c’est bien, savoir les utiliser, c’est mieux ! Bien sûr, quand on connaît votre idéologie, on comprend mieux votre allergie aux chiffres arabes… (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit également.)
    Pour continuer ce torrent d’absurdités, vous évoquez pêle-mêle les « difficultés migratoires » auxquelles notre pays devrait faire face, une immigration qui serait « non maîtrisée » et, bien sûr, les « nombreux ressortissants illégaux algériens », dangereux, cela va de soi, et tout ça sans aucune donnée chiffrée pour étayer vos élucubrations racistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Bref, ce texte résume bien les obsessions anti-algériennes et xénophobes qui caractérisent le RN depuis sa création.
    Mes chers collègues, n’avons-nous rien retenu de l’histoire ? Il y a un siècle, on accusait les Italiens de tous les maux. Monsieur Ciotti, on les traquait dans les rues d’Aigues-Mortes. Aujourd’hui, ce sont les Algériens qui sont les nouveaux boucs émissaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe SOC ainsi que sur ceux des groupes EcoS et GDR.) Ce texte en est la parfaite illustration, inutile et contre-productive.
    L’accord de 2013, évoqué dans l’exposé des motifs, est déjà suspendu depuis plusieurs mois. Quant à l’accord de 1968, sa dénonciation unilatérale constituerait une violation du droit international, selon la convention de Vienne de 1969,…

    Mme Marine Le Pen

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    N’importe quoi !

    M. Abdelkader Lahmar

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    …et l’Algérie serait alors en droit de saisir la Cour internationale de justice (CIJ). (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Certains juristes affirment même qu’en abrogeant les accords de 1968, on en reviendrait à la libre circulation prévue par les accords d’Évian de 1962.

    M. René Pilato

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    Mais oui !

    M. Abdelkader Lahmar

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    Est-ce là le souhait du Rassemblement national ? Ça m’étonnerait !
    S’il y a des éléments à revoir dans ces accords, c’est par le dialogue et la diplomatie qu’il faut y parvenir,…

    M. Thierry Tesson

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    Pour ça, il faut être deux !

    M. Abdelkader Lahmar

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    …pas par des coups de menton aux relents coloniaux. Où va nous mener cette absurde confrontation ? Si le régime algérien décide de suspendre nos accords économiques ou la coopération antiterroriste, que faisons-nous ?

    Un député du groupe RN

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    Chiche !

    M. Abdelkader Lahmar

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    Allons-nous continuer l’escalade jusqu’à ce que toute relation entre nos deux pays soit rompue ? Cela n’a aucun sens ! L’histoire entre la France et l’Algérie a été remplie de guerres, de souffrances et de crimes. Il ne tient qu’à nous, chers collègues, d’en écrire une suite remplie de paix, d’amitié et de dialogue entre nos deux peuples. C’est ainsi que moi, fils d’immigré algérien, fier de mes deux nationalités française et algérienne (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR), j’ai l’honneur de vous dire que nous voterons contre ce texte raciste et haineux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se sont levés, et sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Lhardit.

    M. Laurent Lhardit

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    J’ai écouté avec attention M. Guillaume Bigot s’exprimer sur cette proposition de résolution. Je comprends de ses propos, comme du texte qui nous est soumis, qu’ils ne servent finalement qu’à jeter de l’huile sur le feu de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, et, au passage, à dénigrer toute une population sur fond de xénophobie totalement décomplexée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Ce que vous faites ce matin, en soumettant ce texte à la représentation nationale, est irresponsable. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, en tant que président du groupe d’amitié France-Algérie, mais aussi en tant que Marseillais,…

    Mme Hanane Mansouri

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    Marseille, c’est l’Algérie, c’est ça que vous dites ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Mais t’as pas honte ?

    M. Laurent Lhardit

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    …je tiens à rappeler que la relation entre la France et l’Algérie est d’abord constituée de liens forts et puissants entre nos peuples, de familles partagées, d’amour, d’amitié, de collaborations professionnelles, de relations quotidiennes entre des millions de Français et d’Algériens,…

    M. Éric Ciotti

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    Et d’électeurs !

    M. Laurent Lhardit

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    …des deux côtés de la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Pierre Cordier

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    Personne ne dit le contraire !

    M. Laurent Lhardit

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    Ces liens forment un tissu dense, bien plus puissant que vos manifestations d’hostilité, bien plus puissant que cette petite haine recuite, nostalgique d’un empire maintenant révolu depuis plus d’un demi-siècle.
    Autant le dire d’emblée, la proposition que nous examinons ce matin ne sert à rien. En réalité, et nous le savons tous, les accords que vous souhaitez dénoncer ont été largement vidés de leur contenu depuis 1968 et ils ont de fait, aujourd’hui, une faible influence sur ces flux migratoires qui restent et demeurent votre seule et unique obsession.
    La France et l’Algérie traversent une période de relations difficile, sans doute la plus difficile depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Le moment d’examen de ce texte est par conséquent particulièrement malvenu. Il alimente les tensions là où il faudrait maintenant apaiser les choses –⁠ j’adresse à ce sujet une pensée toute particulière à nos compatriotes Boualem Sansal et Christophe Gleizes, dont nous continuons de réclamer une libération immédiate et inconditionnelle, que votre démarche de ce matin ne risque sans doute pas de faciliter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ M. Bruno Fuchs applaudit également.)
    Il faut le dire, le répéter chaque fois que possible, cette période de tensions entre nos deux pays est instrumentalisée par tous ceux, qui, des deux côtés de la Méditerranée, attisent les crispations pour servir leurs objectifs de politique intérieure. Comme à votre habitude, vous dressez donc les Français les uns contre les autres, et vous déroulez votre patriotisme de pacotille en jetant l’opprobre sur des gens qui ne demandent qu’à vivre ici en paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Pribetich

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    Bravo !

    M. Laurent Lhardit

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    Pas de chance pour vous, ces liens sont anciens et résilients, et vous ne pourrez les effacer comme vous ne pourrez effacer l’histoire, même si vous vous employez à la réécrire pour servir vos intérêts électoraux. Pas de chance pour vous non plus, les Algériens ne sont pas les profiteurs que vous tentez de dénoncer à coup de rapports bidon, puisqu’ils forment aujourd’hui la communauté étrangère la plus nombreuse en France et, par voie de conséquence, celle qui contribue le plus à l’impôt dans notre pays, qui cotise le plus, qui contribue le plus au financement des retraites, y compris des vôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    M. Stéphane Peu

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    Bravo !

    M. Laurent Lhardit

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    Et puis enfin, avec l’Algérie, c’est aussi à l’avenir que nous devons songer. Alors que les équilibres mondiaux vacillent, il est maintenant impératif pour la France et l’Europe de renouer des liens avec ses voisins du Sud. L’Algérie occupe à cet égard une place stratégique et nos intérêts convergent dans de nombreux domaines, depuis la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité jusqu’à l’avenir de cette mer Méditerranée que nous avons en commun. Puisqu’il est difficile de parler à votre cœur, considérez au moins les intérêts économiques de la France, avec par exemple le développement exponentiel attendu de la route commerciale entre l’Europe du nord et l’Afrique, qui ouvre de nouvelles perspectives de développement et d’emplois pour nos deux pays, notamment grâce au commerce maritime, dont la majeure partie passera par la France et par l’Algérie.
    Soixante-trois ans après l’indépendance de l’Algérie, il est temps, plus que jamais, que nos deux pays regardent ensemble vers l’avenir. Cette proposition de résolution a pour seul objectif de satisfaire les fantasmes de la droite extrême et de l’extrême droite sur l’immigration, en prenant les Algériens pour boucs émissaires. Là où vous voulez construire des murs, nous préférons reconstruire des ponts. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Wauquiez.

    M. Sébastien Delogu

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    Le représentant de l’OAS !

    M. Pierre Cordier

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    Mieux vaut l’être de l’OAS que du FLN !

    M. le président

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    Seul le président Wauquiez à la parole !

    M. Laurent Wauquiez

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    Cela fera un an, dans deux semaines, que l’écrivain français Boualem Sansal est arbitrairement détenu par le régime d’Alger, malgré son état de santé alarmant, pour la seule raison qu’il a écrit et parlé en homme libre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    Il dénonçait le risque d’une soumission de la France au régime d’Alger, dont il est aujourd’hui la première victime. Dans le silence de bien des élus de notre assemblée, le régime d’Alger ne cesse d’humilier notre nation : il a refusé, à dix reprises, l’expulsion du terroriste algérien qui a commis un attentat à Mulhouse le 22 février dernier, et il refuse de reprendre sur son sol ses ressortissants sous OQTF qui menacent la sécurité des Français.

    M. Laurent Jacobelli

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    Eh oui !

    M. Laurent Wauquiez

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    Ce régime se permet même d’accuser la France d’avoir commis un prétendu génocide, utilisant la haine anti-Français comme principal ciment d’une population qu’il a abandonnée à la pauvreté depuis des décennies. Il n’y a pas de pire cynisme.
    Nous ne devons pas tomber dans un piège : ce n’est ni contre les Algériens ni contre l’Algérie que la France doit se faire entendre, c’est contre le gouvernement d’Alger.
    Ce qui est pire encore, c’est que, depuis des mois, notre pays subit ces humiliations en silence, sans réagir.

    M. Laurent Jacobelli

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    Exactement !

    M. Laurent Wauquiez

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    La France continue de verser des millions d’euros d’aide au développement à l’Algérie ; dans le débat budgétaire, le groupe Droite républicaine proposera d’y mettre fin. Le gouvernement français augmente même le nombre de visas étudiants délivrés et maintient tous les avantages dont bénéficient les ressortissants algériens.

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui !

    M. Laurent Wauquiez

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    La France ne doit pas oublier la grande leçon de Clausewitz : dans l’affrontement des nations, si la France veut être respectée, elle doit se faire respecter. Le régime d’Alger n’entendra qu’un discours : le rapport de force. Une seule mesure le fera reculer : la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Nous n’avons que trop attendu. C’est un accord unique au monde, qui accorde des privilèges exorbitants.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Il a raison !

    M. Laurent Wauquiez

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    Je n’en citerai que trois, pour mesurer à quel point il n’y a aujourd’hui plus aucune raison de faire bénéficier le régime d’Alger d’un tel traitement de faveur. Tout d’abord, un regroupement familial, quasiment de plein droit, peut être demandé par un ressortissant algérien dès douze mois de résidence, ce qui n’est le cas pour aucun autre étranger. Ensuite, aucune possibilité n’existe pour la France de retirer la carte de résidence de dix ans, même pour un motif d’ordre public. Comment un pays peut-il accepter cela ? Enfin, aucun délai n’est prévu pour bénéficier du RSA dès le premier jour de l’obtention du titre de séjour, alors que nous demandons cinq ans de résidence régulière à tous les autres étrangers.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est open bar !

    M. Julien Odoul

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    Et on repart !

    M. Laurent Wauquiez

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    Il faut y mettre fin.
    En juin 2023, les députés de la Droite républicaine avaient déposé, grâce à l’action de Michèle Tabarot –⁠ à laquelle je veux rendre hommage –, une proposition de résolution identique à celle dont nous discutons. Depuis lors, beaucoup de personnes ont changé d’avis et s’y sont déclarées favorables, comme Édouard Philippe et Gabriel Attal. Une immense majorité de Français y est favorable. Surtout, c’est la seule façon de se faire entendre du régime d’Alger.
    Que chacun assume. C’est notre devoir de députés, au-delà des différences politiques, de réagir enfin face à ce régime. Je le dis ici avec beaucoup de simplicité et dans le respect de chacun : à chaque fois que le RN votera, dans cet hémicycle, des impôts nouveaux, des taxes nouvelles, en lien avec le FMI… (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Je voulais parler de LFI, mais, méfiez-vous, le FMI peut venir !
    Chaque fois, donc, le RN nous trouvera face à lui, mais quand il soutient des projets ou des convictions que nous partageons, il n’y a aucune raison d’adopter des postures politiciennes et de ne pas voter ce que nous voulons pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et RN. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Oh là là !

    Mme Dieynaba Diop

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    Quelle honte !

    M. Stéphane Peu

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    Les masques tombent.

    M. Laurent Wauquiez

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    De la même manière que nous nous opposons aux positions du Rassemblement national que nous trouvons parfois folles sur l’économie, nous sommes également capables de livrer les combats dont la France a besoin sur les sujets régaliens, notamment ici sur la dénonciation des accords de 1968. Le groupe de la Droite républicaine votera donc cette résolution que nous avions nous-mêmes défendue en 2023.
    Face au régime d’Alger, les tergiversations et les compromissions ont échoué : l’heure des actes et de la détermination doit enfin sonner. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    M. Julien Odoul

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    L’ingérence étrangère incarnée !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous nous présentez ce matin un texte qui n’est pas une question de visas, mais de vengeance. Au fond, depuis 1960, vous rejouez sans cesse la guerre d’Algérie. Vous n’attaquez pas un accord, mais une mémoire.

    M. Laurent Jacobelli

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    Où étiez-vous le 8 mai ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Celle d’un peuple qui a conquis son indépendance, celle d’hommes et de femmes venus participer à la reconstruction de la France, ainsi que celle de millions d’Algériens et d’enfants d’Algériens qui font pleinement partie de cette République, de notre République.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est de la mythologie.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Dans une République, un accord ne se dénonce pas unilatéralement, mais ça se respecte, ou ça se renégocie dans le cadre du droit international et dans l’honneur des nations. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Celui de 1968 entre la France et l’Algérie n’est pas un cadeau : c’est le prolongement des accords d’Évian, entre deux peuples liés par cent trente-deux ans de colonisation, de guerre et de migrations.
    Hasard du calendrier, ce texte vient quelques semaines après la publication du rapport de députés macronistes, qui chiffrent le coût de cet accord à 2 milliards d’euros par an.

    M. Laurent Jacobelli

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    Deux milliards d’argent français !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce rapport s’appuie sur les chiffres de l’extrême droite ; la boucle est bouclée.
    Collègues du socle commun, je vous invite à lire Les Irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? de Johann Chapoutot, qui rappelle que les fascistes n’arrivent jamais seuls au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Contrairement à vos fantasmes, l’immigration rapporte plus de 1 % du PIB français, les travailleurs immigrés cotisent plus qu’ils ne perçoivent de prestations et les étudiants étrangers rapportent à la France plus de 1 milliard d’euros net par an. Êtes-vous même au courant que sans les 15 000 médecins algériens nos hôpitaux ne tiendraient pas une semaine ?

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Eh oui !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    L’immigration n’est pas un coût, mais une force et une chance pour la France, que vous feignez de défendre.

    M. Pouria Amirshahi

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    Elle a raison !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Parce que vous ne supportez pas cette réalité, vous cherchez à la travestir en la salissant de la manière la plus abjecte. Vous parlez de souveraineté, mais moi, reprenant le célèbre concept de Spinoza, j’appelle cela une passion triste.
    Vous prétendez parler d’égalité devant la loi, mais votre histoire politique est tout sauf égalitaire. Elle se fonde sur la discrimination, sur le rejet et sur le fantasme de la cinquième colonne.

    Mme Dieynaba Diop

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    Exactement !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Mais, me direz-vous, qu’attendre des héritiers du Front national, fondé en 1972 par d’anciens membres de l’OAS, cette organisation terroriste qui a ensanglanté l’Algérie et la France ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.) L’OAS, ce n’était pas la défense de la France, c’était la guerre contre la République.

    M. Julien Odoul

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    Et le FLN ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Et les porteurs de valises ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce n’était pas l’honneur, c’était la torture, les bombes dans les cafés, les exécutions sommaires et la tentative d’assassiner le général de Gaulle, dont vous vous prévalez pourtant.

    M. Pierre Cordier

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    Et les munitions qui étaient trafiquées par la CGT ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vos pères fondateurs ? Pierre Bousquet, ancien volontaire de la division SS Charlemagne, François Duprat, militant néofasciste négationniste, Roger Holeindre, vétéran de l’OAS et, bien sûr, Jean-Marie Le Pen qui, après avoir torturé en Algérie, a bâti toute sa carrière politique sur la nostalgie de l’Empire, sur l’antisémitisme et sur le racisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Vous pouvez changer de nom, repeindre votre logo, sourire sur les plateaux télé, mais votre ADN politique, lui, n’a pas changé. Il est raciste, revanchard et colonial. (Mêmes mouvements.)

    M. Pouria Amirshahi

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    Très bien !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Alors, quand vous venez ici, cinquante ans plus tard, nous parler de patriotisme avec des vibratos dans la voix : c’est une parodie. Je le dis avec gravité : gare à ceux qui ressuscitent les thèses de l’ennemi de l’intérieur. Derrière les drapeaux tricolores que vous arborez, il y a toujours l’ombre des rafles et la trahison de ceux qui ont préféré servir la botte des nazis plutôt que la liberté. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Ménagé

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    Quelle honte !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Le patriotisme, c’est résister, pas trahir. C’est aimer la France, dans toutes ses couleurs, pas rêver de la blanchir. C’est aimer une France grande, généreuse, pas rabougrie et haineuse. Au fond, les vrais patriotes, c’est nous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. –⁠ Rires sur les bancs des groupes RN et UDR.) La France que vous rêvez d’imposer n’existe plus et c’est tant mieux. La vôtre regarde l’Algérie avec rancune ; la nôtre la regarde avec lucidité et respect. La vôtre cherche des boucs émissaires ; la nôtre cherche des solutions.

    M. Damien Girard

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    Exactement !

    M. Emeric Salmon

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    Vous cherchez des électeurs !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Et la vôtre veut effacer la mémoire, quand la nôtre veut réparer l’histoire.
    Oui, le RN et ses alliés sont la dernière survivance politique de la haine coloniale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) La France, la vraie, celle de Jean Jaurès, de Joséphine Baker et d’Aimé Césaire, ne marchera jamais derrière ceux qui, hier encore, dénonçaient leurs voisins à la Gestapo. (Mêmes mouvements.)

    M. Julien Odoul

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    Vous êtes pathétiques !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Cela, aucun slogan ni aucune stratégie de communication ne pourront l’effacer. (Mêmes mouvements.) C’est pour cela que vous préférez travestir l’histoire, parce qu’elle vous trahit, révèle vos origines, vos compromissions et vos lâchetés. Elle rappelle surtout que vous n’êtes pas les défenseurs de la France. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Vous êtes la complice d’Alger !

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous travaillez pour qui ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Je vous le dis sans détour : votre haine n’a plus de place ici. Nous voterons contre ce texte car la France que nous défendons regarde son passé avec ses lumières et ses ombres. Reconnaître, réparer et construire l’avenir, c’est ce qui fait la grandeur d’une nation. (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent pour applaudir. –⁠ Les députés du groupe GDR applaudissent également.)

    M. Pierre Cordier

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    Quelle naïveté !

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Fuchs.

    M. Bruno Fuchs

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    Nous sommes appelés à examiner une proposition de résolution tendant à dénoncer de façon unilatérale les accords franco-algériens de 1968. Ce que propose le Rassemblement national, c’est de faire de la politique étrangère un instrument de tribune.
    Permettez-moi, chers collègues, de vous le dire un peu directement : ce que vous faites n’est pas sérieux. C’est même irresponsable, car cette résolution va frontalement à l’encontre des intérêts de la France. Pour un parti qui dit, à longueur de journée, vouloir les défendre, c’est plutôt inquiétant.
    Ces accords ont été signés il y a plus d’un demi-siècle. À l’époque, ils constituaient un compromis pragmatique entre deux nations, marquées par la guerre d’Algérie. Ils ont eu le mérite de maintenir un cadre de dialogue et d’échanges entre nos deux peuples, malgré les blessures encore vives de l’histoire.
    Cinquante-sept ans plus tard, il faut être lucide : cet accord pose des difficultés, notamment en matière de droit au séjour, de réciprocité ou de gestion consulaire. Mais vous savez que cet accord, signé par les deux États, ne prévoit aucune clause expresse de dénonciation unilatérale.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est bien le problème !

    M. Bruno Fuchs

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    En proposant de le dénoncer, vous nous demandez de vous aider à violer le droit international et à affaiblir la parole de la France. Vous pourriez aussi l’exposer à une plainte devant la Cour internationale de justice de La Haye. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) je ne suis pas sûr que cela soit de nature à vous émouvoir.
    Cela montre en tout cas qu’il n’y a pas, au Rassemblement national, d’homme ou de femme d’État capable d’assumer la complexité d’une relation bilatérale. Vous instrumentalisez la relation franco-algérienne pour nourrir un agenda identitaire et populiste, sans vous soucier des conséquences réelles. Et pourtant, ces dernières seraient immédiates, profondes et gravement préjudiciables à la France.
    La première –⁠ vous la connaissez, et, à elle seule, elle justifierait de retirer votre résolution –, ce serait de compromettre tout espoir de libération de nos compatriotes Boualem Sansal et Christophe Gleizes. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Colombier

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    N’importe quoi !

    M. Julien Odoul

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    C’est du chantage !

    M. Bruno Fuchs

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    Je voudrais avoir ici une pensée émue et affectueuse pour eux, leur famille et leurs proches et les assurer, devant la représentation nationale, que nous continuons de faire tout notre possible pour les faire sortir.

    M. Laurent Jacobelli

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    Agissez, plutôt !

    M. Bruno Fuchs

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    Une dénonciation aurait aussi un impact catastrophique sur le contrôle de l’immigration en provenance d’Algérie que, pour notre part, nous ne voulons pas assumer. Les OQTF deviendraient quasiment impossibles. Ce n’est pas ce que vous dites rechercher.

    M. Laurent Jacobelli

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    Fariboles !

    M. Bruno Fuchs

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    Sur le plan économique, les conséquences se font déjà sentir. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Depuis le début de l’année 2025, nos exportations ont baissé de 21 %. Peut-être pensez-vous que votre résolution permettra de les faire repartir ?
    C’est même l’ensemble de nos coopérations bilatérales qui seraient à l’arrêt. En matière de lutte contre le terrorisme, les trafics criminels ou l’immigration illégale, une rupture aurait pour effet de geler ces échanges et d’affaiblir nos dispositifs de sécurité.
    Ce serait surtout, comme l’a dit M. Lhardit, une injure aux 6 millions de nos concitoyens qui vivent des deux côtés de la Méditerranée.
    Pour un parti qui affirme vouloir défendre les intérêts de la France, proposer une dénonciation unilatérale de ces accords n’est ni sérieux ni responsable.

    M. Jérôme Buisson

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    L’Algérie a déjà dénoncé ces accords !

    M. Bruno Fuchs

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    Face à une telle renonciation, nous voulons une France forte, une France qui se fait respecter et qui, pour cela, respecte ses engagements internationaux. C’est la raison pour laquelle nous proposons de réviser une quatrième fois cet accord. C’est possible, puisque la déclaration finale du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien, qui s’est tenu en octobre 2022, a réaffirmé la volonté commune de réactiver le groupe technique bilatéral de suivi de l’accord de 1968, en vue de l’élaboration d’un quatrième avenant.
    Une telle renégociation serait bénéfique pour nos deux pays, à la fois pour renforcer la coopération –⁠ notamment consulaire –, pour corriger les déséquilibres actuels et pour développer de nouveaux programmes.
    Le courage politique, ce n’est pas de rompre, c’est de bâtir des solutions durables dans le respect du droit et des intérêts de notre pays et de nos concitoyens. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates appelle à rejeter cette proposition de résolution et à privilégier la voie d’un dialogue exigeant, de la négociation et de la révision concertée. C’est le seul chemin possible pour une relation franco-algérienne stable, respectueuse et tournée vers l’avenir.

    M. Emeric Salmon

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    Boualem Sansal vous remercie !

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce message est approuvé par le gouvernement algérien !

    M. le président

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    La parole est à M. Sylvain Berrios.

    M. Sylvain Berrios

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    « Notre ennemi traditionnel et éternel est la France. » C’est de cette manière que l’ancien ministre algérien du travail et de la sécurité sociale, El Hachemi Djaâboub, a parlé de notre pays en pleine séance du sénat algérien, en avril 2021.
    Charmante marque d’affection de la part d’un pays que l’on dit ami, à qui nous versons chaque année 132 millions d’euros au titre de l’aide au développement et avec qui nous sommes liés par des accords migratoires depuis 1968. Charmante marque d’affection quand on sait que le coût de ces accords, pour la France, est de 2 milliards d’euros.

    M. Pouria Amirshahi

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    C’est faux !

    M. Karim Ben Cheikh

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    Arrêtez de mentir !

    M. Sylvain Berrios

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    La France entretient depuis un siècle des liens forts avec l’Algérie, mais aujourd’hui, nos relations diplomatiques sont au plus mal. Le point de rupture a été atteint en décembre dernier, lorsque l’ambassadeur de France à Alger a été convoqué de manière humiliante par le ministère des affaires étrangères algérien. Quelques semaines plus tard, ce sont quinze agents diplomatiques français qui ont été expulsés, en seulement quarante-huit heures. S’ensuivirent plusieurs semaines de tensions diplomatiques extrêmes, qui ont révélé les fractures qui séparent désormais nos deux nations. Elles sont symbolisées par l’emprisonnement de Boualem Sansal –⁠ à qui nous devons une pensée –, condamné pour avoir choisi d’émettre des critiques contre le pouvoir en place.
    Nous devons aussi une pensée au journaliste Christophe Gleizes, qui a commis l’imprudence de vouloir écrire sur une équipe de football qui n’avait pas les faveurs du pouvoir algérien.
    La situation est déroutante. Aussi mon intervention tentera-t-elle de répondre à cette question : à quoi ces accords servent-ils aujourd’hui ?
    Replongeons-nous un instant dans le contexte de leur signature. C’est en 1962, à l’issue du conflit algérien, extrêmement meurtrier pour nos deux pays, qu’ont d’abord été signés les accords d’Évian ; puis, pour encadrer la libre circulation entre nos deux territoires, notamment celle des pieds-noirs, les accords du 27 décembre 1968. Rappelons qu’à cette époque, de nombreuses personnes ont fait le choix de ne pas opter pour la nouvelle nationalité algérienne : elles ont préféré rester françaises.
    Ces accords, toujours en vigueur, facilitent l’entrée et l’établissement sur le territoire français, puisque les visiteurs algériens sont libres d’exercer une activité professionnelle de commerçant ou une profession indépendante. Ils permettent également le séjour, puisque les Algériens jouissent, pour le regroupement familial, d’un principe d’automaticité, dès l’arrivée d’un membre de la famille sur le territoire français.

    M. Abdelkader Lahmar

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    C’est faux !

    M. Sylvain Berrios

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    Il est pertinent de préciser qu’à l’inverse, les Français ne bénéficient d’aucun privilège migratoire en Algérie : ils sont soumis aux mêmes procédures que les ressortissants des autres pays. Les accords de 1968 sont donc bien des accords de privilèges algériens. Alors que la France traverse une période de tensions migratoires depuis plus de dix ans, comment justifier ces privilèges auprès de nos concitoyens ? Comment justifier qu’en 2024, sur 16 238 OQTF notifiées, seules 828 –⁠ soit moins de 5 % – aient donné lieu à un retour effectif vers l’Algérie ?

    M. Thomas Ménagé

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    Eh oui !

    M. Sylvain Berrios

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    Comment justifier les tensions extrêmes qui en résultent ? Comment justifier que le flux migratoire le plus important en France –⁠ celui qui concerne 690 000 ressortissants algériens –, ne réponde pas aux règles communes de la politique migratoire française ?

    M. Abdelkader Lahmar

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    Tout cela est faux, il faut revoir votre copie !

    M. Sylvain Berrios

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    En maintenant ces accords sans les réformer, la France s’humilie et abandonne de fait une partie de sa souveraineté. Regardons les choses en face : l’Algérie a déjà suspendu l’accord et doit par conséquent redevenir un partenaire comme les autres, lié à notre pays par des accords comme les autres, qui garantissent la pleine souveraineté de chaque partie.
    Notre relation avec l’Algérie doit être remise à plat, comme le proposait Édouard Philippe en juin 2023, comme nous l’avions demandé lors du débat qui a suivi la déclaration de politique générale de François Bayrou, comme nous l’avons demandé en janvier 2025 à l’occasion d’une séance de questions au gouvernement et comme nous l’avions encore demandé, en février 2025, lors de l’examen d’une motion de censure visant ce même gouvernement.
    Parce que la relation entre la France et l’Algérie est à reconstruire sur de nouvelles bases, nous demandons la dénonciation de l’accord de 1968 et nous voterons en faveur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RN et UDR. –⁠ M. Xavier Breton applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    La volonté de dénoncer les accords franco-algériens de 1968 est devenue une rengaine de la droite et de l’extrême droite de cet hémicycle ; et elles font preuve d’un certain acharnement, puisqu’une première tentative en ce sens s’est déjà soldée par un échec. Pourquoi remettre cette proposition à l’ordre du jour de nos travaux ?
    Vous mettez en avant le traditionnel argument de la « submersion migratoire » et la nécessité de réguler une immigration jugée « massive » et « dangereuse ». Votre acharnement n’a en réalité qu’un seul objectif : l’humiliation de l’Algérie et de son peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
    Au fond, l’extrême droite, héritière de l’OAS, n’a jamais digéré l’indépendance algérienne, qui a rompu avec le colonialisme français. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) La guerre d’Algérie a officiellement pris fin avec les accords d’Évian en 1962 mais, loin de chercher la réconciliation et l’apaisement entre nos deux nations, certains sur ces bancs entretiennent un combat politique, teinté de racisme et de xénophobie, sur fond de nostalgie coloniale.

    M. Pierre Cordier

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    Voilà autre chose !

    Mme Soumya Bourouaha

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    Vous prétendez diriger la France un jour, mais votre conception de la diplomatie plongerait le pays dans un chaos sans nom, tant elle repose sur la provocation –⁠ plutôt que sur la raison. Vous rêvez de gouverner la France ; moi, je souhaite simplement qu’elle ne tombe jamais entre vos mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Bravo !

    M. Emeric Salmon

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    Ce n’est pas vous qui en déciderez, ce sont les électeurs.

    Mme Soumya Bourouaha

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    L’argument de la facilité de circulation des Algériens en France ne tient pas. Ces accords ont déjà été réformés à de multiples reprises et les conditions d’octroi de nombreux titres de séjour, durcies. Ces accords sont hermétiques à certaines avancées du droit commun : les cartes de séjour pluriannuelles, les passeports talent, la régularisation par le travail, les titres de séjour pour motif humanitaire, au profit des victimes de la traite ou de violences conjugales. Tout cela, les citoyennes et les citoyens algériens n’y ont pas droit.
    De plus, dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968 constituerait une violation du droit international, car il n’existe aucune clause expresse de dénonciation. L’Algérie pourrait donc saisir la Cour internationale de justice de La Haye.
    Avec vous, c’est toujours pareil : le respect du droit ne vaut que pour certains, mais jamais pour vous. Les récentes condamnations judiciaires qui vous concernent en sont le triste exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
    Dans toutes vos prises de parole, vous appelez à un bras de fer entre l’État français et l’État algérien. C’est déjà ce que l’ancien ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau…

    M. Pierre Cordier

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    Il est bon, M. Retailleau.

    Mme Soumya Bourouaha

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    …a essayé de mettre en œuvre, mais avec quel résultat ? Aucun !
    Entretenir et exacerber le conflit ne fonctionne pas. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est toujours emprisonné et le journaliste Christophe Gleizes aussi. Nos relations diplomatiques n’ont jamais été aussi affaiblies.
    La stratégie que vous défendez est un échec. Dénoncer les accords franco-algériens de 1968 est une impasse, voire pire. Vous vous présentez comme les défenseurs de la sécurité des Françaises et des Français, mais vous devriez aborder cette question avec plus de mesure. Des diplomates expérimentés ont clairement dénoncé votre stratégie : la dégradation des relations franco-algériennes a rendu beaucoup plus difficile la coopération, pourtant solide depuis des années, sur des enjeux essentiels de renseignement et de sécurité intérieure. Votre obsession anti-Algérie l’emporte sur ces réalités.
    Au contraire, les tensions actuelles rendent difficile la coopération qui existe pourtant depuis de nombreuses années entre ces deux pays sur des enjeux essentiels comme la sécurité, l’antiterrorisme ou encore la coopération économique.

    M. Pierre Cordier

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    J’ai des copains algériens qui me disent que j’ai raison de voter cette proposition de résolution !

    Mme Soumya Bourouaha

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    La droite et l’extrême droite jouent un jeu dangereux. Elles éludent les véritables enjeux de la relation franco-algérienne, au profit du seul sujet qui compte à leurs yeux, l’immigration. Il faut pourtant revenir à une relation respectueuse et retrouver le chemin d’un dialogue apaisé, avancer pas à pas, pour mettre fin à cette crise. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et EcoS.)
    Le travail de mémoire qui a été engagé, en France comme en Algérie, doit reprendre. Il est indispensable.
    Le premier responsable de la crise que nous traversons est-il seulement capable de cette concession ? C’est bien le président de la République, Emmanuel Macron, qui l’a ouverte, il y a un an et demi, avec la reconnaissance, par la France, de la marocanité du Sahara occidental. Cette décision, unilatérale, était contraire au droit international et au droit à l’autodétermination des peuples.
    J’adresse donc deux questions au gouvernement et au socle commun : la réhabilitation de nos relations avec l’Algérie fait-elle partie du programme de ce gouvernement ? Le départ de Bruno Retailleau marque-t-il enfin l’arrêt de votre course effrénée derrière les obsessions xénophobes de l’extrême droite ?
    Nous voterons contre ce texte, vous l’avez bien compris. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI, SOC, EcoS et LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Bloch.

    M. Matthieu Bloch

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    Qu’on me permette de remercier le groupe Rassemblement national, qui nous offre l’occasion d’examiner cette proposition de résolution de bon sens, qui tend à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    La honte !

    Mme Dieynaba Diop

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    Vous êtes les sous-fifres du RN !

    M. Matthieu Bloch

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    Affirmons-le d’emblée : un État souverain ne devrait pas conserver, dans le tiroir de ses renoncements, un texte aussi ancien, inégal et coûteux –⁠ un texte qui continue de produire ses effets comme une vieille horloge dont plus personne n’ose arrêter le balancier.

    Mme Dieynaba Diop

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    Vous avez le doigt sur la couture du pantalon : quelle honte !

    M. Matthieu Bloch

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    Pourtant, il est l’heure de tourner la page de la période qui a suivi la déchirure de la guerre d’Algérie. L’heure de couper le cordon d’une assistance postcoloniale envers un pays dont le gouvernement, trop souvent, nous insulte.
    L’accord de 1968 et la jurisprudence qui en découle accorde aux ressortissants algériens un statut dérogatoire dans toutes leurs démarches, dès lors qu’ils sont présents sur notre sol : conditions de séjour, regroupement familial, accès aux aides sociales.
    Ce régime d’exception est sans équivalent au monde et, comble de l’absurde, sans réciprocité. Dans le rapport qu’ils ont remis à la commission des finances le 15 octobre, nos collègues Rodwell et Lefèvre ont chiffré le coût de ce contrat totalement déséquilibré : près de 2 milliards par an !

    M. Pierre Pribetich

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    À vous entendre, ça ne cesse d’augmenter !

    M. Matthieu Bloch

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    Il ne s’agit pas seulement d’une question budgétaire : c’est aussi une question de principe, une question constitutionnelle. Le principe d’égalité, valeur cardinale de notre République, est aujourd’hui piétiné. Un étranger algérien n’est pas soumis au même droit qu’un étranger marocain, tunisien ou malien. L’égalité devant la loi, garantie par l’article 1er de notre Constitution, s’efface ici devant un traité obsolète, entretenu par une jurisprudence aussi généreuse qu’irresponsable.
    Comment justifier de tels privilèges et une telle inégalité en ces temps de crise budgétaire ? Comment justifier une telle dépense, financée par les Français ? Comment justifier cette mesure qui facilite une immigration que nous ne maîtrisons déjà plus ? Par des relations exceptionnelles avec l’État algérien ? Exceptionnellement mauvaises, oui !
    Le président de la République, dans son infinie naïveté, croit encore possible de négocier avec Alger à coups de caresses diplomatiques et de petites tapes amicales sur la main. Emmanuel Macron a inventé la diplomatie Montessori ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) On évite le conflit, on organise un petit atelier où on joue avec du sable pour exprimer ses émotions, sans jamais installer un rapport de force. Pendant ce temps, les Français payent l’addition, et la France subit l’humiliation, car le pouvoir algérien, de son côté, se moque de nous. Il refuse obstinément de reprendre ses ressortissants soumis à une OQTF, humilie notre diplomatie et emprisonne ceux qui incarnent la liberté, française, de penser et d’écrire. Je rends évidemment hommage à Boualem Sansal, prisonnier politique du régime algérien (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.), dont l’état de santé semble très préoccupant.
    En juin dernier, le groupe UDR avait retiré la même proposition de résolution qui, nous disait-on du côté du Quai d’Orsay, n’aiderait pas à la libération de M. Sansal. Résultat : ce dernier est toujours emprisonné, tout comme Christophe Gleizes, journaliste français arrêté pour avoir simplement fait son métier, à savoir informer. Monsieur le ministre, deux de vos anciens premiers ministres, Édouard Philippe et Gabriel Attal, ont dénoncé les accords de 1968. Bientôt, il n’y aura plus que la gauche pour défendre ce vestige diplomatique. Le Parti socialiste, fidèle à sa lâcheté, fermera les yeux sur l’évidence. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Vous n’avez pas bien écouté !

    Mme Dieynaba Diop

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    Le président de la commission des affaires étrangères aussi vous a signifié que vous faisiez n’importe quoi !

    M. Matthieu Bloch

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    La France insoumise, fidèle à sa schizophrénie politique, brandira d’une main les pancartes appelant à la destitution du président et, de l’autre, lèvera son verre au domaine réservé d’Emmanuel Macron –⁠ domaine réservé à l’absurde pour ce qui concerne les relations franco-algériennes.

    M. Antoine Léaument

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    C’est juste que nous ne sommes pas racistes !

    M. Matthieu Bloch

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    Il est temps de rompre le cercle vicieux du renoncement. Un pays qui maintient un traité contraire à son intérêt national n’est plus un État souverain. Un pays qui finance sans contrepartie un système injuste n’est plus une république juste. Un pays qui ne sait plus dire non à ses partenaires, même lorsque le bon sens l’exige, n’est plus respecté. En votant cette proposition de résolution, le groupe UDR votera pour une relation normalisée, claire, honnête et réciproque avec l’Algérie.

    M. Pierre Pribetich

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    N’importe quoi !

    M. Matthieu Bloch

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    La proposition du groupe Rassemblement national est courageuse et conforme à l’attente de millions de Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Collègues du bloc central, ne vous dérobez pas à ce rendez-vous de l’histoire, soyez courageux, vous aussi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. –⁠ M. François-Xavier Ceccoli applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

    M. Philippe Bonnecarrère

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    J’ai comme vous une pensée pour nos deux concitoyens détenus en otage d’État par l’Algérie.
    Comme de coutume, j’aborderai le sujet en formulant exclusivement des propositions. En matière migratoire, la France est partie prenante de 197 accords, dont 140 sont bilatéraux –⁠ par exemple l’accord du Touquet, le traité de Sandhurst ou encore l’accord franco-algérien de 1968. Ces accords portent sur des sujets très variés, puisqu’ils concernent à la fois les visas de court séjour, le codéveloppement ou l’immigration irrégulière. D’où ma première proposition : notre pays doit se doter d’une doctrine d’emploi de ces accords ainsi que d’un cadre de suivi de leur exécution.
    Deuxième proposition : tous les accords n’ayant pas la même importance, certains doivent être suivis de manière prioritaire –⁠ l’accord franco-algérien étant évidemment la priorité numéro un, l’éléphant dans le salon, si vous me permettez cette formule.
    La troisième proposition porte sur la durée. Celle du traité signé avec l’Algérie est indéterminée. Or nous avons intérêt à intégrer des clauses de revoyure dans nos conventions internationales et à en fixer la durée de validité. La France pourrait élaborer un mémorandum, qui traduirait une telle volonté, afin de donner à la partie algérienne le temps de s’organiser.
    La quatrième proposition consiste à examiner nos autres moyens d’action. Je pense en premier lieu à la convention générale de sécurité sociale de 1980, mais aussi aux passeports de service, dont les détenteurs sont exemptés de visas –⁠ revenir sur cette disposition qui bénéfice à la nomenklatura constitue sans doute notre meilleur levier d’action. Monsieur le ministre, combien de passeports de ce type sont encore valides aujourd’hui, par rapport au 1er janvier 2024 ?
    Cinquièmement, afin de déterminer si ces accords sont caducs et s’il convient de les révoquer, nous disposons de deux rapports : celui de mes collègues sénateurs Muriel Jourda et Olivier Bitz relatif aux instruments migratoires internationaux ; et bien sûr de celui, remarquable, des députés Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, consacré aux implications juridiques et budgétaires des accords bilatéraux conclus en matière de circulation, de séjour, de santé et d’emploi. Que nous disent-ils ? Que ces accords ne prévoient pas de réciprocité entre l’Algérie et la France. Or un pays a des intérêts. Je ne me prononcerai pas sur la pertinence de révoquer l’accord franco-algérien, mais il est normal d’en débattre, et normal que la France, dans ses relations avec l’Algérie, fasse savoir qu’elle peut envisager ce moyen d’action. Des relations bilatérales de qualité doivent être équilibrées.
    Sixièmement, il a souvent été dit qu’une révocation des accords nous renverrait à la situation de 1962. Qui peut imaginer que l’Algérie revendique un statut impliquant de renoncer à son indépendance ? Il y a des limites au raisonnement par l’absurde. Cette objection peut donc être écartée.
    J’en viens enfin à l’impensé du débat. Bien que la proposition de résolution s’adresse aux autorités compétentes, personne n’a indiqué qui avait la compétence de dénoncer ces accords. L’article 52 de la Constitution dispose : « Le président de la République négocie et ratifie les traités. » Par parallélisme des formes, il me semble donc que seul ce dernier pourrait décider de les remettre en cause.

    Mme Marine Le Pen

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    Pas du tout !

    M. Philippe Bonnecarrère

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    Mais il faut lire aussi l’article 53 de la Constitution : « Les traités […] relatifs à l’état des personnes […] ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. » Autrement dit, si le président de la République a l’initiative des traités, les négocie et a le dernier mot en les ratifiant, le Parlement codécide de leur contenu ; le président a certes la première place, mais le Parlement joue aussi son rôle. Il est donc normal que ce débat ait lieu et que chacun puisse donner son opinion. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. Joël Bruneau applaudit également.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Laurent Panifous, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    Je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ainsi que celle de ses ministres délégués, requis ce matin par d’importants travaux diplomatiques.
    Alors que nous traversons une phase de fortes tensions bilatérales avec l’Algérie –⁠ renforcées par la détention inacceptable de nos compatriotes Boualem Sansal et Christophe Gleizes, tous deux lourdement condamnés au début de l’été et à qui je rends un hommage appuyé –, la question des accords franco-algériens relatifs à la circulation des personnes suscite un débat qu’il faut aborder sans tabou.
    Du fait d’une histoire partagée, qui a créé des liens complexes et profonds entre nos deux nations, l’Algérie est le premier pays d’immigration en France ; or les pouvoirs publics s’attachent aujourd’hui à mieux contrôler les flux migratoires. Ce débat n’est pas neuf et préexistait aux tensions que nous connaissons depuis la fin 2024. L’objectif –⁠ partagé par les deux pays – d’une révision de l’accord de 1968, largement anachronique par rapport à notre droit commun, figurait déjà dans la déclaration d’Alger de 2022, à la suite de la visite du président de la République.
    La proposition de résolution du Rassemblement national appelle à dénoncer cet accord. Comme l’a souligné le premier ministre le 15 octobre dans sa déclaration de politique générale, l’immigration constitue pour l’Europe un défi majeur. Nous avons à construire une politique migratoire claire, stable et conforme à nos valeurs. La France doit savoir accueillir ; elle doit aussi savoir dire non. L’accord franco-algérien de 1968 est devenu un totem du débat public, que l’on agite dès que l’on veut témoigner d’une position de fermeté sur les questions migratoires ou la relation avec l’Algérie.
    Son contenu est cependant mal connu. En premier lieu, il ne prévoit rien sur le sujet, difficile, de la réadmission des Algériens en situation irrégulière –⁠ encadrée quant à elle par un protocole spécifique datant de 1994. Les difficultés d’éloignement que nous rencontrons ne sont pas propres à l’Algérie, mais il est particulièrement important que la coopération avec cette dernière fonctionne, dans la mesure où les Algériens constituent le premier contingent d’étrangers dans notre pays. Chacun sait que les difficultés en la matière ont été aggravées par la crise bilatérale que nous traversons depuis plusieurs mois. En 2024, nous avions pourtant enregistré une année record en termes de laissez-passer consulaires délivrés dans les délais entre nos deux pays mais aussi en comparaison avec l’ensemble de l’Afrique du Nord. Depuis, le nombre de réadmissions est tombé à zéro.
    Nous rencontrons des difficultés spécifiques : les autorités algériennes refusent le retour de ressortissants algériens qui disposent pourtant de documents d’identité en règle, en contradiction avec le protocole de 1994 et le droit international. Quant à la délivrance de laissez-passer consulaires, elle s’est réduite, depuis début 2025, à mesure que la crise bilatérale se traduisait, dans le débat national, par des invectives. Nous nous trouvons donc dans une situation critique en matière d’éloignement d’Algériens en situation irrégulière –⁠ je pense en particulier aux auteurs de trouble à l’ordre public. La solution ne peut donc consister à lancer des invectives ou à brandir des totems.
    Dénoncer l’accord de 1968 n’aurait aucun effet sur les réadmissions, puisqu’il ne procure aucune protection particulière aux ressortissants algériens en situation irrégulière. D’où l’urgence, soulignée par le ministre de l’intérieur, de reprendre une coopération effective : elle seule permettra d’inverser la dynamique des réadmissions. L’accord n’encadre en effet que la circulation, l’emploi et le séjour des Algériens en France. Il contient certes, pour ceux qui sont en situation régulière, des leviers –⁠ qui ne sont pas équivalents aux dispositions du Ceseda – pour agir sur le plan de la police du séjour. Néanmoins, le Conseil d’État a récemment affirmé qu’il était possible de refuser le renouvellement d’un certificat de résidence de dix ans pour des motifs d’ordre public.
    Dénoncer l’accord de 1968 serait ensuite sans effet sur les ressortissants algériens déjà présents sur le territoire et qui disposent d’un certificat de résidence. Si l’accord ne s’appliquait pas, les Algériens resteraient soumis aux dispositions de droit commun encadrant l’arrivée et le séjour des étrangers en France, lesquelles sont plus restrictives en matière d’immigration familiale, mais plus souples en matière d’immigration économique.

    Mme Marine Le Pen

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    Rodwell, c’est pour vous !

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    Le volume de demandes de visas resterait quant à lui le même. Les demandes seraient simplement examinées selon d’autres critères. Pour l’immigration familiale, des visas de long séjour seraient nécessaires, en lieu et place des visas de court séjour qui suffisent actuellement. Ainsi ne faut-il pas attendre d’une dénonciation de cet accord une baisse automatique et massive du nombre d’immigrés.

    Un député du groupe RN

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    Il faudrait donc renoncer ?

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    Cela signifie-t-il pour autant que cet accord, manifestement caduc, doit demeurer intangible ? Bien sûr que non. Il doit être renégocié, comme il l’a déjà été à trois reprises.

    Un député du groupe RN

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    Qu’attendez-vous ?

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    Il est indéniable que cet accord, s’il a été légitime par le passé, lorsqu’il fallait organiser une immigration du travail pour les besoins de l’économie, est désormais anachronique. Il ne correspond plus à nos intérêts en matière migratoire : il facilite l’immigration familiale, qui représente 52 % des titres de séjour délivrés aux Algériens, au détriment de l’accueil de talents estudiantins ou professionnels, qui ne sont pas couverts par l’accord ; il est également moins exigeant en matière de police du séjour.
    J’y insiste, l’accord n’est pas figé : nous avons déjà, à trois reprises, négocié avec les autorités algériennes des avenants plus exigeants. En 1985, nous avons renforcé les critères d’admission sur le territoire français, en introduisant par exemple des conditions de ressources et en précisant les conditions de délivrance des certificats de résidence. En 1994, nous avons rendu obligatoire la présentation d’un passeport et d’un visa court séjour pour les Algériens souhaitant se rendre en France et nous avons précisé les conditions de péremption des certificats de résidence. En 2001, nous avons explicité les conditions du regroupement familial, y compris les cas dans lesquels il pouvait être refusé.
    Notre ferme intention et notre intérêt sont de renégocier cet accord, le moment venu, pour obtenir un texte plus proche du droit commun et plus équilibré. Cette renégociation a été prévue par le comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien d’octobre 2022. Le gouvernement s’oppose donc à la résolution déposée par le Rassemblement national. Aux mots qui choquent, sans aucune efficacité, le gouvernement préfère les actes aux résultats tangibles. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Il a osé, il l’a fait !

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    Il privilégie donc la voie de la renégociation, dans le cadre d’un dialogue exigeant avec l’Algérie. Nul ne peut accuser le gouvernement de faiblesse. (Mêmes mouvements.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    Vous êtes des lâches !

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    En réponse à toutes les décisions hostiles ou brutales des autorités algériennes de ces derniers mois, nous avons pris la mesure qui s’imposait ; non pas dans un esprit d’escalade, mais dans une logique de défense des intérêts de la France.

    M. Thierry Tesson

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    Rendez les milliards !

    M. Laurent Panifous, ministre délégué

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    Nous assumons le rapport de force et la fermeté : ils sont plus à même de produire des résultats que les effets de manche. Il est facile de taper du poing sur la table à propos du dossier algérien. Mais nous n’avons rien à gagner d’une aggravation de la crise avec l’Algérie, sinon à voir la question des réadmissions s’enkyster et engendrer un risque sécuritaire dont il est de la responsabilité du gouvernement de protéger les Français. Notre gouvernement a une responsabilité et une seule : faire progresser concrètement les intérêts de la France et des Français. C’est ce que nous faisons ; c’est la voie de la responsabilité et j’en appelle à celle de chacune et de chacun d’entre vous. (Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit.)

    M. Emeric Salmon

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    Boualem Sansal ne vous remercie pas !

    Explications de vote

    M. le président

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    Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Guillaume Bigot.

    M. Guillaume Bigot (RN)

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    D’abord, je répondrai au gouvernement que les Français en ont assez de ces paroles sans actes.
    Que de contresens ! Je répondrai aux collègues en trois points. En premier lieu, ceux qui font assaut d’anachronismes à gauche de cette assemblée nous traitent de xénophobes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Tout à fait !

    M. Sébastien Delogu

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    Et de racistes !

    M. Guillaume Bigot

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    Quel contresens ! C’est pourtant clair : nous voulons que les Sénégalais, les Maliens, les Marocains, les Australiens aient les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Algériens en France.

    Mme Dieynaba Diop et Mme Anna Pic

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    Chiche !

    M. Guillaume Bigot

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    Est-ce cela, le racisme et la xénophobie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Nous ne connaissons qu’une seule différence, celle qui existe entre les citoyens et les non-citoyens, c’est-à-dire entre les citoyens français et les étrangers. Les citoyens français, quelles que soient leurs origines, sont nos frères et nos égaux. Les étrangers doivent se soumettre à nos lois, les lois du Parlement français, les lois exprimées par la volonté du peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous sommes ici par la volonté du peuple !

    M. Jean-Claude Raux

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    Doucement, doucement !

    M. Stéphane Peu

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    Vous êtes des racistes !

    M. Guillaume Bigot

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    C’est vous, pas nous, qui fabriquez un matériel électoral adapté en fonction des origines des citoyens ! C’est lamentable ! (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP.)

    M. le président

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    Chers collègues, chaque groupe pourra s’exprimer. Guillaume Bigot s’exprime au nom de son groupe, laissez-lui la parole, comme on vous la laissera ensuite.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Qu’il arrête de nous insulter !

    M. Stéphane Peu

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    Il nous provoque !

    Mme Anna Pic

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    Il nous hurle dessus !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Il bafoue l’article 1er de la Constitution !

    M. Guillaume Bigot

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    Anachronisme pour anachronisme, je citerai volontiers cette expression du général de Gaulle de « parti de l’étranger ». (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Stéphane Peu

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    Vous avez voulu le tuer !

    Mme Dieynaba Diop

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    C’est lui qui a fait signer ces accords !

    M. Guillaume Bigot

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    En effet, au XIXe siècle, les royalistes étaient du parti de l’étranger puisqu’ils soutenaient la Prusse ; dans les années 1930 et 1940, les fascistes et les collabos étaient pour l’Allemagne ; dans les années 1960, le parti communiste était pour l’Union soviétique ! Et aujourd’hui, vous êtes le parti de l’Algérie !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Vous êtes le parti des SS !

    M. Guillaume Bigot

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    Le parti d’une dictature qui opprime son peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs membres se lèvent, et sur les bancs du groupe UDR. –⁠ Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous ne vous laisserons pas faire, nous ne nous laisserons pas intimider ! Lorsque vous nous traitez de xénophobes et de racistes, regardez dans les yeux deux tiers du corps électoral d’accord avec nous !

    M. le président

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    Tout le monde redescend d’un ton immédiatement. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Mme Julie Laernoes

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    Il n’a qu’à pas tenir de propos racistes !

    M. le président

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    La liberté de parole est valable pour chaque orateur ; chaque groupe dispose de cinq minutes et dira exactement ce qu’il a envie de dire dans ce temps imparti. Ce n’est pas la peine de s’invectiver.

    M. Guillaume Bigot

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    Je profite de cette tribune pour lancer un appel à nos concitoyens descendants de l’immigration,…

    M. Antoine Léaument

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    Vous êtes les descendants de Waffen-SS !

    M. Guillaume Bigot

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    …y compris algérienne, et qui aiment leur nouvelle patrie : qu’ils se joignent à nous…

    Mme Julie Laernoes

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    Jamais !

    M. Guillaume Bigot

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    …pour redresser la France, leur pays ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
    En second lieu, l’argument du retour aux accords d’Évian est un épouvantail juridique. Cette politique calamiteuse qui plombe la France depuis plus de quarante ans repose en grande partie sur un chantage à la compétence, qu’il faut dénoncer. Conformément aux articles 59 et 70 de la convention de Vienne de 1969, s’il est vrai que le traité de 1968 ne prévoit pas de sortie, alors il sera aboli et le droit commun reprendra sa fonction.
    En troisième lieu, je veux répondre aux critiques en irresponsabilité. L’irresponsabilité, alors que les taux d’intérêt et notre dette flambent, c’est de dilapider encore 2 milliards d’euros par an dans un système qui ne fonctionne pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Quant aux informations prétendument indispensables fournies par les services algériens, si M. Nuñez a déclaré que nous en avions besoin, M. Retailleau avait affirmé que, pendant les Jeux olympiques, l’Algérie ne nous fournissait plus aucune information –⁠ il faudrait qu’ils se mettent d’accord !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    C’est n’importe quoi !

    M. Guillaume Bigot

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    Je pose cette question devant la représentation nationale : avons-nous besoin, pour assurer notre sécurité, des informations venues d’Algérie, c’est-à-dire d’un pion de Moscou ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    De vos amis !

    M. René Pilato

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    Incompétence, incompétence !

    M. Guillaume Bigot

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    Ce serait plus qu’inquiétant ! Pour résumer, ce que nous proposons, c’est que la France se respecte en se faisant respecter et en faisant respecter le droit international.

    Mme Dieynaba Diop

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    C’est vous qui ne respectez pas les valeurs de la France !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Nous, nous défendons la France et son histoire !

    M. Guillaume Bigot

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    Je tiens à saluer la responsabilité des collègues des groupes DR et Horizons, et je demande un scrutin public. (Les membres des groupes RN et UDR se lèvent pour applaudir.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laure Miller.

    Mme Laure Miller (EPR)

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    J’entends déjà ce que le parti lepéniste dira dans quelques instants lorsque le groupe EPR se sera opposé à cette proposition de résolution. Ils useront de ce dont ils ont l’habitude, à savoir la malhonnêteté intellectuelle dans toute sa splendeur, en expliquant que nous sommes opposés à l’abolition de cet accord. Je crois donc utile de rappeler la position de notre groupe, qui est très claire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    Nous souhaitons, en effet, une sortie de l’accord franco-algérien de 1968. Mais nous ne souhaitons pas une sortie sèche, improvisée, brouillonne et inopérante comme celle que vous proposez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Rires sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Matthias Renault

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    Vous voulez une sortie « en même temps » !

    Mme Laure Miller

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    Nous souhaitons une sortie organisée, avec une modification du Ceseda, une modification du code de la sécurité sociale et une actualisation de la circulaire du 27 octobre 2005 relative au droit au séjour en France des étrangers relevant de régimes juridiques spéciaux.

    M. Thierry Tesson

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    Quelle lâcheté !

    Mme Laure Miller

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    Telle est la proposition sérieuse que nous faisons. C’est ce qui permettra de sortir par le haut de l’accord franco-algérien.
    Ce que montrent cette première heure de la journée réservée au groupe Rassemblement national et ce premier texte, c’est d’abord que le parti lepéniste a une façon de défendre les droits de l’homme à géométrie variable.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    L’extrême droite attaque les droits de l’homme ! Elle ne les défend pas !

    Mme Laure Miller

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    Vous dites à juste titre que les droits de l’homme sont attaqués en Algérie.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Laure Miller

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    En revanche, on ne vous entend pas beaucoup lorsque les droits de l’homme sont attaqués en Russie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ Mme Michèle Martinez fait signe à l’oratrice de partir.) On ne vous entendait pas non plus lorsque certains de vos collègues posaient en Syrie aux côtés du dictateur sanguinaire Bachar al-Assad. Voilà la position historique du Front national ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    Mme Laure Miller

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    Ce que révèlent aussi ce texte et la façon de faire de ses auteurs, c’est l’amateurisme et le populisme poussé à son paroxysme. (Mêmes mouvements.)

    M. Raphaël Arnault

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    C’est ça, votre critique de l’extrême droite ? C’est une honte !

    Mme Laure Miller

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    C’est facile et confortable, le populisme : on raconte ce que les gens ont envie d’entendre. Mais quand il s’agit de travailler et de proposer des mesures efficaces, il n’y a plus personne ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) On ne peut s’empêcher de se remémorer l’entre-deux-tours des dernières législatives : vous aviez un beau programme mais, à quelques jours d’une entrée potentielle de Jordan Bardella à Matignon, vous avez commencé à bégayer ! Quand il s’agissait d’expliquer comment nous allions revenir à la retraite à 60 ans, il n’y avait plus personne ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.) Lorsqu’il s’agissait d’expliquer comment on allait interdire le voile dans l’espace public, il n’y avait plus personne ! Voilà ce qu’est le parti d’extrême droite de notre hémicycle : un parti populiste, qu’il faut combattre.

    Mme Marie Mesmeur

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    Où sont les députés macronistes ?

    Mme Laure Miller

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    C’est pourquoi nous nous opposerons à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et Dem. –⁠ Mme Julie Laernoes applaudit également. –⁠ « Casse-toi ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Maxime Laisney

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    Où sont tous vos collègues ?

    M. Laurent Jacobelli

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    À quoi sert cette femme ?

    M. le président

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    Chers collègues, neuf orateurs doivent encore s’exprimer. Tenez-vous, les uns et les autres, et écoutez dans ce silence auquel nous aspirons tous M. Bastien Lachaud.

    Mme Hanane Mansouri

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    On sait déjà que ce sera nul !

    M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)

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    Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national auquel Jordan Bardella et Marine Le Pen rendent aujourd’hui hommage, déclarait dans ces murs le 12 juin 1957 : « J’étais à Alger officier des renseignements […] et, comme tel, je dois être aux yeux d’un certain nombre de nos collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    Honteux !

    M. Bastien Lachaud

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    Voilà d’où parle le groupe Rassemblement national quand il dépose un texte pour abroger l’accord franco-algérien de 1968. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les Républicains l’ont déjà fait en 2023 ; les macronistes Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre ont remis le 16 octobre 2025 un rapport qui va dans le même sens. Décidément, la xénophobie, le racisme, l’algérophobie…

    M. Matthias Renault

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    L’algérophobie ?

    M. Bastien Lachaud

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    …sont la chose la mieux partagée à droite. (Mêmes mouvements.) Ce sont toujours les mêmes lubies, les mêmes fantasmes ; vous vous en prenez à l’accord franco-algérien que vous accusez de tous les maux. Encore une occasion pour agiter le spectre de l’immigration de masse et du grand remplacement. C’est immonde et ridicule. Tous les chercheurs sérieux le disent : on est très loin de la submersion.
    L’accord franco-algérien serait extrêmement favorable ? Foutaise encore, contresens historique, même : l’accord de 1968 a précisément été signé pour encadrer l’immigration algérienne, volonté partagée alors par les gouvernements du général de Gaulle et du président Boumédiène. Favorable, il l’est par certains aspects ; l’histoire commune à nos deux pays le justifie. Mais par d’autres, beaucoup moins : il est défavorable aux étudiants et il n’exonère nullement les ressortissants algériens des règles d’accès au marché du travail et des mesures d’éloignement.
    Surtout, il y a un fossé entre les dispositions théoriques et la réalité que vivent des dizaines de milliers de gens dans les consulats et les préfectures : dossier impossible à déposer en ligne, rendez-vous impossibles à obtenir, blocages administratifs infinis. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Dans mes permanences parlementaires, je reçois semaine après semaine des familles franco-algériennes déchirées qui ne parviennent même pas à obtenir un visa de court séjour pour un grand-père ou une grand-mère qui voudrait voir ses petits-enfants pendant les vacances. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Mais, au fond, vous savez sans doute tout cela, comme vous savez sans doute que votre texte est aussi inconséquent qu’incantatoire. Non seulement le présent texte est un ramassis de foutaises, et vous le savez, mais il est dangereux, et vous le savez tout aussi bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Pourquoi alors vous obstiner ? Nous ne le savons que trop : habités par une obsession morbide, vous rejouez à l’infini la guerre d’Algérie, vous soufflez sur les braises du passé, vous flattez le vent mauvais de la xénophobie et du racisme, en espérant en tirer un bénéfice électoral inavouable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
    Vous n’êtes pas les seuls, dans cette assemblée, à faire un tel calcul : sur les bancs de la minorité présidentielle, d’autres vous disputent la palme et s’apprêtent même, peut-être, à voter avec vous.

    Mme Marie Mesmeur

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    Ils ne sont même pas là !

    M. Bastien Lachaud

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    Honte à vous ! Les conséquences de vos paroles sont graves. Elles alimentent le racisme d’atmosphère et le climat anxiogène qui étouffent notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Qui en fait les frais ? Les étrangers, les binationaux ou, plus largement, nos concitoyens issus de l’immigration –⁠ ceux qui subissent la violence d’une administration qui restreint et piétine leurs droits, ceux qui subissent la violence d’une stigmatisation permanente et d’une discrimination systémique.
    « C’est l’État qui se pense lui-même en pensant l’immigration », écrivait le grand sociologue franco-algérien Abdelmalek Sayad. Deux façons de penser l’immigration et la France s’offrent alors à nous. La première est celle d’une France républicaine, fidèle à ses principes universalistes, capable de regarder son passé en face et de s’ouvrir à l’avenir : c’est la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Philippe Brun applaudit également.) La seconde est celle d’une France rabougrie, apeurée, confite dans de vieilles rancœurs recuites, hantée par des fantasmes identitaires et effrayée par des lubies racistes : c’est celle que vous défendez avec ce texte, celle que nous refusons. Nous voterons contre ce texte ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC, dont quelques députés se lèvent également, et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Lhardit.

    M. Laurent Lhardit (SOC)

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    De quoi nous étonnons-nous ce matin ? De ce que le Front national… (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Les lepénistes, alors ? Vous êtes toujours bien lepénistes, non ? De ce que les lepénistes, donc, placent en première position de leur niche parlementaire un texte fustigeant l’immigration et les immigrés ? C’est votre fonds de commerce. Vous désignez ces étrangers comme responsables d’à peu près tous les maux de notre société quand tout, les études, comme les faits, démontre le contraire.
    Vous n’hésitez pas, s’agissant de l’Algérie, à confondre un peuple et un régime politique –⁠ c’est d’une gravité tout aussi extrême. Je le vis dans ma chair, à Marseille, ville où je suis né et dans laquelle vivent des dizaines de milliers de personnes qui ont fait le choix de vivre en France, qu’ils aient aujourd’hui la nationalité française ou non, qu’ils soient étrangers ou bien binationaux. Ces personnes, chaque jour, font l’expérience de cet incroyable décalage entre une ville dans laquelle nous vivons en paix (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN),…

    Mme Hanane Mansouri

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    En paix ? À d’autres !

    M. Laurent Lhardit

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    …les communautés les unes à côté des autres, dans un respect mutuel, et cette haine qui descend de manière verticale du nord de la France –⁠ de Paris et du Parlement où siègent, si nombreux, les députés du groupe Rassemblement national et de son croupion ciottiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Votre histoire est celle d’un parti qui ne prospère que sur la haine de l’autre. (Mêmes mouvements.) Souvenez-vous, pourtant : quels étaient vos slogans avant les années 1970 –⁠ avant qu’ils n’accusent les Arabes et les Algériens de piquer le travail des Français ? Ils étaient inspirés par la haine des Juifs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et GDR. –⁠ Vives exclamations sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés montrent les bancs situés à la gauche de l’hémicycle.)

    M. Théo Bernhardt

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    Ils sont là-bas, les antisémites !

    M. Laurent Lhardit

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    Hier, les Juifs, aujourd’hui les Arabes –⁠ demain, à qui le tour ? Vous ne changerez pas : c’est pourquoi aujourd’hui, comme hier et comme demain, vous nous trouverez toujours en travers de votre route ! (Les députés des groupes SOC, EcoS et GDR se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget (DR)

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    Le groupe Droite républicaine fera preuve de lucidité et de constance. Nous avons toujours soutenu la dénonciation des accords de 1968 avec l’Algérie. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    Nous soutiendrons et voterons donc cette proposition de résolution, quels qu’en soient les auteurs, car nous sommes constants. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est un vote de fond.

    M. Éric Pauget

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    Nous dénoncerons les accords de 1968 car nous le devons à Boualem Sansal et à Christophe Gleizes. (Mêmes mouvements.)

    M. Jérôme Guedj

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    Tout au contraire, vous les mettez en danger !

    M. Éric Pauget

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    Nous dénoncerons les accords de 1968 car nous devons restaurer l’égalité de traitement entre les étrangers qui rentrent sur le territoire national.
    Nous dénoncerons les accords de 1968 car nous devons retrouver la souveraineté de notre politique migratoire.

    M. Roger Chudeau

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    Exactement !

    M. Éric Pauget

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    Nous dénoncerons les accords de 1968 car nous devons moderniser des accords obsolètes et qui, comme un précédent orateur l’a dit, n’ont pas de limite dans le temps. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)
    Nous dénoncerons les accords de 1968 car nous devons abroger ces accords aux conséquences économiques et sociales disproportionnées pour notre État et pour la France.
    La France ne peut plus et ne doit plus se faire humilier : elle doit se faire respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Voilà l’enjeu de la dénonciation des accords de 1968 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)

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    Nous voterons contre cette résolution qui n’a rien à voir avec le droit mais tout à voir avec la revanche.
    Pourquoi l’Algérie a-t-elle une place particulière dans nos accords, comme vous avez été plusieurs à le relever ? Parce que l’Algérie a été une colonie de peuplement dans laquelle la France, pendant plus d’un siècle, a imposé ses lois, ses tribunaux, ses préfets et ses colons.

    M. Julien Odoul

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    Ses écoles, ses hôpitaux, ses routes !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Parce que l’Algérie, c’était quatre départements français –⁠ parce que l’Algérie était française avant Nice et la Savoie.
    Les Algériens, pourtant, n’étaient pas citoyens mais indigènes, c’est-à-dire inférieurs : le voilà, le véritable régime d’exception ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Et vous osez nous expliquer que cet accord de 1968 serait un privilège ? Le seul privilège est celui dont ont bénéficié les tortionnaires, les racketteurs de guerre et les nostalgiques de l’Algérie française qui n’ont jamais été jugés et qui, des années durant, se sont réfugiés dans l’Espagne franquiste. (Mêmes mouvements.)

    M. Julien Odoul

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    Et le FLN ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous voulez dénoncer l’accord de 1968 ? Alors chiche ! Revenons à 1962 et aux accords d’Évian, à la libre circulation totale, à la promesse de respect, de mémoire et de réparation ; revenons à ce moment où la France a cessé d’être une puissance coloniale. Vous voulez, pour les Algériens, le même traitement que pour les Australiens, avez-vous dit. Savez-vous seulement que les Australiens sont exemptés de visa pour venir en France –⁠ savez-vous que la France n’a jamais colonisé l’Australie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ M. Éric Martineau applaudit également.)
    Vous n’en êtes cependant pas à une approximation près : l’accord de 1968 est défavorable aux étudiants algériens mais vous ne le dites jamais, tant vous suintez l’algérophobie ! Vous préférez lier immigration et insécurité, alors que c’est bien dans vos rangs que l’on retrouve le plus de délinquants, condamnés pour xénophobie et antisémitisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, sur quelques bancs du groupe EPR et sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Il n’y a pas si longtemps, monsieur Bigot, vous indiquiez vous-même déplorer les origines dégoûtantes du RN, qui ne propose aucun élan, aucune dynamique, aucune grandeur : vous aviez raison ! Car pendant que les Algériens travaillent en France et produisent de la richesse, vous détournez le fruit de leur travail, au Parlement européen, pour plus de 4 millions d’euros : voilà ce qui coûte cher à la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme Anna Pic

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    Rendez l’argent !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Assez de votre obsession de l’Algérie, matin, midi et soir ! Assez de vos caricatures racistes et de votre réécriture de l’histoire ! Vous êtes tellement à court d’arguments que j’entendais déjà sur vos bancs, avant même que, plus tôt, je ne prenne la parole : « Voilà l’ingérence étrangère ! »

    M. Julien Odoul et M. Robert Le Bourgeois

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    Eh oui !

    M. Robert Le Bourgeois

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    Vous étiez où le 8 mai dernier ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Oui, je suis Française et, oui, je suis Algérienne ! Je suis fière de mon histoire (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupe EPR et Dem), qui est celle d’une lignée de résistants, tandis que la vôtre est le produit de la collaboration. Pendant que mon grand-père était au front, pour la France, à combattre le fascisme, Jean-Marie Le Pen aiguisait son couteau pour torturer les Algériens et nouait des alliances avec les Waffen-SS afin de fonder votre parti politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est honteux de dire une chose pareille !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Alors qui, je vous le demande, est du bon côté de l’histoire ? Certainement pas vous ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR?se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Fuchs.

    M. Bruno Fuchs (Dem)

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    Je vais essayer de dire les choses calmement, mais avec une très grande détermination.
    La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui va clairement à l’encontre des intérêts de la France et son adoption reviendrait à nous tirer une balle dans le pied. Les gesticulations populistes ne feront pas le poids face aux conséquences négatives que son adoption entraînerait immédiatement.
    La première de ces conséquences sera de condamner Boualem Sansal et Christophe Gleizes à un très long séjour dans les prisons algériennes.

    M. Emeric Salmon

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    Cinq ans, n’est-ce pas déjà beaucoup ? Vous n’avez pas honte ?

    M. Bruno Fuchs

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    Cela seul suffirait à justifier un retrait de votre proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Gardez bien cela en tête, vous qui gesticulez et qui avancez des arguments fallacieux. Vous êtes très nombreux à défendre Boualem Sansal et à vouloir qu’il sorte de prison –⁠ n’ignorez donc pas quelles seront les conséquences du vote de cette résolution.
    J’ai déjà mentionné, tout à l’heure, ses autres conséquences.

    M. Matthias Renault

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    Vous avez peur du régime algérien !

    M. Bruno Fuchs

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    Ce sera, pour commencer, une ouverture totale des frontières et une immigration débridée –⁠ ce n’est pourtant pas ce que vous cherchez, à entendre vos discours habituels. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Les conséquences économiques, ensuite, en sont bien connues : un nombre important de flux financiers, d’investissements et de transactions commerciales avec l’Algérie seront menacés. Vous allez mettre en difficulté une très grande partie des entreprises françaises installées là-bas, alors que nos exportations vers l’Algérie ont déjà chuté de 21 % en 2025.
    La fin de toutes les coopérations bilatérales nous fera également courir un très grave danger sécuritaire.

    M. Matthias Renault

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    Vous avez peur de la réaction de la rue !

    M. Bruno Fuchs

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    Si nous devons largement accélérer le rythme des reconduites à la frontière, votre résolution aura pourtant pour effet de réduire à zéro l’exécution des OQTF –⁠ votre leitmotiv, pourtant. Depuis les quelques mois qu’a commencé la crise avec le régime algérien, ce ne sont qu’entre zéro et deux OQTF qui sont exécutées chaque semaine.

    M. Kévin Pfeffer

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    C’est votre bilan !

    M. Bruno Fuchs

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    Non, c’est le résultat du rapport de force que vous avez créé avec l’Algérie !
    Monsieur Bigot a parlé de responsabilité et d’irresponsabilité ; mais vous savez très bien que ces accords, en droit, ne peuvent pas être dénoncés unilatéralement. Le faire, ce serait affaiblir la parole de la France.

    M. Julien Odoul

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    Cela fait huit ans que vous ne faites rien !

    M. Bruno Fuchs

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    Ces accords doivent être révisés. Ils ne correspondent plus à la réalité de la situation ni aux intérêts de la France. Ils ont déjà été révisés trois fois et il existe un processus permettant de le faire une quatrième fois. De toute évidence, la responsabilité, l’efficacité et la dynamique positive, pour la France, se trouvent dans la renégociation de ces accords dans les plus brefs délais –⁠ c’est ce que nous souhaitons.

    M. Emeric Salmon

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    Quand ?

    M. Bruno Fuchs

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    Nous souhaitons également une relation exigeante avec l’Algérie, mais qui soit tournée vers l’avenir, respectueuse et prospère. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Matthias Renault

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    Soumission à Tebboune !

    M. le président

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    La parole est à M. Sylvain Berrios.

    M. Sylvain Berrios (HOR)

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    Le caractère dynamique de nos débats…

    M. Pierre Cordier

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    Passionné !

    M. Sylvain Berrios

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    …est la conséquence d’une longue histoire entre l’Algérie et la France. Ces accords de 1968 sont le fruit d’une fraternité initiale entre nos deux pays.
    Le régime algérien est aujourd’hui à l’origine d’une importante crise entre nos pays. Le régime algérien nuit à la France. Le régime algérien nuit à nos ressortissants –⁠ il a emprisonné deux d’entre eux. On ne peut pas considérer que, de ce fait, nous devrions continuer à subir ce que l’Algérie nous fait subir. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ Mme Caroline Colombier applaudit également.) Ce n’est pas possible –⁠ ils ne sont pas une monnaie d’échange. Le régime algérien, en réalité, a créé cette rupture. Chemin faisant, ce sont même les ressortissants algériens en France, en situation régulière, qui en pâtissent quotidiennement.
    L’Algérie a déjà suspendu l’accord franco-algérien. La France s’obstine à le soutenir et à le faire vivre. Cet accord, initialement bilatéral, est donc devenu unilatéral.
    L’Algérie n’est plus le partenaire privilégié de la France tout simplement parce qu’elle ne le veut plus. La relation entre la France et l’Algérie est à reconstruire sur de nouvelles bases, saines et équitables : des bases où chacun est respecté, où la France est respectée et où les Algériens de France sont respectés.
    C’est la raison pour laquelle les députés Horizons & indépendants voteront cette dénonciation des accords franco-algériens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ «Quelle honte ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Hervé Saulignac

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    C’est l’heure de vérité !

    M. Sylvain Berrios

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    À ceux qui nous expliquent qu’il s’agit d’une dénonciation sèche, je leur rappellerai simplement que ce n’est pas à l’Assemblée nationale d’aller ensuite renégocier, mais au pouvoir exécutif et au gouvernement de le faire. La résolution dénonçant ces accords, que, je l’espère, nous allons voter aujourd’hui, est donc un mandat donné au gouvernement pour qu’il fasse son travail, pour qu’il fasse respecter la France, pour qu’il fasse respecter notre fraternité avec le monde algérien et pour qu’il fasse respecter les Algériens de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme Nadège Abomangoli

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    Et ils sont où, les députés EPR ?

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Mazaury.

    M. Laurent Mazaury (LIOT)

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    Le groupe LIOT entend réaffirmer son attachement à une approche responsable, équilibrée et rigoureuse des questions migratoires.
    Nous partageons les préoccupations exprimées sur la maîtrise des flux et sur la nécessaire efficacité des dispositifs de retour, mais nous ne croyons pas qu’une dénonciation unilatérale de l’accord franco-algérien de 1968 constitue une solution praticable. Cet accord, dont les limites sont réelles, mérite d’être révisé et non pas rompu. Le dialogue et la négociation doivent prévaloir sur le geste symbolique et la rupture de principe, car la dénonciation unilatérale n’est ni juridiquement assurée ni diplomatiquement neutre.
    Au-delà de la forme, il faut aussi en mesurer les effets. Une rupture unilatérale serait interprétée comme un acte hostile par le gouvernement algérien, dans un contexte où la coopération sur les laissez-passer, les retours et la sécurité régionale reste au plus bas, mais demeure malgré tout essentielle. Ce serait prendre le risque d’aggraver les blocages existants, déjà forts, au lieu de les surmonter.
    Notre groupe n’ignore pas les tentatives qui traversent la relation franco-algérienne. Nous avons d’ailleurs soutenu la résolution exigeant des progrès concrets en matière de droits humains et dénonçant la détention arbitraire de Boualem Sansal et de Christophe Gleizes. Mais justement, la fermeté doit se construire dans un cadre diplomatique très ferme et exigeant. À ce titre, nous réitérons ici avec solennité notre appel à leur libération immédiate et au respect des libertés fondamentales en Algérie. La défense des droits humains doit rester le socle de toute relation bilatérale digne de ce nom.
    Le problème n’est pas, et n’a jamais été, le peuple algérien avec qui nous avons une histoire passionnelle –⁠ histoire passionnelle qui se poursuit, on le voit encore ce matin –, mais avec ses gouvernants.
    Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT votera majoritairement contre cette proposition de résolution mais, fidèles à l’essence de l’existence même de notre groupe, et aussi parce que nous voulons envoyer un message au gouvernement algérien actuel, certains d’entre nous prendront sans doute d’autres voies. (M. Joël Bruneau applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon (GDR)

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    Avec la dénonciation des accords franco-algériens, nous voyons à nouveau les obsessions xénophobes du Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN), nostalgique de l’OAS. Il use ici de ses ficelles populistes pour faire croire que les Algériens seraient responsables de nos difficultés économiques, voire de tous les maux qui touchent notre société, alors que les accords franco-algériens ont largement facilité l’arrivée d’une main-d’œuvre algérienne bon marché.
    L’idée selon laquelle les Algériens seraient avantagés par rapport aux autres ressortissants est contredite par les faits et par les chiffres, cinquante-cinq ans après la signature d’un accord bilatéral parmi d’autres que nous maintenons avec de nombreux autres pays.
    Vos interventions sont des crachats à la figure des près de 5 millions de franco-algériens vivant dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Vous égrenez dans votre intervention des chiffres non sourcés sur les Algériens et les descendants d’Algériens face à l’emploi, mais, que vous le vouliez ou non, les travailleurs algériens ont contribué au redressement de notre pays lors de l’après-guerre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    Cela n’a rien à voir !

    Mme Elsa Faucillon

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    Leurs enfants et petits-enfants travaillent, se marient et vivent dans un pays riche de son métissage, que vous le vouliez ou non. (Mêmes mouvements.)
    Aujourd’hui, 60 % des Algériens en France ont la double nationalité. C’est un rappel de notre histoire commune et celle-ci n’est pas derrière nous. Elle ne le sera pas car, par exemple, le 17 octobre 1961 à Paris, comme le 8 mai 1945 à Sétif, ne sont toujours pas reconnus comme crimes d’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Ce serait pourtant la voie de l’apaisement entre nos deux pays.
    Tout se passe comme si cet accord était une faveur faite aux Algériens, un pays pris au hasard parmi les autres. Cet accord est pourtant le fruit de notre histoire. Il est le fruit de cent trente-deux ans de colonisation. Il est la résultante du code de l’indigénat. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il est une timide réponse à la torture à laquelle a participé Jean-Marie Le Pen. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Avec la dénonciation de ces accords, la seule chose que vous obtiendrez, c’est de raviver les plaies de la guerre d’Algérie. Honte à vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Monsieur le rapporteur, ne prenez pas le masque de l’antiracisme. Vous comptez dans vos rangs quelqu’un qui parle de réhabiliter la race pour restaurer la liberté de penser, un autre qui parle des musulmans en disant qu’ils sont plus musulmans que Français, un autre encore qui a tenu une librairie négationniste. Honte à vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Julien Odoul

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    Vous avez apporté le goulag !

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous êtes communiste, le parti aux 100 millions de morts !

    Mme Elsa Faucillon

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    On ne construit pas un avenir solide et apaisé en falsifiant le passé et le présent. On ne gomme pas la colonisation, la guerre, la mort et les humiliations en agitant les peurs. Ce n’est pas du patriotisme, c’est du négationnisme ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NUPES, SOC et EcoS se lèvent pour applaudir.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    Mme Dieynaba Diop

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    Le petit télégraphiste !

    M. Éric Ciotti (UDR)

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    Notre groupe votera naturellement, avec beaucoup de détermination et une grande responsabilité, cette proposition de résolution déposée par Marine Le Pen et les députés du groupe Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
    J’avais personnellement porté deux fois une résolution similaire : en juin 2023, au nom des Républicains, avec notre regretté collègue Olivier Marleix, auquel je veux rendre hommage en cet instant (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), et l’année dernière, lors de la journée d’initiative parlementaire de notre groupe. Je rappellerai à M. Fuchs que le matin même de cette journée, dans un esprit de responsabilité, à la veille du procès de Boualem Sansal, pris en otage par une dictature terrifiante, nous avions décidé, en concertation avec Marine Le Pen, de retirer cette résolution, pour ne pas laisser courir le moindre risque, même si nous n’avions malheureusement aucune illusion sur son sort. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) C’est cela, la responsabilité !
    Le temps est venu aujourd’hui d’en finir avec la soumission et l’humiliation. L’Algérie est dirigée par une caste dictatoriale, qui prend en otage le peuple algérien. (Mêmes mouvements.) Elle détient en otage deux de nos compatriotes, Boualem Sansal et Christophe Gleizes, et notre vote doit être guidé par le sort qu’ils subissent.

    M. Richard Ramos

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    Alors retirez cette proposition !

    M. Éric Ciotti

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    L’Algérie, aujourd’hui, non seulement n’est pas un pays avec lequel nous pouvons coopérer pour notre sécurité, mais elle est un pays qui menace notre sécurité, en refusant de reprendre ses ressortissants les plus dangereux.
    M. Lhardit a dit que seules 7 % des personnes concernées par une OQTF étaient dangereuses, condamnées, criminelles ou délinquantes. Si nous calculons bien, cela représente 10 000 personnes qui menacent la France au quotidien. Si vous considérez que ce n’est rien, alors nous ne vivons pas dans le même monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
    La réalité appelle au courage et à la cohérence. Je remercie les Républicains pour leur cohérence, qu’on n’avait pas retrouvée dans certains autres textes. Je remercie également le groupe Horizons pour sa cohérence. (« Honte ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Mais que dire de M. Attal, qui réclamait l’abrogation des accords de 1968, et qui, maintenant, se soumet à la pression du Parti socialiste, qui le tient, lui aussi, en otage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
    Mes chers collègues du bloc central, ce n’est pas de malhonnêteté intellectuelle, comme le disait Mme Miller, qu’il s’agit. Ce dont vous avez besoin, c’est de courage ! Nous en avons et nous faisons preuve de responsabilité. Ce message doit être adressé à l’Algérie, parce que cet État voyou ne peut continuer à humilier la France. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Vote sur la proposition de résolution

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        374
            Nombre de suffrages exprimés                369
            Majorité absolue                        185
                    Pour l’adoption                185
                    Contre                184

    (La proposition de résolution est adoptée.)
    (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent pour applaudir
    vivement et longuement. Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Inaki Echaniz, pour un rappel au règlement.

    M. Inaki Echaniz

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    Sur le fondement des articles 100 et 62. Je note que l’épidémie qui frappait les députés du Rassemblement national ces derniers jours a été résolue. Il n’y a visiblement aujourd’hui plus aucun malade. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Par contre, votre racisme et votre haine…

    M. le président

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    Ce n’est pas un rappel au règlement. (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 100, qui concerne la bonne tenue des débats. Il ne s’agit pas ici d’exercer une quelconque police des mots…

    M. le président

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    L’article 100 concerne les débats sur les amendements. Sur quel article vous fondez-vous ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Ne jouez pas sur les mots, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Il s’agit de mon interprétation de la notion de bonne tenue des débats.

    M. le président

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    Si vous prenez les choses au sérieux, vous devez me dire sur quel article vous vous fondez.

    M. Alexis Corbière

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    Je vous ai déjà dit qu’il s’agit de l’article 100 !

    M. le président

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    Ce n’est pas le cas, mais je vous écoute. Vous ne pouvez pas dire n’importe quoi comme si vous étiez au PMU. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Il nous arrive tous, tous groupes confondus, d’avoir le verbe vif. Il ne s’agit donc pas de restreindre la parole. Toutefois, un orateur du groupe RN a caractérisé l’ensemble des députés des bancs de la gauche de cet hémicycle de parti de l’étranger et de parti de l’Algérie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Je considère qu’une telle qualification, qui trouve son origine dans les courants d’extrême droite antirépublicains du XIXe siècle et a été utilisée sous le régime de Vichy, n’a pas sa place dans cet hémicycle. (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs du groupes EPR et Dem. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    Ce n’était pas un rappel au règlement et ce n’était pas le bon article : vous auriez dû citer l’article 58. Je veux bien être gentil, mais nous n’allons pas refaire le débat sous prétexte de rappels au règlement.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur le président,…

    M. le président

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    Attendez ! Est-ce bien un rappel au règlement ?

    M. Antoine Léaument

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    Oui. Il se fonde sur l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Ce n’est pas le règlement.
    La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.

    Mme Mathilde Panot

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    M. Léaument a le droit de dire « monsieur le président » avant de citer l’article sur lequel il se fonde : laissez-le faire son rappel au règlement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Les choses ne se passent pas ainsi, vous le savez très bien. Je donne la parole à tout le monde, pour peu qu’on fasse preuve de sérieux. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les rappels au règlement doivent être fondés sur le règlement, pas sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

    M. Antoine Léaument

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    Si vous voulez des articles du règlement, j’en ai ! L’article 70, alinéa 3, ne fait-il pas partie du règlement ?

    M. le président

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    Vous n’avez pas la parole, monsieur Léaument.
    La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.

    M. Matthias Tavel

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    Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, relatif aux mises en cause personnelles. Des propos ont été tenus pour mettre en cause, de façon abjecte et hypocrite, la loyauté des parlementaires de gauche à la nation républicaine, que nous n’avons jamais trahie, à laquelle nous n’avons jamais renoncé, contrairement à ceux qui ont porté cette accusation ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.) Ils sont les héritiers de la collaboration avec le nazisme, les héritiers de l’OAS, qui a tenté d’assassiner le général de Gaulle ! (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, se lèvent et applaudissent sans interruption jusqu’à la fin du propos de l’orateur.)

    M. le président

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    Merci, monsieur Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    Ces propos, et la présidence partiale qui est la vôtre aujourd’hui, doivent être sanctionnés, leurs auteurs doivent être rappelés à l’ordre, punis ! Il n’est pas acceptable que la légitimité… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Rétablissement du délit de séjour irrégulier

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Sylvie Josserand et des membres du groupe Rassemblement national visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier (nos 1839, 1987).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Josserand, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Dans son rapport de janvier 2024 sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, la Cour des comptes souligne que le « nombre incertain d’étrangers en situation irrégulière […] ne peut être qu’estimé, de manière indirecte ou par des faisceaux d’indices ». Déjà, dans un rapport de mai 2020, elle constatait la difficulté à quantifier, même approximativement, le nombre de personnes étrangères entrées ou séjournant de façon irrégulière sur le territoire national. Une estimation est permise par le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) qui, fin décembre 2023, s’élevait à 466 000 personnes. Monsieur le ministre de l’intérieur, votre prédécesseur Gérald Darmanin estimait que le nombre d’étrangers en séjour irrégulier oscillait entre 600 000 et 900 000 ; récemment, vous l’avez vous-même estimé à 700 000 individus, sans qu’il soit possible de donner le crédit de la précision à ce nombre plutôt qu’au précédent.
    Face à ce phénomène, les réponses du droit ont varié. Jusqu’au 31 décembre 2012, tout étranger en séjour irrégulier s’exposait à une peine d’emprisonnement d’un an et à une amende de 3 750 euros. Toutefois, la loi du 31 décembre 2012, adoptée sous la présidence Hollande, a purement et simplement supprimé le délit de séjour irrégulier, prétendument pour mettre le droit français en conformité avec la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dite directive retour, et avec son interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
    Dans deux arrêts rendus en 2011, la CJUE juge que le séjour irrégulier ne doit donner lieu ni à une peine d’emprisonnement, ni au placement en garde à vue de l’étranger, au motif qu’une peine d’emprisonnement ferait obstacle à l’éloignement. Elle ajoute que l’étranger est passible d’une sanction pénale seulement en cas d’échec de la tentative d’éloignement « menée jusqu’à son terme » par les autorités ; il l’est alors non au titre du séjour irrégulier, mais au titre du maintien irrégulier après mesure d’éloignement.
    On observera le zèle du législateur de 2012, qui n’était nullement dans l’obligation de supprimer le délit de séjour irrégulier. Pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne, il pouvait se contenter de remplacer la peine d’emprisonnement par une peine d’amende, tout en maintenant le délit.
    On observera encore que la suppression du délit pénal a privé les enquêteurs d’un efficace pouvoir d’investigation, en rendant impossible tout placement en garde à vue de l’étranger en situation irrégulière –⁠ rappelons qu’environ 60 000 étrangers étaient placés chaque année en garde à vue sur ce fondement.
    Conscient de la disparition d’une procédure utile, le législateur du 30 décembre 2012 créait un régime administratif de pâle substitution à la garde à vue dit RVDS : la retenue pour vérification du droit au séjour. Cette retenue de vingt-quatre heures au maximum, au lieu de quarante-huit heures de garde à vue, n’offre aucun pouvoir coercitif aux enquêteurs, notamment aucun pouvoir de perquisition.
    L’étranger en situation irrégulière qui a ouvert une ligne téléphonique a nécessairement dû fournir une pièce d’identité pour ce faire. Mais si, interpellé en situation de séjour irrégulier, il se refuse à fournir sa pièce d’identité aux autorités françaises pour tenter d’échapper à une mesure d’éloignement, alors les services d’enquête ne disposent pas du pouvoir de perquisition de son domicile ou de son téléphone dans lequel il est fort probable que se trouve une pièce d’identité numérisée.
    Dans le cadre de l’élaboration de la loi « immigration » du 26 janvier 2024, un amendement du Sénat a réintroduit le délit de séjour irrégulier, le punissant d’une peine d’amende, conformément à la jurisprudence européenne. Toutefois, par sa décision du 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel censurait le rétablissement du délit, non sur le fond, mais en raison de sa nature de cavalier législatif. Voilà le cadre dans lequel nous avons déposé la proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier.
    Elle tend à rétablir –⁠ exactement dans les mêmes termes que ceux adoptés par le Parlement – le délit de séjour irrégulier pour tout étranger âgé de plus de 18 ans qui séjournerait en France au-delà de la durée autorisée par son visa. L’auteur du délit s’exposera à une amende de 3 750 euros à titre de peine principale et à une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour une durée de trois ans.
    La condamnation sera inscrite au casier judiciaire et pourra être mise à exécution alors qu’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), si elle date un peu, ne peut être exécutée sans que la situation de l’étranger ne soit réexaminée par la préfecture.
    Le rétablissement du délit de séjour irrégulier vise d’abord à rompre avec les affronts répétés de ceux qui se jouent des injonctions des autorités étatiques françaises et cumulent les OQTF. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’« aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ». Il souligne également que l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de « la sauvegarde de l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ». « La maîtrise de l’immigration est l’expression de la souveraineté nationale » affirme encore la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2024, relevant que le « découplage entre le nombre de mesures d’éloignement prononcé et leur exécution effective […] envoie un mauvais signal ».
    Ancien directeur de la DGSE –⁠ direction générale de la sécurité extérieure –, M. Pierre Brochand déclarait au Figaro le 17 octobre dernier : « Sous la forme de l’État de droit, l’État régalien n’est plus que l’ombre de lui-même. » D’après la Commission européenne, quatre personnes sur cinq ayant reçu l’ordre de quitter l’espace de l’Union européenne ne respecteraient pas la décision. Depuis mars 2025, la Commission européenne, parfaitement consciente du caractère « existentiel » de la question pour les États, selon le terme employé par le commissaire européen aux affaires intérieures et à la migration, travaille à remplacer la directive « retour » du 16 décembre 2008 par un règlement « retour ». Ainsi, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, que plus de 80 % des Français appellent de leurs vœux, s’inscrit dans un calendrier national et européen.
    Il s’agit encore de marquer la volonté de rupture avec les politiques de résignation et de faiblesse menées jusqu’à un point de non-retour, celui du trouble grave à l’ordre public. Pourquoi ceux qui ignorent délibérément les conditions d’entrée et de séjour sur notre territoire feraient-ils l’effort de respecter nos lois ? Force est de constater que ce sont trop souvent les mêmes qui s’autorisent à troubler gravement l’ordre public. (Mme Léa Balage El Mariky s’exclame.)
    Faut-il égrener le macabre décompte des crimes commis par des étrangers en situation irrégulière, qui sonne comme sonne le glas ? Est-il besoin de dire que l’éloignement de ces criminels par un État soucieux d’offrir aux citoyens le premier des droits de l’homme, le droit à la sûreté, aurait permis aux victimes d’être encore en vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Que dire des deux étudiantes de 20 ans assassinées à la gare de Marseille en octobre 2017, des viols à Toulouse d’une adolescente de 16 ans dans sa chambre d’hôpital et d’une femme en plein centre-ville en septembre 2021, du viol et de l’assassinat de la jeune Lola, 12 ans, en octobre 2022, du viol de Mme Claire Geromini en novembre 2023 à Paris, de Philippine, étudiante de 19 ans, violée, assassinée et enterrée dans le bois de Boulogne en septembre 2024, du meurtre d’un homme de 66 ans à Bobigny, tué de vingt-neuf coups de couteau en mars 2025 ? La liste est longue, mais notre mémoire ne doit pas flancher. Tous ces crimes ont en commun que leur auteur présumé ou condamné est un étranger en situation irrégulière sous OQTF.
    Les minutes de silence, les éloges funèbres et les circulaires d’application ne suffisent pas. Il est urgent de convoquer la loi pénale pour ne pas « continuer de nous enfoncer dans les sables mouvants », selon le phénomène que décrit l’ex-directeur de la DGSE.
    Il n’est pas contestable que l’immigration clandestine favorise l’épanouissement sur le sol français des filières criminelles : traite des êtres humains, emplois illégaux, trafics, faux documents. Il est tout aussi incontestable que les réseaux criminels contribuent à l’immigration irrégulière. C’est un cercle vicieux.
    Personne n’est en mesure de dire, parmi les 20 000 étrangers actuellement détenus dans les prisons françaises, soit 25 % de la population carcérale, quelle est la proportion d’étrangers en situation irrégulière. Cette donnée statistique n’est pas disponible –⁠ encore une belle illustration de la politique de l’autruche.
    Alors que les caisses sont vides, l’immigration irrégulière entraîne un surcoût économique qui n’est pas soutenable pour les finances publiques. Les milliards s’envolent : 1,8 milliard d’euros par an environ pour le coût direct du séjour en centre de rétention évalué, excusez du peu, à 16 200 euros par étranger à raison de vingt-sept jours de rétention en moyenne, 2 milliards par an pour l’AME et la dizaine de dispositifs de soins, 1 milliard supplémentaire pour l’hébergement d’urgence des clandestins. « Il n’existe pas de reconstitution fiable du coût complet de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière », indique sobrement la Cour des comptes.
    Tout juste nommé à son poste, M. Guillaume Larrivé, président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), annonçait, le 16 octobre, sa démission. Dans sa lettre adressée au président de la République, il s’inquiète du « chaos migratoire qui ne fera que s’amplifier ». « Comment les démocraties finissent », s’interrogeait le philosophe Jean-François Revel, dans son ouvrage paru en 1983. « La démocratie incline à méconnaître les menaces dont elle est l’objet », écrivait-il. « Elle ne se réveille que lorsque le danger devient mortel, imminent, évident. Mais alors soit le temps lui manque pour le conjurer, soit le prix à payer […] devient accablant ». Le réveil est urgent, « existentiel ». J’invite donc l’Assemblée nationale à faire preuve de courage et de clairvoyance. (Les députés du groupe RN se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur

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    Cet examen de la proposition de loi présentée par Mme la députée Sylvie Josserand et ses collègues du groupe du Rassemblement national ne constitue pas une première tentative, loin de là. Le rétablissement du délit de séjour irrégulier revient régulièrement à l’ordre du jour des débats du Parlement, et jusque dans le débat public.
    La question du rétablissement du délit de séjour irrégulier est en fait aussi vieille que son abrogation, votée –⁠ comme cela a été rappelé à l’instant – dans le cadre de la loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour.
    Il y a la loi, mais il y a surtout l’esprit de la loi –⁠ et je veux rappeler en quelques mots celui qui avait présidé à ce texte défendu par le ministre de l’intérieur de l’époque. En effet, cette abrogation est trop souvent et trop rapidement, je le crois, présentée dans les débats comme une sorte de totem qui aurait été, en son temps, emporté par la gauche, ou comme l’illustration de ce qui serait une dérive laxiste dans la gestion de l’immigration irrégulière en France. Cette présentation des choses, volontairement erronée, participe d’une volonté de polariser le débat et de le passionner ; c’est précisément ce que je souhaiterais que nous évitions aujourd’hui.
    C’est la raison pour laquelle je souhaite, pour la bonne tenue des échanges à venir, rappeler que l’abrogation du délit de séjour irrégulier en 2012 n’a pas découlé d’une quelconque conviction partisane mais d’une pure mise en conformité de notre législation avec la réglementation européenne, autrement dit du respect de l’État de droit auquel il me semble que la grande majorité des représentants de la nation sont attachés.
    Ce délit était à l’époque sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Cependant la Cour de justice de l’Union européenne en avril 2011 puis la Cour de cassation en juillet 2012 avaient estimé que les peines d’emprisonnement qui servaient de fondement au placement en garde à vue d’un étranger présumé en situation irrégulière étaient contraires aux dispositions de la directive européenne dite directive retour du 16 décembre 2008. En effet, cette directive n’autorisait la sanction pénale qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire uniquement lorsqu’il avait été fait usage, sans succès, des procédures d’éloignement.
    La priorité de la procédure d’éloignement sur la judiciarisation de l’étranger en situation irrégulière me paraît d’ailleurs toujours être la réponse à privilégier. Il convient de rechercher la réponse administrative consistant dans la reconduite coercitive de l’étranger en situation irrégulière avant toute autre sanction ; j’ai la faiblesse de croire qu’il s’agit d’un principe largement partagé dans cet hémicycle, y compris par les cosignataires de cette proposition de loi. C’est en tout cas dans cette logique que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé à juste titre que la peine d’emprisonnement était contraire à l’objectif visé dans la mesure où celle-ci limitait l’effectivité de l’éloignement et était susceptible d’allonger le délai de retour. C’est aussi la raison pour laquelle la proposition de loi du Rassemblement national s’en tient plus modestement à prévoir une sanction pécuniaire pour punir le séjour irrégulier, prenant acte du fait qu’on ne peut passer outre le droit communautaire et l’État de droit –⁠ et c’est une bonne chose.
    Bref, en 2012, l’abrogation du délit de séjour irrégulier ne relevait pas d’un choix politique ou idéologique. C’était une obligation qui se serait imposée à n’importe quel gouvernement au pouvoir à l’époque. En réalité, la loi du 30 décembre 2012 aurait caractérisé une dérive laxiste grave si elle s’était contentée d’abroger purement et simplement le délit de séjour irrégulier sans pallier le vide opérationnel ou procédural laissé par cette nécessaire mise en conformité de nos textes. Évidemment, il n’en fut pas ainsi, ce que nul n’ignore ici.
    Tirant toutes les conséquences des décisions précitées, le gouvernement avait naturellement prévu dans la loi l’institution d’une retenue pour vérification de situation d’une durée maximum de seize heures, portée par la suite à vingt-quatre heures, qui est venue se substituer à la garde à vue de l’étranger en situation irrégulière.
    Vous me pardonnerez d’avoir pris le temps de ce rappel, mais celui-ci me semblait capital pour tenter de dépassionner les débats qui s’ouvrent et éviter l’écueil des postures souvent manichéennes que suscite ce sujet et que, à dire vrai, la lecture attentive de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, qui soutient que le délit de séjour irrégulier a été « purement et simplement abrogé par la loi du 31 décembre 2012 […] sous la présidence de François Hollande » pouvait me faire craindre. On est rarement dans la vérité quand on est dans la caricature –⁠ j’essaierai donc de l’éviter.
    Après ces propos liminaires, venons-en au contenu de la proposition de loi soumise à la discussion de ce jour. Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, son article unique vise à punir le séjour irrégulier sur le territoire national de personnes majeures d’une amende de 3 750 euros, assortie éventuellement d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français d’une durée de trois ans.
    L’examen en commission de la proposition de loi, la semaine dernière, a conduit à la suppression de cet article unique, sur la base d’amendements convergents de plusieurs groupes politiques. Je tiens à le dire, l’exposé sommaire de certains de ces amendements invoquait une « pénalisation croissante du droit des étrangers », « une criminalisation des existences », « une course à la xénophobie » impulsée par mes prédécesseurs, ou encore « une chasse aux étrangers ». Je le répète : on est rarement dans la vérité quand on est dans la caricature.
    Le gouvernement, par mon intermédiaire, vous propose un éclairage plus technique de cette proposition de loi, loin, je l’espère, des postures idéologiques. C’est le privilège d’un gouvernement technique.
    Certes, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 décembre 2012 admet que la directive « retour » ne s’oppose pas à une réglementation nationale réprimant le séjour irrégulier par une peine d’amende pouvant même être remplacée par une peine d’expulsion, dans la mesure où cette nature de peine n’a pas pour effet collatéral –⁠ c’est extrêmement important – de retarder la procédure de retour. Néanmoins, on éprouve une difficulté à distinguer la réelle plus-value opérationnelle d’un rétablissement du délit de séjour irrégulier sanctionné par une peine pécuniaire par rapport à la procédure existante de retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour, qui avait été justement créée pour remplacer la garde à vue des étrangers en situation irrégulière.
    Cette procédure, prévue par les articles L. 813-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), permet déjà de documenter les profils concernés par une prise d’empreintes et de photographies. Une délictualisation du séjour irrégulier sans peine d’emprisonnement ne donnerait accès à aucun des pouvoirs judiciaires coercitifs d’identification.
    L’expérience du passé démontre également que l’existence d’un tel délit n’a pas pour effet d’accroître la pression sur les étrangers qui se maintiennent irrégulièrement sur notre territoire, comme vous envisagez pourtant, madame la rapporteure, avec les signataires de texte.
    Mon antéprédécesseur, Gérald Darmanin, l’avait déjà souligné devant le Parlement, chiffres à l’appui : en moyenne, entre 2007 et 2012, seules 600 condamnations pour délit de séjour irrégulier ont été prononcées par an. En réalité, le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière a augmenté de manière significative après la suppression de ce délit. Je donnais ces chiffres dans l’hémicycle à l’occasion de questions au gouvernement : en 2014, il y a eu 111 345 interpellations ; en 2023, 123 800 ; en 2024, 147 156 et, au moment nous nous parlons, nous en sommes déjà à 145 648 pour l’année 2025.
    Dès lors, la question de la portée de la disposition que vous proposez se pose véritablement. Dans un contexte de saturation des juridictions judiciaires, il est évident que ces dernières ne prioriseront pas le traitement pénal de ces affaires, compte tenu de leur caractère opérationnel très limité.
    Je parle comme ministre de l’intérieur, mais aussi comme ancien professionnel de ces sujets –⁠ j’ai été directeur général de la sécurité intérieure et coordinateur national du renseignement. Ce qui compte, c’est le caractère opérationnel des choses, l’effectivité des mesures prises. Sinon, on reste dans le symbole.

    M. Thomas Cazenave

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    Très bien !

    M. Laurent Nuñez, ministre

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    Enfin, l’effectivité d’une délictualisation sanctionnée par une peine pécuniaire à titre principal dépend directement et immédiatement des perspectives de recouvrement de telles amendes. Taper au portefeuille, c’est une idée judicieuse et efficace en bien des matières, mais ce n’est véritablement dissuasif que pour les délinquants solvables, petits ou gros, qui se rémunèrent sur le dos de leur activité délictuelle.
    À cet égard, je ne crois pas que le séjour irrégulier soit un fonds de commerce particulièrement lucratif, sauf bien sûr pour ceux qui l’exploitent dans le cadre de filières ou de réseaux –⁠ mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui. Nous connaissons des succès dans ce domaine, avec le démantèlement de très nombreuses filières d’immigration illégale et de traite d’êtres humains.
    Pour l’ensemble de ces raisons, le gouvernement ne soutiendra pas ce texte dont il mesure mal l’intérêt opérationnel et l’opportunité, au-delà de ce qui serait l’envoi d’un signal de fermeté, certes indispensable en matière d’immigration illégale, mais en l’espèce non suivi d’effets tangibles. Cela reviendrait, en somme, à une posture simplement démagogique, que nous refusons d’adopter.
    Pour améliorer notre dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière, je préfère privilégier les négociations sur le projet de règlement « retour », poursuivant l’investissement de mon prédécesseur. Cela nous permettrait de satisfaire les objectifs opérationnels recherchés par la pénalisation du séjour irrégulier, en autorisant par exemple la perquisition administrative des appareils électroniques et la prise de biométrie contrainte pour identifier les étrangers en situation irrégulière –⁠ c’est important. Nous y reviendrons dans la discussion : la capacité à identifier les étrangers pour améliorer les procédures de reconduite est un véritable défi pour les forces de l’ordre.
    Voilà une perspective d’évolution de notre réglementation qui recherche clairement la pertinence opérationnelle plutôt que les totems. Mais attention : ne pas soutenir le rétablissement du délit de séjour irrégulier, ce n’est en aucune manière l’autoriser. Si besoin était, je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire devant la représentation nationale, je ferai preuve de la plus grande fermeté dans la lutte contre l’immigration illégale, en frappant à la tête les réseaux et en démantelant toujours plus les filières d’immigration illégale.
    Cette fermeté, je la montrerai aussi dans la poursuite de la hausse des éloignements coercitifs, qui enregistrent déjà une progression de 24 % sur les neuf premiers mois de l’année 2025. La France est le pays de l’Union européenne qui expulse le plus d’étrangers en situation irrégulière vers des pays tiers. Il n’y a donc aucun totem à emporter sur la question du rétablissement du délit de séjour irrégulier, pas plus qu’il n’y en a eu pour son abrogation en 2012. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Madame la rapporteure, vous avez évoqué un certain nombre d’actes criminels dramatiques commis par des ressortissants de nationalité étrangère en situation irrégulière. Le dispositif que nous examinons ne répondrait à aucune –⁠ je dis bien, à aucune – de ces situations, que vous avez à juste titre dénoncées. Son rétablissement n’aurait pas permis de les éviter. Je tiens à le rappeler, car c’est la vérité objective.

    Quelques députés du groupe RN

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    Si, il aurait un effet dissuasif !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    M. le ministre vient de le dire : le délit de séjour irrégulier était en vigueur entre 2007 et 2011, avant d’être abrogé par la loi du 31 décembre 2012, que j’assume avoir votée. Je crains surtout de vous décevoir, madame la rapporteure. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    C’est fréquent !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Toutefois, je vous rassure : cette crainte ne me chagrine pas. Sur cette période, il y a eu 5 000 à 6 000 condamnations pénales. Cependant, sur la seule infraction du délit de séjour irrégulier, le juge répressif n’a prononcé que 500 à 600 condamnations par an, ce qui est peu par rapport aux 70 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière. C’est dire l’inefficacité totale de ce dispositif et son application disproportionnée par rapport à la réalité du nombre d’étrangers en situation irrégulière interpellés.
    La loi du 31 décembre 2012 n’a pas été adoptée pour des motifs idéologiques. Elle ne l’a pas non plus été en raison d’une appréciation laxiste de l’application du droit des étrangers en France. La première raison de l’abrogation du délit de séjour irrégulier, c’est sa non-conformité au droit européen –⁠ mais c’est une raison qui ne vous satisfera pas, j’en ai bien conscience.

    Mme Marine Le Pen

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    En effet !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Elle est pourtant importante, parce que la France a dû se conformer aux deux décisions prises en 2011 par la Cour de justice de l’Union européenne.
    La seconde raison, c’est le manque total de pertinence du lancement d’une procédure pénale, dans le cas d’une procédure d’éloignement pour un étranger en situation irrégulière. Pardon de le dire de façon brutale : avec ou sans emprisonnement, cela ne sert strictement à rien.
    Ce qui importe pour les autorités publiques, c’est d’aller au plus vite vers l’éloignement. Par conséquent, il est inutile de lancer en parallèle une procédure pénale. Cela n’apporte rien –⁠ pas même, comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, la possibilité d’effectuer des perquisitions ou de mobiliser des moyens supplémentaires pour identifier l’étranger en situation irrégulière. Ce n’est pas vrai.
    Il a été décidé en 2012 que les procédures pertinentes, parce qu’elles sont plus rapides et efficaces, sont les mesures administratives. L’abrogation du délit de séjour irrégulier n’a pas entraîné de vide juridique : elle a abouti à la retenue pour vérification du droit au séjour, c’est-à-dire à la possibilité d’une rétention pour identifier l’étranger en situation irrégulière, qui, elle, fonctionne bien.

    Mme Marine Le Pen

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    Oh oui, très bien ! Merveilleux !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Madame Le Pen, je perçois l’ironie de vos gestes et de vos propos, mais j’aimerais vous donner un chiffre : savez-vous combien il y a eu de retenues pour vérification de séjour l’année dernière, pour les seules interpellations par la police aux frontières (PAF) ? Il y en a eu 140 000. C’est considérable.
    Le sujet n’est pas tant l’efficacité de la retenue et de la procédure pénale qui n’apporterait rien, mais l’après, l’effectivité des mesures d’éloignement. Là, nous avons une difficulté que nous partageons avec nos partenaires européens : sur les 430 000 décisions d’éloignement qui sont prises à l’échelle européenne, moins de 20 % sont appliquées. La France comptabilise, à elle seule, 156 000 décisions. Peut-être la stratégie de l’État français sur le sujet n’est-elle pas très pertinente.

    M. Emeric Salmon

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    Quel est le taux d’exécution de ces décisions ?

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Essayons de trouver des convergences entre groupes politiques pour renforcer les capacités d’intervention de l’autorité publique, dans le cadre des mesures administratives. Je pense à la possibilité de diligenter des perquisitions administratives sur les appareils téléphoniques –⁠ aux fouilles téléphoniques, notamment – et à la biométrie contrainte, que vous avez évoquées, monsieur le ministre. Là, il est nécessaire d’agir.
    C’est tout le combat mené en ce moment par la France, dans le cadre des négociations sur le projet de règlement dit retour, présenté par la Commission européenne en mars 2025. La France, avec d’autres États membres, cherche à obtenir des capacités supplémentaires d’action, en particulier en matière de mesures administratives.
    Je le répète, car il faut avoir un regard lucide sur le texte inscrit à l’ordre du jour : celui-ci n’a d’autre valeur que symbolique.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Eh oui !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Il n’a d’autre valeur que de dire que nous devons pénaliser l’étranger en situation irrégulière, sans chercher à savoir si cela a la moindre efficacité. En effet, cette disposition, si elle était votée aujourd’hui, ne changerait rien. Elle ne renforcerait aucunement la capacité de l’État français à améliorer l’exécution de ses propres décisions d’éloignement, et elle ne permettrait pas d’améliorer l’identification des étrangers en situation irrégulière. C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi –⁠ pardon de le dire en ces termes – ne sert strictement à rien. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC.)

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    C’est votre avis !

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    Qu’est-ce qu’une nation qui laisse des personnes entrer ou se maintenir illégalement sur son territoire sans rien faire ? C’est une nation laxiste, faible, impuissante –⁠ le résultat de treize ans de Macron-Hollandisme. Ce que ne veulent plus les Français !
    Que reste-t-il d’un État où chacun peut entrer sans être inquiété ? Que reste-t-il d’un État lorsque ses règles de droit sont bafouées et méprisées ? Que reste-t-il d’un État qui accepte sans rien faire les conséquences dramatiques d’une immigration clandestine ?
    Le délit de séjour irrégulier sanctionne le fait, pour un étranger, de résider sur le territoire national sans autorisation valide. Nous devons rétablir cet outil juridique essentiel pour protéger notre pays, notre droit et notre peuple.
    Dans de nombreux pays européens confrontés à une immigration incontrôlée, le gouvernement agit. Au Danemark, par exemple, les sociaux-démocrates ont mis fin au tabou pour écouter leur peuple. Ce tabou, c’est l’immigration, notamment illégale. Nous devons le regarder en face : comment peut-on fermer les yeux face aux clandestins qui violent nos lois ?
    Avec Marine Le Pen, nous proposons, depuis sa suppression, la réintroduction de ce délit. Car comment expliquer aux Français, qui sont les plus taxés au monde, qu’un clandestin ne paierait même pas une amende ?
    Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est faire appliquer notre État de droit. Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est remettre en place une dissuasion claire face à la pression migratoire. Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est alléger nos finances publiques et économiser plusieurs milliards d’euros par an. AME, hébergement d’urgence, prestations sociales : tout cela nous coûte un pognon de dingue ! Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est lutter contre le travail dissimulé et les réseaux mafieux de passeurs. Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est avoir un traitement pénal ferme de l’immigration illégale.
    Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est ne plus alimenter la délinquance quotidienne. Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est protéger notre modèle social, qui doit être réservé aux Français, et pour une part aux étrangers ayant cotisé au moins cinq ans. Rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est le retour de l’ordre public, la fin du laxisme généralisé (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR) ; c’est, vous l’aurez compris, redevenir un État fort et protecteur !
    Nous vous proposons un minimum : une amende de 3 750 euros et une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français pour tout adulte qui y séjourne de façon irrégulière. Juridiquement, monsieur le président de la commission des lois, la seconde mesure est la plus efficace pour lutter contre le fait que les clandestins restent sur le territoire. Lorsqu’elle n’est pas exécutée, une simple OQTF devient caduque ; rétablir ce délit permettrait de conserver l’inscription au casier judiciaire des interdictions de territoire. Cela faciliterait aussi le travail des personnels –⁠ à qui je souhaite rendre hommage – de nos forces de l’ordre, de notre justice (Mêmes mouvements), à l’œuvre dans des conditions compliquées face à une délinquance qui explose.
    Pour rappel, ce délit a figuré dans notre arsenal juridique jusqu’en 2012. Supprimé sous la présidence de François Hollande, aucun gouvernement depuis n’a eu de réelle volonté politique de le réintroduire, ou n’y est parvenu, alors que la situation migratoire s’aggravait –⁠ plus de 500 000 entrées par an alimentent à court ou à moyen terme l’immigration irrégulière –, alors que 700 000 clandestins vivent dans notre pays, de l’aveu même –⁠ un peu indécis – du ministre de l’intérieur. Afin de restaurer notre autorité, ce délit, je le répète, doit être rétabli. Lors de l’examen du projet de loi « immigration », après quelques tergiversations à l’étape de la commission mixte paritaire, nous avions trouvé le chemin conduisant à ce rétablissement –⁠ ce qui veut dire qu’il y a dans cette assemblée une majorité susceptible d’adopter notre texte ! Cette disposition avait ensuite été censurée, en janvier 2024, par le Conseil constitutionnel, mais pour une question de forme et non de fond.
    C’est pourquoi nous vous proposons de suivre le même chemin par une proposition de loi autonome et conforme. Permettez-moi, à l’occasion de cette journée d’initiative parlementaire du Rassemblement national, de remercier ma collègue rapporteure, Mme Josserand, pour ce texte important –⁠ le deuxième à l’ordre du jour de notre niche, après notre très belle victoire, ce matin, concernant le premier, c’est-à-dire la proposition de résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Chers collègues, les Français nous regardent. Ils en ont assez de subir cette immigration incontrôlée, et vous le savez tous. Selon un sondage Elabe de septembre 2024, le rétablissement du délit de séjour irrégulier est souhaité par 79 % d’entre eux : par une grande majorité des électeurs du RN et de l’UDR, bien sûr, mais aussi de ceux de LR, et d’EPR –⁠ et même par 57 % de vos électeurs, chers collègues du Nouveau Front populaire ! (Mêmes mouvements.) Faisons-le donc maintenant, ensemble, pour enfin respecter la volonté du peuple. Vous l’aurez compris, rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est répondre à ce que veulent les Français ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Cazenave.

    M. Thomas Cazenave

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    Disons-le d’emblée, cette proposition de loi constitue l’archétype du texte d’affichage. Elle traite pourtant d’un sujet important –⁠ l’immigration irrégulière –, sur lequel nous avons beaucoup légiféré, avec des résultats trop peu visibles pour les Français.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous êtes drôle !

    M. Thomas Cazenave

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    Parce que ce sujet est sérieux, il faut le traiter sérieusement. Texte d’affichage, car nous savons que s’il venait à être adopté, il resterait inutile, inefficace ; vous empruntez le chemin de la communication facile, laquelle ne manquera pas de nourrir un peu plus le sentiment de l’impuissance publique. En d’autres termes, ceux qui, de bonne foi, pourraient être sensibles à votre démarche n’en seront demain que plus méfiants envers les pouvoirs publics. C’est tout le paradoxe : prétendre restaurer la confiance dans la loi, dans l’autorité de l’État, par un énième texte déconnecté des réalités du terrain.
    Les faits sont connus, les faits sont têtus : en 2009, par exemple, plus de 100 000 personnes ont été mises en cause pour séjour irrégulier –⁠ puisque ce délit existait alors dans notre droit –, 80 000 gardées à vue, mais seulement 597 condamnées pour ce seul motif, avec une amende de 368 euros en moyenne. Cela donne un taux de condamnation inférieur à 1 % ! Nul besoin d’étude d’impact ; nous connaissons déjà les effets de votre proposition de loi, ils seraient nuls ou presque. On comprend parfaitement pourquoi : qui peut croire que la perspective de 3 750 euros d’amende dissuaderait quiconque d’entrer illégalement sur notre territoire ? Qu’une personne en situation illégale sur notre sol, sous la menace de cette amende, déciderait de le quitter ? Qui peut croire que des personnes en majorité insolvables craindraient la moindre sanction financière ? Pas nous ! Non seulement cette proposition de loi serait inefficace, mais elle représente un vrai risque de submersion (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN)…

    M. Emeric Salmon

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    Migratoire ?

    M. Thomas Cazenave

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    …bureaucratique, d’embolie de toute la chaîne pénale.

    Mme Marine Le Pen

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    Bravo ! Quel aveu !

    M. Thomas Cazenave

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    Madame Le Pen, écoutez-moi : concrètement, elle mobiliserait des agents de police pour constater l’infraction, des officiers de police judiciaire pour les gardes à vue, des procureurs pour la procédure pénale, des juges, des greffiers, des avocats en vue des audiences, enfin les services de recouvrement, lesquels auront grand-peine à faire payer l’amende à des personnes, je le répète, souvent insolvables.

    M. Emeric Salmon

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    On croyait que l’immigration était une richesse ?

    M. Thomas Cazenave

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    On ne peut se ranger du côté des policiers, des gendarmes, dénoncer la lourdeur de la procédure pénale, la surcharge de travail, le stock de dossiers, s’inquiéter de ce que la justice est trop lente, et le lendemain défendre des textes qui aggraveraient, compliqueraient l’action, le quotidien des intéressés ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
    Voilà pourquoi ce délit a été supprimé en 2012, et non pas seulement parce qu’il a été jugé contraire au droit européen, ce que vous semblez d’ailleurs ignorer ; non par idéologie, mais parce que tout, dans son application, démontrait son inefficacité. C’est pour cela, le ministre l’a rappelé, qu’en 2012 a été créée la retenue pour vérification du droit au séjour, outil administratif plus simple, plus rapide, plus efficace. Les chiffres le prouvent : environ 70 000 interpellations par an entre 2007 et 2012, 90 000 entre 2012 et 2017, 120 000 entre 2017 et 2022. Jamais, donc, la capacité de contrôle de la police n’a été affaiblie par la disparition du délit pénal. Dès lors, pourquoi vouloir revenir en arrière ? Pourquoi, si ce n’est en vue d’un moment forcément fugace de communication sans lendemain, recréer un délit dont l’inefficacité a été démontrée, que la justice ne pourrait même pas absorber ? Pourquoi se payer le luxe de détourner les moyens de la police et de la justice vers des démarches inutiles, au détriment de véritables urgences comme la lutte contre la délinquance du quotidien, contre la criminalité organisée ou contre les violences intrafamiliales ?
    Ce n’est pas en multipliant les textes que l’on fait respecter la loi, mais en la rendant applicable et la faisant appliquer. Dans le cadre du droit existant, il y a encore beaucoup à faire. Cette proposition de loi ne renforce ni l’autorité de l’État ni la maîtrise de l’immigration, elle détourne la puissance publique d’une action utile, efficace, elle fera perdre à nos policiers et magistrats un temps précieux. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Pierre Cazeneuve

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    C’est très clair !

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Pour une niche du Rassemblement national, la recette est connue : une dose d’Organisation de l’armée secrète (OAS), une louchée de haine antimigrants, saupoudrez de textes volés à d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) Chaque année, c’est la même tambouille ; l’extrême droite recycle ses obsessions, ses insultes aux étrangers, mais aussi à la République et à sa promesse de fraternité. (Mme Gabrielle Cathala applaudit.)
    Le texte que nous examinons vise à rétablir le délit de séjour irrégulier, c’est-à-dire à pénaliser la simple présence sur le territoire français d’une personne étrangère sans titre de séjour –⁠ non un acte répréhensible, mais une existence. Il prévoit jusqu’à 3 750 euros d’amende et trois ans d’interdiction du territoire français, autrement dit une double peine jusqu’ici réservée à des infractions graves. S’il venait à passer, il s’attaquerait à des femmes, des hommes, que nous connaissons tous, à des habitants qui poussent la porte de nos permanences, comme dans ma circonscription ce monsieur, salarié depuis plusieurs années, qui attend le renouvellement de son titre –⁠ les récépissés expirent, les délais s’allongent, il en est à sa troisième suspension d’emploi ; cette dame, élevant seule ses enfants, à qui l’expiration de son titre a coûté l’attribution du logement social qu’elle attendait depuis six ans et menace aujourd’hui son travail ; cette autre, dont la naturalisation, en vue de laquelle elle devait être convoquée, a été repoussée faute de titre en cours de validité.
    Je pense aussi et surtout à Mme K., accueillie hier à ma permanence par ma collaboratrice. Elle vit en France depuis onze ans ; sa fille de 8 ans doit subir une greffe et une chimiothérapie. Son travail est suspendu, car la préfecture n’a pas renouvelé son titre à temps. Ce sont eux, ce sont elles que ce texte viendrait frapper : des travailleurs, des parents, des citoyens en devenir, attendant leur régularisation ou le renouvellement de leur titre, victimes de la lenteur et des défaillances de l’administration. Les services préfectoraux sont saturés : rendez-vous impossibles, délais interminables, absence de réponse malgré des démarches régulières. Dans ce contexte, le RN propose non de réparer l’État, mais de punir les victimes !
    Les lenteurs ou entraves administratives ont de graves conséquences en matière d’emploi, de droits sociaux ; l’adoption du texte ajouterait à ces handicaps la précarisation résultant d’une amende importante et l’interdiction du territoire. En commission, la rapporteure nous a expliqué que les personnes touchées par cette amende pourraient former un recours : c’est ignorer ou mépriser l’immense inquiétude dans laquelle sont déjà plongés les intéressés, alors même qu’ils ont fait à temps toutes les démarches. C’est également incohérent : vous ne cessez de dénoncer le contentieux autour du droit des étrangers. J’ajouterai que des milliers de travailleuses et travailleurs sans papiers contribuent à la richesse du pays ; notre système profite de cet apport sans leur reconnaître les droits afférents. Il y a là une totale hypocrisie, un cynisme sans nom : parmi vous, un député qui s’oppose à l’immigration emploie dans son vignoble une main-d’œuvre immigrée ! (Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Elle a raison !

    Mme Elsa Faucillon

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    Vous ne voudriez surtout pas avouer, à l’exemple de Meloni en Italie, que l’immigration peut être un atout ! L’objectif affiché de la proposition de loi réside dans la lutte contre l’immigration irrégulière ; mais à ce jour, aucune étude, aucun chiffre n’a jamais montré que la suppression du délit de séjour irrégulier aurait entraîné une hausse de cette forme d’immigration. En outre, le rétablissement de ce délit serait contraire au droit européen –⁠ il a été jugé incompatible avec la directive « retour » de 2008.
    Cette mesure serait à la fois inutile, illégale et indigne : inutile parce qu’elle n’apporterait rien aux procédures existantes, illégale parce qu’elle contreviendrait à nos engagements européens, indigne parce qu’elle s’attaquerait à des familles intégrées, qui travaillent et espèrent simplement pouvoir régulariser leur situation. La proposition de loi du Rassemblement national criminaliserait la précarité, transformerait en faute de l’administré la lenteur de l’administration, en culpabilité un papier manquant. Ce ne sont là ni la France et son hospitalité, ni la République et sa fraternité. La fille de Mme K. sera soignée dans un hôpital français, dans le pays où elle vit depuis sa naissance, récépissé ou non ; voilà notre fierté. Au contraire, votre liste mortifère est une honte : interdiction aux étrangers de travailler, de se soigner, d’étudier, d’emprunter les transports en commun, de se déplacer tout court, d’aimer, de se marier –⁠ ça suffit ! Nous voterons contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Christophle.

    M. Paul Christophle

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    En 1938, le gouvernement Daladier, sur habilitation du Parlement, adopte une série de décrets-lois ayant trait à la police des étrangers :…

    M. Pierre Cordier

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    Le gouvernement issu du Front populaire, des élections de 1936, deux ans plus tôt ! Daladier était radical-socialiste !

    M. Paul Christophle

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    …c’est à ce moment-là qu’a été introduit dans notre droit le délit de séjour irrégulier. Ces textes, qui préparent le terrain au régime raciste de Vichy, reposent entièrement sur la dialectique du bon étranger et de l’étranger indésirable. Le décret-loi du 2 mai 1938 instaure pour la première fois un délit d’entrée irrégulière sur le territoire français, mais aussi un délit d’aide directe ou indirecte à l’entrée et à la circulation.
    À la fin de l’année 1938, parmi les 60 000 réfugiés juifs d’Europe centrale et orientale que comptait la France, on estime que 42 000 étaient entrés illégalement sur le territoire national. Cela concernait notamment 90 % des réfugiés arrivés entre juillet et novembre, dont la plupart étaient autrichiens. C’est pour lutter contre l’arrivée de ces réfugiés que cette infraction a été instaurée. C’est une aberration que ce délit n’ait pas été abrogé en 1945 et qu’il ait fallu attendre l’année 2012 pour qu’il le soit enfin, sous la présidence de François Hollande. Voilà ce que vous proposez de rétablir.
    Votre proposition vise à condamner un étranger qui se trouve en situation irrégulière sur le territoire national à une amende de 3 750 euros et à une interdiction du territoire français de trois ans. Mais qui est lésé lorsqu’un étranger est débouté du droit d’asile ? Qui est lésé lorsqu’une préfecture en sous-effectif tarde à donner suite à la demande de renouvellement d’un titre de séjour ? Ne prétendez pas que ces situations n’existent pas ou qu’elles sont exceptionnelles ; nous en sommes témoins. Nous aurons l’occasion de revenir, au cours de l’examen des articles, sur l’allongement de la durée d’étude des demandes de titres.
    Avec votre proposition, il faudrait donc employer l’énergie des forces de sécurité intérieure pour interpeller ces personnes. N’y a-t-il pas meilleure allocation possible du temps de travail de nos policiers et de nos gendarmes ? Ne pensez-vous pas que la lutte contre le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes ou la traite des êtres humains sont plus urgentes ?
    En outre, les peines d’amendes que vous proposez ne pourront évidemment pas être payées. Ces personnes travaillent irrégulièrement ; elles sont précaires, sous-payées, et donc insolvables, parce qu’il leur est impossible d’accéder au marché légal du travail. Il faudrait pour cela qu’elles soient régularisées mais je doute que vous souteniez cette proposition.
    Résultat, il faudra présenter ces personnes devant les tribunaux judiciaires et engorger davantage leur office. Imaginez que 700 000 étrangers en situation irrégulière fassent chacun l’objet d’une procédure : quelle gabegie !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Il a raison !

    M. Paul Christophle

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    Je préfère, collègues du Rassemblement national, que la force et l’énergie de nos magistrats soient consacrées à traquer les détournements de fonds publics, dont vous avez d’ailleurs été reconnus coupables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Plutôt que de poursuivre la critique du projet xénophobe que vous nous présentez régulièrement, je souhaite lui opposer la vision que la gauche et les écologistes ont de l’immigration en France.
    D’abord, nous vous proposerons bientôt d’introduire dans notre droit la présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés, afin qu’aucun enfant ne soit forcé d’attendre dans la rue la décision d’un juge. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    Il faut faire l’inverse !

    M. Paul Christophle

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    Nous vous proposerons aussi d’adopter le renouvellement automatique des titres de séjour pluriannuels, afin de soulager le travail des préfectures et de le concentrer sur l’essentiel : la délivrance des premiers titres. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
    Enfin, nous vous proposerons d’ouvrir l’accès au travail à tous les étrangers, quelle que soit leur situation sur le territoire national,…

    Mme Marie Pochon

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    C’est la fraternité !

    M. Paul Christophle

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    …car le travail doit résulter de la convergence de deux volontés : celle d’un employeur et celle d’un salarié, sous l’égide du droit du travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Nul ne devrait être discriminé en raison de sa situation administrative ou du titre de séjour dont il dispose.
    Voilà notre horizon, et rien ne nous en détournera. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Marie Pochon

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    Vive la République !

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    L’efficacité et la crédibilité de notre législation sur l’immigration doivent être restaurées. Il est indispensable de renforcer nos lois dans ce domaine. Le contrôle de nos frontières et la maîtrise de notre politique migratoire doivent redevenir les premières conditions de la souveraineté nationale. Or, avec la suppression du délit de séjour irrégulier en 2012, la France s’est privée d’un outil juridique dissuasif contre la présence d’étrangers en situation irrégulière sur son sol, les réseaux de passeurs ou les filières d’immigration illégale.
    Cette abrogation, décidée sous la présidence de François Hollande, faisait suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne estimant que la privation de liberté ne devait pas entraver les procédures de retour. Depuis lors, la France a renoncé à sanctionner ceux qui décident de s’affranchir de ses lois. Cette suppression a privé les pouvoirs publics et les forces de sécurité de pouvoirs d’investigation. Ce fut une faute politique et morale. On ne peut pas prétendre protéger la République tout en fermant les yeux sur ceux qui enfreignent ses règles les plus élémentaires.
    Le texte proposé prévoit la création d’un délit de séjour irrégulier, puni de 3 750 euros d’amende et d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire de trois ans. Une telle disposition a déjà été défendue, au mot près, par les députés de la Droite républicaine dès 2024. Jean-Louis Thiériot, le regretté Olivier Marleix et moi-même avions déposé des propositions de loi visant à rétablir ce délit. Ces dernières étaient conformes à la jurisprudence européenne, dans la mesure où elles n’introduisaient pas de peine de privation de liberté.
    La présente proposition de loi, déposée en septembre 2025, est donc bien inspirée. Elle s’inscrit dans une continuité politique claire de mon groupe : celle d’un réarmement juridique de l’État face à l’immigration irrégulière, dans le strict respect du droit européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    Si elle va dans le bon sens, nous estimons toutefois qu’il conviendrait d’en compléter le dispositif.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Avec la délation ?

    M. Éric Pauget

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    Nous avons donc déposé un amendement proposant une nouvelle rédaction de l’article unique du texte. Cette rédaction, qui n’introduit évidemment pas de peine privative de liberté, respecte la directive « retour » –⁠ qui ne s’oppose pas à ce qu’un État membre réprime l’infraction de séjour irrégulier –, et sanctionne le séjour irrégulier d’une peine d’amende et d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Surtout, elle apporte une réponse juridiquement pertinente et solide au défi de l’immigration illégale, car elle encadre strictement les conditions de mise en mouvement de l’action publique pour le délit de séjour irrégulier. Il s’agit de garantir que la constatation des faits s’inscrive dans le cadre d’une procédure légale et contrôlée, telle que la retenue administrative prévue par le Ceseda, afin d’éviter toute application arbitraire de la sanction. C’est là une garantie de constitutionnalité.
    Par ailleurs, à ceux qui disent que le rétablissement du délit de séjour irrégulier est inutile parce qu’il ne concernait que 500 personnes dans les années 2000, nous répondons que nous avons changé d’époque, puisque le nombre de sans-papiers serait aujourd’hui compris entre 700 000 et 900 000 personnes –⁠ d’après vos estimations, monsieur le ministre. Nous souhaitons les convaincre du bien-fondé de ce rétablissement.
    À ceux qui disent que cette mesure saturerait les tribunaux judiciaires, nous répondons que l’enjeu mérite mieux que des considérations comptables ou relatives aux moyens, puisqu’il s’agit de répondre au plus vite à un problème de fond et d’envoyer un message clair aux clandestins et aux filières de passeurs. Nous souhaitons, eux aussi, les convaincre.
    À ceux qui estiment que la seule retenue aux frontières des personnes étrangères permet déjà de répondre au problème de l’immigration irrégulière, nous répondons que le rétablissement de ce délit permettra de contrôler la régularité du séjour des étrangers sur tout le territoire, de Calais à la Porte de la Chapelle, en passant par la frontière franco-italienne. C’est essentiel, dans la mesure où notre pays a supprimé les contrôles systématiques aux frontières.
    Les députés du groupe Droite républicaine souhaitent restaurer l’autorité et la crédibilité de la loi et lutter contre l’impuissance de l’État. Rappelons que l’État signe des OQTF que personne n’exécute, et prononce des décisions que personne ne respecte. Cette situation nourrit la défiance des Français envers nos institutions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est la triste réalité.

    M. Éric Pauget

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    Notre groupe défend l’autorité contre le désordre migratoire qui fragilise nos services publics, déséquilibre nos politiques sociales et alimente le travail dissimulé. Nous estimons que la France n’a pas vocation à être une zone de non-droit ni un territoire où l’illégalité devient une situation de fait. Pour l’ensemble de ces raisons, nous soutenons les principes exposés dans ce texte, qui rétablit –⁠ et c’est bien l’essentiel – le délit de séjour irrégulier. Nous voterons en faveur de ce texte, pour la France et les Français.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Non ! Vous le voterez pour vous-mêmes et pour conserver vos postes.

    M. Éric Pauget

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    Mieux encore, je vous invite à adopter l’amendement de réécriture déposé par mon groupe, qui le sécurise juridiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Il y a, dans chaque texte de loi, un choix de société. Celui que le Rassemblement national nous propose aujourd’hui n’est pas anodin. J’aimerais qu’on ne s’y habitue pas. J’ose croire, chers collègues, qu’il vous reste assez de rigueur intellectuelle pour vous étonner que l’on puisse, au nom de la République, trahir son esprit. Ce que le Rassemblement national nous propose, c’est de criminaliser les existences ; le simple fait de vivre sans le bon document deviendrait une infraction pénale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)

    M. Alexis Corbière

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    C’est une honte !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce que le Rassemblement national nous propose, c’est de punir les personnes pour ce qu’elles sont, et non pour ce qu’elles font. Cette proposition de loi ne rétablit pas le droit ; elle rétablit la honte.
    Le Rassemblement national se prétend patriote, mais il est un traître à l’histoire de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Le Rassemblement national trahit tout ce que la nation a produit de plus noble. Le Rassemblement national salit la devise républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Qu’on leur fasse enfin passer le test des prétendues valeurs de la République ! Ils n’auraient même pas la moyenne. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) À la question : « Qu’est-ce que la fraternité ? », ils répondraient : « On ne sait pas, mais on est contre ». À la question : « Comment définissez-vous l’égalité ? », ils diraient que certains sont plus égaux que d’autres. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) République : zéro sur vingt ; inspiration : 1940. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Et que dire du groupe de M. Wauquiez, qui propose d’inscrire dans la loi la délation des étrangers ? Alors là, ça a bien collaboré pour écrire cette proposition de loi !
    Les personnes que vous voulez criminaliser, ce sont nos voisins, nos copains de fac, les parents des camarades de classe de nos enfants, nos conjoints, nos épouses. Ce sont peut-être vos gendres et vos belles-filles. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Mais vous vous moquez de tout cela ; des parcours, des histoires, des liens.

    M. Pierre Cordier

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    Ça n’a rien à voir…

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Votre seule obsession ? Détourner l’attention pour que l’on ne puisse pas voir ce que vous êtes vraiment. Alors, nous allons vous démasquer ensemble.
    Quelle est la passion secrète du Rassemblement national ? L’argent ! Eh oui, le Rassemblement national est un parti de bourgeois, madame Le Pen. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes des enfants de bourgeois. Il faut voir comme vous vous êtes roulés par terre pour obtenir de nouvelles voitures de fonction de vice-président de l’Assemblée nationale et la rémunération qui va avec. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
    Vous êtes un parti de rentiers, comme le montrent vos votes sur le budget ; c’est cela qui guidera votre main pour voter contre la taxe Zucman. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Vous êtes des bourgeois, vous êtes des rentiers et, cerise sur le gâteau, vous êtes racistes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il faut être franchement raciste pour inscrire ce texte en deuxième position de votre niche parlementaire ; il ne changera rien à la vie des Françaises et des Français, mais il satisfait vos passions vichystes de chasse aux étrangers.
    Il faut le dire aux électrices et aux électeurs : vous mentez. Non, la France n’est pas une passoire. Ses frontières sont les plus contrôlées d’Europe. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Les entrées irrégulières représentent 0,2 % de la population étrangère et notre pays n’a jamais autant dépensé pour les éloignements forcés. Non, il n’y a pas de submersion migratoire. La proportion des étrangers stagne autour de 10 % de la population depuis vingt ans.
    Non, les immigrés ne menacent pas notre modèle social : ils le font vivre ! Ils cotisent plus qu’ils ne reçoivent. Ils soignent, ils construisent, ils nourrissent, ils enseignent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Sans eux, la France que vous fantasmez dans vos esprits étriqués s’arrêterait de tourner en quarante-huit heures.
    Chacun ici le sait : cette proposition ne changera rien. Elle ajoutera du chaos au désordre. Le Rassemblement national s’en délecte, et pour cause : c’est cela qui le nourrit. Par un cercle vicieux infernal, il fait son miel des conséquences dont il chérit les causes. Cette proposition encombrera toute la chaîne pénale, alors que les services de l’État croulent déjà sous les dossiers. Voilà donc votre vision de l’efficacité : l’illusion d’agir, quand tout prouve que vous renoncez à gouverner. Non, vous ne voulez pas gouverner,…

    M. Matthias Renault

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    Si, si, ne vous inquiétez pas.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …vous voulez détruire, piétiner notre pays et tout ce qui fait sa fierté : la promesse d’émancipation, l’exigence d’égalité, de fraternité, la créolisation qui avance malgré vos éructations répétées. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Ce qui fait l’honneur d’être député, chers collègues, c’est de proposer des lois qui réparent le pays. C’est de trouver des solutions au lieu de chercher des coupables. C’est de refuser la tentation du rejet, même quand elle est populaire. C’est de refuser la lâcheté qui consiste à s’attaquer à plus faible que soi pour assouvir ses bas instincts. La France attend qu’on lui donne de l’espoir et que l’on fasse vivre nos grandes conquêtes sociales et populaires ; pas qu’on les piétine à coups de bottes.
    Chers collègues, retroussons-nous les manches pour faire tomber ce texte, et les idées du Rassemblement national avec lui. (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent et applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau

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    Notre groupe, fidèle à sa tradition humaniste, a à cœur que soit garanti à tout étranger souhaitant s’établir en France dans le respect de nos valeurs républicaines le droit à l’intégration. En contrepartie, nous partageons l’objectif de fermeté face à une immigration irrégulière qui alimente les réseaux de passeurs. Mais cette fermeté doit être celle de l’État de droit, pas celle des postures électorales. Or ce qui nous est proposé aujourd’hui est l’inverse même de la bonne gestion : c’est la générosité symbolique au détriment de l’efficacité concrète. Et la fermeté sans l’efficacité n’est qu’agitation.
    Ce délit de séjour irrégulier, qui a été abrogé en 2012, parce que contraire à l’esprit du droit européen du fait de la peine d’incarcération, a été réintroduit dans le projet de loi « immigration », dans une version se voulant conforme au droit européen. Profitant de la censure par le Conseil constitutionnel de janvier 2024, vous proposez aujourd’hui un texte autonome, taillé sur mesure pour contourner ce vice de procédure. Mais cette tentative nous paraît vaine : elle est une illusion pénale et une impasse judiciaire.
    D’abord, proposer cet outil va à l’encontre du discours de vérité que vous vous targuez de tenir. Vous le savez, chers collègues, l’amende, qui est la sanction la moins coercitive du droit pénal, est inadaptée à l’objectif affiché d’éloignement. Comment imaginer qu’un étranger en situation irrégulière, souvent sans ou avec peu de ressources, puisse payer 3 750 euros ? Soyons lucides. Cette amende sera irrécouvrable. C’est une dette publique que l’on va créer pour le plaisir et qui ne dissuadera personne !
    Quant à la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, elle ne sera prononcée qu’après une lourde procédure pénale. En réintroduisant un processus pénal long et coûteux, vous ne faites qu’ajouter un verrou supplémentaire à l’éloignement.
    L’application de ce délit mobilisera les forces de l’ordre –⁠ les policiers –, les procureurs et les juges pour des milliers de dossiers de simple séjour irrégulier. Votre proposition contribuera à l’engorgement massif des tribunaux, sans produire aucun effet sur la réduction de l’immigration irrégulière. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Quelle déperdition de moyens, alors que nous en avons tellement besoin pour lutter contre la criminalité ! Ce n’est pas sérieux !
    Pire encore, cette mesure est dépourvue de l’outil essentiel à nos forces de l’ordre à l’issue d’un contrôle : le placement en garde à vue. L’infraction est donc créée, mais la capacité d’enquête et de coercition policière est quasi nulle. Nos policiers se retrouveront donc avec un texte sans poignée. La procédure sera d’ailleurs bloquée dès la première interpellation, du fait de l’obstacle de la notification des actes. Malgré tous les défauts que vous pourriez leur trouver, notre droit bénéficie déjà d’outils plus efficaces, tels que la procédure de retenue pour vérification du droit au séjour. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Enfin et surtout, notre opposition à ce texte est aussi principielle. Cette proposition de loi instaure une confusion dangereuse entre le droit pénal et le droit des étrangers. Être en situation irrégulière est un manquement administratif, qui appelle donc une réponse administrative : l’éloignement. Le texte risque de stigmatiser l’ensemble des étrangers en situation irrégulière, les plaçant tous, par nature, dans la catégorie des délinquants, ce qui est dommageable. Or vous savez peut-être, pour être sollicités dans vos circonscriptions, que des personnes qui sont sur notre territoire depuis de longues années avec un titre régulier peuvent basculer dans l’irrégularité en raison de lenteurs administratives. Ces personnes seraient concernées par votre dispositif.
    Chers collègues, face à un défi migratoire complexe, nous avons besoin de pragmatisme, non de symboles creux. Nous avons besoin de concentrer nos efforts sur le renforcement de l’efficacité des OQTF et l’amélioration de la coopération consulaire pour les laissez-passer. Voter pour ce texte, c’est choisir l’affichage contre l’efficacité.
    Pour ces raisons de principe, de pragmatisme et d’efficacité, le groupe Les Démocrates votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Albertini.

    M. Xavier Albertini

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    Le Rassemblement national a décidé d’inscrire dans sa niche une proposition de loi visant à rétablir le délit de séjour irrégulier. Je crois nécessaire de replacer ce débat dans son contexte législatif et historique. J’ai en effet la nette impression –⁠ pour ne pas dire la sensation désagréable – que certains dans cet hémicycle ont la mémoire courte ou partielle –⁠ voire partiale.
    En vigueur depuis 1938, le délit de séjour irrégulier a été supprimé par la loi du 31 décembre 2012, sous la présidence de François Hollande. Jusqu’en 2012, le délit de séjour irrégulier sanctionnait la présence sur le territoire français d’une personne en situation irrégulière. Ce délit était puni d’une peine d’amende et d’un emprisonnement d’un mois à un an, sans préjudice, par ailleurs, de l’éloignement, dont l’opportunité et l’exécution incombaient à l’autorité administrative. À titre d’exemple, durant le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, seules 187 personnes ont été incarcérées pour un délit de séjour irrégulier, en raison du caractère aménageable d’une peine inférieure à deux ans.
    Ce délit a disparu de notre loi pénale en 2012, après que la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré contraire au droit communautaire, en l’espèce à la directive « retour » de 2008, un dispositif italien similaire à celui pratiqué en France. L’Italie avait infligé une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers qui séjournait de façon irrégulière sur son territoire, au seul motif que celui-ci demeurait sur ce territoire en violation d’une obligation de quitter le territoire national. La directive « retour » impose en effet aux États membres de privilégier les mesures d’éloignement aux peines d’emprisonnement. Toutefois, la CJUE n’a pas totalement écarté dans sa décision la possibilité de conserver un délit de séjour irrégulier, la peine d’emprisonnement pouvant être remplacée par une peine d’amende.
    C’est ainsi et sur ce fondement que le délit de séjour irrégulier a été réintroduit au Sénat lors de l’examen du projet de loi « immigration », par un article additionnel, l’article 17, adopté avec un avis favorable du gouvernement et de la commission des lois. Surtout, cet article a également été adopté lors de la CMP réunie sur le texte. Saisi au sujet de ce texte, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition le 25 janvier 2024, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
    C’est cet article 17 qui est repris, à un alinéa près, par la présente proposition de loi du Rassemblement national. J’entends des commentateurs expliquer que le groupe Horizons & indépendants, en soutenant ce texte, ferait la courte échelle au Rassemblement national. (« Oui! » sur les bancs du groupe SOC.)
    Tout au contraire, notre cohérence est le meilleur garant d’une opposition efficace au Rassemblement national. Notre groupe est cohérent, donc audible : on ne peut pas se positionner en faveur du rétablissement du délit de séjour irrégulier en 2023, à la faveur d’un projet de loi défendu par le socle commun, et s’y opposer en 2025 (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR) parce que ce même dispositif nous est soumis par un véhicule législatif proposé par le RN.
    Une telle posture d’opposition factice serait contre-productive. Refuser aujourd’hui ce que nous défendions hier serait incompréhensible pour nos concitoyens et continuerait à alimenter la défiance des Français vis-à-vis de l’action politique et des politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RN.) La vérité, c’est que les députés du Rassemblement national jouent au coucou avec cette proposition de loi et font leur lit dans le nôtre –⁠ la ficelle est un peu grosse, c’est cela que nous dénonçons.
    Sur le fond, nous croyons qu’une règle n’est pas une règle si son non-respect n’est pas sanctionné. Il en va ainsi pour toutes les règles juridiques ou administratives édictées par l’État ; celles-ci ont besoin de s’incarner à travers des sanctions, qui représentent d’ailleurs toute l’autorité qui lui est confiée. Cette évidence connaît toutefois une exception : l’irrégularité du séjour d’un étranger sur notre territoire n’est pas sanctionnée en tant que telle. La France compterait pourtant 600 000 à 800 000 personnes en situation irrégulière –⁠ M. le ministre a donné le chiffre de 700 000 lors des questions au gouvernement. Cela n’a absolument rien d’anecdotique !
    Certains disent qu’il existe déjà les obligations de quitter le territoire français. Permettez-moi de rappeler qu’une OQTF n’est pas une sanction mais bien une mesure administrative délivrée par la préfecture à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière –⁠ le délit de séjour irrégulier ne peut et ne doit pas être confondu avec une mesure administrative.
    Le groupe Horizons & indépendants, qui soutenait le rétablissement du délit de séjour irrégulier en 2023, demeure convaincu de la pertinence de cette mesure en 2025. C’est pourquoi, fidèles à notre volonté de restaurer l’autorité de l’État et en cohérence avec nos positions passées, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, qui reprend le dispositif adopté par le Parlement en 2023. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RN ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Constance de Pélichy.

    Mme Constance de Pélichy

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    Ne sachant plus quel nouveau délit inventer, le Rassemblement national propose de ressusciter le délit de séjour irrégulier. Un délit de plus, une nouvelle amende et, comme chaque fois, le même scénario : après le discours de fermeté, pas ou peu de résultat sur le terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Les textes sur l’immigration se succèdent sans que rien ne change concrètement pour nos concitoyens. Nous produisons des lois qui n’ont même pas le temps de produire leurs effets et de faire l’objet d’une évaluation. Vos discours de fermeté ne font que nourrir le sentiment d’impuissance de notre Parlement.
    Que propose le Rassemblement national ? Le rétablissement partiel du délit de séjour irrégulier –⁠ une amende de 3 750 euros pour tout étranger en situation irrégulière. (Mêmes mouvements.) Sur le papier, cette amende semble ferme mais, dans la pratique, elle ne sera qu’une énième mesure symbolique. On n’améliore pas la vie de nos concitoyens avec des symboles. Avec cette loi, combien d’amendes seront émises et jamais recouvrées ? Après l’explosion des OQTF non exécutées, nous verrons exploser le nombre d’amendes non recouvrées. (Mêmes mouvements.)
    Rappelons que notre pays compte toujours environ 700 000 étrangers en situation irrégulière et que seule une OQTF sur dix est exécutée. Pour quelles raisons ? Parce que la France émet chaque année près de 130 000 obligations de quitter le territoire français –⁠ deux fois plus qu’en Allemagne, trois fois plus qu’en Espagne et quatre fois plus qu’en Italie. Quand on sait que vous portez aux nues Giorgia Meloni, qui a régularisé 500 000 étrangers cette année, je m’amuse de vous voir défendre un tel texte aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    La France est donc championne d’Europe du nombre d’OQTF émises. Rappelons surtout que ces OQTF concernent essentiellement des étrangers sans histoires : des étrangers qui sont tombés dans l’irrégularité faute d’avoir pu obtenir ou renouveler leur titre de séjour à temps en raison des délais de traitement en préfecture (Exclamations sur les bancs du groupe RN) ; des étrangers qui répondent à toutes les conditions prévues par la loi –⁠ nous savons tous ici à quel point elles sont strictes ; des étrangers qui contribuent à des services publics essentiels, qui exercent des métiers en tension et qui font vivre notre tissu économique local. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Au fond, il y a beaucoup d’hypocrisie sur ce sujet. Quand on voit tous les étrangers qui travaillent dans le bâtiment, la restauration, l’aide aux soins, les hôpitaux –⁠ autant de secteurs économiques qui en ont besoin ! –, ce n’est pas en émettant une OQTF ou une amende que nous améliorerons la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Soyons clairs : je suis pour la plus grande fermeté vis-à-vis des 10 000 étrangers délinquants sous le coup d’une OQTF présents sur notre territoire ! (Mêmes mouvements.) Donnons-nous les moyens de les renvoyer chez eux ; ils n’ont rien à faire en France ! Mais arrêtons de criminaliser celles et ceux qui font vivre notre pays. Le défi migratoire mérite que nous y consacrions plus qu’un débat caricatural et mensonger.

    Mme Marine Le Pen

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    Oui !

    Mme Constance de Pélichy

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    En réalité, l’État n’a pas besoin d’un nouveau délit pour agir : il a besoin de moyens. Les forces de l’ordre et les magistrats n’ont pas besoin de nouveaux textes votés à la va-vite. Ils ont besoin que les textes existants soient appliqués pleinement. Si l’État veut réellement renforcer la lutte contre l’immigration illégale, il doit avant tout repenser sa politique diplomatique pour améliorer l’obtention des laissez-passer consulaires, qui restent le principal obstacle à l’éloignement des étrangers illégaux.
    Or rien dans ce texte ne tient compte de cet enjeu. À chaque fois que l’on transforme un sujet aussi complexe que l’immigration en un simple slogan politique, on abîme un peu plus la confiance dans la loi. C’est exactement ce que fait le RN : il fabrique de la colère en promettant des solutions qu’il sait inutiles et inefficaces.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Oksana Veykogne, femme de ménage ukrainienne, nettoyait des appartements Airbnb sept jours sur sept, jusqu’à soixante-dix heures par semaine, pour la moitié d’un smic. Mamadou Garanké Diallo, jeune Guinéen apprenti boucher, est mort noyé à 21 ans en tentant de quitter la France après avoir reçu un avis d’expulsion. Ce sont des personnes sans papiers comme celles-ci que l’extrême droite de Mme Le Pen –⁠ avec la bénédiction d’Édouard Philippe, de Bruno Retailleau et de Gérald Darmanin – aimerait punir de 3 750 euros d’amende, pour le simple fait de vivre en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Parmi ces personnes sans titre, on compte au moins 100 000 travailleurs –⁠ plongeurs ou cuisiniers dans des brasseries réputées, ouvriers sur les chantiers des Jeux olympiques et du Grand Paris Express, nounous dans les beaux quartiers, livreurs, femmes de ménage dans les hôtels, couvreurs, aides à domicile, éboueurs, artistes. D’autres sont étudiants, parents ou enfants scolarisés. (Mêmes mouvements.)
    Toutes ces personnes en situation administrative irrégulière ont un jour posé leurs valises dans notre pays avec l’espoir d’une vie meilleure ; elles ont fui les conflits, l’extrême pauvreté ou des conditions climatiques qui rendaient tout avenir impossible. Une fois en France, elles occupent souvent des métiers dits en tension, les plus pénibles –⁠ des métiers que presque personne ici n’a jamais exercés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
    Ces personnes ne peuvent pas faire valoir leurs droits ; elles sont souvent exploitées ou maltraitées par leur employeur et certaines d’entre elles subissent même des formes d’esclavage moderne.

    M. Thierry Tesson

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    C’est très nuancé ! Tout en finesse !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Elles vivent dans la peur d’être arrêtées, enfermées en centre de rétention administrative (CRA), puis expulsées. Et vous, députés du Rassemblement national, vous voulez rendre leur vie encore plus difficile en transformant leur vulnérabilité en délinquance, simplement parce qu’elles sont là, sur notre territoire, sans gêner personne ; vous voulez accentuer la xénophobie d’État et le harcèlement juridique contre les étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La minorité présidentielle vous facilite la tâche : par son vocabulaire d’abord –⁠ le bloc central parle de submersion migratoire, de vagues de sans-papiers. M. Macron, qui a passé de nombreux coups de fil pour vous favoriser aux législatives, pense que le problème des urgences dans ce pays, c’est qu’il y a trop de Mamadou. (M. Thierry Tesson s’exclame.)
    Elle vous facilite également la tâche en déposant des lois racistes et xénophobes, qu’elle fait adopter avec vos voix : la loi « immigration » de M. Darmanin, la loi allongeant la durée de rétention des étrangers de M. Retailleau et la loi durcissant le droit du sol à Mayotte.
    Enfin, elle vous facilite la tâche en fabriquant massivement des personnes sans papiers en France. Les conditions pour obtenir des papiers sont toujours plus exigeantes, les démarches toujours plus longues et compliquées. Il y a moins d’un an, la Défenseure des droits dénonçait les nombreuses carences de la plateforme dématérialisée d’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), censée simplifier les demandes de titres de séjour.
    De très nombreuses personnes n’arrivent plus à accomplir les démarches nécessaires pour recevoir un simple titre de séjour ou recevoir une réponse dans un délai raisonnable. Entre 2020 et 2024, le nombre de réclamations reçues par la Défenseure des droits en matière de droits des étrangers a augmenté de 400 % –⁠ les réclamations se comptent par milliers. (Mme Marine Le Pen agite un mouchoir en papier.)

    Mme Marie Mesmeur

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    C’est vraiment honteux, madame Le Pen !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Rangez ce mouchoir !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Rien d’étonnant : à la préfecture du Rhône, il faut attendre deux cent trente-six jours pour obtenir un premier titre de séjour, et jusqu’à deux ans à la préfecture du Gard. Partout en France, c’est la même histoire. Et les conséquences sont graves : des personnes sans titre régulier depuis des années, voire des décennies, basculent subitement dans l’irrégularité. Elles perdent leur emploi, leur logement.
    Pire, avant de quitter le ministère de l’intérieur, Bruno Retailleau a durci les conditions de régularisation, ainsi que la procédure pour obtenir un titre de séjour de longue durée ou la nationalité française.
    Députés d’extrême droite, combien d’entre vous pourraient devenir français si vous deviez passer l’examen de citoyenneté ? (« Personne ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Zéro !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Qui, au Rassemblement national –⁠ parti présidé par un député fantôme au Parlement européen ! – sait faire la différence entre le Conseil européen et le Conseil de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Léa Balage El Mariky applaudit également. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Désormais, rester en France en séjour régulier ou devenir français est un parcours semé d’embûches –⁠ trop souvent infranchissables. À part pourrir la vie de gens qui vivent, travaillent et participent à notre société, que faites-vous ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Rien !
    Alors que la première préoccupation des Français est la santé, vous préférez nous infliger un débat de plusieurs heures sur un délit absurde et contraire au droit européen, pour mieux servir la colonne vertébrale de votre unique projet de société –⁠ le racisme. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. –⁠ Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
    Mais, ne vous en déplaise, notre République restera antiraciste. Elle est l’héritière de celle qui, dès 1793, proclamait que « tout étranger âgé de 21 ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis à l’exercice des droits de citoyen français ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La France n’est pas une nation ethnique, mais une nation civique.

    M. Thierry Tesson

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    N’importe quoi !

    Mme Gabrielle Cathala

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    On ne devient pas français par le sang, la naissance ou un examen stupide, mais en épousant notre devise –⁠  Liberté, Égalité, Fraternité. C’est cela, la France ! (Les députés du groupe LFI-NFP et quelques députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Hanane Mansouri.

    M. Abdelkader Lahmar

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    La caution !

    Mme Hanane Mansouri

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    Je note qu’un de mes collègues me traite de « caution »… (Vives protestations sur plusieurs bancs des groupes UDR et RN. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. Sylvain Berrios

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    Ce n’est pas joli…

    M. le président

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    S’il vous plaît, nous allons essayer de terminer dans le calme ; seule Mme Mansouri à la parole.

    Mme Hanane Mansouri

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    Depuis plus de dix ans, la France s’est volontairement privée d’un outil juridique essentiel à la maîtrise de son immigration. En 2012, sous la présidence de François Hollande, l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a été abrogé.

    M. Pierre Pribetich

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    Bravo !

    Mme Hanane Mansouri

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    Cet article permettait de sanctionner le séjour irrégulier sur notre territoire par une peine d’un an de prison et une amende de 3 750 euros. La justification avancée à l’époque ? Se conformer à la fameuse directive « retour » de 2008 et à la jurisprudence El Dridi de la Cour de justice de l’Union européenne. On peut légitimement se demander –⁠ comme beaucoup de Français le font, d’ailleurs – en vertu de quoi l’Europe se permet de dicter notre politique migratoire sans avoir à en assumer les conséquences–⁠ à savoir une submersion.

    M. Pierre Pribetich

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    Oh là là !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Quelle honte !

    Mme Hanane Mansouri

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    En outre, la France de François Hollande ne s’est pas contentée d’appliquer ce qu’exigeait le droit européen : elle a fait du zèle. En effet, plusieurs arrêts –⁠ Sagor en 2012, Mahdi en 2014, Zaizoune en 2015 – confirment qu’une sanction pécuniaire proportionnée reste parfaitement compatible avec le droit de l’Union.

    Mme Dieynaba Diop

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    Et 3 700 euros, c’est proportionné ?

    Mme Hanane Mansouri

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    En outre, la Cour de justice de l’Union européenne n’a jamais interdit à un État membre de sanctionner le séjour irrégulier ; elle a simplement rappelé qu’une peine privative de liberté ne devait pas entraver la mise en œuvre effective de la procédure de retour. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi s’exclame.)

    M. René Pilato

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    Est-ce que de telles mesures vont aider les pauvres à remplir leur frigo ?

    Mme Hanane Mansouri

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    Autrement dit : l’amende, c’est oui ; la prison, c’est oui ; et l’avion, c’est encore oui, la seule condition étant de respecter la procédure prévue par la directive « retour » pour engager le renvoi des personnes en situation irrégulière. La France n’était donc pas contrainte de se désarmer ; elle a choisi de le faire, et nous en payons le prix fort.

    M. Pierre Pribetich

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    Quel prix ?

    Mme Hanane Mansouri

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    Plus aucun mécanisme dissuasif n’existe pour sanctionner le séjour irrégulier.

    M. René Pilato

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    Est-ce que votre discours raciste va permettre aux pauvres de se soigner ?

    Mme Hanane Mansouri

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    Les OQTF non appliquées ne sont rien d’autre qu’une manière polie pour la République française de dire : « Je vous prie, s’il vous plaît, cher monsieur, de bien vouloir quitter cette maison dans laquelle vous êtes entré par effraction. »
    Résultat : nos CRA sont bondés d’individus qui ne prendront jamais de billet retour et qui engagent procédure sur procédure, souvent avec l’aide d’associations grassement payées par les impôts des Français.

    Mme Dieynaba Diop

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    Vous devriez avoir honte !

    Mme Hanane Mansouri

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    Pire encore, certains sont libérés dans nos rues et peuvent faire ce que bon leur semble, y compris tuer nos compatriotes –⁠ je ne peux m’empêcher de penser à Philippine et à Lola. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Vous devriez avoir honte !

    Mme Hanane Mansouri

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    Notre collègue, Mme Josserand, propose donc un texte simple, clair et équilibré : il s’agit de rétablir le délit de séjour irrégulier, sans peine de prison –⁠ parce que les Français ne veulent plus financer ces séjours. À la place, la proposition de loi prévoit une amende de 3 750 euros, pour que ces individus sachent qu’en France, contrevenir à la loi a un coût.

    Mme Dieynaba Diop

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    C’est proportionné, ça ?

    Mme Hanane Mansouri

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    Elle prévoit, le cas échéant, une peine complémentaire d’interdiction du territoire –⁠ jusqu’à trois ans. Ce dispositif est parfaitement conforme au droit européen. Il n’a rien d’inhabituel : en Italie, une amende est prévue ; en Espagne aussi.

    M. Thierry Tesson

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    Bien sûr ! Les autres pays le font !

    Mme Hanane Mansouri

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    En réalité, la France est l’un des rares États européens à ne plus prévoir aucune sanction, laissant ainsi croire qu’il est possible d’ignorer impunément ses frontières.
    Ce qui est proposé n’est pas de l’idéologie, c’est de la cohérence : comment expliquer à nos concitoyens que certains respectent les règles, paient leurs impôts, déposent des dossiers pour obtenir des titres de séjour, pendant que d’autres, en situation irrégulière, se maintiennent sans conséquences ? Comment demander à nos forces de l’ordre de faire appliquer la loi, quand la loi elle-même renonce à sanctionner l’illégalité ?

    Mme Christine Arrighi

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    Comme pour Sarkozy, par exemple ?

    Mme Caroline Colombier

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    C’est vrai !

    M. Thierry Tesson

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    C’est du bon sens !

    Mme Hanane Mansouri

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    Cette proposition de loi n’est ni excessive ni stigmatisante ; elle est nécessaire et mesurée. Elle rend à la France un outil élémentaire de souveraineté ; elle redonne du sens à la parole publique.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Ah oui ?

    Mme Hanane Mansouri

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    Elle dit aux étrangers : demandez l’autorisation avant de venir, ou vous serez punis et renvoyés.

    Mme Caroline Colombier

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    Très bien !

    Mme Hanane Mansouri

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    J’en appelle tout particulièrement à mes collègues Les Républicains. Pendant un an, votre ministre, Bruno Retailleau, a beaucoup parlé de lutte contre l’immigration. Nos collègues du Rassemblement national nous donnent l’occasion d’agir ; alors, votez ce texte !
    Vous l’aurez compris, au nom de la cohérence, de la justice, du respect de notre pays et de nos frontières, le groupe UDR votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

    M. Philippe Bonnecarrère

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    Mes collègues ont largement décrit l’histoire du délit de séjour irrégulier ; je n’y reviens pas. Je vous propose plutôt que nous répondions ensemble à trois questions. Le délit de séjour irrégulier présente-t-il un intérêt pratique ? Aucun. Est-ce un sujet qui concerne le Parlement ? Non, car la clé est européenne. Cette mesure inutile a-t-elle déjà été votée ? Oui.
    S’agissant de la première question, la création de ce délit ne nous donnerait aucun moyen d’action supplémentaire. Elle ne permettrait ni garde à vue, ni emprisonnement, ni délai supplémentaire facilitant un éloignement administratif. Les praticiens sont unanimes : recréer ce délit mobiliserait inutilement les forces de l’ordre et les magistrats. En outre, je vous laisse réfléchir à la crédibilité et à l’intérêt d’une amende quand les personnes sont insolvables –⁠ l’autorité de l’État ne progressera pas avec une telle proposition.
    Deuxièmement, ce sujet n’est pas national, mais à 100 % européen ; si vous vous y intéressiez vraiment, vous sauriez qu’il est abordé aux articles 21 et 22 de la directive « retour ». La France plaide déjà pour que le comportement de non-coopération –⁠ autrement dit, le refus d’un étranger en situation irrégulière de quitter le territoire – puisse être sanctionné pénalement, y compris par une garde à vue et une peine d’emprisonnement.
    Pourquoi cela serait-il plus efficace ? Parce qu’une telle évolution permettrait de recourir à des mesures coercitives et de disposer de véritables moyens d’investigation –⁠ c’est ce que vous ont expliqué le ministre de l’intérieur et le président de la commission des lois. Cela permettrait notamment de fouiller les effets personnels –⁠ y compris les téléphones où se trouvent souvent les documents d’état civil nécessaires à l’éloignement –, de demander des informations à tous les organismes publics ou privés, en France comme à l’étranger, et de collecter les données biométriques d’un étranger qui refuserait de les fournir. En résumé, cela donnerait à l’administration tous les éléments nécessaires à un éloignement effectif. Seule la révision des articles 21 et 22 de la directive « retour », en établissant un délit de non-coopération, nous offrirait des moyens d’action efficaces. Je le répète, la clé est donc européenne. (M. Thierry Tesson s’exclame.)
    Si j’étais impertinent, mes chers collègues, je vous inviterais à vous adresser au groupe parlementaire français le plus représenté au niveau européen et à lui poser la question de l’utilité et de l’efficacité de cette démarche. (Mme Blandine Brocard rit et applaudit.)
    Troisièmement : oui, cette mesure a déjà été votée. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) En 2023, il n’y avait pas de majorité absolue ; le groupe Les Républicains se trouvait alors dans la même situation que le groupe socialiste aujourd’hui, les mêmes causes produisant les mêmes effets –⁠ négociations, recherche de compromis. Dans le cadre de ce compromis, certains ont accepté la régularisation des étrangers dans les métiers en tension, d’autres ont obtenu le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Je n’y étais pas favorable mais, en tant que rapporteur du texte pour le Sénat, j’ai respecté ce compromis et je l’ai voté.
    Ayant voté le rétablissement du séjour irrégulier en 2023, je considère qu’il m’appartient également de le voter en 2025 –⁠ c’est une exigence de responsabilité et de cohérence –,…

    Mme Karen Erodi

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    Oh là là !

    Mme Dieynaba Diop

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    C’est surtout une exigence de fusion des droites !

    M. Philippe Bonnecarrère

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    Tout en vous disant que ce n’est pas utile, et que la clé est ailleurs.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Ça commençait bien, pourtant…

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour un rappel au règlement.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Sur le fondement de l’article 70, alinéas 2 et 3, monsieur le président. Au moment où je parlais des voitures de fonction que l’Assemblée nationale met à disposition de la vice-présidente et dont vous avez donc le bénéfice, Mme Le Pen a singé la folie, comme si je mentais. Quand ma collègue Cathala a parlé de la situation administrative des personnes qui tombent dans l’irrégularité parce que les services de la préfecture ne répondent pas à temps, elle a, cette fois, sorti un mouchoir… (Exclamations sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. le président coupe le micro de l’oratrice.)

    M. le président

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    Il me semble que nous sommes au-delà du rappel au règlement, madame la députée.
    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour un rappel au règlement.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Je m’appuie sur le même fondement que ma collègue, l’article 70 du règlement. Au moment où je m’exprimais à la tribune, Mme Le Pen s’est sûrement crue très drôle, maligne ou subtile en me traitant de « zinzin » ; elle a aussi sorti un mouchoir au moment où je parlais des difficultés des étrangers dans les préfectures et où j’évoquais le travail de la Défenseure des droits. (Les exclamations persistent sur les bancs du RN, plusieurs députés faisant mine de pleurer en se frottant les poings sur les yeux.)

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ils recommencent !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Je sais que le RN a coutume de nier le travail des institutions, qu’il s’agisse du Défenseur des droits, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, voire des Nations unies, mais il me semble assez malvenu de se moquer du travail des préfectures… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)

    M. le président

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    Merci, madame la députée, je crois que nous avons compris le sens de votre intervention.
    La parole est à Mme Marine Le Pen, pour un rappel au règlement.

    Mme Marine Le Pen

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    La mise en cause personnelle des deux vice-présidents du Rassemblement national est absolument honteuse… (« Quel article ? » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Brouhaha.)

    M. Alexis Corbière

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    Mme Le Pen n’a pas dit sur quel article elle se fonde !

    Mme Marine Le Pen

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    L’article 70, alinéa 3 –⁠ il se trouve que, au contraire de vous, nous l’utilisons tellement rarement que sa mention n’est pas spontanée. Vous ne cessez de pleurnicher, au point que ça en devient grotesque. Arrêtez plutôt d’insulter les vice-présidents en disant qu’ils se sont roulés par terre pour avoir des voitures de fonction… (M. le président coupe le micro de l’oratrice. –⁠ Les députés des groupes RN et UDR applaudissent cette dernière.)

    M. Alexis Corbière

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    Monsieur le président, vous m’avez coupé la parole tout à l’heure, me disant que nous n’étions pas au PMU ! Votre présidence est partiale !

    M. le président

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    Monsieur Corbière, ne jouez pas à remettre en cause la présidence, car je gère les débats de manière parfaitement équitable. J’ai déjà eu l’occasion tout à l’heure de vous faire remarquer que vous devriez vous appuyer sur des articles précis quand vous prenez la parole. Ne venez pas remettre en cause la présidence. (M. Alexis Corbière continue de s’exclamer.) Monsieur Corbière, vous n’avez pas la parole, vous vous aventurez sur un chemin qui ne va pas vous réussir.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    C’est une menace ?

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Sur le fondement de l’article 47 de notre règlement, relatif à la conférence des présidents. Sans remettre en question votre présidence, je trouve qu’il devrait y avoir une jurisprudence dans cette assemblée pour éviter que les vice-présidents puissent présider la séance lors de la niche parlementaire de leur groupe. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    C’est une remise en cause de cette présidence !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Cela ne concerne pas seulement le président Chenu et le Rassemblement national. C’est essentiel pour garantir la neutralité. Je ne remets pas en cause votre présidence une seule seconde, monsieur le président, mais je souhaiterais que ce point soit abordé lors de la prochaine conférence des présidents afin que nous ayons une jurisprudence claire pour les prochaines niches de la législature, de manière à éviter les polémiques de ce type, quand bien même celle-ci n’est en l’occurrence pas fondée puisque vous présidez de manière extrêmement correcte depuis le début de cette matinée. Il y va de la bonne tenue de nos débats.

    M. Matthias Tavel

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    C’est à cause de vous que nous avons des vice-présidents RN ! Il ne fallait pas voter pour eux !

    M. le président

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    C’est une tradition qui existe depuis fort longtemps. Lors de la niche d’un groupe parlementaire, si celui-ci dispose d’un vice-président, ce dernier préside au moins une partie des séances. En l’occurrence, ce ne sera pas le cas cet après-midi et ce soir, puisque c’est notre collègue Blanchet qui sera à ma place. (M. Julien Odoul applaudit.)
    La parole est à Mme Hanane Mansouri, pour un rappel au règlement.

    Mme Hanane Mansouri

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    Sur la base de l’article 70, alinéa 3, pour mise en cause personnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Un collègue LFI a fait preuve de racisme à mon égard lorsque j’ai pris la parole en me traitant de « caution ». Je rappelle que le texte que nous examinons concerne les migrants illégaux ; or je suis née en France, ma famille y est venue par une voie tout à fait légale, dans le respect absolu de ses lois. Je ne vous permets donc pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Reprise de la discussion

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    On a reproché à notre proposition de loi son indigence juridique. Selon ses contempteurs, l’absence de peine d’emprisonnement encourue et le caractère non dissuasif de l’amende pour un étranger insolvable priveraient le rétablissement du délit de tout intérêt. De même, l’insuffisance des moyens opérationnels de l’État rendrait le délit tout aussi vain que les OQTF.
    Pourtant, ceux-là même qui expriment ce matin leur scepticisme approuvaient la première ministre lorsqu’elle rappelait, en décembre 2023, au cours du débat parlementaire sur la politique d’immigration, que les difficultés prévisibles d’éloignement ne devaient pas influencer l’action administrative s’agissant de la notification des OQTF ou du placement en rétention d’individus connus pour trouble à l’ordre public. Alors pourquoi, aujourd’hui, les difficultés prévisibles d’éloignement devraient-elles influencer l’action au plan pénal ? D’ailleurs, la Cour des comptes, elle-même, dans son rapport de janvier 2024 relève « la corrélation nette entre le volume des éloignements forcés et le volume des retours aidés et volontaires. Plus les éloignements forcés sont nombreux, plus les étrangers en situation irrégulière sollicitent l’aide au retour volontaire car la menace d’un éloignement forcé est crédible. » Si l’efficacité du dispositif de départ volontaire est corrélée au nombre des éloignements forcés, comment soutenir que l’incrimination de séjour irrégulier serait sans effet ? Ainsi, face à l’exigence vitale de réarmement de l’État et de rétablissement de son autorité, le rétablissement du délit de séjour est une étape nécessaire.
    Il faut aller vite en matière d’éloignement, avez-vous dit, monsieur le ministre. Mais peut-on penser que nous allons vite lorsqu’il y a des cumulards d’OQTF…

    M. Alexis Corbière

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    Pas d’outrance !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    …quand, d’après le rapport de la Cour des comptes, entre 2021 et 2024, 45 000 personnes se sont vues notifier plusieurs OQTF ?
    Dans le cadre de la procédure administrative, il faut, dites-vous, renforcer les capacités d’action. C’est précisément ce que propose la Commission européenne face au désastre constaté –⁠ à savoir que 80 % des obligations de quitter le territoire ne sont pas exécutées. Mais, lente en besogne, elle se voit pressée par dix-neuf pays de l’Union européenne et par la Norvège, qui lui ont écrit pour demander le renvoi des Afghans dans leur pays, sachant que, depuis l’arrivée des talibans en 2021, nous n’avons plus d’accord avec l’Afghanistan. Ces Afghans fauteurs de troubles, qui menacent l’ordre public, doivent donc quitter l’Europe, demandent ces vingt pays. Monsieur le ministre, où est la France ? Pourquoi ne figure-t-elle pas parmi les signataires de cette lettre, que dix-neuf des vingt-sept pays de l’Union européenne ont signée ? On ne peut pas dire à la tribune que tout va bien parce que la procédure administrative est efficace et pratiquer ainsi la politique de la chaise vide !

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai que ce n’est pas normal !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    Le commissaire européen Magnus Brunner explique que l’Union européenne doit envoyer un signal clair à ceux qui menacent notre société et qui doivent donc retourner dans leur pays. Nous partageons cet avis.

    M. le président

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    Madame la rapporteure, je lèverai la séance à treize heures pile, et je souhaiterais que le président de la commission des lois et le ministre puissent s’exprimer avant.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Arrêtez-la ! C’est de l’obstruction, c’est insupportable !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    J’en termine, monsieur le président. Ceux qui évoquent Daladier et les décrets-lois de 1938 ont la mémoire courte car, sous la IIIe République déjà, le contrôle des étrangers existait, avec l’obligation d’avoir un travail et de le conserver…

    M. Alexis Corbière

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    Vous parlez d’une époque où les femmes n’avaient pas le droit de vote !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    …et puis il y eut, à la Libération, l’ordonnance du 2 novembre 1945.

    M. Antoine Léaument

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    Ne parlez pas de la Libération !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    Et, si toutefois la mémoire vous revient, Jean Foyer lui-même, qui fut président de la commission des lois et garde des sceaux, défendait dans Le Monde du 30 juin 1979 l’idée de « freiner une immigration clandestine et parasitaire qui n’est de l’intérêt ni des immigrés eux-mêmes ni des travailleurs français ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Un mot, pour finir,…

    M. Antoine Léaument

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    Enfin !

    Mme Sylvie Josserand, rapporteure

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    …sur les filières clandestines, qui sont favorisées par cette immigration illégale. C’est un cercle vicieux : les filières favorisent l’immigration, qui favorise les filières. Et, pour ceux qui défendent les femmes et les droits de l’homme, reportez-vous donc au rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, selon lequel 90 % des migrantes qui traversent la Méditerranée sont victimes de viols. Alors, balayez devant votre porte et cessez vos caricatures ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Antoine Léaument

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    Quand l’ONU dénonce ce qui se passe à Gaza, on vous entend moins !

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Le député Bonnecarrère a posé trois excellentes questions au cours de son intervention, qui avait mieux commencé qu’elle ne s’est terminée, puisque vous avez assumé, monsieur le député, de voter pour un texte dont vous dites vous-même –⁠ et vous savez combien je partage votre opinion – qu’il n’a aucune forme d’effectivité.
    Pour celles et ceux qui considèrent que la France serait légère avec le non-respect du droit au séjour, je veux rappeler un chiffre très significatif : à l’échelle de l’Union européenne, l’année dernière, 435 000 décisions d’éloignement ont été prises, dont 156 000 par le seul État français. C’est-à-dire que la France, à elle seule, produit 30 % des décisions d’éloignement européennes.

    Mme Caroline Colombier

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    Mais combien sont exécutées ?

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’est dire si les étrangers en situation irrégulière comprennent que nous n’acceptons pas que le séjour sur notre sol ne soit pas conforme à nos règles. Si nous vous suivions dans cette absurdité –⁠ pardon de le dire ainsi –, consistant à rétablir le délit de séjour irrégulier, cela signifierait qu’il faudrait, chaque année, engager 156 000 procédures pénales sur la base de ce délit. Mais comment feraient nos tribunaux judiciaires et nos forces de l’ordre ? Vous alourdiriez considérablement la procédure pénale et vous la rendriez totalement inefficace.

    M. Éric Ciotti

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    C’est n’importe quoi ! Arrêtez avec vos arguments à deux balles !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Non, ce n’est pas n’importe quoi, monsieur le président Ciotti et, quand vous vous exprimez, je dis rarement que c’est n’importe quoi. J’emploie d’autres synonymes plus élégants… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)

    M. le président

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    Merci, monsieur le président, mais, lors des niches parlementaires, nous sommes très pointilleux sur les horaires.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de discussion sur la proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier ;
    Discussion de la proposition de loi visant à rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires par le moyen de l’étiquetage ;
    Discussion de la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics ;
    Discussion de la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires injustes ;
    Discussion de la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap ;
    Discussion de la proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra