N° 1943
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 décembre 2023.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
PAR M. Florent BOUDIÉ, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE,
MM. Ludovic MENDES, Philippe PRADAL, Olivier SERVA
Députés
——
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
PAR M. Benjamin HADDAD
Député
——
TOME I
SYNTHÈSE, COMMENTAIRES D’ARTICLES, AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PERSONNES ENTENDUES
Voir les numéros :
Sénat : 304, 433, 434 rect. (2022-2023) et T.A. 19 (2023‑2024).
Assemblée nationale : 1855.
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SOMMAIRE
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Pages
Introduction......................................................... 13
I. Présentation synthétique du projet de loi
II. Les modifications apportées par le Sénat
III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale
titre ier A MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Article 1er H Expérimentation d’une instruction « à 360 degrés » des demandes de titres de séjour
Titre Ier Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue
Chapitre Ier Mieux intégrer par la langue
Chapitre II Favoriser le travail comme facteur d’intégration
Chapitre III (Division supprimée)
Chapitre IV (supprimé) Distinguer les parcours d’intégration réussis
Article 8 bis (supprimé) Création d’un diplôme de l’intégration
Chapitre II Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour
TItre ii bis agir pour la mise en œuvre effective des décisions d’éloignement
titre iii sanctionner l’exploitation des étrangers et contrôler les frontières
TITRE IV Engager une réforme structurelle du système de l’asile
Chapitre Ier Contentieux administratif
Chapitre II Contentieux judiciaire
titre vi dispositions relatives à l’outre-mer et entrée en vigueur
Article 27 Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi
AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Personnes entendues PAR LES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES LOIS
PERSONNES ENTENDUES par le rapporteur pour avis DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
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Les migrations humaines ne sont pas un phénomène transitoire destiné à s’éteindre par la magie d’une action politique suffisamment ferme. Bien au contraire, les déplacements massifs de populations originaires de régions du monde dont les ressources sont limitées et qui sont souvent traversées par de graves crises politiques vers des pays plus stables et prospères sont une constante de l’histoire humaine, avec laquelle il convient de composer.
La prise en compte de cette réalité historique et anthropologique ne doit néanmoins pas conduire à l’impuissance politique. Elle ne doit pas non plus avoir pour effet de présenter artificiellement le sujet migratoire comme un phénomène mineur, sans aucune conséquence sur nos sociétés, avec l’espoir naïf de l’évacuer des préoccupations. Sujet politique par excellence depuis le début des années 1980, le débat public sur l’immigration ne résiste pas toujours au risque de présentations trompeuses, simplistes ou extrémistes qui peuvent l’agiter. Les données chiffrées, trop souvent absentes des échanges, vont pourtant à rebours des fantasmes collectifs entretenus par les deux côtés les plus radicaux du spectre politique. Rappelons par exemple que le premier motif de primo-délivrance de titres de séjour est l’immigration étudiante et que le regroupement familial ne représente qu’entre 10 000 et 15 000 personnes par an. Mais soulignons également que pas moins de 320 000 étrangers se sont vus octroyés pour la première fois un titre de séjour en 2022 et que les flux d’immigration irrégulière s’intensifient.
La majorité actuelle, pleinement consciente de ces enjeux, y a répondu avec force. Sur le plan budgétaire, cet engagement s’est traduit par un effort conséquent et renouvelé chaque année dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration » de la loi de finances. Sur le plan législatif, elle est à l’initiative de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Cinq ans après cette loi, parce que cette politique publique est en perpétuel mouvement et requiert donc des adaptations régulières du droit qui la régit, le Gouvernement a présenté le 1er février 2023 un nouveau projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ». Ce texte est à la fois pragmatique et volontariste. Surtout, il évite le principal écueil dans lequel toute législation migratoire peut aisément tomber : celui de considérer les étrangers désireux de rejoindre notre pays ou présents sur notre sol comme un bloc monolithique. La majorité entend au contraire retenir une approche non pas uniforme, mais différenciée pour tenir compte de la diversité des situations et des comportements des étrangers. Être accueillante avec les étrangers désireux de s’intégrer et de vivre paisiblement sur notre sol, et ferme avec ceux qui ne le veulent pas et dont les comportements portent atteinte à la sécurité des Français.
En conséquence, le projet de loi a tout d’abord pour objet d’améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers. Pour cela, il renforce le dispositif d’intégration par le travail et par la langue (notamment en aménageant une nouvelle voie de régularisation pour les étrangers exerçant dans les « secteurs en tension »), simplifie le contentieux des étrangers, renforce la répression à l’égard des réseaux de passeurs et des « marchands de sommeil », et rénove les conditions d’introduction des demandes d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ainsi que l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
D’autre part, parce que notre accueil est généreux mais qu’il ne doit pas être inconditionnel, il convient d’éloigner les étrangers dont la présence sur notre territoire occasionne des troubles à l’ordre public, notamment à travers le rejet des principes qui fondent notre République, tels que la liberté individuelle ou l’égalité. Offrir à l’autorité administrative plus de marges de manœuvre pour lui permettre de procéder à l’éloignement de ces étrangers constitue ainsi la logique de plusieurs dispositions du projet de loi.
Au cours de leurs travaux, soucieux d’entendre toutes les parties prenantes, vos rapporteurs ont conduit près de 50 auditions et tables rondes. Ils adressent leurs plus vifs remerciements à l’ensemble des personnes auditionnées, qui ont pu éclairer de façon précieuse leurs travaux.
Les débats en commission des Lois ont considérablement enrichi le texte, puisqu’ils ont permis l’adoption de 360 amendements. Ils ont eu pour effet tantôt de consolider les apports du Sénat, tantôt de supprimer ses ajouts, lorsque ceux-ci portaient une atteinte disproportionnée à nos principes constitutionnels ou à nos engagements conventionnels, ou lorsqu’ils s’avéraient à l’évidence sans lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Ces débats ont également permis l’adoption de plusieurs dispositions spécifiques aux collectivités ultramarines, afin de tenir compte de leurs particularités en matière migratoire.
Vos rapporteurs escomptent que les débats en séance publique parachèveront la construction de cet arsenal législatif, avec comme objectifs l’accueil digne des étrangers ayant vocation à nous rejoindre ou à demeurer parmi nous (notamment lorsqu’ils ont été contraints de fuir leur pays), la cohésion de la Nation, ainsi que la quiétude et la sécurité des Français vivant dans l’Hexagone comme dans les territoires ultramarins.
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I. Présentation synthétique du projet de loi
L’article 1er conditionne la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle (CSP) aux étrangers signataires d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) à la maîtrise d’un niveau minimal de français, déterminé par décret en Conseil d’État.
L’article 2 organise la contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones afin de favoriser leur insertion professionnelle et sociale.
L’article 3 crée, à titre expérimental, une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension ».
L’article 4 tend à accélérer l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile ressortissants de pays pour lesquels un taux de protection internationale élevé est généralement accordé en France.
L’article 5 conditionne l’accès au statut d’entrepreneur individuel à la régularité du séjour de l’étranger.
L’article 6 substitue à la dénomination de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » celle de carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent ». Il fusionne également les cartes de séjour relatives à la création d’entreprise, au projet économique innovant et à l’investissement direct en France, en une carte de séjour pluriannuelle unique portant la mention « talent – porteur de projet ».
L’article 7 crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent – professions médicales et de la pharmacie », susceptible d’être délivrée dans deux cas de figure, et déconcentre la compétence pour délivrer les autorisations d’exercer en France la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage‑femme et de pharmacien, pour les personnes titulaires d’un diplôme étranger.
L’article 8 crée une nouvelle amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers qui ne détiennent pas un titre les autorisant à travailler.
L’article 9 facilite l’expulsion des étrangers dont le comportement constitue une menace grave pour l’ordre public, y compris lorsqu’ils bénéficient d’une protection particulière en raison de leur situation personnelle ou familiale en France, en introduisant de nouvelles causes de dérogation aux régimes de protection contre une décision d’expulsion ou une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.
L’article 10 réduit le champ des protections prévues contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
L’article 11 prévoit la possibilité de procéder au relevé des empreintes et à la prise de photographie d’un étranger en vue de s’assurer de son identité, sans son consentement, notamment dans le cadre de la vérification du droit de circulation et de séjour.
L’article 12 met fin à la possibilité de placer en centre de rétention administrative des familles avec un mineur de moins de seize ans.
L’article 13 prévoit de nouveaux critères d’encadrement des titres de séjour :
– il permet à l’administration de refuser de délivrer ou de renouveler un document de séjour, ou encore de le retirer, lorsque l’étranger ne respecte pas les principes de la République, définis par l’article, en ne souscrivant pas à l’engagement à respecter ces principes ou en manifestant, par ses agissements, le rejet de ces principes ;
– il rend possible le refus de renouvellement ou le retrait d’une carte de résident en cas de menace grave pour l’ordre public ;
– enfin, il subordonne le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident à la résidence effective et habituelle de son titulaire en France.
L’article 14 renforce la répression pénale des réseaux de passeurs afin de mieux lutter contre les filières d’immigration clandestine. D’une part, il criminalise l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers lorsque l’infraction est commise en bande organisée et dans des circonstances mettant en danger les personnes, en relevant les peines actuelles, de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende, à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende. D’autre part, afin de cibler les têtes de réseaux, il crée une nouvelle infraction punissant les dirigeants et organisateurs des réseaux de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende.
L’article 15 durcit les sanctions prévues par le code de la construction et de l’habitation à l’égard des « marchands de sommeil » qui exploitent la vulnérabilité des occupants de logements indignes, notamment celle des étrangers en situation irrégulière.
L’article 16 tire les conséquences de la création, au niveau européen, de l’autorisation de voyage ETIAS, en étendant à cette autorisation l’obligation de vérification de la détention régulière de documents qui incombe aux transporteurs.
L’article 17 étend aux véhicules particuliers la possibilité reconnue aux forces de sécurité intérieure de procéder, en zone frontalière, à la visite sommaire des véhicules.
L’article 18 prévoit le refus de visa si l’étranger demandeur a fait l’objet d’une OQTF depuis moins de cinq ans et n’apporte pas la preuve qu’il y a régulièrement déféré.
L’article 19 prévoit la création de pôles territoriaux « France Asile », permettant au demandeur d’asile de procéder, en un même lieu, à son enregistrement auprès de la préfecture, à l’ouverture de droits par l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII), ainsi qu’à l’introduction de sa demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
L’article 20 réforme la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en procédant à sa territorialisation par la création de chambres territoriales et en consacrant le principe du recours au juge unique.
L’article 21 procède à une refonte des règles applicables en matière de contentieux administratif des étrangers, en réduisant le nombre de procédures contentieuses dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) à quatre, au lieu de la douzaine existant actuellement, et en facilitant le recours à la vidéo-audience.
Les articles 22 et 23 procèdent aux coordinations nécessaires dans le code de justice administrative (CJA) et la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, pour tenir compte de la réforme du contentieux opérée.
L’article 24 modifie les règles relatives à la tenue des audiences devant le juge des libertés et de la détention (JLD) lorsque celui-ci statue sur les requêtes visant à maintenir l’étranger en zone d’attente, à contester son placement en rétention ou à le remettre en liberté hors des audiences de prolongation, ainsi que sur les requêtes de l’administration visant à prolonger la rétention de l’étranger en facilitant le recours à la vidéo-audience.
L’article 25 augmente le délai dont dispose le JLD pour statuer sur les requêtes aux fins de maintien en zone d’attente, en le portant de 24 à 48 heures en cas de placement simultané dans une même zone d’un nombre important d’étrangers.
L’article 26 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi aux collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Enfin, l’article 27 fixe les modalités et les dates d’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi.
II. Les modifications apportées par le Sénat
A. LE Titre Ier A introduit par le Sénat
Le Sénat a créé un nouveau titre Ier A comprenant 21 articles.
L’article 1er A instaure une obligation de débat annuel au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration et d’intégration, étend les indicateurs contenus dans le rapport remis annuellement par le Gouvernement au Parlement et confie au Parlement la compétence de déterminer le nombre d’étrangers admis au séjour.
L’article 1er BA dispose que seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière peuvent contraindre un étranger à être réacheminé en cas de refus d’entrée.
L’article 1er BB demande un rapport étudiant la possibilité de mettre en place des visas « travailleur » et « entrepreneur » pour les ressortissants d’un pays membre de l’Organisation international de la francophonie.
Les articles 1er B, 1er C et 1er D portent sur le regroupement familial. Le premier durcit les conditions permettant à l’étranger de demander à bénéficier du regroupement familial. Le deuxième conditionne l’entrée sur le territoire au titre du regroupement familial à la justification d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française. Le troisième renforce le contrôle par le maire du respect des conditions de logement et de ressources, dans le cadre de l’instruction des demandes de regroupement familial.
L’article 1er EA durcit les conditions permettant à un étranger marié avec un ressortissant français de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
L’article 1er EB élargit les conditions permettant, par décision motivée de l’autorité administrative, de refuser la délivrance ou le renouvellement de certains titres de séjour ou de les retirer.
L’article 1er EC allonge plusieurs délais conditionnant l’octroi de la carte de résident d’une durée de dix ans pour certains motifs familiaux.
Les articles 1er E et 1er F restreignent les modalités d’obtention du titre de séjour temporaire vie privée et familiale pour « étranger malade ». En particulier, ils suppriment le critère tenant à l’accès effectif aux soins dans le pays d’origine, pour le remplacer par un critère de disponibilité des soins dans ce pays, et posent un principe de non-remboursement par l’assurance maladie des soins prodigués aux étrangers bénéficiaires de ce titre de séjour.
Les articles 1er GA, 1er G et 1er HA concernent les étudiants étrangers. L’article GA conditionne la première obtention d’un titre de séjour étudiant au dépôt préalable d’une caution. L’article 1er G instaure une nouvelle obligation de justification annuelle du caractère réel et sérieux des études poursuivies en France par les étudiants bénéficiaires d’une carte de séjour pluriannuelle « étudiant » et permet le retrait de cette carte en cas de non-respect par l’étudiant de cette obligation. Enfin, l’article 1er HA consacre dans la loi le principe de majoration des frais de scolarité pour les étudiants étrangers en mobilité internationale, actuellement prévu par arrêté.
L’article 1er H met en place, dans cinq à dix départements et pour une durée de trois ans, une expérimentation de l’instruction « à 360 degrés » des demandes de titre de séjour.
L’article 1er I supprime l’aide médicale d’État (AME), qu’il remplace par une aide médicale d’urgence (AMU) prenant uniquement en charge la prophylaxie, le traitement des maladies graves et certains soins urgents, ceux liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
L’article 1er J exclut les étrangers en situation irrégulière du champ de l’obligation faite aux autorités organisatrices de la mobilité d’accorder des réductions tarifaires sur leurs titres de transport sous conditions de ressources.
L’article 1er K permet la délivrance de plein droit d’un visa long séjour aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France.
L’article 1er L réinstaure un délit de séjour irrégulier sur le territoire national.
L’article 1er M augmente le montant de la peine d’amende encourue en cas de mariage blanc ou de reconnaissance frauduleuse de paternité.
L’article 1er N instaure une condition de résidence stable de cinq ans pour le versement de prestations familiales et de certaines aides sociales, ainsi que pour faire valoir le droit au logement opposable.
B. les modifications apportées par le sénat au Titre Ier
À l’article 1er, le Sénat a renforcé les conditions d’intégration posées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR). Il a notamment rehaussé le niveau linguistique attendu sur l’ensemble du parcours d’intégration républicaine, enrichi le contenu de la formation civique, subordonné la prestation d’accompagnement professionnel au suivi des formations civique et linguistique, et conditionné l’octroi de la carte de résident ou de la CSP à la réussite à un examen sanctionnant ces deux formations.
Le Sénat a créé un article 1er bis limitant à trois le nombre de renouvellements d’une carte de séjour temporaire pour le même motif.
L’article 1er ter, introduit en séance publique, conditionne l’opposabilité aux administrations et juridictions françaises des actes publics et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil à leur légalisation préalable.
L’article 2, supprimé en commission des Lois, a été rétabli dans sa version initiale en séance publique.
Le Sénat a par ailleurs introduit de nombreuses dispositions relatives au droit de la nationalité. Il en est ainsi :
– de l’article 2 bis A, qui complète la liste des situations dans lesquelles une personne binationale ayant acquis la nationalité française peut en être déchue, en y ajoutant les condamnations pour homicide ou tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique ;
– des articles 2 bis et 2 ter, qui restreignent les modalités d’obtention de la nationalité française par le droit du sol, en la conditionnant à la manifestation de la volonté de l’étranger entre ses 16 et 18 ans, et en rendant impossible la naturalisation des personnes étrangères nées en France lorsqu’elles ont été condamnées pour des infractions graves ;
– de l’article 2 ter A, qui allonge les délais à partir desquels l’étranger peut acquérir la nationalité française par mariage ;
– de l’article 2 ter B, qui instaure un motif d’opposition à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol en cas de défaut d’assimilation ;
– de l’article 2 ter C, qui restreint les conditions d’acquisition de la nationalité par le droit du sol dans certains territoires ultramarins ;
– de l’article 2 quater, qui allonge de cinq à dix ans le délai de résidence de l’étranger avant que celui-ci puisse solliciter une naturalisation ;
– et de l’article 2 quinquies, qui augmente le droit de timbre requis pour le dépôt d’une demande de naturalisation.
S’agissant du dispositif de régularisation des travailleurs sans papiers exerçant dans les secteurs dits « en tension », le Sénat a supprimé l’article 3 et a introduit un article 4 bis instaurant un dispositif discrétionnaire permettant aux étrangers, sous certaines conditions et à titre exceptionnel, de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Il a également supprimé l’article 4 relatif à l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail et introduit un article 4 ter, en application duquel la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement doit être révisée chaque année.
Le Sénat a renforcé la rationalisation des cartes « passeport talent » opérée par l’article 6 et a supprimé à l’article 7 la création de la carte de séjour pluriannuelle « talent – professions médicales et de la pharmacie » de 13 mois.
Il a également introduit un article 7 bis étendant le sursis à la célébration de mariage prononcé par le procureur de la République en cas de suspicion de mariage frauduleux, et a durci les conditions d’attribution du titre de séjour pour les jeunes majeurs qui ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans (article 7 ter).
À l’article 8, le Sénat a réécrit l’article pour y disposer que la « contribution spéciale » est remplacée par une amende administrative rénovée.
Enfin, le Sénat a introduit un article 8 bis créant un diplôme de l’intégration pour les citoyens ayant acquis la nationalité française dont le parcours de vie, l’insertion professionnelle ou les engagements associatifs et civiques témoignent d’une intégration exemplaire dans la société française.
C. les modifications apportées par le sénat au TItre II
De nombreuses modifications ont été apportées à l’article 9 par le Sénat, notamment lors de l’examen en séance publique, afin de limiter l’application des régimes de protection aux ressortissants étrangers.
Le Sénat a considérablement renforcé la portée des exceptions introduites aux différents dispositifs de protection des ressortissants étrangers, notamment en abaissant le seuil de gravité des infractions dont la condamnation permet la levée des régimes de protection.
Le Sénat a également introduit de nouvelles causes de levée des protections, afin de faciliter la décision d’expulsion à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière, ou lorsque les faits commis par un étranger et justifiant son expulsion l’ont été en raison de l’exercice des fonctions de certaines catégories de personnes, telles que les élus ou les personnes dépositaires de l’autorité publique.
Par ailleurs, le Sénat a abrogé l’exigence de motivation spéciale pour la peine complémentaire d’interdiction du territoire français bénéficiant à certaines catégories protégées d’étrangers.
Le Sénat a introduit un nouvel article 9 bis qui vise à subordonner, pour l’étranger détenu, l’application de la libération conditionnelle de plein droit au seul cas dans lequel cette mesure permet l’exécution de la mesure d’éloignement dont la personne condamnée a fait l’objet.
Le Sénat a réécrit l’article 10 afin de réduire le champ des protections prévues contre les OQTF aux seuls mineurs de 18 ans et de disposer que l’OQTF est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant compte notamment de la durée de présence sur le territoire et de la nature et de l’ancienneté des liens de l’étranger avec la France.
Le Sénat a introduit un nouvel article 10 bis portant à dix ans la durée maximale de l’interdiction de retour dont peut être assortie une OQTF, en cas de menace grave pour l’ordre public, et prévoyant un réexamen périodique de l’interdiction de retour.
À l’article 11, le Sénat a souhaité renforcer l’encadrement procédural du relevé d’empreintes sans consentement, en remplaçant l’information préalable du procureur de la République par l’exigence d’une autorisation de ce dernier, en prévoyant la présence obligatoire de l’avocat et en excluant les mineurs du champ de la mesure.
Le Sénat a introduit, en commission, un nouvel article 11 ter ([1]) prévoyant la création d’un fichier national des mineurs non accompagnés délinquants, au sein duquel seraient recueillies leurs empreintes digitales et leurs photographies.
Le Sénat a adopté à l’article 12 un amendement du Gouvernement modifiant les critères du placement en rétention administrative et de la prolongation de celle-ci, pour prévoir :
– d’une part, que le risque de soustraction, nécessaire pour justifier du placement en rétention, s’apprécie également au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente ;
– d’autre part, que la prolongation de la rétention administrative peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention (JLD) « en cas de menace », s’agissant de la deuxième prolongation fondée sur l’article L. 742-4 du CESEDA, et « en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public », s’agissant de la troisième prolongation exceptionnelle, prévue à l’article L. 742-5 du CESEDA.
L’article 12 bis A, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors des débats en séance publique au Sénat, crée un nouveau régime d’assignation à résidence et de placement en rétention de l’étranger demandeur d’asile, dont le comportement constitue une menace à l’ordre public, ou qui présente un risque de fuite.
L’article 12 bis B, introduit en séance au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, vise à porter d’un à trois ans la durée de l’assignation à résidence de longue durée en cas d’impossibilité de quitter le territoire français.
L’article 12 bis C, introduit en séance au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, vise à ramener de sept jours à 48 heures le délai minimum entre deux mesures consécutives de placement en rétention administrative, lorsqu’il existe des circonstances nouvelles de fait ou de droit motivant la nouvelle décision de placement en rétention.
L’article 12 bis, introduit en commission au Sénat, prévoit une exception à l’obligation de prise en charge par les services départementaux, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, des majeurs de 21 ans précédemment confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF).
L’article 12 ter, introduit en séance au Sénat, vise à instaurer un cahier des charges national, sur la base duquel est réalisée l’évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés.
L’article 13 a fait l’objet d’importantes et nombreuses modifications au Sénat, tant en commission qu’en séance. Les principales modifications ont consisté :
– à transformer en compétence liée la compétence discrétionnaire du préfet pour refuser de délivrer ou de renouveler un titre, ou pour le retirer en application de cet article ;
– à formaliser le respect des principes de la République dans un contrat d’engagement à ce respect ;
– à faciliter la caractérisation du manquement aux principes de la République, en présumant la gravité de l’atteinte à ces principes et en rendant facultatif le critère tenant à l’existence d’un trouble à l’ordre public ;
– à sécuriser juridiquement et à préciser les hypothèses de retrait ou de refus de délivrance d’un titre de séjour pour menace grave à l’ordre public.
La commission des lois du Sénat a introduit un nouvel article 13 bis augmentant de deux à trois ans, en Guyane et à Mayotte, la durée de contribution effective à l’entretien et à l’éducation d’un enfant français exigée pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire.
D. le Titre II bis introduit par le Sénat
Le Sénat a introduit un nouveau titre II bis comportant les nouveaux articles 14 A à 14 G :
– l’article 14 A, adopté en commission à l’initiative des rapporteurs et de plusieurs de leurs collègues, prévoit la possibilité de refuser un visa de long séjour au ressortissant d’un État peu coopératif en matière migratoire. Il prévoit également la possibilité de moduler l’aide au développement attribuée à ces mêmes États.
– l’article 14 B, adopté dans les mêmes conditions, crée une obligation pour les préfets d’informer les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi de l’existence d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il crée également une obligation de radiation de l’assuré par ces organismes.
– l’article 14 C, adopté dans les mêmes conditions, étend la durée de l’assignation à résidence d’un étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement dont l’exécution constitue une perspective raisonnable. La durée maximale est ainsi étendue à 135 jours, contre 90 jours en l’état actuel du droit.
– l’article 14 D, adopté en séance publique, consacre le principe d’unicité de l’attribution de l’aide au retour versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
– l’article 14 E, adopté en séance publique, étend les cas dans lesquels un étranger soumis au règlement dit de « Dublin » peut être placé en rétention pour une durée de 48 heures aux situations dans lesquelles il a dissimulé des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile, ainsi qu’aux cas dans lesquels il a refusé de se soumettre à l’opération de relevé d’empreintes digitales ou altéré volontairement ces empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement.
– l’article 14 F, également adopté en séance publique, renforce les sanctions pénales en cas de non-respect des prescriptions de l’assignation à résidence.
– l’article 14 G étend à la Guyane la durée maximale dérogatoire de huit heures de la rétention aux fins de vérification d’identité, aujourd’hui applicable à Mayotte.
E. les modifications apportées par le sénat au Titre III
À l’article 14, le Sénat, à l’initiative de sa commission, outre une précision sur le champ d’application de l’exemption humanitaire, a étendu celui des peines criminelles prévues par l’article en matière d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers à l’ensemble des circonstances aggravantes prévues par le CESEDA, dès lors que l’infraction est commise en bande organisée.
Introduit par le Sénat en séance, le nouvel article 15 bis prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger déposant plainte pour soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
Le nouvel article 16 bis A, également introduit en séance au Sénat, étend aux données relatives aux équipages de transports internationaux aériens, maritimes et ferroviaires le champ du dispositif de traitement des données de voyage.
La commission des lois du Sénat, par le nouvel article 16 bis, a supprimé, à l’exception des mineurs non accompagnés, le jour franc avant l’expiration duquel ne peut intervenir le rapatriement d’un étranger qui se voit refuser l’entrée sur le territoire français.
À l’article 17, le Sénat a subordonné la visite sommaire des véhicules particuliers à l’existence de raisons plausibles de soupçonner que le véhicule transporte une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.
L’article 18 a été réécrit par le Sénat afin de substituer au dispositif initial une extension à cinq années de la durée maximale des interdictions de retour.
Le Sénat, en séance, a par ailleurs introduit un nouvel article 18 bis qui reprend le dispositif initial de l’article 18 du projet de loi.
Les articles 15 et 16 ont été adoptés sans modification par le Sénat.
F. les modifications apportées par le sénat au Titre IV
Le Sénat a souhaité que la mise en place des pôles territoriaux « France Asile » prévus à l’article 19 prenne la forme d’une expérimentation d’une durée de quatre ans. Il a supprimé le délai de 21 jours entre l’enregistrement de la demande d’asile et l’introduction de celle-ci et a, en revanche, consacré explicitement un délai de 21 jours minimum entre l’introduction de la demande d’asile et la tenue de l’entretien avec l’officier de protection de l’OFPRA. Enfin, un amendement du Gouvernement, adopté contre l’avis de la commission, a prévu la possibilité de mener les entretiens individuels par un moyen de communication audiovisuelle dans le cadre de l’expérimentation lorsqu’il s’agit de cas d’irrecevabilité.
Plusieurs articles ont été introduits en commission ou en séance au Sénat :
– l’article 19 bis A, adopté en séance publique, rend obligatoire la clôture de l’examen de la demande d’asile du demandeur qui informe l’OFPRA du retrait de sa demande et complète les cas dans lesquels l’OFPRA peut prendre une décision de clôture de l’examen d’une demande.
– l’article 19 bis B, également adopté en séance publique, prévoit que le rejet définitif d’une demande d’asile vaut obligation de quitter le territoire français (OQTF) et entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie.
– l’article 19 bis C, adopté en séance publique, modifie les critères d’âge et de liens familiaux permettant de demander la réunification familiale, afin de les harmoniser avec ceux du regroupement familial. Il limite également à 18 mois le délai pendant lequel la procédure de réunification familiale est activable avant de basculer vers le régime général de regroupement familial.
– l’article 19 bis, issu d’un amendement adopté en commission, substitue une obligation de retrait ou de suspension des conditions matérielles d’accueil à la faculté de retrait ou de suspension dont dispose actuellement l’OFII.
– l’article 19 ter A, adopté en séance, prévoit l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du dispositif d’hébergement d’urgence sauf circonstances exceptionnelles.
– l’article 19 ter, adopté en commission, inclut les places de certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile dans le décompte des logements sociaux effectué au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
– l’article 19 quater, adopté en commission, prohibe le maintien des déboutés du droit d’asile dans l’hébergement qui leur a été attribué au titre du dispositif national d’accueil, sauf décision motivée de l’administration.
L’article 20 a été adopté sans modification par le Sénat.
Enfin, un article 20 bis, adopté en commission, formalise la possibilité pour le juge de la CNDA de suspendre une vidéo audience en cas de difficulté technique.
G. les modifications apportées par le sénat au Titre V
Le Sénat a modifié l’article 21 notamment pour réduire à trois le nombre de procédures applicables en matière de contentieux administratif des étrangers et a renforcé les garanties entourant le recours à la vidéo-audience devant le juge administratif.
L’article 22 a été adopté sans modification par le Sénat.
Le Sénat a adopté, lors de l’examen de l’article 23 en séance, un amendement du Gouvernement aménageant, au sein du code de justice administrative, une procédure contradictoire asymétrique applicable au contentieux de certaines décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
L’article 23 bis, introduit par le Sénat en commission, procède à une série de modifications de certaines procédures applicables au contentieux des étrangers, notamment dans les domaines suivants :
– En matière de contentieux de la délivrance des titres de séjour, il adapte les règles d’instruction de la contestation du refus des titres de séjours « étrangers malades », afin que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) puisse, lors de l’audience, apporter des informations, y compris lorsqu’elles sont couvertes par le secret médical.
– En matière de contentieux des demandes d’asile, pour clarifier l’articulation entre la date de fin du droit au maintien sur le territoire au titre d’une demande d’asile et la date d’adoption d’une mesure d’éloignement par l’autorité administrative, il est prévu que la mesure d’éloignement peut être prise dès la signature de l’ordonnance de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), mais que son exécution sera conditionnée à sa notification régulière.
– En matière de contentieux judiciaire de la rétention administrative, le délai dont dispose le JLD pour statuer sur le placement en rétention et la prolongation de la rétention d’un même étranger a été aménagé, afin qu’il ne commence à courir qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention administrative.
Il procède également à de multiples aménagements procéduraux, parmi lesquels il est notamment possible de citer les modifications suivantes :
– La durée de validité de l’ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d’un étranger assigné à résidence a été allongée, la faisant passer de quatre à six jours (144 heures).
– Le délai dans lequel le JLD statue sur la décision de placement en rétention administrative, à la requête de l’étranger, et sur la décision de prolongation de la rétention administrative, à la requête de l’autorité administrative, a été adapté (48 heures suivant l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention).
– À la suite de l’adoption en séance d’un amendement du Gouvernement, il a été prévu la possibilité de procéder, dans le cadre des visites domiciliaires, à la visite du domicile de l’étranger assigné à résidence, aux fins de rechercher et de retenir tout document attestant de sa nationalité.
– En adoptant en séance un amendement du Gouvernement, le Sénat a modifié le séquençage de la durée de la rétention administrative, en augmentant la durée de placement initiale en rétention administrative à quatre jours, au lieu de 48 heures.
– Enfin, le délai pendant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice, lorsqu’une ordonnance du JLD a mis fin à sa rétention ou à son assignation à résidence, a été allongé à 24 heures à compter de la notification de l’ordonnance.
Le Sénat a modifié l’article 24 pour renforcer les garanties applicables à la tenue des audiences en visio-conférence, notamment en précisant les finalités du recours à la vidéo-audience et les conditions d’accès à la copie du dossier, et en prévoyant la possibilité de suspendre l’audience lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
Le Sénat a réécrit l’article 25 pour encadrer la possibilité de déroger au délai de jugement de 24 heures de la requête aux fins de maintien en zone d’attente en cas de placement dans celle-ci d’un nombre important d’étrangers, en prévoyant :
– l’intervention du premier président, statuant par ordonnance, qui décide de l’allongement du délai de jugement à 48 heures, lorsqu’il est fondé sur le placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers ;
– la possibilité pour le premier président, à la demande du président du tribunal judiciaire concerné, de déléguer des présidents de chambre et des conseillers de la cour d’appel ainsi que des juges, afin d’exercer les fonctions de JLD pour un motif et une durée déterminée.
Le Sénat a introduit un nouvel article 25 bis, à la suite de l’adoption en séance d’un amendement du Gouvernement, qui encadre la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention (JLD), de prononcer des nullités dans le cadre de son contrôle de la régularité de la mesure de rétention administrative.
Le nouvel article 25 ter, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat, modifie l’article L. 743-22 du CESEDA pour prévoir le caractère automatiquement suspensif de l’appel interjeté par le procureur de la République ou l’autorité administrative, contre une décision mettant fin à la rétention dans les deux cas suivants :
– lorsque l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ;
– lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
H. les modifications apportées par le sénat au Titre VI
Le Sénat a modifié l’article 26 afin, d’une part, de restreindre le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance pour en exclure les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et Saint-Pierre et Miquelon et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires pour l’application des dispositions du projet de loi dans ces collectivités.
En séance publique, le Sénat a modifié l’article 27 afin de supprimer l’entrée en vigueur différée de l’article 12, sauf pour son application au département de Mayotte où son entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2027. Le Sénat a également prévu l’entrée en vigueur ultérieure de certaines dispositions qu’il a introduites en matière de délivrance de titres de séjour.
III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale
Au titre Ier A, la Commission a souhaité amender l’article 1er A pour supprimer le caractère obligatoire du débat annuel et enrichir le contenu du rapport annuel remis au Parlement. Elle a en outre transformé le dispositif de « quota » en présentation, par le Gouvernement, d’objectifs indicatifs du nombre d’étrangers qui pourront être admis au séjour les trois années suivantes – en dehors de l’asile et avec des réserves s’agissant de l’immigration familiale.
Aux articles 1er E et 1er F, la commission a maintenu le principe, que le Sénat avait supprimé, de prise en charge des soins du patient détenteur du titre de séjour « étranger malade » par l’assurance maladie. Elle a prévu, dans l’évaluation du critère de disponibilité du traitement dans le pays d’origine de l’étranger, l’existence d’une circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par le préfet, après avis du service médical de l’OFII.
À l’article 1er G, la Commission a précisé que le caractère réel et sérieux des études s’apprécie notamment en tenant compte de l’assiduité et de la présentation aux examens.
La Commission a élargi le périmètre de l’expérimentation de l’article 1er H à l’ensemble des titres de séjour, prévu au moins un député ultramarin parmi les départements expérimentateurs et apporté plusieurs précisions d’ordre rédactionnel à cet article.
Au titre Ier, la Commission a modifié l’article 1er, afin de préciser le contenu du parcours d’intégration républicaine et de la formation civique du CIR, ainsi que les modalités d’examen sanctionnant cette formation. Elle a supprimé le critère, introduit par le Sénat, d’assiduité aux formations civique et linguistique pour bénéficier d’un accompagnement professionnel. Elle a souhaité que le niveau de langue française exigé pour l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle soit déterminé par décret et supprimé, en cohérence, la détermination des niveaux de langue française pour la carte de résident et la naturalisation, que le Sénat avait introduits dans la loi.
À l’article 2, la Commission a introduit une obligation pour l’employeur de proposer une formation FLE à ses salariés allophones, et précisé que les modalités d’application de l’article sont déterminées par décret pour les secteurs de l’emploi à domicile et des particuliers employeurs, du fait de leur spécificité.
La Commission a maintenu la suppression de l’article 3, mais a réécrit l’article 4 bis, afin d’instaurer un dispositif d’accès au séjour pour les étrangers exerçant une activité salariée dans les secteurs en tension, qui ne soit ni une procédure discrétionnaire, ni une procédure ouvrant droit à une régularisation automatique, dans la mesure où le préfet sera conduit à s’y opposer si l’étranger représente une menace pour l’ordre public, contrevient par ses agissements aux principes et valeurs de la République définis à l’article 13 du projet de loi, ou s’il vit en France en état de polygamie.
Elle a également rétabli l’article 4 dans sa rédaction initiale et a introduit un article 4 bis A, qui dispose que l’accès au marché du travail peut être autorisé lorsque le demandeur d’asile fait l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 et que cette décision n’a pas été exécutée dans le délai de six mois à compter de sa notification.
La Commission a également introduit les articles 4 ter A et 4 ter B qui prévoient respectivement que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » vaut autorisation de travail et que le titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier » peut exercer son activité auprès de plusieurs employeurs.
À l’article 7, la Commission a rétabli les dispositions relatives aux autorisations d’exercice temporaires.
À l’article 7 bis, elle a supprimé la totalité des dispositions, à l’exception de l’allongement de la durée maximale du sursis.
La Commission a considérablement modifié l’article 9 pour rétablir l’équilibre général de ces dispositions :
– En premier lieu, elle a rétabli le seuil de gravité des infractions pour lesquelles la condamnation permet la levée des protections contre la décision d’expulsion ou la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, conformément au projet de loi initial.
– En deuxième lieu, le critère de l’actualité de la menace permettant la levée des protections a été réintroduit, pour assurer la constitutionnalité de ces dispositions.
– En troisième lieu, pour rétablir la cohérence de la cause de levée des protections lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un conjoint ou des enfants, le champ d’application de cette dérogation aux régimes de protection a été réduit, pour ne la rendre applicable qu’aux catégories d’étrangers qui tirent directement leur protection de leur statut parental ou marital.
– En dernier lieu, s’agissant du prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, la rédaction de l’article 131-30 du code pénal a été rétablie.
La Commission a supprimé l’article 10 bis, et a inscrit son dispositif au sein de l’article 18, ainsi modifié.
À l’article 11, la Commission est revenue sur la substitution de l’autorisation du procureur de la République à l’information préalable de ce dernier, et sur la présence obligatoire de l’avocat. Elle a également prévu que le relevé d’empreintes et la prise de photographie sans consentement font l’objet d’un procès‑verbal.
L’article 12 a été modifié par le Commission pour généraliser l’interdiction du placement en rétention des mineurs, en la rendant applicable à tous les mineurs de moins de 18 ans et à tous les lieux de rétention administrative.
La Commission a introduit un nouvel article 12 bis CA visant à préciser que la provocation directe à des actes de terrorisme ou leur apologie constitue un comportement lié à une activité à caractère terroriste qui permet, lorsque l’étranger en cause a fait l’objet d’une décision d’expulsion édictée sur ce fondement, de demander la prolongation de sa rétention administrative jusqu’à une durée maximale de 180 jours.
L’article 13 a fait l’objet de plusieurs modifications. Ainsi, la Commission a rétabli la compétence discrétionnaire des préfets, à laquelle les sénateurs avaient substitué une compétence liée. Elle a également supprimé le caractère facultatif de l’existence d’un trouble à l’ordre public pour caractériser les manquements aux principes de la République. La Commission a en outre enrichi le contenu de ces principes, en y inscrivant le respect de l’intégrité territoriale de la France et en étendant le champ du principe d’égalité.
À travers un nouvel article 13 bis A, la Commission a prévu la possibilité, pour les autorités diplomatiques et consulaires, de refuser la délivrance d’un visa aux étrangers débiteurs à l’égard d’établissements de soins et de santé.
Elle a par ailleurs supprimé l’article 13 bis, le dispositif de ce dernier article, dans une version concentrée sur Mayotte, ayant été inscrit au titre VI du présent texte dans un nouvel article 26 ter.
La Commission a adopté, avec quelques modifications sur le champ d’application du dispositif portées par la commission des Affaires étrangères saisie pour avis, l’article 14 A. Elle a adopté sans modification les articles 14 B et 14 D et apporté des précisions, à l’initiative du rapporteur M. Philippe Pradal, à l’article 14 C. Elle a, en revanche, supprimé l’article 14 E.
L’article 14 G a également été supprimé, son dispositif basculant dans le titre VI au sein d’un nouvel article 26 quater.
L’article 15 bis a été réécrit, afin d’intégrer son dispositif au sein de l’article L. 425‑1 du CESEDA, et d’étendre son application aux victimes de conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine – la délivrance du titre de séjour en cas de plainte ou de témoignage contre l’auteur des faits pouvant alors intervenir dès la saisine de l’inspection du travail.
Par l’introduction d’un nouvel article 15 ter, la Commission a par ailleurs accru la durée du titre de séjour délivré aux victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme et engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, la faisant passer de six mois à un an.
La Commission a également introduit un nouvel article 16 bis B qui apporte des clarifications rédactionnelles en matière d’admission sur le territoire français.
À l’article 17, la Commission a supprimé la condition introduite par le Sénat subordonnant la réalisation de visites sommaires de véhicules particuliers à l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’une infraction ait été commise ou tentée.
L’article 19 a été substantiellement modifié par la Commission, à l’initiative du rapporteur, pour permettre un déploiement sans expérimentation des pôles territoriaux « France Asile » et pour préciser la nature des informations transmises à l’OFPRA par le demandeur d’asile au moment de l’introduction de sa demande. La Commission a également apporté des précisions aux articles 19 bis C, 19 bis, 19 quater, 20 et 20 bis. Elle a adopté sans modification l’article 19 bis A et a, en revanche, supprimé les articles 19 bis B, 19 ter A et 19 ter.
Deux articles ont été introduits en commission, à l’initiative respectivement de Mmes Marjolaine Meynier-Millefert (19 ter AA) et Véronique Louwagie (19 ter AB). L’article 19 ter AA précise que les demandeurs d’asile orientés vers une autre région dans le cadre du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile (SNADAR) sont dirigés vers un hébergement pour demandeurs d’asile, tandis que l’article 19 ter AB fixe une durée minimale de présence régulière en France d’au moins six mois pour bénéficier d’une prolongation de la protection universelle maladie (Puma)
La Commission a modifié l’article 21 pour rétablir l’architecture contentieuse articulée autour de quatre procédures, telle qu’elle avait été conçue dans le cadre du projet de loi initial.
Par ailleurs, pour renforcer les garanties applicables à la vidéo-audience devant le juge administratif, la Commission a précisé la finalité de bonne administration de la justice et a renforcé le principe d’interruption de l’audience, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre l’audience dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications.
Enfin, la Commission a réduit à deux ans la durée de validité de l’OQTF sur le fondement de laquelle l’autorité administrative peut assigner à résidence l’étranger ou le placer en rétention administrative.
La Commission a modifié l’article 23 bis, pour rétablir la durée de validité de 96 heures, pendant laquelle l’ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire en cas d’assignation à résidence de l’étranger est exécutoire, et pour préciser le délai de 24 heures pendant lequel le procureur de la République peut former un recours suspensif contre l’ordonnance du JLD mettant fin à la rétention administrative.
La Commission a renforcé, à l’article 24, les garanties applicables à la vidéo-audience devant le JLD en précisant sa finalité liée à la bonne administration de la justice. Par ailleurs, dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications, le principe d’interruption de l’audience a été renforcé, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre l’audience dans une telle situation.
La Commission a rétabli l’écriture de l’article 25 telle qu’elle était prévue initialement dans le projet de loi.
La Commission a introduit un nouvel article 26 A prévoyant l’application du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile aux collectivités ultramarines.
La Commission a modifié l’article 26 en y introduisant trois nouvelles dispositions relatives au département de Mayotte :
– la suppression de la dérogation qui y était applicable, selon laquelle l’état de polygamie ne faisait pas obstacle à la délivrance d’un titre de séjour si elle avait été légalement constituée avant l’entrée en vigueur de son interdiction sur le territoire ;
– l’ajout d’un volet relatif à l’appartenance du département à la République française à la formation civique délivrée à Mayotte, dans le cadre du contrat d’intégration républicaine ;
– l’existence de nouveaux motifs permettant, à Mayotte, de lever les protections contre l’expulsion des étrangers protégés.
La Commission a réintroduit au sein d’un nouvel article 26 bis les dispositions de l’article 2 ter C supprimé, en y ajoutant une condition supplémentaire de régularité du séjour des deux parents de l’enfant souhaitant acquérir la nationalité française au titre du droit du sol à Mayotte.
La Commission a créé un nouvel article 26 ter prévoyant, en premier lieu, la territorialisation de l’établissement de la liste des métiers en tension dans les collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre et Miquelon. En second lieu, l’article permet, pour l’application de l’article 4 bis du projet de loi à Saint-Pierre et Miquelon, la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle en cas de renouvellement du premier titre de séjour. Il prévoit également la création d’une commission du titre de séjour en Guyane. Enfin, il introduit des dispositions particulières à Mayotte, en prévoyant, d’une part, l’augmentation de la durée de contribution effective à l’entretien et à l’éducation d’un enfant français pour obtenir un titre de séjour et, d’autre part, en durcissant les conditions nécessaires au bénéfice du regroupement familial à Mayotte. Ainsi, la durée de séjour régulier en France à partir de laquelle l’étranger peut demander à bénéficier du droit au regroupement familial est allongée, et les membres de la famille pouvant rejoindre l’étranger au titre du droit au regroupement familial sont limités à la famille nucléaire.
La Commission a réintroduit, au sein d’un nouvel article 26 quater, les dispositions de l’article 14 G supprimé, relatives à l’extension à la Guyane de la durée maximale dérogatoire de huit heures pour la rétention aux fins de vérification d’identité.
La Commission a créé un nouvel article 26 quinquies demandant au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur les moyens technologiques et humains supplémentaires nécessaires pour assurer le contrôle des côtes de l’archipel guadeloupéen afin de lutter contre l’immigration irrégulière.
La Commission a introduit un article 26 sexies demandant également au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur la participation des acteurs privés et associatifs à la formation professionnelle des publics éloignés de l’emploi et notamment des étrangers en outre-mer.
Le nouvel article 26 septies, introduit par la Commission, prévoit la remise d’un rapport sur la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte.
La Commission a également créé un nouvel article 26 octies, demandant la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en outre-mer.
L’article 27 a fait l’objet d’une modification par la Commission, afin de reporter l’entrée en vigueur de l’article 1er du projet de loi au 1er janvier 2026.
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Outre les suppressions associées à des déplacements de dispositif, la Commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression des articles introduits par le Sénat. Elle a ainsi supprimé :
– au titre 1er A, les articles 1er BA, 1re BB, 1er EA, 1er EC, 1er GA, 1er HA, 1er I, 1er K, 1er L et 1er N ;
– au titre 1er, les articles 1 bis, 2 bis A, 2 bis, 2 ter A, 2 ter B, 2 ter C ([2]), 2 ter, 2 quater et 2 quinquies, 7 ter, 8 bis ;
– au titre II, les articles 10 bis, 11 ter, 12 bis, 12 ter et 13 bis ;
– au titre II bis, les articles 14 E et 14 G ;
– au titre IV, les articles 19 ter A et 19 ter.
Les articles 1er C, 1er J, 1er M, 1er ter, 5, 6, 9 bis, 10, 12 bis A, 12 bis B, 12 bis C, 14 B, 14 D, 14 F, 14, 15, 16, 16 bis A, 16 bis, 18 bis, 19 bis A, 22, 23, 25 bis, 25 ter ont été adoptés par la Commission sans modification.
Au total, la Commission des lois a ainsi adopté sans modification 26 articles transmis par le Sénat. Elle a précisé ou modifié plus substantiellement 39 articles. Elle a, enfin, procédé à la suppression de 27 articles et à l’introduction de 18 nouveaux articles.
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titre ier A
MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Article 1er A
(art. L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Débat annuel au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration et d’intégration, extension des indicateurs contenus dans le rapport remis annuellement par le Gouvernement au Parlement, et détermination, par le Parlement, d’un nombre d’étrangers admis au séjour
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article, introduit par le Sénat en commission des Lois par un amendement des rapporteurs Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère, tend à prévoir la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration. Il enrichit également le rapport remis annuellement par le Gouvernement au Parlement sur ce même sujet. Enfin, il permet au Parlement de déterminer le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France – à l’exception des étrangers admis au séjour au titre de l’asile.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 2 de la loi n° 2019-161 du 1er mars 2019 relative au délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte a ajouté aux indicateurs devant être contenus dans le rapport annuel remis au Parlement celui du nombre de mesures de placement en rétention et de la durée globale moyenne de ces dernières.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté l’article 1er A, dans une rédaction modifiée par 10 amendements et un sous-amendement. Elle a notamment supprimé le caractère obligatoire du débat annuel devant le Parlement, a ajouté de nouveaux indicateurs au rapport annuel, et a transformé le dispositif du « quota » voté par le Parlement en présentation, par le Gouvernement, d’objectifs indicatifs relatifs au nombre d’étrangers admis à entrer sur le territoire et à y séjourner pour les trois années suivantes.
1. L’état du droit
a. Les rapports remis par le Gouvernement en matière migratoire
En matière de droit des étrangers, le Parlement est destinataire de plusieurs rapports.
i. Rapport annuel sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration
L’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose que chaque année, avant le 1er octobre, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration.
Contenu du rapport remis chaque année par le Gouvernement au Parlement (article L. 123-1 du CESEDA)
Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives à l’année civile précédente, à savoir :
1° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
2° Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial ;
3° Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride, ainsi que celui des demandes rejetées ;
4° Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
5° Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
6° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
7° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
8° Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique d’immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ;
9° Le nombre de contrats d’intégration républicaine souscrits en application de l’article L. 413-2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l’emploi, au logement et à la culture ;
10° Le nombre des acquisitions de la nationalité française ;
11° Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières ;
12° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile.
Ce rapport propose également des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
Ce rapport contient également les évaluations, pour l’année en cours, des données quantitatives énumérées aux 1° à 12° du présent article, ainsi que les projections relatives à ces mêmes données pour l’année suivante.
Les données quantitatives font l’objet d’une présentation distincte pour la France métropolitaine et pour chacune des collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution.
L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et le délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés joignent leurs observations au rapport.
Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer rend l’ensemble de ces rapports publics.
ii. Rapport sur les étrangers dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale
L’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié se voit délivrer une « carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” » d’une durée d’un an.
L’article L. 425-9 du CESEDA dispose que chaque année, un rapport présente au Parlement l’activité réalisée au titre de cette disposition par le service médical de l’OFII ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre.
iii. Rapports budgétaires
Deux documents budgétaires, annexés au projet de loi de finances, remis par le Gouvernement, sont également de nature à éclairer les travaux du Parlement en matière migratoire :
le document de politique transversale « politique française de l’immigration et de l’intégration » ;
le projet annuel de performances de la mission « Immigration, asile et intégration ».
b. Les débats au Parlement
i. Les débats de l’article 50-1 de la Constitution
Il résulte de l’article 50-1 de la Constitution que devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernent peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à un débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité.
La dernière occurrence de débat sur la politique migratoire sur ce fondement date de l’automne 2022. En effet, le 6 décembre 2022, l’Assemblée nationale s’est vue présenter une déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration, suivie d’un débat ([3]) ; Au Sénat, cette déclaration fut présentée le 13 décembre.
ii. Le caractère inconstitutionnel de l’inscription dans la loi d’un débat annuel, au Parlement, sur la politique migratoire
Saisi le 4 novembre 2003 de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le dernier alinéa de l’article 1er de la loi déférée qui prévoyait l’organisation d’un débat en Séance publique à la suite du dépôt d’un rapport annuel sur les orientations de la politique d’immigration. Il a considéré que « sauf à y être autorisé par la Constitution, il n’appartient pas en effet au législateur d’imposer par avance au Gouvernement, ni aux instances parlementaires compétentes, de contrainte relative à l’ordre du jour de chaque assemblée » ([4]).
Les modifications apportées à l’article 48 de la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République ne sont pas de nature faire évoluer cette jurisprudence.
c. Le dispositif de « quota migratoire » voté par le Parlement
La notion de « quota migratoire » est polysémique ([5]). Elle est ici entendue comme un contingent prédéterminé de titres de séjour à octroyer, et à ne pas dépasser.
En l’état du droit, le Parlement ne se prononce pas sur le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France.
La commission présidée par M. Pierre Mazeaud et saisie en janvier 2008 par le ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, d’une mission sur le cadre constitutionnel de la politique d’immigration, la politique des quotas et la création de tribunaux spécialisés en droit des étrangers a consacré la première partie de son rapport aux quotas d’immigration. Elle y observe que la politique des « quotas » serait inefficace contre l’immigration irrégulière et poserait des difficultés de conformité à la Constitution et à nos engagements conventionnels, en matière d’immigration familiale ([6]), de même qu’en matière d’asile ([7]). Elle s’est ainsi opposée à l’instauration de « quotas migratoires » ([8]).
Plus récemment, la Cour des comptes a considéré dans un rapport de 2020 ([9]) que si l’institution de « quotas » globaux portant sur l’ensemble des voies d’immigration « ne [présentait] aucune vraisemblance, le contexte des prochaines années pourrait en revanche se prêter à l’expérimentation d’une modernisation de la politique d’immigration professionnelle ». Le « quota » serait alors « compris comme des cibles quantitatives destinées à attirer des personnes durablement vers des secteurs professionnels déterminés ou disposant de qualifications particulières ».
Le ministère de l’Intérieur souligne, dans sa contribution écrite aux travaux de vos rapporteurs, que « la création de quotas en matière d’immigration, même limitée au champ de l’immigration professionnelle conduira le Conseil constitutionnel à se prononcer pour la première fois sur une telle notion dans ce champ, et sur sa compatibilité avec le principe d’égalité, puisqu’elle pourrait amener à ce que deux personnes se trouvant dans la même situation au regard des conditions de délivrance d’un titre de séjour, se le voient, pour l’une délivrer, pour l’autre refuser, selon que le quota aura été atteint ou non ».
Les situations sont particulièrement hétérogènes à l’étranger ([10]) :
En Allemagne, il n’existe pas de « quota migratoire », mais il existe des contingents d’accès au marché du travail pour certains ressortissants (par exemple 25 000 titres peuvent être émis au maximum par an pour l’accès au marché du travail des citoyens des Balkans occidentaux) ;
Au Canada, il n’existe pas de limite quantitative contraignante à l’arrivée d’immigrés. Néanmoins, le Gouvernement canadien présente chaque année au Parlement, depuis 2017, un plan pluriannuel des niveaux d’immigration, comportant des objectifs cibles par catégorie d’immigration et par voie d’accès (assortis de fourchettes minimales et maximales) :
plan des niveaux d’immigration de 2023 à 2025 au canada
Source : Note sur les quotas migratoires, Direction de l’initiative parlementaire et des délégations du Sénat, mars 2023.
Au Royaume-Uni, si des programmes antérieurs de réinstallation de réfugiés ont pu donner lieu à des « quotas » (par exemple pour la réinstallation des personnes vulnérables touchées par le conflit syrien), il n’existe en l’état du droit aucun « quota » prédéfini de personnes accueillies à ce titre. S’agissant de l’immigration économique, le « quota » général de visas pour les travailleurs qualifiés a été supprimé en 2021, mais un « quota » continue de s’appliquer s’agissant des salariés étrangers saisonniers – fixé à 40 000 visas délivrés chaque année ;
En Suède, il existe uniquement un quota de réfugiés réinstallés en Suède en lien avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. En commission des Lois
Cet article a été introduit en commission des Lois du Sénat à la suite de l’adoption de deux amendements identiques, déposés par les rapporteurs ([11]) et par M. Retailleau et cosignataires ([12]).
Il réécrit l’article L. 123-1 du CESEDA, relatif à la remise, chaque année, d’un rapport au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration, pour y insérer les dispositions suivantes :
les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement ;
le Parlement prend alors connaissance d’un rapport du Gouvernement, rendu avant le 1er juin ([13]) de chaque année, qui indique et commente pour les 10 années précédentes ([14]) une série de 18 indicateurs (cf. infra.). Sont jointes à ce rapport les observations de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et celles de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui indiquent l’évolution de la situation dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs ([15]) ;
le Gouvernement présente également « les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration ». Il précise de surcroît les capacités d’accueil de la France et rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national ;
enfin, le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories d’accès au séjour à l’exception de l’asile, « compte tenu de l’intérêt national ». Il est également précisé que « l’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit », c’est‑à‑dire dépourvu de valeur contraignante. Cette disposition instaure ainsi un « quota migratoire » triannuel voté par le Parlement.
Les indicateurs contenus dans le rapport du Gouvernement en application de l’article 1er A du projet de loi
Le rapport indique et commente, pour les 10 années précédentes, en métropole et dans les outre-mer :
1° Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées ;
2° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
3° Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
4° Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
5° Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride, ainsi que celui des demandes rejetées ;
6° Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et les conditions de leur prise en charge ;
7° Le nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention et la durée de celui-ci ;
8° Le nombre d’autorisations de travail accordées ou refusées ;
9° Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
10° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
11° Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
12° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
13° Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement ;
14° Le nombre de contrats d’intégration républicaine souscrits en application de l’article L. 413-2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l’emploi, au logement et à la culture ;
15° Le nombre d’acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
16° Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français ;
17° Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières ;
18° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile.
D’après l’exposé sommaire des amendements, ces dispositions s’inscrivent « dans la continuité d’une position déjà ancienne et constante du groupe “Les Républicains” en faveur d’un suivi parlementaire vigoureux de la politique nationale d’immigration et d’intégration, car la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire ».
Trois dispositions sont ainsi prévues : l’inscription dans la loi de la potentialité d’un débat annuel au Parlement – qui est déjà possible en application de l’article 50-1 de la Constitution, la remise d’un rapport plus fourni que celui existant d’ores et déjà, et la création d’un « quota migratoire », pour les trois années à venir, déterminé par le Parlement.
b. En Séance publique
En Séance publique, le Sénat a adopté plusieurs amendements complémentaires :
deux amendements de M. Duffourg et cosignataires et de M. Ravier ([16]) visant à préciser que les orientations de la politique d’immigration et d’intégration « font » l’objet d’un débat annuel au Parlement (en remplacement de « peuvent faire ») ([17]) ;
un amendement de Mme de la Gontrie ([18]) étendant l’indicateur relatif au nombre de mineurs étrangers ayant fait l’objet d’un placement en rétention aux zones d’attente ;
un amendement de Mme Conway-Mouret et cosignataires ([19]) ajoutant au rapport l’indication, pour les visas de long séjour portant la mention « étudiant », du nombre de visas octroyés par pays, du nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l’étudiant dispose d’un baccalauréat français ou d’un diplôme étranger, le délai moyen d’instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France, et le nombre d’étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus ;
un amendement de M. Reichardt ([20]) ajoutant au rapport l’indicateur suivant : « Une indication du nombre de demandes d’asile comparant, pour chaque nationalité, le nombre de demandes déposées depuis le pays d’origine et le nombre de demandes déposées depuis le territoire français » ;
un amendement des rapporteurs ([21]) ajoutant au rapport l’indicateur suivant : « Une évaluation de l’application des accords internationaux conclus avec les pays d’émigration ainsi qu’avec leurs organismes de sécurité sociale » ;
enfin, un amendement des rapporteurs ([22]) supprimant l’alinéa en application duquel le Sénat est consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration d’intégration, pour lui substituer la mention selon laquelle le Gouvernement présente les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration.
Ci-dessous un tableau récapitulant les différences entre les indicateurs devant figurer dans le rapport en l’état du droit, et ceux issus de l’article 1er A, tel qu’adopté par le Sénat :
État du droit |
Article 1Er A du projet de loi |
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1° Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées. Pour les visas de long séjour portant la mention “étudiant”, le rapport indique, par pays, le nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l’étudiant dispose d’un baccalauréat français ou d’un diplôme étranger, le délai moyen d’instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France, et le nombre d’étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus |
1° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés |
2° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés |
2° Le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial |
3° Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial |
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4° Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail |
3° Le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d'apatride, ainsi que celui des demandes rejetées |
5° Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride, ainsi que celui des demandes rejetées |
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6° Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et les conditions de leur prise en charge |
7° Le nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention ou en zone d’attente et la durée de celui‑ci |
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8° Le nombre d’autorisations de travail accordées ou refusées |
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4° Le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées |
11° Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées |
5° Le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées |
9° Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées |
6° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers |
10° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers |
7° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d'œuvre étrangère |
12° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main‑d’œuvre étrangère |
8° Les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en œuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat |
13° Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de co‑développement |
9° Le nombre de contrats d'intégration républicaine souscrits en application de l'article L. 413-2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l'emploi, au logement et à la culture |
14° Le nombre de contrats d’intégration républicaine souscrits en application de l’article L. 413‑2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l’emploi, au logement et à la culture |
10° Le nombre des acquisitions de la nationalité française |
15° Le nombre d’acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures |
11° Le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières |
17° Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières |
12° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile |
18° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile |
Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français. |
16° Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français |
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19° Une indication du nombre de demandes d’asile comparant, pour chaque nationalité, le nombre de demandes déposées depuis le pays d’origine et le nombre de demandes déposées depuis le territoire français |
20° Une évaluation de l’application des accords internationaux conclus avec les pays d’émigration ainsi qu’avec leurs organismes de sécurité sociale. |
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté l’article 1er A modifié par plusieurs amendements :
deux amendements identiques, dont l’un de votre rapporteur général, ayant pour objet de supprimer le caractère obligatoire du débat annuel au Parlement ([23]) ;
un amendement de votre rapporteur, M. Olivier Serva, remplaçant le terme « métropole » par celui d’« hexagone » au troisième alinéa ([24]) ;
des amendements ayant pour objet d’ajouter de nouveaux indicateurs au rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement : « une évaluation de la capacité d’accueil des étrangers dans les préfectures et plus précisément le nombre de créneaux de rendez-vous comparé à celui des demandes » ([25]), la distinction du nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention ou en zone d’attente en distinguant « les mineurs accompagnés ou non accompagnés, sur tout le territoire hexagonal et ultra-marin » ([26]), « les moyens financiers et humains dévolus aux bureaux du droit des étrangers au sein des préfectures et les délais de traitement des demandes qu’ils sont chargés d’instruire » ([27]), une « évaluation de la dimension externe des migrations, et notamment des causes structurelles qui sont à l’origine des mouvements migratoires » ([28]) et une « évaluation des bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale » ([29]) ;
un amendement précisant que les observations jointes par l’OFII doivent préciser les suites données par l’autorité administrative aux avis rendus par son service médical ([30]) ;
un amendement modifié par un sous-amendement de votre rapporteur ([31]), réécrivant l’alinéa relatif à l’instauration du « quota » pour y prévoir que le Gouvernement présente chaque année au Parlement, pour les trois années à venir, ses objectifs indicatifs relatifs au nombre d’étrangers admis à entrer sur le territoire français et à y séjourner, par catégorie de visas et de titres de séjour. Les titres de séjour accordés aux bénéficiaires d’une protection internationale et les titres de séjour pour motif humanitaire ne sont pas concernés, et l’objectif en matière de visas et de titres de séjour pour un motif familial doit être établi dans le respect des principes qui s’y attachent.
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Article 1er BA (supprimé)
(art. L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Préciser que seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière peuvent contraindre un étranger à son réacheminement en cas de refus d’entrée
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à préciser que si, à la suite d’un refus d’entrée, l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger concerné en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l’y contraindre.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification législative.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
a. Le rôle des transporteurs en matière d’exécution des décisions de refus d’entrée à la frontière
Lorsque l’entrée en France est refusée à un étranger, l’entreprise de transport aérien ou maritime qui l’a acheminé est tenue de le ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, jusqu’au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ([32]). Si cela est impossible, l’étranger est ramené dans l’État qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis ([33]).
La règle est la même dès lors que l’étranger a été acheminé par une entreprise de transport routier exploitant des liaisons internationales sous la forme de lignes régulières, de services occasionnels ou de navette, à l’exclusion des trafics frontaliers.
S’agissant des entreprises de transport ferroviaire, celles-ci sont tenues, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, de mettre à la disposition de ces autorités des places permettant le réacheminement de l’étranger au-delà de la frontière française.
b. Les sanctions
Lorsque l’entreprise de transport aérien, maritime, routier ou ferroviaire ne respecte pas ses obligations de réacheminement et de prise en charge, elle est passible d’une amende administrative de 30 000 euros ([34]).
De même, le transporteur s’expose à des sanctions pour manquement à l’obligation de vigilance lors de l’embarquement (cf. commentaire de l’article 16 du présent projet de loi).
Le manquement aux obligations de l’entreprise de transport est constaté par un procès-verbal établi par un agent relevant d’une catégorie fixée par décret en Conseil d’État. L’entreprise de transport se voit remettre copie du procès-verbal et a accès au dossier. Elle est mise à même de présenter, dans un délai d’un mois, ses observations écrites sur le projet de sanction de l’autorité administrative ([35]).
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité en 2021 ([36]) relative à l’obligation de rapatriement, le Conseil constitutionnel a considéré que l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative ([37]) constituait « un principe inhérent de l’identité constitutionnelle de la France ». En conséquence, la décision de mettre en œuvre le réacheminement d’une personne non admise sur le territoire français relève de la compétence exclusive des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière : les transporteurs ne sont tenus que de prendre en charge ces personnes et d’assurer leur transport. L’obligation de surveillance de la personne réacheminée ou l’exercice sur elle d’une contrainte relèvent des seules compétences des autorités de police.
Dans la pratique, lorsque l’étranger en situation irrégulière a un « comportement récalcitrant », il est escorté par les services de la police aux frontières pour toute la durée du voyage.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Ce dispositif a été introduit en séance publique, au Sénat, par un amendement de M. Levi et cosignataires ([38]), qui a reçu un avis favorable du Gouvernement.
Il tend à compléter l’article L. 333-3 du CESEDA d’une disposition en application de laquelle, lorsque l’entrée en France est refusée à un étranger, et si l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son « comportement récalcitrant », seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière seront compétentes pour l’y contraindre.
L’exposé sommaire de l’amendement précise que ce dispositif tire les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel de 2021 précédemment mentionnée et que la difficulté résulte qu’en « l’absence de policiers, ces mêmes compagnies peuvent être contraintes de faire appel à des sociétés privées pour pouvoir réembarquer, parfois par la force, l’individu récalcitrant à bord. Or, […] les pouvoirs de police ne sauraient se voir déléguer à des personnes privées ». Cet article a ainsi pour objet de « réengager [l’État] dans les procédures de réacheminement ».
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté quatre amendements de suppression de l’article 1er BA, dont l’un de votre rapporteur général ([39]), qui considère en effet ses dispositions d’ores et déjà satisfaites.
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Article 1er BB (supprimé)
Demande de rapport étudiant la possibilité de mettre en place des visas « travailleur » et « entrepreneur » pour les ressortissants d’un pays membre de l’Organisation internationale de la Francophonie
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article comporte une demande de rapport au Gouvernement, étudiant la possibilité de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur » permettant à tout ressortissant d’un pays membre de l’Organisation internationale de la francophonie de bénéficier de conditions facilitantes d’accès au séjour.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
a. L’Organisation internationale de la francophonie
L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) remplit quatre missions : la promotion de la langue française, la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, le soutien à l’éducation et à la recherche et le développement de la coopération économique au service du développement durable. L’OIF compte 55 membres, 7 membres associés et 27 observateurs.
En matière de mobilités internationales, la France a développé des accords internationaux qui visent à faciliter le séjour de certains ressortissants francophones (par exemple l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui régit la circulation le séjour et le travail des Algériens en France). Au total, les accords bilatéraux signés par la France le sont principalement avec des pays francophones ([40]).
b. Les travailleurs étrangers dans les secteurs en tension
S’agissant de la problématique des travailleurs étrangers dans les secteurs en tension, voir le commentaire de l’article 3 du présent projet de loi.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Cet article a été introduit au Sénat, à l’occasion de l’adoption en Séance publique d’un amendement déposé par M. Joyandet et cosignataires ([41]), qui a reçu un avis favorable du Gouvernement.
Il dispose que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité, pour l’État, de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur », qui permettraient à tout ressortissant d’un pays membre de l’Organisation internationale de la Francophonie de « venir plus aisément en France, afin d’y occuper un emploi dans un secteur en tension ou d’y effectuer toute démarche utile à l’accomplissement de ses responsabilités économiques ».
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté deux amendements de suppression de l’article 1er BB ([42]).
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Article 1er BC (nouveau)
(art. L. 431-1-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Indication par l’autorité compétente des pièces et informations manquantes exigées pour le traitement d’une demande de titre de séjour
Introduit par la Commission
En l’état du droit, l’article L. 114-5 du code des relations entre le public et l’administration dispose notamment que « Lorsqu’une demande adressée à l’administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ».
2. Le dispositif introduit par la Commission
Cet article a été introduit en commission des Lois, à la suite de l’adoption de l’amendement n° CL1086 de Mme Caroline Abadie.
L’amendement adopté a pour objet de créer un nouvel article L. 431-1-1 dans le CESEDA, prévoyant que « L’autorité administrative compétente indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées pour le traitement de la demande [de titre de séjour] dans les conditions prévues par l’article L. 114‑5 du code des relations entre le public et l’administration ».
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Article 1er B
(art. L. 434-2, art. L 434-7 et art. L. 434-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Durcissement des conditions permettant à l’étranger de demander à bénéficier du regroupement familial
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à durcir les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent bénéficier du regroupement familial, en agissant à la fois sur le critère de la durée de séjour régulier requise, sur celui de l’âge minimal du conjoint pouvant bénéficier du regroupement familial et en renforçant le critère des ressources financières – en prévoyant que l’étranger doit disposer d’une assurance-maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a modifié l’article 1er B en supprimant les dispositions relatives à l’âge, à la durée de séjour et au périmètre de l’appréciation du critère de ressources. Elle a également précisé les modalités de l’appréciation des critères des ressources et du logement. Enfin, elle a ajouté à la rédaction que le demandeur doit joindre à sa demande, pour chaque personne faisant l’objet d’une demande de regroupement familial, un certificat nominatif de situation judiciaire ou de police de moins de six mois, délivré par les autorités compétentes du pays d’origine.
Le régime juridique du regroupement familial est un régime particulier de l’immigration familiale, encadré au niveau européen par la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial et au niveau national par le chapitre IV du titre III du livre IV de la partie législative du CESEDA.
Comme souligné par la Directive de 2003 : « le regroupement familial est un moyen nécessaire pour permettre la vie en famille. Il contribue à la création d’une stabilité socioculturelle facilitant l’intégration des ressortissants de pays tiers dans les États membres, ce qui permet par ailleurs de promouvoir la cohésion économique et sociale, objectif fondamental de la Communauté énoncé dans le traité ».
Il s’inscrit également dans le cadre de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui consacre le droit à mener une vie privée et familiale.
a. Les bénéficiaires
L’étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins 18 mois, sous couvert d’un des titres de validité d’au moins un an prévus par le CESEDA ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :
1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins 18 ans ;
2° Et par les enfants du couple mineurs de 18 ans ([43]).
Autres catégories de personnes pouvant bénéficier d’un regroupement familial
Catégories de personnes |
Conditions |
Article du CESEDA |
Enfants mineurs de 18 ans du demandeur et ceux de son conjoint |
Si : 1° la filiation n’est établie qu’à l’égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° ou lorsque l’autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux |
Art. L. 434-3 |
Enfants mineurs de 18 ans du demandeur et ceux de son conjoint |
Ces enfants doivent être confiés, selon le cas, à l’un ou l’autre, au titre de l’exercice de l’autorité parentale, en vertu d’une décision d’une juridiction étrangère. Une copie de la décision doit être produite ainsi que l’autorisation de l’autre parent de laisser le mineur venir en France. |
Art. L. 434-4 |
L’enfant qui peut bénéficier du regroupement familial est celui ayant une filiation légalement établie, y compris l’enfant adopté, en vertu d’une décision d’adoption et sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu’elle a été prononcée à l’étranger ([44]).
L’âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ([45]).
L’étranger fait sa demande auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Le préfet territorialement compétent ou, à Paris, le préfet de police en est immédiatement informé ([46]).
Aux termes de l’article L. 434-6 du CESEDA, peut néanmoins être exclu du regroupement familial :
1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ;
2° Un membre de la famille atteint d’une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;
3° Un membre de la famille résidant en France.
b. Les conditions
L’étranger, qui fait la demande d’être rejoint au titre du regroupement familial, doit remplir les trois conditions suivantes :
1° Justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ;
2° Disposer (au présent ou à la date d’arrivée de sa famille en France) d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ;
3° Se conformer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France ([47]).
Dispositions réglementaires relatives à l’appréciation des conditions du regroupement familial
S’agissant du critère des ressources : les ressources sont appréciées sur une période de 12 mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Elles sont considérées comme suffisantes lorsqu’elles atteignent un montant équivalent à cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes, cette moyenne majorée d’un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes et cette moyenne majorée d’un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ([48]) ;
S’agissant du critère de logement : pour l’application de ce critère, est considéré comme normal un logement qui présente une superficie habitable qui varie en fonction de la zone considérée, telle que définie à l’article R. 304-1 du code de l’urbanisme, en fonction du déséquilibre entre l’offre et la demande de logement. Selon la zone et la taille de la famille, la surface minimale doit être de 22 m2, 24 m2 ou 28 m2 ([49]). Le logement doit également satisfaire à des conditions de salubrité et d’équipement ([50]).
Ainsi, le regroupant doit réunir une condition de séjour régulier (de 18 mois minimum), des conditions liées au bon accueil des personnes le rejoignant (conditions financières et de logement) et une condition d’intégration (conformité aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France).
c. Évolution de l’immigration au titre du regroupement familial
Le rapport Les étrangers en France, remis au Parlement sur les données de l’année 2021, précise que cette même année :
85 844 personnes sont entrées en France au titre de l’immigration familiale (cette catégorie regroupe les « familles de Français » ([51]), les « membres de famille » et les « liens personnels et familiaux » ([52])) ;
29 301 personnes ont obtenu un titre « membre de famille ». Cette immigration familiale se décompose en cinq sous-catégories, parmi lesquelles le regroupement familial ([53]) ;
14 283 personnes ont bénéficié de la procédure de regroupement familial stricto sensu.
nombre de bénéficiaires du regroupement familial par année
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
10 835 |
12 149 |
12 115 |
10 041 |
14 283 |
Rapport « Les étrangers en France » remis au Parlement, Direction générale des étrangers en France, données de l’année 2021.
43 % des dossiers déposés l’ont été en Île-de-France ([54]).
Évolution des dossiers déposés et des décisions préfectorales en matière de regroupement familial, entre 2007 et 2021
Source : rapport d’activité de l’OFII pour l’année 2021.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. En commission des Lois
L’article 1er B, introduit par le Sénat en commission des Lois ([55]), durcit les conditions que le regroupant doit réunir pour bénéficier du regroupement familial :
il modifie l’article L. 434-2 du CESEDA pour allonger la durée de séjour régulier en France à partir de laquelle l’étranger peut demander à bénéficier du droit au regroupement familial, de 18 mois en l’état du droit à 24 mois ([56]) ;
il modifie l’article L. 434-7 du même code, pour préciser que les ressources du demandeur doivent également être « régulières » (en plus d’être « stables et suffisantes ») ;
il modifie ce même article pour ajouter une quatrième condition : le demandeur doit « disposer d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille » ([57]).
b. En Séance publique
En Séance publique, le Sénat a adopté un amendement, déposé par les rapporteurs ([58]) et ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement :
prévoyant en plus des dispositions adoptées en Commission que le conjoint du demandeur doit être âgé d’au moins 21 ans (et non plus 18 ans) ;
modifiant l’article L. 434-8 du CESEDA ([59]), relatif à l’appréciation des conditions de ressources, pour y prévoir que les ressources du demandeur et de son conjoint sont prises en compte indépendamment des aides personnelles au logement (APL) ([60]) et des primes accordées aux bénéficiaires de ces aides afin qu’ils déménagent pour s’assurer des conditions de logement plus adaptées ([61]).
3. La position de la Commission
La Commission a adopté plusieurs amendements.
Elle a, tout d’abord, adopté un amendement de votre rapporteur général ([62]) qui supprime les modifications apportées par le Sénat aux critères relatifs à la durée de séjour, à l’âge du conjoint et à l’appréciation des conditions de ressources au regard des APL. Les critères de la régularité des ressources, ainsi que celui de l’assurance maladie, ont toutefois été maintenus par cet amendement.
De surcroît, la Commission a adopté :
un amendement ([63]) disposant que les ressources doivent être d’origine licite et acquises conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ;
deux amendements précisant, d’une part, que « le demandeur ne joint pas à sa demande, pour chaque personne faisant l’objet d’une demande de regroupement familial, un certificat nominatif de situation judiciaire ou de police de moins de six mois délivré par les autorités compétentes du pays d’origine » ([64]) et, d’autre part, que lors de l’appréciation du critère du logement, les logements insalubres et les habitats indignes et informels ne sont pas considérés comme des logements normaux, indépendamment de la zone géographique ([65]).
*
* *
Article 1er C
(art. L. 434-7-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Conditionner l’entrée sur le territoire au titre du regroupement familial à la justification d’un niveau de langue
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à prévoir que l’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial est délivrée à l’étranger sous réserve qu’il justifie d’une connaissance élémentaire de la langue française.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
S’agissant de la présentation de la procédure de regroupement familial, voir le commentaire de l’article 1er B.
S’agissant plus singulièrement du critère de la maîtrise de la langue française par les étrangers résidant à l’étranger et demandant à bénéficier de la procédure de regroupement familial pour rejoindre le territoire français, l’article 7 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial dispose que « les États tiers membres peuvent exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment aux mesures d’intégration, dans le respect du droit national », ce qui semble permettre l’instauration d’un critère de maîtrise linguistique, sous réserve de son caractère proportionné. Conditionner l’autorisation au séjour au titre du regroupement familial à la justification d’un niveau linguistique pourrait néanmoins être susceptible de poser des difficultés de conformité au respect du droit à la vie privée et familiale, consacré à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et au principe d’égalité – cette mesure pourrait en effet avoir pour effet, par exemple, d’exclure certains ressortissants de pays dont la langue repose sur un alphabet différent du nôtre, les personnes analphabètes, les ressortissants de pays dans lesquels aucun, ou très peu, de cours de langue française existent, etc. Dans un arrêt de 2015 ([66]), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a observé que l’article 7 de la directive précédemment mentionnée « doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils réussissent un examen d’intégration civique, tel que celui en cause au principal, comprenant l’évaluation d’une connaissance élémentaire tant de la langue que de la société de l’État membre concerné et impliquant le paiement de différents frais, avant d’autoriser l’entrée et le séjour desdits ressortissants sur leur territoire aux fins du regroupement familial, si les conditions d’application d’une telle obligation ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit au regroupement familial ». La CJUE a estimé que le critère de proportionnalité ne serait pas respecté dans le cas où l’application de l’obligation empêcherait de manière automatique le regroupement familial des membres de la famille du regroupant lorsque, tout en ayant échoué à l’examen d’intégration, ceux-ci auraient apporté la preuve de leur volonté de réussir cet examen et des efforts qu’ils ont déployés à cette fin ([67]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
L’article 1er C du projet de loi, introduit par l’amendement n° COM‑199 déposé en commission des Lois du Sénat par les rapporteurs, crée un nouvel article L. 434-7-1 dans le CESEDA, instaurant une condition de regroupement familial reposant non sur le regroupant, mais sur les personnes souhaitant obtenir une autorisation de séjourner en France à ce titre.
En application de ce nouvel article, l’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial est délivrée à l’étranger sous réserve qu’il justifie au préalable, auprès de l’autorité compétente, par tout moyen, d’une connaissance de la langue française « lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes ». Dans leur rapport ([68]), les rapporteurs indiquent souhaiter fixer ce niveau de langue au niveau A1, soit le niveau le plus faible du Cadre européen commun de référence pour les langues.
Ils précisent également que la notion de « par tout moyen », permettant de justifier le niveau de langue, vise à englober par exemple la réussite d’un examen de langue, ou un simple entretien.
Le rapport du Sénat souligne en effet que l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et le Danemark exigent des personnes bénéficiant du regroupement familial qu’elles justifient d’un niveau de langue minimal dès avant leur entrée sur le territoire.
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
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Article 1er D
(art. L. 434-10-1 et. L. 434-11-1 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Renforcement du contrôle, par le maire, du respect des conditions de logement et de ressources dans le cadre de l’instruction des demandes de regroupement familial
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article a pour objet de renforcer le contrôle opéré par le maire sur les conditions de ressources et de logement du demandeur de regroupement familial, en prévoyant qu’il dispose pour la vérification de ces conditions d’un délai fixé par un décret en Conseil d’État et en prévoyant que l’absence d’avis rendu dans ce délai est réputée défavorable – le droit actuel prévoyant qu’il est réputé favorable.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a transformé le caractère réputé « défavorable » du maire, à l’expiration du délai, par un caractère seulement réputé « rendu », et a consacré dans la loi la possibilité donnée au maire, pour la vérification des conditions de ressources et de logement, d’avoir recours aux services de l’OFII par le biais d’une convention d’organisation conclue avec le directeur général de l’Office.
a. Le rôle du maire en matière d’instruction de la demande de regroupement familial
Comme précisé dans les commentaires des articles 1er B et 1er C (cf. supra.), l’étranger qui fait une demande de regroupement familial doit remplir trois conditions : une condition de ressources, une condition de logement et une condition de conformité aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France ([69]).
La section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV de la partie législative du CESEDA contient les dispositions relatives à l’instruction des demandes de regroupement familial. Elle prévoit que :
l’autorisation d’entrer en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial est donnée par l’autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de la résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir ([70]) ;
lorsque la vérification des conditions de logement n’a pas pu être effectuée car le demandeur ne disposait pas encore du logement nécessaire au moment de la demande, le regroupement familial peut être autorisé si les autres conditions sont remplies et après que le maire a vérifié sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition ([71]) ;
le maire, saisi par l’autorité administrative, peut également émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l’article L. 434-7 [la conformité aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil] ([72]).
La partie réglementaire du CESEDA précise ces dispositions.
Le maire dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception du dossier pour vérifier si les conditions de ressources et de logement sont remplies. Il dispose du même délai s’il a été saisi pour émettre un avis sur le respect des principes essentiels qui régissent la vie familiale en France ([73]).
À l’issue de ses vérifications sur les ressources et le logement du demandeur du regroupement familial, le maire transmet à l’OFII le dossier accompagné des résultats de ces vérifications de son avis motivé. En l’absence de réponse du maire à l’expiration du délai de deux mois à compter de la communication du dossier, l’avis est réputé favorable ([74]).
Si le maire a été saisi à cette fin par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, il dispose de deux mois pour transmettre son avis sur le respect par le demandeur du regroupement familial des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. En l’absence de réponse à l’expiration de ce délai, l’avis est réputé rendu ([75]).
L’avis du maire est obligatoire mais non conforme : il ne lie pas le préfet qui demeure la seule autorité administrative compétente pour accepter le regroupement familial.
b. Moyens de vérifications confiés au maire
Pour procéder à la vérification, le maire examine :
pour les conditions de ressources : les pièces mentionnées à l’annexe 10 de la partie réglementaire du CESEDA, par exemple le dernier avis d’imposition (ou de non-imposition), les justifications des versements des prestations sociales, et différentes catégories de documents selon que l’étranger est salarié, commerçant, artisan, en profession libérale, etc. ([76]). Le maire (de même que l’OFII) peut de surcroît saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi compétente d’une demande d’enquête sur l’emploi qui procure au demandeur du regroupement familial tout ou partie des ressources dont il fait état ([77]) ;
pour les conditions de logement : les pièces mentionnées à la même annexe (notamment : un justificatif de domicile de moins de trois mois, un bail et la dernière quittance de loyer si l’étranger est locataire, l’acte de propriété s’il est propriétaire). Des agents spécialement habilités des services de la commune ou, à la demande du maire, des agents de l’OFII peuvent procéder à la visite du logement pour vérifier s’il réunit les conditions minimales de confort et d’habitabilité ([78]). Cette vérification sur place donne lieu à l’établissement d’un compte rendu ([79]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. En commission des Lois
L’article 1er D du projet de loi crée deux nouveaux articles dans le CESEDA. Il résulte de l’adoption, en commission des Lois du Sénat, d’un amendement déposé par les rapporteurs ([80]).
Le premier article créé, l’article L. 434-10-1, dispose que le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification des conditions de logement et de ressources dans un délai fixé par décret. Il prévoit également qu’en l’absence de réponse à l’issue de ce délai, l’avis est réputé défavorable.
Cet article aurait pour effet d’inscrire dans la loi le fait que le maire dispose d’un certain délai pour procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources, et de renverser le sens de la présomption lorsque le maire n’a pas rendu d’avis dans le délai imparti sur la conformité aux conditions de ressources et de logement (qui est en l’état du droit favorable).
Le second article, l’article L. 434-11-1, prévoit que, lorsque les éléments recueillis au cours de l’instruction sont de nature à faire suspecter le caractère frauduleux de la demande ou l’existence de fausses déclarations, l’autorité compétente pour instruire la demande de regroupement familial peut demander au maire de la commune de résidence de l’étranger ou au maire de la commune où il envisage de s’établir de procéder à la vérification sur place des conditions de logement et de ressources.
L’exposé sommaire de l’amendement précise que cette possibilité serait sans préjudice de la possibilité prévue à l’article R. 434-19 du CESEDA permettant au maire de demander l’assistance des services des agents de l’OFII pour procéder à la visite du logement.
L’objectif de cet article est de renforcer l’investissement des communes dans ces missions et le contrôle des conditions de ressources et de logement pour les étrangers souhaitant bénéficier du regroupement familial.
b. En Séance publique
En Séance publique, le Sénat a adopté un amendement déposé par les rapporteurs ([81]), ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement, précisant que le décret fixant le délai laissé au maire pour procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources est le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 434-12 du CESEDA, relatif aux conditions d’application du chapitre relatif au regroupement familial.
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté deux amendements.
Le premier amendement ([82]), déposé par votre rapporteur général, inscrit dans la loi la disposition selon laquelle « Pour la vérification des conditions de ressources et de logement mentionnées à l’article L. 434‑10‑1, le recours du maire aux services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration peut faire l’objet d’une convention d’organisation conclue avec le directeur général de l’office » et précise que les conditions d’application de l’article sont fixées par décret en Conseil d’État.
Le second amendement ([83]) substitue à la disposition en application de laquelle en l’absence d’avis rendu par le maire, l’avis est réputé « défavorable », une disposition selon laquelle, dans un tel cas, cet avis est seulement « réputé rendu ».
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Article 1er EA (supprimé)
(art. L. 423-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Durcissement des conditions permettant à un étranger marié avec un ressortissant français de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale »
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article durcit les critères permettant à un étranger marié avec un ressortissant français de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », en ajoutant aux critères existants des critères relatifs aux ressources, au logement et à la détention d’une assurance maladie.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
Aux termes de l’article L. 423-1 du CESEDA, l’étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° La communauté de vie n’a pas cessé depuis le mariage ;
2° Le conjoint a conservé la nationalité française ;
3° Lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français.
Ce dispositif a été introduit par un amendement de Mme Eustache-Brinio et cosignataires ([84]) ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement et adopté en Séance publique. Il vise à compléter l’article L. 421-1 du CESEDA précédemment mentionné de trois conditions supplémentaires, directement inspirées des critères du regroupement familial :
- L’étranger justifie de ressources stables, régulières et suffisantes ;
- L’étranger dispose ou disposera à la date de son arrivée en France d’un logement considéré comme normal pour un ménage sans enfant ou deux personnes, vivant dans la même région géographique ;
- L’étranger dispose d’une assurance maladie.
Il ajoute également que les conditions d’application de cet article sont fixées par décret en Conseil d’État.
L’exposé sommaire de l’amendement justifie ainsi ce dispositif : « S’il est inenvisageable de faire peser sur les Français concernés des obligations ayant trait à leur niveau de ressources ou leurs conditions de logement, il est difficilement justifiable que leurs conjoints étrangers puissent séjourner régulièrement en France sans autre condition que la communauté de vie, au risque de faire parfois peser sur la communauté nationale le poids de leur assimilation à celle-ci ».
Ces dispositions, en tant qu’elles appliquent à l’étranger marié avec un ressortissant français les conditions applicables au regroupement familial, pourraient méconnaître de façon disproportionnée le droit des ressortissants de nationalité française à mener leur vie privée et familiale normale sur le territoire national, au regard des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté six amendements de suppression de l’article 1er EA – parmi lesquels un amendement de votre rapporteur général ([85]). Celui-ci a en effet considéré que ses dispositions étaient susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale, tel que consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
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Article 1er EB
(art. L. 432-1-1 [nouveau], 421-5-1 [nouveau] et 432‑6‑1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Élargissement des conditions permettant, par décision motivée de l’autorité administrative, de refuser la délivrance ou le renouvellement de certains titres de séjour ou de les retirer
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à élargir les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut, par une décision motivée, refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, ou encore la retirer.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé la totalité des dispositions de l’article, à l’exception de celle relative au retrait de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du code pénal, lorsque ceux-ci sont commis sur le titulaire d’un mandat électif public, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.
a. Refus de délivrance et de renouvellement d’une carte de séjour temporaire, pluriannuelle ou de résident
En application de l’article L. 432-1 du CESEDA, la délivrance d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d’une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public.
Le renouvellement peut également être refusé, par une décision motivée, à l’étranger qui cesse de remplir l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations ([86]).
b. Retrait d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle
De la même manière, une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut être retirée dans, notamment, les hypothèses suivantes :
par une décision motivée, si la présence en France de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ([87]) ;
par une décision motivée, si l’étranger cesse de remplir l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations ([88]). La décision de retrait ne peut intervenir qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations ;
si l’étranger a commis des faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40, 224-1-A à 224-1-C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1 et 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, au 7° de l’article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du code pénal, présentés dans le tableau ci-après ([89]) :
Article du code pénal |
Faits |
222-34 |
Direction ou organisation d’un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants |
222-35 |
Production ou fabrication illicites de stupéfiants |
222-36 |
Importation ou exportation illicites de stupéfiants |
222-37 |
Transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi illicites de stupéfiants Fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l’usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d’ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant |
222-38 |
Fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur de l’une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 (cf. supra) ou d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l’une de ces infractions |
222-39 |
Cession ou offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle |
222-40 |
Tentative des délits mentionnés aux articles 222-36 à 222-39 (cf. supra) |
224-1-A |
Réduction en esclavage |
224-1-B |
Exploitation d’une personne réduite en esclavage |
224-1-C |
Crimes figurant aux articles 224-1-A et 224-1-B commis à l’égard de publics vulnérables (mineur, personne vulnérable en raison de son âge, d’une maladie, etc.) |
225-4-1 |
Traite des êtres humains |
225-4-2 |
Infraction de l’article 225-4-1 commise avec certaines circonstances aggravantes (à l’égard de plusieurs personnes, avec l’emploi de violences, etc.) |
225-4-3 |
Infraction de l’article 225-4-1 commise en bande organisée |
225-4-4 |
Infraction de l’article 225-4-1 commise en recourant à des tortures ou à des actes de barbarie |
225-4-7 |
Tentative des délits de traite des êtres humains (figurant aux articles 225-4-1 et 225-4-4) |
225-5 |
Proxénétisme |
225-6 |
Infractions assimilées au proxénétisme (par exemple, faire office d’intermédiaire entre deux personnes, dont l’une se livre à la prostitution et l’autre exploite ou rémunère la prostitution d’autrui) |
225-7 |
Proxénétisme commis à l’égard de certains publics (mineurs, personne vulnérable en raison de son âge, etc.) |
225-7-1 |
Proxénétisme commis à l’égard d’un mineur de quinze ans |
225-8 |
Proxénétisme commis en bande organisée |
225-9 |
Proxénétisme commis en recourant à des tortures ou des actes de barbarie |
225-10 |
Autres infractions relatives au proxénétisme (par exemple détenir, gérer, exploiter un établissement de prostitution) |
225-11 |
Tentative des délits figurant aux articles 225-5 à 225-10 |
225-12-1 |
Fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution (en récidive, sauf lorsque la personne qui se livre à la prostitution est mineure, vulnérable, etc.) |
225-12-2 |
Infraction de l’article 225-12-1 commise dans certaines circonstances (de façon habituelle ou à l’égard de plusieurs personnes par exemple) |
225-12-5 |
Exploitation de la mendicité |
225-12-6 |
Exploitation de la mendicité commise à l’égard de certains publics (mineur, personne vulnérable, etc.) ou d’une certaine manière (emploi de violences, etc.) |
225-12-7 |
Exploitation de la mendicité commise en bande organisée |
225-13 |
Fait d’obtenir d’une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli |
225-14 |
Fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine |
225-14-1 |
Travail forcé |
225-14-2 |
Réduction en servitude |
225-15 |
Infractions figurant aux articles 225-13, 225-14, 225-14-1 et 225-14-2 commises à l’égard de certains publics (notamment un mineur) |
7° de l’article 311-4 |
Vol commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs |
312-12-1 |
Fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d’un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien |
321-6-1 |
Fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d’une de ces infractions ; ou fait de faciliter la justification de ressources fictives pour des personnes se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect ; lorsque les crimes et délits sont commis par un mineur sur lequel la personne ne pouvant justifier ses ressources a autorité ; les infractions commises constituent les crimes ou délits de traite des êtres humains, d’extorsion ou d’association de malfaiteurs ou les délits et crimes en matière d’armes et de produits explosifs prévus par les articles 222-52 et 222-53 du code pénal, par les articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-2 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure ; les infractions commises constituent les crimes ou délits de trafic de stupéfiants, y compris en cas de relations habituelles avec une ou plusieurs personnes faisant usage de stupéfiants. |
2. Le dispositif introduit par le Sénat
L’article 1er EB a été introduit par un amendement de M. Karoutchi et cosignataires ([90]), adopté en séance publique après avoir recueilli l’avis favorable du Gouvernement, et modifié par un sous-amendement de Mme Aeschlimann ([91]), ayant également recueilli un avis favorable du Gouvernement.
Trois articles sont ainsi créés dans le CESEDA.
a. Premier article, relatif aux conditions de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour
Le premier, l’article L. 432-1-1, dispose que la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, en plus des situations déjà prévues par le droit et par une décision motivée, être refusé à tout étranger :
1° N’ayant pas satisfait à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français dans les formes et délais prescrits par l’autorité administrative ;
2° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 [relatif aux faux] et 441-2 [relatif au faux commis dans un document délivré par une administration publique] du code pénal ;
3° Ayant les commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 222‑34 à 222‑40, 224‑1 A à 224‑1 C, 225‑4‑1 à 225‑4‑4, 225‑4‑7, 225‑5 à 225‑11, 225‑12‑1 et 225‑12‑2, 225‑12‑5 à 225‑12‑7, 225‑13 à 225‑15, au 7° de l’article 311‑4 et aux articles 312‑12‑1 et 321‑6‑1 du code pénal (cf. tableau supra) ;
4° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du même code [consacré aux crimes et aux délits contre les personnes] lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public, ou toute personne mentionnée aux 4° ([92]) et 4° bis ([93]) de l’article 222‑12 ou à l’article 222‑14‑5 ([94]) dudit code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ([95]).
Cet article a donc pour effet d’étendre les conditions dans lesquelles la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée.
b. Deuxième et troisième articles, relatifs aux conditions de retrait d’une carte de séjour temporaire pluriannuelle
Le deuxième, l’article L. 432-5-1, prévoit qu’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 [faux et usage de faux] et 441-2 du code pénal [faux commis dans un document délivré par une administration publique].
Le troisième, l’article L. 432-6-1, précise qu’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du code pénal, lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public, ou sur toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222‑12 ou à l’article 222‑14‑5 du même code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ([96]).
Ces deux articles créés tendent à élargir les situations permettant, par décision motivée, de retirer une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle.
Ainsi et d’après l’exposé sommaire de l’amendement, ce dispositif « tend à offrir à l’autorité administrative un pouvoir d’appréciation renforcé à l’égard d’individus dont les agissements tendent à montrer que leur assimilation à la communauté française devrait être difficile ».
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté un amendement de réécriture de l’article, déposé par votre rapporteur général ([97]). Il en résulte une suppression de la totalité de ses dispositions, à l’exception de celle qui dispose qu’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle « peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du code pénal ([98]) lorsque ceux-ci sont commis sur le titulaire d’un mandat électif public, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ».
*
* *
Article 1er EC (supprimé)
(art. L. 423‑6, L. 423‑10 et L. 423‑16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Allongement de plusieurs délais conditionnant l’octroi de la carte de résident d’une durée de dix ans pour certains motifs familiaux
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à allonger, de trois à cinq ans, plusieurs conditions permettant de bénéficier d’une carte de résident d’une durée de dix ans.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
La loi permet à un étranger justifiant d’attaches familiales particulières en France (et remplissant certaines conditions) de bénéficier d’une carte de résident d’une durée de dix ans. Est ainsi concerné :
l’étranger marié depuis au moins trois ans à un ressortissant français, s’il séjourne régulièrement en France depuis trois ans, que la communauté de vie entre époux n’a pas cessé depuis le mariage, que le conjoint a conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, qu’il a été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français : il s’agit du cas prévu à l’article L. 423-6 du CESEDA ([99]) ;
l’étranger marié à un autre étranger titulaire d’une carte de résident, s’il a été admis à séjourner au titre du regroupement familial et qu’il justifie d’une résidence régulière et ininterrompue de trois ans : il s’agit du cas prévu à l’article L. 423-16 du même code ([100]) ;
l’étranger qui est père ou mère ([101]) d’un enfant mineur français résidant en France, s’il dispose d’une carte de séjour depuis au moins trois ans ([102]), comme prévu à l’article L. 423-10 du même code ([103]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([104]), qui a recueilli un avis de sagesse du Gouvernement, visant à durcir, dans les trois cas précédemment présentés, les conditions permettant l’octroi de la carte de résident. Aujourd’hui fixé à trois ans, le délai exigé passerait ainsi à cinq ans en ce qui concerne :
l’ancienneté du mariage et de la durée de séjour en France de l’étranger, pour le cas de l’étranger conjoint de Français prévu à l’article L. 423-6 du CESEDA ;
la durée du séjour régulier et ininterrompu, s’agissant du conjoint d’un étranger titulaire de la carte de résident (article L. 423-16 du même code) ;
la durée depuis laquelle l’étranger qui est père ou mère d’un enfant français résidant en France est titulaire de son titre de séjour (article L. 423-10 du même code).
3. La position de la Commission
La Commission a adopté huit amendements de suppression de l’article 1er EC, parmi lesquels celui de votre rapporteur général ([105]).
*
* *
Article 1er E
(art. L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Restriction des conditions d’obtention du titre de séjour « étranger malade »
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Les articles 1er E et 1er F restreignent les modalités d’obtention du titre de séjour temporaire vie privée et familiale pour « étranger malade ». En particulier, ils suppriment le critère tenant à l’accès effectif aux soins dans le pays d’origine, pour le remplacer par un critère de disponibilité des soins dans ce pays, et posent un principe de non-remboursement des soins prodigués aux étrangers bénéficiaires de ce titre de séjour par l’Assurance maladie.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a introduit une dérogation au secret médical afin de permettre aux médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sous réserve de l’accord de l’étranger, de demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires pour rédiger l’avis médical servant à l’instruction des demandes de titre de séjour étranger malade.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a maintenu le principe de prise en charge des soins du patient détenteur du titre de séjour « étranger malade » par l’Assurance maladie. Elle a prévu, dans l’évaluation du critère de disponibilité du traitement dans le pays d’origine de l’étranger, l’existence d’une circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par le préfet, après avis du service médical de l’OFII.
Un étranger malade peut obtenir une carte de séjour d’un an « vie privée et familiale » pour soins, sous réserve de respecter plusieurs conditions précisées aux articles L. 425-9 et suivants du CESEDA. L’étranger doit ainsi :
– résider habituellement en France ;
– ne pas constituer une menace pour l’ordre public ;
– être dans l’impossibilité de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine ;
La condition tenant au bénéfice effectif d’un traitement approprié dans le pays d’origine
La notion de bénéfice effectif d’un traitement approprié a évolué au gré des majorités politiques. Elle figurait dès l’introduction de cette disposition dans le CESEDA en 2005, mais a été remplacée par celle, moins restrictive, tenant à l’« absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi » par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, avant d’être réintroduite dans la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
L’article 3 de l’arrêté du 5 janvier 2017 ([106]) précise les modalités d’appréciation de ce critère. Cet article précise en particulier que « les possibilités de prise en charge des pathologies graves [dans le pays d’origine] sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s’appuyant sur une combinaison de sources d’informations sanitaires. L’offre de soins s’apprécie notamment au regard de l’existence de structures, d’équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l’affection en cause. L’appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d’accéder effectivement à l’offre de soins et donc au traitement approprié. »
Le Conseil d’État a déduit du critère d’absence effectif de traitement approprié que « l’autorité administrative doit s’assurer que l’intéressé pourra effectivement [bénéficier des possibilités de traitement existant dans le pays d’origine] en vérifiant notamment l’accessibilité réelle (coûts du traitement, modes de prise en charge) et l’existence de circonstances exceptionnelles liées à la situation particulière de l’intéressé. » ([107])
– avoir un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité. L’article 4 de l’arrêté du 5 janvier 2017 précité précise ce critère ([108]).
L’étranger remplissant ces conditions peut constituer un dossier de demande de titre à la préfecture. Il doit, à cette fin, faire remplir un certificat médical par son médecin traitant ou par le médecin praticien hospitalier, qu’il transmet à un médecin de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, l’Office a en effet remplacé les agences régionales de santé (ARS) dans l’étude de la situation médicale des personnes sollicitant le titre de séjour « étranger malade ».
Principales pathologiques indiquées dans les demandes reçues en 2021 et comparaison avec l’année 2020
Pathologies |
Total 2021 |
Part 2021 |
Part 2020 |
Certaines maladies infectieuses et parasitaires ([109]) |
5 765 |
27,2 % |
26,8 % |
Maladies de l’appareil circulatoire |
4 809 |
22,7 % |
21 % |
Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques |
3 876 |
18,3 % |
17,4 % |
Troubles mentaux du comportement |
3 495 |
16,5 % |
17,1 % |
Tumeurs |
2 917 |
13,8 % |
14,1 % |
Source : rapport au Parlement 2021 de l’OFII établi en application de l’article L. 425-9 du CESEDA
Ce médecin peut convoquer l’étranger pour un examen médical et, s’ils le jugent nécessaire, lui demander des examens complémentaires. En outre, et depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, le CESEDA prévoit une exception au secret médical afin de lui permettre, avec l’accord de l’étranger, de solliciter les professionnels de santé qui en disposent des informations médicales nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
À l’issue de ces examens, le médecin rédige un rapport, qu’il transmet à un collège de médecins du service médical de l’OFII, chargé de rendre pour l’Office un avis médical motivé ([110]). Le collège peut, à cette fin, demander à celui ayant rempli le certificat médical, celui ayant rédigé le rapport, ou à tout professionnel de santé, de lui communiquer tout complément d’information d’utile, examiner l’étranger ou solliciter des examens complémentaires.
La décision d’octroi de cette carte de séjour est prise par le préfet, après avis du collège de médecins. Si ce collège estime dans son avis que les conditions d’octroi du titre de séjour sont réunies, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée.
La procédure de titres de séjour pour étrangers malades et parents d’enfants malades accompagnants
Source : rapport 2022 de l’OFII.
Depuis le 1er janvier 2017, le service médical de l’OFII a évalué 140 000 demandes de titres de séjour pour soins, pour un taux moyen d’avis favorable de 57,1 % sur 5 ans.
Évolution annuelle des demandes reçues à l’OFII
|
Total |
Évolution en % par rapport à 2017 |
Fluctuations annuelles N/N-1 |
2017 |
43 935 |
|
|
2018 |
29 876 |
- 32 % |
- 32 % |
2019 |
29 406 |
- 33,1 % |
- 1,6 % |
2020 |
25 987 |
- 40,9 % |
- 12 % |
2021 |
27 702 |
- 36,9 % |
+ 6,6 % |
Source : rapport au Parlement 2021 de l’OFII établi en application de l’article L. 425-9 du CESEDA
Les taux de 2020 restent liés à la situation pandémique avec la fermeture des frontières et des échanges internationaux
L’Algérie représentait la première nationalité chez les demandeurs d’un titre de séjour sur ce fondement en 2021, comptant pour un peu moins de 10 % des demandeurs, devant les personnes de nationalité ivoirienne (6,7 %), congolaise (5,8 %) et guinéennes (5,6 %).
Des étrangers déjà insérés dans le parcours de soin Le dispositif « étranger malade » permet l’obtention d’un titre de séjour aux individus déjà insérés dans un parcours de soin, c’est-à-dire déjà suivis par des professionnels de santé. Les demandeurs peuvent en effet bénéficier d’un suivi médical et à une prise en charge de leurs soins dans le cadre du dispositif de l’aide médicale d’État (AME) soins urgents ([111]), l’AME de droit commun ([112]) ou soit via la protection maladie universelle (PUMa) pour toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière depuis au moins trois mois.
|
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a souhaité, par deux amendements COM-201 des rapporteurs (portant création de l’article 1er E) et COM-83 du sénateur Le Rudulier (portant création de l’article 1er F), restreindre les modalités d’obtention du titre de séjour temporaire vie privée et familiale pour soin.
a. L’absence de traitement approprié dans le pays d’origine
L’article 1er E supprime la condition tenant à l’absence d’accès effectif à un traitement adapté dans le pays d’origine, pour la remplacer par une condition tenant à l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, revenant ainsi à la rédaction en vigueur avant la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
b. Des traitements non remboursés par l’Assurance maladie
Le même article exclut que cette prise en charge soit supportée par l’Assurance maladie. Selon les rapporteurs de la commission des lois du Sénat, « il reviendrait donc au Gouvernement, par des conventions bilatérales, de déterminer les conditions dans lesquelles les systèmes assurantiels étrangers, publics ou privés, peuvent financer cette prise en charge », sachant que « la France est déjà liée par de telles conventions à une quarantaine d’États, comme le rappelle le centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) » sur son site internet.
c. Le partage d’informations médicales sans l’accord préalable de l’étranger
L’article 1er E supprime la nécessité d’obtenir l’accord de l’étranger pour permettre aux médecins de l’office de demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Il renvoie la fixation des modalités de ces échanges d’information à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Cnil.
d. Les « conséquences d’une exceptionnelle gravité » précisées dans la loi
L’article 1er F précise la notion de « conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Les sénateurs ont souhaité introduire dans la loi les dispositions figurant actuellement au premier alinéa de l’article 4 de l’arrêté du 5 janvier 2017 précité. La rédaction proposée par le Sénat paraît néanmoins plus restrictive, car visant seulement les cas où le défaut de prise en charge entraîne une « altération significative de l’une de ses fonctions importantes », au lieu d’une « détérioration de ses fonctions importantes » dans la définition proposée par arrêté.
Article 4 de l’arrêté du 5 janvier 2007 |
Rédaction issue des travaux de la commission des Lois du Sénat |
Les conséquences d’une exceptionnelle gravité résultant d’un défaut de prise en charge médicale (…) sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l’intéressé ou détérioration d’une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences.
Cette condition des conséquences d’une exceptionnelle gravité résultant d’un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l’état de santé de l’étranger concerné présente, en l’absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une altération significative d’une fonction importante.
Lorsque les conséquences d’une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu’à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l’exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l’état de santé de l’intéressé de l’interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d’origine. |
Les conséquences d’une exceptionnelle gravité, au sens du premier alinéa du présent article, s’apprécient compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou l’altération significative de l’une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. |
Ces deux articles n’ont fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
3. La position de la Commission
La commission a adopté ces deux articles, chacun modifié par un amendement de votre rapporteur général.
a. Les modifications apportées à l’article 1er E
L’amendement CL1649 de votre rapporteur général porte deux modifications de l’article 1er E.
● Cet amendement prévoit, d’une part, le maintien de la prise en charge des soins par l’Assurance maladie. Si le Sénat renvoyait aux conventions bilatérales de sécurité sociale signées entre la France et une quarantaine de pays dans le monde le soin de prévoir ce remboursement, un tel dispositif ne semble aujourd’hui pas opérant.
Les conventions bilatérales de sécurité sociale sont des accords juridiques passés entre deux États. Elles servent à coordonner les législations de sécurité sociale entre la France et son pays partenaire, afin de garantir un maximum de droits à protection sociale aux personnes en situation de mobilité.
Néanmoins, toutes les conventions bilatérales ne contiennent pas les mêmes dispositions et elles sont plus ou moins complètes. Si elles comprennent a minima des dispositions relatives au détachement des travailleurs ainsi qu’à la prise en compte des périodes d’assurance pour les pensions dans le domaine de la vieillesse, voire de l’invalidité, toutes ne comportent pas de stipulations relatives à la couverture des frais de santé. Il existe donc très peu de dispositions sur les soins de santé en matière de séjour temporaire.
Par ailleurs, les ressortissants de pays tiers bénéficient des mêmes droits en matière de protection sociale que les ressortissants français s’ils disposent d’un droit au séjour sur le territoire national. En effet, l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose que tout étranger en situation régulière, et donc détenteur d’un titre de séjour, peut bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé au titre de la protection universelle maladie (PUMA) s’il réside en France depuis au moins trois mois. Les règles d’accès à la sécurité sociale ne sont donc pas directement liées à une catégorie de titres de séjour particulière ou, plus généralement, à une politique migratoire particulière.
● Ce même amendement a pour objet de mieux prendre en compte la jurisprudence constitutionnelle afin d’assurer la constitutionnalité de l’article 1er E. Dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil a en effet relevé que « d'une part, en adoptant le critère d’ "absence" d'un traitement approprié dans le pays d'origine ou de renvoi, le législateur a entendu mettre fin aux incertitudes et différences d'interprétation nées de l'appréciation des conditions socio-économiques dans lesquelles l'intéressé pouvait "effectivement bénéficier" d'un traitement approprié dans ce pays ; que, d'autre part, en réservant le cas d'une circonstance humanitaire exceptionnelle, il a souhaité que puissent être prises en compte les situations individuelles qui justifient, nonobstant l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine ou de renvoi, le maintien sur le territoire français de l'intéressé ».
Il semble ainsi nécessaire de rétablir l’appréciation d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle », afin de reprendre dans leur entièreté les critères qui prévalaient entre 2011 et 2016.
b. Les modifications apportées à l’article 1er F
Par un amendement CL1650 de votre rapporteur général, la commission des Lois a précisé la définition des « conséquences d’une exceptionnelle gravité » introduite par le Sénat dans la loi, en s’en tenant à la lettre de cette définition telle qu’elle figure à l’article 4 de l’arrêté du 5 janvier 2007.
Elle a ainsi substitué à la notion d’ « altération significative » de l’une des fonctions importantes du demandeur celle de « détérioration ».
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Article 1er F
(art. L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Restriction des conditions d’obtention du titre de séjour étranger malade
Adopté par la Commission avec modifications
Le commentaire de l’article 1er F est proposé sous l’article 1er E.
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Article 1er GA (supprimé)
(art. L. 412-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Dépôt d’une caution pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire « étudiant »
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, ajouté par le Sénat au cours de l’examen du projet de loi en séance publique, conditionne la première obtention d’un titre de séjour étudiant au dépôt préalable d’une caution.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a voté plusieurs amendements de suppression de cet article.
a. Le régime d’accueil de droit commun des étudiants étrangers
L’étranger étudiant dans un établissement d’enseignement secondaire en France et disposant de « moyens d’existence suffisants » peut solliciter l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant", valide pour une durée inférieure ou égale à un an ([113]).
Ce niveau minimal de ressources est actuellement fixé à 615 euros par mois ([114]) , que l’étranger doit justifier soit par la production de ses trois dernières fiches de paie, soit par une attestation bancaire de solde créditeur suffisant, soit, s’il est pris en charge par un tiers, par les attestations bancaires de la programmation de virements réguliers ou une attestation sur l’honneur de versement des sommes permettant d’atteindre le montant requis ([115]). Sous certaines conditions, la justification d’un niveau minimal de ressources financières peut cependant être levée ([116]).
Après un an de présence en France, l’étudiant étranger peut bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle étudiant, dont la durée est égale au nombre d’années restant à courir dans le cycle d’études dans lequel il est inscrit (voir commentaire sous l’article 1er G).
b. Une augmentation tendancielle du nombre de titres de séjours délivrés aux étudiants étrangers
Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, la délivrance de titres de séjour pour études ne cesse d’augmenter. En 2021, plus de 88 000 CSP ont été délivrées à des étudiants étrangers, faisant de l’immigration étudiante le premier motif d’admission au séjour en France.
Évolution des primo-délivrances de titres de séjour pour motif étudiant
Source : commission des Lois, à partir des données publiques du ministère de l’intérieur. Pour l’année 2022, le chiffre proposé est une estimation.
En comparant les années 2017 à 2022, la DGEF observe une augmentation des primo-délivrances de titres de 25,27 %. Cette hausse globale n’est cependant pas uniforme sur l’ensemble des pays de provenance des étudiants internationaux ([117]). Par ailleurs, pour les seules années 2021 et 2022, la DGEF relève une augmentation de 14,06 % du nombre de primo-arrivants pour motif d’études sur le territoire national, qu’elle explique par deux facteurs :
– d’une part, le nombre d’étudiants ressortissants de certains pays ayant connu une baisse durant la crise sanitaire, ces étudiants reviennent au fur et à mesure, entraînant une augmentation particulièrement marquée sur ces deux années pour ces pays de 2021 à 2022 ([118]) ;
– d’autre part, le nombre d’étudiants en provenance de certains pays a augmenté de 2021 à 2022 – sans que cette augmentation ne puisse être corrélée à la crise sanitaire ([119]).
Le dispositif Bienvenue en France / Choose France
Selon la DGEF, l’augmentation du flux d’étudiants internationaux sur le territoire national résulte de la stratégie d’attractivité de la France vis-à-vis de ce public. Cette politique interministérielle, dont les objectifs et axes ont été définis par le Premier ministre en 2018, se décline sous le vocable « Bienvenue en France/Choose France » et vise à attirer d’avantage d’étudiants étrangers en France, avec un objectif d’un demi-million d’étudiants accueillis d’ici 2027 afin que la France, qui est actuellement le quatrième pays d’accueil au monde – et premier non anglophone – conserve son rang dans la compétition internationale tendant à attirer les étudiants en mobilité.
Dans le cadre de cette stratégie, des efforts sont mis en œuvre en vue de simplifier les procédures administratives des étudiants : délivrance des visas et des titres de séjour, accès à la protection médicale et sociale, mise en œuvre d’un programme d’accueil uniformisé au niveau national, qui constituent un motif d’attraction de la France.
Dans le cadre de la stratégie Bienvenue en France, la procédure de demande de titre de séjour pour études a été déployée prioritairement, en septembre 2020, sur la plateforme d’Administration Numérique des Étrangers en France (ANEF), plateforme dématérialisée consacrée aux étrangers en France. Un module de validation en ligne des visas de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) y est accessible depuis février 2019.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par un amendement n° 340 rect. de M. Roger Karoutchi, le Sénat a, en séance publique, inséré un nouvel article L. 412-11 dans le CESEDA prévoyant que la première délivrance d’une carte de séjour temporaire « étudiant » soit désormais subordonnée au dépôt par l’étranger d’une caution.
Cette caution est restituée à l’étranger lorsqu’il quitte la France à l’expiration du titre, en cas de renouvellement du titre ou en cas d’obtention d’un autre titre de séjour. En revanche, la caution est définitivement retenue lorsque l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement.
Les conditions d’application de l’article seront précisées par décret en Conseil d’État.
3. La position de la Commission
La mise en place d’un cautionnement pour la première délivrance d’une carte de séjour temporaire « étudiants », introduite en séance publique au Sénat, n’apparaît pas opportune. D’une part, elle constitue une rupture d’égalité entre les étudiants. D’autre part, elle risque de fragiliser encore plus les étudiants internationaux, qui subissent eux aussi le phénomène de précarité étudiante. Ce dispositif, fortement désincitatif, s’inscrit à rebours des objectifs d’attractivité de la France, et compliquera l’instruction des dossiers de demande de titre par les postes diplomatiques.
En conséquence, la commission des Lois a adopté onze amendements portant suppression de l’article, dont un amendement CL1651 de votre rapporteur général ([120]).
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Article 1er G
(art. L. 411-4 et L. 432-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Renforcement du contrôle du caractère réel et sérieux des études des bénéficiaires d’une carte de séjour pluriannuelle « étudiant »
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article 1er G du projet de loi instaure une nouvelle obligation de justification annuelle du caractère réel et sérieux des études poursuivies en France par les étudiants bénéficiaires d’une carte de séjour pluriannuelle « étudiant » et permet le retrait de cette carte en cas de non-respect par l’étudiant de cette obligation.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a précisé que le caractère réel et sérieux des études s’apprécie notamment en tenant compte de l’assiduité et de la présentation aux examens.
L’article L. 411-4 du CESEDA pose pour principe qu’une carte de séjour pluriannuelle (CSP) a une durée de validité de quatre ans.
Ce même article établit ensuite une liste d’exceptions à ce principe. Parmi eux, le 8° dispose que la CSP des étudiants étrangers a une durée « égale à celle restant à courir du cycle d’études dans lequel est inscrit l’étudiant, sous réserve du caractère réel et sérieux des études, apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l’intéressé, un redoublement par cycle d’études ne remettant pas en cause, par lui-même, le caractère sérieux des études. »
Le caractère réel et sérieux des études
Le critère d’appréciation du caractère réel et sérieux des études est précisé par la circulaire IMII0800042C du 7 octobre 2008.
Cette appréciation repose en particulier sur trois critères :
– l’assiduité aux travaux dirigés et la présence aux examens ;
– le contrôle de la progression des études. À ce titre, le redoublement de l’étudiant ne constitue pas en soi un obstacle au renouvellement de son titre de séjour, mais « si l’étudiant a subi trois échecs successifs et n’a pas été en mesure de valider une seule année au terme de trois années d’études » les préfets peuvent « considérer qu’il n’établit pas le caractère réel et sérieux de ses études », sauf si des motifs sérieux peuvent justifier ces échecs ;
– le contrôle du sérieux des études à l’occasion d’un changement de cursus.
Si cette carte donne droit à l’exercice, à titre accessoire, d’une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle, l’article L. 432-9 du CESEDA dispose que la CSP délivrée à l’étudiant étranger peut lui être retirée si ce dernier ne respecte pas cette limite.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par un amendement COM-205 des rapporteurs portant création de l’article 1er G, la commission des Lois du Sénat a souhaité mieux encadrer les modalités de contrôle du caractère réel et sérieux des études poursuivies par les étudiants étrangers admis au séjour en France. Cet article prévoit deux dispositions :
– d’une part, il impose aux étudiants étrangers de justifier annuellement du caractère réel et sérieux de leurs études, les modalités d’appréciation de ce caractère étant fixées par décret en Conseil d’État ;
– d’autre part, il prévoit la possibilité de retrait de la CSP aux étudiants étrangers ne respectant pas cette nouvelle obligation.
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté un amendement CL608 de M. Michel Castellani précisant que le caractère réel et sérieux des études poursuivies en France par les étudiants étrangers s’apprécie notamment en prenant en considération leur assiduité et leur présence aux examens. Elle a adopté l’article 1er G ainsi modifié.
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Article 1er HA (supprimé)
(art. L. 719-4 du code de l’éducation)
Majoration des frais de scolarité des étudiants étrangers en mobilité internationale
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit en séance publique au Sénat, consacre dans la loi le principe de majoration des frais de scolarité pour les étudiants étrangers en mobilité internationale, actuellement prévu par arrêté.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a voté plusieurs amendements portant suppression de cet article.
L’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur permet aux universités de fixer des montants de frais de scolarité majorés pour les étudiants extra-communautaires. Son article 8 prévoit ainsi des frais de scolarité de 2 770 euros pour un diplôme de niveau licence et 3 770 euros pour un diplôme de niveau master.
Attaqué devant le Conseil d’État, ce décret n’a pas été invalidé par le juge administratif ([121]). Le Conseil d’État a en effet considéré, d’une part, que ces montants ne représentent qu’une fraction du coût total de la formation, largement assumé par les pouvoirs publics, et, d’autre part, que des aides et exonérations existent pour les étudiants extra-communautaires. Il en a déduit que cette disposition ne constituait pas un obstacle au principe d’accès égal à l’instruction.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, issu d’un amendement n° 341 rect. de M. Stéphane Piednoir, introduit le principe de majoration des frais de scolarité des étudiants internationaux dans la loi.
Il complète à cette fin le premier alinéa de l’article L. 719-4 du code de l’éducation, consacré aux établissements d’enseignement supérieur, qui dispose notamment que ces établissements « reçoivent des droits d’inscription versés par les étudiants et les auditeurs. »
L’article L. 719-4 du code de l’éducation dans sa version actuelle
Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel disposent, pour l’accomplissement de leurs missions, des équipements, personnels et crédits qui leur sont attribués par l’État. Ils peuvent disposer des ressources provenant notamment de la vente des biens, des legs, donations et fondations, rémunérations de services, droits de propriété intellectuelle, fonds de concours, de la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles et de subventions diverses. Ils reçoivent des droits d’inscription versés par les étudiants et les auditeurs. Ils peuvent recevoir des subventions d’équipement ou de fonctionnement des régions, départements et communes et de leurs groupements.
Dans le cadre des orientations de la planification, le ministre chargé de l’enseignement supérieur, après consultation du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, répartit les emplois entre les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi qu’entre les instituts et les écoles qui en font partie, au vu de leurs programmes et compte tenu, le cas échéant, des contrats d’établissement et de critères nationaux ; il affecte dans les mêmes conditions les moyens financiers aux activités d’enseignement, de recherche et d’information scientifique et technique ; il attribue à cet effet des subventions de fonctionnement et, en complément des opérations financées par l’État, des subventions d’équipement.
L’article HA précise ainsi que ces droits d’inscription « sont majorés pour les étudiants étrangers en mobilité internationale ».
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté neuf amendements portant suppression de l’article, dont un amendement CL1652 de votre rapporteur général ([122]). Elle a en effet estimé que le niveau réglementaire était le plus pertinent pour prévoir les modalités de majoration des frais de scolarité des étudiants en mobilité.
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Article 1er H
Expérimentation d’une instruction « à 360 degrés » des demandes de titres de séjour
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article met en place, dans cinq à dix départements et pour une durée de trois ans, une expérimentation de l’instruction « à 360 degrés » des demandes de titre de séjour.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a élargi le périmètre de l’expérimentation à l’ensemble des titres de séjour, prévu au moins un député ultramarin parmi les départements expérimentateurs et apporté plusieurs précisions d’ordre rédactionnel à l’article.
Dans une étude parue en 2020 consacrée à la simplification du contentieux des étrangers ([123]), le Conseil d’État observait que « l’administration est confrontée à des demandes successives d’étrangers qui s’étalent dans le temps, sur différents fondements. Il n’est pas rare qu’un étranger demande d’abord l’asile, puis le réexamen de sa demande si elle est rejetée par l’OFPRA et la CNDA, avant de solliciter un titre de séjour en raison de son état de santé, puis de le faire à nouveau en se prévalant de sa vie privée et familiale, avant de demander son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et suivants du CESEDA, ou du pouvoir de régularisation de l’administration. » Le Conseil d’État préconisait ainsi de procéder, dès le stade administratif, à un examen exhaustif du droit au séjour du demandeur.
Dans son rapport d’information de mai 2022, « Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité » ([124]), la commission des Lois du Sénat relevait qu’une telle pratique était déjà, dans les faits, intégrée aux politiques de certaines préfectures. Le rapport cite en particulier la préfecture de police de Paris et les préfectures du Rhône et des Bouches-du-Rhône, qui pratiquent une forme d’évaluation « à 360 degrés » lorsque la demande de titre de séjour a peu de chances d’aboutir.
À l’issue de la publication du rapport du Conseil d’État, une expérimentation a été engagée sur six mois en 2022 au sein du département de Maine-et-Loire. Son périmètre était néanmoins limité aux seuls renouvellements de titre de séjour de ressortissants étrangers présents de longue date sur le territoire national et dont la situation est susceptible d’avoir évolué au cours de leur séjour. Les rapporteurs de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi observent qu’« en l’absence de base légale ad hoc, la portée de cette expérimentation était toutefois structurellement limitée puisqu’elle n’empêchait en rien le dépôt d’une nouvelle demande sur un autre motif en cas de refus. »
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par deux amendements identiques des rapporteurs (amendement COM-203) et de M. André Reichardt (amendement COM-38), la commission des Lois du Sénat a introduit une disposition expérimentale de l’instruction « à 360 degrés » des demandes de titres de séjour, entrant en vigueur pour une durée maximale de trois ans, six mois après la promulgation de la loi.
Dans le cadre de cette expérimentation, qui concernerait cinq à dix départements déterminés par un arrêté du ministre chargé de l’immigration, le préfet, lorsqu’il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour, devrait examiner l’ensemble des motifs susceptibles de fonder la délivrance de tous les titres de séjour que l’étranger est en droit de solliciter.
Afin de permettre l’instruction complète de son dossier, l’expérimentation prévoit que le demandeur transmet, à l’appui de sa demande, l’ensemble des éléments justificatifs nécessaires à l’autorité administrative pour prendre une décision. L’administration pourra délivrer à l’intéressé, sous réserve de son accord, un titre de séjour différent de celui qui faisait l’objet de sa demande initiale.
À l’issue de cet examen, et en cas de refus de la demande de titre de séjour, l’ensemble des demandes ultérieures formulées par l’étranger serait irrecevable, sauf s’il fait état de faits ou d’éléments nouveaux intervenus après la décision de refus ou dont il est avéré qu’il n’a pu en avoir connaissance qu’après cette décision. Afin d’éviter que ces éléments nouveaux procèdent du seul écoulement du temps, l’article 1er H dispose que « l’administration examine toute nouvelle demande en prenant en compte la durée de résidence sur le territoire national et l’ancienneté professionnelle de l’étranger à la date de l’introduction de la première demande ».
Enfin, six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport visant à apprécier l’opportunité d’une généralisation du dispositif, et exposant notamment les effets de l’expérimentation sur le nombre de demandes de titres de séjour et de recours contentieux introduits.
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté quatre amendements CL1729, CL1730, CL1731 et CL1732 de votre rapporteur général.
Ceux-ci étendent le périmètre de l’expérimentation à l’ensemble des titres de séjour, précisent les conditions d’appréciation du caractère nouveau des éléments versés au dossier du demandeur, et portent plusieurs corrections de nature rédactionnelle.
Enfin, ils introduisent une présomption de caractère abusif ou dilatoire de toute nouvelle demande d’enregistrement. En présumant le caractère abusif ou dilatoire de la demande dès lors que l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français édictée moins d’un an auparavant, l’amendement vise à sécuriser juridiquement le refus d’enregistrement de cette demande.
Par ailleurs, la Commission a adopté un amendement CL610 de M. Olivier Serva afin d’inclure au moins un département ultramarin dans l’expérimentation.
Elle a adopté l’article 1er H ainsi modifié.
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Article 1er I (supprimé)
(Titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles)
Remplacement de l’aide médicale d’État par une aide médicale d’urgence
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article 1er I du projet de loi supprime l’aide médicale d’État (AME), qu’il remplace par une aide médicale d’urgence (AMU) prenant uniquement en charge la prophylaxie, le traitement des maladies graves et certains soins urgents, ceux liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a conditionné la prise en charge de certains soins à un délai d’ancienneté au sein du dispositif AME, sauf si le défaut de soin emporte des conséquences vitales ou graves et durables sur l’état de santé de la personne. Elle a par ailleurs réduit le nombre d’interlocuteurs habilités à recevoir et traiter les demandes d’AME.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de l’article.
L’aide médicale d’État (AME) est un dispositif de santé permettant d’assurer une protection médicale aux étrangers qui ne peuvent être affiliés à un régime de sécurité sociale en raison de leur situation irrégulière au regard de la réglementation relative au séjour en France.
L’AME repose sur deux principes :
– un principe éthique et humanitaire. Ce dispositif permet en effet aux personnes concernées d’avoir accès aux soins préventifs et curatifs nécessaires à la protection de leur santé ;
– un principe de protection de la population, en évitant la propagation de maladies infectieuses ;
Elle vise également à protéger le système de santé français, en évitant en particulier une sursollicitation des services des urgences.
Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles en détermine le régime juridique.
Le premier chapitre détermine, d’une part, les différents types de publics bénéficiaires de l’AME et dresse, d’autre part, la liste des dépenses pouvant être prises en charge.
● L’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles détermine trois catégories de personnes éligibles à l’AME :
– l’AME dite de droit commun, qui bénéficie aux étrangers remplissant trois conditions : se trouver en situation irrégulière, résider en France de manière ininterrompue depuis au moins trois mois, et disposer de ressources inférieures au plafond prévu pour bénéficier de la complémentaire santé solidaire ([125]). Ce régime bénéficie également aux personnes à la charge de l’étranger ([126]) ;
Le profil des bénéficiaires de l’AME Selon le projet annuel de performances du programme 183 « Protection maladie » annexé au projet de loi de finances pour 2023, 411 364 étrangers étaient bénéficiaires de l’AME de droit commun au 31 décembre 2022, dont 46 193 en outre-mer. La population concernée est particulièrement jeune : 70 % d’entre eux ont moins de 40 ans et 25 % sont des mineurs. Les femmes représentent 44 % de l’effectif total. Parmi ces personnes inscrites au dispositif, seules 294 073 d’entre elles, soit 71 %, ont reçu au moins un remboursement pour un soin au cours du dernier trimestre 2022. Évolution du nombre de bénéficiaires de l’ame de droit commun
Source : projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances Une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) parue en 2019 relevait, à partir de données collectées auprès d’un échantillon de personnes étrangères sans titre de séjour, qu’à peine 51 % des personnes éligibles bénéficieraient effectivement de l’AME ([127]). L’étude révélait en particulier que la part des personnes éligibles ayant recours à l’AME augmente avec la durée du séjour en France, ce qui tend à démontrer, selon les auteurs, que les personnes arrivant sur le territoire n’ont dans l’ensemble pas connaissance de ce dispositif. Après plus de cinq années de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour ne disposeraient toujours pas de l’AME. |
– l’AME dite humanitaire, bénéficiant aux étrangers n’ayant pas leur résidence habituelle en France, et dont l’état de santé le justifie. Le cas échéant, l’AME est accordée par décision individuelle du ministre chargé de l’action sociale. La prise en charge des soins peut n’être que partielle ;
– l’AME destinée aux étrangers gardés à vue sur le territoire national, qu’ils résident en France ou non.
● L’article L. 251-2 du même code dresse le périmètre des soins pris en charge au titre de l’AME, qui peuvent être rassemblés en quatre ensembles :
– les frais de soins, comprenant « la couverture des frais de médecine générale et spéciale, les frais de soins et de prothèses dentaires, les frais pharmaceutiques et d’appareils, les frais d’examens de biologie médicale, y compris la couverture des frais relatifs aux actes d’investigation individuels, les frais d’hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d’éducation professionnelle, les frais des séances d’accompagnement psychologique, ainsi que des frais d’interventions chirurgicales, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d’examens et de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives » ([128]) ; les frais de transport des personnes se trouvant dans l’obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ainsi que pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de sécurité sociale ([129]) ; les frais de soins, ainsi que les frais de transport des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ([130]) ;
Le code de l’action sociale et des familles précise cependant que ces frais peuvent ne pas être pris en charge, s’agissant des seuls bénéficiaires majeurs, si les actes médicaux n’ont pas été qualifiés de moyens ou d’importants, ou lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie.
– la couverture des frais de soins et d’hospitalisation afférents à l’interruption volontaire de grossesse, les frais relatifs aux examens de dépistage et les frais afférents à certaines vaccinations ;
– l’ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques, d’analyse et d’examens de laboratoires, d’appareils et d’hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l’accouchement et à ses suites ;
– le forfait journalier, intégralement pour les mineurs et partiellement pour les autres bénéficiaires.
Cette prise en charge est assortie de la dispense d’avance des frais. Toutefois, depuis la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, les sixième et septième alinéas prévoient, sauf pour les mineurs et certains cas particuliers, une participation financière des bénéficiaires, dans des conditions prévues par décret. Ce décret n’a cependant pas été pris.
● Depuis 2020 ([131]), la prise en charge de certains soins ne revêtant pas un caractère d’urgence est conditionnée à un délai d’ancienneté au sein du dispositif AME de 9 mois au plus, sauf pour les mineurs, et sauf si le défaut de soin emporte des conséquences vitales ou graves et durables sur l’état de santé de la personne. L’ensemble des soins concernés est précisé dans la partie réglementaire du CASF ([132]). Lorsque de tels soins sont sollicités par le bénéficiaire, leur prise en charge doit ainsi être autorisée au préalable par le service du contrôle médical.
Selon les données transmises par la direction de la sécurité sociale (DSS), entre le 1er janvier 2021, date de mise en œuvre de cette disposition, et le 31 mars 2023, 25 demandes d’accord préalable ont été adressées aux caisses d’assurance maladie. 17 ont été jugées irrecevables – car le bénéficiaire était dans le dispositif depuis plus de neuf mois ou que la prestation en question n’était pas soumise à cette procédure – sept ont fait l’objet d’un refus, et une seule a fait l’objet d’un accord.
Depuis 2020, la première demande d’AME de droit commun ([133]) est déposée par le demandeur en personne auprès d’un organisme d’assurance maladie, chargé de l’instruire au nom de l’État ou, par exception, auprès d’un établissement de santé où le demandeur est pris en charge ([134]).
Services sociaux et associations agréées peuvent seulement assister les demandeurs dans leurs démarches. L’ensemble de ces structures, ainsi que les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale et les services sanitaires et sociaux du département de résidence, peuvent en revanche recueillir les demandes de renouvellement de l’AME, qu’elles transmettent pour instruction à l’organisme d’assurance maladie.
L’AME est accordée pour une durée d’un an. Afin d’éviter une forme de « tourisme sanitaire » la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 conditionne la validité de l’AME sur la durée au respect de la stabilité de la résidence en France ([135]).
Répartition des effectifs selon la durée de résidence en France au premier trimestre 2023
Moins d’un an |
Entre un et deux ans |
Entre deux et trois ans |
Plus de trois ans |
27 % |
11 % |
6 % |
55 % |
Source : DSS
L’article L. 254-1 du CASF prévoit le remboursement de soins urgents, dispensés par les hôpitaux aux patients étrangers en situation irrégulière qui ne peuvent bénéficier de l’AME, faute notamment de remplir la condition de séjour irrégulier de 3 mois en France, ainsi qu’aux demandeurs d’asile majeurs pendant le délai de carence de 3 mois avant leur accès à la protection universelle maladie (PUMa). Ces soins sont réglés aux établissements de santé par l’assurance maladie et font l’objet d’une prise en charge forfaitaire par l’État.
Sont considérés comme soins urgents, au titre de cet article, ceux dont l’absence mettrait en jeu le « pronostic vital » ou conduirait « à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ».
Les dépenses d’aide médicale sont prises en charge par l’État ([136]). Budgétairement parlant, les crédits afférents sont inscrits dans le programme 183 « protection maladie » de la mission santé.
Évolution des crédits de paiement consacrés à l’aide médicale d’État
Source : commission des Lois, à partir des données figurant dans les projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances
L’augmentation sensible du budget consacré à l’AME s’explique, d’une part, par un élargissement du nombre de bénéficiaires et, d’autre part, par un effet prix important, notamment sur les tarifs hospitaliers. S’agissant de l’AME de droit commun, pour l’année 2024, le projet annuel de performance (PAP) annexé au PLF 2024 indique que le montant prévisionnel des dépenses d’AME s’élèverait à 1 137 milliards d’euros soit une augmentation de 5,4 % par rapport à la prévision 2023.
Le contrôle des dossiers de demande d’AME
Le dispositif de l’AME fait l’objet de contrôles approfondis, tant au moment de l’instruction de la demande, que lors de l’attribution de la carte et de la prise en charge des soins.
Depuis 2020, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) s’assurent désormais de la présence physique des primo-demandeurs de l’AME, le dépôt des dossiers devant être effectué en personne par les demandeurs. Un contrôle similaire a lieu une fois le droit accordé, le bénéficiaire devant alors retirer sa carte dans les locaux de sa CPAM.
Lors de l’instruction de la demande, les services instructeurs contrôlent le respect des critères permettant l’accès au dispositif. En particulier, le contrôle du caractère irrégulier du séjour a été renforcé depuis 2020 ([137]), les services instructeurs pouvant désormais accéder à la base de données VISABIO et vérifier ainsi l’absence de visa du demandeur.
Au stade de l’acceptation de la demande, des contrôles sont réalisés a priori par les services de l’agent comptable sur un échantillon de dossiers afin de s’assurer de la présence et de la conformité des pièces justificatives, de l’exactitude des ressources déclarées, du respect des critères de résidence et de la qualité de l’enregistrement du droit dans le système d’information. En 2022, 15,3 % des dossiers ont fait l’objet d’un tel contrôle.
Les bénéficiaires de l’AME sont également intégrés aux contrôles a posteriori de l’Assurance maladie, qui concernent tous les assurés. Ces contrôles concernent notamment les « méga consommants », c’est-à-dire des contrôles ciblés sur les médicaments au coût particulièrement élevé aux fins de détection des recours aux soins abusifs, voire des prises en charge frauduleuses.
Enfin, un programme national de contrôle est mis en œuvre, depuis 2019, pour vérifier la stabilité de la résidence en France de l’ensemble des assurés et des bénéficiaires de l’AME. Ces contrôles reposent en particulier sur la consultation de bases de données détectant les multi-hébergeurs, l’exploitation de signalements d’organismes et les échanges avec les consulats, à l’occasion dune demande de visa ou d’une naturalisation par mariage.
En 2022, les dépenses en prestations hospitalières de l’AME s’élevaient à 619,5 millions d’euros et 126 millions d’euros ont été dépensés pour l’achat de médicaments.
Décomposition de la dépense moyenne par bénéficiaire entre les neuf postes de dépense de santé
Source : DSS, à partir des données transmises par la CNAM
Rapportée au total des dépenses de l’assurance maladie, l’AME représente environ 0,5 % des dépenses de santé.
● En commission des Lois, le Sénat a substitué à l’AME une aide médicale d’urgence (AMU), modifiant à cette fin le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles.
Sous les mêmes critères de résidence et de ressources que ceux actuellement applicables pour l’AME, l’étranger serait éligible à l’AMU, sous réserve de s’être acquitté d’un droit annuel.
La mise en place d’un droit de timbre
La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 prévoyait l’acquittement d’un droit de timbre de 30 euros, à compter du 1er mars 2011. Cette évolution a été considérée comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ([138]).
Un rapport de l’IGF et de l’IGAS, remis au Gouvernement en novembre 2010, recommandait néanmoins de ne pas instaurer de droit de timbre pour bénéficier de l’AME. Les auteurs de ce rapport considéraient en effet le risque d’un accroissement des dépenses au-delà de l’économie escomptée ; le risque sanitaire associé à des retards de soins ; et un effet de responsabilisation sur la dépense de soins estimé très faible sur les bénéficiaires de l’AME.
Ce droit de timbre a finalement été supprimé par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
L’article L. 251-2 du CASF réécrit par le Sénat dresse la liste des prestations qui seraient prises en charge :
1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;
2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;
3° Les vaccinations réglementaires ;
4° Les examens de médecine préventive.
● En séance publique, le Sénat a précisé et complété les dispositions relatives à l’AMU.
Par un amendement n° 624 des rapporteurs, il a conditionné le bénéfice de l’AMU au respect d’un critère de résidence depuis plus de trois mois en France et a prévu que, s’agissant des personnes résidant depuis moins de trois mois en France mais pouvant bénéficier de l’AMU sur décision du ministre chargé de l’action sociale, la prise en charge des soins peut n’être que partielle.
Cet amendement prévoit en outre un rapport annuel au Parlement présentant l’activité des organismes d’assurance maladie en matière d’AMU, son coût et les données générales recueillies en matière de santé publique, ainsi qu’une entrée en vigueur différée du dispositif, au 1er juin 2024.
Par un amendement n° 358 rect. bis de M. Christian Klinger, le Sénat a substitué à la notion de « douleurs aiguës » introduite en commission celle de « soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître », reprenant ainsi la formulation figurant actuellement à l’article L. 254-1 du CASF pour les soins urgents.
Restriction de l’accès au système de santé publique pour les étrangers en situation irrégulière : l’exemple espagnol
Le décret du 20 avril 2012 a fortement limité dans son article 3 ter l’accès des migrants en situation irrégulière au système de santé publique. Dans le but de réduire les dépenses de santé dans un contexte de consolidation des finances publiques, plusieurs conditions ont été introduites pour réduire l’accès aux soins : hormis pour les femmes enceintes, les demandeurs d’asile et les mineurs, seuls les soins urgents sont pris en charge gratuitement. En outre, les médicaments prescrits doivent être payés par les patients. Une fois la situation d’urgence prise en charge par les services de santé, la personne en situation irrégulière était renvoyée chez elle. Selon le gouvernement espagnol, cette mesure a eu pour effet de retirer près de 160 000 cartes de santé appartenant à des migrants en situation irrégulière.
Cette mesure aurait emporté des effets négatifs sur le plan de la santé publique. D’abord, la restriction de l’accès aux soins serait ([139]) à l’origine d’une hausse de 15 % du taux de mortalité des migrants entre la période d’avant la réforme (pré 2012) et d’après (2013-2015). Ensuite, les maladies infectieuses semblent s’être davantage propagées après l’adoption de la restriction de l’accès aux soins. En ce sens, le Centre national d’épidémiologie a mis en évidence une hausse de la prévalence d’hépatite B alors que la période d’avant la réforme était marquée par une tendance baissière. Enfin, la restriction de l’accès aux soins a eu des effets directs sur les populations atteintes de maladies chroniques notamment les maladies cardiovasculaires, le cancer ou le diabète. La plate-forme « REDER » estime à 1500 le nombre de personnes décédées entre janvier 2014 à juillet 2015 faute de soins.
En pratique, la mise en œuvre des dispositions nationales s’est heurtée à des obstacles politiques des autonomies. Disposant de compétences d’application de la politique de santé, plusieurs autonomies n’ont que partiellement suivi les orientations nationales sur le sujet : ainsi seules 8 sur 17 d’entre elles les ont appliquées entre 2012-2014.
Cette situation a donné lieu à un contentieux constitutionnel entre le gouvernement central et les autonomies notamment Pays Basque et Valence. Ce contentieux a été tranché par la Cour constitutionnelle en décembre 2017 laquelle a précisé qu’aucun texte régional ne saurait étendre l’accès aux soins à un champ de bénéficiaires plus large que celui précisé par les orientations nationales du décret du 20 avril 2012.
En outre, cette décision a suscité une mobilisation de la société civile en Espagne. D’abord, les associations ont constitué une plate-forme « REDER » rassemblant près de 150 associations en faveur de la restauration de la couverture universelle. Ensuite, la communauté médicale nationale a fortement condamné cette décision, ainsi de l’association « le Forum des médecins urgentistes » l’a dénoncée dans une lettre publique au motif qu’elle était contraire au code de déontologie médicale. Les associations internationales « Médecins du Monde » et « Médecins sans frontière » se sont également mobilisées.
Dans un contexte d’alternance politique, le nouveau gouvernement fait de la couverture médicale universelle un argument essentiel de sa campagne. Il a, par un décret du 27 juillet 2018, ré-ouvert l’accès des migrants en situation irrégulière à l’ensemble des soins couverts par la couverture médicale de droit commun et appliquée aux citoyens espagnols. Aux termes de l’article 3 ter du décret, il est en effet précisé que « les personnes étrangères non enregistrées, ni autorisées à résider en Espagne ont droit à la protection de leur santé et accès aux soins dans les mêmes conditions que les personnes disposant de la nationalité espagnole ».
Ce droit est néanmoins encadré par plusieurs dispositions notamment destinées à [dissuader] « le tourisme de santé » :
- les patients doivent être dépourvus de toute assurance maladie dans leur pays d’origine ;
- une partie du coût du traitement est prise en charge : ces patients doivent payer 40 % du prix du marché des médicaments qui leur sont administrés ;
- une condition de résidence de trois mois doit être remplie : les migrants doivent prouver qu’ils résident sur le territoire depuis plus de 90 jours ; pour accéder à la liste d’attente des greffes, cette condition de résidence atteint 2 ans ;
- en l’absence de preuve de résidence de trois mois, les migrants en situation irrégulière doivent se rendre auprès des services sociaux de l’autonomie lesquels après examen de la situation leur délivre un carnet autorisant l’ouverture de l’accès aux soins.
L’accès aux soins des migrants en situation irrégulière s’inscrit dans un cadre décentralisé. L’article 3 ter du décret du 27 juillet 2018 précise que les autonomies sont chargées d’en préciser les modalités de mise en œuvre (démarches administratives, structures de santé dédiées) et d’en financer l’intervention. Cette décentralisation emporte des contraintes pour les migrants en situation irrégulière notamment pour ceux qui n’ont pas pu prouver qu’ils ont résidé plus de 90 jours en Espagne, lesquels ne peuvent se faire soigner que dans les structures situées dans l’autonomie qui leur a délivré le carnet d’ouverture des droits d’accès aux soins. Enfin, les autonomies doivent informer le ministère de la Santé des procédures qu’elles mettent en place.
Source : L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions, rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS, octobre 2019.
La Commission a estimé que les débats relatifs à l’aide médicale d’État ne trouvaient pas leur place dans le projet de loi. Elle a, en conséquence, adopté les quatorze amendements de suppression de l’article, dont le CL1653 déposé par votre rapporteur général ([140]).
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Article 1er J
(art. L. 1113-1 du code des transports)
Suppression des réductions tarifaires dans les transports en commun pour les étrangers en situation irrégulière
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article 1er J exclut les étrangers en situation irrégulière du champ de l’obligation faite aux autorités organisatrices de la mobilité d’accorder des réductions tarifaires sur leurs titres de transport sous conditions de ressources.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article sans modification.
Depuis son instauration par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », l’article L. 1113-1 du code des transports prévoit la possibilité, pour les personnes dont les ressources sont inférieures au plafond prévu pour bénéficier de la complémentaire santé solidaire ([141]), de bénéficier d’une réduction tarifaire d’au moins 50 % sur leurs titres de transport ou d’une aide équivalente, quel que soit leur lieu de résidence.
Cette disposition bénéficie aussi aux étrangers en situation irrégulière. Ainsi, le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF, devenu Île-de-France Mobilités), qui avait créé plusieurs dispositifs de réduction de ses tarifs de transport en application de la loi SRU, avait souhaité, par une délibération du 17 février 2016, exclure des bénéficiaires de ces réductions les étrangers bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME), c’est-à-dire ceux résidant en France de manière irrégulière.
Par un jugement du 25 janvier 2018 ([142]), le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération, estimant qu’elle méconnaissait les dispositions de l’article L. 1113-1 du code des transports, qui ne conditionnent pas le bénéfice de telles réductions à une condition de régularité du séjour en France.
Selon les chiffres transmis par Île-de-France Mobilités, cette mesure permettrait une économie de 35 millions d’euros, environ 80 000 personnes bénéficiaires de l’AME disposant d’une réduction de 50 % de leur forfait mensuel. Cette somme est cependant à comparer au montant total des recettes tarifaires, qui s’élevait à près de 4 milliards d’euros en 2018.
Par un amendement COM-61 de M. Philippe Tabarot, la commission des Lois du Sénat a complété l’article L. 1113-1 du code des transports par un nouvel alinéa, disposant que les personnes ne résidant pas sur le territoire français de manière régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France ne peuvent bénéficier de la réduction tarifaire prévue par cet article.
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Article 1er K (supprimé)
(art. L. 312-4-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Délivrance d’un visa long séjour de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Depuis le 1er janvier 2021, les ressortissants britanniques souhaitant séjourner sur le territoire français sont soumis à plusieurs procédures d’entrée en France, qui diffèrent en fonction de la durée de leur séjour :
– si le séjour est inférieur à 90 jours sur une période de 180 jours, les ressortissants britanniques n’ont pas à fournir de visa, mais doivent en revanche être en mesure de présenter les justificatifs habituellement requis pour tout ressortissant de pays tiers, en fonction du motif de leur voyage (ressources, hébergement, assurance de voyage, etc.) ;
– si le séjour en France est d’une durée comprise entre trois mois et un an, ils doivent faire une demande de visa long séjour leur permettant de résider plus de trois mois en France pendant 180 jours glissants ;
– si la durée de séjour est supérieure à un an, ils doivent solliciter une carte de séjour pluriannuelle.
Pendant la période transitoire ouverte après le référendum britannique sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, un accord de retrait a par ailleurs facilité les procédures administratives pour les ressortissants britanniques installés en France, leur permettant d’obtenir, dans des conditions facilitées, un titre de séjour de cinq à dix ans.
Considérant néanmoins que les procédures actuelles ne sont pas satisfaisantes, le Sénat a souhaité, en séance publique, adopter l’amendement n° 489 rect ter de Mme Martine Berthet – présenté comme un amendement d’appel – visant à « alléger les modalités d’entrée sur le territoire français des citoyens britanniques propriétaires de résidences secondaires en France ».
Cet amendement créé un nouvel article L. 312-4-1 au sein du CESEDA permettant la délivrance de plein droit d’un visa long séjour aux seuls ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté deux amendements CL616 de M. Christophe Naegelen et CL1294 de Mme Blandine Brocard portant suppression de cet article.
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Article 1er L (supprimé)
(art. L. 822-1 A [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Délit de séjour irrégulier
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit en séance publique au Sénat, réinstaure un délit de séjour irrégulier sur le territoire national, sanctionné d’une peine d’amende.
Dernières modifications législatives intervenues
Le délit de séjour irrégulier, alors sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, a été abrogé par le législateur en 2016 ([143]).
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de l’article.
L’article L. 621-1 du CESEDA sanctionnait d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende l’entrée irrégulière ou le maintien sans titre sur le territoire français. Il permettait au juge de prononcer également une interdiction de territoire pendant un délai maximal de trois ans, cette interdiction entraînant de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement.
Interprétant les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour », et en particulier son article 8, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, dans un arrêt du 28 avril 2011 mettant en cause une disposition de droit italien, estimé que l’imposition d’une peine privative de liberté aux étrangers en situation irrégulière était contraire à la directive.
L’article 8 de la directive retour, consacré à l’éloignement de l’étranger
1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7.
2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l’article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu’après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l’article 7, paragraphe 4, apparaisse.
3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l’éloignement.
4. Lorsque les États membres utilisent — en dernier ressort — des mesures coercitives pour procéder à l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers qui s’oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d’usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en œuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l’intégrité physique du ressortissant concerné d’un pays tiers.
5. Lorsque les États membres procèdent aux éloignements par voie aérienne, ils tiennent compte des orientations communes sur les mesures de sécurité à prendre pour les opérations communes d’éloignement par voie aérienne, annexées à la décision 2004/573/CE.
6. Les États membres prévoient un système efficace de contrôle du retour forcé.
En particulier, la CJUE a relevé que « les États membres ne sauraient prévoir, en vue de remédier à l’échec des mesures coercitives adoptées pour procéder à l’éloignement forcé (…) une peine privative de liberté (…) pour le seul motif qu’un ressortissant d’un pays tiers continue, après qu’un ordre de quitter le territoire national lui a été notifié et que le délai imparti dans cet ordre a expiré, de se trouver présent de manière irrégulière sur le territoire d’un État membre, mais ils doivent poursuivre leurs efforts en vue de l’exécution de la décision de retour qui continue à produire ses effets. » ([144])
La Cour reconnaît cependant que des dispositions de caractère pénal peuvent être adoptées lorsque les mesures prévues par la directive s’avèrent insuffisantes. Elle a ainsi jugé que, « dans une situation dans laquelle [les mesures prévues par la directive] n’ont pas permis d’atteindre le résultat escompté, à savoir l’éloignement du ressortissant d’un pays tiers contre lequel elles ont été édictées, les États membres restent libres d’adopter des mesures, même de caractère pénal, permettant notamment de dissuader ces ressortissants de demeurer illégalement sur le territoire de ces États ».
En conséquence, la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a abrogé cet article.
À l’occasion d’un contrôle de la détention d’un titre de séjour valide par les forces de l’ordre, un étranger ne justifiant pas de son droit de circuler ou de séjourner en France peut être retenu pour vérification. Cette mesure s’applique également si la retenue initiale avait pour objet une vérification d’identité et que l’étranger ne peut justifier de son droit de séjourner en France ([145]). Il est alors conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y est retenu par un officier de police judiciaire (OPJ) de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
La procédure est initiée par un officier de police judiciaire qui informe le procureur de la République dès le début de la procédure, ce dernier pouvant y mettre fin à tout moment ([146]). L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement nécessaire à l’examen de son droit au séjour, sans excéder 24 heures à compter du début du contrôle ([147]).
Si la personne étrangère ne fournit pas d’élément permettant d’apprécier la régularité de sa situation, des opérations de vérifications – via la collecte d’empreintes digitales ou la prise de photographies – peuvent être effectuées après information du procureur, un procès-verbal relatant l’ensemble des opérations ainsi que la durée de la mesure étant rédigé à l’issue de celle-ci ([148]).
Par deux amendements identiques nos 64 rect. ter de Mme Valérie Boyer et 342 rect. bis de M. Stéphane Le Rudulier, le Sénat a souhaité, en séance publique, réinstaurer un délit de séjour irrégulier, c’est-à-dire sanctionnant « le fait pour tout étranger âgé de plus de dix‑huit ans de séjourner en France au‑delà de la durée autorisée par son visa ou en méconnaissance de l’article L. 411‑1 [qui prévoit, sauf exceptions, que tout étranger majeur souhaitant séjourner plus de trois mois en France doit être détenteur d’un titre de séjour]. »
Ces deux amendements créent à cette fin un nouvel article L. 312-4-1 au sein du CESEDA sanctionnant ce délit d’une amende de 3 750 euros, exclusive de toute peine de privation de liberté. Cet article prévoit en outre le prononcé d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français.
Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 312-4-1 dispose que l’action publique ne pourrait être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés lors d’une procédure de retenue aux fins de vérification du droit à la circulation ou de séjour.
3. La position de la Commission
La Commission a estimé que le délit de séjour irrégulier introduit par le Sénat n’apportait aucune plus-value par rapport à la procédure de retenue administrative déjà existante. Il risque même, au contraire, d’être moins efficace que la procédure administrative actuelle.
En conséquence, elle a adopté onze amendements de suppression de l’article, dont l’amendement CL1655 de votre rapporteur général ([149]).
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Article 1er M
(art. L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Aggravation de l’amende encourue en cas de mariage de complaisance ou de reconnaissance frauduleuse de paternité
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article L. 823-11 du CESEDA sanctionne d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende les mariages blancs et la reconnaissance frauduleuse de paternité, qu’il définit comme « le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. »
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, ce délit a été élargi aux mariages « gris », c’est-à-dire « lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. ».
Dans un arrêt du 20 novembre 2003 ([150]), le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions relatives aux mariages blancs et à la reconnaissance frauduleuse de paternité, « définissent les faits incriminés de manière suffisamment claire et précise, sans porter atteinte au principe de la légalité des délits et des peines ; (…) les sanctions qu’elles édictent ne présentent pas de caractère manifestement disproportionné ».
Par un amendement n° 475 rect de M. Olivier Bitz, le Sénat a souhaité, en séance publique, augmenter le montant de l’amende encourue, le portant de 15 000 euros à 75 000 euros. Son auteur justifie cette évolution par la volonté, « dans un contexte où de telles reconnaissances frauduleuses sont de plus en plus fréquentes, notamment dans certains territoires ultramarins et en particulier à Mayotte, d’envoyer un signal clair et d’encourager l’autorité judiciaire à intenter les poursuites nécessaires. » ([151])
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article sans modification.
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Article 1er N (supprimé)
(art. L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation, L. 512-2 du code de la sécurité sociale, L. 232-1 et L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles)
Instauration d’une condition de résidence de cinq ans pour le versement de certaines prestations non contributives
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit en séance publique au Sénat, instaure une condition de résidence stable de cinq ans pour le versement de prestations familiales et de certaines aides sociales, ainsi que pour faire valoir le droit au logement opposable.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article.
Si, par principe, les prestations et aides sociales non contributives sont accordées de plein droit aux étrangers extra-communautaires, le droit français prévoit déjà, s’agissant du revenu de solidarité active (RSA) une durée minimale de présence sur le territoire pour le percevoir.
● La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a instauré un nouveau chapitre consacré au droit au logement au sein du code de la construction et de l’habitat (CCH).
L’article L. 300-1 de ce code pose les grands principes de ce droit au logement opposable : « le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État ([152]), n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. »
S’agissant des étrangers extra-communautaires, la condition de permanence s’apprécie par la détention d’un titre de séjour d’une durée égale ou supérieure à un an, d’un titre de séjour d’une durée inférieure à un an autorisant son titulaire à exercer une activité professionnelle, ou d’un visa d’une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à un titre de séjour ([153]).
● L’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale (CSS), qui détermine le champ d’application des dispositions relatives aux prestations familiales, dispose que : « bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d’un titre exigé d’eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France. »
Les aides visées comprennent l’ensemble des allocations familiales, le complément familial, les allocations de soutien familial, prestations d’accueil du jeune enfant, ainsi que les allocations d’éducation de l’enfant handicapé, de rentrée scolaire, et les allocations journalières de présence parentale et de décès de l’enfant.
Par renvoi à l’article L. 512-2, l’article L. 822-2 du CCH prévoit le versement des aides personnalisées au logement dans les mêmes conditions.
● L’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles instaure une allocation personnalisée d’autonomie destinée aux personnes âgées de plus de 60 ans résidant en France, afin de leur permettre de financer, en totalité ou en partie, les frais médicaux visant à leur permettre de rester à leur domicile lorsqu’elles se trouvent en situation de perte d’autonomie.
Les personnes étrangères titulaires de la carte de résident ou d’un titre de séjour exigé pour résider régulièrement en France peuvent prétendre de plein droit à cette allocation. ([154])
● L’article L. 245-1 du CASF instaure une prestation de compensation du handicap (PCH), qui prend la forme d’une aide financière versée par le département, permettant de rembourser les dépenses liées à la perte d’autonomie, versée aux personnes en situation de perte d’autonomie résidant de façon stable et régulière en France.
Le dernier alinéa de l’article R. 245-1, précisant la condition de résidence, dispose : « les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou des autres parties à l’accord sur l’Espace économique européen, doivent en outre justifier qu’elles sont titulaires d’une carte de résident ou d’un titre de séjour exigé pour résider régulièrement en France en application de la législation relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ou en application de traités et accords internationaux. »
Le revenu de solidarité active (RSA) n’est, sauf exceptions – notamment pour les personnes isolées assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants et les femmes isolées en état de grossesse – versé qu’à partir de cinq années de détention d’un titre de séjour permettant de travailler en France ([155]), ce délai étant rallongé à 15 ans à Mayotte ([156]).
Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition conforme à la Constitution ([157]), considérant notamment que la possession de la carte de séjour de cinq ans permet d’assurer la stabilité de la présence sur le territoire national, et partant l’insertion professionnelle et, qu’au contraire, la seule possession d’une carte de séjour temporaire ne permet pas de caractériser une présence suffisamment stable sur le territoire.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2019, le législateur a par ailleurs souhaité étendre l’allongement des délais prévus à Mayotte aux ressortissants étrangers sur le territoire de la Guyane – prévoyant un délai de quinze ans réduit à cinq ans pour les femmes isolées avec enfant ou enceintes.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins déclaré cette dernière extension contraire à la Constitution ([158]). Il a notamment relevé qu’« en imposant un délai de détention plus long en Guyane que sur le reste du territoire national, aux seules fins de lutte contre l’immigration irrégulière, le législateur a introduit une condition spécifique pour l’obtention de cette prestation sans lien pertinent avec l’objet de celle-ci ».
Pour l’ensemble des droits et prestations sociales ciblées aux articles L. 300-1 du CCH, L. 512-2 du CSS, L. 232-1 et L. 245-1 du CASF, le Sénat a introduit, par deux amendements identiques nos 3 rect. quater et 625 de Mmes Jacqueline Eustache-Brinio et des rapporteurs, une condition de durée de résidence en France d’au moins cinq ans, applicable aux seuls étrangers non ressortissants de l’Union européenne. Ce délai correspond au cumul de durées de la carte de séjour temporaire (un an) et de la carte de séjour pluriannuelle (quatre ans).
3. La position de la Commission
La Commission a estimé que les dispositions de l’article 1er N présentaient de forts risques contentieux et étaient attentatoires à plusieurs droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement garantis.
Elle a, en conséquence, adopté huit amendements de suppression de l’article, dont l’amendement CL1656 de votre rapporteur général ([159]).
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Titre Ier
Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue
Chapitre Ier
Mieux intégrer par la langue
Article 1er
(art. L. 6321-1, L. 6321-3 [nouveau] et L. 6323-17 du code du travail)
Conditionner la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 1er conditionne la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle (CSP) aux étrangers signataires d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) à la maîtrise d’un niveau minimal de français, déterminé par décret en Conseil d’État.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a renforcé les conditions d’intégration posées dans le cadre du CIR. Il a notamment rehaussé le niveau linguistique attendu sur l’ensemble du parcours d’intégration républicaine, enrichi le contenu de la formation civique, subordonné la prestation d’accompagnement professionnel au suivi des formations civique et linguistique, et conditionné l’octroi de la carte de résident ou de la CSP à la réussite à un examen sanctionnant ces deux formations.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a précisé le contenu du parcours d’intégration républicaine et de la formation civique du CIR, ainsi que les modalités d’examen sanctionnant cette formation. Elle a supprimé le critère, introduit par le Sénat, d’assiduité aux formations civique et linguistique pour bénéficier d’un accompagnement professionnel. Elle a souhaité que le niveau de maîtrise orale de la langue exigé pour l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle soit déterminé par décret et a supprimé, en cohérence, la détermination des niveaux de langue pour la carte de résident et la naturalisation, que le Sénat avait introduite dans la loi.
À l’issue d’une première année de séjour régulier en France, l’étranger peut bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle (CSP), sous réserve de respecter deux conditions :
1° justifier de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) et ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;
2° continuer de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire ([160]).
Selon les données de la DGEF, figurant dans l’étude d’impact annexée au projet de loi, environ 55 000 à 60 000 étrangers signataires de CIR sollicitent chaque année une CSP.
a. Le parcours personnalisé d’intégration et le contrat d’intégration républicaine
Tout étranger admis pour la première fois au séjour en France, ou qui entre régulièrement sur le territoire entre l’âge de 16 et de 18 ans, et souhaite s’y maintenir durablement, s’engage dans un parcours personnalisé d’intégration. Ce parcours prend la forme d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) conclu avec l’État, dans le cadre duquel l’étranger s’engage à suivre les formations et dispositifs d’accompagnement qui lui sont prescrits et à respecter les valeurs et principes de la République ([161]). L’article L. 413-2 du CESEDA précise que « ce parcours a pour objectifs la compréhension par l’étranger primo-arrivant des valeurs et principes de la République, l’apprentissage de la langue française, l’intégration sociale et professionnelle et l’accès à l’autonomie. »
Ce parcours comprend :
– une formation civique d’une durée de 24 heures relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu’à l’organisation de la société française ;
– une formation linguistique, visant à l’acquisition de la langue française ;
– un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser l’insertion professionnelle de l’étranger, en association avec les structures du service public de l’emploi ;
– un accompagnement adapté aux besoins de l’étranger pour faciliter ses conditions d’accueil et d’intégration.
Le CIR est présenté par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à l’étranger au cours d’un entretien personnalisé, qui permet notamment de déterminer son niveau de langue et, le cas échéant, lui prescrire si nécessaire une formation linguistique. À l’issue de cet entretien, le contrat est signé par l’étranger et par le préfet ([162]).
Bien qu’ils puissent toujours signer un CIR, les obligations prévues au titre de ce contrat ne s’appliquent pas aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ([163]) ou celui d’apatride ([164]) ni aux Algériens admis au séjour en France ([165]).
Le contrat d’intégration républicaine
b. Une obligation de suivi d’une formation linguistique, mais aucune obligation de maîtrise de la langue
L’article L. 413-3 CESEDA se borne à préciser que la formation linguistique prévue dans le CIR « comprend un nombre d’heures d’enseignement de la langue française suffisant pour permettre à l’étranger primo-arrivant d’occuper un emploi et de s’intégrer dans la société française » et qu’elle « peut donner lieu à une certification standardisée permettant d’évaluer le niveau de langue de l’étranger. »
Les modalités de suivi de la formation linguistique sont précisées par arrêté. Dispensée par un organisme prestataire agréé par l’OFII, elle peut durer jusqu’à 600 heures en cas de besoin et vise à l’acquisition d’un niveau de français au moins équivalent au niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) ([166]). L’année dernière, plus de 51 000 formations obligatoires ont été prescrites, représentant près de 10 millions d’heures de cours, pour un coût de 68 millions d’euros.
Forfaits horaires des formations obligatoires dispenséEs en 2022
Type de parcours |
Prescriptions |
En % |
Taux d’atteinte du niveau A1 |
100 heures |
9 939 |
19,4 |
80 % |
200 heures |
14 491 |
28,3 |
74 % |
400 heures |
16 509 |
32,3 |
62 % |
600 heures |
10 229 |
20 |
42 % |
Total |
51 168 |
100 |
67,1 % |
Source : DGEF
Ce parcours obligatoire ([167]) peut par ailleurs être complété par une formation additionnelle de 100 heures supplémentaires pour obtenir un niveau A2 de maîtrise de la langue, voire d’encore 100 heures supplémentaires pour un niveau B1.
À l'issue de la formation, l'organisme de formation remet à l'étranger, sur demande, une attestation nominative de présence mentionnant le nombre d'heures réalisées et les résultats obtenus aux tests d'évaluation initial et final.
Le CIR est considéré comme respecté dès lors que les formations qu’il prévoit ont été suivies avec assiduité et sérieux – c’est-à-dire lorsque le niveau de langue de l’étranger a progressé entre son évaluation initiale et son évaluation finale et que l’étranger a suivi au moins 80 % des heures de formation prescrites ([168]) – et que l’étranger n’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République. ([169])
Le droit actuel ne permet ainsi pas de conditionner la délivrance d’une CSP à la maîtrise d’un niveau de langue minimal – ce qui est en revanche le cas pour la délivrance d’une carte de résident, nécessitant un niveau A2 ([170]) ou pour l’acquisition de la nationalité française, nécessitant un niveau B1 ([171]). Or, selon l’étude d’impact annexé au projet de loi, « environ 25 % des étrangers qui se voient prescrire une formation linguistique obligatoire dans le cadre du CIR, n’atteignent pas le niveau A1 à l’issue de celle-ci. »
2. Le projet de loi initial
L’article 1er du projet de loi complète les conditions devant être respectées par l’étranger pour l’obtention d’une CSP. Il prévoit ainsi un niveau de connaissance de la langue française au moins égal à un niveau déterminé par décret en Conseil d’État, pour les étrangers signataires d’un CIR ([172]).
Cette évolution doit permettre, d’une part, de réserver la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel aux seuls étrangers démontrant une volonté réelle de s’installer durablement dans la communauté nationale. Par ailleurs, elle renforcera l’obligation de suivi de la formation linguistique en incitant les étrangers à s’y investir davantage.
L’étude d’impact annexée au projet de loi précise les effets de seuil attendus en fonction du niveau de langue choisi par l’autorité administrative. Ainsi, « 3 000 à 5 000 personnes se verraient vraisemblablement refuser une CSP si l’on imposait le niveau A1, 15 000 à 20 000 si l’on exigeait le niveau A2 et environ 40 000 si le B1 était exigé sans modification du nombre d’heures de formation proposées dans le cadre du CIR. » En tout état de cause, en cas de rehaussement de la prescription du niveau de langue, une évolution de la maquette des formations proposées serait à l’étude. Si le niveau A2 était sélectionné, elle pourrait notamment prendre la forme de forfaits augmentés de 200 heures, ainsi que l’a indiqué la DGEF à votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge.
Selon l’étude d’impact, le décret introduira par ailleurs une possibilité de dispense pour les personnes présentant un état de santé déficient chronique ou un handicap.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Cet article a été amendé tant en commission qu’en séance publique.
a. Modifications apportées en commission
Les sénateurs ont, par un amendement COM-206 des rapporteurs, adopté plusieurs modifications du dispositif proposé par le Gouvernement.
● L’inscription des niveaux de langue à maîtriser dans la loi
Plutôt que de le renvoyer à un décret en Conseil d’État, les sénateurs ont souhaité inscrire directement dans la loi le niveau de langue requis à l’issue de la formation linguistique du CIR, afin de porter ce niveau à un équivalent A2.
En cohérence, les sénateurs ont également inscrit dans la loi, tout en le rehaussant, le niveau minimal de connaissance de la langue française pour l’obtention d’une carte de résident, pour y prévoir un niveau B1. Ils ont fait de même, s’agissant du seuil minimal de connaissance du français pour l’obtention de la nationalité française, pour prévoir un niveau B2.
Selon la DGEF, à dispositifs de formation inchangés, le rehaussement du niveau de langue exigé pour les signataires du CIR conduirait ainsi à élargir le bénéfice, aujourd’hui optionnel, de 100 heures supplémentaires offert proposé aux signataires ayant déjà atteint le niveau A1 pour obtenir le A2, ce qui représenterait un coût budgétaire non négligeable pour les finances publiques.
● Le contenu de la formation civique et l’instauration d’un examen
Les commissaires aux Lois du Sénat ont souhaité que la formation civique prescrite par l’État aux demandeurs d’une CSP comprenne des modules portant, en sus de l’organisation de la société française, sur son « histoire » et sa « culture », et que cette formation soit sanctionnée par un examen.
La commission a souhaité soumettre les demandeurs d’une carte de résident à un examen similaire, précisant qu’il pourrait d’ailleurs être commun aux deux catégories de demandeurs.
Au cours de son audition, la DGEF a attiré l’attention de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge sur le fait que l’instauration d’un tel examen impliquait d’engager des travaux d’élaboration de référentiels, d’agréments d’opérateurs et d’établissement de dispositifs de test. L’ensemble de ces éléments nécessiterait a priori de décaler dans le temps l’entrée en vigueur du dispositif, fixé à ce stade au 1er janvier 2025 par l’article 27 du projet de loi.
b. Modifications apportées en séance publique
Trois amendements ont été adoptés en séance publique :
– par un amendement n° 493 rect ter de Mme Marie-Do Aeschlimann, le Sénat a souhaité que l’étranger signataire du CIR s’engage « à assurer à son enfant une éducation respectueuse des valeurs et principes de la République et à l’accompagner dans sa démarche d’intégration à travers notamment l’acquisition de la langue française. »
– un amendement n° 626 des rapporteurs subordonne la prestation de conseil en orientation professionnelle, prévue dans le cadre du CIR, à l’assiduité de l’étranger et au sérieux de sa participation aux formations civique et linguistique ;
– enfin, par un amendement n° 452 de M. Ian Brossat, sous-amendé par le Gouvernement, le Sénat a complété les conditions dans lesquelles l’étranger peut demander une CSP, ajoutant à ces conditions celle tenant à l’accès à des cours gratuits dans son département de résidence.
4. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements :
– par un amendement CL401 de Mme Natalia Pouzyreff, elle a précisé que le parcours d’intégration républicaine comprendra une information sur les droits sexuels et reproductifs et une présentation des établissements d’information, de consultation ou de conseil familial et les centres de santé sexuelle ;
– par un amendement CL1585 de Mme Marie Guévenoux, elle a élevé dans la loi les précisions mentionnées à ce stade uniquement par voie réglementaire – à l'article R. 413-12 du CESEDA sur le contenu de la formation civique ;
– par un amendement CL1698 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge, elle a souhaité que l’examen sanctionnant la formation civique n’ait pas lieu directement après le suivi de cette formation, mais devienne une condition d’obtention de la carte de séjour pluriannuelle – comme cela est le cas pour l’évaluation du niveau de langue de l’étranger ;
– par un amendement CL1701 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge, elle a supprimé la condition tenant à l’assiduité aux formations civique et linguistique pour bénéficier de la prestation d’accompagnement professionnelle prévue dans le cadre du CIR, qu’avait introduite le Sénat. Votre rapporteure a en effet estimé que cette disposition aurait pour conséquence de retarder l’entrée en emploi des signataires ;
– par deux amendements identiques CL1688 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge et CL1549 de Mme Marie Guévenoux, modifiés par le sous-amendement CL1754 de M. Benjamin Saint-Huile, elle a supprimé toute référence aux niveaux de langue dans la loi, renvoyant en particulier la détermination du niveau de langue attendu pour l’obtention d’une carte de séjour pluriannuel à un décret en Conseil d’État – ainsi que le prévoyait initialement le projet de loi ;
– par un amendement CL1700, elle a supprimé la mention relative au rôle des parents étrangers primo-arrivants dans l’acquisition de la langue française par leurs enfants. Veiller à ce que les parents étrangers primo-arrivants éduquent leurs enfants dans les valeurs et principes de la République et les accompagnent dans leur intégration est un objectif que partage votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge. Toutefois il relève de l’école et des institutions de la République d’accueillir et d’accompagner les enfants nouvellement arrivés pour qu’ils puissent rapidement apprendre le français et reprendre leur scolarité ;
– enfin, par un amendement CL1699 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge, la Commission a procédé à un ajustement rédactionnel tenant à la condition de gratuité des cours de langue française votée par le Sénat.
Elle a adopté l’article 1er ainsi modifié.
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Article 1er bis (supprimé)
(art. L. 433-1-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Limitation à trois renouvellements consécutifs des cartes de séjour temporaires portant une mention identique
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article L. 433-1 du CESEDA prévoit par principe le renouvellement de la carte de séjour temporaire (CST) ou pluriannuelle (CSP) ([173]), l’étranger devant apporter la preuve qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. À cette fin, l’autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s’assurer du maintien du droit au séjour de l’intéressé et notamment le convoquer à un ou plusieurs entretiens.
Le Sénat a voté, en séance publique, un amendement n° 627 des rapporteurs portant création d’un article L. 433-1-1 du CESEDA, disposant que, « par dérogation à l’article L. 433-1, il ne peut être procédé à plus de trois renouvellements consécutifs d’une carte de séjour temporaire portant une mention identique. »
Les rapporteurs considèrent en effet que l’adoption de l’article 1er du projet de loi, restreignant les conditions d’attribution d’une CSP, entraînerait une hausse des demandes de CST. Les sénateurs ont ainsi souhaité limiter à quatre années consécutives la détention d’une CST. Ainsi qu’en dispose l’objet de cet amendement, « au terme de ce délai, [l’étranger ne pouvant plus renouveler leur titre disposerait] de trois options : solliciter et obtenir la délivrance d’une CSP ; solliciter la délivrance d’une CST portant une mention distincte de celle figurant sur la CST dont il est titulaire ; voir sa situation au regard du séjour devenir irrégulière. »
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements portant suppression de l’article, dont un amendement CL1689 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([174]).
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Article 1er ter
(art. L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Légalisation des actes publics et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Introduit par un amendement du Gouvernement en séance publique, le présent article conditionne l’opposabilité aux administrations et juridictions françaises des actes publics et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil à leur légalisation préalable.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article sans modification.
La rédaction actuelle de l’article L. 811-2 du CESEDA se borne à disposer que « la vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil. »
Cet article précise que « tout acte de l’état civil des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi ». Il instaure ainsi une présomption de validité des actes publics étrangers, qui peut être renversée par l’administration « si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
Les actes publics étrangers ne nécessitent, en l’état du droit, aucune légalisation ([175]) pour être pris en compte. Dans un avis contentieux récent, le Conseil d’État a d’ailleurs estimé que le défaut de légalisation d’un tel acte ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en compte les énonciations qu’il contient. ([176])
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit par l’amendement n° 605 du Gouvernement, complète les dispositions de l’article L. 811-2 du CESEDA en matière de légalisation des actes publics étrangers dans le domaine de la police de l’entrée et du séjour des étrangers en France.
Cette nouvelle rédaction dispose que les actes et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés. La présomption de validité de tels actes, ainsi que l’opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n’a pas été préalablement vérifiée par l’autorité judiciaire française, sont subordonnées à cette légalisation. En son absence, ces documents ne peuvent ainsi pas s’imposer aux administrations et juridictions françaises.
Le Gouvernement justifie cet amendement par le constat que « la légalisation des actes étrangers est un instrument essentiel de la lutte contre la fraude à l’état civil à laquelle sont massivement confrontées nos administrations dans certaines régions du monde, notamment à l’occasion des demandes de délivrance de visas d’entrée en France et de titres de séjour.
Le phénomène de fraude à l’état civil se manifeste de manière aiguë dans le cadre des rapprochements familiaux. Il s’agit des procédures initiées par des ressortissants étrangers aux fins d’être rejoints en France par les membres de leur famille, qui représentent plus du tiers des 5 900 requêtes enregistrées par le tribunal administratif de Nantes en 2022 en matière de refus de visas (chiffre en croissance constante depuis l’année 2015). » ([177])
3. La position de la Commission
La Commission des Lois a adopté cet article sans modification.
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Article 2
(art. L. 6321-1, L. 6321-3 [nouveau] et L. 6323-17 du code du travail)
Contribution des employeurs à la formation en français des travailleurs étrangers allophones
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article organise la contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones afin de favoriser leur insertion professionnelle et sociale.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a supprimé cet article en commission des Lois, puis l’a rétabli en séance publique.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a introduit une obligation pour l’employeur de proposer une formation FLE à ses salariés allophones, et a précisé que les modalités d’application de l’article seront déterminées par décret pour les secteurs de l’emploi à domicile et des particuliers employeurs, du fait de leur spécificité.
L’accès à la formation continue des salariés est notamment assuré, à l’initiative du salarié, notamment par la mobilisation de son compte personnel de formation (CPF) ou, à l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de développement des compétences ([178]).
a. Les formations à l’initiative du salarié
Toute personne de plus de 16 ans – ou de 15 ans dans le cadre d’un contrat d’apprentissage – peut, dès lors qu’elle est salariée, à la recherche d’un emploi ou travailleur indépendant, bénéficier du compte personnel de formation (CPF), quelle que soit sa nationalité. Ce dispositif, qui vise à favoriser l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie active, permet ainsi à toute personne active, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à sa retraite, de cumuler des droits à la formation et de les mobiliser pour suivre une formation qualifiante ou certifiante.
L’article L. 6323-17 du code du travail prévoit que, lorsque les formations financées dans le cadre du CPF sont suivies en tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié doit demander une autorisation d’absence à l’employeur, qui lui notifie sa réponse dans des délais déterminés par décret. L’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation.
Parmi ces formations, figurent des enseignements de français langue étrangère, à destination des étrangers souhaitant renforcer leur maîtrise du français. Selon les données figurant dans l’étude d’impact annexée au projet de loi, en novembre 2022, 3 883 formations et plus de 13 300 sessions de formations étaient proposées par plus de 800 organismes, proposant six types de certification.
Couverture des sessions de formation
Source : étude d’impact annexée au projet de loi
b. Les formations à l’initiative de l’employeur
Le code du travail précise les obligations des employeurs en matière de formation des salariés. Ainsi, l’article L. 6321-1 dispose que l’employeur « peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. »
L’employeur peut ainsi mettre en place un plan de développement de compétences, cadre au sein duquel il détermine sa politique de formation pour assurer la correspondance entre les salariés et les postes qu’ils occupent et développer leurs compétences dans d’autres domaines professionnels.
Tous les salariés, y compris les alternants, peuvent participer à ces formations. Certaines d’entre elles sont obligatoires – notamment lorsqu’elles conditionnent l’exercice d’une profession – et d’autres, facultatives, sont à l’initiative de l’employeur, qui prend en charge, dans les deux cas, l’ensemble des frais de formation.
c. Une corrélation marquée entre non maîtrise du français et inadéquation professionnelle
Une étude de l’INSEE parue en 2016 ([179]) souligne que, si la maîtrise du français n’est a priori pas un obstacle à l’obtention d’un premier emploi en France, la méconnaissance de la langue est un important motif d’inadéquation entre les profils des étrangers et le poste qu’ils occupent.
Ainsi, selon l’INSEE, « les difficultés en langue sont plus souvent invoquées [par les enquêtés] pour expliquer le sentiment de surqualification que le fait de ne pas avoir d’emploi (être chômeur ou inactif, hors étudiant et retraité). Parmi les immigrés ayant des difficultés à l’écrit et à l’oral, seuls 21 % de ceux qui n’ont pas d’emploi jugent que cette situation est due à leurs difficultés en français. En revanche, cette proportion est de 48 % parmi ceux qui se déclarent surqualifiés dans leur travail. Parmi les immigrés avec un niveau de langue intermédiaire, les difficultés en langue sont également deux fois plus mentionnées pour expliquer la surqualification (21 %) que l’absence d’emploi (10 %) ».
Adéquation de l’emploi occupé, selon le niveau de diplôme et de maîtrise du français
Champ : immigrés de 15 à 64 ans arrivés en France à l’âge de 15 ans ou plus et occupant actuellement un emploi salarié. France métropolitaine
Lecture : 31 % des immigrés possédant un diplôme du supérieur et maîtrisant le français jugent qu’ils sont surqualifiés dans leur emploi actuel.
Source : Insee, module complémentaire à l’enquête Emploi sur la mobilité, les compétences et l’insertion professionnelle (2014).
part d’immigrés qui lient leur situation professionnelle à leurs difficultés en français
Champ : immigrés de 15 à 64 ans arrivés en France à l’âge de 15 ans ou plus. France métropolitaine.
Lecture : parmi les immigrés ayant des difficultés à l’écrit et à l’oral et qui pensent être surqualifiés pour leur emploi actuel, 48 % jugent que cette situation est due à leurs difficultés en langue.
Source : Insee, module complémentaire à l’enquête Emploi sur la mobilité, les compétences et l’insertion professionnelle (2014).
En plus de constituer un frein à l’intégration, la faible maîtrise de la langue française semble donc contribuer à l’inadéquation entre les compétences des personnes étrangères travaillant en France et l’emploi qu’elles occupent.
2. Le projet de loi initial
L’article 2 vise à renforcer la maîtrise de la langue française pour les salariés étrangers. L’article 2 modifie à cette fin plusieurs dispositions relatives à la formation continue des salariés au sein du code du travail afin d’organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique de leurs salariés signataires d’un CIR :
– d’une part, l’article 2 permet aux employeurs, dans le cadre du plan de développement de compétences, de proposer à l’ensemble de leurs salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret ;
– d’une part, il crée un nouvel article L. 6321-3 dans le code du travail permettant aux salariés allophones signataires d’un CIR de comptabiliser comme temps de travail effectif les actions permettant le suivi de leur formation linguistique. Celles-ci sont considérées comme réalisées sur leur temps de travail, et donc avec maintien de leur rémunération ;
– enfin, l’article 2 complète l’article L. 6323-17 du code du travail consacré aux autorisations d’absence pour le suivi des formations prévues dans le cadre du CPF par un nouvel alinéa, qui dispose que, pour le seul suivi des formations en FLE dans le cadre du parcours de formation linguistique de l’étranger signataire d’un CIR, l’autorisation d’absence pendant le temps de travail est de droit.
Dans les deux cas, un décret en Conseil d’État déterminera une durée maximale au-delà de laquelle le temps de formation cessera d’être compté comme un temps de travail. Ce plafond devra être déterminé en concertation avec les représentants des entreprises et des salariés et garantir des conditions de formation optimale de la langue, tout en demeurant soutenable pour les entreprises.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Cet article, supprimé en commission par un amendement n° COM-39 rect ter de M. André Reichardt, a été rétabli en séance publique par deux amendements identiques nos 20 rect. et 388 rect. de Mmes Maryse Carrère et Mélanie Vogel.
4. La position de la Commission
Par deux amendements identiques CL803 de Mme Annie Genevard et CL819 de Mme Sandra Regol, la Commission a substitué à la simple possibilité pour l’employeur de proposer une formation en FLE à ses salariés étrangers une obligation.
Par trois amendements CL1702, CL1733 et CL1734 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge, elle a renvoyé à un décret la détermination des modalités d’application de l’article pour les secteurs de l’emploi à domicile et des particuliers employeurs.
La commission des Lois a adopté l’article 2 ainsi amendé.
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Article 2 bis A (supprimé)
(art. 25 du code civil)
Déchéance de nationalité en cas de condamnation pour homicide ou tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit en séance publique au Sénat, complète la liste des situations dans lesquelles une personne binationale ayant acquis la nationalité française peut en être déchue, en y ajoutant les condamnations pour homicide ou tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de l’article.
1. L’état du droit
L’article 25 du code civil prévoit plusieurs cas permettant de déchoir de la nationalité française une personne binationale :
– si elle est condamnée pour un crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme ;
– si elle est condamnée pour un crime ou délit caractérisant une atteinte à l’administration publique commise par une personne exerçant une fonction publique ;
– si elle est condamnée pour s’être soustraite aux obligations résultant pour elle du code du service national ;
– et, enfin, si elle s’est livrée au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Cette sanction est prononcée par décret après avis conforme du Conseil d’État, pour les seuls faits commis antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition ([180]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par un amendement n° 50 rect. de Mme Valérie Boyer, le Sénat a, en séance publique, complété l’énumération de l’article 25 du code civil afin d’y ajouter le cas d’une condamnation pour un acte qualifié d’homicide ou de tentative d’homicide commis sur un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique.
3. La position de la Commission
Estimant notamment que l’article 2 bis A n’avait pas de lien, même indirect, avec le projet de loi, la Commission a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1690 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([181]).
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Article 2 bis (supprimé)
(art. 21-7 du code civil)
Restriction des critères d’obtention de la nationalité par le droit du sol
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif
Les articles 2 bis et 2 ter restreignent les modalités d’obtention de la nationalité française par le droit du sol, la conditionnant à la manifestation de la volonté de l’étranger entre ses 16 et 18 ans, et rendant impossible la naturalisation des personnes étrangères nées en France et ayant été condamnées pour des infractions graves ou ayant fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou d’une interdiction de territoire avant leur majorité.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité a supprimé le critère conditionnant l’obtention de la nationalité par le droit du sol à la « manifestation de la volonté » de l’étranger, qui avait été introduit par la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de l’article.
La nationalité française peut s’obtenir par acquisition, c’est-à-dire après dépôt d’une demande : c’est le cas lorsque l’étranger souhaite sa naturalisation, ou qu’il obtient la nationalité française par mariage. C’est également le cas de tout enfant né en France d’un parent étranger lui-même né en France. Elle peut aussi s’obtenir par attribution, c’est-à-dire automatiquement : c’est le cas de l’obtention de la nationalité française par droit du sang – lorsque l’un des deux parents est français, même lorsque l’enfant est né à l’étranger – ou par droit du sol.
En matière de droit du sol, l’article 21-7 du code civil dispose ainsi que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans. »
En outre, l’enfant peut obtenir la nationalité française dans le cadre d’une déclaration anticipée avant sa majorité sur demande de ses parents entre ses 13 et 16 ans et, sur demande personnelle, entre ses 16 et 18 ans, sous réserve du respect du même critère de résidence habituelle ([182]).
L’article 21-27 du code civil prévoit plusieurs cas de figure pour lesquels l’obtention de la nationalité française est rendue impossible. En particulier, son premier alinéa dispose que « nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s’il a été l’objet soit d’une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l’infraction considérée, s’il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement, non assortie d’une mesure de sursis. »
Cet article vise également les étrangers en séjour irrégulier en France ou ceux soumis à un arrêté d’expulsion ou d’interdiction du territoire français. En revanche, il exclut de son périmètre les enfants mineurs susceptibles d’obtenir la nationalité par le droit du sol.
En 2021, 130 400 personnes ont acquis la nationalité française, dont environ un quart (32 727) par déclaration anticipée.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par deux amendements COM-57 et COM-60 de Mme Valérie Boyer, la commission des Lois du Sénat a souhaité resserrer les conditions d’obtention de la nationalité par le droit du sol.
● Elle a ainsi modifié l’article 21-7 du code civil afin d’y inscrire que tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent.
Le Sénat a ainsi souhaité restaurer ce critère, que le législateur avait introduit dans le code civil par la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, puis supprimé dans la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité.
● Par le même amendement, la Commission a étendu les dispositions de l’article 21-27 du code civil aux mineurs susceptibles d’acquérir la nationalité française par le droit du sol.
La commission a en effet estimé que, « dans la mesure où les cas pour lesquels un mineur est l’objet d’une peine d’emprisonnement de plus de six mois non assortie d’une mesure de sursis recouvrent la commission d’infractions d’une certaine gravité, l’extension aux mineurs d’une telle disposition dans le cadre du droit du sol [ne lui a] pas semblé disproportionnée.
Au surplus, l’octroi de la nationalité à un mineur étranger s’étant rendu coupable d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou d’un acte de terrorisme sur la seule circonstance qu’il est né en France et y a résidé suffisamment longtemps paraît contradictoire. Dans une telle circonstance, on ne peut en effet que constater que l’assimilation de cette personne à la communauté nationale, par la scolarisation et la résidence, n’est acquise ; elle ne saurait donc être récompensée, en quelque sorte, par l’octroi de la nationalité française. »
Ces deux amendements, devenus articles 2 bis et 2 ter du projet de loi, n’ont fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
3. La position de la Commission
Estimant notamment que l’article 2 bis n’avait pas de lien, même indirect, avec le projet de loi, la Commission a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1691 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([183]).
Pour les mêmes raisons, elle a adopté plusieurs amendements de suppression de l’article 2 ter, dont un amendement CL1697 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([184]).
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Article 2 ter A (supprimé)
(art. 21-2 du code civil)
Allongement des délais à partir desquels l’étranger peut acquérir la nationalité française par mariage
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Les articles 21-1 et suivants du code civil déterminent les modalités d’acquisition de la nationalité par mariage.
En particulier, l’article 21-2 dispose que l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration, à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie n’ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Ce délai est porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, ou lorsqu’il ne peut prouver que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
Par un amendement n° 345 rect. de M. Étienne Blanc adopté en séance publique, le Sénat a souhaité porter les délais de quatre et cinq ans prévus à cet article respectivement à cinq et huit ans.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1692 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([185]).
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Article 2 ter B (supprimé)
(art. 21-11-1 [nouveau] du code civil)
Opposition à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol en cas de défaut d’assimilation à la communauté française
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
L’article 21-7 du code civil prévoit les modalités d’acquisition automatique de la nationalité française par droit du sol de l’enfant né de parents étrangers en France à sa majorité, s’il réside ou a résidé en France pendant au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans ([186]).
Par un amendement n° 62 rect. quinquies de Mme Valérie Boyer, le Sénat a, en séance publique, introduit un nouvel article 21-11-1 au sein du code civil, disposant que l’étranger ne peut acquérir la nationalité par le droit du sol « s’il n’est manifestement pas assimilé à la communauté française. »
L’auteure de cet amendement précise, en objet, les critères d’assimilation à prendre en compte, que sont « la connaissance suffisante de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ».
Cette disposition doit ainsi permettre à l’État de s’opposer à l’acquisition par le droit du sol de jeune majeur en cas de défaut d’assimilation.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1693 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([187]).
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Article 2 ter C (supprimé)
(art. 2493 et 2535, 2536, 2537, 2544, 2545 et 2546 [nouveaux] du code civil)
Restriction des conditions d’acquisition de la nationalité par le droit du sol dans certains territoires ultramarins
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Les dispositions relatives au droit du sol ne sont applicables à Mayotte que dans l’hypothèse où, à date de la naissance de l’enfant, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ([188]).
Par un amendement n° 628 des rapporteurs, adopté par le Sénat en séance publique, les sénateurs ont souhaité, d’une part, restreindre ce droit, en le conditionnant à la présence sur le territoire français depuis au moins un an.
Les sénateurs ont également souhaité, par le même amendement, adopter des dispositions analogues en Guyane et à Saint-Martin. Il prévoit ainsi un délai de résidence régulière ininterrompue du parent de neuf mois en Guyane et de trois mois à Saint-Martin.
Pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi, les nouveaux articles 2537 et 2546 prévoient que les dispositions antérieures restent en vigueur si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1694 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([189]).
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Article 2 ter (supprimé)
(art. 21-27 du code civil)
Resserrement des critères d’obtention de la nationalité par le droit du sol
Supprimé par la Commission
Le commentaire de l’article 2 ter est proposé sous l’article 2 bis.
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Article 2 quater (supprimé)
(art. 21-17 du code civil)
Allongement du délai de résidence de l’étranger de cinq à dix ans avant de pouvoir solliciter une naturalisation
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat
Hors cas spécifiques, l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger. L’article 21-17 du code civil dispose que la naturalisation d’un étranger ne peut lui être accordée qu’à compter de cinq ans de résidence régulière en France au moment du dépôt de la demande.
Plusieurs exceptions à ce régime général existent :
– la condition de résidence est réduite à deux ans pour l’étranger ayant réussi deux années d’études supérieures diplômantes, ou qui peut, par ses talents et compétences, rendre service à la France, ainsi que pour l’étranger présentant un parcours exceptionnel d’intégration ([190]) ;
– aucune condition de résidence n’est requise pour l’étranger engagé dans l’armée française, ou ayant rendu des services exceptionnels à la France – le cas échéant, après avis du Conseil d’État sur le rapport motivé du ministre compétent – ou ayant obtenu le statut de réfugié ([191]) ;
– aucune condition de résidence n’est requise non plus pour l’étranger dont la langue maternelle est le français, ou dont l’État a le français comme langue officielle, ou ayant étudié au moins cinq ans dans un établissement enseignant en langue française ([192]).
Par deux amendements identiques n° 521 rect. ter de M. Stéphane Ravier et n° 346 rect. bis de Mme Valérie Boyer, adopté en séance publique, le Sénat a doublé la durée de la condition de résidence régulière « de droit commun » visée à l’article 21-17 du code civil – sans apporter de modifications aux délais dérogatoires visés aux articles 21-17 et suivants du même code.
Modifications apportées par la Commission
Estimant notamment que l’article 2 quater n’avait pas de lien, même indirect, avec le projet de loi, la Commission a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1695 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([193]).
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Article 2 quinquies (supprimé)
(art. 958 du code général des impôts)
Augmentation du droit de timbre requis pour le dépôt d’une demande de naturalisation
Supprimé par la Commission
Les demandes de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française, ainsi que les déclarations d’acquisition de la nationalité sont soumises à un droit de timbre de 55 € ([194]). Cette somme n’a pas été modifiée depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2011-645 du 9 juin 2011 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.
Adopté au Sénat en séance publique, l’amendement n° 355 rect. de Mme Marie-Carole Ciuntu le porte à 250 euros.
Estimant notamment que l’article 2 quinquies n’avait pas de lien, même indirect, avec le projet de loi, la Commission a adopté plusieurs amendements de suppression de cet article, dont un amendement CL1696 de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge ([195]).
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Chapitre II
Favoriser le travail comme facteur d’intégration
Article 3 (suppression maintenue)
(art. L. 421-4-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Création, à titre expérimental, d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension »
Suppression maintenue par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article tend à instaurer, jusqu’au 31 décembre 2026, une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension », permettant d’ouvrir une voie d’accès au séjour pour les étrangers ayant exercé et exerçant une activité professionnelle salariée dans un « secteur en tension » et justifiant d’une résidence ininterrompue significative en France.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 25 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié l’article L. 435-1 du CESEDA pour y supprimer la mention selon laquelle seul l’étranger ne vivant pas en état de polygamie peut bénéficier de l’admission au séjour prévue à cet article. Cette même loi a en effet créé un article de portée générale dans le CESEDA (l’article L. 412-6) disposant qu’aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger qui vit en France en état de polygamie.
Modifications apportées par le Sénat
En Séance publique, le Sénat a supprimé cet article. Il l’a remplacé par un nouveau dispositif de régularisation des travailleurs sans papiers exerçant dans les secteurs en tension, qu’il a choisi d’introduire après l’article 4 ([196]).
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a maintenu la suppression de l’article.
Les personnes sans papiers sont théoriquement exclues du marché de l’emploi. D’ailleurs, le droit prévoit un dispositif de répression du travail irrégulier, qui comporte un volet pénal et un volet administratif (voir le commentaire de l’article 8 du projet de loi), et qui sanctionne très principalement les employeurs.
Pour autant, dans certaines conditions, les étrangers en situation irrégulière ayant travaillé peuvent prétendre à être régularisés, via l’admission exceptionnelle au séjour (AES). Si ce dispositif juridique apparaît paradoxal, il existe un consensus sur son caractère néanmoins indispensable, pour des raisons tenant tant à l’humanisme qu’au pragmatisme.
Les premières campagnes de régularisation par le travail apparaissent en France à partir des années 1970. En 2007, la situation des travailleurs sans titre de séjour connaît une évolution majeure avec la création, par la loi n° 2007‑1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, de la possibilité d’une AES par le travail.
a. La régularisation par le travail via l’application de la « Circulaire Valls » de 2012
L’AES d’étrangers en situation irrégulière s’effectue in concreto, c’est‑à‑dire en fonction de la situation individuelle de l’étranger. Ce pouvoir de régularisation confié à l’autorité administrative a été codifié aux articles L. 435-1 et suivants du CESEDA ; l’article L. 435-1 en particulier dispose que « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “salarié”, “travailleur temporaire” ou “vie privée et familiale”, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 ([197]) ».
Dans l’objectif de tendre vers un traitement homogène des demandes d’AES sur le territoire, la circulaire n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA (dite « Circulaire Valls ») donne des orientations générales aux préfectures concernant les éléments susceptibles d’être pris en compte dans le cadre de l’examen des situations individuelles.
En 2020, 27 413 personnes ont été régularisées en application des dispositions qu’elle contient ([198]).
La « circulaire Valls » permet l’AES sur plusieurs motifs : économique, familial, et étudiant. Le présent 1 n’abordera que le motif économique – qui regroupe l’octroi de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » et celle portant la mention « travailleur temporaire ».
nombre d’étrangers régularisÉs en application de la « circulaire Valls » sur le motif « Économique »
Année |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Nombre |
4 408 |
5 224 |
5 311 |
6 449 |
6 826 |
7 592 |
7 383 |
- |
9 496 |
Source : avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022 et étude d’impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
L’avis n° 341 de la députée Mme Blandine Brocard fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur la mission « Immigration, asile et intégration dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (17 octobre 2022) ([199]) résume les critères de « l’AES travail » tels qu’ils sont posés par la « Circulaire Valls » :
Les critères de l’ « AES travail » posés par la « circulaire Valls » de 2012
La « circulaire Valls » invite les préfets à apprécier favorablement les demandes d’AES au titre du travail dès lors que l’étranger justifie :
d’un contrat de travail ([200]) ou d’une promesse d’embauche et de l’engagement de versement de la taxe versée au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;
d’une ancienneté de travail de huit mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les cinq dernières années ;
d’une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu’exceptionnellement être inférieure à cinq ans de présence effective en France. L’ancienneté de trois ans peut être prise en compte dès lors que l’intéressé peut attester d’une activité professionnelle de 24 mois, dont huit, consécutifs ou non, dans les 12 derniers mois.
La circulaire invite également les préfets à traiter favorablement certains cas particuliers :
l’étranger qui atteste d’une durée de présence de l’ordre de sept ans, et du versement effectif de salaires attestant une activité professionnelle égale ou supérieure à 12 mois au cours des 3 dernières années, mais ne présentant ni contrat de travail ni promesse d’embauche : le préfet peut lui délivrer un récépissé de carte de séjour temporaire « salarié » « en vue de lui permettre de rechercher un emploi » et l’autorisation à travailler ;
l’étranger qui atteste d’une durée de présence qui ne peut être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans et qui participe depuis au moins 12 mois aux activités d’économie sociale et solidaire portées par un organisme agréé au niveau national ([201]) ;
l’étranger en situation irrégulière attestant d’une durée de présence qui ne peut être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans et qui fait valoir une activité professionnelle en tant qu’intérimaire (activité d’au moins 910 heures) ([202]) ;
l’étranger présentant un cumul de contrats de faible durée, comme les emplois à domicile, sous réserve de remplir les mêmes conditions de durée de séjour et d’ancienneté que supra.
Lorsque l’étranger dispose d’un contrat de travail d’une durée supérieure ou égale à 12 mois, il peut prétendre à une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ([203]) ; lorsqu’il dispose d’un contrat de travail d’une durée inférieure à 12 mois, il peut se voir octroyer une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ([204]).
Source : Avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
Sauf cas exceptionnel, le préfet exige une maîtrise orale élémentaire de la langue française dans l’ensemble des situations susceptibles d’ouvrir droit à une AES par le travail ([205]).
Il revient, pour l’application de ces dispositions à l’étranger de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure. Il doit notamment joindre un formulaire CERFA qui doit être rempli par son employeur.
b. La nécessité d’une nouvelle disposition
i. Des tensions de recrutement massives et structurelles dans certains secteurs professionnels
La présence massive de travailleurs sans papiers dans certains pans de notre économie est une réalité identifiée et largement documentée. D’après le Défenseur des droits, entre 200 000 et 400 000 travailleurs en France seraient sans papiers ([206]). Ces personnes, enfermées dans des situations de grande précarité, sont tout particulièrement présentes dans les postes qualifiés de « 3‑D » : « Dirty, degrading and dangerous » (sales, dégradants et dangereux). Ces situations de travail illégal constituent un terreau fertile aux atteintes à la dignité humaine des étrangers, notamment aux situations de traite des êtres humains.
Ce large recours aux étrangers sans titre de séjour s’inscrit dans un contexte économique plus large de difficultés de recrutement. L’étude d’impact du projet de loi souligne qu’en 2022, 58 % des recrutements étaient jugés « difficiles » par les entreprises (+ 13 points par rapport à l’année précédente). Dans les métiers comptant plus de 5 000 embauches, ceux dans lesquels les difficultés sont les plus importantes sont : couvreurs, couvreurs zingueurs qualifiés, aides à domicile et aides ménagères, pharmaciens, chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons qualifiés, etc. L’enquête sur les besoins en main-d’œuvre pour l’année 2023, conduite par Pôle emploi, indique que 61 % des recrutements sont désormais jugés difficiles, et que cette problématique concerne toutes les tailles d’établissements.
motifs des difficultés de recrutement identifiés par les employeurs
Source : Enquête besoins en main-d’œuvre, Pôle emploi, 2023.
L’exemple des métiers des services à la personne
La Fédération du service aux particuliers (FESP), auditionnée par vos rapporteurs, a adressé à ceux-ci une contribution écrite dans laquelle elle observe que « le secteur des services à la personne compte dans son périmètre notamment les activités de maintien à domicile des personnes âgées en situation de handicap / dépendance ou encore le ménage et repassage réalisés au domicile des personnes. Le secteur est en grande tension avec une demande de services qui ne cesse de croitre. Nous n’arrivons déjà pas aujourd’hui à faire face à toutes les demandes. C’est un secteur ou nous avons d’énormes difficultés en termes d’attractivité. […] Le choc démographique de 2050 nous lance un défi que nous ne pourrons relever si nous ne mettons pas de notre côté toutes les possibilités pour recruter. »
En l’état du droit, peu de dispositions du CESEDA tirent les conséquences de ces difficultés de recrutement. Parmi ces rares dispositifs : l’article L. 414-13 du CESEDA dispose par exemple que lorsque la délivrance d’un titre de séjour est subordonnée à la détention préalable d’une autorisation de travail, la situation du marché de l’emploi est opposable au demandeur sauf lorsque la demande de l’étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement. La liste des métiers et zone géographique est établie par l’autorité administrative après consultation des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés ([207]). Comme souligné par l’étude d’impact du projet de loi, la liste des métiers en tension n’a ainsi « qu’une incidence limitée sur l’accès à un titre de séjour de plein droit » ([208]).
ii. Les limites de la procédure de l’AES par le travail
De nombreux observateurs soulignent les limites du système de l’AES par le travail. Mme Blandine Brocard, par exemple, dans son Avis précédemment mentionné ([209]), l’a qualifié de « complexe et [d’]inique ».
Les critiques formulées à l’encontre de l’AES par le travail sont principalement de deux ordres :
l’étranger ne peut se prévaloir des lignes directrices de la « circulaire Valls » devant le juge administratif. Le Conseil d’État s’est exprimé à deux reprises en ce sens ([210]). Il s’agit donc d’une procédure parfaitement discrétionnaire, à la main du préfet. Le recours à une circulaire expose ainsi les étrangers concernés, d’ores et déjà en situation de vulnérabilité, à des disparités de traitement sur le territoire, entraînant de potentielles ruptures d’égalité devant le droit ;
l’AES par le travail nécessite la coopération de l’employeur. Cette procédure nécessite la production par le ressortissant étranger de preuves de son investissement professionnel, notamment un formulaire CERFA rempli par son employeur. Or, comme observé par Mme Marilyne Poulain, ancienne membre de la direction confédérale et pilote du « collectif immigration » au sein de la Confédération générale du travail (CGT), à l’occasion de son audition par vos rapporteurs, ce pouvoir confié aux employeurs rend possible de régulariser les situations dans lesquelles le droit du travail est souvent respecté et l’employeur coopératif, mais ne permet pas de viser les situations les plus préoccupantes d’abus dans lesquelles les employés sont les plus vulnérables ;
cette voie d’accès au séjour ne fait aucune mention de la notion de « secteur en tension ». Les régularisations effectuées sont donc indépendantes des besoins de main-d’œuvre de notre économie (cf. le petit i) de la présente sous‑partie b)).
Alors que ces tensions de recrutement et la présence massive et indispensable d’étrangers dans ces emplois sont indiscutables, le système juridique dans lequel la régularisation par le travail est un parcours long, complexe et discrétionnaire ne peut prospérer.
2. Le projet de loi initial
L’article 3 du projet de loi crée une nouvelle sous-section dans le CESEDA, intitulée « étranger travailler dans un métier en tension », comportant un nouvel article L. 421-4-1. Il s’agit d’un dispositif expérimental, instauré jusqu’au 31 décembre 2026 ([211]).
L’article tend à créer une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension », d’une durée d’un an et délivrée de plein droit à l’étranger réunissant les deux conditions suivantes :
avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 du CESEDA durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones ;
justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France.
Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour visés aux articles L. 422-1 ([212]), L. 421-34 ([213]), et L. 521-7 ([214]) ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension ».
La délivrance de cette carte entraîne celle d’une autorisation de travail, matérialisée par ladite carte.
L’article L. 412-1 du CESEDA, disposant que la première délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l’étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 411-1 du même code, ne s’applique pas. De la même manière, l’article 3 du projet de loi précise également à l’article L. 436-4 du CESEDA que ce dernier, relatif au droit de visa de régularisation de 200 euros ([215]), ne s’applique pas aux étrangers concernés par la carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension ».
L’étranger titulaire de cette carte de séjour ayant exercé une activité professionnelle dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée peut se voir délivrer, à expiration de ce titre, une carte de séjour pluriannuelle mention « salarié », sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article L. 433-6 du même code.
Les modalités d’application de l’article ainsi créé sont fixées par décret en Conseil d’État.
Par ailleurs, l’article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le 31 décembre 2026, un rapport dressant le bilan de l’application des dispositions qu’il prévoit. D’après l’exposé des motifs du projet de loi, ce rapport « précisera si la pérennisation de ce titre est nécessaire ».
D’après l’étude d’impact du projet de loi, la création de cette carte de séjour temporaire aurait pour effet de compléter le dispositif de l’AES en ouvrant une nouvelle voie d’accès au séjour à la seule initiative des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national et d’améliorer l’articulation entre l’accès au séjour par le travail et les besoins de main-d’œuvre identifiés. De surcroît, elle renforcerait l’efficacité de la politique publique de répression des atteintes par les employeurs à l’ordre public social, puisque ceux-ci seraient contrôlés et vérifiés à l’occasion de l’instruction des demandes d’obtention de cette carte de séjour.
Enfin, comme observé par le Défenseur des droits dans un rapport de 2016, « s’intéresser au sort et aux droits des travailleurs en situation irrégulière n’est pas antinomique avec la préoccupation liée à la lutte contre le travail dissimulé […]. Si cette lutte poursuit un objectif légitime, rappelons qu’elle s’accompagne d’un dispositif répressif important à l’égard des employeurs, les travailleurs concernés étant, aux yeux de la loi et de la jurisprudence, des victimes de cette situation qu’il convient de protéger » ([216]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des Lois du Sénat a adopté cet article sans modification, à titre conservatoire. Elle a considéré que l’éventuelle modification de cet article relevait d’une question de principe qu’il revenait à la Séance publique de trancher. Elle a ainsi souhaité que le débat se déroule en Séance à partir du texte présenté par le Gouvernement.
En Séance, le Sénat a adopté quatre amendements de suppression de l’article ([217]). Elle a néanmoins adopté un amendement portant article additionnel après l’article 4, qui crée un nouveau dispositif d’admission exceptionnelle au séjour par le travail (cf. commentaire de l’article 4 bis).
4. La position de la Commission
La Commission n’a adopté aucun amendement de rétablissement de l’article 3. Elle a donc maintenu sa suppression.
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* *
Article 4
(art. L. 554-1-1 [nouveau] du CESEDA)
Accélération de l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile ressortissants de pays bénéficiant d’un taux de protection internationale élevé en France
Rétabli par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article a pour objet de permettre un accès immédiat, dès l’introduction de sa demande, du demandeur d’asile au marché du travail lorsqu’il est ressortissant d’un pays bénéficiant d’un taux élevé de protection internationale en France. Il ouvre également droit, pour ces mêmes demandeurs d’asile, au bénéfice de certaines formations.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 49 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a réduit de neuf à six mois le délai à compter de l’introduction de la demande d’asile, à partir duquel le demandeur d’asile peut solliciter une autorisation de travail, et donc accéder au marché du travail.
Modifications apportées par le Sénat
En Séance publique, le Sénat a supprimé cet article.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a rétabli l’article 4, dans sa rédaction initiale.
a. L’accès des demandeurs d’asile au marché du travail
La circulaire du 17 mai 1985 du Premier ministre M. Laurent Fabius relative aux demandeurs d’asile accordait automatiquement une autorisation de travail aux demandeurs d’asile. Par la suite, la circulaire de la Première Ministre Mme Édith Cresson du 26 septembre 1991 relative à la situation des demandeurs d’asile au regard du marché du travail l’a abrogée, en soulignant que « dans un contexte où les demandes d’asile sont examinées dans des délais très courts, il est apparu désormais possible de revoir les conditions d’accès au marché du travail des demandeurs d’asile ». Ainsi, la Circulaire de 1991 prévoyait que les demandeurs d’asile sont soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail.
En l’état du droit, l’accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d’asile lorsque l’OFPRA, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur ([218]), n’a pas statué sur la demande d’asile dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande ([219]).
Le délai, initialement de neuf mois, a été réduit à six mois à la suite de l’adoption de l’article 49 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Cette évolution reprend la proposition n° 47 formulée dans le rapport de M. Aurélien Taché, 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France (février 2018). Selon les termes de ce rapport, « le maintien des demandeurs d’asile dans l’inactivité est en effet préjudiciable à tous : déresponsabilisant et frustrante pour les intéressés, elle les enferme dans une logique d’assistance qu’ils supportent mal et qui nuit considérablement à leurs facultés ultérieures d’intégration ». Le délai de six mois est ainsi inférieur aux orientations de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil européen du 26 juin 2012 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, qui le fixe à un délai maximal de neuf mois à compter de la date d’introduction de la demande ([220]).
Le demandeur d’asile est, à compter de ce délai, soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail. Lorsque le demandeur d’asile effectue cette demande, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de deux mois à compter de la réception de la demande pour s’assurer que l’embauche de l’étranger respecte les conditions de droit commun d’accès au marché de travail. À défaut de notification dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise et est applicable pendant la durée du droit au maintien sur le territoire français du demandeur d’asile ([221]).
L’accès des demandeurs d’asile au marché du travail est ainsi très restrictif. Entre avril 2021 et avril 2022, sur 4 745 demandes d’autorisation de travail présentées par des demandeurs d’asile, 1 814 ont fait l’objet d’un accord, soit 38,2 % des personnes en ayant fait la demande et 2,3 % du total des demandeurs d’asile ([222]).
b. L’accès des demandeurs d’asile aux formations
i. Les formations dans le cadre du contrat d’intégration républicaine
Les demandeurs d’asile ne peuvent pas bénéficier des formations prescrites dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR). En application de l’article L. 413-3 du CESEDA, le parcours d’intégration républicaine comprend une formation civique, une formation linguistique, un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser l’insertion professionnelle et un accompagnement adapté aux besoins pour faciliter les conditions d’accueil et d’intégration de l’étranger (voir le commentaire de l’article 1er du projet de loi). Ce parcours est suivi par les étrangers admis pour la première fois au séjour en France ou qui entrent régulièrement en France entre l’âge de 16 et 18 ans, et qui souhaite s’y maintenir durablement. Les demandeurs d’asile ne sont donc pas concernés.
ii. Les actions de formation professionnelle continue
En application de l’article L. 554-4 du CESEDA, le demandeur d’asile qui accède au marché du travail bénéfice néanmoins des actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313-1 du code du travail ([223]).
iii. Un assouplissement progressif en matière d’accès à la formation
Comme souligné par les députés M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont dans leur rapport du 13 septembre 2020 ([224]), depuis 2018, certains assouplissements ont été décidés en matière d’accès des demandeurs d’asile à la formation initiale, dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés et de la mise en œuvre du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) ([225]). Dans le cadre de ce plan par exemple, deux actions sont ouvertes aux demandeurs d’asile :
les demandeurs d’asile extra-européens de moins de 26 ans sont éligibles au Parcours d’intégration par l’acquisition de la langue (PIAL), sous réserve de ne pas avoir obtenu de réponse de l’OFPRA six mois après l’introduction de leur demande ;
les demandeurs d’asile dont la demande est également restée sans réponse de l’OFPRA pendant une durée d’au moins six mois peuvent être candidats aux appels à projet du PIC consacrés aux réfugiés.
c. La procédure accélérée de traitement de la demande d’asile
La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre V du CESEDA comporte les dispositions relatives à la procédure accélérée devant l’OFPRA.
Dans le cadre d’une procédure normale, l’OFPRA doit examiner la demande dans un délai de six mois suivant son enregistrement ; dans le cadre de la procédure accélérée, l’OFPRA doit juger la demande dans les 15 jours qui suivent son enregistrement ([226]). Ce délai est ramené à 96 heures si la personne est placée en rétention administrative.
L’OFPRA statue en effet en procédure accélérée lorsque le demandeur d’asile se trouve dans l’une des trois situations suivantes :
1° Il provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr au sens de l’article L. 531-25 du même code (cf. encadré infra.) ;
2° Il a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ;
3° Il est maintenu en rétention ([227]).
Liste des pays d’origine sûrs (art. L. 531-25 du CESEDA)
Un pays est considéré comme sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n’y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne.
La liste est fixée par le conseil d’administration de l’OFPRA. Il examine régulièrement la situation dans ces pays, et l’actualité et la pertinence des inscriptions.
L’OFPRA peut également statuer en procédure accélérée de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, dans certaines conditions fixées respectivement aux articles L. 531-26 ([228]) et L. 531-27 du CESEDA ([229]).
Enfin, l’OFPRA peut décider de ne pas statuer en procédure accélérée ([230]) lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, en particulier si le demandeur provient d’un pays inscrit sur la liste des pays sûrs et invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande.
En 2022, 42 % de la demande totale d’asile a fait l’objet d’une procédure accélérée ([231]). La Géorgie et l’Albanie, concernées du fait de leur inscription sur la liste des pays d’origine sûrs, représentent 35 % de l’ensemble des demandes placées en procédure accélérée.
2. Le projet de loi initial
a. Ouverture de l’accès au marché du travail à certains demandeurs d’asile
L’article 4 du projet de loi initial tend à créer un nouvel article après l’article L. 554-1 du CESEDA disposant que, par dérogation ([232]), l’accès au marché du travail peut être autorisé dès l’introduction de la demande d’asile, dans les conditions prévues à l’article L. 554-3 du même code ([233]), au demandeur d’asile originaire d’un pays pour lequel le taux de protection internationale accordée en France est supérieur à un seuil fixé par décret et figurant sur une liste fixée annuellement par l’autorité administrative. Les demandeurs d’asile dont il est le plus probable qu’ils obtiendront une protection internationale auraient ainsi un accès immédiat au marché du travail.
L’étude d’impact du projet de loi indique que le taux de protection minimal envisagé est de 50 %. Avec ce taux (qui renvoie aux décisions OFPRA incluant les réformations de la CNDA), 15 973 demandeurs d’asile auraient été concernés par cette mesure en 2021. Ce chiffre aurait été de 24 421 en 2022 ([234]).
Néanmoins, le ministère de l’Intérieur a indiqué à vos rapporteurs avoir mis à l’étude d’autres taux de protection internationale. Un taux de 60 %, par exemple, aurait permis en 2021 à 15 622 demandeurs d’asile de bénéficier de la mesure, et à 21 031 en 2022. Un taux de 70 % : 13 903 en 2021, et 19 335 en 2022.
Afin de tenir compte du caractère imprévisible du contexte international, il prévoit également que la liste puisse être modifiée en cours d’année, en cas d’évolution rapide de la situation dans un pays d’origine, en vue de la compléter ou de suspendre une inscription.
D’après l’exposé des motifs du projet de loi, et alors que le délai de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA atteint encore souvent plusieurs mois en procédure normale, cette disposition a deux principaux objectifs : accélérer le parcours d’intégration des étrangers concernés et lutter contre l’emploi illégal d’étrangers sans autorisation de travail.
Le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur le projet de loi ([235]) , que cette disposition n’avait pas pour effet de remettre en cause ou de dégrader le droit des autres demandeurs d’asile à accéder au marché du travail en France, ni n’était contraire au principe d’égalité, « dans la mesure où les étrangers ayant la nationalité de pays dont les ressortissants bénéficient d’un fort taux de protection et donc d’une haute probabilité de demeurer sur le territoire français ne sont pas placés dans la même situation que les autres demandeurs d’asile au regard de leur vocation à s’intégrer en France ».
b. Ouverture de la possibilité de suivre certaines formations pour ces mêmes demandeurs d’asile
Le II du même article dispose que le demandeur d’asile accédant au marché du travail en application des dispositions précédentes bénéficie :
1° De la formation linguistique mentionnée au 2° de l’article L. 413-3 du CESEDA [celle prescrite dans le cadre du parcours d’intégration républicain], dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’accueil et de l’intégration ;
2° Des actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313-1 du code du travail.
c. Exception
Le III du même article précise que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l’OFPRA statue en procédure accélérée.
Par ailleurs, l’étude d’impact du projet de loi souligne également que cette mesure ne concernera que les demandeurs d’asile dont la demande relève de la responsabilité de la France, à l’exclusion de ceux placés sous « procédure Dublin » ([236]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
En commission des Lois, le Sénat a « constaté l’absence de consensus » et a « jugé préférable de ne pas modifier l’article pour que le débat puisse avoir lieu en séance » ([237]). Elle a donc adopté l’article sans modification.
En Séance, le Sénat a adopté quatre amendements ([238]) de suppression de l’article. D’après l’exposé sommaire de l’amendement de suppression de l’article déposé par les rapporteurs, la modification prévue par l’article 4 aurait pour effet d’entraîner des difficultés à procéder à l’éloignement du demandeur s’il était débouté.
4. La position de la Commission
La commission des Lois a rétabli cet article dans sa rédaction initiale, en adoptant huit amendements identiques ([239]).
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Article 4 bis A (nouveau)
(art. L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Accès au marché du travail des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013
Introduit par la Commission
La décision du Conseil d’État du 24 février 2022 ([240]) dispose que « l’article L. 554-1 du CESEDA, dans la rédaction que lui a donné [l’ordonnance du 16 décembre 2020] est annulé en tant qu’il exclut l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 » ([241]).
2. Le dispositif introduit par la Commission
Cet amendement a été introduit en commission des Lois, à la suite de l’adoption de l’amendement n° CL1704 de votre rapporteur général et de votre rapporteure Élodie Jacquier‑Laforge.
Il réécrit l’article L. 554-1 du CESEDA pour y ajouter que l’accès au marché du travail peut être autorisé lorsque le demandeur d’asile fait l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 et que cette décision n’a pas été exécutée dans le délai de six mois à compter de sa notification, à l’exception des cas d’emprisonnement ou de fuite prévus à l’article 29 de ce règlement, et en tout état de cause, dans un délai de neuf mois à compter de l’enregistrement de sa demande.
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Article 4 bis
(art. L. 435-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Procédure d’admission exceptionnelle au séjour pour les travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article additionnel crée un nouveau dispositif temporaire de régularisation, à titre exceptionnel, des travailleurs sans papiers exerçant une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté un amendement de réécriture de vos rapporteurs, modifié par quatre sous-amendements. Le dispositif ainsi rédigé dispose que lorsqu’un étranger a exercé une activité professionnelle, y compris dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, figurant dans la liste des métiers et secteurs « en tension », durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, occupe un emploi de même nature et justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France, il se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », sauf si le préfet s’y oppose pour des motifs spécifiques. En outre, la fin de l’expérimentation de ce dispositif est retardée du 31 décembre 2026 au 31 décembre 2028.
Pour l’état du droit en matière d’AES des travailleurs sans papiers, voir le commentaire de l’article 3 du projet de loi.
Cet article a été introduit en Séance publique, au Sénat, à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par les rapporteurs et modifié par un sous‑amendement du Gouvernement ([242]).
Cet article 4 bis crée un article additionnel L. 435-4 dans le CESEDA, plus précisément dans le chapitre relatif à l’AES.
Il y précise qu’à titre exceptionnel, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement durant au moins 12 mois (consécutifs ou non) ([243]), au cours des 24 derniers mois et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones, et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an. L’article précise également que ces conditions ne sont pas opposables à l’autorité administrative.
En plus de ces critères, l’autorité compétente prend en compte l’insertion sociale et familiale de l’étranger, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République.
Le sous-amendement du Gouvernement est venu exclure du calcul des périodes travaillées permettant d’accéder à l’AES celles exercées en qualité de demandeur d’asile, sous couvert d’un titre de séjour « étudiant » ou de « travailleur saisonnier ».
La disposition ne retient pas l’alinéa de l’article 3 du projet de loi initial en application duquel la délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail, matérialisée par ladite carte. Elle prévoit néanmoins que lorsqu’un titre de séjour est délivré sur le fondement de cet article, l’autorisation de travail peut lui être accordée après vérification auprès de l’employeur de la réalité de l’activité alléguée.
Ce dispositif, de même que celui prévu dans le projet de loi initial, n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2026.
Ainsi, le dispositif diffère de l’article 3 du projet de loi initial à quatre principaux égards : l’admission au séjour demeure discrétionnaire et à titre exceptionnel, les critères sont durcis, aucune carte de séjour temporaire spécifique n’est créée et la délivrance de l’une des cartes sur ce fondement ne vaut pas autorisation de travail. Vos rapporteurs, s’ils considèrent que l’article 4 bis instaure un dispositif trop peu opérant, se réjouissent néanmoins que le Sénat ait acté, sur le principe, la nécessité d’un dispositif de régularisation des étrangers sans papiers travaillant dans les secteurs en tension.
La Commission a adopté un amendement de réécriture de vos rapporteurs ([244]).
Ce nouvel article crée une voie d’accès au séjour pour les étrangers ayant exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement, durant au moins huit mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois, qui occupent un emploi relevant de ces métiers et zones, et qui justifient d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France. Ces étrangers se verraient, selon leur situation, délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Ce dispositif n’instaure ni une procédure discrétionnaire (à la seule main du préfet et insusceptible de recours), ni un droit automatique à la régularisation (dans la mesure où il dispose que le préfet s’oppose à cet octroi dans certaines conditions: si l’étranger représente une menace pour l’ordre public, contrevient par ses agissements aux principes et valeurs de la République définis à l’article 13 du présent projet de loi, ou s’il vit en France en état de polygamie).
La commission des Lois a également adopté quatre sous-amendements à cet amendement :
un sous-amendement ([245]) incluant dans la comptabilisation des années d’exercice professionnelle celles réalisées dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ;
un sous-amendement ([246]) précisant que la liste des métiers et zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement est établie à l’échelon départemental ;
deux sous-amendements identiques ([247]) décalant du 31 décembre 2026 au 31 décembre 2028 la date de la fin de l’expérimentation.
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Article 4 ter A (nouveau)
(art. L. 414-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Valeur d’autorisation de travail pour la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié »
Introduit par la Commission
En l’état du droit, l’article L. 414-11 du CESEDA prévoit que la possession d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident par un étranger résidant sur le territoire métropolitain lui confère, sous réserve des exceptions prévues à l’article L. 414-11 ([248]), le droit d’exercer une activité professionnelle, sur ce même territoire, dans le cadre de la législation en vigueur.
Cet amendement a été introduit en commission des Lois, à la suite de l’adoption de l’amendement n° CL1687 de votre rapporteure Élodie Jacquier‑Laforge.
Il prévoit que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » vaut autorisation de travail. Ainsi, les titulaires de cette carte n’auront plus à solliciter une nouvelle autorisation de travail à chaque changement de contrat.
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Article 4 ter B (nouveau)
(art. L. 421-34 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Possibilité, pour le titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier », d’exercer son activité auprès de plusieurs employeurs
Introduit par la Commission
Le 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail définit le travail saisonnier comme correspondant aux emplois dont les « les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
L’étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier et qui s’engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier » d’une durée maximale de trois ans.
L’article L. 421-34 du CESEDA dispose que la délivrance de cette carte de séjour vaut « autorisation de travail » et que cette délivrance est subordonnée à la détention préalable d’une autorisation de travail dans les conditions prévues aux articles L. 5221-2 et suivants du code du travail.
L’article introduit par l’adoption de l’amendement n° CL1646 du Président Houlié dispose que la délivrance de cette carte de séjour vaut autorisation de travail pour un emploi à caractère saisonnier. Dans la pratique, il permettra à l’étranger qui en est titulaire de changer d’employeur tout au long de la durée de validité de son titre, sous réserve de l’exercice d’une activité de saisonner et sans avoir besoin d’effectuer une nouvelle demande d’autorisation de travail.
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Article 4 ter
(art. L. 414-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Révision annuelle de la liste des métiers et des zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article additionnel tend à prévoir que la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement doit être révisée chaque année.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement réécrivant l’article pour y disposer que la liste concernée par ces dispositions est établie à l’appui de chiffres objectivés, prenant notamment en compte le taux de postes non pourvus, le taux de postes vacants et le taux d’étrangers en emploi.
L’article L. 414-13 du CESEDA dispose que, lorsque la délivrance du titre de séjour est subordonnée à la détention préalable d’une autorisation de travail, la situation du marché de l’emploi est opposable au demandeur sauf lorsque le même code en dispose autrement, et notamment lorsque la demande de l’étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement.
La liste de ces métiers et zones géographiques est établie par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés.
Cette liste a été mise à jour en 2021 ([249]) pour la dernière fois ; il s’agissait de la première actualisation depuis 2018. Elle définit, par zone géographique, la liste des familles professionnelles concernées (par exemple : agents d’entretien de locaux, charpentiers (bois), conducteurs routiers, techniciens d’étude et de développement en informatique, etc.).
L’article 4 ter, introduit en séance publique par un amendement de M. Bitz et cosignataires ([250]) ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement, vise à préciser que la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement doit être remise à jour une fois par an.
La Commission a adopté un amendement de réécriture de l’article ([251]). Il en résulte une suppression de la disposition relative à la fréquence de révision de la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement, et la précision selon laquelle celle-ci « est établie à l’appui de chiffres objectivés, prenant notamment en compte le taux de poste non pourvus, le taux de postes vacants et le taux d’étrangers en emploi ».
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Article 5
(art. L. 526-22 du code de commerce)
Conditionnement de l’accès au statut d’entrepreneur à la régularité du séjour
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article tend à préciser que le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer cette activité professionnelle.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a supprimé cet article en commission des Lois, puis l’a rétabli en séance publique, en excluant de la disposition les ressortissants d’un État partie à l’Espace économique européen (EEE) ou de la Confédération suisse.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté l’article sans modification.
a. Le régime de l’autoentreprise
L’entreprise individuelle est définie à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V de la partie législative du code de commerce comme suit : « l’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes » ([252]).
Ce régime a été créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie.
Il s’agit de travailleurs indépendants non-salariés, pouvant exercer en tant qu’artisans, commerçants ou profession libérale. Ils peuvent exercer à titre principal ou complémentaire, en parallèle d’un statut de salarié, d’étudiant ou de retraité.
b. L’immatriculation des autoentrepreneurs
L’immatriculation des autoentrepreneurs commerçants au registre du commerce et des sociétés, et celle des autoentrepreneurs artisans à celui des métiers, est obligatoire ; elle est en outre assujettie à une obligation de produire un titre de séjour en cours de validité.
Pour le registre du commerce et des sociétés, ce critère est précisé à l’annexe 1-1 du livre Ier de la partie « Arrêtés » du code de commerce ; pour le registre des métiers, à l’arrêté du 29 novembre 2021 relatif aux pièces justificatives à produire à l’appui des demandes d’inscription et de radiation au répertoire des métiers.
Malgré cette obligation de régularité du séjour, le Gouvernement souligne qu’une « part non évaluable des autoentrepreneurs commerçants et artisans étrangers sont dépourvus de titre de séjour » ([253]). Il précise que, par exemple, de nombreux comptes sur les plateformes dites « collaboratives » de chauffeurs‑livreurs appartiennent à des personnes en situation irrégulière ; alternativement, ces comptes peuvent être sous-loués à des tiers, eux-mêmes en situation irrégulière.
Les autoentrepreneurs exerçant une activité professionnelle libérale ne sont, quant à eux, pas assujettis à l’obligation de justifier d’un titre de séjour.
L’article 5 du projet de loi complète l’article L. 526-22 du code de commerce par un alinéa disposant que le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne, qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer cette activité professionnelle.
Il s’agit ainsi de poser une obligation générale de régularité du séjour pour l’ensemble des autoentrepreneurs, y compris les professions libérales, aujourd’hui non soumises à l’obligation d’inscription dans un registre.
D’après l’exposé des motifs du projet de loi, ce dispositif poursuit plusieurs objectifs : éviter que la facilité d’accès à ce statut soit un facteur d’attractivité du territoire national pour l’immigration irrégulière, et participer à la lutte contre les situations de forte précarité, voire d’exploitation de cette main-d’œuvre particulièrement vulnérable.
a. Les modifications apportées par la commission des Lois
En commission des Lois, le Sénat a voté la suppression de l’article 5 du projet de loi ([254]), considérant que l’obligation de régularité du séjour pour les étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle était déjà inscrite dans le droit positif, y compris pour les entrepreneurs individuels ([255]). Cette suppression s’inscrit dans la continuité de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, celui-ci ayant proposé « de ne pas retenir les dispositions du projet de loi conditionnant la création d’une entreprise individuelle par un étranger ressortissant d’un pays non membre de l’Union européenne à la détention d’un titre de séjour », au motif que cette exigence était déjà fixée par le CESEDA.
b. Les modifications apportées en Séance publique
En Séance, le Sénat a adopté, malgré un avis défavorable de la commission des Lois, un amendement du Gouvernement ([256]) de rétablissement de l’article 5 dans la rédaction suivante : « Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut. » Cette nouvelle rédaction diffère de celle du projet de loi initial en ce qu’elle dispose que l’obligation n’est pas applicable aux ressortissants étrangers d’un État partie à l’EEE ou de la Confédération suisse, ces derniers étant assimilés aux citoyens européens en vertu de l’article L. 200-3 du CESEDA.
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
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Article 6
(Partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L. 421‑8, L. 421-16, L. 421-17 et L. 421-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Remplacement de la dénomination de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » par la mention « talent », et fusion de trois de ces titres
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article a pour objet de renommer la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » en carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent », et de fusionner les cartes de séjour de cette catégorie relatives à la création d’entreprise, au projet économique innovant et à l’investissement économique direct en France, en une carte de séjour pluriannuelle unique portant la mention « talent – porteur de projet ».
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a étendu le dispositif « passeport talent » aux salariés recrutés par une entreprise qui présente un caractère innovant reconnu par un organisme public même si celle-ci n’a pas le statut fiscal de jeune entreprise innovante, et a étendu le « passeport talent – renommée nationale et internationale » aux personnes susceptibles de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement de la France.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté ces dispositions, mais les a complétées en fusionnant trois autres titres « passeport talent » : celui pour les jeunes diplômés qualifiés salariés, celui pour les salariés d’une jeune entreprise innovante, et celui pour les salariés en mission.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté l’article sans modification.
La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » est l’un des titres de séjour existant pour motif professionnel. Cette catégorie de carte de séjour s’adresse aux étrangers à fort potentiel et a pour objet de renforcer l’attractivité de notre territoire.
La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a créé cette nouvelle carte de séjour. Elle peut être délivrée dès la première admission au séjour de l’étranger ([257]) et vise plusieurs catégories d’étrangers : salariés qualifiés, chercheurs, personnes engagées dans la création d’entreprise et l’investissement, profession artistique, étranger ayant une renommée internationale, etc. ([258]). Au total, 11 catégories de titres coexistent. Environ 10 000 visas pour motif économique avec une mention « passeport – talent » ont été délivrés en 2021, soit 48,4 % de plus qu’en 2020 ([259]). La moitié est attribuée à des salariés et plus du tiers à des chercheurs (scientifiques) ([260]).
La sous-section 4 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du CESEDA comporte plus spécifiquement les dispositions relatives au motif d’attribution du « passeport talent » en lien avec la création d’entreprise et les investissements. Elle dispose que l’étranger peut se voir octroyer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » lorsqu’il se trouve dans l’une des trois situations suivantes :
1° Il a obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou peut attester d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable et justifiant d’un projet économique réel et sérieux, et il crée une entreprise en France (article L. 421-16 du CESEDA) ;
2° Il justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public (article L. 421-17 du même code) ;
3° Il procède à un investissement économique direct en France (article L. 421-18 du même code).
En 2021, d’après l’étude d’impact du projet de loi, 72 titres ont été délivrés en première demande et 128 en renouvellement pour le motif « création d’entreprise » ; 55 en première demande et 68 en renouvellement pour le motif « projet économique innovant » ; ainsi que 30 en première demande et 29 en renouvellement pour le motif « investissement économique ». Peu d’étrangers sont ainsi concernés.
La sous-section 8 de la même section ([261]) comporte les dispositions relatives aux membres de famille des étrangers concernés. La procédure est plus favorable que celle prévue dans le cadre du regroupement familial « de droit commun ».
L’article 6 du projet de loi initial réécrit l’article L. 421-16 du CESEDA, relatif au motif de la « création d’entreprise ». Il fusionne les titres délivrés actuellement pour les motifs de création d’entreprise, de projet économique innovant et d’investissement en France en un unique titre portant la mention « talent – porteur de projet ». Le nouvel article L. 421-16 du même code dispose ainsi que se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent – porteur de projet », d’une durée maximale de quatre ans, l’étranger porteur d’un projet économique en France et qui :
ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable, justifie d’un projet économique réel et sérieux et créé une entreprise en France ;
ou justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;
ou procède à un investissement économique direct en France.
Il prévoit également que cette carte permet l’exercice d’une activité commerciale en lien avec le projet économique ayant justifié sa délivrance.
Il supprime, par cohérence, les articles L. 421-17 et L. 421-18 du CESEDA, portant respectivement sur l’octroi de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » à l’étranger qui justifie d’un projet économique innovant et à celui procédant à un investissement économique direct en France.
Ces trois motifs de délivrance sont en effet similaires, justifiant la fusion. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, peu de titres sont délivrés chaque année sur ces fondements.
L’article 6 du projet de loi substitue également aux mentions dans le CESEDA de la « carte de séjour portant la mention “passeport talent” » celles de « carte de séjour portant la mention “talent” ». Il modifie également cette mention à l’article L. 5523-2 du code du travail ([262]). La suppression du terme « passeport » vise, selon l’étude d’impact du projet de loi, à éviter « une possible confusion sur la nature du document délivré pour le public cible des talents étrangers, ainsi que pour l’environnement des entreprises ».
Ainsi, ces évolutions permettront, d’après l’étude d’impact du projet de loi, de rationaliser le nombre de catégories existantes actuellement et d’améliorer la lisibilité du cadre juridique.
La commission des Lois du Sénat a adopté les dispositions relatives à la fusion des trois titres et à la modification de la dénomination de la carte de séjour.
Elle également retenu d’autres dispositions. Elle a en effet adopté un amendement ([263]) des rapporteurs tendant à fusionner trois autres régimes aux caractéristiques jugées similaires : le « passeport talent » consacré aux jeunes diplômés qualifiés salariés, celui destiné aux salariés d’une jeune entreprise innovante et celui prévu pour les salariés en mission. « En effet, la durée maximale de validité de ces titres et les droits qui y sont associés sont identiques » d’après le rapport du Sénat ([264]).
Les catégories de « passeport talent » fusionnées dans l’article 6 du projet de loi, dans sa rédaction adoptée par la commission des Lois du Sénat
Le « passeport talent » à destination des jeunes diplômés qualifiés salariés ([265]) : l’étranger qui exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, sous réserve de justifier du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret (article L. 421-9 du CESEDA).
Le « passeport talent » destiné aux salariés d’une jeune entreprise innovante ([266]) : l’étranger qui est recruté dans une entreprise innovante ([267]) réalisant des projets de recherche et de développement, ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international ou environnemental, sous réserve de justifier d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État (article L. 421-10 du CESEDA).
Le « passeport talent » prévu pour les salariés en mission ([268]) : l’étranger qui vit en France dans le cadre d’une mission entre établissements d’une même entreprise d’un même groupe et qui justifie, outre d’une ancienneté professionnelle d’au moins trois mois dans le groupe ou l’entreprise établi hors de France, d’un contrat de travail conclu avec l’entreprise établie en France, sous réserve de justifier d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État (article L. 421-13 du CESEDA).
Ces titres sont ainsi fusionnés en un titre unique intitulé « talent – salarié qualifié ».
La commission des Lois du Sénat a également procédé aux coordinations nécessaires dans le CESEDA pour tirer les conséquences de cette fusion.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de coordination des rapporteurs ([269]) ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement.
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
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Article 7
(art. L. 421-13-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers, art. L. 4111‑2‑1 [nouveau], L. 4221-12-1 [nouveau], L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique)
Création d’une carte de séjour pluriannuelle « talent – professions médicales et de la pharmacie » et modification du régime juridique relatif aux praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE)
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article tend à créer deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles « talent – professions médicales et de la pharmacie » et à déconcentrer la compétence relative à la délivrance des autorisations d’exercer aux PADHUE.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a conservé la disposition créant l’une des deux cartes de séjour, et a supprimé la seconde, de même que la disposition relative à la déconcentration de la délivrance des autorisations d’exercer. Il a également ajouté à cet article que la carte de séjour ne peut être délivrée que si l’étranger concerné a signé une charte des valeurs de la République.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé la mention de la charte des valeurs de la République et a rétabli les dispositions relatives à la délivrance des autorisations d’exercice temporaire.
Le cadre juridique relatif aux praticiens diplômés hors Union européenne (PADHUE) a été progressivement défini par le législateur depuis les années 1970 ([270]).
La présence de PADHUE sur notre territoire revêt un double enjeu. Un enjeu individuel d’abord, pour les praticiens concernés, et un enjeu collectif, car ils rendent possible le maintien, dans de nombreux territoires, d’une offre suffisante de soins. D’après le Conseil national de l’Ordre des médecins, environ 16 000 PADHUE exercent aujourd’hui en France ; auxquels il convient d’ajouter plusieurs centaines de professionnels chirurgiens-dentistes et pharmaciens ([271]).
En l’état du droit, les articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique définissent les conditions dans lesquelles un PADHUE, en qualité de médecin, de sage-femme, de chirurgien‑dentiste ou de pharmacien, peut venir exercer en France.
En application de ces dispositions, quatre étapes sont prévues :
1° L’obtention du concours des « épreuves anonymes de vérification des connaissances » (EVC), organisé par spécialité. En 2023, 2 737 postes sont ouverts aux EVC (2 703 pour la médecine, 17 places en odontologie, 12 en pharmacie et 5 pour la profession de sage-femme) ([272]) ;
2° L’affectation par le ministère chargé de la santé sur un poste en France, en qualité de praticien associé ;
3° La validation, pendant cette affectation, d’un « parcours de consolidation des connaissances », d’une durée de deux ans pour les médecins et pharmaciens, et d’un an pour les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ;
4° La délivrance, après la validation de ce parcours, d’une autorisation de plein exercice.
Ces étapes aboutissent à la délivrance d’un titre de séjour correspondant à la situation professionnelle de l’intéressé.
L’étude d’impact du projet de loi relève deux types de difficultés en lien avec ce régime juridique : d’une part, un taux d’échec élevé aux EVC, et d’autre part, la non éligibilité des étrangers concernés aux cartes de séjour « talent » et aux avantages attachés. En effet, les PADHUE ne pourraient bénéficier en l’état du droit d’aucune des cartes de séjour « passeport talent », soit parce qu’ils ne répondent pas aux critères, soit, s’agissant en particulier de la carte de séjour « passeport talent – carte bleue européenne », parce qu’ils n’ont pas une rémunération annuelle brute supérieure à une fois et demie le salaire brut moyen de référence, soit 53 836,50 euros.
Pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, le ministre chargé de la santé ou, sur délégation, le directeur général du Centre national de gestion peut, après avis d’une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées, choisis par ces organismes, autoriser individuellement à exercer les personnes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant l’exercice, dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, de la profession de médecin, dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation, de celle de chirurgien-dentiste (le cas échéant dans la spécialité correspondant à la demande d’autorisation), ou de celle de sage-femme. Ces personnes doivent avoir satisfait les EVC et justifier d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française ([273]).
Pour les professions de pharmacien, le ministre chargé de la santé peut, après avis d’une commission, composée notamment de professionnels de santé, autoriser individuellement, le cas échéant, dans la spécialité à exercer à la pharmacie les personnes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant l’exercice de la profession de pharmacien dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre. Comme pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, ces personnes doivent avoir satisfait à des EVC et justifier d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française ([274]).
L’article 7 du présent projet de loi s’inscrit dans le contexte d’un examen parlementaire parallèle de la proposition de loi n° 1175 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. Son article 9 vise en effet, d’après l’exposé des motifs du texte, à « créer une autorisation temporaire d’exercice en établissement de santé, en établissement médico-social ou social, public ou privé à but non lucratif ». Cette autorisation aurait pour effet de permettre aux PADHUE de s’inscrire dans une démarche de reconnaissance de leur diplôme. Son article 10 tend à créer une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent – professions médicales et de la pharmacie » pour répondre aux besoins de recrutement de ces personnels.
L’examen de cette proposition de loi est en cours, après son adoption par l’Assemblée nationale le 15 juin 2023, et par le Sénat le 25 octobre. Une commission mixte paritaire a été convoquée.
En tout état de cause, vos rapporteurs se montreront particulièrement soucieux de la bonne coordination des dispositions de cette proposition de loi et de celles du présent projet de loi.
Pour remédier aux difficultés précédemment présentées, l’article 7 du projet de loi crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles « talent – professions médicales et de la pharmacie », d’une durée de validité différente, pour deux situations distinctes.
L’article 7 du projet de loi initial crée un nouvel article L. 421-13‑1 dans le CESEDA, dans la sous-section 2 (« Salariés qualifiés ») de la section 3 (« étranger bénéficiaire du ‘‘passeport talent’’ ») du chapitre Ier du titre II du livre IV de sa partie législative.
Ce nouvel article dispose que l’étranger occupant un emploi pour une durée égale ou supérieure à un an au sein d’un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social, ou médico-social au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 [médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme] et L. 4221-1 [pharmacien] du code de la santé publique, titulaire de l’attestation prévue aux articles L. 4111-2-1 et L. 4221-12-1 du même code [articles créés par le projet de loi, cf. infra] et justifiant d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent – professions médicales et de la pharmacie » d’une durée maximale de 13 mois. Cette carte permet l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.
S’agissant du critère de l’attestation, l’article 7 du projet de loi crée deux nouveaux articles L. 411-2-1 et L. 4221-21-1, respectivement pour les médecins, chirurgien-dentiste et sages-femmes, et pour les pharmaciens. Dans les deux cas, par dérogation aux règles de droit commun d’octroi des attestations, l’autorité compétente peut, après avis d’une commission comprenant notamment des personnels de santé, délivrer une attestation permettant un exercice provisoire dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico‑social ([275]) à des ressortissants d’un État autre que ceux membres de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’EEE, titulaires d’un titre de formation délivré par un État tiers et permettant l’exercice de la profession concernée, établissant leur expérience professionnelle par tout moyen et disposant d’un niveau de connaissance de la langue française suffisant pour exercer leur activité en France. Ces professionnels s’engagent à passer les EVC ([276]). La durée de validité de cette attestation est de 13 mois, renouvelable une fois ([277]). Un décret en Conseil d’État précise, pour chacun des articles :
a) Les délais, conditions, composition et modalité de dépôt des dossiers de demande d’attestation ;
b) La composition et le fonctionnement de la commission ;
c) Les établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux au sein desquels ces professionnels peuvent exercer ;
d) Les modalités de mise en œuvre, de suivi et de renouvellement des attestations.
Ainsi, ce titre de séjour bénéficie aux PADHUE non encore lauréats des EVC, qui pourraient exercer en France sous couvert d’un titre de séjour « Talent », dans la perspective de passer avec succès ces épreuves. Sa délivrance est conditionnée à celle d’une attestation provisoire d’exercer, prévue dans deux nouveaux articles ajoutés au code de la santé publique.
D’après l’étude d’impact du projet de loi, environ 400 professionnels PADHUE pourraient bénéficier de cette carte de séjour. De surcroît, « ce dispositif pourrait bénéficier aux PADHUE n’ayant pas encore satisfait aux EVC, mais s’engageant à les passer, et qui occuperaient un emploi sur les postes non pourvus par les EVC » ([278]).
Ce même nouvel article L. 421-13‑1 dispose que l’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer mentionnées aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique, qui occupe un emploi et justifie du respect du seuil de rémunération tels que définis au premier alinéa [donc fixé par décret en Conseil d’État] se voit délivrer une carte pluriannuelle portant également la mention « talent – profession médicale et de la pharmacie », d’une durée maximale de quatre ans.
Cette carte permet également l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance.
D’après l’étude d’impact du projet de loi, cette carte pourrait concerner 2 000 PADHUE qui sont, chaque année, lauréats du concours des EVC. En outre, parmi les PADHUE bénéficiant déjà du plein exercice et inscrit à l’Ordre de leur profession, certains n’ont pas la nationalité française : d’après l’étude d’impact, environ la moitié des 16 000 médecins PADHUE inscrit à l’Ordre pourraient bénéficier de cette carte de séjour pluriannuelle.
c. Déconcentration de la compétence pour délivrer les autorisations d’exercer en France pour les personnes titulaires d’un diplôme étranger
Le 3° de l’article 7 du projet de loi tend enfin à modifier les articles L. 4111‑2 et L. 4221-12 du code de santé publique, relatifs aux autorisations d’exercer respectivement pour les professions de médecins, de chirurgiens-dentistes et de sages‑femmes, et pour les pharmaciens, afin de transférer la compétence de la délivrance du « ministre chargé de la santé ou, sur délégation, le directeur général du Centre national de gestion » à « l’autorité compétente ».
D’après l’exposé des motifs du projet de loi, cette évolution a pour objectif de confier la compétence à une autorité régionale (soit le directeur de l’agence régionale de santé, soit une autorité collégiale régionale) après l’avis d’une commission (selon le cas, une commission régionale ou une commission nationale). Cette évolution permettrait, selon le Gouvernement, d’augmenter le nombre d’autorités compétentes pour se prononcer et donc d’accélérer le flux de traitement des dossiers.
La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([279]), tendant à supprimer :
la carte de séjour pluriannuelle de 13 mois et l’autorisation dérogatoire d’exercice qui y serait attachée pour les praticiens n’ayant pas réussi les EVC ([280]) ;
la modification de la compétence en matière de délivrance des autorisations d’exercer, celle-ci étant de nature à « créer des divergences d’appréciation à l’échelle du territoire sur des cas pourtant similaires » selon l’exposé sommaire de l’amendement.
La rédaction adoptée conserve néanmoins la possibilité, pour les PADHUE lauréats des EVC, de se voir délivrer une carte de séjour temporaire de quatre ans.
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement ([281]) de M. Eustache‑Brinio et cosignataires, qui a recueilli un avis de sagesse du Gouvernement, ajoutant au dispositif que la carte de séjour temporaire de quatre ans ne peut être délivrée à l’étranger que si celui-ci a signé une charte des valeurs de la République.
La commission des Lois a adopté trois amendements :
deux amendements identiques, dont l’un de vos rapporteurs ([282]), ayant pour objet de supprimer l’obligation de signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité ;
un amendement rétablissant les dispositions relatives à la délivrance des attestations permettant un exercice provisoire des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien ([283]).
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Article 7 bis
(art. 175-2 du code civil)
Extension du sursis à la célébration de mariage prononcé par le procureur de la République en cas de suspicion de mariage frauduleux
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
En application de cet article, le silence gardé pendant 15 jours par le procureur de la République, en cas de suspicion de mariage frauduleux signalée par l’officier d’état civil, entraîne par défaut le sursis à la célébration du mariage. En outre, cet article double la durée de ce sursis, portée à deux mois renouvelables. Enfin, il tend à prévoir que le procureur de la République doit donner injonction de procéder au mariage le cas échéant, et non seulement « laisser procéder au mariage ».
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 35 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié l’article 175-2 du code civil, en précisant que l’officier d’état civil est tenu de saisir le procureur de la République lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé ; il s’agissait auparavant d’une simple faculté.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté un amendement de réécriture supprimant la totalité des dispositions à l’exception de l’allongement de la durée maximale du sursis qui peut être décidé par le procureur de la République.
Sur le fondement de l’ordonnance du 2 novembre 1945, la loi soumettait le mariage d’un Français avec un étranger à une autorisation du préfet. Jugée contraire à l’article 12 ([284]) de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit le droit au mariage, cette disposition a été abrogée par une loi de 1981 ([285]).
Le principe de la liberté du mariage est aujourd’hui considéré par le Conseil constitutionnel comme une « composante de la liberté individuelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » ([286]). Si ce principe interdit de subordonner la célébration du mariage à la régularité du séjour du futur conjoint étranger, il ne fait pas obstacle à l’adoption de mesures de lutte contre les mariages forcés ([287]) et contre les mariages « blancs », c’est‑à‑dire seulement contractés en vue d’obtenir un titre de séjour ou une protection contre l’éloignement.
La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a mis en place une procédure d’opposition à la célébration du mariage, codifiée à l’article 175-2 du code civil.
Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition ou des entretiens individuels conduits, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 [point de consentement] ou de l’article 180 [sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux], l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés ([288]).
Le procureur de la République est tenu, dans les 15 jours de sa saisine, soit :
1° De laisser procéder au mariage ;
2° De faire opposition à celui-ci ;
3° Soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
Il fait connaître sa décision motivée à l’officier d’état civil et aux intéressés. À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration ([289]).
La durée du sursis décidé par le Procureur ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
L’article 7 ter a été introduit en séance publique par l’adoption d’un amendement de Mme Valérie Boyer et cosignataires ([290]), ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement. Il modifie le deuxième alinéa de l’article 175-2 du code civil pour y indiquer que le procureur de la République est tenu, dans les 15 jours de sa saisine, soit de faire opposition au mariage, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration dans l’attente des résultats de l’enquête, soit de donner injonction de procéder au mariage (et non plus de « laisser procéder au mariage »).
Il ajoute qu’à défaut de décision motivée dans le délai imparti, l’avis du procureur de la République est réputé avoir décidé un sursis à la célébration du mariage de deux mois. La décision de sursis devient ainsi la décision par défaut.
Enfin, la durée du sursis est allongée d’un mois renouvelable une fois à deux mois renouvelable une fois.
La commission des Lois a adopté un amendement de réécriture déposé par vos rapporteurs, qui supprime la totalité des dispositions de l’article, à l’exception de l’allongement d’un à deux mois de la durée maximale du sursis qui peut être décidé par le procureur de la République ([291]).
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Article 7 ter (supprimé)
(art. L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Durcissement des conditions d’attribution du titre de séjour pour les jeunes majeurs qui ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à durcir les conditions d’attribution de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux jeunes majeurs ayant été confiés au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) au plus tard le jour de leurs 16 ans, en disposant que l’étranger ne doit plus avoir aucun lien avec sa famille restée dans son pays d’origine.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 41 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a étendu le périmètre des jeunes majeurs pouvant bénéficier de cette carte de séjour à ceux ayant été confiés à un tiers digne de confiance avant leurs 16 ans, en plus de ceux confiés au service de l’ASE.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
Les critères d’attribution d’un titre de séjour pour les jeunes majeurs qui ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans sont déterminés par l’article L. 423-22 du CESEDA.
Cet article dispose qu’un étranger confié au service de l’ASE ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses 16 ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », d’une durée d’un an, sous réserve :
du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite ;
de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine ;
et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française.
Cet article a été introduit en séance publique à la suite de l’adoption d’un amendement de Mme Bellurot et cosignataires ([292]), malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Il substitue au critère de la « nature des liens de l’étranger avec sa famille » celui de « l’absence avérée de lien avec sa famille ».
La commission des Lois a adopté huit amendements de suppression de l’article 7 ter, parmi lesquels celui de vos rapporteurs ([293]).
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Chapitre III
(Division supprimée)
Article 8
(art. L. 8253-1, L. 8254-2, L. 8254-2-1, L. 8254-4, L. 8256-2, L. 8271-17, L. 5221-7, et L. 8272‑6 [nouveau] du code du travail, section 2 du chapitre II du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Instauration d’une nouvelle amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article tend à créer une nouvelle amende administrative contre les employeurs d’étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté un amendement de suppression de l’article en commission des Lois, puis a adopté un amendement en séance publique, déposé par le Gouvernement, et ayant pour objet remplaçant la « contribution spéciale » par une amende administrative rénovée.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article, modifié par un amendement de vos rapporteurs qui prévoit, pour le paiement de l’amende administrative créée par l’article, une solidarité financière entre l’employeur et son cocontractant.
Tout étranger ressortissant d’un pays tiers souhaitant exercer une activité professionnelle salariée sur le territoire français doit détenir une autorisation de travail pour l’emploi qu’il va occuper ([294]). L’employeur est tenu de s’informer sur la nationalité de la personne qu’il embauche et de vérifier, dans le cas où elle est étrangère, si elle est titulaire d’un titre l’autorisant à travailler ([295]).
Le dispositif répressif du travail irrégulier comporte un volet pénal et un volet administratif.
S’agissant du volet pénal, le choix a été fait en France de centrer la répression sur les employeurs. La loi ne sanctionne pas l’étranger travaillant sans autorisation, considéré sur le plan pénal comme une victime, mais réprime néanmoins la fraude ou fausse déclaration destinée à obtenir une autorisation de travail.
En application des articles L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail, il est ainsi interdit d’embaucher, de conserver à son service ou d’employer un étranger qui n’est pas muni d’une autorisation de travail. De surcroît, l’article L. 8251-2 du même code dispose que « nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler ».
Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d’embaucher, de conserver à son service ou d’employer, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni de titre l’autorisation à exercer une activité salariée en France est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15 000 euros ([296]). Le fait de recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler est puni des mêmes peines ([297]).
Ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée ([298]).
L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.
La législation prévoit également des peines complémentaires, par exemple :
pour les personnes physiques : interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer, directement ou par personne interposée, l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ; exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ; affichage ou diffusion de la décision prononcée ; interdiction des droits civiques, civils et de la famille ([299]) ;
pour les personnes morales : interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ; placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ; exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ([300]).
En 2020, 303 affaires d’emploi d’étrangers sans titre ont reçu une réponse pénale ([301]).
Outre les poursuites judiciaires qui peuvent être engagées contre lui, l’employeur s’expose également à des amendes administratives.
L’article L. 8253-1 du code du travail contraint en effet l’employeur d’un étranger non autorisé à exercer une activité salariée à acquitter une « contribution spéciale » auprès de l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII). Le montant de la contribution spéciale est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l’infraction, du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 du même code dans le cadre du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Ce montant peut être réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans certains cas prévus à l’article R. 8253-2 du même code (par exemple lorsque le procès-verbal d’infraction ne mentionne pas d’autre infraction commise à l’occasion de l’emploi du salarié étranger).
De même, l’employeur d’un étranger sans titre de séjour s’expose, en cas de fraude, au paiement d’une « contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine », lorsque l’étranger n’était pas autorisé à séjourner en France. Cette contribution doit être acquittée pour chaque employé en situation irrégulière ([302]). Le montant est fixé en fonction des zones géographiques du pays dont est originaire l’étranger (par exemple : 2 124 euros pour le Maghreb et 3 266 euros pour les Amériques), en application de l’arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine.
En 2021, le nombre de procès-verbaux transmis à l’OFII par les corps de contrôle s’est élevé à 1 288. Le nombre d’infractions correspondantes étaient de 2 565 au titre de la contribution spéciale, et 1 990 d’entre elles incluaient également une contribution forfaitaire pour frais de réacheminement ([303]).
Outre ces sanctions pécuniaires, les articles L. 8272-1 du code du travail et suivants prévoient d’autres types de sanctions administratives : refus d’accorder, pendant une durée maximale de cinq ans, certaines aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture à la personne ayant fait l’objet de cette verbalisation ; décision motivée de fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois ; ou encore, exclusion de la personne verbalisée de certains contrats administratifs, pour une durée ne pouvant pas excéder six mois.
L’article 8 du projet de loi initial crée un nouvel article L. 8272-6 dans le code du travail, au sein du chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie, relatif aux sanctions administratives en cas de contrôle du travail irrégulier.
Ce nouvel article dispose que, lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant l’infraction prévue au 4° de l’article L. 8211-1 du même code (« emploi d’étranger non autorisé à travailler ») ou d’un rapport établi par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271‑7‑2 ([304]), elle peut prononcer une amende administrative.
Lorsqu’elle informe l’auteur du manquement qu’elle envisage de prononcer cette amende, elle en avise sans délai le procureur de la République.
L’exposé des motifs du projet de loi indique que cette nouvelle amende administrative a pour objet de s’inscrire « dans une gradation des sanctions, en s’appliquant dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier une fermeture administrative ».
Le montant maximal de cette amende est fixé à 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés par le manquement. Ce montant est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l’amende.
Pour déterminer si elle prononce une amende et fixer son montant le cas échéant, l’autorité prend en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur (notamment sa bonne foi), ainsi que ses ressources et ses charges.
Lorsque sont prononcées, à l’encontre d’une même personne, une amende administrative en application de ces dispositions et une amende pénale à raison des mêmes faits, le montant global des amendes prononcées ne doit pas dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.
L’amende est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. L’opposition à l’exécution ou l’opposition aux poursuites n’a pas pour effet de suspendre l’action en recouvrement de la créance.
Le délai de prescription prévu est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a cessé.
La personne à l’encontre de laquelle une amende est prononcée peut contester la décision de l’administration devant le tribunal administratif.
Le présent article dispose enfin que ses modalités d’application et ses conditions de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d’État.
La commission des Lois du Sénat a supprimé cet article en Commission, pour trois raisons. D’abord, elle a considéré qu’il existait déjà suffisamment d’amendes administratives pour réprimer le recours à une main-d’œuvre illégale. Ensuite, elle a estimé le dispositif contraire au principe « non bis in idem » et donc inconstitutionnel puisqu’il viendrait sanctionner les mêmes faits que les contributions déjà prévues par le code du travail et le CESEDA. Enfin, elle a émis des réserves sur l’efficacité du dispositif, « son montant se situant au bas de l’échelle des contributions susceptibles d’être prononcées par l’office » ([305]).
En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques du Gouvernement ([306]) et de M. Bitz et cosignataires ([307]) instaurant un nouveau dispositif de sanction. L’article 8 ainsi rédigé substitue à la « contribution spéciale » une nouvelle amende administrative prononcée par le ministre chargé de l’immigration, au vu des procès-verbaux et des rapports qui lui sont transmis en application de l’article L. 8271-17 du code du travail ([308]). Lorsqu’il prononce l’amende, le ministre prend en compte, pour déterminer son montant, les capacités financières de l’auteur du manquement, le degré d’intentionnalité et le degré de gravité de la négligence commise. Son montant est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti ([309]) et peut être majoré en cas de réitération ([310]). L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers. Lorsque cette amende est prononcée en même temps qu’une sanction pénale, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues. L’article dispose que les conditions d’application de cet article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
L’article 8 ainsi réécrit comporte également d’autres évolutions :
le code du travail prévoit à plusieurs de ses articles une solidarité financière du donneur d’ordre. Ce dernier est alors tenu solidairement avec son cocontractant, le cas échéant, au paiement des salaires et accessoires dû à l’étranger non autorisé à travailler, des indemnités versées au titre de la rupture de la relation de travail, ainsi que de tous les frais d’envois des rémunérations impayées et des contributions (spéciales et forfaitaires). L’article 8 dans sa nouvelle rédaction supprime la mention de la « contribution spéciale », sans la remplacer par la nouvelle amende administrative, de la liste des paiements solidaires aux articles L. 8254-2, L. 8254‑2-1, et L. 8254‑2-1 du code du travail ([311]) ;
il augmente le plafond de l’amende pénale prévue pour toute personne qui, directement ou par personne interposée, a embauché, conservé à son service ou employé, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, de 15 000 euros à 30 000 euros ; lorsque l’infraction est commise en bande organisée, le plafond est relevé de 100 000 à 200 000 euros. D’après l’exposé sommaire de l’amendement, cette évolution a pour objet de « permettre l’application effective de l’amende administrative, actuellement limitée en raison du dépassement des plafonds des sanctions pénales » ;
il dispose que le ministre chargé de l’immigration reçoit des agents compétents pour rechercher et constater des infractions aux dispositions des articles L. 8251-1 et L. 8251-2 du code du travail une copie des rapports et des procès-verbaux relatifs à ces infractions (à la place du directeur général de l’OFII en l’état de la rédaction de l’article L. 8271-17 du même code) ;
l’article L. 5221-7 du code du travail est complété d’un alinéa prévoyant que les agents de contrôle mentionnés à l’alinéa précédent peuvent obtenir tous renseignements et documents relatifs aux autorisations de travail.
La commission des Lois a adopté l’article, dans sa rédaction modifiée par un amendement de vos rapporteurs ([312]) qui établit, pour le paiement de l’amende administrative, une solidarité financière entre l’employeur et son cocontractant. Cette disposition a pour objectif de mettre l’article 8 du projet de loi en conformité avec la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers dont le séjour est irrégulier.
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Chapitre IV (supprimé)
Distinguer les parcours d’intégration réussis
Article 8 bis (supprimé)
Création d’un diplôme de l’intégration
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article tend à créer un diplôme de l’intégration pour les citoyens ayant acquis la nationalité française dont le parcours de vie, l’insertion professionnelle ou les engagements associatifs et civiques témoignent d’une intégration exemplaire dans la société française.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a supprimé cet article.
Les paragraphes 2 et 5 de la section I du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du CESEDA portent respectivement sur :
l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage ;
l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique.
Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Paccaud et cosignataires ([313]) ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement. Il instaure un diplôme de l’intégration, visant à distinguer les citoyens ayant acquis la nationalité française dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 5 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil, dont le parcours de vie, l’insertion professionnelle ou les engagements associatifs et civiques témoignent d’une intégration exemplaire dans la société française.
L’article dispose que les étrangers pouvant prétendre à l’acquisition de la nationalité française sur le fondement de ces mêmes dispositions peuvent également être distingués.
Un décret fixe les règles d’attribution, de promotion et le statut de ce diplôme.
L’exposé sommaire de l’amendement indique enfin que le Gouvernement pourrait associer à ce diplôme l’attribution d’une médaille.
La commission des Lois a adopté cinq amendements de suppression de l’article 8 bis ([314]).
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Titre II
améLiorer le dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public
Chapitre Ier
Rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public
Article 9
(art. L. 252-2, L. 631-2, L. 631-3, L. 641-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art.131-30, 131-30-1, 131-30-2, 435-14, 441-11, 444-8 du code pénal, art. 41 du code de procédure pénale)
Assouplissement des régimes de protection bénéficiant à certaines catégories de ressortissants étrangers pour faciliter les décisions d’expulsion et le prononcé de la peine d’interdiction du territoire
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 9 du projet de loi vise à faciliter l’expulsion des étrangers dont le comportement constitue une menace grave pour l’ordre public, y compris lorsqu’ils bénéficient d’une protection particulière en raison de leur situation personnelle ou familiale en France.
En premier lieu, le présent article facilite l’émission des décisions administratives d’expulsion en assouplissant les régimes de protection dont bénéficient certaines catégories d’étrangers.
Il tend ainsi à autoriser le prononcé d’un arrêté d’expulsion à l’encontre d’un étranger appartenant à une catégorie protégée, dès lors que son « comportement constitue toujours une menace grave pour l’ordre public » et qu’il a fait l’objet d’une condamnation pour des crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement (article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)) ou d’au moins dix ans d’emprisonnement et cinq ans en réitération (article L. 631-3 du CESEDA).
Par ailleurs, il étend la possibilité de lever les dispositifs de protection dont bénéficient les ressortissants étrangers conjoints de français ou parents d’enfants français lorsque les faits qui motivent la décision d’expulsion ont été commis à leur encontre.
En second lieu, cet article facilite les conditions du prononcé par le juge pénal de la peine complémentaire d’interdiction judiciaire du territoire à l’égard des catégories protégées d’étrangers.
Il vise ainsi à déroger à l’exigence de motivation spéciale, qui est en principe obligatoire pour prononcer la peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’encontre de certaines catégories protégées d’étrangers, lorsque l’étranger s’est rendu coupable d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement ou d’un délit commis à l’encontre de son conjoint ou des enfants sur lesquels il exerce l’autorité parentale.
Enfin, il étend la liste des infractions pour lesquelles il est possible de prononcer cette peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’encontre d’un étranger condamné.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi no 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a modifié le droit applicable en matière d’expulsion, en accordant des dispositifs de protection au bénéfice de certaines catégories de ressortissants étrangers, en considération de l’intensité particulière et de l’ancienneté des liens personnels et familiaux tissés sur le territoire français.
Les lois postérieures n'ont modifié que marginalement le dispositif existant. Ainsi, la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a modifié le périmètre des catégories protégées, en durcissant les critères pour bénéficier de la protection en qualité de conjoint de français.
Par la suite, la loi no 2018-718 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a étendu le champ d'application matériel de l'interdiction du territoire français.
Enfin, l'ordonnance no 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile procède à une refonte à droit quasi-constant dudit code, modifiant la numérotation des dispositions applicables à la matière.
Modifications apportées par le Sénat
De nombreuses modifications ont été apportées à l’article 9 par le Sénat, notamment lors de l’examen en séance publique, afin de limiter l’application des régimes de protection aux ressortissants étrangers.
Le Sénat a considérablement renforcé la portée des exceptions introduites aux différents dispositifs de protection des ressortissants étrangers, notamment en abaissant le seuil de gravité des infractions dont la condamnation permet la levée des régimes de protection.
En ce sens, le Sénat a également étendu la levée des protections contre la décision d’expulsion et le prononcé de la peine d’interdiction du territoire lorsque les faits la justifiant ont été commis à l’encontre du conjoint, de l’ascendant ou des enfants.
Le Sénat a aussi introduit de nouvelles causes de levée des protections pour faciliter la décision d’expulsion à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière ou lorsque les faits justifiant l’expulsion ont été commis en raison de l’exercice des fonctions de certaines catégories de personnes, telles que les élus ou les personnes dépositaires de l’autorité publique.
Par ailleurs, le Sénat a généralisé la possibilité pour le juge de prononcer une peine d’interdiction du territoire français pour les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans et a modifié les règles de computation des délais applicables à cette peine de sorte que la durée de l’interdiction ne commence à s’écouler qu’à compter du moment où l’étranger a effectivement quitté le territoire français.
Le Sénat a également abrogé l’exigence de motivation spéciale de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français bénéficiant à certaines catégories protégées d’étrangers.
La décision d’expulsion et l’interdiction judiciaire du territoire présentent des similitudes : elles ont toutes deux vocation à s’appliquer à des étrangers dont l’éloignement résulte de considérations d’ordre public qui rendent impossible leur maintien sur le territoire français.
Elles ne doivent cependant pas être confondues, en raison de leur nature distincte dont découle un régime juridique différent. La décision d’expulsion, acte de police administrative, doit ainsi être distinguée de l’interdiction judiciaire du territoire, qui est une peine complémentaire prononcée par le juge à titre de sanction pénale.
Par souci de clarté, elles seront présentées chacune tour à tour dans le présent commentaire, avant d’exposer les modifications envisagées par l’article 9 du projet de loi.
Modifications apportées par la commission
Les modifications apportées en commission des Lois visent à rétablir l’équilibre général des dispositions de l’article 9.
En premier lieu, le seuil de gravité des infractions dont la condamnation permet la levée des protections contre la décision d’expulsion a été rétabli :
– en portant le quantum de la peine encourue à cinq ans d’emprisonnement (au lieu de trois ans) pour les délits dont la commission permet la levée de la protection relative prévue à l’article L. 631-2 du CESEDA ;
– en portant le quantum des peines encourues à dix ans d’emprisonnement (au lieu de cinq ans) ou à cinq ans d’emprisonnement (au lieu de trois ans) en cas de réitération.
En deuxième lieu, le critère de l’actualité de la menace permettant la levée des protections a été réintroduit, pour assurer la constitutionnalité de ces dispositions.
En troisième lieu, pour rétablir la cohérence de la cause de levée des protections lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un conjoint ou des enfants, le champ d’application de cette dérogation aux régimes de protection a été réduit, pour ne la rendre applicable qu’aux catégories d’étrangers qui tirent directement leur protection de leur statut parental ou marital.
En quatrième lieu, s’agissant du prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, la rédaction de l’article 131-30 du code pénal a été rétablie. Conformément au principe de spécialité, la peine complémentaire ne sera encourue que pour les crimes et délits prévus par la loi.
En dernier lieu, le seuil initial de gravité des infractions, pour lesquelles une condamnation permet la levée de la protection contre le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire ou d’expulsion prévue à l’article 131-30-2 du code pénal, a été rétabli. Ainsi, pour l’identification de ces infractions permettant la levée de la protection, le quantum de la peine d’emprisonnement encourue a été porté à dix ans (au lieu de cinq ans) et à cinq ans d’emprisonnement (au lieu de trois ans) en cas de récidive.
A. Faciliter l’expulsion administrative d’un Étranger pour menace grave d’ordre public
1. L’état du droit
a. Les conditions d’émission d’une décision d’expulsion
La décision d’expulsion constitue une mesure de police administrative destinée à prévenir une atteinte à l’ordre public en éloignant la personne dont le comportement révèle une menace. Elle ne revêt pas le caractère d’une sanction.
La décision d’expulsion est régie par les dispositions du titre III du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Elle résulte d’un arrêté pris, selon les cas, par le ministre de l’intérieur ou, le préfet ([315]). Sauf en cas d’urgence absolue, la décision intervient après que l’intéressé a été informé de l’engagement de la procédure à son encontre et convoqué devant la commission départementale d’expulsion, qui émet un avis consultatif ([316]).
Par principe, la décision d’expulsion est prise par l’autorité administrative sur le fondement de l’article L. 631-1 du CESEDA et concerne l’étranger dont « la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public ».
Pour apprécier cette menace, l’autorité administrative peut notamment tenir compte de l’existence d’une condamnation pénale, mais la commission d’une infraction ne saurait à elle seule justifier la décision d’expulsion et caractériser l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public ([317]).
En tout état de cause, l’autorité administrative doit tenir compte des conséquences de la mesure d'éloignement sur la vie personnelle et familiale de l'étranger. Sous le contrôle du juge administratif, l’autorité administrative compétente doit ainsi mettre en balance la nécessité de la mesure fondée sur le risque pour l'ordre public et le droit à mener une vie familiale normale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
Pour assurer la prise en compte de la situation familiale et du droit au respect de la vie privée et familiale, la loi a déterminé certaines catégories d’étrangers, qui justifient d’un lien fort avec le territoire français. Ces catégories d’étrangers bénéficient, en raison de leur situation personnelle et familiale en France, d’une protection particulière contre l’expulsion, en ce sens que les conditions déterminées par la loi pour émettre une décision d’expulsion sont plus strictes, conformément aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA.
Ainsi, le seuil de gravité de la menace à l’ordre public exigé pour permettre l’expulsion par l’autorité administrative des étrangers relevant d’une catégorie protégée est plus élevé que la seule menace grave à l’ordre public exigée par l’article L. 631-1 du CESEDA.
L’intensité de la protection accordée varie en fonction des catégories d’étrangers concernées ([318]), définies selon leur degré d’attachement avec le territoire français.
– L’article L. 631-2 du CESEDA institue une protection dite « relative » au bénéfice de quatre catégories d’étrangers pour lesquels la décision d’expulsion ne peut être prise que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique.
– L’article L. 631-3 du CESEDA prévoit quant à lui une protection dite « quasi-absolue » pour cinq catégories d’étrangers, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’ordre public particulièrement graves.
Il s’agit d’une clause d’ordre public en vertu de laquelle l’expulsion peut être prononcée en cas de comportements particulièrement graves de l’étranger « de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ». Si cette notion fait implicitement référence à certaines catégories d’infractions ([319]), la commission de l'une de ces infractions n’apparaît constituer une condition ni nécessaire ni suffisante pour permettre l'expulsion de l’étranger. La protection dont bénéficient ces catégories d’étrangers s'applique alors même que l'intéressé a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
Des exceptions sont toutefois prévues pour permettre l’expulsion de l’étranger relevant d’une catégorie protégée dans les hypothèses suivantes :
– Une exception commune aux deux régimes de protection et résultant de l’état de polygamie de l’étranger : l’étranger relevant d’une des catégories mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA peut faire l’objet d’une décision d’expulsion s’il vit en France en état de polygamie.
– Une exception propre au régime de protection relative : l’étranger relevant d’une des catégories mentionnées à l’article L.631-2 du CESEDA peut faire l’objet d’une décision d’expulsion pour menace grave pour l’ordre public s’il a été condamné définitivement à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
– Une exception propre au régime de protection quasi-absolue : l’exception est applicable aux catégories protégées à raison de leur situation maritale ou parentale en France qui peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion lorsque l'arrêté d'expulsion est motivé par des faits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants.
Il convient également de signaler le régime spécifique ([320]) dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne, les ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et de la Confédération Suisse ainsi que les membres de leurs familles. Les articles L. 252-1 et L. 252-2 du CESEDA aménagent à leur égard des conditions d’expulsion particulières.
Le tableau ci-dessous synthétise les différents régimes des décisions d’expulsion.
SynthÈse des diffÉrents rÉgimes d’expulsion
Fondement de la décision d’expulsion |
Décision d’expulsion « simple » (L. 631-1) |
Décision d’expulsion en cas de régime de protection « relative » (L. 631-2) |
Décision d’expulsion en cas de régime de protection « quasi-absolue » (L. 631-3) |
Catégories d’étrangers concernées |
Toutes catégories d’étrangers majeurs
(à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3) |
1° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France (1)
2° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française (2)
3° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de dix ans (3)
4° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %
(sous réserve que l’article L. 631-3 n’y fasse pas obstacle) |
1° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans
2°Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans
3°Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans et marié depuis au moins quatre ans à un ressortissant français (4)
4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de dix ans et parent d'un enfant français mineur résidant en France (1)
5° Étranger titulaire d’une carte de séjour dite « étranger malade » (5) |
Motifs de la décision |
Menace grave pour l’ordre public |
Nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique |
Comportements de nature
- à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État,
- ou liés à des activités à caractère terroriste,
- ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes
|
Exceptions à la protection |
Sans objet |
- Condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans
- Vie en état de polygamie en France |
- Les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou des enfants sur lesquels il exerce l'autorité parentale (uniquement pour l’étranger mentionné au 3°(conjoint de français) et 4°(parent de français)
- Vie en état de polygamie en France |
(1) À condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an.
(2) À condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.
(3) Sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant ".
(4) Mariage depuis quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage.
(5) Résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
Source : Assemblée nationale, commission des Lois
Selon les éléments présentés dans l’étude d’impact ([321]), l’application de ces différents régimes de protection, et notamment de la protection « quasi-absolue », empêche l’expulsion d’étrangers dont le comportement révèle la particulière dangerosité, par exemple en raison de condamnations pour des faits de trafics de stupéfiants, de vols aggravés, de meurtres ou de viols, mais qui ne relèvent pas des motifs pour lesquels la protection pourrait être levée.
b. L’exécution de l’arrêté d’expulsion
La mesure d’expulsion est valable sans limitation de durée et peut être abrogée à tout moment par son auteur ([322]). L’arrêté d’expulsion peut être exécuté d’office selon les dispositions des articles L. 722-1 à L. 722-5 du CESEDA.
Selon les éléments figurant dans l’étude d’impact ([323]), il n’est parfois pas possible de procéder à l’éloignement effectif de l’étranger qui fait l’objet d’un arrêté d’expulsion. Cela est notamment le cas lorsque l’étranger concerné est placé sous main de justice, justifiant qu’il demeure sur le territoire français, que sa nationalité n’a pu être établie, qu’il est interdit de procéder au renvoi dans son pays d’origine en raison du risque de mort ou de traitement inhumain ou dégradant auquel il serait exposé, que les liaisons aériennes avec le pays de renvoi sont suspendues ou encore que l’étranger a été expulsé alors qu’il ne se trouvait plus sur le territoire français.
Ces circonstances seraient de nature à expliquer la différence entre le nombre d’arrêtés préfectoraux et ministériels prononcés et ceux qui sont effectivement exécutés. Ainsi, à titre d’exemple, pour la période du 1er janvier 2022 au 5 décembre 2022, selon les chiffres communiqués dans l’étude d’impact, 341 mesures d’expulsion auraient été prononcées mais seulement 167 auraient été effectivement exécutées ([324]).
En cas d’obstacle à l’éloignement, l’étranger peut être placé sous un régime d’assignation à résidence ([325]), ou en rétention administrative « lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement » ([326]).
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
L’article 9 étend le champ des exceptions permettant de lever les protections dont bénéficient les catégories d’étrangers mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA en considération de leurs liens d’attachement avec le territoire français.
En premier lieu, l’article 9 facilite la levée de la protection « relative » accordée aux catégories d’étrangers mentionnés à l’article L. 631-2 du CESEDA.
D’une part, il modifie le dispositif de levée de la protection en cas de condamnation pénale pour faire dépendre cette cause d’exclusion du quantum de la peine encourue pour l’infraction commise, et non plus de celui de la peine prononcée par la juridiction.
La levée de la protection devient ainsi possible lorsque l’étranger en cause a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement.
Il est introduit une condition supplémentaire à la levée de la protection accordée dans ce cas, la décision d’expulsion ne pouvant être émise qu’à l’encontre d’un étranger dont le comportement constitue toujours une menace grave pour l’ordre public.
Il s’agit ici d’expliciter l’exigence de motivation concrète pour l’autorité administrative des motifs l’ayant conduit à prendre l’arrêté d’expulsion. En effet, en l’état du droit, l’autorité administrative doit fonder la décision d’expulsion au regard d’une appréciation globale de l’ensemble du comportement de l’intéressé, et ne peut se contenter de la prise en compte de la seule condamnation judiciaire.
Le Conseil d’État rappelle cette exigence en précisant, dans son avis sur le projet de loi, que ces nouvelles dispositions impliquent « que l’administration, d’une part, pourra dans son appréciation de la menace grave et actuelle pour l’ordre public, tenir compte des faits à l’origine de la condamnation pour lesquels la peine encourue atteignait le seuil requis et, d’autre part, devra apporter d’autres éléments d’appréciation établissant qu’à la date à laquelle elle statue, la personne concernée continue de présenter une menace grave pour l’ordre public » ([327]) .
D’autre part, l’article 9 introduit une nouvelle cause de levée de la protection « relative » prévue par l’article L. 631-2 du CESEDA, lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis par l’intéressé à l’encontre de son conjoint ou des enfants.
Cette hypothèse de levée de la protection figurait déjà dans le dispositif prévu à l’article L. 631-3 du CESEDA et se trouve ainsi généralisée aux différents dispositifs de protection.
Par symétrie, cette dérogation n’est prévue que pour certaines catégories d’étrangers, qui bénéficient du régime de protection « relative » en raison de leur qualité de parent d’enfants français ou de conjoints d’enfants français, à savoir :
– l’étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;
– l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.
Ce nouveau critère de levée des protections est ainsi directement en rapport avec le lien avec le territoire français dont peut se prévaloir l’étranger et grâce auquel il bénéficie justement de ce régime protecteur.
En deuxième lieu, l’article 9 permet de généraliser la levée de la protection « quasi-absolue » de l’article L. 631-3 du CESEDA dont bénéficient les catégories d’étrangers concernés, en ne limitant plus les causes d’exclusion à certains types de comportements.
Il est désormais possible de prononcer une décision d’expulsion à l’encontre des catégories protégées d’étrangers mentionnées à cet article qui ont déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement, ou de cinq ans en cas de réitération, de crimes ou délits punis de la même peine, et dont le comportement constitue toujours une menace grave pour l’ordre public.
De la même manière que pour la levée de la protection « relative », il est possible de considérer que la condition relative à la persistance de la menace grave pour l’ordre public résultant de l’appréciation du comportement de l’étranger, permet de préciser l’exigence de motivation imposée à l’autorité administrative compétente.
En effet, il serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs que l’expulsion puisse être décidée du seul fait d’une condamnation pénale prononcée par l’autorité judiciaire ([328]). Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente d’établir des éléments actuels sur la menace que constitue la personne pour l’ordre public.
La refonte des cas dans lesquels il peut être dérogé aux protections contribue ainsi à rapprocher les deux régimes en faisant de la condamnation définitive dont l’étranger a fait l’objet un critère déterminant de la levée des protections.
Enfin, l’article 9 modifie l’article L. 252-2 du CESEDA pour coordonner sa rédaction avec les modifications introduites à l’article L. 631-2 du CESEDA auquel il renvoie, sans modifier le régime de protection dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne et leurs familles, issu de la transposition de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ([329]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission
Lors de l’examen en commission des Lois, le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([330]) visant à supprimer la référence à la prise en compte du comportement de l’étranger qui constitue toujours une menace à l’ordre public, en tant que condition de la levée des protections « relative » et « quasi-absolue » fondée sur la condamnation pénale de l’étranger en cause.
L’étude d’impact du projet de loi ([331]) précise, s’agissant du dispositif proposé par le Gouvernement, qu’un étranger appartenant aux catégories protégées mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA pourrait perdre le bénéfice de la protection « à une double condition : – que son comportement actuel constitue toujours une menace grave pour l'ordre public ; – alors qu'il a déjà commis et été condamné définitivement pour des crimes ou délits d'une particulière gravité ».
Par ailleurs, par l’adoption d’un amendement des rapporteurs ([332]) , il a été prévu la levée systématique des protections « relative » et « quasi-absolue » contre l’expulsion lorsque les faits qui en sont à l’origine ont été commis à l’encontre du conjoint ou des enfants de l’étranger.
Cette dérogation est ainsi rendue applicable à l’ensemble des catégories protégées d’étrangers et non plus réservée à ceux qui bénéficient d’une protection en raison de leur statut de conjoint de français ou de parent d’enfants français.
b. Les modifications apportées en séance
En séance, le Sénat a profondément modifié les équilibres de l’article 9.
En adoptant un amendement des rapporteurs ([333]), le Sénat a abaissé le seuil de gravité des infractions dont la commission permet la levée des dispositifs de protection et offre la possibilité à l’autorité administrative d’émettre une décision d’expulsion.
Cette modification permet de lever la protection « relative » dont bénéficient les catégories d’étrangers mentionnées aux articles L. 631-2 du CESEDA lorsque l’étranger en cause a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans d’emprisonnement (et non plus en cas de condamnation pour des infractions punies de cinq ans d’emprisonnement).
La protection « quasi-absolue » dont bénéficient les catégories d’étrangers mentionnées aux articles L. 631-3 du CESEDA est quant à elle levée lorsque l’étranger en cause a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de cinq ans d’emprisonnement (et non plus pour des infractions punies de dix ans d’emprisonnement) ou de trois ans en cas de réitération de crimes ou délits punis de la même peine (et non plus pour des infractions de cinq ans en cas de réitération).
Par coordination avec les modifications apportées à l’article L. 631-2 du CESEDA, l’article L. 252-2 du CESEDA a aussi été modifié.
Le Sénat a également adopté un amendement des rapporteurs ([334]) pour prévoir la levée systématique des protections « relative » et « quasi-absolue » contre l’expulsion dont bénéficient les catégories d’étrangers concernées lorsque les faits qui en sont à l’origine ont été commis à l’encontre de leurs ascendants (et non plus seulement des conjoints et enfants).
En adoptant un amendement de Mme Marie-Do Aeschlimann ([335]), le Sénat a ajouté une nouvelle cause de dérogation aux dispositifs de protection « relative » et « quasi-absolue », lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre de trois catégories de personnes dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions :
– un titulaire d’un mandat électif public ;
– un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, toute personne dépositaire de l'autorité publique, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ([336]) ;
– une personne exerçant une activité privée de sécurité dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ([337]) ;
– un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l'administration pénitentiaire ([338]).
En adoptant un amendement de M. Roger Karoutchi ([339]) , le Sénat a ajouté une autre nouvelle cause de dérogation aux dispositifs de protection « relative » et « quasi-absolue », lorsque l’étranger est en situation irrégulière au regard du séjour.
La levée des protections en raison de l’irrégularité de la situation de l’étranger ne s’applique toutefois pas lorsque cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4 du CESEDA ([340]) ou d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ([341]) ou du 1° de l’article L. 432-3 ([342]) du même code.
Enfin, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([343]) visant à expliciter le seuil de gravité d’ordre public requis pour émettre la décision d’expulsion à l’encontre de l’étranger bénéficiant d’une protection « quasi-absolue » en application de l’article L. 631-3 du CESEDA.
Il précise ainsi que parmi les comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, qui peuvent fonder l’émission d’une décision d’expulsion à l’encontre d’un étranger faisant partie d’une catégorie protégée, figure « la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République tels qu’énoncés à l’article L. 412-7 du CESEDA ».
Il convient de rappeler à cet égard que projet de loi ([344]) a inscrit à l’article L. 412-7 du CESEDA l’obligation pour l’étranger qui sollicite un document de séjour de s’engager, par la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
L’amendement vise ainsi à ajouter un type de comportement, à savoir la violation grave des principes républicains, comme permettant de caractériser le seuil de menace à l’ordre public qualifié exigé pour émettre la décision d’expulsion à l’égard d’une catégorie d’étrangers bénéficiant de la protection « quasi-absolue » de l’article L. 631-3 du CESEDA.
Le Gouvernement présente cet ajout comme ayant une simple portée interprétative qui permettra de sécuriser les décisions d’expulsion prises sur ce fondement.
4. La position de la commission
À l’initiative de votre rapporteur M. Philippe Pradal et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([345]) ainsi que du président M. Sacha Houlié ([346]), la commission des Lois a rétabli les seuils initiaux de gravité des infractions dont la condamnation permet la levée des protections, en prévoyant :
– la levée de la protection « relative » prévue à l’article L. 631‑2 du CESEDA en cas de condamnation pour des crimes ou délits punis de cinq ans au plus d’emprisonnement (au lieu de trois ans d’emprisonnement) ;
– la levée de la protection « quasi-absolue » prévue à l’article L. 631‑3 du CESEDA en cas de condamnation pour des crimes ou délits punis de dix ans au plus d’emprisonnement (au lieu de cinq ans d’emprisonnement) ou de cinq ans en cas de réitération (au lieu de trois ans).
Pour assurer la constitutionnalité de ces dispositions, le critère tenant à la prise en compte de l’actualité de la menace grave pour l’ordre public que constitue le comportement de l’étranger a été rétabli, à la suite de l’adoption des amendements identiques de votre rapporteur M. Philippe Pradal et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([347]) ainsi que du président M. Sacha Houlié ([348]).
En effet, conformément à l’avis du Conseil d’État ([349]), ce critère participe de l’équilibre global du dispositif dès lors qu’il implique « que l’administration, d’une part, pourra dans son appréciation de la menace grave et actuelle pour l’ordre public, tenir compte des faits à l’origine de la condamnation pour lesquels la peine encourue atteignait le seuil requis et, d’autre part, devra apporter d’autres éléments d’appréciation établissant que, à la date à laquelle elle statue, la personne concernée continue de présenter une menace grave pour l’ordre public. ».
En adoptant l’amendement de votre rapporteur M. Philippe Pradal et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([350]), la commission des Lois a restreint le champ d’application de la cause de levée des protections contre la décision d’expulsion en cas de faits commis à l’encontre du conjoint ou des enfants.
En effet, pour rétablir la cohérence de ces dispositions, l’application de cette cause de levée des protections a été réservée aux catégories d’étrangers qui tirent directement leur protection de leur qualité de conjoint de français ou de parent d’enfant français.
B. Faciliter le prononcÉ de la peine d’interdiction du territoire français
1. L’état du droit
a. Les conditions du prononcé de la peine d’interdiction du territoire français
L’interdiction du territoire français est une peine complémentaire prévue à l’article 131-30 du code pénal ([351]) qui peut être prononcée, lorsque la loi le prévoit, à l’encontre de l’étranger majeur ([352]) coupable d'un crime ou d'un délit. Elle est inapplicable en matière contraventionnelle.
L’interdiction du territoire français a le caractère d’une peine complémentaire, qui s’ajoute à la peine principale prononcée. Elle peut aussi être prononcée par le juge à titre de peine principale, mais uniquement en matière délictuelle ([353]).
Le juge peut prononcer la peine d’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus ou bien de manière définitive.
La peine complémentaire d’interdiction du territoire français doit être expressément prévue par le texte d’incrimination pour pouvoir être prononcée par le juge. Elle est encourue pour un grand nombre d’infractions ([354]), prévues par le code pénal mais aussi par d’autres législations spéciales, codifiées ou non.
À titre d’exemples, la peine d’interdiction du territoire français est encourue en matière délictuelle pour les infractions d’agressions sexuelles ([355]), de trafic de stupéfiants ([356]), de proxénétisme ([357]), d’extorsion ([358]), de recel aggravé ([359]), ou encore de vol aggravé ([360]).
En matière criminelle, elle est notamment encourue pour les infractions de crimes contre l’humanité ([361]) et contre l’espèce humaine ([362]), d’atteintes volontaires à la vie ([363]), de viol ([364]) , ou d’actes de torture et de barbarie ([365]).
Le prononcé de la peine d’interdiction du territoire français est en principe facultatif. Toutefois, il existe deux cas dans lesquels cette peine complémentaire est obligatoirement prononcée par la juridiction, en considération de la gravité des faits commis : pour les infractions de terrorisme ([366]) et pour les infractions portant atteinte au crédit de la nation ([367]).
Afin de prendre en compte les liens d’attachement de l’étranger avec le territoire français, le prononcé de cette peine complémentaire est encadré dans certaines hypothèses tenant compte de la situation personnelle du condamné.
En matière délictuelle, l’article 131-30-1 du code pénal détermine des catégories d’étrangers bénéficiant d’une protection « relative » contre le prononcé de la peine d’interdiction du territoire français.
Pour les cinq catégories protégées d’étrangers mentionnées à l’article 131-30-1 du code pénal, le prononcé de la peine est soumis à une exigence de motivation renforcée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale du condamné.
Ces critères de motivation spéciale évoquent les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme lorsqu’elle examine la conventionalité du prononcé de la peine d’interdiction du territoire au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale.
Dans le cadre de son contrôle de proportionnalité, réalisé in concreto à partir du cas d’espèce qui lui est soumis, la Cour européenne des droits de l’Homme apprécie l’équilibre entre les intérêts personnels de la personne concernée et l’intérêt général de maintien de l’ordre public à la lumière de plusieurs critères ([368]) parmi lesquels : la nature et la gravité de l’infraction commise, la durée du séjour de l’intéressé dans le pays dont il doit être expulsé, le temps qui s’est écoulé depuis l’infraction et la conduite du requérant pendant cette période, la situation familiale du requérant et notamment la durée de son mariage, le fait de savoir si la personne concernée a des enfants et leur âge.
La portée de ce régime de protection « relative » peut toutefois être relativisée, compte tenu du renforcement en droit pénal de l’exigence de motivation des peines.
Par trois arrêts rendus le 1er février 2017 ([369]), la Cour de cassation a déduit des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale qu’« en matière correctionnelle toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle » ([370]).
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a par la suite codifié cette jurisprudence dans un article 485-1 du code de procédure pénale qui prévoit qu’« en cas de condamnation, sans préjudice des dispositions prévoyant la motivation spéciale de certaines peines et notamment des peines non aménagées d’emprisonnement ferme, la motivation doit également porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132‑1 et 132‑20 du code pénal, sauf s’il s’agit d’une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction ».
Le troisième alinéa de l’article 132-1 du code pénal auquel il est fait référence indique que « dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 ».
L’article 131-30-2 du code pénal instaure quant à lui une protection « quasi-absolue » au bénéfice de cinq catégories protégées d’étrangers en raison des liens d’attachement particulièrement forts qu’ils entretiennent avec le territoire français. Il est en principe interdit de prononcer une peine d’interdiction du territoire français à leur encontre, sous réserve des deux exceptions suivantes :
– à l’égard des étrangers qui bénéficient du régime de protection en raison de leur statut marital ou parental, la protection contre le prononcé de l’interdiction du territoire français est levée lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants sur lesquels la personne étrangère condamnée exerce l'autorité parentale ;
– la protection est également levée à l’égard de l’ensemble des catégories protégées d’étrangers en cas de condamnation pour des infractions particulièrement graves qui portent atteinte aux intérêts de la France : les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ([371]), les actes de terrorisme ([372]), les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous ([373]), ainsi que les infractions en matière de fausse monnaie ([374]).
Le régime du prononcé de la peine d’interdiction du territoire français tel qu’il est prévu par le code pénal est synthétisé dans le tableau ci-après :
SynthÈse DU rÉgime du prononcÉ d’une peine d’interdiction du territoire français
|
Peine complémentaire d’interdiction du territoire français facultative
(article 131-30 du code pénal) |
Peine complémentaire d’interdiction du territoire français obligatoire
(article 422-4 du code pénal et article 6 de la loi du 18 août 1936) |
Protection « relative »
(article 131-30-1 du code pénal) |
Protection « quasi-absolue »
(article 131-30-2 du code pénal) |
Étrangers condamnés concernés |
Tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit
(à l’exception des catégories protégées mentionnées aux articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal) |
Tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit concerné
(à l’exception des catégories protégées mentionnées aux articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal) |
1° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France sans vivre en état de polygamie (1)
2° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française (2)
3° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans (3)
4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de dix ans (3)
5° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % |
1° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans
2°Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans
3°Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans et marié depuis au moins quatre ans à un ressortissant français sans vivre en état de polygamie (4)
4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de dix ans et parent d'un enfant français mineur résidant en France sans vivre en état de polygamie (1)
5° Étranger titulaire d’une carte de séjour dite « étranger malade » (5) |
Infractions concernées |
Crimes et délits lorsque cela est explicitement prévu par la loi |
- Infractions de terrorisme (6)
- Infractions portant atteinte au crédit de la nation (7) |
Délits pour lesquels la peine est explicitement prévue |
Crimes et délits lorsque cela est explicitement prévu par la loi |
Conditions du prononcé |
Exigence de motivation générale |
Exigences de motivation générale |
Exigence de motivation renforcée |
Exigence de motivation générale |
Exceptions |
Sans objet |
Exigence de motivation spéciale pour déroger au prononcé obligatoire de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les étrangers condamnés à des infractions en matière de terrorisme (8)
|
Aucune |
- Lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants (uniquement pour les étrangers protégés au regard de leur situation maritale (3°) ou parentale (4°))
- En cas de condamnation pour des :
atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation (9)
actes de terrorisme (10)
infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous (11)
infractions en matière de fausse monnaie (12) |
(1) À condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an.
(2) À condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.
(3) Sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant ".
(4) Mariage avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1°.
(5) Prévu à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
(6) Infractions prévues au titre II du livre IV du code pénal.
(7) Infractions prévues par la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation.
(8) La juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine d’interdiction du territoire français en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
(9) Prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11.
(10) Prévus par le titre II du livre IV.
(11) Prévues par les articles 431-14 à 431-17.
(12) Prévues aux articles 442-1 à 442-4.
Source : commission des Lois
b. L’exécution de la peine d’interdiction du territoire français
La peine complémentaire d’interdiction du territoire français est une peine privative de droit qui entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière.
Sauf lorsqu’elle accompagne une peine privative de liberté sans sursis, la peine d'interdiction temporaire du territoire prévue par l'article 131-30 du code pénal s'exécute à compter du jour où le jugement la prononçant devient définitif ou à compter de son prononcé s'il est assorti de l'exécution provisoire.
Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend pour la durée fixée par la décision de condamnation au jour où la privation de liberté prend fin.
Par ailleurs, le Conseil d’État a considéré qu’à l’expiration de la durée d’interdiction fixée par la juridiction, lorsqu’elle est temporaire, l’autorité administrative ne pouvait fonder son refus de délivrance d’un titre de séjour sur une peine d’interdiction du territoire français alors même que la personne condamnée s’est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, en méconnaissance de cette peine d’interdiction ([375]).
L’infraction de maintien irrégulier sur le territoire français, prévue à l'article L. 824-3 du CESEDA, punit d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros le fait pour un étranger faisant l'objet, notamment, d'une peine d’interdiction du territoire français de se maintenir sur le territoire français, lorsqu'il a « fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement ».
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
Pour assouplir les conditions du prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, l’article 9 instaure une exception à l’obligation de motivation spéciale prévue à l’article 131-30-1 du code pénal lorsque l’étranger a commis un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement ou un délit commis à l’encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l’autorité parentale.
Il peut être souligné que le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi proposait de ne pas retenir cette exception « qui introduit une incertitude quant au maintien de l’obligation générale de motivation qui s’impose en matière correctionnelle en application de l’article 132-1 du code pénal et qui est incompatible avec les exigences attachées au contrôle de proportionnalité réalisé au titre de l’article 8 de la CEDH qui impliquent que l’ensemble des éléments utiles à ce contrôle ressortent des motifs du jugement » ([376]) .
Par ailleurs, l’article 9 complète les exceptions déjà existantes à l’application de l’article 131-30-2 du code pénal en permettant le prononcé de l’interdiction du territoire à l’égard d’étrangers coupables des infractions suivantes :
– délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
– crimes et délits punis d’au moins dix ans d’emprisonnement ;
– délits commis en état de récidive et punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Il instaure une exigence de motivation spéciale pour prononcer la peine complémentaire d’interdiction du territoire français dans les cas dans lesquels la personne a été condamnée pour l’une de ces infractions.
En dernier lieu, l’article 9 étend à de nouveaux délits la peine complémentaire d’interdiction du territoire en modifiant l’article 222-48 du code pénal. La juridiction pourra ainsi prononcer cette peine à l’encontre des personnes condamnées pour les délits suivants :
– délits de violences sur certains agents publics ([377]) prévus à l’article 222-14-5 du code pénal ;
– délit de violences par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, lorsque ces violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail, prévu au 6° de l’article 222-13 du code pénal ;
– délits de vols aggravés prévus à l’article 311-4 du code pénal.
Il supprime la possibilité de prononcer cette peine pour le délit de vol aggravé portant sur un objet mobilier classé ou inscrit, sur une découverte archéologique ou sur un bien culturel, prévu à l’article 311-4-2 du code pénal.
3. Le dispositif modifié par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission
Outre l’adoption d’un amendement de coordination ([378]), la commission des Lois du Sénat a adopté en commission trois amendements.
En adoptant un amendement des rapporteurs ([379]), la commission a étendu la possibilité pour le juge de prononcer la peine complémentaire d’interdiction du territoire français en revenant sur la logique de spécialité selon laquelle cette peine n’est encourue que dans la mesure où la loi le prévoit spécifiquement.
La peine d’interdiction du territoire français est ainsi encourue en cas de condamnation de l’étranger pour tout crime ainsi que pour tous les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans. Elle est également encourue en matière délictuelle dans le cas où la loi le prévoit.
Par coordination avec le nouveau régime mis en place, l’amendement procède à l’abrogation des articles du code pénal qui prévoyaient spécialement que la peine d’interdiction du territoire français était encourue pour un certain nombre de crimes et de délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
La commission a également adopté un amendement des rapporteurs ([380]) prévoyant, par symétrie avec la modification adoptée en matière de décision d’expulsion, une levée de la protection « quasi-absolue » contre le prononcé de la peine d’interdiction du territoire français à l’égard de l’ensemble des catégories protégées d’étrangers en cas de condamnation pour des faits commis à l’encontre de leur conjoint ou de leurs enfants.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement de M. Stéphane Le Rudulier ([381]) prévoyant que le point de départ du délai de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français est calculé à compter de la date à laquelle la personne condamnée a effectivement quitté le territoire français.
Il est aussi précisé que la peine cesse ses effets à l’expiration de la durée fixée par la décision de condamnation.
En adoptant cet amendement, il s’agissait « d’éviter quelques situations où, en l’absence de reconduite immédiate à la frontière, l’interdiction du territoire français commence à courir alors même que l’étranger est encore présent en France » ([382]).
b. Les modifications apportées en séance
En adoptant en séance publique un amendement des rapporteurs ([383]), le Sénat a abrogé l’article 131-30-1 du code pénal et ainsi mis un terme au dispositif de protection « relative » qui prévoit, au bénéfice des catégories d’étrangers concernés, une exigence de motivation renforcée en matière délictuelle pour le prononcé par la juridiction de la peine d’interdiction du territoire français.
La portée de cette suppression peut toutefois être relativisée à deux égards.
D’une part, l’exigence générale de motivation des peines prévue à l’article 132-1 du code pénal s’applique à la peine complémentaire d’interdiction du territoire français.
D’autre part, l’amendement complète l’article 131-30 du code pénal relatif à la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, en précisant que la juridiction tient compte de la présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France, pour décider du prononcé de cette peine.
Par ailleurs, cet amendement étend la possibilité de prononcer la peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’encontre de l’étranger en cas de condamnation pour tout délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement (et non plus, selon les modifications adoptées en commission, en cas de condamnation à un délit puni de cinq ans d’emprisonnement).
Par coordination, l’amendement procède à l’abrogation des articles du code pénal qui prévoyaient spécialement que la peine d’interdiction du territoire français était encourue pour un certain nombre de crimes et de délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans.
En comparaison avec le texte issu des travaux en commission, sont ainsi abrogés les articles 222-48, 222-64, 225-21, 322-16, 431-8, 431-12, 431-19 et 433-21-2 du code pénal. Compte tenu de ces mesures de coordination, la peine complémentaire d’interdiction du territoire français n’est désormais plus encourue pour les délits de provocation non suivie d’effet à un attroupement armé ([384]), puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([385]), de célébration habituelle de mariage religieux avant le mariage civil ([386]), puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ([387]), ainsi que pour le délit d’établissement, de falsification, ou d’usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié ([388]) puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ([389]).
Par coordination avec l’abrogation de l’article 131-30-1 du code pénal, la référence à cet article a été supprimée aux articles 41 du code de procédure pénale et L. 641-1 du CESEDA.
Enfin, l’amendement prévoit la levée de la protection « quasi-absolue » prévue à l’article 131-30-2 du code pénal en cas de condamnation pour des délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement (et non plus dix ans d’emprisonnement) ou pour des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement (et non plus cinq ans) commis en état de récidive ([390]).
Le Sénat a également adopté un amendement des rapporteurs ([391]) prévoyant la levée systématique de la protection « quasi-absolue » contre le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français à l’égard de l’ensemble des catégories protégées d’étrangers en cas de condamnation pour des faits commis à l’encontre de leur ascendant (et non plus seulement des conjoints et enfants).
En adoptant un amendement de M. Louis Vogel ([392]), le Sénat a prévu la levée de la protection « quasi-absolue » bénéficiant aux catégories d’étrangers mentionnées à l’article 131-30-2 du code pénal en cas de condamnation pour des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement et commis en état de réitération (et non plus de récidive).
4. La position de la commission
La commission des Lois a adopté trois amendements du président M. Sacha Houlié, visant à rétablir l’écriture initiale des dispositions de l’article 9 relatives à la levée des protections contre la peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Ces amendements prévoient :
– de rétablir l’écriture de l’article 131-30 telle qu’elle figure dans le code pénal, pour prévoir que la peine complémentaire d’interdiction du territoire français n’est encourue que dans les cas où la loi le prévoit ([393]) ;
– de restreindre le champ d’application de la cause de levée de la protection contre la peine complémentaire d’interdiction du territoire français en cas de condamnation pour des faits commis à l’encontre du conjoint ou des enfants, en réservant cette dérogation au régime de protection aux seuls étrangers qui tirent leur protection de leur statut marital ou parental, et en supprimant l’extension de ces dispositions en cas de faits commis contre un ascendant ([394]) ;
– en rétablissant les seuils de gravité des infractions dont la condamnation permet la levée de la protection contre le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français, en prévoyant qu’elle ne s’applique qu’en cas de condamnation pour des crimes ou délits punis de dix ans au plus d’emprisonnement (au lieu de cinq ans), ou de cinq ans en cas de récidive (au lieu de trois ans) ([395]).
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* *
Article 9 bis
(art. 720 du code de procédure pénale)
Subordination de l’application de la libération sous contrainte de plein droit à l’exécution de la mesure d’éloignement dont la personne condamnée détenue a fait l’objet
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Introduit au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([396]), l’article 9 bis, subordonne, pour l’étranger détenu, l’application de la libération conditionnelle de plein droit au seul cas dans lequel cette mesure permet l’exécution de la mesure d’éloignement dont la personne condamnée a fait l’objet.
Dernières modifications législatives intervenues
La libération sous contrainte (LSC) a été instituée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
Le dispositif de la LSC a été modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, afin de systématiser son prononcé au bénéfice de toute personne ayant purgé les deux tiers d’une peine de prison de moins de cinq ans, sauf décision spécialement motivée du juge de l’application des peines.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 9 bis.
L’article 11 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé, aux côtés de la LSC classique, une nouvelle mesure de libération sous contrainte applicable de plein droit.
1. L’état du droit
a. Présentation de la libération sous contrainte
La libération sous contrainte (LSC) est une mesure de libération anticipée qui permet à un détenu, sous certaines conditions, d’exécuter le reliquat de sa peine hors de prison.
Depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la libération sous contrainte est devenue la modalité normale d’exécution de la fin de peine d’emprisonnement, en l’absence d’aménagement de peine.
L’article 720 du code de procédure pénale (CPP) prévoit ainsi un examen obligatoire par le juge de l’application des peines (JAP) de la situation de toute personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans, lorsque la personne condamnée a exécuté les deux tiers de sa peine.
La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de la peine sous l’un des régimes suivants :
● la libération conditionnelle : elle permet la mise en liberté d’un condamné avant la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion, sous condition de respect, pendant un délai d’épreuve, d’un certain nombre d’obligations. Le suivi est assuré par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), qui veille au respect des obligations, sous le contrôle du JAP.
● la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) : elle permet d’astreindre la personne condamnée à rester à son domicile à certaines heures fixées par le juge.
● le placement à l’extérieur : il permet à une personne condamnée de bénéficier d’un régime particulier de détention l’autorisant à quitter l’établissement pénitentiaire, afin notamment d’exercer une activité professionnelle, de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, de rechercher un emploi ou de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire.
● la semi-liberté : elle permet à la personne condamnée de quitter l’établissement pénitentiaire aux mêmes fins que dans le cadre du placement extérieur. La personne condamnée demeure néanmoins incarcérée dans un centre de semi-liberté ou dans un quartier spécifique de l’établissement pénitentiaire où elle est écrouée et où elle doit retourner chaque jour.
La personne condamnée libérée sous contrainte est suivie par le JAP et un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) durant la durée de la peine qui lui reste à effectuer. Si elle ne respecte pas ses obligations, le JAP peut ordonner le retrait ou la révocation de la mesure et la réincarcération de la personne condamnée.
Afin d’éviter les sorties de prison dites « sèches », c’est-à-dire sans accompagnement ni encadrement du retour à la liberté, des personnes qui n’ont pas pu bénéficier d’un aménagement de peine, l’article 11 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé une nouvelle mesure de libération sous contrainte applicable de plein droit (LSC de plein droit), dont le champ d’application est prévu au II et III de l’article 720 du CPP.
Elle s’applique de plein droit à toute personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans, dont le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois.
La LSC de plein droit est donc réservée aux courtes peines et permet d’associer la sortie imminente de la personne détenue à un suivi judiciaire assuré par le SPIP. Ce suivi a pour but de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée et concourt ainsi à éviter le risque de récidive.
Cette mesure n’est cependant pas applicable :
– aux personnes condamnées pour lesquelles il est démontré une impossibilité matérielle résultant de l'absence d’hébergement ([397]) ;
– aux personnes condamnées et incarcérées pour crime, pour actes de terrorisme ([398]), pour atteintes à la personne humaine commises sur mineur de moins de quinze ans ou sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou pour une infraction commise au sein du couple ([399]) ;
– aux personnes détenues ayant fait l’objet, pendant la durée de leur détention, de sanctions disciplinaires prononcées notamment pour des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel ou d’une autre personne détenue.
L’article D. 147-21 du CPP précise les éléments à apprécier pour caractériser l’impossibilité matérielle susceptible de faire obstacle à l’octroi d’une LSC de plein droit. Celle-ci est caractérisée lorsque la personne détenue ne dispose d’aucun hébergement compatible avec les interdictions de paraître ou de contact susceptibles de lui être imposées à sa libération, ainsi qu’au regard des capacités d’accueil des structures recevant des personnes placées en semi-liberté ou en placement à l’extérieur.
En cas de non-respect de la mesure et des obligations et interdictions déterminées, le cas échéant, par le JAP, il est possible d’ordonner, selon les modalités prévues à l'article 712-6 du CPP, le retrait ou la révocation de la mesure et la réincarcération de la personne.
En application des dispositions de l’article D. 49-40 du CPP, le procureur de la République dispose d’un droit d’appel suspensif dans les vingt-quatre heures de la notification de la décision ordonnant une libération sous contrainte.
b. Application de la libération sous contrainte aux personnes détenues étrangères
Dans le cas où la personne condamnée étrangère se trouve en situation irrégulière sur le territoire français, l’article 729-2 du CPP limite la possibilité d’ordonner une LSC sous la forme d’une libération conditionnelle.
En effet, lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour ou d’interdiction de circulation sur celui-ci, d’expulsion, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen, la libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée.
Par exception, il est possible d’accorder à un étranger faisant l’objet d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français une libération conditionnelle suspensive de l’exécution de cette peine pendant la durée des mesures d’assistance et de contrôle prévues à l’article 732 du CPP ([400]). À l’issue de cette durée, si la décision de mise en liberté conditionnelle n’a pas été révoquée, l’étranger est relevé de plein droit de la mesure d’interdiction du territoire français. Dans le cas contraire, la mesure redevient exécutoire.
Il convient également de souligner que l’article 131-30 du code pénal prévoit que « l’interdiction du territoire français prononcée en même temps qu’une peine d’emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l’objet, aux fins de préparation d’une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir ». L’application de ces mesures est donc réservée à la condition de la préparation d’une demande de relèvement.
Par ailleurs, il peut être rappelé que la LSC de plein droit ne s’applique pas « en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement ». L’application de ce régime peut ainsi apparaître difficilement compatible avec le profil du condamné étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
L’article 9 bis a été introduit au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([401]) . Il modifie l’article 720 du CPP pour prévoir une dérogation à l’application de la LSC de plein droit, lorsqu’un étranger condamné à une peine privative de liberté est l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de le quitter, d’interdiction d’y retourner ou d’y circuler, d’expulsion, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen.
Pour l’ensemble de ces cas, l’application de la LSC de plein droit est subordonnée à la condition que la mesure d’éloignement soit exécutée.
3. La position de la commission
L’article 9 bis n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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Article 10
(art. L. 611-3, L. 613-1 et L. 251-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Réduction du champ des protections existant contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF)
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article tend à réduire le champ des protections contre les OQTF accordées à certaines catégories d’étrangers lorsqu’ils représentent, selon leur situation, une menace grave pour l’ordre public, que cette décision se fonde sur des motifs graves de sécurité publique ou qu’elle constitue une nécessité impérieuse pour l’État ou la sécurité publique.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 25 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a prévu que les étrangers bénéficiant d’un régime de protection, en dehors des mineurs, peuvent, par dérogation, faire l’objet d’une OQTF s’ils vivent en France en état de polygamie.
Modifications apportées par le Sénat
En séance publique, le Sénat a réduit le champ des protections prévues contre les OQTF aux seuls mineurs de 18 ans.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
a. Le régime juridique des OQTF
En application des dispositions contenues au titre Ier du livre VI du CESEDA, l’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans l’une des six situations suivantes ([402]) :
1° Ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, il s’y est maintenu sans être titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;
2° Entré sur le territoire français sous couvert d’un visa désormais expiré ou, n’étant pas soumis à l’obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, il s’est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d’un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;
3° Il s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré, ou s’est vu retirer l’un de ces documents ;
4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542‑1 et L. 542-2 du CESEDA ([403]), à moins qu’il soit titulaire de l’un des documents mentionnés à l’alinéa précédent ;
5° Ne résidant pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, il constitue une menace pour l’ordre public ;
6° Ne résidant pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, il a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du CESEDA, relatives à l’interdiction d’exercer une activité professionnelle.
nombre d’OQTF prononcÉes par annÉe
Année |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Nombre d’OTQF prononcées |
81 656 |
85 268 |
103 852
|
122 839
|
107 488
|
124 111
|
134 280
|
Source : rapport n° 626 fait au nom de la commission des Lois sur la question migratoire de M. François-Noël Buffet, Sénat, session ordinaire de 2021 – 2022, 10 mai 2022, et avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
b. Un vaste régime de protections contre les OQTF
L’article L. 611-3 du CESEDA instaure un régime de protection contre les OQTF, bénéficiant à différentes catégories d’étrangers en raison de la durée de leur présence sur notre sol, de la nature et de l’ancienneté de leur lien avec la France, ou encore de leur situation personnelle – qu’elle soit familiale ou médicale.
Le régime de protection contre les OQTF prévu à l’article L. 611-3 du CESEDA
Ne peuvent faire l’objet d’une décision portant OQTF :
1° L’étranger mineur de dix-huit ans ;
2° L’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans ;
3° L’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s’il a été, pendant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ;
4° L’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
5° L’étranger qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui‑ci ou depuis au moins deux ans ;
6° L’étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
7° L’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ;
8° L’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
9° L’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié.
Par dérogation au présent article, l’étranger mentionné aux 2° à 8° (c’est-à-dire la totalité des étrangers protégés à l’exception des mineurs et de ceux ayant un état de santé spécifique) peut faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 s’il vit en France en état de polygamie.
Ce vaste régime de protection n’est pas sans poser des difficultés. Elles sont principalement de deux ordres.
Premièrement, il en résulte un paradoxe juridique. En effet, alors que l’article L. 411-2 du CESEDA vient préciser qu’à l’expiration de la durée de validité du document de séjour détenu par l’étranger, celui-ci doit quitter la France (à moins qu’il n’en obtienne le renouvellement ou qu’il ne lui en soit délivré un autre), l’article L. 611-3 du même code protège potentiellement ce même étranger contre le prononcé d’une OQTF.
Deuxièmement et de façon principale, ces dispositions empêchent logiquement un nombre conséquent d’OQTF d’être prononcées et nuisent à l’efficacité de notre politique d’éloignement. D’après une enquête conduite auprès d’une cinquantaine de préfectures, il est apparu que durant le seul mois de juillet 2022, 289 OQTF n’ont pas pu être prononcées en raison de ce régime de protection ([404]).
c. Le régime s’appliquant aux citoyens de l’Union européenne et aux membres de leur famille
L’autorité administrative peut, par décision motivée, obliger l’étranger citoyen de l’Union européenne ou les membres de sa famille à quitter le territoire français, lorsqu’elle constate l’une des trois situations suivantes ([405]) :
1° Il ne justifie plus d’aucun droit au séjour ([406]) ;
2° Son comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société ;
3° Son séjour est constitutif d’un abus de droit ([407]).
Il est également précisé que l’autorité administrative compétente tient compte de « l’ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l’intensité des liens avec leur pays d’origine ».
L’article L. 251-2 du CESEDA instaure un régime de protection contre les OQTF pour les étrangers citoyens de l’Union européenne, ainsi que pour les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent ([408]).
2. Le projet de loi initial
a. Le dispositif proposé pour les étrangers ressortissants d’un pays tiers à l’Union européenne
L’article 10 du projet de loi réduit le champ des protections contre les décisions portant OQTF lorsque l’étranger a un comportement constituant une menace grave pour l’ordre public, en complétant l’article L. 611-3 du CESEDA d’un alinéa.
Seuls les étrangers mineurs de 18 ans continuent de bénéficier de la protection prévue à l’article L. 611-3 du CESEDA, y compris si leur comportement constitue une menace grave pour l’ordre public.
b. Le dispositif proposé pour les citoyens de l’Union européenne et les membres de leur famille
Ce même article 10, à son second alinéa, a également pour objet de préciser à l’article L. 251-2 du même code que :
les citoyens de l’Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui disposent du droit au séjour permanent – et qui bénéficient actuellement d’un régime total de protection contre les OQTF – peuvent faire l’objet d’une OQTF si cette décision se fonde sur des motifs graves de sécurité publique ;
les citoyens de l’Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui séjournent de manière légale et ininterrompue en France depuis plus de dix ans se voient appliquer la même protection, à moins que leur éloignement ne constitue une nécessité impérieuse pour l’État ou la sécurité publique.
Gradation des différents niveaux de menace à l’ordre public
La « menace grave à l’ordre public » : si la notion n’est pas définie par un texte énumérant les différents actes ou agissements susceptibles de la caractériser, elle peut être valablement fondée sur des actes qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes. Le trafic de stupéfiants peut être considéré comme constituant une menace grave pour l’ordre public ; en revanche, les infractions de type racolage, non‑représentation d’enfants ou la succession de condamnation pour des peines de prison inférieures à un an ne révèlent pas ce niveau de menace ([409]). La notion est théoriquement appréciée indépendamment de l’existence de condamnations pénales ; cependant, ces dernières constituent, dans les faits, fréquemment la justification principale de sa caractérisation.
Les « motifs graves de sécurité publique » : la notion est tirée du paragraphe 3 de l’article 28 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Ce paragraphe prévoit qu’une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union européenne, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision « ne se fonde sur des motifs graves de sécurité publique définis par les États membres ». La distinction entre les notions d’« ordre public » et de « sécurité publique » n’est pas clairement établie par la jurisprudence européenne ; chaque État membre dispose, dans ce domaine, d’un pouvoir d’appréciation. Comme l’observe la doctrine « le droit de l’Union n’impose pas une échelle uniforme de valeurs » ([410]).
La « nécessité impérieuse pour l’État ou la sécurité publique » : cette notion présente un niveau de gravité supérieur à celui des précédentes. En droit national, elle est apparue pour la première fois dans la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, et visait alors principalement les terroristes, les trafiquants de drogue et les espions. Aujourd’hui, la jurisprudence administrative donne plusieurs exemples de caractérisation de ce niveau de menace : un étranger ayant commis un viol en réunion sur une mineure de 15 ans (CE, 22 sept. 1997, Min. Intérieur c/ Ahmed X), un étranger coupable d’espionnage (CE, 6 mai 1988, Abdul), ou encore un étranger ayant prêté un local à un groupe prônant l’action armée (TA de Lille, 25 oct. 1994). En droit européen, cette notion figure dans la directive précédemment mentionnée. Le paragraphe 2 de son article 28 dispose ainsi que l’État membre d’accueil ne peut prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille qui ont acquis un droit au séjour permanent sur son territoire, « sauf pour des raisons impérieuses d’ordre public ou de sécurité publique ». Comme cela a été souligné par la doctrine, les mesures d’éloignement fondées sur ce paragraphe « ne peuvent être limitées qu’à des circonstances exceptionnelles », et l’atteinte à la sécurité publique doit être d’un « degré de gravité particulièrement élevé » ([411]).
À l’occasion des auditions conduites par vos rapporteurs, le préfet de police de Paris, M. Laurent Nuñez, a souligné que cette mesure était très attendue de la part de la préfecture, en tant que ces protections constituent un frein important à l’éloignement des étrangers représentants une menace pour l’ordre public.
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission des Lois
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article en Commission, « partageant la volonté du Gouvernement de résoudre les difficultés engendrées par les protections contre les OQTF » ([412]). Les rapporteurs ont néanmoins indiqué dans leur rapport ne pas « s’interdire de revenir sur le sujet en séance publique ».
b. Les modifications apportées en séance publique
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de M. Retailleau, modifié d’un sous-amendement des rapporteurs ([413]), malgré un avis défavorable du Gouvernement. L’article 10 du projet de loi résultant de cet amendement et de ce sous-amendement :
réduit le champ des catégories d’étrangers protégés des OQTF aux seuls mineurs de 18 ans ;
précise que l’OQTF est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit.
L’objectif, d’après l’exposé sommaire de l’amendement, consiste à « confier à l’administration seule la responsabilité d’apprécier au cas par cas les éventuelles atteintes à la vie privée et familiale qui découleraient de l’édiction d’une OQTF à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière ».
4. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté cet article, sans modification.
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Article 10 bis (supprimé)
(art. L. 612‑6‑ et L. 613‑9 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Augmentation à dix ans de la durée maximale d’une interdiction de retour en cas de menace grave pour l’ordre public
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Introduit par le Sénat, le présent article prévoit de porter à dix ans la durée maximale de l’interdiction de retour dont est assortie une OQTF lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé, dans l’hypothèse où le comportement de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public (la durée maximale actuelle est de trois ans, portée à cinq ans par l’article 18 du présent projet de loi tel que modifié par le Sénat).
L’article prévoit également un mécanisme de réexamen de l’interdiction de retour au bout de cinq ans.
Dernières modifications législatives intervenues
En dehors des modifications apportées par le Sénat à la durée maximale de l’interdiction de retour, à l’article 18 du présent texte, aucune modification législative n’est récemment intervenue en ce domaine.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article, dont le dispositif a été inscrit à l’article 18.
1. L’état du droit
● Les articles L. 612‑6 à L. 612‑11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoient la possibilité pour l’administration d’assortir une OQTF d’une interdiction de retour sur le territoire français, et en précisent les modalités. Une telle interdiction est notamment prévue lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger (article L. 612‑6).
La durée maximale de l’interdiction de retour est comprise entre deux et trois ans ; elle peut être prolongée de deux ans dans certaines hypothèses. En tout état de cause, la durée totale de l’interdiction de retour ne peut excéder cinq années, sauf menace grave pour l’ordre public (article L. 612‑11). Il s’agit de la transposition des dispositions de l’article 11 de la directive dite « retour » du 16 décembre 2008 ([414]), qui prévoit la possibilité de déroger à la durée maximale d’interdiction de retour de cinq ans « si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ».
● Pour une présentation plus complète du régime de l’interdiction de retour, il est renvoyé au commentaire de l’article 18, dont le présent article tire d’ailleurs les conséquences.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
● Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance, d’un amendement du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable de la commission ([415]). Il s’inscrit dans la continuité des modifications que la commission des lois du Sénat a apportées à l’article 18 du projet de loi, et en tire les conséquences ([416])..
La commission des Lois du Sénat, à l’article 18, a porté la durée maximale d’interdiction de retour à cinq ans ([417]). Or, il s’agit également de la durée totale autorisée, hors menace grave pour l’ordre public.
Aussi, le présent article fixe la durée maximale de l’interdiction de retour prévue à l’article L. 612‑6 du CESEDA à dix ans si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public (1° du présent article).
● Par ailleurs, le présent article prévoit un dispositif de réexamen de l’interdiction de retour au bout de cinq ans, en calquant le mécanisme prévu en matière d’expulsion à l’article L. 632‑6 du CESEDA. Cela permettra d’apprécier le bien-fondé de l’interdiction de retour à l’issue de la période de cinq ans, en tenant compte de la situation de la personne et de l’état de la menace qu’elle fait peser.
Ce mécanisme de réexamen est consacré dans un nouvel article L. 613‑9 du CESEDA, introduit par le 2° du présent article.
3. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article, en adoptant trois amendements identiques déposés par votre rapporteur, par M. Boris Vallaud et les membres du groupe SOC, et par M. Davy Rimane et les membres du groupe GDR‑NUPES ([418]).
Relevons que ces amendements de suppression ne reposaient pas sur la même motivation, celle animant le rapporteur étant de supprimer cet article 10 bis afin que son dispositif soit transféré au sein de l’article 18 – transfert réalisé à travers l’adoption, à cet article 18, de l’amendement CL1713 du rapporteur Ludovic Mendes.
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Article 11
(art. L. 331‑2 et L. 813‑10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Relevé des empreintes digitales et prise de photographie
d’un étranger sans son consentement
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article prévoit la possibilité de procéder, sans le consentement de l’intéressé, au relevé des empreintes digitales et à la prise de photographie d’un étranger en vue de s’assurer de son identité, de façon encadrée.
Dernières modifications législatives intervenues
En matière de relevé d’empreintes et de prise de photographie sans consentement réalisées au titre de l’article 55‑1 du code de procédure pénale, la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 a garanti la présence de l’avocat de l’intéressé lors de la réalisation de ces opérations.
Modifications apportées par le Sénat
Trois modifications ont été apportées au dispositif par le Sénat :
– la substitution à l’information préalable du procureur de la République, pour réaliser sans consentement les opérations prévues, d’une autorisation préalable de ce magistrat ;
– l’exigence de la présence de l’avocat de l’étranger lors de la réalisation des opérations prévues sans le consentement de ce dernier ;
– l’exclusion des mineurs du champ d’application du dispositif.
Modifications apportées par la Commission
À l’initiative des membres du groupe Horizons, la Commission est revenue sur la substitution de l’autorisation du parquet à son information préalable, et sur la présence de l’avocat.
La Commission a également, sur proposition de votre rapporteur, prévu que le relevé d’empreintes et la prise de photographie sans consentement doivent faire l’objet d’un procès-verbal.
● Dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine, et afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes étrangères en situation régulière sur le territoire national, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) permet la prise d’empreintes digitales et d’une photographie des étrangers dans certaines situations, et leur conservation dans un traitement de données automatisé.
Cette possibilité, prévue à l’article L. 142‑1 du CESEDA, concerne :
– les étrangers sollicitant la délivrance d’un visa – si le visa est délivré, le relevé des empreintes et la prise de photographie sont alors obligatoires ;
– les étrangers sollicitant la délivrance d’un titre de séjour ;
– les étrangers qui se trouvent en situation irrégulière en France, qui font l’objet d’une décision d’éloignement ou qui ne remplissent pas les conditions d’entrée sur le territoire ;
– les étrangers qui, faisant l’objet d’une OQTF, bénéficient de l’aide au retour.
● Au niveau européen, le règlement du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac ([419]) prévoit l’obligation, pour chaque État membre, de relever les empreintes digitales :
– des demandeurs d’une protection internationale âgés d’au moins 14 ans, ces données étant conservées dans le système central Eurodac pendant dix ans (articles 9 à 12) ;
– des étrangers ressortissants de pays tiers ou apatrides interpellés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière, les données étant alors conservées dix-huit mois (articles 14 à 16).
Eurodac peut être utilisé par un État membre aux fins de comparaison des empreintes digitales, afin de vérifier que l’étranger séjournant irrégulièrement sur son territoire n’a pas déjà introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, ainsi que le prévoit l’article 17 du règlement.
Dans le cadre du « pacte asile et migration » en cours de négociation, la nécessité de procéder au relèvement des empreintes est réaffirmée. Ainsi, l’article 7 de la proposition modifiée de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union ([420]), et relatif aux obligations des demandeurs, prévoit que ces derniers coopèrent pleinement avec les autorités nationales, notamment en fournissant ses données biométriques, tandis que son article 28 fait obstacle à l’introduction d’une demande de protection internationale si l’étranger refuse de se conformer à l’obligation de fournir ses données biométriques.
La même obligation de coopération dans le prélèvement des données biométriques est prévue par la proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration ([421]).
● Lorsque, dans le cadre du contrôle de la détention, par un étranger, des pièces et documents lui permettant de circuler ou séjourner en France, auquel peuvent procéder les officiers de police judiciaire (OPJ) en application des articles L. 812‑1 et L. 812‑2 du CESEDA, la personne n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, les OPJ peuvent conduire l’étranger dans un local de police ou de gendarmerie pour qu’il y soit retenu le temps strictement exigé par l’examen de son droit, la retenue ne pouvant excéder 24 heures (articles L. 813‑1 et L. 813‑3 du CESEDA).
Dans le cadre de cette retenue, dont le procureur de la République est informé dès le début en application de l’article L. 813‑4, l’étranger se voit notifier ses droits, parmi lesquels ceux d’être assisté d’un interprète et d’un avocat et d’être examiné par un médecin, ainsi qu’en dispose l’article L. 813‑5.
La vérification du droit de circulation et de séjour de l’étranger peut conduire à l’inspection des bagages et effets personnels de celui-ci, avec son accord ou, à défaut, après information du procureur de la République (article L. 813‑9).
Enfin, aux termes de l’article L. 813‑10 du CESEDA, cette vérification peut donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales et de photographies de l’étranger pour établir sa situation.
Ces empreintes et photographies, qui sont collectées en vue de l’établissement du droit de circuler ou de séjourner de la personne, ne peuvent être mémorisées et versées au traitement de données automatisé prévu à l’article L. 142‑1 du CESEDA que s’il apparaît que l’étranger ne dispose pas d’un tel droit.
La collecte des empreintes et photographies ne peut être réalisée sous la contrainte, dans l’hypothèse où l’étranger s’y oppose. En revanche, le refus de se soumettre à ces opérations constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement, de 3 750 euros d’amende et de trois ans d’interdiction du territoire français, en application :
– de l’article L. 821‑2 du CESEDA, s’agissant des étrangers ne remplissant pas les conditions d’entrée sur le territoire ;
– de l’article L. 822‑1 du même code, s’agissant des étrangers en situation irrégulière ;
– de l’article L. 824‑2 dudit code, s’agissant des étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement.
La réalisation de relevés signalétiques sous contrainte en procédure pénale
et la récente évolution de la LOPJ
● En matière pénale, les OPJ peuvent procéder à la réalisation de relevés signalétiques – empreintes digitales et palmaires, ainsi que photographies – sur une personne susceptible de fournir des renseignements sur une infraction, ou soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.
Prévue à l’article 55‑1 du code de procédure pénale (CPP), cette faculté peut être mise en œuvre sans le consentement de la personne, et donc avec contrainte, dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue si l’opération est l’unique moyen d’identifier la personne entendue ou gardée à vue, si la personne refuse de justifier son identité ou fournit des éléments manifestement incorrects, ou si est en cause un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. L’autorisation écrite du procureur de la République est alors requise.
Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit également la possibilité de procéder aux relevés signalétiques sans consentement dans le cadre d’une garde à vue, sous réserve de l’information préalable de l’avocat du mineur (article L. 413‑17). Le mineur doit, par ailleurs, être manifestement âgé d’au moins 13 ans, et l’infraction concernée être un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
● Par une décision du 10 février 2023, le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité de procéder aux relevés signalétiques sans consentement dans le cadre d’une audition libre, et a exclu par une réserve d’interprétation que de telles opérations puissent être effectuées hors de la présence de l’avocat de la personne gardée à vue (1).
Pour tirer les conséquences de cette décision, la récente loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ) a prévu la présence obligatoire de l’avocat, assortie d’un délai de carence de deux heures (2).
(1) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑1034 QPC du 10 février 2023, Syndicat de la magistrature et autres [Placement ou maintien en détention provisoire des mineurs et relevés signalétiques sous contrainte], § 23 et 24.
(2) Loi n° 2023‑1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, article 6, 1° du I et 1° du II.
2. Le projet de loi initial
L’impossibilité pour les OPJ de recourir à la contrainte afin de relever les empreintes digitales d’un étranger et de prendre sa photographie conduit à des difficultés pour les forces de sécurité intérieure, qui ne peuvent alors que se fonder sur les éléments d’identité avancés par la personne. Certes, le refus de l’étranger de se soumettre à de telles opérations est un délit, mais la sanction prévue n’est pas assez dissuasive, et l’infraction est au demeurant trop peu mise en œuvre, ainsi que le souligne l’étude d’impact ([422]).
Or, l’identification des étrangers, en particulier leur identité, leur nationalité et leur âge, est la garantie de leur appliquer la procédure la plus appropriée ; elle contribue en outre à faciliter la lutte contre l’immigration irrégulière.
● En conséquence, le présent article prévoit la possibilité pour les forces de sécurité intérieure de procéder à la prise d’empreintes digitales et à la photographie des étrangers sans leur consentement, de façon encadrée.
Ainsi, en cas de refus par un étranger de se soumettre à ces opérations, l’OPJ ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire (APJ) pourra, après en avoir informé le procureur de la République, réaliser les relevés signalétiques sans le consentement de l’intéressé.
Ce dernier devra au préalable avoir été informé des conséquences de son refus – à savoir les sanctions pénales prévues par le CESEDA, qui demeurent expressément applicables –, et le recours à la contrainte pour réaliser les opérations de relevés signalétiques devra :
– poursuivre les objectifs des dispositions pertinentes – respect des conditions d’entrée et vérification du droit de circulation ou de séjour ;
– être strictement proportionné ;
– et tenir compte de la vulnérabilité de la personne.
Cet encadrement peut être rapproché de celui prévu à l’article 55‑1 du CPP s’agissant des relevés signalétiques sans consentement en garde à vue.
● Ce dispositif est consacré :
– dans un nouveau second alinéa de l’article L. 331‑2 du CESEDA, relatif au contrôle aux frontières extérieures (1° du présent article) ;
– dans un nouveau second alinéa de l’article L. 813‑10 du même code, relatif à la vérification du droit de circulation ou de séjour de l’étranger (2° du présent article).
● Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, n’a formulé aucune observation particulière sur cet article ([423]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
● Jugeant le dispositif opportun, mais insuffisamment encadré, la commission des Lois du Sénat a apporté plusieurs modifications au présent article.
En premier lieu, à l’initiative des rapporteurs, Mme Muriel Jourda (LR) et M. Philippe Bonnecarrère (UC), et de Mme Maryse Carrère (RDSE) et plusieurs de ses collègues, la commission a substitué à l’information préalable du procureur de la République l’exigence que ce dernier autorise expressément l’opération sans le consentement de l’intéressé ([424]), comme cela est le cas en matière de garde à vue en application des articles 55‑1 du CPP et L. 413‑17 du CJPM.
En deuxième lieu, sur proposition des rapporteurs ([425]), la commission des lois du Sénat a prévu la présence de l’avocat de l’étranger lors de la prise des empreintes digitales et de la photographie sans le consentement de ce dernier, s’inspirant de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022‑1034 QPC du 10 février 2023 précitée s’agissant des relevés signalétiques sans consentement en garde à vue.
En troisième lieu, à l’initiative des rapporteurs, de Mme Carrère et plusieurs de ses collègues, et de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et territoires) et plusieurs de ses collègues, la possibilité de réaliser les opérations sous contrainte a été exclue s’agissant des mineurs, considérés par défaut comme étant en situation régulière ([426]).
En conséquence, la prise d’empreintes et de photographie sans consentement ne pourra concerner que les étrangers manifestement âgés d’au moins dix‑huit ans. La référence à l’âge manifeste permettra de recourir à la contrainte même si l’étranger dit être mineur, s’il apparaît qu’il ne l’est manifestement pas.
● Aucune modification n’a été apportée en séance à cet article par les sénateurs.
4. La position de la Commission
● En adoptant un amendement de M. Laurent Marcangeli et des membres du groupe Horizons et apparentés ayant fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur ([427]), la Commission est revenue sur deux modifications apportées par le Sénat :
– elle a supprimé la présence obligatoire de l’avocat ;
– elle a rétabli l’information préalable du procureur de la République, que les sénateurs avaient remplacée par une autorisation.
Ces mesures n’ont pas été jugées juridiquement nécessaires, analyse d’ailleurs corroborée par celle du Conseil d’État qui n’avait formulé aucune observation particulière sur le dispositif initial.
● En outre, sur proposition de votre rapporteur ([428]), la Commission a prévu que l’opération de relevé d’empreintes et de prise de photographie réalisée sans consentement fasse l’objet d’un procès-verbal, dans le cadre prévu à l’article L. 331‑2 du CESEDA.
L’article L. 813‑10 du même code, relatif à la vérification du titre de séjour, n’a en revanche pas été modifié en ce sens, dans la mesure où l’article L. 813‑13 prévoit déjà un procès-verbal dans ce cadre.
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Article 11 ter (supprimé)
(art. L. 142‑3‑1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Création d’un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article prévoit la création d’un fichier national des mineurs non accompagnés (MNA) délinquants, recueillant leurs empreintes digitales et leurs photographies.
Dernières modifications intervenues
La refonte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile résultant de l’ordonnance n° 2020‑1733 du 16 décembre 2020 a consacré, à l’article L. 142‑3 de ce code, la possibilité que les empreintes digitales et les photographies des étrangers se déclarant MNA puissent faire l’objet d’un traitement automatisé.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
● En application de l’article L. 142‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), les empreintes digitales et les photographies des étrangers se déclarant mineurs privés de la protection de leur famille – c’est-à-dire les mineurs non accompagnés (MNA) – peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé de données, afin de mieux garantir la protection de l’enfance et lutter contre l’immigration irrégulière.
Ce traitement automatisé, dit fichier « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM), qui ne peut comporter de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie, est réalisé dans les conditions prévues par le règlement européen général sur la protection des données (RGPD) ([429]) et la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 ([430]).
Ces données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. Leur conservation, s’agissant des personnes reconnues mineures, est limitée à la durée strictement nécessaire à la prise en charge et à l’orientation de ces personnes, en tenant compte de leur situation personnelle.
● En matière pénale, le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) prévu à l’article 230‑6 du code de procédure pénale (CPP) peut contenir, en application de l’article 230‑7 du même code, les informations sur les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu, comme auteurs ou complices, participer à la commission de crimes, délits ou contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État.
Aucune limitation d’âge n’est prévue s’agissant des personnes dont les informations peuvent figurer au TAJ.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
● Le présent article résulte de l’adoption par la commission des lois du Sénat d’un amendement de M. Philippe Tabarot (LR) et plusieurs de ses collègues ([431]) ; il met en œuvre la recommandation n° 23 de la mission d’information sénatoriale sur les MNA tendant à la création d’un fichier national des MNA délinquants ([432]), dont l’objectif est de rendre « plus aisée l’identification des jeunes multirécidivistes utilisant un alias différent à chaque interpellation » ([433]).
Ce fichier est consacré dans un nouvel article L. 142‑3‑1 du CESEDA, donc placé après le fichier AEM prévu à l’article L. 142‑3 du même code.
La finalité de ce fichier est de faciliter :
– l’identification des MNA à l’encontre desquels existent des indices graves ou concordants qui rendent vraisemblable leur participation à des infractions à la loi pénale – en qualité d’auteurs ou complices ;
– ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions qu’aurait commises un seul MNA.
Ce fichier comporterait les empreintes digitales et la photographie des MNA concernés – ce type de données faisant déjà l’objet de fichiers, tels que le fichier AEM ou encore le fichier prévu à l’article L. 142‑1 du CESEDA (voir commentaire de l’article 11).
Le même encadrement et les mêmes garanties que ceux qui sont applicables dans le cadre du fichier AEM, précédemment mentionnés, sont prévus pour ce nouveau fichier.
● Le fichier dont la création est prévue par le présent article peut être vu comme une forme de synthèse entre le fichier AEM, relatif aux MNA, et le TAJ, qui recense les données relatives aux personnes soupçonnées d’avoir participé à la commission d’une infraction sans limitation d’âge.
● Aucune modification n’a été apportée au dispositif par les sénateurs en séance.
3. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article en adoptant huit amendements identiques.
Ces amendements ont été déposés par votre rapporteur Philippe Pradal, par M. Thomas Portes et les membres du groupe LFI‑NUPES, par M. Boris Vallaud et les membres du groupe SOC, par M. Benjamin Lucas et des membres du groupe Écolo‑NUPES, par Mme Francesca Pasquini (Écolo‑NUPES), par Mme Elsa Faucillon et les membres du groupe GDR‑NUPES, par M. Erwan Balanant (Dem) et des membres de son groupe, et par Mme Laure Miller (RE) et des membres de son groupe ([434]).
La Commission n’a pas jugé opportune la création du fichier prévu au présent article – rappelons à cet égard que le TAJ, ainsi qu’il a été vu, ne prévoit pas de seuil d’âge s’agissant des personnes qui y sont inscrites.
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Article 12
(art. L. 741-1, L. 741-5, L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Interdiction de la présence en centre de rétention administrative des mineurs de seize ans
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 met fin à la possibilité de placer en centre de rétention administrative des familles accompagnées d’un mineur de moins de seize ans.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a encadré la possibilité ouverte à l’administration de placer en rétention des mineurs accompagnés de leurs parents.
Le régime de la rétention administrative a également été réformé par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui a notamment modifié les délais qui lui sont applicables, ainsi que les critères permettant la rétention des familles accompagnées d’un mineur.
Modifications apportées par le Sénat
Outre un amendement rédactionnel, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([435]) modifiant les critères du placement et de la prolongation en rétention administrative pour prévoir :
– d’une part, que le risque de soustraction, nécessaire pour justifier du placement en rétention, s’apprécie également au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente ;
– d’autre part, que la prolongation de la rétention administrative peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention (JLD) « en cas de menace », s’agissant de la deuxième prolongation fondée sur l’article L. 742-4 du CESEDA, et « en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public », s’agissant de la troisième prolongation exceptionnelle, prévue à l’article L. 742-5 du CESEDA.
Modifications apportées par la commission
Lors de l’examen de cet article par la commission des Lois, a été adopté un amendement de M. Bertrand Pancher ([436]), visant à généraliser l’interdiction du placement en rétention des mineurs pour la rendre applicable à tous les mineurs de moins de dix-huit ans et à tous les lieux de rétention administrative.
1. L’état du droit
a. L’encadrement de la rétention administrative de l’étranger accompagné d’un mineur
Les règles relatives à la rétention administrative des étrangers sont prévues au titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). La rétention administrative consiste à priver de liberté l’étranger aux fins d’assurer la mise en œuvre d’une décision d’éloignement.
Le placement en rétention administrative est ainsi susceptible d’intervenir après une mesure d’éloignement telle qu’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou un arrêté de reconduite à la frontière.
L’article L. 741-1 du CESEDA prévoit que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée initiale de quarante-huit heures, l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement, lorsqu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement cette exécution, et qui a fait l’objet de l’une des mesures d’éloignement suivantes ([437]) :
– une décision portant OQTF prise moins d’un an ([438]) auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;
– une interdiction de retour sur le territoire français ([439]) ;
– la mise en œuvre d’une décision prise par un autre État ([440]) ou la remise aux autorités d’un autre État ([441]) ;
– une interdiction de circulation sur le territoire français ([442]) ;
– une décision d’expulsion ;
– une peine d’interdiction judiciaire du territoire français ([443]) ;
– une interdiction administrative du territoire français.
Le risque de soustraction est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 du CESEDA. Ce risque peut ainsi être regardé comme établi dans les cas suivants :
● l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
● l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
● l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
● l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
● l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
● l’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
● l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage, ou encore a fait usage d’un tel titre ou document ;
● l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour, ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie ([444]), qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait à ses obligations ([445]).
Les mineurs ne pouvant faire l’objet d’une décision d’expulsion ou d’une OQTF ([446]), leur placement en rétention est exclu. Toutefois, lorsqu’un étranger majeur est placé en rétention dans la perspective de son éloignement, les mineurs dont il a la charge sont placés avec lui.
L’article L. 741-5 du CESEDA prévoit ainsi que l’étranger accompagné du mineur peut être placé en rétention dans trois cas :
– l’étranger n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ;
– à l’occasion de la mise en œuvre de la décision d'éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus ;
– en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert.
Dans le cas où l’étranger accompagné d’un mineur est placé en rétention, la durée de rétention doit être la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ. Selon les éléments de l’étude d’impact, cette durée était en moyenne de 25 heures en 2022 ([447]).
En outre, en application de l’article L. 744-2 du CESEDA, le registre du lieu de rétention, qui est communiqué au juge des libertés et de la détention sur demande de celui-ci et à l’occasion de chaque demande de prolongation, mentionne les conditions d’accueil des mineurs.
Par ailleurs, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles.
La liste des centres de rétention administrative (CRA) ([448]) habilités à accueillir des familles est fixée par l’arrêté du 30 mars 2011 pris en application de l’article R. 744-3 du CESEDA. En métropole, les centres de Lyon, Oissel, Marseille, Metz-Queuleu, Cornebarrieu, Nîmes, Saint-Jacques-de-la-Lande, Hendaye, Le Mesnil-Amelot 2, ainsi que le site 2 de Lesquin sont autorisés à accueillir des familles. Ces centres représentent 93 places au total en métropole (5,4 % du parc). Par ailleurs, 40 places sont disponibles à Mayotte, soit 17,6 % du parc ultramarin ([449]).
Les modalités d’accueil des familles dans les lieux de rétention sont adaptées. Il est prévu notamment une séparation stricte entre les locaux de rétention pouvant accueillir des familles et les locaux de rétention communs.
Selon les données fournies dans l’étude d’impact, sur les dix premiers mois de l’année 2022 en métropole, 51 cellules familiales ont été placées en rétention, incluant 75 mineurs accompagnants. Ces placements ont diminué par rapport aux années précédentes : en 2019, 136 cellules familiales incluant 276 mineurs accompagnants ont été placées en rétention, représentant 1,1 % du nombre total de placements en rétention ([450]).
Il est également possible de maintenir en zone d’attente des mineurs, dans le cadre d’une décision de refus d’entrée ([451]).
Par ailleurs, l’article R. 744-8 du CESEDA prévoit que, lorsqu’en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, des étrangers retenus ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fin, dénommés « locaux de rétention administrative » (LRA).
Créé par le décret du 19 mars 2001 le local de rétention administrative (LRA) est ouvert par arrêté préfectoral, généralement dans un commissariat. Le placement est provisoire, l’étranger ne pouvant y être maintenu après que le JLD a prolongé sa rétention ([452]) ou, en cas de recours contre la décision d’éloignement, s’il n’existe pas de centre de rétention dans le ressort du tribunal administratif ou de la cour d’appel.
Lorsqu’ils sont susceptibles d’accueillir des familles, ces locaux doivent disposer en outre de lieux d’hébergement séparés, spécialement équipés, comportant une pièce de détente et dotés notamment de matériels de puériculture adaptés, ainsi que d’un espace de promenade à l’air libre ([453]).
b. La nécessité de faire évoluer le cadre juridique existant
L’article 17 de la directive « Retour » du 16 décembre 2008 ([454]) autorise le placement en rétention des familles comportant des mineurs « en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible », sous réserve d’aménagements spécifiques du lieu de rétention.
Néanmoins, par cinq arrêts en date du 12 juillet 2016 ([455]), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la pratique française sur le fondement de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, de son article 5, qui proclame le droit à la liberté et à la sûreté, ou encore de son article 8, qui consacre le droit à une vie familiale normale. En effet, si la Cour n’interdit pas le principe de la rétention des mineurs, elle peut cependant être amenée à conclure à la violation des droits fondamentaux en raison de la conjonction de trois facteurs :
● le bas âge des enfants ;
● la durée de leur rétention ;
● et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants.
Par ailleurs, la rétention n’est conventionnelle « qu’à la condition que les autorités internes établissent qu’elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre ».
Par la suite, la CEDH a été amenée à condamner de nouveau la France pour les mêmes motifs ([456]). Dans ces affaires, la Cour procède à une interprétation in concreto, en retenant la même grille d’analyse fondée sur les trois critères rappelés.
À titre d’exemple, récemment, dans un arrêt du 4 mai 2023 ([457]), la Cour européenne a condamné la France en raison du placement en rétention administrative d’une mère et de son enfant âgé de sept mois et demi. Dans le cas d’espèce, même si le centre de rétention dans lequel les requérantes avaient été placées était habilité à recevoir des familles, son fonctionnement quotidien impliquait des désagréments importants pour un enfant (annonces diffusées par haut-parleur, dimension sécuritaire omniprésente, zone dédiée aux familles à la vue des autres personnes, en particulier).
Pour répondre aux réserves formulées par la CEDH, la pratique administrative a conduit à limiter, ces dernières années, le placement en rétention des familles accompagnées de mineurs. Les circulaires du ministre de l’Intérieur n° INTK1207283C du 6 juillet 2012 et n° INTK1300159C du 18 janvier 2013 ont ainsi invité les préfets à privilégier le recours à l’assignation à résidence des familles.
Le Conseil constitutionnel, qui ne contrôle pas la conventionalité de la loi, n’a pas censuré les dispositions de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui encadraient la possibilité de placer en rétention administrative des familles accompagnées de mineurs, estimant qu’elles opéraient une conciliation « entre, d’une part, l’intérêt qui s’attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d’autre part, l’inconvénient d’être séparé de celui qu’il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l’ordre public.» ([458]).
Dans son rapport d’activité pour l’année 2022, le contrôleur général des lieux de privation de liberté recommande d’interdire l’enfermement des enfants mineurs dans les centres de rétention administrative, mais également dans les locaux de rétention administrative et les zones d’attente, en préconisant que seule la mesure d’assignation à résidence puisse être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants ([459]).
C’est pour « traduire en droit national les apports des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur la rétention des mineurs » ([460]) que l’article 12 interdit la rétention des étrangers accompagnés de mineurs de moins de seize ans.
Selon les éléments communiqués dans l’étude de l’impact du projet de loi, pour concilier cette interdiction avec l’objectif de maintenir l’effectivité des décisions d’éloignement à l’encontre de familles, le Gouvernement entend favoriser le recours à des mesures moins coercitives, notamment en privilégiant l’assignation à résidence ou leur accueil dans des centres adaptés, où sont mis en œuvre des dispositifs de préparation au retour (DPAR) encourageant le départ volontaire ([461]).
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
L’article 12 modifie l’article L 741-5 du CESEDA relatif aux conditions dans lesquelles un étranger accompagné d’un mineur peut être placé en CRA, en prévoyant que le placement de cet étranger ne sera pas possible lorsqu’il est accompagné d’un mineur de moins de seize ans.
Par coordination, l’article 12 procède à des modifications du texte, pour préciser qu’il ne s’applique qu’aux familles des mineurs de plus de seize ans.
3. Les modifications introduites par le Sénat
a. Les modifications introduites en commission
La commission du Sénat a adopté un unique amendement rédactionnel des rapporteurs ([462]), précisant que l’interdiction de placer un mineur en CRA s’applique aux mineurs jusqu’à l’âge de 16 ans révolu.
b. Les modifications introduites en séance
Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([463]) modifiant les critères du placement en rétention administrative, afin de prévoir que le risque de soustraction, nécessaire pour justifier du placement en rétention, s’apprécie également au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente.
L’article L. 741-1 du CESEDA est modifié en conséquence pour ajouter ce critère d’appréciation dans l’évaluation du risque.
Par ailleurs, le 1° de l’article L. 742-4 du CESEDA est modifié pour assouplir les conditions dans lesquelles il peut être demandé au JLD la deuxième prolongation du maintien en rétention administrative au-delà de trente jours, en prévoyant que cette prolongation peut être justifiée « en cas de menace » simple ([464]).
Il est ainsi supprimé l’exigence d’une menace qualifiée « d’une particulière gravité pour l’ordre public ».
L’article L. 742-5 du CESEDA est également modifié pour ajouter un nouveau motif pouvant conduire le JLD à ordonner une troisième prolongation exceptionnelle de la rétention administrative « en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. »
L’exposé sommaire de l’amendement adopté par les sénateurs précisait que ces modifications seraient conformes à l’article 15 de la directive « Retour » du 16 décembre 2008 ([465]), qui limite la possibilité de placer un étranger en rétention administrative aux fins de procéder à son éloignement à deux cas :
– lorsqu’« il existe un risque de fuite » ;
– ou lorsque « le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ».
Si l’article L. 741-1 du CESEDA, tel que modifié par l’article 12 du projet de loi, ne mentionne pas expressément la possibilité de placer l’étranger en rétention administrative en cas de comportement menaçant l’ordre public, le Gouvernement considère que la circonstance que l’étranger ait adopté un tel comportement, notamment par la commission d’infractions ou de délits, peut être de nature à révéler un risque qu’il ne respecte ni son obligation de déférer à l’OQTF dont il fait l’objet, ni les mesures de surveillance moins coercitives que la rétention qui pourraient lui être appliquées.
4. La position de la commission
En adoptant un amendement de M. Bertrand Pancher ([466]), la commission a étendu le champ d’application de l’interdiction du placement en rétention des mineurs, afin que cette interdiction concerne l’ensemble des mineurs de moins de dix-huit ans dans tous les lieux de rétention administrative, à savoir les centres de rétention administrative (CRA) et les locaux de rétention administrative (LRA).
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Article 12 bis A
(art. L. 521-14, L. 523-1, L. 523-2, L. 523-3, L. 523-4, L. 523-5, L. 523-6, L. 523-7, L. 531-24 du CESEDA)
Possibilité d’assigner à résidence ou de placer en rétention le demandeur d’asile présentant une menace à l’ordre public ou un risque de fuite
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 bis A, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([467]) lors des débats en séance publique au Sénat, crée un nouveau régime d’assignation à résidence et de placement en rétention de l’étranger demandeur d’asile, dont le comportement constitue une menace à l’ordre public, ou qui présente un risque de fuite.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 34 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a introduit un régime spécifique d’assignation à résidence et de placement en rétention administrative applicable au demandeur d’asile visé par une mesure d’expulsion, une interdiction judiciaire ou une interdiction administrative de retour, pendant le temps d’examen de sa demande et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité, dans l’attente de son départ.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 12 bis A.
1. L’état du droit
Les hypothèses dans lesquelles un étranger demandeur d’asile peut faire l’objet d’une assignation à résidence ou d’un placement en rétention administrative sont prévues aux articles L. 750-1 à L. 754-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui couvrent les situations suivantes :
– Pendant la détermination de l’État responsable de l’examen de l’asile et aux fins de l’exécution de la décision de transfert :
L’article L. 751-2 du CESEDA prévoit la possibilité de prononcer, à l’encontre de l’étranger qui fait l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, une assignation à résidence « pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile » ([468]).
S’il présente un risque non négligeable de fuite ([469]), l’étranger peut également être placé en rétention administrative, en application de l’article L. 751-3 du CESEDA.
– Demandeur d’asile dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin :
L’article L. 752-1 du CESEDA permet d’assigner à résidence l’étranger demandeur d’asile dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin et qui a fait l’objet d’une décision portant OQTF, afin de traiter rapidement et de suivre efficacement sa demande d’asile.
Le placement en rétention administrative n’est toutefois possible qu’à condition qu’il soit nécessaire afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande d’asile, notamment pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L 612-3, ou lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ([470]).
– Présentation d’une demande d’asile en rétention :
Lorsque l’étranger placé ou maintenu en rétention administrative présente une demande d’asile dans ce délai, l’article L. 754-3 du CESEDA prévoit la possibilité de maintenir l’étranger en rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de cette demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité, dans l’attente de son départ.
Par principe, la demande d’asile de l’étranger placé ou maintenu en rétention administrative n’est plus recevable si elle est formulée plus de cinq jours après la notification des droits qu’il est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile ([471]).
Ce délai de cinq jours a été validé par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où l’étranger est par ailleurs « pleinement informé du délai durant lequel une demande d’asile peut être formulée » ([472]) .
Le maintien en rétention du demandeur d’asile n’est toutefois possible que lorsque, sur le fondement de critères objectifs, il peut être considéré que la demande d’asile est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement ([473]).
– Demandeur d’asile qui fait l’objet d’une décision d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire :
L’article L. 753-1 du CESEDA, issu de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, autorise l’assignation à résidence ou le placement en rétention administrative de l’étranger demandeur d’asile qui fait l’objet d’une décision d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français ([474]) ou d’une interdiction administrative du territoire français, pour le temps strictement nécessaire à l’examen par l’OFPRA de sa demande, que celle-ci ait été présentée avant ou après la notification de la décision d’éloignement.
L’article L. 753-2 du CESEDA prévoit que la décision de placement en rétention ne peut être édictée que pour des raisons impérieuses de protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale, établies à partir d’une évaluation individuelle du demandeur et uniquement si aucune mesure moins coercitive n’est efficace. Cette décision doit également prendre en compte de la vulnérabilité du demandeur.
La demande d’asile formée par l’étranger assigné à résidence ou placé en rétention dans ce cadre est examinée par l’OFPRA suivant la procédure accélérée ([475]).
Dans le cas où la demande d’asile est rejetée, ou si elle est irrecevable, l’assignation à résidence ou la rétention peuvent alors se poursuivre dans l’attente du départ de l’étranger.
Ce dispositif transpose l’article 8 de la directive « Procédures » adoptée le 26 juin 2013 ([476]), qui autorise le placement en rétention administrative du demandeur d’asile faisant l’objet d’une décision de retour, notamment pour des motifs tirés de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public ([477]).
Dans son avis sur le projet de loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, le Conseil d’État avait toutefois rappelé que les demandeurs d’asile ne doivent pas être regardés comme étant en séjour irrégulier, leur présence sur le territoire étant justifiée par un besoin de protection ([478]). Il estimait d’ailleurs, dans ce cadre, que « la possibilité d’allonger de 45 jours supplémentaires la durée de rétention, au seul motif que l’intéressé dépose une demande d’asile ou une demande de protection contre l’éloignement pour des motifs de santé dans les 15 derniers jours de la rétention de droit commun, est contraire au droit d’asile et au droit à la protection de la santé tels qu’ils sont constitutionnellement et conventionnellement protégés. Tout en comprenant la nécessité de lutter contre les demandes d’asile et de protection contre l’éloignement pour des motifs de santé, qui ont pour seul objet de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement, il lui paraît difficile de présumer de façon irréfragable que toute demande d’asile ou de protection présentée tardivement est nécessairement dilatoire. »
Cela ressort également de la jurisprudence de la CJUE, qui interprète les dispositions de l’article 8 de la directive 2013/33 comme interdisant aux États membres de placer une personne en rétention au seul motif qu’elle a présenté une demande de protection internationale ([479]). En outre, la Cour précise que « l’article 8, paragraphe 2, de la directive exige qu’une rétention ne puisse être ordonnée que lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées ».
La rétention des demandeurs d’asile est donc possible au regard des engagements internationaux souscrits par la France, mais à certaines conditions.
La CEDH a notamment indiqué que cette rétention ne saurait être arbitraire, qu’elle devait être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de résider irrégulièrement sur son territoire, qu’elle devait s’accompagner de conditions de rétention appropriées à la situation d’étrangers qui, craignant pour leur vie, fuient leur propre pays, et que la durée de la rétention ne devait pas excéder le délai raisonnable pour atteindre le but poursuivi ([480]).
2. Le dispositif proposé par le Sénat
L’article 12 bis A a été introduit à la suite de l’adoption en séance publique d’un amendement du Gouvernement ([481]), afin de prévoir le cadre juridique de l’assignation à résidence et du placement en rétention administrative applicable à deux catégories de demandeurs d’asile, non couvertes par les dispositions existantes.
Ces deux catégories concernent l’étranger en situation irrégulière :
– qui manifeste sa volonté de demander l’asile à l’occasion d’une interpellation ;
– ou dont la demande d’asile est présentée à une autre autorité administrative que celle normalement prévue (à savoir les Guichets d’accueil du demandeur d’asile) et qui présente un risque de fuite, « notamment lorsqu’il aurait dû présenter sa demande d’asile dans le pays de première entrée dans l’Union Européenne, tel que cela est prévu par le règlement Dublin ».
Ces nouvelles dispositions visent ainsi à « éviter le détournement de la procédure de demande d’asile par des étrangers en situation irrégulière ».
L’article 12 bis A abroge l’article L. 521-14 du CESEDA et crée au sein du titre II du livre V, relatif à l’accès à la procédure d’asile, un nouveau chapitre III, intitulé « Cas d’assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d’asile » et réunissant les articles L. 523-1 à L. 523-7.
a. Les conditions d’application du nouveau dispositif d’assignation à résidence ou de placement en rétention administrative du demandeur d’asile
Le nouvel article L. 523-1 du CESEDA prévoit deux nouveaux motifs d’assignation à résidence ou de placement en rétention administrative du demandeur d’asile :
● lorsque le comportement du demandeur d’asile constitue une menace grave pour l’ordre public ;
● lorsque l’étranger en situation irrégulière présente une demande d’asile à une autorité administrative qui n’est pas compétente pour la recevoir ([482]) , afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande.
Dans ce dernier cas de figure toutefois, le placement en rétention administrative n’est possible que lorsque l’étranger présente un risque de fuite.
Dans tous les cas, l’autorité administrative ne peut placer le demandeur d’asile en rétention administrative que si la mesure d’assignation à résidence est insuffisante, et sur la base d’une appréciation au cas par cas.
Le nouvel article L. 523-2 définit le risque de fuite, qui est considéré comme établi dans l’un des cinq cas suivants :
– l’étranger, qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement, n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ;
– le demandeur a déjà été débouté de sa demande d’asile en France ou dans un autre État membre, ou a renoncé explicitement ou implicitement à sa demande d’asile dans un autre État membre sans motif légitime ;
– le demandeur a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure d’éloignement en cas de rejet de sa demande d’asile, ou s’est déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
– l’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un de ces États, ou s’est maintenu sur le territoire de l’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ou sans y avoir déposé sa demande d’asile dans les délais les plus brefs ;
– le demandeur ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens dans le cadre de la procédure prévue au titre III ([483]) sans motif légitime.
b. Le régime applicable à l’assignation à résidence du demandeur d’asile
Le nouvel article L. 523-3 prévoit le régime de l’assignation à résidence, en renvoyant à l’application des dispositions des articles L. 732-1, L. 732-3, L. 732-4, L. 732-7, L. 733-1 et L. 733-3, qui prévoient les règles suivantes :
● L’obligation de motivation de l’assignation à résidence ([484]) ;
● La durée de l’assignation à résidence, fixée à quarante-cinq jours, renouvelable une fois ([485]), sa durée ne pouvant excéder six mois ([486]) ;
● Les modalités d’information des droits ([487]) ;
● Les obligations auxquelles l’étranger assigné à résidence est soumis ([488]) ;
● La possibilité, si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, de le conduire par les forces de l’ordre jusqu’aux lieux d’assignation ([489]).
Il est également renvoyé à l’application des deux délits prévus aux articles L. 824-4 et L. 824-5 du CESEDA, qui punissent la méconnaissance des prescriptions liées à l’assignation à résidence. Ces articles punissent respectivement de trois ans d’emprisonnement le fait de ne pas rejoindre dans les délais prescrits la résidence assignée ou de la quitter sans autorisation de l’autorité administrative, et d’un an le fait de ne pas respecter les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie.
c. Le régime applicable à la rétention administrative du demandeur d’asile
Le nouvel article L. 523-3 du CESEDA prévoit le régime du placement en rétention administrative, en opérant de la même manière par renvoi aux dispositions des articles L. 741-4 à L. 741-10, ainsi que des chapitres II, III et IV du titre IV du livre VII, à l’exception des sections II et IV du chapitre II du même code. Il s’en déduit l’application des règles suivantes :
● La décision de placement en rétention administrative prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger ([490]) ;
● La possibilité de placer en rétention une personne accompagnée d’un mineur est encadrée ([491]) ;
● Les conditions dans lesquelles l’autorité administrative prend sa décision, écrite et motivée, sont précisées ([492]) ;
● La possibilité de procéder à plusieurs placements en rétention consécutifs est encadrée par le respect d’un délai de sept jours ([493]) ;
● L’information du procureur de la République est immédiate ([494]) ;
● Les conditions de la notification des droits sont précisées ([495]) ;
● Il est possible de contester la décision devant le juge des libertés et de la détention (JLD) dans un délai de quarante-huit heures. ([496])
Les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire contrôle la rétention administrative sont prévues par renvoi au chapitre III du titre IV du livre V du CESEDA.
Le régime de la rétention est, quant à lui, prévu par renvoi au chapitre IV du titre IV du livre V de ce code.
La durée du placement en rétention initial est fixée par l’article L. 523-3 du CESEDA à quarante-huit heures à compter de la notification de la décision.
Elle peut faire l’objet d’une prolongation pour une durée de vingt-huit jours, par le JLD saisi à cette fin par l’autorité administrative ([497]). Dès lors, la durée maximale de la rétention administrative pourra être de trente jours.
Le nouvel article L. 523-6 du CESEDA accorde un délai de cinq jours au demandeur d’asile pour présenter sa demande. Cela signifie que, pendant la mesure d’assignation à résidence ou de rétention administrative, l’étranger dispose de ce délai pour présenter une demande d’asile formelle à l’autorité compétente.
En l’absence d’introduction de la demande d’asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention, ou en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile, la décision de placement en rétention peut se poursuivre pour le temps strictement nécessaire à l’examen du droit de séjour de l’étranger et, le cas échéant, au prononcé, à la notification et à l’exécution d’une décision d’éloignement.
La poursuite du placement en rétention ne peut pas excéder vingt-quatre heures et doit faire l’objet d’une décision écrite et motivée ([498]).
d. L’examen de la demande d’asile
Le nouvel article L. 523-4 du CESEDA prévoit que la demande d’asile de l’étranger assigné à résidence ou placé en rétention est examinée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) selon la procédure accélérée, conformément au 3° de l’article L. 531-24 du même code ([499]).
Par coordination, la rédaction du 3° de l’article L. 531-24 du CESEDA est modifiée pour prévoir l’application de la procédure accélérée dans le cas où le demandeur d’asile est assigné à résidence ou placé en rétention en application de ces nouvelles dispositions.
Le nouvel article L. 523-5 du CESEDA prévoit que, si l’OFPRA considère qu’il ne peut examiner la demande selon la procédure accélérée, ou s’il reconnaît à l’étranger la qualité de réfugié, ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire, il est mis fin à l’assignation à résidence ou au placement en rétention de l’étranger.
Enfin, le nouvel article L. 523-7 du CESEDA renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de ces dispositions, et notamment les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers.
3. La position de la commission
L’article 12 bis A n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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Article 12 bis B
(art. L. 732-4 et L. 732-5 du CESEDA)
Allongement de la durée de l’assignation à résidence en cas d’impossibilité de quitter le territoire français
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 bis B, introduit en séance au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([500]), vise à porter de un à trois ans la durée de l’assignation à résidence de longue durée en cas d’impossibilité de quitter le territoire français.
Dernières modifications législatives intervenues
Le régime de l’assignation à domicile en matière de police des étrangers a été réformé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
La loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen a défini les circonstances particulières qui justifient le maintien de l’arrêté d’assignation à résidence à l’égard des étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire ou d’un arrêté d’expulsion.
Par la suite, la loi no 2018-718 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a notamment défini les obligations applicables à certaines catégories d’étrangers faisant l’objet d’une assignation à résidence.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 12 bis B.
1. L’état du droit
L’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit la possibilité, pour l’autorité administrative, d’assigner à résidence l’étranger qui justifie d’être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun pays, et ce jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation d’éloignement.
Cette assignation à résidence de longue durée est réservée aux huit cas suivants :
– L’étranger fait l’objet d’une décision portant OQTF, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;
– L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français ([501]) ;
– L’étranger doit être éloigné pour la mise en œuvre d’une décision prise par un autre État ([502]), ou doit être remis aux autorités d’un autre État ([503]) ;
– L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français ([504]) ;
– L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;
– L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine prononcée d’interdiction judiciaire du territoire ([505]) ;
– L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.
Deux autres cas d’assignation à résidence de longue durée sont prévus, l’une en raison de l’état de santé de l’étranger faisant l’objet d’une décision d’expulsion non exécutée en France ([506]), et l’autre, à titre probatoire et exceptionnel, applicable à l’encontre de l’étranger qui a fait l’objet d’une décision d’expulsion en raison d’une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique, en application de l’article L. 631-2 du CESEDA ([507]) .
L’assignation à résidence de longue durée suppose que l’autorité administrative autorise l’étranger concerné à se maintenir provisoirement sur le territoire, en l’assignant à résidence jusqu’à ce qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement.
Les articles L. 732-4 et L. 732-5 du CESEDA prévoient la durée de l’assignation à résidence, en distinguant selon la situation des étrangers considérés.
La décision d’assignation à résidence est prise pour une durée maximale de six mois et peut être renouvelée une fois pour la même durée ([508]).
Cette limitation de durée n’est toutefois pas applicable dans certains cas.
Ainsi, dans le cas où la mesure d’assignation à résidence a été prise à l’encontre d’un étranger ayant fait l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français ou d’une interdiction de circulation sur celui-ci, elle peut être renouvelée tant que l’interdiction demeure exécutoire ([509]).
Par ailleurs, conformément à l’article L. 732-5 du CESEDA, aucune limitation de durée de la mesure d’assignation à résidence n’est prévue lorsque la mesure a été édictée à l’encontre d’un étranger ayant fait l’objet d’une décision d’expulsion ([510]), d’une interdiction administrative du territoire français ([511]), ou ayant été condamné à une peine d’interdiction judiciaire du territoire ([512]), ainsi que d’un étranger ne pouvant être éloigné en raison de son état de santé ([513]), ou assigné à résidence à titre probatoire ([514]).
Saisi de la constitutionnalité du régime de l’assignation à résidence sans limite de temps, le Conseil constitutionnel ([515]) en a admis le principe, en ce qu’il permet d’« éviter que puisse librement circuler sur le territoire national une personne non seulement dépourvue de droit au séjour, mais qui s’est également rendue coupable d’une infraction ou dont la présence constitue une menace grave pour l’ordre public ». Il était donc loisible au législateur, pour cette raison, de ne pas fixer de durée maximale à l’assignation à résidence, compte tenu de la menace à l’ordre public que représentait l’étranger concerné ou pour assurer l’exécution d’une décision de justice. Suivant ce raisonnement, le maintien d’un arrêté d’expulsion et le refus formel d’abrogation d’un tel acte attestent de la persistance de la menace à l’ordre public.
La situation est différente, en revanche, lorsque l’assignation à résidence a été édictée après le prononcé de la condamnation à l’interdiction du territoire, le Conseil constitutionnel estimant qu’au-delà d’une certaine durée, l’administration doit justifier de circonstances particulières imposant le maintien de l’assignation dans le cadre de l’exécution de cette décision de justice. Les dispositions prévoyant l’absence de limitation de la durée de l’assignation à résidence de l’étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire français ont donc été censurées par le Conseil constitutionnel.
Afin de tenir compte de cette décision, la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 a modifié l’article L. 732-5 du CESEDA pour imposer à l’autorité administrative, dans le cas où elle souhaite prolonger au-delà de cinq ans la mesure d’assignation à résidence de longue durée prise à l’encontre de l’étranger en exécution d’une peine d'interdiction judiciaire du territoire, de prendre une décision spécialement motivée, faisant état des circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l’absence de garanties suffisantes de représentation de l’étranger, ou si sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a adopté en séance un amendement du Gouvernement ([516]) modifiant les articles L. 732-4 et L. 732-5 du CESEDA pour allonger à trois ans au total la durée de l’assignation à résidence de longue durée, hors les cas dans lesquels cette durée n’est pas limitée.
La durée initiale de l’assignation à résidence est ainsi fixée à un an, avec deux possibilités de renouvellement pour la même durée, dans la limite de trois ans.
3. La position de la commission
L’article 12 bis B n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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Article 12 bis CA (nouveau)
(art. L. 742-6 du CESEDA)
Précision du champ d’application des dispositions relatives à la prolongation de la rétention administrative des étrangers dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées
Introduit par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 bis CA précise que la provocation directe à des actes de terrorisme ou leur apologie constitue un comportement lié à une activité à caractère terroriste qui permet, lorsque l’étranger en cause a fait l’objet d’une décision d’expulsion édictée sur ce fondement, de demander la prolongation de sa rétention administrative jusqu’à une durée maximale de cent quatre-vingts jours.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a prévu un régime spécifique de rétention administrative des étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou ayant fait l’objet d’une décision d’expulsion édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées.
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a prévu la possibilité, dans ces cas, de prolonger à titre exceptionnel la rétention administrative de l’étranger à deux cent dix jours.
1. L’état du droit
L’article L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) aménage un régime de rétention administrative spécifique lorsque l’étranger en cause a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou s’il fait l’objet d’une décision d’expulsion prise en raison d’un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées.
Ce régime prévoit un séquençage et une durée spécifique de la rétention administrative, applicable dès lors que l’éloignement de l’étranger en cause demeure une perspective raisonnable et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger.
Il est ainsi prévu qu’après une première période de trente jours, la rétention administrative peut faire l’objet de trois nouvelles prolongations, d’une durée maximale de trente jours chacune, ordonnées par le juge des libertés et de la détention (JLD). La durée maximale de la rétention n’excède alors pas 180 jours.
En application de l’article L. 742-7 du CESEDA, le JLD peut, à titre exceptionnel, prolonger la rétention administrative jusqu’à une durée maximale de 210 jours, dans les conditions prévues à l’article L. 742-5 du CESEDA ([517]).
2. Le dispositif introduit par la commission
En adoptant un amendement de M. Mathieu Lefèvre ([518]), la commission des Lois a précisé le champ d’application de l’article L. 742-6 du CESEDA, en retenant que ce régime spécifique de rétention administrative s’appliquait à l’étranger condamné pour des faits de provocation directe à des actes de terrorisme ou d’apologie du terrorisme.
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Article 12 bis C
(art. L. 741-7 du CESEDA)
Réduction du délai minimum entre deux mesures de placement en rétention administrative consécutives en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 bis C, introduit en séance au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([519]), vise à ramener de sept jours à quarante-huit heures le délai minimum entre deux mesures consécutives de placement en rétention administrative, lorsqu’il existe des circonstances nouvelles de fait ou de droit motivant la nouvelle décision de placement en rétention.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a introduit un délai minimum de sept jours entre deux placements en rétention administrative, tout en prévoyant une dérogation dans le cas où une personne s’est soustraite aux mesures de surveillance dont elle faisait l’objet.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 12 bis C.
L’article L. 741-7 du CESEDA limite la possibilité, pour l’autorité administrative, de placer un étranger en rétention administrative en vue de l’exécution de la même mesure, en prévoyant un délai minimum de sept jours entre deux placements consécutifs.
Ce délai n’est toutefois pas applicable lorsque le précédent placement en rétention administrative a pris fin en raison de la soustraction de l’étranger aux mesures de surveillance dont il faisait l’objet.
Ces dispositions résultent de l’adoption de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Pour justifier la dérogation à l’application du délai minimum entre deux placements en rétention administrative, le Gouvernement avait expliqué qu’il convenait « de prendre en compte les cas d’évasion d’un centre de rétention », dans lesquels il devait être possible de replacer immédiatement en rétention l’étranger sans application du délai minimum ([520]).
2. Le dispositif proposé par le Sénat
Le Sénat a adopté en séance un amendement du Gouvernement ([521]) qui modifie le dispositif de l’article L. 741-7 du CESEDA, afin de ramener de sept jours à quarante-huit heures le délai minimum entre deux mesures consécutives de placement en rétention administrative, lorsqu’il existe des circonstances nouvelles de fait ou de droit motivant la nouvelle décision de placement en rétention.
L’exposé sommaire de l’amendement évoquait la possibilité d’appliquer ce délai de carence réduit aux situations dans lesquelles l’étranger ne respecte pas les modalités de surveillance dont il fait l’objet au terme de son assignation à résidence – ce qui pourrait par exemple couvrir des cas tels que le non-respect du périmètre de circulation ou le défaut de pointage, deux jours après avoir été libéré d’un centre de rétention administrative.
3. La position de la commission
L’article 12 bis C n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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Article 12 bis (supprimé)
(art. L. 222-5 code de l’action sociale et des familles)
Possibilité de refuser l’octroi d’un contrat jeune majeur à l’étranger faisant l’objet d’une décision portant OQTF
Supprimé par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 bis prévoit une exception à l’obligation de prise en charge par les services départementaux, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, des majeurs de 21 ans précédemment confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 10 de la loi n° 2022-14 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a modifié les dispositions applicables au contrat jeune majeur (CJM), afin de rendre obligatoire la prise en charge des majeurs âgés de moins de 21 ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été précédemment confiés à l’ASE avant leur majorité.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois a supprimé l’article 12 bis.
1. L’état du droit
À la faveur de la décentralisation de l’ASE, les départements ont été conduits à mettre en œuvre plusieurs modalités de prise en charge des mineurs en danger. Cette obligation de prise en charge est prévue à l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles (CASF).
Cette prise en charge bénéficiant essentiellement aux mineurs, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a rappelé le principe d’une prise en charge des jeunes majeurs en difficulté dans le cadre administratif et hors toute décision judiciaire. Cette loi a en effet prévu la possibilité d’étendre les interventions administratives de protection de l’enfance aux majeurs de moins de 21 ans.
La protection administrative prend la forme d’un contrat signé entre le jeune majeur et le département dans le cadre d’un contrat jeune majeur (CJM).
Le CJM permet notamment d’assurer une continuité dans la prise en charge de ces jeunes majeurs, en particulier lorsqu’ils ont été confiés durant leur minorité au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ce contrat jeune majeur formalise un engagement du jeune à fournir des efforts d’insertion sociale, comme l’inscription et l’assiduité à une formation professionnelle. En cas de manquement à ces obligations, le président du conseil départemental peut mettre fin au contrat. En contrepartie, le département prolonge son soutien selon des dispositifs qui varient en fonction des territoires. Il peut maintenir le jeune dans les structures d’accueil de l’ASE, mais aussi lui attribuer une aide financière ou un accompagnement socioéducatif.
Initialement, la conclusion d’un contrat jeune majeur reposait sur la décision discrétionnaire du président du conseil départemental, ce qui entraînait une disparité d’application de ce dispositif entre les départements ([522]).
Dans ce contexte, la Cour des comptes, dans son rapport public thématique sur la protection de l’enfance publié le 30 novembre 2020, avait alerté sur le devenir de ces jeunes majeurs, en estimant « qu’il apparaît indispensable d’organiser un entretien systématique avant 16 ans, de favoriser les parcours de formation et d’insertion au-delà de 18 ans, et de prolonger, si besoin, la prise en charge au-delà de 21 ans » ([523]).
L’article 10 de la loi n° 2022-14 du 7 février 2022 a modifié les dispositions de l’article L. 222-5 du CASF pour prévoir une obligation de prise en charge par l’ASE des majeurs âgés de moins de vingt et un ans et des mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’ASE avant leur majorité.
Dans un objectif de prise en charge globale, cette disposition prévoit ainsi une obligation de continuité de prise en charge, pour les mineurs devenus jeunes majeurs et précédemment confiés à l’ASE.
La mise en œuvre des obligations de prise en charge globale des jeunes majeurs résultant de cette loi a entraîné un contentieux porté devant le juge des référés du Conseil d’État.
Dans une décision du 15 novembre 2022, le juge des référés du Conseil d’État a d’abord rappelé que le département est tenu de prendre en charge un jeune majeur précédemment confié à l’ASE, lorsque celui-ci ne dispose pas de ressources et de soutien familial. Une carence caractérisée dans la réalisation de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à une prise en charge du jeune majeur qui remplit les conditions de l’article L. 222-5 du CASF, si elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé ([524]).
Par la suite, par une ordonnance du 12 décembre 2022, le juge des référés du Conseil d’État a considéré qu’un refus de contrat jeune majeur porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale si le demandeur a été admis à l’ASE au cours de sa minorité et ce, même si une OQTF lui a été notifiée et qu’elle n’est pas exécutée ([525]).
Pour contrer cette jurisprudence, le Sénat a souhaité inscrire explicitement dans la loi que la possibilité de conserver le bénéfice de l’ASE après l’accession à la majorité ne s’applique pas aux jeunes majeurs faisant l’objet d’une OQTF.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Par l’adoption d’amendements identiques des rapporteurs ([526]) et de Mme Claudine Thomas ([527]), le Sénat a modifié le 5° de l’article L. 222-5 du CASF, afin d’exclure de l’obligation de prise en charge les jeunes majeurs faisant l’objet d’une décision portant OQTF en application de l’article L. 611-1 du CESEDA.
Il apparaît toutefois prématuré de tirer de telles conséquences de l’interprétation jurisprudentielle des dispositions de l’article L. 222-5 du CASF, ce d’autant plus que la jurisprudence pourrait ne pas être stabilisée en la matière, une seule décision du juge des référés du Conseil d’État ayant, à ce jour, été rendue.
L’article 12 bis n’a pas fait l’objet de modification lors de son examen en séance publique.
3. La position de la commission
En adoptant plusieurs amendements identiques, dont celui déposé par votre rapporteur M. Philippe Pradal et votre rapporteur général M. Florent Boudié ([528]), la commission des Lois a supprimé l’article 12 bis.
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Article 12 ter (supprimé)
(art. L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles)
Création d’un cahier des charges national pour l’évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés
Supprimé par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 ter, introduit en séance au Sénat à la suite de l’adoption de trois amendements identiques de Mme Jacqueline Eustache-Brinio ([529]), Mme Laure Darcos ([530]), et Mme Nathalie Delattre ([531]), vise à instaurer un cahier des charges national sur la base duquel est réalisée l’évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a modifié les dispositions relatives à l’évaluation par les services départementaux de la situation du mineur non accompagné (MNA), afin de prévoir dans ce cadre une obligation de recourir au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM).
Modifications apportées en commission
La commission des Lois a supprimé l’article 12 ter.
1. L’état du droit
Le MNA, défini comme un ressortissant étranger de moins de 18 ans se trouvant séparé de ses représentants légaux sur le territoire français, bénéficie d’une prise en charge d’urgence, dans le cadre d’un accueil provisoire d’une durée de cinq jours.
Durant cette période, il est procédé, conformément à l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF), à une évaluation par les services du département de sa situation, destinée notamment à établir son identité, son âge, sa nationalité, sa famille d’origine ainsi que son état d’isolement.
Les articles R. 221-11 et suivants du CASF et l’arrêté du 20 novembre 2019 relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille précisent les modalités d’évaluation de la minorité.
L’évaluation s’appuie sur un « faisceau d’indices », incluant :
– les informations fournies au président du conseil départemental par le représentant de l’État dans le département selon les modalités prévues à l’article R. 221-11 du CASF, découlant par exemple de la consultation du fichier d’appui à l’évaluation de la minorité et de l’isolement ou de la vérification des documents d’identité de la personne ;
– une évaluation sociale, prenant la forme d’entretiens menés par les services du conseil départemental, ou par tout organisme du secteur public ou associatif auquel la mission a été déléguée par le président du conseil départemental. À l’issue des entretiens, l’évaluateur rédige un rapport d’évaluation et rend un avis motivé quant à la minorité et à l’isolement de l’évalué. Ce rapport et cet avis sont transmis au président du conseil départemental.
Le rapport de la mission de réflexion sur les MNA du 15 février 2018 ([532]) avait relevé l’hétérogénéité des pratiques dans la mise en œuvre de la phase d’évaluation par le département. C’est la raison pour laquelle, en 2018, ce rapport préconisait d’harmoniser les modalités d’évaluation sur l’ensemble du territoire national, par la création d’un cahier des charges national.
Le cahier des charges devrait permettre de consacrer un « cadre unique permettant de renseigner les différentes rubriques de l’arrêté du 17 novembre 2016 ([533]) », en garantissant un traitement homogène sur l’ensemble du territoire par les équipes pluridisciplinaires.
Au sein de ce cahier des charges figureraient notamment, selon les préconisations de la mission, « les éléments incontournables tels que le nombre minimum d’entretiens et la composition pluridisciplinaire des équipes d’évaluation ». Par ailleurs, il pourrait permettre de déterminer les conditions de recrutement et de formation des évaluateurs, en servant de support à la définition d’un référentiel de formation.
Pour faciliter l’évaluation de la minorité de l’étranger et contribuer à l’homogénéisation des pratiques entre les départements, le Gouvernement a instauré un fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM).
Prévu à l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, ce fichier a été instauré par le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes. Les dispositions le concernant sont codifiées aux articles R. 221-15-1 et suivants du CASF.
Ce traitement a pour objectif d’identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et isolées, de permettre une meilleure coordination des services de l’État et de ceux compétents en matière d’accueil et d’évaluation de la situation des personnes concernées, d’améliorer la fiabilité de l’évaluation et d’en raccourcir les délais, et enfin de prévenir le détournement du dispositif de protection de l’enfance par des personnes majeures, ou par des personnes se présentant successivement dans plusieurs départements.
L’article L. 221-2-4 du CASF prévoit le recours obligatoire au traitement automatisé de données à caractère personnel AEM, sauf lorsque la minorité de la personne est manifeste.
2. Le dispositif proposé par le Sénat
Le Sénat a adopté en séance trois amendements identiques de Mme Jacqueline Eustache-Brinio ([534]), Mme Laure Darcos ([535]), et Mme Nathalie Delattre ([536]) modifiant l’article L. 221-2-4 du CASF, afin de prévoir que l’évaluation de la situation du MNA est réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements.
3. La position de la commission
En adoptant plusieurs amendements identiques, dont celui déposé par votre rapporteur M. Philippe Pradal et votre rapporteur général M. Florent Boudié ([537]), la commission des Lois a supprimé l’article 12 ter.
En effet, les articles R. 221-11 et suivants du code de l’action sociale et des familles, ainsi que l’arrêté du 20 novembre 2019 relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, fixent déjà un référentiel national d’évaluation de la minorité.
Un guide de bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement a été édicté sur cette base en décembre 2019, après avoir été élaboré dans le cadre d’un groupe de travail pluri-partenarial (avec le concours du ministère de la justice, du ministère des solidarités et de la santé, du ministère de l’intérieur et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales).
Ce guide permet ainsi d’homogénéiser les pratiques en matière d’évaluation de la minorité.
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Chapitre II
Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour
Article 13
(art. L. 411‑5, L. 412‑7 à L. 412‑10 [nouveaux], L. 413‑2, L. 413‑7, L. 424‑6, L. 424‑15, L. 432‑2, L. 432‑3, L. 432‑4, L. 432‑12, L. 432‑13, L. 433‑1, L. 433‑2, L. 433‑3‑1 [nouveau] et L. 433‑4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Introduction de nouveaux critères encadrant les titres de séjour fondés sur le respect des principes de la République, l’absence de menace grave à l’ordre public et la résidence habituelle en France
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article prévoit l’introduction de nouveaux critères d’encadrement des titres de séjour, qui sont de trois ordres.
En premier lieu, il permet à l’administration de refuser la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, ou de retirer ce titre, en cas de non‑respect par l’étranger des principes de la République, précisément définis – soit que l’étranger refuse de souscrire à l’engagement de respecter ces principes, soit que ses agissements manifestent leur rejet.
En deuxième lieu, il prévoit la possibilité de retirer ou de refuser le renouvellement d’une carte de résident si la présence de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public.
Enfin, l’article subordonne le renouvellement d’une carte de résident ou d’une carte de séjour pluriannuelle à une condition de résidence effective et habituelle en France.
Dernières modifications intervenues
Dans sa décision n° 2021‑823 DC du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 26 de la loi confortant le respect des principes de la République, qui permettait de refuser un titre ou de le retirer en cas de non-respect des principes de la République, pour méconnaissance de l’objectif constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
Par ailleurs, dans une décision n° 2023‑1048 QPC du 4 mai 2023, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la condition tenant à l’absence de menace pour l’ordre public pour la délivrance d’une carte de résident permanent.
Modifications apportées par le Sénat
Outre des clarifications d’ordre rédactionnel, le Sénat a formalisé l’engagement à respecter les principes de la République dans un contrat d’engagement au respect des principes de la République, et a supprimé la nature conforme de l’avis de la commission du titre de séjour lorsque cet avis est défavorable.
Par ailleurs, le Sénat a souhaité simplifier la caractérisation du manquement à l’engagement à respecter les principes de la République, en rendant facultatif le trouble à l’ordre public, et en présumant la gravité de l’atteinte si celle-ci porte sur des droits et libertés d’autrui.
Il a également substitué une compétence liée à la compétence discrétionnaire du préfet pour refuser de délivrer ou de renouveler un titre pour non-respect des principes de la République ou menace grave pour l’ordre public.
Le Sénat a également entendu sécuriser juridiquement le retrait ou le refus de renouvellement d’un titre pour menace grave pour l’ordre public, et a apporté des précisions sur la dérogation à l’impossibilité de retirer la carte de résident d’une personne ayant perdu le bénéfice d’une protection internationale.
Enfin, s’agissant de la condition de résidence effective et habituelle, outre une coordination, le Sénat l’a consacrée dans un nouvel article spécifique du CESEDA.
Modifications apportées par la Commission
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission est revenue sur les modifications du Sénat consistant, d’une part, à remplacer la compétence discrétionnaire des préfets par une compétence liée et, d’autre part, à rendre facultatif l’existence d’un trouble à l’ordre public pour caractériser le non-respect des principes de la République.
Elle a également enrichi le contenu des principes de la République :
– en étendant le champ du principe d’égalité, à l’initiative de votre rapporteur ;
– et en incluant le respect de l’intégrité territoriale de la France, sur proposition de Mme Estelle Youssouffa.
Le présent article comportant trois mesures relativement distinctes, chacune de ces mesures sera abordée successivement.
À titre liminaire, une précision d’ordre méthodologique : les références aux structures du présent article dans la présentation du dispositif proposé sont celles retenues par le texte adopté par la commission des lois du Sénat, la numérotation initiale des structures retenue par le Gouvernement ne respectant pas les canons légistiques en vigueur. De façon schématique, les I sont devenus des 1°, et les 1° des a.
I. subordonner le séjour d’un étranger en France à l’adhésion aux principes de la République
La première partie du dispositif prévu au présent article subordonne la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour à l’adhésion aux principes de la République ; elle permet de refuser une telle délivrance ou un tel renouvellement, ou de retirer le titre, si l’étranger refuse de s’engager à respecter ces principes, ou si son comportement en manifeste le rejet.
1. L’état du droit
a. La prise en compte existante mais incomplète du respect des principes de la République par le CESEDA
Actuellement, plusieurs dispositions prennent en considération, dans le cadre de la délivrance d’un titre de séjour, l’intégration d’un étranger au sein de la société française et, notamment, le respect par l’étranger des principes qui régissent la République française. Ces dispositions sont prévues au chapitre III du titre Ier du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
● Ainsi, l’article L. 413‑2 prévoit que l’étranger qui souhaite se maintenir durablement sur le territoire national s’engage dans un parcours personnalisé d’intégration républicaine, dont l’une des finalités, aux côtés de l’apprentissage de la langue française, de l’intégration socio-professionnelle et de l’accès à l’autonomie, est la compréhension par l’étranger des « valeurs et principes de la République ».
Cet engagement se traduit par la conclusion d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) par lequel l’étranger s’engage à suivre les formations prévues.
Parmi celles-ci, et aux termes de l’article L. 413‑3 du CESEDA, est prévue une « formation civique prescrite par l’État, relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu’à l’organisation de la société française ».
Le contenu de la formation civique prévue dans le cadre du CIR
La formation civique prévue dans le cadre du CIR est détaillée à l’article R. 413‑12 du CESEDA, et porte sur :
– les institutions françaises ;
– les valeurs de la République, parmi lesquelles la liberté, l’égalité – dont celle entre les femmes et les hommes –, la fraternité, la laïcité ;
– l’État de droit ;
– les libertés fondamentales, la sûreté des personnes et des biens ;
– l’exercice de la citoyenneté, des droits et devoirs liés à la vie en France ;
– l’histoire et les principales caractéristiques géographiques de la France, et les grandes étapes de la construction européenne.
Elle comporte aussi une présentation de la société française, de la vie en France et des démarches quotidiennes – accès à l’emploi, à la santé, au logement, école, vie associative, etc.
Des hypothèses de dispense de la signature du CIR sont prévues à l’article L. 413‑5 ; elles concernent des personnes n’ayant pas de perspective de maintien durable sur le territoire national, et donc d’intégration, et des personnes qui, au contraire, ont fait preuve de leur intégration – tel est par exemple le cas des titulaires de la carte de résident délivrée aux étrangers ayant servi dans la Légion étrangère.
Le CIR est respecté dès lors que l’étranger l’ayant conclu a suivi les formations prévues et « n’a pas manifesté de rejet des valeurs de la société française et de la République », ainsi qu’il résulte de l’article R 413‑4 du CESEDA. Cette exigence est reprise à l’identique à l’article L. 433‑4 comme condition de délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle (CSP).
● S’agissant de la carte de résident, titre de long séjour d’une durée de dix ans, l’article L. 413‑7 en subordonne la délivrance – de même que celle de la carte de résident permanent – à « l’intégration de l’étranger dans la société française appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française ».
● Au-delà de la conclusion du CIR, les pièces justificatives devant être fournies pour la délivrance d’une CSP incluent un acte d’engagement à respecter les valeurs de la République, qui doit être dûment signé et daté ([538]).
Cependant, et comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, le refus de signer un tel acte, et donc de respecter les valeurs de la République, ne justifie pas à lui seul et en tant que tel, en l’état du droit, le refus de délivrer un titre de séjour. Le fondement susceptible d’être retenu est le caractère incomplet du dossier, ce qui relève plus du vice de forme que d’une incompatibilité de fond ([539]).
Par ailleurs, les dispositifs actuellement en vigueur permettant de s’appuyer sur le respect des valeurs et principes de la République n’ont qu’un champ relativement limité – ainsi qu’il a été vu, l’acte d’engagement de respecter ces principes ne concerne que les CSP.
Le contrat d’engagement républicain conclu par les associations et fondations
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (1) a, à son article 12, créé le contrat d’engagement républicain (CER), consacré à l’article 10‑1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (2).
● La conclusion du CER par une association ou une fondation est requise lorsqu’elle sollicite l’octroi d’une subvention auprès de l’administration.
La conclusion du CER engage l’association ou la fondation :
– à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaines ;
– à respecter les symboles de la République définis à l’article 2 de la Constitution (emblème, hymn, drapeau, langue, démocratie) ;
– à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
– à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public.
Si les activités de l’association ou de la fondation, ou les modalités d’exercice de ces activités, sont incompatibles avec le CER, la subvention est refusée ou, si elle a déjà été octroyée, est retirée.
● La conclusion du CER est également une condition subordonnant la délivrance d’un agrément en matière de service civique et de volontariat associatif, ainsi que le prévoit l’article L. 120‑30 du code du service national – et le non‑respect du CER fait obstacle à la délivrance de l’agrément pendant cinq ans.
Plus généralement, l’article 25‑1 de la loi DCRA inclut, parmi les conditions à satisfaire par une association pour bénéficier d’un agrément délivré par l’État ou ses établissements publics, le respect des principes du CER.
(1) Loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
(2) Loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
b. La censure en 2021 de la prise en compte du rejet des principes de la République en matière d’octroi de titres de séjour
Lors de l’examen au Sénat du projet de loi confortant le respect des principes de la République, un amendement de M. Roger Karoutchi (LR) et plusieurs de ses collègues avait été adopté, introduisant dans le texte un nouvel article 14 bis AA, devenu article 26 dans la version finale du texte, visant à faire du rejet des principes de la République un motif de refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour ou de retrait de celui‑ci.
Dans sa décision rendue sur cette loi ([540]), le Conseil constitutionnel a relevé qu’aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits généraux et absolus d’accès et de séjour au territoire français, et que le législateur peut prévoir des mesures de police administrative pour refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour, ou pour le retirer.
Toutefois, le Conseil a considéré que le législateur, en faisant référence aux principes de la République, sans autre précision, et en se bornant à exiger que l’étranger ait manifesté un rejet de ces principes, n’avait pas adopté des dispositions suffisamment précises, notamment pour apprécier les comportements justifiant le refus ou le retrait. Dès lors, il avait méconnu l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, justifiant la censure de l’article 26 de la loi.
2. Le dispositif proposé
Le présent article prévoit la possibilité – et dans certains cas l’obligation – de refuser la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, ou de retirer un tel titre, en cas de non‑respect par l’étranger de son engagement de respecter les principes de la République. Il s’agit, en somme, de transposer aux personnes physiques étrangères la logique applicable aux personnes morales au titre du CER, et d’étendre à tous les documents de séjour les dispositions qui ne concernent actuellement que la CSP.
Si la finalité du dispositif est donc voisine de la mesure qu’avait adoptée le Parlement dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel, ses modalités et sa rédaction, en revanche, s’en écartent et tendent ainsi à assurer aux dispositions du présent article leur solidité constitutionnelle.
a. L’engagement de respecter les principes de la République, précisément définis
Le présent article, au b de son 1°, introduit dans le chapitre II du livre IV du CESEDA une nouvelle section 3, intitulée « Respect des principes de la République française », et comportant des nouveaux articles L. 412‑7 à L. 412‑10.
● L’article L. 412‑7 consacre le principe de l’engagement, par l’étranger qui sollicite un titre de séjour, à respecter les principes de la République, c’est‑à‑dire, aux termes du même article :
– la liberté personnelle ;
– la liberté d’expression et de conscience ;
– l’égalité entre les femmes et les hommes ;
– la dignité de la personne humaine ;
– la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
– le fait de ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
Un décret en Conseil d’État sera chargé de fixer les modalités d’application de cet article L. 412‑7.
● La rédaction proposée est beaucoup plus précise que celle qui figurait dans la version définitive du projet de loi confortant le respect des principes de la République, puisque l’énoncé précis des principes à respecter est fait.
Le Conseil d’État a d’ailleurs estimé, dans son avis sur le projet de loi, que cette rédaction, pour ce motif, « répond à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi », en mentionnant la décision précitée du Conseil constitutionnel ([541]).
Illustrations du rejet des principes de la République
L’étude d’impact du projet de loi fournit plusieurs exemples dans lesquels serait caractérisé le rejet des principes de la République (1), parmi lesquels :
– le fait, pour les parents d’élèves, d’encourager ces derniers au port ostensible de signes et de tenues religieux, de les inciter à la prière au sein de l’école, de contester un enseignement ou de refuser une activité scolaire ;
– le refus d’être reçu dans un service public par un agent du sexe opposé en raison de considérations religieuses – notons que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de valider un décret refusant à une ressortissante algérienne la nationalité française pour défaut d’assimilation à la communauté française, l’intéressée ayant refusé de serrer la main de deux responsables publics masculins venus l’accueillir lors de la cérémonie d’accueil dans la nationalité française, au nom de ses convictions religieuses (2) ;
– propos radicaux tenus dans un lieu de culte tendant à encourager la diffusion de thèses contraires ou hostiles aux valeurs de la République ;
– refus de participer à une minute de silence ;
– outrages aux symboles de la République, tels que le drapeau ou l’hymne, commis lors de représentations publiques, ou diffusés publiquement – rappelons que l’outrage public au drapeau ou à l’hymne lors d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques est un délit puni de 7 500 euros d’amende, peine à laquelle s’ajoutent six mois d’emprisonnement si l’outrage est commis en réunion (article 433‑5‑1 du code pénal) ;
– refus de soins médicaux de la part d’un soignant pour des motifs religieux – par exemple, refus d’être examiné pour ce motif par un gynécologue masculin.
Ces illustrations, relativement nombreuses et variées, témoignent du champ potentiellement large des implications du dispositif proposé. Il ne faut cependant pas voir dans chaque exemple un motif justifiant seul le refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un document de séjour : les agissements de l’étranger doivent « véritablement traduire un défaut d’intégration dans la société française » (3).
(1) Étude d’impact, pages 196 à 198.
(2) Conseil d’État, 2e et 7e chambres réunies, 11 avril 2018, n° 412462, aux Tables.
(1) Étude d’impact, page 198.
b. Les effets du manquement à l’engagement à respecter les principes de la République
Les articles L. 412‑8 à L. 412‑10 précisent la portée de l’engagement à respecter les principes de la République.
● En premier lieu, l’article L. 412‑8 fait obstacle à la délivrance d’un document de séjour à un étranger :
– qui refuse de souscrire à l’engagement à respecter les principes de la République, c’est-à-dire l’engagement prévu à l’article L. 412‑7 ;
– ou dont le comportement manifeste le non‑respect de ces principes.
Il s’agit d’une situation de compétence liée : le refus de délivrance du document s’impose à l’administration.
L’appréciation du manquement à l’engagement prévu à l’article L. 412‑7 est précisée au second alinéa de l’article L. 412‑8 ; le manquement est caractérisé en cas d’agissements délibérés troublant l’ordre public par l’atteinte grave qu’ils portent à un ou plusieurs principes de la République, en particulier s’agissant des droits et libertés d’autrui.
● En deuxième lieu, le dispositif proposé prévoit la possibilité de refuser le renouvellement d’un document de séjour, ou de le retirer, si l’étranger n’a pas respecté son engagement à respecter les principes de la République.
Cette possibilité – la compétence de l’administration n’est donc ici pas liée – est prévue à l’article L. 412‑9 du CESEDA, et inscrite au nouveau 2° de l’article L. 432‑3 du CESEDA s’agissant en particulier du refus de renouvellement d’une carte de résident (b du 3° du présent article).
● En troisième lieu, l’article L. 412‑10 apporte des précisions lorsque le refus de renouvellement ou le retrait porte sur une CSP ou une carte de résident, en prévoyant la prise en compte par l’administration :
– de la gravité ou la réitération des manquements à l’engagement ;
– de la durée du séjour effectué en France sous le couvert d’un document de séjour.
La décision de l’administration est prise après avis de la commission du titre de séjour, dont la compétence concernant l’hypothèse prévue par le nouvel article L. 412‑10 est prévue par le e du 3° du présent article, qui modifie à cet effet l’article L. 432‑13 du CESEDA.
Le dernier alinéa de l’article L. 412‑10 prévoit que l’avis de la commission est conforme, et donc s’impose à l’administration, lorsqu’il concerne une carte de résident et qu’il est défavorable au refus de renouvellement ou au retrait.
● Si le dispositif proposé concerne tous les documents de séjour – avec des dispositions spécifiques relatives aux CSP et aux cartes de résident –, il s’appliquera également à l’ensemble des étrangers, à l’exception, ainsi qu’il ressort de l’étude d’impact ([542]), des étrangers :
– qui bénéficient d’une protection internationale ;
– à l’égard desquels ne peut être prise une OQTF ;
– qui sont ressortissants des États membres de l’Union européenne, de la Norvège, de la Suisse, de l’Islande et du Liechtenstein, régis par les dispositions du livre II du CESEDA ;
– qui sont ressortissants algériens, exclusivement régis par l’accord franco‑algérien du 27 décembre 1968 modifié.
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission
Sur propositions de ses rapporteurs, Mme Muriel Jourda (LR) et M. Philippe Bonnecarrère (UC), la commission des lois du Sénat a modifié le dispositif relatif au respect des principes de la République sur plusieurs aspects, tout en validant son principe et son économie générale.
● En premier lieu, la commission a formalisé l’engagement à respecter les principes de la République, à travers la création d’un « contrat d’engagement au respect des principes de la République » ([543]).
● En deuxième lieu, s’agissant de la procédure prévue en cas de décision de refus de renouvellement ou de retrait d’une CSP ou d’une carte de résident, prévue au nouvel article L. 412‑10 du CESEDA, la commission a supprimé l’avis conforme de la commission du titre de séjour, lorsque cet avis était défavorable à la décision, que prévoyait le dernier alinéa de cet article L. 412‑10 ([544]).
La commission a jugé que le préfet devait rester maître de sa décision, et qu’un avis conforme aurait pu avoir pour effet de reporter la responsabilité de la décision sur les élus et les personnalités qualifiées qui composent la commission du titre de séjour.
● Enfin, en troisième lieu, la commission a apporté deux modifications de clarification rédactionnelle.
D’une part, elle a supprimé, à l’article L. 432‑3 du CESEDA, la mention du non‑respect de l’engagement prévu au nouvel article L. 412‑7 du même code comme motif de refus de renouvellement d’une carte de résident car ([545]) :
– cela figure déjà dans le dispositif proposé, aux articles L. 412‑9 et L. 412‑10 ;
– traiter seulement le cas de la carte de résident, sans procéder aux coordinations avec les autres titres de séjour, aurait pu avoir un effet a contrario.
D’autre part, elle a supprimé les références au respect des principes de la République figurant actuellement dans le CESEDA, jugées surabondantes avec le dispositif proposé (ces références sont aux articles L. 413‑2 relatif au CIR, L. 413‑7 relatif à la délivrance de la carte de résident, et L. 433‑4 relatif à la délivrance de la CSP) ([546]).
Relevons au demeurant que la formulation de chacune de ces références était différente.
b. Les modifications apportées en séance
Le dispositif a été modifié en séance sur deux aspects.
● En premier lieu, par l’adoption de quatre amendements identiques ayant recueilli l’avis favorable de la commission et l’avis défavorable du Gouvernement, le Sénat a remplacé la compétence discrétionnaire du préfet pour refuser de délivrer ou de renouveler un titre ou pour le retirer, en cas de non‑respect des principes de la République, par une compétence liée : dès lors que le manquement serait constaté, la décision devrait être défavorable.
Ces amendements ont été déposés par Mme Valérie Boyer (LR) et plusieurs de ses collègues, M. Louis Vogel (Les Indépendants – République et Territoires) et plusieurs de ses collègues, M. Alain Duffourg (UC) et plusieurs de ses collègues, et par les rapporteurs du projet de loi ([547]).
● En second lieu, en adoptant deux séries d’amendements identiques des rapporteurs et de Mme Françoise Dumont (LR) et plusieurs de ses collègues, ayant fait l’objet d’avis favorables de la commission mais d’avis défavorables du Gouvernement, le Sénat a souhaité faciliter la caractérisation de la rupture du nouveau contrat d’engagement au respect des principes de la République.
D’une part, en réécrivant le second alinéa du nouvel article L. 412‑10 du CESEDA, le critère du trouble à l’ordre public induit par les agissements de l’étranger serait facultatif ([548]).
D’autre part, en complétant d’un nouvel alinéa ce même article L. 412‑10, la gravité de l’atteinte aux principes de la République serait présumée en cas d’atteinte aux droits et libertés d’autrui ([549]).
4. La position de la Commission
La Commission a apporté trois séries de modifications aux dispositions relatives au respect des principes de la République.
a. L’enrichissement des principes de la République
En premier lieu, le champ recouvert par les principes de la République a été enrichi sur deux aspects.
D’une part, sur proposition de votre rapporteur ([550]), l’égalité, qui ne ciblait initialement que celle entre les femmes et les hommes, a été élargie pour inclure, outre celle-ci, toutes ses dimensions, notamment l’égalité en fonction de l’origine, de l’orientation sexuelle ou encore de la religion. Il s’agit au demeurant d’une formulation déjà prévue à l’article R. 413‑12 du CESEDA.
D’autre part, en adoptant un amendement de Mme Estelle Youssouffa et les membres du groupe LIOT ([551]) ayant fait l’objet d’un avis favorable de votre rapporteur, a été intégrée parmi les principes de la République l’intégrité territoriale de la France, définie par ses frontières nationales. Cette inclusion n’a naturellement pas vocation à contrevenir à la liberté d’opinion, constitutionnellement garantie, mais à enrichir les principes de la République afin de tirer les conséquences d’agissements qui, en contestant l’intégrité territoriale de notre pays, seraient constitutifs d’un trouble à l’ordre public.
b. La suppression de la compétence liée des préfets
● En deuxième lieu, en adoptant un amendement en ce sens de votre rapporteur, la Commission a supprimé la compétence liée des préfets pour refuser de délivrer ou de renouveler un titre, ou pour le retirer, rétablissant la compétence discrétionnaire que prévoyait le dispositif initial ([552]).
Il est en effet apparu nécessaire de laisser à l’administration sa plénitude d’appréciation, afin d’évaluer chaque situation in concreto et de pouvoir tenir compte des spécificités de chaque dossier. Si les sénateurs avançaient que la compétence liée ne privait pas le préfet de sa liberté d’appréciation, cela n’était vrai que pour la caractérisation du manquement au respect des principes de la République ; une fois le manquement constaté, la compétence était liée. Or, le respect du principe de proportionnalité, et la prise en compte des exigences constitutionnelles et conventionnelles en matière de titres de séjour, commandent aussi d’apprécier, dans chaque cas, si le refus de titre ou son retrait est justifié – notamment à l’aune du droit au respect de la vie privée et familiale.
● Cette modification ne se limite pas au sujet du respect des principes de la République ; elle concerne aussi les deux autres volets du présent article, relatifs à la menace grave pour l’ordre public et à la condition de résidence en France (cf. infra, II et III).
c. La suppression du caractère facultatif du critère de trouble à l’ordre public
Enfin, à l’initiative de votre rapporteur, la Commission a supprimé le caractère facultatif du critère tenant à l’existence d’un trouble à l’ordre public pour caractériser l’atteinte aux principes de la République ([553]).
Seuls peuvent en effet être pris en compte les agissements dont la gravité et le caractère manifeste et délibéré sont tels qu’ils portent atteinte, en eux-mêmes, à l’ordre public. Rendre ce critère facultatif, comme l’a souhaité le Sénat, conduirait à pouvoir sanctionner des opinions personnelles et des pratiques purement individuelles, ce qui serait en contradiction avec les exigences constitutionnelles et, notamment, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Le critère de l’ordre public marque ainsi la limite entre ce qui relève de la liberté d’opinion, constitutionnellement garantie, et ce qui en dépasse le cadre.
II. Permettre le refus de renouvellement ou le retrait d’une carte de résident en cas de menace grave à l’ordre public
La deuxième partie du dispositif du présent article prévoit la possibilité pour l’administration de refuser le renouvellement d’une carte de résident ou de la retirer, si la présence de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public.
1. L’état du droit
a. Les hypothèses limitativement énumérées de refus de renouvellement et de retrait d’une carte de résident
La carte de résident est un titre de séjour valable pour une durée de dix ans. Sa délivrance peut être refusée lorsque la présence de l’étranger en France constitue une menace pour l’ordre public, en application des articles L. 412‑5 et L. 432‑1 du CESEDA, ainsi qu’à l’étranger vivant en état de polygamie en France ou condamné pour violences sur mineur de moins de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article L. 432‑3 du même code).
S’agissant du renouvellement d’une carte de résident, celui-ci est de droit, ainsi qu’en dispose l’article L. 433‑2 du CESEDA, sauf si l’étranger demandant ce renouvellement est en situation de polygamie, a quitté le territoire français plus de trois ans consécutifs ou a été condamné pour violences sur mineur de moins de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente – par renvoi aux articles L. 411‑5 et L. 432‑3 du même code.
● Le retrait de la carte de résident, quant à lui, est prévu dans un nombre limité d’hypothèses :
– l’étranger titulaire vit en état de polygamie en France (article L. 432‑10 du CESEDA) ;
– l’étranger condamné, comme auteur ou complice, pour violences sur un mineur de moins de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur le fondement de l’article 222‑9 du code pénal ( même article L. 432‑10 du CESEDA) ;
– l’étranger est un employeur ayant occupé un travailleur étranger dépourvu de titre l’autorisant à exercer une activité, en méconnaissance de l’article L. 8251‑1 du code du travail (article L. 432‑11 du CESEDA) ;
– l’étranger, ne pouvant faire l’objet d’une expulsion, a été définitivement condamné pour certaines infractions pénales relevant des atteintes à l’administration publique ([554]) (article L. 432‑12 du CESEDA) ; dans une telle hypothèse, le retrait de la carte de résident s’accompagne de plein droit de la délivrance d’une carte de séjour « vie privée et familiale » ;
– l’étranger a quitté le territoire et a résidé hors de France pendant plus de trois ans consécutifs ; la carte est alors périmée, et retirée en application des articles L. 411‑5 et R. 432‑3 du CESEDA ;
– l’étranger titulaire d’une carte de résident portant la mention « résident de longue durée‑UE » a résidé en dehors du territoire des États membres de l’Union européenne pendant plus de trois ans consécutifs ou hors du territoire français pendant plus de six ans consécutifs, en application des mêmes articles L. 411‑5 et R. 432‑3 ;
– l’étranger a renoncé à son statut de réfugié au titre duquel une carte de résident lui avait été délivré, ou il a été mis fin à ce statut par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par une décision de justice, en application de l’article L. 424‑6 ; le retrait est toutefois exclu si l’étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans.
● Enfin, l’article L. 426‑4 du CESEDA prévoit que la délivrance d’une carte de résident permanent au titulaire d’une carte de résident, à l’expiration de sa validité (soit dix ans) est possible à condition que la présence de l’étranger ne constitue pas une menace pour l’ordre public et que la condition d’intégration républicaine prévue à l’article L. 413‑7 soit respectée. Cette délivrance est de droit au deuxième renouvellement d’une carte de résident, soit après vingt ans, sous réserve de remplir les deux conditions précédemment mentionnées.
Ces dispositions, et en particulier la condition tenant à l’absence de menace pour l’ordre public pour la délivrance d’une carte de résident permanent, ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 4 mai 2023 ([555]).
Le Conseil a en effet considéré :
– que la condition tenant à l’absence de menace s’inscrivait dans la poursuite, par le législateur, de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ;
– que le refus de délivrance d’une carte de résident permanent était sans incidence sur le droit au séjour de l’intéressé, le renouvellement de la carte de résident de dix ans étant de droit en dehors des exceptions prévues ([556]).
b. L’absence de réserve législative d’ordre public permettant le non renouvellement ou le retrait d’une carte de résident
● En dehors de ces hypothèses, qui visent chacune des situations spécifiques, le CESEDA ne prévoit pas de réserve générale d’ordre public permettant de refuser le renouvellement d’une carte de résident ou de la retirer du fait de la menace que constitue la présence de l’étranger.
Le régime de retrait de la carte de résident diffère donc substantiellement de celui prévu pour les autres titres : la carte de séjour temporaire et la carte de séjour pluriannuelle peuvent en effet être retirées si la présence de l’étranger qui en est titulaire constitue une menace pour l’ordre public, aux termes de l’article L. 432‑4 du CESEDA – cette réserve générale liée à l’ordre public n’étant au demeurant pas exclusive d’autres motifs de retrait de ces cartes de séjour.
Le législateur avait prévu une réserve d’ordre public pour justifier le non‑renouvellement de la carte de résident en 1997, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 22 avril 1997.
Le Conseil constitutionnel, tout en relevant que le législateur peut prendre des dispositions spécifiques en matière de séjour des étrangers en vue, notamment, d’assurer la sauvegarde de l’ordre public, objectif à valeur constitutionnelle, avait précisé qu’il fallait assurer la conciliation de cet objectif avec les droits et libertés reconnus aux résidents. Or, lors du renouvellement d’une carte de résident, l’étranger peut se prévaloir d’une présence sur le territoire national d’au moins dix ans, induisant une stabilité de situation et l’existence de liens multiples avec la France. Dès lors, « une simple menace pour l’ordre public » a été jugée insuffisante pour justifier le non renouvellement du titre, d’autant qu’une expulsion est possible en cas de menace grave ([557]).
● Notons à cet égard qu’une carte de résident portant la mention « résident de longue durée‑UE » peut faire l’objet d’un retrait si la présence de l’étranger, qui ne peut faire l’objet d’une expulsion, constitue une menace grave pour l’ordre public, aux termes de l’article R. 432‑5 du CESEDA ; la carte de résident est alors remplacée par une carte de séjour temporaire.
Cette disposition, de niveau réglementaire, tire les conséquences de l’article L. 631‑1 du CESEDA, qui prévoit l’expulsion d’un étranger dont la présence constitue une telle menace, et met en œuvre l’article 9 de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ([558]), aux termes duquel les États membres peuvent prévoir la perte du statut de résident de longue durée si, par la gravité des infractions qu’il a commises, l’étranger représente une menace pour l’ordre public.
Des dispositions similaires sont prévues s’agissant de la carte de résident permanent, au dernier alinéa de l’article L. 426‑4 du CESEDA.
La prise en compte des menaces graves pour l’ordre public par la CEDH
● La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), au titre du respect du droit à la vie privée et familiale garantie par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, admet l’éloignement d’un ressortissant étranger lorsqu’il représente une menace suffisamment grave pour l’ordre public, y compris à l’égard de personnes pouvant justifier d’une certaine ancienneté de résidence.
La Cour a ainsi conclu à la violation de la Convention à l’égard d’une interdiction de séjour prononcée par l’Autriche contre un ressortissant étranger, se fondant sur la situation de ce dernier et sur le fait que les infractions qu’il avait commises étant mineur étaient, à une exception près, non violentes (il s’agissait essentiellement de vols avec effraction) : la protection de l’ordre public ne justifiait pas la mesure prise, la menace étant jugée insuffisante (1).
● En revanche, si la menace est jugée suffisamment grave, la mesure d’éloignement est jugée compatible avec l’article 8 de la Convention, ainsi que la Cour a pu le juger à plusieurs reprises, notamment :
– s’agissant de l’interdiction du territoire prononcée à l’égard d’une ressortissante algérienne née en 1959, arrivée en France en 1976 ou 1977 où résidait sa famille, et condamnée pour trafic de stupéfiants, en l’occurrence de l’héroïne – l’arrêt indiquant d’ailleurs que, au vu « des ravages de la drogue dans la population, la Cour conçoit que les autorités fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau » (2) ; la même position, pour les mêmes motifs, a été retenue dans une autre affaire concernant la France (3) ;
– s’agissant de l’expulsion d’un ressortissant algérien condamné pour viol avec violences et vol commis lorsqu’il était mineur – la circonstance que l’intéressé était mineur lors des faits n’enlevant « rien au sérieux et à la gravité d’un tel crime », pouvant conduire les autorités à « légitimement considérer que l’expulsion du requérant était alors nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales » (4) ;
– s’agissant de l’expulsion par le Royaume-Uni d’un ressortissant nigérian ayant longtemps résidé au Royaume-Uni, y ayant de la famille et n’ayant pas de liens étroits avec le Nigéria, condamné pour vol avec violences et blessures graves à plusieurs reprises, et pour trafic de stupéfiants après avoir été averti qu’une nouvelle condamnation conduirait à son expulsion (5).
(1) CEDH, Grande chambre, 23 juin 2008, Maslov c. Autriche, n° 1638/03, § 77 à 100.
(2) CEDH, 19 février 1998, Dalia c. France, n° 26102/95, § 54.
(3) CEDH, 30 novembre 1999, Baghli c. France, n° 34374/97, § 48.
(4) CEDH, 29 janvier 1997, Bouchelkia c. France, n° 23078/93, § 51-52.
(5) CEDH, 14 septembre 2017, Ndidi c. Royaume-Uni, n° 41215/14, § 9 à 18 et 81.
2. Le dispositif proposé
● Le présent article prévoit la possibilité de refuser le renouvellement d’une carte de résident, ou de la retirer, lorsque la présence de son titulaire constitue une menace grave pour l’ordre public.
La gravité exigée de la menace est de nature à assurer la constitutionnalité du dispositif proposé, ainsi qu’il résulte de la lecture a contrario de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 22 avril 1997 – rappelons que le conseil avait jugée insuffisante, pour refuser le renouvellement d’une carte de résident, « une simple menace pour l’ordre public ». Rappelons en outre qu’en l’état du droit, l’expulsion du titulaire d’une carte de résident est possible s’il présente une telle menace grave pour l’ordre public, ainsi qu’il a été vu.
Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a d’ailleurs considéré, en se référant à cette décision du Conseil constitutionnel, que la « menace grave à l’ordre public peut justifier le retrait, ou le refus de renouvellement, de la carte de résident » ([559]).
● Cette possibilité de retirer une carte de résident ou d’en refuser le renouvellement en cas de menace grave pour l’ordre public est traduite dans le dispositif proposé selon les modalités suivantes :
– s’agissant du refus de renouvellement, au nouveau 1° et au nouveau neuvième alinéa de l’article L. 432‑3 (b du 3° du présent article) ;
– s’agissant du retrait, au nouvel alinéa complétant l’article L. 432‑4 (c du même 3°) ;
– s’agissant de l’exception au renouvellement de plein droit de la carte de résident, à la nouvelle rédaction de l’article L. 433‑2 (g du même 3°), qui concerne également la nouvelle condition de résidence habituelle prévue par le présent article (cf. infra, III du présent commentaire).
Par ailleurs, le 2° du présent article modifie les articles L. 424‑6 et L. 424‑15 du CESEDA, afin de permettre le retrait du titre d’un étranger ayant perdu la protection internationale dont il bénéficiait même s’il était en situation régulière en France depuis au moins cinq ans :
– retrait de la carte de résident pour l’étranger perdant le statut de réfugié, en cas de menace grave pour l’ordre public (article L. 424‑6) ;
– retrait de la CSP pour l’étranger perdant le bénéfice de la protection subsidiaire, en cas de menace – simple – pour l’ordre public (article L. 424‑15).
Enfin, le d du 3° du présent article réécrit le premier alinéa de l’article L. 432‑12 du CESEDA, qui prévoit le retrait de la carte de résident d’un étranger qui ne peut être expulsé, lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation pour des atteintes à l’administration publique : ce motif de retrait est remplacé par celui tiré de la menace grave pour l’ordre public – et le non renouvellement de la carte peut aussi être décidé sur ce fondement, ou pour non-respect des principes de la République ou méconnaissance de la condition de résidence habituelle.
Dans une telle hypothèse, le second alinéa de l’article L. 432‑12 n’étant pas modifié, l’étranger se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Notons, s’agissant de cette hypothèse, que le Conseil d’État a souligné l’intérêt du dispositif proposé, malgré l’impossibilité d’éloigner l’étranger alors que sa carte de résident lui a été retirée. En effet, le statut de séjour résultant de la délivrance de la carte de séjour temporaire est moins favorable ; l’étranger se trouverait ainsi « dans une situation susceptible, à l’instar des condamnations avec sursis en matière pénale, de l’inciter à adopter un comportement plus respectueux de la loi ou de la sécurité des personnes et des biens. » ([560])
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des Lois du Sénat n’a pas modifié les dispositions du présent article concernant le retrait ou le refus de renouvellement de la carte de résident en cas de menace grave pour l’ordre public.
En revanche, plusieurs modifications ont été apportées en séance.
● Par l’adoption de quatre amendements identiques ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission, mais d’un avis défavorable du Gouvernement – ceux précédemment mentionnés (cf. supra, I, 3, b), le Sénat a remplacé la compétence discrétionnaire du préfet pour refuser le renouvellement ou retirer une carte de résident, par une compétence liée : en cas de menace grave pour l’ordre public, le préfet serait tenu de refuser le renouvellement du titre ou de le retirer.
Ces amendements ont aussi, dans la même logique, lié la compétence du préfet pour refuser la délivrance d’une CSP, d’une carte de résident ou d’une carte de séjour temporaire en cas de menace – simple – pour l’ordre public, en modifiant à cet effet l’article L. 432‑1 du CESEDA (nouveau aa du 3° du présent article).
● Sur proposition des rapporteurs, et suivant les avis favorables de la commission et du Gouvernement, le Sénat a précisé le dispositif de retrait ou de refus de renouvellement d’une carte de résident en cas de menace grave pour l’ordre public, afin de le sécuriser juridiquement, à travers deux aspects ([561]).
D’une part, le prononcé d’une OQTF à l’égard d’un étranger dont la carte de résident a été retirée ou n’a pas été renouvelée pour menace grave pour l’ordre public ne sera pas possible – l’expulsion sera en revanche possible, sauf si l’étranger bénéficie d’une protection.
D’autre part, s’agissant d’un étranger dont la carte de résident a été retirée ou n’a pas été renouvelée pour motif d’ordre public, mais qui bénéficie d’une protection internationale et ne peut ainsi être expulsé, le titre de séjour sera dégradé en une autorisation provisoire de séjour – et non en carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » comme le prévoit l’état du droit, la menace grave pour l’ordre public s’opposant à ce qu’une telle carte soit délivrée.
Cette modification, qui consiste en une réécriture de l’article L. 432‑12 du CESEDA, figure au d du 3° du présent article.
● Enfin, sur proposition du Gouvernement, et suivant l’avis favorable de la commission, des précisions ont été apportées s’agissant de la dérogation à l’impossibilité de retirer sa carte de résident à un étranger ayant perdu le bénéfice d’une protection internationale qui réside régulièrement en France depuis au moins cinq ans, prévue aux articles L. 424‑6 et L. 424‑15 du CESEDA ([562]).
Ainsi qu’il a été vu, le projet de loi prévoit de déroger à cette impossibilité, et donc de retirer la carte de résident, en cas de menace grave pour l’ordre public.
L’amendement du Gouvernement ajoute à cette hypothèse de dérogation celle du retour volontaire de l’étranger dans son pays d’origine.
Sur ce sujet, le Sénat a également adopté un amendement présenté comme étant rédactionnel de M. Olivier Bitz (RDPI) et plusieurs de ses collègues, ayant recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement ([563]). Cet amendement prévoit que la possibilité de retirer une CSP à un étranger ayant perdu le bénéfice de la protection subsidiaire mais séjournant régulièrement en France depuis au moins cinq ans soit subordonnée à une menace « grave » pour l’ordre public, là où le dispositif initial ne retenait qu’une menace simple.
4. La position de la Commission
Le rétablissement de la compétence discrétionnaire des préfets, résultant de l’adoption de l’amendement CL1718 de votre rapporteur déjà mentionné, concerne également les dispositions relatives à la possibilité de refuser le renouvellement d’une carte de résident ou de retirer celle-ci lorsque la présence de son titulaire constitue une menace grave pour l’ordre public.
III. Subordonner le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident à la résidence habituelle en France
Enfin, le troisième volet du dispositif prévu au présent article subordonne le renouvellement d’une CSP ou d’une carte de résident à la résidence effective et habituelle de l’étranger en France.
1. L’état du droit
En l’état du droit, l’étranger qui bénéficie d’un titre de séjour de longue durée, c’est-à-dire d’une CSP, d’une carte de résident ou d’une carte de résident portant la mention « résident de longue durée‑UE », peut obtenir le renouvellement de ce titre sans devoir justifier d’une résidence habituelle en France.
Si le droit européen prévoit que l’octroi du statut de résident de longue durée suppose, de la part des ressortissants de pays tiers, d’avoir résidé dans l’État membre concerné « de manière légale et ininterrompue pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande », cette disposition porte sur la délivrance initiale du titre de longue durée, et non sur son renouvellement ([564]).
Le législateur, en 1997, avait introduit une condition de résidence habituelle pour le renouvellement de plein droit de la carte de résident ([565]). Ces dispositions ont toutefois été abrogées un an après par la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile ([566]), qui a ainsi supprimé la condition de résidence habituelle pour le renouvellement de plein droit d’une carte de résident.
Aujourd’hui, la seule référence à la résidence, s’agissant de la carte de résident, se trouve à l’article L. 411‑5 du CESEDA, qui prévoit que la carte est périmée si son titulaire a résidé à l’étranger pendant plus de trois ans consécutifs.
2. Le dispositif proposé
Le dispositif proposé s’appuie sur le constat selon lequel la résidence effective et habituelle sur le territoire français constitue le premier vecteur d’intégration des étrangers dans notre pays, et permet de se prémunir contre le bénéfice d’avantages indus que confère la détention d’un titre de long séjour.
● Il prévoit ainsi de subordonner le renouvellement d’un titre de long séjour – CSP ou carte de résident – à la résidence effective et habituelle en France de l’étranger, à l’image de ce que le législateur avait prévu en 1997 pour la carte de résident.
La résidence effective est constatée à l’égard des personnes domiciliées en France et qui y ont transféré le centre de leurs intérêts privés et familiaux.
La résidence habituelle, quant à elle, consiste à séjourner en France pendant au moins six mois au cours de l’année civile durant les trois années précédant le dépôt de la demande ou, si la durée de validité du titre en cours est inférieure à trois ans s’agissant du renouvellement d’une CSP dans certaines hypothèses, durant la totalité de cette durée de validité.
La définition de cette notion figure dans les différentes dispositions introduites par le dispositif proposé, en fonction du titre concerné.
● Cette nouvelle condition ne concerne toutefois pas tous les titres de long séjour. Sont en effet exclues :
– la CSP « passeport-talent » prévue à l’article L. 421‑13 du CESEDA, la CSP « travailleur saisonnier » prévue à l’article L. 421‑34 du même code, et la CSP « étudiant-programme de mobilité » prévue à son article L. 422‑6 », dans la mesure où les étrangers concernés par ces CSP, comme le relève l’étude d’impact, ont vocation à être mobiles et à ne pas résider effectivement et habituellement en France ;
– la carte de résident portant la mention « résident de longue durée‑UE » prévue à l’article L. 426‑11 du CESEDA, le droit de l’Union européenne ne prévoyant pas une telle condition pour le renouvellement de ce titre ;
– les CSP et les cartes de résident délivrées aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux réfugiés, ainsi qu’à leurs familles – eu égard à la spécificité de la situation de ces étrangers, et de la protection internationale dont ils font l’objet.
● La traduction législative de cette nouvelle condition de résidence effective et habituelle par le projet de loi initiale est réalisée selon les modalités suivantes.
S’agissant de la CSP, le refus de son renouvellement pour défaut de résidence effective et habituelle en France est prévu :
– dans les nouveaux alinéas introduits à l’article L. 432‑2 du CESEDA (a du 3° du présent article) ;
– et dans ceux introduits à l’article L. 433‑1 du CESEDA (f du même 3°).
S’agissant de la carte de résident, la condition de résidence effective et habituelle dont le non-respect justifie le refus de renouvellement est prévue :
– au nouveau 3° de l’article L. 432‑3 du CESEDA (b du 3° du présent article) ;
– dans la nouvelle rédaction de l’article L. 433‑2 du CESEDA, s’agissant du renouvellement de plein droit de la carte de résident (g du même 3°).
– dans la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 432‑12 du CESEDA, relatif aux étrangers ne pouvant faire l’objet d’une expulsion (d du même 3°).
L’article L. 411‑5 est également modifié pour supprimer la possibilité de prolonger la période de trois ans consécutifs de résidence à l’étranger conduisant à la péremption de la carte de résident (a du 1° du présent article).
● Le dispositif proposé n’a appelé aucune observation particulière du Conseil d’État dans son avis rendu sur le projet de loi ([567]) .
3. Les modifications apportées par le Sénat
De nombreuses modifications ont été apportées par les sénateurs, essentiellement en séance.
a. Les modifications apportées en commission
La commission des Lois, à l’initiative de ses rapporteurs, a validé le dispositif proposé relatif à la condition de résidence effective et habituelle, tout en lui apportant une clarification.
En effet, les critères de définition de cette condition ont été inscrits dans un nouvel article L. 433‑3‑1 du CESEDA, les éléments de définition figurant dans plusieurs dispositions étant supprimés par cohérence ([568]). Ce nouvel article L. 433‑3‑1 figure au nouveau h du 3° du présent article.
Ce basculement des dispositions éparses dans un unique article n’a pas modifié le fond des critères, à une exception près : s’agissant de la résidence effective, l’exigence de domiciliation en France a été supprimée – elle peut cependant être vue comme inutile ou redondante avec les autres critères prévus.
b. Les modifications apportées en séance
À l’initiative des rapporteurs et en suivant l’avis favorable de la commission – et malgré l’avis défavorable du Gouvernement –, le Sénat a supprimé l’exemption du respect de la condition de résidence effective et habituelle s’agissant de la CSP « passeport-talent », en supprimant la référence à l’article L. 421‑13 du CESEDA relatif à ce titre ([569]).
Cette modification est une coordination résultant de l’abrogation de cet article L. 421‑13 par l’article 6 du projet de loi dans sa rédaction issue de la commission des lois du Sénat.
4. La position de la Commission
S’agissant du volet de l’article 13 relatif à la condition de résidence habituelle et effective, la Commission, par l’amendement de votre rapporteur CL1718 précédemment mentionné, a rétabli la compétence discrétionnaire des préfets.
Elle a également, toujours à l’initiative de votre rapporteur ([570]), rétabli l’exclusion des titulaires de la CSP « passeport-talent » du champ d’application de cette condition de résidence. Cette exclusion, en plus de revêtir un enjeu d’attractivité de la France, est logique dans la mesure où ces personnes ont vocation à être mobiles, et donc à ne pas résider en France de façon stable.
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Article 13 bis A (nouveau)
(art. L. 312‑1‑ et L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Possibilité de refuser un visa en cas de dette hospitalière non réglée
Introduit par la Commission
Cet article, introduit par la Commission, prévoit que l’octroi d’un visa peut être refusé lorsque le demandeur n’a pas réglé ses dettes à l’égard d’établissements hospitaliers.
1. L’état du droit
Les articles L. 312‑1 et L. 312‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoient que les étrangers souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner doivent solliciter, auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises, un visa :
– l’article L. 312‑1 porte sur le visa de court séjour, lorsque la durée du séjour envisagé n’excède pas trois mois ;
– l’article L. 312‑2 porte sur le visa de long séjour, lorsque la durée du séjour envisagé excède trois mois – la validité du visa ne pouvant être supérieure à un an.
2. Le dispositif introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption, par la Commission, d’un amendement de M. Laurent Marcangeli et des membres du groupe Horizons et apparentés, ayant fait l’objet de deux sous-amendements de précision de votre rapporteur – eux aussi recueillant l’avis favorable du Gouvernement ([571]).
Il prévoit la possibilité, pour les autorités diplomatiques et consulaires françaises, saisies d’une demande de visa de court séjour ou de long séjour, d’en refuser la délivrance si elles constatent qu’à la date de sa demande, l’étranger est débiteur d’une dette non éteinte à l’égard d’établissements de soins et de santé, qu’ils soient publics ou privés d’intérêt collectif.
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Article 13 bis (supprimé)
(art. L. 441‑4‑ et L. 441‑7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Augmentation de la durée de contribution effective à l’entretien
et à l’éducation d’un enfant français en Guyane et à Mayotte
pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Afin d’améliorer la régulation de l’immigration familiale en Guyane et à Mayotte, le présent article, introduit en séance au Sénat, porte de deux à trois ans la durée de contribution effective à l’entretien et à l’éducation d’un enfant français mineur, exigée pour qu’un étranger puisse bénéficier, sans production de visa de long séjour, d’une carte de séjour temporaire.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification législative portant sur les dispositions concernées n’est récemment intervenue.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article, dont le dispositif, recentré sur Mayotte, a été introduit au sein du titre VI du projet de loi, dans un nouvel article 26 ter.
1. L’état du droit
Dans le cadre de l’octroi de titres de séjour pour motif familial, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit, à son article L. 423‑7, que l’étranger père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France bénéficie d’une carte de séjour temporaire d’un an, sans avoir besoin de produire un visa de long séjour, sous réserve qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant :
– depuis la naissance de celui-ci ;
– ou depuis au moins deux ans.
La même condition tenant à la contribution effective à l’entretien et à l’éducation de l’enfant est prévue à l’article L. 423‑8, s’agissant d’un étranger qui n’est pas l’auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le présent article résulte de l’adoption, par le Sénat, d’un amendement de M. Thani Mohamed Soilihi (RDPI) et plusieurs de ses collègues, ayant fait l’objet d’avis favorables de la commission et du Gouvernement ([572]).
Afin de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine qui affecte en particulier la Guyane et Mayotte, et partant du double constat que, d’une part, l’admission au séjour en tant que parent d’enfant français représente le principal ou l’un des principaux motifs d’admission dans ces territoires, et que la reconnaissance de paternité ultérieure à la naissance de l’enfant est un important motif de fraude, cet article porte de deux à trois ans le délai pendant lequel l’étranger doit avoir effectivement contribué à l’entretien de l’enfant.
À cet effet, le CESEDA est modifié en ses articles L. 441‑4, relatif à la Guyane, et L. 441‑7, relatif à Mayotte.
3. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article, en adoptant quatre amendements identiques déposés par votre rapporteur, par M. Boris Vallaud et les membres du groupe SOC, par Mme Francesca Pasquini et les membres du groupe Écolo‑NUPES, et par M. Davy Rimane et les membres du groupe GDR‑NUPES ([573]).
Ces amendements ne reposaient pas tous sur les mêmes motifs : la suppression proposée par votre rapporteur ne reflétait pas une opposition au fond du dispositif, mais visait à renforcer la cohérence d’ensemble du projet de loi, en renvoyant ce dispositif à son titre VI, relatif à l’outre-mer. L’inscription au sein de ce titre VI du dispositif, recentré sur Mayotte, a d’ailleurs été réalisée par l’adoption de l’amendement CL813 de notre collègue Mansour Kamardine (LR), au sein du nouvel article 26 ter.
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TItre ii bis
agir pour la mise en œuvre effective des décisions d’éloignement
Article 14 A
(art. L. 312‑3‑1 (nouveau) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 515‑13 du code monétaire et financier)
Restrictions à la délivrance de visas de longue durée et conditionnalité de l’aide au développement envers les États délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L’article 14 A, adopté en commission au Sénat à l’initiative des rapporteurs ([574]) et de plusieurs de leurs collègues, prévoit la possibilité de refuser un visa de long séjour au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires.
Il prévoit également la possibilité de moduler l’aide au développement attribuée à ces mêmes États.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a modifié certaines dispositions relatives au visa de long séjour, consacrant notamment dans la loi le « visa de long séjour valant titre de séjour ».
Concernant l’aide publique au développement, la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit l’augmentation de l’aide publique au développement et définit des priorités géographiques et sectorielles.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté, à l’initiative de la commission des Affaires étrangères, saisie pour avis, plusieurs amendements qui modifient le champ d’application de l’article 14 A, afin d’exclure les visas étudiants des restrictions dans la délivrance des titres de séjour résultant d’une insuffisante coopération migratoire et, à l’inverse, d’y inclure les visas de court séjour sollicités par le titulaire d’un passeport diplomatique ou de service, notamment. Ces amendements ont également permis de préciser le rôle de la politique de développement solidaire dans la gestion des flux migratoires, ainsi que les moyens devant y être alloués, et de supprimer les deux derniers alinéas de l’article, qui contraignaient trop fortement l’Agence française de développement (AFD).
a. Le refus d’accorder un visa long séjour aux ressortissants d’un État peu coopératif en matière migratoire : une pratique déjà mise en œuvre par la France qui exige aujourd’hui une sécurisation législative
Les conditions de délivrance des visas de long séjour sont régies par la section 2 du titre I du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Le long séjour s’entend comme une période de temps supérieure à trois mois et ne pouvant excéder un an. L’article L. 312-2 du CESEDA dispose ainsi que « ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d’étudiant, de stagiaire ou au titre d’une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d’une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle ». L’article L. 312-3 du même code précise que ce visa « est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public ».
Les laissez-passer consulaires ne font pas l’objet d’une mention explicite dans la loi. Il s’agit de documents délivrés, à la demande des services préfectoraux français, par l’ambassade du pays d’origine d’un étranger sans passeport concerné par une mesure d’éloignement. Ils sont nécessaires aux préfectures pour la mise en œuvre de cette mesure.
Certains États se distinguent par un très faible taux de délivrance dans les délais de ces laissez-passer consulaires au regard des demandes adressées par l’administration française. Un rapport sénatorial présenté en 2022 ([575]) souligne ainsi que « selon les données moyennes transmises par la DGEF, à peine plus d’un laissez-passer sur deux a été délivré dans un délai utile par les autorités consulaires compétentes en 2021 (53,7 %). Ce taux connaît de fortes fluctuations : il était de 35,2 % en 2013, avant de se porter à 67,1 % en 2019 puis de redescendre à 53,7 % l’année suivante » ([576]).
Ces comportements peu coopératifs ont déjà conduit la France à adopter des mesures de restriction en matière de délivrance des visas. Ce fut le cas, par exemple, de septembre 2021 au printemps 2022, vis-à-vis du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie.
b. L’aide publique au développement (APD) française
La France – dont le produit intérieur brut (PIB) est le septième plus élevé au monde – contribue à l’aide publique au développement (APD), défini par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme « l’aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement. »
En 2022, la France a consacré 15,1 milliards d’euros à l’aide publique au développement, soit 7,8 % de l’APD totale des 30 pays membres du CAD (environ 194 milliards d’euros) et 0,56 % de son revenu national brut ([577]).
L’organisation institutionnelle du système français de coopération pour le développement repose sur :
- le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), instance de coordination principale, placée sous l’autorité du Premier ministre et chargée de définir les grandes orientations stratégiques de la politique de développement de la France ;
- le Conseil présidentiel du développement, instauré en 2018 et présidé par le Président de la République, qui renforce le pilotage de la politique de développement de la France. Cette instance est chargée de prendre les décisions stratégiques dans la mise en œuvre de l’aide au développement française ;
- enfin, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), qui est l’instance de dialogue entre l’État et les acteurs de la société civile sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement. Doté d’un pouvoir consultatif, ce conseil est présidé par le ministre des Affaires étrangères et rassemble des élus et des représentants de la société civile investis dans le développement et la solidarité internationale.
L’Agence française de développement (AFD), institution financière publique, est le principal opérateur de la politique de coopération française.
La loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui succède à une loi d’orientation adoptée en 2014, rappelle au sein de son article 1er les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales :
1° L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, ainsi que l’action en matière d’éducation et de santé ;
2° La promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie ;
3° La protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète.
Dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, cette politique a pour objectif transversal la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons.
La loi prévoit que l’APD française est plus particulièrement concentrée sur certaines zones géographiques et certains secteurs que sont :
les pays les plus vulnérables (Haïti, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo) ;
certains secteurs prioritaires, dont notamment le climat, l’égalité femmes-hommes, le traitement des crises et fragilités, l’accès aux droits humains, la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire et la gestion de l’eau.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission
La commission des lois du Sénat a adopté plusieurs amendements identiques des rapporteurs et d’autres sénateurs ([578]) visant à :
- Insérer au sein du CESEDA un nouvel article L. 312‑3‑1 consacrant explicitement la possibilité de restreindre la délivrance de visas long‑séjour demandés par les ressortissants d’États se caractérisant par un nombre particulièrement faible de laissez‑passer consulaires délivrés ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ;
- Inscrire, au sein de l’article 1er de la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 précitée, la possibilité de moduler l’aide au développement qui est attribuée à ces mêmes États.
Lors des auditions menées par votre rapporteur, les représentants de la direction générale des étrangers en France ont souligné l’utilité d’un tel dispositif apportant une assise législative à une pratique déjà mise en œuvre concernant la délivrance des visas long-séjour.
b. Les modifications en séance
En séance publique, un amendement n° 361 rect ([579]) de M. Christophe-André Frassa (LR), adopté avec un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement, est venu renforcer le dispositif adopté par la commission des lois du Sénat, pour conditionner l’attribution de l’APD française au respect de l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, notamment vis‑à‑vis des États délivrant un nombre particulièrement faible de laissez‑passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires.
Le Sénat a également adopté, avec un avis favorable de sa commission des lois et un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement n° 513 rect. ([580]) de M. Hervé Marseille (Union centriste), qui modifie l’article L. 515-13 du code monétaire et financier définissant l’organisation et les missions confiées à l’AFD. L’amendement précise, au sein du I de cet article, que l’AFD « prend en compte la qualité de la coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière dans la répartition de l’ensemble des concours qu’elle attribue. »
3. La position de la Commission
La commission des Lois a adopté, avec l’assentiment de votre rapporteur M. Philippe Pradal, neuf amendements sur l’article 14 A :
Trois amendements identiques, dont un amendement CL267 de la commission des affaires étrangères saisie pour avis ([581]), précisent que les visas de court séjour sollicités par le titulaire d’un passeport diplomatique ou de service peuvent également être refusés au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez‑passer consulaires ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ;
Deux amendements identiques, dont un amendement CL265 de la commission des Affaires étrangères, saisie pour avis ([582]), excluent du champ des restrictions prévues par l’article 14 A la délivrance des visas demandés par des étudiants étrangers souhaitant étudier en France ;
Deux amendements identiques, dont un amendement CL269 de la commission des Affaires étrangères ([583]), complètent l’article 1er de la loi n° 2021-1031 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, afin de préciser que la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales contribue à la gestion des flux migratoires et qu’une part représentant environ 10 % de l’aide publique au développement bilatérale programmable a pour objectif principal ou significatif la lutte contre l’immigration irrégulière ;
Enfin, deux amendements identiques, dont un amendement CL261 de la commission des Affaires étrangères ([584]), suppriment les deux derniers alinéas de l’article qui contraignaient l’Agence française de développement (AFD) à prendre en compte la qualité de la coopération migratoire dans la répartition de l’ensemble des concours qu’elle attribue.
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Article 14 B
(art. L. 414‑1-1 (nouveau) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Information des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi sur les décisions d’OQTF et obligation de radiation une fois la décision devenue définitive
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit au Sénat et effets principaux
L’article 14 B, adopté à l’initiative des rapporteurs ([585]) , crée une obligation pour les préfets d’informer les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi de l’existence d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il crée également une obligation de radiation de l’assuré par ces organismes lorsque cette décision est devenue définitive.
Dernières modifications législatives intervenues
Les obligations des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations en matière de contrôles et de lutte contre la fraude ont été renforcées dans le cadre des récentes lois de financement de la sécurité sociale.
L’article 85 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 modifie l’article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale pour préciser que la vérification des demandes d’affiliation et, périodiquement, la vérification que les assurés étrangers satisfont aux conditions de régularité de leur situation en France s’effectuent dès l’ouverture du dossier. Le même article prévoit que les informations collectées à ce titre par les organismes de sécurité sociale auprès des fichiers des services de l’État sont transmissibles entre eux.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
a. La délivrance de prestations sociales est soumise à une condition de régularité du séjour
La perception des prestations sociales est soumise à une condition de régularité du séjour. La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a proscrit l’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière ou si elles ne sont pas titulaires d’un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. L’article L. 114-10-2 de la sécurité sociale prévoit également que les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1 sont tenus de vérifier, dès le dépôt de leur dossier, puis périodiquement, la régularité du séjour des étrangers affiliés. Il dispose ainsi qu’ils « peuvent avoir accès aux fichiers des services de l’État pour obtenir les informations administratives nécessaires à cette vérification » et que « les informations collectées à ce titre par les organismes de sécurité sociale auprès des fichiers des services de l’État sont transmissibles entre eux » (voir supra).
Depuis le 1er janvier 2020, en application du décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 ([586]), lorsque les conditions de régularité de séjour ne sont plus remplies, les droits à la PUMa sont maintenus durant six mois, contre douze mois auparavant.
b. Les titres de séjour permettant l’inscription à Pôle font l’objet d’une liste réglementaire
L’article R. 5221-48 du code du travail fixe la liste des titres de séjour permettant l’inscription d’un travailleur étranger à Pôle Emploi :
1° La carte de résident délivrée en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1, L. 314-8-2, L. 314-9, L. 314-11, L. 314-12, L. 314-14 et L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
2° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » mentionnée au 6° de l’article R. 5221-3 du code du travail ;
3° La carte de séjour portant la mention « passeport talent » délivrée en application des 1°, 2°, 4° et 9° de l’article L. 313-20 ou de l’article L. 313-21 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que le visa de long séjour valant titre de séjour correspondant à ces motifs de séjour ;
4° La carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » mentionnée aux 8° et 13° de l'article R. 5221-3 du code du travail ;
5° L’un des documents mentionnés au 9° ou l’autorisation provisoire de travail mentionnée au 14° de l'article R. 5221-3, lorsque le contrat de travail, conclu avec un employeur établi en France, a été rompu avant son terme, du fait de l’employeur, pour un motif qui lui est imputable ou pour un cas de force majeure ;
6° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « vie privée et familiale », délivrée en application des articles L. 313-11, L. 316-1, L. 313-17 et L. 313-19 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné aux 4° et 11° de l’article R. 311-3 du même code ;
7° Le récépissé mentionné au 11° de l’article R. 5221-3 du même code ;
8° Les visas de long séjour valant titre de séjour mentionnés aux 8°, 10° et 12° de l’article R. 5221-3 ;
9° L’autorisation provisoire de séjour délivrée en application de l’article L. 316-1-1 du même code ;
10° La carte de séjour temporaire portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise » mentionnée à l’article L. 313-8 du même code ;
11° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « bénéficiaire de la protection subsidiaire » ou la mention « membre de la famille d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire », mentionnée à l’article L. 313-25 du même code ;
12° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention « bénéficiaire du statut d’apatride » ou la mention « membre de la famille d’un bénéficiaire du statut d’apatride », mentionnée à l’article L. 313-26 du même code.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission
La commission des lois a créé cet article 14 B en adoptant un amendement COM-225 des rapporteurs. Celui-ci, créant un article L. 700-3 au sein du CESEDA, prévoit :
- une obligation, incombant au préfet, d’informer sans délai les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi d’une décision d’éloignement prise en application du chapitre II du titre VII du livre V et des titres Ier à IV du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- une obligation, pour les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi, de procéder à la radiation de l’étranger concerné, à l’expiration du délai de recours contre la décision d’éloignement ou, le cas échéant, lorsqu’une demande d’annulation de cette mesure a été définitivement rejetée par la juridiction administrative.
b. Les modifications apportées en séance publique
Le Sénat a adopté en séance publique, avec un avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement n° 495 rect. bis ([587]) de M. Alain Cadec (LR), élargissant le champ de l’obligation d’information du préfet aux décisions de refus de séjour, de retrait de titre ou document de séjour ou d’expulsion et instaurant un délai de trois mois après la date de retrait, de refus de séjour ou d’expulsion avant de mettre fin aux droits de l’étranger. Cet amendement procède également à une modification de nature légistique, en plaçant les dispositions de cet article dans un nouvel article L. 414‑1‑1, au sein de la partie du CESEDA relative au séjour des étrangers.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
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Article 14 C
(art. L. 732-2 et L. 732-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Extension de la durée maximale d’assignation à résidence d’un étranger faisant l’objet d’une OQTF
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L’article 14 C, qui résulte de l’adoption d’un amendement de M. Alain Cadec (LR) ([588]) , allonge la durée maximale de l’assignation à résidence d’un étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement dont l’exécution constitue une perspective raisonnable. La durée maximale est ainsi étendue à 135 jours, contre 90 jours en l’état actuel du droit.
En commission, un amendement a été adopté précisant que les frais d’assignation à résidence des étrangers sont à leur charge.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 31 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie autorise l’autorité administrative à désigner, aux fins de préparation du départ de l’étranger assigné à résidence, « en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures ». Cette durée peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures lorsque l’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français ou d’une décision d’interdiction administrative du territoire français, ou si son comportement constitue une menace pour l’ordre public (art. 733‑2 du CESEDA).
Modifications apportées par la Commission
À l’initiative de votre rapporteur M. Philippe Pradal, la commission des Lois a précisé que la prise en charge des frais d’assignation à résidence revenait à l’État en cas d’insolvabilité de l’étranger et a prévu des conditions spécifiques de mise en œuvre du deuxième renouvellement de 45 jours de la période d’assignation à résidence.
1. L’état du droit
Dans le cadre de l’exécution des décisions d’éloignement, le régime des assignations à résidence est encadré par les dispositions du titre III du livre VII du CESEDA.
L’article L. 731-1 de ce code détermine les conditions dans lesquelles le préfet peut assigner à résidence un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable :
1° L’étranger fait l’objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d’un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;
2° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français ;
3° L’étranger doit être éloigné pour la mise en œuvre d’une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L’étranger doit être remis aux autorités d’un autre État en application de l’article L. 621-1 ;
5° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l’article L. 622-1 ;
6° L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;
7° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire, prononcée en application du deuxième alinéa de l’article 131‑30 du code pénal ;
8° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.
Dans ce cadre, l’article L. 732-3 du CESEDA détermine une durée maximale de l’assignation à résidence de 45 jours, renouvelable une fois pour la même durée.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission
L’article 14 C résulte de l’adoption d’un amendement COM-137 rect. bis de M. Alain Cadec (LR) en commission. Il modifie l’article L. 732-3 du CESEDA pour permettre de renouveler deux fois, pour une durée de 45 jours, l’assignation à domicile qui peut s’ajouter à l’assignation initiale de 45 jours, portant ainsi sa durée maximale à 135 jours, contre 90 jours actuellement.
b. Les modifications apportées en séance publique
Un amendement des rapporteurs ([589]) a été adopté en séance publique, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, modifiant l’article L. 732-2 du CESEDA pour faire peser les frais de l’assignation à résidence sur l’étranger faisant l’objet de cette mesure.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté deux amendements de votre rapporteur M. Philippe Pradal. L’amendement CL1592 ([590]) précise qu’en cas d’insolvabilité de l’étranger assigné à résidence, les frais d’assignation sont pris en charge par l’État. L’amendement CL1593 ([591]) prévoit des conditions spécifiques de mise en œuvre du deuxième renouvellement de 45 jours de la période d’assignation à résidence, qui doit faire l’objet d’une décision spécialement motivée de l’administration et qui n’est justifié qu’en cas de circonstances particulières.
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Article 14 D
(art. L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Unicité de l’attribution de l’aide au retour
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Adopté en séance publique à l’initiative des rapporteurs ([592]), avec un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement, l’article 14 D consacre le principe d’unicité de l’attribution de l’aide au retour versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Dernière modification règlementaire intervenue
L’article 3 de l’arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion précise que « nul ne peut bénéficier plus d'une fois de ces aides ».
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
L’article L. 711-2 du CESEDA dispose que « l’étranger qui fait l'objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine ». L’article R. 711-4 du même code énumère les éléments pouvant faire l’objet d’une telle aide : la prise en charge des frais de réacheminement ; une allocation destinée à faciliter la réinsertion dans le pays de retour ; le cas échéant, une aide technique et un suivi de projet. Aux termes de l’article R. 711-5 du CESEDA, la mise en œuvre de l’aide est assurée par l’OFII.
L’article 3 de l’arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion précise que nul ne peut bénéficier plus d’une fois de ces aides.
2. Le dispositif introduit en séance publique
L’article 14 D complète l’article L. 711-2 du CESEDA pour préciser que l’aide au retour ne peut être attribué qu’une seule fois.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
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Article 14 E (supprimé)
(art. L. 751‑10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Extension des cas de placement en rétention des étrangers soumis au règlement « Dublin »
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Adopté en séance publique au Sénat à l’initiative des rapporteurs ([593]), avec un avis favorable de la commission, mais un avis défavorable du Gouvernement, l’article 14 E étend les cas dans lesquels un étranger soumis au règlement dit de « Dublin » peut être placé en rétention pour une durée de 48 heures aux situations dans lesquelles l’étranger a dissimulé des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile, ainsi qu’aux cas où il a refusé de se soumettre à l’opération de relevé d’empreintes digitales ou a altéré volontairement ces empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 1er de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen établit une liste des critères permettant d’établir un risque non négligeable de fuite justifiant le placement de l’étranger en rétention.
L’article 29 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie revient sur cette liste, pour en supprimer la mention de la dissimulation par l’étranger d’éléments relatifs à « son parcours migratoire, sa situation familiale ou ses demandes antérieures d’asile ».
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a supprimé cet article.
1. L’état du droit
Le règlement du Parlement européen et du Conseil européen n° 604-2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ([594]), dit « Règlement Dublin III », dispose qu’une demande d’asile est examinée par un seul pays européen. Plusieurs critères sont pris en compte pour déterminer le pays concerné.
Le chapitre Ier du titre V du livre VII du CESEDA prévoit les mesures applicables aux décisions de transfert vers l’État responsable de la demande d’asile dans le cadre de la procédure de Dublin. L’autorité administrative peut, aux termes de l’article L. 751-9 de ce code, placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, afin de prévenir un risque non négligeable de fuite tel que défini à l’article L. 751-10, dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les dispositions de l’article L. 751-2 ne peuvent être effectivement appliquées.
La définition du risque non négligeable de fuite est établie dans le cadre d’une liste de situations figurant à l’article L. 751-10 du même code :
« 1° L’étranger s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert ;
2° L’étranger a été débouté de sa demande d’asile dans l’État membre responsable ;
3° L’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une décision de transfert ;
4° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente décision d’éloignement ;
5° L’étranger, aux fins de se maintenir sur le territoire français, a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;
6° L’étranger a dissimulé des éléments de son identité ; la circonstance tirée de ce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité ne peut toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ;
7° L’étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil prévues au titre V du livre V ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ;
8° L’étranger qui a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 552-8 ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ou […] l’étranger qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;
9° L’étranger ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou de l’exécution de la décision de transfert sans motif légitime ;
10° L’étranger s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ;
11° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert. »
2. Le dispositif introduit en séance publique
Issu de l’adoption en séance publique de l’amendement n° 639 ([595]) des rapporteurs, l’article 14 E complète la liste des cas dans lesquels l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, un étranger dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure dite « de Dublin ».
Sont ainsi ajoutés à la liste des cas énumérés à l’article L. 751-10 du CESEDA ceux dans lesquels l’étranger refuse la prise de ses empreintes digitales ou les altère volontairement et ceux dans lesquels il dissimule des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale, ainsi que de ses demandes antérieures d’asile. Le Sénat reprend ici une disposition votée dans le cadre de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen, puis supprimée par l’article 29 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
3. La position de la Commission
La Commission des lois, adoptant six amendements identiques ([596]), dont un amendement CL1594 de votre rapporteur M. Philippe Pradal, a supprimé l’article 14 E.
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Article 14 F
(art. L. 824-4, L. 824-5, L. 824-6 et L. 824-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Renforcement des sanctions pénales en cas de non-respect des prescriptions de l’assignation à résidence
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Adopté à l’initiative des rapporteurs ([597]) en séance publique, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, l’article 14 F renforce les sanctions pénales en cas de non-respect des prescriptions de l’assignation à résidence.
Les peines d’emprisonnement déjà prévues par le CESEDA sont ainsi assorties d’une amende lorsque l’assigné rejoint le lieu d’assignation en dehors des délais prescrits (15 000 euros d’amende), ne respecte pas les obligations de présentation aux forces de l’ordre, les prescriptions liées au port du bracelet électronique ou l’interdiction de se trouver en relation avec certaines personnes liées à des activités terroristes (3 750 euros d’amende).
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
La sous-section 1 de la section II du chapitre IV du titre II du livre VIII du CESEDA prévoit des sanctions pénales en cas de méconnaissance des prescriptions liées à l’assignation à résidence :
trois ans d’emprisonnement pour l’étranger assigné à résidence qui n’a pas rejoint, dans les délais prescrits, la résidence qui lui est assignée, ou qui a quitté cette résidence sans autorisation de l’autorité administrative (art. L. 824-4) ;
un an d’emprisonnement pour l’étranger assigné à résidence qui ne respecte pas les règles suivantes :
2. Le dispositif introduit par le Sénat
L’article 14 F du projet de loi, résultant de l’adoption, en séance publique au Sénat, d’un amendement n° 638 des rapporteurs, assortit ces peines d’emprisonnement :
de 15 000 euros d’amende, qui s’ajoutent aux trois ans d’emprisonnement encourus par l’étranger assigné à résidence qui n’a pas rejoint dans les délais prescrits la résidence qui lui est assignée ou qui a quitté cette résidence sans autorisation de l’autorité administrative (art. L. 824‑4 du CESEDA) ;
d’une amende de 3 750 euros, qui s’ajoute à la peine d’un an d’emprisonnement encourue par l’étranger qui ne respecte pas les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie (art. L. 824-5), les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique mobile qui lui ont été fixées (art. L. 824-6) ou l’interdiction qui lui est prescrite de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes nommément désignées dont le comportement est lié à des activités à caractère terroriste (art. L. 824-7).
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
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Article 14 G (supprimé)
(art. 78‑3 du code de procédure pénale)
Extension à la Guyane de la durée maximale dérogatoire de huit heures
de la rétention aux fins de vérification d’identité
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Le présent article étend à la Guyane la durée maximale dérogatoire de huit heures (contre quatre heures en principe) de la rétention aux fins de vérification d’identité, prévue à l’article 78‑3 du code de procédure pénale (CPP) et applicable à Mayotte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 24 de la loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 a permis aux agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, de procéder à la vérification d’identité d’une personne en application de l’article 78‑3 du CPP.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article, dont le dispositif a été introduit au sein du titre VI, dans un nouvel article 26 quater.
Dans le cadre des vérifications d’identité prévues par le code de procédure pénale (CPP), l’article 78‑3 de ce code prévoit, lorsque la personne refuse de justifier son identité ou est dans l’impossibilité de le faire, la possibilité de la retenir dans le local de police où elle est conduite, aux fins de vérifier son identité.
La personne est informée de son droit de faire aviser de la vérification dont elle fait l’objet le procureur de la République, et d’informer sa famille ou toute personne de son choix.
Dans ce cadre, et sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, il est possible à l’officier de police judiciaire de procéder à la prise d’empreintes digitales ou de photographies si la personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement inexacts, dès lors que ces opérations constituent l’unique moyen d’établir l’identité de la personne.
Aux termes du troisième alinéa de l’article 78‑3 du CPP, la durée de la rétention est limitée au temps strictement nécessaire à l’établissement de l’identité de la personne, et ne peut en tout état de cause excéder quatre heures, durée maximale portée à huit heures à Mayotte. Le procureur de la République peut mettre fin à la rétention à tout moment.
La dérogation à la durée maximale de quatre heures applicable à Mayotte (et donc l’application d’une durée maximale de huit heures) est justifiée par les difficultés d’établissement de l’identité des personnes sur ce territoire, notamment en raison du mauvais état des registres d’état civil, de problèmes techniques de communication et de contraintes géographiques.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Partant du constat que les difficultés rencontrées à Mayotte, qui justifient de pouvoir procéder à la rétention d’une personne aux fins de vérification de son identité pour une durée maximale de huit heures, se rencontrent également en Guyane – notamment du fait de l’état du réseau de télécommunication et des infrastructures routières, ainsi que des contraintes géographiques spécifiques –, le présent article étend à ce territoire la dérogation prévue pour Mayotte. La durée maximale de la rétention prévue à l’article 78‑3 du CPP sera ainsi portée à huit heures en Guyane.
Cet article résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Georges Patient (RDPI) et plusieurs de ses collègues, qui a recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement ([598]).
3. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article, à travers l’adoption de trois amendements identiques déposés par votre rapporteur, par M. Benjamin Lucas et les membres du groupe Écolo‑NUPES et par M. Davy Rimane et les membres du groupe GDR‑NUPES ([599]).
Comme pour l’article 13 bis, cette suppression n’a pas reposé sur la même motivation parmi les auteurs des différents amendements adoptés. Votre rapporteur l’a proposée pour que le dispositif prévu au présent article soit inscrit dans le titre VI du projet de loi, relatif aux outre-mer. Cette inscription a d’ailleurs été réalisée par l’adoption de l’amendement CL1727 du rapporteur Olivier Serva, introduisant dans le projet de loi un nouvel article 26 quater.
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titre iii
sanctionner l’exploitation des étrangers et contrôler les frontières
Article 14
(art. L. 823‑3 et L. 823‑3‑1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 706‑73 du code de procédure pénale)
Criminaliser la facilitation en bande organisée de l’entrée, de la circulation
et du séjour irréguliers d’étrangers
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article durcit la répression pénale des filières d’immigration clandestine et des réseaux de passeurs, à travers deux mesures :
– la criminalisation de l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers, lorsque l’infraction est commise en bande organisée et avec un risque pour les personnes (deux des circonstances aggravantes actuelles), en sanctionnant cette infraction de quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende (contre dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende actuellement) ;
– la création d’une nouvelle infraction ciblant les dirigeants et organisateurs des réseaux, punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende.
Dernières modifications intervenues
À la suite d’une décision du Conseil constitutionnel n° 2018‑717/718 QPC du 6 juillet 2018, l’immunité pénale pour l’aide apportée à un étranger a été étendue à tout motif humanitaire et a inclus l’aide à la circulation par l’article 38 de la loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a étendu le champ d’application des peines criminelles pour l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers, en l’élargissant à l’ensemble des circonstances aggravantes actuellement prévues, dès lors que l’infraction est commise en bande organisée.
Il a également précisé le champ de l’exemption humanitaire dans le cadre du dispositif proposé, en en écartant l’aide à l’entrée – comme c’est le cas aujourd’hui.
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
a. Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers
Afin de lutter contre les filières d’immigration illégale, le chapitre III du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit des sanctions pénales à l’égard des personnes qui facilitent l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France.
● Une telle facilitation est ainsi punie de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, en application de l’article L. 823‑1 du CESEDA – notons que les mêmes peines sont prévues s’agissant de l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers sur le territoire de certains États, dont ceux parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ([600]).
Des circonstances aggravantes sont prévues à l’article L. 823‑3 du même code, qui fixe à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende les peines lorsque les faits :
– sont commis en bande organisée ;
– sont commis dans des circonstances mettant en danger les étrangers, c’est‑à‑dire lorsque ces circonstances exposent directement ceux-ci à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une infirmité permanente ou une mutilation ;
– soumettent les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;
– sont commis au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;
– ou ont pour effet d’éloigner des mineurs de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.
Lorsque le délit est commis en bande organisée, outre l’aggravation des peines encourues, la législation pénale prévoit l’application des dispositions particulières relatives à la criminalité et à la délinquance organisées figurant au titre XXV du livre IV du code de procédure pénale (CPP), qui permet notamment l’usage de techniques spéciales d’enquête.
En effet, le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers est mentionné au 13° de l’article 706‑73 du CPP, relatif au champ d’application de la procédure particulière applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.
● Les personnes condamnées pour les infractions précédemment mentionnées s’exposent également à des peines complémentaires, parmi lesquelles une interdiction de séjour d’une durée maximale de cinq ans, et des interdictions professionnelles (article L. 823‑4 du CESEDA).
Lorsque la personne condamnée est étrangère, elle encourt, en application de l’article L. 823‑6 du CESEDA, l’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus. Toutefois, cette interdiction est prononcée à titre définitif si l’infraction a été commise avec les circonstances aggravantes prévues à l’article L. 823‑3 du même code.
Enfin, aux termes de l’article L. 823‑6 du CESEDA, si la personne condamnée est une personne morale, le montant de l’amende encourue est quintuplé (en application de l’article 131‑38 du code pénal), et la personne morale encourt en outre certaines peines prévues à l’article L. 131‑39 du même code – parmi lesquelles la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire, ou encore la fermeture des établissements ayant servi à commettre les faits. La peine complémentaire de confiscation des biens peut également être prononcée sur le fondement de l’article L. 823‑7 du CESEDA.
● Des exemptions de poursuites pénales, et donc des immunités pénales, sont toutefois prévues à l’article L. 823‑9 du CESEDA, lorsque l’aide à la circulation ou au séjour irréguliers est le fait :
– de la famille de l’étranger, sauf situation de polygamie ([601]) ;
– de toute personne, s’il n’y a pas eu de contrepartie et que l’acte a consisté en des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire.
L’immunité pénale prévue pour toute aide apportée dans un but humanitaire, et l’application de cette immunité non seulement à l’aide au séjour, mais aussi à l’aide à la circulation, résultent de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ([602]). Cette dernière a tiré, sur ces aspects, les conséquences de la décision du 6 juillet 2018 par laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du principe de fraternité ([603]).
b. L’accroissement de l’activité des filières de passeurs
Si la législation sanctionne l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers, et prévoit des peines accrues pour les filières de passeurs à travers les circonstances aggravantes prévues à l’article L. 823‑3 du CESEDA, l’activité de ces filières et le nombre de tentatives de traversées clandestines par voie maritime à destination de l’Union européenne ou du Royaume-Uni sont en hausse.
Ainsi que le relève l’étude d’impact du présent projet de loi, plus de 73 000 personnes ont traversé ou tenté de traverser la Manche à destination du Royaume-Uni entre le 1er janvier et le 30 novembre 2022 ; elles étaient moins de 52 000 en 2021 et moins de 3 500 en 2019 ([604]). Inutile de préciser que ces traversées, tout comme celles de la Méditerranée, se font dans des conditions extrêmement périlleuses pour les personnes concernées, qui y risquent souvent leur vie.
Parallèlement, l’interpellation des trafiquants et le démantèlement des filières de passeurs sont importants, et là aussi une hausse est constatée. Ainsi, entre 2017 et 2021, plus de 1 500 filières ont été démantelées (1 519), soit en moyenne 300 filières par an. Chaque année, ente 7 000 et 8 000 trafiquants sont interpelés, avec une augmentation de 11 % entre 2020 et 2021.
Enfin, sur une période plus longue, le nombre de condamnations à l’encontre de ces trafiquants s’est lui aussi accru, tout comme le nombre de peines d’emprisonnement prononcées :
– de 133 en 2015, le nombre de condamnations sur le fondement du délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers est passé à 235 en 2021, tandis que celui des peines d’emprisonnement prononcées est passé de 111 à 183 ;
– si l’analyse se concentre sur le délit aggravé par le risque de mort pour les étrangers, le nombre de condamnations entre 2015 et 2021 est passé de 2 à 384, traduisant une hausse exponentielle qu’illustrent le tableau et le graphique suivants.
RÉponse pÉnale au dÉlit d’aide À l’entrée, À la circulation et au sÉjour irrÉguliers avec risque de mort (2015-2021)
Année |
Nombre de condamnations |
Nombre de peines d’emprisonnement prononcées |
2015 |
2 |
2 |
2016 |
8 |
7 |
2017 |
49 |
48 |
2018 |
80 |
80 |
2019 |
184 |
181 |
2020 |
275 |
274 |
2021 |
384 |
382 |
Source : étude d’impact du projet de loi.
La sanction pénale de la traite des êtres humains
● Définie et sanctionnée par l’article 225‑4‑1 du code pénal, la traite des êtres humains consiste à recruter une personne, à la transporter, à la transférer, à l’héberger ou à l’accueillir à des fins d’exploitation, c’est-à-dire à mettre cette personne à la disposition d’un tiers pour la contraindre à commettre un crime ou un délit, ou pour permettre contre cette personne la commission des infractions :
– de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles ;
– de réduction en esclavage ou en servitude, ou de soumission à du travail ou des services forcés ;
– de prélèvement d’organes ;
– d’exploitation de la mendicité ;
– de conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité de la personne.
Cette exploitation doit intervenir dans certaines circonstances, telles que l’emploi de menace, de contrainte ou de violence à l’égard de la personne, de sa famille ou de ses proches, l’abus d’une situation de vulnérabilité, ou encore la promesse d’une rémunération – toutefois, si la victime est mineure, le délit est constitué même en l’absence de ces circonstances.
● La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, peines portées à dix ans d’emprisonnement et 1 500 000 euros d’amende si elle est commise à l’égard d’un mineur.
Des peines alourdies sont prévues par les articles 225‑4‑2 à 225‑4‑4 du code pénal. En particulier, l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise en bande organisée (article 225‑4‑3) et de la réclusion criminelle à perpétuité et de 4 500 000 euros d’amende en cas de recours à des tortures ou des actes de barbarie (article 225‑4‑4).
2. Le projet de loi initial
Dans le but de lutter plus efficacement contre les filières de passeurs, le présent article prévoit un renforcement de la répression pénale, en modifiant à cet effet l’article L. 823‑3 du CESEDA (I du présent article).
Le Conseil d’État a considéré que les nouvelles peines prévues par le dispositif proposé n’étaient pas manifestement disproportionnées eu égard à la gravité des faits concernés ([605]).
a. La criminalisation de l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers commis en bande organisée et avec risque pour les personnes
D’une part, les peines prévues à l’article L. 823‑3, soit dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende, sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 00 euros d’amende si le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers est commis en bande organisée et dans des circonstances dangereuses pour les personnes, c’est-à-dire en les exposant à un risque immédiat de mort ou de blessures susceptibles d’entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Ainsi, la fourniture à des étrangers, par un réseau de passeurs, d’une embarcation inadaptée à une traversée maritime ou ne disposant manifestement pas de la capacité d’accueil des personnes à transporter, en ce qu’elle exposerait celles‑ci à un risque immédiat, tomberait sous le coup du dispositif proposé.
b. La création d’une nouvelle infraction ciblant les dirigeants et organisateurs des réseaux d’immigration clandestine
D’autre part, le présent article introduit une nouvelle infraction criminelle ciblant les dirigeants et les organisateurs de réseaux de passeurs et de filières clandestines – définis comme les groupements ayant pour objet la commission de l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers.
Le fait de diriger ou d’organiser un tel groupement serait passible de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende.
Ce nouveau crime ne serait toutefois pas applicable s’il est commis dans les conditions entrant dans le champ de l’exemption humanitaire prévue au 3° de l’article L. 823‑9 du CESEDA.
c. Les coordinations avec le code de procédure pénale
Le II du présent article tire les conséquences des modifications apportées au CESEDA – criminalisation de l’infraction dans certaines circonstances et création d’un nouveau crime – s’agissant du champ d’application de la procédure prévue en matière de criminalité et de délinquance organisées à l’article 706‑73 du CPP, et procède ainsi aux coordinations requises au 13° de cet article.
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des Lois du Sénat, à l’initiative des rapporteurs du projet de loi, Mme Muriel Jourda (LR) et M. Philippe Bonnecarrère (UC), a apporté deux modifications au dispositif proposé.
● En premier lieu, le champ d’application des peines criminelles prévues au titre de l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers a été étendu. Ainsi qu’il a été vu, ces peines concernent l’infraction commise en bande organisée et mettant en danger les étrangers.
La commission des Lois du Sénat a élargi ce dispositif à l’ensemble des circonstances aggravantes prévues à l’article L. 823‑3 du CESEDA, dès lors que l’infraction est commise en bande organisée ([606]), incluant ainsi également :
– le fait de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d’hébergement indignes ;
– le fait d’utiliser une habilitation ou un titre de circulation dans un aérodrome ou un port ;
– le fait d’éloigner des mineurs de leur famille ou de leur environnement traditionnel.
● En second lieu, la nouvelle infraction ciblant les dirigeants et organisateurs des réseaux a fait l’objet d’une clarification de deux ordres.
D’une part, cette infraction a été incluse au sein d’un nouvel article L. 823‑3‑1 du CESEDA, dans un souci de clarté et d’accessibilité du droit (nouveau 2° du I du présent article).
D’autre part et surtout, le champ d’application de l’exemption humanitaire, s’agissant de cette infraction, a été précisé. En effet, dans la rédaction initiale, cette exemption aurait concerné non seulement l’aide à la circulation et au séjour, mais aussi l’aide à l’entrée sur le territoire national. Or, l’article L. 823‑9 du CESEDA n’inclut pas ce dernier élément.
Aussi, afin de respecter le champ actuel de l’exemption humanitaire, qui ne concerne que l’aide à la circulation et au séjour, le nouveau 3° du I du présent article complète le 3° de l’article L. 823‑9. Cette modification permettra d’éviter que l’actuel périmètre de l’exemption humanitaire ne soit étendu concernant cette nouvelle infraction, ce qui aurait été peu cohérent.
● Aucune modification supplémentaire n’a été apportée par le Sénat lors de l’examen de cet article en séance.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
*
* *
Article 15
(art. L. 511‑22 et L. 521‑4 du code de la construction et de l’habitation)
Durcir les sanctions contre l’habitat indigne
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Pour mieux lutter contre l’habitat indigne et les « marchands de sommeil », en particulier ceux qui exploitent la fragilité d’étrangers en situation irrégulière, le présent article aggrave les peines prévues par le code de la construction et de l’habitation (CCH) à l’égard des propriétaires et exploitants de logements indignes ne respectant pas leurs obligations, dès lors que le logement est occupé par des personnes vulnérables, notamment les étrangers en situation irrégulière.
Dernières modifications législatives intervenues
Les dispositions du CCH relatives aux polices des immeubles, locaux et installations ont fait l’objet d’une harmonisation et d’une simplification par l’ordonnance n° 2020‑1144 du 16 septembre 2020.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
1. L’état du droit
a. Les mesures de lutte contre l’habitat indigne
● Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ([607]), le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
Un logement qui ne répondrait pas à ces impératifs constitue un habitat indigne, défini par la loi comme « les locaux ou les installations utilités aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. » ([608])
Le code de la santé publique, à ses articles L. 1331‑22 et L. 1331‑23, qualifie d’insalubres les locaux qui constituent un danger ou un risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes, parmi lesquels les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d’ouverture vers l’extérieur ou d’éclairement naturel suffisant ou dont la configuration est exiguë, ainsi que les locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation. De tels locaux ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation.
● La lutte contre l’habitat indigne est régie par le livre V du code de la construction et de l’habitation (CCH), qui fixe les conditions d’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations. Les autorités compétentes pour exercer ces pouvoirs de police, désignées par l’article L. 511‑4 du CCH (maires, présidents d’établissement public de coopération intercommunale et préfets) sont informées de toute situation susceptible de constituer l’indignité d’un logement, et peuvent prendre un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, prévu à l’article L. 511‑10 du même code.
Cet arrêté, en application de l’article L. 511‑11, prescrit aux propriétaires et exploitants des logements les mesures nécessaires qu’ils doivent exécuter dans un délai fixé par l’autorité de police, parmi lesquelles :
– la réparation ou toute autre mesure permettant de remédier à la situation constatée ;
– la démolition du bien ;
– la cessation de la mise à disposition du bien à des fins d’habitation ;
– l’interdiction d’habiter les lieux, de les utiliser ou d’y accéder.
Dans l’hypothèse où, à l’expiration du délai fixé, les mesures prescrites n’ont pas été exécutées, le propriétaire ou exploitant du logement est redevable du paiement d’une astreinte journalière, dont le montant, fixé par l’autorité de police, ne peut excéder 1 000 euros par jour de retard, en application de l’article L. 511‑15 du CCH. En outre, les mesures prescrites peuvent être exécutées d’office, aux frais du propriétaire ou de l’exploitant défaillant.
b. Les sanctions pénales encourues par les propriétaires et exploitants de logements indignes
● Outre l’astreinte, le non-respect des prescriptions de l’arrêté expose le propriétaire ou l’exploitant du logement indigne, c’est-à-dire le « marchand de sommeil », à des sanctions pénales, prévues à l’article L. 511‑22 du CCH :
– un an d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende en cas de refus délibéré et sans motif légitime d’exécuter les mesures prescrites (I de l’article L. 511‑22) ;
– deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si la personne ne défère pas à une mise en demeure du préfet, concernant des locaux mis à disposition aux fins d’habitation dans des conditions conduisant manifestement à leur sur‑occupation (II du même article) ;
– trois ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas de non‑respect de mauvaise foi d’une interdiction d’habiter ou d’accéder aux lieux, ou en cas d’actes destinés à rendre des locaux impropres à l’habitation en vue d’en faire partir les occupants (III du même article).
Par ailleurs, le propriétaire ou l’exploitant a l’obligation d’assurer le relogement ou l’hébergement des occupants et les loyers cessent d’être dus, ainsi que le prévoient les articles L. 521‑1 et suivants du CCH. Le fait, pour le propriétaire ou l’exploitant, de refuser de procéder à l’hébergement ou au relogement de l’occupant, de tenter de contraindre ce dernier à renoncer à ses droits, de le menacer ou l’intimider ou de percevoir un loyer, est passible de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, en application de l’article L. 521‑4 du même code.
Des peines complémentaires sont également encourues ; celles de confiscation du bien et d’interdiction d’acheter un bien à usage d’habitation (sauf usage personnel) sont obligatoires ([609]).
● Notons, enfin, que le code pénal prévoit une infraction particulière en matière de logement indigne de personnes vulnérables.
L’article 225‑14 de ce code sanctionne en effet de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait de soumettre une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
2. Le projet de loi initial
Les étrangers en situation irrégulière, du fait de la fragilité de leur situation administrative, sont particulièrement vulnérables aux « marchands de sommeil », qui utilisent des habitats indignes pour les héberger en profitant de cette fragilité.
● Aussi, afin de lutter plus efficacement contre ces marchands de sommeil, le présent article prévoit un durcissement des sanctions pénales prévues par le CCH, lorsque le logement indigne est occupé par des personnes vulnérables, parmi lesquelles les étrangers en situation irrégulière au sens du CESEDA :
– les peines d’un an d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende sont portées à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ;
– les peines de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende sont portées à trois ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ;
– les peines de trois ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Le tableau suivant dresse la synthèse du durcissement des peines que prévoit le présent article.
SynthÈse du durcissement proposÉ des sanctions pÉnales
visant les « marchands de sommeil »
lorsque l’occupant est une personne vulnÉrable
Infraction |
Fondement |
Peines actuelles |
Peines proposées |
Refus d’exécuter les mesures prescrites |
L. 511‑22, I |
1 an d’emprisonnement |
2 ans d’emprisonnement |
Non-respect d’une mise en demeure liée à la sur-occupation |
L. 511‑22, II |
2 ans d’emprisonnement |
3 ans d’emprisonnement |
Actions pour faire partir les occupants du logement indigne |
L. 511‑22, III, 1° |
3 ans d’emprisonnement |
5 ans d’emprisonnement |
Non-respect d’une interdiction d’habiter ou d’accéder |
L. 511‑22, III, 2° |
3 ans d’emprisonnement |
5 ans d’emprisonnement |
Actions en vue du renoncement par l’occupant à ses droits, intimidations, menaces |
L. 521‑4, I, al. 2 |
3 ans d’emprisonnement |
5 ans d’emprisonnement |
Perception d’un loyer |
L. 521‑4, I, al. 3 |
3 ans d’emprisonnement |
5 ans d’emprisonnement |
Refus de procéder au relogement ou à l’hébergement |
L. 521‑4, I, al. 4 |
3 ans d’emprisonnement |
5 ans d’emprisonnement |
Source : commission des Lois.
● Outre le relèvement des peines encourues par les marchands de sommeil, le fait que le dispositif proposé inclue des étrangers en situation irrégulière parmi les personnes vulnérables peut être souligné. Cette évolution semble bienvenue, même si elle ne semble pas particulièrement novatrice sur le plan juridique.
En effet, la notion de personne vulnérable n’est pas étrangère au droit pénal, mais elle est généralement appréhendée par le code pénal à partir de critères liés à l’âge, à l’état de santé ou à l’état de grossesse de la personne ([610]).
Cependant, la qualité d’étranger, sans autre élément, peut suffire à caractériser la vulnérabilité de la personne dans certaines situations : tel est notamment le cas en matière de travail forcé, de réduction en servitude et de conditions de travail et d’hébergement indignes. En effet, l’article 225‑15‑1 du code pénal, commun à ces infractions, dispose que « les mineurs ou les personnes qui ont été victimes des faits […] à leur arrivée sur le territoire français sont considérés comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance. »
S’agissant spécifiquement du délit prévu à l’article 225‑14, à savoir le fait de soumettre une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine, la Cour de cassation a déjà jugé que « L’étranger en situation irrégulière, contraint d’accepter pour travailler un logement insalubre, est une “personne vulnérable ou dépendante” au sens de l’article 225‑14 du code pénal » ([611]).
La chambre criminelle de la Cour a également cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait notamment jugé que l’état de vulnérabilité ne pouvait résulter de la seule extranéité de la personne : « N’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s’imposaient la cour d'appel qui, pour dire non établi l’abus de la vulnérabilité et de la situation de dépendance de la victime […], après avoir constaté que les prévenus employaient et logeaient à leur domicile une jeune fille mineure, étrangère en situation irrégulière et sans ressources, retient néanmoins que celle-ci avait une certaine liberté de déplacement et énonce que l’état de vulnérabilité ne peut résulter de sa seule extranéité. » ([612])
La vulnérabilité dans laquelle se trouvent les étrangers en situation irrégulière, du fait de cette irrégularité, a donc déjà été reconnue, et n’est au demeurant guère contestable – ainsi que le soulignait notamment le Défenseur des droits dans une décision rendue le 19 septembre 2019 ([613]).
Néanmoins, la reconnaissance de la vulnérabilité des étrangers en raison de leur situation irrégulière ne repose que sur une base juridique prétorienne, et revêt ainsi une certaine fragilité. Consacrer expressément dans la loi le fait qu’une telle situation caractérise une vulnérabilité présente donc un intérêt évident.
Notons enfin que le durcissement des sanctions, s’il concerne l’occupation de logements indignes par des étrangers en situation irrégulière, aura en réalité un champ plus large. En effet, il s’appliquera à l’occupation de tels logements par toute personne vulnérable, incluant donc la vulnérabilité due à l’âge ou encore à l’état de santé.
● Dans son avis, le Conseil d’État, tout en s’interrogeant sur la portée réelle du dispositif proposé, a considéré que ce dernier ne se heurtait à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel ([614]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
Aucune modification n’a été apportée à cet article par les sénateurs.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
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* *
Article 15 bis
(art. L. 425‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Délivrance d’une carte de séjour temporaire lors du dépôt d’une plainte pour soumission à des conditions indignes d’hébergement
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Introduit par le Sénat en séance, le présent article prévoit la délivrance d’une carte temporaire de séjour d’un an à l’étranger qui dépose plainte pour soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, infraction prévue à l’article 225‑14 du code pénal, sur le modèle du dispositif prévu à l’article L. 425‑1 du CESEDA pour les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification récente n’est intervenue en ce domaine.
Modifications apportées par la Commission
À l’initiative de son Président, la Commission a inscrit le dispositif prévu au présent article à l’article L. 425‑1 du CESEDA, et l’a étendu aux étrangers soumis à des conditions indignes de travail, prévoyant dans ce cadre que la délivrance du titre de séjour intervient lors du dépôt de plainte ou de la saisine de l’inspection du travail.
1. L’état du droit
● Ainsi qu’il a été vu dans le cadre du commentaire de l’article 15 du projet de loi, l’article 225‑14 du code pénal sanctionne de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait de soumettre une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
Cette infraction, tout comme au demeurant les dispositions du code de la construction et de l’habitation contre l’habitat indigne que l’article 15 renforce, participe à la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle que toute personne puisse disposer d’un logement décent ([615]).
● Par ailleurs, pour protéger les étrangers victimes de certaines infractions et améliorer la sanction de ces dernières, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit, à son article L. 425‑1, que l’étranger déposant plainte contre une personne pour des faits constitutifs de traite des êtres humains ou de proxénétisme se voit délivrer, lors du dépôt de plainte, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’une année, sans que soit opposable la condition, prévue à l’article L. 412‑1 du CESEDA, de production préalable d’un visa de long séjour.
Des dispositions similaires sont prévues à l’égard :
– des étrangers victimes de ces infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, et engagés dans un parcours de sortie de la prostitution (article L. 425‑4 du CESEDA) ;
– des étrangers bénéficiant d’une ordonnance de protection en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ex-compagnon (article L. 425‑6 du même code).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le présent article résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Ian Brossat (CRCE‑K) et plusieurs de ses collègues et ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement – la commission s’en remettant à la sagesse du Sénat ([616]).
Il complète le chapitre V du titre II du livre IV du CESEDA d’une nouvelle section 4, comportant un nouvel article L. 425‑11 qui transpose les dispositions de l’article L. 425‑1 du même code aux étrangers déposant plainte contre une personne qu’ils accusent, sur le fondement de l’article 225‑14 du code pénal, de les soumettre à des conditions d’habitat incompatibles avec la dignité humaine.
L’étranger déposant une telle plainte se verrait ainsi délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », valable un an et renouvelable, sans devoir produire un visa de long séjour.
3. La position de la Commission
La Commission a approuvé le principe du dispositif prévu au présent article ; les modifications qu’elle y a apportées, à la suite de l’adoption d’un amendement de son Président Sacha Houlié (RE) ayant fait l’objet d’un avis favorable de votre rapporteur ([617]), permettent d’en étendre substantiellement la portée.
● D’une part, le champ du dispositif a été étendu aux hypothèses de soumission d’une personne vulnérable à des conditions de travail incompatibles avec la dignité de la personne humaine.
Dans une telle hypothèse, la délivrance de la carte de séjour temporaire interviendrait lors du dépôt de plainte, mais aussi lors de la saisine de l’inspection du travail pour des faits relatifs à des conditions d’emplois susceptibles de relever de la traite des êtres humains.
● D’autre part, ces dispositions, plutôt que de figurer dans un nouvel article L. 425‑11 du CESEDA, ont été insérées au sein de l’article L. 425‑1 du même code qui, ainsi qu’il a été vu, consacre le principe de la délivrance d’un titre en cas de plainte pour traite des êtres humains ou proxénétisme.
Loin d’être purement légistique, cette modification emporte des conséquences substantielles :
– elle rend l’étranger éligible à l’allocation pour demandeur d’asile, en application de l’article L. 425‑2 du CESEDA ;
– surtout, elle conduit à ce que l’étranger puisse se voir délivrer une carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne poursuivie, en application de l’article L. 425‑3 du même code.
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Article 15 ter (nouveau)
(art. L. 425‑4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Extension de la durée du titre de séjour délivré aux victimes
de traite des êtres humains ou de proxénétisme engagées
dans un parcours de sortie de la prostitution
Introduit par la Commission
Cet article, introduit par la Commission, prévoit que les étrangers victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme qui se sont engagés dans un parcours de sortie de la prostitution se voient délivrer une carte de séjour temporaire, d’une durée d’un an – le droit actuel prévoyant la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de six mois.
1. L’état du droit
Ainsi qu’il a été vu dans le cadre du commentaire de l’article 15 bis, l’article L. 425‑4 du CESEDA prévoit la possibilité de délivrer une autorisation provisoire de séjour, d’une durée minimale de six mois, à un étranger :
– victime des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme ;
– qui a cessé l’activité de prostitution ;
– et qui est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle prévu au II de l’article L. 121‑9 du code de l’action sociale et des familles.
L’autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle ; elle est renouvelée pendant la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion professionnelle.
2. Le dispositif introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption par la Commission de trois amendements identiques, déposés par votre rapporteur Ludovic Mendes, par M. Boris Vallaud et les membres du groupe SOC, et par Mme Sandrine Rousseau et les membres du groupe Écolo‑NUPES ([618]).
Il étend la durée du titre de séjour délivré en application de l’article L. 425‑4 du CESEDA, en substituant à l’autorisation provisoire de séjour de six mois, prévue au premier alinéa de cet article, une carte temporaire de séjour portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an.
Une telle mesure, en renforçant la stabilité de la situation administrative des victimes concernées, est de nature à accroître leur protection.
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Article 16
(art. L. 821‑6 et L. 821‑7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Extension de l’obligation de contrôle documentaire des transporteurs
à l’autorisation de voyage prévue par le règlement européen 2018/1240
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article étend à l’autorisation de voyage ETIAS prévue par le règlement européen 2018/1240, l’obligation de vérification de la détention régulière de documents incombant aux transporteurs.
Dernières modifications intervenues
Le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (dit ETIAS) a été créé par le règlement (UE) 2018/1240 du 12 septembre 2018.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
1. L’état du droit
a. La sanction par le CESEDA des transporteurs méconnaissant leur obligation de vérification documentaire
La méconnaissance des obligations relatives à l’entrée sur le territoire français fait l’objet du chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
● Parmi ces dispositions, celles de la section 4 du chapitre Ier concernent spécifiquement les entreprises de transport, ou transporteurs, qui ont acheminé sur le territoire français des personnes ne disposant pas des documents requis, c’est‑à‑dire des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ([619]) qui sont démunis du document de voyage (tel un passeport) ou du visa requis par la législation applicable.
Aux termes des articles L. 821‑6 et L. 821‑7 du CESEDA, les transporteurs concernés par ces dispositions sont :
– les entreprises de transport aérien ;
– les entreprises de transport maritime ;
– les entreprises de transport routier qui exploitent des liaisons internationales en provenance d’un État qui n’est pas partie à la convention de Schengen du 19 juin 1990.
● La méconnaissance de l’obligation de vérification des documents de voyage et des visas par les transporteurs est passible d’une amende administrative de 10 000 euros, en application de l’article L. 821‑6 du CESEDA ([620]).
Cette amende de 10 000 euros peut être prononcée autant de fois qu’il y a de passagers concernés par le manquement (article L. 821‑8 du même code). Elle est en revanche exclue :
– si les faits ont plus d’un an ;
– si l’étranger a été admis en France au titre d’une demande d’asile qui n’est pas manifestement infondée ;
– si le transporteur établit que les documents qui lui ont été présentés ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste.
● Le principe de l’obligation de contrôle par les transporteurs de la détention régulière des documents de voyage et des visas, et de la sanction de ces transporteurs en cas de manquement à cette obligation de contrôle, en plus de résulter du droit de l’Union européenne (cf. infra, b), a été jugé conforme à la Constitution.
En effet, dans une décision rendue le 25 octobre 2019, sous l’empire des anciennes dispositions du CESEDA, le Conseil constitutionnel a écarté les moyens soulevés par Air France contre cette obligation et la sanction l’accompagnant ([621]).
b. La nouvelle autorisation de voyage dans le cadre du système européen ETIAS
● En 2018, les autorités européennes ont prévu la mise en place d’un mécanisme d’autorisation de voyage à l’attention des ressortissants de pays tiers non soumis à l’obligation de détenir un visa, afin de sécuriser les frontières de l’Union.
Cette autorisation de voyage est prévue par le règlement européen 2018/1240 du 12 septembre 2018 ([622]) et s’inscrit dans le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, plus connu sous l’acronyme ETIAS ([623]).
Similaire au dispositif américain ESTA ([624]), l’autorisation de voyage ETIAS est, pour les ressortissants des pays tiers qui ne sont pas tenus de présenter un visa, une obligation pour pouvoir entrer dans l’Union européenne ; elle est délivrée si aucun indice ou motif raisonnable ne laissent supposer que la présence de la personne sur le territoire des États membres présente un risque.
Le dispositif ETIAS est adossé – en particulier sous l’angle technologique – à un autre système européen, l’EES (Entry/Exit System, ou « système d’entrée / de sortie »), prévu par le règlement européen 2017/2226 du 30 novembre 2017 ([625]).
● La procédure de délivrance de l’autorisation de voyage ETIAS est prévue par les articles 36 et suivants du règlement (UE) 2018/1240, dont l’article 45 attribue aux transporteurs la tâche de vérifier si les ressortissants soumis à l’obligation de détenir une autorisation de voyage sont ou non titulaires d’une telle autorisation en cours de validité. Sont concernés les transporteurs aériens ou maritimes et les transporteurs internationaux de groupes assurant des liaisons routières par autocar.
Cette vérification est faite avant l’embarquement, en accédant au portail des transporteurs, composante du système d’information ETIAS. Les transporteurs ont également accès au service internet EES prévu à l’article 13 du règlement (UE) 2017/2226 précité.
Le manquement par un transporteur à son obligation de vérification est sanctionné : le 5 de l’article 45 du règlement (UE) 2018/1240 renvoie en effet :
– à l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, dont le deuxième paragraphe prévoit le principe d’une sanction des transporteurs ayant acheminé sur le territoire européen des personnes ne disposant pas des documents de voyage requis ([626]) ;
– à l’article 4 de la directive 2001/51/CE ([627]), qui généralise à l’ensemble des États membres le principe des sanctions prévu à l’article 26 de la convention d’application précitée.
Les sanctions prévues par le droit de l’Union européenne à l’encontre des transporteurs ayant méconnu leur obligation de vérification documentaire
L’article 4 de la directive 2001/51/CE précité prévoit différentes modalités de sanction à l’égard des transporteurs qui, en méconnaissance des obligations leur incombant, ont acheminé sur le territoire de l’Union des personnes ne disposant pas de documents de voyage valides.
Les sanctions reposent ainsi sur l’encadrement suivant :
– un montant maximal qui ne peut être inférieur à 5 000 euros (ou équivalent en monnaie nationale) par personne transportée ;
– un montant minimal qui ne peut être inférieur à 3 000 euros par personne transportée ;
– un montant maximal forfaitaire qui n’est pas inférieur à 500 000 euros, indépendamment du nombre de personnes transportées.
D’autres sanctions sont possibles : ainsi, l’article 5 de la directive permet aux États membres de prévoir des mesures telles que l’immobilisation, la saisie ou la confiscation du véhicule, ainsi que la suspension ou le retrait de l’autorisation d’exploitation du transporteur.
● Le principe de l’autorisation de voyage ETIAS pour les étrangers exemptés de visa est consacré en droit français à l’article L. 312‑7 du CESEDA.
2. Le projet de loi initial
● Tirant les conséquences de la création de l’autorisation de voyage ETIAS, le présent article inclut cette autorisation parmi les documents dont la détention régulière doit être vérifiée par les transporteurs en application du CESEDA.
À cet effet, le 1° ajoute la mention de cette autorisation aux articles L. 821‑6 et L. 821‑7 du CESEDA, après celles du document de voyage et du visa.
Par ailleurs, le 2° du présent article complète l’article L. 821‑6 du CESEDA par un nouvel alinéa relatif aux modalités techniques par lesquelles les transporteurs procèdent aux vérifications requises, en précisant qu’ils accèdent pour ce faire aux outils prévus par les règlements européens précités sur l’EES et l’ETIAS.
● Le dispositif prévu au présent article n’a appelé aucune observation particulière de la part du Conseil d’État dans l’avis que ce dernier a rendu sur le projet de loi ([628]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a pas modifié cet article.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans le modifier.
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Article 16 bis A
(art. L. 232‑1, L. 232‑4, L. 232‑5, L. 232‑7 et L. 232‑7‑1 du code de la sécurité intérieure)
Inclusion des données relatives aux équipages
dans le champ de collecte des données de voyage
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article étend aux données des membres d’équipage des transports internationaux aériens, maritimes et ferroviaires le champ du dispositif de traitement des données de voyage API-PNR.
Dernières modifications législatives intervenues
Le dispositif API‑PNR a été pérennisé par la loi n° 2017‑1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
1. L’état du droit
Les articles L. 232‑1 à L. 232‑8 du code de la sécurité intérieure (CSI) régissent le dispositif dit API-PNR France ([629]), relatif à la collecte et au traitement des données de voyage (réservation, enregistrement et embarquement) des passagers en déplacements internationaux par transports aériens, maritimes et ferroviaires.
En revanche, les membres d’équipage ne sont pas concernés.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Cet article est le fruit de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Stéphane Le Rudulier (LR) et plusieurs de ses collègues, ayant fait l’objet d’un double avis favorable de la commission et du Gouvernement ([630]).
Il modifie le CSI afin d’inclure dans le champ du dispositif de traitement des données des passagers API-PNR les données des membres d’équipage des transports internationaux aériens, maritimes et ferroviaires, partant du constat que ces membres d’équipage peuvent commettre ou tenter de commettre des infractions entrant dans le champ de la finalité de ce traitement de données.
Le dispositif corrige également une malfaçon à l’article L. 237‑1 du CSI en ce qu’il visait, à tort, des navires assurant des services maritimes non internationaux.
Notons que le présent article reprend quasiment à la lettre les dispositions qui figuraient à l’article 31 de la première version du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mars 2022 ([631]).
3. La position de la Commission
Cet article a été adopté par la Commission sans modification.
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Article 16 bis B (nouveau)
(art. L. 311‑1 et L. 311‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Clarifications rédactionnelles sur l’admission sur le territoire français
Introduit par la Commission
Cet article, introduit par la Commission, apporte des clarifications d’ordre rédactionnel aux dispositions relatives à l’admission sur le territoire français.
1. L’état du droit
Les articles L. 311‑1 et L. 311‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) précisent les conditions d’admission des étrangers sur le territoire français.
Ainsi, aux termes de l’article L. 311‑1, tout étranger, pour entrer en France, doit être muni :
– des visas exigés par les conventions internationales et l’article 6 du « code frontières Schengen » ([632]), sauf s’il est exempté de cette obligation ;
– d’autres documents, tels que le justificatif d’hébergement et des documents relatifs, notamment, à l’objet et aux conditions du séjour de l’étranger et à ses moyens d’existence ;
– s’il se propose d’exercer une activité professionnelle, des documents nécessaires à cet exercice.
L’article L. 311‑2, quant à lui, prévoit qu’un étranger ne satisfait pas aux conditions d’entrée en France :
– si sa présence constituerait une menace pour l’ordre public ;
– s’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission sur le territoire français introduit dans le système d’information Schengen (SIS) ;
– s’il fait l’objet d’une interdiction judiciaire ou administrative du territoire, d’une décision d’expulsion, d’une interdiction de retour ou d’une interdiction de circulation sur le territoire.
2. Le dispositif introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption, par la Commission, d’un amendement de votre rapporteur Ludovic Mendes ([633]).
Il apporte des clarifications d’ordre rédactionnel aux articles L. 311‑1 et L. 311‑2 du CESEDA.
D’une part, il inscrit expressément au 1° de l’article L. 311‑1 l’obligation, pour entrer en France, d’être muni, outre d’un visa, de documents, c’est-à-dire d’un passeport.
Cette obligation existe déjà, étant prévue par le a du 1 de l’article 6 du « code frontières Schengen », mais l’omission dans le CESEDA de la mention dont l’inscription est proposée est susceptible d’entraîner une confusion : l’amendement, en précisant ce point, lève toute éventuelle ambiguïté.
D’autre part, il corrige au 2° de l’article L. 311‑2 du CESEDA une imprécision sur le signalement de l’étranger dans le SIS, en supprimant la référence au territoire français – les signalements ayant une dimension européenne.
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Article 16 bis
(art. L. 332‑2, L. 333‑2, L. 352‑3 et L. 361‑4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers
et du droit d’asile)
Suppression du jour franc avant d’être réacheminé
en cas de refus d’entrée sur le territoire
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Le présent article supprime le jour franc avant l’expiration duquel ne peut intervenir le rapatriement d’un étranger qui se voit refuser l’entrée en France, lorsque celui‑ci en fait la demande – tout en conservant ce jour franc s’agissant des mineurs non accompagnés.
Dernières modifications intervenues
Aucune modification législative récente n’est intervenue en la matière. En revanche, la suppression du jour franc figurait parmi les recommandations de la « mission flash » de la commission des Lois de l’Assemblée sur le bilan de la zone d’attente temporaire installée sur la presqu’île de Giens (Var) en novembre 2022.
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
1. L’état du droit
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que, en cas de refus d’entrée en France, le rapatriement de l’étranger concerné par la mesure ne peut se faire avant l’expiration d’un jour franc si l’étranger en fait la demande. Tel est ainsi le cas :
– en cas de refus d’entrée à la frontière, en application des articles L. 332‑2 et L. 333‑2 du CESEDA, le second article précisant que le jour franc est de droit pour les mineurs non accompagnés d’un représentant légal ;
– en cas de refus d’entrée d’un demandeur d’asile, en application de l’article L. 352‑3 du CESEDA.
Rappelons, s’agissant du refus d’entrée au titre de l’asile, que celui-ci n’est possible que dans un nombre limité d’hypothèses, énumérées à l’article L. 352‑1 du CESEDA : l’examen de la demande relève d’un autre État, la demande est irrecevable ou elle est manifestement infondée.
Par ailleurs, en application de l’article L. 352‑8 du CESEDA, l’exécution de la décision de refus d’entrée au titre de l’asile ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de 48 heures ou, en cas de recours devant le juge administratif, avant que celui‑ci n’ait statué.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Cet article résulte de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de M. Alain Cadec (LR) et plusieurs de ses collègues ([634]).
● Il prévoit la suppression de la possibilité, pour l’étranger faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée sur le territoire français, de refuser d’être rapatrié avant l’expiration d’un délai d’un jour franc ; ce faisant, cet article supprime le jour franc avant le rapatriement de l’étranger.
La suppression ne concerne pas les mineurs non accompagnés : le délai d’un jour franc leur sera toujours applicable de plein droit, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 333‑2 du CESEDA.
À l’appui de l’évolution proposée, les auteurs de l’amendement ont mis en avant le fait que le délai d’un jour franc aboutit à ce que l’étranger soit placé en zone d’attente, mobilisant d’importants moyens – notamment financiers –, alors même qu’une solution de transport est disponible. Ils soulignent également que ce dispositif singularise la France parmi ses partenaires européens.
● Notons que ce constat avait déjà été dressé par votre rapporteur Ludovic Mendes et notre collègue Julie Lechanteux dans le cadre de leurs travaux sur le bilan de la zone d’attente temporaire de Giens mise en place pour accueillir les migrants issus du navire Ocean Viking ([635]).
Mme Lechanteux et votre rapporteur avaient ainsi proposé de supprimer le jour franc prévu par le CESEDA ([636]).
● D’un point de vue légistique, les 1° et 2° suppriment le délai d’un jour franc dans l’hypothèse d’un refus d’entrée à la frontière, le 3° procède à la même suppression dans le cadre d’un demandeur d’asile, et le 4°, qui consiste en une coordination, assure l’application du dispositif proposé à Mayotte.
● Aucune modification supplémentaire n’a été apportée en séance.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
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Article 17
(art. L. 812‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Permettre l’inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Afin de renforcer l’efficacité des contrôles opérés dans les zones frontalières, et de s’assurer que des véhicules ne transportent pas de personnes dissimulées, le présent article étend aux véhicules particuliers la possibilité, pour les forces de sécurité intérieure, de procéder à la visite sommaire de véhicules – tout en conservant l’encadrement procédural actuellement prévu.
Dernières modifications législatives intervenues
En matière de visite dans les zones frontalières ou à forte exposition internationale, le droit de visite douanière a récemment fait l’objet d’une refonte par la loi n° 2023‑610 du 18 juillet 2023.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a subordonné la possibilité de procéder à la visite sommaire d’un véhicule particulier à l’existence de raisons plausibles de soupçonner que le véhicule transporte une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé la condition introduite par le Sénat tenant à l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction pour permettre la visite sommaire des véhicules particuliers.
a. Le contrôle des titres de circulation et de séjour
Aux termes de l’article L. 812‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tout étranger doit être en mesure de présenter les pièces ou documents l’autorisant à circuler ou à séjourner en France, lorsqu’il est requis en ce sens par un officier de police judiciaire (OPJ) ou, sur l’ordre et sous la responsabilité de ce dernier, par un agent de police judiciaire (APJ) ou un agent de police judiciaire adjoint (APJA) ([637]).
Le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents est possible dans trois hypothèses prévues à l’article L. 812‑2 du CESEDA :
– en dehors de tout contrôle d’identité, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne sont de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger – ce type de contrôle ne peut excéder six heures consécutives dans un même lieu et ne doit pas consister en un contrôle systématique des personnes ;
– à la suite d’un contrôle d’identité, au sens du code de procédure pénale (CPP), si des éléments objectifs, de même nature que ceux précédemment exposés, sont susceptibles de faire apparaître la qualité d’étranger de la personne contrôlée ;
– par les agents des douanes, en application de l’article 67 quater du code des douanes – qui permet des contrôles dans les zones à forte exposition internationale, notamment dans la « bande Schengen », zone comprise entre la frontière terrestre de la France et des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, d’une part, et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà ; la qualité d’étranger de la personne contrôlée par les agents des douanes doit, ici aussi, être déduite d’éléments objectifs extérieurs à la personne.
b. La visite sommaire des véhicules
Dans les zones frontalières, aux fins de vérifier le respect des obligations en matière documentaire mais aussi de rechercher et constater des infractions à l’entrée et au séjour des étrangers en France, le CESEDA permet aux OPJ (et, le cas échéant, aux APJ et APJA) de procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, c’est-à-dire à une visite destinée à « s’assurer de l’absence de personne dissimulée » ([638]).
Les véhicules particuliers sont exclus de cette visite. Pour mémoire, une « voiture particulière » au sens du code de la route est un véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et qui comporte, outre le siège conducteur, huit places assises au maximum, et dont le poids total autorité en charge n’excède pas 3,5 tonnes ([639]).
● Cette visite sommaire, prévue à l’article L. 812‑3 du CESEDA, est encadrée par les modalités définies à l’article L. 812‑4 du même code :
– l’accord du conducteur est requis ;
– en l’absence d’un tel accord, la visite sommaire n’est possible que sur instructions du procureur de la République ;
– dans l’attente de ces instructions, l’immobilisation du véhicule ne peut excéder quatre heures ;
– la durée de la visite sommaire est limitée au temps strictement nécessaire, et a lieu en présence du conducteur ;
– la visite sommaire donne lieu à un procès-verbal, dont un exemplaire est remis au conducteur et un autre transmis au procureur de la République.
● La zone frontalière au sein de laquelle la visite sommaire est possible est définie à l’article L. 812‑3 et comprend :
– la zone de vingt kilomètres entre la frontière terrestre de la France et des États partie à la convention Schengen précédemment mentionnée, c’est-à-dire la « bande Schengen » ;
– les aires de stationnement des sections autoroutières qui commencent dans la zone de vingt kilomètres jusqu’au premier péage lorsqu’il se situe hors de cette zone, ainsi que le lieu du péage et des aires de stationnement attenantes.
● Cette zone frontalière est relativement voisine de celle prévue par le code des douanes, à son article 67 quater, et par le CPP à son article 78‑2, qui y incluent également certains aéroports, ports et gares ferroviaires et routières ouverts au trafic international.
Par ailleurs, l’encadrement procédural prévu par l’article L. 812‑4 du CESEDA est similaire à celui qui prévaut en matière de droit de visite douanière, d’abord de manière prétorienne, à la suite de décisions de la Cour de cassation, puis par une consécration législative dans le cadre de la récente refonte du droit de visite douanière, et en particulier en application des articles 60‑1, 60‑5, 60‑7 et 60‑8 du code des douanes, issus de cette refonte (cf. infra, encadré sur le droit de visite douanière) ([640]).
● Le Conseil constitutionnel a validé le principe de contrôles des documents et pièces dans les zones à forte exposition internationale, en particulier la « bande Schengen », dans une décision rendue le 5 août 1993 ([641]).
Surtout, en 1997, il a expressément jugé conforme à la Constitution le dispositif de la visite sommaire prévu par le CESEDA ([642]), en relevant que :
– les contrôles ont pour but de rechercher et de constater les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France – étant rappelé que la recherche des auteurs d’infractions est un objectif de valeur constitutionnelle ;
– les voitures particulières sont exclues du champ du dispositif ;
– les contrôles consistent en une visite sommaire, c’est-à-dire une opération destinée à s’assurer de l’absence de personnes dissimulées, et non une fouille du véhicule ;
– les contrôles sont réalisés sous la direction et le contrôle permanent du parquet et, d’une manière générale, les garanties procédurales prévues sont suffisantes.
Le droit de visite douanière
À l’origine prévu à l’article 60 du code des douanes, le droit de visite douanière a récemment fait l’objet d’une refonte d’ampleur à la suite de sa censure par le Conseil constitutionnel (1), et figure désormais aux articles 60 à 60‑10 du code des douanes (2).
Schématiquement, le droit de visite douanière s’exerce désormais :
– sans motif particulier dans la zone terrestre du rayon des douanes (bande de 40 kilomètres à partir de la frontière) et dans les lieux à forte exposition internationale ;
– dans les autres lieux, sur motifs particuliers, soit en cas de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction douanière, soit, après information du parquet, pour rechercher certaines infractions.
La refonte du droit de visite douanière a également consacré dans la loi l’encadrement jurisprudentiel dégagé par la Cour de cassation, en prévoyant notamment :
– l’interdiction de la fouille à corps ;
– la limitation de l’immobilisation des personnes, marchandises et véhicules le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations matérielles de visite ;
– l’information du parquet au-delà de quatre heures à compter du début des opérations de visite ;
– le caractère contradictoire du droit de visite, supposant en principe la présence de la personne concernée.
Pour une présentation détaillée du cadre juridique du droit de visite douanière et du contenu de sa refonte, il est renvoyé au commentaire de l’article 2 du projet de loi correspondant par Mme Élodie Jacquier‑Laforge, rapporteure pour avis de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi (3).
(1) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑1010 QPC du 22 septembre 2022, M. Mounir S. [Droit de visite des agents des douanes].
(2) Articles issus de l’article 2 de la loi n° 2023‑610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
(3) Rapport sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, Assemblée nationale, XVIe législature, n° 1352, 14 juin 2023, pages 37 à 68.
2. Le projet de loi initial
Considérant que l’exclusion des véhicules particuliers du champ de la visite sommaire prévue à l’article L. 812‑3 du CESEDA ne se justifiait plus, et était au contraire un facteur exploité par les passeurs, le Gouvernement, à travers le présent article, a prévu d’étendre le droit de visite sommaire aux véhicules particuliers, en supprimant l’exemption dont ils bénéficient actuellement.
Ainsi que l’indique l’étude d’impact du présent projet de loi, l’efficacité « des contrôles […] est en baisse marquée depuis plusieurs années du fait des contre‑mesures prises par les passeurs. En effet, ceux-ci ont maintenant recours à des véhicules particuliers de moins de neuf places pour échapper aux contrôles » ([643]).
Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État n’a formulé aucune observation sur le dispositif prévu au présent article ([644]).
3. Les modifications apportées par le Sénat
Tout en conservant la suppression de l’exclusion des véhicules particuliers du champ de la visite sommaire, la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de ses rapporteurs, Mme Muriel Jourda (LR) et M. Philippe Bonnecarrère (UC) ([645]), a souhaité renforcer les garanties procédurales attachées à la visite sommaire des véhicules particuliers.
Ainsi, la visite des véhicules particuliers sur le fondement de l’article L. 812‑3 du CESEDA ne serait possible que s’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le véhicule en question transporte une personne qui a commis, ou tenté de commettre, une infraction relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.
4. La position de la Commission
Sur la proposition de votre rapporteur, la Commission est revenue sur les modifications apportées par le Sénat, en supprimant la condition tenant à l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction.
En plus de limiter considérablement le caractère opérationnel et l’effectivité de la mesure prévue au présent article, cette condition n’apparaît en effet pas juridiquement nécessaire ou opportune – rappelons à cet égard que le Conseil d’État n’a formulé aucune observation particulière sur le dispositif initial.
En effet, la visite des véhicules particuliers rendue possible par cet article est une visite sommaire, dont l’objet, ainsi qu’il a été vu, consiste seulement à s’assurer de l’absence de personne dissimulée. Il ne s’agit donc pas d’une fouille approfondie portant une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des conducteurs et passagers.
En outre, cette visite se fait dans la « bande Schengen », c’est-à-dire dans la zone de 20 kilomètres contigüe à la frontière. Or, et comme cela a été rappelé, en matière douanière, si l’exercice du droit de visite est subordonné à l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’infractions, cette condition ne s’applique ni dans la zone terrestre du rayon des douanes, ni dans les lieux à forte exposition internationale, ainsi qu’il résulte des dispositions combinées des articles 60‑1 et 60‑2 du code des douanes. Dans ces lieux et dans cette zone, profonde de 40 kilomètres, aucun motif n’est exigé pour l’exercice du droit de visite douanière.
Cette dichotomie du droit de visite douanière tire directement les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, qui précisait que l’encadrement de ce droit de visite pouvait reposer sur des critères géographiques, n’exigeant alors pas de motifs particuliers, ou sur l’existence de tels motifs particuliers : le législateur a transposé cette analyse dans la réforme du droit de visite douanière, retenant un critère géographique et, hors des lieux concernés par ce critère, l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction.
Le parallèle tiré avec le droit de visite douanière et l’encadrement dont il fait l’objet montre ainsi, s’agissant de la visite sommaire des véhicules particuliers dans la « bande Schengen », que le critère de l’existence de motifs particuliers n’est pas le seul possible pour autoriser la visite sommaire des véhicules : le critère géographique peut aussi, à lui seul, être suffisant.
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Article 18
(art. L. 612‑6, L. 612‑7, L. 612‑8 et L. 613‑9 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF
au cours d’un séjour antérieur sur le territoire français
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article, dans sa version initiale, créait une nouvelle hypothèse de refus obligatoire de visa, lorsque l’étranger demandeur avait fait l’objet d’une OQTF depuis moins de cinq ans et qu’il n’apportait pas la preuve d’y avoir régulièrement déféré.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification législative n’est récemment intervenue en ce domaine.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a réécrit l’article, en substituant au dispositif initial une extension à cinq ans de la durée maximale des interdictions de retour dont les OQTF peuvent être assorties.
Modifications apportées par la Commission
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a inscrit au présent article le dispositif de l’article 10 bis.
1. L’état du droit
a. Le refus de délivrance de visa
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit, à ses articles L. 312‑1 et suivants, les modalités de demande et de délivrance de visa.
S’agissant plus particulièrement des visas de court séjour (moins de trois mois) et des visas en qualité d’étudiant, le droit européen prévoit un cadre consacré dans le règlement européen « code des visas » du 13 juillet 2009 ([646]) et dans la directive du 11 mai 2016 ([647]).
L’article 21 du « code des visas » européen prévoit les modalités d’appréciation de la situation du demandeur de visa, notamment à l’aune du risque d’immigration illégale ou du risque pour la sécurité des États membres. Dans ce cadre, les autorités consulaires nationales peuvent prendre en compte la durée des séjours antérieurs et l’éventuel dépassement de la durée maximale de séjour autorisé.
L’article 32 de ce règlement prévoit en outre des hypothèses de refus de visa, reposant notamment sur la falsification de documents, l’absence de justification de l’objet du séjour, l’absence de preuve en matière de subsistance ou encore, sans que cette énumération ne prétende à l’exhaustivité, la menace pour l’ordre public.
D’une manière générale, en matière de visas, l’autorité consulaire, lorsqu’elle est saisie d’une demande de visa, dispose de prérogatives étendues, et peut notamment s’enquérir des conditions d’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) concernant une personne qui, ultérieurement, demanderait un visa pour la France. En cas de fraude ou de menace à l’ordre public, le visa peut être refusé – y compris, s’agissant d’un visa de long séjour, à l’égard du conjoint d’un ressortissant français, ainsi qu’en dispose l’article L. 312‑3 du CESEDA.
Ainsi, en 2021, près de 20 % des demandes de visas ont fait l’objet d’une décision de refus, avec une prépondérance relativement marquée s’agissant des demandes de visa de long séjour ([648]).
b. L’OQTF assortie d’interdiction de retour
● Si, en application de l’article L. 612‑1 du CESEDA, une OQTF fait en principe l’objet d’un délai de départ volontaire, un tel délai peut être refusé, notamment à l’aune du risque que l’étranger fait peser.
Ainsi que le prévoit l’article L. 612‑6 du CESEDA, en l’absence de délai de départ volontaire accordé, l’OQTF est assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français – hors circonstances humanitaires éventuelles. D’autres hypothèses peuvent conduire l’administration à prononcer une telle interdiction (articles L. 612‑7 à L. 612‑9 du CESEDA).
La durée maximale de l’interdiction de retour est comprise entre deux et trois ans, en fonction de l’hypothèse qui l’a fondée. En application de l’article L. 612‑10 du CESEDA, pour fixer cette durée, l’administration doit tenir compte de différents éléments, tels que :
– la durée de la présence sur le territoire ;
– la nature des liens avec la France ;
– le fait d’avoir déjà fait l’objet d’une mesure d’éloignement ;
– ou encore la menace pour l’ordre public que la présence de la personne constitue.
Par ailleurs, l’interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de deux ans supplémentaires en application de l’article L. 612‑11 du CESEDA, notamment si la personne s’est maintenue en France alors qu’elle devait quitter le territoire, soit que cela devait être fait sans délai, soit que le délai accordé avait été dépassé, ou encore si la personne est revenue en France alors qu’elle faisait l’objet d’une interdiction de retour valide.
La durée totale de l’interdiction de séjour, compte tenu le cas échéant des prolongations décidées, ne peut excéder cinq ans, sauf menace grave pour l’ordre public.
● La durée des interdictions de retour est encadrée par le droit européen à travers la directive « retour » du 16 décembre 2008 ([649]), dont l’article 11 prévoit qu’elle est fixée « en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas ».
Si, en principe, cette durée ne peut dépasser cinq ans, des dérogations à cette limite sont possibles « si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ».
2. Le projet de loi initial
● Afin de mieux tenir compte des infractions relatives au séjour des étrangers en matière d’octroi de visa, le présent article, dans sa version initiale, prévoyait une nouvelle hypothèse de refus obligatoire de visa, consacrée dans un nouvel article L. 312‑1 A du CESEDA.
Aux termes de ce nouvel article L. 312‑1 A, le visa devait être refusé si l’étranger demandeur avait fait l’objet d’une OQTF depuis moins de cinq ans et n’apportait pas la preuve qu’il avait quitté le territoire dans le délai qui lui avait été imparti – en cas de délai de départ volontaire accordé – ou dans les conditions prévues à l’article L. 612‑2 du CESEDA, en cas de refus d’octroi d’un tel délai.
Le second alinéa du nouvel article L. 312‑1 A écartait le refus obligatoire du visa si les circonstances humanitaires le justifiaient, d’une manière analogue à ce que prévoient déjà les articles L. 612‑6 et L. 612‑7 en matière d’interdiction de retour.
Ainsi que l’indique l’étude d’impact, l’objectif de ce dispositif est d’accroître la prise en compte des infractions à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers antérieures dans la délivrance d’un visa.
● Dans son avis rendu sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a proposé d’écarter ce dispositif, jugeant « qu’il est d’ores et déjà possible à l’autorité consulaire saisie d’une demande de visa, dans le cadre des larges pouvoirs dont elle dispose, de s’enquérir des conditions d’exécution d’une OQTF et d’en tenir compte pour accueillir ou rejeter la demande. » ([650])
Le Conseil d’État estimait ainsi que l’objectif poursuivi par le dispositif, satisfait dans son principe, pouvait être atteint par une instruction adressée aux services, sans qu’il soit requis de modifier la loi à cet effet – une telle modification pouvant au demeurant « fragiliser le pouvoir discrétionnaire qui lui [l’administration] est depuis toujours reconnu dans cette matière. » ([651])
Enfin, le Conseil d’État avait soulevé des difficultés pratiques, en particulier en matière de preuve pour le demandeur, et les risques d’ouvrir « un nouveau volet dans le contentieux des refus de visas. » ([652])
3. Les modifications apportées par le Sénat
● Faisant sienne l’appréciation du Conseil d’État, la commission des Lois du Sénat a supprimé le dispositif proposé par le Gouvernement, pour lui substituer une extension à cinq ans de la durée maximale des interdictions de retour dont les OQTF peuvent être assorties en application des articles L. 612‑6 et suivants du CESEDA :
– la durée maximale de l’interdiction de retour en l’absence d’un délai de départ volontaire passerait de trois à cinq ans, à travers une modification de l’article L. 612‑6 (1° du présent article) ;
– la durée maximale de l’interdiction de retour lorsque l’étranger a bénéficié d’un délai de départ volontaire passerait de deux à cinq ans, à travers une modification de l’article L. 612‑8 (2° du présent article) ;
– enfin, cette durée passerait de deux à cinq ans dans l’hypothèse où la personne s’est irrégulièrement maintenue sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été consenti (article L. 612‑7) (2° du présent article).
La possibilité de prolonger pour deux années supplémentaires l’interdiction de retour, prévue à l’article L. 612‑11, est conservée, mais elle n’aura pas systématiquement pour effet de porter à sept ans la durée maximale de l’interdiction : le dernier alinéa de cet article L. 612‑11 n’étant pas modifié, la durée totale de l’interdiction de retour demeure fixée à cinq ans, sauf menace grave pour l’ordre public.
● Ce nouveau dispositif résulte de l’adoption, par la commission, de deux amendements identiques présentés par les rapporteurs du projet de loi et par M. Marc‑Philippe Daubresse (LR) ([653]).
● Notons que le Sénat a adopté un nouvel article 10 bis sur proposition du Gouvernement, pour tenir compte des modifications apportées au présent article s’agissant de la durée maximale de l’interdiction de séjour en cas de menace grave pour l’ordre public, portée par cet article 10 bis à dix ans (cf. supra, commentaire de l’article 10 bis).
Par ailleurs, le dispositif initial du présent article a été inscrit par le Sénat dans un nouvel article 18 bis (cf. infra).
4. La position de la Commission
À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a inséré au sein du présent article le dispositif de l’article 10 bis du projet de loi ([654]).
Pour mémoire, ce dispositif :
– fixe à dix ans la durée maximale de l’interdiction de retour si la présence de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public ;
– prévoit un mécanisme de réexamen périodique de l’interdiction de retour.
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Article 18 bis
(art. L. 312‑1 A [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Refus de délivrance d’un visa à l’étranger ne pouvant justifier du respect
des modalités d’exécution d’une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Cet article, introduit au Sénat en séance, reprend le dispositif initial de l’article 18 du projet de loi, sur lequel la commission est revenue, et qui prévoit un motif de refus obligatoire de visa à l’égard d’un étranger qui ne peut justifier d’avoir respecté les modalités d’exécution d’une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune modification législative n’est récemment intervenue en ce domaine.
Modifications apportées par la Commission
Aucune modification n’a été apportée par la Commission.
1. L’état du droit
Il est renvoyé au 1 du commentaire de l’article 18 pour une présentation de l’état du droit.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance, d’un amendement de M. Saïd Omar Oili (RDPI) et plusieurs de ses collègues, ayant fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et d’un avis favorable du Gouvernement ([655]).
Il consiste en la reprise du dispositif initial de l’article 18 du présent projet de loi, que la commission des lois du Sénat a réécrit pour lui substituer une extension de la durée maximale d’interdiction de retour.
Le présent article prévoit ainsi, dans un nouvel article L. 312‑1 A du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), un nouveau motif de refus obligatoire de visa à l’égard d’un étranger qui, ayant fait l’objet d’une OQTF depuis moins de cinq ans, n’apporte pas la preuve qu’il y a déféré et a quitté le territoire français en application de cette décision.
Il est renvoyé au commentaire de l’article 18 pour une présentation détaillée du dispositif prévu au présent article.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
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TITRE IV
Engager une réforme structurelle du système de l’asile
Article 19
(art. L. 521-6, L. 531-21 et L. 531-32 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Expérimentation de pôles territoriaux « France asile »
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 19 permet la création de pôles territoriaux « France Asile » permettant au demandeur d’asile de procéder, en un même lieu, à son enregistrement auprès de la préfecture, à l’ouverture de droits par l’Office français pour l'immigration et l'intégration (OFII), ainsi qu’à l’introduction de sa demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Dernières modifications législatives intervenues
La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dite directive « procédures », impose qu’il soit procédé à l’enregistrement des demandes d’asile dans un délai de trois jours à compter de leur présentation auprès de l’autorité compétente. Cette obligation a été introduite dans le CESEDA par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile. Pour procéder à cet enregistrement accéléré, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des crédits, répartis entre le ministère de l’intérieur et l’établissement public, pour permettre le déploiement de guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (GUDA) regroupant des agents des services de l’asile des préfectures et des agents de l’OFII.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a souhaité que la mise en place de ces pôles territoriaux « France Asile » prenne la forme d’une expérimentation d’une durée de quatre ans. Il a supprimé le délai de vingt et un jours entre l’enregistrement de la demande d’asile et l’introduction de celle-ci et a, en revanche, consacré explicitement un délai de vingt et un jours minimum entre l’introduction de la demande d’asile et la tenue de l’entretien avec l’officier de protection de l’OFPRA. Enfin, un amendement du Gouvernement, adopté contre l’avis de la commission, a prévu la possibilité de mener les entretiens individuels par un moyen de communication audiovisuelle dans le cadre de l’expérimentation lorsqu’il s’agit de cas d’irrecevabilité.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois, à l’initiative de votre rapporteur M. Ludovic Mendes, a rétabli l’article 19 dans une version permettant le déploiement sans expérimentation préalable des pôles territoriaux « France Asile ». Certains apports du Sénat sont maintenus, relatifs aux cas d’irrecevabilité de la demande d’asile et à la possibilité, dans certains de ces cas, de mener par visioconférence l’entretien personnel du demandeur. Enfin, des précisions sont apportées sur le caractère sommaire des informations données par le demandeur au moment de l’introduction de sa demande, ces informations ne devant pas empiéter sur celles transmises à l’OFPRA, dans un délai raisonnable, dans le cadre du « récit » élaboré en français.
1. L’état du droit
Le dispositif de demande d’asile en France s’articule autour de quatre étapes :
L’OFPRA convoque ensuite le demandeur, généralement au siège de l’OFPRA, pour un entretien avec un officier de protection. En moyenne, à compter de l’introduction de la demande, l’OFPRA statue en 122 jours (toutes procédures confondues) ([656]) .
2. Le projet de loi initial
L’article 19 permet de créer des pôles territoriaux « France Asile » se substituant progressivement aux 33 guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA) existant actuellement en France.
L’objectif poursuivi par le Gouvernement est celui d’une simplification du parcours administratif des demandeurs d’asile qui ne peuvent aujourd’hui effectuer dans les GUDA que deux des étapes du dispositif décrit ci‑dessus. L’étude d’impact souligne que le dispositif est peu lisible pour l’usager – l’OFPRA, qui statuera sur sa demande, n’étant pas représenté au sein du GUDA – et qu’il conduit, en outre, à différer de plusieurs semaines le premier contact entre le demandeur et l’OFPRA, au terme du délai d’organisation non compressible de trois semaines à un mois qui s’ajoute au délai de 21 jours d’introduction de la demande par voie postale ([657]) .
La création des pôles territoriaux doit permettre de répondre à ces deux difficultés :
en accroissant la lisibilité du dispositif avec la possibilité de procéder en un même lieu à l’enregistrement de la demande d’asile auprès des services préfectoraux, à l’octroi des conditions matérielles d’accueil par l’OFII et à l’introduction de la demande d’asile auprès de l’OFPRA, dont la présence d’un agent au sein du pôle constitue le principal apport au regard de la situation actuelle;
en raccourcissant les délais nécessaires à la mise en œuvre de cette procédure, grâce à l’introduction immédiate de la demande d’asile, ce qui permet de supprimer le délai de 21 jours fixé par décret en Conseil d’État (art. L. 531-2 du CESEDA).
L’article 19 modifie, en conséquence, l’article L. 521-6 du CESEDA qui régit les conditions de détermination de la langue dans laquelle se déroule l’entretien, cette compétence relevant désormais du représentant de l’OFPRA et non plus de la préfecture. Cette évolution est également susceptible d’améliorer le parcours du demandeur d’asile, les agents de l’OFPRA étant a priori mieux à même de guider le demandeur dans le choix de sa langue d’entretien.
Votre rapporteur note que cette réforme de l’accueil nécessitera des moyens identifiés en partie par l’étude d’impact et confirmés lors de l’audition du directeur général de l’OFPRA, M. Julien Boucher : une application informatique devra être créée afin de recueillir les informations communiquées oralement à l’agent de l’OFPRA par le demandeur et le déploiement de l’OFPRA dans ces guichets uniques pourrait entraîner la création de 100 à 150 emplois.
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. En commission des lois
La commission des lois du Sénat a souhaité que la mise en place de ces pôles territoriaux « France Asile » prenne la forme d’une expérimentation telle que définie à l’article 37-1 de la Constitution, d’une durée de quatre ans, déployée dans au moins dix départements définis par arrêté du ministre de l’intérieur, dont au moins un situé en outre-mer ([658]) . Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement devra adresser au Parlement un rapport procédant à l’évaluation de cette expérimentation.
La commission des lois du Sénat a également précisé que le demandeur d’asile pouvait compléter sa demande de tout élément ou pièce utile jusqu’à son entretien personnel, qui ne pourrait intervenir avant l’expiration d’un délai de vingt et un jour à compter de l’introduction de sa demande d’asile ([659]).
À l’initiative de M. Leconte (SER), un amendement n° COM-134 a été adopté ([660]), pour rappeler, dans le cadre de la création de ces pôles territoriaux, l’indépendance des agents de l’OFPRA, garantie par l’article L. 121-7 du CESEDA.
b. En séance publique
En séance publique, quatre amendements ont été adoptés pour modifier l’article 19.
L’amendement n° 641 des rapporteurs ([661]), adopté avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, apporte des précisions quant aux délais applicables dans le cadre de l’expérimentation :
il supprime explicitement le délai de vingt et un jours existant actuellement entre l’enregistrement de la demande d’asile et son introduction auprès de l'OFPRA;
il crée une dérogation au délai de vingt et un jours introduit par la commission des lois entre l’introduction de la demande d’asile et l’entretien du demandeur avec l’agent de protection de l’OFPRA afin de permettre à l’OFPRA de convoquer le demandeur d’asile dans un délai plus bref dans le cadre des procédures d’urgence. L’OFPRA devant alors statuer dans les quinze jours à compter de l'introduction de la demande, ce délai de vingt-et-un jours n’étant pas applicable.
L’amendement n° 600 du Gouvernement ([662]) adopté avec un avis défavorable de la commission modifie l’article L. 531-21 du CESEDA pour prévoir la possibilité de mener les entretiens individuels par un moyen de communication audiovisuelle dans le cadre de l’expérimentation lorsqu’il s’agit de cas d’irrecevabilité. L’article L. 531-32 du CESEDA dispose, en effet, que l’OFPRA peut prendre une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies
1° lorsque le demandeur bénéficie d’une protection effective au titre de l’asile dans un État membre de l'Union européenne ;
2 ° ou lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ;
3° ou, enfin, en cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article.
La possibilité d’entretien par un moyen de communication audiovisuelle est plus particulièrement réservée aux cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 531-32 et s’ajoute aux possibilités déjà prévues par l’article L. 531-21 du CESEDA (éloignement géographique ou situation particulière du demandeur).
Un amendement n° 156 de M. Bourgi (SER) ([663]) a été adopté, avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, pour prévoir explicitement que le demandeur d’asile soit informé, lors de l’enregistrement de sa demande, de la possibilité que lui garantit l’article L. 531-15 du CESEDA, d’être accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’association lors de son entretien avec l’OFPRA.
Enfin, le Sénat a adopté en séance publique, avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, un amendement n° 487 rect. ([664]) de M. Georges Patient (RDPI) permettant à l’OFPRA de déclarer irrecevable une demande d’asile lorsque le demandeur d’asile bénéficie, dans un pays tiers, d’une protection équivalente à celle offerte par le statut de réfugié – le CESEDA prévoyant actuellement que cette irrecevabilité ne peut être déclarée que lorsque le demandeur bénéficie de ce statut.
4. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté un amendement CL1411 ([665]) de votre rapporteur M. Ludovic Mendes qui rétablit la possibilité de déployer les pôles territoriaux « France Asile » sans passer par une expérimentation de quatre ans. L’amendement retient, en outre, la possibilité introduite par le Gouvernement en séance publique au Sénat de mener par visioconférence l’entretien personnel dans les cas d’irrecevabilité prévus aux 1° et 2° de l’article L. 531-32 du CESEDA. La rédaction adoptée maintient également les apports d’un amendement adopté au Sénat permettant à l’OFPRA de déclarer une demande d’asile irrecevable lorsque le demandeur bénéficie, dans un pays tiers, d’une protection équivalente à celle offerte par le statut de réfugié. Enfin, l’amendement de votre rapporteur précise que les premiers éléments du « récit » ([666]) indiqués par le demandeur à l’agent de l’OFPRA lors de l’introduction de sa demande au sein d’un pôle « France Asile » sont sommaires et font l’objet de compléments jusqu’à l’entretien personnel qui ne peut se tenir avant l’expiration d’un délai raisonnable afin de permettre au demandeur de préparer ce « récit » dans de bonnes conditions.
La Commission des lois a également adopté un amendement rédactionnel de Mme Caroline Yadan ([667]) .
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Article 19 bis A
(art. L. 531-36, L. 531-38 et L. 531-39 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Modalités de clôture du dossier de demande d’asile
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L’article 19 bis A, qui résulte de l’adoption en séance publique d’un amendement n° 642 des rapporteurs ([668]) ayant reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement, rend obligatoire la clôture de l’examen de la demande d’asile du demandeur qui informe l’OFPRA du retrait de cette demande. Il complète les cas dans lesquels l’OFPRA peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande en y ajoutant l’abandon par le demandeur, sans motif légitime, du lieu où il était hébergé en application de l’article L. 552‑8 du CESEDA.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 11 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a réécrit les articles du CESEDA relatifs au retrait d’une demande d’asile et à la clôture d’examen d'une telle demande. Ces dispositions figurent désormais, en application de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, au sein des articles L. 531-36 à L. 531-40 du CESEDA.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
L’article L. 531-36 du CESEDA prévoit que l’OFPRA peut clôturer l’examen de la demande d’asile lorsque le demandeur l’informe du retrait de cette demande.
L’article L. 531-38 du CESEDA dispose que l’OFPRA peut clôturer l’examen d’une demande dans trois autres cas :
1° Lorsque le demandeur, sans motif légitime, a introduit sa demande à l’office en ne respectant pas les délais prévus par décret en Conseil d'État ou ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;
2° Lorsque le demandeur refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l’examen de sa demande;
3° Lorsque le demandeur n’a pas informé l’office, dans un délai raisonnable, de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut être contacté aux fins d'examen de sa demande d'asile.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 642 des rapporteurs (voir supra) qui précise les conditions de clôture d’examen d’une demande d’asile sur deux points :
Il modifie l’article L. 531-36 du CESEDA pour rendre obligatoire la clôture de l’examen de la demande d’asile lorsque le demandeur informe l’OFPRA de son retrait ;
Il complète les conditions fixées à l’article L. 531-38 du CESEDA pour ajouter parmi les motifs permettant à l’OFPRA de clôturer cette demande l’abandon par le demandeur, sans motif légitime, du lieu où il était hébergé en application de l’article L. 552-8.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article sans modification.
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Article 19 bis B (supprimé)
(art. L. 542‑4 et L. 542‑7 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Systématisation du prononcé d’une OQTF et interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie (PUMA) pour les déboutés du droit d’asile
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Adopté en séance publique à l’initiative de Mme Valérie Boyer (LR) ([669]), avec un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement, l’article 19 bis B prévoit que le rejet définitif d’une demande d’asile vaut obligation de quitter le territoire français (OQTF) et entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a supprimé cet article.
1. L’état du droit
Pendant l’instruction de son dossier et jusqu’à ce qu’une réponse définitive y soit apportée, un demandeur d’asile dispose d’un droit au maintien sur le territoire français. Il est donc considéré comme séjournant de manière régulière en France. Il a ainsi accès aux prestations de l’assurance maladie, notamment dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMA).
L’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose que « toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre ». L’arrêté du 10 mai 2017 fixant la liste des titres de séjour prévu au I de l’article R. 111-3 du code de la sécurité sociale admet l’attestation de demande d’asile comme preuve du séjour régulier pour l’octroi des prestations de sécurité sociale.
Par dérogation au droit commun, les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de la PUMA dès le dépôt de la demande d’asile. Une fois obtenue, elle ouvre droit, pour le demandeur d’asile et ses ayants-droits, à la prise en charge des frais de santé mentionnés à l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale. Cette prise en charge est accordée pour un an renouvelable, y compris pour les étrangers possédant un document de séjour dont la durée de validité est inférieure à un an.
La protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie comprise au sens de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale
Aux termes de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale, la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie prévue à l'article L. 111-2-1 comporte :
« 1° La couverture des frais de médecine générale et spéciale, des frais de soins et de prothèses dentaires, des frais pharmaceutiques et d'appareils, des frais d'examens de biologie médicale, y compris la couverture des frais relatifs aux actes d'investigation individuels, des frais d'hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d'éducation professionnelle, des frais des séances d'accompagnement psychologique mentionnées à l'article L. 162-58, ainsi que des frais d’interventions chirurgicales, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d'examens et de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives ;
2° La couverture des frais de transport des personnes se trouvant dans l’obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ainsi que pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de sécurité sociale, selon les règles définies aux articles L. 162-4-1 et L. 322-5 et dans les conditions et limites tenant compte de l'état du malade et du coût du transport fixées par décret en Conseil d'État ;
3° (Abrogé) ;
4° La couverture des frais de soins et d’hospitalisation afférents à l'interruption volontaire de grossesse effectuée dans les conditions prévues au titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique ;
5° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements à visée préventive réalisés dans le cadre des programmes mentionnés aux articles L. 1411-6 et L. 1411-6-2 du même code, notamment des frais relatifs aux examens de dépistage et aux consultations de prévention effectués au titre des programmes prévus à l'article L. 1411-2 dudit code ainsi que des frais afférents aux vaccinations dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ;
6° La couverture des frais relatifs aux examens de prévention bucco-dentaire mentionnés à l’article L. 2132-2-1 du même code ;
7° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à la préservation de la fertilité et à l'assistance médicale à la procréation, à l'exception de ceux afférents à la conservation des gamètes réalisée en application de l'article L. 2141-12 du code de la santé publique pour des assurés non atteints d'une pathologie altérant leur fertilité et ne relevant pas de l’article L.2 141-11 du même code ;
8° La couverture des frais relatifs aux activités de télésurveillance médicale relevant de la section 11 du chapitre II du présent titre. »
Le demandeur d’asile peut également bénéficier, sous conditions de ressources, de la complémentaire santé solidaire (CSS).
S’il obtient le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, le demandeur pourra être immatriculé définitivement à la sécurité sociale en continuant à bénéficier de la PUMA et de la CSS. Si sa demande est rejetée, le droit à la prise en charge des frais de santé reste ouvert pendant douze mois. Le droit à la CSS reste ouvert jusqu’au renouvellement de celle-ci.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Adopté à l’initiative de Mme Valérie Boyer (LR) ([670]), avec un avis favorable de la commission et de sagesse du Gouvernement, l’article 19 bis B modifie l’article L. 542‑4 du CESEDA pour rendre obligatoire, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou que l’étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français – sauf dans les cas où l’autorité administrative envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif.
Cet article crée également un nouvel article L. 542‑7 du CESEDA qui dispose que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, entraîne l’interruption immédiate de la prise en charge des frais de santé de l’étranger en application de l’article L. 160‑1 du code de la sécurité sociale.
3. La position de la Commission
Adoptant huit amendements identiques ([671]) , dont un amendement CL1413 de votre rapporteur M. Ludovic Mendes, la Commission des lois a supprimé l’article 19 bis B.
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Article 19 bis C
(art. L. 561-2, L. 561-3 et L. 561-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Resserrement des critères de réunification familiale
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Adopté en séance publique à l’initiative du Gouvernement ([672]), l’article 19 bis C modifie les critères d’âge et de liens familiaux permettant de demander la réunification familiale pour les harmoniser avec ceux du regroupement familial. Il limite également à dix-huit mois le délai pendant lequel la procédure de réunification familiale est activable avant de basculer vers le régime général de regroupement familial.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a introduit la procédure de réunification familiale dans le CESEDA. La loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée étend le droit à la réunification familiale du mineur protégé à ses frères et sœurs non mariés s’ils sont à la charge de ses parents.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté deux amendements identiques, dont un amendement CL1596 de votre rapporteur Ludovic Mendes, pour maintenir le bénéfice de la réunification familiale aux frères et sœurs mineurs et non mariés du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire.
1. L’état du droit
Aux termes de l’article L. 561-2 du CESEDA, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, le ressortissant étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale :
1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ;
2° Par son concubin, âgé d’au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ;
3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix‑neuvième anniversaire.
Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L’âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite.
L’article L. 561-3 du CESEDA dispose en outre que « la réunification familiale n’est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement ».
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Introduit en séance publique à l’initiative du Gouvernement (amendement n° 599), l’article 19 bis C resserre les critères de la procédure de réunification familiale. Le Gouvernement souligne, dans l’exposé des motifs de son amendement, que ce resserrement est justifié par l’engorgement qui prévaut actuellement dans le cadre de cette procédure, les crises migratoires ayant contribué, depuis 2015, à une forte augmentation des demandes de visas déposées au titre de la réunification familiale (5 761 demandes en 2015 contre 20 897 en 2022), ce qui entraîne un allongement des délais et une difficulté pour les postes diplomatiques et consulaires français à prendre en charge les demandes de visas présentées par les membres de famille de réfugiés et à statuer sur ces demandes dans les délais réglementaires.
Le Gouvernement a ainsi fait adopter en séance publique les modifications suivantes au droit existant :
Les enfants non mariés (3° de l’article L. 561) ne peuvent prétendre à la réunification familiale que s’ils n’ont pas atteint leur dix‑huitième anniversaire. Par ailleurs, en cas d’adoption, seuls sont éligibles à la réunification familiale les enfants dont le lien de filiation avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire a été établi par un jugement antérieur à la date d’introduction de la demande d’asile.
L’âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de visa prévue par l’article L. 561‑5 dans le cadre de la réunification familiale est introduite. L’article 19 bis C précise cependant que, par dérogation, les enfants du réfugié qui ont atteint l’âge de dix‑huit ans postérieurement à la date d’introduction de la demande d’asile peuvent présenter une demande de visa sur le fondement du présent article dans le délai de trois mois suivant l’obtention du statut de réfugié par leur parent ;
Les mineurs bénéficiant du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire pouvant prétendre à la réunification familiale pour leurs ascendants sont entendus comme les mineurs non accompagnés tel que défini au f de l’article 2 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;
Enfin, un sous-amendement n° 644 des rapporteurs complète l’amendement gouvernemental pour prévoir que les frères et sœurs d’un mineur non accompagné bénéficiant du statut de réfugié ou d’une protection subsidiaire ne peuvent plus prétendre à la réunification familiale ([673]) .
L’article 19 bis C complète la liste établie à l’article L. 561-3 du CESEDA des cas dans lesquels la réunification familiale est refusée en y ajoutant les situations dans lesquelles le conjoint, le partenaire d’union civile, le concubin ou l’enfant ont cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Sont notamment exclus du bénéfice des dispositions de la présente section les enfants ayant constitué leur propre cellule familiale.
Enfin, il modifie l’article L. 561-4 pour prévoir un délai maximal de dix‑huit mois entre l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire et la demande de visa prévue dans le cadre de la procédure de réunification familiale (art. L. 561‑5) dans le cas où le réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur.
3. La osition de la Commission
La Commission des lois a adopté deux amendements identiques ([674]) , dont un amendement CL1596 de votre rapporteur M. Ludovic Mendes, supprimant le sixième alinéa de l’article afin de maintenir la possibilité pour les frères et sœurs mineurs et non mariés du réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire de bénéficier de la procédure de réunification familiale.
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Article 19 bis
(art. L. 531‑36, L. 531‑38 et L. 531‑39 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Situations dans lesquelles l’Office français de l'immigration et de l’intégration (OFII) est tenu de retirer ou de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L'article 19 bis, issu d'un amendement des rapporteurs en commission ([675]) , substitue une obligation de retrait ou de suspension des conditions matérielles d'accueil à la faculté actuellement prévue par les articles L. 551-15 et L. 551-16 du CESEDA.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie étend l’accompagnement social et administratif prévu dans le cadre des conditions matérielles d’accueil à un accompagnement juridique. Elle prévoit, en outre, que le bénéfice des conditions matérielles est subordonné à deux conditions : accepter la proposition d’hébergement ou la région d’orientation et respecter les « exigences des autorités chargées de l’asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l’instruction des demandes ». La loi prévoit que le manquement à ces obligations peut entraîner le retrait immédiat et de plein droit des conditions matérielles d’accueil alors que les dispositions antérieures prévoyaient leur suspension.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté un amendement de votre rapporteur Ludovic Mendes précisant que le refus total ou partiel des conditions matérielles d’accueil doit être déterminé dans le respect des conditions fixées à l’article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
1. L’état du droit
L’octroi de conditions matérielles d'accueil, prévues pour les personnes demandant l’asile, résulte de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale. Cette obligation est transcrite à l'article L. 551-8 du CESEDA.
Ces conditions matérielles sont composées :
D’une allocation pour demandeur d'asile (ADA), versée mensuellement et dont le montant varie selon la composition familiale ;
D’un hébergement dans une structure spécifique.
Elles sont proposées au demandeur par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) après l’enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente.
Les articles L. 551-15 et L. 551-16 du CESEDA prévoient respectivement les conditions des refus et cessation de cette aide.
L'aide peut être refusée dans quatre cas :
si le demandeur refuse la région d’orientation qui a été déterminée par l’OFII ;
s’il refuse la proposition d'hébergement qui lui a été faite ;
s’il dépose une demande de réexamen de sa demande d'asile ;
s’il formule celle-ci hors délai.
L'aide peut être suspendue en cas :
de départ de la région d’orientation ou du lieu d’hébergement ;
d’absence aux entretiens ;
de dissimulation d’informations ;
de fourniture d’informations mensongères ;
de dépôt de plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes.
Il est tenu compte dans tous les cas de la vulnérabilité de la personne.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission des lois
La commission des lois a adopté, à l’initiative des rapporteurs, un amendement n° COM-233 ([676]) qui rend obligatoire et non plus facultative, lorsque les conditions sont réunies, le refus ou la suspension des conditions matérielles d’accueil par l’OFII, sous réserve de l’examen de la vulnérabilité du demandeur auquel l’office doit procéder aux termes des articles L. 551-15 et L. 551-16.
b. Modifications en séance publique
Le Sénat a adopté cet article sans modification en séance publique.
3. La position de la Commission
À l’initiative de votre rapporteur Ludovic Mendes, la Commission a adopté un amendement CL1412 ([677]) qui rappelle que le refus total ou partiel des conditions matérielles d’accueil doit être déterminé dans le respect des conditions fixées à l’article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale. Ces conditions, rappelées par votre rapporteur lors de la présentation de son amendement, comportent notamment l’obligation d’élaborer la décision « au cas par cas, objectivement et impartialement », de la motiver et de la fonder « sur la situation particulière de la personne concernée ».
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Article 19 ter AA (nouveau)
(art. 551-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Sécurisation de l’hébergement du demandeur d’asile dans le cadre de son orientation vers une autre région
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission
À l’initiative de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et avec un avis de sagesse de votre rapporteur Ludovic Mendes, la Commission a adopté un article 19 ter AA précisant que les demandeurs d’asile orientés vers une autre région dans le cadre du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile (SNADAR) sont dirigés vers un hébergement pour demandeurs d’asile.
1. L’état du droit
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie consacre le principe de l’orientation directive des demandeurs d’asile et l’existence d’un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile (SNADAR) décliné en schémas régionaux et destiné à permettre une répartition plus équilibrée des demandeurs d’asile sur le territoire national.
L’article L. 552-1 du CESEDA définit les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile comme :
1° Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile définis à l'article L. 348‑1 du code de l'action sociale et des familles ;
2° Toute structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l’asile pour l’accueil de demandeurs d’asile et soumise à déclaration, au sens de l’article L. 322-1 du même code.
En outre, en l’état actuel du droit, l’article L. 551-4 dispose que « lorsque la part des demandeurs d'asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et les capacités d'accueil de cette région, le demandeur d'asile peut être orienté vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l'examen de sa demande d'asile ».
2. Le dispositif introduit en Commission
L’amendement CL1234 ([678]) de Mme Marjolaine Meynier-Millefert précise les dispositions de l’article L. 551-4 en substituant à la seule orientation vers une autre région le fait que les demandeurs d’asile sont orientés vers un lieu d’hébergement répondant à la définition de l’article L. 552-1 du CESEDA.
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Article 19 ter AB (nouveau)
(art. L. 160 1 du code de la sécurité sociale)
Durée minimale de présence régulière en France d’au moins six mois pour bénéficier d’une prolongation de la PUMA
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission
À l’initiative de Mme Véronique Louwagie et avec un avis de sagesse de votre rapporteur Ludovic Mendes, la Commission des lois a adopté un amendement CL1528 ([679]) qui conditionne la prolongation pour les étrangers dont la situation est devenue irrégulière du droit à la prise en charge des frais de santé par la protection universelle maladie (Puma) et, le cas échéant, par la complémentaire santé solidaire (CSS) à une durée minimale de présence régulière sur le territoire français d’au moins six mois.
1. L’état du droit
Voir le commentaire de l’article 14 B concernant la protection universelle maladie (Puma) et la complémentaire santé solidaire (CSS).
2. Le dispositif introduit par la Commission
À l’initiative de Mme Véronique Louwagie et avec un avis de sagesse de votre rapporteur .Ludovic Mendes, la Commission des lois a adopté un amendement CL1528 ([680]) qui conditionne à une durée minimale de présence régulière sur le territoire français d’au moins six mois la prolongation pour les étrangers dont la situation est devenue irrégulière du droit à la prise en charge des frais de santé par la protection universelle maladie (Puma) et, le cas échéant, par la complémentaire santé solidaire (CSS). Cette prolongation est actuellement de six mois à compter de la date à laquelle l’affilié ne remplit plus les conditions pour bénéficier de ces dispositifs.
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Article 19 ter A (supprimé)
(art. L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles)
Exclusion des étrangers en situation irrégulière du dispositif d'hébergement d’urgence sauf circonstances exceptionnelles
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L'article 19 ter A, adopté en séance publique à l’initiative de Mme Jacqueline Eustache-Brinio (LR) ([681]), avec un avis défavorable du Gouvernement et favorable de la commission, prévoit l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du dispositif d’hébergement d'urgence sauf circonstances exceptionnelles.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
L’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. L’hébergement d’urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie, notamment lorsque celle-ci est accompagnée par un animal de compagnie ».
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a adopté, en séance publique, contre l’avis du Gouvernement et avec l’assentiment de la commission des lois, un amendement de Mme Jacqueline Eustache-Brinio (LR) qui exclut de la liste des bénéficiaires de l’hébergement d’urgence figurant à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles les étrangers faisant l’objet d’une OQTF ou les demandeurs d’asile dont la demande a été définitivement rejetée. Une exception est néanmoins ménagée pour ces demandeurs d’asile en cas de circonstances exceptionnelles faisant apparaître, pendant le temps strictement nécessaire à leur départ, une situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à cette exclusion.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté un amendement CL1414 de votre rapporteur Ludovic Mendes et plusieurs amendements identiques ([682]) pour supprimer cet article 19 ter A.
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Article 19 ter (supprimé)
(art. L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation)
Intégration des centres provisoires d’hébergement (CPH), des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et des centres d’accueil et d’examen des situations administratives (CAES) dans le décompte des logements sociaux par commune prévu par la loi « SRU »
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L'article 19 ter, issu d’un amendement des rapporteurs ([683]) , inclut les places de certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile dans le décompte des logements sociaux effectué au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 25 de loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a intégré les places en centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) dans le décompte des logements sociaux effectué au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
Modifications apportées par la Commission
Adoptant un amendement n° CL1417 de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et plusieurs amendements identiques, la Commission des lois a supprimé cet article.
1. L’état du droit
L’article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation détermine un objectif de taux de logements locatifs sociaux par commune, fixé à 20 % ou à 25 % de l’ensemble des résidences principales en fonction de différents critères (dont notamment le nombre d'habitants, la densité de l’aire urbaine alentours et la demande de logements sociaux rapportée au nombre d'emménagements annuels).
Il établit la liste des différentes catégories de logements locatifs sociaux retenues dans le décompte, notamment les logements appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré, les résidences autonomie et les terrains locatifs familiaux à destination des gens du voyage. Depuis la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, les places en centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) y sont intégrées afin d'inciter les communes à accueillir de telles structures. Le III de l'article R. 302-15 du code de la construction et de l’habitation fixe les modalités de cette intégration. En pratique, un logement au sens de l'article L. 302-5 équivaut à trois places en CADA.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission des lois
Adopté à l’initiative des rapporteurs (amendement COM-234), l’article 19 ter vise à compléter ce décompte des logements sociaux en y adjoignant :
les centres provisoires d’hébergement (CPH) mentionnés aux articles L. 345-1 et L 349-1 du code de l'action sociale et des familles, destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ;
les centres d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), qui accueillent, à titre provisoire, les demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle en CADA ou ceux ne pouvant pas bénéficier d'un hébergement en CADA ;
les « structures d'accueil des étrangers qui ne disposent pas d'un hébergement stable et qui manifestent le souhait de déposer une demande d'asile », ce qui correspondrait aux centres d’accueil et d’examen des situations administratives (CAES), qui hébergent des personnes migrantes dans le but d'évaluer leur situation et de leur faciliter l'accès à un guichet unique pour demandeur d'asile.
b. Les modifications apportées en séance
Le Sénat a adopté cet article sans modification en séance publique.
3. La position de la Commission
Adoptant un amendement CL1417 de votre rapporteur Ludovic Mendes et plusieurs amendements identiques ([684]) , la Commission des lois a supprimé cet article.
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Article 19 quater
(art. L. 551-12 et L. 552-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Impossibilité du maintien, sauf décision explicite de l’administration, des personnes déboutées du droit d’asile dans un hébergement accordé au titre du dispositif national d’accueil
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L’article 19 quater, issu d'un amendement des rapporteurs adopté en commission des lois au Sénat ([685]), prohibe le maintien des déboutés du droit d’asile dans l’hébergement qui leur a été attribué au titre du dispositif national d'accueil, sauf décision motivée de l'administration.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article modifié par un amendement CL1418 de votre rapporteur Ludovic Mendes précisant que les décisions administratives de maintien des déboutés du droit d’asile dans l’hébergement qu’ils occupent se fondent notamment sur l’appréciation de la vulnérabilité de la personne.
1. L’état du droit
Les demandeurs d’asile disposent d’un hébergement au titre des conditions matérielles d’accueil (voir supra). Après l’octroi de la protection internationale, les réfugiés peuvent demeurer dans leur lieu d’hébergement pendant trois mois ([686]) . Les déboutés du droit d’asile voient cesser leur droit à cet hébergement au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français a pris fin (art. L. 551-11).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission des lois
L’amendement n° COM-235 des rapporteurs (voir supra) modifie l’article L. 551-12 du CESEDA pour conditionner le maintien provisoire dans leur hébergement des déboutés du droit d'asile à une décision motivée de l'autorité administrative. Hors de cette décision explicite, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas se maintenir dans l’hébergement.
L’article modifie également l’article L. 551-15 du CESEDA pour prévoir une saisine du juge afin d’obtenir l’évacuation des lieux si la mise en demeure est demeurée infructueuse.
b. Les modifications apportées en séance publique
Un amendement n° 645 ([687]) des rapporteurs, adopté en séance publique avec un double avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, est venu élargir le champ d’application de cet article, substituant aux termes « demandeur d’asile » celui d’ « occupant » afin qu’une saisine du juge puisse être mise en œuvre non seulement vis-à-vis d’un demandeur d’asile débouté, mais aussi d’un réfugié ou d’un demandeur d’asile adoptant un comportement violent ou coupable d’un manquement grave au règlement du lieu d’hébergement.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article modifié par un amendement CL1418 ([688]) de votre rapporteur Ludovic Mendes qui précise que les décisions administratives de maintien des déboutés du droit d’asile dans l’hébergement qu’ils occupent doivent notamment se fonder sur l’appréciation de la vulnérabilité de la personne.
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Article 20
(art. L. 131-3, L. 131-4, L. 131-5 [nouveau], L. 131-6 [nouveau], L. 131-7 [nouveau], L. 131-8 [nouveau], L. 131-9 [nouveau], L. 532-6, L. 532-7 et L. 532-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 20 réforme la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en procédant à sa territorialisation par la création de chambres territoriales et en consacrant le principe du recours au juge unique.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a ouvert la possibilité de statuer dans le cadre d’une formation à juge unique lorsque la décision de l’OFPRA a été prise en procédure accélérée
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a notamment supprimé le recours suspensif devant la CNDA pour certaines procédures accélérées (pays d’origine sûrs, irrecevabilité d’une demande de réexamen, ordre public) et ouvert la possibilité pour la CNDA d’assurer des audiences vidéo, possibilité qui lui était déjà offerte dans le cadre des demandes d’asile dans les territoires ultramarins. En outre, les objectifs du schéma d’orientation des demandeurs d’asile adoptés dans le cadre de cette loi ont entraîné une répartition géographique des demandeurs d’asile plus équilibrée sur l’ensemble du territoire, les contraignant à des déplacements parfois longs pour pouvoir se présenter devant la CNDA qui siège à Montreuil.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté, avec un avis favorable de votre rapporteur Ludovic Mendes, deux amendements identiques CL1080 de M. Philippe Brun et CL1357 de M. Erwan Balanant, prévoyant que la CNDA siège en formation collégiale lorsque le requérant est un mineur.
1. L’état du droit
Créée par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, la cour nationale du droit d’asile (CNDA) est rattachée pour sa gestion depuis le 1er janvier 2009 au Conseil d’État. Elle succède à la Commission des recours des réfugiés, créée par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952.
La CNDA est une juridiction administrative spécialisée à compétence nationale, qui statue en premier et dernier ressort sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Elle siège à Montreuil.
Elle statue en plein contentieux, le juge de l’asile ne se limitant pas à l’annulation de la décision prise par le directeur général de l’OFPRA mais lui substituant sa propre décision en se prononçant sur le droit du demandeur à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire.
La Cour a enregistré 61 552 recours en 2022, avec un taux de recours contre les décisions de l’OFPRA qui s’élève à 81 % (il est traditionnellement compris entre 80 et 85 %) ([689]). Le nombre de recours n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années (voir tableau ci-dessous).
Nombre de recours introduits
devant la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022
Figure 1 : source : Cour nationale du droit d’asile, citée par le rapport législatif du Sénat
Si le nombre de décisions rendues par la CNDA est également croissant, le stock d’affaires pendantes demeure important (voir les deux tableaux ci-dessous).
Nombre de décisions rendues
par la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022
Figure 2 : source : Cour nationale du droit d’asile, citée par le rapport législatif du Sénat
Nombre de décisions en stock devant la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022
Figure 3 : source : Cour nationale du droit d’asile, citée par le rapport législatif du Sénat
a. Des formations de jugement habituellement collégiales
La CNDA statue normalement en formation collégiale, présidée par un magistrat professionnel (en activité ou honoraire, en poste permanent à la CNDA ou vacataire). Au côté de ce magistrat professionnel siègent deux assesseurs non professionnels, l’un nommé par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État et l’autre par le vice-président du Conseil d'État, en fonction de leurs compétences dans les domaines juridiques ou géopolitiques. Le délai qui lui est imparti pour statuer est de cinq mois.
b. Les possibilités de statuer en formation à juge unique
La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a ouvert une possibilité de statuer dans le cadre d’une formation à juge unique lorsque la décision de l’OFPRA a été prise en procédure accélérée en application des articles L. 531-24, L. 531-26 ou L. 531-27 (voir encadré ci-dessous) ou dans le cadre d’une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, prise en application de l’article L. 531-32 du CESEDA ([690]) .
Cas dans lesquels l’OFPRA statue ou peut statuer en formation à juge unique
– L’OFPRA statue, en application de l’article L. 531-24 du CESEDA, en procédure accélérée dans les cas suivants :
1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 du même code ;
2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ;
3° Le demandeur est maintenu en rétention en application de l'article L. 754-3.
– Il statue également en procédure accélérée, en application de l’article L. 531-27, à la demande de l’autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile dans les cas suivants :
1° Le demandeur refuse de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales ;
2° Lors de l'enregistrement de sa demande, le demandeur présente de faux documents d’identité ou de voyage, fournit de fausses indications ou dissimule des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur l’autorité administrative ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ;
3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre‑vingt-dix jours à compter de son entrée en France ;
4° Le demandeur ne présente une demande d'asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ;
5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État ;
6° Le demandeur est assigné à résidence ou placé en rétention en application de l’article L. 753-1, sans préjudice des cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 42-2.
– Il peut également, aux termes de l’article L. 531-26 du même code, statuer de sa propre initiative en procédure accélérée dans les cas suivants :
1° Le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin de l’induire en erreur ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
2° Le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu'il formule ;
3° Le demandeur a fait à l’office des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d'origine.
Dans ce cadre, le président de la CNDA, ou un président de formation désigné par le président, statue dans un délai de cinq semaines à compter de la saisine conformément aux dispositions de l’article L. 532-6 du CESEDA. Un président de formation de jugement ne peut être désigné pour statuer en juge unique que s’il a au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la CNDA conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du CESEDA.
Il est possible, pour le président statuant seul – de sa propre initiative ou à la demande du requérant – de renvoyer l’affaire à une formation collégiale si celle-ci ne relève pas de l’un des cas énoncés ci-dessus ou si elle soulève une difficulté sérieuse.
En 2022, sur 67 142 affaires jugées, 48 752 l’ont été au cours d’une audience (soit 73 % du total des décisions) dont 79 % en formation collégiale et 21 % par une formation à juge unique.
Les délais de jugement en formation à juge unique, comme en formation collégiale, demeurent supérieurs à ceux prévus par le législateur (cinq mois et 25 jours en 2021 contre cinq semaines prévues par la loi).
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a, par ailleurs, élargi les possibilités pour la CNDA de recourir à la vidéo-audience pour tenir des audiences sur le modèle de ce qui était déjà autorisé dans les territoires ultra-marins. Dans ce cas, aux termes de l’article L. 532-13 du CESEDA, doit être utilisé « un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité et la qualité de la transmission avec une salle d'audience spécialement aménagée à cet effet ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l'intéressé ».
2. Le projet de loi initial
L’article 20 permet, d’une part, de territorialiser la CNDA en autorisant le pouvoir réglementaire à créer des « chambres territoriales » en dehors du siège de la CNDA (article L. 131-3 du CESEDA) et généralise, d’autre part, la formation à juge unique.
La territorialisation de la CNDA se justifie par l’augmentation du nombre de demandes émanant de demandeurs habitant en dehors de l’Ile-de-France, du fait notamment de la montée en puissance du dispositif d'orientation régionale des demandeurs d’asile opérationnel depuis 2021 en application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 qui a favorisé une meilleure répartition géographique des demandeurs sur l’ensemble du territoire. Ces demandeurs sont contraints de se rendre à Montreuil, parfois à plusieurs reprises, où siège la CNDA. La vidéo-audience demeure peu développée.
La généralisation de la formation à juge unique constitue une réponse à la nécessité d’améliorer les délais de traitement des demandes. L’étude d’impact relève également des inconvénients liés à la formation collégiale, « l’absence d’un des membres de la formation de jugement entraîne le renvoi de près de 5 % des affaires audiencées. Les formations collégiales connaissent également un nombre plus important de renvois liés à l'impossibilité d'examiner l'ensemble des affaires inscrites au rôle d'une audience (près de 4 % pour 0,5 % en juge unique) » ([691]) .
L’article 20 substitue donc aux articles L. 131-3 et L. 131-4 composant la section II du chapitre unique du titre III du livre Ier sept articles, réorganisant les dispositions déjà existantes et précisant au sein de l’article L. 131‑3 du CESEDA que la Cour peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres territoriales. Le même article dispose que le siège et le ressort des chambres sont fixés par décret en Conseil d’État. Il ajoute que le Président de la Cour affecte les membres des formations de jugement dans les différentes chambres et peut spécialiser celles-ci en fonction du pays d’origine et des langues utilisées.
L’article 20 modifie l’article L. 532-6 du CESEDA pour consacrer la généralisation de la formation à juge unique sans modifier le délai de cinq mois qui lui est imparti pour rendre sa décision. Il abroge l’article L. 532-7 du même code et modifie l’article L. 532-8 (qui devient l’article L. 532-7) par mesure de cohérence. Le nouvel article L. 131-7 garantit cependant la possibilité, « de sa propre initiative ou à la demande du requérant, pour le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement, à tout moment de la procédure, d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale ou de la lui renvoyer s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie ».
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Modifications apportées en commission
La commission des lois du Sénat a adopté cet article sans modification.
b. Modifications apportées en séance publique
Le Sénat a adopté cet article sans modification en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article modifié par deux amendements identiques de MM. Philippe Brun et Erwan Balanant ([692]), ayant reçu un avis favorable de votre rapporteur Ludovic Mendes. Ces amendements prévoient que la CNDA siège en formation collégiale lorsque le requérant est un mineur.
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Article 20 bis
(art. L. 532-13 du code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Possibilité de suspendre la vidéo-audience à la Cour nationale du droit d’asile en cas de difficulté technique
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
L’article 20 bis, adopté à l'initiative des rapporteurs en commission des lois ([693]), formalise la possibilité pour le juge de la CNDA de suspendre une vidéo‑audience en cas de difficulté technique.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a prévu la possibilité d’organiser des audiences dans une salle de la CNDA au moyen d’une communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission la reliant à une salle spécialement aménagée dans un local de justice plus aisément accessible au demandeur (article L. 532-13 du CESEDA).
Modifications apportées par le Commission
La Commission des lois a adopté cet article, modifié par un amendement de votre rapporteur Ludovic Mendes qui rend obligatoire la suspension de la vidéo‑audience par le président de la formation de jugement lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas de garantir des conditions assurant une bonne administration de la justice.
1. L’état du droit
L’article L. 532-13 du CESEDA prévoit qu’afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, et sous réserve que les conditions prévues au même article L. 532-13 soient remplies, le président de la Cour nationale du droit d’asile peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité et la qualité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus à l’article L. 532-12, qui dispose que les requérants peuvent être assistés d’un conseil et d’un interprète pour présenter leurs explications à la Cour.
Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. S’il est assisté d’un conseil, ce dernier doit être physiquement présent auprès de lui. L’interprète mis à disposition du demandeur est présent dans la salle d’audience où se trouve ce dernier. En cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète qualifié présent physiquement auprès du demandeur, l’audience ne se tient qu’après que la cour s'est assurée de la présence, dans la salle où elle siège, d'un tel interprète tout au long de son déroulement.
Ces opérations donnent lieu à l'établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d'audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission
Adopté à l’initiative des rapporteurs en commission des lois ([694]), l’article 20 bis dispose que le président de la formation de jugement peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
b. Modifications apportées en séance publique
En séance publique, les amendements n° 205 ([695]) et n° 206 ([696]) de Mme Marie‑Pierre de La Gontrie, précisent que cette faculté de suspension est ouverte au président de la formation de jugement de sa propre initiative et sur demande des parties et qu’elle peut également être décidée lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas au conseil assistant le demandeur de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté cet article, modifié par un amendement de votre rapporteur M. Ludovic Mendes ([697]) rendant obligatoire la suspension de la vidéo audience par le président de la formation de jugement lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas de garantir des conditions assurant une bonne administration de la justice.
titre v
Simplifier les règles du contentieux relatif à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers
Chapitre Ier
Contentieux administratif
Article 21
(art. L. 910-1, L. 910-2, L. 911-1, L. 921-1, L. 921-2, L. 921-3, L. 921-4, L. 921-5, L. 922-1, L. 922-2, L. 922-3, L. 251-7, L. 271-1, L. 352-4, L. 352-5, L. 352-6, L. 555-1, L. 572-4, L. 572-5, L. 572-6, L. 613-5-1, L. 614-1, L. 614-2, L. 614-3, L. 614-4, L. 614-19, L. 615-2, L. 623-1, L. 721-5, L. 731-1, L. 732-8, L. 752-6, L. 752-7, L. 752-8, L. 752-9, L. 752-10, L. 753-7, L. 753-8, L. 753-9, L. 754-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Réforme et simplification du contentieux administratif des étrangers
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Les articles 21 à 23 du projet de loi procèdent à une refonte des règles applicables en matière de contentieux administratif des étrangers.
Poursuivant un objectif de rationalisation et de simplification, l’article 21 réécrit les règles applicables en la matière dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) pour réduire le nombre de procédures contentieuses à quatre, au lieu de la douzaine existant actuellement.
Les différents contentieux relatifs à la contestation des décisions prises en matière de droit des étrangers sont répartis entre ces procédures, qui prévoient chacune des délais de recours et de jugement spécifiques.
La hiérarchie entre ces contentieux est liée à la prise en compte du degré d’urgence, en fonction de la situation de l’étranger considéré, mais également des impératifs liés à l’efficacité des mesures d’éloignement.
Par ailleurs, l’article 21 modifie les règles relatives à la tenue des audiences, en facilitant le recours à la vidéo-audience.
L’article 22 procède aux coordinations nécessaires dans le code de justice administrative (CJA) pour prendre en compte les modifications des règles de procédures introduites.
L’article 23 modifie, de la même manière, les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour les coordonner au regard de la réforme du contentieux opérée.
Dernières modifications législatives intervenues
Les nombreuses modifications législatives du code de l’entrée et du séjour des étrangers se sont accompagnées, le plus souvent, outre des dispositions de fond, de règles contentieuses.
La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 a réformé le régime contentieux de la rétention administrative, en transférant du tribunal administratif au juge des libertés et de la détention (JLD) le contrôle de la légalité de la décision administrative de placement en rétention. Cette loi a également modifié les règles relatives au titre de séjour.
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a modifié, quant à elle, la procédure relative à la demande d’asile et au recours contre les décisions d’asile.
Modifications apportées par le Sénat
Reprenant les préconisations formulées par le Conseil d’État dans son étude « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous » ([698]) et celles issues du rapport d’information « Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité » ([699]) de la commission des Lois du Sénat de mai 2022, le Sénat a notamment réduit à trois le nombre de procédures applicables en matière de contentieux administratif des étrangers.
Le Sénat a également renforcé les garanties entourant le recours à la vidéo-audience.
Par ailleurs, le Sénat a adopté, lors de l’examen de ces articles en séance, un amendement du Gouvernement aménageant, au sein du code de justice administrative, une procédure contradictoire asymétrique applicable au contentieux de certaines décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme. Cette procédure permet à l’administration de produire à la juridiction des éléments qui, au regard de leur sensibilité, ne pourraient être versés au contradictoire sans mettre en péril l’activité des services de renseignement.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois a rétabli l’architecture contentieuse articulée autour de quatre procédures, telle qu’elle avait été conçue dans le cadre du projet de loi initial.
En premier lieu, la procédure dite « prioritaire », aménageant un délai de recours de 72 heures et un délai de jugement de six semaines, a été rétablie et rendue applicable à l’examen des recours contre les OQTF lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’est accordé à l’étranger.
En deuxième lieu, la procédure dite « spéciale », aménageant un délai de recours de sept jours et un délai de jugement de quinze jours, a été rendue applicable à l’examen des recours contre les OQTF faisant suite à un rejet de la demande d’asile.
En troisième lieu, le régime spécial applicable au traitement des recours contre les OQTF lorsque l’étranger est détenu a été supprimé.
Pour renforcer les garanties applicables à la vidéo-audience devant le juge administratif, la finalité de bonne administration de la justice a été précisée.
Dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications, le principe d’interruption de l’audience a été renforcé, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre l’audience dans une telle situation.
Enfin, la commission des Lois a réduit à deux ans la durée de validité de l’OQTF sur le fondement de laquelle l’autorité administrative peut assigner à résidence l’étranger ou le placer en rétention administrative.
1. L’état du droit
a. Le constat : une complexification croissante du contentieux des étrangers
Le contentieux administratif des étrangers concerne les recours formés contre les décisions prononcées en matière d’entrée sur le territoire national, de droit au séjour, de droit d’asile et d’éloignement.
L’évolution du contexte migratoire international, se caractérisant par une augmentation des flux, ainsi que la création d’un espace de libre circulation européen, dont la mise en œuvre a nécessité la création de nouvelles procédures, permet d’expliquer l’augmentation du nombre des décisions administratives prises à l’égard des étrangers, dont la contestation génère un important contentieux.
Ainsi, en 2019, qui constitue l’année de référence avant la crise sanitaire, plus de 130 000 demandes d’asile ont été enregistrées à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), soit plus de deux fois plus qu’il y a dix ans ([700]). Le nombre d’obligations de quitter le territoire français s’élevait en 2019 à quasiment 123 000, soit 50 % de plus qu’il y a dix ans, dont 60 000 ont été prises en accordant un délai de départ volontaire. Le nombre de décisions de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande d’asile prises sur le fondement du règlement « Dublin III » ([701]) s’est, quant à lui, élevé à 23 500 ([702]).
Le contentieux des étrangers est ainsi le principal type de contentieux dont les juridictions administratives sont actuellement saisies. En 2022, ce contentieux représentait 43,5 % de l’activité contentieuse des tribunaux administratifs, 56,1 % de celle des cours administratives d’appels et 18,7 % de celle du Conseil d’État ([703]). Entre les années 2015 et 2019, il est ainsi possible d’observer une augmentation de 24 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs en contentieux des étrangers ([704]). Entre 2019 et 2022, ce contentieux a augmenté de 11 % devant les tribunaux administratifs ([705]).
À la demande du Premier ministre, le Conseil d’État a procédé à une étude des règles qui régissent le contentieux des étrangers, pour en améliorer l’efficacité et simplifier la mise en œuvre de ces procédures. Au terme de cette étude, le Conseil d’État a formulé, en mars 2020, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous ».
La principale cause de la complexité du contentieux des étrangers tient, selon le Conseil d’État, à la coexistence d’un grand nombre de régimes procéduraux différents.
Par principe, le contentieux des étrangers obéit aux règles de procédure administrative de droit commun.
C’est par exemple le cas en matière de refus de visas d’entrée en France, de refus d’entrée pris à la frontière hors demande d’asile, ainsi que de mesures d’expulsion et d’interdiction administrative du territoire. Le délai de recours pour contester ces décisions est alors de deux mois suivant leur notification, sauf saisine du juge en référé en cas d’urgence ; la formation de jugement est collégiale et aucun délai de jugement n’est prévu ([706]) .
Toutefois, au gré des réformes, la part du contentieux de droit commun s’est réduite au profit de procédures spécifiques, au point qu’il existerait aujourd’hui presque autant de procédures, dont les délais et le régime varient, que de types de décisions ([707]).
Dans son étude, le Conseil d’État identifie ainsi une douzaine de procédures applicables en contentieux des étrangers ([708]).
Il est ainsi possible d’observer un éparpillement des règles relatives aux procédures contentieuses, qui figurent, pour certaines, dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et, pour d’autres, au sein du code de justice administrative (CJA).
Il existe plusieurs procédures contentieuses spécifiques prévues par le CESEDA et applicables notamment en cas de contestation des décisions relatives au séjour et à l’éloignement d’un étranger, telles que les obligations de quitter le territoire français (OQTF), les décisions relatives au délai de départ volontaire, les interdictions de retour sur le territoire français, les décisions fixant le pays de renvoi, les décisions de réadmission ou de transfert vers un État membre de l’Union européenne. Ces dispositions aménagent des délais de recours et de jugement spécifiques et prévoient également des règles en matière de formation de jugement.
Le contentieux de la contestation des OQTF peut, de ce point de vue, apparaître comme étant symptomatique de « la perte de cohérence des règles relatives aux procédures contentieuses applicables en matière de droit des étrangers » évoquée dans son étude par le Conseil d’État ([709]).
Les règles en la matière diffèrent notamment selon qu’un délai de départ volontaire a été ou non accordé, selon le fondement de la décision, selon qu’une mesure de contrainte (assignation à résidence ou placement en centre de rétention administrative) a été ou non décidée, et selon qu’une telle mesure a été prise avant l’instance ou au cours de cette dernière. La prise en compte de ces différentes variables influe sur la détermination des délais de recours (de quarante-huit heures, de quinze jours ou d’un mois), ainsi que des délais de jugement (de quatre-vingt-seize heures, cent quarante-quatre heures, six semaines ou trois mois selon les cas), comme le synthétise le tableau ci-après.
Les diffÉrentes procÉdures applicables aux OQTF
Fondement de l’OQTF |
Article L. 251-1 3, 5° et 6° de l’article L. 611-1 (1) |
1°, 2° et 4° de l’article L. 611-1 (2) |
Tous fondements |
|||
Avec DDV (3) |
Sans DDV (5) |
Avec DDV (4) |
Sans DDV (5) |
Assignation à résidence (6) |
Rétention administrative (6) |
|
Délai de recours |
30 jours |
48 heures |
15 jours |
48 heures |
48 heures |
|
Délais de jugement |
3 mois |
3 mois |
6 semaines |
6 semaines |
96 heures |
|
Formation de jugement |
Collégiale |
Collégiale |
Juge unique |
Juge unique |
Juge unique |
(1) Recours contre les OQTF mentionnées aux 3°, 5° ou 6° de l’article L. 611-1 du CESEDA (refus de délivrance, refus de renouvellement ou retrait de titre, menace pour l’ordre public ou travail irrégulier d’un étranger en France depuis moins de 3 mois) ou à son article L. 251-1 (éloignement des ressortissants d’un État de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse), et recours contre les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de retour, à l’interdiction de retour à ou de circulation notifiées simultanément.
(2) Recours contre les OQTF mentionnées aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 611-1 du CESEDA (entrée irrégulière en France, maintien au-delà de la durée du visa ou d’un délai de trois mois suivant l’entrée sur le territoire, absence de demande de renouvellement d’un titre de séjour, ou maintien sur le territoire d’un candidat à l’asile débouté de sa demande) et les décisions relatives au délai de départ volontaire au pays de retour et à l’interdiction de retour notifiées simultanément
(3) Délai de départ volontaire (DDV). Article L. 614-4 du CESEDA.
(4) Articles L. 614-5 du CESEDA.
(5) Article L. 614-6 du CESEDA.
(6) Articles L. 614-7 à L. 614-9 du CESEDA.
Source : commission des Lois
L’obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire
L’article L. 612-1 du CESEDA prévoit que, par principe, l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire (DDV) de trente jours à compter de la notification de cette décision.
Le délai accordé peut être, à titre exceptionnel, supérieur à trente jours s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas.
L’autorité administrative peut également prolonger le délai accordé « pour une durée appropriée » s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Dans un tel cas, l’étranger en est informé par écrit.
L’article L. 612-2 du CESEDA prévoit les cas dans lesquels l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire à l’étranger :
1o Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
2o L’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3o Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet ([710]).
L’étranger dispose alors de 48 heures à partir de la notification de la décision pour quitter le territoire français.
Sur 124 111 OQTF prononcées en 2021, 54 651 ont été prononcées avec délai de départ volontaire (soit 44 % du total) et 36 124 ont été prononcées contre des déboutés de l’asile sur le fondement du 4° de l’article L. 611-1 du CESEDA ([711]).
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a relevé que sur le nombre total d’OQTF prononcées en 2021, moins de 8 000 ont été exécutées ([712]).
Les procédures applicables au contentieux du droit d’asile se caractérisent également par leur complexité. Si le contentieux de l’asile relève de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le recours contre certaines décisions liées à la procédure d’asile est porté devant le juge administratif. Il s’agit notamment de la contestation du refus d’asile, de la contestation des décisions de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande, ou encore du refus ou du retrait des conditions matérielles d’accueil.
b. Les perspectives : une refonte et une simplification du contentieux
i. Les procédures
Au terme de son étude, le Conseil d’État a proposé de répondre aux enjeux de la réforme du contentieux des étrangers en rationalisant les procédures existantes autour des objectifs de célérité de traitement et de bonne administration de la justice.
Le Conseil d’État a ainsi proposé de refondre la douzaine de procédures différentes existantes en trois grandes procédures : une procédure ordinaire et deux procédures d’urgence. La répartition des matières relevant de ces procédures s’articule autour de la prise en compte de critères objectifs d’urgence de l’action administrative.
Le Conseil d’État propose ainsi de déterminer des critères objectifs d’urgence fondés, notamment, en matière de séjour et d’éloignement, sur l’existence ou non d’une perspective prochaine d’exécution forcée de la décision d’éloignement, sur l’adoption d’une mesure de contrainte et la nature de cette mesure, sur la circonstance que l’étranger soit placé en détention, ou encore sur l’application du règlement « Dublin III » justifiant un traitement accéléré.
● La procédure ordinaire s’appliquerait aux recours qui ne présentent pas de caractère particulier d’urgence. Le régime procédural serait très proche de celui du droit commun défini par le CJA ([713]), à l’exception de l’aménagement des délais, pour tenir compte de l’objectif de traitement accéléré du contentieux. Le délai de recours serait d’un mois et le délai de jugement par la juridiction administrative serait fixé à six mois.
Les recours contre les OQTF – peu importe leur fondement ou le fait qu’un délai de départ volontaire ou non ait été laissé à l’étranger en cause – relèveraient notamment de cette procédure dès lors que l’étranger qui en fait l’objet n’est ni assigné à résidence, ni placé en rétention administrative.
Les recours contre les décisions de remise à un État membre de l’Union européenne (dite décisions de « réadmission ») sur le fondement des articles L. 621-1 à L. 621-7 du CESEDA relèveraient également de cette procédure, sauf si une mesure de contrainte a été décidée.
Un basculement du contentieux vers une procédure d’urgence serait prévu en cas de placement en rétention ou d’assignation à résidence en cours d’instance.
Les deux procédures d’urgence, applicables en cas d’assignation à résidence ou de rétention administrative, se distingueraient par leurs délais de recours et de jugement, adaptés eu égard au caractère imminent de l’éloignement :
● La procédure accélérée : cette procédure serait soumise à des délais brefs de recours de sept jours et de jugement de quinze jours. Il serait statué par juge unique, sans conclusions du rapporteur public.
Relèveraient de cette procédure les recours contre les OQTF en cas d’assignation à résidence, contre la décision d’éloignement dont fait l’objet l’étranger lorsqu’il est placé en détention, ou encore contre la décision de transfert prise sur le fondement du règlement « Dublin III », ainsi que ceux dirigés contre les autres mesures relatives à la mise en œuvre du règlement « Dublin III » (notamment celles par lesquelles les préfets refusent de reconnaître la compétence de la France pour examiner la demande d’asile) ou contre les décisions qui refusent, retirent ou limitent le bénéfice des conditions matérielles d’accueil aux demandeurs d’asile.
● La procédure d’urgence : il est proposé de conserver les délais aujourd’hui applicables à la contestation des OQTF en cas de placement en rétention ou d’assignation à résidence, à savoir un délai de recours de quarante-huit heures et un délai de jugement de quatre-vingt-seize heures ([714]). Les règles procédurales seraient identiques à la procédure d’urgence, à l’exception du prononcé du dispositif du jugement en audience, qui serait ici prévu.
Les recours contre les OQTF en cas de placement en rétention relèveraient de cette procédure. Il en serait de même pour les recours dirigés contre les décisions de transfert vers l’État responsable de la demande, lorsque l’étranger est maintenu en zone d’attente à la suite d’un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, ou contre la décision de transfert prise sur le fondement du règlement « Dublin III », en cas de placement en rétention.
Rompant avec la logique procédurale actuelle, les propositions du Conseil d’État tendent à distinguer les procédures en matière d’éloignement des étrangers en fonction du degré de contrainte à laquelle il est soumis, et non plus au regard du fondement de la mesure contestée.
S’agissant du contentieux de l’asile, le Conseil d’État propose l’application de procédures rapides pour l’ensemble du contentieux relatif aux décisions de transferts et pour celui relatif aux conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile.
ii. L’audience
Le Conseil d’État ne s’est pas prononcé, dans son étude, quant aux modalités de la tenue des audiences, mais a souligné que, lorsque l’étranger était détenu, il pouvait être délicat d’organiser son extraction, ce qui entraînait parfois la nécessité de renvoyer l’audience ([715]) .
Les dispositions du CESEDA prévoient qu’en principe, l’audience se tient au siège du tribunal administratif compétent. Ces dispositions prévoient également la possibilité de tenir l’audience dans une salle d’audience, attribuée au ministère de la Justice, spécialement aménagée à proximité de la zone d’attente ou du lieu de rétention, ouverte au public. Il est alors possible pour le juge de décider de recourir à l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle ([716]). En ce qui concerne le contentieux de la décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’article L. 614-11 du CESEDA prévoit que le juge peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu de rétention où est maintenu l’étranger.
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
a. Présentation générale des dispositions
La réforme du contentieux des étrangers entend, selon l’étude d’impact du projet de loi, « concilier les objectifs de simplification des procédures contentieuses et les impératifs de politiques publiques en matière d’immigration et d’asile ».
Pour simplifier et rationaliser le traitement de ce contentieux, les articles 21 à 23 visent à adapter et hiérarchiser les délais de recours et à harmoniser les délais de jugement en fonction de la typologie des affaires, en distinguant, notamment en matière d’OQTF, selon qu’il est accordé ou non un délai de départ volontaire, ainsi qu’en fonction du public concerné, s’agissant des demandeurs d’asile.
À cette fin, le projet de loi, qui ne reprend pas dans son intégralité les propositions émises par le Conseil d’État dans le cadre de son étude, réduit à quatre le nombre de procédures applicables.
Sans se limiter aux critères objectifs d’urgence dégagés par le Conseil d’État, le projet entend adapter les procédures en tenant compte « de la spécificité du droit de l’éloignement qui exige une exécution rapide par l’étranger lui-même de la mesure dont il fait l’objet » et au regard « des différents profils d’étrangers faisant l’objet de telles mesures » ([717]).
Il se distingue du projet de refonte des procédures contentieuses présenté par le Conseil d’État dans son étude sur deux aspects en particulier :
– D’une part, le projet de loi n’unifie que partiellement les procédures applicables aux recours contre les OQTF, en aménageant des dispositions procédurales distinctes en fonction :
● du fondement de la mesure, s’agissant des OQTF faisant suite à un rejet de la demande d’asile ;
● ainsi que du délai de départ volontaire accordé ou non à l’intéressé.
Le projet de loi ne suit pas non plus la recommandation du Conseil d’État qui suggérait dans son étude de prévoir une procédure spécifique pour la contestation des OQTF adressées aux étrangers détenus, indépendamment du dispositif de jugement accéléré existant à l’article L. 614-15 du CESEDA ([718]) .
– D’autre part, le projet de loi crée quatre procédures distinctes au lieu des trois recommandées par le Conseil d’État, et conserve un dispositif de jugement accéléré pour les étrangers détenus faisant l’objet d’une OQTF. Ces procédures s’articulent ainsi :
● La procédure ordinaire prévue au nouvel article L. 911-1 du CESEDA, pour laquelle le délai de recours est d’un mois et le délai de jugement de six mois, est rendue applicable aux décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) assorties d’un délai de départ volontaire (DDV).
Il est prévu que lorsqu’en cours d’instance, l’étranger en cause est assigné à résidence, le délai de jugement est réduit à quinze jours. S’il est placé en rétention administrative en cours d’instance, le délai de jugement est alors réduit à cent quarante-quatre heures. Dans le cas où le délai de jugement est ainsi abrégé, l’affaire est alors jugée à juge unique et sans conclusions du rapporteur public, selon les règles prévues pour les procédures prioritaires, spéciale et d’urgence ([719]) .
● La procédure prioritaire prévue au nouvel article L. 921-1 du CESEDA, dans le cadre de laquelle le délai de recours est de soixante-douze heures et le délai de jugement de six semaines, est applicable au contentieux des OQTF lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’est accordé à l’étranger en cause.
● La procédure spéciale prévue au nouvel article L. 921-2 du CESEDA, pour laquelle le délai de recours est de sept jours et le délai de jugement est de quinze jours, s’applique :
– aux contentieux des décisions liées à la procédure d’asile (contentieux de l’enregistrement de la demande d’asile et des conditions matérielles d’accueil, ainsi que des décisions de transfert) ;
– aux OQTF faisant suite à un rejet de la demande d’asile ;
– aux contentieux relevant des procédures ordinaires et prioritaires, lorsque le requérant est assigné à résidence aux fins d’exécution de la décision d’éloignement.
● La procédure d’urgence prévue au nouvel article L. 921-3 du CESEDA, prévoyant un délai de recours de quarante-huit heures et un délai de jugement de quatre-vingt-seize heures, est applicable à tous les cas dans lesquels l’étranger est placé en rétention, ainsi qu’aux décisions de refus d’asile à la frontière et aux décisions de transfert prises dans ce cadre.
Pour ces trois dernières procédures, il est prévu que lorsqu’en cours d’instance, l’étranger en cause est assigné à résidence, le délai de jugement est réduit à quinze jours. S’il est placé en rétention administrative en cours d’instance, le délai de jugement est alors réduit à cent quarante-quatre heures ([720]).
● Le dispositif de jugement accéléré prévu au nouvel article L. 614-3 du CESEDA est maintenu pour les OQTF émises contre des étrangers détenus et dont la libération est susceptible d’intervenir en cours d’instance ([721]). Il prévoit un délai de jugement raccourci à huit jours pour statuer lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a notamment regretté que n’ait pas été suivie sa recommandation de soumettre les recours contre les OQTF (assorties ou non d’un délai de départ volontaire) à la procédure ordinaire en l’absence de mesure de contrainte ([722]). Dans son étude, le Conseil d’État soulignait déjà que « la phase contentieuse ne doit être soumise aux exigences de l’urgence que dans les hypothèses où l’action administrative ou la situation des intéressés le nécessitent vraiment : l’urgence ne peut être généralisée sans considération de l’exigence réelle qu’une décision juridictionnelle soit rendue dans des délais extrêmement brefs. » Il relevait à cet égard, s’agissant des OQTF, qu’il n’apparaissait pas justifié que les OQTF sans délai de départ volontaire soient davantage traitées en urgence, dès lors que ce traitement accéléré n’est pas motivé par la perspective d’un éloignement rapide ([723]) .
b. Présentation détaillée des dispositions
i. Les procédures
Les articles 21 à 23 du projet de loi réécrivent l’ensemble des dispositions encadrant les procédures applicables au contentieux des étrangers dans le CESEDA, en distinguant les dispositions régissant la procédure contentieuse de celles relatives aux décisions administratives.
L’article 21 crée ainsi, dans la partie législative du CESEDA, un nouveau livre IX qui définit les quatre procédures spéciales créées, en les rassemblant au sein d’un livre dédié.
Le nouveau livre IX relatif aux procédures contentieuses devant le juge administratif est composé de deux titres, le premier étant relatif à la procédure collégiale spéciale, qui correspond à la procédure ordinaire, et le second traitant des procédures à juge unique, qui correspondent aux procédures prioritaire, spéciale et d’urgence.
Les nouveaux articles L. 910-1 à L. 910-2 introduisent ces dispositions en précisant que l’ensemble des recours ouverts devant la juridiction administrative contre les décisions prévues par le CESEDA sont régis, par principe, par le CJA selon la procédure administrative de droit commun, sous réserve des cinq procédures spéciales prévues par le CESEDA. Ces dispositions sont également rendues applicables aux citoyens de l’Union européenne et aux membres de leurs familles tels que définis par les articles L. 200-1 à L. 200-5 du CESEDA ([724]).
La procédure ordinaire prévue au nouvel article L. 911-1 du CESEDA obéit aux règles du droit commun, l’affaire étant jugée collégialement, après audition d’un rapporteur public (sauf en cas de dispense).
Les autres procédures d’urgence sont des procédures à juge unique et se déroulent sans conclusions du rapporteur public, ce que prévoit le nouvel article L. 922-2 du CESEDA.
Les II à VI de l’article 21 renvoient, pour chacune des décisions administratives prévues par le CESEDA, à l’application des procédures contentieuses créées.
L’article 21 unifie également le traitement du contentieux du séjour et du contentieux de l’éloignement, en prévoyant la possibilité pour le juge unique, statuant sur la mesure d’éloignement en raison d’une situation d’urgence, de se prononcer également sur le refus de séjour qui l’accompagne ([725]) .
Enfin, au 1° du V de l’article 21 du projet de loi, il est procédé à une modification légistique pour repositionner, par cohérence, les dispositions de l’article L. 614-15 du CESEDA, qui facilitent l’accès des personnes détenues à un avocat, à la section II du chapitre III du titre Ier du livre VI de ce code, relative à l’information de l’étranger », au sein d’un nouvel article L. 613-5-1.
L’article 22 du projet de loi procède à des coordinations au sein du code de justice administrative (CJA), pour tenir compte de la création de ces différentes procédures.
Son article 23 procède à diverses modifications d’ordre légistique à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui sont liées aux conséquences de la réforme du contentieux et à celles de la recodification du CESEDA.
Le tableau ci-dessous synthétise ces modifications, en présentant les procédures applicables par type de mesure considérée.
SynthÈse comparative des procÉdures par type de mesure contestÉe
Mesure contestée |
Droit en vigueur |
Projet de loi |
Projet adopté par le Sénat |
||||
Délai de recours |
Délai de jugement |
Délai de recours |
Délai de jugement |
Délai de recours |
Délai de jugement |
||
OQTF 3°, 5° et 6° de l’article L. 611-1 et article L. 251-1 (1) |
Avec DDV |
30 jours |
3 mois |
1 mois |
6 mois |
1 mois |
6 mois |
Sans DDV |
48 heures |
3 mois |
72 heures |
6 semaines |
1 mois |
6 mois |
|
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Détenus |
En cours d’instance |
8 jours |
En cours d’instance |
8 jours |
7 jours |
15 jours |
|
OQTF 1° et 2° de l’article L. 611-1 |
Avec DDV |
15 jours |
6 semaines |
1 mois |
6 mois |
1 mois |
6 mois |
Sans DDV |
48 heures |
6 semaines |
72 heures |
6 semaines |
1 mois |
6 mois |
|
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Détenus |
En cours d’instance |
8 jours |
En cours d’instance |
8 jours |
7 jours |
15 jours |
|
OQTF 4° de l’article L. 611-1 (refus asile) |
Avec DDV |
15 jours |
6 semaines |
7 jours |
15 jours |
1 mois |
6 mois |
Sans DDV |
48 heures |
6 semaines |
7 jours |
15 jours |
1 mois |
6 mois |
|
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Détenus |
En cours d’instance |
8 jours |
En cours d’instance |
8 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Mise en œuvre de la décision d’éloignement d’un autre État membre (1) Articles L. 615-1 et L. 615-2 |
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Remise Article L. 623-1 |
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Pays de renvoi Article L. 721-5 |
Assignation |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Assignation à résidence aux fins d’exécution de la décision d’éloignement Article L 731-1 |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Transfert « Dublin III » Article L. 572-1 |
Hors assignation à résidence et rétention |
15 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
Assignation à résidence |
48 heures |
96 heures |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Rétention |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
|
Contentieux de l’enregistrement de la demande d’asile |
2 mois |
- |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Contentieux des CMA (2) Nouvel article L. 555-1 |
2 mois |
- |
7 jours |
15 jours |
7 jours |
15 jours |
|
Refus d’entrée au titre de l’asile Nouvel article L. 354-4 |
Zone d’attente |
48 heures |
72 heures |
48 heures |
96 heures |
48 heures |
96 heures |
(1) Tous les articles auxquels il est fait référence sont ceux du CESEDA.
(2) Acronyme de « conditions matérielles d’accueil ».
Source : Assemblée nationale, commission des Lois.
ii. L’audience
Par ailleurs, l’article 21 prévoit que, lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, l’audience se tient, en principe, dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention ou de la zone d’attente.
Toutefois, il est laissé la possibilité pour le juge administratif, lorsque l’audience se tient dans la salle spécialement aménagée, de siéger dans les locaux du tribunal et de recourir à la visioconférence pour tenir l’audience.
Par exception, si aucune salle d’audience n’a été spécialement aménagée ou que cette salle est indisponible, l’audience peut se tenir soit au tribunal administratif compétent, soit dans des locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches du lieu de rétention ou de la zone d’attente.
Des garanties particulières sont prévues au nouvel article L. 922-3 du CESEDA lorsqu’il est recouru à la visio-conférence pour tenir l’audience. Ainsi, il est précisé que le conseil peut assister à l’audience dans la salle d’audience ou dans la salle aménagée, que l’interprète est présent dans la salle où se trouve l’étranger sauf en cas de difficulté, et qu’un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées est établi dans chacune des salles d’audience.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État souligne que ces dispositions inversent le principe, suivant lequel l’audience se tient au siège de la juridiction, et l’exception, qui consiste à délocaliser l’audience dans une salle spécialement aménagée, tels qu’ils étaient jusqu’ici applicables. En permettant au juge administratif de siéger au tribunal administratif lorsque l’audience se tient dans la salle spécialement aménagée, le Conseil d’État souligne que « ces dispositions induiront vraisemblablement, en pratique, un recours accru à la vidéo-audience » ([726]).
Conformément à l’article 27 du projet de loi, la réforme du contentieux administratif et judiciaire des étrangers, prévue aux articles 21 à 24, entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, au premier jour du septième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française. Ces nouvelles règles s’appliqueront ainsi au contentieux des décisions prises à compter de la date d’entrée en vigueur des articles 21 à 24.
3. Le dispositif modifié par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission
Lors de l’examen en commission des articles 21 à 23 du projet de loi, le Sénat a souhaité transcrire dans ces dispositions les préconisations du Conseil d’État, qui avaient également été reprises dans le rapport d’information de la commission des lois du Sénat de mai 2022 ([727]).
La commission des Lois du Sénat a ainsi modifié l’article 21 en adoptant un amendement des rapporteurs ([728]), pour reprendre le schéma procédural préconisé par le Conseil d’État dans son étude, en réduisant à trois le nombre de procédures applicables en contentieux des étrangers.
Elle a ainsi supprimé la procédure prioritaire prévue au nouvel article L. 921-1 du CESEDA, pour unifier le contentieux applicable aux OQTF indépendamment du délai de départ volontaire qui les assortirait.
Elle a prévu l’application des procédures ordinaire et prioritaire aux OQTF faisant suite à un rejet de la demande d’asile ([729]), supprimant le régime dérogatoire dont elles faisaient l’objet au titre de la procédure spéciale.
En créant un nouvel article L. 614-3 du CESEDA, elle a prévu l’application d’un régime de procédure adapté aux OQTF émises contre des étrangers détenus, en les faisant relever de la procédure spéciale du nouvel article L. 921-2 du CESEDA.
Enfin, par une modification du 1° de l’article L. 731-1 du CESEDA, qui prévoit la possibilité pour l’autorité administrative d’assigner à résidence ou de placer en rétention l’étranger ayant fait l’objet d’une OQTF antérieurement, elle a étendu d’un à deux ans la durée pendant laquelle une OQTF peut être assortie de ces mesures en vue de l’exécution de la décision.
Par ailleurs, la commission a adopté deux amendements encadrant le recours à la vidéo-audience lorsque le requérant est placé en rétention administrative ou en zone d’attente :
– un amendement des rapporteurs ([730]) qui renforce les garanties applicables en précisant les finalités du dispositif, visant à assurer la bonne administration de la justice et à permettre au requérant de présenter valablement ces explications ; en prévoyant que le requérant dispose de la copie intégrale de son dossier ; et en précisant la possibilité, pour le juge administratif, de suspendre l’audience lorsque la qualité de la retransmission n’est pas garantie.
– un amendement de M. Marc-Philippe Daubresse ([731]) qui supprime, l’obligation de présence physique de l’interprète dans l’une ou l’autre des salles.
Enfin, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel de Mme Maryse Carrère ([732]), afin de clarifier le fait que, dans le cas où la délocalisation de l’audience n’est pas possible, cette dernière doit alors se tenir au tribunal administratif compétent ou dans les locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches du lieu de rétention ou de la zone d’attente.
b. Les modifications apportées en séance
Le Sénat a adopté en séance publique un amendement des rapporteurs ([733]) pour porter à trois ans la durée pendant laquelle une OQTF peut être assortie d’une assignation à résidence ou d’une rétention administrative en vue de l’exécution de la décision.
La portée de cette modification peut toutefois être relativisée, dans la mesure où le Conseil d’État impose à l’autorité administrative de vérifier s’il n’existe pas un changement dans les circonstances de droit ou de fait, avant de mettre à exécution la décision d’éloignement ([734]).
Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([735]) portant sur l’article 23 du projet de loi et aménageant, au sein d’un nouvel article L. 773-11 du code de justice administrative, une procédure contradictoire asymétrique applicable au contentieux de certaines décisions administratives ([736]) fondées sur des motifs liés à la prévention d’actes de terrorisme.
L’application de ces nouvelles dispositions conduit à aménager le principe du contradictoire, lorsque des considérations relevant de la sûreté de l’État s’opposent à la communication d’informations ou d’éléments sur lesquels reposent les motifs de la décision administrative, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu’elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 ou L. 811-4 du code de la sécurité intérieure.
Dans ce cas et lorsque la protection de ces informations ou de ces éléments ne peut être assurée par d’autres moyens, l’administration les communique à la juridiction par mémoire séparé, en exposant les raisons impérieuses qui s’opposent à ce qu’elles soient versées au débat contradictoire.
La juridiction administrative peut alors relever d’office tout moyen et procéder à toute mesure d’instruction complémentaire, mais ne soumet pas ces informations ou ces éléments au contradictoire.
Le dispositif prévoit également que si la juridiction considère que les éléments communiqués sont sans lien avec les objectifs prévus par la loi, elle en informe l’administration, pour qu’elle décide si elle souhaite les soumettre au contradictoire ou non.
4. La position de la commission
En adoptant un amendement de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([737]), la commission des Lois a rétabli l’architecture contentieuse articulée autour de quatre procédures, telle qu’elle avait été conçue dans le cadre du projet de loi initial.
La procédure prioritaire du nouvel article L. 921-1 du CESEDA, ainsi rétablie, prévoyant un délai de recours de soixante-douze heures et un délai de jugement de six semaines, a été rendue applicable au contentieux des OQTF lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’est accordé à l’étranger en cause.
Le champ d’application de la procédure spéciale du nouvel article L. 921-2 du CESEDA, prévoyant un délai de recours de sept jours et un délai de jugement de quinze jours, a été étendue au contentieux des OQTF faisant suite à un rejet de la demande d’asile, prises sur le fondement du 4° de l’article L. 611-1 du CESEDA.
Enfin, aucun régime spécifique n’a été rendu applicable au traitement du contentieux des recours contre les OQTF lorsque l’étranger en cause est détenu, en-dehors de la procédure de jugement à bref délai qui a été maintenue.
Par ailleurs, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements visant à renforcer les garanties procédurales entourant la vidéo-audience devant le juge administratif :
– En premier lieu, la finalité de bonne administration de la justice a été précisée, pour la rattacher explicitement aux cas dans lesquels il est recouru à la vidéo-audience, et non pas pour la délocalisation des audiences ([738]) ;
– En second lieu, dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications, le principe d’interruption de l’audience a été renforcé, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre l’audience dans une telle situation ([739]).
En adoptant l’amendement de M. Erwan Balanant ([740]), la commission des Lois a réduit à deux ans la durée de validité de l’OQTF sur le fondement de laquelle l’autorité administrative peut assigner à résidence l’étranger ou le placer en rétention administrative, pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État imposant, en tout état de cause, à l’autorité administrative de vérifier s’il n’existe pas un changement dans les circonstances de droit ou de fait, avant de mettre à exécution la décision d’éloignement ([741]).
Enfin, la commission a adopté un amendement rédactionnel de Mme Caroline Yadan ([742]), visant à remplacer la notion de « moyen de communication audiovisuel » par celle de « moyen de télécommunication audiovisuel ».
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Article 22
(art. L. 222-2-1 et L. 776-1 du code de justice administrative)
Coordinations légistiques dans le code de justice administrative pour tenir compte de la réforme du contentieux administratif des étrangers
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 22 procède aux coordinations nécessaires dans le code de justice administrative (CJA) pour prendre en compte les modifications des règles de procédures introduites par l’article 21 du projet de loi. Il est renvoyé sur le fond au commentaire de l’article 21.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 22.
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Article 23
(art. 3, 9-4, 16 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, art. L. 773-11 du code de de justice administrative)
Coordinations légistiques dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle pour tenir compte de la réforme du contentieux administratif des étrangers et aménagement du principe de la contradiction pour le contentieux des décisions administratives fondées sur des motifs liés à la prévention du terrorisme
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 23 modifie les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, par coordination avec la réforme du contentieux prévue par l’article 21 du projet de loi.
À la suite de l’adoption au Sénat d’un amendement du Gouvernement ([743]) , cet article aménage également, au sein d’un nouvel article L. 773-11 du code de justice administrative, une procédure contradictoire asymétrique, applicable au contentieux de certaines décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
Il est renvoyé, sur le fond, au commentaire de l’article 21.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 23.
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Article 23 bis
(art. L. 425-9-1, L. 733-7, L. 733-8, L. 733-11, L. 542-1, L. 733-10, L. 741-1, L. 741-2, L. 742-1, L. 742-3, L. 751-9, L. 734-4, L. 743-19, L. 743-22 du CESEDA)
Modifications procédurales visant à améliorer l’efficacité du contentieux administratif et judiciaire des étrangers
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 23 bis du projet de loi introduit par le Sénat en commission procède à une série de modifications de certaines procédures applicables au contentieux des étrangers.
– En matière de contentieux de la délivrance des titres de séjour, il adapte les règles d’instruction de la contestation du refus des titres de séjours « étrangers malades », afin que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) puisse, lors de l’audience, apporter des informations, y compris lorsqu’elles sont couvertes par le secret médical.
– En matière de contentieux des demandes d’asile, pour clarifier l’articulation entre la date de fin du droit au maintien sur le territoire au titre d’une demande d’asile et la date d’adoption d’une mesure d’éloignement par l’autorité administrative, il est prévu que la mesure d’éloignement peut être prise dès la signature de l’ordonnance de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), mais que son exécution sera conditionnée à sa notification régulière.
– En matière de contentieux judiciaire de la rétention administrative, le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention (JLD) pour statuer sur le placement en rétention et la prolongation de la rétention d’un même étranger a été aménagé, afin qu’il ne commence à courir qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention administrative.
Ces trois premières modifications reprennent les préconisations formulées par le Conseil d’État dans son étude de mars 2020 sur la simplification du contentieux des étrangers.
– La durée de validité de l’ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d’un étranger assigné à résidence a également été allongée, la faisant passer de quatre à six jours (cent quarante-quatre heures).
– Le délai dans lequel le JLD statue sur la décision de placement en rétention administrative, à la requête de l’étranger, et sur la décision de prolongation de la rétention administrative, à la requête de l’autorité administrative, a également été adapté (quarante-huit heures suivant l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention).
– À la suite de l’adoption en séance d’un amendement du Gouvernement ([744]), il a été prévu la possibilité de procéder, dans le cadre des visites domiciliaires, à la visite du domicile de l’étranger assigné à résidence aux fins de rechercher et de retenir tout document attestant de sa nationalité.
– En adoptant en séance un amendement du Gouvernement ([745]), le Sénat a modifié le séquençage de la durée de la rétention administrative, en augmentant la durée de placement initiale en rétention administrative à quatre jours, au lieu de quarante-huit heures.
– Enfin, en adoptant un amendement de M. Alain Cadec ([746]), le Sénat a allongé le délai pendant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice lorsqu’une ordonnance du JLD a mis fin à sa rétention ou à son assignation à résidence, en le faisant passer de dix heures à vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance.
Le Sénat a également permis au procureur de la République d’exercer un recours suspensif contre cette ordonnance, sans limitation de délai autre que celle de l’exercice de la voie de l’appel (vingt-quatre heures), en supprimant le délai de dix heures antérieurement applicable.
Dernières modifications législatives intervenues
Le contentieux de l’asile a notamment été modifié par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Les modifications introduites visaient notamment à permettre à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de statuer le plus rapidement possible sur la demande de protection, afin d’encadrer dans le temps le droit de séjour provisoire des candidats à l’asile. Cette loi a ainsi mis fin au droit au maintien sur le territoire français et aux conditions matérielles d’accueil dès la lecture du jugement, et non plus à sa notification.
Le contentieux judiciaire en matière de droit des étrangers a également été modifié par la même loi. Le délai dans lequel le JLD est amené à statuer sur la décision de placement en rétention administrative ou sa prolongation a été allongé de vingt-quatre à quarante-huit heures. De plus, la durée de l’ordonnance du JLD qui autorise la visite d’un étranger assigné à résidence a été allongée à cent-quarante-heures, au lieu des quatre-vingt-seize heures prévues dans le régime qui avait été défini par la loi n° 2016 2174 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
La loi n° 2016 2174 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France avait, en effet, permis à l’autorité administrative de demander au JLD de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger, afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention.
Cette même loi a confié à un collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) la charge d’émettre un avis médical, auparavant établi par les médecins des agences régionales de santé, dans le cadre de l’instruction des demandes de titres de séjour pour motif médical.
Il peut enfin être souligné que la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 a opéré un transfert des prérogatives confiées à l’autorité judiciaire en matière de contrôle de la privation de liberté des étrangers, s’agissant notamment de la rétention administrative ou du maintien en zone d’attente, du président du tribunal de grande instance au JLD.
Le nouvel article 23 bis procède à plusieurs modifications destinées à aménager certaines dispositions du contentieux administratif et judiciaire des étrangers, notamment afin de « résoudre une série d’inadaptations procédurales du contentieux des étrangers et de dysfonctionnements administratifs » que le Conseil d’État avait identifiées dans son étude de mars 2020 ([747]).
Pour une meilleure lisibilité, ces ajustements procéduraux feront l’objet de commentaires distincts pour chacune des dispositions modifiées.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois a rétabli la durée de validité de 96 heures, pendant laquelle l’ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire en cas d’assignation à résidence de l’étranger est exécutoire.
Par ailleurs, la commission a adopté un amendement de votre rapporteur et de votre rapporteur général, afin de préciser le délai de 24 heures pendant lequel le procureur de la République peut former un recours suspensif contre l’ordonnance du JLD mettant fin à la rétention administrative.
1. L’état du droit
Le droit de séjour reconnu à raison d’un état de santé est fondé sur le respect de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; il permet d’éviter d’exposer l’étranger à un risque de traitement inhumain et dégradant en raison du refus de séjour et de l’éloignement consécutif, cette situation ne lui permettant pas une prise en charge médicale appropriée.
Au regard des garanties prévues par l'article 5 de la directive « Retour » du 16 décembre 2008 ([748]) et de l'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge que la législation des États membre doit prévoir un recours suspensif contre une décision ordonnant à un ressortissant de pays tiers, atteint d’une grave maladie, de quitter le territoire d’un État membre, lorsque l’exécution de cette décision est susceptible d’exposer ce ressortissant à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé ([749]).
L’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) admet ainsi la possibilité pour l’étranger dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale de solliciter le bénéfice d’une carte de séjour temporaire sur ce fondement.
Le bénéfice de cette carte de séjour est strictement encadré par les conditions cumulatives suivantes : l’étranger doit résider habituellement en France ; son état de santé doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; l’offre de soins et les caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire ne doivent pas permettre une prise en charge effective.
Selon le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), s’appuyant sur ce point sur les données du ministère de l’Intérieur, 3 956 premiers titres de séjour « Étranger Malade » ont été délivrés en 2021, ce qui représente une augmentation de 6,5 % par rapport à l’année 2020 ([750]).
La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) chargé d’instruire la demande. L’avis de l’OFII ne lie pas le préfet.
En pratique, la délivrance de la carte de séjour étant justifiée par l’état de santé de l’étranger, le respect du secret médical interdit au collège de médecins de communiquer au préfet le détail de son avis.
Le respect du secret médical auquel est tenu l’OFII est susceptible, au stade contentieux, de soulever des difficultés, comme l’a relevé le Conseil d’État dans son étude. En effet, l’étranger contestant le refus opposé à la délivrance du titre de séjour se prévaut de son état de santé, alors que l’autorité administrative, en défense, ne dispose pas des éléments d’appréciation du collège de médecins de l’OFII ; celui-ci, tenu par le respect du secret médical, ne peut intervenir pour justifier de la pertinence de l’avis émis. Le Conseil d’État relève qu’il en résulte « un débat asymétrique et souvent insuffisamment étayé pour le juge, faute qu’y soient versés les éléments d’appréciation de l’OFII, alors même que le requérant, en se prévalant lui-même de son état de santé, peut être regardé comme ayant levé le secret médical à son égard devant toutes les parties au litige, du moins quant aux maladies ou invalidités qu’il invoque. » ([751]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a créé un nouvel article L. 425-9-1 au sein du CESEDA, résultant de l’adoption d’un amendement des rapporteurs ([752]).
Dans le cadre du contentieux du refus de délivrance du titre de séjour fondé sur l’état de santé de l’étranger nécessitant une prise en charge médicale, cette nouvelle disposition permet à l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d’être appelé par le juge administratif à présenter des observations sans être tenu par le secret médical prévu à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique.
B. ADAPTATION DES RÈgles procÉdurales relatives À la fin du droit au maintien sur le territoire français
1. L’état du droit
Par principe, le demandeur d’asile bénéficie du droit de rester sur le territoire durant l’examen de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).
Ce principe est affirmé à l’article 9 de la directive « Procédures » du 26 juin 2013 ([753]), qui dispose « les demandeurs sont autorisés à rester dans l’État membre […] jusqu'à ce que l’autorité responsable de la détermination [en première instance] se soit prononcée ». Le droit au maintien sur le territoire se rattache également au droit à un recours effectif, prévu à l’article 46 de la même directive et doit ainsi s’appliquer jusqu’à l’expiration du délai de recours et dans l’attente de la décision définitive.
Prévu à l’article L. 541-1 du CESEDA, le droit au maintien implique qu’aucune mesure d’éloignement ne peut être prise ou, le cas échéant, exécutée, tant qu’une demande de protection est en cours d’instruction.
Il s’applique ainsi durant tout le temps de l’instruction de la demande d’asile par l’OFPRA. Dans le cas où l’OFPRA rejette la demande, le demandeur d’asile continue de bénéficier du droit au maintien sur le territoire français durant le délai de recours devant la Cour nationale d’asile (CNDA), fixé à un mois à compter de la notification de la décision de l’OFPRA en vertu de l’article L. 532-1 du CESEDA.
L’article L. 542-1 du CESEDA prévoit ainsi qu’en l’absence de recours contre la décision de l’OFPRA, le droit au maintien prend fin à la notification de la décision.
En cas de recours contre la décision de l’OFPRA porté devant la CNDA, le droit au maintien prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour ou, si la Cour statue par ordonnance ([754]), à la date de la notification de cette décision ([755]).
À la suite du rejet définitif de la demande d’asile, l’autorité administrative peut, sur le fondement du 4° de l’article L. 611-1 du CESEDA, émettre une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’encontre de l’étranger concerné.
Dans son étude de mars 2020 ([756]), le Conseil d’État a relevé que les difficultés d’articulation entre la date de fin du droit au maintien sur le territoire au titre d’une demande d’asile et la date d’adoption d’une mesure d’éloignement alimentent des débats contentieux artificiels.
En effet, il observe que « les recours dirigés contre les OQTF adoptées à la suite du rejet définitif d’une demande d’asile se prévalent systématiquement du défaut de notification régulière de l’ordonnance de la CNDA » et propose de simplifier le débat contentieux en précisant que « la mesure d’éloignement peut légalement être adoptée dès la date de signature de l’ordonnance, mais ne peut être exécutée qu’à condition que la décision qui rejette la demande d’asile ait été notifiée. »
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a modifié l’article L. 542-1 du CESEDA pour préciser que le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la signature de la décision de l’OFPRA, en l’absence de recours contre cette décision.
Dans le cas où l’OFPRA statue par ordonnance, il est prévu que l’autorité administrative ne puisse engager l’exécution de l’OQTF visant le demandeur d’asile dont le droit au maintien a pris fin qu’une fois cette ordonnance notifiée.
Ainsi, cette disposition permet à l’autorité administrative d’émettre une OQTF dès la date de signature de l’ordonnance, mais repousse la possibilité d’exécuter la mesure d’éloignement à la date de la notification de l’ordonnance de l’OFPRA.
C. AmÉnagements procÉduraux du contentieux judiciaire relatif aux MESURES privatives ou restrictives de libertÉ
1. L’état du droit
Le juge des libertés et de la détention (JLD) est compétent pour statuer sur les mesures privatives ou restrictives de liberté prises à l’encontre des étrangers, notamment aux fins d’exécution d’une mesure d’éloignement ([757]) .
a. La modification des dispositions procédurales encadrant l’intervention du JLD dans le contentieux du placement en rétention administrative
Le placement en rétention administrative constitue une atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, justifiant qu’elle soit placée sous le contrôle du juge judiciaire.
Son principe a été admis par le Conseil constitutionnel sous réserve de l’entourer de garanties suffisantes, et notamment de l’intervention du juge « dans le plus court délai possible » ([758]).
Le séquençage des délais de privation de liberté applicable à la rétention administrative a fait l’objet de plusieurs modifications législatives. La loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, avait porté de quarante-huit heures à cinq jours la durée maximale du placement en rétention initiale décidé par le préfet, avant saisine du juge judiciaire aux fins de prolongation éventuelle.
S’inspirant des recommandations du rapport de Matthias Fekl au Premier ministre ([759]), la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est revenue sur cette modification, pour fixer de nouveau la durée initiale de rétention à quarante-huit heures, avant saisine du juge aux fins de prolongation éventuelle.
Il avait en effet été mis en évidence que « le fait que l’intervention du JLD ait été repoussée à la fin du cinquième jour de rétention a eu pour effet de faire sensiblement progresser le nombre des étrangers éloignés sans que leurs conditions de placement en rétention aient pu être contrôlées. Alors qu’une telle hypothèse ne pouvait concerner que 22 % des personnes placées en rétention début 2011 (pourcentage des éloignements réalisés avant 48 heures de rétention, soit le délai d’intervention du JLD), cette part est en effet passée à 62 % en 2012 (pourcentage des éloignements intervenus avant la fin du cinquième jour). »
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 n’est pas revenue sur cette durée de rétention initiale, mais a modifié la durée totale du placement en rétention administrative en retenant un nouveau séquençage.
L’évolution du séquençage de la durée de la rétention administrative au gré des dernières réformes peut être synthétisée par le graphique ci-après :
Le séquençage de la durée de la rétention administrative prévu dans le CESEDA est résumé par le tableau ci-après :
séquençage de la durée de la rétention administrative
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Placement en rétention initial par le préfet (article L. 741-1 (1)) |
Première prolongation par le JLD (article L. 742-1) |
Deuxième prolongation par le JLD (article L. 742-4) |
Troisième prolongation par le JLD (à titre exceptionnel, article L. 742-5) |
Régime de prolongation par le JLD pour la rétention liée à des activités à caractère terroriste, (article L. 742-6) |
Cas |
- L’étranger se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 ;
- Et il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction (2) ;
- Et aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de la décision d’éloignement |
Cas prévus à l’article L. 742-4 :
1° urgence absolue ou menace d’une particulière gravité à l’ordre public (3)
2° perte ou dissimulation des documents de voyage, dissimulation d’identité, obstruction à l’éloignement
3° défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou délivrance tardive ou absence de moyens de transport |
Cas prévus à l’article L. 742-5 (4) :
1° obstruction au départ
2° demande d’admission au séjour pour motif médical ou d’asile dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement
3° délivrance des documents de voyage à bref délai |
Cas prévus à l’article L. 742-6 :
- si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal
- si l’étranger fait l'objet d'une décision d’expulsion édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées (5)
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Durée |
48 heures (article L. 741-1) |
28 jours (article L. 742-3) |
30 jours (article L. 742-4)
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Deux prolongations de 15 jours (6) (article L. 742-5)
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Trois prolongations de 30 jours (article L. 742-6)
= 180 jours
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Durée totale |
30 jours |
60 jours |
90 jours |
À titre exceptionnel deux prolongations de 15 jours (7) (article L. 742-7)
= 210 jours
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(1) Il est fait référence aux articles du CESEDA.
(2) Le risque de fuite est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3. Le projet de loi prévoit également la possibilité d’apprécier le risque de fuite « au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente » (article 12 amendement n° 596).
(3) Le projet de loi prévoit de modifier ce cas de prolongation qui s’appliquerait « en cas de menace pour l’ordre public » (article 12 amendement n°596).
(4) Lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours.
(5) Dès lors que son éloignement demeure une perspective raisonnable et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger.
(6) La deuxième prolongation est possible si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle
(7) Dans les conditions prévues à l’article L. 742-5.
Source : Assemblée nationale, commission des Lois.
Ce séquençage a été validé par le Conseil constitutionnel ([760]) dès lors que « l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ». ([761])
Sur requête de l’administration, le JLD est ainsi amené à se prononcer sur la prolongation de la mesure de rétention administrative. L’article L. 742-1 du CESEDA prévoit que le maintien en rétention administrative au-delà du délai initial de placement de quarante-huit heures peut être autorisé par le JLD.
Sur requête de l’étranger en cause, le JLD est chargé d’examiner le recours contre la décision de placement en rétention administrative. L’article L. 741-10 du CESEDA fixe le délai de recours contre la décision de placement en rétention administrative à quarante-huit heures à compter de sa notification.
L’article L. 743-4 du CESEDA prévoit que le JLD statue par ordonnance dans les quarante-huit heures suivant sa saisine. Lorsqu’il est saisi aux fins de contestation de la décision de placement en rétention et également aux fins de prolongation de la rétention, il statue lors d’une audience commune et par ordonnance unique sur ces deux requêtes.
En pratique, le principe de l’audience unique prévu à l’article L. 743-5 du CESEDA n’est pas toujours respecté, en raison de la coexistence des délais de quarante-huit heures pour saisir le juge et pour statuer à compter de sa saisine.
Il est ainsi possible que le JLD soit amené à organiser non pas une audience unique, mais deux audiences dans des délais très rapprochés. Il peut en aller ainsi dans l’hypothèse d’une saisine du JLD par l’étranger ou par l’administration dans les premières heures de son placement en rétention, laissant ainsi ouverte la possibilité d’une saisine postérieure à la première audience fixée par le JLD.
C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État, dans son étude de mai 2020, préconisait d’ajuster ces dispositions encadrant le délai dans lequel le JLD doit statuer sur le placement en rétention et sur la prolongation de la rétention, afin d’assurer le principe de l’audience unique, en décalant le point de départ de ce délai à l’expiration du délai de recours contre la mesure de rétention, à savoir au terme des quarante-huit premières heures de rétention administrative ([762]).
S’agissant des voies de recours ouvertes contre les ordonnances du JLD, l’article R. 743-10 du CESEDA prévoit qu’elles sont susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué dans les vingt-quatre heures de leur prononcé (ou de leur notification à l’étranger requérant lorsqu’il n’assiste pas à l’audience).
En principe, ce recours n’est pas suspensif. Toutefois, en application de l’article L. 743-22 du CESEDA, le ministère public peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif lorsqu’il lui apparaît que l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives, ou en cas de menace grave pour l’ordre public. Dans ce cas, l’appel, accompagné de la demande qui se réfère à l’absence de garanties de représentation effectives ou à la menace grave pour l’ordre public, est formé dans un délai de dix heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d’appel ou à son délégué ([763]) .
b. L’amélioration des dispositions procédurales encadrant l’intervention du JLD dans le contentieux de l’assignation à résidence
L’autorité administrative peut assigner à résidence un étranger dans les cas prévus aux articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 et L. 731-5 du CESEDA, afin de permettre l’exécution de la mesure d’éloignement.
La procédure de visite du domicile d’un étranger permet d’assurer le contrôle de l’assignation à résidence.
Elle s’applique en cas d’obstruction volontaire de l’étranger assigné à résidence, lorsque l’étranger assigné à résidence ne défère pas, sans motif légitime, à une demande de présentation aux autorités consulaires de son pays en vue de la délivrance d’un document de voyage ([764]), ou lorsqu’il fait obstacle à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ([765]).
En cas d’obstruction volontaire, l’autorité administrative peut en effet demander au JLD de l’autoriser à requérir les forces de l’ordre pour qu’elles visitent le domicile de l’étranger, s’assurent de sa présence et puissent procéder à son éloignement ou lui notifier une décision de placement en rétention administrative.
Les visites domiciliaires sont autorisées par le JLD par ordonnance ; le JLD s’assure ainsi de l’obstruction volontaire de l’étranger et du caractère exécutoire de la mesure d’éloignement. L’article L. 733-10 du CESEDA prévoit que l’ordonnance autorisant la visite domiciliaire est exécutoire pendant une durée de quatre-vingt-seize heures, soit quatre jours.
La visite du domicile peut avoir lieu uniquement entre 6 heures et 21 heures et s’effectue sous le contrôle du JLD. L’article 733-11 du CESEDA prévoit qu’il est dressé procès-verbal des opérations de visite, ce procès-verbal étant présenté à la signature de l’étranger et transmis au magistrat.
La possibilité de procéder à de telles visites domiciliaires a été introduite dans le CESEDA par la loi n° 206-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Elle figurait alors à l’article L.561-2 du CESEDA, l’ordonnance du JLD étant exécutoire pour une durée de quatre-vingt-seize heures.
La loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen a allongé ce délai à cent quarante-quatre heures. L’allongement de ce délai avait été introduit par le Sénat lors de l’examen du texte en première lecture en commission des Lois ([766]).
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie était revenue sur cet allongement du délai pour le réduire à quatre-vingt-seize heures. Cette modification avait été adoptée lors de l’examen du texte en commission des Lois par l’Assemblée nationale ([767]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
a. Le dispositif introduit en commission
En premier lieu, le Sénat a modifié l’article L. 733-10 du CESEDA prévoyant la durée de validité de l’ordonnance du JLD qui autorise la visite du domicile de l’étranger assigné à résidence, pour l’allonger à cent-quarante-quatre heures, au lieu des quatre-vingt-seize heures actuellement prévues.
Pour justifier cet allongement de la durée de validité de l’ordonnance, et revenir sur les équilibres de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, le Sénat s’est fondé sur le fait que le délai de quatre-vingt-seize heures priverait « les forces de l’ordre d’un outil utile pour procéder aux éloignements, en particulier lorsque l’ordonnance est obtenue en début de week-end ou la veille d’un jour férié ».
En second lieu, le Sénat a aménagé le délai dans lequel le JLD statue sur la décision de placement en rétention administrative, à la requête de l’étranger, et sur la décision de prolongation de la rétention administrative, à la requête de l’autorité administrative.
L’article L. 734-4 du CESEDA est ainsi modifié pour prévoir que le JLD statue dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention. Ce délai de recours est fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 du CESEDA à quarante-huit heures à compter de la notification de la décision ([768]) .
Le point de départ du délai de jugement est ainsi reporté, et ne commence à courir qu’à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention.
b. Les modifications apportées en séance
Lors de l’examen de l’article 23 bis en séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([769] modifiant les articles L. 733-7 et L. 733-8 du CESEDA pour permettre à l’autorité administrative de solliciter l’autorisation du JLD afin de procéder, dans le cadre des visites domiciliaires, à la visite du domicile de l’étranger aux fins de rechercher et de retenir tout document attestant de sa nationalité. Il est renvoyé à l’application des dispositions de l’article L. 814-1 du CESEDA s’agissant des modalités de la retenue de ces documents.
Par coordination, l’article L. 733-11 du CESEDA est complété pour prévoir que le procès-verbal des opérations de visite mentionne les documents retenus et les modalités de leur restitution.
Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([770]) augmentant la durée de placement initial en rétention administrative à quatre jours, au lieu de quarante-huit heures.
Cet amendement revient ainsi sur le séquençage de la durée du placement en rétention administrative. Il modifie les articles L. 741-1, L. 741-2, L. 741-10 ([771]), L. 742-1 ([772]), L. 742-3 ([773]) et L. 751-9 ([774]) du CESEDA en conséquence, et réduit la durée de la première prolongation ordonnée par le JLD à vingt-six jours au lieu de vingt-huit. De la sorte, la durée totale de la rétention administrative n’est pas modifiée.
Le délai de recours dont dispose l’étranger placé en retenue administrative pour contester la décision est augmenté à quatre jours (au lieu de vingt-quatre heures).
Selon l’exposé de l’amendement, la durée actuelle du placement initial en rétention administrative, fixée à quarante-huit heures, ne permet pas aux services concernés de traiter la procédure et mobilise des escortes, ce qui entrave en pratique l’éloignement d’un certain nombre d’étrangers placés en rétention entre le troisième et le cinquième jour.
Le nouveau séquençage de la durée de la rétention administrative peut se synthétiser comme dans le schéma ci-dessous :
Enfin, le Sénat a adopté un amendement de M. Alain Cadec ([775]) visant à allonger le délai pendant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice lorsqu’une ordonnance du JLD a mis fin à sa rétention ou à son assignation à résidence, pour le fixer à vingt-quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance (et non plus à dix heures).
Ce délai, prévu à l’article L. 743-19 du CESEDA, permet au procureur de la République d’exercer un recours qui peut être suspensif, en application de l’article L. 743-22 du CESEDA.
L’article L. 743-22 du CESEDA est également modifié pour supprimer le délai de dix heures dans lequel le procureur de la République doit former appel s’il demande au premier président de la Cour d’appel de déclarer son recours suspensif.
En l’état de cette modification, le procureur de la République peut demander que son appel soit déclaré suspensif pendant toute la durée lui permettant l’exercice de cette voie de recours, soit vingt-quatre heures, conformément à l’article R. 743-10 du CESEDA.
3. La position de la commission
À l’initiative de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([776]), la commission des Lois a rétabli la durée de validité de 96 heures pendant laquelle l’ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) autorisant la visite domiciliaire de l’étranger est exécutoire.
Par ailleurs, pour encadrer la possibilité pour le procureur de la République d’exercer un recours suspensif contre une ordonnance du JLD qui met fin à la rétention administrative de l’étranger et tenir compte des modifications introduites par le Sénat relatives aux articles L. 743-19 et L. 743-22, la commission des Lois a fixé à 24 heures le délai de recours imparti au procureur de la République ([777]).
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* *
Chapitre II
Contentieux judiciaire
Article 24
(art. L. 342-6, L. 342-7, L. 342-15, L. 743-7, L. 743-8 du CESEDA)
Principe de la comparution des étrangers devant le juge des libertés et de la détention dans une salle d’audience aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente ou du lieu de rétention et tenue des audiences en visioconférence
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 24 modifie les règles relatives à la tenue des audiences devant le juge des libertés et de la détention (JLD) lorsque celui-ci statue sur les requêtes aux fins de maintien en zone d’attente, sur les requêtes formées par l’étranger aux fins de contestation de la décision de placement en rétention ou de remise en liberté hors des audiences de prolongation et sur les requêtes formées par l’autorité administrative aux fins de prolongation de la rétention.
Dans ces cas, l’étranger étant placé en zone d’attente ou en lieu de rétention administrative, l’article prévoit que, par principe, l’audience se tient dans une salle spécialement aménagée à cet effet à proximité de la zone d’attente ou du lieu de rétention.
Cet article facilite également le recours à la vidéo-audience, tout en l’encadrant par des garanties spécifiques.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a autorisé la tenue par le JLD d’audiences dans des salles spécialement aménagées à proximité des centres de rétention et a ouvert la possibilité de recourir à des moyens de communication audiovisuelle. Cette possibilité de procéder à des audiences délocalisées a été confirmée et étendue par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a supprimé l’obligation de consentement de l’étranger pour le recours à la vidéo-audience.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a renforcé les garanties applicables à la tenue des audiences en visio-conférence, notamment en précisant les finalités du recours à la vidéo-audience et les conditions d’accès à la copie du dossier, et en prévoyant la possibilité de suspendre l’audience lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois a renforcé les garanties applicables à la vidéo-audience devant le JLD, en précisant sa finalité liée à la bonne administration de la justice.
Par ailleurs, dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications, le principe d’interruption de l’audience a été renforcé, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre l’audience dans une telle situation.
1. L’état du droit
Le contrôle des mesures privatives de liberté susceptibles d’être prises à l’encontre d’un étranger relève du juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle conformément à l’article 66 de la Constitution.
Le juge des libertés et de la détention (JLD) ([778]) est notamment appelé à intervenir pour statuer sur le contentieux du maintien en zone d’attente ([779]) et celui du maintien en rétention administrative de l’étranger ([780]).
Lorsque le juge statue sur les requêtes aux fins de maintien en zone d’attente, sur les requêtes formées par l’étranger contestant la décision de placement en rétention ou de remise en liberté hors des audiences de prolongation, ou encore sur les requêtes formées par l’autorité administrative pour prolonger la rétention, les règles relatives à la tenue des audiences sont prévues respectivement par les articles L. 342-6 et L. 342-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et par les articles L. 743-7 et L. 743-8 du même code.
Ces dispositions prévoient que les audiences sont tenues par le JLD au siège du tribunal judiciaire pour le contentieux du maintien en zone d’attente, ou au siège du tribunal judiciaire dans le ressort du lieu de rétention, sauf dans le cas où il existe une salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité de la zone d’audience ou du lieu de rétention. Dans ce cas, l’audience est délocalisée dans cette salle.
Par ailleurs, le JLD peut décider, sur proposition de l’autorité administrative, que les audiences se déroulent avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ([781]).
La possibilité de procéder à une audience en visioconférence est également prévue pour la cour d’appel saisie du recours contre les décisions du JLD pour le contentieux du maintien en zone d’attente ([782]).
Le recours à la vidéo-audience devant le JLD est encadré par des garanties procédurales spécifiques, afin d’assurer la confidentialité de la transmission et la clarté, la sécurité et la sincérité des débats, en prévoyant qu’un procès-verbal du déroulement des opérations est effectué dans chacune des deux salles d’audience ouvertes au public.
Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a admis cette pratique, soulignant qu’elle était encadrée de garanties suffisantes et qu’elle poursuivait une bonne administration de la justice ([783]).
Il en est de même pour la délocalisation des audiences, sous réserve de l’aménagement spécifique de la salle d'audience délocalisée à proximité immédiate du lieu de rétention ou de la zone d’attente. En particulier, la salle ne doit pas se situer dans l’enceinte même de la zone d’attente ou du centre de rétention ([784]), notamment au regard de la nécessité pour le JLD de statuer publiquement dans le respect de l’impartialité et de l’indépendance du juge ([785]).
Selon les éléments communiqués dans l’étude d’impact, il existe aujourd’hui plusieurs salles d’audience attribuées au ministère de la justice spécialement aménagées, notamment à Coquelles (Pas-de-Calais), à proximité des deux centres de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), à Marseille-Le-Canet (Boûches-du-Rhone) près du centre de rétention et de la zone d’attente, ainsi qu’à Bobigny (Seine-Saint-Denis) ([786]).
Le Gouvernement fait valoir dans cette étude que la tenue de l’audience au siège de la juridiction implique le transfert sous escorte des étrangers au tribunal, ce qui impose des charges budgétaires et humaines importantes et augmente le risque d’évasion des étrangers en situation irrégulière ([787]).
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
L’article 24 réécrit les dispositions des articles L. 342-6 et L. 342-7, ainsi que les articles L. 743-7 et L. 743-8 du CESEDA, respectivement relatifs à la tenue des audiences devant le JLD en matière de contentieux portant sur le maintien en zone d’attente ou en rétention administrative.
La réécriture des articles L. 342-6 et L. 342-7 du CESEDA relatifs à l’audience de prolongation du maintien en zone d’attente vise à énoncer plus clairement le principe selon lequel l’audience se tient dans la salle attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente.
Le nouvel article L. 342-6 du CESEDA consacre ainsi le principe de la délocalisation de l’audience.
Il précise également la possibilité pour le juge de siéger, en ce qui le concerne, au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la zone d’attente, impliquant dans ce cas le recours à un moyen de communication audiovisuelle reliant les deux salles, qui doivent toutes deux être ouvertes au public.
L’article encadre enfin le recours à la vidéo-audience de garanties spécifiques, en prévoyant l’exigence du recours à un moyen de communication audiovisuel garantissant la confidentialité de la retransmission et en déterminant les règles relatives à l’assistance de l’avocat pour mieux garantir le respect des droits de la défense.
Il est ainsi précisé que l’avocat, de même que le représentant de l’administration, peuvent assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. L’avocat a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle, et l’interprète est présent dans la salle d’audience où il se trouve. Ce n’est qu’en cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète que ce dernier peut se trouver dans la salle où siège le JLD ou dans toute autre salle d’audience.
Un procès-verbal doit être établi dans chacune des salles d’audience pour attester de la conformité des opérations.
Par exception, le nouvel article L. 342-6 du CESEDA prévoit que l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la zone d’attente, lorsqu’aucune salle spécialement aménagée n’est disponible à proximité immédiate de la zone d’audience, ou en cas d’indisponibilité de la salle, ce qui nécessitera alors le transfert de l’étranger au tribunal.
Un nouvel article L. 342-7 est créé au sein du CESEDA, pour affirmer le principe selon lequel l’audience est publique, sauf dans le cas où le JLD, en application de l’article 435 du code de procédure civile, décide que les débats auront lieu en chambre du conseil.
Par coordination, l’article L. 342-15 du CESEDA, relatif à la tenue de l’audience devant la cour d’appel en cas de recours formé contre la décision du JLD de première instance, est modifié pour prévoir la possibilité, pour le premier président de la cour d’appel ou son délégué, de décider d’office ou à la demande d’une partie de recourir à la vidéo-audience.
Par symétrie, l’article 24 du projet de loi modifie de la même manière les articles L. 743-7 et L. 743-8 du CESEDA, afin de fixer les conditions de tenue de l’audience lorsque l’étranger est placé en rétention administrative et de prévoir les mêmes garanties procédurales destinées à assurer la confidentialité de la qualité de la retransmission, garanties qui sont applicables à la fois au conseil de l’étranger et à l’interprète.
L’article L. 743-8 du CESEDA est modifié pour affirmer le principe de publicité de l’audience, sous réserve de l’application de l’article 435 du code de procédure civile.
Par ailleurs, l’article 24 facilite le recours à la visio-conférence pour la tenue des audiences par le JLD, en supprimant la condition relative à la proposition préalable de l’autorité administrative, qui était jusqu’ici nécessaire pour permettre au juge de décider que l’audience se déroule avec l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle.
3. Les modifications introduites par le Sénat
a. Les modifications introduites en commission
Le Sénat a adopté en commission un amendement des rapporteurs ([788]) visant à renforcer les garanties applicables à la tenue des audiences en visioconférence, en apportant au dispositif les modifications suivantes :
– En premier lieu, les finalités du recours à la visio-conférence sont précisées et consistent à favoriser la bonne administration de la justice ainsi qu’à permettre au requérant de présenter verbalement ses explications ;
– En deuxième lieu, il est prévu qu’une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition du requérant ;
– En troisième lieu, il est précisé que le JLD peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice ;
– En dernier lieu, la possibilité de déroger au principe de publicité des débats est encadrée, en prévoyant que ces exceptions doivent être prévues par décret en Conseil d’État.
b. Les modifications apportées en séance
Le Sénat a adopté deux amendements de Mme Marie-Pierre de La Gontrie visant à préciser les conditions dans lesquelles il est procédé à la suspension de la vidéo-audience, lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice :
– en prévoyant la possibilité pour les parties de demander la suspension sans la réserver à la seule initiative du juge ([789]) ;
– en précisant que la suspension intervient également lorsque la qualité de la retransmission ne permet pas à l’avocat de présenter ses explications ([790]).
Le Sénat a également adopté un amendement de coordination des rapporteurs ([791]), modifiant l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 qui transfère les fonctions civiles du JLD en matière de contentieux des étrangers à un magistrat du siège, de façon à prendre en compte l’entrée en vigueur de l’article 24 de la présente loi avant celle de l’article 44 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
4. La position de la commission
Par symétrie avec le renforcement des garanties que la commission a entendu apporter à la tenue des vidéo-audiences devant le juge administratif, la commission des Lois a adopté deux amendements de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et de votre rapporteur général M. Florent Boudié, visant à renforcer les garanties procédurales entourant la vidéo-audience devant le JLD :
– D’une part, la finalité de bonne administration de la justice a été précisée, pour la rattacher explicitement aux cas dans lesquels il est recouru à la vidéo-audience, et non pas pour la délocalisation des audiences ([792]) ;
– D’autre part, dans le cas où la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications, le principe d’interruption de l’audience a été renforcé, en prévoyant que le juge est tenu de suspendre dans une telle situation ([793]).
Enfin, la commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel de Mme Caroline Yadan ([794]), pour remplacer la notion de « moyen de communication audiovisuelle » par celle de « moyen de télécommunication audiovisuelle ».
*
* *
Article 25
(art. L. 342-5, L. 342-7-1 du CESEDA)
Allongement du délai de jugement de la requête aux fins de maintien en zone d’attente en cas de placement simultané d’un grand nombre d’étrangers dans une même zone
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 25 vise à adapter le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention (JLD) pour statuer sur les requêtes aux fins de maintien en zone d’attente en cas de placement simultané dans une même zone d’un nombre important d’étrangers ; dans ce cas, ce délai serait porté de vingt-quatre heures à quarante-huit heures.
Pour sécuriser la procédure dans un tel cas, le présent article précise également que le JLD tient compte de ces circonstances particulières pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision de placement en zone d’attente, à l’information de ses droits et à leur prise d’effet.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a modifié l’ancien article L. 222-3 du CESEDA (devenu l’article L. 342-5 du même code) relatif au contentieux judiciaire du maintien en zone d’attente, en prévoyant un délai de jugement allongé à quarante-huit heures à compter de la saisine du JLD, au lieu de vingt-quatre heures, lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent.
Depuis lors, aucune modification législative n’est intervenue sur ces dispositions.
Modifications apportées par le Sénat
Outre une mesure de coordination adoptée lors de l’examen de l’article 25 en séance publique, l’essentiel des modifications apportées au présent article par le Sénat ont été adoptées en commission.
Le Sénat a ainsi prévu de nouvelles garanties procédurales encadrant la possibilité de déroger au délai de jugement de vingt-quatre heures de la requête aux fins de maintien en zone d’attente en cas de placement en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, en prévoyant :
– l’intervention du premier président, statuant par ordonnance, qui décide de l’allongement du délai de jugement à quarante-huit heures, lorsqu’il est fondé sur le placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers ;
– la possibilité pour le premier président, à la demande du président du tribunal judiciaire concerné, de déléguer des présidents de chambre et des conseillers de la cour d’appel ainsi que des juges, afin d’exercer les fonctions de JLD pour un motif et une durée déterminée, qui est précisée dans l’ordonnance.
Modifications apportées par la commission
En adoptant un amendement de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([795]), la commission des Lois a rétabli l’écriture de l’article 25 telle qu’elle était prévue initialement dans le projet de loi.
Les règles régissant le franchissement des frontières figurent au livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), relatif à « l’entrée en France ».
L’étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne sans remplir les conditions pour y entrer, telles qu’elles sont définies au titre Ier de ce livre, doit faire l’objet d’une décision de refus d’entrée, en application de l’article L. 332-1 du CESEDA.
L’autorité administrative peut alors le placer en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à son départ, en application de l’article L. 341-1 ou, s’il demande l’asile, de l’article L. 351-1 du CESEDA. La zone d’attente est située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou encore dans un aéroport.
L’étranger est informé de ses droits dans les meilleurs délais et peut notamment demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d’attente pour toute destination située hors de France ([796]).
La durée du placement initial ne peut excéder quatre jours, en application de l’article L. 341-2 du CESEDA. Le maintien en zone d’attente au-delà de cette durée peut être autorisé par le JLD ([797]), qui peut ordonner la prolongation jusqu’à vingt-six jours selon le séquençage suivant :
– Première prolongation : à l’issue de la durée initiale de quatre jours, le JLD peut prolonger le maintien en zone d’attente pour une durée de huit jours ([798]) ;
– Deuxième prolongation : à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l’étranger de faire échec à son départ, le JLD peut prolonger le maintien en zone d’attente pour une nouvelle durée de huit jours ([799]) ;
– Prorogation d’office en cas de dépôt tardif d’une demande d’asile : lorsque l’étranger maintenu en zone de rétention dépose une demande d’asile dans les six derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d’attente, celle-ci est prorogée d’office de six jours à compter du jour de la demande ([800]). Le procureur de la République et le JLD en sont informés ([801]), ce dernier pouvant y mettre un terme d’office.
– Prorogation d’office en cas de dépôt tardif d’un recours en annulation du refus d’entrée et, le cas échéant, de la décision de transfert : lorsque l’étranger maintenu en zone de rétention dépose un recours en annulation sur le fondement de l’article L. 352-4 du CESEDA dans les quatre derniers jours de la période de maintien en zone d’attente, celle-ci est prorogée d’office de quatre jours à compter du dépôt du recours ([802]).
La durée maximale de maintien en zone d’attente est donc de vingt jours ou, en cas de demande d’asile formulée dans les six jours précédant le vingtième jour, de vingt-six jours.
Le JLD dispose de vingt-quatre heures pour statuer sur la demande de maintien en zone d’attente. Ce délai peut être porté à quarante-huit heures lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent ([803]). Le tableau ci-dessous synthétise les délais applicables au contentieux du placement et du maintien de l’étranger en zone d’attente.
SynthÈse Des dÉlais pour le placement et le maintien en zone d’attente
|
Décision de placement en zone d’attente |
Première prolongation du maintien en zone d’attente |
Prolongation exceptionnelle du maintien en zone d’attente |
Délai maximal |
Prorogation d’office |
|||
Dépôt tardif d’une demande d’asile |
Délai maximal |
Dépôt tardif d’un recours en annulation |
Délai maximal |
|||||
Durée |
4 jours |
+ 8 jours |
+ 8 jours
à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l’étranger de faire échec à son départ |
20 jours |
+ 4 jours à compter du jour de la demande (1)
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24 jours |
+ 6 jours à compter du jour de la demande (2) |
26 jours
|
Notification des droits |
Dans les meilleurs délais
En cas de placement simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, il est tenu compte, pour l’appréciation de ces délais, du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles. |
|||||||
Délai de jugement |
Principe
24 heures à compter de la saisine
|
|||||||
Lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent
48 heures à compter de la saisine |
(1) En cas de demande d’asile dans les quatre derniers jours du maintien (soit à compter de J + 16).
(2) En cas de demande d’asile dans les six derniers jours du maintien (soit à compter de J + 14).
Source : Assemblée nationale, commission des Lois.
Or, comme il l’est relevé dans l’étude d’impact du projet de loi, le délai de jugement de vingt-quatre heures peut également s’avérer trop court dans d’autres situations, et notamment dans le cas où de nombreux étrangers arrivent en même temps sur le territoire français et sont placés au sein d’une même zone d’attente ([804]) .
Dans un tel cas de figure, le JLD compétent est le même pour statuer sur la situation de l’ensemble des étrangers lorsque l’autorité administrative demande le maintien en zone d’attente. Saisi de requêtes simultanées, le JLD ne dispose alors parfois pas du temps nécessaire pour statuer sur celles-ci, ce qui peut conduire à lever la mesure de placement en zone d’attente, faute pour le juge d’avoir statué dans le délai prévu par la loi.
Il est cité, à titre d’exemple, l’arrivée du navire Ocean Viking à Toulon le 11 novembre 2022, dans le cadre de laquelle le JLD a eu à connaître de dizaines de situations en un temps très bref. Malgré la mobilisation de cinq juges à l’échelle du ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, les requêtes aux fins de maintien en zone d’attente n’ont pu être traitées par les juges dans le délai de vingt-quatre heures imposé par la loi.
Dans ce cas d’espèce, les JLD n’avaient pas pu faire application du délai dérogatoire de quarante-huit heures, considérant que le critère de la prise en compte des « nécessités de l’instruction » devait s’apprécier au cas par cas et ne pouvait résulter d’un contexte extérieur au dossier, résultant de l’arrivée massive et simultanée d’étrangers.
Pourtant, il existe déjà dans le CESEDA des aménagements procéduraux permettant de prendre en compte la situation tenant au grand nombre d’étrangers pris en charge simultanément.
L’article L. 743-9 du CESEDA prévoit ainsi que le juge tient compte des circonstances particulières liées, notamment, au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision de placement de l’étranger en rétention, à l’information sur ses droits et à leur prise d’effet.
Cette disposition vise à sécuriser la procédure, en permettant de ne pas sanctionner un retard dans la notification des droits – laquelle devrait être effectuée dans les meilleurs délais – lorsque ce retard serait imputable à un placement en rétention simultané d’un grand nombre d’étrangers.
S’agissant du placement en zone d’attente, l’article L. 343-1 du CESEDA envisage lui aussi cette hypothèse, en invitant à une appréciation par le JLD de l’exigence d’information de l’étranger de ses droits « dans les meilleurs délais », qui doit être adaptée au contexte. En cas de placement simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, l’appréciation des délais dans lesquels il est procédé à la notification des droits doit tenir compte du nombre d’agents de l’autorité administrative et d’interprètes disponibles.
2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial
Pour permettre le traitement d’un nombre important de requêtes simultanées aux fins de prolongation du maintien en zone d’attente, l’article 25 du projet de loi modifie l’article L. 342-5 du CESEDA, afin de créer un nouveau motif de dérogation au délai de jugement de droit commun de vingt-quatre heures. Le délai de jugement est ainsi porté à quarante-huit heures lorsque, au regard des contraintes du service juridictionnel, le placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers l’impose.
Pour sécuriser la procédure de placement en zone d’attente dans le cas où de nombreux étrangers font simultanément l’objet d’un tel placement, un nouvel article L. 342-7 est créé au sein du CESEDA.
À l’instar des dispositions existantes en matière de placement en rétention administrative, il prévoit que le JLD tient compte de ces circonstances particulières pour l’appréciation des délais relatifs à la notification à l’étranger de la décision, à l’information de ses droits et à leur prise d’effet.
3. Les modifications introduites par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission
Le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([805]) qui réécrit l’article L. 342-5 du CESEDA, afin qu’en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers, la possibilité de déroger au délai de jugement de vingt-quatre heures, applicable à la requête aux fins de maintien en zone d’attente, soit entourée de nouvelles garanties procédurales..
D’une part, il prévoit les conditions dans lesquelles est ordonné l’allongement du délai de jugement à quarante-huit heures, lorsqu’il est fondé sur le placement simultané en zone d’attente d’un nombre important d’étrangers, en confiant cette charge au premier président, statuant par ordonnance, afin qu’il soit en mesure d’apprécier les contraintes du service juridictionnel.
D’autre part, il introduit la possibilité pour le premier président, à la demande du président du tribunal judiciaire concerné, de déléguer des présidents de chambre et des conseillers de la cour d’appel ainsi que des juges, afin d’exercer les fonctions de JLD pour un motif et une durée déterminée, qui est précisée dans l’ordonnance.
Le dispositif de délégation ad hoc s’inspire du cadre général de la délégation prévue à l’article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire ([806]). Il en reprend les garanties, en limitant la possibilité de déléguer un même magistrat au cours de la même année à cinq fois, la durée totale de la délégation ne pouvant par ailleurs excéder quarante jours au cours de l’année judiciaire.
b. Les modifications apportées en séance
Le Sénat a adopté un amendement des rapporteurs ([807]) procédant à des coordinations avec l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et tenant compte du transfert de compétence des requêtes aux fins de maintien en zone d’attente à un magistrat du siège du tribunal judiciaire.
4. Les modifications apportées en commission
À l’initiative de votre rapporteur M. Ludovic Mendes et de votre rapporteur général M. Florent Boudié ([808]), la commission des Lois a rétabli l’écriture initiale de l’article 25 du projet de loi, pour améliorer l’efficacité globale du dispositif et répondre à l’enjeu de célérité qui s’attache au traitement des requêtes concernées.
Par ailleurs, les dispositions relatives à la délégation des magistrats, qui relèvent de la loi organique, ont été supprimées ([809]).
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Article 25 bis
(art. L. 743-12 du CESEDA)
Encadrement du régime des nullités affectant la rétention administrative en les limitant aux cas d’atteinte substantielle aux droits des étrangers et d’absence de régularisation avant l’intervention de la décision du juge
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 25 bis, introduit dans le projet de loi à la suite de l’adoption par les sénateurs, en séance, d’un amendement du Gouvernement ([810]), encadre la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention (JLD), de prononcer des nullités dans le cadre de son contrôle de la régularité de la mesure de rétention administrative. Cette possibilité serait ainsi limitée aux seuls cas dans lesquels elles ont porté une atteinte substantielle aux droits des étrangers et n’ont pas pu être régularisées avant l’intervention de la décision du juge.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a encadré le régime des nullités de la rétention administrative, en créant l’ancien article L. 522-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Ce régime n’a pas été modifié depuis lors.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 25 bis.
Les dispositions législatives relatives à la rétention administrative sont insérées au titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ([811]).
La régularité du placement en rétention administrative, en tant que mesure privative de liberté, est confiée au contrôle de l’autorité judiciaire, et plus spécifiquement au juge des libertés et de la détention (JLD) ([812]).
L'étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention peut ainsi la contester devant le JLD, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification ([813]). Dans ce cas, le JLD informe sans délai le tribunal administratif territorialement compétent, par tout moyen, du sens de sa décision ([814]).
Le JLD est également compétent pour statuer sur le maintien en rétention administrative dans les conditions prévues par les chapitres II et III du titre précité ([815]).
Depuis la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’article L. 743-12 du CESEDA prévoit un encadrement du régime des nullités de la rétention administrative.
Selon les dispositions de cet article, le JLD ne peut constater la nullité de la rétention administrative et en prononcer la mainlevée que dans le cas :
– de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ;
– ou de l’inobservation des formalités substantielles ;
– et uniquement lorsque cette violation ou cette inobservation a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
L’encadrement du régime des nullités de la rétention administrative permet ainsi d’en limiter le prononcé aux seules nullités qui font grief à l’étranger. La rédaction de l’article L. 743-12 du CESEDA s’apparente à celle retenue par les dispositions du code de procédure pénale ([816]) et du code de procédure civile ([817]).
L’article L. 743-12 du CESEDA prévoit également la possibilité, pour le JLD, de relever d’office la nullité lorsqu’elle répond aux conditions rappelées ci-dessus.
Dans son appréciation des causes de nullité, la jurisprudence a dégagé des critères permettant d’apprécier les notions de formalité substantielle et le degré d’atteinte aux droits de l’étranger susceptible d’entraîner une irrégularité de la procédure de rétention administrative.
Ainsi, la nullité ne peut pas être prononcée en raison d’une simple erreur matérielle, ni dans le cas où le défaut de formalité n’a pas de conséquence sur l’exercice des droits, ou ne touche pas un droit substantiel ([818]), ou encore s’il ne peut en résulter aucune atteinte pour l’étranger ([819]).
En revanche, la nullité peut être prononcée notamment en cas de manquement à un droit individuel substantiel ([820]), de violation d’un délai prévu par la loi, ou d’atteinte aux droits de la défense, qui peut par exemple résulter de l’absence d’information du procureur de la République ([821]).
Dans le cas particulier où le procureur de la République qui a été informé de la mesure de placement en rétention administrative n’est pas celui qui est territorialement compétent, la jurisprudence considère qu’il ne s’agit pas d’une cause de nullité susceptible d’entraîner la mainlevée du placement ou du maintien en rétention administrative ([822]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([823]) qui modifie l’article L. 743-12 du CESEDA pour encadrer le régime des nullités en matière de rétention administrative des étrangers.
La modification permet de limiter le prononcé des nullités par le JLD aux seuls cas dans lesquels la violation des formes prescrites par la loi, à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, a abouti à la réunion des deux conditions cumulatives suivantes :
– la violation des formes a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger ;
– aucune régularisation n’a pu intervenir avant la clôture des débats.
Selon l’exposé sommaire de l’amendement, cette modification vise à prévenir l’interprétation actuelle de ce texte par les juridictions, qui considèrent que l’erreur de notification de la décision de placement en rétention auprès d’un procureur de la République non territorialement compétent suffit à entraîner l’irrégularité de la procédure, du fait du retard de l’information.
3. La position de la commission
L’article 25 bis n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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Article 25 ter
(art. L. 743-22 du CESEDA)
Caractère suspensif de l’appel interjeté contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention mettant fin à la rétention lorsque le motif de la mesure est lié à des faits de terrorisme
Adopté par la commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 25 ter, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([824]) en séance publique au Sénat, modifie l’article L. 743-22 du CESEDA pour prévoir le caractère automatiquement suspensif de l’appel interjeté par le procureur de la République ou l’autorité administrative, contre une décision mettant fin à la rétention dans les deux cas suivants :
– lorsque l’intéressé a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ;
– ou s’il fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
Dernières modifications législatives intervenues
Les dispositions relatives à l’appel suspensif du procureur de la République (qui figuraient aux anciens articles L. 222-5 et L. 222-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ont été modifiées par la loi n° 2017-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, afin d’allonger de six à dix heures le délai dans lequel la demande d’appel suspensif pouvait être effectuée par le procureur de la République.
Modifications apportées en commission
La commission des Lois n’a pas modifié l’article 25 ter.
Le régime du contrôle de la rétention administrative par l’autorité judiciaire est prévu au chapitre III du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
L’autorité judiciaire, en l’occurrence le JLD ([825]), est susceptible d’être saisie dans le cadre du contentieux de la rétention administrative de l’étranger, notamment aux fins de prolongation de la mesure ([826]), de contestation de la décision du placement en rétention administrative ([827]) ou de demande de libération par l’étranger ([828]).
Les ordonnances rendues par le JLD sont susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué dans les vingt-quatre heures de leur prononcé, ou de leur notification à l’étranger requérant lorsqu’il n’assiste pas à l’audience. L’appel peut être formé par l’étranger, le ministère public et l’autorité administrative compétente ([829]).
Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statuent alors au fond dans un délai de quarante-huit à compter de la saisine ([830]) .
En principe, le recours exercé contre les ordonnances du JLD en matière de contentieux de la rétention administrative n’est pas suspensif. Cela signifie que l’exercice de la voie de l’appel n’empêche pas l’exécution de la décision rendue.
Toutefois, en application de l’article L. 743-22 du CESEDA, le ministère public peut demander au premier président de la cour d’appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif lorsqu’il lui apparaît que l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives, ou en cas de menace grave pour l’ordre public. Dans ce cas, l’appel, accompagné de la demande qui se réfère à l’absence de garanties de représentation effectives ou à la menace grave pour l’ordre public, est formé dans un délai de dix heures à compter de la notification de l’ordonnance ([831]) au procureur de la République, et transmis au premier président de la cour d’appel ou à son délégué.
Pour ménager l’effet utile de la possibilité pour le procureur de la République de solliciter l’effet suspensif de son appel, l’article L. 743-19 du CESEDA prévoit que, lorsqu’une ordonnance du JLD met fin à la rétention d’un étranger ou l’assigne à résidence, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République, et l’étranger est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de dix heures, à moins que le procureur de la République n’en dispose autrement.
Dès réception de l’appel du procureur de la République, le magistrat de la Cour d’appel décide, sans délai, s’il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif et statue sur ce point par une ordonnance motivée rendue contradictoirement et qui n’est pas susceptible de recours ([832]) .
L’intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l’appel du ministère public, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond ([833]).
Le Conseil constitutionnel a estimé que le dispositif d’appel suspensif était conforme à la Constitution ([834]). Après avoir rappelé qu’ « en principe, il résulte de l'article 66 de la Constitution que, lorsqu'un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle, décidé par une décision juridictionnelle qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel », le Conseil constitutionnel a en effet souligné l’ensemble des garanties qui encadraient l’application du dispositif d’appel suspensif :
● le procureur de la République ne peut demander au premier président de la cour d’appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif que lorsque l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives, ou en cas de menace grave pour l'ordre public ;
● le but visé par la loi est d’assurer le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice ;
● la demande du procureur de la République, qui doit accompagner l’appel, est formée dans un délai de [dix] heures à compter de la notification de l’ordonnance;
● seul le premier président de la cour d’appel ou son délégué, magistrat du siège, décide s’il y a lieu de donner à l’appel un effet suspensif, en déterminant si l’étranger dispose de garanties effectives de représentation ou constitue une menace grave pour l’ordre public, ce dernier devant se prononcer « sans délai », ce qui implique que la décision doit être rendue dans le plus bref délai.
S’agissant du délai pendant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice afin que le ministère public puisse, s’il forme appel de cette décision, saisir le premier président de la cour d’appel d’une demande tendant à voir déclarer son appel suspensif, le Conseil constitutionnel a estimé que l’allongement de ce délai de quatre à six heures ([835]), puis de six à dix heures ([836]) , était conforme à la Constitution.
2. Le dispositif proposé par le Sénat
L’article 25 ter, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement ([837]), modifie l’article L. 743-22 du CESEDA pour prévoir le caractère automatiquement suspensif de l’appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention dans les deux cas suivants :
– lorsque l’intéressé a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ;
– ou s’il fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
Cette disposition renverse donc, dans ces deux hypothèses, le principe selon lequel l’appel n’est pas suspensif, sous réserve d’être déclaré comme tel par le premier président de la cour d’appel ou son délégué, au regard des garanties de représentation de l’étranger concerné ou de la menace pour l’ordre public.
Par ailleurs, l’article L. 743-22 du CESEDA confère un effet suspensif automatique, dans les cas mentionnés, à l’appel interjeté par l’autorité administrative compétente.
3. La position de la commission
L’article 25 ter n’a pas été modifié lors de son examen par la commission des Lois.
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titre vi
dispositions relatives à l’outre-mer et entrée en vigueur
Article 26 A (nouveau)
(art. L. 551-1 et L. 551-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Application du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés en Outre-mer
Introduit par la Commission
Conformément à l’article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés détermine la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région, ainsi que la répartition des lieux d’hébergement qui leur sont destinés. Il est arrêté par le ministre chargé de l’asile, après avis des ministres chargés du logement et des affaires sociales, et transmis au Parlement.
L’article L. 551-2 du CESEDA prévoit une déclinaison au niveau régional du schéma national d’accueil, via l’adoption d’un schéma régional, pris par le préfet de région après consultation des acteurs locaux.
Le schéma national d’accueil 2021-2023 ne fixait pas le nombre de places d’hébergement des demandeurs d’asile pour les cinq départements d’outre-mer. Dans une décision du 21 décembre 2021 n° 450551, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement d’intégrer les collectivités d’outre-mer dans la répartition des places d’hébergement pour demandeurs d’asile prévue par le schéma national d’accueil. L’arrêté du 13 mai 2022 pris en application de l’article L. 551-1 du CESEDA a ainsi intégré les régions d’outre-mer dans cette répartition.
2. Le dispositif introduit par la Commission
Par deux amendements ([838]) de M. Davy Rimane, avec avis favorable du rapporteur Olivier Serva et du Gouvernement, la Commission a explicitement prévu l’intégration des Outre-mer au sein du schéma national d’accueil, ainsi que sa déclinaison au niveau régional, en précisant que les articles L.551-1 et L.551-2 du CESEDA concernaient les régions de l’Hexagone et des Outre-mer.
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Article 26
(art. L. 281-4, L. 281-5, L. 281-7, L. 361-2, L. 441-7, L. 651-3, L. 651-4, L. 651-6 et L. 831-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Adaptation des dispositions du projet de loi à l’Outre-mer
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour étendre et adapter les dispositions du projet de loi aux collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il fixe un délai d’habilitation de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, et prévoit que le projet de loi de ratification doit être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Dernières modifications législatives intervenues
Sans objet.
Modifications apportées par le Sénat
En séance publique, le Sénat a, d’une part, modifié le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance pour en exclure les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et Saint-Pierre et Miquelon ; il a, d’autre part, procédé aux adaptations nécessaires pour l’application des dispositions du projet de loi dans ces collectivités.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté trois amendements, déposés par Mme Estelle Youssouffa et ayant recueilli un avis favorable de votre rapporteur Olivier Serva et du Gouvernement, relatifs à des dispositions applicables à Mayotte modifiant l’article 26 du projet de loi.
Le premier amendement ([839]) supprime une dérogation au droit commun qui existait à Mayotte, selon laquelle l’état de polygamie ne faisait pas obstacle à la délivrance d’un titre de séjour si elle avait été légalement constituée avant l’entrée en vigueur de son interdiction sur le territoire. Le deuxième ([840]) ajoute à la formation civique délivrée dans le cadre du contrat d’intégration républicaine, pour son application à Mayotte, un volet sur l’appartenance de ce département à la République française. Le dernier ([841]) introduit des nouveaux motifs permettant, à Mayotte, l’expulsion des étrangers faisant l’objet de protections dites « relatives » et « quasi-absolues ».
a. Modalité d’application des dispositions législatives aux collectivités situées en Outre-mer
Les conditions d’application des textes législatifs aux collectivités ultramarines varient selon leurs statuts.
Les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution sont les départements et régions d’outre-mer (DROM), ainsi que les collectivités uniques en tenant lieu. Ces collectivités comprennent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion. Elles suivent le principe d’identité législative : les lois s’y appliquent dans les mêmes conditions que dans l’hexagone, sans besoin d’une mention expresse. Elles peuvent, toutefois, faire l’objet d’adaptations, par dispositions expresses, tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
En revanche, les collectivités d’Outre-mer (COM), régies par l’article 74 de la Constitution, ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. Ces collectivités sont la Polynésie française, Wallis‑Et‑Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
L’article 74 permet l’application du principe de spécialité législative, selon lequel les lois ne s’appliquent pas, sauf mention expresse ou extension par une loi postérieure. Toutefois, c’est le statut de chaque collectivité, défini par la loi organique, qui détermine, selon les matières, le régime d’applicabilité des lois. Celui-ci qui peut répondre soit à ce principe de spécialité soit prévoir un régime d’identité législative. La seule exception au principe de spécialité étant les « lois de souveraineté » qui s’appliquent de plein droit même en l’absence de mention expresse.
En outre, au sein des matières régies par le principe de spécialité certaines peuvent relever de la compétence de l’État et d’autres peuvent relever des compétences dévolues à la collectivité. S’agissant de ces dernières, le législateur n’est pas compétent pour y intervenir, même par mention expresse. En revanche, aux termes de l’article 74 de la Constitution, les transferts de compétences ne peuvent concerner « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ».
Ainsi, parmi les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, Saint‑Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon suivent le principe d’identité législative aux termes de leurs statuts organiques. Toutefois, le statut de Saint‑Barthélemy et Saint-Martin prévoient une exception pour les lois et règlements relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers ainsi qu’au droit d’asile qui demeurent soumis au principe de spécialité et ne sont donc applicables que sur mention expresse (art. L.O. 6213-1, LO. 6313-1 et LO. 6413-1 du code général des collectivités territoriales). La Polynésie Française et les îles Wallis-et-Futuna suivent en revanche le régime de spécialité législative y compris dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État (art. 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer).
La Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’Outre-mer sui generis qui, depuis l’Accord de Nouméa, a un statut particulier fixé aux articles 76 et 77 de la Constitution. Elle est régie par le principe de spécialité sauf dans un nombre restreint de domaines énumérés à l’article 6-2 de la loi organique du 19 mars 1999. En outre, l’accord de Nouméa et la loi organique prévoient également le transfert progressif des compétences de l’État vers la Nouvelle-Calédonie. Toutefois, la question de l’entrée et du séjour des étrangers demeure une compétence de l’État (article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie). En revanche, la législation du travail relève de la compétence du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
Les Terres australes et antarctiques françaises relèvent également d’un régime législatif particulier déterminé par la loi en application du dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution. La loi du 6 août 1955 dispose ainsi que le territoire est soumis au principe de spécialité législative sauf pour un nombre restreint de matière énoncé à son article 1er-1.
L’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du CESEDA a procédé à une importante codification du droit des étrangers applicables aux collectivités situées en Outre-mer afin de rassembler l’ensemble des dispositions au sein du code.
Celui-ci dispose désormais à son article L. 110-2 que « le présent code est applicable sur l’ensemble du territoire de la République ». Cette disposition permet l’extension des dispositions du code à l’ensemble des collectivités régies par le principe de spécialité. Ainsi, l’ordonnance a procédé, en premier lieu, à la codification des textes spécifiques qui régissaient l’entrée et le séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle‑Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises
En second lieu, la recodification a permis de clarifier l’organisation du code qui ne faisait apparaître que partiellement les modalités d’application du droit des étrangers en outre‑mer. L’ordonnance du 16 décembre 2020 a ainsi introduit au sein de chaque livre thématique un nouveau titre spécifique rassemblant les adaptations prévues pour l’application en Outre-mer des dispositions du code.
Cette codification de l’ensemble des règles relatives au droit des étrangers en Outre-mer ne s’est en revanche pas accompagnée d’une harmonisation des dispositions applicables dès lors que de nombreuses dérogations au droit commun demeurent en vigueur pour ces collectivités.
b. Habilitation à légiférer par ordonnance
Les extensions et adaptations des dispositions applicables en Outre-mer sont opérées par un texte de même niveau normatif que les dispositions applicables dans l’hexagone.
Dans ce cadre, trois dispositifs sont possibles :
le projet de loi peut prévoir lui-même les extensions et adaptations nécessaires pour son application dans les Outre-mer ;
le Gouvernement dispose également de la faculté de demander une habilitation à légiférer par ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution ;
il existe également une habilitation permanente du Gouvernement, sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, à étendre et adapter des dispositions législatives dans les collectivités de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle‑Calédonie par voie d’ordonnance et dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État. L’article 74-1 précise que ces ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d’État. Par ailleurs, l’article 74-1 impose une ratification de l’ordonnance, et pas seulement le dépôt du projet de loi de ratification, dans un délai de 18 mois suivant sa publication, sans laquelle celle-ci devient caduque. En outre, cette procédure exclut les collectivités de l’article 73 de la Constitution et les Terres australes et antarctiques françaises.
2. Le projet de loi initial
L’article initial du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour étendre et adapter les dispositions du projet de loi aux collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Il fixe un délai d’habilitation de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi et prévoit que le projet de loi de ratification doit être déposé dans un délai de trois mois à partir de la publication de l’ordonnance.
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission des Lois
La commission des Lois du Sénat a adopté cet article sans modification.
b. Les modifications apportées en Séance publique
En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de réécriture de l’article 26 déposé par le Gouvernement ([842]) .
Cet amendement procède à deux types de modifications.
En premier lieu, il modifie le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue par le présent article, dans sa rédaction initiale. Conformément à l’engagement du Gouvernement devant le Sénat, l’amendement exclut les collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte) et Saint-Pierre-et-Miquelon du champ de cette habilitation. Les mesures d’adaptations législatives nécessaires pour ces collectivités seront ainsi directement inscrites dans le texte de loi et feront l’objet d’un débat parlementaire.
Par conséquent, seules les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint‑Martin, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle‑Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises, relèvent désormais de l’habilitation à légiférer par ordonnances prévue par l’article 26 du projet de loi.
En second lieu, et en conséquence de la modification du champ de l’habilitation, l’amendement adopté par le Sénat procède aux adaptations nécessaires pour l’application des dispositions du projet de loi aux collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ces adaptations comprennent les mesures suivantes.
L’amendement supprime les dispositions du CESEDA ([843]) applicables en Martinique, à La Réunion et à Saint-Pierre et Miquelon qui prévoyaient, dans ces territoires, de ne pas appliquer une voie de recours spécifique aux citoyens de l’Union européenne contre les décisions portant obligation de quitter le territoire, en dérogation au droit commun en vigueur dans l’hexagone.
Cette dérogation n’avait plus d’objet dès lors que la simplification des procédures contentieuses prévue à l’article 21 du projet de loi procède à l’alignement des délais de recours contre les décisions portant OQTF entre citoyens de l’Union européenne et ressortissants des pays tiers.
Il supprime pour l’application de l’article L. 352-4, dans sa nouvelle rédaction issue du projet de loi, en Martinique, à La Réunion et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon les références aux décisions de transfert mises en œuvre pour l’application du règlement « Dublin III », dès lors que celui-ci ne s’applique pas aux collectivités situées en Outre-mer.
En outre, pour la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte, il supprime la référence à cet article L. 352-4 dans sa nouvelle rédaction issue du projet de loi. Celui-ci prévoit, en effet, l’application aux décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile de la procédure du nouvel article L. 921-3 qui instaure un délai de recours de 48 heures. Or, l’amendement prévoit de maintenir des voies de recours dérogatoires sur ces territoires en excluant l’application des procédures introduites au titre Ier et II du nouveau livre IX du code.
L’amendement procède également à d’autres adaptations rédactionnelles afin de conserver l’application en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte d’une procédure dérogatoire pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français devant le juge administratif. Dans ces territoires les recours prévus par le nouveau livre IX ne s’appliquent pas, au bénéfice des recours de droit commun prévus par le code de justice administrative.
De même, il supprime pour l’application du code en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références aux dispositions résultant de l’article 16 du projet de loi relatives aux systèmes ETIAS et EES, sans objet dans les territoires d’Outre-mer qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen.
Enfin, l’amendement introduit un nouveau titre III au sein du livre IX créé par le projet de loi, relatif aux procédures contentieuses. De manière symétrique avec les autres livres du code, le nouveau titre III rassemble les adaptations nécessaires pour l’application des dispositions dudit livre aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Tout en prévoyant l’application des dispositions du nouveau livre IX à ces collectivités, il exclut toutefois l’application à la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte des titres Ier et II du livre, lesquels portent sur les procédures de juge unique et la formation collégiale spéciale, afin de maintenir dans ces territoires des voies de recours particulières.
Seul l’article L. 922-3 qui prévoit la possibilité de tenir des audiences en visioconférence pour les étrangers maintenus en rétention administrative est applicable directement aux trois collectivités.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté trois amendements relatifs à des dispositions applicables à Mayotte.
Le premier ([844]), adopté à l’initiative de Mme Estelle Youssouffa et M. Pierre Morel-À-L'Huissier, avec avis favorable du Gouvernement et du rapporteur Olivier Serva, supprime la dérogation applicable à Mayotte, selon laquelle l’état de polygamie ne faisait pas obstacle à la délivrance d’un titre de séjour lorsqu’elle avait été légalement constituée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer ou de l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître. Ces deux textes ont respectivement restreint, puis interdit la polygamie dans l’île.
En effet, l’article L. 412-6 du CESEDA dispose qu’« aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger qui vit en France en état de polygamie. Tout document de séjour détenu par un étranger dans une telle situation est retiré. » Toutefois, le 1°A de l’article L. 441-7 de ce code prévoyait que ces dispositions n’étaient pas applicables aux étrangers dont la polygamie était légalement constituée à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer ou de l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte.
L’amendement adopté par la Commission a abrogé une telle dérogation, si bien que la polygamie fait désormais obstacle à la délivrance d’un titre de séjour pour tous les étrangers à Mayotte.
Le deuxième amendement ([845]), également adopté, après avis favorable de votre rapporteur Olivier Serva et du Gouvernement, à l’initiative de Mme Estelle Youssouffa et M. Pierre Morel-À-L’Huissier, ajoute à la formation civique délivrée dans le cadre du contrat d’intégration républicaine, pour son application à Mayotte, un volet sur l’appartenance de Mayotte à la République française, son intégrité territoriale et ses frontières.
Le 1° de l’article L.441-7 du CESEDA prévoyait déjà une disposition spécifique pour l’application de la formation civique du CIR à Mayotte, via l’existence d’un volet supplémentaire relatif à l’histoire et à la géographie de la collectivité de résidence de l’étranger. Cet amendement ajoute ainsi un second volet spécifique.
Enfin, le dernier amendement ([846]), adopté, avec un avis favorable de votre rapporteur Olivier Serva, à l’initiative de Mme Estelle Youssouffa, ajoute des motifs spécifiques à Mayotte permettant de lever la protection contre l’expulsion des étrangers dits protégés relevant des catégories définies par les articles L.631‑2 et L.631-3 du CESEDA.
L’amendement adopté par la Commission prévoit que les étrangers relevant des catégories prévues par les articles L. 631-2 et L. 631-3 du CESEDA pourront, à Mayotte, faire l’objet d’une mesure d’expulsion lorsqu’ils ont été condamnés définitivement pour des faits de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ainsi que des faits de viol, inceste et agressions sexuelles.
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Article 26 bis (nouveau)
(art. 2493 et 2535, 2536, 2537, 2544, 2545 et 2546 [nouveaux] du code civil)
Restriction des conditions d’acquisition de la nationalité par le droit du sol dans certains territoires ultramarins
Introduit par la Commission
Pour une présentation du régime d’acquisition de la nationalité française en vertu du droit du sol, voir le commentaire de l’article 2 ter C.
2. Le dispositif introduit par la Commission
La commission des Lois, en adoptant l’amendement ([847]) de votre rapporteur Olivier Serva, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement, a réintroduit, au sein du titre VI du projet de loi, l’article 2 ter C du projet de loi. Cet article restreint les conditions d’acquisition de la nationalité par le droit du sol à Mayotte, ainsi qu’en Guyane et à Saint-Martin.
En outre, un sous-amendement ([848]) adopté à l’initiative de Mme Estelle Youssouffa durcit, à Mayotte, la condition de régularité du séjour des parents, en prévoyant que celle-ci s’applique aux deux parents et non plus à un seul.
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Article 26 ter (nouveau)
(art. L. 414-13, L. 423-7, L. 423-8, L. 435-4, L. 441-2, L. 441-4, L. 441-7 et L. 441-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Territorialisation de la liste des métiers en tension en Outre-mer et dispositions particulières en Guyane, à Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon
Introduit par la Commission
a. Territorialisation de l’établissement de la liste des métiers en tension dans certaines collectivités ultramarines et délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle pour les travailleurs dans les métiers en tension à Saint-Pierre et Miquelon
L’article 4 bis du projet de loi crée une voie d’accès au séjour pour les étrangers ayant exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement. Ces étrangers peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » d’une durée d’un an.
Pour une présentation de la liste des métiers en tension, voir le commentaire de l’article 4 ter.
b. Commission du titre de séjour
L’article L. 432-13 du CESEDA prévoit l’instauration dans chaque département d’une commission du titre de séjour.
Cette commission, dont l’avis est seulement consultatif, est saisie par le préfet lorsqu’il envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement de certaines catégories de titres de séjour, notamment la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ou une carte de résident. Elle est également saisie lorsque le préfet décide de retirer le titre de séjour de l’étranger qui a fait venir sa famille en dehors de la procédure de regroupement familial. Enfin, elle doit également être consultée si le préfet refuse l’admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l’article L. 435-1 du CESEDA, demandée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans.
c. Augmentation de la durée de contribution effective à l’entretien et à l’éducation d’un enfant français pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire et durcissement des conditions permettant à l’étranger de demander à bénéficier du regroupement familial à Mayotte
Sur l’état du droit pour l’octroi d’un titre de séjour pour motif familial, voir le commentaire de l’article 13 bis.
Pour une présentation du régime du regroupement familial, voir le commentaire de l’article 1er B.
a. Territorialisation de l’établissement de la liste des métiers en tension dans certaines collectivités ultramarines et délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle pour les travailleurs dans les métiers en tension à Saint-Pierre et Miquelon
L’amendement ([849]) adopté à l’initiative de votre rapporteur Olivier Serva avec un avis favorable du Gouvernement, prévoit que, pour l’application du dispositif de l’article 4 bis du projet de loi à Saint-Pierre et Miquelon, l’étranger qui s’est vu délivrer une carte de séjour annuelle peut obtenir, à l’expiration de ce titre et lors de son renouvellement, une carte de séjour pluriannuelle.
Par un amendement de votre rapporteur Olivier Serva ([850]) ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, la Commission a prévu des modalités particulières d’établissement de la liste des métiers en tension dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre et Miquelon.
L’amendement adopté prévoit que la liste des métiers en tension dans chacun de ces territoires est établie par une commission, placée sous l’autorité du préfet et composée des parlementaires de la circonscription, d’un représentant de la collectivité ultramarine, de Pôle emploi, de chaque chambre consulaire, du conseil économique et social régional, du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement et des organisations syndicales et patronales.
La territorialisation de l’établissement de la liste des métiers en tension en Outre-mer a ainsi vocation à permettre son adaptation aux particularités des marchés du travail de ces territoires.
b. Commission du titre de séjour
Par dérogation au droit commun, les 2° et 4° de l’article L. 441-4 du CESEDA prévoyaient que la commission du titre de séjour n’était pas établie en Guyane.
Par l’adoption d’un amendement ([851]) à l’initiative de M. Davy Rimane et du groupe GDR, avec avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a abrogé ces dispositions, afin de prévoir l’existence d’une telle commission en Guyane.
c. Augmentation de la durée de contribution effective à l’entretien et à l’éducation d’un enfant français pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire et durcissement des conditions permettant à l’étranger de demander à bénéficier du regroupement familial à Mayotte
Par un amendement ([852]) adopté à l’initiative de M. Mansour Kamardine, avec un avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a réintroduit, pour le seul territoire de Mayotte, au sein d’un nouvel article 26 quinquies, le dispositif prévu par l’article 13 bis supprimé.
Cet amendement porte ainsi de deux à trois ans le délai pendant lequel l’étranger doit avoir effectivement contribué à l’entretien de l’enfant pour bénéficier d’une carte de séjour temporaire en tant que parent d’enfant français à Mayotte. La même condition de délai est appliquée à l’étranger qui n’est pas l’auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité.
La Commission a adopté un amendement ([853]) de M. Mansour Kamardine, avec un avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur Olivier Serva, durcissant les conditions du regroupement familial à Mayotte.
D’une part, l’amendement allonge de 18 mois à trois ans la durée de séjour régulier en France à partir de laquelle l’étranger peut demander à bénéficier du droit au regroupement familial, et exige qu’il soit détenteur d’un titre de séjour de cinq ans, contre un an en l’état actuel du droit.
D’autre part, l’amendement restreint les membres de la famille pouvant rejoindre l’étranger au titre du droit au regroupement familial. Il limite ainsi le regroupement familial au conjoint et aux enfants mineurs du couple, alors même que le droit commun prévoit également le bénéfice du regroupement familial pour les enfants dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un membre du couple.
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Article 26 quater (nouveau)
(art. 78-3 du code de procédure pénale)
Extension à la Guyane de la durée maximale dérogatoire de huit heures
de la rétention aux fins de vérification d’identité
Introduit par la Commission
Pour la présentation du régime de la rétention aux fins de vérification d’identité, voir le commentaire de l’article 14 G.
L’amendement CL1727, adopté à l’initiative de votre rapporteur Olivier Serva, a réintroduit au sein de ce titre VI du projet de loi le dispositif de l’article 14 G, qui avait été supprimé par le Sénat. Cet article étend à la Guyane la durée maximale dérogatoire de huit heures (contre quatre heures en principe) de la rétention aux fins de vérification d’identité, prévue à l’article 78‑3 du code de procédure pénale (CPP) et applicable à Mayotte.
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Article 26 quinquies (nouveau)
Territorialisation de la liste des métiers en tension en Outre-mer et dispositions particulières en Guyane, à Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon
Introduit par la Commission
Sans objet.
Par un amendement ([854]) présenté par votre rapporteur Olivier Serva et ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, la Commission a introduit au sein du projet de loi un nouvel article 26 octies, prévoyant la remise, dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport présentant les moyens technologiques et humains supplémentaires nécessaires pour assurer le contrôle des côtes de l’archipel de la Guadeloupe afin de lutter contre l’immigration irrégulière.
La présentation de cet amendement a été justifiée par la configuration singulière de l’archipel guadeloupéen, qui rend tout particulièrement difficile le contrôle de ses côtes.
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Article 26 sexies (nouveau)
Remise d’un rapport au Parlement sur la participation des acteurs privés et associatifs à la formation professionnelle des étrangers en Outre-mer
Introduit par la Commission
Sans objet.
Par un amendement CL1771 présenté par votre rapporteur Olivier Serva, adopté avec avis favorable du Gouvernement, la Commission a prévu la remise d’un rapport, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, sur les modalités permettant aux acteurs privés et associatifs de participer en Outre-mer à la formation professionnelle des publics éloignés de l’emploi et notamment des étrangers titulaires d’un premier titre de séjour.
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Article 26 septies (nouveau)
Remise d’un rapport au Parlement sur la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte
Introduit par la Commission
Sans objet.
La Commission a adopté un amendement ([855]) présenté par M. Mansour Kamardine, avec avis favorable de votre rapporteur, prévoyant, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, la remise d’un rapport au Parlement sur les moyens de rendre plus efficiente la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte. Le rapport prévoit notamment d’étudier la mise en place d’un préfet délégué à la lutte contre l’immigration clandestine.
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Article 26 octies (nouveau)
Remise d’un rapport au Parlement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Outre-mer
Introduit par la Commission
Sans objet.
La Commission a adopté, avec avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, un amendement ([856]) présenté par M. Thomas Portes, prévoyant la remise d’un rapport, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Outre-mer.
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Article 27
Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article détermine les modalités et les délais d’entrée en vigueur du projet de loi. Il prévoit une entrée en vigueur différée pour l’article 12 du projet de loi instaurant une interdiction de placement en rétention des mineurs de seize ans ainsi que pour les articles 21 à 24 relatifs aux nouvelles procédures contentieuses.
Dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, l’article 27 prévoit que les dispositions du texte de loi entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, dans un délai de dix-huit mois à compter de sa promulgation, conformément au délai d’habilitation prévu à l’article 26.
Dernières modifications législatives intervenues
Sans objet.
Modifications apportées par le Sénat
En séance publique, le Sénat a supprimé l’entrée en vigueur différée de l’article 12, sauf pour son application au département de Mayotte. Il a également prévu l’entrée en vigueur ultérieure de certaines dispositions qu’il a introduites en matière de délivrance de titre de séjour.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté à cet article un amendement ([857]), présenté par vos rapporteurs Élodie Jacquier-Laforge et Florent Boudié avec avis favorable du Gouvernement, qui prévoit de reporter au 1er janvier 2026 l’entrée en vigueur de l’article 1er du projet de loi.
Sans objet.
2. Le projet de loi initial
L’article initial du projet de loi détermine les modalités et les délais d’entrée en vigueur du projet de loi pour certaines de ses dispositions ainsi que dans les territoires mentionnés aux articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle‑Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il prévoit une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2025 pour l’article 12 du projet de loi instaurant une interdiction de placement en rétention des mineurs de seize ans.
Les articles 21 à 24 du projet de loi, relatifs aux nouvelles procédures contentieuses, entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi. L’article 27 précise également que les nouvelles procédures contentieuses prévues par les articles 21 à 24 ne seront applicables qu’aux décisions intervenues à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, les dispositions du texte de loi entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois suivant celui de sa promulgation.
3. Les modifications apportées par le Sénat
a. Les modifications apportées en commission des Lois
La commission des lois du Sénat a adopté cet article sans modification.
b. Les modifications apportées en Séance publique
En Séance publique, le Sénat a adopté deux amendements.
Le premier amendement ([858]), adopté à l’initiative des rapporteurs de la commission des lois, Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère avec un avis favorable du Gouvernement, précise que les nouvelles dispositions introduites par le Sénat en matière de titres de séjour (articles 1er B, 1er C, 1er E, 1er F, 2 bis et 2 ter) ne s’appliqueront qu’aux demandes déposées postérieurement à la promulgation de la loi.
En deuxième lieu, il prévoit une entrée en vigueur différée de l’article 1er de la loi instaurant l’obligation de justifier de la réussite à un examen civique et à un examen de langue pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle afin de tenir compte tenu du délai nécessaire pour la mise en place de ces dispositifs. La date d’entrée en vigueur de l’article 1er sera fixée à une date prévue par décret en Conseil d’État et au plus tard dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi.
Le second amendement ([859]) adopté sur cet article, à l’initiative du Gouvernement, supprime le report de l’entrée en vigueur de l’article 12 du projet de loi interdisant la rétention des mineurs de seize ans, pour l’ensemble du territoire de la république sauf Mayotte. Pour ce département d’Outre-mer, la date d’entrée en vigueur de ces dispositions, initialement prévue au 1er janvier 2025, est repoussée au 1er janvier 2027.
Enfin, le dernier alinéa de l’article 27 a été modifié pour tenir compte de l’évolution du champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue par l’article 26 du projet de loi. Ainsi, le délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi pour l’entrée en vigueur des dispositions du texte est limité aux collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu’à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté à cet article un amendement ([860]) présenté par vos rapporteurs Élodie Jacquier-Laforge et Florent Boudié, avec avis favorable du Gouvernement.
Il prévoit le report de l’entrée en vigueur de l’article 1er du projet de loi, qui concerne le conditionnement de la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle (CSP) aux étrangers signataires d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) à la maîtrise d’un niveau minimal de français et au suivi d’une formation civique. L’entrée en vigueur de cet article, initialement prévue au 1er janvier 2025, est reportée au 1er janvier 2026, afin de prévoir un délai d’adaptation des dispositifs afférents, notamment pour la mise en place de l’examen civique.
— 1 —
AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’est saisie pour avis d’une partie du projet de loi immigration.
Au‑delà de la stricte technicité propre à la réglementation des titres de séjour, des modalités d’éloignement ou des procédures contentieuses en droit des étrangers, la question de l’immigration constitue un sujet géopolitique majeur. Si les premières ne relèvent que du ministère de l’intérieur et, pour ce qui est de l’Assemblée nationale, de la commission des lois ([861]), la seconde, touche éminemment à la politique étrangère de la France, et intéresse au plus haut point la commission des affaires étrangères.
Les migrations ne sauraient s’envisager dans le seul cadre national. Elles sont un enjeu de politique étrangère : dans la coopération avec les pays de départ et de transit, dans la lutte contre les causes profondes des migrations, guerre, pauvreté ou dérèglement climatique. La question migratoire est aussi devenue symptomatique d’un sentiment de perte de contrôle face aux transformations du monde. Mais le repli nationaliste ou la fermeture des frontières est une illusion, comme le démontrent les exemples de nos voisins. L’immigration est un enjeu au cœur de l’articulation de notre souveraineté nationale et de la coopération européenne. L’élaboration du pacte asile et migrations, pour laquelle la France joue un rôle pilote, permettra de mieux contrôler nos frontières extérieures, d’assurer la solidarité entre États membres et de mieux coopérer avec les pays de départ et de transit.
La France est fière d’être un pays d’immigration ancienne, et riche de ce que cette dernière lui a apporté. Toutefois, face à l’accélération des flux migratoires en Europe, il est nécessaire de préparer notre pays aux défis qui l’attendent pour assurer la maîtrise de nos frontières. Ce projet de loi répond à cet enjeu. Reposant sur des principes d’efficacité, de fermeté et d’humanité, il vise à renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière et à permettre l’intégration des étrangers souhaitant s’intégrer et travailler en France. Son principe est simple : faciliter l’insertion de ceux qui respectent les règles, éloigner ceux qui ne les respectent pas.
Qu’il s’agisse de l’encadrement juridique européen, du contrôle des frontières extérieures et de son articulation avec le droit national ou de l’immigration vue comme outil d’influence et de politique étrangère, nombreux sont les sujets sur lesquels les membres de la commission peuvent porter un regard spécifique et partager avec leurs collègues l’expérience acquise au long des auditions, des missions d’information et de contrôle et des travaux de ratification d’accords internationaux qui font leur quotidien.
C’est au vu de ces éléments que le bureau de la commission des affaires étrangères a décidé d’une saisine partielle sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Ce projet a été déposé par le Gouvernement au Sénat, puis modifié et adopté par la commission des lois du Sénat, dans les premiers mois de l’année 2023. Il a été modifié, puis adopté, par le Sénat en séance publique au début du mois de novembre.
En l’espèce, ce sont dix articles du texte transmis à l’Assemblée nationale qui relèvent de la saisine de la commission des affaires étrangères. Ils portent sur les problématiques entrant dans le champ de ses attributions, c’est‑à‑dire l’asile, les visas, la lutte contre les réseaux internationaux de passeurs, le lien avec l’aide publique au développement et la définition de quotas d’étrangers admis au séjour.
Le rapporteur pour avis rappellera dans un premier temps le contexte européen dans lequel s’inscrit le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Ce contexte est marqué par une forte progression des flux migratoires irréguliers et par la volonté de l’Union européenne d’y répondre par une réforme législative d’ampleur. Le rapporteur pour avis précisera les problématiques, en particulier d’asile et de visas, auxquelles le texte a l’ambition d’apporter des solutions. Il analysera dans un second temps les articles du projet de loi soumis à la commission, qu’ils soient issus du projet initial ou des travaux du Sénat, en distinguant ce qui lui paraît utile de ce qui devrait être revu ou amendé.
Avec plus de 320 000 primo-délivrances, la France n’a jamais délivré autant de titres de séjour qu’en 2022 (+ 17,2 % par rapport à 2021). La demande de visas a elle aussi considérablement augmenté depuis plusieurs années. Mais cette hausse inédite de l’immigration légale se conjugue aussi à une forte augmentation des entrées irrégulières dans l’Union européenne face à laquelle la fermeté s’impose. Celles-ci pèsent sur la demande d’asile en France et représentent des enjeux de taille pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
A. Une forte augmentation des entrÉes irrÉguliÈres dans l’Union europÉenne
Le nombre de franchissements irréguliers détectés aux frontières extérieures de l’Union européenne s’est accru de 18 % sur les dix premiers mois de l’année 2023, par rapport à la même période en 2022. Il a atteint près de 331 600, soit son chiffre le plus élevé depuis 2015.
La voie de la Méditerranée centrale est restée en 2023 la principale route migratoire avec plus de 143 600 détections au cours des trois premiers trimestres. En tendance, la route qui connaît l’augmentation la plus dynamique est celle de l’Afrique de l’Ouest, en augmentation de 95 % par rapport à l’année dernière. Celle des Balkans occidentaux est en revanche en déclin. S’agissant des départs irréguliers vers le Royaume-Uni depuis la Côte d’Opale, ils demeurent à un niveau élevé, y compris au mois d’octobre 2023 où pourtant les conditions météorologiques n’ont pas été favorables. Frontex estime à deux tiers la proportion de traversées qui sont détectées et interceptées par les autorités françaises ou qui font l’objet d’un sauvetage en mer ou d’un retour spontané vers le rivage français. Les traversées maritimes présentent à l’évidence de forts dangers. L’Organisation internationale des migrations (OIM) évalue à 2 468 le nombre de personnes portées disparues en Méditerranée en 2023, essentiellement en Méditerranée centrale.
Ces différentes évolutions sont retracées plus en détail dans la carte et dans le tableau ci‑après.
Évolution des franchissements irrÉguliers sur le flanc sud de l’Europe
Route |
Octobre 2023 |
Janvier-octobre 2023 |
Janvier‑oct 2023/ Janvier‑oct 2022 |
Principales nationalités |
Méditerranée centrale |
9 585 |
143 613 |
+ 68 % |
Guinée, Côte d’Ivoire, Tunisie |
Balkans occidentaux |
17 656 |
97 300 |
– 22 % |
Syrie, Afghanistan, Turquie |
Méditerranée orientale |
7 061 |
45 122 |
+ 24 % |
Syrie, Palestine, Afghanistan |
Méditerranée occidentale |
1 821 |
12 232 |
– 8 % |
Maroc, Algérie, Syrie |
Afrique de l’Ouest |
13 006 |
27 730 |
+ 95 % |
Maroc, Sénégal, Guinée |
Frontière orientale |
448 |
4 970 |
– 8 % |
Ukraine, Afghanistan, Syrie |
Sorties vers le Royaume‑Uni |
8 220 |
54 279 |
– 12 % |
Afghanistan, Syrie, Irak |
Source : Frontex
NOMBRE DE FRANCHISSEMENTS IRRÉGULIERS
DES FRONTIÈRES SUD DE L’UNION EUROPÉENNE DE JANVIER À AOÛT 2023
Source : Frontex
La péninsule italienne est particulièrement touchée par l’intensification des flux migratoires. Au cours de l’année 2022, 100 000 arrivées y ont été comptabilisées. Au 2 octobre 2023, l’Italie avait déjà enregistré 131 170 arrivées, en hausse de 80 % par rapport à la même période en 2022, dont 90 000 arrivées en provenance de Tunisie. Les nationalités les plus représentées dans les arrivées en 2023 sont les Guinéens (17 %), les Ivoiriens (12 %), les Tunisiens (8 %) et les Égyptiens (7 %). La Tunisie constitue le premier pays de départ vers l’Italie, devant la Libye. Les arrivées en Italie se sont tout particulièrement accrues en septembre sur l’île de Lampedusa, située à 180 km de Sfax, avec notamment l’arrivée de plus de 12 000 personnes au cours d’une même semaine. Sur ce point, un mémorandum d’entente a été signé entre l’Union Européenne et la Tunisie, destiné à « investir dans une prospérité partagée » portant notamment sur la lutte contre l’immigration irrégulière.
Ces flux migratoires exceptionnels ont conduit l’Allemagne, le 13 septembre 2023, à suspendre le mécanisme européen volontaire de solidarité, prévoyant la relocalisation de demandeurs d’asile en provenance d’Italie. Les autorités allemandes ont justifié ce choix par la pression à laquelle leur pays est soumis et par les grandes difficultés défis que cela lui crée en termes de capacités d’accueil et d’hébergement. Elles ont aussi mis en cause l’absence d’application par l’Italie du règlement Dublin, qui fait obligation aux États de première entrée de reprendre les demandeurs d’asile censés y avoir déposé leur demande ([862]).
Le contexte géopolitique en Tunisie, au Sahel et au Moyen-Orient, la sécheresse dans la corne de l’Afrique, ainsi que la crise alimentaire dans de nombreux pays pauvres, ne présagent pas d’un ralentissement de ces mouvements migratoires massifs.
L’intensification des entrées irrégulières au sein de l’Union européenne a évidemment un impact sur la présence en France d’une population importante de ressortissants étrangers y séjournant illégalement. Il peut s’agir de personnes ne sollicitant pas ou n’obtenant pas de titre de séjour, ou de personnes demeurant sur le territoire national à l’expiration de leur visa ou de leur titre de séjour, ou encore de personnes déboutées du droit d’asile. Rappelons en effet que, selon un rapport de la Cour des comptes de 2015, plus de 96 % des déboutés du droit d’asile demeureraient en France malgré le rejet de leur demande ([863]).
Il est difficile d’estimer le nombre des ressortissants étrangers en situation irrégulière puisqu’il s’agit, par définition, de dénombrer des personnes qui se dérobent au contrôle des autorités françaises. Il est toutefois possible de l’évaluer par le biais des statistiques du ministère de la santé, via le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME). De 2011 à 2021, le nombre de bénéficiaires de cette aide a augmenté de 80 %, passant de 210 000 à 380 000. Or, une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), réalisée en 2019 sur un échantillon de 1 223 personnes dans les agglomérations bordelaise et parisienne, est parvenue à la conclusion que 49 % des personnes éligibles à l’aide médicale d’État ne font pas valoir leurs droits. C’est sur la base de ce raisonnement que le ministre de l’intérieur et des outre‑mer, Gérald Darmanin, pouvait estimer, le 2 novembre 2022, devant la commission des lois du Sénat, le nombre d’étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français à un chiffre compris « entre 600 000 et 900 000 ».
B. une pression croissante sur la demande d’asile
1. Une demande d’asile en forte hausse
La pression migratoire aux frontières extérieures de l’Union européenne, au plus haut depuis 2015, est la cause d’une forte augmentation de la demande d’asile, notamment en France. Le nombre de demandes d’asile s’est fortement accru surtout à partir du second semestre 2022. Le dernier trimestre de l’année 2022 a ainsi été le plus haut jamais constaté, avec 41 730 premières demandes déposées dans les guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA). Au total, 136 724 premières demandes ont été enregistrées en 2022, soit un niveau proche de celui de 2019, année où la demande d’asile a été la plus élevée en France.
La hausse s’est poursuivie en 2023. Sur les huit premiers mois de l’année, environ 93 400 premières demandes ont été enregistrées en guichet unique, soit une hausse de 12 % par rapport à la même période en 2022. Cette tendance conduit à anticiper un chiffre de 150 000 premières demandes en 2023 (+ 8 %). Ce flux en guichet unique devrait aboutir à l’introduction d’environ 140 000 demandes à l’OFPRA ([864]). Il convient par ailleurs de préciser que les demandes de réexamens représentent en moyenne 13 % du total des demandes enregistrées en guichets uniques en 2023 ; sur cette base, environ 20 000 demandes de réexamens devraient être enregistrées en 2023.
En 2024, le flux de demandeurs d’asile devrait poursuivre sa hausse. La prolongation de la tendance prévisionnelle de 2023 conduit à une prévision de 160 000 demandeurs d’asile en 2024 (+ 7 %). Compte tenu des incertitudes liées aux événements internationaux nourrissant des flux migratoires soutenus vers le territoire national de demandeurs d’asile, principalement en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024, par précaution, des moyens budgétaires permettant de financer l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) pour 180 000 bénéficiaires.
La France étant davantage un pays de mouvements secondaires que d’arrivées directes, tout laisse penser que les arrivées nombreuses en Italie pèseront sur la demande d’asile en France au cours des prochains mois. Ce phénomène de décalage avait été observé lors de la crise migratoire de 2015‑2016 : la demande en France était restée relativement limitée dans un premier temps, puis avait fortement augmenté ensuite.
Les entrées dans le statut de protection internationale ont par ailleurs nettement augmenté en France au cours des années passées. À la fin de 2022, 550 000 personnes y bénéficiaient de l’asile, soit 10 % de la population étrangère présente sur le sol français. Sachant que l’OFPRA octroie une protection dans 32 % des cas et que ce chiffre monte à 45 % après examen par la CNDA ([865]), le volume de la population de réfugiés en France devrait donc croître de manière significative.
2. Des délais de traitement difficiles à maîtriser
En 2023, l’OFPRA devrait rendre environ 140 000 décisions (contre 134 454 en 2022), soit un peu plus que le plus haut niveau déjà atteint par l’Office en 2021, avec 139 810 décisions. L’année prochaine, l’OFPRA devrait augmenter, de nouveau, son activité décisionnelle. L’établissement est confronté depuis plusieurs années – il est vrai – à un taux de rotation important des officiers de protection, qui s’est amplifié avec la hausse des effectifs depuis 2020. Une politique de ressources humaines tendant à renforcer l’attractivité et la fidélisation est toutefois en cours de mise en œuvre ; elle prévoit notamment des titularisations et une revalorisation du régime des contractuels. Les renforts dont l’établissement a bénéficié en 2020 devraient produire leur effet en 2024 et permettre de rendre environ 155 000 décisions, soit une moyenne de près de 13 000 décisions par mois.
S’agissant de la CNDA ([866]), elle a rendu en 2022 plus de 67 000 décisions, soit un niveau équivalent à celui de 2021. En 2023 et 2024, la CNDA devrait rendre entre 65 000 et 70 000 décisions. L’objectif pour elle est de maîtriser son volume d’affaires en attente de jugement en adaptant sa capacité à statuer au flux des recours dirigés contre les décisions de l’OFPRA.
Les grands enjeux pour l’OFPRA et la CNDA tiennent surtout à la maîtrise des délais de traitement de la demande d’asile. Il faut rappeler en effet que la longueur de ces délais a un impact direct sur le coût global de l’ADA pour l’État. En outre, plus le traitement de la demande est long, plus il est difficile d’éloigner les personnes déboutées, dans la mesure où elles ont commencé à nouer des attaches sur le sol français. Par égard pour les personnes concernées également, il n’est pas satisfaisant de les faire patienter près d’un an en moyenne avant de les fixer sur la suite donnée à leur demande.
Le délai moyen de traitement de l’OFPRA a été de 159 jours en 2022, soit une baisse significative par rapport à 2021 (261 jours). Il a atteint son plus bas niveau au début de l’année 2023 avec, en moyenne, 115 jours au premier trimestre (soit 3,8 mois). L’OFPRA est ainsi, selon l’Agence européenne de l’asile, un des organismes d’examen des demandes d’asile avec le délai d’instruction le plus court à l’échelle européenne. L’augmentation importante de la demande au dernier trimestre 2022 a cependant entraîné une hausse du stock qui s’est traduite par une légère remontée des délais de traitement à partir du mois de mai 2023. En moyenne, le délai de traitement de l’Office devrait s’élever en 2023 à environ 125 jours, soit quatre mois.
En dépit des progrès réalisés, la situation demeure nettement éloignée de l’objectif fixé à l’OFPRA par la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([867]) de parvenir à un délai moyen de traitement de deux mois. Le délai de 2024 est fortement corrélé aux flux de demandes d’asile. Des flux qui se situeraient autour de 160 000 demandes permettraient de maintenir un délai de traitement identique à celui constaté en 2023. À l’inverse, le délai augmenterait si l’on atteignait un volume de 180 000 demandes d’asile.
Quant au délai de jugement de la CNDA, il est actuellement de 193 jours. Ce délai de jugement des affaires demeure nettement trop long et supérieur aux limites actuellement fixées par le législateur à l’article L. 532-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), soit cinq mois lorsque la Cour statue en formation collégiale et cinq semaines lorsqu’elle statue en juge unique.
Le délai total de traitement de la demande d’asile, de la présentation à la décision définitive, s’élève donc aujourd’hui à onze mois, au lieu des six mois fixés comme objectif par le Gouvernement.
C. la hausse du nombre des visas : un dÉfi politique et administratif
1. Un accroissement très sensible de la demande et de la délivrance de visas
La demande de visas a considérablement augmenté depuis les années 2010 : 4 300 000 demandes ont été adressées aux postes consulaires français en 2019 contre 2 600 000 en 2012, ce qui représente une augmentation de 64 %. Après le coup d’arrêt porté par la crise sanitaire à la demande de visas en 2020 et 2021, les postes consulaires français ont enregistré en 2022 une augmentation de 137 % des demandes par rapport à l’année précédente. En 2023, le rattrapage de la demande de visas se poursuit. Elle est retracée dans le tableau ci‑après.
Délivrances par type et motif de séjour |
||||||||
Type de Visa |
Motif |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 (Premier semestre) |
|
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
|||
Visa court séjour ou transit |
Total |
3 348 269 |
3 298 753 |
563 750 |
503 975 |
1 461 103 |
1 054 303 |
|
économique |
385 618 |
393 362 |
88 510 |
97 939 |
255 114 |
184 366 |
||
familial |
8 411 |
7 893 |
5 491 |
5 410 |
6 715 |
4 119 |
||
étudiant |
16 514 |
18 066 |
3 745 |
4 190 |
14 189 |
8 305 |
||
divers |
431 833 |
401 964 |
72 338 |
74 972 |
188 315 |
104 958 |
||
humanitaire |
6 001 |
4 698 |
2 087 |
3 448 |
4 170 |
2 455 |
||
transit |
6 230 |
9 705 |
11 785 |
18 064 |
18 177 |
7 698 |
||
touriste |
2 493 662 |
2 463 065 |
379 794 |
299 952 |
974 423 |
742 402 |
||
Visa long séjour |
Total |
224 057 |
236 246 |
148 567 |
229 095 |
277 035 |
113 561 |
|
économique |
33 416 |
38 050 |
19 624 |
33 265 |
55 413 |
27 715 |
||
familial |
49 396 |
52 393 |
34 316 |
55 614 |
56 865 |
32 290 |
||
étudiant |
101 746 |
101 819 |
73 054 |
94 438 |
105 571 |
23 661 |
||
divers |
27 166 |
31 738 |
17 000 |
31 743 |
43 380 |
23 686 |
||
humanitaire |
12 333 |
12 246 |
4 573 |
14 035 |
15 806 |
6 209 |
||
Total (Visa court séjour ou transit et Visa long séjour) |
3 572 326 |
3 534 999 |
712 317 |
733 070 |
1 738 138 |
1 167 864 |
||
Source : DGEF
Nombre de délivrances de visas en fonction des principaux pays d’origine
Classement des délivrances en fonction du premier semestre 2023 |
||||||
Pays |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 (Premier semestre) |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
Visas délivrés |
|
Maroc |
330 344 |
342 262 |
97 572 |
67 521 |
139 959 |
116 054 |
Chine |
788 994 |
685 152 |
58 474 |
13 702 |
34 534 |
113 087 |
Algérie |
293 904 |
272 028 |
72 108 |
61 616 |
128 690 |
91 671 |
Inde |
214 149 |
211 476 |
27 905 |
33 887 |
119 521 |
87 288 |
Royaume-Uni |
125 361 |
95 615 |
26 889 |
27 569 |
97 909 |
70 052 |
Turquie |
126 945 |
138 432 |
36 927 |
43 516 |
102 681 |
64 222 |
Arabie saoudite |
117 935 |
122 449 |
18 265 |
69 237 |
111 410 |
63 501 |
Russie |
370 760 |
485 750 |
76 953 |
9 499 |
61 540 |
50 251 |
Tunisie |
154 204 |
144 754 |
49 068 |
44 755 |
84 503 |
47 137 |
États-Unis d'Amérique |
56 319 |
63 153 |
13 321 |
22 712 |
52 034 |
32 195 |
Source : DGEF
Les évolutions soudaines de la demande de visas ont eu des effets déstabilisateurs pour le réseau consulaire, avec notamment l’apparition d’excès de demandes dans certains postes et l’apparition du phénomène néfaste des « officines », c’est-à-dire de structures bloquant des créneaux de rendez‑vous disponibles sur internet et les revendant ensuite à des tarifs prohibitifs.
L’accroissement massif des demandes et des délivrances de visas a conduit la France à engager des réformes profondes de son réseau consulaire, avec par exemple le déploiement du système d’information « France-Visas », permettant de dématérialiser le processus d’acquisition et d’instruction des demandes, et un programme d’externalisation de la constitution des dossiers dans les pays où la demande est la plus forte. En dépit de ces réformes, la situation reste globalement difficile pour le réseau consulaire confronté à la massification de la demande de visas ainsi qu’à la fraude documentaire. Cette situation appelle la poursuite de réformes et d’efforts de productivité qui pourraient s’inspirer du rapport remis par M. Paul Hermelin en avril 2023, intitulé « Propositions pour une amélioration de la délivrance des visas » ([868]).
Le levier de la restriction des visas a par ailleurs été utilisé par le Gouvernement français en 2021 et 2022 avec les trois États du Maghreb. La coopération en matière d’éloignement avec ces pays s’était en effet sensiblement détériorée au cours des années 2020 et 2021. En septembre 2021, les postes en Algérie, au Maroc et en Tunisie, en raison de l’absence de coopération des autorités de ces pays pour la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière, ont été conduits à durcir l’instruction des dossiers et à augmenter le taux de refus. Les autorités politiques locales avaient été préalablement informées de la mise en œuvre de ces mesures. Les cibles consistaient en une diminution du nombre de visas délivrés de l’ordre de 50 % pour le Maroc et l’Algérie et de 30 % pour la Tunisie. Les postes ont tenu cependant à préserver certains publics spécifiques, comme les membres de familles de Français ou les étudiants, ainsi que les demandes de visas correspondant à des droits garantis par des engagements internationaux de la France. Compte tenu de la reprise de la coopération avec les autorités des trois pays concernés, les mesures restrictives ont été levées le 31 août 2022 pour la Tunisie et en décembre 2022 pour l’Algérie et le Maroc.
Les rapporteurs de la commission des lois du Sénat, pour le présent projet de loi, soulignent que le nombre de retours forcés vers l’Algérie a été multiplié par seize en un moins d’un an, avec 557 retours forcés au 13 octobre 2022 contre 34 en 2021. Lors des débats en séance publique, le ministre de l’intérieur et des outre‑mer, Gérald Darmanin, a déclaré s’inscrire « en faux sur le fait que le rapport de force instauré par le Président de la République n’aurait pas été couronné de succès. Au lendemain de la crise du covid-19, le nombre de laissez-passer consulaires avoisinait les 3 % à 10 % pour les trois pays du Maghreb ; aujourd’hui, notamment pour l’Algérie et le Maroc, le nombre de laissez-passer consulaires accordés dépasse largement celui, record, de 2019. » Le ministre a cependant porté un jugement nuancé sur l’efficacité de ce type de restriction : « Cette mesure a toutefois une limite (…) : les demandeurs peuvent tout simplement s’adresser à un autre État membre pour pénétrer sur le territoire de l’Union européenne. »
D. la rÉponse européenne : un pacte migratoire sur le point d’aboutir
Il faut rappeler le contexte européen dans lequel nous nous inscrivons. En 2015, la crise migratoire vécue par l’Union européenne a démontré son extrême faiblesse sur les procédures d’asile et sur la solidarité entre les États membres. La Commission européenne a présenté, le 23 septembre 2020, un « pacte sur l’asile et la migration » qui se décline en une série de propositions législatives. Ce pacte ambitieux tend à modifier un certain nombre de directives et règlements en vigueur et à les compléter par de nouveaux textes. Les quatre principales propositions portent sur la réforme du règlement Dublin ([869]), le filtrage à la frontière (screening), le traitement des situations de crise et de force majeure ([870]), ainsi que l’asile à la frontière. Sur ce dernier point, par exemple, il est prévu qu’une procédure d’asile à la frontière, d’une durée maximale de douze semaines, s’applique obligatoirement aux personnes dont la nationalité se caractérise par un taux d’octroi de la protection inférieur à 20 %, et de manière facultative aux autres, à l’exception de certaines catégories comme les mineurs non accompagnés.
La négociation de ce pacte a longtemps été difficile tant les intérêts semblaient éloignés entre les États de premier accueil dits « Med 5 » (Italie, Grèce, Chypre, Malte et Espagne), les pays du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie) et les États destinataires des mouvements secondaires (France, Allemagne, Pays-Bas, Suède). Aussi pouvait‑on légitimement craindre, jusqu’à ces derniers mois, son enlisement définitif. Toutefois, l’accord obtenu par la présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022, sur une approche dite « graduelle » des négociations, a permis de mettre un terme à une longue période de blocage au Conseil.
Au final, une majorité très large a été trouvée au Conseil pour faire aboutir le pacte. Seul un texte, le règlement « situations de crise », n’avait pas encore fait l’objet d’un accord au Conseil ; cet accord a été trouvé le 4 octobre 2023, au comité des représentants permanents des gouvernements des États membres (COREPER). Seules la Hongrie et la Pologne, opposées au mécanisme de solidarité prévu par ce texte, s’y sont opposées. La Slovaquie, la République tchèque et l’Autriche se sont abstenues. Le vote ayant lieu à la majorité qualifiée, le texte a été adopté. Le Conseil est donc désormais arrivé à un accord sur la totalité du paquet législatif en discussion. Le compromis trouvé établit un équilibre entre responsabilité et solidarité. La responsabilité est celle des États de premier accueil à qui incomberont un contrôle plus robuste des frontières et la responsabilité de l’examen de la demande d’asile, y compris à la frontière. La solidarité est celle que les autres États devront leur prodiguer soit en acceptant la relocalisation de migrants sur leur territoire, soit en leur fournissant des compensations financières ou des renforcements capacitaires. La solidarité sera donc obligatoire, mais pas ses modalités, pour lesquelles une marge de choix sera laissée aux États.
Le Parlement européen a, pour ce qui le concerne, adopté ses mandats de négociation ([871]). Les « trilogues », c’est‑à‑dire les négociations interinstitutionnelles tripartites entre représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission, sont désormais engagés. Il est donc permis d’espérer un aboutissement du pacte européen sur la migration et l’asile avant les prochaines élections européennes. Tout l’enjeu sera de trouver un équilibre, non seulement au sein de chaque instrument législatif, mais aussi globalement s’agissant des textes entre eux. La France, pour sa part, s’efforce de mettre en avant les priorités que constituent pour elle l’instauration de procédures robustes à la frontière et la lutte contre les mouvements secondaires avec une répartition plus efficace de la responsabilité de la demande d’asile.
La commission des affaires étrangères s’est saisie de dix articles, en lien avec ses compétences ([872]). Ces articles peuvent être regroupés, en l’occurrence, autour de cinq thèmes majeurs : les quotas d’étrangers admis au séjour, les visas, l’aide publique au développement, la lutte contre les trafiquants de migrants et l’asile.
A. les Étrangers admis au sÉjour : dÉfinir des quotas ou fixer des objectifs
L’article 1er A du projet de loi, introduit par le Sénat, prévoit l’organisation chaque année d’un débat au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration. Ce débat interviendra à l’occasion de la remise d’un rapport contenant un vaste volume d’informations en matière migratoire. Ce rapport existe déjà ([873]) mais il ne porte actuellement que sur l’année civile précédente ; l’article 1er A propose de faire porter les données communiquées sur les dix années précédentes. Le rapporteur pour avis suggère d’y intégrer une information sur la dimension externe des migrations. En effet celle‑ci est souvent l’oubliée des débats parlementaires en matière d’immigration, alors qu’elle est fondamentale puisqu’elle porte sur la phase amont de la politique migratoire. Il est donc essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur les enjeux intérieurs des migrations mais d’élargir la réflexion à leurs causes géopolitiques profondes.
L’article 1er A dispose par ailleurs que « le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national ». Contrairement au précédent, ce point ajouté par le Sénat rencontre des obstacles.
Le premier obstacle est de nature juridique. Un tel système amènerait à discriminer entre deux ressortissants étrangers placés dans des situations objectivement identiques, l’un étant admis au séjour et l’autre, une fois le quota atteint, n’étant pas admis. Ceci contreviendrait au principe constitutionnel d’égalité dont le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler qu’il s’appliquait aussi aux étrangers. En outre, si l’article réserve le cas de l’asile, il ne dit rien du regroupement familial ; or ce dernier non plus ne saurait se voir appliquer un dispositif de quotas, qui serait jugé inconstitutionnel et inconventionnel, au regard de la liberté de mariage et du droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
D’autre part, sur le plan pratique, l’article ne dit rien des modalités du système envisagé : système à points sur le modèle canadien, loterie comme aux États-Unis, etc. Enfin, ce système de quotas risquerait finalement de pénaliser surtout l’immigration des acteurs et entrepreneurs économiques, qui est précisément celle que la France souhaite encourager. Si le rapporteur trouve des mérites intellectuels au principe de quota, il estime que ceux-ci pourraient dès lors pénaliser l’immigration que notre pays souhaite faciliter, sans maîtriser les autres. Outre la difficulté juridique de leur mise en œuvre, les quotas risquent donc d’être contre‑productifs.
Pour l’ensemble de ces raisons, le rapporteur est opposé à la mise en place de ces quotas et propose d’y substituer des objectifs chiffrés présentés chaque année par le Gouvernement au Parlement lors du débat annuel. Chaque année, les chiffres concrètement atteints seraient comparés aux objectifs fixés trois ans auparavant. Cet examen se renouvellerait chaque année, de manière glissante. Cette mesure renforcera la transparence et le contrôle de la politique migratoire par les parlementaires.
B. Les visas, outils de la politique d’attractivitÉ et leviers de restriction des flux
Le I de l’article 14 A du projet de loi, introduit par le Sénat, inscrit dans la loi la possibilité de restreindre la délivrance de visas long séjour aux ressortissants des États les moins coopératifs en matière migratoire ([874]). Plus précisément, le visa de long séjour pourra être « refusé au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez‑passer consulaires ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ». Seul est réservé le cas du visa de long séjour délivré au conjoint de ressortissant français, lequel continuera à être délivré de plein droit.
Pour le rapporteur pour avis, l’utilisation des visas est à la fois un outil de gestion et de restriction des flux migratoires, mais également un outil diplomatique. Sur le plan européen, le code communautaire des visas prévoit un mécanisme de « levier visa‑réadmission » à son article 25 bis. Sur le plan national, la France a mis en place des mesures restrictives sur les visas, faute de coopération consulaire satisfaisante, pour les trois États du Maghreb, en 2021-2022. Les mesures ont été levées le 31 août 2022 pour la Tunisie et en décembre 2022 pour l’Algérie et le Maroc, en raison d’une reprise de la coopération avec les autorités de ces trois pays. En pratique, le niveau de coopération consulaire influence quotidiennement les conditions de délivrance des visas, ne serait-ce parce que nos postes consulaires n’ont pas la même évaluation du risque migratoire si les perspectives de retour sont faibles en cas d’immigration irrégulière. Cette disposition mérite donc être essayée et soutenue dans le cadre de la politique étrangère. Sa mention dans la loi pourrait encourager nos diplomates et les responsables du ministère de l’intérieur à faire appliquer la volonté du législateur souhaitant instaurer un équilibre. Le rapporteur pour avis y est favorable.
Telle qu’elle est rédigée, toutefois, cette disposition ne satisfait pas totalement le rapporteur pour avis. Elle risque, par sa généralité, d’avoir un effet négatif sur la venue des acteurs économiques ou sur celle des étudiants étrangers que la France cherche pourtant à encourager, le président de la République ayant fixé l’objectif d’accueillir 500 000 d’entre eux en 2027 dans le cadre du plan « Bienvenue en France ». Sa rédaction mériterait donc d’être affinée pour cibler en priorité les responsables des États non-coopératifs plutôt que leurs ressortissants souhaitant s’intégrer, travailler et étudier dans notre pays.
L’article 18, dans sa version initiale, créait un nouveau motif de refus de visa tiré de ce que l’étranger ne démontrait pas s’être conformé aux conditions d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée depuis moins de cinq ans. Jugeant ce dispositif complexe et source potentielle de contentieux, la commission des lois du Sénat l’a remplacé par un allongement à cinq ans de la durée d’interdiction de retour dont le préfet peut assortir une OQTF. Le rapporteur pour avis n’est pas opposé à cet allongement, considérant que l’objectif de cet article est d’être d’une grande fermeté envers ceux qui ne se conforment pas à notre droit. En outre, cette mesure relève de notre pouvoir souverain de pouvoir accorder ou non l’autorisation de visa.
L’article 18 bis, introduit par le Sénat en séance publique, rétablit, sous la forme d’un article additionnel, les dispositions initiales de l’article 18. Il institue donc un motif de refus de visa opposable lorsque l’étranger ne démontre pas avoir respecté les modalités d’exécution d’une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans. Le rapporteur pour avis y est également favorable. Cet article permet en effet de durcir les conditions d’accès au visa pour les personnes n’ayant pas respecté une OQTF. Il paraît évident de durcir les exigences de visa davantage pour ces dernières que pour les autres personnes étrangères, d’autant plus que l’article 18 bis réserve le cas de circonstances humanitaires permettant de déroger à ce principe. Le rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner un certain nombre d’angles morts dans ce domaine. La question se pose de savoir comment l’exécution de l’OQTF sera démontrée. La production d’un titre de transport tel qu’un billet d’avion suffira‑t‑elle ? Comment être sûr que le transport prévu par ce titre a bien été effectué ? Le « Passenger national record » (PNR) pourrait-il être dès lors utilisé ? De manière plus générale, comment contrôler l’exécution volontaire des OQTF compte tenu de la liberté de circulation dans l’espace Schengen ? Ce sont là autant de questions qu’il est essentiel d’approfondir au niveau européen comme au niveau national.
L’article 1er BB demande la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport étudiant la possibilité de mettre en place des visas francophones « travailleur » et « entrepreneur », permettant aux ressortissants des pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de venir en France, soit pour y occuper un emploi dans un secteur en tension, soit comme entrepreneur. Le rapporteur pour avis y est favorable.
C. une aide publique au développement liÉe À la coopÉration migratoire
Les II et III de l’article 14 A portent sur les liens entre aide publique au développement (APD) et immigration. La corrélation entre ces deux politiques est aujourd’hui largement reconnue. À titre d’exemple, le conseil présidentiel du développement (CPD), réuni le 5 mai 2023, a énuméré dix objectifs prioritaires parmi lesquels figure celui d’« aider nos partenaires à lutter contre les réseaux d’immigration clandestine », objectif réaffirmé lors du comité interministériel de coopération internationale et de développement (CICID) du 18 juillet suivant. C’est dans cet esprit que, par exemple, Expertise France apporte sa contribution à la lutte contre la traite des êtres humains dans le Golfe de Guinée.
Le III fait simplement obligation à l’Agence française de développement (AFD) de « prendre en compte » la qualité de la coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière dans la répartition de l’ensemble des concours qu’elle attribue. L’aide au développement s’inscrit dans l’ensemble des politiques publiques extérieures de la France. À cet égard, il est normal que ses objectifs convergent avec les priorités diplomatiques de notre pays, qui incluent au premier plan la maîtrise des flux migratoires.
Le II va plus loin puisqu’il dispose que l’aide publique au développement attribuée est « conditionnée » à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, « notamment vis-à-vis des États délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ». Cet outil, qui prend la forme de l’ajout d’un alinéa à l’article 1er de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, peut, dans certains cas, s’avérer contre-productif ou difficile à mettre en œuvre, et mérite donc une appréciation prudente. Tout d’abord, la politique de développement solidaire poursuit une multiplicité d’objectifs, précisés dans la loi du 4 août 2021. Ces objectifs incluent, par exemple, le renforcement de la démocratie, la promotion des droits des enfants et de l’égalité hommes‑femmes et la protection de la planète. Il faut éviter que la France ne se lie les mains et s’interdise, par principe, d’apporter une aide dans ces domaines au motif qu’un critère de coopération migratoire ne serait pas rempli.
Il ne faut pas sous‑estimer ensuite les effets contre‑productifs que peut avoir une politique de restriction de l’APD pour ce type de motif. La suppression ou la diminution de l’APD, par la dégradation qu’elle est susceptible d’entraîner localement, peut avoir pour conséquence de stimuler les départs. Elle est également de nature à nuire, parfois durablement, à l’image et à l’influence de la France dans des pays où le discours anti‑français peut être alimenté par des ingérences étrangères ou des campagnes hostiles. Enfin, par un effet d’éviction, elle peut entraîner l’arrivée d’autres partenaires, par exemple turcs ou chinois, venant occuper la place laissée vacante.
En troisième lieu, ce dispositif de conditionnalité risque de n’avoir qu’un effet opérationnel limité. En effet, les projets d’aide au développement ont en général une temporalité beaucoup plus longue que la coopération migratoire, et notamment que l’évolution de la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC). Il s’écoule plusieurs années entre l’élaboration d’un projet et la fin de sa mise en œuvre ; il paraît difficile d’interrompre en plein milieu un projet engageant des populations et des acteurs économiques locaux. La France n’aurait d’ailleurs qu’à y perdre, compte tenu des investissements réalisés par elle, sans compter les éventuels risques contentieux, notamment en cas de contrat de prêt. Il semble donc qu’une véritable conditionnalité ne puisse réellement s’envisager que pour les « aides budgétaires globales » (ABG) accordées par la France directement à des États pour faire face à des déséquilibres de leurs finances publiques.
La rédaction du II de l’article 14 A paraît, pour l’ensemble de ces raisons, peu optimale au rapporteur pour avis qui préconise de l’amender. Sans se priver de la conditionnalité de l’aide au développement à une politique coopérative en matière migratoire, il s’agirait de privilégier une approche globale, par le biais notamment de partenariats bilatéraux incluant à la fois un volet migratoire, englobant la prévention des départs, la surveillance des frontières, le développement d’une politique d’accueil et d’asile, la reprise des ressortissants en situation irrégulière, et un volet de développement économique. Fixer une proportion d’aide allouée au renforcement des capacités migratoires dans les pays de départ et de transit, peut être envisagé. On pourrait aussi s’inspirer de l’instrument d’action extérieure et de coopération de l’Union européenne, le « NDICI ([875]) », qui prévoit un dispositif incitatif « more for more » suivant lequel les États qui coopèrent efficacement en matière migratoire reçoivent une aide supplémentaire.
D. les rÉseaux de passeurs : une rÉpression aggravÉe
L’article 14 du projet de loi renforce la répression pénale contre les réseaux de passeurs. Selon le droit actuel, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France constitue un délit, que l’article L. 823-1 du CESEDA punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ; ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes. Ces dispositions ne visent que les actes commis à titre individuel.
Le projet de loi déposé par le Gouvernement propose de criminaliser ces faits lorsqu’ils sont commis en bande organisée. Une peine de quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 1 000 000 euros seront alors encourues dès lors que les étrangers auront été exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Les dirigeants et les organisateurs seront par ailleurs passibles de vingt ans de réclusion criminelle et d’une amende de 1 500 000 euros.
Le Sénat a souhaité compléter le dispositif en prévoyant que, toujours dans l’hypothèse d’une action en bande organisée, les peines précitées de quinze ans de réclusion criminelle et de 1 000 000 euros d’amende seront encourues non seulement s’il y a mise en danger des personnes, mais aussi en cas d’atteinte à leur dignité, d’usage frauduleux de documents de circulation dans un aéroport ou un port ou encore de séparation forcée de mineurs vis‑à‑vis de leur famille.
Le rapporteur pour avis est favorable à cette criminalisation du trafic en bande organisée ainsi qu’à la création d’une peine spécifique pour les donneurs d’ordres. Ces derniers sont les premiers responsables des drames qu’occasionnent régulièrement les traversées de la Méditerranée et de la Manche. On se souvient par exemple du naufrage au large de Calais le 24 novembre 2021 ayant entraîné la mort de vingt‑sept personnes qui tentaient de rejoindre les côtes anglaises. Ces drames s’ajoutent aux multiples violences, viols, disparitions, notamment de femmes et d’enfants qui accompagnent le trafic de migrants. Dans ces conditions, la qualification de simple délit et le niveau actuel des peines apparaissent manifestement inadaptés à la gravité de ces comportements, étant souligné qu’ils sont aujourd’hui réprimés bien plus sévèrement chez nos principaux voisins.
La direction nationale de la police aux frontières a appelé l’attention du rapporteur pour avis sur la nécessité d’harmoniser la législation européenne en matière de trafic de migrants, l’Allemagne ayant par exemple une conception très restrictive de l’association de malfaiteurs, qui ne lui permet pas, à titre d’illustration, de poursuivre une personne stockant dans des entrepôts plusieurs dizaines de moteurs destinés à équiper des bateaux en vue de la traversée de la Manche. Le rapporteur pour avis appelle à des avancées sur le sujet au niveau européen.
E. l’asile : une rÉforme du traitement de la demande et la garantie des droits des personnes
1. Une réorganisation nécessaire du traitement de la demande d’asile
La réorganisation de l’OFPRA et celle de la CNDA s’inscrivent dans l’essence même de ce projet de loi : nous permettre d’être à la fois plus aidant et efficace vis-à-vis des migrants ayant vocation à rester sur le territoire, à s’intégrer et respecter les règles, et d’une fermeté absolue pour ceux qui ne les respectent pas.
L’article 19 du projet de loi crée des pôles territoriaux « France asile » permettant l’organisation, dans un même lieu, de l’enregistrement de la demande d’asile, de l’octroi des conditions matérielles d’accueil par l’OFII et de l’introduction de la demande d’asile devant l’OFPRA ([876]).
Le Sénat, souhaitant voir d’abord les effets concrets de cette mesure avant toute généralisation, a voulu lui donner, sur la base de l’article 37-1 de la Constitution ([877]), un caractère expérimental, d’une durée de quatre ans, dans au moins dix départements. Le Sénat a par ailleurs expressément prévu que le demandeur d’asile puisse compléter sa demande par des éléments nouveaux avant son entretien personnel, celui‑ci ne pouvant intervenir avant un délai de vingt-et-un jours. Il pourra bien entendu se faire assister dans ce cadre par les associations de défense des droits des étrangers.
Le rapporteur pour avis soutient la création de ces pôles territoriaux, qui seront gage de simplification et d’accélération du traitement des demandes d’asile, revenant à l’essence même du projet de loi : donner les moyens à l’État d’être efficace pour accueillir les étrangers souhaitant s’intégrer, et éloigner ceux qui ne suivent pas les règles. Il est en revanche en désaccord avec le caractère expérimental auquel le Sénat a voulu cantonner ce dispositif. Cette expérimentation ne se conjugue pas bien, en effet, avec les investissements immobiliers et techniques et les recrutements par l’OFPRA que nécessitera la mise en œuvre du dispositif. Sa mise en place se fera de toute façon de manière progressive.
L’article 20, quant à lui, réforme la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) selon deux axes ([878]). Tout d’abord, il prévoit la possibilité de création de chambres territoriales. Cette territorialisation apparaît comme une nécessité, compte tenu de l’adoption en 2018 du schéma d’orientation des demandeurs d’asile qui a conduit à une déconcentration des demandeurs en régions. La CNDA estime aujourd’hui à près de 47 % le nombre de recours émanant de demandeurs résidant ailleurs qu’en Île‑de‑France. Le fait que l’audience ne se tienne actuellement qu’à Montreuil, siège de la CNDA, contraint les demandeurs à un ou même à plusieurs déplacements lorsque l’affaire, comme il arrive fréquemment, fait l’objet d’un renvoi. L’éloignement géographique des demandeurs, conjugué aux renvois d’audience, est l’une des causes principales de l’excessive longueur des délais de jugement devant la CNDA.
En second lieu, l’article 20 fait du recours au juge unique le principe, et non plus l’exception. En effet, selon le droit actuel, la CNDA statue normalement en formation collégiale, sauf dans certaines hypothèses procédurales définies par la loi (décision d’irrecevabilité de l’OFPRA ou décision prise par l’Office en procédure accélérée). La Cour renvoyant aujourd’hui près d’un cinquième des dossiers de juge unique en formation collégiale, en raison d’erreurs procédurales intervenues au stade de l’OFPRA, il y a là un facteur d’allongement des délais. L’article 20 modifie le dispositif : l’audience à juge unique sera désormais le principe mais l’affaire pourra être renvoyée, à tout moment de la procédure, en formation collégiale, si le président de la Cour ou de la formation de jugement « estime qu’elle pose une question qui le justifie », c’est‑à‑dire pour une raison de fond, tenant à la complexité du dossier et à l’utilité d’avoir des regards croisés. Lorsque l’affaire sera simple, soit que le besoin de protection soit assez manifeste, soit qu’au contraire le recours apparaisse clairement infondé, l’audience demeurera à juge unique.
Le rapporteur pour avis est favorable à ces dispositions. Le cœur du projet de loi est en effet, indépendamment de l’exigence d’intégration et de la simplification des procédures, notamment d’asile, qui connaissent un détournement. Il ne juge pas fondés, en particulier, les griefs tenant aux moindres garanties qu’offrirait le juge unique pour le justiciable. Le taux de protection accordé à l’issue des audiences à juge unique est sensiblement le même qu’à l’issue des audiences en formation collégiale, et le taux de recours en cassation contre ces décisions est également analogue dans les deux cas. Comme l’a affirmé le ministre de l’intérieur au Sénat : « Nous le savons, la principale difficulté de la France n’est pas d’être laxiste : elle accorde en général moins l’asile que les autres pays européens. Notre difficulté est plutôt de mettre trop de temps à répondre aux demandes. »
Le rapporteur pour avis se fait néanmoins l’écho d’interrogations dont il lui a été fait part, lors des auditions, concernant la territorialisation. La difficulté de trouver localement des interprètes dans certaines langues rares contraindra sans aucun doute la Cour à conserver à son siège le jugement de certaines affaires dans des chambres spécialisées.
2. Les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés : un équilibre à trouver
L’article 4 du projet de loi prévoyait dans sa version originelle de donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d’asile les plus susceptibles de faire l’objet d’une protection internationale. Selon le droit en vigueur, les demandeurs d’asile n’ont accès au marché du travail qu’au terme d’un délai de six mois ([879]). La mesure initialement proposée par le Gouvernement visait à prévoir, à titre dérogatoire, un accès sans délai pour les demandeurs dont il est le plus probable, au regard de leur nationalité, qu’ils obtiendront une protection internationale en France. En pratique, ce droit devait être réservé aux ressortissants de pays dont le taux de protection excéderait un seuil fixé par décret ; un taux de l’ordre de 50 % a été évoqué. Dans le contexte actuel, en retenant un taux de protection minimal de 50 %, cela concernerait principalement les Afghans, les Érythréens et les Syriens, ce qui représentait, en 2021, 12 713 primo‑demandeurs majeurs.
L’analyse de la portée de cette mesure n’est pas aisée car il s’agirait d’un dispositif assez inédit. Aucun autre État européen n’octroie un droit de travailler dès l’enregistrement de la demande d’asile. On peut néanmoins trouver une analogie avec le cas des déplacés ukrainiens. Le statut de la protection temporaire ([880]) dont ils bénéficient les autorise à exercer une activité professionnelle, dès l’obtention de leur autorisation provisoire de séjour (APS).
Le Sénat a supprimé l’article 4 en séance publique, au motif que le droit français était déjà mieux disant que le droit européen, qui exige seulement que le délai pour accéder au travail ne dépasse pas neuf mois. Redoutant un effet d’« appel d’air », le Sénat a également mis en avant des risques juridiques éventuels pour des employeurs qui, non informés du rejet de la demande d’asile d’un employé, pourraient faire l’objet de poursuites pour l’emploi d’étranger sans titre.
Le rapporteur pour avis regrette toutefois cette suppression. Le fait de pouvoir travailler constituerait un vrai facteur d’intégration pour des demandeurs d’asile dont on augure qu’ils resteront de manière régulière sur le territoire. Cette disposition peut également constituer un moyen non négligeable de lutter contre le travail illégal. Enfin, comme cela a été souligné plus haut, elle ne devrait concerner qu’un nombre limité de personnes. Au demeurant, la modulation, par voie réglementaire, du taux, permettrait de répondre à des évolutions imprévues du marché du travail ou dans les arrivées des nationalités les plus protégées. Le dispositif apparaît donc sécurisé d’autant plus que l’autorisation de travail continuera à être exigée.
L’article 19 bis C est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en séance publique. Il porte sur la « réunification familiale », c’est‑à‑dire sur le droit des réfugiés et protégés subsidiaires de faire venir en France leur famille. Il vise à harmoniser les critères d’âge et de liens familiaux avec ceux du « regroupement familial », qui concerne les personnes titulaires d’un titre de séjour. Il limite par ailleurs à dix‑huit mois le délai pendant lequel la procédure de réunification familiale peut être mise en œuvre avant de basculer vers le régime général de regroupement familial. Le rapporteur pour avis est favorable à ces dispositions qui sont conformes à la directive européenne du 22 septembre 2003 sur le regroupement familial ([881]). Elles maintiennent la France parmi les États européens qui octroient les modalités de protection les plus généreuses en matière de rapprochement des membres de famille des bénéficiaires de la protection internationale.
Un sous‑amendement d’origine sénatoriale a supprimé la possibilité pour les mineurs non accompagnés, lorsqu’ils se voient accorder la protection internationale, de faire venir leurs frères et sœurs ; ils ne pourraient faire venir que leurs ascendants directs au premier degré. Le rapporteur pour avis est également favorable à cette disposition qui vise à éviter les détournements de la procédure de réunification familiale.
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Personnes entendues PAR LES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES LOIS
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
M. Éric Jalon, directeur général
M. Adrien Brunel, conseiller juridique
Mme Clémence Olsina, directrice de l’asile
M. Gabriel Morin, sous-directeur de l'animation et du financement de la politique de l'asile
Mme Christine Piltant, sous-directrice du droit d’asile et de la protection internationale
M. Simon Fetet, directeur de l’immigration
M. Jean-Baptiste Brunet, adjoint au chef de section expertise juridique du bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale
M. Ludovic Guinamant, sous-directeur du séjour et du travail
M. Martin Alline, chef du bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale
M. Aurélien Dardé, conseiller juridique
M. David Coste, directeur de l'intégration et de l'accès à la nationalité
M. Frédéric Sampson, adjoint à la sous-directrice de l'intégration des étrangers
Mme Valérie Minne, directrice nationale
Mme Pascale Léglise, directrice
M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris
Mme Mireille Larrède, préfète déléguée à l'immigration
Mme Juliette de Clermont-Tonnerre, conseillère stratégie et relations publiques
M. Philippe Chopin, préfet du Maine-et-Loire
M. Emmanuel Le Roy, secrétaire général
M. Bruno Forest, directeur de l'immigration et des relations aux usagers
Mme Émilie Brin, adjointe au directeur de l'immigration et des relations aux usagers
Ministère de la Justice
Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe
M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée
Mme Mathilde Barrachat, adjointe au chef du bureau de la législation pénale spécialisée
Mme Édith Launay, adjointe à la sous-directrice du droit civil
Mme Delphine Thouillon, cheffe du bureau de la nationalité
Mme Estelle Brestovski, adjointe à la cheffe du bureau de la nationalité
M. Kévin Leclere-Vue, chef du bureau du droit processuel et du droit social
M. Benjamin Petit, rédacteur au bureau du droit processuel et du droit social
Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
M. Christophe Léonzi, Ambassadeur chargé des migrations
M. Frédéric Rimoux, adjoint de l’ambassadeur
M. Romain Guillard, adjoint au chef de mission attractivité et rayonnement économique
Mme Schéhérazade Bezard, rédactrice mission attractivité et rayonnement économique
M. Étienne Abobi, adjoint au sous-directeur politique des visas
Mme Marie-Hélène Guillerm, rédactrice mission de la gouvernance démocratique
M. Philippe Léglise-Costa, Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne
M. Nicolas de Maistre, préfet, chef du service Justice et affaires intérieures
M. Mathieu Tartar, conseiller affaires intérieures
Autres ministères
M. Geoffroy de Vitry, directeur de cabinet
Mme Louise Olnois, conseillère parlementaire
M. Philippe Zamora, conseiller en charge du marché du travail et de l’assurance chômage
Direction générale de la santé (DGS)
Mme Caroline Bussière, cheffe de bureau à la sous-direction de la santé des populations
Direction générale de l’offre de soins (DGOS)
M. Marc Reynier, adjoint au sous-directeur des ressources humaines du système de santé
Mme Julie Pougheon, conseillère spéciale de la directrice générale
Direction de la sécurité sociale (DSS)
Mme Stéphanie Gilardin, sous-directrice de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail
Mme Cécile Sache, adjointe à la cheffe du bureau de l’accès aux soins et aux prestations de santé
Mme Sara Donati, chargée de mission en charge de l’AME
M. Cédric Bourdais, conseiller mobilités ferroviaires et logistique
M. Thibault Gensollen, conseiller parlementaire et élus
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance
Mme Marie Léon, directrice adjointe de cabinet
M. Clément Lethielleux, conseiller parlementaire
Autres administrations, institutions et juridictions
Mme Claire Hédon, Défenseure des droits
Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale
Mme Marie Lieberherr, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires
Mme Elsa Alasseur, cheffe du pôle droits fondamentaux des étrangers
Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire
M. Didier Leschi, directeur général
M. Julien Boucher, directeur général
M. Mathieu Herondart, président
M. Olivier Massin, secrétaire général
M. Paolo Artini, représentant en France du HCR
M. Vincent Briard, administrateur principal à la protection
Mme Caroline Laly-Chevalier, conseillère juridique
Mme Cecilia Verkleij, cheffe d’unité adjointe HOME.C3 (Asyle)
Mme Céline Ruiz, analyste politique de la Représentation en France de la Commission européenne
Mme Charline Nicolas, directrice générale adjointe stratégie et affaires institutionnelles
M. Laurent Probst, directeur général
Syndicats, conseils nationaux et associations
M. Ludovic Friat, président
M. Thierry Griffet, trésorier national
Mme Nelly Bertrand, secrétaire générale
Mme Samra Lambert, secrétaire permanente
Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)
Mme Anne-Sophie Picque, présidente
M. Hervé Cozic, trésorier
Mme Virginie Cirefice, déléguée syndicale de l’USMA à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)
Syndicat de la juridiction administrative (SJA)
Mme Anne-Laure Delamarre, vice-présidente
Mme Gabrielle Maubon, secrétaire générale
M. Virgile Nehring, secrétaire général adjoint
Association française des juges de l'asile (AFJA)
M. Joseph Krulic, président
Mme Isabelle Dely, vice-présidente
M. Jean-Luc Richard, membre du conseil d’administration
Mme Laurence Roques, présidente de la commission Libertés et droits de l’homme
Mme Émilie Guillet, chargée d’affaires publiques
Confédération française démocratique du travail (CFDT)
M. Christophe Dague, secrétaire confédéral en charge des migrations, de la coordination du Pacte du pouvoir de vivre et des questions démocratiques
Confédération générale du travail (CGT)
M. Gérard Delahaie, membre de la commission migrants
M. Jami Ait Idir, membre de la commission migrants
Mme Marie Roch, conseillère confédérale
M. Hubert Mongon, président de la commission dynamique du marché du travail et de l’emploi
Mme France Henry-Labordère, responsable du pôle social
Mme Odile Menneteau, directrice adjointe veille stratégique et nouveaux enjeux sociaux à la direction générale des affaires sociales
Mme Elizabeth Vital Durand, responsable du pôle affaires publiques
Fédération du service aux particuliers (FESP)
M. Brice Alzon, président
Mme Catherine Lopez, directrice générale
Fédération française du bâtiment (FFB)
M. Anthony Laudat, vice-président, président de la commission sociale
M. Florian Faure, directeur des affaires sociales
Mme Léa Lignères, chargée d’études
Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM)
M. Pierre-Olivier Ruchenstain, directeur général exécutif
M. Michaël Christophe, délégué aux affaires publiques sectorielles
Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM)
Dr Frédéric Joly, secrétaire général adjoint
Mme Camille Le Bris, conseillère juridique
Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD)
Dr Philippe Pommarède, président
Mme Sylvie Germany, directrice des affaires juridiques et institutionnelles
Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (CNOSF)
M. David Meyer, chef de cabinet
Pr Olivier Épaulard, infectiologue au CHU Grenoble Alpes, président du COREVIH arc alpin
Dr Bruno de Goer, médecin au CH Métropole Savoie
Dr Pauline Penot, praticien hospitalier au GHT Grand Paris Nord-Est, chercheure associée au Centre population et développement (CEPED)
Mme Anne Monnet-Hoël, coordinatrice du COREVIH arc alpin
La Cimade
Mme Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale
France terre d’asile
Mme Delphine Rouilleault, directrice générale
Forum réfugiés - Cosi
M. Jean-François Ploquin, directeur général
Amnesty International France
M. Jean-Claude Samouiller, président
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Mme Marie-Christine Vergiat, vice-présidente
Médecins sans frontières (MSF)
M. Xavier Crombé, chef de mission France
Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
Mme Nathalie Latour, directrice générale
Mme Adèle Croisé, chargée de mission réfugiés/migrants
UNICEF France
Mme Noémie Ninnin, chargée de plaidoyer Protection
Mme Mina Stahl, chargée de relations avec les pouvoirs publics
Personnalités
M. François Héran, professeur au Collège de France
M. François Gemenne, politologue
Contributions écrites
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR DU TITRE VI
Autorités locales
M. Jean-François Moniotte, sous-préfet de Pointe-à-Pitre
M. Michel Geoffroy, président de l’Université des Antilles
Mme Christine Gangloff-Ziegler, rectrice de la région académique de la Guadeloupe
M. Bruno André, préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon
M. Bernard Briand, président du Conseil territorial de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon
M. Vincent Berton, préfet délégué de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin
M. Xavier Lédée, président du Conseil territorial de Saint-Barthélémy
M. Blaise Gourtay, préfet, Administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna
M. Munipoese Muli'aka'aka, président de l’Assemblée territoriale de Wallis‑et-Futuna
Mme June Vivish, directrice adjointe de la réglementation et des affaires juridiques au Haut-commissariat de la République en Polynésie française
M. Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
Autres auditions
M. Gil Cornevaux, président des tribunaux administratifs de Mayotte et de la Réunion
M. Jean-Michel Laso, président des tribunaux administratifs de la Martinique et de Saint-Pierre-et-Miquelon
Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
Me Morade Zouine, co-président
La Cimade
Mme Vittoria Logrippo, déléguée nationale Océan Indien
Comité pour la santé des exilés (Comede)
M. Arnaud Veïsse, directeur général
UNICEF France
Mme Mathilde Detrez, chargée de plaidoyer Outre-mer
M. Patrick Vial-Collet, président de la CCI des Îles de Guadeloupe
M. Théo Scubla, co-fondateur et président-directeur général de l'entreprise à mission "each One"
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PERSONNES ENTENDUES par le rapporteur pour avis DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
([1]) Ainsi numéroté en raison de l’introduction, en commission, d’un nouvel article 11 bis, finalement rejeté en séance – et donc non transmis à l’Assemblée.
([2]) Cet article a été déplacé au sein du titre VI « Dispositions relatives à l’outre-mer et entrée en vigueur ».
([3]) Le dernier débat sur ce fondement remontait au 7 octobre 2019, il portait sur « la politique migratoire de la France et de l’Europe ».
([4]) Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 – Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
([5]) Elle peut s’entendre comme des objectifs indicatifs ou impératifs, des quantités fixées a priori ou constatées a posteriori, des contingents minimaux, des plafonds à ne pas dépasser, etc.
([6]) Dixième alinéa du Préambule de 1946 et article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
([7]) Décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 et Convention de Genève de 1951.
([8]) Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, Pierre Mazeaud¸ 11 juillet 2008.
([9]) L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, Cour des comptes, 5 mai 2020.
([10]) Note sur les quotas migratoires, Direction de l’initiative parlementaire et des délégations du Sénat, mars 2023.
([11]) Amendement n° COM-202.
([12]) Amendement n° COM-152.
([13]) « Avant le 1er octobre » en l’état du droit.
([14]) En l’état du droit, le rapport indique et commente seulement les données relatives à l’année civile précédente.
([15]) Suppression de la mention, existante dans l’état du droit, des observations du délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés.
([16]) Amendement n° 363 rect. et amendement n° 519.
([17]) Comme souligné dans la sous-partie précédente, l’inconstitutionnalité de cette disposition est manifeste.
([18]) Amendement n° 160.
([19]) Amendement n° 149.
([20]) Amendement n° 569 rect. ter.
([21]) Amendement n° 619.
([22]) Amendement n° 620.
([23]) Amendements n° CL1541 et n° CL593.
([24]) Amendement n° CL593.
([25]) Amendement n° CL971 de Mme Untermaier.
([26]) Amendement n° CL494 de M. Kerbrat.
([27]) Amendement n° CL516 de Mme Tanzilli.
([28]) Amendement n° CL266 de M. Haddad, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires étrangères.
([29]) Amendement n° CL1582 de M. Gouffier Valente.
([30]) Amendement n° CL1325 de M. Lefèvre.
([31]) Amendement n° CL598 de M. Castellani, sous-amendement n° CL1664 de votre rapporteur général.
([32]) Article L. 333-3 du CESEDA.
([33]) Article L. 333-3 du CESEDA.
([34]) Article L. 821-10 du CESEDA ; l’article L. 821-11 du même code précise que cette amende ne peut être infligée à raison d’un manquement aux obligations de réacheminement pour des faits qui remontent à plus de quatre ans.
([35]) Article L. 821-12 du CESEDA.
([36]) Cons. Const., 15 octobre 2021, n° 2020-940 QPC, Compagnie Air France.
([37]) Déduite de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
([38]) Amendement n° 490 rect. bis.
([39]) Amendement n° CL1658. Parmi les amendements identiques figurent également l’amendement n° CL1643 du Président de la commission des Lois Sacha Houlié, et les amendements n° CL1267 et n° CL1542.
([40]) La France a par exemple signé 14 accords bilatéraux en matière de circulation et de séjour avec certains pays africains.
([41]) Amendement n° 236 rect. quinquies.
([42]) Amendements n° CL464 et n° CL1271, respectivement de M. Kévin Pfeffer et de Mme Blandine Brocard.
([43]) Article L. 434-2 du CESEDA.
([44]) Article L. 434-5 du CESEDA.
([45]) Article R. 434-3 du CESEDA.
([46]) Article R. 434-7 du CESEDA.
([47]) Article L. 434-7 du CESEDA.
([48]) Article R. 434-4 du CESEDA.
([49]) Ces superficies sont celles pour un ménage sans enfant ou deux personnes, et doivent être augmentées de 10m2 par personne jusqu’à huit personnes et de 5m2 par personne supplémentaire.
([50]) Article R. 434-5 du CESEDA.
([51]) Qui représente 48 % de l’immigration familiale.
([52]) La catégorie « Liens personnels et familiaux » regroupe les étrangers n'entrant dans aucune autre catégorie de l'immigration familiale mais dont les liens privés et familiaux en France justifient la délivrance de plein droit d’un titre de séjour.
([53]) Les quatre autres catégories sont : les membres de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, les membres de familles titulaires de titres de séjour « passeport talent », compétence et talent, carte bleue européenne, salarié en mission, scientifique chercheur, les conjoints d’étrangers en situation régulière (admission exceptionnelle au séjour) et les parents d’enfants scolarisés (admission exceptionnelle au séjour).
([54]) Rapport d’activité de l’OFII pour l’année 2021.
([55]) Amendement n° COM-200 déposé par les rapporteurs.
([56]) Le rapport du Sénat souligne que cette modification est conforme à l’article 8 de la directive de 2003 précédemment mentionnée qui dispose que cette durée ne peut pas dépasser 24 mois.
([57]) Le rapport du Sénat précise que cet ajout est conforme à l’article 7 de la directive de 2003, qui prévoit que l’État concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques normalement couverts pour ses propres ressortissants, pour lui-même et pour les membres de sa famille.
([58]) Amendement n° 621.
([59]) Cet article dispose que pour l’appréciation des ressources du demandeur, toutes ses ressources et celles de son conjoint sont prises en compte indépendamment, notamment, des prestations familiales et de l’allocation équivalent retraite.
([60]) Les APL comprennent l’aide personnalisée au logement et les allocations de logement.
([61]) Article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation.
([62]) Amendement n° CL1659.
([63]) Amendement n° CL576 de Mme Estelle Youssouffa.
([64]) Amendement n° CL112 de M. Éric Pauget ; d’après l’exposé sommaire, l’objectif de l’amendement est à l’inverse de la rédaction d’exiger que l’étranger produise ces documents.
([65]) Amendement n° CL756 de Mme Estelle Youssouffa.
([66]) Arrêt de la Cour du 9 juillet 2015, affaire C-153/14.
([67]) Considération n° 56.
([68]) Rapport n° 433 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Muriel Jourdan et M. Philippe Bonnecarrère, Sénat, Session ordinaire de 2022 – 2023, 15 mars 2023.
([69]) Article L. 434-7 du CESEDA.
([70]) Article L. 434-10 du CESEDA.
([71]) Article L. 434-11 du CESEDA.
([72]) Article L. 434-10 du CESEDA.
([73]) Article R. 434-15 du CESEDA.
([74]) Article R. 434-23 du CESEDA.
([75]) Article R. 434-24 du CESEDA.
([76]) Article R. 434-16 du CESEDA.
([77]) Article R. 434-17 du CESEDA.
([78]) Article R. 434-19 ; cette visite doit faire l’objet d’une autorisation écrite du demandeur lors du dépôt de la demande. En cas de refus de l’occupant, les conditions de logement sont réputées non remplies.
([79]) Article R. 434-21 du CESEDA.
([80]) Amendement n° COM-204.
([81]) Amendement n° 622.
([82]) Amendement n° CL1666 de M. Florent Boudié.
([83]) Amendement n° CL519 de Mme Sarah Tanzilli.
([84]) Amendement n° 353 rect.
([85]) Amendement n° CL1661. Les autres amendements sont les amendements n° CL554, n° CL603, n° CL856, n° CL1042, et n° CL1147.
([86]) Article L. 432-2 du CESEDA.
([87]) Article L. 432-4 du CESEDA.
([88]) Article L. 432-5 du CESEDA.
([89]) Article L. 432-6 du CESEDA.
([90]) Amendement n° 354 rect. bis.
([91]) Sous-amendement n° 618, ayant également reçu l’avis favorable du Gouvernement.
([92]) Un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, une personne dépositaire de l’autorité publique autre que celles mentionnées à l’article 222‑14-5, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.
([93]) Un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, sur un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d’une mission de service public, ainsi que sur un professionnel de santé, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.
([94]) Un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l’administration pénitentiaire dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.
([95]) Ajout issu de l’adoption du sous-amendement n° 618.
([96]) Ibid.
([97]) Amendement n° CL1662.
([98]) Livre relatif aux crimes et aux délits contre les personnes.
([99]) La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d’intégration républicaine prévues à l’article L. 413-7 du CESEDA. Dans le souci de lutter contre les « mariages blancs », cet article permet à l’administration de retirer la carte de résident en cas de rupture de la vie commune, dans un délai de quatre ans après le mariage. Ce retrait ne peut toutefois intervenir en cas de décès d’un des époux ou si un enfant est né et que l’étranger pourvoit effectivement, depuis la naissance, à son entretien et à son éducation.
([100]) La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d’intégration républicaine prévues à l’article L. 413-7 du CESEDA.
([101]) Le lien de filiation, qu’il soit biologique ou adoptif, doit être légalement établi.
([102]) Sous réserve que l’étranger continue de remplir les conditions d’octroi de ce titre séjour au moment de sa demande.
([103]) La délivrance de cette carte de résident est subordonnée au respect des conditions d’intégration républicaine prévues à l’article L. 413-7 du CESEDA.
([104]) Amendement n° 623.
([105]) Amendement n° CL1663. Les autres amendements sont les amendements n° CL1644, n° CL178, n° CL563, n° CL858, n° CL1149, n° CL1277 et n° CL1545.
([106]) Arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l’exercice par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de leurs missions, prévues à l’article L. 313-11 (11°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
([107]) CE, 16 février 2010, n° 329450.
([108]) « Les conséquences d’une exceptionnelle gravité résultant d’un défaut de prise en charge médicale sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l’intéressé ou détérioration d’une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences.
Cette condition des conséquences d’une exceptionnelle gravité résultant d’un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l’état de santé de l’étranger concerné présente, en l’absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une altération significative d’une fonction importante.
Lorsque les conséquences d’une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu’à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l’exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l’état de santé de l’intéressé de l’interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d’origine. »
([109]) En particulier, le VIH, les hépatites virales et la tuberculose.
([110]) Cette charge relevait, jusqu’à la publication de, de la compétence des agences régionales de santé.
([111]) Article L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) (voir commentaire de l’article 1er I).
([112]) Article L. 251-1 et suivants du CASF (idem).
([113]) Article L. 422-1 du CESEDA.
([114]) Le Conseil d’État a estimé que ce montant est « approprié pour couvrir les frais de séjour et d’études d’un étudiant en France » (CE 13 févr. 2013, Gisti, req. n° 353864).
([115]) Point 25 de l’annexe 10 de la partie réglementaire du CESEDA.
([116]) C’est le cas lorsque l’étudiant arrive en France dans le cadre d’une convention signée entre l’État et un établissement d’enseignement supérieur où il est inscrit, s’il a réussi le concours d’entrée dans un établissement ayant signé une convention avec l’État, s’il est boursier du Gouvernement français ou s’il a signé avec la France un accord de réciprocité sur l’admission au séjour des étudiants.
([117]) Elle est très importante pour de certains pays : le Liban (+199 %), les États-Unis (+183 %), l'Inde (+80 %), le Congo (+285 %), le Cameroun (+160 %), le Bénin (154 %) et le Togo (+109 %). Les étudiants ressortissants des autres pays tiers à l’Union européenne augmentent légèrement en moyenne.
([118]) Les pays concernés sont principalement des pays d'Asie de l’Est, le Japon (+103 %), la Corée (+85 %), le Vietnam (+46 %) ainsi que le Canada (+97 %).
([119]) C’est notamment le cas pour les États-Unis (+59 %), le Togo (+54 %) et le Mexique (+44 %).
([120]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Cyrielle Chatelain (CL227), Andrée Taurinya (CL575) et Elsa Faucillon (CL1152), et MM. Sacha Houlié (CL1607), Michel Castellani (CL606), Boris Valaud (CL863), Benjamin Lucas (CL1037), Erwan Balanant (CL1282), Aurélien Taché (CL1459) et Guillaume Gouffier Valente (CL1546).
([121]) Conseil d’État, décision n° 430121 du 1er juillet 2020.
([122]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Elsa Faucillon (CL1154) et Élisa Martin (CL579) et MM. Sacha Houlié (CL1608), Boris Vallaud (CL865), Erwan Balanant (CL1256), Jean-Claude Raux (CL1312), Aurélien Taché (CL1461) et Guillaume Gouffier Valente (CL1547).
([123]) 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous.
([124]) Rapport d’information n° 626 (2021-2022) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2022.
([125]) Soit 810 euros pour une personne seule vivant en métropole (depuis le mois d’avril 2023).
([126]) Les enfants mineurs bénéficient sans délai de l’AME même si le parent étranger ne remplit pas la condition de plus de 3 mois de résidence en France.
([127]) Florence Jusot, Paul Dourgnon, Jérôme Wittwer, Jawhar Sarhiri, Le recours à l'Aide médicale de l'État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l'enquête Premiers pas, Questions d'économie de la santé n° 245, novembre 2019.
([128]) Ces soins sont visés par renvoi au 1° de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale.
([129]) Ces prestations sont visées par renvoi au 2° du même article.
([130]) Ces prestations sont visées par renvoi au 1° de l’article L160-9-1 du même code.
([131]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France.
([132]) Les frais en question correspondant aux prestations suivantes, lorsqu’elles sont programmées, ne présentent pas un caractère d’urgence et ne concernent pas des bénéficiaires mineurs :
« 1° Les prestations mentionnées ci-après, réalisées en établissement de santé et liées à des pathologies non sévères, lorsqu’elles ne concernent pas des traumas, fractures, brûlures, infections, hémorragies, tumeurs suspectées ou avérées : a) Libérations de nerfs superficiels à l’exception du médian au canal carpien ; b) Libérations du médian au canal carpien ; c) Interventions sur le cristallin avec ou sans vitrectomie ; d) Allogreffes de cornée ; e) Interventions sur le cristallin avec trabéculectomie ; f) Rhinoplasties ; g) Pose d’implants cochléaires ; h) Interventions de reconstruction de l’oreille moyenne ; i) Interventions pour oreilles décollées ; j) Prothèses de genou ; k) Prothèses d’épaule ; l) Prothèses de hanche pour des affections autres que des traumatismes récents ; m) Interventions sur la hanche et le fémur sauf traumatismes récents ; n) Interventions sur le sein pour des affections non malignes autres que les actes de biopsie et d’excision locale ; o) Gastroplasties pour obésité ; p) Autres interventions pour obésité ;
2° Les actes réalisés par des professionnels de santé exerçant en ville suivants : a) Les transports sanitaires en lien avec les prestations hospitalières mentionnées au 1° ; b) Les actes de masso-kinésithérapie prescrits suite à des prestations hospitalières mentionnées au 1°. »
([133]) L’AME à titre humanitaire ou celle ouverte aux gardés à vue est instruite par les services de l’État.
([134]) Article 264 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifiant l’article L. 251-1 du CASF.
([135]) Article L. 252-3 CASF.
([136]) Article L. 253-2 du CASF
([137]) Décret n° 2020-715 du 11 juin 2020 relatif à la consultation du traitement de données VISABIO.
([138]) Cons. const., décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010.
([139]) Peralta-Galleg, J. Gené-Badia, Pedro Gallo, novembre 2018, « Effects of undocumented immigrants exclusion from health care coverage in Spain » Health Policy, volume 122, Issue 11.
([140]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Françoise Buffet (CL89), Elsa Faucillon (CL1155), Charlotte Parmentier-Lecocq (CL1249), Clara Chassaniol (CL1257), Marjolaine Meynier-Millefert (CL1260) et Stella Dupont (CL1425), et MM. Sacha Houlié (CL1609), Michel Castellani (CL1), Andy Kerbrat (CL621), Boris Vallaud (CL868), Sébastien Peytavie (CL1137), Erwan Balanant (CL1288) et Guillaume Gouffier Valente (CL1548).
([141]) Soit 810 euros pour une personne seule vivant en métropole (depuis le mois d’avril 2023).
([142]) Nos 1605926/6-2 et 1605956/6-2.
([143]) Article 8 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
([144]) CJUE, affaire Hassen El Dridi, 28 avril 2011.
([145]) Article L. 813-1 du CESEDA.
([146]) Article L. 813-4 du même code.
([147]) Article L. 813-3 du même code.
([148]) Article L. 813-10 du même code.
([149]) Les autres amendement de suppression ont été déposés par Mmes Françoise Buffet (CL90), Clara Chassaniol (CL1256), Marjolaine Meynier-Millefert (CL1263), Blandine Brocard (CL1270) et Stella Dupont (CL1427), et MM. Sacha Houlié (CL1611), Benjamin Lucas (CL43), Thomas Portes (CL642), Boris Vallaud (CL870) et Gilles Le Gendre (CL1103).
([150]) Cons. const. 20 nov. 2003, n° 2003-484 DC.
([151]) Compte rendu intégral des débats de la séance publique du 7 novembre 2023 du Sénat.
([152]) Décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant et modifiant le code de la construction et de l’habitation.
([153]) Article R. 300-2 du CCH.
([154]) Article R. 232-2 du même code.
([155]) Article L. 262-4 du CASF.
([156]) Article L. 542-6 du même code.
([157]) Cons. const., décision n° 2011-137 QPC du 17 juin 2011.
([158]) Cons. const., décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, points 41 à 50.
([159]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Danièle Obono (CL646), Elsa Faucillon (CL1159) et Clara Chassaniol (CL1251), et MM. Sacha Houlié (CL1612), Boris Vallaud (CL872), Erwan Balanant (CL1296) et Jean-Claude Raux (CL1313).
([160]) Article L. 433-4 du CESEDA.
([161]) L’article L. 415-3 CESEDA prévoit plusieurs cas de dispenses de signature du CIR, en particulier les étrangers titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire », « étudiant », « vie privée et familiale », « visiteur », « stagiaire » ou titulaires d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent ».
([162]) Article R. 413-3 du CESEDA.
([163]) Article L. 424-9 du CESEDA.
([164]) Article L. 424-18 du CESEDA.
([165]) L’ensemble des dispositions régissant le droit du séjour des Algériens en France figurent en effet dans l'accord franco-algérien (AFA) du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles.
([166]) Article 3 de l’arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d’intégration républicaine créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
([167]) La formation n’est pas obligatoire si l’étranger justifie de la maîtrise du niveau minimal de français par la production de diplômes ou certifications, prévues par le même arrêté, ou si les résultats au test de français réalisé lors de l’entretien personnalisé attestent d’un niveau suffisant de maîtrise du français.
([168]) Article 8 de l’arrêté du 30 décembre 2021.
([169]) Article R. 413-4 du CESEDA
([170]) Article L. 413-7 et R. 413-15 du CESEDA.
([171]) Articles 21-2 et 21-24 du code civil et articles 14 et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.
([172]) La rédaction du projet de loi exclut ainsi les étrangers dispensés du CIR visés à l’article L. 413-5 du CESEDA.
([173]) À l'exception de celles portant la mention « salarié détaché ICT » et « recherche d'emploi ou création d'entreprise », qui ne sont pas renouvelables.
([174]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Marjolaine Meynier-Millefert (CL1269), Blandine Brocard (CL1273) et Marie Guévenoux (CL1550), et MM. Sacha Houlié (CL1614), Benjamin Lucas (CL44), Michel Castellani (CL622), Thomas Portes (CL675), Boris Vallaud (CL877) et Davy Rimane (CL1161).
([175]) La légalisation est définie au II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice comme « la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. »
([176]) Conseil d'État, 2ème et 7ème chambres réunies, 21 juin 2022, n° 457494, point 7.
([177]) Extrait de l’objet de l’amendement n° 605 du Gouvernement en séance publique au Sénat.
([178]) Article L. 6312-1 du code du travail.
([179]) Nagui Bechichi, Gérard Bouvier, Yaël Brinbaum, Jérôme Lê, « Maîtrise de la langue et emploi des immigrés : quels liens ? », Emploi, chômage, revenus du travail, INSEE, édition 2016.
([180]) Article 21-5 du code civil. Ce dernier prévoit néanmoins un délai de 15 ans s’agissant des actes qualifiés de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation et des crimes ou délits constituant un acte de terrorisme.
([181]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Françoise Buffet (CL96), Élisa Martin (CL689), Emeline K/Bidi (CL1163) et Marie Guévenoux (CL1551) et MM. Sacha Houlié (CL1616), Benjamin Lucas (CL182), Boris Vallaud (CL879) et Emmanuel Mandon (CL1281).
([182]) Article 21-11 du code civil.
([183]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Élisa Martin, Francesca Pasquini, Emeline K/Bidi, Blandine Brocard et Marie Guévenoux et MM. Sacha Houlié et Boris Vallaud.
([184]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Elsa Faucillon (CL1167), Blandine Brocard (CL1293) et Marie Guévenoux (CL1555) et MM. Sacha Houlié (CL1620), Andy Kerbrat (CL719) et Boris Vallaud (CL884).
([185]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Blandine Brocard (CL1287) et Marie Guévenoux (CL1553), et MM. Sacha Houlié (CL1618), Benjamin Lucas (CL185), Andy Kerbrat (CL713), Boris Vallaud (CL881) et Davy Rimane (CL1165).
([186]) Le commentaire de cette disposition est proposé sous l’article 2 bis.
([187]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Andrée Taurinya (CL714), Francesca Pasquini (CL1063), Blandine Brocard (CL1289) et Marie Guévenoux (CL1554), et MM. Sacha Houlié (CL1619), Philippe Brun (CL882) et Davy Rimane (CL1166).
([188]) Article 2493 du code civil.
([189]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Élisa Martin (CL716) et Blandine Brocard (CL)1291, et MM. Boris Vallaud (CL883) et Davy Rimane (CL1229).
([190]) Article 21-18 du code civil.
([191]) Article 21-19 du même code.
([192]) Article 21-20 du même code.
([193]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Andrée Taurinya (CL720), Elsa Faucillon (CL1168), Blandine Brocard (CL1295), Marjolaine Meynier-Millefert (CL1333) et Marie Guévenoux (CL1556) et MM. Sacha Houlié (CL1626), Philippe Brun (CL885) et Benjamin Lucas (CL1052).
([194]) Article 958 du code général des impôts (CGI).
([195]) Les autres amendements de suppression ont été déposés par Mmes Emeline K/Bidi (CL1169), Blandine Brocard (CL1297) et Marie Guévenoux (CL1557) et MM. Sacha Houlié (CL1627), Thomas Portes (CL722) et Boris Vallaud (CL886).
([196]) Voir le commentaire de l’article 4 bis.
([197]) Cet article prévoit que la première délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l’étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 411-1 du même code.
([198]) Avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
([199]) Avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
([200]) La Circulaire invite les préfets privilégier les situations dans lesquelles l’étranger bénéficie d’un contrat à durée indéterminée ; pour les contrats à durée déterminée, seuls les contrats d’une durée égale ou supérieure à six mois doivent être retenus.
([201]) La délivrance d’une carte de séjour temporaire « travailleur temporaire » ou « salarié » est alors possible
([202]) Ibid.
([203]) Cette carte est valable un an et est renouvelable.
([204]) La durée de ce titre est égale à la durée restante à courir du contrat de travail. Celui-ci est renouvelable.
([205]) Ce niveau fait l’objet d’une évaluation lors du rendez-vous en préfecture.
([206]) Les droits fondamentaux des étrangers en France, Défenseur des droits, 2016.
([207]) Voir l’annexe de l’arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
([208]) Voir également par exemple l’article L. 421-4 du CESEDA qui dispose que lorsque la demande de l’étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, certaines cartes de séjour lui sont délivrés sans que lui soit opposable la situation de l’emploi.
([209]) Avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
([210]) CE, section du contentieux, n° 383267, 4 février 2015 ; CE, n° 462784, 14 octobre 2022.
([211]) Les dispositions de cet article restent néanmoins applicables aux titulaires de la carte de séjour délivrée avant le 31 décembre 2026 et jusqu’à l’expiration du titre.
([212]) Carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » d’une durée inférieure ou égale à un an.
([213]) L’étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier.
([214]) L’étranger titulaire d’une attestation de demande d’asile.
([215]) « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 412-1, préalablement à la délivrance d’un premier titre de séjour, l’étranger qui est entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n’a pas, après l’expiration depuis son entrée en France d’un délai de trois mois ou d’un délai supérieur fixé par décret en Conseil d’État, été muni d’une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d’un montant égal à 200 euros, dont 50 euros, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre. »
([216]) Les droits fondamentaux des étrangers en France, Défenseur des droits, 2016.
([217]) Amendements n° 656, n° 127, n° 365 rect. ter, et n° 531.
([218]) Ces raisons peuvent par exemple être des « mesures d’instruction effectuées auprès de tiers » ou « un contexte dans lequel le flux de la demande d’asile introduite à l’OFPRA dépasse sa capacité de traitement », d’après le rapport n° 3357 fait au nom de la commission des Finances relatif à l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés, M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont, Assemblée nationale, XVème législature, 23 septembre 2020.
([219]) Article L. 554-1 du CESEDA.
([220]) Article 15.
([221]) Article L. 554-3 du CESEDA.
([222]) Étude d’impact du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, 31 janvier 2023.
([223]) « La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale. Elle a également pour objet de permettre le retour à l’emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance. »
([224]) Rapport n° 3357 fait au nom de la commission des Finances relatif à l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés, M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont, Assemblée nationale, XVème législature, 23 septembre 2020
([225]) Plan engagé en 2018, cofinancé par l’État et par les entreprises, visant à former et accompagner un million de jeunes et un million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés en cinq ans.
([226]) Article R. 531-23 du CESEDA.
([227]) Article L. 531-24 du CESEDA.
([228]) Si : 1° Le demandeur a présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin de l'induire en erreur ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; 2° Le demandeur n'a soulevé à l'appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d'asile qu'il formule ; 3° Le demandeur a fait à l'office des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d'origine.
([229]) Si, notamment : 1° Le demandeur refuse de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales (…) ; 2° Lors de l'enregistrement de sa demande, le demandeur présente de faux documents d'identité ou de voyage, fournit de fausses indications ou dissimule des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur l'autorité administrative ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, etc.
([230]) Sauf lorsque la présence du demandeur en France constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
([231]) Rapport d’activité de l’année 2022 de l’OFPRA.
([232]) À l’article L. 554-1 du même code, en application duquel l’accès au marché du travail ne peut être autorisé au demandeur d’asile lorsque l’OFPRA n’a pas statué sur la demande d’asile sur un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande.
([233]) « Le demandeur d’asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail. Toutefois, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de deux mois à compter de la réception de la demande d’autorisation de travail pour s’assurer que l’embauche de l’étranger respecte les conditions de droit commun d’accès au marché du travail. À défaut de notification dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise. Elle est applicable pendant la durée du droit au maintien sur le territoire français du demandeur d’asile. »
([234]) Contribution écrite du ministère de l’Intérieur.
([235]) Avis sur un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 406543, 26 janvier 2023.
([236]) Lorsque la demande d’asile, enregistrée en France, relève d’un autre État membre de l’Union européenne en application du Règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit « Dublin III ».
([237]) Rapport n° 433 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Muriel Jourdan et M. Philippe Bonnecarrère, Sénat, Session ordinaire de 2022 – 2023, 15 mars 2023.
([238]) Amendements n° 656, n° 127, n° 365 rect. ter. et n° 351.
([239]) Parmi lesquels celui de votre rapporteur général et de votre rapporteure Élodie Jacquier-Laforge, l’amendement n° CL1703, mais également les amendements n° CL259, n° CL1630, n° 640, n° 1262, n° 1299, n° 1445 et n° 1558.
([240]) Décision n° 450285.
([241]) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
([242]) Sous-amendement n° 476 rect. bis.
([243]) Contre huit mois dans la rédaction initiale de l’article 3.
([244]) Amendement n° CL1665.
([245]) Sous-amendement n° CL1744 de Mme Caroline Abadie.
([246]) Sous-amendement n° CL1743 de M. Christophe Naegelen.
([247]) Sous-amendements n° CL1741 et n° CL1758 de MM. le Président Sacha Houlié et Boris Vallaud.
([248]) Cet article détermine la liste des cartes de séjour pour lesquelles l’article L. 414-10 ne s’applique pas.
([249]) Arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
([250]) Amendement n° 476 rect. bis.
([251]) Amendement n° CL1431 de Mme Stella Dupont.
([252]) Article L. 526-22 du code de commerce.
([253]) Étude d’impact du projet de loi.
([254]) Amendements n° COM-207 et COM-181.
([255]) En application de l’article L. 414-10 du CESEDA qui dispose : « La possession d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident par un étranger résidant sur le territoire métropolitain lui confère, sous réserve des exceptions prévues à l’article L. 414-11, le droit d’exercer une activité professionnelle, sur ce même territoire, dans le cadre de la législation en vigueur. »
([256]) Amendement n° 587.
([257]) Article L. 421-7 du CESEDA.
([258]) Sous‑section 2 et suivantes de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la partie législative du CESEDA
([259]) Rapport « Les étrangers en France » remis au Parlement, Direction générale des étrangers en France, données de l’année 2021.
([260]) Ibid.
([261]) Article L. 421-22 du CESEDA et suivants.
([262]) Cet article précise que l’autorisation de travail accordée à l’étranger est limitée au département ou à la collectivité dans lequel elle a été délivrée.
([263]) Amendement n° COM-208.
([264]) Rapport n° 433 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Muriel Jourdan et M. Philippe Bonnecarrère, Sénat, session ordinaire de 2022 – 2023, 15 mars 2023.
([265]) Durée maximale : 4 ans.
([266]) Durée maximale : 4 ans.
([267]) Telle que définie à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public.
([268]) Durée maximale : 4 ans.
([269]) Amendement n° 629.
([270]) Loi n° 72-661 du 13 juillet 1972 relative à certaines conditions d’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme.
([271]) Rapport n° 1336 fait au nom de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, M. Frédéric Valletoux, Assemblée nationale, XVIème législature, 7 juin 2023.
([272]) Rapport n° 48 fait au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins pour l’engagement territorial des professionnels, Mme Corinne Imbert, Sénat, session ordinaire 2023 – 2024, 18 octobre 2023.
([273]) Article L. 4111-2 du code de la santé publique.
([274]) Article L. 4221-12 du même code.
([275]) Le bénéfice est en effet réservé aux praticiens qui exercent en France dans des établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux publics ou privés à but non lucratif, à l’exclusion des établissements privés à but lucratif et d’un exercice libéral. Ce choix se justifie par l’objectif de faciliter l’accès et le séjour de praticiens étrangers venant renforcer les ressources de ces établissements, et d’assurer en leur sein un encadrement adéquat des praticiens. Le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur le projet de loi, qu’au regard de l’objectif d’intérêt général, cette mesure ne méconnaissait pas le principe d’égalité.
([276]) Durant les 13 mois.
([277]) En cas d’obtention des EVC, les étrangers concernés pourront prétendre à la carte de séjour pluriannuelle « talent » d’une durée de quatre ans.
([278]) Le nombre de postes prévus dans le cadre du recensement des postes proposés à l’issue du concours pour la réalisation du parcours de consolidation des connaissances de deux ans est en général supérieur au nombre de lauréats.
([279]) Amendement n° COM-209.
([280]) L’exposé sommaire de l’amendement justifie cette évolution en invoquant deux raisons : limiter l’exercice aux seuls lauréats des EVC et ne pas ouvrir à cette catégorie d’étrangers le bénéfice de la procédure prévue pour leur « famille accompagnante », dans la mesure où leur installation durable est conditionnée à la réussite des EVC.
([281]) Amendement n° 4 rect. ter.
([282]) Amendements n° CL1705 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et n° CL1175 de M. Davy Rimane.
([283]) Amendement n° CL1242 de M. Laurent Marcangeli.
([284]) « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »
([285]) Loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
([286]) Décisions du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France et 2003-484 DC du 20 novembre 2003.
([287]) C’est-à-dire contractés sans consentement mutuel.
([288]) Article 175-2 du code civil.
([289]) L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d’appel, qui statue dans le même délai.
([290]) Amendement n° 61 rect. ter.
([291]) Amendement n° CL1763.
([292]) Amendement n° 360 rect. bis.
([293]) Amendement n° CL1706, et les amendements n° CL1706, n° CL1634, n° CL752, n° CL902, n° CL1179, n° CL1303, n° CL1328, n° 1563.
([294]) Article L. 5221-5 du code du travail.
([295]) Article L. 5221-8 du même code.
([296]) Cette disposition n’est pas applicable à l’employeur qui, sur la base d’un titre frauduleux ou présenté frauduleusement par un étranger salarié, a procédé sans intention de participer à la fraude et sans connaissance de celle-ci aux différentes déclarations nécessaires.
([297]) Article L. 8256-2 du code du travail.
([298]) Article L. 8256-2 du même code.
([299]) Article L. 8256-3 du code du travail.
([300]) Article L. 8256-7 du même code.
([301]) Étude d’impact du projet de loi.
([302]) Article L. 822-2 du CESEDA.
([303]) Rapport d’activité de l’OFII pour l’année 2021.
([304]) Le projet de loi indique « l’article L. 8271-7-2 », mais il semblerait qu’il vise en réalité l’article L. 8271-1-2 relatif à la liste des agents de contrôle compétents en matière de travail illégal (par exemple les agents de contrôle de l’inspection du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des impôts et des douanes, etc.)
([305]) Rapport n° 433 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Muriel Jourdan et M. Philippe Bonnecarrère, Sénat, session ordinaire de 2022 – 2023, 15 mars 2023.
([306]) Amendement n° 588.
([307]) Amendement n° 565.
([308]) Cet article fixe la liste des agents compétents pour rechercher et constater les infractions aux dispositions relatives à l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler.
([309]) Soit 5 000 x 4,10 = 20 500 euros.
([310]) Il est alors au plus égal à 15 000 fois ce même taux.
([311]) Cette rédaction n’était néanmoins pas délibérée de la part du Gouvernement.
([312]) Amendement n° CL1707.
([313]) Amendement n° 77 rect. terr.
([314]) Amendements n° CL373, n° CL670, n° CL760, n° CL1180 et n° CL1331.
([315]) Les articles R 632-1 et R. 632-2 du CESEDA prévoient que l’autorité administrative compétente pour prononcer l’expulsion est le ministre de l’intérieur lorsque l’étranger concerné bénéficie d’une protection contre l’expulsion en raison des liens particuliers qu’il entretient avec la France ou lorsque la mesure est prise en urgence absolue ou le préfet du département dans lequel l’étranger réside dans les autres cas.
([316]) La commission est composée, conformément à l’article L. 632-1 du CESEDA, de trois magistrats : le président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou un juge délégué par lui, un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département et un conseiller de tribunal administratif.
([317]) Il n’existe pas de définition de la « menace grave pour l’ordre public ». L’autonomie de l’action administrative impose à l’autorité compétente d’apprécier la menace sans être tenu, notamment, par une condamnation du juge pénal. Il résulte ainsi de la jurisprudence que le degré de gravité de la menace doit s’apprécier en tenant compte de la situation personnelle de l’intéressé et en appréciant son comportement, y compris postérieur à la condamnation (voir notamment CE, 26 oct. 1998, req. n° 173098).
([318]) L’article L.631-4 du CESEDA prévoit également une protection « absolue » qui s’applique à tout étranger mineur de moins de dix-huit ans.
([319]) Sans en dresser ici une liste exhaustive, les trois catégories de comportements considérés font notamment écho à différentes catégories d’infractions :
– Les comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État font référence aux infractions prévues aux articles 410-1 et suivants du code pénal relatif aux infractions « d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » et 431-1 et suivants du même code relatif à « l'atteinte à l'autorité de l'État ». ;
– Les comportements liés à des activités à caractère terroriste font référence aux infractions de terrorisme prévues aux articles 421-1 à 421-8 du code pénal ;
– Les comportements constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes font référence aux articles 23 à 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
([320]) Ce régime transpose les exigences de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
([321]) Voir les pages 146 à 148 de l’étude d’impact du projet de loi.
([322]) Le régime de l’abrogation de la décision d’expulsion est fixé aux articles L. 632-3 à L. 632-7 du CESEDA : la personne concernée par la mesure d’expulsion peut demander son abrogation et l’autorité administrative compétente est tenue de réexaminer les motifs de la décision tous les cinq ans à compter de la date de son édiction.
([323]) Voir en page 140 de l’étude d’impact du projet de loi.
([324]) Voir en pages 137 et 140 de l’étude d’impact du projet de loi.
([325]) Conformément à l’article L. 731-1 du CESEDA.
([326]) Conformément à l’article L. 741-1 du CESEDA.
([327]) Avis du Conseil d’État n° 406543 du 26 janvier 2023 (parag. 26).
([328]) Par ailleurs, l’autorité judiciaire peut également prononcer une interdiction du territoire français à titre de peine pour certaines infractions dans les conditions qui sont exposées au B du présent commentaire. La mesure administrative d’expulsion se distingue dans son objet et son régime de cette peine.
([329]) L’article 27 de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres prévoit notamment que l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver des mesures d’ordre public ou de sécurité publique visant à l’éloignement du ressortant de l’Union européenne.
([331]) Voir les pages 150 et 151 du projet de loi
([336]) Catégorie de personnes mentionnée au 4° de l’article 222-12 du code pénal.
([337]) Catégorie de personnes mentionnée au 4° bis de l’article 222-12 du code pénal.
([338]) Catégorie de personnes mentionnée à l’article 222-14-5 du code pénal.
([340]) Ce fondement permet de retirer la carte de séjour de l’étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public.
([341]) Ce fondement permet de faire obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour lorsque la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public.
([342]) Ce fondement, tel que modifié par l’article 13 du projet de loi, permet de refuser le renouvellement de la carte de résident lorsque la présence de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public.
([344]) Voir article 13 du projet de loi.
([349]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi, parag. 26
([351]) L’article L. 641-1 du CESEDA relatif à la peine d’interdiction du territoire français renvoie à l’application des articles 131-30, 131-30-2 et 131-30-3 du code pénal
([352]) Le 1° de l’article L. 121-1 du code de justice pénal des mineurs dispose en effet que la peine d’interdiction du territoire français n’est pas applicable aux mineurs.
([353]) En application de l’article 131-11 du code pénal.
([354]) Il en figurerait près de deux cents au sein du code pénal (Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, « Interdictions judiciaires du territoire français – Recours à l’interdiction du territoire français », Claire Saas, octobre 2021, pt. 99).
([355]) Article 222-48 du code pénal renvoyant aux articles 222-27 à 222-31 du même code.
([356]) Article 222-48 du code pénal renvoyant aux articles 222-34 à 222-40 du même code.
([357]) Article 225-21 du code pénal renvoyant à la section II du chapitre V du titre II du livre II du même code.
([358]) Article 312-14 du code pénal renvoyant à la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du même code.
([359]) Article 321-11 du code pénal renvoyant à l’article 321-2 du même code.
([360]) Article 311-15 du code pénal renvoyant aux articles 311-4-2 à 311-6 du même code.
([361]) Article 213-2 du code pénal.
([362]) Article 215-2 du code pénal.
([363]) Article 221-11 du code pénal renvoyant à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du même code.
([364]) Article 222-48 du code pénal renvoyant à l’article 222-23 du même code.
([365]) Article 222-48 du code pénal renvoyant à l’article 222-1 du même code.
([366]) En application de l’article 422-4 du code pénal. Le texte prévoit la possibilité pour la juridiction de jugement de ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
([367]) Conformément à l’article 6 de la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation.
([368]) Ces critères ont notamment été dégagés dans l’arrêt de la CEDH n° 54273/00 « Boultif c/ Suisse » du 2 août 2001 (parag. 48).
([370]) Antérieurement, il n’existait, hors les cas des peines d’emprisonnement sans sursis, aucune obligation de motivation des peines (Cass. Crim., 15 décembre 2004, n° 04-81.684).
([371]) Prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV du code pénal et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11 du même code.
([372]) Prévus par le titre II du livre IV du code pénal.
([373]) Prévues par les articles 431-14 à 431-17 du code pénal.
([374]) Prévues par les articles 442-1 à 442-4 du code pénal.
([376]) Point 28 de l’avis du Conseil d’État n° 406543 du 26 janvier 2023.
([377]) Il s’agit des violences commises
- sur un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l'administration pénitentiaire dans l'exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
- sur les conjoints, ascendants ou descendants en ligne directe de ces personnes ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, ;
- sur une personne affectée dans les services de police nationale ou de gendarmerie nationale, de police municipale ou de l'administration pénitentiaire et dont la qualité est apparente ou connue de l'auteur.
([382]) Rapport n° 433 (2022-2023) fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, de Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrière déposé le 15 mars 2023
([384]) Compte tenu de l’abrogation de l’articles 431-8 du code pénal.
([385]) Premier alinéa de l’article 431-6 du code pénal.
([386]) Compte tenu de l’abrogation de l’article 433-21-2 du code pénal.
([387]) Prévu à l’article 433-21 du code pénal.
([388]) Compte tenu de la suppression de la référence à l’article 441-7 du code pénal au sein de l’article 441-11 du même code.
([389]) Prévu à l’article 441-7 du code pénal.
([390]) Cette notion a été remplacée par celle de « réitération » (voir l’amendement n° 103).
([397]) II de l’article 720 du code de procédure pénale.
([398]) Infractions prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal
([399]) C’est-à-dire pour une infraction commise avec la circonstance aggravante définie à l’article 132-80 du code pénal.
([400]) La décision de libération conditionnelle doit, en effet, fixer les modalités d’exécution et les conditions auxquelles l’octroi et le maintien de la liberté sont subordonnés, ainsi que la nature et la durée des mesures d’assistance et de contrôle.
([402]) Article L. 611-1 du CESEDA.
([403]) Articles relatifs à la fin du droit au maintien sur le territoire à la suite du refus opposé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFRPA) à une demande d’asile.
([404]) Avis n° 341 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, Mission « Immigration, asile et intégration », Mme Blandine Brocard, Assemblée nationale, XVIème législature, 17 octobre 2022.
([405]) Article L. 251-1 du CESEDA.
([406]) Tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 du même code.
([407]) Le même article définit ainsi l’abus de droit : « Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies, ainsi que le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale. »
([408]) Tel que prévu à l’article L. 234-1 du CESEDA : « Les citoyens de l’Union européenne mentionnés à l’article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l’ensemble du territoire français. Les ressortissants de pays tiers, membres de famille, acquièrent également un droit au séjour permanent sur l’ensemble du territoire français à condition qu’ils aient résidé en France de manière légale et ininterrompue pendant les cinq années précédentes avec le citoyen de l’Union européenne mentionné au premier alinéa. Une carte de séjour d’une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit leur est délivrée. »
([409]) Commentaire Dalloz de l’article L. 631-1 du CESEDA.
([410]) Répertoire de droit européen, Dalloz, 2023.
([411]) Protection renforcée contre l’éloignement et « raisons impérieuses de sécurité publique », Myriam Benlolo Carabot, La revue des droits de l’Homme, 2011.
([412]) Rapport n° 433 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, Mme Muriel Jourdan et M. Philippe Bonnecarrère, Sénat, session ordinaire de 2022 – 2023, 15 mars 2023.
([413]) Amendement n° 350 rect. et sous-amendement n° 650.
([414]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
([416]) Cf. infra, commentaire de l’article 18, point 3.
([417]) Il est à cet égard relativement surprenant que l’amendement dont l’adoption a conduit au présent article ait été placé après l’article 10, et non après l’article 18, voire à l’article 18.
([418]) Amendements n°s CL1714 de M. Pradal, rapporteur, CL908 de M. Vallaud et CL1184 de M. Rimane.
([419]) Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
([420]) Conseil de l’Union européenne, Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, n° 10444/23, 13 juin 2023.
([421]) Conseil de l’Union européenne, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion de l’asile et de la migration et modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil et la proposition de règlement (UE) XXX/XXX [établissant le Fonds « Asile et migration »], n° 10443/23, 13 juin 2023.
([422]) Étude d’impact, page 168.
([423]) Conseil d’État, 26 janvier 2023, Avis sur un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 406543, § 69, page 27.
([424]) Amendements n°s COM‑215 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs, et COM‑14 rect. bis de Mme Carrère.
([425]) Amendement n° COM‑216 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([426]) Amendement n°s COM‑217 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs, COM‑15 rect. bis de Mme Carrère et COM‑168 rect. de M. Benarroche.
([427]) Amendement n° CL1243 de M. Marcangeli.
([428]) Amendement n° CL1715 de M. Pradal, rapporteur.
([429]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.
([430]) Loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
([431]) Amendement n° COM‑143 rect. ter de M. Tabarot.
([432]) MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, Rapport au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur les mineurs non accompagnés, Sénat, session extraordinaire de 2020‑2021, n° 854, 289 septembre 2021.
([433]) Ibid., page 76.
([434]) Amendement n°s CL1716 de M. Pradal, rapporteur, CL782 de M. Portes, CL911 de M. Vallaud, CL1039 de M. Lucas, CL1065 de Mme Pasquini, CL1186 de Mme Faucillon, CL1329 de M. Balanant et CL1565 de Mme Miller.
([437]) Article L. 731-1 du CESEDA.
([438]) Il peut être relevé que le texte adopté par le Sénat prévoit d’allonger cette durée à trois ans (amendement n° 646, voir article 21).
([439]) Prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 du CESEDA.
([440]) En application de l’article L. 615-1 du même code.
([441]) En application de l’article L. 621-1 du même code.
([442]) En application de l’article L. 622-1 du même code.
([443]) Prononcée en application de l’article 131-30 du code pénal.
([444]) Prévues au 3° de l’article L. 142-1 du CESEDA.
([445]) Prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 du CESEDA.
([446]) Article L. 611-3 et L. 631-4 du CESEDA.
([447]) Étude d’impact au projet de loi, p. 177.
([448]) Les centres de rétention administrative (CRA) sont des bâtiments surveillés par les forces de police. Les retenus peuvent librement se déplacer dans le bâtiment, où sont présentes des associations de soutien aux étrangers autorisées par l’administration.
([449]) Étude d’impact au projet de loi, p. 178.
([450]) Ibid.
([451]) L’article L. 341-1 du CESEDA n’opérant pas de distinction entre majeurs et mineurs. L’article L. 343-2 du CESEDA prévoit la désignation sans délai par le procureur de la République d’un administrateur ad hoc pour le mineur.
([452]) La durée est donc limitée à celle de la mesure de placement en rétention initiale prise par l’autorité administrative, soit quarante-huit heures en l’état actuel du droit (article L. 741-1 du CESEDA).
([453]) Article R. 744-11 du CESEDA.
([454]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
([455]) CEDH, 12 juill. 2016, n° 11593/12, B. et A. c/ France et, du même jour, n° 24587/12, 76491/14, 68264/12 et 33201/11.
([456]) Voir par exemple CEDH, 25 juin 2020, Moustahi c/ France, n° 9347/14 ; CEDH, 22 juill. 2021, n° 57035/18, M.D. et A.D. c/ France ; CEDH, 31 mars 2022, n° 49775/20, B. et a. c/ France.
([457]) CEDH, 4 mai 2023, n° 4289/21, A.C et M.C c/ France.
([458]) Décision DC., 6 sept. 2018, n° 2018-770, parag. 54, 62 et 63.
([459]) Rapport d’activité du contrôleur général des lieux de privation de liberté 2022, p. 223.
([460]) Étude d’impact du projet de loi, p. 180 et 181.
([461]) Ibid.
([464]) Pour une présentation détaillée du séquençage de la durée de la rétention administrative, se reporter au commentaire de l’article 23 bis du projet de loi.
([465]) Directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
([468]) En application des critères fixés par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit « Dublin III », la procédure s’appliquant aux personnes dont l’examen de la demande d’asile, enregistrée en France, relève d’un autre État membre de l’Union européenne. En cas d’accord de reprise en charge de la part des autorités de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile, les autorités françaises prennent une décision de transfert vers cet État.
([469]) Les critères du risque de fuite sont définis à l’article L. 751-10 du CESEDA.
([470]) Article L. 752-2 du même code.
([471]) Article L. 754-1 du même code.
([472]) Décision DC n° 2003-484 du 20 novembre 2003, cons.57.
([473]) Cela résulte de la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 30 mai 2013, aff. C-534/11, parag. 62 et 63) et de celle de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 2 févr. 2012, n° 9152/09, I. M. c/ France, parag. 141 à 146).
([474]) En application de l’article 131-30 du code pénal.
([475]) Article L. 753-5 du CESEDA.
([476]) Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
([477]) L’étude d’impact de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, précise que ces nouvelles dispositions ont été introduites pour transposer cette directive (p. 145).
([478]) Avis du Conseil d’État du 15 février 2018 sur un projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif n° 394206 : « Il rappelle notamment que les demandeurs d’asile ne peuvent en principe être retenus et que lorsqu’un étranger, placé en rétention, dépose une demande d’asile dans les délais prévus, l’administration doit mettre fin à la rétention, sauf dans l’hypothèse où la demande a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement » (page 18).
([479]) CJUE, 14 septembre 2017, K. (C-18/16), nota. parag. 44 à 52.
([480]) CEDH, gde. ch., 29 janvier 2008, Saadi c/ Royaume Uni.
([482]) À savoir une autorité autre que celle mentionnée à l’article L. 521-1 (l’autorité compétente étant les Guichets uniques pour demandeurs d’asile).
([483]) Le titre III du livre V du CESEDA est relatif à la procédure d’examen de la demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
([484]) Article L. 732-1 du CESEDA.
([485]) Article L. 732-3 du même code.
([486]) Article L. 732-4 du même code.
([487]) Article L. 732-7 du CESEDA.
([488]) Article L. 733-1 du même code.
([489]) Article L. 733-3 du même code.
([490]) Article L. 741-4 du même code.
([491]) Article L. 741-5 du même code.
([492]) Article L. 741-6 du même code.
([493]) Article L. 741-7 du même code. Il peut être souligné que le texte prévoit de porter ce délai à quarante-huit heures en cas de circonstances nouvelles de fait ou de droit (voir le commentaire du nouvel article 12 bis C).
([494]) Article L. 741-8 du même code.
([495]) Article L. 741-9 du CESEDA.
([496]) Article L. 741-10 du même code. Il peut être relevé que le texte prévoit de modifier ce délai pour le fixer à quatre jours (amendement n° 593, voir article 23 bis).
([497]) Les conditions de la prolongation ordonnée par le JLD sont déterminées par renvoi aux dispositions du chapitre II du titre IV du livre V de CESEDA, qui détermine également les conditions de la demande en liberté. Les dispositions relatives aux nouvelles prolongations et à la fin de la rétention sont cependant exclues.
([498]) Elle s’effectue dans les conditions prévues au titre IV du livre VII du CESEDA en cas de décision de clôture consécutive à l’absence d’introduction de la demande d’asile, ou dans les conditions prévues au chapitre II du titre V du livre VII du même code en cas décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile.
([499]) L’OFPRA doit ainsi statuer dans un délai de quatre-vingt-seize heures, en application de l’article R. 531-23 du CESEDA.
([501]) En application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 du CESEDA
([502]) En application de l'article L. 615-1 du même code.
([503]) En application de l'article L. 621-1 du même code.
([504]) En application de l'article L. 622-1 du même code.
([505]) En application du deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal.
([506]) L’article L. 731-4 du CESEDA prévoit ainsi la possibilité pour l’autorité administrative d’assigner à résidence l’étranger faisant l’objet d’une décision d’expulsion non exécutée, et qui est soigné en France, « lorsque son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ».
([507]) Article L. 731-5 du même code.
([508]) L’article L. 732-4 du CESEDA prévoit l’application de cette durée maximale lorsque l’assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l’article L. 731-3 de ce code.
([509]) L’article L. 732-4 du CESEDA réserve cette possibilité aux cas dans lesquels l’assignation à résidence a été édictée en application des 2° et 5° de l’article L. 731-3 de ce code.
([510]) En application du 6° de l’article L. 731-3 du CESEDA.
([511]) En application du 8° de l’article L. 731-3 du même code.
([512]) En application du 7° de l’article L. 731-3 du même code.
([513]) En application de l’article L. 731-4 du même code.
([514]) En application de l’article L. 731-5 du même code.
([515]) Décision QPC n° 2017-674 du 30 novembre 2017, parag. 9.
([517]) Cette prolongation exceptionnelle s’applique ainsi dans les cas mentionnés à l’article L. 742-5 du CESEDA, à savoir : lorsque l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; lorsqu’il a présenté une demande d’asile ou une demande de protection contre l’éloignement dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement ; ou alors lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
([520]) Voir le compte rendu intégral des débats sur l’amendement n° 222 du Gouvernement, déposé en séance publique en première lecture à l’Assemblée nationale.
([522]) Comme le souligne le rapport d’information fait au nom de la commission des Lois et de la commission des Affaires sociale du Sénat n° 854 (2020-2021), « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », déposé le 29 septembre 2021.
([523]) Rapport de la Cour des comptes, « La protection de l’enfance : une politique inadaptée au temps de l’enfant », novembre 2020, p. 13.
([532]) Rapport de la mission bipartite de réflexion sur les MNA, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l’administration, Inspection générale de la Justice, Assemblée des Départements de France, 15 février 2018.
([533]) L’article 6 de cet arrêté définit six points d’entretien sur lesquels l’évaluation doit porter a minima.
([538]) Arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
([539]) Étude d’impact du projet de loi, p. 262.
([540])Conseil constitutionnel, décision n° 2021‑823 DC du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, § 50 à 55.
([541]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi § 37, page 14.
([542]) Étude d’impact, page 194.
([543]) Amendement n° COM‑220 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([544]) Amendement n° COM‑222 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([545]) Amendement n° COM—223 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([546]) Amendement n° COM—221 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([547]) Amendements n°s 44 rect. bis de Mme Boyer, 102 rect. quinquies de M. Vogel, 364 rect. bis de M. Duffourg et 632 de Mme Jourda et de M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([548]) Amendement n°s 351 rect. de Mme Dumont et 633 de Mme Jourda et de M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([549]) Amendement n°s 352 rect. de Mme Dumont et 634 de Mme Jourda et de M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([550]) Amendement n° CL1717 de M. Pradal, rapporteur.
([551]) Amendement n° CL1107 de Mme Youssouffa.
([552]) Amendement n° CL1718 de M. Pradal, rapporteur.
([553]) Amendement n° CL1719 de M. Pradal, rapporteur.
([554]) Menaces envers des personnes exerçant une fonction publique, soustraction ou détournement de biens contenus dans un dépôt public, outrage et rébellion.
([555]) Conseil constitutionnel, décision n° 2023‑1048 QPC du 4 mai 2023, M. Jamal. L. [Conditions de délivrance de la carte de résident permanent].
([556]) Ne pas avoir quitté le territoire pendant une période de plus de trois ans consécutifs, ne pas être en situation de polygamie, ne pas avoir été condamné pour violences sur mineur de moins de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.
([557]) Conseil constitutionnel, décision n° 97‑389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, § 43 et 45.
([558]) Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.
([559]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 31, page 12.
([560]) Ibid.
([563]) Amendement n° 479 rect. de M. Bitz.
([564]) Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 précitée, article 4, § 1.
([565]) Loi n° 97‑396 du 24 avril 1997 précitée, article 7.
([566]) Loi n° 98‑349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et du droit d’asile, article 9.
([567]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 69, page 27.
([570]) Amendement n° CL1720 de M. Pradal, rapporteur.
([571]) Amendement n° CL1244 de M. Marcangeli et sous-amendements n°s CL1748 et CL1768 de M. Pradal, rapporteur.
([572]) Amendement n° 483 rect. bis de M. Mohamed Soilihi.
([573]) Amendements n°s CL1721 de M. Pradal, rapporteur, CL928 de M. Vallaud, CL1066 de Mme Pasquini et CL1232 de M. Rimane.
([574]) Amendement COM-226, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-226.html. Amendements COM-61 rect. de Mme Valérie Boyer, COM-76 rect. ter de M. Le Rudulier et COM-145 rect. ter de M. Tabarot identiques.
([575]) Rapport d’information de M. François-Noël Buffet sur la question migratoire, au nom de la commission des lois du Sénat (n° 626, 10 mai 2022), consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r21-626/r21-6261.pdf.
([576]) Page 96-97 du rapport précité.
([577]) Chiffres du CAD de l’OCDE pour 2022.
([578]) Amendements identiques COM-226 des rapporteurs, COM-61 rect. de Mme Valérie Boyer, COM-76 ter rect. de M. Le Rudulier et COM-145 rect. ter de M. Tabarot
([579]) L’amendement est consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_361.html
([580]) L’amendement est consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_513.html
([581]) Amendements CL267 de la commission des affaires étrangères, CL1245 de M. Marcangeli et CL1346 de Mme Gatel.
([585]) Amendement COM-225 consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-225.html
([586]) Décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 relatif aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d'avoir une résidence régulière en France, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000039682740
([587]) Consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_495.html
([588]) Amendement COM-137 rect. bis, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-137.html
([589]) Amendement n° 637, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_637.html
([590]) Amendement CL1592 de M. Philippe Pradal, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1592.pdf
([591]) Amendement CL1593 de M. Philippe Pradal, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1593.pdf
([592]) Amendement n° 640 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_640.html
([593]) Amendement n° 639 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_639.html
([594]) Consultable en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013R0604
([595]) Amendement n° 639 des rapporteurs consultables en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_639.html
([596]) Amendements identiques de suppression CL1594 de M. Philippe Pradal, CL850 de M. Thomas Portes, CL1034 de M. Benjamin Lucas, CL1361 de M. Emmanuel Mandon, et CL1434 de Mme Stella Dupont
([597]) Amendement des rapporteurs n° 638, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_638.html
([598]) Amendement n° 486 rect. de M. Patient.
([599]) Amendements n°s CL1722 de M. Pradal, rapporteur, CL55 de M. Lucas et CL1233 de M. Rimane.
([600]) En application de l’article L. 823‑2 du CESEDA.
([601]) Ascendants, descendants, frères et sœurs de l’étranger, et leurs conjoints ; conjoint de l’étranger ou personne vivant notoirement en situation maritale avec lui, ainsi que les frères et sœurs de ce conjoint ou de cette personne.
([602]) Loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, article 38.
([603]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018‑717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre [Délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger] ; voir notamment les § 7 à 15.
([604]) Étude d’impact du projet de loi, page 229.
([605]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 41, page 16.
([606]) Amendement n° COM‑229 de Mme Jourda et de M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([607]) Loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986.
([608]) Loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, article 1‑1 (introduit par l’article 34 de la loi n° 2014‑366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – dite loi Alur).
([609]) Dernier alinéa du IV de l’article L. 511‑11 et du III de l’article L. 521‑4 du CCH. Toutefois, ces peines complémentaires obligatoires peuvent ne pas être prononcées, en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
([610]) La formulation habituelle visant la personne d’une « particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse » (voir notamment les articles 222‑3, 222‑12, 222‑14 ou encore 223‑1‑1 du code pénal).
([611]) Cass., crim., 11 février 1998, n° 96‑84.997, au Bulletin – le passage cité est un extrait des titrages et résumés du Bulletin criminel.
([612]) Cass., crim., 11 décembre 2001, n° 00‑87.280, au Bulletin – le passage cité est un extrait des titrages et résumés du Bulletin criminel.
([613]) Défenseur des droits, 19 septembre 2019, Observations devant le tribunal correctionnel de Z présentées en application de l’article 33 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011, décision n° 2019‑235, pages 16 à 18.
([614]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 41, page 16.
([615]) Voir notamment Conseil constitutionnel, décision n° 2015‑517 QPC du 22 janvier 2016, Fédération des promoteurs immobiliers [Prise en charge par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de l’hébergement des salariés du cocontractant ou du sous-traitant soumis à des conditions d’hébergement indignes], § 6 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2016‑581 QPC du 5 octobre 2016, Société SOREQA SPLA [Obligation de relogement des occupants d’immeubles affectés par une opération d’aménagement], § 7.
([617]) Amendement n° CL1642 de M. Houlié.
([618]) Amendements n°s CL1710 de M. Mendes, rapporteur, CL862 de M. Vallaud et CL1115 de Mme Rousseau.
([619]) Ainsi que des personnes non ressortissantes d’Islande, de Norvège, du Liechtenstein ou de la Suisse.
([620]) Le montant de l’amende actuellement prévue résulte de l’article 52 de la loi n° 2016‑274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
([621]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019‑810 QPC du 25 octobre 2019, Société Air France [Responsabilité du transporteur aérien en cas de débarquement d’un étranger dépourvu des titres nécessaires à l’entrée sur le territoire national].
([622]) Règlement (UE) 2018‑1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n° 1077/2011, (UE) n° 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226.
([623]) Pour European Travel and Information Autorisation System.
([624]) Electronic System for Travel Authorization, soit Système électronique d’autorisation de voyage.
([625]) Règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d’entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives, et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et les règlements (CE) n° 767/2008 et (UE) n° 1077/2011.
([626]) Convention conclue entre la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
([627]) Directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985.
([628]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 69, page 27.
([629]) API : Advanced Passenger Information, ou « renseignements préalables sur les voyageurs ; PNR : Passenger Name Record, ou « dossier passager ».
([630]) Amendement n° 253 rect. de M. Le Rudulier.
([631]) Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, Assemblée nationale, XVe législature, n° 5185, 16 mars 2022.
([632]) Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 8 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
([633]) Amendement n° CL1711 de M. Mendes, rapporteur.
([634]) Amendement n° COM‑136 rect. bis.
([635]) Mme Julie Lechanteux et M. Ludovic Mendes, Mission « flash » sur le bilan de la zone d’attente temporaire installée sur la presqu’île de Giens (Var) en novembre 2022, communication du 29 mars 2023, page 17.
([636]) Il s’agissait de la proposition n° 4 de la communication.
([637]) Les APJA pouvant requérir la présentation des documents en application de l’article L. 812‑1 du CESEDA sont les fonctionnaires des services actifs de police nationale qui ne sont pas APJ, par renvoi au 1° de l’article 21 du code de procédure pénale.
([638]) Conseil constitutionnel, décision n° 97‑389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, § 19.
([639]) Code de la route, article R. 311‑1 (1.1 et 1.4).
([640]) Loi n° 2023‑610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
([641]) Conseil constitutionnel, décision n° 93‑323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, § 15.
([642]) Conseil constitutionnel, décision n° 97‑389 DC précitée, § 17 à 20.
([643]) Étude d’impact, page 255. Notons d’ailleurs une coquille dans ce passage de l’étude d’impact, puisqu’elle indique que « L’efficacité des contrôles actuellement réalisés par les gardes-frontières sur les véhicules particuliers de moins de neuf places est en baisse marquée » en raison de l’usage par les passeurs de « véhicules particuliers de moins de neuf places ». La première partie de la phrase doit donc s’entendre comme visant les contrôles sur les véhicules de plus de neuf places.
([644]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 69, p. 27.
([645]) Amendement n° COM‑230 de Mme Jourda et de M. Bonnecarrère, rapporteurs.
([646]) Règlement (CE) n° 810‑2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas.
([647]) Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.
([648]) Commission des Lois, d’après les données figurant dans l’étude d’impact, pages 260‑261.
([649]) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
([650]) Conseil d’État, avis précité sur le présent projet de loi, § 42, page 17.
([651]) Id.
([652]) Id.
([653]) Amendements n°s COM‑231 de Mme Jourda et M. Bonnecarrère, rapporteurs et COM‑196 rect. de M. Daubresse.
([654]) Amendement n° CL1713 de M. Mendes, rapporteur.
([656]) Chiffres établis en novembre 2022
([657]) Étude d’impact, page 273
([658]) Amendement des rapporteurs n° COM-232, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-232.html
([659]) Même amendement n° COM-232
([660]) L’amendement est consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-134.html
([661]) Amendement n° 641 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_641.html
([662]) Amendement n° 600 du Gouvernement, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_600.html
([663]) Amendement n° 156 de M. Bourgi, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_156.html
([664]) Amendement n° 487 rect. de M. Patient, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_487.html
([665]) Amendement n° CL1411 de M. Ludovic Mendes, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1411.pdf
([666]) Dans le cadre de sa demande d’asile, le demandeur doit transmettre préalablement à son entretien personnel avec un agent de protection de l’OFPRA un récit de vie rédigé en français exposant les raisons qui fondent sa demande
([667]) Amendement CL1369 de Mme Caroline Yadan, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1369.pdf
([668]) Amendement n° 642 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_642.html
([669]) Amendement n° 48 rect. bis de Mme Valérie Boyer : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_48.html
([670]) Amendement n° 48 rect. bis de Mme Valérie Boyer : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_48.html
([671]) Amendements identiques de suppression CL1413 de M. Ludovic Mendes,° CL59 de M. Benjamin Lucas, CL768 de Mme Andrée Taurinya, CL947 de M. Boris Vallaud, CL1345 de M. Erwan Balanant, CL1371 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, CL1440 de Mme Stella Dupont et CL1623 de M. le Président Sacha Houlié
([672]) Amendement n° 599 du Gouvernement, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_599.html
([673]) Sous-amendement des rapporteurs n° 644, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_644.html
([675]) Amendement n° COM-233, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-233.html
([676]) Amendement n° COM-233, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-233.html
([677]) Amendement n° CL1412 de M. Ludovic Mendes, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1412.pdf
([678]) Amendement CL1234, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1234.pdf
([679]) Amendement CL1528, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1528.pdf
([680]) Amendement n° CL1528, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1528.pdf
([681]) Amendement n° 359 rect. bis de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_359.html
([682]) Amendements identiques de suppression : n° CL1414 de M. Ludovic Mendes, n° CL60 de M. Benjamin Lucas, n° CL758 de M. Andy Kerbrat, n° CL950 de M. Boris Vallaud, n° CL1210 de Mme Elsa Faucillon, n° CL1254 de Mme Clara Chassaniol, n° CL1351 de M. Erwan Balanant, n° CL1503 de Mme Laure Miller et n° CL1629 de M. le Président Sacha Houlié
([683]) Amendement COM-234, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-234.html
([684]) Amendements identiques de suppression CL1417 de M. Ludovic Mendes, CL61 de M. Benjamin Lucas, ° CL754 de Mme Andrée Taurinya, CL951 de M. Boris Vallaud, CL1211 de Mme Elsa Faucillon, CL1352 de M. Erwan Balanant et CL1635 du Président Sacha Houlié
([685]) Amendement n° COM-235, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-235.html
([686]) Arrêté du 19 juin 2019 relatif au contrat de séjour entre le gestionnaire du centre d’accueil pour demandeurs d’asile et le demandeur d’asile accueilli au règlement de fonctionnement des hébergements d’urgence pour demandeurs d'asile, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000038672478/2019-06-24/
([687]) Amendement n° 645 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_645.html
([688]) Amendement n° CL1418, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1418.pdf
([689]) Cour nationale du droit d’assise, rapport d’activité 2022, consultable en ligne : http://www.cnda.fr/content/download/210501/2017028/version/4/file/Rapport%20d%27activit%C3%A9%202022_version%20internet%20VF.pdf
([690]) C’est-à-dire dans les trois cas suivants :
1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un État membre de l'Union européenne ;
2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ;
3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article.
([691]) Étude d’impact page 282
([693]) Amendement n° COM-236, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-236.html
([694]) Amendement n° COM-236 des rapporteurs, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/304/Amdt_COM-236.html
([695]) Amendement n° 205, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_205.html
([696]) Amendement n° 206, consultable en ligne : https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_206.html
([697]) Amendement CL1597 de M. Ludovic Mendes, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1855/CION_LOIS/CL1597.pdf
([698]) À la demande du Premier ministre, le Conseil d’État a procédé à une étude en mars 2020 de l’ensemble des règles qui régissent le contentieux des étrangers.
([699]) Rapport d'information n° 626 (2021-2022) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2022 .
([700]) Selon les données relevées par le Conseil d’État dans son étude (Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », mars 2020, p. 6.
([701]) Le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit « Dublin III » vise notamment à déterminer l’État membre de l’Union européenne responsable de l’examen de la demande d’asile. Les autorités françaises peuvent, sur ce fondement, décider du transfert de l’étranger dont la demande d’asile a été enregistrée en France vers l’État responsable.
([702]) Ces chiffres sont issus de l’étude d’impact au projet de loi (page 292 et 293).
([703]) Rapport public des juridictions administratives pour l’année 2022, p. 35.
([704]) Voir p. 295 de l’étude d’impact. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’activité de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée compétente pour le contentieux de l’asile, ni de l’activité des juridictions judiciaires et, singulièrement, de celle du juge des libertés et de la détention (JLD), appelé à se prononcer en cas de contestation sur les mesures privatives de liberté.
([705]) Rapport public des juridictions administratives pour l’année 2022, p. 43.
([706]) Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », mars 2020, p. 15 et p. 16.
([707]) Ibid, p.16..
([708]) Le tableau en annexe de l’étude synthétisant les différents régimes procéduraux figure en pages 74 à 77 de l’étude.
([709]) Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », mars 2020, p. 17..
([710]) Le risque de fuite peut être regardé comme établi dans les cas prévus à l’article L. 612-3 du CESEDA.
([711]) Étude d’impact du projet de loi, p. 293.
([712]) Avis du Conseil d’État n° 406543 du 26 janvier 2023 (parag. 57).
([713]) Il serait ainsi statué en formation collégiale et après prononcé des conclusions d’un rapporteur public, sauf dispense.
([714]) Il peut être souligné que dans son étude, le Conseil d’État estime que ces délais constituent un plancher et que les raccourcir ne serait guère conciliable avec l’objectif de bonne administration de la justice (p. 36).
([715]) Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », mars 2020, p. 51.
([716]) Ces règles sont définies aux articles L. 352-5 (contentieux de la décision du refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile), L. 614-11 (contentieux de l’OQTF en cas de rétention administrative) et L. 754-4 (contentieux de l’annulation de la décision de maintien de l’étranger qui demande l’asile en rétention, la disposition renvoyant à l’application des articles L. 614-7 à L. 614-13) du CESEDA.
([717]) Étude d’impact du projet de loi, p. 304.
([718]) Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État regrette l’absence de procédure ad hoc pour les étrangers détenus, en soulignant que le dispositif de jugement accéléré repose sur les diligences de l’administration, puisqu’il implique que l’autorité administrative informe la juridiction de la possibilité que l’étranger soit libéré en cours d’instance.
([719]) En application du nouvel article L. 922-1 du CESEDA.
([720]) En application des nouveaux articles L. 921-4 et L. 921-5 du CESEDA.
([721]) Ce dispositif existe déjà en l’état du droit en vigueur (articles L. 614-14 et L. 614-15 du CESEDA).
([722]) Point 59 de l’avis sur le projet de loi.
([723]) Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », mars 2020, p. 38.
([724]) Le II de l’article 21 du projet de loi insère également au sein d’un nouveau titre VII bis du livre II une mention expresse d’application à cette fin, en créant un nouvel article L. 270-2-1 au sein du CESEDA.
([725]) Cette unification répond à la proposition du Conseil d’État dans son étude (p. 42).
([726]) Point 62 de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi.
([727]) François-Noël Buffet, « Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité », mai 2022
([729]) Ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.
([734]) CE, 18 novembre 2009, n° 326569, publié au recueil Lebon : « il appartient toutefois à l’administration de ne pas mettre à exécution l’obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d’éloignement ».
([736]) Il s’agit des décisions prononcées sur le fondement des articles L. 212-1 (dissolution des associations ou groupements de fait), L. 224-1 (interdiction de sortie du territoire liée à des raisons plausibles de penser que la personne projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes), L. 225-1 à L. 225-8 (contrôle administratif de la personne qui a quitté le territoire et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle a rejoint un théâtre d’opérations de groupements terroristes), L. 227-1 (fermeture des lieux de culte) et L. 228-1 à L. 228-7 (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) du code de la sécurité intérieure, de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier (gel des fonds et avoirs économiques), des articles L. 222-1 (interdiction administrative du territoire en cas de menace pour un intérêt fondamental de la société), L. 312-1 (visa de courte durée) et L. 312-3 (refus de visa longue durée du conjoint en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public), L. 321-1 (interdiction administrative du territoire en cas de menace grave pour l’ordre public), L. 332-1 (décision de refus d’entrée), L. 432-1 (refus de délivrance d’une carte de séjour ou d’une carte de résidence en cas de menace grave pour l’ordre public) et L. 432-4 (retrait de la carte de séjour en cas de menace grave pour l’ordre public), L. 511-7 (refus du statut de réfugié en cas de menace grave pour la sûreté de l’État ou de condamnation pour acte de terrorisme), L. 512-2 à L. 512-4 (refus de l’octroi de la protection subsidiaire ou décision visant à y mettre fin), L. 631-1 à L. 631-4 (décision d’expulsion), L. 731-3 et L. 731-4 (assignation à résidence en cas de report de l’éloignement et assignation à résidence de longue durée en raison de l’état de santé de l’étranger) du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France) et des articles 21-4 (opposition à l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage pour indignité ou défaut d’assimilation) et 21-27 (acquisition de la nationalité française de l’enfant né en France de parents étrangers) du code civil.
([741]) CE, 18 novembre 2009, n° 326569, publié au recueil Lebon : « il appartient toutefois à l’administration de ne pas mettre à exécution l’obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d’éloignement ».
([747]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », mars 2020.
([748]) Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
([749]) CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-562/2013, Centre public d’action social d’Ottignies-Louvain-La-Neuve c/ Abdida, nota. pt 46 à 50.
([750]) Rapport au Parlement sur les avis médicaux pour les demandes de titres de séjour pour soins pour l’année 2021, OFII, page 18.
([751]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », mars 2020, p. 52.
([753]) Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale
([754]) En application de l’article L. 532-8 du CESEDA.
([755]) Le Conseil d’État a jugé que la notification régulière de l’ordonnance était une condition de légalité de la décision d’éloignement (CE, n° 386288, 1er juillet 2015, Ministre de l’intérieur c/ M. B., pt. 3).
([756]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », mars 2020, p. 53.
([757]) Il peut être relevé que l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit le transfert de ce contentieux à un magistrat du siège.
([758]) Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le délai au-delà duquel le juge judiciaire devait être impérativement saisi. Il a toutefois relevé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » et a censuré les dispositions de la loi relative à la prévention de l’immigration clandestine du 9 janvier 1980 prévoyant une durée de rétention de 7 jours sans que le juge judiciaire soit en mesure d’ordonner une libération (Décision DC n° 79-109 du 9 janvier 1980, cons. 4).
([759]) « Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France - Mise en œuvre du titre pluriannuel de séjour, amélioration de l’accueil en préfecture et contrôle juridictionnel de la rétention et de l’éloignement », Matthias Fekl, 14 mai 2013, page 44.
([760]) Décision DC n° 2018-770, 6 septembre 2018, parag. 75.
([761]) Articles L. 742-8 et L. 743-2 du CESEDA.
([762]) Étude du Conseil d’État, page 48.
([763]) Se reporter à l’article 25 ter s’agissant plus spécifiquement du recours suspensif du procureur de la République.
([764]) Articles L. 733-7 du CESEDA.
([765]) Article L. 733-8 du CESEDA.
([767]) Amendements n° CL906 de Mme Élise Fajgeles, rapporteure, et CL825 de M. Florent Boudié. Le rapport n° 805 fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif précisait ainsi qu’il s’agissait de revenir sur la disposition de la loi n° 2018‑187 du 20 mars 2018 consistant en l’extension de quatre à six jours de la durée de validité de l’ordonnance par laquelle le JLD autorise une visite au domicile d’un étranger assigné à résidence dans l’attente de son éloignement, en relevant : « Cette évolution avait été insérée par le Sénat au cours de la navette. Quoiqu’hostile, l’Assemblée nationale avait consenti à son adoption en termes conformes afin d’assurer une promulgation de l’ensemble du texte dans les meilleurs délais. Il avait cependant été indiqué que cette évolution n’avait pas vocation à durer et que le présent projet de loi serait l’occasion de l’expurger du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
([768]) Ce délai de recours a toutefois été modifié lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat, pour être augmenté à quatre jours (amendement n° 593, voir infra b).
([771]) Relatif au délai de recours dans lequel l’étranger peut contester devant le JLD la décision de placement en rétention administrative.
([772]) Relatif à la première prolongation décidée par le JLD.
([773]) Relatif à la durée de la première prolongation par le JLD.
([774]) Relatif à la rétention administrative des demandeurs d’asile en instance de transfert.
([778]) Il peut être relevé que l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit le transfert de ce contentieux à un magistrat du siège.
([779]) Article L. 342-1 du CESEDA.
([780]) Articles L. 743-4 à L. 743-18 du CESEDA.
([781]) Articles L. 342-7 (contentieux de la zone d’attente) et L. 743-8 (contentieux de la rétention administrative) du CESEDA.
([782]) Articles L. 342-15 du CESEDA.
([783]) Décision DC n° 2018-770 du 6 septembre 2018, parag. 26.
([784]) Décision DC n° 2011-625 du 10 mars 2011, parag. 63.
([786]) Étude d’impact du projet de loi, p. 322 et 323.
([787]) Ibid, p. 323.
([796]) Articles L. 341-3 du CESEDA renvoyant à l’article L. 343-1 du même code.
([797]) Il peut être relevé que l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit le transfert de ce contentieux à un magistrat du siège.
([798]) Articles L. 342-1 du CESEDA.
([799]) Article L. 342-4 du CESEDA.
([800]) Deuxième alinéa de l’article L. 342-4 du CESEDA.
([801]) L’article L. 341-2 du CESEDA prévoit l’information du procureur de la République sans délai en cas de placement en zone d’attente.
([802]) Articles L. 352-7 du CESEDA.
([803]) Article L. 342-5 du CESEDA.
([804]) Voir notamment les pages 333 et 334 de l’étude d’impact au projet de loi.
([806]) Cet article prévoit la possibilité, pour le premier président, de déléguer par ordonnance les présidents de chambre et les conseillers de la cour d’appel et les juges des tribunaux judiciaires, pour exercer des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la cour d’appel, en cas de vacance d'emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.
([809]) L’article 6 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire a élevé les dispositions de l’article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire au rang de la loi organique (nouvel article LO 121-4 du code de l’organisation judiciaire).
([811]) Articles L. 740-1 à L. 744-17 du CESEDA.
([812]) Il peut être relevé que l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit le transfert de ce contentieux à un magistrat du siège.
([813]) Article L. 741-10 du CESEDA.
([814]) Article L. 614-13 du CESEDA.
([815]) Articles L. 742-1 à L. 743-25 du CESEDA.
([816]) Article 802 du code de procédure pénale.
([817]) Article 114 du code de procédure civile.
([818]) Cass. 1er civ., 18 déc. 2013, n° 13-50.010 : en l’espèce, était soulevé le défaut de transmission au procureur de la République du procès-verbal mentionnant les motifs du contrôle du droit de circulation ou de séjour et les conditions de la retenue, indépendamment de l’information faite au procureur de la République sur la mesure de rétention.
([819]) Cass. 1er civ., 6 juillet 2016, n° 15-22.868 : en l’espèce, durant une retenue pour vérification du droit au séjour, les empreintes digitales de l’étranger avaient été irrégulièrement recueillies, mais ce recueil n’avait donné lieu qu’à une simple comparaison, sans faire l’objet d’un enregistrement ni d’une conservation.
([820]) Cass. 1er civ., 12 mai 2010, n° 09-12.916 : en l’espèce, aucune pièce de la procédure ne permettait d’établir qu’un service médical était mis à la disposition de la personne retenue.
([821]) Le procureur de la République doit en effet être informé « immédiatement » du placement en rétention par tous moyens (article L. 741-8 du CESEDA). Voir nota. Cass. 1er civ., 14 févr. 2006, n° 05-14.033.
([822]) Voir notamment : Cour d’appel de Toulouse, 3 mars 2023, RG n° 23/00217 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 15 février 2022, n° 2022/0142. Ces deux arrêts ont confirmé les ordonnances des juges de première instance, qui avaient refusé de prononcer la nullité en l’absence d’information du procureur de la République territorialement compétent, dès lors que, soit le procureur du lieu de décision de la mesure, soit celui du lieu de rétention a été informé.
([825]) Il peut être relevé que l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit le transfert de ce contentieux à un magistrat du siège.
([826]) Articles L. 742-4 à L. 742-7 du CESEDA.
([827]) Article L 741-10 du CESEDA.
([828]) Article L 742-8 du CESEDA.
([829]) Article R. 743-10 du CESEDA. S’agissant de l’autorité administrative compétente, l’appel peut être interjeté par le préfet de département et, à Paris, le préfet de police.
([830]) Article R. 743-19 du CESEDA
([831]) Par l’adoption d’un amendement (n° 496), le Sénat a supprimé ce délai, de sorte que la demande d’appel suspensif peut être formée pendant tout le délai ouvert pour exercer la voie de recours, soit vingt-quatre heures.
([832]) Article L. 743-22 du CESEDA.
([833]) Ibid.
([834]) Décision DC n° 2003-484 du 20 novembre 2003, cons. 76 et 77. Voir également la décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997, cons. 56 à 64, dans laquelle le Conseil constitutionnel valide le recours suspensif du procureur de la République en rappelant qu’il est encadré de garanties et également « que […] le ministère public a reçu de la loi déférée compétence pour agir dans des conditions spécifiques, qui le distinguent des parties au procès que sont l'étranger et le représentant de l'État dans le département » (cons. 62).
([835]) Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons.33.
([836]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, parag. 57 à 60.
([838]) Amendements CL811 et CL812.
([839]) Amendement CL1264.
([840]) Amendement CL1116.
([841]) Amendement CL1383.
([842]) Amendement n° 608 rect.
([843]) Le 1° des articles L. 281-4 et L. 281-5 et le 2° de l’article L. 281-7
([844]) Amendement CL1264.
([845]) Amendement CL1116.
([846]) Amendement CL1383.
([847]) Amendement CL1725.
([848]) Amendement CL1769.
([849]) Amendement CL1765.
([850]) Amendement CL1770.
([851]) Amendement CL814.
([852]) Amendement CL813.
([853]) Amendement CL732.
([854]) Amendement CL1766.
([855]) Amendement CL823.
([856]) Amendement CL600.
([857]) Amendement CL1708.
([858]) Amendement n° 649.
([859]) Amendement n° 607 rect.
([860]) Amendement CL1708.
([861]) Commission des lois constitutionnelles, de la législation générale et de l’administration de la République.
([862]) Le gouvernement italien avait annoncé, le 5 décembre 2022, la suspension « temporaire », en raison de la saturation des centres d’accueil, des « transferts Dublin », c’est-à-dire des renvois vers l’Italie des demandeurs d’asile entrés dans l’Union européenne via ce pays.
([863]) Référé de la Cour des comptes sur l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile, 20 octobre 2015, p. 8.
([864]) Le nombre de demandes arrivant devant l’OFPRA est toujours inférieur à celui des demandes enregistrées dans les GUDA car un certain nombre des demandeurs concernés font l’objet d’une réadmission dans un autre État sur le fondement du règlement Dublin.
([865]) Environ 80 % des décisions de rejet de l’OFPRA font l’objet d’un recours devant la CNDA.
([866]) Juridiction administrative spécialisée à compétence nationale, la CNDA statue en plein contentieux sur l’ensemble des recours formés contre les décisions de l’OFPRA.
([867]) Cf. rapport annexé, 3.7.
([868]) P. Hermelin, « Propositions pour une amélioration de la délivrance des visas », Rapport à l’attention du ministre de l’intérieur et des outre-mer et de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, avril 2023. Ce rapport comporte quarante recommandations.
([869]) Proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration (GAM).
([870]) Outre ces propositions législatives, la refonte du règlement Qualification a pour objet d’harmoniser davantage les conditions d’octroi et de retrait de la protection internationale. La révision de la directive Accueil, en limitant l’octroi des conditions matérielles d’accueil dans le seul État membre responsable de la demande d’asile, a pour but de lutter contre les mouvements secondaires. La proposition de règlement Réinstallation vise à créer un cadre européen de discussions sur les engagements de l’Union en matière de réinstallation et à uniformiser les critères et les procédures en la matière. La proposition amendée du règlement Eurodac doit permettre une information plus complète sur les demandeurs d’asile et une meilleure appréhension des mouvements secondaires avec des données par individu et non plus seulement par demande. Le règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) a, quant à lui, été définitivement adopté le 15 décembre 2021.
([871]) La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a adopté, le 28 mars 2023, des mandats de négociation sur quatre textes : le règlement « Filtrage », le règlement GAM, le règlement « Procédure » et le règlement sur les situations de crise.
([872]) L’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale énumère ainsi les compétences de la commission des affaires étrangères : « Politique étrangère et européenne ; traités et accords internationaux ; organisations internationales ; coopération et développement ; francophonie ; relations culturelles internationales ».
([873]) Article L. 123‑1 du CESEDA.
([874]) Insertion d’un nouvel article L. 312‑3‑1 dans le CESEDA.
([875]) Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.
([876]) L’entretien personnel du demandeur avec l’officier de protection de l’OFPRA pourra également, dans des cas très spécifiques, se tenir dans ces pôles, par exemple en cas de mission déconcentrée de l’Office.
([877]) Article 37‑1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »
([878]) L’article 20 réécrit entièrement la section 2 du chapitre unique du titre III du livre Ier du CESEDA.
([879]) Ce délai a été réduit de neuf mois à six mois en 2018, l’objectif étant que la demande d’asile soit intégralement traitée en six mois.
([880]) Le bénéfice de la protection temporaire est prévu par la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. Le mécanisme de protection temporaire prévu par cette directive a été activé par les États membres de l’Union européenne le 4 mars 2022. Le dispositif confère une protection d’une durée de trois ans maximum mais pouvant prendre fin plus tôt, sur décision du Conseil de l’Union européenne, si la crise qui l’a motivée cesse.
([881]) Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.