Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
2ème Session extraordinaire

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 septembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Immigration, intégration et asile. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 57, 160)

discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement n° 158 : MM. Jean-Paul Lecoq, Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. – Rejet.

Amendement n° 132 : MM. Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Amendement n° 165 : MM. Bernard Lesterlin, le rapporteur, le ministre, Arnaud Montebourg, François Goulard. – Rejet.

Amendement n° 19 : MM. le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin, M. Christophe Caresche. – Adoption.

Amendements identiques nos 159 et 162 : M. Jean-Paul Lecoq, Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre, Arnaud Montebourg, Jean-Marc Roubaud, Jean-Pierre Brard, Étienne Pinte, Noël Mamère. – Rejet.

Réserve des articles 2 et 3.

Amendement n° 70 : MM. Jean-François Lamour, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Rappel au règlement

MM. Jean-Pierre Brard, le président.

Reprise de la discussion

Amendement n° 163 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre, Manuel Valls, Noël Mamère. – Rejet.

Amendements nos 84 et 64 : MM. Jacques Remiller, Claude Bodin, le rapporteur, le ministre. – Retraits.

L’amendement n° 84 est repris : M. Jean-Pierre Brard. – Rejet.

Amendement n° 133 : MM. Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 83 : M. Jacques Remiller. – Retrait.

Amendements nos 166 et 92 : MM. Serge Blisko, Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Rejets.

Amendement n° 227 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 167 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 91 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Mme Élisabeth Guigou, M. Nicolas Perruchot. – Rejet.

Amendements nos 105 et 170 : Mme Françoise Hostalier, MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement n° 105.

L’amendement n° 105 est repris : M. Jean-Pierre Brard. – Rejet ; rejet de l’amendement n° 170.

MM. Claude Bodin, le président.

Amendement n° 20 : MM. le rapporteur, le ministre, Nicolas Perruchot. – Adoption.

Amendements identiques nos 21 rectifié, avec le sous-amendement n° 188, et 65 rectifié : M. le rapporteur, Mme George Pau-Langevin, MM. Claude Bodin, le ministre. – Retrait de l’amendement n° 65 rectifié ; rejet du sous-amendement n° 188 ; adoption de l’amendement 21 rectifié.

Amendement n° 168 : MM. Bernard Lesterlin, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 22 avec le sous-amendement n° 175 : M. le rapporteur, Mme George Pau-Langevin, MM. le ministre, Serge Letchimy, Noël Mamère, Étienne Pinte, Mme Pascale Crozon, MM. Nicolas Perruchot, Patrick Roy. – Rejet du sous-amendement n° 175 ; adoption de l’amendement n° 22.

Amendement n° 90 : M. Noël Mamère. – Rejet.

Amendement n° 169 : MM. Bernard Lesterlin, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l’article 1er modifié.

Article 4

Mmes  George Pau-Langevin, Chantal Berthelot, MM. Christophe Caresche, Jean-Pierre Brard.

Amendements de suppression nos 148 et 176 : MM. Noël Mamère, Serge Blisko, le rapporteur, le ministre, Patrick Roy, Mmes Catherine Génisson, George Pau-Langevin. – Rejet.

Amendement n° 239 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Serge Letchimy, Mme Delphine Batho. – Rejet.

Amendement n° 30 : MM. le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Adoption.

Amendement n° 177 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 178 . – Rejet.

Amendement n° 261 : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 237. – Rejet.

Amendement n° 100. – Rejet.

Amendement n° 264 : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Nicolas Perruchot. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Immigration, intégration et asile

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile (nos 57, 160).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen de l’article 1er, s’arrêtant à l’amendement n° 131.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 158.

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’immigration, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 2 de cet article. En effet, avec l’ajout d’un délai supplémentaire à la procédure de regroupement familial, ce projet de loi porte une nouvelle atteinte au droit de mener une vie familiale normale, sans pour autant contribuer à l’objectif d’intégration.

La procédure de regroupement familial actuelle est très longue. Le demandeur doit d’abord justifier d’un séjour régulier d’au moins dix-huit mois, délai imposé par la loi du 24 juillet 2006. Une fois sa demande déposée, court un délai théorique de six mois à l’issue duquel le préfet fait connaître sa décision. Cependant, en pratique, ce délai n’est pas respecté en raison de la complexité de la procédure et des nombreuses transmissions dont fait l’objet le dossier – auprès du maire, de l’ANAEM, de la DDASS, de la préfecture et du consulat.

Une fois l’autorisation préfectorale de regroupement familial délivrée, les démarches consulaires relatives à la demande de visa donnent généralement lieu à des délais de réponse exorbitants, alors qu’ils ne devraient théoriquement pas excéder deux mois.Avant de parvenir à exercer son droit à vivre en famille, il n’est pas rare d’avoir attendu plusieurs années.

L’évaluation du degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République, ainsi que l’éventuelle formation prévue par l’article 1er du projet de loi – s’il était adopté- constitueront une étape supplémentaire avant la délivrance de l’autorisation préfectorale du regroupement familial. D’abord, parce que les autorités n’investiront pas dans un dispositif de ce type qui ne servirait à rien si le regroupement était refusé. Ensuite, parce que l’attestation de formation, si elle s’avère nécessaire, conditionne l’octroi du regroupement familial. Dans le meilleur des cas, cette nouvelle étape allongera la procédure de deux mois. Dans la pratique, nous le savons tous, l’attente supplémentaire sera beaucoup plus longue.

L’ajout d’un délai supplémentaire à la procédure de regroupement familial porte une nouvelle atteinte au droit de mener une vie familiale normale, sans contribuer à atteindre l’objectif d’intégration que vous prétendez défendre.

Dès lors, cette mesure est anticonstitutionnelle et ne répond pas à l’exigence fondamentale dans une démocratie de conciliation équilibrée entre les droits individuels et l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement n’est pas justifié. Je suis désolé, mais l’argumentaire développé pour sa défense est faux : tout aura lieu dans le délai de six mois accordé au préfet pour instruire la demande. Je rappelle à notre collègue qu’il s’agit d’une obligation constitutionnelle depuis une décision d’août 1993.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Naturellement, je partage l’avis de la commission. Simplement, je voulais préciser qu’il s’agit d’un décret protecteur puisqu’il fixe le délai maximum dans lequel la formation doit être proposée. Pourquoi fixer un délai maximum ? Par respect pour le candidat à l’immigration, pour qu’il soit assuré de ne pas attendre indéfiniment. Sans ce décret, le risque existerait. Peut-être y a-t-il eu un déficit d’explication et de pédagogie sur ce point, mais il faut bien comprendre l’objectif de cette mesure : protéger le demandeur en instaurant un délai maximum.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 132.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Avec cet amendement, nous souhaitons fixer un délai de réalisation de l’évaluation. Si nous n’en mentionnons pas un dans le texte, nous risquons malheureusement de voir les procédures s’allonger. Il nous semblerait logique d’apporter cette précision. L’amendement n° 132 prévoit que l’évaluation serait réalisée dans un délai d’un mois à compter du dépôt par l’étranger de son dossier complet de demande de regroupement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Même avis que pour l’amendement précédent. Un prochain amendement, n° 167, donnera partiellement satisfaction à notre collègue Nicolas Perruchot. Donc avis négatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je solliciterai le retrait, pour les mêmes raisons.

M. Nicolas Perruchot. Si un amendement ultérieur satisfait le n° 132, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 132 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 165.

La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le soutenir.

M. Bernard Lesterlin.. À l'issue du débat d’hier soir et en raison du rejet des amendements de suppression de l’article 1er, nous sommes contraints de présenter des amendements de repli, comme celui-ci, qui ne reflètent pas nos vœux. Mais, après les témoignages de Marietta Karamanli, Aurélie Filippetti et Serge Letchimy, nous attendions une réponse sur le fond de cet article de la part de M. le ministre. Or il est intervenu seulement sur les propositions d’amendement ponctuelles.

Je voudrais insister sur un point qui n’a pas été évoqué hier soir : nos services diplomatiques et consulaires, qui seront amenés à mettre en œuvre les dispositions de cet article 1er, sont totalement dans l’incapacité de le faire. Les personnels concernés ne sont pas plus formés pour procéder à ce test de langue que pour organiser les formations.

Ni le réseau de l’Alliance française, ni l’ANAEM, ni les centres culturels français – les CCF – ne sont à même de mettre en œuvre la totalité des dispositions de cet article 1er. À moins que M. le ministre ne nous annonce le décuplement de leurs moyens.

Nos services consulaires ne parviennent déjà pas à faire face aux seules tâches administratives relatives aux demandes de visas. Imaginer le contraire c’est méconnaître ces scènes - notamment en Afrique - devant nos consulats, où les ressortissants étrangers sont obligés de camper la nuit sur les trottoirs pour éviter de s’entendre dire, en fin de matinée, après des heures d’attente parfois sous un soleil de plomb, qu’il convient de revenir le lendemain.

Alors, ne parlons pas de l’organisation des formations. À moins de réactiver les missions des pères maristes, qui venaient apporter leur concours à nos commandants de cercle il y a un siècle et demi de cela, je ne vois pas comment M. le ministre pourrait s’en sortir. Mais peut-être va-t-il nous donner, ici, une réponse encourageante ?

Même si vous mettiez la totalité des moyens de votre ministère, y parviendriez-vous, monsieur le ministre ? Je vous en parle en connaissance de cause : j’ai passé plus de trois ans de ma vie de fonctionnaire à apporter l’aide de la France à des pays avec lesquels vous êtes en train de préparer ce que vous intitulez le codéveloppement. Vous citiez le Bénin, la nuit dernière. Il s’agit justement d’un pays qui n’est pas particulièrement une source d’immigration pour la France.

Ne pensez-vous pas que c’est plutôt en renforçant les moyens de nos universités pour rendre à la France la vocation qui a longtemps été la sienne dans la formation des élites du tiers-monde, que vous remplirez la mission que vous vous assignez ?

M. François Goulard. Elle continue à le faire !

M. Bernard Lesterlin. Nous avons laissé le vide s’installer, et la nature a horreur du vide. Les universités américaines ont compris tout le bénéfice qu’elles pourraient tirer de cette situation. Et je peux vous dire qu’elles ne se contentent pas, elles, d’une formation à leur langue de deux mois ! Le message que vous voulez envoyer aux émigrés et aux candidats à l’immigration est clair : « si vous restez en France ou si vous voulez y faire venir votre femme et vos enfants, grâce à l’obtention d’une promesse de contrat de travail, n’y comptez pas, ce sera de plus en plus difficile ».

L’autre message que vous êtes chargé d’envoyer, lors d’une session extraordinaire placée opportunément à six mois des élections municipales, n’est pas destiné aux étrangers mais à un électorat populaire à qui vous dites : « rassurez-vous, nous allons vous débarrasser de ces femmes en boubou, de ces gamins mal élevés qui traînent dans vos quartiers ».

Comme certains orateurs le rappelaient hier soir, monsieur le ministre, vous êtes bel et bien resté un ministre des affaires intérieures, chargé de nettoyer de notre paysage les éléments qui y font tache. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je remarque que l’ambition de l’amendement est beaucoup plus limitée que le discours qui le présente. Je vous rappelle que la loi prévoit de donner des notions de français en deux mois ; l’auteur de l’amendement n° 165 propose de ramener cette période à quinze jours. J’avoue que quinze jours pour apprendre les rudiments d’une langue, c’est quand même un peu court ! Avis négatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Effectivement, comme vient de le dire le rapporteur, quand on propose une formation qui s’échelonne entre 80 et 180 heures, cela veut dire qu’elle ne peut pas s’effectuer en quinze jours. Soit on fait les choses bien, soit on ne les fait pas. C’est effectivement une différence entre vous et nous : nous voulons que les choses se fassent bien !

Nous nous préoccupons des catégories populaires, dites-vous. Vous avez raison ! Peut-être ces catégories ont-elles été abandonnées, et peut-être cela explique-t-il le résultat des élections présidentielles ? (« Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je voudrais que le Gouvernement nous dise comment il va justifier auprès des quelque 50 000 citoyens français qui épousent chaque année des conjoints ou conjointes étrangers – lesquels, pour certains, ne parlent pas la langue – le fait de créer sur le chemin de leur amour un obstacle linguistique qui n’existe pas dans leur intimité. Des témoignages - certains émanant de votre propre majorité comme celui de Mme Françoise Hostalier, d’autres venant de nos bancs – ont décrit une France qui, par tradition, accueille souvent des étrangers qui ne maîtrisent pas la langue, ou qui rateraient certainement l’examen que vous voulez leur infliger à l’entrée sur le territoire.

La France s’internationalise : 50 000 mariages avec des conjoints étrangers sont célébrés tous les ans. Comment justifier la multiplication des obstacles dans la vie quotidienne, source d’humiliation pour un grand nombre de nos concitoyens, comme ceux-ci nous le confient ? Dans ma circonscription, un premier adjoint au maire a épousé une Camerounaise, entrée illégalement sur le territoire et qui, bien que parlant la langue française, parfaitement intégrée dans la vie du village et mariée par le maire, s’est entendu dire par les gendarmes et la préfète : retournez au Cameroun, demandez un visa, nous verrons ensuite si vous pouvez séjourner sur le territoire français ! Telle est le genre d’humiliation que doivent subir des citoyens français ayant épousé une étrangère, et dont l’intimité semble désormais faire l’objet de tous les soupçons de la part de l’autorité publique.

Pourtant, afin de répondre à l’obsession du mariage blanc, des dispositifs de surveillance existent déjà, qui mobilisent les parquets et les maires, sommés de donner des informations. Comment, monsieur le ministre, justifiez-vous le soupçon ainsi porté sur les 50 000 mariages célébrés entre nos concitoyens et des étrangers, alors que vous prétendez avoir déjà éradiqué les fraudes grâce aux multiples lois précédemment adoptées ? Nous attendons d’ailleurs la loi de l’année prochaine, puisque vous en proposez une tous les ans, sans attendre que les décrets d’application de la précédente aient été publiés – et c’est encore le cas cette fois-ci. Nous aimerions que vous vous expliquiez sur vos choix politiques, car ils auront des conséquences humiliantes pour ceux de nos concitoyens ayant choisi de convoler avec des personnes d’un autre pays.

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. En présentant son amendement, notre collègue socialiste a semblé mettre en cause l’université française dans la formation des étudiants étrangers, en particulier ceux issus des pays les plus pauvres.

Je veux rappeler que, dans notre pays, 15 % des étudiants sont étrangers. C’est un taux élevé. Comparé à beaucoup d’autres pays, comme les États-Unis, le coût des études supérieures en France est faible : les étudiants des pays les plus pauvres peuvent ainsi recevoir des formations de très grande qualité. C’est à l’honneur de notre pays, et je ne supporte pas que soit mis en cause le rôle éminent qu’il joue à l’égard des pays les plus pauvres du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement, qui complète le dispositif en prévoyant un début d’articulation avec le contrat d’accueil et d’intégration, propose que l’organisme formateur assure une évaluation du niveau atteint à la fin de la formation : cela permettra d’apprécier les besoins linguistiques de la personne auxquels il faudra répondre après son arrivée en France.

En effet, dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration, le volume horaire proposé peut, je le rappelle, s’élever à 400 heures : cela signifie que les personnes suivant une formation linguistique à l’étranger pourront la compléter dès leur arrivée sur le territoire français. Cependant, il importe à mes yeux de préciser que le résultat de cette évaluation ne conditionnera pas l’obtention du visa : c’est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Ce petit test d’évaluation à la fin de la période de formation est une proposition intéressante et utile de la commission des lois : le Gouvernement y est tout à fait favorable et remercie la commission de cette initiative.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Le projet de loi s’aggrave au fur et à mesure de nos débats.

Dans la version initiale, le dispositif semblait favorable aux étrangers puisque ceux-ci devaient « bénéficier » de l’apprentissage de la langue française. Or, peu à peu, comme l’a bien montré Arnaud Montebourg, le vrai visage du texte et son hypocrisie apparaissent. Si deux personnes sont amoureuses et vivent ensemble, c’est bien qu’elles peuvent communiquer ! Pourquoi leur imposer l’apprentissage de la langue française ?

Je connais l’exemple d’une jeune fille de Bourges, dans le Centre de la France, partie étudier en Suède où, comme c’est logique, elle est tombée amoureuse d’un Danois.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pourquoi logique ?

Mme George Pau-Langevin. Cela arrive à 50 000 de nos concitoyens ! Ne fermez pas nos frontières !

M. Manuel Valls. Eh oui, l’amour, ça arrive !

Mme George Pau-Langevin. Lorsque ce charmant jeune Danois, anglophone, est arrivé à Bourges, chacun y a mis du sien, communiquant en anglais et en français, et tout s’est très bien passé ! Si l’on peut communiquer en anglais avec un Anglais ou un Américain, pourquoi pas avec une personne d’un autre pays ? Une telle intrusion dans la vie des gens est insupportable.

Par ailleurs, monsieur Goulard, nous ne prétendons pas que les universités ou les centres de formation français sont insuffisants, bien au contraire : c’est le Gouvernement qui affirme que les intéressés ne pourront pas apprendre correctement le français en France, et qu’ils doivent donc le faire à l’étranger. C’est d’autant plus absurde et néfaste pour les femmes étrangères que, comme vous le savez, elles doivent souvent assumer la charge du foyer et l’éducation des enfants : comment pourraient-elles se rendre pendant deux mois dans la capitale de leur pays pour y apprendre notre langue ? Bref, les dispositions proposées visent clairement à empêcher ces femmes de rejoindre leurs conjoints.

Sous des dehors aimables et sous couvert d’apporter une petite précision, votre amendement, monsieur Mariani, aggrave de façon tout à fait injustifiée la situation des femmes dans ces mariages mixtes qui ne vous plaisent visiblement pas.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Et les hommes ? Pourquoi toujours parler des femmes ?

M. François Goulard. Il n’y a pas que les Danoises ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. On peut s’interroger sur le caractère normatif de cet amendement, qui n’a aucune portée législative.

M. Arnaud Montebourg. C’est une évidence !

M. Manuel Valls. Et c’est vrai des trois quarts du texte !

M. Christophe Caresche. À l’heure où l’on parle de lois bavardes et où le groupe de l’UMP prend des initiatives tendant à simplifier notre droit, il serait opportun que M. Mariani commence par retirer son amendement.

Par ailleurs, je pense que vous ne mesurez pas les conséquences de votre texte sur les étrangers comme sur les Français. Pour les premiers, comment allez-vous gérer des situations que vous trouverez aussi dans le XVIe arrondissement de Paris ou dans les Hauts-de-Seine ? Des expatriés installés en France ne pourront pas y accueillir leurs conjoints ou conjointes sans leur faire passer un examen de langue française. Ces situations me paraissent ingérables : un expatrié travaillant par exemple pour une entreprise étrangère installée en France a évidemment à cœur de venir avec son épouse lorsqu’il prend son poste.

Vous allez aussi créer des situations difficiles pour des Français qui, comme l’a indiqué Arnaud Montebourg, auront les pires difficultés pour faire venir leurs conjoints en France. Je pense que vous ne mesurez pas les conséquences dramatiques de vos propositions sur l’image et le développement de la France : on ne peut pas se réjouir quotidiennement des investissements étrangers dans notre pays et empêcher les personnes étrangères d’y travailler dans de bonnes conditions, notamment grâce au regroupement familial.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 159 et 162.

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre l’amendement n° 159.

M. Jean-Paul Lecoq. La discussion montre à quel point ce projet de loi vise à interdire l’accès à notre territoire plutôt qu’à le réglementer. Nous sommes bien dans l’esprit des lois votées en session extraordinaire : de même que le texte relatif au service minimum avait plutôt pour objet de décourager les personnes désireuses de faire grève, les dispositions dont nous débattons tendent à décourager celles qui souhaitent venir en France. C’est pourquoi, d’ailleurs, elles revêtent un caractère anticonstitutionnel. Je rappelle à ce sujet la décision du Conseil constitutionnel du 13 septembre 1993 :

« Les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ; […] ce droit comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique, lesquelles revêtent le caractère d'objectifs de valeur constitutionnelle ; […] il incombe au législateur, tout en assurant la conciliation de telles exigences, de respecter ce droit. »

Par ailleurs, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui s’impose, me semble-t-il, au législateur, consacre, dans son article 8, le « droit au respect de la vie privée et familiale » pour toute personne résidant dans un État partie :

« Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l’amendement n° 162.

Mme George Pau-Langevin. Le raisonnement est le même. Il est en effet impossible d’ajouter une restriction à un droit garanti par la Constitution et les textes internationaux. Nous vous demandons donc de renoncer à cette disposition, qui condamnera à la solitude un grand nombre de gens et, parmi eux, de Français, lesquels ont pourtant le droit à un foyer et à une vie familiale normale. Vous créerez des situations ingérable et contribuerez ainsi à accroître l’immigration irrégulière : on ne peut condamner les gens à vivre dans la solitude pendant des années.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà débattu de cette question de fond. Nous souhaitons cette formation, il y a donc un réel désaccord.

Je me permets par ailleurs, monsieur le président, de demander par avance la réserve des articles 2 et 3, afin que nous discutions directement de l’article 4 après la fin de nos débats sur l’article 1er.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis que la commission.

Afin de dissiper tout malentendu, je rappelle que cette formation ne sera pas suivie d’une décision couperet, et que l’attestation de suivi en sera l’élément déterminant.

M. Mamère a évoqué hier la diminution des postes consulaires. Je me suis renseigné, bien que n’étant pas au Quai d’Orsay…

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous en rêvez !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. À d’autres ministères, peut-être, mais pas à celui-là. (Sourires.) Un seul poste consulaire a été supprimé : il s’agit de celui du Rwanda, au printemps 2006.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne fait que poser des questions à ce ministère dont je n’ose rappeler l’intitulé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Mais qui nous rappelle l’Allemagne de 1933 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon. C’est indécent !

M. le président. Monsieur Montebourg, vous seul avez la parole !

M. Arnaud Montebourg. Merci, monsieur le président, mais il n’est pas inutile d’écouter les réactions des uns et des autres. De plus, cela éclaire nos concitoyens.

Nous n’acceptons pas ce durcissement des conditions du regroupement familial, qui aura un impact direct sur la situation des citoyens français qui épousent quelqu’un d’une autre nationalité, quelle que soit celle-ci, et qui va générer brimades et humiliations. Nous aimerions, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez de quelle façon vous entendez durcir le regroupement familial à l’égard de citoyens français.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit de l’article 4 !

M. Arnaud Montebourg. Nous souhaitons que le débat progresse de façon raisonnable mais nous ne pouvons sans cesse attendre des réponses. Monsieur le ministre, que répondez-vous à ces concitoyens qui seront les premiers visés par cette loi tatillonne et bureaucratique ? Nous rencontrons déjà dans nos circonscriptions des personnes affectées par les nombreuses mesures de durcissement que vous avez déjà fait voter à la représentation nationale…

M. Bernard Carayon. C’est que cela fonctionne bien !

M. Arnaud Montebourg.… sans d’ailleurs vous soucier de publier ensuite les décrets d’application qui doivent suivre. Monsieur le ministre, nous attendons vos explications.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.

M. Jean-Marc Roubaud. L’opposition biaise le débat… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous arrachons le masque !

M. Christophe Caresche. Nous parlons du texte !

M. Jean-Marc Roubaud.… en jouant à ne rien comprendre, mais il est vrai qu’ils n’ont jamais compris grand-chose !

M. Manuel Valls. Cela doit être génétique !

M. Jean-Marc Roubaud. Personne ici ne conteste le droit de mener une vie familiale normale. Nous cherchons seulement à en préciser les conditions. Est-il indécent, je vous le demande, d’exiger que les gens qui veulent vivre une vie familiale normale aient un logement, un emploi et parlent français ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si M. Montebourg est si pressé d’avoir une réponse, il suffit de ne pas retarder la discussion de l’article 4, qui traite précisément des mariages. Avec tout le respect que j’ai pour vous, monsieur Montebourg, nous ne pouvons anticiper la discussion en fonction de vos disponibilités. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, votre interprétation des valeurs de la République n’est pas conforme à la tradition républicaine, qui plonge ses racines dans la Révolution et les grands combats de notre peuple.

En tant qu’instituteur, je suis attaché au sens des mots.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous examinons l’article 1er !

M. Jean-Pierre Brard. Votre problème, monsieur Mariani, c’est que vous débranchez le sonotone avant d’avoir écouté tout ce que nous avons à dire !

Vous émasculez le sens des mots (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous essayez de vider le mot « liberté » de son sens en attaquant les libertés fondamentales.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est donc un texte « castrateur » ?

M. Jean-Pierre Brard. Quant à l’amendement qui est en cause, il me semble utile d’évaluer votre maîtrise du français et votre connaissance des valeurs républicaines.

Imaginez qu’un de nos fonctionnaires du corps diplomatique donne à lire à un postulant l’article 5 de notre Constitution, relatif aux prérogatives du Président de la République. Voyant Nicolas Sarkozy à l’œuvre, comment voulez-vous qu’il interprète l’article 5 ? Vous lui refuserez son examen de passage parce que notre Président de la République viole chaque jour notre loi fondamentale ! Vous voyez bien que votre affaire ne tient pas la route et qu’il serait préférable d’en revenir à un certain respect de la Constitution. Il est assez paradoxal que ce soit nous qui soyons obligés de défendre la Constitution de la Ve République ! Mais il est clair que vous reniez, que vous piétinez chaque jour l’héritage du général de Gaulle ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quand on entend certains de vos propos, on imagine fort bien ce qui se serait passé si certains d’entre vous avaient été députés en 1940 ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est une honte ! Un scandale !

M. Patrick Verchère. Où étaient les communistes en 1940 ?

M. Bernard Carayon. Vous, monsieur Brard, où étiez-vous en 1939 ? Vous avez toujours trahi la République, c’est dans votre culture politique !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Il serait bon, pour la sérénité des débats, d’éviter ce genre de propos. Il est des références historiques qui gênent certains plus que d’autres et je vous suggère, monsieur Brard, de ne pas évoquer au nom de votre famille politique certaine période de notre histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon. Une histoire criminelle !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Montebourg, vous souhaitez que notre débat soit le plus serein possible : chacun d’entre nous doit y contribuer. Vous avez évoqué des décrets d’application qui n’auraient pas été publiés.

M. Arnaud Montebourg. Il en manque un tiers !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je vais vous répondre avec précision sur ce point. Vous vous trompez. Tous les décrets d’application ont été publiés sauf un, relatif aux stagiaires étrangers, qui est en cours d’examen au Conseil d’État. Votre affirmation est donc fausse.

Sur le fond, et si vous souhaitez vraiment anticiper le débat sur l’article 4, laissez-moi d’abord vous rappeler que ces sujets ont déjà été largement évoqués hier. Or, pour des raisons que je comprends – d’importantes réunions avaient lieu dans votre famille politique –, vous n’avez pu participer au débat.

M. Arnaud Montebourg. En effet, c’était une émission télévisée !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je connais votre talent, qui vous permet de participer à un débat en le suivant à la télévision.

M. Arnaud Montebourg. Où vous vous montrez vous-même éclatant, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Au nom de quoi voudriez-vous priver les conjoints de Français de la possibilité de commencer leur parcours d’intégration dans leur pays d’origine ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous ignorez la langue de l’amour !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Seraient-ils pour vous des étrangers de seconde zone ? Je suis sûr que ce n’est pas votre intention, mais c’est pourtant ce qui découle de votre raisonnement. Ces étrangers de seconde zone seraient ainsi privés d’un droit ouvert aux autres candidats au regroupement familial.

M. Christophe Caresche. Vous appelez cela un droit ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je ne comprends pas la cohérence de ce raisonnement. Par ailleurs, il faut remettre un peu d’ordre dans vos idées. Leur foisonnement est très sympathique, mais on n’y comprend plus grand-chose.

L’opposition nous reproche d’être hostiles à l’immigration de l’Afrique sub-saharienne, mais vous voudriez exonérer l’immigration danoise ou venant des États-Unis de toute obligation de connaître le français ! Vous proposez donc d’instaurer deux catégories d’immigrants.

Mme George Pau-Langevin. Vous caricaturez nos propos !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Pour nous, monsieur Montebourg, c’est très simple : tous les étrangers doivent être égaux devant la loi. C’est une différence entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, la question de l’évaluation de la connaissance des valeurs de la République pose des problèmes réels.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas le sujet !

M. Étienne Pinte. Nous rencontrons tous les jours, les uns et les autres, des cas plus ou moins similaires. L’un de mes amis a épousé une Chinoise de Toronto, de nationalité canadienne. Lorsqu’ils se sont connus, elle ne parlait pas le français. Ils se sont installés en France, où ils ont eu plusieurs enfants. Ils ont longtemps communiqué en anglais mais elle s’est parfaitement intégrée et a progressivement appris le français. J’imagine que s’il l’avait rencontrée aujourd’hui, elle ne serait pas restée au Canada en attendant de pouvoir prouver ses connaissances de la langue française et des valeurs de la République.

Les dispositions que vous proposez sont donc trop restrictives pour nos concitoyens qui souhaitent vivre dans notre pays avec leur conjoint, leur intégration se faisant de façon naturelle par l’apprentissage quotidien de notre langue et de nos valeurs. Cela pose un problème, il ne faut pas le nier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je suis tout à fait d’accord avec notre collègue Étienne Pinte. Après la leçon, monsieur le ministre, que vous avez donnée à M. Montebourg, je tiens à vous dire que c’est l’esprit même de votre loi que nous critiquons. On voit bien qu’amendement après amendement, vous ajoutez des barrières au regroupement familial. Et quand vous avez le culot – pardonnez-moi cette expression un peu familière – d’affirmer qu’aujourd’hui, dans notre pays, tous les étrangers sont traités de la même manière, vous tenez la représentation nationale pour plus naïve qu’elle ne l’est ! Vous avez fait voter des lois qui instituent une véritable ségrégation, et tous les étrangers qui souhaitent vivre sur notre sol ne sont pas traités de la même manière. C’est cela aussi que nous combattons.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 159 et 162.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’informe l’Assemblée qu’en application de l’article 95 du règlement la commission demande la réserve de la discussion des articles 2 et 3, ainsi que des amendements portant articles additionnels après ces articles. Ils seront discutés après l’article 4 et les articles additionnels après l’article 4. La réserve est de droit.

Je suis saisi d’un amendement n° 70.

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le soutenir.

M. Jean-François Lamour. La question de l’évaluation et de la formation est cruciale pour le texte du ministre de l’intégration, car il est indispensable que ceux qui souhaitent venir sur le sol français puissent le faire dans les meilleures conditions.

L’évaluation et la formation représentent souvent pour ces candidats le premier contact avec notre culture, leur permettant d’appréhender notre pays et la façon dont on y vit ; en outre, ce bagage leur permet de se mouvoir sur le territoire français en maîtrisant la base de notre langue – on ne leur demande pas de déclamer Molière ou La Fontaine – ou encore d’entreprendre certaines démarches administratives. Ne pas le faire risque de provoquer certains phénomènes d’enfermement et de communautarisme que nous avons déjà connus.

En tant que ministre des sports, j’ai été contraint de m’opposer avec la plus grande fermeté à Mme Aubry, maire de Lille, qui avait mis en place des créneaux horaires réservés aux femmes dans les piscines, les contraignant ainsi à rester entre elles, sans communication avec l’extérieur. Il faut absolument lutter contre ce genre d’initiative, contraire aux valeurs de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Quel est le rapport avec ce texte ?

M. Jean-François Lamour. Une autre raison nous sépare à l’évidence des bancs situés de l’autre côté de l’hémicycle. Nous souhaitons que ces candidats à l’immigration soient, le plus rapidement possible, le plus autonomes possible sur notre territoire. Alors que vous souhaitez qu’ils soient en permanence assistés, nous voulons qu’ils maîtrisent notre langue le plus vite possible afin d’être autonomes et indépendants. C’est pourquoi la formation et l’évaluation, qui sont au cœur de la loi dont nous débattons aujourd’hui, sont indispensables.

J’ai bien compris que seule l’attestation de suivi d’une formation était prise en compte pour compléter le dossier des candidats et que l’évaluation ne pouvait pas servir de pièce à ce dossier. Je propose, monsieur le ministre, que la formation soit à la charge du candidat, puis remboursée à son arrivée sur notre territoire en cas de succès à l’évaluation. Plutôt qu’à l’assiduité, il semble préférable de lier le remboursement des frais de formation au résultat de l’évaluation. Cet amendement de bon sens vise à mettre à la disposition des candidats une formation de grande qualité, qui ne consiste pas seulement pour eux à s’asseoir sur les bancs d’une classe, mais à apprendre réellement les bases de notre langue.

Je ne vous aurais pas proposé cet amendement, monsieur le ministre, si le niveau de formation était trop élevé. Mais – et Thierry Mariani l’a rappelé tout à l’heure – vous avez évoqué une cotation A1.1, soit la plus basse qui puisse exister dans les critères internationaux en matière d’apprentissage et de connaissance d’une langue. C’est pour cette raison que je vous propose l’amendement n° 70.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, il me paraît relever du bon sens. Il ne serait pas choquant de demander une participation financière aux bénéficiaires de la formation, nous inspirant en cela d’une pratique utilisée par nombre de nos partenaires européens.

M. François Goulard. Cela relève du domaine réglementaire.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je rappelle qu’aux Pays-Bas, le kit de formation coûte 65,50 euros et le test 350 euros, contre 50 euros en Allemagne. Dans les deux cas, les candidats doivent se débrouiller pour le réussir et, si nécessaire, financer leur formation.

M. Manuel Valls. Et ça empêche le communautarisme aux Pays-Bas !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Une participation financière serait le gage d’une volonté d’intégration et un moyen de responsabiliser les personnes qui suivent une formation, laquelle ne sera, en l’état, sanctionnée par aucune évaluation. Cependant, cette participation financière pourrait être considérée comme un obstacle à l’exercice du droit au regroupement familial, protégé par la Constitution, et donc écartée par le Conseil constitutionnel.

J’émets, à regret, un avis défavorable. Cela montre une fois de plus la nécessité d’une réforme constitutionnelle si nous voulons aller plus loin sur ce sujet.

Mme George Pau-Langevin. Décidément !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Vous savez, monsieur le député, combien je suis attentif à vos propositions. Cela étant, nous avons déjà réfléchi à cette question lors de l’élaboration du texte.

Trois options s’offraient à nous.

La première, celle que vous avez présentée, monsieur Lamour, consisterait à mettre à la charge de l’étranger bénéficiant de la formation une partie de son coût. Votre amendement est assez ingénieux, je vous l’accorde, mais il m’est impossible de l’accepter, car je crains qu’il ne soit contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui protège le regroupement familial. Nous devons éviter tout obstacle financier.

La deuxième possibilité, que nous ne pouvions pas accepter non plus, est le financement intégral de cette formation par les contribuables.

Nous avons donc choisi la troisième option. François Goulard a dit que cette question relevait du domaine réglementaire et je partage son avis. Je l’ai évoqué hier soir au cours du débat : nous augmenterons, par voie réglementaire les droits de timbre sur les visas, afin de mutualiser les coûts, lesquels seraient ainsi harmonieusement répartis.

Voilà pourquoi, monsieur le député, je ne peux soutenir votre proposition. Avis défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Lamour ?

M. Jean-François Lamour. Je n’ai pas entendu les propos de François Goulard, mais je ne pense pas que cette question relève du domaine réglementaire. Cela étant, je ne suis pas suffisamment qualifié pour en juger. Cet amendement est de bon sens, qualité qui nous fait souvent défaut quand nous rédigeons un projet de loi, alors qu’il s’agit simplement de rappeler certains principes. Il convenait selon moi de les réaffirmer ici.

J’ai entendu vos observations, monsieur le ministre, et je comprends qu’il faut conserver à ce texte de loi son équilibre. Je retire donc cet amendement, de même que celui que j’ai déposé à l’article 4 et qui concerne également le regroupement familial.

M. le président. L’amendement n° 70 est retiré.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il est très important que nos débats se déroulent dans la transparence et que nous éclairions l’opinion.

M. Bernard Carayon. C’est en effet une spécialité du parti communiste !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas la vôtre, en revanche ! Vous aimez la transparence quand elle se confond avec vos centres d’intérêt ! Glasnost, vous ne savez pas ce que cela veut dire en français ! Vous n’auriez pas réussi le test…

M. Bernard Carayon. Vous connaissez bien le russe !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut mesurer la sincérité de nos collègues, faute de quoi le débat serait altéré. M. Jean-François Lamour, que nous connaissons bien, a été ministre des sports. Pour ma part, monsieur le président, j’ai la chance d’avoir dans ma ville le premier club d’athlétisme de notre pays et je puis témoigner de l’aide que M. Lamour et les services de son ministère m’ont apportée pour faire naturaliser des sportifs qui ne parlaient pas un traître mot de français, mais qui réalisaient de bonnes performances.

M. le président. Monsieur Brard, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Ah si !

M. le président. Non, puisque vous évoquez le fond.

M. Jean-Pierre Brard. Je rappelle à M. Lamour et au Gouvernement qu’il faut accorder ses paroles et ses actes. Avec M. Lamour, ce serait plutôt : « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais » !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en arrivons à l’amendement n° 163.

La parole est à Mme Pau-Langevin pour le soutenir.

Mme George Pau-Langevin. Nous demandons une exception pour les mineurs, car nous considérons qu’ils ne peuvent être en aucun cas privés de la possibilité de retrouver leur famille.

J’appelle votre attention sur un paradoxe : comment est-il possible, dans notre pays qui fut pendant si longtemps capable de faire rayonner sa langue et ses valeurs à travers le monde, d’apprendre à tant de gamins que leurs ancêtres étaient gaulois, que vous ayez perdu confiance et que vous soyez devenus frileux au point de dresser des obstacles et de concevoir des soupçons à l’égard de ceux qui ont envie d’apprendre notre langue et de venir chez nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous êtes contre les valeurs de la République et vous faites mal à votre pays en soupçonnant tous ceux qui ont envie de venir en France d’être des fraudeurs.

Il est absurde de vouloir faire payer la formation au français. Soutenir la francophonie, c’est faire en sorte que le plus de gens possible puisse – à moindres frais – apprendre notre langue. Chaque fois que vous créez un obstacle à l’apprentissage de la langue française, vous faites du tort la France. Arrêtez, car vous êtes à contre-courant ! On s’élève contre le fait que les congrès se déroulent essentiellement en anglais. Pourquoi donc vous en prenez-vous aux gens qui veulent apprendre le français en leur demandant de payer à cet effet ?

Vous allez à l’encontre des intérêts de notre pays. Vous voulez une immigration choisie, attirer, par exemple, des ingénieurs. Mais, la plupart du temps, ceux-ci parlent anglais et vous allez leur mettre des bâtons dans les roues, ainsi qu’à leurs femmes, au motif qu’ils ne parlent pas français. Ils iront dans des pays anglophones et vous aurez réussi à empêcher la venue dans notre pays de gens brillants, alors que vous vouliez prétendument les attirer chez nous ! Quand cesserez-vous de mener des politiques en contradiction avec les objectifs que vous poursuivez et qui limitent le rayonnement de la France dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement que vous proposez a des objectifs plus modestes que ceux exposés dans vos propos, madame Pau-Langevin !

L’adoption de cet amendement exclurait les 16-18 ans, qui, lorsqu’ils arrivent en France, peuvent avoir des problèmes d’intégration…

M. Manuel Valls. Cela n’a rien à voir ! C’est scandaleux !

M. Thierry Mariani, rapporteur.…de la formation gratuite au français.

M. Manuel Valls. Vous êtes un type dangereux !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne répondrai pas à cette provocation, monsieur Valls, car ce sont plutôt les gens comme vous qui sont dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En outre, exclure les 16-18 ans de la formation gratuite au français est contraire que ce que vous demandez.

M. Christophe Caresche. Combien de jeunes de seize à dix-huit ans sont concernés ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je ne veux pas polémiquer, madame Pau-Langevin, mais je ne comprends pas votre raisonnement. Vous nous dites qu’il faut défendre la francophonie. Or nous vous proposons une formation à la langue française : n’est-ce pas soutenir la francophonie ? D’ailleurs, à l’Assemblée générale de la francophonie, qui s’est tenue à Libreville en juillet, j’ai présenté cette proposition, qui a été très bien accueillie.

Mme George Pau-Langevin. Comme M. Sarkozy à Dakar !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Cela vous étonne peut-être, mais c’est la réalité ! Il suffit de vous renseigner. Un parlementaire de votre groupe était présent : posez-lui la question ! Encourager une formation au français est un bon moyen d’aider la francophonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. L’amendement défendu par notre collègue porte sur les mineurs. L’argument est simple : ils ne peuvent en aucun cas être privés d’un regroupement familial que leur garantit la convention sur les droits de l’enfant. C’est cet élément qui a présidé au dépôt de notre amendement. J’en profite pour rappeler à M. Mariani qu’il fait – comme d’ailleurs M. Lamour – une confusion entre immigration et intégration, d’où mon cri de colère.

Les problèmes qui se posent dans notre pays, notamment dans les quartiers les plus difficiles, concernent presque toujours des jeunes Français, entre seize et dix-huit ans, ou à peu près. Cette confusion est insupportable. Elle est incontestablement le fruit d’un échec du modèle républicain, de notre système scolaire ou des valeurs de la République. Nous pouvons en débattre sur ces bancs pendant des heures, mais cela n’a rien à voir avec le sujet dont nous traitons aujourd’hui.

Quand M. Lamour nous parle de communautarisme, il est, lui aussi, hors sujet. Lors de l’examen de l’amendement n° 70, M. Mariani a fait référence au modèle hollandais, alors que le problème du communautarisme se pose de façon aiguë au cœur même de la société néerlandaise. La confusion, que vous entretenez à dessein entre immigration et intégration, est insupportable.

Si vous voulez être efficaces, mettez donc l’accent sur les conditions d’accueil des immigrés sur notre sol, au lieu de réduire les subventions accordées aux associations et aux collectivités qui travaillaient sur l’apprentissage de nos valeurs et de notre langue ! C’est dans ce domaine, en effet, qu’apparaissent vos contradictions. De grâce, monsieur Mariani, ne confondez pas les sujets ! Rappelez-vous que ce sont, pour la plupart, des Français qui ont des problèmes dans nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Si je ne peux qu’approuver ce que vient de dire brillamment mon collègue Valls, j’irai cependant un peu plus loin. J’ai été très choqué par l’amalgame auquel procède, apparemment sans s’en rendre compte, M. Lamour. Je sais bien qu’en ce domaine, la majorité avait pris l’habitude d’entretenir la confusion bien avant l’élection de M. Sarkozy à la présidence de la République, mais en quoi cette histoire de piscine a-t-elle un rapport avec le sujet dont nous parlons ?

M. le président. J’ai bien peur que votre intervention n’ait pas plus à voir avec l’amendement.

M. Noël Mamère. Au contraire, car tout ce projet de loi est fondé sur l’idée que les demandeurs de regroupement familial originaires de nos anciennes colonies ne seraient pas compatibles avec la démocratie, car trop susceptibles de verser dans le communautarisme. C’est scandaleux ! On tente également de les assimiler aux clandestins. Je rappelle que le regroupement familial ne concerne que des immigrés régulièrement installés en France, qui paient des impôts, participent à la richesse de notre pays et contribuent au dynamisme de sa démographie. De même, comme l’a souligné Manuel Valls, les émeutes du mois de novembre n’étaient pas du tout liées à l’immigration : c’était un problème français, impliquant des Français.

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis. Vraiment ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Bien sûr : ils étaient tous auvergnats !

M. Noël Mamère. Alors, pourquoi obliger des gens très pauvres à faire des kilomètres pour aller apprendre le français dans un consulat ou une Alliance française ? Pourquoi avoir diminué de façon drastique les subventions aux associations qui favorisent l’intégration à travers l’apprentissage de notre langue et de nos valeurs ?

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. Noël Mamère. Cela, c’est votre responsabilité, et vous essayez de la masquer. Votre vrai projet, c’est d’empêcher ceux qui veulent vivre ensemble chez nous de se retrouver, de s’aider mutuellement dans l’exil pour mieux s’intégrer – tout cela parce que vous n’aimez pas les couleurs de cette nouvelle immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Monsieur Mamère, vous aviez promis d’aller plus loin, mais vous nous avez surtout emmenés très loin de l’amendement !

Je mets aux voix l’amendement n° 163.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 84 et 64, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Remiller, pour soutenir l’amendement n° 84.

M. Jacques Remiller. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 83.

M. le président. Je n’y vois pas d’objection.

M. Jacques Remiller. Je vais en effet un peu plus loin, sur ce sujet, que Jean-François Lamour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

L’examen de cet article nous place au cœur du débat. Maire d’une ville de 32 000 habitants, dont 10 000 immigrés, combien de fois suis-je obligé de recourir à des traducteurs, que ce soit pour recevoir le demandeur d’un regroupement ou dans diverses situations de la vie courante ? Il est donc important que les futurs arrivants puissent maîtriser les fondamentaux de la langue française. Comme l’a rappelé M. Mamère, ils devront se rendre au consulat pour bénéficier d’un apprentissage.

Mais il ne suffit pas de faire acte de présence pendant une formation pour posséder les rudiments de notre langue. Mon amendement n° 84 vise donc à remplacer, dans l’avant-dernière phrase du deuxième alinéa, les mots « suivi de » par les mots : « réussite à ». Le niveau de maîtrise du français doit en effet être sanctionné par un examen, qui serait mis en place par l’éducation nationale et aurait le même contenu dans tous les consulats.

Quant à l’amendement n° 83, il se justifie par un constat : ces formations linguistiques représenteront une nouvelle charge pour le budget de l’État, et donc pour le contribuable. Jean-François Lamour demandait que les frais soient à la charge de l’intéressé, mais remboursés en cas de réussite. Pourquoi donc, alors que les candidats disposent de revenus ! S’ils ont les moyens d’acheter un titre de transport, il est tout à fait normal qu’ils assument également le coût de cette évaluation.

M. Manuel Valls. Enfermez-les, ils sont dangereux !

M. Jacques Remiller. Monsieur le ministre, nous avons bien écouté votre présentation du projet de loi, dans laquelle vous affirmiez qu’une telle mesure pourrait constituer un obstacle pour le regroupement familial, ce qui la rendrait inconstitutionnelle. Pourriez-vous nous dire sur quels éléments précis s’appuie votre raisonnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Jean-Pierre Brard. Encore un gauchiste !

M. Manuel Valls. Plutôt un émule de Charles Martel !

M. Claude Bodin. Mon amendement a le même objet que celui que notre collègue Remiller a parfaitement présenté. Non seulement une telle disposition est en cohérence avec l’amendement n° 19 que nous avons adopté il y a quelques instants, mais elle est de bon sens : dès lors que l’on procède à une évaluation, celle-ci doit servir à quelque chose. En particulier, si le résultat n’est pas probant, il faut recommencer la formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nos collègues Remiller et Bodin demandent que le bénéfice du regroupement familial soit subordonné à la réussite de la formation plutôt qu’à son seul suivi. Il est vrai que des pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne exigent la réussite à un test de langue, une condition que la Commission européenne juge compatible avec la directive du 25 novembre 2003. Cela étant, je le répète, la philosophie de cette disposition n’est pas de restreindre le regroupement familial, mais seulement de favoriser l’intégration des personnes qui en bénéficient. En outre, comme je l’ai dit à Jean-François Lamour, ajouter une condition au regroupement familial représenterait un trop grand risque sur le plan constitutionnel. Pour ces raisons, avis négatif sur les deux amendements.

M. Manuel Valls. Si Mariani est le modéré, cela en dit long sur l’état d’esprit de l’UMP !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Remiller, monsieur Bodin, je rends hommage à votre réflexion (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) :…

M. Jean-Pierre Brard. Vous appelez ça une réflexion ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …l’un comme l’autre vous êtes attentifs aux réalités du terrain.

Mais, comme l’a rappelé M. le rapporteur – et je l’ai moi-même souligné hier –, nous nous trouvons sur une ligne de crête.

M. Manuel Valls. Un chemin de croix !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Adopter votre proposition reviendrait en effet à subordonner la délivrance du visa à la réussite du test de français, non à la simple assiduité. Or le Conseil constitutionnel censurerait vraisemblablement – pour ne pas dire très certainement – une disposition fixant une limite au droit de regroupement familial. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Monsieur Remiller, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jacques Remiller. Je vais le retirer, à condition d’avoir l’assurance du ministre que l’on pourra tout de même, à l’avenir, étudier cette possibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Serge Blisko. Ce sera pour la prochaine loi sur l’immigration !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Après le prochain remaniement !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Si c’est un débat que vous souhaitez, monsieur le député, c’est naturellement possible car, je le répète, aucun sujet n’est tabou.

M. Jacques Remiller. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 84 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends, et je souhaite le défendre !

M. le président. Qu’en est-il de l’amendement n° 64, monsieur Bodin ?

M. Claude Bodin. Je le retire également.

M. le président. L’amendement n° 64 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 84, qu’il a repris. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je croyais que l’on ne pouvait plus procéder ainsi !

M. Jean-Pierre Brard. Mariani, Valls, Pinte, Fenech, Asensi, Bartolone, Bénisti, Bianco, Censi, Cathala, Cinieri, Devedjian, Filipetti, Franco, vont-ils renier leurs ancêtres ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis. Vous pratiquez la discrimination !

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a là ni cohérence ni réflexion ! Vous, monsieur le ministre, vous êtes un homme de réflexion, on le sait – même si c’est de la plus mauvaise. Mais ces amendements relèvent de la xénophobie, ce qui est tout à fait différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur le ministre, je m’honore, avec d’autres, ici, de défendre les valeurs de la République. Voyez-vous ces trois couleurs ? (L’orateur présente un document.) Ce sont celles de l’étendard que portaient nos soldats à Valmy ,…

M. François Goulard. À ne pas confondre avec celle de l’Armée rouge !

M. Jean-Pierre Brard. …celles qui symbolisent la République, et que défendaient Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet face à leurs fusilleurs. Il ne suffit pas d’invoquer leurs noms pour faire vivre les valeurs qui les faisaient vibrer ! Ce document au liseré tricolore, c’est un certificat de parrainage républicain qui sert à protéger les enfants à la chasse desquels vous vous êtes lancés ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous revendiquons ces valeurs de la République…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous violez pourtant la loi républicaine !

M. Jean-Pierre Brard. …qui ont fait rayonner notre pays aux quatre coins de la planète.

M. le président. Merci, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Attendez, monsieur le président…

M. le président. Monsieur Brard, vous aviez le droit de reprendre l’amendement et, exceptionnellement, je vous ai laissé le défendre. Mais tout le monde a compris votre message, et nous allons passer au vote.

M. Jean-Pierre Brard. Je conclus, monsieur le président, en demandant le rejet de l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Brard. Les lâches ! Personne n’a voté pour !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 133.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Nicolas Perruchot. Ceux qui s’intéressent aux problèmes d’immigration ou d’intégration savent que l’État met beaucoup de temps à répondre aux différentes demandes, qu’il s’agisse de l’asile ou du regroupement familial. En obligeant les candidats à suivre une formation linguistique et à acquérir la connaissance de certaines valeurs, le projet de loi contribue certes à améliorer les procédures, mais il risque également d’aggraver ces problèmes de délais. Nous recevons régulièrement dans nos permanences des gens qui ne comprennent pas pourquoi l’État répond aussi mal et aussi lentement. Il me paraît donc utile de fixer un délai de délivrance de l’attestation de suivi de la formation. Sinon, il risquerait d’y avoir des inégalités de traitement entre les demandeurs de regroupement familial et nous serions peut-être obligés de revenir un jour sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable. M. Perruchot propose un délai d’un mois, mais j’espère que dans les faits, la délivrance de l’attestation sera plus rapide.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. À l’évidence, il s’agit d’une contrainte supplémentaire, monsieur le député, mais j’en comprends la raison. Avis favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. M. Remiller a déjà défendu l’amendement n° 83. Est-il également retiré ?

M. Jacques Remiller. Oui.

M. le président. L’amendement n° 83 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 166 et 92, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 166.

M. Serge Blisko. La défense de l’amendement n° 166 vaudra aussi pour l’amendement n° 167, qui est assez voisin.

La formation et l’évaluation à l’étranger pour les demandeurs de regroupement familial exige que soit pris en considération un détail pratique. Ainsi, aux termes du second alinéa de l’article 1er, un décret en Conseil d’État précisera le délai maximum dans lequel la formation doit être proposée. Nous souhaitons que l’on soit très précis quant aux délais maximums admissibles à l’issue desquels le résultat du test devra être remis pour proposer ensuite une courte formation. Si tel n’est pas le cas, les délais seront extrêmement longs et aggravés dans les pays où les demandes seront très peu nombreuses et où la distance géographique entre deux points peut atteindre mille kilomètres voire plus ; M. Mamère citait hier comme exemple les mille kilomètres entre Tombouctou et Bamako. La difficulté sera donc extrême pour rendre loyale cette contrainte supplémentaire. Pour dissuader les candidats, il suffira de ne rien faire en prétendant attendre que les conditions climatiques ou matérielles rendent leur évaluation possible. Nous en sommes d’ailleurs tous convenus en commission : il faut rendre cette formation effective et non la transformer pour le candidat à l’arrivée en France en un énième document incompréhensible ou en une contrainte supplémentaire. Nous devons être à même de proposer un délai raisonnable et maximal – nous sommes ouverts à la discussion pour en définir la signification –, condition pour que le mécanisme outrancier que vous mettez en place ne constitue pas un obstacle dirimant à l’arrivée en France.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Noël Mamère. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements qui feraient tomber celui déjà adopté par la commission, que nous examinerons prochainement, et qui porte sur le contenu des valeurs de la République.

Je précise toutefois à M. Blisko que la commission sera, en revanche, favorable à l’amendement n° 167.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. M. Blisko propose en fait, par son amendement, de préciser le dispositif. Le Gouvernement ne peut pas l’accepter car, en prévoyant un certain nombre d’hypothèses de dispense, il revient sur le principe même de la formation.

En outre, le risque d’un délai excessif est inexistant, puisque la loi actuelle prévoit déjà que le préfet statue sur la demande de regroupement familial dans un délai qui court d’un à six mois.

Cela répond donc à votre préoccupation.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Je ne peux pas être d’accord avec ce qui vient d’être dit. En effet, un certain nombre de cas ont été cités. Ainsi, vous l’avez notamment évoqué s’agissant des tests ADN, compte tenu de la situation dans le pays d’origine, l’état-civil peut être détruit, ce qui entraîne des situations très difficiles.

Lorsqu’il s’agit de dispenser des formations à l’étranger, un minimum de garanties doivent être apportées aux familles en matière de délais. Par ailleurs, compte tenu des situations troublées que connaissent certains pays, l’administration ou le consulat peut ne pas être en mesure d’organiser ces formations. Il est donc indispensable de prévoir des dispenses.

La réponse de M. le ministre n’est absolument pas satisfaisante et ne nous donne pas de garantie suffisante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 227.

M. Noël Mamère. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 167.

Cet amendement, présenté par M. Blisko en même temps que l’amendement n° 166, a reçu un avis favorable de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 20, 21 rectifié, 65 rectifié, 168, 22 et 90 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 91.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Cet amendement vise tout simplement à répondre aux propos tenus tout à l’heure par M. le ministre – je n’ose, comme mon collègue Montebourg, prononcer l’intitulé de son ministère, tant il nous fait honte. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On peut le dire ! Nous avons été élus pour exprimer un certain nombre de convictions et pour représenter l’opinion d’une partie des Français qui n’est peut-être pas majoritaire pour l’instant, mais qui le redeviendra un jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est ainsi !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous aussi, nous avons été élus !

M. Noël Mamère. Je suis désolé, mais nous pouvons également nous exprimer sur ces questions et dire ce que nous pensons de certains intitulés de ministères aux relents plutôt nauséabonds. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je reprendrai les propos du ministre Hortefeux, qui nous a expliqué que tous les étrangers devaient être traités de la même manière dans le cadre du regroupement familial. Tel est l’objet de cet amendement, s’agissant des familles en exil qui ont besoin de se retrouver pour mieux le supporter et s’intégrer dans les valeurs de la République.

Je l’ai précisé dans la discussion que nous avons eue hier soir : imposer dans le pays d’origine l’apprentissage de la langue et les valeurs est extrêmement compliqué pour les pays les plus pauvres d’entre les plus pauvres et constitue également une barrière économique.

Le ministre en charge du projet qui nous est présenté est aussi celui du codéveloppement. Or ce texte ne dit rien de ce que l’on pourrait apporter à ceux qui souhaitent le regroupement familial. Je rappellerai que 40 % des habitants du continent africain vivent avec moins d’un dollar par jour, alors qu’une vache européenne est beaucoup mieux lotie qu’un Africain puisque les subventions de la PAC lui permettent d’obtenir 2,5 euros par jour. Tant que l’on poursuivra dans cette voie, il y aura effectivement beaucoup de demandeurs d’asile et de nombreux candidats à l’immigration.

Nous contenterons-nous longtemps de cette compassion générale lorsque nous voyons à la télévision des candidats à l’immigration s’échouer à Gibraltar ou ailleurs et y perdre la vie, ou voulons-nous, au contraire, favoriser et aider ceux qui, aujourd’hui, fuient le sous-développement et la tyrannie et cherchent à vivre dignement sous des latitudes plus démocratiques et plus clémentes ? Cela fait aussi partie des impératifs qui s’imposent à la quatrième puissance mondiale.

En établissant un tel système, vous faites payer sans le dire la formation. Nous proposons que l’État la prenne en charge. Je rappellerai pour mémoire, parce que l’on oublie vite, que les projets de loi présentés dans le cadre de la première partie de cette session extraordinaire ont tout de même contribué à faire un cadeau de 13 milliards d’euros aux plus riches des plus riches.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Noël Mamère. Nous pourrions peut-être essayer aussi d’aider les plus pauvres d’entre les pauvres.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est beau !

M. Noël Mamère. Ce n’est pas beau, c’est simplement juste !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Il ne faut pas trop encadrer le futur décret, même si je reconnais que des cas de dispense pourraient notamment ressembler à certains évoqués dans l’amendement : je pense à l’éloignement géographique ou à la situation politique momentanée du pays.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je ne reviendrai pas, monsieur Mamère, sur les qualificatifs que vous employez depuis hier soir. J’imagine que cela continuera ainsi jusqu’à la fin du débat. Les Français ont tranché. Ils ont approuvé. La règle, monsieur le député, consiste tout de même à s’incliner devant le verdict du suffrage universel,…

M. Noël Mamère. Cela ne nous empêche pas de nous exprimer !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …ce qui n’empêche en rien l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est votre droit d’être schématique et caricatural et même un peu plus, mais ce n’est pas grave !

M. Noël Mamère. Faudra-t-il donc que nous nous taisions, monsieur le ministre ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je viens exactement de dire l’inverse, monsieur Mamère ! Les Français se sont prononcés, il faut simplement l’accepter…

M. Noël Mamère. Cela ne nous empêche pas de nous exprimer ici !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …et nous avons effectivement besoin d’une opposition constructive.

Je répondrai à votre proposition de la manière la plus simple. Vous dites que tous les étrangers doivent être traités de la même manière. Tel est exactement l’objectif de ce projet. Mais il y a, c’est vrai, une différence entre nous, monsieur Mamère : ce n’est pas le contribuable français qui financera cette formation, ni le contribuable étranger installé en France, mais la mutualisation des candidats à la venue sur notre territoire. Voilà qui est tout à fait juste et clair !

M. Noël Mamère. Vous faites payer les migrants !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Il s’agit là d’une question de principe. Veut-on s’abriter derrière une multitude de conditions visant en réalité à empêcher le regroupement familial, droit constitutionnellement protégé ? (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Noël Mamère. Très juste, madame Guigou !

Mme Élisabeth Guigou. Nous savons très bien que beaucoup de candidates ou candidats au regroupement familial ne pourront pas payer une formation…

M. Thierry Mariani, rapporteur. La formation est gratuite !

Mme Élisabeth Guigou. …et être ensuite soumis à une vérification de leurs connaissances. Qu’on le dise clairement : ce sera au moins connu de la représentation nationale !

De plus, depuis le début de la discussion, la multiplication des conditions entraîne constamment un amalgame entre le regroupement familial et la nécessaire lutte contre l’immigration clandestine. Je rappelle que nous ne traitons pas de l’immigration clandestine mais du regroupement familial. Il s’agit de permettre à des familles de rejoindre soit des étrangers en situation régulière – parce que nous avons jugé qu’ils apportaient quelque chose à notre pays – soit des personnes nées françaises ou qui ont acquis la nationalité française.

Enfin, comme l’a dit Jean-Pierre Brard, si ces conditions étaient aujourd’hui en vigueur, non seulement beaucoup de nos collègues talentueux d’origine étrangère, aujourd’hui bien entendu Français, ne seraient pas sur les bancs de cette assemblée, mais le Gouvernement ne bénéficierait pas de la présence de Mmes Dati, Yade et Amara ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement est l’objet d’une discussion de fond intéressante. Nous avons en effet malheureusement trop souvent pu constater des carences. J’en veux pour preuve la difficulté que rencontrent parfois dans notre pays certaines familles à payer la cantine scolaire, contraignant ainsi les collectivités à se substituer à l’État.

Au-delà, même si la procédure ne le permet pas, je voudrais revenir sur les nombreux amendements tombés auparavant. Un élément important a été introduit dans l’amendement n° 20 du rapporteur, qui vise à préciser que le pouvoir réglementaire devra être encadré dans un délai maximum de six mois. Ma question est très simple : l’objectif poursuivi par le Gouvernement tend-il à terme à raccourcir les délais en matière de demande d’asile ? Je l’ai souvent dit et je le rappellerai, le gros problème dans ce pays réside dans la réponse qu’apporte l’État aux demandes quelles qu’elles soient.

Je sais que l’objet du texte n’est pas la demande d’asile. Néanmoins le rapporteur nous a donné des précisions intéressantes dont nous verrons si elles tiendront dans la durée. Le Gouvernement a-t-il l’intention en matière de regroupement familial, comme à terme en matière de demande d’asile, d’harmoniser la durée de réponse en la fixant à six mois ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Perruchot, vous soulevez à l’évidence une bonne question. J’ai déjà d’ailleurs apporté quelques éléments de réponse. Si l’on fait un cumul rapide avec d’un côté l’OFPRA et de l’autre la Commission des recours, il est vrai que le délai est d’environ neuf à dix mois.

M. Nicolas Perruchot. Quand cela va vite !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Tout à fait !

Je ne pense pas qu’on l’on puisse raccourcir le délai, sans doute incompressible, de l’OFPRA qui est de l’ordre de deux mois. En revanche, il est possible de faire des efforts au niveau de la Commission des recours, ce à quoi je m’engage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 105 et 170, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l’amendement n° 105.

Mme Françoise Hostalier. Tout d’abord, je regrette que le débat parte ainsi dans tous les sens, certains orateurs s’en servant pour faire des digressions.

Comme je l’avais souligné lors de la discussion générale, monsieur le ministre, je suis un peu inquiète quant à la faisabilité pratique de l’évaluation et de la formation. Dans de nombreux pays, et pour des raisons diverses, il est déjà parfois difficile de trouver un lieu où les personnes qui le souhaitent peuvent apprendre le français. Comment donc les organiser de manière institutionnelle, dans le respect des droits des demandeurs de visa et partout dans le monde ?

Certes, notre réseau des Alliances françaises, des centres culturels français ou assimilés couvre un large spectre, mais ils sont essentiellement concentrés en Europe et dans les pays francophones, et j’ai ici une carte du ministère des affaires étrangères qui montre où il est possible d’apprendre le français.

Alors, quid de la Birmanie, du Belarus ou de la Tchétchénie, où nous n’avons pas de représentation consulaire, quid de la Libye, où nous n’avons pas de structure culturelle française ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais il y a Cécilia !

Mme Françoise Hostalier. Quid de Cuba, où nos structures sont totalement sous contrôle du gouvernement cubain ? Quid également de la Nouvelle-Zélande, de l’Alaska ou de l’Indonésie ?

Par ailleurs, dans les pays non francophones, quand la structure existe, elle se trouve le plus souvent dans la capitale, et il peut être matériellement impossible à l’étranger désirant rejoindre sa famille en France d’y passer deux mois pour suivre des cours.

C’est pourquoi j’ouvre une fenêtre en proposant que l’on fasse confiance à nos services consulaires, qui pourraient délivrer un visa s’il est matériellement impossible d’assurer la formation ou s’il est impossible au demandeur de la suivre, et si l’étranger s’engage avant son départ à suivre cette formation à son arrivée sur le sol français. Cela va d’ailleurs dans le sens de l’amendement n° 19 du rapporteur qui a été accepté tout à l’heure. Comme je l’ai souligné hier, la formation sera bien plus efficace si elle a lieu en France.

Enfin, il y a une notion qui m’inquiète un peu, c’est celle du pays de résidence, mais on pourra peut-être y revenir dans le décret. Pour certains demandeurs, en effet, il peut être plus facile de suivre la formation dans un pays limitrophe plutôt que dans le pays de résidence. C’est le cas par exemple pour un pays que je connais très bien, l’Afghanistan. Si vous habitez Kandahar, il sera plus facile de suivre votre formation de français à Peshawar au Pakistan plutôt qu’à Kaboul. Ce sera beaucoup moins dangereux. Pour les étrangers résidant dans un pays africain anglophone, il sera peut-être plus facile de la faire dans le pays francophone limitrophe.

M. François Goulard. Elle a raison !

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre l’amendement n° 170.

M. Serge Blisko. Je ne connais pas la situation de tous les pays qui ont été cités, mais je vais vous donner un exemple concret qui montre à quel point ce dispositif est difficilement applicable. Nous allons parler d’un pays que M. Mariani connaît bien, l’Irak.

M. Jean-Pierre Brard. Et M. Julia mieux encore !

M. Serge Blisko. Nous avons en France une importante minorité dite assyro-chaldéenne, particulièrement rassemblée dans le Val d’Oise. Ce sont souvent des réfugiés non statutaires, pas des demandeurs d’asile, arrivés d’Irak depuis quelques années. Imaginons que, dans le cadre du regroupement familial, une famille de Pontoise assyro-chaldéenne veuille faire venir un conjoint ou un enfant. Comment osez-vous demander à une famille irakienne de Mossoul, par exemple, d’aller à Bagdad faire un test puis une évaluation ? Vous la mettez en danger de mort ! Je vous parie, monsieur le ministre, que ni l’OFPRA ni la Commission des recours – je suis moins sûr pour la Commission des recours – n’accordera facilement le statut de demandeur d’asile à un Irakien aujourd’hui. Il y a eu quatre-vingt-dix réponses favorables l’an dernier alors que deux millions de personnes, tous groupes religieux et toutes ethnies confondus, ont fui l’Irak. C’est d’ailleurs un véritable problème dont nous discuterons lors de l’examen des articles sur le droit d’asile.

Cet exemple, qui est un peu extrême, je le reconnais, du point de vue de la dangerosité de ce qui se passe dans certains pays, met totalement à plat votre argumentation. Il n’y a pas de monde idyllique dans lequel les personnes passeraient un test dans un consulat ou une ambassade puis seraient ainsi accueillies à l’Alliance française : entrez donc, nous étions en train de répéter une pièce de Giraudoux mais nous allons nous asseoir et vous assurer une petite formation.

Franchement, revenez sur terre et essayez de comprendre que le monde n’est pas aussi idyllique que celui que vous décrivez à tort dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 105 et 170 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Les dispositions que vous proposez ne sont pas nécessaires, madame Hostalier, puisque des possibilités de dispense existent déjà. Je suis d’accord avec vous : si la personne ne suit pas la formation dans son pays d’origine, il faudra bien sûr qu’elle la suive en France et c’est le cas pour le contrat d’accueil et d’intégration.

Au Belarus, nous avons un consulat. J’y suis allé en tant que membre de la commission des lois et je peux même vous préciser qu’il fait office de consulat pour la France, l’Espagne, le Portugal, l’Islande et la Norvège. Quant à la Tchétchénie, nous avons un consulat en Russie. Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas encore, en droit international, un pays indépendant. Nous avons par ailleurs huit Alliances françaises en Russie.

Le cas que vous évoquez, monsieur Blisko, serait l’exemple type d’un demandeur d’asile. Vous avez raison, il y a peu de réponses favorables pour des Irakiens, parce qu’il y a peu de demandes, la majorité des Irakiens sollicitant l’asile politique dans d’autres pays, notamment la Suède.

M. Serge Blisko. On discutera de l’Irak !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Madame Hostalier, monsieur Blisko, vos préoccupations sont en réalité des préoccupations humanitaires. Je ne peux naturellement que les partager et nous avons évidemment déjà réfléchi à ces questions.

Un décret précisera les motifs légitimes justifiant que l’étranger soit dispensé de la formation. Les exemples sont très simples. On ne va pas dresser une liste exhaustive, mais il faut naturellement prendre en compte la maladie ou la situation particulière de certains pays.

Quant aux conditions matérielles dans lesquelles se dérouleront les tests et la formation, l’État s’engage à ce qu’elles soient satisfaisantes. J’ai déjà évoqué le réseau de l’ANAEM et rappelé le nombre de pays dans lesquels il était présent. C’est naturellement insuffisant, mais c’est une première étape. Il y a aussi les Alliances françaises, les centres culturels et les organismes privés agréés.

Monsieur Blisko, je comprends bien le sens de votre réflexion, mais prenons l’exemple d’un Irakien qui se retrouve au Liban. Le texte ne prévoit pas la notion de pays d’origine, cela introduit de la souplesse. Ainsi, cet Irakien ne sera pas obligé de formuler sa demande dans son pays d’origine, l’Irak, mais pourra le faire dans le pays dans lequel il réside, en l’occurrence le Liban.

Je pense que tout cela répond à vos préoccupations.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Blisko ?

M. Serge Blisko. Oui, monsieur le président. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre, mais il y a des situations dangereuses pour lesquelles il n’y aura pas de solution.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Je suis assez hésitante, monsieur le ministre, car ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.

M. Serge Blisko. Absolument !

Mme Françoise Hostalier. Vous m’affirmez que ce sera repris dans un décret.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne le croyez pas et vous avez raison !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Pas du tout ! Mme Hostalier me fait totalement confiance !

Mme Françoise Hostalier. C’est vraiment incroyable, on ne peut pas parler ici !

Dans ce cas, monsieur le ministre, comme je vous l’avais demandé dans la discussion générale, j’aimerais être associée en amont à la rédaction du décret, afin de voir si l’esprit de la loi et les engagements pris sont réellement respectés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je suis tout à fait d’accord. Cela ne pose aucun problème et ce sera très transparent.

Mme Françoise Hostalier. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 105 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends.

M. le président. L’amendement n° 105 est repris par M. Brard.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 170.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin.

M. Claude Bodin. Monsieur le président, j’ai beau lire et relire l’amendement n° 167, je ne vois pas comment son adoption a pu faire tomber les amendements nos 20, 21 rectifié, 65 rectifié, 168, 22 et 90.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. En tant que rapporteur, je m’associe à cette remarque : je ne vois pas pourquoi ces amendements sont tombés. Ils contiennent des dispositions assez importantes et je souhaiterais savoir quand nous les examinerons.

M. le président. Puisqu’il y a un doute, monsieur le rapporteur, nous allons revenir en arrière et examiner les amendements précédemment tombés du fait de l’adoption de l’amendement n° 167.

Vous avez la parole pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement concerne les délais que la procédure devra respecter.

Tout d’abord, l’ensemble de la procédure ne pourra dépasser six mois, c’est-à-dire le délai donné au préfet pour instruire le dossier de regroupement familial. Autrement dit, je le répète, cette procédure n’allongera absolument pas le délai global.

Le projet de loi prévoit qu’un décret précisera le délai dans lequel la formation de deux mois maximum sera proposée une fois l’évaluation faite, mais rien n’est précisé quant au délai maximum dans lequel le demandeur est convoqué pour cette évaluation. Pour éviter des abus éventuels de consulats, l’amendement n° 20 prévoit que le décret fixera aussi le délai maximum dans lequel l’évaluation est proposée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je souhaiterais juste avoir une précision. Que se passe-t-il si, par malheur, le préfet ne répond pas au bout de six mois ? Est-ce que la demande tombe, est-ce que le regroupement familial est accepté ? Il est utile que la représentation nationale soit éclairée sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Si le préfet ne répond pas dans le délai, cela équivaut concrètement à un refus.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 21 rectifié et 65 rectifié. L’amendement n° 21 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement n° 188.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si l’article 1er précise déjà que la formation ne peut excéder deux mois, il convient de préciser par décret le nombre minimum d’heures qu’elle doit compter, quelle que soit l’évaluation des candidats.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre le sous-amendement n° 188.

Mme George Pau-Langevin. Notre proposition est conforme à ce qui est pour nous une obsession : assurer dans tous les cas une protection absolue s’agissant de l’exercice d’un droit, et cela suppose que la formation ne soit pas payante. En effet, l’exercice effectif de ce droit impose des délais précis, et votre proposition est une avancée en ce sens, monsieur Mariani. Mais il faut aussi qu’en aucun cas les coûts ne pénalisent les demandeurs.

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin pour défendre l’amendement n° 65 rectifié.

M. Claude Bodin. Cet amendement étant identique à celui présenté par le rapporteur, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 65 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 188 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’a pas été examiné par la commission. Si je suis d’accord sur le fond, je suis opposé à sa rédaction. Comme on l’a déjà expliqué, un certain nombre de droits seront en réalité réévalués. D’où un avis négatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 21 rectifié et le sous-amendement n° 188 ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Avis favorable à l’amendement. Quant au sous-amendement, l’avis est défavorable pour des raisons que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer à plusieurs reprises.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 188.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 168.

La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le soutenir.

M. Bernard Lesterlin. C’est ignorer la situation réelle et les capacités de nos services consulaires que de laisser croire qu’ils sont à même d’organiser tant les évaluations que les formations. À moins, monsieur le ministre, que vous n’ayez reçu l’assurance que votre collègue des affaires étrangères disposera des moyens nécessaires à l’exercice de cette mission, une telle proposition confirme que votre texte a pour seule fonction d’opposer de nouveaux obstacles et de nouveaux délais au regroupement familial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Négatif, monsieur le président : je préfère le texte de l’amendement n° 22, que je soutiendrai dans un instant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 175.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Thierry Mariani. L’importance de cette première disposition vous explique pourquoi je souhaitais vivement que cette série d’amendements soit débattue.

Si le texte est adopté, la connaissance des valeurs de la République sera évaluée au même titre que la maîtrise du français. Mais cette évaluation-là sera plus complexe à mettre en œuvre. Il est donc souhaitable de rendre le test le plus objectif possible, notamment en confiant à une commission ad hoc le soin de préciser les connaissances attendues de l’étranger, ainsi que de dresser la liste des questions appelant des réponses simples qui pourraient être posées.

Nous avons déjà eu ce débat en 2003 et en 2006 : il s’agit de définir concrètement le contenu des valeurs de la République dont on exige la connaissance, afin d’éviter que, de Minsk à Bamako, cette définition ne varie selon la subjectivité de l’employé consulaire ou de l’agent de l’ANAEM chargé de l’évaluation.

Mon amendement – je parle sous le contrôle de M. Blisko et de Mme Pau-Langevin, qui ont participé à la quasi-totalité des auditions – a pour but d’arriver à mettre en œuvre un dispositif équivalent à celui qui existe en Hollande, ou dans d’autres pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Braouezec. Vous voulez dépénaliser la consommation de cannabis ?…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Attendez avant de protester !

Il s’agirait de confier à cette commission ad hoc, composée, je le répète, non pas de parlementaires, mais d’intellectuels ou d’universitaires, le soin d’élaborer une sorte de corpus d’une centaine de questions clés qui font les valeurs de la République.

M. Serge Blisko. Un quiz !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela permettrait d’éviter tout à la fois l’arbitraire, les hésitations, les différences d’appréciation entre les consulats. Certains me diront peut-être que c’est du bachotage, mais au moins le candidat à l’immigration aura en main, comme c’est le cas dans d’autres pays – j’ai cité les Pays-Bas mais il y a d’autres exemples – cent questions clés, ou cinquante, ou vingt : ce sera à la commission de préciser le nombre et la nature de ces questions permettant de définir les valeurs de la République.

M. Patrick Braouezec. Qu’est-ce que la fraternité, par exemple ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce sera toujours de beaucoup préférable au flou actuel, qui autorise des différences d’appréciation.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir le sous-amendement n° 175.

Mme George Pau-Langevin. Vous voyez bien la difficulté dans laquelle nous plonge un texte qui subordonne la venue des familles à la connaissance des valeurs de la République, alors que nous sommes nous-mêmes dans la perplexité quand il s’agit de définir ce sur quoi on va les évaluer en réalité.

Ce serait quand même une régression étonnante pour notre République que de devoir réduire ses valeurs à un QCM, comme je l’ai entendu. Là est toute la difficulté pour vous : les principes, d’éducation civique, d’organisation de l’État, ce sont là des choses claires. Mais quand on commence à parler de valeurs, le dossier est infiniment plus difficile, et il suppose au moins qu’on consulte au préalable des philosophes, des écrivains, de grands intellectuels.

Cela ne me gêne pas qu’on en débatte à l’infini : un tel débat ne manque pas d’intérêt. Ce qui est sidérant, c’est que cela vous permet, pendant ce temps-là, de bloquer des gens aux portes de notre pays ! Et je ne parle pas des risques d’arbitraire.

Le problème de fond qui justifie également mon sous-amendement, c’est le ministère auquel est attribuée la responsabilité d’évaluer la connaissance des valeurs fondatrices de la République : on ne peut pas laisser une telle mission dans les seules mains du ministre chargé de l’immigration. Si l’on juge qu’il est indispensable de connaître les valeurs de la République pour venir en France, il est tout aussi indispensable que cette commission soit placée sous l’autorité du Premier ministre. En effet, s’agissant de définir les valeurs de la République, la légitimité des ministres de l’éducation nationale, de la culture ou des affaires sociales est tout aussi manifeste que celle du ministre de l’immigration, quelle que soit la compétence de ce dernier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il a été repoussé par la commission. Nous pensons que le ministre de l’immigration est tout à fait compétent dans ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Avis favorable à l’amendement. L’idée, monsieur le rapporteur, est que cette commission soit composée rapidement et qu’elle comprenne un nombre relativement restreint de membres, qu’ils soient universitaires, sociologues, parlementaires ou autres. Il ne s’agit pas de mettre en place une instance pléthorique, qui n’aboutirait effectivement qu’à bloquer, ou du moins à ralentir considérablement la mise en œuvre de cette proposition.

Cela suppose aussi l’engagement que cette commission resserrée se réunisse sans retard, de manière que nous obtenions rapidement une définition des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons tous.

À ces trois conditions, l’avis est favorable.

M. le président. Et qu’en est-il du sous-amendement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Avis défavorable pour toutes les raisons que vous imaginez. À titre personnel, je vous remercie, madame Pau-Langevin, pour la première fois de ce débat – et j’espère que ce ne sera pas la seule –, de votre conclusion, qui était exceptionnellement plutôt aimable à mon endroit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Serge Blisko. Mme Pau-Langevin est toujours aimable !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Surtout qu’elle ne soit pas choquée de l’avoir été !

Mme George Pau-Langevin. Monsieur le ministre, si vous aviez accepté notre proposition d’associer plusieurs ministères à ce travail, nous aurions voté l’amendement de M. Mariani. Malheureusement, comme vous ne voulez pas de notre sous-amendement, nous ne pourrons pas avoir l’amabilité de vous suivre !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je vous demanderai, monsieur le ministre, d’apporter un peu de clarté à ce débat, dont je n’arrive pas à bien saisir les termes.

Il faut appeler un chat un chat. Alors que vous dites que l’exigence d’une formation n’est pas assortie d’une sanction, on découvre qu’il y a en réalité une double sanction : le test prévu à l’article 1er et l’évaluation introduite par l’amendement n° 19 de M. Mariani. Il faut être clair : le candidat à l’immigration subira bien deux niveaux d’évaluation.

Ensuite, vous dites que la formation sera gratuite, quels que soient les textes. Là encore soyons clairs : vous avez, en refusant l’amendement de M. Mamère, parlé de « mutualisation ». On pourrait en déduire que les immigrés seront amenés à supporter en partie la charge financière par le biais de la taxe sur l’attestation d’accueil, dont on a indiqué hier que le rendement devrait être de 17,6 millions d’euros. Pire : les autorités n’assument même pas les frais de dossier, puisqu’ils sont compris dans ce dispositif.

En conclusion, je tiens à souligner que les valeurs de la République sont des valeurs dont on est imprégné et que l’on partage, et non les cent questions clés auxquelles j’ai été très surpris, monsieur Mariani, de vous entendre les réduire. La France est une société multiculturelle, même si elle ne le sait pas encore, comme on le voit ici aujourd’hui. Un des grands principes civiques qui fondent les valeurs de la République nous commande de ne pas tenir pour quantité négligeable les valeurs propres à la société d’origine de l’immigré. En effet, si les valeurs de la République française sont réellement universelles, soyez conscients qu’elles règnent également dans les pays de ces hommes et de ces femmes, car il s’agit des valeurs de l’humanité dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne peux qu’abonder dans le sens de M. Letchimy. Je voudrais aussi demander à Mme Pau-Langevin si, dans la situation politique actuelle, il faut vraiment soumettre à notre examen un sous-amendement qui fait du Premier ministre le garant des valeurs de la République : je ne sais pas si nous avons encore un Premier ministre ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) À quoi bon en effet s’adresser à un simple « collaborateur », pour reprendre le mot du Président de la République lui-même ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Le Premier ministre devra peut-être demander au Président de la République la permission d’être un des garants des valeurs de la République.

M. Patrick Braouezec. Autant demander que cette commission relève directement du Président !

M. Noël Mamère. D’autre part, le fond du sujet reste le même, et c’est celui qui vient d’être évoqué : toutes ces exigences supplémentaires que vous ne cessez d’inventer ont pour finalité véritable d’entraver le regroupement familial.

Quant aux valeurs de la République, je le dis sans vouloir polémiquer, on voit bien depuis quelques mois quelles valeurs sont promues par cette nouvelle majorité, qui ne fait que poursuivre l’œuvre de la précédente, et par le Président de la République. Faut-il rappeler ses escapades aux États-Unis ou sur le yacht de M. Bolloré, au lendemain de la victoire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Président de la République, premier magistrat de notre pays, donne l’exemple : c’est l’image de notre pays à l’étranger, notamment aux yeux des candidats au regroupement familial originaires d’un pays pauvre.

On voit combien la définition des valeurs peut être le domaine de l’arbitraire et du flou, tant elles peuvent être interprétées de manières différentes. La commission dont vous nous proposez la mise en place ne sera qu’un comité Théodule de plus, qui ne servira à rien.

À propos des cent questions clés que vous suggérez, monsieur Mariani, je remarque qu’au fur et à mesure de vos amendements, vous placez la barre de plus en plus haut. Les valeurs de la République, la langue : il faudra bientôt être agrégé pour pouvoir entrer dans ce pays !

C’est n’importe quoi ! Vous tentez encore de maquiller derrière ces amendements votre volonté de freiner systématiquement l’immigration liée au regroupement familial. C’est clair et c’est la raison même de vos propositions relatives à un comité composé par le ministère de l’immigration et de l’identité nationale.

Quant au nom même d’« immigration et identité nationale », voilà déjà un bon sujet de réflexion et de méditation pour l’Assemblée : il en dit long sur l’idée que vous vous faites des valeurs républicaines !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, j’ai l’impression que pour mettre en œuvre ce corpus de valeurs de la République, une commission est inutile. En effet, les contrats d’intégration contiennent déjà des dispositions relatives à ces valeurs. Il en va de même pour la procédure de naturalisation. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait encore créer une commission à cette fin. Mieux vaut gagner du temps. Je rejoins, en cela, Mme Pau Langevin : ne faisons pas attendre à nos frontières tous ceux qui devraient aujourd’hui faire la preuve de leur connaissance des valeurs de la République.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Monsieur le ministre, j’ai rappelé hier les problèmes et les difficultés rencontrés par les femmes des pays d’émigration – qui, je le rappelle aussi, sont les principales bénéficiaires du regroupement familial. Comme je l’ai indiqué, 60 % à 70 % d’entre elles – et 90 % en Côte d’Ivoire – sont analphabètes, ne vont pas à l’école. Elles sont responsables de leurs enfants, puisque leurs maris sont en France, et sont souvent éloignées des centres consulaires, avec peu de moyens et des emplois précaires. Comment voulez-vous qu’elles puissent se rendre dans les consulats ? Comment voulez-vous, en outre, qu’elles puissent répondre aux cent questions que vient d’évoquer M. Mariani ? Vous nous proposez une loi qui fait le tri entre les bons et les mauvais, entre les hommes et les femmes, entre les riches et les pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Toujours sur le thème de la connaissance des valeurs de la République, je serais étonné que les questions imaginées par la commission pour ces QCM ne soient pas rendues publiques, ne serait-ce que par la presse. Outre ce qu’il y aurait de bizarre à transformer les consuls en Julien Lepers locaux chargés d’animer un « Questions pour un champion de l’immigration », certains sites Internet ne manqueraient donc pas de proposer des kits de réponses.

M. Manuel Valls. Première question : qui est M. Mariani ?

M. Nicolas Perruchot. En Hollande, par exemple, pays qu’a cité M. Mariani et que je connais bien, l’Internet s’est révélé une source de difficultés. Certaines personnes qui vendent ou organisent de manière quasi-mafieuse le passage d’immigrants originaires du tiers-monde dans des pays européens pourraient ainsi donner toutes les réponses types.

M. Patrick Braouezec. Il n’y a pas besoin de réponses types !

M. Nicolas Perruchot. L’objectif initial, qui est un objectif noble : la bonne connaissance des valeurs de la République, serait entièrement dévoyé. Il suffirait de cocher des cases et ce processus se retournerait contre nous.

Comme l’a souligné Étienne Pinte, les discussions animées par les maires ou les maires adjoints dans le cadre des auditions organisées dans de nombreuses communes permettent de bien appréhender la connaissance des valeurs de la République. Je doute en revanche qu’avec un QCM on puisse atteindre l’objectif visé.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je n’arrive pas à comprendre le raisonnement du Gouvernement. Lorsqu’on apprend une langue ou les mathématiques, on acquiert des connaissances objectives et on peut répondre à des questions concrètes : un plus un font deux. En revanche, les questions sur les valeurs de la République ont un caractère très personnel. Nous sommes tous ici des républicains démocrates…

M. Jean-Pierre Brard. En théorie !

M. Patrick Roy. M. Brard a raison de m’interpeller ainsi. Toujours est-il que chacun met derrière ces mots ce qu’il ressent. Et je suis persuadé que si l’on nous soumettait une liste de cent questions, alors même que nous sommes tous ici plutôt concernés par la chose publique, nous ne ferions pas les mêmes réponses. J’accepte que, si je réponds qu’un et un font trois, on puisse m’objecter que j’ai tort, mais je ne saurais accepter qu’on me dise, lorsqu’il s’agit de réfléchir, que je n’ai pas répondu ce qu’il fallait à la question n° 42 et que j’ai échoué.

Il y a une contradiction entre la notion de connaissance, qui est concrète, et celle de valeur, qui est très subjective et qui le restera même si on crée une commission. En posant de telles questions à des gens qui sont parfois très éloignés de notre culture et qui ne pourront appréhender nos valeurs que lorsqu’ils seront dans le bain français, nous irions au-devant de terribles dangers.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 175.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 90.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Cet amendement de repli est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Négatif.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 169.

La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le soutenir.

M. Bernard Lesterlin. La mise en place de la formation prévue au présent article suspendrait le délai de deux mois à partir duquel un refus peut être prononcé. Le défaut de formation sommaire ne saurait, en toute hypothèse, justifier le refus d’un visa, qui conditionne l’exercice du droit au regroupement familial.

Si, comme je le comprends, la majorité est opposée à une telle disposition, c’est bien la preuve qu’elle tient à rendre plus complexe l’obtention des visas au titre du regroupement familial, et non pas à la simplifier. L’amendement n° 169 propose donc de suspendre le délai de deux mois à partir duquel un refus peut être prononcé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. En outre, la question des délais a déjà été évoquée par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 169.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je rappelle qu’à la demande de la commission, nous allons directement passer à l’examen de l’article 4.

Article 4

M. le président. Sur cet article, quatre orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Cet article est, je le répète, encore plus incompréhensible – je dirais même : plus scandaleux – que les dispositions relatives aux regroupements familiaux, car vous vous en prenez ici directement, au droit absolu de se marier avec la personne de son choix. Vous avez fait voter très récemment une loi vous permettant de vous assurer que le mariage est réel, et même qu’il est consommé. Les fonctionnaires chargés de ce travail dans le 20e arrondissement de Paris, que j’ai rencontrés, sont d’ailleurs très gênés de ce qu’on leur impose de faire. Ils se demandent de quel droit ils peuvent poser des questions aussi intimes.

Une fois le mariage transcrit et reconnu valable, lorsque la personne concernée demande que son conjoint la rejoigne, vous imposez une série de conditions floues, où il est notamment question de connaissance des valeurs de la République, et une formation dont on ne sait pas comment elle se déroulera. Beaucoup de gens essaient bravement de comprendre ce qu’ils devront faire, mais personne ne sait précisément ce qu’il en sera des projets que vous lancez.

Nous ne pouvons donc être d’accord sur un texte de cette nature, qui fera se demander à de nombreux Français vers quel régime totalitaire nous nous acheminons.

Vous savez bien, pourtant, que toutes les restrictions, les difficultés, les entraves que vous pourrez imposer au regroupement des familles ne serviront à rien. Vous n’empêcherez pas les Français de se marier avec qui ils veulent, que ces gens soient originaires du Zimbabwe, de Chine ou du Japon. Votre tentative est vaine : non seulement elle est désagréable et nous révulse, mais elle est encore inefficace. De tout temps on a essayé de mettre des barrières à l’amour – relisez la littérature : depuis Roméo et Juliette, on a tout vu. En Afrique du Sud, on a vainement tenté d’interdire certains mariages. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Arrêtez donc de vouloir séparer les familles et empêcher les Français de se marier avec qui ils veulent : cela ne servira à rien !

M. Patrick Braouezec. L’amour prend toujours le dessus !

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous votre jeunesse, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vous rappelle que ma femme n’est pas française, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Justement !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, je m’inscrirai, comme vous vous en serez douté, dans le droit fil de Mme Pau-Langevin. En Guyane, dans la permanence que je tiens depuis que je suis élue, je reçois de nombreuses demandes, émanant notamment de Français résidant en Guyane et confrontés au fait que les services consulaires des pays voisins ont du mal à délivrer des visas à leurs épouses.

Cet opprobre qui touche non seulement les étrangers, mais aussi nos propres compatriotes, Français ou Françaises comme nous, qui choisissent d’épouser un étranger, m’inspire un sentiment bizarre. Êtes-vous contre les mariages mixtes, ou bien y aurait-il dans votre conception de l’identité nationale des relents que je ne voudrais pas qualifier ici et qui, me semble-t-il, ne devraient pas exister ?

M. Serge Blisko. Des relents xénophobes !

Mme Chantal Berthelot. Sachez du moins que je m’oppose totalement à cet article, contraire à l’universalisme de la France et au respect des choix que font les individus dans leur vie privée. Ne jetez pas l’opprobre sur nos propres concitoyens avec cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet article nous place au cœur même de ce que vise réellement le projet de loi que nous examinons. Ce texte est, d’un point de vue général, assez simple. Vous avez décrété qu’il fallait 50 % d’immigration « choisie » et 50 % d’immigration « subie » – il s’agit là respectivement de l’immigration économique et de l’immigration familiale. La part de l’immigration économique étant aujourd’hui de l’ordre de 7 % du total, vous voulez, pour parvenir au taux de 50 %, comprimer fortement l’immigration familiale. Tel est l’objectif de votre texte.

Ce qui, dans l’immigration familiale, a progressé de manière relativement importante ces dernières années, ce n’est pas le regroupement familial – qui, avec 20 000 à 25 000 personnes par an, reste stable depuis dix ans –, mais l’arrivée en France de conjoints et conjointes de Français, qui a doublé au cours des dernières années et concerne aujourd’hui environ 50 000 personnes étrangères.

Il est donc clair que votre projet de loi vise essentiellement à comprimer, à limiter cette immigration. Et il est important que la représentation nationale sache que ce texte va d’abord concerner des Français avant même de concerner des étrangers. Ceux-ci le seront aussi, mais ce sont nos compatriotes qui auront de plus en plus de difficultés à faire venir leur conjoint ou leur conjointe.

Sur ce plan, je trouve que votre analyse est peu étayée. L’essor de l’immigration liée au mariage est tout simplement dû au mouvement d’internationalisation. Les Français, qu’ils soient d’origine étrangère ou non, ont de plus en plus de relations avec les autres pays, et donc se marient avec des étrangers. C’est un mouvement à la fois assez irrépressible et plutôt positif. L’augmentation du nombre des mariages mixtes, ces dernières années, n’est pas condamnable, et me semble même être un élément favorable pour la France car cette évolution est liée au fait que notre pays, comme d’autres, se retrouve dans ce mouvement d’internationalisation et y participe. Vouloir mettre en cause ce type d’immigration, c’est attenter à un mouvement qui me paraît très positif. Nous avons là un désaccord important.

Ensuite, je crois que vous ne mesurez pas les conséquences de ce texte pour certains de nos compatriotes. Beaucoup de parlementaires, dès lors que cette loi sera promulguée, seront sans doute saisis par de nombreuses demandes de Français ou de Françaises qui n’arriveront pas à faire venir leur épouse ou leur époux en France, alors même que notre législation nous prévenant aujourd’hui contre les mariages abusifs, leur mariage est parfaitement régulier. Je ne sais pas ce que nous leur répondrons quand ils viendront nous expliquer qu’ils ne peuvent pas faire venir assez rapidement leur conjoint en France.

Le mouvement des mariages mixtes est positif, je le répète, pour notre pays. Or vous allez créer des barrières qui ne seront pas comprises et qui seront même insupportables pour bon nombre de nos compatriotes. Pour ces raisons, je pense que vos mesures sont extrêmement dangereuses.

De toute façon, que vous le vouliez ou non, vous ne pourrez pas juguler ce type d’immigration par des mesures administratives. Nous le savons bien, les Français arriveront à faire venir leur conjoint. Vous allez donc gonfler l’immigration irrégulière.

Il y a un désaccord entre nous sur les finalités, sur les objectifs et aussi sur les répercussions de votre dispositif. C’est pourquoi nous ne pourrons évidemment pas accepter ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous participez d’un régime liberticide. Et je vais en fournir la preuve. Le droit au mariage et celui de vivre ensemble quand on est mariés sont des droits imprescriptibles. Je vais vous donner l’exemple d’un couple qui s’est marié à Montreuil, ma ville, le 6 novembre 2004. Le conjoint est de nationalité algérienne. Il lui a été demandé de retourner en Algérie pour régulariser sa situation.

Mme Delphine Batho. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Il a obtempéré. Depuis, son épouse a fait deux demandes de regroupement familial : l’une, le 16 septembre 2005, l’autre, le 27 novembre 2006. Pour obtenir une réponse à la première demande, il lui a fallu attendre onze mois ; pour obtenir une réponse à la seconde, quatre mois. Deux réponses négatives… Au nom de quoi, de quelle loi, de quel principe fondamental, interdisez-vous à cet homme et à cette femme de vivre ensemble ? Et je vous rappelle qu’ils sont mariés. La justification du refus, dans la lettre envoyée par la préfecture, c’est que les conditions d’habitabilité ne seraient pas réunies. Mais de quoi se mêle l’administration d’État ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous confondez deux articles !

M. Jean-Pierre Brard. Et vous allez procéder de la même façon, avec les mêmes conséquences, pour les conjoints de Français ! Vous allez renvoyer les gens dans leur pays d’origine pour qu’ils demandent un regroupement familial.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez les soumettre aux deux examens que vous cherchez à valoriser depuis le début de notre discussion. Nous en revenons au fond de l’affaire : vous voulez envoyer des signaux très forts aux pays d’émigration : chez nous, les étrangers ne sont pas bienvenus, même quand ils ont décidé de se marier.

L’exemple que citait Étienne Pinte était tout à fait éclairant, mais nous en avons tous autour de nous ! Permettez-moi de citer mon cas personnel : ma première épouse était allemande et ne parlait pas un traître mot de français lorsque nous nous mariâmes. Si vous aviez été au pouvoir à cette époque, je n’aurais pas pu progresser en allemand puisque le fait qu’elle ne parlât point notre langue nous obligeait à communiquer dans la sienne ! Vous êtes en train de vous mêler de la vie privée des gens. Vous voulez les empêcher de vivre ensemble parce que vous voulez promouvoir la haine de l’étranger (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean-Pierre Gorges. Vous exagérez, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. …la méfiance, la xénophobie ! (Mêmes mouvements.) Pendant que vous occupez l’espace politique avec ces questions, vous réglez vos petites affaires autrement. Car vous avez des comportements plus avenants, plus affectueux, avec certains dès lors que vous les considérez – pour des raisons qui ne sont pas toujours convenables d’ailleurs.

La mesure que vous préconisez à l’article 4 est une extension du dispositif mis en place dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration créé par le projet Sarkozy relatif à ce que vous aviez cyniquement appelé « l’immigration choisie ». Vous avez fait voter des lois. Mais où est leur évaluation ? Vous seriez bien venus de vous inspirer de ce que dit le président d’Emmaüs France, Christian Deltombe – qui a au Gouvernement au moins un supporteur, M. le haut-commissaire, que vous fréquentez tous les mercredis matins, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d’État. Que dit M. Deltombe ? Il suggère, dans son courrier du 10 septembre dernier, qu’avant toute adoption d’une nouvelle loi, on puisse évaluer avec précision les effets des précédentes. Évidemment, tout cela ne vous intéresse pas parce que le dialogue – on l’a déjà vu hier –, c’est à la hussarde que vous le menez dès lors qu’il s’agit de choses importantes.

M. le président. Monsieur Brard, je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous savez bien que ce que j’évoque renvoie à des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, que le ministre viole. Il est vrai que l’exemple vient de haut puisque chaque jour le Président de la République viole l’article 5 de la Constitution.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 4.

Je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 148 et 176.

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 148.

M. Noël Mamère. Nous proposons la suppression de cet article parce qu’il modifie la loi CESEDA sur l’entrée et le séjour des étrangers et des demandeurs d’asile, et qu’il complique encore la situation des conjoints de Français. En effet, vous les obligez à apprendre le français dans leur pays d’origine alors même qu’ils pourraient le faire dans le pays d’accueil auprès de leur conjoint. C’est une barrière supplémentaire que vous êtes en train d’imposer. Cela montre bien, une fois de plus, l’esprit de ce texte, qui vise à créer des ségrégations entre les demandeurs de regroupement familial. Votre dispositif créera une situation pratiquement inextricable pour les conjoints de Français. Il était pourtant compréhensible qu’ils apprennent le français auprès de celui ou celle avec qui ils ont choisi de faire leur vie, sur le territoire où il vit, c’est-à-dire la France. Et nous savons que c’est sur le territoire français, là où vivent les Français, que l’on apprend le mieux notre langue et les valeurs que nous partageons.

Par ailleurs, la formation proposée est totalement inutile. Aucune précision n’est apportée quant aux modalités du contrôle : quelle autorité procédera à l’évaluation ? Quels sont les critères qui détermineront l’obligation pour l’étranger de se soumettre à cette formation ? La grille d’évaluation sera-t-elle la même pour tous ?

Votre projet de loi prévoit également l’abrogation de la disposition qui permet au conjoint de Français entré régulièrement en France et pouvant se prévaloir d’une vie commune d’au moins six mois de présenter sa demande de visa long séjour auprès des services préfectoraux, donc sans devoir repartir dans son pays d’origine. La suppression de cette dérogation figurait déjà dans la première version de votre projet de loi, en 2006. Cela signifie que le ressortissant étranger devenu conjoint de Français sera privé de toute possibilité de régulariser sa situation administrative sur place. À l’époque, au cours des débats parlementaires, auxquels nous sommes ici un certain nombre à avoir participé, cette possibilité d’obtenir un visa en France était censée atténuer la rigueur du dispositif, notamment dans les cas humanitaires.

Je rappelle, comme l’a dit Jean-Pierre Brard il y a quelques instants, que le droit de mener une vie familiale normale est un principe général du droit et une exigence de l’article 8 de la CEDH, exigence qui semble difficilement compatible avec les barrières et les conditions que vous posez dans cet article 4 à l’encontre du regroupement familial, en particulier s’agissant des conjoints de Français.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 176.

M. Serge Blisko. La défense de cet amendement s’appuie sur les observations qui ont été faites tant par M. Caresche que par M. Mamère.

Les ressortissants français qui ont eu la mauvaise idée, si je puis dire, de se marier avec une personne étrangère vont se trouver plus qu’ennuyés, leur couple sera soumis à un véritable marathon, qui passera par l’obligation pour le conjoint ou la conjointe de repartir dans son pays d’origine pour y solliciter un visa.

M. Jean-Pierre Brard. Qui ne sera pas accordé !

M. Serge Blisko. D’une part, vous allez placer ces personnes dans la pire des situations, la non-réunion des familles. D’autre part, vous allez les punir, à une époque où des dizaines de milliers de jeunes Français et Françaises voyagent, font des stages, travaillent à l’étranger, cette mobilité étant d’ailleurs bienvenue puisqu’elle permet des échanges économiques, culturels ou scientifiques.

Nul doute, mes chers collègues, que, dans vos circonscriptions, vous allez entendre parler de l’extrême dureté de cette disposition et de l’impossibilité pratique de la mettre en œuvre. D’autant plus que l’argument que vous alléguiez l’an dernier, à savoir le mariage fictif, le mariage blanc, vous a amenés à mettre en place des verrous dans la loi sur la validité du mariage, ce qui permet maintenant de dire que les personnes que vous allez ennuyer – et le terme est bien faible : que vous allez condamner à la séparation – ne peuvent plus être a priori, grâce ou à cause de vos dispositifs, entachées du soupçon de mariage de complaisance.

Nous sommes face à une espèce de folie législative. Aujourd’hui, 50 000 à 60 000 personnes sont concernées par an ; elles seront 500 000 au bout de dix ans. Pensez-vous honnêtement que 500 000 personnes vont faire des demandes et essayer de venir prouver qu’elles connaissent le français ?

C’est aussi une folie d’enfermement, qui fait de nos nationaux français des sous-citoyens dans l’Union européenne. En effet, il y a un grand paradoxe eu égard à la législation européenne : un ressortissant de l’Union européenne peut, lui, faire venir son époux ou son épouse non membre de l’Union européenne sans aucune difficulté dans notre pays. Bref, le citoyen français qui a fait la sottise de se marier avec une personne hors UE sera en état d’infériorité réglementaire par rapport à un citoyen de l’UE. C’est totalement aberrant ! Ne nous obligez pas à conseiller à nos jeunes compatriotes qui ont eu la stupidité de se marier avec une jeune femme thaïlandaise ou japonaise de partir parce que c’est beaucoup plus accueillant ailleurs qu’en France !

En conclusion, cette disposition va donner de la France une image repoussante, y compris à nos propres nationaux ! Messieurs, vous faites un très mauvais travail législatif !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’avis de la commission vaudra pour ces deux amendements et les suivants. L’article 4 que nous commençons à examiner est le pendant de l’article 1er sur le regroupement familial, l’article 1er concernant les enfants, l’article 4, le conjoint.

M. Jean-Pierre Brard. Effectivement, c’est très équilibré !

M. Serge Blisko. Le conjoint de Français !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait ! Nous avons regroupé la discussion de ces deux articles puisqu’ils procèdent de la même logique.

M. Caresche n’est plus là, mais je suis entièrement d’accord avec lui : actuellement, les rapprochements conjugaux et les mariages binationaux augmentent de façon significative. Il n’est pas question de punir les personnes concernées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme George Pau-Langevin. Si, c’est ce que vous faites !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’est pas question de les condamner. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Elles sont punies ! Elles sont mises à l’index ! Et vous empêchez l’amour !

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Brard nous a fait part de son expérience personnelle. Mon propre conjoint est également non français et, de surcroît, non européen. Vous le voyez, nous n’avons pas été empêchés de vivre ensemble et nous le serions pas non plus demain !

M. Patrick Roy. Votre cas personnel date d’avant votre loi !

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi changez-vous la loi ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il ne faut pas caricaturer ! Je rappelle à mes collègues de la majorité et de l’opposition que ce que nous proposons n’est ni plus ni moins que ce qui a été accepté par les députés de gauche et de droite en Allemagne et en Hollande. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme George Pau-Langevin et M. Noël Mamère. Nous sommes en France !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela vous ennuie de vous entendre rappeler la position de vos collègues socialistes en Hollande et en Allemagne ! Pourquoi l’ont-ils acceptée ? Je vous rappelle que la toute petite formation linguistique demandée est au niveau A1.1 : le minimum. Dans certains cas, elle a permis également à des personnes victimes de mariage forcé ou arrangé de pouvoir s’exprimer.

Demander le minimum du minimum comme bagage linguistique avant d’arriver en France créera-t-il un handicap ? Je le répète, on ne demande pas le BEPC, mais le niveau A1.1 : savoir se présenter, demander où l’on va, faire une liste de commissions. Si vous regardez le tableau, le niveau demandé ne constitue pas du tout un obstacle.

M. Jean-Pierre Brard. La bonne portugaise !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je le redis : cela permet aussi à un certain nombre de personnes de s’exprimer devant les autorités consulaires.

Voilà pourquoi je suis opposé à ces deux amendements, comme je le serai aux suivants eu égard aux votes qui ont eu lieu à l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Blisko, en 2006, vous vous en souvenez, le Parlement, qui souhaitait faciliter la vie des conjoints de Français, a adopté des dispositions permettant, à titre exceptionnel, d’obtenir le visa de long séjour en France. Intellectuellement, l’idée était intéressante mais, à l’usage, ce dispositif s’est révélé une véritable usine à gaz.

Mme George Pau-Langevin. Il n’y a pas eu d’évaluation !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Une circulaire de quinze pages a été préparée par les services et, au bout d’un an, ce système s’avère, à l’évidence, inapplicable.

M. Jean-Pierre Brard. Les fonctionnaires ont bon dos !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Brard, écoutez d’abord ce que nous proposons ; vous ferez votre commentaire après ! Il est toujours préférable d’écouter une proposition avant de la commenter !

M. Jean-Pierre Brard. Nous connaissons la musique, et vous chantez faux !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Moi, je connais votre manière d’anticiper !

Nous proposons d’en revenir à la règle de droit commun, c’est-à-dire que le visa de long séjour ne peut être demandé et obtenu qu’à l’étranger. J’ajoute que cette règle est en vigueur dans tous les grands pays pour les conjoints de nationaux. C’est le cas en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, et je pourrais citer d’autres exemples. J’entends bien que comparaison ne vaut pas raison, mais cet élément d’appréciation est important.

Il va de soi, monsieur Blisko, que les conjoints de Français qui résident déjà régulièrement dans notre pays à un autre titre ne seront pas soumis à l’obligation de visa de long séjour. Vous avez beaucoup parlé d’amour ce matin, et je m’en réjouis, même si cela n’a pas suffi à apaiser les débats. Je prends donc un exemple simple : un étudiant étranger déjà installé sur notre territoire épouse une Française ; il ne sera pas contraint de repartir dans son pays d’origine pour obtenir de nouveau un visa. Les choses sont claires.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas dans le texte !

Mme Catherine Génisson. Et ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Les derniers propos de M. Mariani me heurtent, comme d’ailleurs ceux qu’il a tenus depuis le début.

Je crois qu’une loi doit être juste, qu’une loi doit être républicaine – nous avons parlé de ces fameuses valeurs de la République.

Je me suis demandé pourquoi tant de lois sur l’immigration avaient été discutées ces dernières années – quatre, cinq, six, on ne sait même plus, sans parler d’un débat dans quelques mois ! En réalité, en faisant beaucoup de lois, on donne le sentiment qu’on s’occupe de l’immigration, on adresse un message au pays. Voilà la raison.

Cette loi sur la maîtrise de l’immigration est d’abord une loi qui concerne les Français, puisqu’elle va embêter des milliers d’entre eux dans leur vie familiale. Nous dénonçons cette dérive et nous le disons haut et fort : cette loi porte atteinte à la vie privée. On ne peut pas empêcher, en France, les gens de s’aimer ! Or, en réalité, vous allez interdire l’amour entre un Français, ou une Française, et une personne originaire d’un autre pays. Je ne pense pas que nous, parlementaires, ayons le pouvoir de dire à des Français : « Vous n’avez pas le droit d’aimer ailleurs qu’en France ou dans l’Union européenne ! » Et encore moins de leur dire : « Vous auriez dû le faire avant que l’actuelle majorité ne propose une nouvelle loi ! »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Vous affirmez, monsieur le ministre, que les dispositions de la loi de 2006 n’ont pas fonctionné. Or il n’y a pas eu d’évaluation objective de cette loi. Votre nouvelle proposition repose donc, en réalité, sur une absence de démonstration.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez dit, et ce n’est sans doute pas de la mauvaise volonté de la part des services de l’État, nous connaissons tous des situations ubuesques de conjoints qui, vivant en France depuis longtemps, doivent retourner dans leur pays d’origine pour aller y chercher un visa. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons été confrontés aux demandes de ces personnes complètement déboussolées.

M. Jean-Pierre Brard. C’est pire que l’Union soviétique !

Mme George Pau-Langevin. Encore un mot monsieur le président.

M. le président. Votre groupe s’est déjà largement exprimé.

Mme George Pau-Langevin. Alors je ferai un rappel au règlement.

M. le président. Je vous en prie.

Mme George Pau-Langevin. Eu égard au rôle imparti au Parlement, l’article 4 est inadmissible. Nous sommes là pour dire le droit, pour faire la loi. Or lorsque le Parlement refuse une disposition que le Gouvernement veut inscrire dans la loi, ce dernier n’en reste pas là et la représente l’année suivante. J’ai le sentiment que si, cette année, nous disons encore non, on nous resservira la même disposition dans six mois !

Quel est le sens du travail que nous accomplissons à l’Assemblée ? À quoi servons-nous ? L’institution parlementaire est-elle respectée si, chaque fois que nous votons contre une disposition – comme le visa de long séjour qu’il faut aller chercher à l’étranger – le Gouvernement, de manière obsessionnelle, nous soumet toujours le même texte ?

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 148 et 176.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 239.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Les dispositions que vous imposez dans ce texte, qui visent à annuler celles de la loi de 2006, notamment pour ce qui concerne le visa de long séjour, et qui obligent un conjoint de Français vivant régulièrement chez nous depuis six mois à aller chercher maintenant sa carte de séjour dans son pays d’origine, sont inspirées par les lois qu’a fait voter l’ancien gouvernement, lesquelles reposent sur l’idée que, selon vous, les couples mixtes, les conjoints de Français sont en général des fraudeurs. Les arguments que vous évoquiez lors de la dernière législature portaient précisément sur la nécessité d’une moralisation des mariages mixtes et de la lutte contre les fraudes, que vous considériez comme massives.

Aujourd’hui, il faut essayer de faire un sort à ces mensonges puisque les chiffres montrent que les mariages dits « de complaisance » sont extrêmement marginaux. D’après le rapport du 15 mars 2006 de notre commission des lois, sur les 45 000 mariages franco-étrangers célébrés à l’étranger en 2005, le parquet de Nantes a enregistré 1 353 signalements pour mariage blanc, qui ont donné lieu à 687 décisions d’assignation, soit 1,5 % du total.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est énorme !

M. Noël Mamère. Cessons de faire croire que les mariages mixtes sont forcément frauduleux ou de complaisance. Par un tour de passe-passe, vous supprimez la disposition de la loi de 2006 dont Mme Pau-Langevin et M. Roy ont parlé tout à l’heure, afin d’entraver les mariages mixtes en obligeant l’un des époux à retourner dans son pays.

Je voudrais citer un exemple de la situation ubuesque et catastrophique de déstructuration d’une famille. Il m’est fourni par la CIMADE, qu’on ne peut soupçonner d’être partisane : c’est la seule association autorisée à pénétrer dans les centres de rétention.

M. Patrick Braouezec. M. le rapporteur l’a d’ailleurs citée en exemple !

M. Noël Mamère. M. T., algérien, est marié avec une Française depuis près d’un an et demi. Il se rend à la préfecture pour solliciter un titre de séjour, mais on refuse d’instruire sa demande au motif qu’il est entré sur le territoire français de manière irrégulière, et on lui enjoint de retourner dans son pays pour solliciter un visa de long séjour auprès du consulat de France. M. T. s’exécute et quitte la France en novembre 2006, laissant seule son épouse, alors enceinte. Il sollicite un visa une première fois ; la réponse tardant à arriver, sa femme se rend elle-même en Algérie pour obtenir des informations sur l’état d’avancement du dossier. Le consulat refuse de la recevoir et lui indique que les seuls rendez-vous accordés le sont au moment de la délivrance du visa et qu’elle doit téléphoner pour obtenir des renseignements, ce qu’elle avait essayé de faire sans succès avant de se résoudre au voyage. Mme T. retourne donc en France et attend la réponse, qui se révèle finalement négative, sans aucune motivation, sans aucune explication, alors que la loi prévoit explicitement une obligation de motivation des décisions de refus prises à l’encontre des conjoints de Français et que les seuls motifs pouvant justifier un refus sont le trouble à l’ordre public, la fraude ou l’annulation du mariage.

En février, Mme T. se rend de nouveau en Algérie pour obtenir des renseignements et savoir quelle est la procédure à suivre, mais elle se heurte de nouveau à un refus de la recevoir. M. T. dépose alors une nouvelle demande de visa, mais ne reçoit pas plus de réponse. De retour en France, la pauvre Mme T. prend contact avec la CIMADE, qui adresse un recours au ministère des affaires étrangères et au consulat de France à Alger. Grâce à cette intervention, le consulat reconnaît son erreur et délivre enfin un visa à M. T. après trois mois d’angoisse en Algérie et deux allers-retours inutiles de son épouse.

M. Roy l’a dit, les situations de ce type vont se reproduire par milliers puisque les mariages mixtes sont de plus en plus nombreux en France, ce dont on ne peut que se réjouir. Cela montre en effet que nous sommes en train de construire une société multiculturelle, ouverte sur le monde, alors que vous voulez, vous, un pays qui se rétracte, qui se referme, qui refuse l’amour et, surtout, qui ne veut pas que des étrangers viennent chez nous vivre avec des Français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je rappelle à M. Mamère que son amendement portait en réalité sur une incompatibilité avec un éventuel texte européen.

M. Noël Mamère. Tout à fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je le rassure : rien, dans la directive, n’interdit de poser une telle condition. La Commission l’a d’ailleurs officiellement confirmé, en son temps, au gouvernement hollandais.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. J’aimerais que M. Mariani me donne quelques précisions, car j’ai noté une contradiction entre l’exposé des motifs et le projet de loi, le premier étant beaucoup plus large que le second. Si j’ai bien compris, l’article 4, notamment l’alinéa 3, applique la même procédure aux enfants de plus de seize ans et aux époux. Mais l’exposé des motifs, qui, comme toujours, essaye de passer la brosse dans le sens du poil, cite trois cas en ce qui concerne les conjoints. N’y a-t-il pas une contradiction ou est-ce une volonté de masquer les choses ?

Le premier cas est celui, général, de l’époux ou de l’épouse. Mais l’exposé des motifs y ajoute celui « des nouveaux conjoints de Français qui sont titulaires d’une carte de séjour temporaire, comme étudiant ou visiteur par exemple », et qui « pourront changer de statut sans avoir à solliciter un visa de long séjour ». Ainsi, si un étudiant congolais épouse une Française, il n’aura pas besoin de retourner dans son pays pour solliciter un visa de long séjour : il pourra changer de statut sur place. A priori, cela va dans le bon sens, mais c’est l’exposé des motifs, ce n’est pas la loi.

Le troisième cas est plus intéressant encore, et va dans le bon sens : « L’étranger en situation irrégulière qui épouse en toute bonne foi un ressortissant français et se trouve dans l’impossibilité évidente de faire l’aller et retour avec son pays d’origine pour y solliciter un visa de long séjour pourra solliciter une admission exceptionnelle au séjour. » Nous sommes d’accord sur le principe, mais l’exposé des motifs ne doit pas être en contradiction totale avec le projet de loi. J’ignore à quel article du règlement il faudrait ici se référer, mais l’article 4 doit être mis en conformité avec l’exposé des motifs. Ces deux mesures marquent un esprit d’ouverture intéressant. Le rapporteur ou le ministre feraient preuve d’une certaine grandeur en proposant un amendement mettant la loi en cohérence avec leur conscience.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’alinéa que propose de supprimer l’amendement de M. Mamère concerne aussi des personnes qui vivent en France et sont mariées à nos compatriotes. Je souhaiterais, à ce propos, que M. le ministre réponde à la question de Mme Génisson et à l’observation de Mme Pau-Langevin sur les conditions dans lesquelles le Parlement travaille. La disposition ainsi remise en cause a été votée en 2006, a donné lieu à une circulaire du 17 mars 2007, c’est-à-dire il y a six mois jour pour jour. M. Hortefeux considérait, il y a quelques instants, que cette circulaire est inapplicable ou pas appliquée, mais nous n’avons aucune certitude. La commission des lois n’a pas eu connaissance de l’évaluation de l’application de cette circulaire. Nous nous interrogeons donc sur les conditions dans lesquelles nous travaillons et sur cette façon de défaire et de refaire la législation tous les six mois.

Cette disposition va obliger des personnes qui sont en France à retourner dans leur pays d’origine : des exemples ont été cités, et tous les parlementaires ont été confrontés à la question dans leur permanence. On ignore totalement si, de retour dans leur pays, ces conjoints de Français pourront obtenir, dans des délais raisonnables, un visa de long séjour en France. Il nous semble qu’il y a là une atteinte au droit fondamental de s’aimer et de mener une vie familiale normale, qui vaut pour nos compatriotes comme pour les étrangers. On peut se demander ce qui se passera pour une femme enceinte ou pour une personne qui a des enfants scolarisés en France et qui devra les laisser pour aller chercher un visa dans son pays d’origine.

Cette disposition crée enfin une nouvelle catégorie de « ni ni » : des étrangers arrivés en France avec un visa de tourisme, qui ont eu le malheur d’avoir le coup de foudre pour un de nos compatriotes, qui se sont mariés et qui ne sont ni expulsables, puisqu’ils ont épousé un Français, ni régularisables, puisque disparaît la possibilité permise par l’alinéa qu’on nous propose de supprimer. Nous aurons donc, de nouveau, des étrangers qui ont vocation à l’intégration, à accéder à la nationalité française, mais qui se trouvent dans des situations inextricables. Comme je pense que le Gouvernement le sait parfaitement, nous baignons en pleine hypocrisie. On lit dans le rapport de la commission des lois qu’il est inutile de s’inquiéter, puisqu’il restera, à titre exceptionnel, la possibilité d’admettre ces personnes au séjour. Nous en reviendrons donc à la nécessité d’alerter les ministres sur telle ou telle situation particulière qu’on nous aura signalées dans notre permanence et qu’auront créées ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 239.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement concerne l’exemption des conjoints de plus de soixante-cinq ans.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Avis naturellement favorable.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes humains sur le tard ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. Monsieur Mariani, vous êtes l’antidote à l’amour ! (Rires.)

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Nous sommes hostiles à l’ensemble de ce texte. Mais cette disposition devant l’adoucir, nous la voterons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 177.

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.

Mme George Pau-Langevin. Pour les conjoints de Français, nous considérons que la formation ne peut être que facultative et gratuite. Cette question n’est pas mineure. Quand vous créez de tels obstacles au mariage des Français et des étrangers, vous sous-estimez la situation réelle de la population. Votre objectif, c’est d’éviter que des étrangers − ces « femmes en boubou » dont parlait quelqu’un − entrent sur notre territoire, mais vous n’avez pas mesuré la solitude de beaucoup de gens qui ne se marient pas, par exemple dans les campagnes françaises. Très souvent, ces gens-là sont très heureux de pouvoir épouser un étranger. Voulez-vous les obliger à vivre seuls, simplement parce que vous êtes partis de l’idée salon laquelle se marier avec un étranger, ce n’est pas bien ? Pourquoi ne pas tenir compte de la réalité ? Certains, en France, ont des problèmes de vie affective et veulent absolument se marier. Pourquoi s’opposer à ce qu’ils mènent leur vie comme ils l’entendent ? Les parlementaires ne peuvent tout de même pas décider, sous prétexte que certains d’entre eux ont une obsession, que quelqu’un va passer sa vie tout seul, se coucher seul tous les soirs !

Prenez le dernier et fameux roman d’Amélie Nothomb. Ce n’est pas une étrangère en situation irrégulière. Dans sa jeunesse, elle est partie pour le Japon où elle a rencontré un Japonais : elle a vécu avec lui une très belle aventure, qu’elle raconte dans un très beau livre. Si, aujourd’hui, Amélie Nothomb voulait amener son Japonais en France, vous lui diriez qu’elle n’en a pas le droit, puisqu’il ne sait pas le français. Vous êtes en train d’empoisonner la vie d’une foule de gens qui sont parfaitement insérés et qui vivent d’une manière absolument normale. Vous êtes même en train de gâcher la vie de gens très brillants qui font honneur à la littérature francophone.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis négatif. Nous l’avons déjà dit à propos de l’article 1er : nous voulons rendre le dispositif obligatoire. Nos collègues veulent le rendre facultatif. C’est toute la différence de fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis. L’article 4 est le symétrique de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 178, également de Mme Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 178.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 261.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. C’est un amendement de repli, qui devrait nous permettre de voir jusqu’à quel point vous êtes de bonne foi parce que, si vous l’êtes, vous allez l’adopter.

Nous proposons que la formation puisse se dérouler aussi bien en France que dans le pays d’origine et que le lieu de résidence du couple soit pris en considération, l’objectif étant de respecter la vie de la famille.

Autrement dit, si l’aspirant au séjour est déjà sur le territoire, il n’y a pas d’obligation qu’il reparte – cela fera en outre moins de frais – et la formation que vous évoquez peut très bien avoir lieu sur le territoire français et non pas dans le pays d’origine. Le but de cet amendement est de faciliter le respect des liens familiaux, en restant dans le cadre du texte mais en l’améliorant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Braouezec, nous sommes cohérents. Nous voulons, je le répète, que la formation ait lieu à l’étranger et que la fin de la formation, une fois que la personne a acquis le niveau minimal nécessaire, ait lieu en France. Donc avis négatif.

M. Patrick Braouezec. C’est bien la démonstration que vous êtes de mauvaise foi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Braouezec, vous avez indiqué que votre amendement était un test pour vérifier si nous étions de bonne foi. Naturellement, nous entendons l’être mais, vous, vous ne l’êtes pas entièrement car, en réalité, ce que vous proposez, c’est purement et simplement de revenir sur la totalité du mécanisme.

Nous, nous souhaitons qu’il y ait une formation et un test qui soient organisés à l’étranger avant la venue sur notre territoire. Ce que vous proposez, vous, c’est le démantèlement de notre proposition. Vous comprenez bien que nous ne pouvons pas vous suivre.

M. Patrick Braouezec. Mais si la personne est en France, tenez-en compte !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 237, également de M. Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

M. le président. Avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 237.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 100.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 264.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes pour les droits de l’homme pourvu que ce soit à l’étranger mais, chez nous, dès lors qu’il s’agit des libertés de l’intime, vous portez le fer ! Un des piliers de votre politique est de désigner l’autre comme dangereux. Vous renouez avec les pires traditions : nous avons en effet quelques souvenirs de périodes où déjà, dans notre pays, l’étranger était désigné comme la personne dont il fallait se méfier. On se rappelle les années 30…

Votre texte institue une évaluation du degré de connaissance de la langue française des conjoints de Français pour lesquels le regroupement est sollicité. Cette mesure, vous le savez bien, va créer des difficultés matérielles et techniques dans les consulats et les ambassades de France, dans certains pays d’immigration où nos représentations connaissent déjà une charge de travail très importante. Nos diplomates sont très discrets, de même que nos ambassadeurs, mais quand nous nous déplaçons en mission et que nous parlons avec eux, nous voyons bien qu’ils n’en peuvent plus, tellement le Gouvernement a réduit leurs crédits.

Cette charge est si lourde et les moyens si insuffisants que l’accueil des personnes désirant y accomplir une quelconque formalité est extrêmement dégradé. Ainsi, à l’ambassade de France à Dakar, pour les demandes de visa, l’accueil est effectué par une entreprise de gardiennage qui renseigne le public sur les justificatifs à fournir et ne le fait même pas dans les locaux, mais dehors.

Dans ces conditions, on ne peut que s’interroger sur les conditions dans lesquelles auront lieu les évaluations. La tentation va être très grande, et c’est un penchant auquel vous succombez facilement, de les déléguer au privé. Il nous apparaît au contraire indispensable que l’évaluation soit entièrement conduite par des personnels compétents de la fonction publique. C’est pourquoi nous proposons qu’elle soit effectuée par des fonctionnaires français de catégorie A ou B.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Après nous avoir expliqué que les fonctionnaires de nos consulats étaient surchargés, M. Brard nous propose d’ajouter encore à leurs tâches.

Mme Pascale Crozon. Mais oui !

M. Patrick Braouezec. Il faut embaucher.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le dispositif prévoit que d’autres organismes, plus proches des intéressés et qui leur seraient plus accessibles que les consulats, les Alliances françaises par exemple, puissent aussi assurer la formation. Votre proposition serait donc, de surcroît, contreproductive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Brard, notre objectif est que la tâche de la formation n’incombe pas seulement à des fonctionnaires. Les personnels de l’Alliance française n’en sont pas. On pourra également faire appel, je vous l’ai dit tout à l’heure, à des organismes associatifs agréés. Votre proposition est beaucoup trop limitative ; elle nuirait à l’efficacité du dispositif et à la réalisation de l’objectif de protection auquel vous êtes attaché.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il est un peu étrange, monsieur le ministre, de vous entendre tenir ces propos alors même que, sur le territoire français, votre gouvernement a réduit de manière drastique les subventions allouées aux associations qui assurent l’intégration et l’apprentissage de la langue.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Mais d’où sort une telle affirmation ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. En tout cas, l’Alliance française n’est pas concernée.

M. Noël Mamère. Par ailleurs, s’il est légitime de souhaiter que ce soient des fonctionnaires spécifiquement formés qui assurent l’apprentissage de la langue, il est permis de douter de la réalisation de cet objectif au vu des propositions formulées par votre gouvernement et du souhait du Président de la République de supprimer un fonctionnaire sur deux.

Dans l’amendement précédent, l’amendement n° 100, je proposais que l’ANAEM…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Présente dans six pays !

M. Noël Mamère. Elle pourrait être développée. Nous pourrions fort bien nous servir de cet outil, qui n’a toujours pas été évalué mais qui peut être performant, et qui emploie des personnes formées pour l’apprentissage de la langue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vraiment, pour ceux qui regardent la retransmission de nos débats à la télévision…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Personne ne le fait !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez tort de penser, monsieur Mariani, que ne personne ne nous regarde. Ce qui vous amène d’ailleurs à tenir des propos inconsidérés.

J’ai affirmé, en effet, que les fonctionnaires de nos représentations étaient surchargés. C’est une évidence. Mais la solution, ce n’est pas de confier une tâche régalienne à des personnes qui ne sont pas fonctionnaires…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il faut embaucher alors.

M. Jean-Pierre Brard. …mais de donner des moyens supplémentaires à nos ambassades.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Article 40 !

M. Jean-Pierre Brard. Rappelez-vous qu’il y a deux ou trois ans, nos diplomates ont, pour la première fois, fait grève dans leurs ambassades. C’est le résultat de votre politique.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’était du temps de Villepin !

M. Jean-Pierre Brard. Sans doute, mais vous êtes solidaire de M. de Villepin, je n’en doute pas, y compris dans ses déboires.

M. Patrick Braouezec. Qui était ministre de l’intérieur ?

M. Jean-Pierre Brard. Sur un ton patelin, M. Hortefeux déclare que c’est pour le bien des candidats qu’il propose de recourir aux services de l’Alliance française, plus proches. La réalité, que moi, je connais, est tout autre.

Prenons l’exemple du Mali – les ressortissants maliens sont nombreux dans ma ville. Votre proposition alternative de confier ces tâches aux Alliances françaises ne tient pas en l’occurrence car il n’y a pas d’Alliance française proche.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il y a l’ANAEM.

M. Jean-Pierre Brard. En outre, vous avez réduit les moyens des Alliances françaises comme ceux de nos ambassades. Autant de faux nez ! Monsieur Hortefeux, lorsque vous ne serez plus ministre, on vous fera certainement une offre pour être sociétaire de la Comédie française. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Et à moi, non ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je ne comprends pas, monsieur Brard, pourquoi vous négligez le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement qui, lui aussi, a des ambitions à l’issue de ses responsabilités ministérielles. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Il fait déjà du théâtre !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Le Mali est un bon exemple : voilà précisément un pays dans lequel l’ANAEM est présente. Il y a même un centre culturel.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est vrai.

M. Jean-Pierre Gorges. Et paf !

M. Patrick Braouezec. Vous savez combien de temps il faut pour traverser le Mali et se rendre à Bamako ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Quant à vous, monsieur Mamère, je suis naturellement très attentif à chaque fois que vous vous exprimez : j’écoute avec beaucoup d’attention ce que dit la majorité mais également l’opposition, qui a les mêmes droits. Mais, depuis ce matin, j’entends des affirmations pour le moins péremptoires qui mériteraient d’être illustrées et surtout démontrées.

Ainsi, un parlementaire a prétendu ce matin que les décrets d’application n’avaient pas été pris. Vérification faite, tous l’ont été, sauf un.

Et à l’instant, vous venez d’affirmer que les crédits aux associations diminuaient. C’est même la deuxième ou troisième fois que vous le dites.

M. Noël Mamère. En effet.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. C’est bien de le dire, mais c’est encore mieux de le prouver. Je suis tout prêt à vous écouter et à en prendre acte. Mais indiquez-nous les associations pour lesquelles il y a eu diminution des concours de l’État.

M. Noël Mamère. Je le ferai.

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Vous avez également parlé de disparition de consulats, sous-entendant que beaucoup étaient concernés. Ce matin, j’ai été obligé de vous préciser qu’un seul était touché, au Rwanda. Il y a une différence entre « beaucoup » et « un seul ». La langue française est précise, soyons-le tous.

M. Jean-Pierre Gorges. Qu’il passe l’examen !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Ne vous contentez pas d’asséner ce que vous prenez pour des vérités, alors que ce sont en réalité des improbabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je n’ai jamais dit, monsieur le ministre, que des consulats disparaissaient. J’ai simplement indiqué, conformément au constat établi par un certain nombre de spécialistes, que les représentations diplomatiques, qui ne sont pas simplement les consulats, avaient baissé de 4 % en Afrique, ce qui s’inscrit dans la logique de rigueur dont a parlé, je crois, Mme la ministre Lagarde.

M. Jean-Pierre Brard. Qui n’a pas acquis la rouerie de M. Hortefeux ou de M. Karoutchi !

M. Noël Mamère. Beaucoup de nos collègues sont aussi maires ; ils savent très bien que, dans le cadre de la politique de la ville, un certain nombre d’associations qui font du soutien scolaire, de l’éducation, ont vu leurs subventions diminuer. Je vous en apporterai la preuve écrite dès que possible.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Karoutchi est jaloux de M. Hortefeux, mais il n’y a pas de raison, parce que c’est la même politique, aussi liberticide, qu’ils soutiennent.

Quand vous êtes gêné, monsieur Hortefeux, vous répondez à côté. Ainsi, vous ne m’avez pas répondu sur la réduction des moyens aussi bien de nos missions diplomatiques que des Alliances françaises. Prenons l’exemple de Yélimané ; vous ignorez où se situe cette ville mais les Maliens qui vivent en France, eux, le savent très bien : à 150 kilomètres à l’est de Kayes et 150 kilomètres à l’ouest de Nioro du Sahel, juste au-dessous de la frontière mauritanienne. Imaginons qu’une jeune française, malienne d’origine par exemple, ayant fait ses études chez nous, tombe amoureuse de quelqu’un de là-bas. Si le futur conjoint ou le conjoint malien maîtrise modérément la langue française et qu’il parle mieux le soninké que le français, il sera soumis à toutes vos turpitudes.

M. Thierry Mariani, rapporteur. S’il parle modérément le français, ça suffit !

M. Jean-Pierre Brard. S’il gagne dix ou quinze euros par mois, comment fera-t-il pour aller jusqu’à Bamako ?

En réalité, le signal que vous envoyez est clair : vous ne voulez pas de ces mariages mixtes et vous transformez le parcours du regroupement familial, bien que scellé par le mariage, en course d’obstacles. La République française, celle de la fraternité, celle de 1789, dont vous ne voulez pas cultiver l’héritage, ne peut pas se reconnaître dans cette démarche. Quelqu’un a dit, et c’est vrai, que nous avions commencé à changer de régime en 2002. Avec l’élection de Nicolas Sarkozy qui, chaque jour, viole la Constitution, nous avons vraiment changé de régime.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Oh !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Karoutchi, je vous vois lever les bras au ciel.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Disons les yeux, parce que vous économisez votre énergie.

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. On ne sait jamais !

M. Jean-Pierre Brard. Chaque jour, et vous le savez bien, vous qui êtes chargé des relations avec le Parlement, chaque jour, et on l’a encore entendu hier dans la bouche de M. Hortefeux, quand il a osé nous dire qu’il était chargé de mission par le Président de la République…

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Chargé d’une mission !

M. Jean-Pierre Brard. D’une ou de plusieurs, c’est pareil.

Chaque jour, donc, on constate un viol caractérisé de l’article 5 de la Constitution. Nous assistons à une déviance autoritaire du régime. Messieurs les ministres, comment expliquer aux petits voyous, que quelqu’un a voulu « karchériser », qu’il faut respecter la législation quand le premier personnage de l’État viole tous les jours notre loi fondamentale ?

M. Patrick Braouezec. Eh oui ! Le Président de la République ne connaît pas la Constitution !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je ferai un rappel historique pour répondre aux interrogations de Noël Mamère sur les crédits alloués aux associations. C’est entre 1997 et 2002, lorsque la gauche plurielle de Lionel Jospin était au pouvoir, que les crédits de la politique de la ville ont connu leur période la plus noire. (« Ce n’est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si ! Ils ont fortement diminué !

M. Nicolas Perruchot. En effet, durant cette période, le Parlement a voté chaque année, en loi de finances, des crédits assez importants, mais les gels budgétaires décidés par le gouvernement de l’époque ont complètement annihilé cet effort parlementaire. Résultat des courses : au début de 2002, en l’absence d’anticipation, les habitants des cités, où se sont d’ailleurs retrouvés beaucoup des gens qui avaient été régularisés, ont connu une situation de détresse, et je suis convaincu que cela explique pour une large part le vote populaire massif à droite auquel nous avons assisté.

Mme George Pau-Langevin. Et en 2005, vous avez eu les émeutes !

M. Nicolas Perruchot. Il faut savoir ce qui s’est passé à l’époque. C’est la gauche qui a procédé aux gels budgétaires et il a fallu l’arrivée de Jean-Louis Borloo pour que les crédits aux associations soient rétablis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 57, relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile :

Rapport, n° 160, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 112, de M. Philippe Cochet, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)