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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 18 juin 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Présidence française de l’Union européenne

M. François Fillon, Premier ministre

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère

3. Présidence française de l’Union européenne

M. Jérôme Lambert

M. Jean-Paul Lecoq

M. François Sauvadet

M. Jean-François Copé

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères

M. Pierre Lequiller,

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Présidence de M. Marc Laffineur

4. Nomination d’un député en mission temporaire

5. Réforme portuaire

Rappel au règlement

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendement no 81

M. Daniel Paul

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports

Amendements nos 50, 27, 51, 28, 52, 31, 82, 29, 32, 53 rectifié, 33, 54, 55, 24, 46, 102, 34, 67, 83, 25, 47, 103, 56, 57, 30, 8, 84, 58, 9, 43, 68, 59, 85, 60, 86, 26, 69, 87, 70, 10

Article 2A, 2B et 2

Article 3

Amendements nos 88, 15, 16, 17, 36, 89

Article 4

Après l’article 4

Amendement no 72

Article 5

Amendement no 73

Article 6

Amendement no 74

Article 7

Amendements nos 75, 12, 107, 6, 76, 37, 11

Article 8

Amendements nos 77, 90, 78, 91

Article 9

M. Philippe Duron

Amendements nos 79, 109, 38, 106

Article 10

Amendements nos 110, 95, 93, 98

Après l’article 10

Amendement no 99

Articles 11 et 11 bis

Article 12

Amendement no 42

Articles 12 bis et 13

Après l’article 13

Amendements nos 14, 3, 100, 4

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Présidence française
de l’Union européenne

Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la présidence française de l’Union européenne et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Roy. Applaudissements mesurés…

M. Maxime Gremetz. Serait-ce la grève des applaudissements ?

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs de l’opposition, rien ne vous empêche de joindre les vôtres à ceux de la majorité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la présidence française du Conseil de l'Union européenne va commencer dans moins de deux semaines. Elle suscite beaucoup d'espoirs parce que la France est attendue et respectée.

M. Christian Paul. Où sont les députés de la majorité ?

M. le Premier ministre. Cette présidence devra répondre à des interrogations de fond ; elle interviendra dans une période sensible, qui exigera du sang-froid et de la détermination ; elle débutera quelques jours après la décision des Irlandais de ne pas ratifier le traité de Lisbonne. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Maxime Gremetz. Bravo les Irlandais !

M. le Premier ministre. La vérité, mesdames et messieurs les députés, c’est que le résultat de ce référendum lance un défi à l'Europe. Je vous propose de l'aborder sans détours…

M. Christian Paul. Dites-le à M. Copé, qui n’est pas là !

M. le Premier ministre. …et surtout sans craindre de défendre à haute voix la cause européenne.

C'est l’Europe qui a mis un terme à des siècles d'affrontements entre nos nations ; c'est l’Europe qui a permis notre essor économique et social ; c'est l’Europe qui, sans un seul coup de feu, a rassemblé vingt-sept nations ayant décidé, de façon libre et souveraine, d'unir leur destin.

Moi qui fus hostile au traité de Maastricht (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et qui milite en faveur d'un patriotisme éclairé, j'affirme que la cause européenne mérite l'engagement déterminé de la France. En effet, si le défi lancé à l'Union est institutionnel, nous devons être vigilants car il prend, jour après jour, un caractère de plus en plus existentiel.

Après le « non » d'une majorité de Français et de Néerlandais, le « non » d'une majorité d'Irlandais nous somme de ranimer la flamme dangereusement vacillante de l'Europe. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Que l’Europe, l'une des entreprises les plus audacieuses de notre histoire contemporaine, l'une des œuvres politiques les plus bénéfiques pour notre continent,…

M. Maxime Gremetz. Pour les actionnaires, surtout !

M. le Premier ministre. …cette œuvre que plusieurs régions du monde observent avec envie, que cette Europe-là soit si peu considérée, voilà qui révèle un problème de sens.

Ayons le courage de le reconnaître : si l'Europe est mal aimée, c'est parce qu'elle est devenue le bouc émissaire de tous nos maux, y compris ceux qui ont bien peu à voir avec l'Union. Mais ayons aussi le courage de l'avouer : si l'Europe est mal comprise, c'est également parce que l'Union n'a pas su trouver les mots et les actes propres à susciter une adhésion plus puissante que la somme des contestations.

M. Patrick Roy. Et l’Europe sociale ?

M. le Premier ministre. L'Europe a besoin de retrouver un dessein politique, d'être portée par une âme commune. Au-delà des questions institutionnelles, elle doit tout à la fois nous protéger, nous séduire et nous grandir.

La carte du monde se couvre de défis nouveaux.

Défi : l'exceptionnelle montée en puissance des continents asiatique et indien, dont les forces bousculent nos héritages.

Défi : la prédation écologique, qui dérègle les équilibres naturels de la vie terrestre.

Défi : le regard d'une Afrique qui se tourne vers les richesses du Nord.

Défi, enfin, la cohabitation des civilisations, que le monde d’aujourd’hui s'ingénie, tout à la fois, à rapprocher et à diviser.

Dans ce monde prometteur et instable, l'Europe n'est pas condamnée à se taire et à subir. Face à ces défis, le « non » irlandais peut être considéré comme « injuste » (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)...

M. Maxime Gremetz. Au nom de quoi vous permettez-vous de juger un peuple ? Au nom de quoi ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. le Premier ministre. Vous auriez pu attendre la fin de ma phrase, monsieur Gremetz. Je la reprends donc au début : face à ces défis, le « non » irlandais peut être considéré comme « injuste », comme le disent certains commentateurs ; moi, je pense qu'il doit être analysé, respecté et considéré comme un appel supplémentaire à l'action et à la conviction. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Or la première de ces convictions, c'est que l'Union européenne ne doit pas rester paralysée. L'amertume et l'immobilisme n’auront pas leur place dans la présidence française de l'Union !

M. Jean-Pierre Soisson. Bravo !

M. le Premier ministre. Il y a un problème – un de plus, serais-je tenté de dire.

M. André Chassaigne. Oui, voyez les bancs de la majorité !

M. le Premier ministre. Eh bien, à nous de le relever. À nous de mesurer ce qui s'est exprimé en Irlande. À nous d’éviter toute interprétation hâtive, toute décision précipitée.

Lors du Conseil européen des 19 et 20 juin, nous allons, tous ensemble, examiner avec le Premier ministre irlandais comment gérer cette situation.

M. Patrick Roy et M. Christian Eckert. Faites voter les peuples !

M. le Premier ministre. À ce stade, je veux rappeler, avec Bernard Kouchner et Jean Pierre Jouyet,…

M. Jean-Pierre Brard. Où est-il, M. Jouyet ?

M. le Premier ministre. …notre adhésion de fond au traité de Lisbonne. N'en déplaise aux partisans du statu quo et aux promoteurs de l’introuvable plan B, ce traité est meilleur que celui de Nice.

M. Patrick Roy. Il est mort !

M. le Premier ministre. Il constitue un bon équilibre entre deux nécessités : d'une part, le renforcement des institutions communes, de l'autre, l'affirmation de l'identité des États membres.

J'ai entendu certains membres de l'opposition rebondir sur le vote irlandais pour dénoncer l'initiative du traité simplifié défendue avec résolution par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Il s’agit d’une démarche politicienne qui n’est pas digne de l'enjeu. Nous n'avons aucune leçon à recevoir de la part de ceux qui n'ont pas été capables de se fixer une ligne claire sur l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.). Aucune leçon à recevoir de ceux qui dénoncent l'Europe pour masquer leur inconsistance politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Alain Néri. Respectez le vote du peuple !

M. le Premier ministre. Aucune leçon à recevoir de ceux qui n'eurent ni le courage de défendre le traité constitutionnel, ni la sagesse de soutenir le traité de Lisbonne !

Ce traité, mesdames et messieurs les députés, a déjà été ratifié par dix-huit États membres. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. Écoutez le peuple !

M. le Premier ministre. Et le moment venu, il nous faudra étudier comment obtenir l'indispensable ratification de tous.

Cela pourra prendre du temps. Le référendum irlandais bouscule le processus institutionnel. Mais, sur le fond, le signal qu'il nous envoie s'ajoute aux enjeux complexes qui déterminent l'orientation de la présidence française : des marchés financiers encore instables ; un prix du pétrole record, avec de sérieuses conséquences pour l'économie mondiale et pour les populations les plus fragiles ; une conjoncture économique américaine qui semble se dégrader ; un dérèglement climatique aux risques chaque jour plus évidents.

Tous ces enjeux, nous devrons en tenir compte, et nous le ferons en entendant le message politique que nous adresse le peuple irlandais, et que nous, Français, sommes bien placés pour comprendre. Il faut apprendre à faire l'Europe autrement : voilà le message ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et faire l’Europe autrement, c’est montrer aux citoyens européens que l'Europe ne se réduit pas à des querelles institutionnelles. C’est montrer qu'elle sait se mobiliser et agir.

Après le référendum irlandais, les priorités de la présidence française de l’Union…

M. Patrick Roy. L’Europe sociale ?

M. le Premier ministre. …se révèlent plus pertinentes que jamais. L’objectif doit être de répondre aux préoccupations concrètes des citoyens européens. C'est précisément l'orientation que nous avions choisie pour la présidence française, et c'est bien celle qui paraît la plus nécessaire dans le contexte actuel.

Première priorité : répondre au défi climatique. Là, l'Europe doit montrer l'exemple ; elle doit se doter avant la fin de cette année d'un plan précis de réduction des émissions de gaz carbonique et de développement des énergies renouvelables. Elle doit le faire parce que c’est une priorité pour l’humanité tout entière. Elle doit le faire avec l’objectif d’entraîner le reste du monde à sa suite, en l’associant à un acte responsable, de manière à préserver la planète.

Ce rendez-vous, mesdames et messieurs les députés, est d’ores et déjà fixé : il aura lieu en 2009, à la conférence de Copenhague. Les décisions que nous prendrons lors de la présidence française de l’Union européenne seront de nature à permettre, ou non, un accord à Copenhague, et à inciter, ou non, les autres régions du monde à adopter une attitude responsable sur ces sujets.

Pour cela, il faut que les décisions européennes de réduction du gaz carbonique soient elles-mêmes très ambitieuses. Il faut que l’Europe mette en place des incitations financières pour encourager les pays en développement à s’associer à cet effort. Il faut enfin des moyens – y compris des moyens de dissuasion – pour convaincre certains États tiers de ne pas fuir leurs responsabilités dans la lutte contre le changement climatique.

Le défi climatique n’est pas dissociable du défi énergétique. Pendant trop longtemps, l’Union européenne s’est désintéressée de cette question. C’est maintenant un problème central. La France veut une stratégie européenne pour l’énergie. Il s’agit d’abord de renforcer l’indépendance de notre continent. À côté de cette indispensable réponse structurelle, qui doit prendre la forme d’un très important plan d’économies d’énergie à l’échelle de l’Europe tout entière, nous devons trouver des réponses coordonnées pour soulager à court terme les populations qui souffrent le plus de la hausse du prix du pétrole.

Au niveau national, j’ai proposé que les partenaires sociaux se concertent pour qu’une réponse soit trouvée rapidement au renchérissement du coût du transport pour les salariés. Au niveau européen, le Président de la République a demandé que soit étudiée la possibilité de plafonner les ressources additionnelles de TVA au-delà d’un certain seuil pour le prix du baril. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ça ne marchera pas !

M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, tous les États membres partagent cette préoccupation mais, pour le moment, ils ont répondu sans concertation à cette urgence. Eh bien, l’Union européenne, si elle veut être mieux entendue par les peuples, doit prendre l’habitude, avant de répondre non aux questions qui sont posées, d’étudier les sujets en concertation avec l’ensemble des États pour dégager des solutions concrètes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La question de la TVA sur le pétrole constituera d’ailleurs une des priorités du débat qui aura lieu demain au Conseil européen.

Le défi énergétique impose aussi de mieux organiser la production d’énergie en Europe : il faut relancer les investissements de capacité de production et d’interconnexion ; il faut encourager les énergies renouvelables mais aussi toutes les énergies non carbonées, comme l’énergie nucléaire ; il faut s’organiser pour pouvoir répondre à une possible rupture d’approvisionnement dans un État membre ; enfin, il faut relancer une coopération constructive avec les principaux fournisseurs de l’Europe, au premier rang desquels se trouve la Russie.

Au défi énergétique s’ajoute désormais le défi alimentaire. L’Europe a déjà fortement réformé sa politique agricole pour en supprimer certaines conséquences néfastes sur les marchés tiers. Mais la politique agricole commune doit encore s’adapter, et cela dans un environnement qui a changé. Le monde peine à répondre à la demande de produits alimentaires. Des risques croissants pèsent sur l’environnement. Nos sociétés refusent à juste titre la désertification des territoires ruraux. Les agriculteurs – qui ne se résignent pas à vivre comme des assistés – souhaitent cependant une meilleure protection face aux aléas climatiques et sanitaires.

Tout cela, le bilan de santé de la politique agricole commune devra le prendre en compte. Il faudra dégager des principes pour guider la politique agricole commune du futur, sans pour autant toucher à son budget, programmé jusqu’en 2013.

M. Jean-Pierre Soisson. Dieu vous entende !

M. le Premier ministre. Si les agriculteurs européens ont toujours accepté les adaptations nécessaires, ils ont aussi besoin – et c’est le discours de la France – d’une certaine stabilité sans laquelle aucun investissement ne peut être lancé. Si nous avons mis la politique agricole commune au cœur des priorités de la présidence française, ce n’est pas parce que nous voulons imposer une vision française de la politique agricole commune, c’est parce que nous voulons que, longtemps avant l’échéance de 2012, puisse s’engager un débat serein, avec recul et hauteur de vue, sur l’évolution à long terme de cette politique agricole commune.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Antoine Herth. Excellent choix !

M. Jean Leonetti. Remarquable !

M. le Premier ministre. Troisième défi de la présidence française : la maîtrise des flux migratoires. Tout ce qu’un État membre fait dans ce domaine a désormais des conséquences sur ses voisins. L’Europe ne doit pas être une forteresse, mais elle ne doit pas non plus être une passoire.

Le temps des actions unilatérales, de l’immigration subie et des régularisations massives est révolu. Il ne s’agit pas, dans notre esprit, de donner plus de compétences à l’Union européenne mais de conclure un pacte pour une action coordonnée entre les États membres et l’Union européenne. Nous voulons agir ensemble en faveur d’une immigration choisie parce que c’est la meilleure garantie pour un meilleur accueil des étrangers et pour une lutte plus efficace contre l’immigration clandestine. La France fera tout pour parvenir rapidement à la conclusion de ce pacte européen sur l’immigration et l’asile.

Le quatrième défi est celui de la défense et de la sécurité européennes. Vous savez que les États membres dépensent ensemble chaque année l’équivalent de 40 % du budget américain de la défense, avec un résultat opérationnel global dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas à la hauteur de nos ambitions.

Ce n’est pas digne d’une Europe souveraine et influente.

La présidence française sera l’occasion de proposer de nouvelles solutions pragmatiques pour augmenter les capacités militaires et civiles des États européens. En matière de projection de forces, de capacités maritimes, d’observation spatiale, d’industries de défense, de planification et de conduite des opérations militaires, nous proposerons que l’Europe assume mieux ses responsabilités.

Nous entendons aussi, mesdames et messieurs les députés, la demande de nos citoyens pour une Europe plus sociale (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), pour une Europe en croissance (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), pour une Europe du plein emploi.

M. Jean-Paul Lecoq. Chiche !

M. Jean-Pierre Brard. C’est François au pays des merveilles !

M. le Premier ministre. Sous notre présidence, l’Europe va renforcer le pouvoir des comités européens d’entreprise. Elle va aussi relancer l’indispensable lutte contre les discriminations. Retour à l’emploi, protection des services sociaux d’intérêt général, droit à la santé, plan d’action en faveur des PME : sur tous ces sujets, la présidence française sera active.

Nous voulons également optimiser les moyens européens pour faire face à l’instabilité des marchés financiers. Il s’agit notamment de renforcer la coordination entre superviseurs financiers en Europe, de mieux définir le risque de liquidité pour les banques et d’améliorer le fonctionnement des agences de notation financière.

Mesdames et messieurs les députés, cette présidence française ne sera pas que la présidence du Gouvernement français. Elle sera aussi celle du Parlement national. Dans la situation actuelle, nous avons plus que jamais besoin de vous, besoin de votre engagement, besoin de votre unité. Votre action sera déterminante. Votre rôle auprès des autres parlements nationaux ainsi qu’auprès du Parlement européen sera important.

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne les voyons jamais !

M. le Premier ministre. Il nécessitera une étroite coordination entre nous.

Cette présidence sera aussi celle des Français.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le Premier ministre. Les collectivités territoriales, les artistes,…

M. Frédéric Cuvillier. C’est vous, l’artiste !

M. le Premier ministre. …les entreprises, les citoyens, beaucoup ont déjà des projets prometteurs ; chacun aura son rôle à jouer.

Cette présidence sera enfin celle de tous les Européens. Sans les autres États membres, sans le Parlement européen, sans les peuples européens, nous serons naturellement impuissants. La France doit se montrer grande et entraînante pour l’Europe, et non pas seulement pour elle-même.

Avec Bernard Kouchner, Jean-Pierre Jouyet et tous les membres du Gouvernement, nous avons une responsabilité. Sous l’impulsion du Président de la République, nous l’assumerons avec la gravité et la détermination d’une nation dont l’ambition se conjugue avec celle de ses partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

2

Souhaits de bienvenue
à une délégation parlementaire étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Parlement de la République de Bulgarie, conduite par la présidente du groupe d’amitié, Mme Anastasia Dimitrova Moser. (Les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3

Présidence française
de l’Union européenne

Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

M. le président. Nous abordons le débat relatif à la déclaration du Gouvernement sur la présidence française de l’Union européenne.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, à la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui doit donner à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définir les orientations politiques générales, j’ai dix minutes pour exposer aujourd’hui notre vision de l’Europe. Le débat est en partie escamoté alors que la situation européenne exigerait que les attentes des citoyens soient considérées avec une plus grande attention.

Les résultats négatifs du référendum en Irlande, après le « non » des Néerlandais et des Français, montrent à l’évidence le divorce qui existe entre les peuples et la gouvernance européenne. C’est donc une Europe en question, appelée à procéder à une vaste remise en cause de ses méthodes et de ses politiques, dont la France va assurer la présidence pour six mois. Qui plus est, la France entame cette présidence en étant affaiblie par une situation financière critique et par des positions souvent mal préparées, comme l’exemple de l’Union pour la Méditerranée nous l’a démontré.

Nous, les socialistes, portons pour cette présidence des exigences qui ne figurent pas dans les priorités avancées par le Gouvernement.

M. Arnaud Montebourg. C’est vrai !

M. Jérôme Lambert. Alors que, dans les discours, le Gouvernement explique que l’Europe est là pour protéger les citoyens dans un contexte de mondialisation, ni l’évolution de la situation économique, ni l’Europe sociale, ni les services publics, ni la politique industrielle ne font partie des priorités françaises. Cherchez l’erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Les priorités du Gouvernement, au nombre de quatre, ne manifestent aucune ambition nouvelle pour l’Europe.

M. Arnaud Montebourg. Ils ont oublié l’essentiel !

M. Jérôme Lambert. La politique « Énergie climat » a déjà été une priorité de la présidence allemande en 2007. Il nous reste certes à en poursuivre la réalisation en répondant à certaines questions encore sans réponses, questions que nous devons parfois nous poser à nous-mêmes, ce qui ne facilitera pas les prises de décision que nous devrions encourager.

Ainsi, le gouvernement français se trouve en désaccord avec l’objectif de porter à 23 % le taux de consommation nationale en énergies renouvelables en 2020, lui préférant un objectif plus modeste de 20 %.

Nous devrons aussi répondre à la question du développement, ou non, de l’usage des biocarburants. Il n’est plus évident qu’il faille les encourager et nous attendons une position claire de notre gouvernement à ce sujet.

L’énergie nucléaire – sa prise en compte, ou non, dans le cadre d’une énergie propre – fait aussi débat en Europe et la position de la France est souvent critiquée par la plupart de ses partenaires.

Enfin, le Gouvernement suggère d’imposer une taxe sur les produits fabriqués dans les pays où aucun effort n’est fait pour limiter les changements climatiques. Cette proposition, floue, bien compliquée à mettre en œuvre, est loin de faire l’unanimité.

Autant de questions, autant de sujets de controverse avec nos partenaires européens dans un domaine où nous avons le devoir de progresser à grands pas pour tenir le rôle qui doit être celui de l’Europe face aux défis climatiques qui se posent à l’échelle mondiale.

À l’échelle mondiale se pose aussi le défi de l’immigration, dont le Gouvernement entend faire une priorité pour l’Europe.

M. Claude Goasguen. C’est une priorité !

M. Jérôme Lambert. La place de l’Europe dans le monde ne peut pas être celle d’une Europe forteresse repliée sur elle-même !

L’Europe est en déclin démographique, il faut le rappeler, et une récente étude de la Commission laisse entendre qu’elle devra accueillir 25 millions de migrants dans les années qui viennent pour faire face à ce déclin et répondre aux besoins de nos économies.

Face à cette question, qui consiste à vouloir bien vivre ensemble, je suis indigné que des dirigeants européens puissent donner libre cours à des comportements xénophobes et racistes, sans pour autant provoquer la moindre réaction de notre gouvernement. J’évoque ici les propos récents de dirigeants européens italiens concernant des citoyens européens roumains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Déterminer avec de tels partenaires des politiques nécessaires de migration dans une optique humaine semble assez difficile. En tout cas, la France, qui est loin aujourd’hui de montrer le meilleur exemple, doit se garder, pour rester digne d’elle-même sur le plan mondial, de souscrire sans détour à des politiques européennes, telle celle qui prévoit de rendre possible la détention de personnes étrangères, y compris des enfants, pendant une durée pouvant aller jusqu’à dix-huit mois.

M. Patrick Roy. Scandaleux !

M. Jérôme Lambert. Nous ne pouvons pas y souscrire, au nom de la France, et pourtant nous n’entendons pas notre gouvernement le dire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La politique de défense européenne, troisième priorité, va fêter dans quelques semaines ses dix ans. C’est pourtant dans le même temps que le Président de la République a annoncé le retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique, sous domination américaine.

M. Patrick Roy. Incroyable !

M. Jérôme Lambert. Qui peut croire à une telle stratégie qui consiste, en quelque sorte, à intégrer plus encore nos forces à l’OTAN pour y favoriser prétendument la politique européenne de sécurité et de défense, ainsi que le ferait un cheval de Troie ?

M. Arnaud Montebourg. Personne !

M. Jérôme Lambert. Nous ne pouvons cautionner un tel cheminement, et nous ne voyons pas là une bonne stratégie pour une réelle défense européenne indépendante, en accord avec une politique étrangère pour laquelle il nous reste aussi beaucoup de chemin à parcourir.

Enfin, quatrième priorité, la réforme de la politique agricole commune est prévue pour 2013 mais, d’ores et déjà, le Gouvernement entend la faire évoluer, alors même que le contexte international montre l’importance stratégique et même vitale jouée par l’agriculture dans le monde.

À l'heure des choix, nous devrons défendre l'idée d'une agriculture indépendante, capable de nourrir les Européens mais aussi de contribuer à nourrir 9 milliards d'êtres humains dans un proche avenir, une agriculture soucieuse de la qualité de l'environnement, pour ne pas obérer l'avenir avec des OGM ou des produits phytosanitaires, qui risqueraient d’empoisonner notre environnement et nous-mêmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

J’ai passé beaucoup de temps à évoquer les priorités françaises, mais il me reste à vous dire l'essentiel, à savoir ce que nous souhaiterions pour l'Europe. Ce qui ne va pas, c'est d'abord l'absence de volonté d'inscrire une politique sociale ambitieuse à l'agenda européen.

M. Patrick Roy. L’Europe sociale !

M. Jérôme Lambert. Au point qu'il a fallu attendre ces derniers jours pour que le ministre français des relations sociales pense à inscrire à son ordre du jour un pâle agenda social européen, qui ne fait pourtant pas partie des priorités annoncées ! Ce bricolage inopiné ne répond pas aux attentes et les quelques mots que M. le Premier ministre vient de consacrer à la question ne sont qu’une esquive de plus.

Nous proposons de porter à l’ordre du jour des discussions européennes la création, dans chaque État, d'un revenu minimum, demandé depuis longtemps par les socialistes…

M. Pierre Lellouche. Pas par les socialistes européens en tout cas !

M. Jérôme Lambert.…et par la Confédération européenne des syndicats face à la dégradation des revenus du travail et à l’augmentation des prix et des profits en Europe !

Nous demandons que les directives traitant des questions sociales traduisent une politique de progrès social au lieu d’encourager, au nom de la mondialisation, une lente dégradation.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Jérôme Lambert. Il en est ainsi de la scandaleuse directive sur le temps de travail, approuvée par le Gouvernement, qui ne règle aucunement le problème de la disparité européenne sur cette question (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais qui encourage les législations nationales à évoluer vers une augmentation du nombre d’heures de travail pour les salariés.

Nous demandons que soit discutée une directive sur les services d'intérêt général et les services sociaux d'intérêt général, comme cela a été maintes fois évoqué sans jamais être réalisé, alors que de nombreux services publics sont plus que jamais menacés de disparition dans tous nos territoires, ce qui fragilise chaque jour un peu plus le tissu social et territorial.

Dans le domaine industriel, nous ne voyons rien se dessiner parmi les priorités françaises ! Nous nous laissons tranquillement, petit à petit, dépouiller de nos compétences industrielles et de nos emplois – ceux d'aujourd'hui et ceux de demain –, sans donner à l’Union la capacité de réagir, comme nous pouvons le voir avec la vente des filiales d'Airbus. C'est ce que les Français vivent à chaque instant, et ils ne le souhaitent plus.

Nous voulons une politique industrielle ambitieuse. Pour ce faire, nous devons mettre en place une politique européenne de grands chantiers qui permette de répondre aux attentes en matière d'énergie, d'environnement et de transports des Européens.

M. Patrick Roy. Bravo !

M. Jérôme Lambert. Nous demandons aussi une réelle prise en compte de la situation économique dans laquelle nous devrons évoluer prochainement. L'Europe doit apporter une réponse au problème de l'euro fort face à un dollar en baisse. L’augmentation prévisible des taux de crédit de la Banque centrale européenne va à l’encontre de cette nécessité. À la crise financière, nous allons ajouter une crise économique, sans rien dire, sans rien faire.

Ce n'est pas ainsi que nous voulons que notre pays et que l'Europe soient dirigés. Il faut donner une ambition à l'Europe, pour que les Européens soient fiers et heureux de vivre sous le même toit et qu’ils puissent retrouver, ensemble, confiance en l'avenir. Ce ne sont pas des coups d'éclat que nous attendons, mais des politiques qui répondent à nos préoccupations quotidiennes et qui préparent l'avenir. À l'heure où près de 80 % des Français – selon une étude récente, mais nous le constatons chaque jour – se sentent moins confiants en l'avenir, nous avons le devoir, grâce à une Europe plus protectrice sur les plans industriel, technologique, social et environnemental, de leur apporter des réponses face à la mondialisation. Avec vos propositions, vous êtes loin du compte !

L'an prochain, les citoyens européens seront consultés pour élire leurs représentants au Parlement européen. Nous entendons leur proposer une politique ambitieuse répondant à leurs attentes. Nous verrons alors ce que veulent les Français et les Européens. Rendez-vous est pris pour que vive l'Europe, dans l'intérêt des citoyens ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, nous voilà à nouveau confrontés à la réalité, celle de l’Europe des peuples.

Que n'a-t-on entendu sur les mérites de ce traité ? Et sur la suprême habileté de ses parrains, le Président Sarkozy et Mme Merkel, à contourner la voix populaire pour tourner la page du « non » français et néerlandais ? Puis, le peuple irlandais a voté « non ». N'y a-t-il pas quelque chose d'insupportable dans la manière dont il est traité pour son choix ? Il y aurait donc des «petits» pays qui entraveraient la marche solennelle vers une Europe idyllique, par ignorance, stupidité, cupidité ou égoïsme ? Quelle arrogance et quel mépris pour le peuple irlandais dans ces commentaires insultants !

Pourtant, le constat est simple ; non, les peuples ne sont pas amoureux du grand marché ; non, ils ne s'extasient pas devant la directive qui assouplit la durée du travail jusqu'à soixante-cinq heures ; non, ils ne s'enthousiasment pas devant les arrêts de la Cour de justice de Luxembourg qui dénie aux syndicats suédois le droit de s'opposer au dumping social ; non, ils ne sont pas subjugués par les foudres de M. Trichet et de M. Barroso devant la montée des luttes pour l’augmentation des salaires, que ce soit en France, en Allemagne, en Belgique ou chez Dacia, en Roumanie ; oui, ils ont l'impertinence de vouloir protéger leurs services publics face à la concurrence ; non, ils n'arrivent pas à se sentir protégés par une Europe qui colle à des dirigeants américains en perte d'autorité et embourbés à Bagdad et à Kaboul ; oui, ils refusent une Union où, soi-disant, l’on dépenserait trop pour les besoins sociaux, la santé et les retraites, mais où rien ne serait trop beau pour faire exploser profits, dividendes et autres stock options pour les plus riches ; oui, ils veulent vivre mieux en Europe !

Alors changeons les peuples : est-ce ce que vous proposez ? Les Irlandais ont aussi voté « non » en raison du mépris et de l’arrogance de ces prétendues élites, ces dirigeants qui ont tout compris et qui font en permanence la leçon aux peuples qui, eux, ne comprennent rien. Quel mépris ! Quelle suffisance ! Et ils sont incapables de se poser cette question : pourquoi l'écart se creuse-t-il entre l'Europe qu'ils construisent et les peuples ? Beaucoup, dans ce vote, se reconnaissent dans cette dignité et cette lucidité.

Mais, au soir même du résultat du référendum irlandais, Mme Merkel et M. Sarkozy annonçaient qu'il fallait poursuivre la ratification. Les Irlandais auraient donc voté pour rien, puisqu'ils n'ont pas voté comme il fallait ! Belle leçon de démocratie !

M. Jean-Pierre Abelin. Et les autres pays membres qui ont, eux aussi, voté ?

M. Jean-Paul Lecoq. Ces mêmes dirigeants ont refusé à leurs concitoyens la liberté de s'exprimer par référendum. Non, le peuple irlandais n'a pas voté pour rien, il est même l'honneur d’une Europe qui aspire à d'autres choix. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Dionis du Séjour. Merci pour le Parlement !

M. Jean-Paul Lecoq. Le Parlement, voyez donc ce qu’il fait de la question européenne ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Lecoq. Vos collègues sont trop nombreux pour que vous puissiez répondre à tous.

M. Jean-Paul Lecoq. Poursuivre la ratification, ce serait conforter l'image détestable de dirigeants d'une Europe qui se fait sans les peuples, contre leur avis et sans tenir compte de leur expression. Croit-on vraiment que l’on surmontera ainsi la crise de légitimité qui ne cesse de ronger le projet européen ?

Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence : le traité de Lisbonne est caduc, d'abord pour une raison juridique, puisque, pour être validé, il doit être ratifié par les vingt-sept pays membres. L’Irlande, comme la France ou les Pays-Bas, n’a pas voté contre l'Europe. C'est même le contraire. Le slogan des opposants était clair et précis : « Votez non  pour un meilleur traité ! » Est-ce demander l'impossible ?

Nous proposons que soit engagé un vrai débat parlementaire, une profonde réflexion de plusieurs jours, sans attendre l’élaboration d'un nouveau traité. Je sais qu'une telle évocation est insupportable à certains d’entre vous. Mais, mes chers collègues, ceux qui parlent de l'Europe avec des trémolos dans la voix préféreraient-ils voir le projet s'enliser et le fossé se creuser davantage encore entre les citoyens d'Europe, plutôt que de changer de cap ? Tel n'est pas notre choix. Nous demandons que la présidence française déclare le processus de ratification clos et qu'on en tire toutes les conclusions. Ainsi la modification de l'article 88-1 de la Constitution se trouve de fait caduque, de même que l'article 35 du projet de loi constitutionnelle en discussion.

Nous demandons aussi que la présidence française de l’Union engage des consultations sur un nouveau traité. Il devra s’agir d’un traité fondateur, affirmant des valeurs communes, mettant au cœur du projet européen l'émancipation et la promotion de l'être humain, et non la concurrence et le marché de la finance, un traité fixant des règles de vie en commun et des institutions où les citoyens auront le dernier mot. Un tel traité devrait être préparé dans la plus grande transparence, en y associant les peuples, leurs représentants, la société tout entière. Enfin, il devrait être ratifié par référendum dans tous les pays de l'Union. Voilà ce qui pourrait redonner du souffle à l'idée d’Europe, au projet européen et à la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Oui, plus que jamais, face à cette crise, la présidence française doit s'emparer de ce moment historique en promouvant l'idée d'un nouveau modèle de développement social, écologique, solidaire, une Europe de la paix. Elle y trouverait des alliés nombreux, peut-être pas dans les gouvernements, mais assurément dans les populations.

Hélas, le programme que nous propose le Président de la République témoigne non seulement d'une absence d'ambition pour l'Europe, mais surtout d’un fossé dramatique avec les attentes populaires.

Ainsi, le Livre blanc sur la défense, avec la suppression de 50 000 emplois militaires et civils, masque un alignement total sur la stratégie américaine de projection et d'occupation,…

M. Maxime Gremetz. C’est clair !

M. Jean-Paul Lecoq. …au nom d'un affrontement des civilisations qui dissimule mal la préservation des intérêts privés de quelques grandes multinationales.

Le grand absent, le spectre qui hante l'Europe, c’est le social. Or c'est cette inquiétude qui taraude nos concitoyens et les peuples des autres pays. Une présidence française qui voudrait réconcilier les citoyens avec l'Europe prendrait à bras-le-corps la question des salaires, des retraites, de la protection sociale, d'un salaire minimum dans tous les pays, mais aussi celle des délocalisations. Elle travaillerait à créer un front face à l'insupportable intransigeance de la Banque centrale européenne, pour imposer sans attendre une révision des traités, une modification de ses missions et de ses pouvoirs.

« Il n'y a pas un pays au monde où la monnaie ne soit pas un instrument économique au service de la croissance et de l'emploi», s'indignait M. Sarkozy en décembre 2006. Belles paroles, mais que sont donc devenues les colères du candidat ? La France n'est pas revenue en Europe. Elle est rentrée dans le rang !

L'énergie serait l’une des priorités de la présidence. Sans plus attendre, relevons le défi d'une véritable politique énergétique commune ! Tirons les enseignements de décennies de directives de libéralisation ! Nous demandons que soient suspendues les directives de libéralisation du secteur énergétique et que soit engagée la négociation sur de nouvelles bases. Nous proposons la constitution d'une agence européenne de l'énergie et d'un cadre de coordination industriel adossé, en France, sur un puissant pôle public. Voilà quelle pourrait être l’ambition portée par la France à l'occasion de la présidence de l'Union. Avoir l'ambition d'une politique européenne de sécurité solidaire implique un nouvel engagement avec les pays partenaires du Sud en Méditerranée et en Afrique. Mais les arrière-pensées et les ambiguïtés ont affaibli l'idée d'un nouveau partenariat Europe-Méditerranée, pourtant plus nécessaire que jamais.

Quant à la crise alimentaire et agricole, elle devrait nous conduire à opposer un veto à tout compromis à l'OMC qui sacrifierait l'agriculture commune et les intérêts du monde agricole, ainsi qu’à proposer une révision radicale du contenu des accords d'association avec l'Afrique, notre continent frère. Sinon, comment prétendre trouver une solution humaine, efficace, mutuellement profitable à la question des migrations ?

À cet égard, le pacte proposé par la France à ses partenaires est un monument d'hypocrisie. Il criminalise l'immigration alors que, dans les années à venir, l'Europe demandera le concours de millions de travailleurs étrangers. C'est indigne et dangereux !

Oui, la présidence française aurait pu être l'occasion d'une relance d'un projet européen au service de tous les citoyens d'Europe. Elle ne le sera pas à cause des choix faits par le Président de la République et son gouvernement. Mais la question de la refondation sociale et démocratique de l'Union est intacte. Les femmes et les hommes savent ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas, comme le révèle à nouveau le résultat du référendum irlandais. Des luttes nombreuses, puissantes, massives dessinent les contours de l'Europe dont nous avons besoin : celle d'une Union nouvelle, protectrice des peuples unis dans leur diversité, et faite avec eux.

Chers collègues, je vous appelle à surmonter votre déception et à réfléchir. À la veille de la présidence française, notre assemblée consacre une heure de son temps à évoquer l'Europe : une heure, sans débat ! Mardi, nous en avons consacré trois au problème des détecteurs de fumée ! Est-ce cela la redynamisation du rôle de l'Assemblée nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Combien d'échecs à des référendums faudra-t-il encore pour que vous entendiez la voix des peuples ? Si l’on n'entend pas ces colères et ces attentes, le pire est possible. Pourtant, n'est-ce pas aussi de ce côté-là que se trouve l'espoir ? Car tous les peuples rêvent de dire un jour « oui » à l'Europe ! (Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine applaudissent et brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Oui à l’Europe sociale ! » et « Respectez le non ! ». – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, c’est inadmissible !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues : respectez notre règlement !

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Sauvadet. Nous ne disposons que d’une heure, je souhaiterais que l’ensemble des groupes politiques puissent s’exprimer, et je vous demande, mesdames et messieurs les députés communistes, de respecter, vous, le « oui » à l’Europe. Vous êtes pour le « non », respectez le « oui » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

(M. Gremetz brandit à nouveau une pancarte.)

M. le président. Monsieur Gremetz, ça suffit ! La République a des règles démocratiques : vous les respectez !

Monsieur Sauvadet, vous avez la parole.

M. François Sauvadet. Quel spectacle ! Franchement ! Au moment où tant de peuples s’interrogent sur leur destin, où tant de personnes se cherchent et cherchent à savoir ce que nous pensons, ce que nous voulons pour l’avenir, cela donne vraiment du Parlement français une drôle d’image !

M. le président. Monsieur Sauvadet, veuillez commencer votre intervention. Le temps passe !

M. François Sauvadet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, cette semaine, un peuple européen, le peuple irlandais, a en effet dit « non » à un traité européen. En 2005 déjà, les Français et les Néerlandais avaient majoritairement rejeté un traité constitutionnel.

L’importance du « non » irlandais au traité de Lisbonne ne doit pas être exagérée. Simplement, il doit être pris comme un nouveau coup de semonce pour l’Europe telle qu’on l’a construite au cours des dernières années.

M. Jean-Pierre Brard. Un coup de pied aux fesses !

M. François Sauvadet. Il faut avoir le courage de le dire ici : un fossé s’est creusé entre l’Europe et les peuples de l’Europe.

M. Alain Bocquet. Ça, c’est sûr !

M. Roland Muzeau. Ou plutôt entre les peuples et les édiles !

M. François Sauvadet. La France, vous l’avez d’ailleurs redit, monsieur le Premier ministre, avec beaucoup d’engagement, aura, comme à chaque étape de la construction européenne, une grande responsabilité, un grand rôle à jouer.

Elle devra redonner du souffle, parce qu’il en faudra.

M. Jean-Pierre Brard. Décidément, le moral est au plus bas !

M. François Sauvadet. Du souffle, d’abord, pour agir. Parce que si l’on veut sortir de cette impasse, il faudra agir pour réconcilier les Européens avec cette belle idée, cette grande idée, que pour peser dans le monde, il faut être uni et continuer à travailler ensemble au sein de cette Europe. Cette grande et belle idée doit continuer à être portée avec enthousiasme et avec beaucoup de force.

La France doit être dans l’initiative au moment de sa présidence. Le Président de la République s’y est engagé, et nous l’avons d’ailleurs soutenu lorsqu’il a proposé le traité simplifié. Le Gouvernement fixe aujourd’hui des grands objectifs pour les six mois à venir. Ce seront six mois très importants pour l’avenir de l’Europe.

On ne peut pas se contenter de dire aux Irlandais qu’ils ont eu raison ou qu’ils ont eu tort. Il s’agit aujourd’hui de rapprocher l’Europe des Européens, en progressant dans la voie de l’intégration, pour une Europe plus active, plus protectrice et qui ne soit pas simplement vécue comme un grand marché !

Il faut apporter des perspectives, des garanties, des protections aussi, il faut le dire, aux citoyens qui se sentent menacés, bousculés dans leur vie. Beaucoup d’entre eux ont le sentiment que l’Europe est devenue une contrainte plus qu’une chance.

Et nous, acteurs politiques, je vous le dis comme je le pense, nous avons une vraie responsabilité. Depuis des années, nous n’avons cessé de rejeter la faute sur l’Europe, en disant, parce que nous n’assumions pas nous-mêmes la responsabilité de la réforme, qu’elle était responsable de tous nos maux. Je voudrais redire ici, devant la représentation nationale, que pour nous, au Nouveau Centre, l’Europe reste une grande chance, notre unique chance, de peser sur l’ordre du monde.

Et puis, comment ne pas rappeler ici, alors que nous avons tant de souvenirs de combats passés, que nous avons eu la chance, grâce à la construction européenne, de vivre dans une Europe en paix ? Cela aussi, je tenais à le dire devant l’ensemble de nos compatriotes.

Comment ne pas s’interroger également – je le dis à la gauche – sur l’absence de projet européen, sur les critiques systématiques, sur le déplacement en Irlande des « nonistes » de la gauche française ? Je le dis, c’est irresponsable ! Parce qu’aujourd’hui, c’est à l’avenir qu’il faut préparer la France, plutôt que de pointer les dysfonctionnements éventuels.

Mme Marie-George Buffet. Vous n’écoutez pas nos propositions !

M. François Sauvadet. Face à cela, monsieur le Premier ministre, il ne faut pas céder aux tentations faciles du repli national.

M. Jean-Pierre Brard. Le vrai démocrate-chrétien : « Il ne faut pas céder à la tentation » !

M. François Sauvadet. Il faut au contraire continuer, en France, sur le chemin de la réforme, sortir des égoïsmes, définir avec nos partenaires des objectifs communs en Europe, trouver des voies de convergence. C’est là le grand enjeu de la présidence française de l’Union européenne.

Au Nouveau Centre, nous pensons qu’il est urgent de définir politiquement ce que nous attendons de notre Europe : des frontières, des objectifs, une méthode. Nous ne pourrons pas y échapper. Il faut reprendre la méthode des pères fondateurs, celle de Robert Schuman : construire, dans des secteurs clés, des coopérations avec les États membres qui le souhaitent, et trouver d’autres modalités de partenariat avec ceux qui préfèrent la frilosité à la grande aventure que nous voulons poursuivre.

M. Roland Muzeau. C’est le plan B du Nouveau Centre !

M. François Sauvadet. Il faut le redire, monsieur le Premier ministre, le traité de Lisbonne a permis la relance institutionnelle de l’Union, le Président de la République s’y est engagé. Il constitue un outil pour permettre à l’Europe de définir et de conduire les politiques qu’attendent les citoyens. Il a été ratifié, il faut aussi le rappeler, par de nombreux États membres.

M. Maxime Gremetz. Ratifié ? Pas par les peuples !

M. Roland Muzeau. Par les parlements !

M. Jean-Jacques Candelier. C’est un simulacre de démocratie !

M. François Sauvadet. Il faut, monsieur le Premier ministre, poursuivre le processus de ratification tout en cherchant des solutions à la crise qui secoue le projet européen.

Au Nouveau centre, je l’ai dit, nous sommes convaincus qu’il faut aller vers une logique d’intégration, afin de poser ensemble les jalons de l’avenir d’une Europe-puissance, au service des peuples. Parce que la clé de l’avenir est là, et non dans le repli, si nous voulons peser dans le monde.

Je tiens à saluer l’initiative qu’a prise le président de l’Assemblée nationale d’anticiper sur la disposition du traité de Lisbonne permettant d’associer, en amont, les Parlements nationaux aux décisions communautaires. C’est une bonne idée, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Je souhaiterais d’ailleurs, symboliquement, qu’un jour le drapeau européen flotte à côté du drapeau français dans cet hémicycle, pour bien marquer notre attachement à cette grande construction. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La France, à toutes les étapes de l’Europe, a eu un rôle majeur à jouer. Nous devrons continuer de le tenir, avec vous, monsieur le Premier ministre, et avec le Président de la République.

La question des flux migratoires, vous l’avez posée. Elle doit être traitée au niveau européen, et ce, j’y insiste, dans le respect des droits fondamentaux comme dans le respect de l’équilibre du développement de tous les pays, tout en répondant aux besoins de nos économies vieillissantes. Cette politique, que vous avez engagée, ne pourra se faire sans l’implication des pays d’origine.

Il nous faut également mener, comme le dit M. le ministre des affaires étrangères, une politique pérenne de co-développement, qui doit être entièrement incluse dans cette démarche. Et la France doit engager, comme vous l’avez dit, des négociations avec les États membres pour que l’Europe se dote d’une véritable politique commune en matière d’immigration et d’asile. On ne peut continuer à laisser les pays confrontés à l’immigration clandestine se débattre avec ses conséquences et les tragédies humaines que l’on connaît.

M. Jean-Claude Sandrier. Il faut traiter les causes plutôt que les conséquences !

M. François Sauvadet. L’initiative prise par le Gouvernement de parvenir, dans les six mois qui viennent, à la conclusion d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile est une bonne chose.

Le deuxième défi, c’est celui de la conjoncture économique. Vous le savez, tous les peuples sont confrontés à la même question, récurrente, celle du pouvoir d’achat, dans un contexte marqué par la hausse des prix des denrées alimentaires et du gazole. Les transporteurs, les agriculteurs, les marins-pêcheurs d’Europe…

M. Roland Muzeau. Les travailleurs !

M. François Sauvadet. …sont concernés. Et n’oublions pas la crise du crédit.

Les réponses à ces problèmes sont, pour une large part, européennes. Et le Président de la République a eu raison, je vous le dis, d’engager le débat autour de la TVA sur le gazole.

M. Roland Muzeau. Il raconte des bobards aux Français !

M. François Sauvadet. Il faut aussi aller plus loin dans le processus d’harmonisation, notamment en matière de fiscalité.

Et nous devrons approfondir l’Europe sociale. Il faut que l’Union européenne soit protectrice, mais aussi qu’elle continue de s’engager pour participer à l’élan de la mondialisation, pour tirer les économies, y compris celles des pays tiers, vers le haut, vers un modèle qui sera partagé avec nous et qui ne sera pas simplement la résultante d’un libre-échange incontrôlé.

Nous devons relever le défi de l’alimentation mondiale, garantir notre indépendance alimentaire. Les craintes formulées par les agriculteurs européens, et notamment en Irlande, sont à la mesure des espérances. Elles doivent être entendues. Nous ne pouvons continuer de fonder notre politique alimentaire et agricole commune sur une vision exclusivement budgétaire, avec des systèmes de quotas et de subventions. Il faut garantir à nos agriculteurs des filières pérennes, les accompagner pour qu’ils se modernisent – et je sais que vous êtes engagé dans cette démarche, monsieur le ministre de l’agriculture –, pour qu’ils puissent faire face aux fluctuations de marchés internationaux trop soumis à la spéculation.

II faut, monsieur le Premier ministre, refonder les objectifs mêmes de la politique agricole commune, qui est la première grande politique de l’Europe, et qui doit répondre à un grand défi, celui de nourrir l’humanité dans un contexte de réchauffement climatique. Et je souhaite qu’on se fixe à nouveau comme objectif que l’Europe soit autosuffisante. Aujourd’hui, elle ne l’est plus.

Sur tous ces sujets – les biocarburants, les enjeux de l’économie alternative, le changement climatique –, les débats ne peuvent plus s’inscrire seulement dans un cadre national.

On l’a vu ici même avec le débat sur les OGM. Les points de vue entre nos pays divergent et se radicalisent, les étapes de négociation et de décision se cumulent et s’entrechoquent, on manque de lisibilité, au détriment de l’efficacité.

Sur ce paquet énergie-climat et la politique énergétique européenne, l’ambition de la présidence française de parvenir cette année à un accord politique doit être atteinte. Il faut effectivement conforter le rôle moteur de l’Union européenne dans les négociations internationales sur le climat, en vue de la conférence de Copenhague de 2009.

Mais des propositions doivent également être faites en matière de sécurité énergétique. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le Premier ministre, évoquer le renforcement de nos relations avec des partenaires majeurs, notamment la Russie. On sait en effet que le défi énergétique a aujourd’hui une dimension géostratégique.

Quatrième point, la sécurité et la défense européennes. L’Europe n’est pas aujourd’hui l’acteur global qu’elle devrait être dans le monde. Il faut que la stratégie européenne de sécurité prenne en compte l’élargissement de l’Union intervenu depuis 2003, ainsi que les nouvelles menaces.

Enfin, dans un contexte où les marchés financiers connaissent depuis l’été dernier de fortes turbulences, la France devra donner une forte impulsion, durant sa présidence, pour faire progresser des principes auxquels nous sommes attachés, les principes de transparence et de responsabilité des acteurs financiers, qui doivent être mis au service de la croissance et de l’emploi.

La compétitivité de l’économie européenne et de l’économie française passe aussi par les PME, qui sont pour nous, au Nouveau Centre, comme pour beaucoup de nos collègues, une priorité. Nous sommes loin des objectifs de Lisbonne en matière de recherche et d’innovation. Sur ces sujets, là encore, les réponses sont européennes.

Au Nouveau Centre, nous défendons l’idée d’un Small Business Act pour les PME. Et nous ne pouvons qu’appuyer, avec nos collègues, l’initiative gouvernementale prise en la matière afin d’aboutir à un accord au niveau européen.

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez compris, le Nouveau Centre croit en l’avenir de l’Europe. Il sera pleinement engagé auprès du Gouvernement afin que cette présidence française conforte le retour de la France dans l’Europe, ainsi que son rôle d’initiative pour remettre l’Europe dans le cœur des Européens.

Notre époque est celle des grandes ambitions politiques, celle d’une grande ambition pour la France dans l’Europe. Nos concitoyens nous attendent sur ces questions, ils attendent de nous, de vous, de la présidence française, des réponses concrètes à leurs préoccupations quotidiennes, qui leur donnent davantage de certitude dans un monde de plus en plus complexe et mouvant.

Je vous le dis, nous avons confiance dans l’Europe, et nous avons confiance dans la présidence française pour faire vivre cet idéal européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Jibrayel. Amen !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. M. Modeste ! M. Je-ne-sais-pas-tout !

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 1er juillet, la France a un rendez-vous majeur avec l’Europe : pour six mois, notre pays prend la présidence de l’Union européenne, et j’ai la conviction que ce ne sera pas une présidence ordinaire.

M. Roland Muzeau. On sait bien qu’avec Sarkozy, « tout est possible » !

M. Jean-François Copé. D’abord, parce que Nicolas Sarkozy a décidé de mettre au cœur de cette présidence ce qui constitue, aux yeux des 450 millions de citoyens,…

M. Jean-Paul Lecoq. Non consultés !

M. Jean-François Copé. …une priorité absolue : l’immigration, l’énergie, la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. Et les salaires ? Et le pouvoir d’achat ? Et l’emploi ?

M. Jean-François Copé. Il n’est pas un habitant de notre continent qui aujourd’hui ne parle sans cesse de ces questions. Parce qu’il attend des propositions, des décisions, des résultats.

Au nom du groupe UMP, je veux saluer la mobilisation du Président, du Premier ministre et de son gouvernement pour obtenir des avancées concrètes sur ces enjeux.

Choisir l’énergie, par exemple, comme priorité, c’est politiquement courageux. Il s’agit pour l’Union européenne de montrer qu’elle n’est pas sourde aux inquiétudes qui montent partout. Je ne peux pas croire que nos vingt-six partenaires, confrontés aux mêmes problèmes, ne soient pas prêts à trouver ensemble des solutions pour rassurer les citoyens d’Europe, tout en intégrant les défis environnementaux. C’est l’exemple de la TVA, et Dieu sait si, dans ce domaine, nous avons un combat à mener !

C’est sur ce genre d’actions, très concrètes, que l’Union européenne est attendue au tournant. Je veux dire ici que nous, députés UMP, nous soutenons à 1 000 % cette démarche. C’est la seule qui vaille, et c’est cela que les Français, comme les Européens, attendent de leurs gouvernants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De la même manière, l’Europe est attendue sur le sujet de l’immigration. Pour les citoyens européens, les mouvements migratoires ne sont pas une thématique de colloque. Ce sont des réalités qui marquent leur vie, du port de Brindisi aux faubourgs de Dublin, des abords de Sangatte à la frontière ukraino-polonaise. Ce sont des questions sensibles, qui sont sources d’inquiétude et que nous devons assumer. Avec le pacte européen sur l’immigration,…

M. Jean-Claude Sandrier. Quelles en sont les clauses ?

M. Jean-François Copé. …la présidence française a choisi d’apporter des propositions concrètes. Là encore, nous appuyons cette initiative.

M. Roland Muzeau. Ça ne changera rien !

M. Jean-François Copé. Et si j’ai la conviction que la présidence française ne sera pas une présidence ordinaire,…

M. Jean-Patrick Gille. Ça, c’est bien possible !

M. Jean-Pierre Brard. Avec Sarkozy…

M. Jean-François Copé. …c’est aussi parce qu’elle va être marquée, dès son ouverture, par une initiative historique. Je veux parler du sommet pour l’Union de la Méditerranée.

Mesure-t-on l'importance de cet événement ? Quarante-trois chefs d'État, quels que soient leurs différends, leurs conflits, invités à travailler ensemble à la même table pour l'avenir de cette région où tant de fois s'est jouée l'histoire du monde, pour considérer de nouveau la Méditerranée comme un creuset, un pont, un carrefour. La paix dans le monde, le dialogue des cultures sont des enjeux qui valent la peine de prendre le risque d'agir ! Le Président de la République a raison de convier à Paris ceux qui, depuis si longtemps, ne se parlent plus, ne s’écoutent plus, ne se respectent plus ou, pire, se font la guerre, pour leur proposer d'évoquer ensemble des projets économiques, de développement concerté, de générosité partagée, bref pour parler de la paix. Imaginez la portée que pourrait avoir une rencontre entre le Président syrien et le Premier ministre israélien, ici, à Paris !

La présidence française va faire grandir l’Europe des projets,....

M. Roland Muzeau. Sûrement !

M. Jean-François Copé. …une Europe qui prend à bras-le-corps les problèmes des citoyens pour leur apporter des solutions concrètes, qui les écoute et se met à vingt-sept pour la faire grandir, pour reprendre l'initiative. Oui, reprendre l'initiative après la victoire – hélas ! – du « non » irlandais au traité de Lisbonne.

M. Maxime Gremetz. « Hélas », c’est vous qui le dîtes ! Il faudrait surtout en tirer les conclusions !

M. Jean-François Copé. Je ne vais pas tourner autour du pot : le « non » irlandais en 2008, tout comme les « non » français et hollandais en 2005, nous commande une bonne fois pour toutes d'ouvrir les yeux.

M. Jean-Paul Lecoq. Et de consulter les peuples !

M. Jean-François Copé. Combien de référendums faudra-t-il encore perdre pour comprendre le décalage abyssal qui existe désormais entre le projet européen que nous voulons et sa perception par les citoyens d'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Lecoq. C’est mon intervention, ça !

M. Jean-François Copé. Combien de référendums faudra-t-il encore perdre pour voir que les citoyens ne supportent plus que l'Union européenne se construise sans eux ? (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Combien de référendums pour remettre le citoyen au cœur de l'Europe ?

M. Maxime Gremetz. Un référendum de plus, bien sûr !

M. Roland Muzeau. Ou alors, il faut dissoudre le peuple !

M. Jean-François Copé. Bien sûr, on peut relativiser ces résultats en dénonçant la complexité des enjeux – comme le font, de manière parfois assez grotesque, les communistes –, les faibles taux de participation et les excès des démagogues. Ah ! les démagogues ! Que dire de ceux qui ont fait campagne pour le « non » en Irlande avec pour slogan « Si vous ne savez pas, votez non » ?

M. Maxime Gremetz. Vous prenez les Irlandais pour des imbéciles ! C’est honteux !

M. Jean-François Copé. Comment ce slogan a-t-il pu être plus fort que celles et ceux qui, comme nous, depuis tant d’années, essaient de convaincre que l’Europe de 2008, malgré ses faiblesses, est toujours plus belle que celle d'août 1914 ou de juin 1940 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. André Chassaigne. Caricature !

M. Jean-François Copé. Nous sommes à un tournant. La construction de l'Europe par des visionnaires puis par des experts a sans doute été nécessaire au début et a pu fonctionner pendant des années. Mais ce n'est plus possible aujourd’hui : au XXIe siècle, on ne fait pas le bonheur des peuples malgré eux.

M. Daniel Paul. Exact !

M. Maxime Gremetz et M. André Chassaigne. Et on ne les méprise pas !

M. Jean-François Copé. Si nous voulons aller plus loin dans cette si belle aventure, nous devons embarquer tout le monde avec nous. Il est temps d’en finir avec ces référendums successifs que l’on perd en fermant les yeux. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Maxime Gremetz. Vous avez peur des peuples !

M. Jean-François Copé. Ce n’est sûrement pas en instrumentalisant l'Europe à des fins partisanes, comme l'a fait une fois de plus le parti socialiste lors de sa convention, samedi dernier, que nous y parviendrons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Vous êtes ridicule !

M. Jean-François Copé. Cet après-midi, nous avons entendu M. Lambert s’exprimer au nom du parti socialiste. Formidable ! Mais j’aurais aimé savoir aussi ce que M. Hollande et M. Ayrault avaient à nous dire à la veille de la présidence française de l’Union européenne.

M. Jean-Marc Ayrault. Il a dit ce que nous pensons !

M. Jean-François Copé. Dans vos congrès, messieurs les socialistes, vous donnez beaucoup de leçons sur l'Europe, vous qui êtes plus profondément divisés sur ce sujet que sur tous les autres, qui n'avez pas de vision pour l'Union (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), qui avez applaudi Mme Royal expliquant sans rire que « le “non” irlandais [faisait] perdre beaucoup de crédibilité au Président de la République sur la scène européenne » (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui n’avez pas eu peur, il y a trois ans, d’inventer le fameux « plan B », perdant ainsi le sens de nos convictions républicaines ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Auclair. Il est où, Fabius ?

M. Jean-François Copé. Avec ce « plan B », vous avez privilégié la tactique électorale au détriment du discours rassembleur que nous vous proposions de construire ensemble, comme nous l’avions fait pour le référendum sur la monnaie unique du temps de François Mitterrand. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jérôme Lambert. Et que faisait M. Fillon ?

M. Jean-François Copé. Si vous avez un problème, monsieur Lambert, il fallait l’exprimer lorsque vous aviez la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Copé !

M. Jean-François Copé. En tant que députés nationaux, nous devons assumer nos responsabilités en matière de construction de l’Europe. Jusqu'à présent, nous en étions quelque peu écartés et les avancées de l'Union se sont souvent traduites par un affaiblissement des parlements nationaux : depuis des années, une part croissante de notre travail consiste à transposer des directives européennes sans marge de manœuvre, tandis que le droit communautaire représente jusqu’à 70 % des textes nouveaux dans notre droit.

Il y a un problème…

M. Christian Paul. C’est vous le problème, arrogant personnage !

M. Jean-François Copé. …quand la prise de décision au niveau européen écarte de fait le citoyen et ses représentants élus, quand le débat démocratique a lieu à Bruxelles et plus à Paris.

Faut-il que j'égrène la liste de ces directives dont le nom reste lié à des polémiques parce que les citoyens français et leurs parlementaires ont eu – à tort ou à raison – le sentiment d'être mis devant le fait accompli ? Souvenez-vous de la directive Bolkestein avec le plombier polonais, de la directive OGM avec le maïs transgénique, de la directive chocolat avec son débat homérique sur la proportion de matière grasse végétale par rapport au cacao.

M. Roland Muzeau. Le camembert au lait cru !

M. Jean-François Copé. À chaque fois, c'est l'Europe la première victime.

Parce que nous ne voulons plus voter les yeux fermés des lois toutes ficelées, nous avons demandé à être associés en amont à la préparation des réformes : c'est la coproduction législative. Parce que nous ne voulons plus voter les poings liés des lois inamendables au prétexte qu'elles reprennent mot à mot des accords entre partenaires sociaux, nous avons demandé à faire régulièrement avec eux le point sur leurs négociations :…

M. Roland Muzeau. Vous venez de les trahir !

M. Jean-François Copé. …c’est la coproduction sociale. Je propose que nous observions la même logique avec l’Europe. Désormais, nous ne devons plus être appelés à transposer des directives avant de les avoir lues, d’en avoir débattu et d’en avoir parlé, dès leur instruction à Bruxelles, avec nos ministres et les commissaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Impliquer les parlementaires nationaux, c’est une condition importante pour remettre le citoyen au cœur de l'Europe. Nous ne ferons pas tout, mais nous ferons beaucoup pour faire progresser nos convictions pour l’Europe.

M. Jérôme Lambert. Ce n’est pas ce qu’on fait à l’Assemblée nationale !

M. Christian Paul. D’ailleurs, vous n’y êtes jamais !

M. Jean-François Copé. Parce que nous ne sommes pas des noms sur une liste, élus à la proportionnelle, messieurs les socialistes, mais des élus de terrain, en prise avec nos administrés, parce que nous sommes en contact avec eux, j'appelle ici, au nom du groupe de l’UMP, à une vraie mobilisation générale pour faire vivre cette coproduction européenne,

Il s'agit moins de changer des constitutions, des traités ou des lois que de changer les comportements, d’obtenir, sur tous ces sujets, un mode d’emploi, comme nous en avons établi un pour la loi ordinaire en révisant la Constitution. Ce mode d'emploi des normes européennes devrait nous amener, sur tous les grands textes que la Commission européenne projette, à débattre, à Paris et à Bruxelles, avec les députés du PPE, avec nos collègues des vingt-six autres groupes de droite et de centre-droit, pour fabriquer ensemble, en amont, ce que seront les grandes décisions au service des 450 millions de citoyens de l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De l’Europe UMP !

M. Jean-François Copé. Voilà ce que nous, députés de l’Union pour un mouvement populaire, voulons faire pour accompagner le Président Sarkozy vers le succès de la présidence française. C’est un sujet qui nous engage tous parce que nos convictions européennes sont fortes, parce que nous savons que l’avenir de la paix, de la prospérité, de la croissance et du plein emploi est en jeu, parce que cela devrait rassembler, au-delà de la majorité, toutes celles et ceux qui croient en l’avenir de l’Europe, pour l’avenir de la France. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre (« Il est parti ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mes chers collègues, la France va exercer la présidence de l'Union pour la douzième fois depuis le début de la construction européenne. Cette présidence est la première que nous exercerons dans une Europe élargie. Elle s'inscrit dans un contexte que le « non » irlandais au traité de Lisbonne vient de rendre plus compliqué.

Les Irlandais, ayant déjà tiré très grandement parti de l'Union, ont rejeté un traité dont ils ont craint les conséquences. Je respecte ce « non », mais le peuple irlandais ne peut décider tout seul de la poursuite ou de l'arrêt de la construction européenne. Il peut légitimement décider de refuser l'adoption du traité pour lui-même, mais il ne peut empêcher les vingt-six autres peuples de le faire s’ils le souhaitent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’enjeu reste pour les Irlandais de définir les modalités de leur appartenance à l’Union dans les mois à venir, avec l’aide de leurs partenaires.

M. Maxime Gremetz. Vous excluez les Irlandais !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Pour autant, le flottement des opinions publiques européennes doit nous faire réfléchir. Nous connaissons les raisons pour lesquelles nous avons fait l'Europe : il fallait rétablir durablement la paix sur un continent meurtri par deux guerres mondiales, et reconstruire des économies prospères Mais savons-nous vraiment pourquoi il nous faut aujourd'hui poursuivre l'aventure européenne ?

C'est la question que se posent beaucoup de nos concitoyens qui ne savent pas toujours où va cette Europe élargie à vingt-sept États membres. Ils nous demandent de fixer un cap à la construction européenne et souhaitent qu'on leur apporte la preuve de l'utilité de l'Union dans leur vie quotidienne face aux défis de la mondialisation.

Il est vrai que certaines décisions de l'Union sont parfois inopportunes. Je pense aux pêcheurs auxquels on demande de rembourser les aides, aux restaurateurs et à la TVA à 5,5 %, aux automobilistes, surpris que la proposition de Nicolas Sarkozy de plafonner la TVA pétrolière ait été écartée – pour l’instant – par les ministres des finances européens.

M. Jérôme Lambert. Et la TIPP ? Elle ne dépend pas de l’Europe.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Je pense aussi aux agriculteurs, inquiets d’éventuelles nouvelles concessions à l'OMC.

M. Patrick Roy. Ils ont raison !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. En fait, un cycle de la construction européenne est en train de s'achever, celui où l'on pouvait encore avancer masqué. Nous avons, au fil du temps, transféré de plus en plus de compétences à l'Union, sans jamais clarifier l'objectif ultime du projet européen :…

M. Jean-Pierre Brard. Vous vous en apercevez maintenant ?

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. construire une Europe politique fondée sur le partage de valeurs communes et la réalisation de politiques communes.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Les valeurs de la bourse de Francfort !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Le temps est venu de lever les ambiguïtés auxquelles nous nous sommes résignés depuis trop longtemps et qui font que des sujets essentiels sont devenus tabous. Je pense en particulier aux frontières de l'Union et à notre incapacité à dire clairement jusqu'où l'Europe a vocation à s'élargir.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Je pense également à la question du financement de l'Union et à son budget.

Au-delà des mots, il nous faut absolument donner un contenu tangible au concept de « fédération d'États-nations » qui fait que l'Union européenne n'a d'équivalent nulle part ailleurs dans le monde. L'Europe n'est ni un super-État ni une organisation internationale. Il nous faut trouver l’équilibre juste d'une répartition des compétences fondée sur le respect du principe de subsidiarité. Il nous faut trouver une harmonie entre l'identité européenne et les identités nationales, entre la citoyenneté européenne et les citoyennetés nationales. C'est cela le concept de fédération d'États-nations, qui s'exprime si bien dans la devise de l'Union : « Unie dans la diversité ».

L'Europe doit cesser de se fourvoyer dans des domaines qui ne sont pas de son niveau pour concentrer ses actions sur des sujets de dimension véritablement européenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous savons bien que, notamment en matière d'environnement, d'agriculture, d'immigration ou de politique industrielle de défense, les réponses pertinentes seront de moins en moins nationales et de plus en plus européennes et internationales. La réponse européenne à la mondialisation n'est ni l'uniformisation ni l'harmonisation par le bas, mais la définition commune d'un modèle européen de société, respectueux de nos diversités.

Puisse ce modèle devenir le socle d'un nouveau pacte européen pour redonner du souffle, de la légitimité et de l'adhésion à l'approfondissement de la construction européenne ! Tel est l’intérêt de la France, il est utile de le rappeler à la veille de la présidence française de l’Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, et après la mauvaise nouvelle du « non » irlandais au traité de Lisbonne, il est évidemment indispensable de ne pas céder au découragement. Il faut, au contraire, mettre en perspective les priorités de notre présidence. Les projets défendus par la France et ses partenaires s’inscrivent dans une double logique : celle d’une Europe politique et celle d’une Europe citoyenne.

Une Europe citoyenne parce que nous devons prendre à bras-le-corps la question de l’immigration et de l’intégration. Le pacte européen sur l’immigration et l’asile proposé par Brice Hortefeux à nos partenaires va dans ce sens. Je souscris totalement à ce qu’il nous a dit devant la délégation pour l’Union européenne : « L’Europe ne peut ouvrir ses frontières sans limites et sans règles. » Le rapport de Thierry Mariani devant notre délégation l’a confirmé : à l’heure où des centaines de milliers de régularisations se font dans des pays voisins comme l’Espagne ou l’Italie, elles se répercutent inévitablement sur tous les pays de l’Union. Il faut donc mettre un terme aux régularisations massives.

Mais, à l’heure aussi où notre continent a besoin de travailleurs qualifiés, nous avons le devoir de les attirer et de mieux les accueillir : c’est tout le sens de la « carte bleue » européenne. Voilà des exemples concrets d’une Europe plus citoyenne !

L’Europe citoyenne, c’est aussi nous mobiliser dans la lutte contre le réchauffement climatique. Après le Grenelle de l’environnement, qui a particulièrement intéressé les Français, l’Union européenne doit imaginer des solutions pour consommer moins d’énergie, rejeter moins de CO2, trouver des sources d’énergies plus durables. À nous, Européens, de montrer l’exemple et d’entraîner les autres !

Une Europe plus politique, cela passe aussi par une politique commune de l’énergie, dans la continuité, monsieur Lambert, de la présidence allemande. Il n’y a pas de mal à cela. Le travail européen s’accomplit justement dans la continuité des pays qui nous ont précédés et avant ceux qui nous suivront.

M. Jérôme Lambert. J’ai dit qu’il n’y avait rien de choquant !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Nicolas Sarkozy a raison : la question du pétrole cher n’est pas seulement un problème français, c’est le problème de tous les Européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Quelle profonde réflexion !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. L’indépendance énergétique de l’Europe doit faire l’objet de négociations européennes, et non pas bilatérales, face à la puissance des pays producteurs de gaz ou de pétrole. C’est un sujet sur lequel nous avons travaillé à la délégation, en liaison avec la commission des affaires économiques, avec le rapport de nos collègues André Schneider et Jean-Claude Lenoir.

Plus de politique en Europe, c’est aussi en revenir aux fondamentaux de la construction européenne, comme la politique agricole commune. Le ministre Michel Barnier l’a clairement annoncé devant la délégation : « Il est urgent de réformer la PAC ! Alors que la demande explose, que des émeutes de la faim se multiplient et qu’un choc alimentaire mondial se profile, le « bilan de santé » de la politique agricole européenne est plus nécessaire que jamais ! »

Les citoyens européens, comme les citoyens français sont hautement concernés par l’augmentation des prix alimentaires, dont la PAC doit se préoccuper, comme l’a souligné Hervé Gaymard dans son rapport devant la délégation.

Enfin, une Europe plus politique est indissociable d’une défense européenne. Il n’y aura pas de puissance européenne, sans le préalable d’une défense européenne !

L’Europe politique voulue par Nicolas Sarkozy, c’est aussi mettre à la même table Ehoud Olmert et Bachar El-Assad, qui participeront ensemble à la réunion de lancement de l’Union pour la Méditerranée le 13 juillet à Paris.

Et sur cette question du Moyen-Orient, l’Europe ne peut pas être celle qui donne le plus d’argent, quand les accords politiques se signent à Washington ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Je peux attester de la forte attente de nos partenaires européens, ayant reçu avec la délégation dix-huit commissions partenaires des affaires européennes des parlements nationaux, depuis deux mois.

Nos homologues voient dans nos priorités une logique, une cohérence. C’est d’abord l’Europe des résultats qui convaincra lescitoyens !

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Nous avons d’ailleurs tenu à auditionner Xavier Bertrand, qui a montré son ambition pour faire avancer concrètement l’agenda social européen.

M. Roland Muzeau. Les soixante-cinq heures !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Quand j’entends le parti communiste crier victoire à propos du « non » irlandais, …

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. …cela me fait sourire. Les arguments des Irlandais, c’était « Surtout pas d’Europe sociale ! »,…

M. Maxime Gremetz. Ne les insultez pas !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. …« Surtout pas d’harmonisation sociale et économique ! », « Surtout pas d’augmentation d’impôt ! »

M. Roland Muzeau. On disait la même chose pour les Français !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Le « non» irlandais au référendum sur le traité de Lisbonne n’affectera pas nos priorités. C’est un défi de plus que nous devons relever.

M. Maxime Gremetz. Le peuple français aussi a dit non !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Le gouffre qui s’est installé – Jean-François Copé en a parlé – entre les institutions nationales et européennes et les peuples n’est plus supportable.

Le temps d’une Europe construite par le haut est révolu. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La première des obligations est de réduire la distance entre Bruxelles, Strasbourg et les parlements nationaux.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Je crois que la clef de la réussite européenne, c’est l’association des parlements nationaux à la marche européenne.

M. Maxime Gremetz. C’est nouveau !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Je le dis depuis longtemps et j’en ai reparlé récemment avec le président de la Commission, M. Barroso, et le président du Parlement européen, M. Pöttering : il faut que les députés nationaux se rendent à Bruxelles et à Strasbourg pour assister aux commissions du Parlement européen ; il faut que les institutions européennes se déplacent plus encore qu’elles ne le font dans les capitales.

M. Roland Muzeau. Cela va tout changer !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Dans cette volonté de rapprocher toujours plus les citoyens dudébat européen, je salue l’initiative de Jean-François Copé de lancer, au nom du groupe UMP, l’idée de « coproduction européenne ».

Des améliorations se sont déjà produites pour placer l’Europe au cœur de nos débats. La délégation y travaille quotidiennement à travers ses auditions et rapports communs avec les commissions permanentes, ses groupes de travail communs avec les commissions permanentes, l’invitation des parlementaires européens à toutes nos réunions.

Mais Jean-François Copé a raison : il faut politiser le débat européen, comme le souhaite le Président de la République. Le groupe UMP a déjà fait beaucoup, avec par exemple le groupe des Vingt-sept, qui réunit les présidents de groupe PPE des parlements de tous les États membres, et qui se réunira encore le 2 juillet prochain.

J’appelle les autres groupes politiques à faire de même.

M. Jérôme Lambert. On le fait !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. Car l’Europe ne consiste pas à discuter entre Français, l’Europe consiste à discuter avec les autres Européens.

La présidence française a bien préparé ses priorités. Elle va avoir en plus à gérer les conséquences du « non » irlandais. Dix-huit pays ont déjà ratifié, et il est indispensable que se poursuive le processus de ratification.

M. Roland Muzeau. Oui !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. À la veille de la Présidence française, l’Europe ne doit pas devenir l’otage de considérations de politique intérieure.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne. La cause est suffisamment importante et belle pour que nous dépassions nos clivages habituels.

Notre défi est une urgence majeure, parce que, pendant que l’Europe piétine, la Chine, l’Inde, le Brésil (« Ah ! sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), la Russie, les États-Unis, et bien d’autres encore, marquent des points décisifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Merci, monsieur le président, merci à chacun d’entre vous, merci à M. Jérôme Lambert pour ses critiques toujours utiles, à M. Lecocq pour ses critiques toujours vives, parfois excessives, à M. Sauvadet pour ses encouragements et à M. Copé pour sa lucidité, pour son engagement, pour son soutien. Et puis merci à M. Axel Poniatowski d’avoir parlé de globalisation et du problème que pose à tous les citoyens européens la nécessité de faire face à un monde en mouvement qui, en particulier, remet parfois en question nos armatures sociales. Enfin, merci, monsieur Lequiller, pour cette Europe des citoyens, cette Europe des résultats.

Il est excessif, monsieur Lambert, de dire que la France n’était pas préparée. Rarement une préparation a associé autant de gens. Les vingt-six autres pays, y compris l’Irlande, y ont été associés, ainsi que tous les groupes politiques, et nous avons mené de nombreuses discussions.

Il est un peu tôt aussi pour le dire, alors que la présidence commence le 1er juillet. Nous jugerons des résultats.

Évidemment, la présidence française doit faire face à ce que vous avez tous souligné : le « non » de l’Irlande. Ce n’est, à mon avis, pas seulement un « non » irlandais, c’est aussi un « non » européen.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. C’est comme cela qu’il faut le prendre. Et parce que ce « non » pose bien des questions, il nous faudra, tout en respectant profondément le vote du peuple irlandais, quelques semaines, quelques mois sans doute, peut-être plus, pour le décrypter.

De plus, un certain nombre des sujets qui devaient être abordés par la présidence française ne le seront plus. Nous n’aurons pas, bien sûr, à nous occuper du service diplomatique extérieur, puisque, quoi qu’on en pense et quelles que soient les évolutions, que je souhaite positives, le traité de Lisbonne n’est pas accepté.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Cela veut dire que nous devons poursuivre la ratification. Pourquoi ? Parce que rien dans le traité de Lisbonne ne prescrit que nous devions arrêter dans leur tentative – et, je l’espère, dans leur succès – les pays qui n’y ont pas encore procédé. Donc, il faut continuer. Il n’empêche que, à moins d’initiatives venant probablement d’Irlande, mais aussi d’autres pays, qui nous permettraient d’inventer quelque chose pour remettre le train sur ses rails, le traité de Lisbonne, pour l’heure, n’est pas accepté.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’en réjouir. Il n’y a pas lieu, du tout, de s’en réjouir. Je crois que cela restera un moment difficile dans l’histoire de l’Europe. Je n’ai pas le temps d’aligner les progrès à mettre à son actif, mais vous les connaissez tous. L’Europe nous a entraînés et a produit des résultats positifs. Personne ne songe à nier cela, malgré ses manques et malgré l’appel général à une plus grande compréhension des citoyens et une plus grande proximité – vous avez eu raison de le souligner.

Il est vrai que les débats institutionnels n’ont trouvé aucun écho, parce qu’ils étaient mal compris. Sans doute est-ce notre faute, en particulier à nous qui devions expliquer : les parlementaires, certes, mais plus encore les ministres. Sans doute les explications n’ont-elles pas été fournies de la bonne manière. Mais c’est aussi parce que la globalisation – je reprends le mot de M. Poniatowski – fait peur aux peuples de l’Europe. Et nous n’avons pas su leur prouver que l’Europe était un bouclier, une défense, qu’il y aurait peut-être une période difficile à traverser mais qu’ensuite – parce que nous consacrerions beaucoup d’argent à la recherche, à des démarches communes, à l’invention – notre place était assurée dans le monde, et la meilleure des places plus tard. Et pas dans si longtemps.

C’est une explication de ce refus, mais il y en a une autre dans ce que l’on peut déchiffrer pour le moment : bien que ce soit encore très partiel et que je n’aie pas à le commenter plus avant, on sait que les femmes et les jeunes, en Irlande, ont voté majoritairement « non », plus encore que les hommes.

Mme Marie-George Buffet. En France aussi, les jeunes ont voté contre !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. La jeunesse, les femmes : cela veut dire une inquiétude pour l’avenir. Je crois qu’il faut en tenir compte. Et vous en avez tous tenu compte.

Énergie, climat : on ne peut pas dire que ce soit une priorité allemande, c’est une priorité pour nous tous, et pour des dizaines d’années.

M. Jérôme Lambert. Oui !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Il fallait que nous l’abordions. Je ne prétends pas que nous réglerons le problème dans les six mois de la présidence française, mais c’était absolument indispensable.

Pour les émissions de gaz à effet de serre, il y avait une double exigence : comment ne pas pénaliser nos industries et permettre en même temps aux industries des pays en développement de progresser ? Pas facile ! À cet égard, la proposition française – que nos partenaires ont commencée à examiner – n’était pas si mauvaise.

Quant à l’immigration, monsieur Lambert, je n’ai jamais été, pour ma part, partisan de l’immigration « choisie ». Mais nous parlons maintenant d’une immigration « concertée », ce qui représente une belle et vraie différence. Avec les autres pays, Brice Hortefeux négocie non seulement sur les allées et venues, mais aussi sur les possibilités de travail et sur la prise en compte de la pauvreté et des exigences particulières des pays en développement. Nous découvrons que, dans les pays voisins de la France, quels que soient les gouvernements – de gauche comme de droite, ne me le faites pas dire –, le traitement de l’émigration est beaucoup plus rude que chez nous. Or, dans le pacte sur l’immigration, nous protégerons non seulement les droits de l’homme, mais aussi le droit d’asile. Ce n’était pas facile, car la position française était beaucoup plus souple et plus humaine.

M. Jérôme Lambert. Il faut la conserver !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. La directive « retour » portait atteinte à la dignité humaine, monsieur Lambert, en prévoyant qu’une personne en séjour irrégulier puisse être détenue pour une durée maximale de dix-huit mois. Ce n’est pas du tout le cas de la France – M. Hortefeux s’en est expliqué hier – puisqu’elle limite cette rétention à trente-deux jours, la durée moyenne étant même de douze jours.

M. Jérôme Lambert. En effet !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Notre position ferme à cet égard nous a permis de discuter avec nos partenaires européens et de leur faire la proposition d’un pacte européen sur l’immigration. La France fera tout pour parvenir à une conclusion rapide en convainquant les Vingt-sept, y compris l’Irlande, car c’est ainsi que doit fonctionner l’Europe. Ce sera sans doute la première proposition de la présidence française.

À propos de l’Europe sociale, Jacques Delors affirmait qu’il n’y a pas d’Europe sociale, mais seulement des améliorations sociales qui sont obtenues dans chacun des pays membres et qu’il faut harmoniser. Si nous proposons d’harmoniser l’âge de départ à la retraite à cinquante-sept ou cinquante-huit ans, les Allemands, qui l’ont fixé à soixante-sept ans, ne marcheront pas ! C’est cela le pacte social : à un moment donné, on ne peut pas être plus royaliste que le roi. Et il faut harmoniser à vingt-sept !

M. Jean-Pierre Dufau. Et le SMIC européen ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Concernant la directive « temps de travail », vous parliez de 63 heures par semaine, je crois, monsieur Lambert.

M. Jérôme Lambert. Je n’ai pas précisé.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Je vous signale que la durée hebdomadaire est maintenant de 48 heures en Europe, avec des possibilités d’aménagement mieux encadrées au-delà. Cela ne correspond pas à notre législation, mais c’est une durée qui est néanmoins bien réduite.

M. Pierre Lequiller. Les 48 heures, c’est pour les autres pays.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Bien sûr ! Les autres pays européens sont à 48 et nous, pour le moment encore, à 35.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Pour le moment, disais-je ! (Sourires.)

L’année prochaine peut-être, monsieur Lambert et monsieur Lecoq, nous occuperons notre place dans l’OTAN. Pour l’instant, rien n’est fait, aucune démarche n’a été entamée et, à la conférence de Bucarest, c’est un plutôt un refus européen qui a été opposé aux demandes de certains pays. Nous reprendrons notre place au comité des plans de défense – petit carré à gauche, alors que le petit carré à droite concerne l’activité nucléaire qui relève de notre souveraineté. Le Président de la République a dit hier, très intentionnellement : « Dans mon esprit, il ne peut y avoir de progrès sur l’intégration de la France dans l’OTAN que s’il y a préalablement un progrès dans l’Europe de la défense. » C’est assez clair.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Et le président Bush, à Bucarest, a clairement dit – et c’était toute la différence avec le gouvernement précédent – qu’il acceptait et comprenait le principe d’un pilier européen de la défense. Nous conditionnons l’accès à l’OTAN à un progrès en matière de défense européenne : c’est capital.

M. Maxime Gremetz. Sous la direction des États-Unis !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Je ne devrais pas répondre à M. Gremetz, pour ne pas l’encourager...

M. le président. En effet, vous ne le devez pas.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Alors, je vous réponds à vous, monsieur le président, qui ne m’avez pas posé la question ! (Sourires.)

Vingt et un pays européens font partie de l’OTAN. (M. Jean-Pierre Soisson applaudit.) Il s’agit donc d’européaniser l’OTAN et c’est ce que nous faisons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. Et les Américains ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Il paraît difficile de les faire disparaître ! (Sourires .)

M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. À M. Lecoq – qui n’est plus là – je dis que personne n’a fait preuve du moindre mépris à l’égard des Irlandais.

M. André Chassaigne et M. Maxime Gremetz. Si !

M. André Chassaigne. Dans l’intervention de M. Copé comme dans celle de M. Lequiller.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Absolument pas ! Ils ont dit que le « non » des Irlandais ne les isolait pas pour autant et qu’il fallait en faire un problème commun. C’est ce que, pour ma part, j’ai compris. En tout état de cause, nous allons écouter les Irlandais. Nous ne les blâmerons pas – même si, à nos yeux, ce n’est pas un événement réjouissant – car c’est leur affaire et nous devons respecter leur position.

M. André Chassaigne. Vous avez raison !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Nous trouverons la solution à vingt-sept. Est-ce la fin du traité ? Je l’ai, moi, envisagé ? En tout cas, eux ne l’ont pas dit. Pour ma part, je considère que, si cela continue ainsi, le traité n’existera pas, mais les Irlandais ne l’ont jamais affirmé. Il s’agit pour eux d’une étape, qu’ils pourraient dépasser. Quant au nouveau traité, ce n’est pas à l’ordre du jour et il faudra attendre bien longtemps.

M. Lecocq a souhaité une Union plus protectrice des peuples, il ne peut qu’avoir raison ; c’est, du reste, ce qui ressort de toutes les résolutions européennes, on ne peut affirmer le contraire ! Je rappellerai simplement la directive concernant la protection contre l’amiante. N’est-ce pas à l’Europe qu’on la doit ? Les parlements nationaux n’y sont pas parvenus, mais cela a été possible au niveau européen. Voilà une petite illustration !

Et si, lors de la présidence française, nous mettions en œuvre l’idée du Président de la République en faveur d’une recherche commune sur la maladie d’Alzheimer, serait-ce une avancée sociale ? Bien sûr, et c’est possible.

M. André Chassaigne. Nous sommes d’accord là-dessus.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Certes, ce n’est pas une directive qui harmoniserait les temps de travail, mais une recherche commune sur cette maladie représenterait une énorme avancée sociale. J’espère que nous y parviendrons lors de cette présidence.

Je remercie M. Sauvadet de soutenir les priorités du Gouvernement pour la présidence française, mais ce n’est pas suffisant. Souhaiter une présidence à l’écoute et qui agisse par consensus, c’est plus facile à dire qu’à faire. Nous allons devoir prendre sur nos épaules l’anxiété ambiante, tout le monde est concerné. Les ministres des affaires étrangères se sont réunis lundi à Luxembourg. Nous avons écouté l’intervention du ministre irlandais avec beaucoup d’intérêt et d’attention, sans aucune commisération ni agressivité. Nous devons nous sortir ensemble de la situation créée par le « non » irlandais, vous avez eu raison de le dire, monsieur Sauvadet.

Vous avez également évoqué l’immigration « concertée » et non « choisie », je vous remercie d’avoir employé cet adjectif.

Vous verrez que, demain, la France demandera que l’on discute à vingt-sept l’idée du Président de la République – maintenant partagée par d’autres pays et non des moindres – de plafonner la TVA en cas de montée trop forte du prix du pétrole. Non seulement nous allons le faire...

M. François Sauvadet. Il faut le faire.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. …mais cela suscitera beaucoup d’intérêt, parce que cette question concerne tout le monde. Ce sera une façon de montrer que nous avons entendu la leçon, M. Poniatowski, M. Lequiller et d’autres l’ont dit.

Je tiens à remercier Jean-François Copé…

M. Maxime Gremetz. Il est parti !

M. Philippe Vitel. Nous sommes là !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. …pour le soutien qu’il a apporté à nos priorités. Comme il l’a dit, nous devons agir plus encore. Nous allons pousser les idées du Président de la République, notamment la taxation de l’énergie qu’il a eu le mérite d’aborder, le pacte sur l’immigration et l’Union pour la Méditerranée.

S’agissant de l’Union pour la Méditerranée, je vous remercie d’avoir relevé qu’elle serait un pont entre le Nord et le Sud. De nombreux pays – Tunisie, Maroc, Algérie – trouveront au sein de cette Union une occasion supplémentaire de se parler.

M. Renaud Muselier. Tout à fait !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Il y a entre les pays que j’ai cités une des frontières les plus hermétiques du monde, ce qui est pour le moins étonnant. Le jour où ces pays se retrouveront – comme les Israéliens et les Syriens – ce sera un grand progrès pour notre diplomatie et pour la France !

M. Copé a souligné le rôle des députés. Pourquoi, en effet, ne pas se réunir à vingt-sept UMP, vingt-sept socialistes etc.

M. Jean-Pierre Dufau. Il n’a pas parlé des socialistes !

M. Renaud Muselier. Il l’a pensé ! (Sourires .)

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Eh bien moi, je le dis ! En tout cas, je l’ai compris ainsi !

M. le président. Tenons-nous en à ce qui a été prononcé à la tribune.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Je viens moi-même de le faire, monsieur le président. (Sourires.)

M. Jean Mallot. Laissez parler le ministre, monsieur le président ! Ne le censurez pas !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Quant au rôle des parlements nationaux, je suis heureux d’entendre que nous les impliquerons davantage, et non à moitié comme nous le faisions jusque-là. Il est impératif que les parlements nationaux soient impliqués avec le Parlement européen. À cet égard, l’élection des députés au Parlement européen sera un événement majeur. Je ne sais pas si d’ici là il y aura eu des propositions, mais cette campagne sera très importante. Je souhaiterais d’ailleurs que l’on invente, avec les parlements nationaux, une façon d’y participer ensemble. Ce serait la meilleure réponse au désamour des citoyens envers l’Europe, ou en tout cas à leur sentiment d’éloignement.

Avec M. Poniatowski et M. Lequiller, je réfléchis sur les frontières de l’Union. Sous la direction de Felipe Gonzalez, le comité des sages aura à y travailler et à produire des idées.

Nous devons tous – avec le Parlement européen et la Commission – répondre aux angoisses suscitées par la globalisation. Il est certain que le « non » irlandais a été conditionné par cette inquiétude. Certes, ils ont progressé sur le plan économique grâce à l’Europe. Ils en étaient conscients, mais ils craignaient de perdre sur ce tableau : c’est une évidence qui vaut pour chaque nation. Nous devons donc inventer une réponse plus lisible, notamment à la crise de l’alimentation et aux famines qui se préparent. L’Europe y a déjà répondu en distribuant un peu d’argent, en abondant, dans l’urgence, le programme alimentaire mondial, pour faire face à cette augmentation des prix. Mais nous n’avons apporté aucune réponse qui permettrait à l’agriculture des pays en difficulté de se développer selon des modalités différentes. Il n’y a pas eu de réponse européenne au congrès de la FAO qui s’est tenu à Rome. Pas plus qu’il n’y a eu de réponse suffisante au problème du prix du pétrole.

M. François Sauvadet. C’est vrai.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Nous devons tirer les leçons de ces événements. L’Europe citoyenne que vous appelez de vos vœux, monsieur Lequiller, doit être plus attirante et plus évidente pour chacun. Nous tenons des réunions à Bruxelles ou à Luxembourg – et personne ne sait pourquoi Luxembourg plutôt que Bruxelles ! (M. Jean-Pierre Soisson applaudit.) Peut-être faudrait-il que l’on explique ce qu’on y fait. Or il n’est pas évident de faire passer les rares décisions qui s’y prennent dans l’opinion publique. Je compte sur vous et les parlements nationaux autant que sur le Parlement européen…

M. Antoine Herth. De Strasbourg ! (Sourires.)

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. De Strasbourg, mais je ne veux pas susciter un débat, qui n’existe pas d’ailleurs !...

Bref, le fonctionnement de l’Europe est mal connu et beaucoup de choses sont mal comprises, surtout par la jeune génération. Pour la génération précédente, M. Poniatowski l’a dit, c’était évident. Elle savait bien qu’il fallait éviter la guerre et c’est la raison pour laquelle l’Europe est née. La génération actuelle ne le sait pas et n’a pas assez de goût pour la belle aventure européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du Nouveau Centre.)

M. le président. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Nomination d’un député
en mission temporaire

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. François Loos, député du Bas-Rhin, d’une mission temporaire auprès de M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

5

Réforme portuaire

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, portant réforme portuaire (nos 907 et 954).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, comme sans doute tous ceux de l’opposition, ont été surpris, et même presque choqués, par l’attitude de la majorité et du Gouvernement hier après-midi. Le Gouvernement a déclaré l’urgence, comme il en a le droit, mais nous étions au-delà de ce qu’elle impose : la précipitation a conduit à escamoter le débat. Qu’on en juge : la majorité n’a même pas fait le minimum habituel en termes de travail parlementaire puisqu’elle n’a déposé qu’un amendement qu’elle a retiré au début de la séance ; le secrétaire d’État chargé des transports a répondu pour le moins rapidement ; quant au rapporteur, il a été plus que laconique en donnant l’avis de la commission.

Toutes les conditions étaient pourtant réunies pour mener un très bon débat sur une question qui intéresse les Français, les territoires littoraux et toute la communauté portuaire : des députés motivés, des présidents de région, des élus départementaux et communaux issus des territoires où se situent les grands ports autonomes français. J’espère que nous ne les avons pas découragés. La faible participation, en ce début de séance, laisse cependant craindre que oui.

Je souhaite que le débat de cet après-midi nous permette d’examiner de manière plus approfondie ces sujets essentiels pour l’avenir du trafic maritime et de l’économie française.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 81 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 81.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer les alinéas 46 à 82 de l’article 1er, c’est-à-dire le chapitre II du livre Ier du code des ports maritimes.

Ces dispositions risquent en effet de se traduire par une moindre représentation des salariés et des collectivités publiques mais également d’acteurs économiques comme les chambres de commerce et d’industrie dans les organes de gouvernance des ports. Cela constitue un recul pour le fonctionnement démocratique de ces instances alors que les ports autonomes sont des acteurs essentiels des zones portuaires et des territoires maritimes en général.

Actuellement, le conseil d’administration des ports autonomes comprend au minimum cinq représentants des salariés des ports et un représentant des ouvriers dockers, au titre des personnalités qualifiées. Avec la réforme, le conseil de surveillance ne comptera que trois représentants du personnel de l’établissement public, soit trois représentants des salariés au lieu de six. De plus, certaines catégories de personnel vont disparaître du conseil de surveillance et siègeront seulement au conseil de développement. Le présent projet semble oublier que les conseils d’administration des ports autonomes ne sont pas seulement des lieux de décision mais également des lieux de dialogue, où se retrouvent côte à côte des représentants des personnels, des usagers et d’autres personnalités. Avec la gouvernance proposée, nous perdrons cette dimension.

Il faut également noter que c’est dans l’instance qui a le moins de pouvoirs que les salariés seraient le mieux représentés, si je puis m’exprimer ainsi.

Enfin, les modalités de désignation, les règles de fonctionnement des instances ou encore les opérations dont la conclusion est soumise à l’autorisation préalable du conseil de surveillance sont renvoyées à des décrets en Conseil d’État, ce qui limite considérablement la visibilité des pouvoirs réels dont disposeront les instances ainsi que de leur composition.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression du chapitre portant organisation des grands ports maritimes. Nous proposerons d’autres amendements pour améliorer les dispositions proposées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, cet amendement porte sur un chapitre important, qui appelle quelques remarques de fond.

La réforme de la gouvernance des ports s’imposait. L’actuel conseil d’administration comporte vingt-six membres, un président, un directeur général. C’est une organisation qui a fait ses preuves à une période où les choses allaient moins vite mais, aujourd’hui, l’ambition renouvelée des grands ports maritimes appelle des organes de décision dotés d’une réactivité supérieure. J’ai été membre du conseil d’administration du port du Havre pendant quatorze ans : certes, monsieur Paul, chacun pouvait faire entendre sa voix, mais nous avions quelquefois l’impression que les décisions fondamentales étaient prises par quelques-uns seulement.

Le texte propose une nouvelle organisation – conseil de surveillance, président du directoire et conseil de développement – mieux adaptée à la situation actuelle. Le conseil de surveillance – c’est, en tout cas, ma lecture du texte – est le véritable organe de décision pour ce qui concerne les orientations stratégiques. Il les définit avec l’ensemble des partenaires car il n’est pas question que les salariés du port autonome ou des entreprises n’y soient pas pleinement associés. La définition des objectifs de trafic, qui doivent être proposés aux acteurs privés afin d’être intégrés à leur stratégie, pourrait également faire partie des attributions du conseil de surveillance.

Le président du directoire, nommé par le Gouvernement, assure les tâches quotidiennes, prépare les budgets, qui sont votés et contrôlés par le conseil de surveillance.

Quant au conseil de développement, comment pouvez-vous le considérer comme le lot de consolation de salariés qui, depuis cinquante ans, suent sang et eau sur les quais ? Il n’en est rien ! Je vous rappelle qu’il est consulté sur le grand projet stratégique à propos duquel les ouvriers dockers et les portiqueurs ont des choses à dire, en raison de leur expérience du travail sur les quais. Qui mieux qu’eux peuvent en parler ? Mais il est normal que les acteurs économiques et les représentants d’associations de protection de la nature siègent également à ce conseil, afin d’assurer une représentation équilibrée.

Bref, la gouvernance des ports telle que la propose le projet de loi me paraît bonne. Notre avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Nous avons beaucoup travaillé avec les organisations syndicales, les représentants des places portuaires et les parlementaires. Les auditions ont commencé dès le mois de septembre de l’année dernière. Je me suis rendu dans tous les ports, notamment celui du Havre – souvenez-vous, monsieur Paul, de notre réunion à la mairie.

M. Daniel Paul. Vous ne m’avez guère convaincu !

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Nous pensons avoir trouvé un bon équilibre : le conseil de surveillance donne une plus grande place aux collectivités locales, dont plusieurs élus de l’opposition et de la majorité ont souligné l’importance dans la vie des ports ; les salariés auront des représentants dans le conseil de surveillance ainsi que dans le conseil de développement. Nous avons un directoire qui dirige, un conseil de surveillance, où siègent les patrons du territoire, qui surveille, un conseil de développement où sont représentées les organisations environnementales qui, jusqu’à présent, n’étaient présentes à aucun niveau de la gouvernance des ports.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 50.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Notre amendement vise à rééquilibrer la composition du conseil de surveillance. Je suis choqué, en effet, par le choix qui a été fait d’une représentation aussi déséquilibrée. Il y a cinq représentants de l’État auxquels s’ajoutent cinq personnalités qualifiées nommées par l’autorité compétente de l’État, seulement quatre représentants de collectivités locales, alors que nous avons bien démontré hier qu’elles intervenaient souvent plus que l’État dans les investissements portuaires, et seulement trois représentants du personnel de l’établissement public, ce qui est pour moi le comble de l’inacceptable.

Nous avons donc déposé une série d’amendements tendant à faire reposer la composition du conseil de surveillance sur un équilibre incontestable. Nous proposons la règle des quatre quarts : quatre représentants de l’État, quatre personnalités qualifiées, quatre représentants des collectivités locales et quatre représentants des personnels – un amendement visant plus particulièrement à ce que certaines catégories d’entre eux, comme les dockers, soient représentées comme il convient.

Rien ne justifie l’organisation hiérarchisée que vous proposez. L’État veut occuper une position hégémonique alors qu’il n’a plus les moyens de sa politique. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter ce premier amendement, qui fixe à quatre le nombre de représentants de l’État dans le conseil de surveillance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Il y a tout de même un paradoxe, monsieur de Rugy, à dénoncer la surreprésentation de l’État tout en le critiquant à longueur de discours pour s’être trop peu investi dans les grands ports français ces vingt-cinq dernières années.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas paradoxal !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. En prévoyant que cinq de ses représentants siégeront au conseil de surveillance, l’État marque, au contraire, sa volonté de s’investir. D’ailleurs l’annonce par M. le secrétaire d’État d’un CIADT portuaire dans l’année qui suivra l’application de la loi traduit bien cette intention du Gouvernement de mettre en œuvre une stratégie politique en ce domaine.

M. Daniel Paul. Nous verrons !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Donnez crédit à un ministre dont vous dites qu’il est excellent.

Par ailleurs, monsieur de Rugy, ce que vous dites des cinq personnalités qualifiées n’est pas vrai. Certes, elles seront nommées par le Gouvernement, et le ministre concerné aura toute liberté pour faire son choix. Mais je suis sûr qu’il veillera à nommer des personnes susceptibles d’apporter un plus au port du fait de leurs compétences.

M. Daniel Paul. Et de leurs finances !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Sans doute.

Quoi qu’il en soit, la composition proposée me semble équilibrée. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Je partage l’avis de M. le rapporteur et je souhaite m’exprimer à mon tour sur l’ensemble des amendements relatifs à la composition du conseil de surveillance.

Nous voulons tous que les sept grands ports maritimes que sont les ports autonomes demeurent la propriété de l’État. Or, l’État étant le patron, il est normal qu’il soit majoritaire. Sa prééminence se traduit donc logiquement par la présence de cinq représentants au conseil de surveillance.

S’agissant des représentants des collectivités territoriales, je cite souvent cette formule d’Alain Juppé, le maire de Bordeaux : « Ce que je reproche au port autonome de Bordeaux, ce n’est pas d’être un port, mais d’être autonome. » De même, Jean-Marc Ayrault ou Michel Delebarre déplorent cette absence de contact entre autorités du port et maire de la ville.

M. Daniel Paul. C’est du passé !

M. le secrétaire d’État chargé des transports. En prévoyant quatre sièges pour les collectivités territoriales, on permet la représentation de la ville, de l’intercommunalité, du département et de la région.

Ensuite, si nous souhaitons trois représentants du personnel, c’est parce que nous parlons de gestion d’entreprise et non de cogestion. Toutefois, rien n’empêche que parmi les cinq personnalités qualifiées figure une personne issue de l’encadrement du monde ouvrier ou d’une grande organisation syndicale. Si elle peut être utile au port, pourquoi le Gouvernement s’interdirait-il de la nommer ?

M. Daniel Paul. Écrivez-le dans la loi !

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Non monsieur Paul, car ces ports appartiennent à l’État. Il appartient à l’État de déterminer qui doit siéger aux conseils d’administration. M. Gayssot n’a jamais demandé l’avis du Parlement sur la composition du conseil d’administration de la SNCF.

M. Daniel Paul. Mais il nommait des salariés.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Il désignait des gens susceptibles d’apporter quelque chose à l’entreprise. C’est ce que nous ferons.

Enfin, un amendement du Sénat a été adopté, prévoyant que la chambre consulaire – dont nous connaissons tous l’importance sur le terrain – et le monde économique compteront chacun un représentant.

Nous avons beaucoup réfléchi, beaucoup consulté. Tous les grands maires, toutes sensibilités politiques confondues, ont trouvé qu’il s’agissait d’un bon équilibre. Faites confiance au sens républicain de l’État : nous ne chercherons pas à faire une affaire politique de ces nominations. À Marseille, par exemple, à travers la communauté d’agglomération, la ville, le département ou la région, toutes les sensibilités seront présentes. Ces collectivités seront au premier rang, d’autant qu’on va les appeler à cofinancer le port. Nous essaierons donc de trouver un équilibre républicain.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le rapporteur, vous vous êtes mépris sur mes propos : nous n’avons jamais critiqué la décentralisation, mais le désengagement de l’État. Celui-ci veut conserver ses prérogatives lorsqu’il s’agit de définir une politique, mais n’en assume pas les conséquences financières. C’est pour cela que nous demandons un rééquilibrage – même si la règle des « quatre quarts » reste favorable à l’État puisque celui-ci nommerait, directement ou indirectement, la moitié du conseil de surveillance. Nous demandons que l’État s’engage financièrement, mais nous constatons qu’il ne le fait pas. Or les collectivités locales, elles, le font. Elles doivent donc être mieux représentées.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, nous savons que les grandes envolées sur le caractère républicain des nominations se fracassent souvent sur la réalité. Je pourrais donner des exemples concrets. Nous ne voulons donc pas laisser au Gouvernement le pouvoir discrétionnaire de faire le tri entre bons et mauvais représentants.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Vous ne respectez pas le résultat des élections ni la légitimité du Gouvernement ?

M. François de Rugy. Bien sûr que si, mais il est également important de respecter le résultat des élections locales, par exemple.

Enfin, vous avez donné l’exemple de la SNCF, mais il serait peut-être nécessaire d’y revoir certaines nominations et certains équilibres. À Réseau ferré de France, autre exemple, c’est exactement le même problème : l’État décide de tout, et les projets des collectivités locales doivent passer sous ses fourches caudines, même si ce sont elles qui financent.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 27 et 51, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Sylvie Andrieux, pour soutenir l’amendement n° 27.

Mme Sylvie Andrieux. Il va dans le même sens que celui que vient de défendre M de Rugy. Je souhaite enfoncer le clou, car ce n’est pas une mince affaire. Je fais confiance à l’État et au Gouvernement, mais une femme avertie en valant deux, je préfère rester vigilante. Où est le très ambitieux plan de relance dont nous avons longuement parlé ?

Il est nécessaire de rééquilibrer le conseil de surveillance. L’État a certes toute sa légitimité, mais il doit respecter tout le monde. Vous avez parlé, monsieur le secrétaire d’État, de « personnes utiles » – une expression étonnante, et qui vous a sans doute échappé. Les dockers ne seraient-ils pas des personnes utiles ?

Enfin, vous prétendez avoir consulté tous les grands maires. Mais avez-vous écouté Michel Delebarre, lorsqu’il s’est prononcé hier contre votre projet ? Tout en notant que la réforme de 1992, qu’il a soutenue – et sur laquelle je ne reviendrai pas, chacun ayant son opinion à ce sujet –, avait été un formidable succès à Dunkerque, il vous a mis en garde contre la tentation d’appliquer la même recette à tous les autres ports.

Si une personne est utile, dites-vous, rien n’empêche de la faire siéger au conseil parmi les personnalités qualifiées. C’est positif, mais cela ne suffit pas. Pourquoi avoir peur des dockers ? Pourquoi avoir peur des ouvriers ? C’est au contraire à l’intérieur du conseil qu’ils seront les plus utiles. Il s’agit de leur outil de travail, de leur avenir.

C’est parce que je vous fais confiance, monsieur le secrétaire d’État, que j’espère vous voir revenir sur votre décision en acceptant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 51.

M. François de Rugy. Je le répète, nous trouvons vexatoire cette hiérarchisation entre les acteurs, l’État ayant, directement ou indirectement, dix sièges au conseil de surveillance, les collectivités locales quatre, et – ultime vexation – les salariés seulement trois. Il ne s’agit pas de cogestion : dans le système que nous défendons, les salariés n’ont que quatre sièges sur un total de seize. La cogestion, ce serait la moitié des sièges pour les salariés et aucune voix prépondérante. Nous en sommes loin, alors ne nous entraînez pas dans de faux débats. Ce que nous demandons, c’est que les salariés soient pleinement mobilisés en faveur du développement de leur port. Ils doivent donc être pleinement associés à sa gestion.

C’est également une question de respect. La presse évoquait encore ce matin la situation dans les ports français. Ne serait-il pas temps de faire un geste, au lieu de refuser tous les amendements que nous présentons, malgré les compromis qu’ils représentent ?

Cet amendement vise à ce que le conseil de surveillance comprenne quatre représentants du personnel, dont au moins un représentant des dockers. C’est normal, dès lors que vous avez jugé nécessaire de prévoir, à l’alinéa 54, qu’un représentant des cadres et assimilés siégerait au conseil. Quatre représentants, c’est la meilleure garantie pour que toutes les catégories de personnel soient mobilisées autour du développement de leur port.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Ce que nous voulons avant tout, c’est éviter les conflits d’intérêts. Et Dieu sait que certaines places portuaires en ont connu – les élus marseillais le savent bien. Par ailleurs, il est impossible juridiquement de prévoir que siégeront au conseil des personnes qui ne sont pas des salariés du port. C’est le cas des dockers, et bientôt des grutiers. Imaginez la tête des syndicats de la SNCF si je proposais de faire entrer au conseil d’administration des salariés d’une entreprise routière, maritime ou aérienne !

Je vous le dis donc en toute courtoisie : le Gouvernement s’opposera à toute modification de la composition du conseil de surveillance.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux.

Mme Sylvie Andrieux. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que les ouvriers bénéficient d’un droit de retour. Si ce droit existe réellement, cela signifie qu’ils n’ont pas définitivement quitté l’établissement public. Dès lors, pourquoi ne pourraient-ils pas siéger au conseil de surveillance ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Les agents qui partent le font définitivement. Certes, pendant sept ans, ils auront la possibilité d’être réintégrés dans l’établissement. Mais en attendant, ils ne sont plus salariés du port.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Permettez-moi de m’exprimer ainsi : je regrette encore une fois cette attitude un peu bornée, non pas la vôtre à titre personnel, monsieur le secrétaire d’État, mais celle du Gouvernement, alors que nos amendements sont de bonne foi. Vous avez affirmé qu’il ne devait pas y avoir de conflits d’intérêts. Nous sommes d’accord, mais vous savez que c’est plus facile à dire qu’à faire ! Le système mis en place peut en générer de nouveaux. Vous proposez de réintroduire parmi les personnalités qualifiées un représentant de la chambre de commerce et d’industrie, ce que je ne conteste pas, mais vous n’ignorez pas qu’elle peut être un facteur de conflits d’intérêts. C’est d’ailleurs ce qui a été précisé, s’agissant des commissions départementales d’équipement commercial. En la matière, il n’existe pas de règle parfaite ou magique.

Vous avez aussi parlé de désigner des « personnes utiles », expression que Mme Andrieux a, à juste titre, relevée. Cela signifie-t-il que, demain, par le jeu des personnalités qualifiées, le Gouvernement, ou ses représentants, sélectionnera certaines catégories ? Ce n’est pas un procès d’intention, mais une inquiétude justifiée. Je citerai l’exemple très concret d’une personne qualifiée qui a été écartée des instances du port de Nantes-Saint-Nazaire pour des raisons politiciennes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28.

M. Philippe Duron. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 52.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Chacun a compris la philosophie qui nous anime s’agissant de la composition du conseil de surveillance. Nous ne sommes pas là pour faire de l’obstruction ou pour pinailler. Mais puisque nous sommes prêts à parier que la gestion du conseil de surveillance sera satisfaisante, sa composition est d’importance et mérite que l’on s’y attarde.

Dans l’esprit de la règle des quatre quarts que nous avons défendue tout à l’heure, il nous paraît juste que les collectivités locales puissent nommer la moitié des personnalités qualifiées – nous proposons donc qu’il y en ait quatre et non cinq – et que l’État nomme l’autre moitié. Du fait de leur implication dans la politique portuaire, les collectivités territoriales sont tout aussi qualifiées pour distinguer qui peut apporter une contribution utile au sein du conseil de surveillance.

Je rebondis sur vos propos, monsieur le secrétaire d’État. J’espère que vous ne reprocherez pas aux collectivités locales de ne pas avoir une attitude républicaine. Les élus locaux – désignés par le peuple – ont eux aussi leur légitimité. Ils sont donc tout aussi fondés que l’État à décider. Le fait de s’en remettre à son pouvoir discrétionnaire m’inquiète et me choque. On peut certes faire le pari que le choix sera fait sur de bonnes bases, mais nous pouvons aussi craindre le lobbying dans les couloirs du ministère ou le jeu des relations qui favorisera tel ou tel. Si les collectivités locales et l’État se partagent ces nominations, le conseil de surveillance fonctionnera de façon équilibrée et saine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur de Rugy, nous sommes en République, nous devons donc nous faire confiance. Que fera M. le préfet Hagelsteen à Nantes, pour reprendre un exemple qui vous est cher ? Il consultera Jacques Auxiette, Patrick Mareschal et Jean-Marc Ayrault au sujet des membres du conseil que les collectivités partenaires, qui financeront ces ports, auront envie de désigner. Nous savons que ces ports ne peuvent fonctionner qu’avec un financement conjoint de l’État et des collectivités. Nous sommes raisonnables et nous ne nommerons pas un représentant désigné par le conseil général de la Vendée, dirai-je au hasard ! Tout est donc clair.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31.

M. Philippe Duron. Défendu.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 82 et 29, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 82.

M. Daniel Paul. L’expérience que je commence à avoir de la vie sociale et économique depuis quelques dizaines d’années m’amène à constater que les salariés sont, la plupart du temps, meilleurs défenseurs de l’activité économique et de son développement que les groupes dominants. Je vous ai entendu dire, monsieur le secrétaire d’État, que la présence d’un représentant des salariés parmi les personnalités qualifiées était possible et souhaitable. L’alinéa 55 précise que le conseil de surveillance sera composé de cinq personnalités qualifiées nommées par l’autorité compétente de l’État, dont un représentant élu de chambre consulaire et un représentant du monde économique. Vous ne vous en êtes pas tenu, monsieur le secrétaire d’État, à un représentant élu de chambre consulaire, c’est-à-dire d’un organisme institutionnel, vous êtes allé plus loin en proposant de faire siéger aussi un représentant du monde économique. Je suggère donc, par cet amendement, de désigner également un représentant des ouvriers dockers et même de commencer par là en rédigeant ainsi cet alinéa : « Cinq personnalités qualifiées nommées par l’autorité compétente de l’État, dont un représentant des ouvriers dockers, un représentant élu de chambre consulaire et un représentant du monde économique. » On perpétuerait donc la situation actuelle. Depuis la réforme de 1992 qui a exclu les ouvriers dockers des conseils d’administration, il a, en effet, été accepté un peu partout qu’ils figurent parmi les personnalités qualifiées. Nous vous proposons d’en faire la règle pour la désignation au conseil de surveillance créé par ce texte.

M. le président. Peut-on considérer que l’amendement n° 29 est défendu ?

M. Philippe Duron. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Comme l’a parfaitement souligné M. Bussereau, la démocratie signifie l’existence d’un Parlement et d’un conseil des ministres composé de ministres en charge des intérêts généraux du pays. Les élections démocratiques ont eu lieu. Nous sommes dans le cadre d’un établissement public de l’État : l’État décide, même s’il lui revient peut-être de faire son métier un peu mieux que jusqu’à présent.

Monsieur Paul, vous soulevez à nouveau un sujet dont je ne conteste pas l’importance. Vous considérez qu’un représentant des dockers devrait siéger au conseil de surveillance du port. C’est exclu puisque les dockers sont désormais les salariés des entreprises de manutention et ne dépendent plus de l’autorité portuaire.

Et puis le conseil de développement ne doit pas être dévalorisé, j’y insiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean Mallot. Dévalorisé ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Ce sont souvent les personnalités qui font les événements. Lorsque les ouvriers qui travaillent sur les quais auront des idées dans le cadre de l’élaboration d’un plan stratégique, il leur appartiendra de négocier avec le conseil de surveillance. Je tiens compte, ici, des suggestions de l’opposition. Nous devons fixer des objectifs de trafic aux armateurs. Lorsque l’on sait que, depuis vingt ans, les trafics des ports augmentent de 2 % par an, alors que la compétition internationale croît de 7 % par an, on ne doit pas rester les bras ballants. Les ouvriers dockers et les portiqueurs ont des choses à dire en la matière. La synthèse de tous les avis fera la dynamique de la place.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Nous sommes parvenus sur cet article à un compromis avec le Sénat.

M. Jean Mallot. On a le droit de ne pas être d’accord !

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Le Gouvernement entend, par conséquent, s’y tenir.

M. François de Rugy. Où est la liberté démocratique ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le rapporteur, je pense que votre langue a fourché quand vous avez dit qu’il ne fallait pas « dévaloriser » le conseil de développement, après avoir évoqué la présence des dockers au sein de ce conseil !

M. Jean Mallot. Il faut retirer ce mot !

M. Daniel Paul. Vous êtes le représentant élu d’un grand port et le rapporteur de la réforme portuaire, il conviendrait donc que vous retiriez ces propos. Vous ferez cependant ce que vous voudrez.

Au reste, comme je vous l’ai déjà demandé hier soir, monsieur le secrétaire d’État et monsieur le rapporteur, allez-vous refuser tous nos amendements ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Daniel Paul. Ces amendements de bon sens enrichissent le texte et ne sont pas « intégristes », puisqu’ils visent à faire en sorte que cette réforme que vous allez imposer dans l’hémicycle – il en ira différemment lorsque vous chercherez à l’imposer dans le pays ! – soit le moins défavorable possible pour les places portuaires et les salariés des ports.

M. Renaud Muselier. Demandez aux dockers de Marseille ce qu’ils en pensent !

M. Daniel Paul. Les dockers et les salariés des ports sont probablement les plus intéressés par le développement des trafics parce qu’ils savent que cela sauvera, voire développera, les emplois.

M. Renaud Muselier. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Paul. Or un certain nombre de responsables de grands groupes – et vous le savez – sont davantage intéressés par le développement des trafics avec un minimum d’emplois.

M. Renaud Muselier. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Paul. Quelqu’un que vous connaissez mieux que moi a dit : « Travailler plus pour gagner plus. » La doctrine de ces grands groupes serait plutôt : « Travaillez plus pour que cela nous rapporte plus ! » Telle est la réalité de la vie économique dans notre pays.

Le conseil de surveillance ne doit pas être uniquement composé de représentants du monde économique, une place doit également être réservée aux salariés, qui contribuent à la richesse et au développement du port.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Je répondrai à M. Daniel Paul, que je connais bien, pour apaiser ses craintes. Je suis de ceux qui souhaitent valoriser le conseil de développement, justement parce que des salariés qui connaissent bien le métier en sont membres. Ils pourront faire entendre leur voix dans la définition du plan stratégique lorsque le conseil de surveillance prendra sa décision. Je ne vois pas pourquoi ce conseil de développement, qui va donner un avis sur les objectifs stratégiques du port, serait placé à un rang inférieur. Sans doute est-ce parce que cette nouvelle institution n’a pas encore fonctionné et que nous sommes, c’est vrai, habitués à hiérarchiser les valeurs. Les ouvriers qui travaillent sur les quais et qui sont membres de ce conseil de développement ont certaines compétences, que n’ont pas les membres de ces instances issus d’autres sphères. Ce texte traduit donc, à mon avis, un équilibre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 32.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Vous avez souhaité que les chambres de commerce et d’industrie et les milieux économiques soient représentés au conseil de surveillance. Nous proposons, par cet amendement, qu’un représentant de l’union locale maritime et portuaire, qui incarne ce monde économique, puisse y siéger.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. On compte décidément beaucoup de gens compétents dans les ports. Le Sénat, dans sa sagesse, a « fléché » deux personnalités qualifiées sur cinq. Faut-il aller plus loin ? C’est une vraie question dont on pourrait débattre longtemps, monsieur Duron. Votre proposition ne manque certes pas d’intérêt. J’ai rencontré, quant à moi, des présidents d’union locale maritime et portuaire qui m’ont dit qu’il était indispensable qu’ils soient membres de ce conseil, ou bien la terre cesserait de tourner ! J’exagère le trait, mais s’en tenir à deux « fléchages » me semble raisonnable et aller au-delà serait compliquer les choses.

Cela étant, le Gouvernement a bien entendu ce que vous avez dit et il se peut que, localement, en fonction des responsabilités de chacun, un autre responsable économique fasse partie des personnalités qualifiées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 53 rectifié.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. Il est un peu choquant d’entendre dire que l’État est seul maître à bord puis que, lorsqu’on est au conseil de développement, c’est comme si l’on était au conseil de surveillance. Il ne faut tout de même pas prendre les gens pour des idiots. Vous savez très bien comment cela fonctionne. Nous avons aussi dans nos collectivités des conseils de développement qui accompagnent les conseils d’administration ou les conseils de surveillance. Ce n’est pas le même rythme de réunion, ce n’est pas le même pouvoir de décision. Il ne faut pas tout confondre.

Par ailleurs, je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez dit tout à l’heure que les compromis passés au Sénat ne pouvaient pas être rediscutés à l’Assemblée nationale. Si cela devient une habitude que les projets gouvernementaux soient d’abord présentés au Sénat et que l’Assemblée nationale n’ait ensuite plus son mot à dire, c’est particulièrement choquant d’un point de vue démocratique. C’est tout de même nous qui avons la légitimité du suffrage universel direct, ce que n’a pas le Sénat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

J’en reviens au conseil de surveillance. Pour que les choses soient claires et que l’on responsabilise le conseil de surveillance, nous proposons qu’il nomme le président du directoire. Vous avez cité Alain Juppé. Je ne sais pas si, en matière de démocratie, c’était la meilleure référence. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Josée Roig. C’est scandaleux !

M. François de Rugy. Tout le monde sait qu’il était droit dans ses bottes !

M. Juppé aurait dit que les ports autonomes étaient trop autonomes. D’après mon expérience en Loire-Atlantique, ils sont souvent trop autonomes par rapport aux collectivités locales…

M. le secrétaire d’État chargé des transports. C’est ce que j’ai dit !

M. François de Rugy. …mais ils sont souvent sous la coupe de l’État et subissent les aléas de sa politique, y compris pour les financements, je n’y reviens pas.

Vous avez choisi un équilibre que nous n’approuvons pas. Que l’on responsabilise au moins le conseil de surveillance en le chargeant de nommer directement le président du directoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 54.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. C’est la suite logique de mon précédent amendement qui donnait au conseil de surveillance le pouvoir de nommer directement le président du directoire..

Conseil de surveillance, l’appellation n’est pas anodine, monsieur le secrétaire d’État. On sait très bien qu’elle vient du monde économique.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Eh oui !

M. François de Rugy. Le mot « gouvernance » également d’ailleurs.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. On en est fier !

M. François de Rugy. Selon moi, c’est un écran de fumée pour ne plus parler de démocratie.

Cela dit, vous n’allez pas au bout de la logique, parce que, dans un grand groupe, les membres du conseil de surveillance ont des pouvoirs réels par rapport au directoire. Ils ont le pouvoir de nomination et de révocation.

Dans la même logique que la nomination directe par le conseil de surveillance, pour que le président ait une vraie légitimité, et une vraie autonomie, y compris vis-à-vis de l’État, le conseil de surveillance doit pouvoir le révoquer s’il estime qu’il ne met plus en œuvre la politique qui a été déterminée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. C’est la même logique, parce que nous trouvons que la rédaction actuelle donne tout de même une très grande autonomie au directoire. Les propos du rapporteur sur la dévalorisation du conseil de développement allaient d’ailleurs dans ce sens. Finalement, vous avez créé une hiérarchie qui ne dit pas son nom entre le directoire, le conseil de surveillance qui, déjà, n’est plus là que pour surveiller de façon assez lointaine, et le conseil de développement, qui accompagnerait le tout de façon encore plus lointaine.

Nous souhaitons donc qu’il soit écrit noir sur blanc que le directoire est responsable de sa gestion et rend compte de cette gestion au conseil de surveillance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 24, 46 et 102

La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Philippe Duron. Il est défendu.

M. le président. La parole est M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 46.

M. François de Rugy. Nous revenons à la discussion que nous avions entamée hier soir au sujet de la place qu’auront les associations ayant pour objet la protection de l’environnement.

Le projet prévoit que, dans chaque grand port maritime, les milieux professionnels, sociaux et associatifs ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements seront représentés dans un conseil de surveillance. Pourquoi ne pas avoir été plus précis alors que l’on sait qu’il y a une attente forte et de nombreuses craintes ? Quand on veut restaurer la confiance, il faut faire des gestes.

C’est encore une fois une contribution constructive. Ces amendements visent à rendre le projet de loi le plus explicite possible. Nous comprendrions mal qu’ils ne soient pas acceptés alors qu’ils ne remettent pas en cause l’architecture générale du projet de loi et de la future gestion des grands ports maritimes.

Il s’agit par ailleurs de concrétiser l’un des engagements forts du Grenelle de l’environnement. Ce n’est pas nous qui en avons fait un élément phare du début de votre mandat, mais nous avons salué le fait que vous ayez mis autour de la table les associations de protection de l’environnement, des professionnels représentant des salariés et les syndicats représentant les salariés. Nous avons l’occasion de concrétiser de façon simple cette logique pour la gestion des grands ports maritimes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 102.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. L’esprit du Grenelle de l’environnement, c’est que seront consultés avant toute décision les cinq partenaires du Grenelle de l’environnement, dont le monde associatif, les associations protectrices de l’environnement. C’est un principe qui s’appliquera globalement dans toute la gestion des affaires de notre pays.

Monsieur de Rugy, vous êtes un jeune législateur, je l’ai été moi aussi. Je vous rappelle que la loi n’est pas le règlement et qu’il y a par ailleurs l’esprit de la loi.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 24, 46 et 102.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Nous avons évoqué la question hier. Il s’agit d’autoriser la création d’un conseil de coordination interportuaire avec les ports décentralisés et pas seulement avec les ports autonomes. C’est un amendement de précision. Il sera fort utile demain pour permettre à l’ensemble des collectivités territoriales d’avoir une politique cohérente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. C’est un sujet intéressant, je ne le conteste pas, et, dans l’esprit, nous sommes d’accord, mais le texte de loi satisfait à votre demande. Aux termes de l’article L. 106-1, les collectivités qui gèrent les ports décentralisés peuvent demander à être associées aux travaux du conseil de coordination. Il est difficile d’aller plus loin parce que l’État ne peut pas imposer de coordination entre ports décentralisés par décret sans l’aval des collectivités propriétaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Comme je l’avais déjà dit hier soir, cet amendement est déjà satisfait par le texte et par l’esprit du texte.

Les collectivités territoriales gestionnaires de ports maritimes seront naturellement associées au conseil de coordination. D’autres formes de coopération sont prévues, par exemple au travers de groupements d’intérêt public. Vous êtes un décentralisateur, monsieur Duron, et, si l’on incluait directement les collectivités au sein des conseils de coordination, ce serait contraire à l’esprit de décentralisation car une telle intégration ne peut être que volontaire, elle doit être en conformité avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Nous sommes donc tous d’accord, et ce sera d’ailleurs dans les travaux préparatoires de la loi, sur l’esprit de votre demande, mais elle est satisfaite par la rédaction du texte actuel, et c’est un engagement que prend le Gouvernement devant vous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. J’ai pris acte de vos engagements, monsieur le secrétaire d’État, et je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 34 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 67.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 83.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Avec le texte qui nous est proposé, le Gouvernement entend affirmer le rôle stratégique des grands ports maritimes, lesquels doivent devenir de véritables autorités publiques portuaires. Encore faudra-t-il leur en donner les moyens, monsieur le secrétaire d’État !

Dans le projet de loi, il est précisé que le projet stratégique de chaque port détermine ses grandes orientations et les modalités de son action.

On a vu les résultats d’une politique qui, depuis trente ans, consiste à mettre en avant de grandes ambitions, sans planifier pour autant les moyens nécessaires à leur réalisation. Je nuancerai tout de même ce propos en disant que les grandes ambitions sont affichées et que vous laissez ensuite le soin aux collectivités locales en particulier de mettre la main à la poche afin de les faire aboutir. La nouveauté avec ce texte, c’est que vous faites officiellement des entreprises privées sur le domaine portuaire des acteurs des financements des infrastructures en attendant d’en faire des acteurs des structures elles-mêmes.

L’État se désengage de plus en plus des ports, se déchargeant sur l’échelon local pour assumer une politique d’importance nationale. Nous avons exprimé notre désaccord sur cette démarche à plusieurs reprises, démarche qui ne se limite d’ailleurs pas simplement au domaine portuaire mais concerne depuis quelques années, et il y a une accélération depuis quelques mois, je le reconnais, tous les pans de notre société. C’est l’ère de ce que vous appelez la modernisation.

Ce terme de modernisation, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises sur différents textes et en particulier le projet de modernisation de l’économie, vous en avez élargi le sens. Autrefois, on pensait à une amélioration. Aujourd’hui, la modernisation n’est plus vécue, par les salariés en particulier, comme un progrès.

Il ne faudrait pas que les grands ports maritimes fassent les frais des mêmes erreurs que ce qui a été fait à l’échelon national et que l’on en reste à une politique d’affichage. Il y va de la pérennité des ports et des emplois.

Par ailleurs, compte tenu de l’importance du projet stratégique, il est indispensable de consulter les institutions représentatives des personnels avant son officialisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. C’est évidemment un sujet important, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Bien sûr !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Je vous rappelle à nouveau que j’ai demandé hier, par voie d’amendement, qu’un CIADT portuaire soit organisé d’ici juin 2009, pour définir la stratégie nationale de desserte des ports à partir du plan stratégique de chacun des sept grands ports maritimes, et que cette demande a été satisfaite par le Gouvernement.

Premièrement – je me répète, puisque vous vous répétez vous-même, et ce n’est pas tout à fait inutile – : pour que ça marche, il faut que l’ensemble des acteurs soient associés à l’élaboration de ce plan stratégique, notamment les salariés, dont vous avez rappelé combien les connaissances pratiques pouvaient être utiles.

Deuxièmement, votre amendement est satisfait en ce qui concerne les financements, puisque l’article L. 103-1 précise que le projet stratégique détermine « les dépenses et recettes prévisionnelles nécessaires à sa mise en œuvre. »

Je n’adhère pas en revanche à votre demande d’une prévision décennale. J’ai demandé hier au secrétaire d’État un plan stratégique sur cinq ans.

Mme Sylvie Andrieux. Ce n’est pas un plan stratégique !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Une période de cinq ans reconductible me paraît un horizon susceptible de fournir rapidement une vision claire.

Vous pouvez constater, monsieur Paul, que le gouvernement actuel fait de gros efforts de gestion, notamment en matière de réduction de la dette. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est un travail d’autant plus difficile que ces vagues viennent de loin, et qu’on ne sait plus très bien qui est responsable de quoi. Ce n’est pas la peine de rire, voire pire…

Mme Sylvie Andrieux. On a quand même le droit de réagir !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Ce débat qui, par la variété des interventions et leur qualité, montre l’intérêt que l’Assemblée nationale porte à cette question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – pourquoi essayer de couvrir ma voix quand je dis des vérités ? – prouve que la France doit désormais investir dans la mer. Car c’est le problème fondamental : depuis trente ans nous n’avons pas assez investi dans la mer. Nous avons investi dans la terre, avec une réussite remarquable, et dans l’air ; il faut aujourd’hui investir dans la mer. Ce n’est pas de la théorie : c’est une nécessité pratique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Identique.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Souffrez, monsieur le rapporteur, que nous ne partagions pas votre approche de ces questions, d’autant que notre approche est au moins aussi pertinente que la vôtre. Vous avez aujourd’hui sur nous l’avantage de disposer de la majorité dans cet hémicycle, et uniquement dans cet hémicycle. Nous le reconnaissons, mais je ne suis pas sûr que cette majorité soit pertinente ailleurs.

M. François Goulard. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce une remise en cause de la souveraineté nationale ?

M. Daniel Paul. Faut-il vous rappeler l’épisode du CPE, monsieur Goulard ?

Faut-il vous rappeler également, monsieur le rapporteur, que l’an dernier, vous avez trouvé, en plein mois de juillet, le moyen de satisfaire gaillardement certaines revendications de certains groupes de pression via quinze milliards d’euros de cadeaux fiscaux ? Mais quand il s’agit du développement portuaire (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Goulard. Il me semble avoir déjà entendu ça !

Mme Laure de La Raudière. C’est hors sujet ! Ça vaut zéro au bac !

M. Daniel Paul. Je comprends que vous n’aimiez pas certaines vérités, chers collègues, mais cela ne nous enlève pas le droit de les dire !

M. le président. Seul M. Paul a la parole, s’il vous plaît.

M. Daniel Paul. Merci, monsieur le président.

On aimerait bien que vous trouviez la même somme aujourd’hui.

Pour terminer, monsieur le rapporteur, je vous rappellerai l’exemple de Port 2000, que vous connaissez aussi bien que moi, puisque nous sommes tous les deux des élus du Havre : entre le moment où on a commencé à parler du projet et celui où les derniers travaux ont été terminés – encore ne s’agit-il que de la première phase, la deuxième devant être engagée bientôt, du moins je l’espère – il s’est écoulé une dizaine d’années. Disposer d’un recul prospectif d’une dizaine d’années ne me paraît donc pas excessif, s’agissant de décider d’investissements aussi lourds, de déterminer qui va payer et quelles orientations seront suivies.

Il en va de même d’un projet tel que le canal Seine-Nord, ou encore le canal Seine-Est, qui n’est même pas encore d’actualité et qui pourtant nous arrangerait bien, au Havre, comme à Rouen d’ailleurs : en nous reliant à l’est de la France, il nous permettrait d’y affronter la concurrence d’Anvers et de Rotterdam. De tels projets se planifient sur dix ans au moins si on veut s’assurer des financements et de leur répartition entre les différents investisseurs.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Nous savons que vous connaissez parfaitement la question des ports, monsieur Paul, mais – et je suis désolé de devoir intervenir dans ce débat, monsieur le président –, la commission ne peut pas vous laisser dire ici, dans cet hémicycle, que si nous disposons de la majorité dans cet hémicycle, il peut y avoir ailleurs une autre majorité.

M. Daniel Paul. C’est vrai !

M. Serge Poignant. Peut-être, monsieur Paul, mais je dois dénoncer ce genre de propos. Il y a eu vote en commission, et une majorité s’est prononcée. Il faut remettre les choses à leur juste place : je ne sais ce qu’une autre majorité peut faire dans la rue, ou je ne sais où ; ici, dans l’hémicycle, nous faisons la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 25, 47 et 103.

La parole est à M. Philippe Duron, pour défendre l’amendement n° 25.

M. Philippe Duron. Cet amendement concerne également les projets stratégiques.

Selon le texte, ces projets stratégiques devront être élaborés en moins de trois mois, ce qui est peu pour élaborer un diagnostic, définir une stratégie et consulter véritablement les parties prenantes.

Or ces projets prévoiront des aménagements, puisque l’aménagement sera une des missions des grands ports maritimes. Il est absolument indispensable que ces aménagements fassent l’objet d’une étude d’impact en matière environnementale. Il convient en effet de s’assurer qu’ils sont compatibles avec la préservation du littoral, dont nous savons qu’il s’agit d’un milieu sensible, et avec d’autres exigences environnementales, notamment en matière de biodiversité.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 47.

M. François de Rugy. J’ai déjà dit qu’en matière d’environnement on ne peut pas se contenter de grandes déclarations de principe, tel le Grenelle, qui ne sont pas suivies d’effets : de telles déclarations ne sont intéressantes que si elles se concrétisent.

Vous avez cru bon, monsieur le secrétaire d’État, de me qualifier de « jeune législateur ». Je vous invite à éviter ce genre de propos, qui pourraient se révéler encore plus vexants pour des législateurs plus âgés.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Ce n’était pas une insulte !

M. François de Rugy. Évitez quand même ce genre de qualificatif, puisque nous avons tous la même légitimité. Aussi jeune législateur que je sois – et cela ne me gêne pas de l’être – je sais que du point de vue de la hiérarchie des normes, si la Constitution est supérieure aux lois, une loi n’est pas supérieure à une autre.

M. François Goulard. Si ! Celles qui définissent des principes généraux. Vous êtes peut-être un législateur, mais vous n’êtes pas un juriste !

M. François de Rugy. Il n’est donc pas vrai, monsieur Bussereau, que tout sera réglé par la loi mettant en œuvre le Grenelle, et c’est d’autant moins vrai qu’elle sera votée ultérieurement : en effet, comme vient de le souligner notre collègue Duron, les projets stratégiques seront mis en œuvre très rapidement, avant que n’entre en application la loi mettant en œuvre le Grenelle, qui n’est encore qu’hypothétique, voire virtuelle.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Elle a été adoptée en Conseil des ministres !

M. François de Rugy. Apportez dès maintenant une réponse concrète. Pourquoi toujours tout reporter à plus tard, alors que le Grenelle s’est achevé en octobre 2007 ? L’opinion va finir par penser qu’il n’aura servi à rien, et c’est toute la démarche qui s’en trouvera discréditée.

Or les ports s’inscrivent la plupart du temps dans des espaces naturels extrêmement fragiles, tels que les estuaires de la Loire ou de la Seine. Je n’ai pas besoin non plus de vous faire un dessin s’agissant des dégâts environnementaux autour du port de Marseille. Dans ces conditions, il est logique qu’on s’entoure d’un minimum de garanties, seules propres à assurer un équilibre. Nous pensons en effet que développement économique et protection des espaces naturels ne sont pas antinomiques, pourvu qu’on s’entoure de garanties écrites.

M. François Goulard. Le principe de précaution est déjà inscrit dans la Constitution !

M. François de Rugy. Or, dans sa rédaction actuelle, votre texte ne mentionne même pas la protection de l’environnement. Il est simplement dit que le projet stratégique « comporte des documents graphiques indiquant les différentes zones et leur vocation, notamment les zones ayant des enjeux naturels. » Tous les élus que nous sommes savent très bien qu’il ne suffit pas de cartographier une zone pour lui assurer le début du commencement d’une protection.

Mais notre amendement trouve sa motivation principale dans le fait que la nécessité d’évaluer l’impact environnemental de tels projets est l’un des principes fondateurs, non seulement du Grenelle, mais de toutes les démarches similaires qui l’ont précédé. Le Président de la République lui-même, qui est en général votre référence, a affirmé, en clôturant le Grenelle, qu’il faudrait dorénavant démontrer l’absence d’impact négatif sur l’environnement des projets avant de les entreprendre, et non, comme c’est le cas aujourd’hui, évaluer leur impact négatif une fois réalisés, par la voie contentieuse. Vous devriez donc en toute logique accepter cet amendement.

Je voudrais dire enfin combien il est choquant de vous voir repousser systématiquement nos amendements, alors qu’ils sont constructifs. À voir la liste des amendements, vous avez manifestement interdit à nos collègues de la majorité d’en déposer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Renaud Muselier. On ne nous a rien interdit du tout ! Dites plutôt à vos amis de la CGT de débloquer le port de Marseille !

M. François de Rugy. Je suis sûr, monsieur Muselier, vous qui êtes un élu du plus grand port français, que vous piaffez d’impatience d’amender ce projet de loi !

M. Renaud Muselier. Je piaffe d’impatience de finir ce texte !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 103.

M. Daniel Paul. Cet amendement est important, non seulement pour le port du Havre, mais aussi, je suppose, de Dunkerque, de Saint-Nazaire, ou de Bordeaux, monsieur le secrétaire d’État. Si j’en juge par votre réaction en tant que maire de Saint-Georges de Didonne. (« Il ne l’est plus ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)…, en tant qu’élu de la région…

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Président du conseil général.

M. Daniel Paul. Votre réaction, en tant que président du conseil général de Charente-Maritime, à la perspective de l’installation d’une centrale thermique de l’autre côté de la Gironde prouve votre inquiétude devant les risques de nuisances.

Eh bien ! cela est vrai de toutes ces zones. Je suis moi aussi inquiet devant la perspective de voir deux centrales thermiques s’ajouter à celles qui existent déjà sur la rive nord de la Seine. Je ne trouve pas que c’est une bonne solution pour lutter contre l’effet de serre et pour faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

M. François Goulard. Que se passe-t-il ? On nous a changé nos communistes !

M. François de Rugy. Vous devrez changer aussi, monsieur Goulard !

M. Daniel Paul. L’autre motif de cet amendement est la difficulté d’obtenir de ce gouvernement des bilans, quel que soit le domaine.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. C’est réglementaire, ce n’est pas législatif !

M. Daniel Paul. Voilà qu’aujourd’hui on a du mal à obtenir des études d’impact ! Cela va devenir difficile !

Vous nous opposez, monsieur le secrétaire d’État, une loi relative au Grenelle qui n’est pas encore votée : il n’est pas sûr que votre majorité votera ce texte. Déjà son examen, initialement prévu ce printemps, est reporté à l’automne : on verra bien ce qui se passera alors, et si on lui consacrera les moyens nécessaires à son existence effective.

Dans la mesure où un support législatif est nécessaire pour rendre obligatoire l’évaluation du projet stratégique en matière environnementale, il serait de bonne politique d’utiliser à cette fin le véhicule législatif aujourd’hui à notre disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Je vous renvoie, chers collègues au texte du projet de loi. Celui-ci prévoit, à l’article L. 101-3, que, dans les limites de sa circonscription, le grand port maritime veille à l’intégration des enjeux de développement durable dans le respect des règles de concurrence et est chargé, selon les modalités qu’il détermine, de la gestion et de la valorisation du domaine dont il est propriétaire ou qui lui est affecté ainsi que de la gestion et la préservation du domaine public naturel et des espaces naturels dont il est propriétaire ou qui lui sont affectés.

Il consulte le conseil scientifique d’estuaire », dont un orateur précédent a rappelé l’existence, « lorsqu’il existe, » comme c’est le cas pour la Gironde, la Loire et la Seine, « sur ses programmes d’aménagement affectant les espaces naturels ». Les choses sont clairement écrites. Je ne vois guère ce qu’on peut faire de mieux ou de plus. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Également défavorable. La démonstration du rapporteur est excellente.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 25, 47 et 103.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 56.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. L’amendement n° 56 a pour objet d’ajouter un alinéa après l’alinéa 88 de l’article 1er du projet de loi, visant à préciser que le projet stratégique doit également prendre en compte l’emploi et les effectifs. Pour jouer pleinement son rôle de prospective stratégique quant aux activités portuaires, le projet stratégique doit fournir des éléments d’analyse sur la viabilité de l’emploi dans le temps pour les activités dont le projet stratégique prévoit le développement. Certaines choses doivent être écrites noir sur blanc, et nous tenons à y insister, au risque de nous répéter – mais, en politique, mieux vaut redire que se dédire –, après avoir déjà démontré hier le caractère très flou des amendements que vous venez d’évoquer.

Les amendements que nous proposons ne visent ni à faire de l’obstruction, ni à dénaturer le projet de loi, mais à le préciser et l’améliorer. Il est bien dommage que, comme je le pressens, vous refusiez une fois encore de prendre en compte la question de l’emploi, qui est une question centrale pour les ports et pour les salariés qui y travaillent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 57.

La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.

M. François de Rugy. M. le rapporteur nous a expliqué tout à l’heure qu’il n’était pas question de faire de la cogestion et que l’État était maître chez lui, notamment dans les ports. Il semble en revanche que l’État n’applique pas le principe selon lequel celui qui décide paie.

Puisque vous avez déclaré que, pour éviter les conflits d’intérêts, il ne devait pas figurer dans le texte que les différentes catégories de personnel siègent au conseil de surveillance, nous souhaitons, afin de donner une garantie au personnel, que le projet stratégique fasse l’objet d’une consultation des institutions représentatives de celui-ci. Cela nous semble être la moindre des choses, étant entendu par ailleurs qu’il est tout à fait positif que chaque port se dote d’un projet stratégique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. L’alinéa 90 du projet de loi évoque, à propos du contrat pluriannuel avec l’État, la politique des dividendes versés à l’État. Or, hier, au cours de la discussion, nous avons tous constaté, y compris les membres de la majorité et le rapporteur, que si les ports maritimes souffraient depuis de très longues années d’un sous-investissement de la part de l’État, l’État n’en faisait pas moins appel aux contributions ou aux subventions des collectivités territoriales. Ainsi l’État, qui ne parvient pas à apporter aux ports des financements suffisants, exige en contrepartie des dividendes sur leurs résultats. En 2006, les ports autonomes maritimes ont versé 27,5 millions d’euros à l’État au titre de ces dividendes – la somme n’est pas négligeable.

Il serait donc aujourd’hui plus décent d’ajouter à l’alinéa 90 une phrase précisant que la politique des dividendes doit tenir compte des investissements réalisés réellement par l’État, afin qu’une certaine modération prévale dans le prélèvement des dividendes et qu’on laisse aux ports les moyens dont ils ont besoin pour leur développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Monsieur Duron, le plan prévu comporte quatre points : la gouvernance, la gestion à commandement unique, le report modal et l’investissement de l’État. Il semble aller de soi que, dans le cadre de cet effort, l’État gérera avec intelligence sa politique de dividendes et n’ira pas reprendre d’une main ce qu’il pourrait donner de l’autre.

Monsieur Paul, je tiens en outre à préciser qu’il y a, par rapport au projet de loi que nous examinons, un temps avant et un temps après, et que je me situe, comme M. Duron, dans le temps d’après.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.

La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le soutenir.

M. Michel Vauzelle. Je voulais d’abord, au risque de répéter ce que j’ai dit hier soir à propos du football et du calendrier parlementaire, rappeler ce qui se dit dans les couloirs de l’ensemble du Parlement sur les pouvoirs des assemblées. Comment l’Assemblée nationale peut-elle considérer que ce n’est pas la mépriser que de mener ainsi le débat pour obtenir un vote conforme, au nom d’une urgence qui n’existe pas, alors qu’il y va de la politique maritime de la France et de l’avenir des ports français, et notamment du plus grand d’entre eux, celui de Marseille ? Comment comprendre qu’une majorité se taise et ne propose pas d’amendements afin de ne pas gêner la volonté du Gouvernement de passer en force, à toute allure, et que les amendements de l’opposition ne reçoivent même pas de réponse ? Il y a là quelque chose qui relève de l’équilibre des institutions et de la démocratie. Alors qu’il est question de réforme de la Constitution, des institutions et du Parlement, que faisons-nous ici ? Faire de la figuration n’est pas notre conception de la démocratie.

En ce qui concerne l’article 1er, l’amendement n° 8 rappelle que la faiblesse du soutien apporté par l’État aux ports français est tout à fait singulière par rapport à tout ce que l’on peut observer dans les ports européens. Le législateur et le Gouvernement doivent donner des assurances quant au financement nécessaire à l’équipement du port de Marseille.

Si l’on veut être sincère, toutefois, une politique portuaire ne se limite pas à l’équipement d’un port : il faut compter aussi avec l’hinterland et l’équipement immédiat, ainsi qu’avec des équipements ferroviaires de proximité – je pense à Port Saint-Louis ou à Fos-sur-Mer. Il faut aussi tenir compte de l’hinterland au sens large : nos ports – et notamment celui de Marseille-Fos – doivent pouvoir envoyer vers le Nord et le centre de l’Europe ce qu’ils reçoivent. Nous ne voulons plus que la Méditerranée soit un couloir et qu’on aille décharger à Malte ou à Tanger ce qui devrait l’être à Marseille et à Fos. Il faut pour cela que des trains de fret remontent la vallée du Rhône et contournent enfin le nœud ferroviaire de Lyon, bloqué depuis des années malgré tous les contrats de plan – il est vrai que le mot « plan » heurte aujourd’hui certaines sensibilités. Le tunnel du Montgenèvre, qui a été accepté par l’État dans le contrat de projet en vue de permettre la mise en place d’une ligne Marseille-Turin, doit également contribuer au bon développement du port de Marseille.

Si ces décisions, qui nécessitent l’engagement solennel de l’État dans la loi, ne sont pas prises, comment croire à la sincérité de ceux qui parlent d’une grande politique maritime tout en rejetant tout ce que nous proposons pour que la France aille dans cette voie ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Je répondrai très cordialement à M. Vauzelle que, siégeant dans cette assemblée lorsqu’il était ministre, je l’ai vu très souvent proposer des textes en urgence sans que l’opposition, dont je faisais partie à l’époque, conteste jamais au Gouvernement le droit d’en user ainsi. Or Dieu sait, monsieur Vauzelle, combien vous affectionniez cette procédure, en particulier lorsque vous étiez garde des sceaux !

Sur le fond, le Gouvernement a la volonté, pour Marseille, comme pour tous les ports français – car nous ne faisons pas une loi pour un port, mais pour sept –, de développer les liaisons avec l’hinterland. Je dois dire à ce propos, monsieur Vauzelle, que vous ne nous facilitez pas les choses lorsque vous proposez, en tant que président de région, de faire circuler des TER sur la seule voie spécialisée pour le trafic de fret dont nous disposons en France, qui emprunte précisément l’une des rives du Rhône, car la circulation des TER déstabiliserait la répartition des sillons. Autant vous le dire tout de suite : nous ne vous accorderons pas cette ligne. De fait, selon la SNCF, RFF et l’ensemble des spécialistes, y compris les syndicats ouvriers, ce serait une très mauvaise solution, contraire au développement du trafic des marchandises. En outre, et pour bien des raisons, monsieur Vauzelle, je crois connaître mieux que vous le secteur ferroviaire.

Je tiens cependant à vous indiquer que nous relierons le port de Marseille. Comme vous le savez, nous comptons investir beaucoup sur l’axe rhodanien et sur la poursuite de celui-ci au-delà de Lyon. Comme vous le savez également, car nous évoquons souvent cette question avec vous, nous sommes en train de travailler au contournement ferroviaire de Lyon – et une réunion s’est tenue voici quelques jours encore à cette fin sous la présidence du préfet de région de Lyon. Encore faudrait-il toutefois que tous les élus de la région, dont vos amis, se mettent d’accord sur le tracé de cette liaison, car chaque parlementaire du secteur a une idée différente de ce tracé dans chacun des départements traversés – mais nous trouverons la solution dans la concertation.

Nous avons l’intention de relier cette ligne à la branche Sud du TGV Rhin-Rhône, dont la branche Est est en cours de réalisation, et de poursuivre la construction vers Nice d’une voie du TGV au Nord de Marseille, telle qu’elle est prévue par le Grenelle de l’environnement. Tout cela fait partie du désenclavement de l’ensemble de votre région. Il est évident qu’il faut faire des efforts considérables pour Marseille. Nous ne nous satisfaisons pas, monsieur Vauzelle – et M. Muselier pas davantage –, que le port de Marseille ait perdu autant de places dans le trafic. Il est nécessaire d’investir, comme le sait aussi Mme Andrieux, pour son désenclavement. L’État s’engage à le faire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 84.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. L’amendement n° 84 vise à amender l’article L. 103-2 tel que rédigé par le projet de loi, selon lequel « Le grand port maritime peut, à titre exceptionnel, si le projet stratégique le prévoit et après accord de l’autorité administrative compétente, exploiter les outillages mentionnés au II de l’article L. 101-3 ».

Il faut tout de même savoir comment fonctionne un port. On y trouve de grandes lignes, de grands armements, de grands navires qui arrivent avec – pour ne parler que de cela – des milliers de conteneurs, et des lignes régulières qui font le tour du monde et s’arrêtent dans certains ports. C’est là un trafic sûr et régulier. Il existe aussi des ports où le trafic, bien qu’également régulier, est moins fréquent. Je me suis ainsi rendu voici quelques jours dans un port de la côte atlantique où l’on m’a expliqué qu’une des entreprises phares de la région – dont je tairai le nom pour ne pas lui faire de publicité – dépendait d’un trafic mensuel : une fois par mois, une livraison permet à cette usine de travailler et à des centaines de salariés d’avoir un emploi.

Si demain ce trafic n’est plus assuré ou plus suffisamment rentable, que devra faire cette entreprise ? Quitter ce port pour aller dans un autre ? Dans ce cas, qu’adviendra-t-il des salariés de cette entreprise ?

Poussons un peu la réflexion : imaginons que ce port, qui n’est pas à côté d’une frontière, le soit, qu’il y ait de l’autre côté de la frontière un autre port et que l’opérateur concerné soit présent dans ces deux ports. L’opérateur pourrait bien dire aux responsables portuaires et aux autorités publiques qu’il ne voit pas d’intérêt à accueillir le trafic de ce côté-ci de la frontière et qu’il préfère l’accueillir dans l’autre port, de l’autre côté, où il est également opérateur, car cela correspond à ses besoins. Il peut alors y avoir délocalisation de l’entreprise pour la simple raison que l’opérateur juge que son intérêt est plutôt de l’autre côté, non pas « de l’eau » – c’est l’expression qu’emploient les gens du Havre pour désigner la Basse-Normandie –, mais de la frontière.

Vous voyez à quoi je fais allusion, monsieur le secrétaire d’État : dans le Nord de la France, il y a des ports très proches d’autres ports, mais si l’on passe de l’un à l’autre, on change de pays. C’est le risque auquel nos ports vont être exposés. De grands groupes considéreront prioritairement la satisfaction de leurs propres intérêts avant de prendre en compte les besoins de l’industrie concernée par leur activité portuaire.

C’est pourquoi nous proposons que les grands ports maritimes puissent exploiter l’outillage, non pas à titre exceptionnel, mais « lorsque l’intérêt général l’exige, si le projet stratégique le prévoit ». Il faut qu’en France soient pris en compte prioritairement l’intérêt national, le développement industriel et la préservation de l’emploi. Sinon, on sait très bien ce qui se passera. La SNCF trouve aujourd’hui déjà plus d’intérêt à favoriser le port d’Anvers que certains ports français, même s’il s’agit d’approvisionner le Centre de la France ; qu’est-ce que ce serait si cela se passait à quelques kilomètres de part et d’autre de la frontière ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 84  ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. L’avis est défavorable. Monsieur Paul, je vous rappelle que le projet de loi pose un principe à l’alinéa 29 de l’article 1er : « Le grand port maritime ne peut exploiter les outillages utilisés pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de stockage liées aux navires que dans les cas et conditions prévus à l’article L. 103-2. » Les dérogations à ce principe sont d’ailleurs prévues dans la loi. Elles doivent être encadrées et soumises à l’approbation de l’État, autorité de tutelle.

M. Daniel Paul. Comme avec Mittal !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Mais la loi ne peut bien sûr pas tout détailler. En outre, le point que vous évoquez a déjà fait l’objet, hier, d’une réponse de la part du secrétaire d’État, qui va certainement vous la confirmer.

M. le président. L’avis du Gouvernement est-il défavorable ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Oui, monsieur le président. J’ai expliqué pourquoi hier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 58.

M. François de Rugy. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour défendre l’amendement n° 9.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le président, puis-je défendre conjointement les amendements n°s 9 et 43 ?

M. le président. Oui, mon cher collègue.

M. Michel Vauzelle. Les deux amendements se rejoignent dans leur objectif de lever toute ambiguïté quant au rôle de l’État en insérant les mots : « dans le respect des missions de service public », à l’alinéa 91, et : « en régie ou en délégation de service public », à l’alinéa 92. S’agissant des conditions d’exploitation de l’outillage dans un grand port maritime, il faut en effet qu’elles correspondent aux priorités définies par le projet stratégique, aux critères de contrôle de l’autorité administrative et aux missions de service public portuaire ; par conséquent, il serait bon de lever toute ambiguïté à cet égard. Mais je vois bien que persiste l’ambiance que j’ai dénoncée tout à l’heure. Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait aucun député des Bouches-du-Rhône sur les bancs de la majorité, alors qu’en cet instant notre débat est stratégique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Les amendements sont sans objet puisque ce qu’ils proposent est déjà prévu dans le projet de loi, cela va de soi, monsieur Vauzelle. En effet, les dérogations doivent être inscrites dans le projet stratégique, qui détermine les modalités d’action du port pour l’exercice des missions définies dans le texte proposé pour l’article 101-3 du code des ports maritimes, et donc entrer dans le cadre des missions attribuées par la loi aux grands ports maritimes. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Avis défavorable. Nous sommes dans le cadre du service public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

 M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 68.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Le sens de cet amendement est évident : il vise à protéger les salariés des ports.

En effet, selon la rédaction proposée pour l’article L. 103-2 du code des ports maritimes, le grand port maritime pourra, à titre exceptionnel et si son projet stratégique le prévoit, continuer d’exploiter des outillages, notamment par le recours à des filiales. Vous l’aurez compris tout au long de ce débat, monsieur le secrétaire d’État : nous sommes par principe opposés à la privatisation de l’exploitation des outillages. C’est notre mise en facteur de l’équation que vous nous proposez. En effet, on peut supposer que votre texte sera voté puisque, même si nos collègues de la majorité ne s’expriment pas beaucoup, ils lèvent la main lorsqu’il le faut.

M. Philippe Boënnec. On fait ce qu’on veut, monsieur Paul !

M. Daniel Paul. Dès lors, en nous plaçant dans la logique de ce projet de loi, et des dérogations limitatives qu’il prévoit, nous considérons que si l’autorité portuaire est autorisée à exploiter des outillages par le biais de filiales, il est nécessaire de prévoir que celles-ci seront et resteront publiques. Le fait que le grand port maritime soit l’actionnaire majoritaire en cas de filialisation serait un gage de sécurité, notamment en cas de désengagement d’un ou plusieurs actionnaires. À défaut, ce seraient les armateurs qui prendraient le contrôle de ces filiales, et, ainsi, maîtriseraient d’un bout à l’autre la chaîne logistique.

Nous sommes donc particulièrement inquiets de la pérennité de l’organisation que vous proposez. Que se passera-t-il si, par exemple, tel armateur décide de se dégager d’un port pour aller s’implanter ailleurs ? Votre projet de loi ne contient aucune disposition réelle, contraignante, visant à imposer aux armateurs une durée d’engagement minimale. Une telle durée ne pourrait évidemment pas n’être que de quelques mois ni même de quelques années : il faudrait un engagement durable.

Cela m’amène à souligner qu’il faut que les ports disposent de personnels permanents, qualifiés et compétents pour l’exploitation des outillages. On sait très bien que, pas seulement dans les ports, mais dans toutes les activités industrielles, le savoir professionnel se maintient dans une entreprise par la présence des salariés qui possèdent les savoir-faire et les connaissances. Dès lors que vous faites disparaître progressivement de l’entreprise sa partie technique, vous lui retirez les compétences et les connaissances dont elle a besoin pour prospérer et pour reprendre ou préserver certaines activités.

Un exemple : celui de la formation. Certains ports ont un nombre d’accidents élevés à cause de la vétusté des matériels. Maintenance et formation n’y sont pas des priorités suffisantes, alors que tous les métiers qui s’exercent sur les quais, en particulier ceux de grutier et de portiqueur, sont des métiers dangereux. Les murs de conteneurs sur lesquels se promènent des « cavaliers », comme on dit dans le jargon, sont des endroits extrêmement dangereux. Ce n’est donc pas un détail que de former ces salariés, notamment les grutiers et les portiqueurs. D’après ce que l’on m’a dit, il faut environ trois semaines de stage pour les former. Pourtant, dans les silos privés, les entreprises ne consacrent en moyenne à leur formation qu’une journée et demie ! Pas étonnant que l’on ait des craintes concernant la sécurité dans ces établissements ; pas étonnant non plus que les salariés des ports partagent nos craintes.

Nous estimons en conséquence que les filiales chargées de l’exploitation des outillages spécifiée dans le projet stratégique doivent être majoritairement détenues par les grands ports maritimes, et le rester. Elles doivent donc demeurer majoritairement publiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Monsieur Paul, je vous rassure : votre amendement est satisfait. Vous demandez qu’il soit précisé que les établissements portuaires sont actionnaires majoritaires des filiales des ports. Or ils le sont déjà puisque l’article L. 233-1 du code de commerce dispose que « lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée […] comme filiale de la première ».

J’ajoute que tous les arguments que vous avez développés seront évidemment rediscutés dans l’accord-cadre, qui sera l’occasion d’un vrai débat entre partenaires sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Les remarques de M. Paul sont importantes, mais comme son amendement est satisfait, je lui suggère de le retirer.

M. le président. Monsieur Paul, retirez-vous votre amendement ?

M. Daniel Paul. Non, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 59 et 85.

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 59.

M. François de Rugy. L’amendement vise à supprimer la condition restrictive mentionnée à l’alinéa 92. En effet, sans doute pour des raisons idéologiques, cet alinéa précise que l’exploitation d’outillages en régie ou par l’intermédiaire de filiales par le grand port maritime n’est possible qu’« à condition qu’il s’agisse d’activités ou de prestations accessoires ».

Se montrer pragmatique, c’est accepter que des outillages soient exploités par le privé, mais sans interdire qu’ils puissent l’être par le public – et pas seulement de manière accessoire. Sinon, ce n’est pas acceptable. Si on revendique le pragmatisme, on accepte d’examiner les situations au cas par cas. Il s’agit d’exploiter des infrastructures publiques : les outillages n’existeraient pas sans un port, infrastructure publique. Aussi est-il normal de laisser le grand port maritime de demain juger quel système est le plus efficace, le moins coûteux, le plus réactif, le plus souple : gestion privée, gestion publique, régie ou filiale. Il n’y a aucune raison de poser une condition restrictive.

Notre amendement n°60 s’inscrit dans la même logique et propose de laisser le grand port maritime choisir le système de régie ou de filiale, pour prévenir le risque de création d’un monopole privé. En tant qu’élus ayant eu l’occasion de pratiquer des délégations de service public, nous avons tous pu constater que les tarifs sont extrêmement élevés en cas de monopole privé : la collectivité n’ayant plus le choix, l’entreprise privée peut imposer son prix.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer une condition restrictive, et de préciser que la gestion des outillages en régie ou via des filiales peut être décidée pour prévenir tout abus de position dominante ou situation de monopole sur un trafic commercial donné.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 85.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 59 et 85.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 60 et 86, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 60 vient d’être défendu par M. de Rugy.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 86.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26.

M. Philippe Duron. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Nous avons déjà répondu. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 69.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 70.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 10.

La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le soutenir.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais profiter de cet amendement pour souligner que, lorsque j’étais garde des sceaux – mais c’était au siècle dernier –, certains textes étaient aussi examinés selon la procédure d’urgence, notamment ceux que je défendais et qui visaient à renforcer les droits de la défense et à réformer le code de procédure pénale. Il y avait urgence, en effet, mais cela ne signifiait pas vote conforme et immédiat du Sénat et de l’Assemblée nationale. À l’époque, nous avons débattu durant de longues nuits, témoignant d’une conception du rôle du Parlement différente de celle qui prévaut en ce moment, avec cette parodie de démocratie à laquelle nous assistons. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

S’agissant de l’hinterland, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué une ligne qui me tient à cœur, sur la rive droite du Rhône. Comme vous et les syndicats, je suis pour que cette ligne soit utilisée et que le contournement ferroviaire de Lyon, dont on parle depuis vingt ou trente ans, soit enfin réalisé. Je ne suis donc pas d’accord avec ceux ou celles – que je ne veux pas connaître ou que je vais découvrir – qui veulent consacrer cette ligne au trafic TER. Cette ligne doit être réservée au fret pour Marseille !

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Merci beaucoup, monsieur Vauzelle !

M. Michel Vauzelle. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Avis défavorable, mais je prends note avec intérêt des propositions de M. Vauzelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2A, 2B et 2

M. le président. Les articles 2A, 2B et 2 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 2A.

(L'article 2A est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2B.

(L'article 2B est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement vise à étendre à tous les ports maritimes le dispositif d’exonération d’impôts locaux et de la part locale de taxe professionnelle prévu pour les sociétés de manutention qui seront créées dans les actuels ports autonomes. Un dispositif limité aux seuls ports autonomes risquerait d’entraîner des distorsions de concurrence, et d’être assimilé à une aide d’État discriminatoire, prohibée par le traité sur l’Union européenne. À l’inverse, notre proposition semble de nature à assurer le développement de l’ensemble des ports français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable, à ce stade. Cependant, monsieur Duron, je voudrais vous répéter les propos que j’ai tenus hier soir : nous devons faire évoluer le code des ports maritimes pour les ports décentralisés. Je propose de m’en entretenir avec les représentants de l’Association des régions de France – M. Alain Rousset ou vous-même –, et avec l’Association des départements de France. Je vous propose donc de retirer votre amendement, tout en prenant vraiment l’engagement de retravailler ce sujet, car veiller à la cohérence d’ensemble relève du bon sens.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Duron ?

M. Philippe Duron. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 16.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 16.

M. Philippe Duron. Cet amendement tend également à donner aux collectivités territoriales la possibilité d’exonérer d’impôts locaux et de la part locale de la taxe professionnelle les entreprises appelées à exploiter des installations et outillages. La rédaction de l’article 3 réserve les exonérations aux entreprises œuvrant dans les actuels ports autonomes ; nous proposons d’étendre le dispositif pour assurer une réelle équité entre les ports. Certes, j’ai entendu votre engagement, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, je pense utile que les élus s’expriment sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable. Je maintiens ce que je viens de dire à l’instant à M. Duron.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 16.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 16 est rejeté.

Je suis saisi d'un amendement n° 17.

M. Philippe Duron. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 36 et 89.

La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 36.

M. Philippe Duron. Dans ce projet de loi, le Gouvernement a prévu des exonérations de taxe professionnelle qui seraient, bien évidemment, consenties par les collectivités territoriales. Il nous semble nécessaire d’obtenir une compensation de ces exonérations par l’État. Nous comprenons bien la nécessité d’encourager le dispositif, de faire en sorte qu’il y ait des réponses aux appels d’offres lancés pour trouver des opérateurs sur les ports. Cependant, comme vous le savez, les collectivités territoriales sont soumises à des transferts nombreux. Certains membres du Gouvernement reconnaissent qu’elles rencontrent des difficultés de gestion plus en plus importantes. Aussi est-il nécessaire de leur réserver un traitement rigoureux et d’assurer la compensation de cette exonération.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 89.

M. Daniel Paul. Mon argumentaire est identique à celui développé à l’instant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable. Nous considérons qu’aucun des deux mécanismes fiscaux ne nécessite de compensation. Le premier met en place une entrée progressive dans les bases fiscales de biens aujourd’hui exonérés, donc il apporte des recettes nouvelles aux collectivités et évite un ressaut fiscal pour les entreprises. Le deuxième est mis en place sur délibération des collectivités. Pour ces raisons, tout en comprenant l’esprit de ces amendements, le Gouvernement exprime un avis technique défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36 et 89.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. L’article 4 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 72, portant article additionnel après l’article 4.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. C’est peu de dire que les articles à venir posent problème ! En effet, alors que la loi exprime l’intérêt général, voilà que l’on nous propose de confier à une commission ad hoc – composée exclusivement de « personnalités indépendantes » – le soin de fixer les règles du jeu.

Nous nous serions bien passés de cette donnée nouvelle et originale. D’ailleurs, ne se heurte-t-elle pas au respect de quelques principes constitutionnels selon lesquels, notamment, aucune partie du peuple – fût-ce une commission composée de personnalités indépendantes –, ne peut s’arroger le droit de dire la loi ?

En 1986, quand une majorité parlementaire semblable à celle qui siège actuellement à l’Assemblée nationale avait décidé de privatiser certaines entreprises publiques, elle avait au moins inscrit les modalités dans la loi. Ainsi, la commission de privatisation, bien que composée de personnalités indépendantes, ne pouvait déterminer la valeur des actifs publics cédés qu’après en avoir référé au ministre chargé de l’économie et des finances. De plus, les membres de cette commission ne pouvaient exercer la moindre responsabilité au sein des organes dirigeants des entreprises concernées, ni en accepter la teneur avant un délai de cinq années à compter de la mise en œuvre des procédures.

Faut-il souligner qu'une telle garantie n'existe pas, en tant que telle, dans le texte que nous examinons aujourd'hui ? Dès lors, ne pouvons-nous craindre que certains membres de la commission d'évaluation ne finissent par trouver quelque intérêt à la mise en œuvre des dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne la cession des outillages ?

Toutefois, il est encore plus préoccupant qu'aucune évaluation réelle de la situation économique des ports, non plus que des conditions de financement de leurs infrastructures présentes ou de leurs investissements futurs, ne soit associée au projet de loi. On semble vouloir considérer comme acquis que les ports autonomes français sont structurellement peu compétitifs. Or ce ne sont ni la qualité ni le savoir-faire des salariés du secteur maritime qui déterminent un éventuel manque de compétitivité, mais bien plutôt l’absence de politique cohérente des différents gouvernements en matière d'utilisation des capacités maritimes et portuaires existantes. La Cour des comptes l’a d'ailleurs dit.

La France jouit d'une position géographique primordiale sur les principales routes du commerce maritime. Or l'ensemble de la filière est aujourd'hui en difficulté. Est-ce dû au statut des agents de manutention, ou plutôt à l'absence de vision à long terme de la politique maritime et portuaire de la France, ainsi qu'à l'insuffisance des investissements réalisés, notamment par les acteurs de la filière du transport ?

Pour ce qui concerne cet amendement, les députés communistes jugent impérieuse la nécessité que la représentation nationale soit pleinement informée de ce qui se passe effectivement, ainsi que de l'ensemble des tenants et aboutissants du texte.

Aucun des éléments fournis par l'exposé des motifs du projet de loi ou par le rapport de la commission ne permet de mesurer, sur le plan économique, le bien-fondé de ce qui nous est présenté comme la seule solution, c'est-à-dire le démantèlement des ports et la cession du domaine – en l’occurrence, des outillages et des personnels – qui en résultera.

De surcroît, rien ne prouve que les ports connaissent des difficultés financières majeures : comme je le rappelais hier, à la fin de 2006, le gouvernement de l’époque a ainsi pu prendre toute la cagnotte qui leur était destinée.

De notre point de vue, une telle évaluation nécessite une large information de la représentation nationale. Nous devons être en mesure de statuer en toute transparence sur ce dossier essentiel, tant au regard du développement durable que de l'aménagement du territoire. Toute autre démarche serait suspecte et susceptible d'aller à l’encontre de l'intérêt même du pays, ne serait-ce que parce que des services publics, comme celui des domaines, peuvent parfaitement produire cette évaluation.

De plus, l'existence et le développement des ports autonomes actuels sont largement liés à l'action des collectivités territoriales, action qui semble occultée dans la démarche libérale forcenée des auteurs du projet de loi.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement, et nous ne doutons pas que vous le ferez.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Le Gouvernement comprend bien les préoccupations de M. Paul. Je veux donc lui indiquer, ainsi qu’à M. le rapporteur, que je soumettrai à la réflexion de la commission des affaires économiques le projet de décret relatif à la composition de la commission d’évaluation et que, pour en désigner le président, le Gouvernement sollicitera le président de la Cour des comptes. Le décret prévoira plusieurs dispositions pour éviter que les membres de la commission aient un quelconque intérêt dans les entreprises ou les parties concernées.

Je m’engage donc, monsieur, le rapporteur, à ce que le projet de décret soit soumis à la commission des affaires économiques de votre assemblée ainsi qu’à celle du Sénat avant d’être signé par les ministres concernés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 73, tendant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir cet amendement.

M. Daniel Paul. Par cet amendement, nous entendons nous opposer au transfert de la propriété des outillages ou, s'ils sont immobiliers, des droits réels qui leur sont attachés, aux opérateurs privés. Nous considérons que cette disposition ne sera pas en mesure de régler les éventuelles difficultés économiques rencontrées par les ports, et qu’elle risque au contraire d'aggraver leur situation économique en privant les plus petits opérateurs de l'accès au service public portuaire.

Je me suis par ailleurs déjà exprimé sur l’évaluation de la valeur de l’outillage ou des biens immobiliers : prix de vente espéré, ressources financières attendues et répartition des sommes récoltées entre le port et l’État. Or les premiers éléments dont nous disposons pour le port de Bordeaux, ainsi que pour d’autres ports et collectivités locales, montrent qu’il y a quelque différence entre la valeur estimée des biens et la valeur que l’on peut en attendre. C’est dire les inquiétudes que nous pouvons avoir quant à l’opération qui consiste à transférer les outillages vers des entreprises portuaires privées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable : le transfert des outillages est l’un des axes essentiels de la réforme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Sur l’article 6, je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir cet amendement.

M. Daniel Paul. L’alinéa 2 de l’article 6 prévoit que « le projet stratégique fixe, d’une part, le périmètre de chaque terminal et, d’autre part, la liste des outillages associés à céder ».

Je rappelle que nulle part dans le texte n’est prévue une évaluation préalable des biens susceptibles d’être cédés. Je prends acte, monsieur le secrétaire d’État, de vos précisions au sujet du travail préalable à la mise en place de la commission d’évaluation, mais vous comprendrez que je ne sois pas rassuré outre mesure.

Cependant, au regard des sommes en jeu, nous ne nous avançons pas trop en affirmant que ce seront les opérateurs les plus puissants qui pourront s’offrir – je n’emploie pas ce terme dans son sens péjoratif – les outillages et les personnels, en tout cas les matériels les plus performants.

Ainsi, l’entreprise Sea invest, qui se trouve en situation de monopole sur l’ensemble du territoire, sauf pour le port du Havre, sera, me semble-t-il, en mesure d’acheter les outillages nécessaires à son activité. Que se passera-t-il si cet opérateur décide de quitter le territoire et d’emporter avec lui tout ou partie du matériel ? Prenons l’exemple du trafic du bois. Cet opérateur est présent sur les ports de Nantes-Saint-Nazaire et de La Rochelle mais il y a fort à parier qu’une fois les équipements achetés, il ne restera pas dans les deux places. Cette question mérite réponse, monsieur le secrétaire d’État. Selon moi, la conséquence serait que le port ne disposerait alors plus des outillages nécessaires à la poursuite de l’activité par d’autres opérateurs.

Dans son rapport pour le Sénat, M. Revet affirme également qu’« il ne faut pas sous-estimer les risques de constitution de monopoles ou d’oligopoles au sein des services portuaires ». Je ne suis pas toujours d’accord avec Charles Revet mais, en l’occurrence, je le suis !

Il indique en outre que les « entreprises multinationales » – ce langage devrait troubler la majorité ! – « bénéficient d’un fort pouvoir de négociation avec les autorités portuaires nationales : aujourd’hui, l’armateur décide seul s’il dessert ou non un port ». Diable ! Le sénateur Revet devient révolutionnaire !

Hélas ! Le projet de loi ne changera rien à cette situation. Il risque au contraire de l’aggraver. Nous souhaitons que, grâce au projet stratégique, aucune situation de monopole privé ne puisse s’installer dans un port. Tel est l’objet de cet amendement, dont nous recommandons l’adoption. Certes, je reconnais qu’il s’agit sans doute d’un vœu pieu. Cependant, nous sommes conscients que de telles situations se présenteront immanquablement : c’est ce qui nous fait dire que le texte est davantage inspiré par l’idéologie que par les réalités économiques. Il sera en effet difficile d’empêcher de telles situations en raison des transferts organisés par la réforme et des choix stratégiques, économiques et politiques des armements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. C’est un vrai sujet.

M. Daniel Paul. Il ne faut donc pas l’éluder !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. C’est pourquoi je vous réponds, monsieur Paul.

Si la préoccupation exprimée par l’amendement me paraît légitime, celui-ci est excessif. On ne peut pas légiférer sur tout.

Nous partageons votre préoccupation, monsieur Paul : c’est celle de tout élu de la nation. Il arrive en effet que, pour un trafic donné, un seul opérateur soit présent sur le port : cela s’observe depuis longtemps. Les règles de la concurrence, et notamment l’action du Conseil de la concurrence, visent à ce qu’une telle situation n’entraîne pas d’abus de position dominante, car cela est prohibé.

L’institution du grand port maritime, avec son conseil de surveillance et la mise en place d’un projet stratégique, doit permettre, notamment via la gestion domaniale, d’éviter toute situation de nature à perturber la libre concurrence par la prise en compte de l’échelle pertinente pour chaque marché. Il est par exemple inutile de développer deux terminaux à conteneurs dans un port situé sur un petit marché.

La réponse ne peut donc pas être absolue, monsieur Paul, et la loi ne peut pas tout dire. Ce qu’elle dit tout de même, c’est que le grand port maritime peut adopter un projet stratégique. Une remise à plat aura lieu, qui répondra à votre préoccupation légitime. Chaque cas sera ainsi examiné dans le cadre des projets stratégiques et, s’il y a lieu, le Conseil de la concurrence sera saisi. S’il constate un abus de position dominante, il prendra les sanctions qui s’imposent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. L’action du Conseil de la concurrence apportera les bonnes réponses aux préoccupations légitimes de M. Paul.

Par ailleurs, M. Revet a fait adopter au Sénat un amendement qui ajoute à l’article un alinéa 5 ainsi rédigé :

« L’acte de cession des outillages prévoit des dispositions spécifiques portant sur le sort de ceux-ci en cas de résiliation de la convention du fait de l’opérateur. »

Les cas auxquels vous avez fait allusion, monsieur Paul, sont donc pris en compte par le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75, tendant à supprimer l’article 7.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir cet amendement.

M. Daniel Paul. Nous proposons de supprimer l’article 7, qui prévoit les différentes procédures de vente des outillages. Il constitue une atteinte au patrimoine de l’État : rien ne garantit que les biens ne soient pas dévalués. Ce ne sont pas les modalités de désignation de la commission dite « indépendante » qui me feront changer d’avis.

En réalité, tout est mis en œuvre pour brader des outillages qui ont nécessité de lourds investissements, auxquels l’État et les ports ont un peu contribué, et les collectivités locales beaucoup ; tout est mis en œuvre pour favoriser la constitution de monopoles privés, comme en témoigne l'appel à candidatures qui n'intervient qu'en second recours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Cet amendement est en cohérence avec ce que vient de dire M. Paul. Ces outillages ont été en partie cofinancés par les collectivités territoriales. Par souci de l’argent public et de l’efficacité économique de leurs investissements, celles-ci souhaitent être consultées avant la vente de ces outillages. Nous voulons que cela soit précisé dans la loi. C’est pourquoi nous proposons de compléter l’alinéa 2 de l’article 7 en indiquant que les collectivités locales ou territoriales ayant investi significativement dans les outillages seront obligatoirement consultées.

M. le président. Monsieur Duron, puis-je considérer que l’amendement n° 13 est défendu ?

M. Philippe Duron. Oui, monsieur le président, bien qu’il porte sur le troisième alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Je partage l’avis de la commission. La préoccupation de M. Duron est parfaitement légitime et elle traduit la réaction des grands maires s’agissant d’investissements auxquels ils ont participé. Mais les collectivités territoriales seront consultées en permanence, en premier lieu dans le cadre du conseil de surveillance, par l’intermédiaire de quatre représentants, et, pour celles qui n’y sont pas représentées, dans le cadre du conseil de développement, lequel, nous l’avons indiqué hier, sera obligatoirement consulté sur le projet stratégique.

La rédaction du texte vaut réponse à ces amendements, mais ils auront au moins attiré notre attention sur l’esprit dans lequel les décisions devront être prises dans le cadre des travaux préparatoires de la loi.

M. le président. Monsieur Duron, maintenez-vous ces amendements ?

M. Philippe Duron. Je les maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 107 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 107.

M. Daniel Paul. Cet amendement vise à ce que la convention, qui vaut autorisation d’occupation du domaine public, puisse prévoir des objectifs de trafic, une procédure de contrôle des moyens mis en œuvre, ainsi que des sanctions applicables en cas de non-respect des engagements conventionnels.

Si l’on veut faire du port une véritable autorité de régulation, il faut lui en donner les moyens. Un port n’est pas un territoire ordinaire : c’est une zone d’activités économiques, mais aussi un outil d’aménagement du territoire, dont les effets s’étendent au territoire proche et aux territoires environnants : c’est un outil économique essentiel dans toutes les régions maritimes.

Dans l’agglomération rouennaise, par exemple, l’activité portuaire représente 22 000 emplois directs, indirects ou induits, et 30 000 emplois si l’on compte les sites de Port-Jérôme et de Honfleur – ces chiffres correspondent aux entreprises privées présentes sur le territoire et j’en ai volontairement exclu le port du Havre, qui représente à lui seul un nombre d’emplois encore plus important.

La puissance publique doit garder un œil sur les activités des entreprises portuaires, et surtout disposer d’un pouvoir de sanction.

D’aucuns ont essayé de justifier cette réforme en arguant que le rôle des autorités portuaires, dans la configuration actuelle, se limitait à gérer, en interne, des problématiques liées aux ressources humaines, et, en externe, à répondre aux exigences des manutentionnaires. Le grand port maritime devrait, selon eux, répondre à cette problématique et renforcer l’image d’autorité publique portuaire. Mais encore faut-il que cette volonté ne reste pas à l’état de vœu pieux et que l’on donne aux grands ports maritimes les moyens d’exercer réellement cette autorité !

J’insiste tout particulièrement sur la nécessité de prévoir une procédure de contrôle des moyens mis en œuvre, car nous devons nous assurer que les moyens promis par l’opérateur seront entièrement mobilisés. Tel est le sens de cet amendement.

Cela m’amène, monsieur le secrétaire d’État, à évoquer votre visite au Havre, en janvier dernier. Celle-ci a fait l’objet d’un commentaire du magazine L’Usine nouvelle. Ce n’est pas un journal que je lis volontiers, mais il m’intéresse quand il reprend certains de vos propos. Selon ce magazine, vous auriez dit que cette réforme « doit permettre à la France de traiter, d’ici à dix ans, dix millions de conteneurs par an, contre 3,5 millions en 2007 » – vous aviez d’ailleurs demandé au port du Havre d’atteindre 6 millions de conteneurs pour respecter la proportion actuelle au sein du marché français. Vous auriez ajouté que cette réforme « doit permettre de créer 30 000 emplois », chiffre que vous avez repris dans la discussion générale. Mais vous vous êtes bien gardé, hier, de préciser qu’elle entraînerait la perte « de 2 000 emplois au travers de licenciements liés aux effets collatéraux de la réforme, notamment au niveau de services de gestion et de maintenance » !

Je vous vois faire des signes de dénégation, monsieur le secrétaire d’État, mais vous devriez protester avec véhémence auprès du magazine L’Usine nouvelle qui a délivré des informations erronées. C’est pourtant un journal sérieux, qui ne diffuse que les informations qui lui ont été transmises !

La réforme aurait donc des « effets collatéraux » sur les services de gestion et de maintenance. Pouvez-vous faire une déclaration sur cette question, sachant qu’elle aura un caractère officiel comme toutes les interventions du Gouvernement dans cet hémicycle ?

Nous attendons de l’État une grande fermeté à l’égard des entreprises qui ne respecteraient pas les obligations qui leur seront assignés, et une égale fermeté à l’égard des grands ports maritimes pour que nous n’ayons pas à constater les « effets collatéraux » dont parle L’Usine nouvelle.

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. Philippe Duron. Je partage ce qu’a dit M. Paul, mais je voudrais que nous ayons à l’esprit, en examinant ce dispositif, le cas des entreprises en situation de monopole dans plusieurs ports, qui décideraient de regrouper leurs activités dans un seul, organisant ainsi le déclin programmé des autres – qu’il s’agisse de ports autonomes ou de grands ports maritimes. Si les engagements pris lors de la cession de l’outillage ne sont pas tenus, même si cela découle d’une stratégie, il faut pouvoir revenir sur cette cession ou prendre des sanctions contre ceux qui ne remplissent pas leurs obligations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. C’est un sujet important, dont nous avons déjà débattu. Il y a quelques mois, j’ai adressé une note à M. le secrétaire d’État pour lui indiquer que je souhaitais que des objectifs soient fixés dans les projets stratégiques des grands ports maritimes. M. Bussereau m’a immédiatement confirmé qu’il partageait mon point de vue et qu’il le défendrait lors de la rédaction de ce texte et des débats devant l’Assemblée nationale. Après que cet échange confidentiel est devenu public, mes chers collègues, vous voyez que nous sommes sur la même ligne…

M. Daniel Paul. C’est vous qui le dites !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Le trafic maritime mondial croît de 8 % par an, et ce n’est pas l’émergence de la Chine, de l’Inde, du Brésil, ni l’évolution du vieux continent, des États-Unis et de l’Afrique qui freineront cette croissance au cours des dix prochaines années.

Le projet de loi tient compte de ce taux de croissance majeur. Comme je l’ai indiqué hier, alors que l’un de mes amendements était satisfait par la déclaration du Gouvernement, il est admis que les grands ports maritimes définissent des objectifs dans le cadre d’un projet stratégique, le premier d’entre eux étant l’augmentation de la croissance du trafic. Le taux de croissance des ports français étant actuellement de 2 %, chaque projet stratégique devra tabler sur une croissance supérieure à 5 %, en fonction naturellement de la situation locale. Dans ces conditions, monsieur Paul, monsieur Duron, vos amendements sont satisfaits.

Ces amendements visent également à laisser à la convention le soin de prévoir des sanctions. Comme vous le savez, il existe en matière économique deux types de sanctions. La loi prévoit désormais que les grands ports maritimes doivent définir des objectifs de croissance de trafic dans les projets stratégiques. Si ces objectifs sont atteints, il faudra poursuivre dans la même direction. S’ils ne sont pas atteints, il s’agira d’en tirer les conclusions qui s’imposent, même si cela découle du comportement de l’un des acteurs économiques, quel qu’il soit. Vous suspectez l’État de ne pas tenir ses promesses.

M. Daniel Paul. Non !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Nous verrons ! M. Bussereau a pris des engagements très précis.

Je donne un avis défavorable à ces deux amendements, car j’ai précédé leurs auteurs en demandant hier au Gouvernement de s’engager très clairement quant à l’obligation pour chaque grand port maritime de définir des objectifs dans le cadre des plans stratégiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission. Je voudrais dire à M. Paul que j’ai adressé un démenti au magazine LUsine nouvelle, mais qu’il ne l’a pas publié. Hélas, nous vivons dans un monde qui n’est pas aussi républicain que nous le souhaiterions, et lorsqu’un homme politique adresse un démenti à un journal, qu’il soit quotidien, hebdomadaire ou mensuel, celui-ci oublie très souvent de le publier. Ces mésaventures peuvent arriver, malheureusement, à chacun d’entre nous.

Sur le fond, il n’est pas question de supprimer des emplois. Cela dit, je souhaite néanmoins – et je le dis devant la représentation nationale – que les ports, grâce à la coordination, puissent faire des économies d’échelle, par exemple en regroupant leurs politiques commerciales. Je souhaite également que l’on tienne compte, avec le plus d’intelligence possible, des coordinations qui pourront s’établir entre les grands ports maritimes et les ports décentralisés, dont M. Duron, à juste titre, se fait souvent le défenseur.

Les projets stratégiques ont une grande importance, car ils seront définis entre les ports et l’État, avec les collectivités locales, si elles le souhaitent, et tous les interlocuteurs concernés.

S’agissant des amendements nos 107 et 6, l’obligation pour la convention de définir un objectif de trafic est déjà prévue dans le projet de loi, et je souhaite que ce soit le cas le plus souvent possible, car c’est un gage pour le développement du port. Il faudra toutefois adapter les objectifs aux différents trafics : pour le charbon, par exemple, si l’hiver est doux, les objectifs devront être revus à la baisse ; de même, le trafic de céréales, que j’ai pu observer à La Rochelle ou à Bordeaux, dépend des conditions météorologiques. Dans ces conditions, la fixation d’objectifs n’est pas un outil adapté.

Quant aux sanctions financières, elles s’appliqueront selon les règles du droit commun des contrats, et j’y suis favorable. D’ailleurs, les conventions déjà signées par certains ports comportent des dispositions en ce sens.

Ainsi, bien que votre demande soit légitime, vos amendements sont satisfaits par le texte même du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 107.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 76.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 37.

M. Philippe Duron. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Nous proposons que la commission comprenne, outre des personnalités indépendantes, un représentant des collectivités locales ayant réalisé des investissements significatifs sur les biens cédés.

Daniel Paul l’a également rappelé, les collectivités locales, qui ont massivement investi, notamment dans les ports autonomes, doivent au minimum être représentées au sein de la commission, afin de veiller à l’utilisation des deniers publics dont la dépense leur a été confiée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. J’en prends l’engagement devant la représentation nationale et devant vous, monsieur Duron : le décret que je soumettrai à la commission des affaires économiques prévoira au sein de la commission la présence d’un représentant de l’association des régions de France, de l’assemblée des départements de France et de l’association des maires des grandes villes de France. Je pense que cela va dans la bonne direction, et je vous invite à retirer cet amendement.

M. Philippe Duron. Compte tenu de l’engagement pris par M. le secrétaire d’État, j’accepte de le retirer, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je mets aux voix l’article 7.

(L’article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 77.

M. Daniel Paul. Cet article, sur lequel nous avons déposé plusieurs amendements, concerne l’une des mesures phares – si j’ose dire – de votre projet de loi : le transfert des personnels de manutention et d’outillage, qui est l’objectif réel du Gouvernement, sous couvert d’un plan de relance qui n’en a que le nom.

L’État s’appuie sur les pertes de parts de marché des ports français face aux autres ports européens pour justifier cette réforme. Nos ports seraient médiocres, quasiment par nature, et cela serait dû à leur organisation, en particulier au fait que les portiqueurs sont actuellement employés par le port autonome, et non par des entreprises privées, lesquelles seraient appelées à devenir propriétaires des portiques.

Certes, toute organisation du travail, que ce soit dans un port, dans une entreprise ou sur un chantier, et quel que soit le secteur d’activité, a besoin d’être réformée de temps à autre, voire de façon continue, afin de favoriser les gains de productivité. Parmi les responsables des différentes organisations syndicales que j’ai rencontrés, du nord au sud du pays, de la côte atlantique à la Manche, personne ne nie la nécessité de s’adapter et d’évoluer. Les organisations syndicales ont même fait des propositions sur l’unité de commandement, sur la base de la mise à disposition, comme cela se pratique au Havre depuis plusieurs mois, ou même du détachement. Cependant, comme je l’ai signalé hier en défendant la question préalable, ces solutions ont été très vite écartées au profit d’une réforme qui tombe comme un couperet sur beaucoup de ports français, qu’il s’agisse de Marseille, du Havre, de Dunkerque, de La Rochelle, de Bordeaux, de Nantes-Saint-Nazaire ou de Rouen.

En outre, on sait bien que, comme l’a relevé la Cour des comptes et comme le confirme le rapport Gressier, le problème majeur des ports français réside dans l’absence d’une véritable politique portuaire et dans le désengagement financier de l’État. Or le présent texte ne comporte ni réel plan de relance, ni stratégie de développement, ni programme de reconquête des trafics. Il évoque à peine les engagements de l’État en faveur des infrastructures portuaires, ferroviaires, routières et fluviales. On sait, hélas, pourquoi : l’État est devenu impécunieux. En revanche, le projet s’étend longuement sur l’organisation du travail dans les terminaux, comme si son unique objet était la privatisation des outillages de manutention et de leur exploitation.

Rappelons-nous qu’en 1992, on nous présentait déjà l’intégration des dockers au sein des entreprises de manutention comme la réforme à mener. C’est d’ailleurs la seule chose qui est restée de la réforme de 1992, alors qu’on nous avait dit, déjà, qu’elle comportait un plan de relance et d’accompagnement. On allait voir ce qu’on allait voir ! Le gouvernement de l’époque claironnait que nos ports allaient reconquérir les parts de marché perdues et qu’on allait créer des milliers d’emplois, directement ou indirectement – un peu comme ce que vous avez fait, monsieur le secrétaire d’État. Pourtant, on est loin des résultats annoncés : les effectifs de dockers ont été divisés par deux, de 8 000 à environ 4 000 aujourd’hui, et si le trafic des ports français s’élevait en 1991 à 297 millions de tonnes, quinze ans après, en 2006, il représentait à peine plus de 303 millions de tonnes. Tout ça pour un tel résultat ! Aujourd’hui, dans tous les ports touchés par les mouvements de résistance des personnels, tous les acteurs mettent aussi en avant la diminution du trafic et le déficit de recettes que cela provoque, non seulement pour les ports, mais aussi pour les entreprises qui y sont implantées.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Je termine, monsieur le président.

S’agissant de cette réforme, j’ai parlé hier de gâchis, parce qu’elle aurait pu être « tricotée » – si je puis dire – de manière à rendre nos ports plus compétitifs, grâce à des améliorations de fonctionnement et à des investissements pour les mettre aux normes, qu’il s’agisse de l’aire portuaire elle-même ou de l’hinterland, proche et profond. Tout cela aurait pu être étudié avec les dockers et les autres personnels portuaires, tous désireux de voir le trafic s’accroître. Je ne connais pas un port qui aime voir passer les bateaux au large sans accoster chez lui !

C’est pour lutter contre ce gâchis que nous présentons des amendements à l’article 7. Comment ne pas comprendre les inquiétudes légitimes des salariés ? La suppression d’un poste sur deux apportera-t-elle une solution au manque de compétitivité de nos ports ? Chacun sait que la réforme ne se fera pas sans dégâts – et je ne parle pas, comme tout à l’heure, de seuls dégâts collatéraux. Les salariés ont bien vu les conséquences de la précédente réforme sur l’ensemble des places portuaires : non-respect des conventions collectives, non-respect de la priorité liée à la détention de la carte G, recours de plus en plus fréquent à l’intérim – j’ai cité hier l’exemple de Rouen.

La maîtrise publique n’est pas un frein à l’efficacité et à la compétitivité. En écartant cette solution de manière dogmatique, vous hypothéquez l’avenir de nos ports. Pour reprendre ma formule d’hier, vous les adaptez aux exigences du capitalisme mondialisé tel qu’il fonctionne actuellement.

M. le président. Monsieur Paul, peut-on considérer que vous avez défendu les amendements nos 77, 90, 78 et 91 ?

M. Daniel Paul. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Si vous le permettez, monsieur le président, je répondrai surtout sur l’amendement n° 77, qui est de suppression, les amendements nos 90, 78 et 91 pouvant être considérés – mais je parle sous votre contrôle, monsieur Paul – comme des amendements de repli, même s’ils préconisent des mesures très précises.

Monsieur Paul, s’agissant de l’emploi, la différence entre la courageuse loi de 1992 de Michel Delebarre et de Jean-Yves Le Drian – auxquels je rends de nouveau hommage – et le présent texte, c’est que le transport maritime mondial a pris des proportions sans commune mesure avec ce qu’il représentait dans les années 1990 – même si on peut le regretter du fait des délocalisations. En conséquence, les créations d’emplois qu’on peut aujourd’hui attendre du développement de nos ports, qu’il s’agisse des grands ports maritimes ou des ports des collectivités décentralisées, sont également sans commune mesure avec ce qu’elles étaient à l’époque.

De surcroît, un phénomène nouveau apparaît : le développement de la logistique. Il y a quelques années, j’ai inauguré la plateforme de Dourges, dans le Pas-de-Calais, qui raccorde les trafics fluvial, autoroutier et ferroviaire. Tout le monde disait que cela ne marcherait jamais ; aujourd’hui, c’est un remarquable succès, créateur d’emplois dans cette région. Nous avons d’ailleurs prévu la création de plusieurs grandes plateformes logistiques sur le futur canal Seine-Nord. Aujourd’hui, on crée aussi des ports à sec dans toute la France, qui sont des zones de séparation des conteneurs, des sortes de hubs, si vous me passez l’expression. D’ailleurs, ce qui m’agace, c’est que même des ports espagnols, comme celui de Barcelone, viennent créer en Languedoc-Roussillon ou en Provence-Côte-d’Azur de tels ports, alors que le port de Marseille a vocation à gérer ce trafic.

Le chiffre de 30 000 emplois n’est donc pas un objectif en l’air : il a été élaboré avec l’ensemble de la filière en examinant quels pourraient être les emplois créés grâce à de meilleurs résultats de nos ports – qui ne sont pas médiocres, mais qui sont dans la catégorie des assez bons élèves, alors qu’ils pourraient figurer dans celle des très bons élèves.

J’en viens maintenant à l’article 8 proprement dit. Je vous rappelle, monsieur Paul, ainsi qu’à l’ensemble de la représentation nationale, que le Premier ministre a indiqué clairement que ce projet de loi ne laisserait personne à quai, et que les dispositions de l’article 8, dont vous proposez la suppression, sont protectrices pour les salariés. Les critères de transfert seront fixés par des négociations entre les organisations syndicales représentatives et le président du directoire, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi et l’adoption du plan stratégique. Il n’y aura donc rien de hâtif ni de trop rapide. Enfin, si un salarié n’est pas transféré, il restera dans le port pour occuper un autre emploi : nous avons pris des engagements très clairs à ce sujet. Les salariés ne seront pas victimes d’un plan qui vise à développer les ports et, par conséquent, à créer de nouveaux emplois.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Dans ce cas, monsieur le secrétaire d’État, votre majorité et vous-même n’aurez aucune difficulté à accepter les amendements nos 78 et 91, ce dont je me réjouis à l’avance.

Voici en effet ce que l’amendement n° 78 prévoit : « La mise en œuvre de ce transfert ne devra engendrer aucun licenciement et ce pour l’ensemble des travailleurs portuaires : personnels des ports autonomes ou salariés de la manutention portuaire. »

Quant à l’amendement n° 91, il précise qu’aucun protocole d’accord, convention ou accord collectif ne pourra être signé entre le président du directoire et les organisations syndicales avant la signature de l’accord-cadre national visé à l’article 9.

M. le président. Je vais mettre successivement aux voix les amendements nos 77, 90, 78 et 91, qui ont reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(L’article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, inscrit sur l’article.

M. Philippe Duron. Sur les articles 9 et 10, le groupe SRC avait déposé une série d’amendements visant à renforcer les garanties données aux salariés, ainsi qu’à allonger leurs droits au retour. Nous déplorons qu’une application très rigoureuse, voire restrictive, de l’article 40 de la Constitution nous empêche de les défendre, alors même que l’émotion est très vive dans les ports et que l’ensemble de nos formations politiques a le souci d’apporter aux personnels susceptibles d’être transférés les meilleures garanties face à une modification substantielle de leurs droits.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 79.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement vise à supprimer l’article 9, par lequel le Gouvernement nous demande de lui signer un chèque en blanc – ou, plus exactement, d’autoriser légalement le patronat à imposer ses propres exigences aux salariés des ports concernés par l’article précédent.

Vous avez ensuite beau jeu de prétendre apporter aux salariés la protection qu’ils sont légitimement en droit d’attendre ! Je voudrais citer certains propos du rapporteur, qui ne manquent pas de sel au regard du vécu de milliers de nos concitoyens : « Ce dernier point correspond à une attente forte des agents des ports, qui souhaitent à la fois des garanties pour les agents intégrant un opérateur et la prise en compte de l’évolution de la situation des agents demeurant dans le port. » Ainsi, selon vous, l’ouverture de négociations devant déboucher sur la conclusion d’un accord-cadre serait de nature à offrir aux salariés transférés les garanties exigées. Dire cela, c’est oublier le contexte dans lequel ces négociations débuteront. Comment ignorer en effet qu’il existe, en raison de la situation de subordination dans laquelle se trouvent les salariés par rapport aux employeurs et en raison des circonstances économiques, un déséquilibre qui fragilise toujours la position des salariés ?

Chacun se souvient du chantage – il n’y a pas d’autre mot – exercé par telle entreprise qui n’a pas hésité à conditionner le maintien de l’emploi par un recul social, à savoir le renoncement aux 35 heures. Et l’on sait ce qui est advenu.

Comment, dès lors, ne pas juger votre proposition illusoire ? Ne doutez pas de la capacité des organisations syndicales à défendre les salariés ; elles savent le faire : c’est leur rôle. Nous n’ignorons cependant ni la capacité du patronat à se mobiliser ni celle du Gouvernement à l’aider à obtenir satisfaction.

On devine la raison d’être du calendrier que l’on nous propose d’adopter et les motifs des modalités du présent débat si l’on en juge, je n’y reviens pas, par la manière dont nous examinons les amendements. Ce qui compte avant tout pour vous est de procéder à une privatisation rampante des ports, de transférer les personnels tout en leur offrant, en tout dernier lieu, une prétendue sécurité.

Or, si l’objet de ce projet était réellement de protéger les salariés et de développer l’activité portuaire, il eût été plus logique de conditionner le transfert des personnels par la conclusion de l’accord-cadre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Je trouve, monsieur Paul, que vous maniez tout de même quelque peu le paradoxe. Si vous avez la liberté de vous exprimer comme vous le faites, j’ai celle, pour ma part, de me référer à l’article 9. Il laisse aux partenaires sociaux le soin de définir les modalités de mise en œuvre de la réforme à partir du cadre fixé par la loi. La loi est votée par le Parlement, lui-même démocratiquement élu par le peuple français. C’est donc notre responsabilité et nous l’assumons, même s’il s’agit d’une lourde charge.

Sur le plan pratique, c’est justement parce que le Gouvernement et la majorité qui le soutient veulent garantir l’évolution professionnelle du salarié qu’on ne doit pas l’enfermer dans le même emploi. Quelle est, aujourd’hui, la motivation de nombreux salariés, et à juste titre ? C’est la promotion sociale dans le cadre de leur métier. N’est-il pas contradictoire de vouloir les enfermer dans la situation d’hier sur un marché qui croît de 8 % par an ?

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable. Je ne vois pas, en effet, ce que nous pourrions offrir de plus protecteur à des salariés que de leur dire que ce sont les discussions entre partenaires sociaux qui vont définir les modalités de mise en œuvre de la réforme à partir du cadre défini par la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire. Ainsi, monsieur Paul, vous parlez de privatisation. C’est complètement faux. Vous citez toujours en exemple certains pays du Nord de l’Europe où, en effet, on peut parler de privatisation. Que propose ce texte en revanche ? Il vise à réformer des ports qui sont des établissements publics. Nous restons donc dans le cadre d’un système public.

Nous considérons simplement que le secteur public n’a pas à réaliser d’opérations commerciales puisqu’il doit s’en tenir à ses prérogatives régaliennes et non jouer un rôle économique. Aussi proposons-nous que l’outillage soit géré comme le sont déjà les dockers : par des entreprises privées, et qu’il y ait unité d’action entre ceux qui déchargent les navires et ceux qui assurent le transbordement.

Je rappelle à la majorité que nous procédons sur le plan social à une réforme novatrice puisque l’article 10 est censé régler la situation des personnels au cas où le dialogue social prévu à l’article 9 n’aboutirait pas. Cela signifie que nous donnons une priorité, une prime au dialogue social. Or je vous rappelle, monsieur Paul, que ce dialogue social est mené depuis des semaines par Yves Cousquer, ancien collaborateur de Paul Quilès, ancien président de La Poste, aujourd’hui président d’Aéroports de Paris, homme de qualité reconnu par tous. Ce n’est pas simple, mais M. Cousquer y met toute sa bonne volonté et toute son intelligence en tâchant de conclure un accord après lui avoir donné du contenu. Si, par malheur, on ne parvenait pas à un accord, on aurait recours à l’article 10, qui est un article équilibré.

Cependant, je souhaite vraiment, je le dis à la représentation nationale, que nous puissions obtenir ce plus social par l’accord prévu à l’article 9, faute de quoi il faudra recourir aux dispositions de l’article 10 qui permettent de sauvegarder des emplois. Notons que le Sénat a porté de cinq à sept ans la période pendant laquelle le contrat de l’intéressé peut se poursuivre. Les députés siégeant sur tous les bancs doivent donc souhaiter le succès de ce dialogue social.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 109.

Est-il défendu, monsieur Paul ?

M. Christian Paul. Oui, monsieur le président.

M. le président. La commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 38 et 106.

La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 38.

M. Philippe Duron. L’amendement concerne l’alinéa 6 de l’article 9. Cet article dispose que la négociation a lieu entre les employeurs et les salariés. On peut donner acte au Gouvernement d’avoir conçu une démarche convenable. Toutefois, l’article comporte une disposition qui permet de retrancher des éléments qui figurent dans cet accord par le biais d’un décret. Cette disposition ne nous satisfait pas en ce qu’elle obère les résultats de la négociation. Nous souhaitons donc la suppression de l’alinéa 6.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. La majorité soutient que l’accord-cadre constitue la pièce maîtresse du dispositif. Pourquoi diable, dans ce cas, prévoir que l’on puisse y déroger ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Ce n’est pas nous qui concluons l’accord ! Laissons donc les syndicats le faire !

M. Daniel Paul. Je reste méfiant, même si je suis prêt à vous entendre sur un certain nombre de points, monsieur le secrétaire d’État. Reste que quand on sait quelles motivations ont présidé à l’élaboration de ce texte et quand on sait qui a tenu la plume pour le rédiger – et qui, d’ailleurs, la tient toujours –, je ne puis accepter qu’il recèle des dispositions contradictoires. En effet, dans ce cas, ce sont les salariés qui sont sans doute les victimes désignées et il n’est pas dans ma nature ni dans celle des autres députés du groupe communiste de l’accepter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. La question posée par M. Duron est utile. Aussi je souhaite lui apporter des précisions quant à la nature des alinéas 5 et 6. Vous allez ainsi comprendre, monsieur Duron, qu’ils ont toute leur raison d’être.

Le décret qui rendra l’accord-cadre opposable peut apporter à celui-ci des modifications de trois ordres, de nature à vous rassurer. D’abord, ce décret, à l’évidence, ne reprendra pas de dispositions illégales. Ensuite, il étendra les clauses incomplètes au regard du droit du travail. Il s’agit là d’une disposition protectrice pour l’ensemble des parties et qui assurera une meilleure stabilité juridique à l’accord. Enfin, ce décret pourra refuser d’étendre des clauses qui ne seraient pas conformes à la situation des branches. Cette disposition classique du code du travail, d’ailleurs introduite par la troisième loi Auroux de 1982, est d’un usage des plus limités et, pour ce qui concerne les extensions des accords collectifs, n’a pas connu d’application récente.

Vous voyez donc que le renvoi à un décret est très précis. Je veux bien vous communiquer ma réponse par écrit car il est vrai que le texte appelait ces précisions. Sachant que je vous les ai apportées, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement. Si vous persistez à le maintenir, la commission donnera un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Comme je sais que les partenaires sociaux accordent une grande importance – et c’est bien légitime – à l’article 9, je tiens à souligner que les dispositions de l’alinéa 6 transposent celles de l’article L.2 261-25 du code du travail, article classique en matière d’extension des accords à la procédure ad hoc mise en place par le texte.

Il s’agit donc de mesures qui protègent les salariés puisqu’elles permettent notamment de compléter certaines clauses de l’accord pour les rendre plus facilement applicables. J’affirme donc devant la représentation nationale que le Gouvernement entend laisser toute sa place à la négociation et entend bien sûr respecter l’accord qui en sera le fruit.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 38 et 106.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9.

(L’article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président. Sur l’article 10, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 110.

M. Daniel Paul. Autorisez-moi la formule, monsieur le secrétaire d’État, selon laquelle cet article constitue l’aveu même de l’insuffisance de ce texte.

En effet, vous commencez par envisager le cas où l’accord-cadre ne pourrait être conclu. C’est dire que le délai de six mois pourrait vous paraître insuffisant en particulier au vu des enjeux.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Il est de mon devoir de prévoir !

M. Daniel Paul. Si j’ai bien compris, vous seriez prêt, éventuellement, à l’allonger, mais le problème de fond demeure. Nous sommes très dubitatifs en ce qui concerne la fameuse convention de transfert conclue entre le port et les opérateurs, convention dont le contenu nous est presque totalement inconnu.

Cela renforce notre conviction que si l’on veut garantir l’emploi face à la logique libérale, il faut impérativement procéder à l’ouverture de négociations et faire de la conclusion d’un accord le préalable à toute réforme. Hélas, vous n’avez pas retenu cette option, ce qui ne sera pas sans conséquences pour l’avenir des ports comme pour celui des salariés.

Il est vrai que dans d’autres domaines que celui des ports, tout récemment, s’agissant d’un accord conclu entre des centrales syndicales et le ministre du travail, le Gouvernement a montré de quelle manière il tenait les engagements qu’il avait pris à l’égard de ces organisations. Passons. Ou, plutôt, ne passons pas : nous aurons sans doute l’occasion, peut-être pas avec vous, de revenir sur cette question.

Je vous ai rappelé hier ce qui se passait au port du Havre dans un domaine très voisin de celui qui nous concerne aujourd’hui. Il s’agissait d’une entreprise de remorquage qui, malgré tous les rapports, ne respecte pas le code du travail maritime, persiste à vouloir imposer sa façon de voir les choses, cette situation perdurant depuis des mois sans que des sanctions soient prises, sans que la moindre remarque lui soit faite, sans que soit remise en cause, tout simplement, sa possibilité de continuer. Souffrez donc que nous nous montrions quelque peu dubitatifs quant à votre capacité de respecter vos promesses.

Ainsi votre proposition de créer une forme de « détransférabilité » pour une période de sept ans, qui autoriserait la réintégration d’un salarié licencié pour motifs économiques au sein du grand port maritime, ne nous satisfait pas, même si c’est toujours mieux que cinq ans. Toutefois, là encore, c’est admettre que votre texte crée en matière d’emplois une incertitude.

M. le secrétaire d’État chargé des transports. Nous sommes tous dans ce cas-là !

M. Daniel Paul. L’amendement de la commission prévoyant cette réintégration en cas de changement des conditions essentielles du contrat de travail allait également dans ce sens.

Vous savez que vous allez exposer les salariés à des conditions de travail et leur proposer des statuts moins favorables ou en tout cas différents, que votre réforme va engendrer des coupes claires dans le secteur de la manutention ; mais vous persistez et signez en vous donnant bonne conscience avec des dispositifs dont on sait qu’ils peuvent être inefficaces. Cette réforme, comme tant d’autres, contribuera à l’individualisation des droits.

Enfin, nous ne pouvons souscrire au versement par l’employeur au grand port maritime d’une somme égale à l’indemnité qui aurait logiquement dû être versée au salarié en cas de licenciement pour motif économique. Là encore, nous ne pouvons que dénoncer un détournement de la législation du travail et des dispositifs instaurés par la loi de 2002 dite de « modernisation sociale », puisque, en mettant en place, là aussi, une individualisation des droits, vous déchargez l’employeur de ses obligations particulières de replacement et d’indemnisation.

Ainsi, avec ce texte de loi dont les dispositions viennent s’ajouter à la suppression de la majoration pour licenciement pour motif économique, que vous avez validée en adoptant la loi de modernisation du marché du travail, vous ne tentez plus de dissimuler le rôle de variable d’ajustement que vous voulez faire jouer aux salariés. Vous comprendrez que nous ne pouvons cautionner une telle atteinte aux droits des salariés. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Comme l’a dit Dominique Bussereau, ce projet de loi est très protecteur pour les salariés. Mais il n’interviendra que si les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord cadre dans un délai raisonnable, fixé au 31 octobre ou au 1er novembre 2008. Tel est le principe.

Je rappelle le contenu de l’article 10, que vous souhaitez supprimer. « À défaut de l’accord cadre prévu à l’article 9 ou si cet accord ne comporte pas les stipulations prévues à cet article, les contrats de travail des salariés du grand port maritime qui ne restent pas affectés sur des emplois du port en application de l’article 8 sont transférés à l’opérateur mentionné au dernier alinéa de cet article par convention entre le port et cet opérateur. Le nouvel employeur est tenu à l’égard des salariés des obligations qui incombaient au grand port maritime à la date de la signature de la convention de transfert. » Les salariés transférés auront donc les mêmes conditions de rémunération, de protection sociale, de couverture maladie, de retraite et de formation que celles qu’ils avaient auparavant.

M. Daniel Paul. Vous ne semblez pas convaincu !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Paul ! Laissez-moi terminer !

Si l’entreprise de manutention qui a accueilli le salarié doit le licencier pour des raisons économiques ou de mauvaise gestion, le texte fixe un principe : dans les sept années qui suivent son transfert, le salarié pourra retourner dans le grand port maritime.

Mais, si l’accord cadre résultant de la négociation entre partenaires sociaux fixe, par exemple, la limite à dix années et donne aux salariés des droits supplémentaires, compte tenu, en outre, du dynamisme du marché, ce sont ces dispositions qui seront appliquées, et non la loi, qui ne fait que fixer des minima.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Les explications de M. le rapporteur sont très claires. Le premier alinéa de cet article énonce les dispositions prévues s’il n’y a pas d’accord cadre. Dans son deuxième alinéa, figure le délai de sept années – au lieu des cinq initialement prévues – qui résulte d’un amendement adopté par la Haute assemblée. Le troisième alinéa concerne l’indemnité versée aux salariés. Cet article est donc bien équilibré. Il a fait l’objet d’un dialogue social approfondi, qui se poursuit encore, comme l’a indiqué M. le rapporteur. C’est pourquoi, monsieur Paul, je suis défavorable à votre amendement n° 110. J’ai également lu vos amendements de repli, nos 95, 93 et 98, auxquels, je vous le dis par avance, le Gouvernement est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 95.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. L'avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 93.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 98.

M. Daniel Paul. Défendu.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Après l’article 10

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 99, portant article additionnel après l’article 10.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 11 et 11 bis

M. le président. Les articles 11 et 11 bis ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 11.

(L'article 11 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11 bis.

(L’article 11 bis est adopté.)

Article 12

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 42.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. L’article 12, dans son deuxième alinéa, prévoit qu’en cas de vente de biens immobiliers remis en pleine propriété à un port autonome, celui-ci doit reverser à l’État une partie de la plus-value.

Cette disposition ne nous semble pas satisfaisante. En effet, une partie de ces biens immobiliers ou fonciers a été donnée ou financée au moyen de subventions par les collectivités territoriales. Nous souhaitons limiter ce retour à l’État au prorata des sommes qu’il a investies, afin que les collectivités puissent également bénéficier d’une partie de la plus-value.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Défavorable.

On peut penser que le port, revendant et dégageant une plus-value, demandera une moindre participation aux collectivités pour être partenaires de nouveaux projets et que la contractualisation entre le port – établissement public de l’État – et les collectivités tiendra compte de ce qu’elles ont déjà apporté. Autrement dit, l’État devra tenir compte des apports des collectivités. Étant moi-même à la tête d’une collectivité et pouvant être sollicité pour un grand port autonome, je peux dire que cela se fera tout naturellement, car il ne viendrait pas à l’idée d’un président du directoire ou du conseil de surveillance de taxer indûment une collectivité qui aurait, quelques années auparavant, donné des terrains ou des subventions. Les élus et l’État ont l’habitude de travailler ensemble et ne manqueront pas de trouver à chaque fois un accord intelligent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Articles 12 bis et 13

M. le président. Les articles 12 bis et 13 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 12 bis.

(L’article 12 bis est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13.

(L'article 13 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 13.

Après l’article 13

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. Philippe Duron, pour le soutenir.

M. Philippe Duron. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 3.

 M. le président. Volontiers, monsieur Duron.

M. Philippe Duron. Dans le code des ports maritimes, il existe encore des scories, notamment depuis les lois de décentralisation. Ainsi, les droits des ports décentralisés sont encore fixés par un arrêté du Gouvernement. Il nous semble souhaitable de donner aux autorités organisatrices de transports, et notamment aux collectivités territoriales, la possibilité d’arrêter leurs droits et de les affecter comme elles l’entendent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Il n’y a pas de règle absolue en la matière. Il doit y avoir une négociation entre les différents partenaires pour que l’affectation des produits de droits de port soit équitable. Ma réponse est de bon sens et devrait vous donner satisfaction. Dans l’immédiat, je ne prends pas d’engagement, mais je pense, comme M. le secrétaire d’État, que la négociation entre des partenaires qui ont l’habitude de travailler ensemble permettra de définir le bon niveau d’affectation des droits de port.

La commission est donc défavorable à vos deux amendements, monsieur Duron, si vous les maintenez.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Je voudrais compléter les propos de M. le rapporteur. J’ai indiqué au Sénat que j’étais favorable à ce que les collectivités perçoivent les droits de port. Je propose de le faire par voie réglementaire et j’en informerai les différentes associations représentant les collectivités. Vous avez donc, monsieur Duron, satisfaction, et je vous suggère de retirer votre amendement n° 14.

Quant à l’amendement n° 3, il me semble que notre droit de la concurrence, l’action du Conseil de la concurrence ainsi que les dispositions que vous venez de voter dans la loi de modernisation de l’économie répondent à ses préoccupations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 100 et 4, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 100.

M. Daniel Paul. Nous arrivons au terme de cette discussion, et je regrette, comme nous avons eu l’occasion de le dire à quelques reprises, les conditions dans lesquelles elle a eu lieu. Au-delà du texte lui-même, je déplore que vous n’ayez retenu aucun amendement de l’opposition. Et lorsqu’ils étaient susceptibles d’être repris, vous avez à chaque fois pris l’engagement d’en tenir compte pour nous suggérer de les retirer. Comme nous ne l’avons pas fait, vous avez systématiquement demandé à votre majorité de voter contre.

Je suis certes un « jeune élu » – depuis 1997 –, mais c’est la première fois que je vois un texte de loi examiné dans ces conditions, et il doit y avoir une raison. Compte tenu de son importance, nous avons demandé un vote solennel – qui aura lieu mardi prochain – afin que toutes les personnes concernées sachent qui a voté et comment. Le contexte dans lequel nous avons examiné ce projet semble bizarre : les amendements de l’opposition ont tous été repoussés, et la majorité, qui n’en a déposé aucun, se contente, depuis vingt-quatre heures, de lever la main pour signifier son accord.

M. Philippe Boënnec. C’est notre droit !

M. Daniel Paul. Certes, mais j’imagine que vous estimez que ce texte est parfait et qu’il n’y a rien à y ajouter.

Cela dit, monsieur le secrétaire d’État, je vais vous faire une proposition que vous accepterez sans doute. Lorsque la loi s’appliquera, après les négociations qui sont encore en cours entre les partenaires sociaux, il conviendrait de ne pas renouveler les erreurs de 1992. Il faudra dresser le plus rapidement possible un bilan de son application, afin que nous puissions vérifier que tous les engagements pris par le Gouvernement ou par les organisations patronales et un certain nombre de structures des ports ont été tenus, en termes de trafic, d’emploi, et de retour si nécessaire. Nous proposons donc, par notre amendement n° 100, qu’à partir du premier semestre 2009, la loi étant entrée en vigueur puisque le délai est fixé à la fin du mois d’octobre 2008 – n’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État ? –…

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Je vous le confirmerai.

M. Daniel Paul. …le Gouvernement présente devant le Parlement un rapport d’étape annuel dressant un bilan économique, social, financier et environnemental de la réforme engagée par la présente loi.

Cela, évidemment, ne nous empêchera en rien de continuer à soutenir les personnels directement concernés. Ceux-ci font valoir, fort justement, leurs inquiétudes et leur opposition à un certain nombre des dispositions de cette réforme, dont ils soulignent par ailleurs les insuffisances, en particulier en ce qui concerne la modernisation des ports et des infrastructures. Je parle là, bien évidemment, des investissements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Philippe Duron. Nous arrivons au terme de cette discussion. Je voudrais faire un parallèle avec ce que nous avons entendu hier, à l’occasion du vote solennel sur la loi de modernisation de l’économie. Mme Lagarde a félicité les parlementaires, et s’est félicitée, du débat très long et très approfondi qui a précédé le vote de cette loi. Elle a parlé, s’agissant de ce texte, d’une « coproduction » législative associant le Gouvernement et les parlementaires.

Connaissant Dominique Bussereau depuis longtemps, je ne doutais pas, en entrant dans cette discussion de la loi portuaire, que nous pourrions ouvrir avec lui un débat utile et très intéressant. Je dois dire que notre déception et notre étonnement sont grands.

En effet, l’Assemblée nationale n’aura pas pu apporter sa contribution à l’organisation des grands ports maritimes. Elle aura été privée de son droit d’amendement. Elle n’aura pas pu enrichir ce texte. Elle n’aura pas pu le rendre plus sûr. Elle n’aura pas pu augmenter les garanties qu’attendent les salariés des ports.

Ce débat confisqué pose, comme l’a dit notre ami Michel Vauzelle, un problème presque constitutionnel. En effet, les deux assemblées qui composent notre Parlement sont de nature différente. Alors que la nôtre est élue au suffrage universel direct, elle n’aura pas eu le même poids, les mêmes droits que la chambre haute, qui, elle, n’est élue qu’au suffrage indirect. Il y a là quelque chose qui interroge, et qui peut nous choquer.

J’en viens à ce dernier amendement. Comme l’a très bien dit Daniel Paul, une loi, on doit en mesurer l’efficacité, on doit faire en sorte qu’elle puisse être évaluée. Si vous acceptiez soit l’amendement de mon collègue Paul, soit celui que mon groupe a déposé, nous pourrions donner à l’Assemblée nationale la possibilité de retrouver rapidement ses prérogatives, d’apprécier l’efficacité du dispositif qu’elle adoptera peut-être mardi prochain. Ce serait, monsieur le secrétaire d’État, une façon de vous rattraper un peu, après cette discussion qui ne laissera pas, je crois, une grande trace dans l’histoire parlementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Des dispositions existent dans le règlement de l’Assemblée nationale. Nous allons les utiliser. Je suis rapporteur du budget de la mer depuis 2002, sous votre autorité, monsieur le secrétaire d’État.

M. Philippe Duron. Et vous avez noyé le débat, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Et chaque année, je rapporte sur la politique maritime de la France, comme je l’ai rappelé hier. Je m’engage, mes chers collègues, et il n’y a pas besoin d’amendement pour cela, soit à la fin du mois d’octobre 2008 – mais ce sera un peu court –, soit, en tout état de cause, à la fin du mois d’octobre 2009, à vous livrer un rapport qui fera état de l’état d’avancement de la réforme et des résultats qu’elle aura produits.

Année après année, je ferai ce rapport. Je peux m’engager jusqu’à 2012. Après, on verra bien.

M. Daniel Paul. Après, on change !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Après, on ne changera pas, non ! Mais je prends cet engagement pour quatre ans, et c’est déjà beaucoup.

Avis défavorable, donc. Car ces amendements sont satisfaits par la règle budgétaire qui veut qu’un rapport soit publié chaque année, et ce rapport portera naturellement sur cette réforme fondamentale et fondatrice.

J’ajoute, cher collègue Paul, que vous n’avez pas été très courtois à mon égard. Je suis un parlementaire de la majorité. Or vous nous avez dit que les parlementaires de la majorité ne s’étaient pas exprimés. Certes, je suis un parlementaire modeste,…

M. Daniel Paul et M. Michel Vaxès. Vous êtes rapporteur !

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur. Soit, mais j’ai beaucoup travaillé ce texte, en harmonie avec l’ensemble des collègues qui sont présents, et avec beaucoup d’autres, qui n’ont pas pu venir. Il me semble que ce que le secrétaire d’État et moi-même avons dit cet après-midi correspond à l’intérêt général, que défend ce texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le président, d’avoir mené aussi efficacement nos travaux. Je remercie également la commission.

Avant de parler du calendrier de la loi, je répondrai à M. Paul et M. Duron sur leurs amendements. Ils ne sont pas utiles. D’une part, le rapporteur vient de prendre un engagement. Mais, d’autre part, j’en prends un autre, qui correspond à ce que j’ai toujours fait dans l’exercice des fonctions qui m’ont été confiées par le Président de la République ou le Premier ministre.

Lorsque j’étais ministre de l’agriculture et de la pêche, et certains députés ici présents s’en souviennent, je suis venu, un certain temps après l’adoption de la loi d’orientation que j’avais défendue devant le Parlement, faire rapport devant la commission des affaires économiques de l’application de cette loi, des décrets d’application, de ceux pour lesquels on avait pris du retard, de ceux qui allaient paraître.

De même, après la promulgation de cette loi, je m’engage, si bien sûr j’occupe encore les fonctions qui sont actuellement les miennes, à venir devant la commission des affaires économiques, aussi souvent que le président Ollier le souhaitera, faire rapport à la fois de l’exécution de la loi et des textes d’application.

Car les textes d’application, tous les députés ici présents le savent bien, l’administration a souvent plaisir à les rédiger seule. Elle les rédigera, puisque telle est sa responsabilité, mais comme je vous l’ai déjà dit tout à l’heure, monsieur Duron, s’agissant des décrets portant sur la commission d’évaluation, je soumettrai les principaux textes, pour information, à la commission des affaires économiques, et à travers elle, à l’ensemble de la représentation nationale, à l’Assemblée comme au Sénat.

Sur le fait que la discussion de ce texte ait commencé au Sénat, vous êtes suffisamment familier de la vie parlementaire, monsieur Duron, pour savoir que tout gouvernement doit déposer ses projets de loi sur le bureau de l’une ou de l’autre des deux assemblées, et qu’il le fait en fonction de la gestion du calendrier parlementaire, et non pas pour donner une prééminence à telle ou telle assemblée. Vous savez que tous les gouvernements procèdent ainsi, pour faire en sorte que les travaux parlementaires se déroulent à leur train normal.

S’agissant maintenant de ce qui va suivre, un vote solennel aura lieu mardi prochain. Il a été demandé par le groupe auquel appartiennent M. Paul et M. Vaxès. Ce sera un moment important, où les groupes s’exprimeront et voteront publiquement sur cette loi.

Nous allons évidemment poursuivre le travail de négociation sociale. À la fin du mois de juin, je réunirai l’ensemble des organisations professionnelles, patronales, syndicales, les ports, les industries de la manutention, pour voir où nous en sommes dans cette négociation, ainsi que pour les informer du déroulement du débat parlementaire et de ce qui se sera passé concernant ce texte.

Ensuite, à l’automne, viendront les textes d’application. Les ports élaboreront leurs projets stratégiques. Et débutera la période de deux ans pendant laquelle s’organisera le transfert, port par port, en tenant compte des intérêts des uns et des autres, et afin que les choses se fassent de manière ouverte, publique, et dans le dialogue social.

Voilà ce que propose ce projet de loi.

Je voudrais remercier le vice-président de la commission, et à travers lui le président Ollier, ainsi que le rapporteur pour le travail qu’il a accompli.

Je remercie également l’ensemble des parlementaires, élus d’une circonscription maritime ou non, qui se sont intéressés à ce texte au nom de l’intérêt national, parce qu’ils savent que tout un pan de notre économie, ainsi que des créations d’emplois, dépendent de l’activité portuaire.

Je remercie enfin l’ensemble des groupes. Je voudrais dire à l’opposition que, au travers de ses interventions et de ses amendements – même si elle n’a peut-être pas pu faire adopter tous ceux qu’elle souhaitait –, sa contribution à notre travail a été, comme celle de la majorité, de très grande qualité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je prends acte, monsieur le secrétaire d’État, de l’engagement que vous avez pris. Sauf qu’un engagement pris par un membre du Gouvernement dans le cadre où nous sommes, ce soir, ce n’est pas tout à fait la même chose qu’une disposition législative.

Si mon amendement était adopté, demain, au cas où M. Bussereau serait remplacé par un autre ministre,…

M. le secrétaire d'État chargé des transports. Cela arrivera !

M. Daniel Paul. …la loi obligerait ce dernier à présenter au Parlement un rapport annuel dressant un bilan de la réforme. Si mon amendement n’était pas adopté, au contraire, votre successeur, monsieur le secrétaire d’État, pourrait toujours ne pas respecter votre engagement et nous dire que la loi ne prévoyait pas que cet engagement soit pris.

J’insiste donc, tout de même, pour que la mise en place de la politique publique prévue par ce projet de loi – politique publique qu’on a le droit d’approuver ou de désapprouver par ailleurs – soit assortie d’un bilan, dressé de manière régulière, de ses effets.

Si ses effets sont extrêmement positifs, il n’y a aucun problème : je serais prêt, dans ce cas-là, à vous dire que j’avais tort d’être contre cette loi. Mais si les effets ne sont pas au rendez-vous, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, serez-vous prêts à vous dire que vous avez fait une erreur, au mois de juin 2008, en acceptant ce texte, et à demander vous-mêmes qu’il soit modifié afin de corriger cette erreur ?

M. Jean-Louis Léonard. Bien sûr ! C’est le principe même de ce qu’on appelle l’intelligence !

M. Daniel Paul. C’est tout simplement cela que nous vous demandons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à tous vous remercier pour la qualité de nos débats et le climat de courtoisie dans lequel ils se sont déroulés. Il est particulièrement agréable de présider dans ces conditions.

Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 24 juin 2008, après les questions au Gouvernement.

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Débat sur l'organisation du système de santé en France.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)