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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 30 octobre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009

1. Troisième partie (suite)

Après l’article 12

Amendement no 672 rectifié

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Amendements nos 377, 412, 673, 274

Article 13

M. Lionel Tardy

M. Dominique Tian

M. Gérard Bapt

M. Pascal Terrasse

M. Roland Muzeau

Amendements nos 126, 297, 58, 276, 330, 298, 300, 299, 290, 34, 512, 372, 301, 278

Après l’article 13

Amendements nos 59 rectifié, 726,727ET728 (sous-amendement), 675 (sous-amendement), 414 (sous-amendement), 681 (sous-amendement), 674

Article 14

M. Jean-Luc Préel

M. Gérard Bapt

M. Jean Mallot

Amendements nos 253, 260, 60

Après l’article 14

Amendements nos 515, 119 rectifié, 120 rectifié

Article 15

M. Philippe Armand Martin

M. Pascal Terrasse

M. Jean Mallot

Amendements nos 1, 7, 607, 608

Après l’article 15

Amendements nos 609, 514

Article 16

M. Jean-Luc Préel

M. Gérard Bapt

Amendements nos 665, 625, 666, 626, 64

Après l’article 16

Amendement no 65 rectifié

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé

Article 17

Amendement no 627 rectifié

Après l’article 17

Amendement no 628

Article 18

M. Lionel Tardy

M. Dominique Tian

M. Roland Muzeau

Mme Martine Billard

M. Pascal Terrasse

M. Patrick Roy

M. Jean Mallot

Amendements nos 66, 122, 303

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2009

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (nos 1157, 1211).

Troisième partie (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 672 rectifié portant article additionnel après l’article 12.

Après l’article 12

Mme la présidente. Sur cet amendement, la parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Je rappelais ce matin toutes les difficultés que nous avions rencontrées pour obtenir des renseignements sur l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Le budget de cette autorité administrative indépendante a augmenté de 44 % en quatre ans pour atteindre 29 millions d’euros en 2007. Certains postes ont augmenté de façon considérable : 400 % pour le poste « Charges locatives », qui s’élève à 5 millions d’euros ; 48 % en trois ans pour le poste « Déplacements et missions ». Quant aux effectifs, ils sont passés de 143 à 193 personnes entre 2004 et 2007. En même temps, le nombre d’organismes contrôlés est tombé de 3 000 à moins de 2 600. C’est la raison pour laquelle je propose un autre mode de financement et je demande au Gouvernement d’avoir un regard sur les ressources de cette autorité qui, visiblement, vit assez bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement n’est pas très favorable à votre néanmoins excellent amendement. En effet, l’ACAM est une autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect, par les organismes assureurs, des dispositions législatives et réglementaires applicables aux assurances et aux mutuelles. Les ressources de cette autorité, dotée de l’autonomie financière, sont constituées de contributions dont s’acquittent les organismes assureurs placés sous son contrôle. Transférer le produit de cette contribution à l’assurance maladie supprimerait la ressource de l’ACAM. Vous gagez cette perte de recettes par une taxe additionnelle sur le tabac pour financer le fonctionnement de l’Autorité. Je le répète : le Gouvernement n’est pas très favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Pour le coup, je rejoins M. le ministre. Comme quoi on peut arriver à se retrouver ! Yves Bur, qui est par ailleurs un excellent rapporteur, ne semble pas beaucoup aimer les organismes complémentaires d’assurance maladie et il pousse le bouchon un peu loin. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de voir, tout au long de ce débat, que les organismes mutuels font l’objet d’attaques permanentes par le biais de divers amendements. Nous voterons déjà contre celui-ci.

(L’amendement n° 672 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 377 et 412.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 377.

Mme Martine Billard. Cet amendement s’inscrit dans la suite de nos propositions tendant à créer de nouvelles recettes pour faire face au besoin de financement de la sécurité sociale. Ces nouvelles recettes s’appuient sur le principe qui consiste à faire participer l’ensemble des revenus financiers aux contributions sociales. Nous considérons, en effet, que c’est un principe de justice sociale et qu’il n’est pas normal que les revenus du travail soient plus taxés que ceux du capital.

Selon une enquête publiée en mai par le journal LExpansion, les revenus des patrons du CAC 40 ont bondi de 58 % en 2007. C’est particulièrement indécent à un moment où l’on explique aux salariés que l’on ne peut augmenter leur salaire et que, s’ils ne peuvent vraiment pas s’en sortir à la fin du mois, ils n’ont qu’à travailler plus !C’est aussi indécent vis-à-vis à de nombreux chefs d’entreprise qui, en dépit de très lourdes semaines de travail, ont beaucoup de mal à faire vivre leur entreprise, surtout depuis quelques semaines, et qui voient certains dirigeants s’enrichir aussi facilement.

Cela fait des années que tout le monde proteste. De petites avancées ont été réalisées l’année dernière, mais un rapport de l’OCDE montre que la taxation des stock-options en France est l’une des plus faibles d’Europe. En outre, ce système de distribution de titres a été largement détourné de son objectif initial puisqu’il sert surtout, désormais, à gonfler les rémunérations des plus hauts salaires des entreprises, bien plus que celles des cadres. Ainsi, en 2005, en moyenne, les dix principaux bénéficiaires des entreprises du CAC 40 s’étaient attribué le quart des titres distribués et les chefs d’entreprise s’en étaient attribué 6,7 %. Un tiers des stock-options revenaient ainsi à une dizaine de hauts responsables.

Vous allez me répondre, monsieur le ministre, que vous ne voyez pas pourquoi les revenus des stock-options devraient financer les retraites, mais c’est un problème de solidarité nationale. Une partie des retraites est actuellement financée par les caisses – salariés, professions libérales et agricoles, etc. –, mais une autre partie est financée par la solidarité nationale au travers du Fonds de solidarité vieillesse. Je ne vois donc pas ce qu’il y aurait de choquant à ce que des personnes touchant des stock-options, qui plus est de manière massive, parfois même sans avoir démontré leur efficacité à la tête de leur entreprise, participent au financement de la solidarité nationale pour ce qui est du minimum vieillesse ou de la compensation des trimestres validés non cotisés.

S’agissant de l’assurance maladie, cela fait pas mal d’années que les cotisations, du moins pour la part salariale, ont été en grande partie transférées sur la CSG et la CRDS. De ce point de vue aussi, augmenter les cotisations perçues sur les stock-options afin que toutes les personnes contribuent de la même façon, que leurs revenus soient issus du travail ou du capital, serait une bonne chose.

Face aux nombreuses protestations qui s’élèvent pour dénoncer les différences entre ceux qui travaillent pour obtenir un petit salaire et ceux qui empochent de telles sommes de façon pas toujours justifiée, le Gouvernement a menacé de légiférer.

M. Roland Muzeau. Oh là là !

Mme Martine Billard. Et le MEDEF a immédiatement dit qu’il ne fallait pas aller trop vite et qu’il valait mieux faire un code de bonne conduite. Il a donc sorti le fameux rapport Viénot en 1995, mais celui-ci n’ayant pas été très efficace, il a été suivi d’un rapport Viénot II en 1999, qui n’a pas eu plus d’effets. Et nous avons alors eu droit au rapport Bouton en 2002.

M. Gérard Bapt. Bouton en personne !

Mme Martine Billard. Eh oui, lui aussi a pas mal de stock-options !

Aujourd’hui, on nous annonce pour bientôt une nouvelle charte éthique du MEDEF, que les entreprises devront adopter. Si elles ne le font pas, elles devront expliquer pourquoi. Mais cela n’aura aucune conséquence puisqu’il n’y a pas de sanctions. Cessons donc les faux-semblants ! Il est normal que toutes les personnes percevant des revenus en France participent au financement de la protection sociale. Cela concerne tous les Français et il n’y a pas de raison que certains en soient exonérés. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 412.

M. Roland Muzeau. Je serai bref, car Mme Billard a tout dit…

M. Benoist Apparu. À quoi bon, alors !

M. Roland Muzeau. Je suis heureux de constater que M. Apparu, qui vient d’acheter une poupée Sarkozy (Sourires), se mêle de nos débats !

Cela dit, j’espère parvenir à convaincre mes collègues de l’UMP. Un peu de solidarité ne leur ferait pas de mal ! Le MEDEF a décidé de moraliser la question, comme l’a dit Martine Billard, mais il a demandé au Président Sarkozy de ne surtout pas légiférer, car mieux vaut décider entre bons amis que de se voir imposer un texte que l’on ne souhaite pas ! Des voix se sont alors élevées de vos bancs, mesdames, messieurs de la majorité – elles étaient, certes, peu nombreuses, mais il y en a eu –, pour dire que trop c’est trop et qu’il fallait corriger les effets désastreux d’un tel système sur l’opinion publique. Si ces quelques voix pouvaient se transformer en votes un peu plus nombreux, nous ferions un grand pas pour moraliser non seulement ce type de pratique, mais plus largement ce qui est aujourd’hui insupportable pour les salariés qui, eux, cotisent normalement.

Martine Billard a cité les auteurs des multiples rapports qui n’ont jamais été appliqués. Heureusement que nous n’avons pas eu droit à un rapport Forgeard, car j’imagine qu’il aurait été succulent !

Il serait légitime et salutaire pour l’opinion publique et pour les comptes de la sécurité sociale que les stock-options soient taxées au même niveau que les salaires perçus par les citoyens lambda pour participer à la solidarité nationale et à la protection de la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. En matière de stock-options et d’attributions gratuites, une double contribution a déjà été instaurée l’année dernière à mon initiative.

M. Roland Muzeau. Cela les a tous ruinés !

Mme Martine Billard. C’était une petite contribution !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Naturellement, chacun en appréciera le montant. Certains le trouvent déjà trop élevé, d’autres considèrent que ce n’est pas assez. La contribution patronale devrait rapporter 200 millions d’euros dès 2008. Quant à la contribution salariale, elle s’appliquera aux attributions effectuées depuis cette année au moment de la revente des titres.

En outre, sur ma proposition, la commission a adopté deux amendements. L’un vise à intégrer ces attributions aux revenus soumis au forfait social. L’autre tend à rendre la contribution salariale applicable aux attributions donnant lieu à plus-values dès cette année. La commission est donc défavorable aux amendements nos 377 et 412.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je dois reconnaître que, grâce à M. le rapporteur Bur, les détenteurs de stock-options participent enfin un peu à la protection sociale et aux finances publiques.

Mme Marisol Touraine. Si peu !

M. Gérard Bapt. Mme Billard a cité M. Bouton. C’est à lui que le MEDEF avait confié le soin de fixer les règles de gouvernance et de bonne conduite. Et qu’a-t-il fait ? Il a constaté que 5 milliards d’euros avaient disparu de sa banque par inadvertance. On a trouvé un brave responsable, un lampiste, M. Kerviel, qui avait dépassé certaines limites, mais cela n’était pas la première fois et il n’avait jamais eu de remontrances. Et nous avons découvert aussi, en allant sur le site de l’Autorité des marchés financiers, qu’après la perte des 5 milliards par la Société générale, M. Bouton avait continué à réaliser des stock-options. Et nous avons découvert encore que, même après le début de la crise du capitalisme financier, au moment où la Société générale perdait une large part de sa capitalisation, il avait continué et que, pour lui permettre de le faire dans les meilleures conditions, le prix d’ouverture de ces stock-options avait été abaissé par rapport au plan d’ouverture initial. M. Bouton a ainsi réalisé une plus-value de 1,3 millions d’euros en quatre mois. Celui qui avait été chargé par le patronat de rédiger un code de bonne conduite a donc continué à encaisser des plus-values de stock-options alors même que les actions de la Société générale perdaient une bonne partie de leur valeur.

Il ne me semble donc pas inutile que de tels gains soient imposés et soumis aux cotisations des revenus du travail. Au vu des heures parfois nocturnes où les stock-optionsont été vendues, il apparaît que M. Bouton a gagné de l’argent en dormant. Serait-il anormal qu’un travail aussi pénible participe au financement de la protection sociale ?

Voilà pourquoi nous voterons les amendements nos 377 et 412.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le rapporteur, nous saluons la bataille que vous avez menée l’an dernier pour créer une nouvelle taxation. Mais nous avons l’impression que, si l’on invente de nouvelles taxes, à taux très réduit, pour les revenus du capital, c’est précisément pour éviter qu’ils ne soient soumis aux mêmes contributions que ceux du travail. À terme, quand l’émotion publique sera retombée, on nous expliquera sans doute qu’il vaut mieux supprimer celle-ci, puisqu’elle ne rapporte que 200 millions. Nous connaissons bien le procédé.

Nous préférerions que les revenus du capital soient soumis aux mêmes contributions que ceux du travail, ce qui nous dispenserait de proposer une taxation supplémentaire et – qui sait ? – nous inciterait peut-être même à proposer la suppression de celle de 2 % qui s’applique en ce moment.

(Les amendements identiques nos 377 et 412 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 673.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement inspiré par la même philosophie que les précédents vise à soumettre les revenus du patrimoine et les produits de placement à la contribution sociale.

À ce titre, il propose d’augmenter de 8,2 % à 9,2 % le taux de prélèvement qui s’applique, d’une part, sur les plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d’instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d’options négociables soumis à l’impôt sur le revenu à un taux proportionnel, et, d’autre part, les répartitions de sommes ou valeurs effectuées par un fonds commun de placements à risques.

Cette augmentation de 1 % nous semble particulièrement raisonnable.

M. Gérard Bapt. En effet !

Mme Martine Billard. Les placements à risques, qui figurent parmi les plus spéculatifs, doivent concourir à la solidarité nationale. Si leur valeur a chuté ces temps derniers, elle n’en reste pas moins réelle, puisque les cours de la Bourse restent plus élevés que par le passé et que, de ce fait, les revenus du capital ont augmenté davantage que ceux du travail.

M. Lionel Tardy. Vous ne pensez pas beaucoup aux petits épargnants !

Mme Martine Billard. Ne serait-il pas normal que les revenus qui rapportent le plus contribuent autant que les autres à la solidarité nationale ?

J’ajoute que nous ne légiférons pas pour quelques mois, mais pour plusieurs années.

M. Jean Leonetti. Il est vrai que les députés de l’opposition ne sont pas fatigués par l’alternance !

Mme Martine Billard. Même si, sous certaines majorités, on vote tous les six mois des textes sur les mêmes sujets, comme le logement ou la récidive des mineurs, on peut espérer, en matière de finances, travailler pour un peu plus longtemps. C’est dans cette perspective que nous avons rédigé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a rejeté l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avis défavorable.

(L’amendement n° 673 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 274.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement des précédents, ce qui me fait craindre qu’il ne subisse le même sort.

Il est une chose que nous ne parvenons pas à comprendre : alors même que le Président de la République insiste sur la nécessité de moraliser les rémunérations des dirigeants et de réserver le même traitement à tous les revenus, pourquoi le Gouvernement persiste-t-il, dans ce PLFSS, à traiter différemment les revenus en fonction de leur nature ?

Alors même que ce gouvernement prétend que les revenus du capital, les stock-options et les parachutes dorés ne doivent pas être soumis à des cotisations excessives, comment peut-il décider, en taxant les organismes de santé complémentaires, de faire contribuer davantage les mutualistes à la sécurité sociale ?

M. Pascal Terrasse. C’est juste !

Mme Marisol Touraine. Nous comprenons mal, puisqu’il recherche à tout prix des ressources, qu’il ne sollicite pas davantage, dans ce texte, les revenus qui mériteraient le plus de contribuer à l’équilibre de la sécurité sociale. Si l’on veut que les Français aient confiance dans leur protection sociale, n’élevons pas par principe le niveau de taxation, mais affirmons haut et fort que tous les revenus sont égaux face à la protection sociale. Nous attendons, dans ce domaine, un geste du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’amendement n° 274 propose d’instaurer une contribution supplémentaire de 11 % sur les revenus du patrimoine. Or ils sont déjà assujettis, au titre des prélèvements sociaux, à la CSG et au CRDS à hauteur de 2 %, et, dans une proportion de 1,1 %, à la nouvelle contribution pour le financement du RSA. Ils sont soumis, enfin, à l’impôt sur le revenu.

Mme Marisol Touraine. Encore heureux !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a par conséquent émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. M. Bapt a rappelé que l’UMP s’était engagée à moraliser la financiarisation de la société, sinon le capitalisme lui-même. Mme Touraine a parlé à l’instant d’équité, rappelant que les efforts qui s’imposent doivent être partagés par le plus grand nombre.

Pour ma part, puisque nous nous demandons en ce moment comment financer la protection sociale – assurance maladie, familles retraites, accidents du travail – je ne pense pas que les seuls revenus du travail puissent y suffire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Nous non plus !

M. Pascal Terrasse. Pas plus que je ne pense que notre société puisse continuer à privilégier une économie de la rente, même si, non sans indécence, le Gouvernement met 360 milliards d’euros à la disposition des organismes financiers, et que des hommes et des femmes bénéficient d’avantages extraordinaires.

Après l’article 13, M. Bur soutiendra un amendement visant à accorder aux titulaires d’un parachute doré le bénéfice d’une exonération de 200 000 euros. Est-ce normal, alors que, dans le même temps, certains travaillent et d’autres se demandent s’ils parviendront à conserver leur emploi ? Au nom de l’équité, pourquoi certains revenus échapperaient-ils au financement de la protection sociale ?

Nous reviendrons, lorsque nous examinerons cet article additionnel, sur l’injustice dans laquelle notre société s’est installée et qui suscite la plus grande incompréhension chez ceux qui travaillent dur, se lèvent tôt et essaient de vivre de leurs revenus tirés non de l’économie virtuelle, mais de l’économie réelle.

(L’amendement n° 274 n’est pas adopté.)

Article 13

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, premier orateur inscrit sur l’article 13.

M. Lionel Tardy. Cet article pose un problème de cohérence. Par le projet de loi en faveur des revenus du travail, le Gouvernement entend développer l’intéressement et la participation dans les PME. Il y a consacré des moyens financiers et politiques, et Xavier Bertrand a déclaré fermement que l’article 1er de ce projet de loi devait être adopté. Et voilà que le Gouvernement propose à présent de taxer les revenus de l’épargne salariale. Autant dire qu’il reprend d’une main ce qu’il a donné de l’autre.

L’article 13 du PLFSS amoindrit en effet le dispositif de l’article 1er du projet de loi en faveur des revenus du travail. Politiquement, il risque donc d’annuler dans les PME l’effet du texte que nous avons voté dans cet hémicycle il y a moins de deux semaines. Je l’ai souligné, fin septembre, au cours de la discussion générale : il faut absolument que les chefs d’entreprise, qui n’ont pas toujours le temps d’étudier complètement les dispositifs, se les approprient et les fassent vivre. Les signaux politiques sont donc essentiels.

Or les premières remontées sont très négatives. Les dirigeants des PME, qui ont bien perçu la contradiction entre les deux textes, en viennent à douter de la volonté réelle du Gouvernement. Dès lors, ils se demandent pourquoi ils se lanceraient dans le dispositif présenté à l’article 1er du projet de loi en faveur des revenus du travail, qui se trouve ainsi tué dans l’œuf.

En politique, il faut faire des choix. Cette obligation vous incombe, monsieur le ministre, car il ne sera pas possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Pour ma part, je demande donc la suppression de l’article 13.

M. Pascal Terrasse. Voilà un courageux libéral !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. M. Tardy a parfaitement expliqué ce dont il s’agit. Jusqu’à ce jour, l’intéressement et la participation n’ont jamais été assujettis aux cotisations sociales. Il est donc parfaitement inexact de prétendre qu’il s’agit d’une niche fiscale ou sociale. La volonté du Gouvernement a toujours été claire en ce domaine.

Le dispositif proposé à l’article 13 tombe d’autant plus mal que nous venons de voter le projet de loi sur la participation, adopté hier par les sénateurs. Permettez-moi de citer les propos que Xavier Bertrand a tenus devant eux, il y a quelques heures : « L’intéressement et la participation donnent déjà des résultats, mais nous devons faire plus et mieux, car aujourd’hui ces dispositifs restent essentiellement limités aux grandes entreprises. Seul un salarié sur dix, dans les PME de moins de cinquante salariés, en bénéficie. Aujourd’hui, 6 millions de salariés ne bénéficient ni d’intéressement ni de participation. C’est cette situation qu’il faut changer. »

Il faut être cohérent. La taxe que tend à instaurer l’article 13 tombe au plus mauvais moment, puisqu’elle n’incitera pas les chefs d’entreprise à signer des accords de participation. Or que rapportera-t-elle à l’État ? Peut-être 200 à 300 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Une paille !

M. Dominique Tian. Certes, lors de la discussion générale, nous nous sommes interrogés sur les réformes structurelles nécessaires pour résoudre enfin le problème du déficit de la sécurité sociale. Mais la mesure proposée à contretemps par le Gouvernement envoie un signal extrêmement négatif aux chefs d’entreprise. C’est pourquoi je demande à mon tour la suppression de l’article.

M. Michel Raison. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous souscrivons au constat que vient d’établir M. Tian. Il y a en effet un manque certain de cohérence entre le projet de loi en faveur des revenus du travail, que nous avons voté fin septembre, et celui que nous examinons à présent : le premier élargit une niche sociale et fiscale, tandis que le second étend le principe d’un forfait social aux sommes destinées à l’intéressement.

Mais il faut aussi rester en cohérence avec les dispositions qui prévoient qu’à chaque nouvelle niche fiscale ou sociale doit correspondre une économie à due concurrence sur une autre niche fiscale ou sociale. Ces dispositions n’entreront certes en vigueur qu’au 1er janvier 2009. Mais ne serait-il pas plus cohérent de les appliquer, au moins dans l’esprit, dès maintenant ?

Au fond, l’importance de ce bloc de niches sociales – intéressement et participation – est relativement modeste. Les incitations fiscales et sociales avaient d’abord été instaurées pour favoriser l’essor du dispositif. Or, le rapport de la mission commune sur les exonérations de cotisations sociales, rédigé par M. Bur, montre bien que les sommes versées au titre de l’intéressement ou de la participation croissent deux à trois fois plus vite que la masse salariale globale. Force est donc de constater que le dispositif a atteint sa vitesse de croisière. Le Gouvernement souhaite lui donner un nouvel élan via la mesure relative à l’impôt sur les sociétés qu’il a fait voter dans la loi relative aux revenus du travail : soit. Néanmoins, il n’est pas nécessaire de conserver cette niche sociale, puisqu’il est arrivé à maturité.

Dès lors, nous ne sommes pas opposés par principe à cet article, même s’il faudra débattre du taux de la contribution.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Chacun s’accorde à dire qu’aux pertes d’assiette s’ajoutent des pertes de recettes provenant des cotisations sociales. Or, ces dernières années, ces pertes n’ont cessé d’augmenter au fil des dispositions législatives. L’Assemblée nationale, en effet, est souvent invitée à délibérer sur des mesures d’exonérations visant à créer des niches sociales ou fiscales…

Tous les rapports récents – qu’ils soient issus de l’Assemblée nationale, du Conseil d’analyse économique, du Conseil économique et social ou même de la Cour des comptes – prouvent que ces exonérations pèsent lourd sur nos comptes sociaux.

Hélas, en l’état, l’article 13 manque d’ambition. J’ai cru comprendre que M. le rapporteur nous présenterait un amendement relatif aux parachutes dorés visant, dès lors que leur montant dépasse un million d’euros, à exonérer la première tranche de 200 000 euros. Nous proposerons que la taxe s’impose dès le premier euro, comme c’est le cas pour les revenus du travail, de sorte que les parachutes dorés de 800 000 ou 900 000 euros ne soient pas totalement exonérés.

Au-delà du manque d’ambition de cet article, je tiens à souligner un point d’actualité récente qui a fait couler beaucoup d’encre et suscité la curiosité de la Cour des comptes : certains membres du Sénat profitent d’avantages en nature, plus précisément en matière de logement. Or, ces logements de fonction sont exonérés de cotisations sociales, et ce même s’ils ne répondent pas à une nécessité absolue de service. En cas de nécessité absolue, l’exonération se comprend. Dans tous les autres cas, je m’étonne que le ministre du budget n’ai pas suivi l’avis de la Cour des comptes – à moins qu’il ne s’apprête à nous soumettre une proposition en ce sens avant le départ du texte pour le Sénat ? Il est vrai que le Sénat semble vouloir renoncer à un certain nombre de ces logements de fonction.

M. Gérard Bapt. Et sa cagnotte ? Y renoncera-t-il un jour ?

M. Pascal Terrasse. Cela étant, cette remarque vaut pour le Sénat comme pour l’Assemblée nationale et l’ensemble des ministères – dont Bercy, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Le forfait social nous paraît aller dans le bon sens. Tout d’abord, il permet de réviser l’assiette des cotisations sociales patronales à la hausse : ce n’est que justice, à voir à quel taux sont taxés les citoyens, particulièrement ceux qui touchent des bas salaires ou des petites retraites !

Son autre avantage est d’affecter l’argent ainsi récolté aux recettes de l’assurance maladie, dont les besoins financiers sont importants et voués à croître encore dans les prochaines années – je pense à la CNAMTS en particulier, dont le déficit atteint cette année près de 4 milliards d’euros.

Cela étant, cette mesure manque d’ambition. D’une part, elle ne concerne pas toutes les niches sociales, loin s’en faut : les stock-options, les actions gratuites ou encore les « retraites chapeaux » en sont exclues. D’autre part, le taux de contribution est fixé à 2 % seulement, au point que vous reconnaissez vous-mêmes qu’il est « très modéré » – je dirais même homéopathique ! Selon les estimations retenues dans le présent projet de loi, le montant des exemptions d’assiettes atteindra 46 milliards d’euros en 2009 tandis que le forfait social en rapportera 300 millions environ. Vous nous proposez donc de récupérer 0,007 % des exemptions d’assiette !

Voilà pourquoi je proposerai deux amendements à l’article 13 : le premier vise à doubler le taux de contribution pour le porter à 4 %, et le second, adopté en commission, tend à ne pas exclure du forfait social les sommes versées par les employeurs sous forme de stock-options.

La gauche est-elle la seule à proposer ces idées porteuses de solidarité, de générosité et d’efficacité sociales ? Que nenni ! Sur ce sujet, le rapport de la Cour des comptes est éclairant, et les propos de son Premier président bien plus durs que les nôtres. Que dit-il donc ? Le Gouvernement a bien envisagé d’instaurer une cotisation patronale de deux à trois points sur une partie des rémunérations indirectes versées aux salariés, en particulier l’intéressement, la participation et les stock-options, dispositifs exonérés de charges, contrairement aux salaires et aux primes. Cette solution, proposée il y a deux ans, a finalement été abandonnée face aux protestations des organisations patronales et des associations d’épargnants. Pour épingler ces exonérations, M. Séguin a estimé qu’elles « amputent l’assiette des prélèvements sociaux, génèrent plusieurs dizaines de milliards d’euros de pertes pour la sécurité sociale et de fortes inégalités entre salariés ». Son rapport souligne également les fortes distorsions relatives aux stock-options et aux actions gratuites qui, si elles étaient taxées comme les salaires, dégageraient 3 milliards d’euros de cotisations – une estimation fondée sur la valeur actuelle des stock-options distribuées en 2005. Or, « c’est un revenu lié au travail, donc normalement taxable », précise M. Séguin, en ajoutant que la moins-value se décompose ainsi : « pour les cinquante plus gros bénéficiaires de stock-options, le montant moyen de l’exonération atteint 3 millions d’euros ; pour les mille premiers, plus de 500 000 ». Selon lui, en ajoutant l’intéressement, la participation et l’abondement des plans d’épargne d’entreprise, qui ont augmenté de 9 % par an entre 1999 et 2004, la moins-value potentielle pour le régime général « représente une perte conséquente, entre 6 et 8,3 milliards d’euros ».

Ainsi, nous ne faisons pas que ressasser un vieux discours que vous jugez à tort traditionnellement de gauche : écoutez donc le discours moins traditionnel de M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes issu de votre propre camp !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements de suppression de l’article, nos 126 et 297.

La parole est à M. Lionel Tardy pour défendre l’amendement n° 126.

M. Lionel Tardy. Je confirme par cet amendement qu’une telle taxe de 2 % n’a pas sa place dans ce texte, qui concerne bien les revenus du travail, et non les revenus financiers. Le Président de la République souhaite revaloriser le travail et mieux en répartir les bénéfices tels que l’intéressement et la participation. En cette période difficile, il serait regrettable d’amputer davantage le pouvoir d’achat des salariés.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian pour soutenir l’amendement n° 297.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable. Le déficit de la sécurité sociale atteint près de 9 milliards d’euros cette année, et sans doute un peu moins l’année prochaine.

M. Lionel Tardy. Il y a d’autres moyens de le réduire : agissez sur les dépenses !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous aurons donc besoin de ressources pour financer l’assurance maladie aussi bien que la retraite. C’est pourquoi la mission commune sur les exonérations de cotisations sociales a étudié plusieurs pistes afin de revoir en douceur un certain nombre de dispositifs problématiques qui privent nos comptes sociaux de nombreux revenus.

M. Dominique Tian. Le dispositif en question ne pose aucun problème !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La mission a présenté plusieurs propositions mesurées et progressives, qu’il faudra contractualiser avec les responsables d’entreprises et les partenaires sociaux.

L’instauration de ce forfait social est la première étape de la création d’une flat tax portant sur l’ensemble des niches sociales. C’est un début, et je crois que le Gouvernement aurait même consenti à davantage, sans le retournement de tendance de l’économie et la crainte de la récession.

En attendant, cette mesure obéit au principe de justice sociale. L’avancée que propose le Gouvernement est un bon début.

M. Dominique Tian. De grâce, non !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Hélas, en exonérant certaines de ces niches…

M. Dominique Tian. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une niche !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …on provoque une mise en abyme regrettable en créant en quelque sorte des niches à l’intérieur des niches.

M. Patrick Roy. Formidable !

M. Michel Raison. Toutes ces niches finiront par nous mettre sur la paille… (Sourires)

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Le forfait social est-il contradictoire avec certaines formes de rémunération assujettie ? Bien au contraire, il accompagne le développement de l’intéressement et de la participation, dont il faut néanmoins convenir qu’ils ne peuvent échapper à toute forme de prélèvement social. Voilà qui justifie notre rejet de ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je commencerai par répondre à M. Terrasse. Contrairement à ce qu’il prétend, les URSSAF contrôlent depuis cette année les cotisations versées par l’État employeur : c’est une nouveauté dont il faut se féliciter.

Je précise également que nous avons demandé aux divers services de veiller à bien régler les cotisations sur les logements de fonction. Elles ont été réévaluées à la hausse, et les exonérations ne seront maintenues qu’en cas de nécessité absolue de service – M. Terrasse en convenait. L’ensemble de ces points, sur lesquels la Cour des comptes nous a demandé d’intervenir, est en cours de traitement.

Le moment est propice pour créer le forfait social de l’article 13. L’Assemblée nationale s’est déjà saisie de cette question à plusieurs reprises, et Yves Bur a signé sur le sujet un rapport très remarqué dont le Gouvernement a suivi la plupart des propositions. Le taux que nous avons choisi est certes différent, mais il reste significatif. Nous estimons en effet que tous les revenus doivent être soumis à une contribution sociale : aucun ne doit y échapper.

Les revenus classiques font l’objet d’une contribution traditionnelle alors que, jusqu’à présent, les revenus comme l’intéressement ou la participation ne faisaient pas l’objet d’une contribution patronale – par le biais de la CSG, ils étaient toutefois déjà soumis à une contribution salariale. En même temps que nous développons l’intéressement et la participation qui, sans être vraiment des salaires, sont liés à l’activité de l’entreprise et constituent un facteur de souplesse, nous instituons une taxe de 2 % sur ces revenus. Cette démarche est bien normale et n’a rien de contradictoire. Légitimement, ce forfait social ne se situe pas au même niveau que les cotisations sociales traditionnelles puisque, précisément, il ne porte pas sur des salaires. La mesure me semble intelligente et elle est efficace pour les finances de la sécurité sociale.

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 13.

(Les amendements identiques nos 126 et 297 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 58, 276, 330.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 58.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’amendement vise à inclure dans l’assiette du forfait social les attributions de stock-options et d’actions gratuites, afin de maintenir le différentiel de taxation résultant de la création, l’année dernière, d’une contribution patronale de 2,5 %.

La mission d’information commune dont j’étais le rapporteur avait recommandé l’instauration d’une flat tax de l’ordre de 5 %. Si nous adoptons l’amendement n° 58, la taxation des stock-options sera proche de ce taux. En proposant de ne pas les exonérer du forfait, la commission a voulu donner aux Français un signal de justice sociale.

On me rétorquera que l’alourdissement de la fiscalité signerait la fin des stock-options et des attributions d’actions gratuites…

Mme Martine Billard. Qui oserait dire une chose pareille ?

M. Patrick Roy. Pas le Gouvernement, tout de même !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …et que l’instauration du forfait social risquerait d’entraîner des délocalisations de sièges sociaux en raison du coût, non plus des salaires, mais des rémunérations des dirigeants. Les comparaisons internationales montrent pourtant que la France reste très attractive en matière de contribution sociale et fiscale sur les stock-options.

M. Roland Muzeau. La France est un paradis fiscal !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. De nombreux pays, comme l’Allemagne, entendent d’ailleurs encadrer les rémunérations des dirigeants, dont certains, ces dernières années, ont défrayé la chronique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour présenter l’amendement n° 276.

Mme Marisol Touraine. Pour compléter les arguments du rapporteur, auxquels nous nous associons, je voudrais souligner combien le raisonnement selon lequel les dirigeants français seraient susceptibles d’émigrer en cas de taxation des stock-options semble aujourd’hui contestable. En effet, selon les chiffres de l’année 2007, ils ont bénéficié de rémunérations supérieures à celles de leurs collègues européens. Il existe donc une marge de manœuvre pour instaurer une taxation sans qu’il y ait de tentation de quitter la France.

De plus, les Allemands réfléchissent actuellement à un plafonnement de la rémunération des dirigeants alors qu’en France nous sommes encore très loin de cette démarche. Ils envisagent un plafond de 500 000 euros par an ; or certains dirigeants français de grandes entreprises cotés en Bourse ont perçu, hors revenus annexes, des sommes pouvant dépasser les 4,5 millions d’euros.

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine. La proposition à l’étude en Allemagne semble donc singulièrement plus volontariste que les réflexions engagées par le Gouvernement en France.

Je conclurai en ajoutant qu’il est important d’envoyer un message d’équité. Le forfait social ne doit pas établir de distinctions entre les diverses formes de revenus.

Nous nous réjouissons que le rapporteur ait déposé un amendement identique au nôtre. Son adoption répond à une nécessité éthique et économique. Pour notre groupe, qui aurait souhaité aller bien au-delà, il s’agit d’un minimum.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 330.

Mme Martine Billard. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les stock-options, est-ce bien ou est-ce mal ? Telle est la question.

M. Roland Muzeau et M. Patrick Roy. C’est mal !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les stock-options donnent la possibilité à un dirigeant de détenir des actions qui se valorisent avec le développement de son entreprise : elles constituent donc un intéressement du dirigeant aux résultats de celle-ci. Ce dispositif, qui existe dans tous les pays du monde, n’est pas critiquable, à condition que la distribution de stock-options se déroule dans la transparence la plus totale.

À la demande du Président de la République et du Premier ministre, Xavier Bertrand s’est penché sur la question de l’accessibilité aux stock-options. Le système doit-il concerner les principaux dirigeants ou la plupart des salariés de l’entreprise ? Nous avons opté pour la seconde solution.

M. Roland Muzeau. Proposerez-vous des stock-options aux caissières des supermarchés ?

Mme Martine Billard. Vous prétendez distribuer des millions d’euros à chaque salarié : vous voulez rire !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Si les salariés de l’entreprise n’ont pas accès à la distribution de stock-options, il faut alors qu’ils bénéficient d’un dispositif d’intéressement et de participation – l’un ne va pas sans l’autre – et c’est ce que prévoit le projet de loi en faveur des revenus du travail que Xavier Bertrand présente actuellement devant le Parlement.

Les stock-options ont bien leur place parmi les revenus versés par les entreprises mais, pour autant, leur statut fiscal et social est-il le bon ? Quelle est la réalité des chiffres, que bien souvent on se refuse à voir ? L’année dernière, Yves Bur a incité le Gouvernement, qui l’a suivi, à réviser la fiscalité en ce domaine, et plus encore, les cotisations sociales. Aujourd’hui, le salarié bénéficiaire de stock-options est assujetti sur ce revenu à 8,2 % de CSG ; 0,5% de CRDS ; 0,3 % de contribution à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ; 2 % de prélèvement additionnel sur le capital ; 1,1 % pour le financement du RSA et enfin, à 2,5 % supplémentaires depuis l’an dernier, grâce à l’initiative d’Yves Bur. Les stock-options sont donc, au total, soumises à 14,6 % de cotisations sociales, 8,45 % étant destiné à la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM.

Qu’en est-il, en comparaison, des contributions sociales sur le salaire traditionnel ? Elles s’élèvent à 7,5 % pour la CSG et 0,75 % pour la cotisation maladie, mais au total, 6 % sont consacrés au financement de la branche maladie. Les stock-options sont donc bien soumis à une contribution supérieure – 8,45 % – à celle des salaires pour ce qui est du financement de la CNAM.

L’année dernière, toujours à l’initiative d’Yves Bur, a été instaurée pour les employeurs une contribution de 10 % sur la valeur d’option des stock-options dans le cas où celle-ci est connue – dans le cas contraire, elle est portée à 25 % de la valeur sous-jacente de l’action. Cette contribution patronale de 10 % est affectée à la CNAM et se rapproche du taux de cotisation de l’employeur pour la branche maladie qui s’élève à 12,80 %.

Au total, les contributions des employeurs et des salariés prélevés sur les salaires pour la branche maladie, s’élèvent à 18,80 %. Or le prélèvement total, employeurs et salariés, sur les stock-options, à destination de l’assurance maladie, s’élève, depuis l’année dernière, à 18,45 %. Salaires et stock-options subissent donc bien un traitement équivalent au regard de l’assurance maladie.

Par ailleurs, le prélèvement fiscal sur les stock-options se situe à 18, 30 ou 40 %, selon le montant concerné et la rapidité de la levée d’option, afin de dissuader les spéculateurs et de favoriser ceux qui utilisent ce dispositif à des fins d’épargne, sur une période longue. La « citoyenneté d’entreprise » est récompensée.

Les stock-options ne contribuent pas au financement du régime des retraites en raison du principe de base de la sécurité sociale selon lequel, s’il n’y a pas de droits ouverts, il n’y a pas de cotisations.

M. Roland Muzeau. Il s’agit pourtant bien de revenus détournés.

M. Éric Woerth, ministre du budget. La taxation globale des stock-options varie, selon le niveau de l’impôt sur le revenu, de 42 à 64 %. Ce niveau comparable, et même parfois supérieur, à celui des autres pays, me semble désormais juste.

Je tiens à préciser que le Gouvernement ne considère pas qu’il s’agit là d’un sujet tabou. Si, lors d’une réflexion globale, il s’avérait nécessaire de réformer le système actuel, nous serions prêts à le faire. En revanche, je ne crois pas qu’il soit judicieux d’aborder la question au coup par coup, année après année et au gré de l’actualité. Nous avons opéré l’année dernière une réforme profonde et nous pourrons le faire à nouveau, à l’avenir.

M. Roland Muzeau. Mais nous vous demandons une vraie réforme depuis des années !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il n’y a pas grand-chose à ajouter au discours convaincant de M. le ministre, qui nous ramène à plus d’objectivité en matière de prélèvement social et fiscal sur les stock-options.

Cette question fait l’objet de tous les fantasmes mais, puisque M. Woerth vient de nous montrer que la taxation globale des stock-options se situait entre 42,9 et 64,6 %, nous pouvons considérer qu’il n’est pas nécessaire, aujourd’hui, d’aller plus loin, et donc inutile d’adopter les amendements nos 58, 276 et 330.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas inutile, c’est salutaire !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, en vous entendant égrener le chapelet des taxations, cotisations et forfaits, auxquels il faut ajouter le prélèvement de 1,1 % au titre du RSA, qui grèvent déjà les revenus issus des plus-values des stock-options, je me demandais s’il ne faudrait pas déposer un amendement visant à constituer un fonds d’aide à l’acquisition de ces stock-options ! (Sourires.)

On parle beaucoup, actuellement, de refonder le capitalisme. Mme Parisot elle-même reconnaît que le système est ainsi fait qu’un dirigeant a un intérêt direct à gérer à court terme avec, pour seule préoccupation, le cours de l’action, dont on sait par ailleurs qu’il augmente à l’annonce de plans de licenciement. Non seulement ce système est immoral, mais il conduit à des dérèglements qui aboutissent aujourd’hui à la crise du capitalisme financier, dont les répercussions se traduiront par des souffrances sociales extraordinaires dans les couches populaires des pays développés et dans les pays en voie de développement. Le Bureau de l’Organisation internationale du travail a d’ailleurs publié sur le sujet un rapport extrêmement alarmiste. Et je ne parle pas de la faim dans le monde ni de l’aide publique au développement, qui s’effondre ! Un système fondé avant tout sur la hausse de la valeur des actions conduit à de telles ruptures.

Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que ces amendements reprennent une proposition adoptée à l’unanimité par la mission d’information sur les exonérations de cotisations sociales ? Nous suggérions en effet l’instauration d’une flat tax applicable non seulement à l’intéressement, à la participation et à l’épargne collective, mais aussi à l’ensemble des niches sociales, retraites chapeaux et parachutes dorés. Je précise que j’avais émis des réserves sur son application aux tickets restaurant, dont je remarque qu’ils sont épargnés dans votre texte. Cette mission était composée, je le rappelle, de trois députés socialistes et de trois députés UMP : MM. Bur, Morange et Giscard d’Estaing. Son autorité morale est donc incontestable. Aussi notre assemblée devrait-elle adopter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. M. le ministre a cherché à démontrer que les stock-options ne posaient aucun problème : circulez, y’a rien à voir ! Ce n’est pas tout à fait le sentiment de nos compatriotes, mais sans doute sont-ils mal informés…

Quoi qu’il en soit, le raisonnement de M. Woerth est vicié. En effet, il n’est valable que si l’on considère que les stock-options ne sont pas des revenus du travail. Or on ne peut y avoir accès que si l’on est employé d’une entreprise. Il s’agit donc bien d’un revenu lié au travail. On peut bien acheter des actions par l’intermédiaire d’un courtier ou d’une banque : ce ne seront jamais des stock-options !

Celles-ci sont un moyen détourné de rémunérer le travail, de même que les plans d’intéressement et de participation sont un moyen de refuser des augmentations de salaires, lesquelles sont de moins en moins automatiques et de plus en individuelles. Le salaire individualisé est ainsi en partie composé de l’intéressement. Cette forme de rémunération prenant une importance croissante dans la masse salariale, les Verts ont estimé que l’intéressement et la participation devaient être soumis à cotisations.

On ne peut à la fois exonérer de cotisations des revenus liés au travail et déplorer que la sécurité sociale souffre de difficultés de financement. Car ce que vous donnez d’une main – les exonérations de cotisations –, vous le reprenez de l’autre, en diminuant le remboursement des soins ou le montant des retraites ou en augmentant les impôts. Il est tout de même plus juste que ceux qui touchent des revenus liés, directement ou non, au travail participent au financement de la sécurité sociale. Il serait donc normal que les propriétaires de stock-options contribuent à la solidarité nationale en participant au financement, non pas des caisses de retraite, mais du FSV notamment, qui vient en aide aux personnes titulaires du minimum vieillesse ou bénéficiant d’avantages familiaux.

Votre démonstration, monsieur le ministre, ne me paraît donc pas aussi convaincante que le juge notre collègue de l’UMP.

M. Roland Muzeau. Très bien !

(Les amendements identiques nos 58, 276 et 330 ne sont pas adoptés.)

M. Roland Muzeau. C’est un scandale ! La majorité devrait avoir honte !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 298.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli, puisque nous avions déposé, avec M. Tardy, des amendements de suppression de l’article 13, qui n’ont pas été adoptés.

Nous proposons, en l’occurrence, d’exclure de l’assiette du nouveau forfait social les sommes dues au titre de l’intéressement, afin que le dispositif soit cohérent avec le projet de loi sur les revenus du travail.

(L’amendement n° 298, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 300.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit d’exclure de l’assiette du nouveau forfait social l’abondement de l’employeur au PERCO, c’est-à-dire sa participation volontaire à la constitution d’une épargne retraite pour ses salariés, participation qui risque d’être mise à mal par le nouveau dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Malheureusement, la commission a également rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

(L’amendement n° 300 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 299.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agit d’exclure de l’assiette du nouveau forfait social les entreprises éligibles au crédit d’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous faisons preuve de la même constance que M. Tian : la commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

(L’amendement n° 299 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 290, 34 et 512, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 34 et 512 sont identiques.

La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir l’amendement n° 290.

M. Michel Issindou. En tant que membre de la mission d’information dont M. Bur était le brillant rapporteur et M. Bapt l’excellent président, je me réjouis que celle-ci soit à l’origine du forfait social instauré à l’article 13. Certes, le taux est très modéré : nous aurions préféré que cette flat tax soit un peu moins plate, monsieur Bur. Mais elle a au moins le mérite d’exister et de taxer des revenus qui sont finalement des salaires.

Toutefois, quand on sait que le montant des niches sociales est largement supérieur au trou de la sécurité sociale, on peut se demander pourquoi on ne fait pas preuve de plus de hardiesse ; je pense notamment aux allégements sur les bas salaires dont le montant suffirait, à lui seul, à couvrir le déficit de la sécurité sociale, même si leur suppression aurait des conséquences sur l’emploi qu’il ne faudrait pas négliger.

Quoi qu’il en soit, le forfait social s’appliquera, on vient de le rappeler, à l’intéressement, aux sommes versées au titre du supplément de réserve spéciale de participation, aux PEE, au PERCO, et j’en passe. S’agissant des stock-options, nous aurions pu être plus ambitieux, notamment l’an dernier, lorsqu’un effort – 10 % – avait été consenti. Certes, M. le ministre nous a rappelé – nous en avions presque les larmes aux yeux – combien elles étaient fortement taxées. Mais, même déguisés, ce sont des revenus du travail et, à ce titre, il est normal qu’elles soient taxées.

J’en viens à l’amendement n° 290. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 9 de l’article 13, l’alinéa suivant : « Les rémunérations différées visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce sont soumises à la contribution fixée à l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale. Le taux de la contribution applicable à ces rémunérations est fixé à 5 %. »

Il s’agit en fait de taxer ce que l’on appelle pudiquement des indemnités de licenciement et que nous connaissons mieux sous le terme de parachutes dorés, lesquels sont étrangement oubliés dans la liste de l’article 13. Il nous semble en effet, compte tenu du contexte actuel, que leur taxation au taux de 5 % – 2 % serait bien trop insuffisant – serait un bel exemple de cette moralisation du capitalisme que vous appelez constamment de vos vœux. La portée symbolique d’une telle mesure serait très importante.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour soutenir l’amendement n° 34.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. En adoptant cet amendement, la commission des finances a voulu inclure dans l’assiette du forfait social les parachutes dorés. Ainsi que l’a rappelé M. le ministre des comptes publics, il y a lieu de distinguer strictement entre, d’une part, les stock-options et les retraites chapeaux et, d’autre part, ce que j’appellerai la surprime de licenciement que sont les parachutes dorés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 512.

Mme Aurélie Filippetti. En cette période de crise financière généralisée, alors que l’on nous rebat les oreilles avec la moralisation du capitalisme et la régulation d’un système financier qui a perdu la tête – je pense au discours de Toulon du Président de la République –, il serait absolument inacceptable que nous n’incluions pas les parachutes dorés dans le forfait social.

Je ferai un bref rappel. En 2002, Jean-Marie Messier quitte Vivendi, après le succès que l’on sait, en bénéficiant d’un parachute doré de 20,5 millions d’euros ;…

M. Roland Muzeau. Le malheureux !

Mme Aurélie Filippetti. …en 2003, Philippe Jaffré quitte Elf avec un parachute de 19 millions d’euros ;…

M. Jean-Marie Le Guen. C’est scandaleux !

Mme Aurélie Filippetti. …la même année, Pierre Bilger quitte Alstom avec 4,1 millions d’euros ; en 2005, Daniel Bernard, Carrefour : 38 millions d’euros (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) ; en 2006, Noël Forgeard, EADS : 8,5 millions d’euros ; en 2007, Serge Tchuruk, Alcatel : 5,7 millions d’euros ;…

M. Jean-Marie Le Guen. Et ils ont tous triomphé à la tête de leur entreprise !

Mme Aurélie Filippetti. …en 2007 toujours, Antoine Zacharias, Vinci : 13 millions d’euros ; en 2008, Patricia Russo, Alcatel – encore un grand succès ! –, 6 millions d’euros ; la même année, Gilles Pélisson, Accor : 6,6 millions d’euros.

Je pourrais citer également, hors de nos frontières, le brillant patron de Fortis, qui vient de quitter ses fonctions en bénéficiant d’un parachute de 5 millions d’euros et celui de Dexia, parti avec 3,7 millions d’euros, tout cela aux frais des contribuables européens, puisqu’il a fallu re-nationaliser partiellement ces banques.

Il serait inacceptable et incompréhensible pour l’ensemble de la population, qui attend de l’Assemblée nationale qu’elle prenne des mesures contre ce dispositif inacceptable que sont les parachutes dorés, qu’elle ne les soumette pas au moins au forfait social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il me semble qu’il n’est pas inutile de rappeler la logique qui se trouve à la base du forfait social que nous avons adopté et de la flat tax que nous avons proposée dans le cadre de la mission commune. Le principe est d’assujettir au forfait social ou à la flat tax uniquement les sommes exclues de l’assiette des cotisations et des contributions sociales.

En ce qui concerne les parachutes dorés, il convient de rappeler que ceux-ci sont considérés comme des indemnités de rupture et sont, à ce titre, soumis exactement au même régime d’exclusion des cotisations sociales, c’est-à-dire l’exonération jusqu’à 200 000 euros et l’assujettissement au-delà. Je proposerai tout à l’heure un amendement visant à ce que les parachutes dorés dépassant un million d’euros,…

M. Patrick Roy. Quelle audace !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …somme substantielle mais correspondant aux rémunérations des dirigeants concernés, soient soumis à cotisations sociales au premier euro, c’est-à-dire ne bénéficient plus de la franchise de 200 000 euros. Ces parachutes dorés constitueront donc une exception au régime des indemnités de rupture.

Compte tenu du dispositif que je propose, je suis défavorable à l’adoption des amendements que nous examinons actuellement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les parachutes dorés ne sont effectivement rien d’autre que des indemnités de rupture, pour employer un terme moins médiatique.

M. Michel Issindou. Une rupture avec atterrissage en douceur !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pour ce qui est du forfait social, j’aimerais que l’opposition ne perde pas de vue que c’est notre gouvernement qui est en train de le mettre en place. Après tout, pourquoi ne l’avez-vous pas fait vous-mêmes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il serait temps, au bout de sept ans !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je rappelle que l’âge d’or des stock-options correspond à la période du gouvernement Jospin. Vous n’avez donc pas de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le forfait social consiste à instaurer une contribution sociale forfaitaire sur les revenus qui ne sont pas soumis à cotisations sociales. Les indemnités de rupture sont actuellement assorties d’une franchise de 200 000 euros : les indemnités inférieures à cette somme ne sont pas soumises à cotisations sociales. Au-delà de 200 000 euros, les indemnités de rupture, y compris les parachutes dorés, sont soumises à la CSG, à la CRDS et aux cotisations sociales à hauteur de 46,18 %, exactement comme le sont les salaires. Pour résumer, de zéro euro au montant de l’indemnité conventionnelle – soit huit fois le plafond de la sécurité sociale –, il n’y a pas de CSG ni de cotisations sociales ; du montant légal ou conventionnel à 200 000 euros, les indemnités perçues sont soumises à la CSG, à la CRDS et à 8 % ; au-delà de 200 000 euros, elles sont soumises à la CSG, à la CRDS et aux cotisations sociales au même taux que celui s’appliquant sur les salaires. Ce rappel valait la peine d’être effectué, car il permet de comprendre que vouloir imposer un forfait social à quelqu’un qui règle déjà des cotisations sociales au même titre qu’un salarié n’a pas de sens.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 59 rectifié déposé par M. Bur, que nous examinerons prochainement. Cet amendement ne dit pas autre chose que ce que nous affirmons nous-mêmes en termes de moralisation : nous ne voulons pas d’indemnités de rupture d’un montant trop important. Au-delà d’un million d’euros…

Mme Martine Billard. Soit 90 ans de SMIC !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …l’indemnité est assujettie dès le premier euro, ce qui est assez dissuasif.

Je rappelle d’ailleurs que les salariés du livre qui font grève en ce moment – et qui, pour certains d’entre eux, se rendent coupables de violences inadmissibles en se livrant à des actes de destruction sur des biens appartenant aux NMPP –…

M. Roland Muzeau. La violence, c’est le chômage !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …perçoivent des indemnités de rupture d’un montant de 200 000 euros, comme l’a souligné ce matin le patron de Libération.

M. Jean-Marie Le Guen. Qui a négocié cette indemnité, sinon votre gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’amendement de M. Bur vise à supprimer, en leur appliquant un régime dissuasif, les parachutes dorés d’un montant supérieur à un million d’euros. C’est à cet amendement que le Gouvernement est favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Mes chers collègues, nous débattons d’un sujet sérieux et difficile, qui interpelle à juste titre l’opinion publique.

M. Roland Muzeau. Nous avions remarqué !

M. Philippe Vitel. Il me semble qu’en cette occasion, la représentation nationale se doit d’être exemplaire. J’ai bien écouté les arguments de Mme Filippetti et de Mme Montchamp, ainsi que les explications de M. le ministre, et je crois que nous devrions tous nous rallier à l’amendement n° 59 rectifié d’Yves Bur (« Nous n’y sommes pas encore ! » sur les bancs du groupe SRC) qui me paraît répondre aux attentes de tous. Comme l’a dit M. le ministre, ce n’est pas le moment de se livrer à des polémiques doctrinales opposant certains bancs aux autres.

Sur un sujet qui est d’actualité depuis si longtemps – bien avant 2002, selon moi –, il me semble que nous aurions tous intérêt à nous retrouver derrière cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Vous nous dites, monsieur le ministre, que l’amendement de M. Bur reviendrait à supprimer les parachutes dorés excédant un million d’euros. Je voudrais vous rappeler les propos tenus par Mme Parisot sur France Inter le 25 septembre dernier : « Dans les prochains jours, le comité éthique du MEDEF va recommander la suppression des parachutes dorés. » Elle est donc favorable à leur suppression pure et simple !

Par ailleurs, peut-on vraiment comparer, comme vous le faites, les 13 millions d’euros touchés par M. Zacharias aux indemnités de licenciement perçues par un salarié, fût-ce du secteur du livre ? C’est absolument indécent !

M. Philippe Boënnec. Les ouvriers du livre ne sont pas si mal traités, par rapport à d’autres !

Mme Aurélie Filippetti. Votre bouclier fiscal va protéger M. Zacharias, comme s’il était inconcevable de prélever plus de 6 millions d’euros sur son parachute doré, alors que la plupart de nos concitoyens vivent avec le SMIC – voire moins : j’en veux pour preuve les retraites agricoles d’un montant de 640 euros par mois que nous évoquions hier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Boënnec. Arrêtez, c’est du misérabilisme !

Mme Aurélie Filippetti. C’est vous qui devriez arrêter ! La France traverse une crise grave marquée par un gros problème de confiance et de pouvoir d’achat. Il est grand temps, dans ce contexte, de procéder à une moralisation de la vie financière et politique, et l’examen des amendements relatifs aux parachutes dorés nous en donne l’occasion. C’est notre responsabilité d’élus de la nation que d’agir ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vitel. Il ne faut pas le prendre comme ça ! Ce n’est pas le moment de nous montrer partisans !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Si je vous entends bien, monsieur le ministre, l’amendement adopté par la commission des finances sera satisfait par celui de notre collègue Yves Bur que nous examinerons ultérieurement. Je suis disposée à me rallier, à titre personnel, à votre position. J’avais bien pris le soin d’expliquer, en présentant l’amendement n° 34, que notre objectif était d’inclure dans l’assiette du forfait social le cas spécifique des parachutes dorés, dans un souci d’équité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le code de gouvernance d’entreprise qui a été appelé de ses vœux par le Président de la République et qui a fait l’objet d’une large négociation stipule que le montant des indemnités de départ sera limité à deux ans de rémunération. Il indique par ailleurs qu’il ne doit pas y avoir d’indemnités de départ en cas de départ volontaire ou en cas d’échec.

M. Roland Muzeau. Et Dexia ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les deux dirigeants de Dexia n’ont pas touché de parachute doré, suite à l’intervention des pouvoirs politiques français – en l’occurrence, le Président de la République française.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ce n’est pas l’intervention du Président de la République que nous demandons, c’est une loi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Que n’avez-vous légiféré auparavant ! À la belle époque de M. Jospin, les stock-options ont prospéré au-delà du raisonnable !

Mme Martine Billard. Dexia n’avait pas encore fait faillite !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je le répète, il ne doit pas y avoir d’indemnités de rupture en cas de départ volontaire ou d’échec, et lorsque des indemnités sont versées, leur montant est limité à deux ans de rémunération – ce qui correspond souvent à ce que touche un salarié dans le cadre d’une négociation.

Enfin, je veux saluer le travail de la commission des finances et confirmer à Mme Montchamp que l’amendement n° 34 sera satisfait par l’amendement de M. Bur, auquel le Gouvernement se rallie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je veux simplement rappeler à M. le ministre que dans un État de droit, il n’appartient pas au Président de la République – on ne sait d’ailleurs trop comment ni à l’aide de quel instrument il l’a fait –…

M. Dominique Tian. C’est comme ça, il peut tout, il est trop fort !

M. Jean-Marie Le Guen. …d’intervenir auprès de certains dirigeants pour leur demander de ne pas toucher leurs indemnités.

M. Philippe Vitel. En tout cas, ça marche !

M. Jean-Marie Le Guen. Ça marche peut-être, mais vous êtes-vous demandé comment ? Quel argument le Président de la République a-t-il fait jouer ? L’amitié ? L’exigence d’une certaine moralité ?

M. Benoist Apparu. Il représente tout simplement l’État français, désormais présent dans le capital de Dexia !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour ma part, j’estime que, dans un État de droit, ce type de situation doit être réglé par la loi plutôt que par l’intervention d’une seule personne, fût-ce le Président de la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si le Président de la République a agi au nom de la morale, nous serions bien en peine de justifier le refus de confirmer sa position en lui donnant une traduction législative. Si c’est un autre argument qu’il a fait valoir, nous aimerions le connaître. En tout état de cause, le fait que l’intervention arbitraire du Président de la République ait obtenu un résultat ne saurait être opposé à la représentation nationale. La moindre des choses est que la loi entérine des décisions validées sur le plan moral par le Président de la République !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous êtes vraiment incroyables : quoi que fassent le Président de la République et la majorité, vous y trouvez toujours à redire ! Plutôt que de vous opposer ainsi de façon bêtement systématique, vous feriez mieux de réfléchir un peu ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Dois-je vous rappeler que, pour apporter son aide financière à Dexia, l’État a posé comme condition que ne soient pas versées d’indemnités de départ aux deux dirigeants démissionnaires ?

En outre, votre commission des finances, qui en a eu connaissance, a pu constater que, dans les conventions signées entre les banques et l’État dans le cadre du plan de soutien, figuraient les règles régissant le départ et la rémunération des dirigeants.

Enfin, nous mettons en place une règle de gestion qui s’imposera aux conseils d’administration pour les parachutes dorés, de même que nous avons pris des mesures concernant la taxation des stocks-options. Il me semble que le système ainsi mis en place est transparent et qu’il permet aux conseils d’administration de continuer à jouer leur rôle mais dans un cadre plus contraint.

Ce sont autant de mesures qui doivent rassurer les Français sur ce que nous faisons pour accroître la moralité financière.

(L’amendement n° 290 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 34 et 512 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 372 et 301, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l’amendement n° 372.

M. Roland Muzeau. Notre amendement propose de relever de 2 à 4 % le taux de ce forfait social dont nous pourrions continuer encore longtemps à débattre tant les réponses du ministre sont peu satisfaisantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis.

(L’amendement n° 372 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement n° 301.

M. Dominique Tian. Il s’agit de prévoir une entrée en sifflet dans le dispositif. Cette montée en charge progressive pour n’atteindre les 2 % qu’au 1er janvier 2012 doit permettre aux entreprises d’anticiper la mesure et de signer éventuellement beaucoup d’accords avant qu’elle n’entre en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a donné un avis défavorable à l’entrée en sifflet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avis défavorable.

(L’amendement n° 301 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 278.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous souhaitons prolonger l’esprit du forfait social en créant une taxe additionnelle à ce forfait afin d’alimenter le Fonds de réserve des retraites et de lui garantir des rentrées financières plus importantes. La question de l’abondement de ce fonds devient en effet essentielle si l’on veut qu’il joue le rôle qui lui est imparti à partir de 2020. Nous proposons donc d’instaurer une contribution sociale additionnelle de 3 % s’appliquant dans les mêmes conditions que le forfait social.

(L’amendement n° 278, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 est adopté.)

Après l’article 13

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 59 rectifié, portant article additionnel après l’article 13.

Il fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement, adopté par la commission des affaires sociales, contient trois dispositions s’appliquant aux parachutes dorés, aux retraites chapeaux et aux stock-options.

Les engagements pris par le MEDEF et l’AFEP vont certes dans le bon sens, de même que l’amendement adopté par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi en faveur des revenus du travail, mais la confiance n’exclut pas le contrôle, et nous sommes donc fondés à prévoir des dispositifs destinés à décourager d’éventuels manquements.

Mme Martine Billard. Ce n’est pas nous qui le disons !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il s’agit d’abord de doubler la contribution sur les retraites chapeaux, c’est-à-dire les mécanismes permettant, après la cessation de fonctions, de garantir aux intéressés – en général, des dirigeants d’entreprise – le versement d’une proportion donnée de leur rémunération d’activité, 60 % par exemple. Le produit de cette contribution avoisinant actuellement les 30 millions d’euros, son doublement rapporterait 25 millions d’euros supplémentaires. Or, compte tenu de la situation financière de nos comptes sociaux, il ne faut négliger aucune recette ni aucune économie, d’autant qu’en l’occurrence ces retraites chapeaux peuvent être assimilées à des parachutes dorés offerts aux dirigeants, dès lors qu’ils terminent leur carrière au sein de l’entreprise.

Il s’agit ensuite, pour en revenir à notre débat sur les parachutes dorés, d’assujettir aux cotisations et contributions sociales au premier euro les indemnités de départ, dès lors que celles-ci sont supérieures à un million d’euros, alors que, selon le droit commun en vigueur, les parachutes dorés ne sont pour l’instant taxés qu’au-delà de 200 000 euros.

En troisième lieu, nous proposons que s’applique dès cette année la contribution salariale sur les stock-options au moment de la levée des options, dont la mise en œuvre a été ajournée l’an dernier par une décision du Sénat, confirmée par la CMP, grâce à l’abstention des commissaires des groupes socialistes des deux chambres. Nous avions pour notre part souhaité que le dispositif de taxation des stock-options soit applicable immédiatement, sachant que l’on peut en attendre une recette de l’ordre de 100 millions d’euros.

Mme la présidente. Je suis saisie par le Gouvernement de trois sous-amendements, nos 726, 727 et 728.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ces trois sous-amendements correspondent aux trois mesures prévues dans l’amendement.

J’ai déjà indiqué, monsieur le rapporteur, que nous étions favorables à votre proposition visant à limiter drastiquement la distribution des indemnités de rupture, dites parachutes dorés.

Nous ne sommes en revanche pas favorables à ce que vous proposez pour les retraites chapeaux, qui ne sont rien d’autres que des retraites complémentaires destinées aux cadres, en contrepartie de cotisations supplémentaires versées à la fois par le salarié et par l’entreprise. Ce dispositif ne s’appliquant qu’aux salariés encore en poste dans l’entreprise, il permet à cette dernière de conserver le plus longtemps possible ses cadres dirigeants. Loin d’être réservé aux « super-patrons », il bénéficie à l’encadrement supérieur en général et concerne entre mille et trois mille entreprises en France.

Mme Aurélie Filippetti. Cela s’appelle un privilège !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce n’est pas un privilège, puisqu’il y a des cotisations. Vous auriez décidément tendance, madame Filippetti, à envoyer tout le monde au peloton d’exécution ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Aurélie Filippetti est la douceur personnifiée !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Enfin, j’ai déjà indiqué pourquoi nous n’étions pas favorables à la mesure proposée sur les stock-options.

En résumé, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est défavorable au doublement de la contribution sur les retraites chapeaux et à l’application anticipée de la contribution salariale sur les stock-options, mais favorable à la mesure concernant les parachutes dorés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements du Gouvernement ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous avez parlé, monsieur le ministre, de peloton d’exécution, mais il s’agirait en l’occurrence d’une douce sanction…

Par ses trois sous-amendements, le Gouvernement propose d’édulcorer mes trois propositions. La commission ne les ayant pas examinés, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. L’amendement d’Yves Bur, tel qu’il est sous-amendé par le Gouvernement, satisfait la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le débat que nous avons porte sur l’équité entre les différents salariés.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que les retraites chapeaux donnent lieu à cotisations. Certes, mais il s’agit, vous l’avez dit, de cotisations supplémentaires, acquittées non seulement par le salarié mais aussi par l’entreprise. Or, d’ordinaire, les retraites supplémentaires relèvent d’un choix individuel et sont assises sur les seules cotisations des bénéficiaires. C’est vrai pour les professions libérales comme pour les entreprises, où il existe un régime de base et des régimes complémentaires qui mutualisent les cotisations.

Plaidant pour davantage de justice sociale face à l’effort de financement que nécessite notre protection sociale, Yves Bur propose simplement de soumettre à contribution les avantages exceptionnels dont bénéficient certains salariés.

Au-delà de la crise financière, nous assistons plus profondément à la mise en cause d’un système qui a vu une partie de ses dirigeants d’entreprise s’exonérer des règles sociales, psychologiques et salariales en vigueur. Grâce à des progressions de rémunération très importantes et grâce à tous ces dispositifs dont nous parlons, s’est auto-promue une aristocratie financière qui s’est nourrie de la prise de risques mais en a malheureusement socialisé les résultats désastreux à la suite de la catastrophe financière que nous connaissons. Il y a en effet un lien direct entre les privilèges dont s’est dotée cette caste financière et la déréglementation absolue, la prise de risque insensée qui caractérisent le système. Qu’il s’agisse des traders de la Caisse d’épargne et de la Société générale ou de l’absence de contrôle dans les directions de ces entreprises, à Dexia ou ailleurs, tout nous ramène à cette volonté de rémunération sans frein.

La crise financière est avant tout une crise morale et, si nous voulons rétablir au sein des entreprises une juste proportion entre les salaires et les responsabilités, on ne peut accepter qu’une aristocratie s’octroie comme elle le fait des avantages que vos sous-amendements, monsieur le ministre, veulent banaliser !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. La politique du Gouvernement est de repousser de plus en plus tard le départ à la retraite ; il faut de plus en plus de trimestres pour avoir accès à sa retraite. Au même moment, vous nous expliquez que les retraites chapeaux font l’objet de surcotisations, que ce sont des retraites supplémentaires, et qu’il faut donc supprimer les alinéas de l’amendement présenté par notre collègue Yves Bur visant à augmenter la contribution sur ces retraites chapeaux.

Mais, monsieur le ministre, les hauts cadres et les dirigeants qui ont accès à ces retraites dorées bénéficient ainsi d’une retraite supplémentaire ! Ils peuvent avoir travaillé très peu d’années dans l’entreprise  et avoir pourtant droit à ces retraites chapeaux : ce sont des retraites chapeaux dorés, si vous me permettez l’expression !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Des retraites ceinture et bretelles !

Mme Martine Billard. Je trouve indécent de demander au simple travailleur de travailler toujours plus – pendant quarante et un ans, bientôt quarante-deux ans, et peut-être jusqu’à soixante-deux ans et demi, voire jusqu’à soixante-cinq ans, tout en acceptant que des dirigeants qui travaillent quelques années dans une entreprise aient droit à cette retraite chapeau doré !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Elle a tout à fait raison !

Mme Martine Billard. L’amendement de M. Bur est donc entièrement justifié.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est cela, la refondation du capitalisme !

(Le sous-amendement n° 726 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir le sous-amendement n° 675.

Mme Marisol Touraine. Nous avons voté contre le sous-amendement n° 726 du Gouvernement, car il nous semble qu’il affaiblit très considérablement la portée de l’amendement présenté par M. Bur.

Mais cet amendement lui-même ne nous semble pas aller assez loin : les parachutes dorés sont exonérés de cotisations jusqu’à 200 000 euros ; les cotisations sont versées au-delà de cette somme ; mais c’est seulement si le parachute doré dépasse un million d’euros que les cotisations seront payées dès le premier euro.

Nous demandons que ce seuil d’un million d’euros soit revu fortement à la baisse…

M. Philippe Vitel. Vous voudriez faire payer les cotisations avant le premier euro !

Mme Marisol Touraine. …car il représente l’équivalent de trente fois le plafond de la sécurité sociale, ce qui nous paraît disproportionné par rapport à la réalité des revenus et des salaires dans notre pays.

Il ne s’agit pas seulement de comparer ceux qui peuvent recevoir de telles sommes avec ceux qui doivent se contenter du SMIC, voire de moins que le SMIC. Il est même ubuesque de se demander si l’on peut soumettre à cotisations des revenus aussi énormes, alors qu’une grande entreprise – Carrefour, pour ne pas la nommer – a été condamnée pour avoir rémunéré ses salariés en dessous du SMIC horaire !

M. Patrick Roy. Ce n’est pas bien joli !

Mme Marisol Touraine. Et nous nous interrogeons pour savoir s’il est exagéré de mettre ces revenus à contribution dès le premier euro !

Rappelons-nous que, parmi les cadres dirigeants eux-mêmes, les revenus ont progressé de façon très inégale. Une étude de M. Camille Landais, de l’École d’économie de Paris, a montré que si l’on considère les 10 % de revenus les plus élevés de notre pays, on constate qu’ils ont évolué de façon très inégale, le 1 % supérieur de ce décile ayant été extraordinairement avantagé. Et au sein de ce 1 %, le 0,1 % le plus élevé – un millier de personnes ! – a connu une progression de ses revenus sans commune mesure avec celle des autres revenus. Ainsi, non seulement les 10 % les plus riches sont devenus plus riches par rapport aux 10 % les plus pauvres, mais au sein même des plus riches, le centile plus élevé dispose de revenus qui défient le sens commun !

Dans cette perspective, il nous semble nécessaire d’agir dans le sens préconisé par M. Bur, mais de façon plus juste, plus équitable, et aussi plus volontariste, en faisant passer le seuil de trente fois le plafond de la sécurité sociale à six fois seulement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir le sous-amendement n° 414.

M. Roland Muzeau. Jusqu’à présent, il n’avait pas été question d’assujettir ces parachutes dorés à quelque cotisation sociale que ce soit. Je tiens à saluer l’amendement de M. Bur : c’est un petit progrès, mais c’est un progrès réel !

Il tend à faire participer ces primes de départ au financement de la protection sociale. Il propose toutefois, pour que cette mesure s’applique dès le premier euro, un plafond égal à trente fois le plafond annuel défini à l’article L.241-3 du code de la sécurité sociale – soit un million d’euros. Nous proposons d’abaisser ce montant à dix fois ce plafond annuel. Je souligne que ces montants demeurent très élevés au regard des indemnités versées à la très grande majorité de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 681.

Mme Martine Billard. Il est indéniable que notre collègue Yves Bur est modéré, mais il avance dans la bonne direction !

M. Benoist Apparu. N’en jetez plus ! (Sourires)

Mme Martine Billard. Nous allons donc l’aider à être un petit peu plus radical, mais sans tomber dans l’extrémisme.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l’heure que la charte du MEDEF allait proposer que les indemnités soient limitées à deux années de rémunération, à condition de ne pas avoir mené son entreprise à la faillite – mais n’est-ce pas là la moindre des choses ?

Toutefois, il existe des chefs d’entreprise qui touchent deux millions d’euros par mois,…

M. Patrick Roy. Scandaleux !

Mme Martine Billard. …ce qui limitera leurs indemnités à 48 millions d’euros, quelle que soit leur ancienneté dans l’entreprise ! Allons-nous pleurer sur leur sort ? Je rappelle qu’après la dernière modification du code du travail concernant l’indemnité de licenciement, un décret du 18 juillet 2008 a porté le montant minimum de l’indemnité de licenciement à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté dans l’entreprise : on constate une certaine disproportion !

Le plafond proposé par notre collègue Yves Bur est de trente fois le plafond annuel de la sécurité sociale : cela représente plus de quatre-vingts années de SMIC. Nous trouvons que c’est beaucoup ! Lors des débats en commission, il y avait d’ailleurs un certain malaise parmi nos collègues de l’UMP.

M. Jean Mallot. Pour le moins !

Mme Martine Billard. Nous comprenons donc l’explication de M. le ministre : aujourd’hui, une indemnité de moins de 200 000 euros n’est pas soumise à cotisation. Notre collègue propose qu’une indemnité soit assujettie à cotisation dès le premier euro dès lors qu’elle est supérieure à un million d’euros.

Nous proposons de placer cette limite à dix fois le plafond de la sécurité sociale, au lieu de trente – soit un peu plus de 300 000 euros. Je vous accorde qu’on dirait une discussion de marchand de tapis – mais nous essayons d’être raisonnables pour faire avancer le débat. Je ne crois pas que beaucoup de nos concitoyens pleureront sur le sort des malheureux qui, touchant 332 760 euros, devront payer les cotisations dès le premier euro.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements nos 675, 414 et 681 ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Le seuil que je propose d’un million d’euros – qui est un seuil symbolique pour la population – correspond à mon approche libérale de l’économie. Mais j’ai aussi un côté social…

Mme Martine Billard. Un côté social modéré !

M. Roland Muzeau. Et même très modéré !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …en soumettant à cotisation dès le premier euro les seuls parachutes dorés qui dépassent le million d’euros. Cet amendement est très équilibré. C’est pourquoi la commission a proposé le rejet des sous-amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Les assemblées parlementaires ont connu des moments historiques. Parmi ceux-là, il y a la nuit du 4 août 1789. On l’étudie à l’école, au CM2, au collège puis au lycée. Cette nuit-là, il fut décidé de supprimer ce qui était indécent, immoral : il fut décidé d’abolir les privilèges.

Mme Aurélie Filippetti. Très bien !

M. Patrick Roy. Or j’ai le sentiment qu’au fil des ans, un grand nombre de nouveaux privilèges se sont créés. Eh bien, il convient aujourd’hui, non pas de les diminuer, mais de les détruire !

Nous devons en arriver à une nouvelle nuit du 4 août – bien sûr, ce pourrait aussi être une matinée ou un après-midi, je ne serai pas sourcilleux !

Mme Valérie Boyer. Ce discours est un calvaire !

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, vous nous expliquez que ces revenus sont mérités, que les cotisations ont été payées – mais comment peut-on justifier de tels revenus ?

Je suis de ceux qui disent que tout effort mérite salaire, que tout talent mérite rétribution ; mais il arrive un moment où les revenus deviennent indécents ! Nous parlons ici, non pas même de millions, mais de dizaines de millions d’euros ! Quelle activité pourrait justifier de toucher de telles sommes ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mais qui vous parle de les justifier ?

M. Patrick Roy. Vous êtes arc-boutés sur le maintien de ces privilèges modernes. Il faut au contraire les supprimer ! Ce que nous proposons ici est bien léger. Je ne comprends pas votre refus, si ce n’est qu’il y a entre vous et nous une cassure entre la morale et l’immoralité…

Mme Valérie Boyer. C’est consternant !

M. Patrick Roy. Et nous faisons partie du camp moral, quelles que soient vos réactions ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean Mallot. Très bien !

(Le sous-amendement n° 675 n’est pas adopté, de même que les sous-amendements identiques nos 414 et 681.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 727 ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Les sous-amendements du Gouvernement visent à vider de sa substance l’amendement de notre collègue Yves Bur, pourtant modéré.

En effet, tandis que le premier sous-amendement du Gouvernement a supprimé l’augmentation de la contribution des retraites chapeaux dorés, les deux autres suppriment le paiement de cotisations sociales sur les stock-options, que notre collègue voulait rendre applicable dès aujourd’hui, conformément au vote de l’Assemblée nationale – pas au vote de l’opposition – de l’an dernier. Notre collègue a regretté qu’en CMP l’an dernier des abstentions n’aient pas permis à la proposition de passer. Cette année, il va devoir regretter que le Gouvernement et éventuellement la majorité l’aient empêché carrément.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

Mme Martine Billard. Car aujourd’hui, cela risque de ne pas être une abstention.

Chers collègues de la majorité, faites un geste, abstenez-vous, et nous pourrons soutenir cette dernière partie de l’amendement de notre collègue. Si vous suivez l’avis du Gouvernement, notre collègue Yves Bur ne pourra pas dire que c’est la faute du parti socialiste – je le dis en tout bien tout honneur n’étant pas au parti socialiste.

M. Jean Mallot. Ça viendra !

Mme Martine Billard. À vous de voir dans quelle situation vous allez mettre votre collègue de la majorité.

Bref, je vous demande de suivre notre rapporteur Yves Bur, et pas le Gouvernement.

Mme Isabelle Vasseur. Merci du conseil !

(Le sous-amendement n° 727 est adopté.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 728.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Sagesse, comme pour le précédent.

(Le sous-amendement n° 728 est adopté.)

(L’amendement n° 59 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. Roland Muzeau. C’est un squelette qui vient d’être adopté !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 674.

Mme Aurélie Filippetti. Nous en revenons à des préoccupations qui intéressent davantage de Français, malheureusement, puisque l’amendement concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous ne sommes plus dans les dizaines de millions d’euros, nous sommes dans la triste réalité de personnes qui, en plus d’avoir à supporter la maladie ou les conséquences d’un accident du travail, doivent payer l’équipement de leur maison ou de leur voiture, ces personnes pour lesquelles la politique du Gouvernement aujourd’hui n’est pas assez protectrice. Elle n’est pas non plus assez incitative pour lutter contre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, nous l’avons rappelé lors de la discussion générale.

L’amendement n° 674 vise à réformer la tarification. Plusieurs rapports, de l’IGAS et de la Cour des comptes, ont montré que le système de tarification actuellement utilisé pour les accidents du travail et les maladies professionnelles n’était pas suffisamment incitatif pour les entreprises qui ont de bonnes pratiques et de bons résultats dans ces domaines, c’est-à-dire qui connaissent peu d’accidents du travail et peu de maladies professionnelles. Mais le système n’est pas non plus suffisamment répressif pour les entreprises qui ne font pas assez d’efforts et qui donc connaissent des taux élevés d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Cet amendement présente une réforme un petit peu technique mais beaucoup plus incitative. En effet, nous proposons l’instauration d’un bonus pour les entreprises qui obtiennent de bons résultats en la matière, et d’un malus pour celles qui ont de mauvais résultats et qui ne mettent pas en œuvre une politique volontariste de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C’est un sujet majeur pour une immense majorité de nos concitoyens, qu’ils travaillent au contact de substances toxiques ou sur des chantiers dangereux, ou même dans des conditions ergonomiques insatisfaisantes, dont on sait qu’elles entraînent le développement de troubles musculo-squelettiques. Il est indispensable de suivre les recommandations de l’IGAS et de la Cour de comptes et de réformer profondément la tarification parce que la France détient dans ce domaine un triste record en Europe, faute d’avoir appliqué le système déjà mis en œuvre par les Scandinaves, c’est-à-dire un système de bonus-malus.

L’accord sur lequel les partenaires sociaux sont parvenus en mars 2007 ne modifie pas substantiellement les modalités de la tarification, il ne nous semble pas aller assez loin. Nous reviendrons tout à l’heure, avec Patrick Roy et Bernard Cazeneuve, sur la question de l’amiante notamment. Il y a vraiment urgence, madame la ministre, à ce que le Gouvernement se saisisse de cette question des accidents du travail et des maladies professionnelles pour enfin mettre en place une politique réellement incitative, qui récompense les entreprises qui consentent des efforts et punit celles qui n’en font pas.

M. Patrick Roy. Très bien. Le Gouvernement est forcément convaincu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’amendement n° 674 propose une réforme de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est une branche pour laquelle l’implication des partenaires sociaux est particulièrement importante. C’est pourquoi il faut s’en tenir aux termes de l’accord du 25 avril 2007, dont la quatrième partie du PLFSS transpose d’ailleurs certaines mesures, comme l’amélioration de la prise en charge de certains frais de santé et la mise en place d’un revenu de remplacement entre la date de reconnaissance de l’inaptitude et la date de mise en œuvre de la décision de reclassement ou de licenciement. La commission a donc repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous regrettons beaucoup que le Gouvernement refuse de suivre la voie du bonus-malus parce que dans les pays, y compris les USA, où ce système existe, on constate que les entreprises font des efforts de prévention bien supérieurs, en particulier lorsque les conditions de travail sont périlleuses.

En France, la complexité dans ce domaine est telle que des cabinets conseils en réduction des coûts, des cost killers, interviennent pour permettre à des entreprises, en jouant sur les différentes procédures du contentieux, de faire des économies qui se montent à 200 millions d’euros par an, au détriment de la branche AT-MP.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous l’avez déjà dit hier.

M. Gérard Bapt. Un rapport vous a été remis cet été, le rapport Fouquet. Il indique, dans sa proposition n° 11, que la situation actuelle est choquante, que le système vient alourdir inutilement les procédures et encombrer les rôles des tribunaux. Il devrait y être remédié, est-il écrit, en modifiant le système du contentieux technique dans la branche AT-MP. D’autant que ces cabinets conseils, dont les deux principaux sont Alma Consulting et Lowendal Masaï, sont de redoutables machines à produire des milliers de contentieux tous les ans contre la sécurité sociale. Ils gagnent à due proportion, selon la mode américaine, 30 % à 50 % des économies qu’ils font réaliser à leurs clients qui sont des entreprises de plus de 200 salariés. Cette manne a permis à Alma Consulting et à Lowendal Masaï d’afficher des résultats financiers hors normes. Tous les ans, le magazine L’Entreprise les classe parmi les cinquante entreprises les plus rentables de France.

Cette situation est d’autant plus choquante que ces deux cost killers sont détenus par des fonds LBO, c’est-à-dire des fonds d’investissements, investisseurs financiers privés qui gagnent de l’argent en attaquant la sécurité sociale. L’un de ces fonds est une filiale d’Axa Private Equity, filiale de l’assureur Axa, un autre a pour président M. Eisenberg, classé 163e fortune de France – je ne pense pas qu’il ait à se plaindre des gains qu’il touche sur le dos de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, allez-vous donner suite aux propositions du rapport Fouquet et mettre fin à une situation particulièrement choquante et surtout source d’évasion extrêmement conséquente pour la sécurité sociale ? Même s’il ne s’agit pas de fraudes, il s’agit, dans l’esprit, de gros détournements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. L’excellent amendement présenté par notre collègue Aurélie Filippetti reprend, en fait, ce que le gouvernement précédent avait prévu dans le cadre du plan Santé au travail 2005-2009, c’est-à-dire de demander aux partenaires sociaux de proposer une réforme de la tarification et de passer de l’incitation à la prévention, voire à la répression quand le principe de prévention n’était pas respecté.

Un argument supplémentaire devrait vous convaincre, mes chers collègues : quand les salariés travaillent dans de bonnes conditions, avec le respect des conditions de sécurité, la productivité de l’entreprise est augmentée, tout simplement.

(L’amendement n° 674 n’est pas adopté.)

Article 14

Mme la présidente. Sur l’article 14, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 14 concerne la contribution à la charge des entreprises pharmaceutiques. L’intitulé de l’article est simple et pourrait laisser penser qu’il n’est demandé qu’une seule contribution aux entreprises du médicament pour financer notre protection sociale. Alors que depuis plusieurs années, il est demandé une refonte des différentes taxes pour aller, d’une part, vers une simplification, d’autre part, vers la stabilité, la clause de sauvegarde et les autres contributions sont renouvelées d’année en année.

Madame la ministre de la santé, peut-on espérer cette année une réunion du comité stratégique et une clarification des diverses taxes ?

Nous attendons tous de nouveaux traitements contre des fléaux que sont les maladies dégénératives, les maladies infectieuses, paludisme, Leishmanioses, etc., et les maladies orphelines. Vous savez que la recherche et le développement sont de plus en plus onéreux et le principe de précaution n’arrange rien car tout traitement efficace a également des effets pervers. Il est donc nécessaire de favoriser la recherche et le développement pour découvrir les traitements innovants que nous attendons.

Je comprends votre souhait de développer les génériques pour faire des économies mais ce ne sont pas les génériqueurs qui découvriront demain les molécules innovantes.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Oh !

M. Jean-Luc Préel. C’est une réalité, monsieur le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Oui, mais les génériques sont tellement plus développés ailleurs qu’en France.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur Bur, quel est l’intérêt des génériques en dehors des économies réalisées ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. C’est déjà pas mal !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’intérêt, c’est de permettre d’injecter de l’argent dans les caisses de l’assurance maladie.

M. Jean-Luc Préel. Est-ce que les génériqueurs font de la recherche et du développement pour trouver les molécules innovantes dont nous avons besoin ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Oui !

M. Jean-Luc Préel. C’est un réel problème, monsieur le président du groupe d’études sur le médicament, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.

Madame la ministre, allez-vous simplifier les diverses taxes et contributions pour donner une plus grande visibilité et surtout une plus grande stabilité, nécessaires aux décideurs des entreprises pour investir ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le débat qui s’instaure au sein de la majorité montre bien qu’il s’agit d’une question difficile. Je souhaite qu’elle soit évaluée en fonction de l’importance de l’industrie pharmaceutique, notamment celle qui recherche, innove, investit et emploie de nombreux chercheurs sur quantités de sites en France.

Cette discussion devrait être nourrie par une réflexion de politique industrielle, une réflexion sur l’incidence sur notre commerce extérieur, qui a besoin d’être conforté. En France, nous savons que, dans ce secteur, les laboratoires qui cherchent consacrent une très forte proportion de leur budget recherche-développement à l’innovation. Ce sont des secteurs attractifs pour des chercheurs de haut niveau.

Malheureusement, le Gouvernement n’envisage pas de manière cohérente et pérenne cette question. Le CSIS n’a toujours pas été réuni autour du Premier ministre. Il semble que celui-ci soit très loin des préoccupations de politique industrielle, alors même que la création de ce comité stratégique auprès de Matignon prouvait qu’il s’agissait bien d’un secteur stratégique.

Nous allons être attentifs aux échanges entre la majorité et le Gouvernement sur ces questions et nous rappellerons l’importance, dans toutes les régions et départements concernés, de l’implantation des sites de production pharmaceutique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je voudrais, à l’occasion de l’examen de l’article 14, pointer un des aspects de la fameuse clause de sauvegarde et ses effets.

Dans le rapport de Catherine Lemorton, adopté à l’unanimité voici quelques mois, la MECCS abordait la fiscalité du médicament, en souhaitant que les taxes affectées à l’assurance maladie soient simplifiées et stabilisées, ou rendues plus structurantes.

La MECCS propose, pour rendre plus facilement applicable la contribution à la clause de sauvegarde de l’ONDAM – cela a été repris –, de la simplifier. Les entreprises ayant conclu une convention avec le comité économique des produits de santé sont exonérées du paiement de cette contribution. En contrepartie, elles doivent s’acquitter du paiement de remises conventionnelles. La contribution à la clause de sauvegarde de l’ONDAM est de rendement nul. Elle a perdu tout objectif de rendement. Aucune entreprise ne l’acquitte. Ce n’est plus qu’un dispositif incitatif, pour amener les laboratoires à contractualiser avec le CEPS. On peut donc s’interroger sur l’opportunité de monter le taux K à 1,4 %, car, compte tenu de la situation actuelle, non seulement le rendement sera nul mais l’incitation à la contractualisation sera érodée.

Mme la présidente. Les amendements n°s 253 et 260 peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour les soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai également l’amendement n° 260. Ces deux amendements sont identiques, mais ils concernent deux alinéas différents

Mme la présidente. Je vous en prie.

M. Jean-Luc Préel. Nous assistons à une multiplication de taxes applicables au secteur pharmaceutique à des fins conjoncturelles. Il serait donc souhaitable de parvenir à une simplification, une transformation de la taxation de l’industrie pharmaceutique en instrument structurel et pérenne afin de donner une plus grande transparence et visibilité aux entreprises pharmaceutiques. Il est proposé de le faire en replaçant une partie de l’instrument fiscal qui y échappe dans un cadre pluriannuel et global.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable. Le dispositif proposé complexifierait encore un système fiscal déjà suffisamment difficile à comprendre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je voudrais apporter quelques précisions concernant les interventions sur l’article.

Monsieur Bapt, M. le Premier ministre m’a confirmé que le CSIS se réunira dans les prochaines semaines.

Il ne faut pas opposer les économies réalisées grâce aux génériques aux efforts effectués pour parvenir à une meilleure gestion des soins, aux produits performants et à ceux issus de la recherche la plus pointue. Les économies réalisées grâce aux génériques nous permettront peut-être d’assumer les coûts de financement de produits extrêmement performants. C’est un point important.

J’ai déjà commencé à simplifier les taxes. Vous trouverez des dispositions pour la simplification des taxes AFSAAPS.

Il ne faut pas considérer que la clause de sauvegarde a échoué. Monsieur Mallot, si elle ne trouve pas à s’appliquer, c’est justement parce qu’elle a réussi.

(L’amendement n° 253 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 260 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je dépose cet amendement, probablement pour la dernière fois. Je souhaitais que l’on maintienne les termes « à titre exceptionnel » utilisés pour la contribution sur le chiffre d’affaires.

L’industrie du médicament est soumise à un système de contribution très diversifié : la taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires, les contributions sur les dépenses de promotion – qui commencent à porter leurs fruits, puisque à travers la charte pour la visite médicale mise en place entre l’industrie et le CEPS, nous voyons apparaître des résultats. Il n’est pas souhaitable que les professionnels de santé – les médecins en particulier – soient démarchés par plusieurs officines qui essaient de leur vendre une même spécialité. Il est nécessaire de moraliser le domaine des visites médicales.

Mme la ministre a également évoqué la contribution à la charge des entreprises non conventionnées. S’il existe peu de difficultés, c’est parce que beaucoup d’entreprises conventionnent. Cela montre bien que les relations entre les entreprises et l’administration sont bonnes. L’ensemble de ces contributions apporte 1 150 millions d’euros à l’assurance maladie. En outre, l’industrie du médicament, à travers la baisse des prix pratiquée après la réforme de 2004, a subi une contribution indirecte de 2 milliards d’euros. Cette somme a été économisée par une politique de gestion active des prix. Elle est plus importante que les résultats de la maîtrise médicalisée.

Ces contributions peuvent faire craindre une certaine illisibilité et instabilité, parce que nous avions pris l’habitude dans le passé, dès lors qu’il y avait un objectif de dépenses de médicaments trop important, de recourir à ces contributions.

Pourquoi l’industrie du médicament ne nous ferait-elle pas des propositions afin de trouver un mécanisme plus stable, plus lisible, plus durable, à recettes constantes et avec la même dynamique ? Ce pourrait être une des contributions au CSIS. Je me félicite qu’il puisse se réunir, afin que cette industrie, dont nous avons besoin en France en termes d’emplois et de prise en charge de qualité, puisse recevoir des messages clairs.

Votre proposition, madame la ministre, de supprimer la taxe AFSSAPS pour les essais cliniques montre que la France veut redevenir un pays où l’on met en place des essais cliniques, contrairement à la tendance de ces dernières années.

Monsieur Préel, la question des génériques doit être derrière nous. Nous devons rejoindre le peloton des pays qui ont une politique de génériques active. Les économies réalisées grâce aux génériques doivent d’abord profiter à l’assurance maladie, ce qui n’a pas été toujours le cas, pour des raisons historiques, partagées tant à droite qu’à gauche.

Les génériques permettent des économies, qui ne servent pas uniquement à diminuer les déficits. Nous avons toujours affirmé que les économies ainsi réalisées grâce aux génériques doivent être investies pour rémunérer les innovations, qui permettent de mieux prendre en charge les maladies graves. Les traitements contre le cancer sont particulièrement coûteux et la France est très accueillante pour l’ensemble de ces innovations. Notre pays se situe dans le peloton de tête, dans les trois premiers pays, en termes d’accueil, d’innovation en oncologie. Si nous voulons financer cela, nous devons faire des économies sur des médicaments anciens, qui peuvent être génériqués.

(L’amendement n° 60, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 328 tombe.

M. Roland Muzeau. Dommage !

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Nous en arrivons à des amendements portant articles additionnels après l’article 14.

Après l’article 14

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 515.

M. Jean Mallot. Cet amendement vise à privilégier le mécanisme de baisse de prix plutôt que celui des remises, pour réguler le marché du médicament.

Les industriels qui commercialisent des spécialités pharmaceutiques remboursées peuvent reverser à l’assurance maladie obligatoire des remises quantitatives.

Si les remises ne profitent qu’au régime obligatoire, la solvabilisation des dépenses remboursables est assurée, non seulement par l’assurance maladie obligatoire, mais aussi par l’assurance maladie complémentaire. Ainsi, lorsque ces remises portent sur des médicaments vendus avec ticket modérateur, elles constituent partiellement un transfert de charges invisible vers l’assurance maladie complémentaire ou le patient.

Or, depuis cinq ans, une augmentation importante du recours à ce mécanisme de régulation a été constatée. En effet, le montant des remises a quadruplé depuis 2002.

Par ailleurs, cette pratique comporte des effets pervers sur le marché du médicament : l’opacification de ce marché, qui résulte du décalage entre le prix facial – prix de la vignette –, base de remboursement des mutuelles, et le prix réel payé par l’assurance maladie obligatoire.

Elle entraîne des économies inférieures aux baisses de prix. Elle affaiblit la position du Comité économique des produits de santé : alors que les baisses de prix voient leur effet s’appliquer à toutes les ventes à venir de médicaments, les remises sont renégociées chaque année.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable. Le système de remises est bien rodé. Il est assez souple et permet de ne pas jouer directement sur la baisse de prix. Cela supposerait, chaque fois que le prix baisse, un réétiquetage, ce qui est une contrainte lourde.

Si ces remises ont beaucoup augmenté, c’est dans le cadre d’une négociation contractuelle, et c’est aussi parce que le taux K est relativement bas. Cela tient aussi à la volonté de maîtrise de la politique des médicaments.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J’aimerais que vous « documentiez » l’origine de vos informations sur le quadruplement du montant des remises. Les chiffres qui proviennent de mes services ne correspondent absolument pas aux vôtres. On note au contraire une stabilité en ce domaine.

Les baisses de prix et les remises sont deux outils de régulation. Les remises sont nécessaires dans le cadre des relations conventionnelles entre le comité économique des produits de santé et les laboratoires. Pour certains médicaments, il sera difficile d’obtenir l’équivalent des remises par l’intermédiaire des baisses de prix. Cela poserait des difficultés aux laboratoires pour comparer les prix au niveau européen, ce qui est un élément assez important à prendre en compte.

(L’amendement n° 515 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Les amendements nos 119 rectifié et 120 rectifié peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour les soutenir.

M. Lionel Tardy. Ces amendements ont trait à la promotion des médicaments et à l’information médicale.

L’information médicale pose problème en France. Actuellement, seuls, les laboratoires occupent ce terrain et leurs actions de promotion tiennent lieu d’information médicale dans beaucoup de cas. Cela passe par la présence, souvent jugée pressante, voire harcelante, des visiteurs médicaux. Nombre de médecins en sont exaspérés. Lors de mon dernier passage chez mon médecin traitant, j’ai vu un petit écriteau fixant des règles aux visiteurs médicaux : rencontres regroupées sur une demi-journée par mois et consacrées à une seule présentation par médicament ; éviction ferme de tout visiteur médical se présentant en dehors de ces créneaux ou promouvant un nouveau médicament déjà évoqué.

Les enjeux sont énormes, les laboratoires ne s’y trompent pas. Ils dépensent des sommes importantes, bien plus qu’ailleurs, pour occuper ce terrain et vanter les mérites, parfois très contestables, de leurs nouvelles molécules. On ne compte plus les études annonçant que tel ou tel médicament est sans effet thérapeutique significatif, sinon nocif. Pourtant, ces médicaments continuent à être prescrits car il n’existe aucune contre-expertise neutre.

Nous avons ici une source d’économies potentielles. En effet, le trou de la sécurité sociale est creusé, pour partie, par la consommation excessive de médicaments. En France, nous sommes champions en matière de consommation de médicaments sans pour autant que notre état de santé soit meilleur que celui de nos voisins.

Mes deux amendements ont pour but d’ouvrir le débat, car il est indispensable que nous ayons une politique volontaire de contrôle strict de la consommation de produits remboursés sur fonds publics. La sécurité sociale et l’État paient : il est normal qu’ils aient leur mot à dire et puissent intervenir à toutes les étapes, pas seulement en aval par des déremboursements de médicaments dont on constate, après coup, l’inefficacité. Très vite, ils sont remplacés par d’autres tout aussi inefficaces, mais remboursés et faisant l’objet d’une intense promotion auprès des prescripteurs.

Madame la ministre, nous disposons des outils appropriés, notamment la Haute autorité de santé. Il faut lui fixer d’autres ambitions et lui donner des moyens. Le secteur du médicament a besoin d’une véritable régulation publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je souhaite donner mon avis personnel sur ces deux amendements. M. Bur se chargera de donner l’avis de la commission.

Ne clouons pas au pilori, monsieur Tardy, l’industrie pharmaceutique. Nous avons besoin que celle-ci soit performante en matière de recherche et qu’elle découvre des molécules innovantes. Nous avons également besoin des entreprises pharmaceutiques sur tout le territoire, Gérard Bapt l’a rappelé, car elles représentent un gisement d’emplois important. Enfin, notre pays doit être attractif pour les entreprises pharmaceutiques étrangères.

Je pense, pour ma part, que l’industrie pharmaceutique est déjà soumise à beaucoup de règles et d’accords, avec le CEPS par exemple. Certes, il y a le problème de la promotion publicitaire, mais celle-ci fait l’objet d’une taxation, vous l’avez rappelé. De grâce, ne tombons pas d’un excès dans l’autre !

Sans promotion publicitaire – et je sais de quoi je parle –, il n’y aurait plus de presse médicale, qui joue un rôle important dans le cadre de la formation médicale, dentaire ou paramédicale.

S’agissant des visiteurs médicaux, vous savez que de grandes entreprises nationales ont été obligées de licencier jusqu’à 1 000 visiteurs médicaux.

M. Jean Mallot. Oui !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ils étaient peut-être trop nombreux, mais ces licenciements correspondent à une nouvelle politique de l’industrie pharmaceutique.

N’allons pas plus loin. La charte de la visite médicale existe et elle comprend un certain nombre d’accords. Bref, nous disposons des outils de régulation de la promotion publicitaire de l’industrie pharmaceutique.

À titre personnel, je ne suis donc pas favorable, monsieur Tardy, à vos deux amendements.

Mme la présidente. La parole est M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements même si je comprends bien les préoccupations de notre collègue Lionel Tardy. S’agissant de la presse médicale – Jean-Pierre Door vient d’apporter quelques éléments d’information –, nous en avons déjà débattu au moment de la mise en œuvre du dispositif de contribution sur la promotion, laquelle commence à être régulée. Nous devons poursuivre les efforts qui sont engagés dans un esprit volontariste et qui produisent des effets positifs, ce qui est une bonne chose.

Il est vrai que notre pays consomme beaucoup de médicaments. Nous dépensons environ trente euros de plus par personne que les Italiens, et cinquante euros de plus que les Allemands, pour un bénéfice qui n’est pas forcément supérieur. La politique de maîtrise médicalisée mise en œuvre par l’assurance maladie depuis un certain nombre d’années doit être poursuivie et amplifiée. Je souhaite que nous puissions valider chaque année les résultats qui sont inscrits dans les objectifs, publiés au Journal officiel. L’article 32 du projet de loi vise d’ailleurs à renforcer le contrôle du Parlement sur l’évolution de la maîtrise médicalisée, des objectifs que se fixe l’assurance maladie. Nous avons tout intérêt que la prescription soit une juste prescription. La polymédication pour les personnes âgées est un problème réel. Aussi bien les laboratoires que l’ensemble de la chaîne de distribution peuvent gagner très correctement leur vie en s’inscrivant dans la juste prescription. Le contraire n’est pas tolérable dans un système de santé très largement ouvert à l’innovation comme je l’ai rappelé tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je reviens d’un mot sur mon intervention précédente, car il est important de ne pas laisser circuler des contrevérités. Le montant total des remises est passé de 274 millions en 2000 à 359 millions cette année. En 2006, il s’élevait à 185 millions, car le taux K n’avait pas été atteint. Je vous invite donc à revoir vos sources, messieurs de l’opposition.

Cela étant, je suis opposée aux deux amendements de M. Tardy, qui soulèvent néanmoins de vraies questions sur lesquelles il faudra revenir.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Vous avez, à juste titre, posé la question de la formation médicale. Si l’on a laissé une certaine place à l’information diffusée par les laboratoires pharmaceutiques, c’est peut-être pour pallier un système de formation médicale continue des médecins insatisfaisant.

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé, en collaboration avec les médecins, à la mise en œuvre d’un certain nombre de dispositions, dont nous discuterons au moment de l’examen du projet de loi d’organisation du système de santé, visant à une simplification et à une optimisation du système tant pour la formation médicale continue que pour l’évaluation des pratiques professionnelles.

Vos observations, monsieur Tardy, y trouveront toute leur place. C’est la raison pour laquelle, je vous invite à retirer vos amendements.

Je vous indique également, à la suite du rapporteur, que des efforts notables ont été réalisés ; la charte de la visite médicale qui a été signée entre les laboratoires pharmaceutiques et le CEPS a permis de retenir quatre classes de médicaments justifiant une réduction du nombre des visites médicales et de fixer un rythme des baisses de ces visites sur trois ans. Il s’agit des anti-asthmatiques, des sartans, des statines et de la fluoroquinolone.

Le bilan pour 2007 est satisfaisant et montre que les objectifs ont été atteints pour les trois premières classes de médicaments, même si des progrès restent à faire.

Mme la présidente. Retirez-vous vos amendements, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Oui, madame la présidente.

(Les amendements n° 119 rectifié et 120 rectifié sont retirés.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 15

Mme la présidente. Sur l’article 15, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Les dispositions de l’article 15 tendent à un soi-disant rééquilibrage financier au prétexte que cela n’aurait pas été fait auparavant. En réalité, il s’agit bel et bien d’une nouvelle taxe qu’une partie de nos agriculteurs devra supporter.

L’article 15 prévoit en effet d’augmenter les droits de circulation des vins et spiritueux. Cette augmentation des tarifs des droits indirects sur les boissons et alcools est motivée par l’absence de variation depuis 1996. La dernière augmentation des tarifs des droits indirects applicables aux produits intermédiaires date de 1993, alors que ceux applicables au vin sont restés inchangés depuis vingt-cinq ans, la dernière hausse remontant à 1983.

La fiscalité sur les alcools étant assise sur les quantités, l’inflation a eu pour effet de diminuer la charge fiscale pesant sur ces produits, explique l’exposé des motifs. Autrement dit, les viticulteurs paient moins. Ce qui est totalement faux, comme je vais le démontrer.

Au vu du raisonnement précédent, les tarifs des droits indirects sur les alcools devraient être relevés chaque année du niveau de l’inflation constatée au titre de l’avant-dernière année, et ce à partir de l’année prochaine.

D’abord justifiée au regard de la santé publique et des dommages provoqués par l’alcool, cette augmentation aurait dorénavant vocation à financer le régime vieillesse déficitaire du secteur agricole. Des amendements de clarification fiscale ont d’ailleurs été déposés par certains de nos collègues. Il n’est, bien sûr, pas question de s’en prendre au régime des retraites agricoles.

Quelles que soient les raisons invoquées, cette augmentation de la fiscalité est très malvenue dans un contexte économique incertain, et elle sera très mal ressentie par le monde viticole. J’ajoute qu’une telle mesure me paraît contraire aux objectifs définis par le plan de modernisation de la filière adopté dernièrement par le Gouvernement.

Contrairement aux arguments avancés, cette augmentation ne s’élèverait pas à quelques euros par bouteille, mais bien à des milliers d’euros. Cela ferait donc peser sur de nombreux exploitants une charge difficile à supporter. N’oublions pas que le viticulteur est le seul agriculteur à être assujetti à un taux de TVA sur ses produits de 19,6 %, contre 5,5 % pour tous les autres produits agricoles.

Je prendrai un exemple concret pour illustrer mon propos. Un viticulteur produisant du pineau des Charentes avec un rendement de 27 hectolitres par hectare sur dix hectares, s’il doit supporter une augmentation de 3 % des droits, payera près de 3 000 euros de taxe supplémentaire, soit 60 000 euros. Ajoutez la TVA à 19,6 % – 11 000 euros de plus à débourser – et cela donne un total de 71 000 euros. L’instauration d’une telle survaleur fait tomber l’argument de la baisse du poids relatif de la fiscalité par rapport à l’augmentation des prix. Chaque fois que le prix d’un alcool augmente, la recette fiscale de l’État augmente également. Nous sommes très loin d’une petite augmentation indolore. En effet, une telle somme constitue une lourde charge financière pour les entreprises viticoles.

En outre, les viticulteurs font face à la mise en place d’une nouvelle réforme des contrôles en AOP dont ils assument le coût. Dès lors, l’augmentation des droits de circulation seraient d’autant plus mal vécue que ces mêmes droits servaient à l’origine à financer la politique de qualité et de contrôle des vins AOC.

Enfin, l’indexation de ces droits est contraire à la position défendue par la France en 2006 au niveau communautaire. Si une telle indexation était décidée, elle placerait la France et ses produits dans une position défavorable par rapport aux autres grands pays producteurs européens, qui pratiquent, quant à eux, le taux zéro, comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Il est à noter que Michel Barnier, lorsqu’il était commissaire européen, s’y opposait également. Madame la ministre, nous ne pouvons tenir deux positions antinomiques sur un tel sujet.

Il n’y a pas si longtemps, le Président Nicolas Sarkozy avait lui-même déclaré que renforcer la taxation du vin serait contre-productif, à l’heure du redressement de la filière, et ne lui paraissait pas opportun.

C’est pourquoi je vous inviterai, mes chers collègues, à adopter notre amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Cet article révèle une incohérence de la politique gouvernementale en matière de modération de la consommation d’alcool. Il vise en effet à augmenter la taxation des alcools alors que Mme la ministre s’apprête à autoriser leur publicité sur Internet. De deux choses l’une : ou bien le Gouvernement souhaite mettre en place une véritable politique de lutte contre l’alcoolisme et il va au bout de cette logique, ou bien il se contente de donner un coup à gauche, un coup à droite, ce qui n’est pas tenable, vous en conviendrez.

La filière viticole, que je connais bien, souffre aujourd’hui d’une crise qui a cessé d’être conjoncturelle pour devenir structurelle. Et il me paraîtrait plus opportun de poser le problème de l’accompagnement de cette filière que de renforcer la taxation. À cet égard, je souhaiterais que Mme la ministre nous précise la politique que le Gouvernement entend mener pour lutter efficacement contre l’alcoolisme, dont on sait qu’il fait de nombreux morts dans notre pays.

Une chose est sûre, l’augmentation de la taxation proposée dans l’article 15 ne peut constituer une politique de lutte. Les taxes sur les alcools et les tabacs n’ont jamais entraîné de baisse de consommation chez les personnes qui souffrent de ce type d’addiction. Le groupe socialiste continue donc de s’interroger sur l’utilité de cette mesure, qui ne nous paraît pas avoir de sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. J’aimerais associer Mme Pinville à cette brève intervention.

L’article 15 prévoit l’indexation des droits de circulation et de consommation sur l’indice des prix à la consommation. Mais une politique de lutte contre l’alcoolisme ne saurait être fondée sur ces bases. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une mesure de santé publique.

En outre, l’adoption d’une telle mesure ferait peser une charge supplémentaire importante sur les viticulteurs dans un contexte économique difficile, alors que les vins sont les seuls produits agricoles à être assujettis à un taux de TVA à 19,6 %, les autres l’étant à 5,5 %.

Par ailleurs, le secteur viticole est en train de réorganiser les appellations d’origine contrôlée, afin que les modalités en soient plus rigoureuses et l’application mieux contrôlée. Nous avons tous intérêt à ce que cette démarche aboutisse car, nous le savons, l’amélioration des produits viticoles va de pair avec une consommation plus respectueuse des limites que nous souhaitons imposer. Il y a une cohérence entre la marche vers la qualité et la lutte contre l’alcoolisme. Il importe donc de ne pas casser cette dynamique en faveur de la qualité des produits.

Enfin, une telle indexation rapporterait très peu à la collectivité alors qu’elle constitue une charge importante pour chaque viticulteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement de suppression n° 1.

M. Philippe Armand Martin. Je tiens à rappeler que l’augmentation de cette taxe risque de mettre en difficulté tout un pan de la viticulture française, qui est de grande renommée, notamment dans des régions en difficulté. Est-il besoin de rappeler à Mme la ministre que certains viticulteurs ne touchent pas plus que le RMI ? Ils ont des difficultés énormes à vendre leurs produits, ne sont pas beaucoup aidés et souffrent d’une concurrence déloyale de la part des autres pays producteurs. Cette augmentation serait donc malvenue. De plus, cette taxe servait à financer la politique de qualité AOC, aujourd’hui remaniée.

La viticulture était déjà en crise et elle le sera un peu plus cette année. D’un côté, le ministère de l’agriculture lui octroie des aides et, de l’autre, le ministère de la santé augmente ses taxes. Je dois dire que cela suscite notre incompréhension et j’aimerais que Mme la ministre nous apporte des éclaircissements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il est compréhensible que des représentants de circonscriptions viticoles déposent des amendements de suppression mais j’aimerais leur donner certaines informations.

Le montant des droits de consommation n’a pas évolué depuis 1996 pour les alcools et les bières, depuis 1993 pour les produits intermédiaires et depuis 1982 pour les vins. Le montant de la cotisation sur les alcools de plus de vingt-cinq degrés a, quant à lui, légèrement diminué depuis sa création en 1983.

En outre, l’indexation proposée – fondée sur l’indice des prix de l’année n-1 – ne rapporterait que 15 millions d’euros en 2009 pour les vins, ce qui permet de relativiser son impact sur la filière viticole. Cela représenterait 1 million d’euros supplémentaires pour 3,5 milliards de bouteilles vendues, soit 0,05 centime d’euro par bouteille.

M. Jean Mallot. Cela ne rapporte rien !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cela rapporte peu mais cela s’inscrit dans un mouvement d’indexation.

Pour les bières, la hausse du droit de consommation sera de 2 millions d’euros à rapporter à un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros.

Cela dit, monsieur Martin, je comprends l’impact symbolique que peut avoir une telle mesure, même si son impact économique est faible.

Nous restons convaincus de la nécessité de promouvoir la production viticole et sa qualité mais on ne peut ignorer certaines réalités. Nous sommes engagés dans une politique de santé publique qui nécessite des moyens supplémentaires. Chaque année, 60 000 personnes meurent à cause du tabac et 45 000 du fait d’une consommation excessive d’alcool.

Dans le cadre du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », Mme la ministre proposera des mesures de protection, notamment pour préserver les jeunes d’une alcoolisation précoce. Pour ma part, je présenterai un amendement visant à renforcer les taxes sur les alcools forts, beaucoup consommés par les jeunes, qui constituent le cœur de cible de notre politique de santé publique en ce domaine.

S’agissant de l’autorisation des publicités pour l’alcool sur Internet, avant que Mme la ministre ne s’exprime, j’aimerais préciser que ce sont avant tout les grands groupes de spiritueux qui en profiteront.

M. Pascal Terrasse. Nous sommes bien d’accord !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ils disposent en effet de gros budgets pour le marketing. Et la viticulture aura peu à gagner par rapport à la situation actuelle, notamment les petits producteurs. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je demande que cette mesure soit strictement encadrée mais je crois que vous avez déjà pris des engagements en ce sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il ne faut pas tout confondre. La remise à niveau de taxes n’ayant pas été actualisées depuis 1993 n’est pas destinée à mener une politique de santé publique de lutte contre l’alcoolisme.

M. Pascal Terrasse. Nous sommes contents de vous l’entendre dire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il s’agit, après de longues années, d’un remodelage justifié de la contribution de la filière viticole destiné à fournir des recettes supplémentaires à la sécurité sociale. À cet égard, je précise à M. Martin que ces sommes seront entièrement affectées aux retraites agricoles. Elles resteront dans la filière, ce qui me paraît être un élément important.

S’agissant de la politique de santé publique contre l’alcoolisme, monsieur Terrasse, monsieur Mallot, nous nous mobilisons tout particulièrement contre la consommation d’alcool chez les jeunes, chez qui nous observons de nouveaux comportements d’alcoolisation extrêmement inquiétants. On constate une diffusion de la pratique du binge drinking et une augmentation massive des hospitalisations liées à des comas éthyliques. Tout le monde a été, d’une manière ou d’une autre, confronté à ces drames du samedi soir ou du dimanche matin. Nous avons tous connu de pareils deuils dans nos circonscriptions quand ce n’est pas dans nos vies personnelles, ce qui est le cas, je le sais, de certains d’entre vous.

Je présenterai des mesures spécifiques dans le cadre du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Même si elles ont déjà fait l’objet d’une large communication, je tiens à les rappeler.

Il s’agit tout d’abord de l’interdiction totale de la vente de toute boisson alcoolique aux mineurs de moins de dix-huit ans.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bonne mesure !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La législation en vigueur était confuse, selon qu’il s’agissait de vente à emporter ou de consommation sur place. Désormais, il n’y a plus de problèmes : la vente est strictement interdite, quel que soit le circuit de distribution.

Il s’agit ensuite de l’interdiction totale des open bars, c’est-à-dire les ventes au forfait pratiquées par certains alcooliers, qui poussent à la consommation, notamment au binge drinking, avec des conséquences meurtrières pour les jeunes.

Il s’agit, par ailleurs, de l’interdiction de la vente de boissons alcooliques dans les stations-service, qui ne sont évidemment pas des lieux où la consommation d’alcool est recommandée.

Il s’agit enfin de l’information et de la mobilisation des personnels travaillant dans des magasins vendant des boissons alcooliques en vitrines réfrigérées, notamment à travers des formations pour lutter contre l’alcoolisme des jeunes.

S’agissant d’Internet, il faut savoir que la filière viticole française a considéré à juste titre que, du fait de la loi Evin, elle était victime d’une discrimination par rapport aux grands vendeurs d’alcool qui ont accès à ce circuit d’informations mondialisé. Cela paraît d’ailleurs logique puisque, lorsque la loi Evin a été publiée, en 1991, Internet n’existait pas.

Et comme les dispositions de la loi Evin relèvent d’une liste exhaustive et que tout ce qui n’était pas autorisé était interdit, la communication sur le vin sur Internet était donc interdite. Cela a entraîné une insécurité juridique très importante puisqu’une communication sur Internet a encore fait l’objet récemment d’une interdiction du tribunal de grande instance de Paris.

Il était donc évident que nos viticulteurs ne luttaient pas à armes égales en ce domaine. Aussi, j’ai réuni au ministère de la santé un groupe de travail pluridisciplinaire dans lequel siégeaient les associations spécialisées dans la lutte contre l’addictologie. Ces dernières ont reconnu que la situation actuelle n’était pas tenable et qu’il convenait de revoir la loi Evin. Internet doit faire partie des supports autorisés à la communication, laquelle doit être encadrée.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, et Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En tant que ministre de la santé, j’admets volontiers qu’Internet doit faire partie, comme la presse écrite ou l’information audiovisuelle, des supports autorisés, mais dans les conditions très strictes que j’ai posées : pas de publicité intrusive, pas de SPAM, pas de pop-up, interdiction totale aux sites destinés à la jeunesse, aux sites sportifs ainsi qu’à ceux qui font la promotion de l’éducation physique. Je veux aussi que les messages de santé publique qui devront figurer sur les sites d’information soient particulièrement adaptés à la communication internet. J’installerai un comité de suivi, au sein duquel siégeront les associations de lutte contre l’addictologie, qui examinera l’efficacité des mesures et la façon dont les choses se dérouleront pour pouvoir intervenir à tout moment au cas où la moindre dérive serait constatée.

Je crois que la position du Gouvernement en matière de lutte contre l’alcoolisme est très claire. Nous avons solidement installé notre politique de santé publique sur la sanction, l’interdiction, la prévention et l’information. Je rappelle d’ailleurs que s’il est prévu de durcir considérablement les sanctions, je souhaite que ces mesures soient accompagnées d’actions d’information, de prévention et de prise en charge. C’est ainsi que les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie ont maintenant vocation à s’occuper de l’addictologie alcoolique.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général et Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, nous reconnaissons volontiers que la politique de santé publique que vous menez avec le Gouvernement en matière de lutte contre l’alcoolisme, en particulier chez les jeunes, n’a rien à voir avec l’article 15 que nous examinons actuellement. Cela dit, et nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », il y a une forme de contradiction...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Non !

Mme Marisol Touraine. ...entre la volonté que vous défendez et que nous partageons tous, de lutter contre l’alcoolisme, en particulier chez les jeunes, qui prend des formes nouvelles, détournées et d’autant plus difficiles à combattre qu’elles échappent aux pratiques anciennes et traditionnelles de consommation de l’alcool, et les publicités sur Internet pour l’alcool que vous vous dites prête à accepter, certes de façon encadrée, au nom de la compétitivité économique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mais ces publicités existent déjà !

Mme Marisol Touraine. Ceux qui veulent acheter et consommer de l’alcool de façon traditionnelle, raisonnée et raisonnable, comme nous le faisons tous, ne passent pas par le circuit d’Internet. Ce sont surtout des jeunes, dont les habitudes culturelles nouvelles en matière de consommation d’alcool sont difficiles à combattre. Une forme de compétition s’installe entre eux, ils se lancent des défis. Ces jeunes vont sur Internet d’une manière qu’il est très difficile de contrôler et de maîtriser.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est pour cela que je les protège !

Mme Marisol Touraine. Aussi, je ne crois pas qu’en autorisant, même de manière encadrée, ces publicités...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Vous voulez les interdire ?

Mme Marisol Touraine. ...vous alliez dans le sens de la politique de santé publique dont, à ce stade, je veux croire qu’elle est effectivement la volonté du Gouvernement.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Alors, selon vous, il faudrait fermer les yeux sur une réalité qui existe déjà ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Nous venons de discuter des problèmes de santé liés à l’alcool, alors qu’il s’agit, à l’article 15, d’augmenter les taxes pour les transférer sur les régimes des non-salariés. Or il faut savoir que le monde viticole paie déjà, à travers la MSA, des sommes énormes.

Qu’allez-vous faire si vous les transférez ? Cela signifie que vous n’allez plus financer l’allégement de certaines cotisations sociales, notamment en faveur des saisonniers. Que vont-ils devenir ?

Je rappelle qu’à l’origine ces droits servaient à financer la politique de qualité des vins AOC que la viticulture prend en charge aujourd’hui. Si ces tarifs n’ont pas subi de variation depuis quelque temps, c’est bien que l’on savait que la viticulture était en crise. Avec la mesure que vous proposez, de nombreuses exploitations vont disparaître, faisant encore augmenter le chômage dans ce secteur.

M. le rapporteur nous explique qu’il s’agit d’une mesure symbolique. Dès lors qu’elle ne rapportera pas grand-chose, je ne vois pas à quoi elle sert si ce n’est qu’elle va peser sur les 90 % de petites exploitations viticoles que compte notre pays.

J’en viens maintenant à la publicité sur Internet. Je me félicite, madame la ministre, que ce problème puisse être examiné dans le cadre du projet de loi que vous allez bientôt nous soumettre. Je pense, comme vous, qu’il faudra l’encadrer, mais nous nous heurterons toujours au problème de la définition de la publicité. La presse du vin sera toujours sanctionnée, de même que l’est la viticulture, par des associations comme l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie, qui est grassement financée aujourd’hui puisqu’on lui verse 19 millions d’euros.

Je souhaiterais qu’une mission parlementaire soit mise en place afin de suivre les actions de cette association pour l’aider dans cette tâche délicate de prévention des jeunes contre l’alcool. J’avais fait une demande auprès du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales qui ne m’a toujours pas répondu. Aussi, je souhaiterais savoir comment il est possible d’aider ces jeunes qui sont touchés par l’alcool.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je crois qu’il faut regarder le monde tel qu’il est : les communications sur les boissons alcooliques sont déjà massivement sur Internet.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En sortant de cet hémicycle, je vous invite à taper sur Internet le mot « vin » : vous verrez déferler la communication de détaillants du monde entier.

Pour ma part, je souhaite encadrer pour protéger. Et je vous signale, du reste, que Claude Evin m’a apporté son soutien dans la démarche que je mène. Du fait de la législation actuelle, les viticulteurs sont menacés par cette insécurité juridique et les grands moteurs de recherche ne veulent plus référencer les sites des viticulteurs français qui seront, dans un environnement totalement mondialisé, les seuls à ne pas pouvoir communiquer sur Internet.

Aussi, je veux lever cette insécurité juridique, afin que les viticulteurs puissent communiquer comme tous les autres, mais dans les conditions drastiques de santé publique que je fixe. Finalement, c’est moi qui protège la santé publique avec cette démarche !

Madame Touraine, ne faites pas comme s’il n’y avait pas de publicité pour l’alcool sur internet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 1 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Denis Jacquat. Les droits d’accises sur la bière, boisson de catégorie 2 comme le vin et le cidre, produisent 312 millions d’euros an répartis sur quelques dizaines d’entreprises. Il est prévu une indexation sur l’inflation constatée l’avant-dernière année. Or cette augmentation s’appliquera sur une activité économique en déclin et sur des entreprises actuellement en difficulté.

Il est plus coûteux de répartir plus de 300 millions d’euros sur soixante-douze brasseries, dont quatre d’entre elles acquittent les trois quarts de la somme, que de répartir 116 millions des droits sur le vin sur plusieurs milliers de producteurs.

Dans les années soixante-dix, il y avait 20 000 emplois industriels, 12 000 dans les années quatre-vingts et un peu plus de 3 000 aujourd’hui ; 92 000 actifs dont 15 000 agriculteurs producteurs d’orge et 66 000 personnes en café-hôtel-restaurant vivent de la filière brassicole, contre 160 000 il y a vingt ans ; 350 cafés ont fermé depuis le début de l’année, soit 50 % par rapport à 2007.

Par ailleurs, la consommation de bière a reculé de 30 % en trente ans, dont 4,5 % de 2007 à 2008, soit 1,8 % en grande distribution et 12 % dans les cafés-hôtels-restaurants. C’est pourquoi il serait économiquement et socialement sage de supprimer cette indexation automatique, d’autant que la bière n’est pas le produit le plus impliqué dans les préoccupations du moment, c’est-à-dire le binge drinking.

M. Roland Muzeau. Et les prémix !

(L’amendement n° 7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 607.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement vise à ajuster la fraction du produit du droit sur tabacs affectée à la compensation des allégements généraux compte tenu de l’affectation du produit de l’ensemble des droits sur les alcools au régime des non-salariés agricoles.

L’amendement n° 608, quant à lui, appartient à la série d’amendements qui affectent l’ensemble des droits sur les alcools au régime des non-salariés agricoles.

Je voudrais simplement rappeler que les cotisations de ces régimes représentent moins de 20 % de leur couverture sociale. Le fait d’affecter les droits sur les alcools me paraît cohérent et logique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 607 ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. L’adoption de l’amendement n° 608, auquel, du reste, je crois savoir que le Gouvernement n’est pas favorable, représenterait un rattrapage de 23 % de la taxe de sécurité sociale concernant les seuls spiritueux, soit une augmentation de 0,30 par litre. Or, alors que ces produits ne représentent que 22 % de la consommation d’alcool en France, ils supportent déjà 82 % de la fiscalité spécifique, ce qui est énorme.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Dans le cadre du congrès de Reims, je propose le champagne ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur Tian, nous avons commencé dans un article précédent à réaffecter les droits sur les alcools : nous continuerons à le faire.

(L’amendement n° 607 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 608.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. J’ai déjà dit un mot de cet amendement auquel M. Tian a réagi.

Je tiens seulement à ajouter que les droits sur les alcools forts n’ont pas été réévalués depuis 1993. Or ce sont ces alcools, et non pas le vin, en effet, monsieur Martin, que les jeunes consomment dans leur nouveau comportement d’alcoolisation – Mme Bachelot a évoqué le binge drinking. C’est la raison pour laquelle je vous propose une augmentation des droits sur les alcools forts qui rattrape une partie seulement – même pas la moitié – des droits perdus depuis 1993 ; cela apportera quelque 80 millions de recettes supplémentaires à l’assurance maladie, ce qui est loin d’être négligeable par ces temps difficiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable.

M. Pascal Terrasse. Pourquoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Comme l’examen de plusieurs amendements le révèle, il me plaît de constater que certains députés de l’UMP font désormais référence à la hausse des prix pour procéder à différentes actualisations, en l’occurrence la hausse des taxes. Pourquoi, demain, ne pas actualiser les salaires dans le même sens ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Un débat a déjà eu lieu sur le vin et on a évoqué une crise économique sans précédent pour les viticulteurs. Mme la ministre nous a expliqué à juste titre que l’article visant à créer une taxe sur l’alcool n’était pas inscrit dans une logique de santé publique mais de taxation du monde viticole en particulier.

Alors que notre rapporteur présente un amendement complémentaire visant à taxer les alcools forts, qui sont consommés très souvent le vendredi et le samedi soir, et que chacun connaît les drames que cette alcoolisation entraîne sur les routes, je ne comprends pas que Mme la ministre ne le soutienne pas. On a évoqué précédemment le chiffre de 1 million d’euros : il s’agit ici de 80 millions d’euros ! La position du Gouvernement est incohérente. C’est la raison pour laquelle je demande à Mme la ministre de bien vouloir s’expliquer sur l’avis du Gouvernement, à moins qu’elle ne cherche à défendre le cognac, dont la zone de production n’est guère éloignée de sa région. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les socialistes, quant à eux, ne sont pas là pour défendre le champagne, contrairement à ce qu’a laissé entendre Mme Bachelot, même si nous estimons qu’il est important de se faire bien voir à Reims dans trois semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je comprends au contraire très bien Mme la ministre puisque, je le répète, seuls les spiritueux seront, encore une fois, surtaxés !

M. Pascal Terrasse. Il le faut !

M. Dominique Tian. On peut leur reprocher tous les malheurs du monde, mais ce n’est pas en pénalisant systématiquement ce type d’alcool qu’on résoudra le problème de l’alcoolisme. Boire un petit verre relève de la convivialité. Ce que je vous reproche, monsieur Bur, c’est de prévoir des mesures excessives. Pourquoi pas des taxes de 500 % ? Allez jusqu’à interdire l’alcool ! Supprimez donc tout ! Vous êtes dans l’excès : voilà ce que nous ne pouvons pas accepter.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Mais non !

M. Dominique Tian. C’est vrai que les spiritueux sont responsables de drames. Mais ils ne sont pas les seuls. Consommer une bouteille entière de vin rouge est plus mauvais que boire un demi-verre de pastis !

M. Roland Muzeau. Vous défendez Ricard !

M. Dominique Tian. Vos amendements sont excessifs : nous ne pouvons pas les soutenir !

Je le répète : les spiritueux sont déjà très taxés.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est 12 % d’augmentation !

M. Dominique Tian. Non, c’est 23 % d’augmentation, monsieur Bur.

Vous êtes investi d’une mission, chacun l’a senti depuis quelques années, mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès.

(L’amendement n° 608 est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Après l’article 15

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 609 et 514, portant articles additionnels après l’article 15.

Ils peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour soutenir l’amendement n° 609.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement s’inscrit dans la suite des amendements visant à réaffecter les taxes sur les alcools et les tabacs.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n° 514.

M. Gérard Bapt. L’amendement n° 514 vise à actualiser en fonction de l’inflation les minima de perception applicables aux cigarettes et aux tabacs fine coupe, destiné à rouler des cigarettes.

L’inflation constatée étant de 3,1 % depuis la dernière augmentation du prix des cigarettes, l’amendement vise à augmenter les minima de 3,2 %.

La philosophie de l’amendement de M. Bur est différente et je ne comprends pas cette discussion commune.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 514 ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je tiens à rappeler que cet été les fabricants de cigarettes ne sont pas arrivés à se mettre d’accord sur une augmentation du prix des cigarettes. On a le sentiment que se prépare, comme il y a cinq ans, une guerre des prix, qui risque de faire baisser le prix du paquet. À l’époque cette guerre avait été le signal du vote à l’Assemblée d’une augmentation des taxes de plus de 40 %.

Afin d’éviter un risque de concurrence effrénée, l’amendement n°609 vous propose de relever les minima de perception. Cette mesure garantira les recettes de l’État en provenance des taxes sur les tabacs tout en préservant celles des buralistes, auxquelles nous nous efforçons de veiller. Il y a cinq ans, en effet, les minima de perception que j’avais proposés et qui tendaient à protéger les buralistes n’ont pas été votés, ce qui a engagé un processus qui leur a été défavorable durant un certain temps. Il s’agit désormais de prendre les devants et de rappeler les fabricants de cigarettes à leurs obligations. C’est là encore une question de santé publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable. En effet, si l’augmentation du prix du tabac est évidemment une excellente façon de lutter contre le tabagisme, nous avons toutefois déjà pris des mesures en ce sens,…

M. Dominique Tian. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …plus 6 % sur les cigarettes et, pour ce qui est du tabac à rouler, près de 20 % : plus 10 % en août 2007 et plus 9 % en août dernier. Nous avons donc déjà largement utilisé cette possibilité de lutter contre le tabagisme. Je demande par conséquent une pause en ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 609 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 514 n’est pas adopté.)

Article 16

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 16.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet article tend à supprimer le FFIPSA.

Le Fonds de financement des prestations sociales agricoles avait succédé au BAPSA – le budget annexe des prestations sociales agricoles –, qui était équilibré par une subvention versée chaque année par l’État. Lors de la création du FFIPSA, l’État avait suspendu le versement de cette subvention, d’où des difficultés financières, avec un déficit cumulé de 7,5 milliards d’euros.

Éric Woerth, interrogé l’année dernière à plusieurs reprises sur le sujet, avait assuré qu’il prendrait en compte ces déficits et s’était engagé à régler le problème, ce qui est fait cette année, l’État reprenant ces 7,5 milliards d’euros, avec affectation de la totalité de la taxe sur les véhicules à la CNAM pour 1,1 milliard.

Les dépenses maladie sont donc adossées à la CNAM et financées. Les dépenses famille le sont déjà. Mais qu’en est-il des dépenses retraite ? Les droits et prestations sont d’ailleurs fort différents entre les retraites agricoles et celles du régime général. Quel est l’avenir du régime agricole, qui a deux avantages par rapport au régime général : d’une part, il est en principe géré au plan national et au plan local par des conseils d’administration élus ; d’autre part il existe un guichet unique pour la santé, la famille, les retraites et les maladies professionnelles ?

Il est vrai que le régime agricole est confronté à un problème démographique majeur puisque les actifs diminuent rapidement alors que les ayants droit ont augmenté. Du reste, comme l’a rappelé Yves Bur, les cotisations n’assurent que 20 % des dépenses.

Madame la ministre, quelles sont les perspectives pour le régime agricole ?

Je vous demande également de bien vouloir remercier Éric Woerth d’avoir tenu ses promesses de l’an dernier.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous prenons acte de la décision du Gouvernement car elle permet aux députés de la majorité de sortir d’une situation embarrassante : en effet, lorsque la MSA nous invitait, tous les ans, à entendre l’exposé sur la situation du FFIPSA, ils n’arrivaient pas à déboucher sur une solution radicale. Cette solution est enfin arrivée. On peut toutefois regretter qu’en matière de frais financiers encourus par le FFIPSA ce règlement radical ne soit pas intervenu plus tôt !

M. Woerth n’est pas là, c’est dommage car, à l’occasion de la suppression du FFIPSA, je lui aurais de nouveau demandé de nous donner des informations sur le devenir de la CADES : est-elle assurée de mourir de sa belle mort, son extinction étant inscrite dans les chiffres, ou, comme pour le FFIPSA, et conformément à certaines propositions du ministère du budget, pourrait-elle être intégrée dans la dette publique ?

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 16.

Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n° 665, de M. Bur.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

Monsieur Préel, notre décision est claire. La branche maladie est intégrée financièrement à la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. La pérennité du financement en est donc garantie, comme c’est déjà le cas pour le régime des salariés agricoles. Ainsi, en cas de déséquilibre entre les recettes et les dépenses de la branche maladie, l’ajustement porte sur la CNAMTS.

Je souhaite enfin rassurer les parlementaires : les prestations et les cotisations des agriculteurs resteront bien gérées par les caisses de la mutualité sociale agricole. Il existe une sorte de « culture MSA » à laquelle les agriculteurs tiennent beaucoup,…

M. Pascal Terrasse. Nous aussi, nous y tenons beaucoup !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …et je souhaite les rassurer sur le fait qu’il ne sera pas porté atteinte à l’intégrité de leur réseau.

(L’amendement n° 665 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 625.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour l’équilibre général et les recettes. La commission a émis un avis favorable à cet amendement qui vise à affecter la totalité des droits sur les alcools au régime des non-salariés agricoles.

(L’amendement n° 625, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n° 666, présenté par M. Bur.

(L’amendement n° 666, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 626.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cet amendement s’inscrit dans la suite de ceux relatifs à l’affectation des droits sur les alcools.

(L’amendement n° 626, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 64 de la commission.

(L’amendement n° 64, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 16, amendé, est adopté.)

Après l’article 16

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 65 rectifié, portant article additionnel après l’article 16.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Autant par souci de simplification et de clarté que par volonté de respecter la spécificité de la nature assurantielle des cotisations à la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui doivent inciter toutes les entreprises quelles qu’elles soient et quels que soient les salariés qu’elles embauchent – en intérim, en formation ou en insertion – à protéger la santé de ceux-ci, il est proposé de mettre fin à l’exonération mise en place l’an dernier au cours de l’examen de la loi de finances rectificative, alors que nous avions déjà voté ce principe.

La commission a donc adopté cet amendement, même si le Gouvernement a une autre approche.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En effet, monsieur le rapporteur, le Gouvernement considère que cette exonération se justifie tout particulièrement : elle concerne un nombre très limité de personnes. En outre, les groupements d’employeurs assurent vraiment une mission spécifique de formation, d’intégration d’un public en difficulté au marché du travail.

Ainsi, 107 groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification permettent l’accès à un emploi durable de plus de 70 % des 4 500 personnes qu’ils accueillent chaque année. La fragilité économique bien connue de ces groupements et les publics en difficulté qu’ils recrutent ont motivé cette exonération. Nous souhaitons donc maintenir l’exonération spécifique de la cotisation ATMP dont ces groupements bénéficient.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je me réjouis des propos que vient de tenir Mme la ministre.

Néanmoins, au-delà de l’amendement qui porte sur la question spécifique des groupements d’employeurs de jeunes en situation d’insertion, je souhaite interroger le Gouvernement sur les suites qu’il a données à l’exonération – votée l’année dernière dans le cadre du PLFSS – des cotisations ATMP de structures comme les chantiers d’insertion.

Sur le principe, personne ne peut s’opposer à l’existence d’une contribution au titre des accidents du travail potentiels puisque, y compris pour les chantiers d’insertion qui emploient des personnes en situation de fragilité à la recherche d’un emploi, il est important que toutes les solutions à même d’éviter les accidents du travail soient mises en œuvre.

Il n’empêche que la suppression de cette exonération a fait peser une charge nouvelle sur des structures d’insertion qui jouent un rôle social dont l’importance va s’accroître encore dans les mois à venir, compte tenu de la situation économique.

À l’époque, le Gouvernement avait indiqué qu’il avait l’intention de compenser cette suppression d’exonération par la subvention accordée aux structures d’insertion. Les chantiers d’insertion et autres structures concernées ont donc tablé sur des contributions supplémentaires de l’État. Le Gouvernement avait confirmé cette volonté dans ses réponses aux questions écrites posées par certains de nos collègues. Ainsi, au mois d’avril dernier, en réponse à M. Derosier, le Gouvernement s’est engagé, tout en préservant l’objectif de la nouvelle disposition de responsabilisation, à modifier les modalités de calcul de l’aide de l’État liée aux contrats conclus par les ateliers et chantiers d’insertion, afin d’intégrer dans l’assiette de calcul de l’aide les cotisations ATMP.

Or, depuis le mois d’avril, rien n’a été fait, au point que j’ai moi-même posé une question au Gouvernement. Je trouve inquiétant que, dans la réponse que j’ai très rapidement obtenue de la part du ministère de l’économie, toute mention à la compensation de l’exonération ATMP par le Gouvernement ait disparu. Comme nous, les milieux d’insertion sont quelque peu préoccupés puisqu’ils attendaient jusqu’à maintenant avec une relative confiance une compensation par l’État de la suppression de cette exonération, et ils se demandent aujourd’hui si cette mesure verra ou non le jour. Nous avons donc besoin d’informations et de précisions.

Je reconnais, madame la ministre, qu’il ne s’agit pas là de votre domaine de compétences et que vous vous trouvez donc dans une situation difficile. Aussi comprendrais-je parfaitement que vous réserviez une réponse que nous n’en attendons pas moins : encore une fois, le Gouvernement a pris des engagements : nous demandons qu’ils soient tenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pour moi la réalité est simple : les chantiers d’insertion bénéficient de taux particuliers de cotisation ATMP. Quand ils emploient, ils bénéficient de contrats aidés, bien entendu. La prise en charge des cotisations ATMP relève de l’État mais, en effet, je demanderai confirmation à Éric Woerth qui vous répondra dès qu’il sera de retour de sa réunion avec le Premier ministre.

M. Gérard Bapt. Viendra-t-il avec de bonnes nouvelles ?

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’irai dans le sens de Mme la ministre. Monsieur le rapporteur, je ne peux qu’être sensible à votre préoccupation de simplification ainsi qu’à votre volonté de cohérence. Je me bats moi-même pour cela. Toutefois, quid sur le fond ? J’aimerais que l’on parle un peu de ces groupements d’employeurs organisant des parcours d’insertion et de qualification.

Il s’en trouve justement un dans ma circonscription, en Haute-Savoie, qui œuvre dans les métiers du bâtiment. Il réalise un travail remarquable pour l’insertion : 75 % des stagiaires trouvent un emploi à l’issue de leur contrat de qualification. Il joue un rôle doublement utile car le marché de l’emploi est tendu dans le secteur du bâtiment, qui exige des personnels qualifiés.

L’exonération en vigueur permet de donner un petit coup de pouce à ces structures et, au vu de la crise qui s’annonce, le moment ne paraît pas opportun de leur retirer un soutien que l’on vient à peine de leur donner et qui se justifie.

Ces dernières années, les agences d’intérim et ces groupements d’employeurs avec parcours d’insertion puisaient dans le même vivier, celui des personnes sans qualification. Mais les règles de calcul des cotisations sociales accidents du travail et maladies professionnelles, justement celles dont sont exonérés les groupements d’employeurs, ne sont pas les mêmes et défavorisent les groupements d’employeurs par rapport aux agences d’intérim. Cette exonération permet donc de rétablir un équilibre et de ne pas pénaliser les groupements d’employeurs.

Si je plaide pour la simplification, je suis également attaché au maintien des engagements de l’État. Il ne s’agit pas d’accorder une mesure en 2007 pour la supprimer en 2008. De plus, le chef de l’État vient d’annoncer une relance des contrats aidés et de toutes les initiatives visant les emplois des personnes les plus fragiles, notamment les jeunes et les seniors.

M. Roland Muzeau. Vous trouvez toutes les vertus aux contrats aidés depuis le début de la crise alors que vous n’aviez pas de mots assez durs contre eux auparavant !

M. Lionel Tardy. Il me semble que ces groupements d’employeurs participent à cette mission sur les contrats de professionnalisation qui ne concernent que les moins de vingt-six ans et les plus de quarante-cinq ans. Bien entendu, la meilleure solution reviendrait à concilier ces deux logiques : simplifier, mettre en cohérence, tout en préservant l’aide à ces groupements d’employeurs.

Si une autre solution est proposée, pourquoi pas ? Mais la question de fond doit être traitée. Je souhaite donc, monsieur le rapporteur, le retrait de votre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur Tardy, personne ne méconnaît l’importance du service rendu par ces groupements d’employeurs. Seulement, l’an dernier, un peu plus d’un mois avant d’avoir mis en place cette nouvelle exonération, nous venions, ici même, lors de l’examen du PLFSS, d’affirmer l’intangibilité de la cotisation ATMP parce qu’elle revêt ce caractère assurantiel qui doit encourager la prévention.

Mme Touraine, et elle a raison, vient de souligner que les entreprises d’insertion qui accompagnent un public bien plus difficile encore que les groupements d’employeurs, sont pour leur part soumises à des cotisations ATMP.

Nous sommes donc incapables de respecter certains principes dans la durée, ce qui a pour effet d’aggraver la complexité du droit social et d’ouvrir la voie à de nouvelles revendications. Tout cela n’est pas très sain et cet amendement visait à y remédier.

Cela étant, puisque le Gouvernement le souhaite, je retire cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Bravo !

(L’amendement n° 65 rectifié est retiré.)

Article 17

Mme la présidente. Nous en venons à l’article 17.

Je suis saisie d’un amendement n° 627 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général Il convient de transposer au régime agricole le principe d’interdiction des exonérations ciblées au titre des accidents du travail. Cet amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur, quand vous faites référence à l’interdiction d’une exonération totale, cela laisse penser qu’il peut exister une exonération partielle. Dans ce cas, quelles compensations prévoyez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il peut y avoir des modulations.

M. Roland Muzeau. Toujours compensées à l’euro près ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Oui !

(L’amendement n° 627 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Après l’article 17

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 628, portant article additionnel après l’article 17.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Il s’agit d’exonérer les grossistes-répartiteurs du paiement de la C3S pour la part du chiffre d’affaires qui dépasse la marge de 400 euros. En effet, la marge des grossistes-répartiteurs a été plafonnée à 400 euros. Il me semblait dès lors normal de les exonérer de la contribution sociale de solidarité sur cette partie du chiffre d’affaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Je rappelle, monsieur le rapporteur, que le législateur a déjà aménagé les règles d’assiette pour les grossistes-répartiteurs. Et le chiffre d’affaires sur lequel porte la contribution due par les grossistes est déjà exclu de l’assiette de la C3S. Cela revient à exclure de l’assiette la partie du prix du médicament inférieure à 150 euros. Il n’est pas opportun d’aller d’au-delà.

En outre, votre amendement aurait un coût, 1,5 million d’euros, qui est difficilement compatible avec l’état des finances de la protection sociale.

M. Pascal Terrasse. Quel argument !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est un argument que je veux bien retirer. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L’amendement de M. Bur relaie les préoccupations d’entreprises qui ont déjà fait de gros efforts de concentration au cours des dernières années. Il mériterait d’être pris en considération, surtout si son coût est celui que vient d’indiquer M. le ministre.

Les grossistes-répartiteurs offrent un service de proximité, et un service rapide. Alors que l’on souhaite favoriser l’hospitalisation à domicile et le maintien à domicile, je pense qu’il s’agit d’un argument à considérer si l’on veut éviter que la concentration soit telle que les frais de transport dus aux distances aboutissent, comme je l’ai constaté dans ma propre commune, à restreindre sans arrêt les possibilités de dessertes et de tournées.

(L’amendement n° 628 est adopté.)

Mme la présidente. Levez-vous le gage, monsieur le ministre ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Oui.

Mme la présidente. L’amendement n° 628 est donc adopté modifié.

Article 18

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 18.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sur cette question de la prime transport, mon avis est assez partagé. C’est un engagement fort du Président de la République. Notre élection en tant que parlementaires de la majorité étant liée à l’élection de Nicolas Sarkozy, nous sommes également liés par ses promesses.

Cela dit, il faut mettre en place cette mesure de manière intelligente. La situation n’est pas la même partout en France. Toutes les entreprises n’ont pas la même capacité à financer ce dispositif.

Il faut donc éviter, comme cela a été fait pour les 35 heures, de mettre tout le monde sous la même toise de manière autoritaire. Sur ce sujet, sans renier les objectifs, je crois que la bonne méthode est de laisser les partenaires sociaux négocier, quitte à leur fixer une date butoir au-delà de laquelle l’Etat prendra ses responsabilités, pour reprendre la formule consacrée.

Cela serait pleinement cohérent avec la politique de rénovation du dialogue social menée depuis 2007.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Avec cet article 18, une taxe vient s’ajouter à deux autres taxes.

En effet, d’une part, nous avons adopté une taxe sur la participation en début d’après-midi. C’est donc quelque chose de plus qui s’impose aux entreprises, en tout cas les plus vertueuses, celles qui ont signé des accords de participation ou qui ont participé à la retraite de leurs salariés.

D’autre part, il y a aura bientôt une pénalité de 1 % pour ceux qui n’auraient pas signé d’accord pour l’emploi des seniors.

J’ajoute que cette nouvelle taxe n’est pas issue d’un accord entre les partenaires sociaux, puisque, comme vient de le dire Lionel Tardy, ceux-ci ne se sont pas mis d’accord. On dira plutôt que c’est un geste envers certains syndicats que le Gouvernement souhaite faire.

Cette nouvelle taxe va toucher tous les employeurs de France, pas seulement les chefs d’entreprise ou les grandes entreprises. Tous ceux qui emploient une personne devront la payer, sur l’ensemble du territoire national. C’est donc une mesure assez forte.

Je ne vois pas ce qu’elle apporte en termes de pouvoir d’achat. Chacun sait que la prime transport ne fait que déplacer le problème, puisqu’elle sera évidemment répercutée sur les prix pratiqués par les entreprises. Il y a donc toujours quelqu’un qui paie à un moment ou à un autre.

Ensuite, je ne pense pas que cette taxe soit bien conforme au Grenelle de l’environnement. A priori, il me semble que rembourser des frais de carburant n’est pas vraiment dans l’esprit de ce qui a été voté il y a quelque temps.

Mme Martine Billard. Vous avez mal lu l’article 18 !

M. Dominique Tian. Je rappelle également que les entreprises, y compris celles de province, financent déjà très largement, à travers le versement transport, les transports collectifs, à hauteur d’environ 3,7 milliards d’euros, ce qui est déjà tout à fait considérable.

J’avoue ne pas très bien comprendre l’intérêt de cette taxe.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Au contraire, j’ai compris, moi, l’intérêt, non pas de cette « taxe », mais de cette disposition qui vise à répondre à un besoin réel et à corriger une injustice criante.

Besoin réel, parce que, comme l’a démontré le Grenelle de l’environnement, il convient de développer l’utilisation des transports en commun. C’est une question de bon sens, mais aussi de protection de la planète, des ressources et de la qualité du transport.

En outre, cela permettra probablement d’économiser, pour les transférer sur d’autres modes de transports – urbains, périurbains ou autres –, les sommes colossales qui sont aujourd’hui affectées à la route. Selon les informations dont nous disposons, il semblerait que les plans de relance qui se concoctent actuellement donnent une place prépondérante, à nouveau, au secteur routier, et ce alors que les projets de tramway ou de transport en site propre souffrent cruellement de l’insuffisance de l’investissement et de la participation de l’État.

Quand cette disposition a été annoncée par le Premier ministre à grands renforts d’interviews et de déclarations, nous avions été quelque peu surpris : enfin une mesure qui, outre qu’elle est une mesure de bon sens, aura une efficacité certaine, du moins dans l’un de ses deux aspects. En effet, elle étend à l’ensemble du territoire national ce qui existe déjà pour l’Île-de-France.

Toutes les organisations de transport collectif urbain, que ce soit en Île-de-France ou en province, bénéficieront de cette disposition, tout comme les usagers. Mais les entreprises en seront elles aussi bénéficiaires, car l’amélioration des dessertes renforce l’attractivité des territoires, et donc celle des entreprises.

M. Patrick Roy. Très juste !

M. Roland Muzeau. Nous soutenons donc cette mesure extrêmement importante.

La seconde mesure contenue dans cet article est un peu plus aléatoire, reconnaissons-le, puisqu’elle est laissée à la discrétion des employeurs. Elle est soumise au fameux « dialogue social » : on imagine bien qu’il n’y aura pas beaucoup de lieux où cette prime de 200 euros sera versée.

Si cet article n’offre pas de solution miracle, il est au moins un début de réponse au problème que constituent, d’une part, la cherté des carburants, et d’autre part, l’obligation où se trouvent certains salariés d’utiliser leur véhicule personnel pour se rendre à leur travail.

Ces deux dispositions ont donc un intérêt évident.

En outre, il faut souligner, chers collègues de la majorité, que vous devriez tirer les conséquences des dispositions que vous avez votées récemment. Je pense à l’obligation pour un chômeur d’accepter un emploi situé à deux heures de son domicile, sous peine de voir suspendu le versement de ses indemnités de chômage.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Quand on impose de tels trajets, y compris pour des emplois mal payés et dont les horaires sont tellement atypiques qu’on a du mal à les pourvoir, on ne peut pas ensuite refuser une disposition telle que celle qui est contenue dans l’article 18.

Cela étant, il y a une solution préférable à cette prime de 200 euros : c’est l’augmentation des salaires. Elle aurait un double mérite, puisque, outre son caractère pérenne, elle donnerait lieu à cotisations sociales. Cela permettrait, aussi bien pour les retraites que pour l’assurance maladie, d’alimenter les comptes sociaux, qui en ont bien besoin. L’augmentation des salaires aiderait les salariés, qui ont à assumer des charges de transport bien supérieures à ce qui est acceptable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article 18, les 17,7 millions de Français qui, chaque jour, se déplacent pour se rendre à leur travail, parcourent, en moyenne individuelle, 52 kilomètres.

Les salariés ont besoin d’aller travailler, mais les entreprises ont aussi besoin que les salariés puissent venir au travail.

Le droit en vigueur comprend des dispositifs obligatoires, et d’autres facultatifs. À l’heure actuelle, le seul dispositif obligatoire concerne les transports publics en Île-de-France, selon un système qui a été mis en place en 1982 et qui est relatif au financement des transports publics urbains.

L’employeur, y compris du secteur public, situé dans la zone de compétence de l’autorité organisatrice des transports dans la région Île-de-France prend en charge au moins 50 % – cette proportion a été fixée par voie réglementaire – du prix des titres d’abonnement souscrits par ses salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics de personnes, entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail.

Cette participation de l’employeur apparaît effectivement sur les fiches de paie. Elle couvre 50 % du prix des abonnements sur onze mois, et non sur douze, parce qu’il est tenu compte d’un mois de congé payé. La participation facultative de l’employeur, au-delà des 50 % sur onze mois, est considérée comme un avantage en nature. Les entreprises ne la proposent pas, et les salariés n’y auraient pas vraiment intérêt.

Cette prime est limitée à la zone de compétence du STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France. Selon les estimations, 1,4 million de salariés en bénéficient dans le secteur privé, ainsi que 200 000 fonctionnaires.

Un tel dispositif n’existe pas pour les transports en véhicule motorisé personnel. Il existe, pour l’ensemble du territoire national, une indemnité kilométrique versée aux salariés qui utilisent leur véhicule personnel, notamment en cas de déplacement pour le compte de l’entreprise. Mais elle est facultative, tout comme est facultatif le fameux chèque transport introduit dans la loi de décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié. D’après le rapport, cette loi n’a donné lieu à aucune émission de chèque, ce qui prouve bien que l’incitation n’est pas toujours suffisante,…

M. Dominique Tian. Absolument !

Mme Martine Billard. …et qu’il faut bien, parfois, quelques obligations.

Le coût du déplacement entre le domicile et le travail est l’une des principales contraintes qui peuvent conduire au refus d’un emploi. De ce point de vue, mon collègue Roland Muzeau a d’ailleurs souligné l’incohérence de la loi sur les droits et devoirs des chômeurs.

Ces dernières années, nous avons assisté à l’envolée des prix des carburants automobiles. Il est expliqué, dans l’exposé sommaire de l’amendement, que compte tenu de la chute momentanée du prix du pétrole, il ne fallait plus se préoccuper de ce dispositif. C’est légiférer à courte vue ! Croyez-vous vraiment que cette baisse conjoncturelle des prix, due à la crise et à la crainte d’une récession, sera durable alors que les réserves pétrolières diminuent et que la consommation augmente dans les pays les plus riches et dans les pays émergents en dehors de la période de récession ? Bien sûr que non ! Or le budget transport est le deuxième poste de dépenses des ménages, derrière le logement mais devant l’alimentation. Le coût des déplacements en voiture entre le domicile et le travail devient exorbitant. Il représentait en moyenne 14 % des dépenses en 2000, contre 17,5 % aujourd’hui. Mais, dans toutes les grandes agglomérations où la hausse du prix de l’immobilier a amené les couches populaires à s’éloigner de plus en plus des centres-villes, le budget transport peut représenter entre 20 % et 25 % des dépenses des salariés qui sont payés au SMIC. Or 77 % des emplois sont concentrés dans des pôles urbains où n’habitent que 63 % des salariés.

Vous comprendrez donc que les députés Verts soutiennent la première partie du dispositif qui est proposé dans ce texte de loi. Pour une égalité entre les salariés, nous souhaitons que le dispositif dont bénéficient ceux d’Île-de-France soit étendu aux autres. Ce dispositif est juste socialement et bon pour la planète, comme l’a dit Roland Muzeau. Il est en effet conforme au Grenelle de l’environnement dont vous vous êtes félicités et sur lequel les Verts se sont abstenus en raison de la relance de la partie autoroutière. Compte tenu du réchauffement climatique et de l’émission de gaz à effet de serre, nous disons que l’on ne peut plus attendre, qu’il faut faire des efforts dès maintenant, car il y a urgence. Favoriser les transports collectifs partout où ils existent fait partie de ces efforts, et nous considérons qu’il est normal que le coût du transport entre le domicile et le lieu de travail soit partagé entre l’employeur et le salarié. Nous soutenons donc le dispositif proposé par l’article 18 et nous proposons même, mais nous y reviendrons, qu’il soit étendu aux abonnements vélos en libre-service, comme cela existe dans plusieurs villes de France. L’un des dirigeants de l’UMP souhaite l’étendre à son département des Hauts-de-Seine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Et les semelles de chaussures aussi !

Mme Martine Billard. Vous pouvez caricaturer, mais on verra si vous continuez à le faire dans dix ou quinze ans, quand la vie sur la planète deviendra de plus en plus difficile à cause des émissions de gaz à effet de serre et du réchauffement climatique !

M. Roland Muzeau. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Vous êtes jeunes, pourtant ! Vous pourriez être un peu plus réceptifs !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Nous avons assisté, il y a quelques jours, à une forme de mélodrame, pour ne pas dire d’incohérence, entre ce que nous disait ici même, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, Éric Woerth s’agissant de ce chèque-transport, et ce que nous disait, au même moment, en commission des affaires sociales, M. le rapporteur en défendant son amendement soutenu par le président de la commission. On ne peut dire une chose ici, dans l’hémicycle, et le contraire en commission.

Le chèque-transport répond à une forte sollicitation des organisations syndicales et traduit un engagement pris devant elles par le ministre du travail. Revenir sur ce dispositif reviendrait, pour le Gouvernement, à revenir sur des engagements qu’il a pris devant les partenaires sociaux.

En commission des affaires sociales, le président Méhaignerie nous a donné une série d’arguments visant à opposer ce qui relève du salaire net au revenu annexe. C’est un vrai débat. On ne peut pas dire qu’il n’existe pas. Notre pays se caractérise depuis de nombreuses années par toute une série de revenus annexes dont certains échappent au panier fiscal social et les salariés demandent que leur pouvoir d’achat soit amélioré. Cela dit, cet article ne règle pas le problème du salaire net consigné au bas de la fiche de paie. Nous devrons avoir ce débat. Évidemment, les salariés attendent une amélioration de leur pouvoir d’achat et du salaire net. Il n’en demeure pas moins que les revenus annexes font partie de l’ensemble des revenus.

Comme l’ont dit certains de mes collègues, il y a déjà une panoplie d’éléments qui s’ajoutent au salaire net – indemnités kilométriques défiscalisées, remboursement des frais de déplacement, etc. Pour la région Île-de-France, il existe un dispositif particulier. Dans le cadre de la LOPSI, une série d’orientations visent à promouvoir les plans de déplacement des administrations et il serait bon que l’État puisse s’accorder avec les collectivités territoriales pour que l’on arrive à instaurer, avec les gestionnaires des réseaux – je pense non seulement aux régions, mais aussi aux départements –, de véritables plans de déplacement des administrations.

J’en viens à cette prime de transport à laquelle le groupe socialiste est évidemment très favorable. D’après les estimations qui nous sont données par le ministère, près de 1,4 million de salariés seraient concernés par ce dispositif, pour un coût de 390 millions d’euros, et environ 200 000 fonctionnaires, pour un coût de 55 millions d’euros. Il faudrait d’ailleurs que M. le ministre nous dise si les fonctionnaires concernés seront les seuls fonctionnaires de l’État ou si ceux des collectivités territoriales le seront également. Si ces derniers le sont, ce que nous souhaitons, nous voudrions savoir s’il y aura une compensation des 55 millions d’euros. Je vous rappelle en effet que nous avons inscrit dans la Constitution la compensation, à l’euro près de tout transfert de charges. Or, pour le moment, je ne vois pas la moindre compensation pour les collectivités territoriales.

Enfin, au-delà de la problématique de cette prime de transport, il ne serait pas inutile de se référer aux travaux du CERC, évoqués par Pierre Méhaignerie, sur l’évolution du revenu net des salariés pour qu’il y ait une meilleure lisibilité. On ne peut pas continuer à prendre des dispositions qui échappent au panier fiscal et social, comme on le fait depuis des années. Tout cela n’a pas de sens et manque de lisibilité en termes de pouvoir d’achat.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, que, depuis de nombreuses années – et c’est encore plus vrai aujourd’hui –, le pouvoir d’achat des Français est en chute libre. Pour certaines familles, cela a des conséquences sur des dépenses qu’elles peuvent en partie amputer – je pense aux déplacements touristiques, par exemple –, mais pour des millions de Français cela a une incidence sur des charges incontournables – logement, chauffage, énergie, transport – qui sont souvent incompressibles, ce qui cause de vrais drames. Parmi ces charges incompressibles, il y a les frais de transport, qui sont d’ailleurs alourdis par votre loi sur les droits et devoirs des chômeurs, lesquels devront parfois faire une longue route pour pouvoir obtenir quelques heures de travail.

Cette prime-transport, qu’il faut évidemment maintenir, est toujours d’actualité contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, notamment en commission. Certains prétendent qu’elle ne le serait plus du fait de la baisse du prix du pétrole, mais, comme l’a dit Mme Billard, c’est un phénomène conjoncturel et on ne va pas légiférer tous les huit jours. En outre, cette baisse est fortement atténuée par la conversion dollar-euro. Un argument avancé en commission – je me tourne vers M. Bur et M. Méhaignerie – a consisté à dire qu’il serait préférable de privilégier le salaire direct. J’y suis évidemment favorable, mais c’est particulièrement stupéfiant venant de ceux qui soutiennent de façon inconditionnelle un Gouvernement qui, depuis qu’il est en place, fait tout sauf s’attaquer aux salaires directs et qui prône le recours aux heures supplémentaires ou au travail le dimanche pour accroître les revenus.

J’espère donc que l’on maintiendra cette prime-transport, bien insuffisante, car c’est également important pour l’avenir de la planète, auquel nous devons être très attentifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Nous sommes face à un problème réel auquel les plus défavorisés de nos concitoyens se trouvent cruellement confrontés depuis des mois. Dans ce difficile contexte de baisse du pouvoir d’achat et d’augmentation du coût des carburants, nos concitoyens ont été destinataires de l’une de ces annonces du Président de la République et de son Gouvernement. L’article 18 a pour objet de mettre en œuvre la promesse faite à ce moment-là. Si, par hasard, celle-ci n’était pas tenue, les choses seraient, une fois de plus, très claires pour nos concitoyens : paroles, paroles !

La difficulté que rencontrent certains Français pour se rendre à leur travail subsiste. On évoque souvent, à tort – c’est ce que M. Novelli a fait ici même il y a quelques jours –, la prétendue baisse du prix du pétrole qui allégerait la facture. En réalité, nous savons bien que cette baisse n’a pas été répercutée à la pompe…

M. Patrick Roy. Le dollar monte !

M. Jean Mallot. …et que le carburant reste extrêmement onéreux.

S’agissant du dispositif proposé, je ferai deux remarques. D’abord, je voudrais insister sur la situation particulièrement difficile des habitants des zones rurales. En tant que directeur d’une société d’économie mixte située à quelques dizaines de kilomètres d’une agglomération, je sais à quelles difficultés se heurtent les salariés pour subvenir à leurs frais de transport. Dans la deuxième partie de l’article 18, le Gouvernement renvoie à une négociation d’accord d’entreprise le soin d’attribuer, éventuellement, la prime de 200 euros exonérée de cotisations sociales et de contribution fiscale. Cette disposition est insuffisante, car on voit bien comment les entreprises pourraient se soustraire à cette « obligation ».

Ensuite, je voudrais conclure en évoquant l’emploi, sur lequel le Président de la République vient aussi de faire des annonces.

La majorité et l’opposition se retrouvent en décalage, l’une par rapport à l’autre.

La semaine prochaine, la CMP sur le projet de loi en faveur des revenus du travail arrivera devant nous. À cette occasion, la majorité a tenté de contourner le débat en attribuant, par le biais de l’intéressement et de la participation, des revenus complémentaires au salaire direct, alors que nous avons en vain défendu des amendements qui tendaient à l’augmenter. Et voilà qu’aujourd’hui la majorité plaide à son tour en ce sens. Comprenne qui pourra !

Quant au débat ouvert mardi par le Président de la République, nous y sommes sensibles. Mais celui-ci n’a annoncé aucune mesure visant à augmenter le salaire direct. La majorité devra un jour ou l’autre s’accorder avec elle-même.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements déposés sur l’article.

Je suis saisie d’un amendement n° 66, qui propose de supprimer l’article.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le Premier ministre a pris, dans un contexte donné, une décision dont je prends acte. Mais, comme presque tous les membres de la majorité – UMP et Nouveau Centre –, je souhaite engager un débat et poser des jalons pour l’avenir.

La prime de transport pose un double problème d’équité et de cohérence.

Commençons par l’équité. Sur 17 millions de salariés, combien bénéficieront de cette prime ?

M. Lionel Tardy. C’est tout le problème !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le Gouvernement avance le chiffre de 1,5 million de salariés. Mais il y a peu de chances que les équipementiers automobiles, par exemple, qui travaillent dans des régions semi-rurales ou de petites villes, et prennent donc leur voiture pour aller travailler, puissent bénéficient de cette prime dont ils auraient grand besoin, compte tenu de leur situation financière. Que faire, par conséquent ? Faut-il généraliser la prime ? Ce n’est pas sûr non plus.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Mais on doit au moins poser le problème. À titre personnel, pour n’être pas moins sensible que d’autres au problème de l’équité, je préférerais, si tant est que l’on dispose de 200 millions, que l’on augmente d’autant la prime pour l’emploi.

M. Jean Mallot. Excellente idée !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ce serait plus simple, et nous serions sûrs au moins que l’argent irait aux salariés qui en ont le plus besoin.

J’ajoute que les entreprises, qui acquittent déjà la taxe de transport dans les villes, laquelle représente 1,8 % de la masse salariale, devront payer une deuxième fois, pour ce dispositif.

M. Lionel Tardy. Exactement : c’est la double peine !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pour ce qui est de la cohérence, examinons la part du salaire direct par rapport à celle des prestations hors salaire. Chaque année, je lis le rapport du Conseil national de l’emploi, qui signale, cette année, à la page 207, que le vrai problème français des quinze dernières années tient à ce que l’essentiel de l’effort de productivité a été absorbé par l’augmentation des prestations, au détriment du salaire direct et des investissements d’avenir pour l’entreprise.

Le salarié qui, en rentrant chez lui, apprend qu’avec ses 1 200 euros mensuels, il est devenu moins compétitif que le salarié allemand d’une ville jumelle, se pose des questions. Sur quinze pays européens, la France arrive au troisième rang pour le coût horaire du travail – elle a d’ailleurs perdu des parts de marché par rapport à l’Allemagne –, mais au dixième ou au onzième rang pour le salaire net.

M. Roland Muzeau. Mais les salariés français sont les premiers pour la productivité !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. On comprend, dans ces conditions, un certain sentiment de frustration.

J’entends dire que nous n’avons qu’à augmenter les salaires directs.

M. Roland Muzeau. Oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Mais nous avons augmenté le SMIC pendant quelques années, au point que certains salariés ont eu l’impression d’être smicardisés.

M. Dominique Tian. En effet !

M. Roland Muzeau. Forcément !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Au problème du rapport entre salaire direct et indirect s’ajoute celui du financement des régimes sociaux. En plus des 23 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, on compte une base salariale de 45 milliards qui n’est pas soumise aux cotisations sociales.

M. Roland Muzeau. C’est exact.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Or nous continuons à augmenter cette part, alors même que le déficit actuel s’élève à 9,5 milliards. Est-il cohérent d’augmenter sans cesse la proportion de la masse salariale qui ne paie pas de cotisations ?

M. Gérard Bapt. Non ! C’est scandaleux !

M. Roland Muzeau. La faute à qui ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tout se tient dans ce domaine.

Il est un autre problème à considérer : celui de la liberté des entreprises.

M. Pascal Terrasse. On a vu comment les banques en ont usé !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nos voisins européens l’ont respectée – à juste titre, selon moi – de façon à privilégier le salaire direct.

Enfin, monsieur le ministre, nous nous étions engagés à simplifier la vie des entreprises et des citoyens. Or le dispositif prévu par l’article 18 introduit une nouvelle complexité dans la fiche de paie.

Mme Martine Billard. Allons, allons !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et chaque mois apparaît une nouvelle mesure.

M. Pascal Terrasse. Vous créez une taxe par mois : nous sommes d’accord !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je veux bien reconnaître que, dans un contexte particulier, le Premier ministre a dû prendre une décision. Mais je pense que nous devons réfléchir à l’évolution du salaire direct et veiller à ne pas créer de nouvelles inégalités entre salariés. C’est pourquoi je propose que, l’an prochain, nous remettions à plat les différentes aides à la personne – déductions et crédits d’impôts, exonérations de cotisations sociales ou exonérations partielles, CESU –, qui forment un fatras illisible pour les citoyens.

M. Roland Muzeau. Qui l’a mis en place ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Monsieur le ministre, faut-il continuer dans cette voie ? Le rapporteur et de nombreux membres de la majorité pensent comme moi qu’il est de notre devoir de nous poser la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marisol Touraine. Alors, que fait-on ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’amendement pose certaines questions, que le Gouvernement n’entend pas éluder, car elles animent votre assemblée, et c’est heureux. D’ailleurs, elles nous préoccupent et continueront de le faire.

Mais l’essentiel, pour le salarié, est de pouvoir rejoindre son lieu de travail à un coût acceptable. C’est ce problème que le Gouvernement a décidé de résoudre au moyen de la prime de transport, qui comprend deux volets. Le premier est obligatoire : il concerne la prise en charge par l’employeur du coût du titre de transport, au cas où il existe un transport collectif. Le second relève d’un mécanisme incitatif qui permet au salarié, dans le cas inverse, d’être défrayé, sur la base d’un accord avec l’entreprise, par la prise en charge du prix du carburant.

Cette mesure corrige une injustice, puisque, en Île-de-France, les salariés, et, dans l’ensemble du pays, les fonctionnaires de l’État perçoivent déjà une aide. Notre souci est de l’étendre à tous.

Si l’on veut inciter au travail, il faut faciliter la mobilité. Or la très grande majorité des salariés sont contraints d’utiliser un mode de transport pour se rendre à leur travail. Leur trajet moyen s’élève à cinquante kilomètres par jour, et son coût augmente constamment.

Par ailleurs, la mesure proposée entre en cohérence avec la notion d’offre valable d’emploi.

M. Jean Mallot. Vous l’avez mise en place, il faut bien l’assumer !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Dès lors que nous incitons les demandeurs d’emploi à étendre leur prospection, sous peine de s’exposer à voir diminuer leurs indemnités, nous devons faciliter leur accès au travail. De même, puisque, par le biais du RSA, nous incitons ceux qui perçoivent des revenus d’assistance à retourner vers l’emploi, il faut bien les aider à se déplacer.

Quant au salaire direct, il représente, d’après l’ACOSS, 92 %, donc presque la totalité de la rémunération globale des salariés en 2008. Si l’on y ajoute l’intéressement et la participation, qui sont directement liés à l’entreprise, on constate que salaire direct et indirect fonctionnent de manière cohérente.

J’ajoute que la mesure proposée entre également en cohérence avec le Grenelle de l’environnement, par lequel nous sommes tous concernés, puisqu’elle privilégie les transports publics et collectifs, et ce dans tous les cas, et pas uniquement en ville.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de ne pas voter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. J’ai bien compris le message du président de la commission, que j’entends depuis longtemps et qui se fonde sur un juste souci de cohérence. J’ai également compris qu’il a défendu un amendement d’appel, pour nous inviter à réfléchir sur le rapport entre le salaire direct et les aides participatives, notamment dans le domaine du logement, de l’alimentation ou du transport.

Mais, si l’on y regarde à deux fois, faut-il renoncer à faire un petit pas au motif qu’il ne résoudra pas totalement une injustice ?

L’injustice existe, en effet : la situation en Île-de-France n’est pas la même qu’en province. Faut-il dès lors renoncer à cette prime sous prétexte qu’elle ne concerne pas l’ensemble des salariés ? Faudrait-il aussi renoncer aux logements sociaux ou aux tickets-restaurant parce qu’ils ne bénéficient pas à tous les citoyens ?

Ce petit pas est timide, mais il est nécessaire. La crise financière actuelle aura des conséquences économiques et sociales. Or, en période de crise, il faut accentuer l’action sociale plutôt que la freiner.

La sage position de M. Méhaignerie consiste surtout à nous alerter et à prévoir l’avenir, de sorte que nous réfléchissions ensemble afin de permettre aux salariés les plus modestes d’augmenter leurs moyens et, ainsi, de mieux affronter la crise mondiale.

Je propose donc un rejet « positif » de l’amendement de M. Méhaignerie, qu’il ne défend d’ailleurs pas avec acharnement puisque, dans sa finesse, son propos est plutôt de tracer des pistes pour l’avenir.

M. Jean Mallot. Un doux rejet, en quelque sorte !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le ministre a eu raison de parler de justice : il est en effet question ici d’effacer une iniquité. Les différences de traitement entre salariés franciliens et provinciaux sont anormales.

En outre, le soutien aux transports publics est cohérent avec l’esprit du Grenelle de l’environnement – ce n’est pas Mme Billard qui me démentira sur ce point.

Enfin, et surtout, dans la foulée du RSA que nous avons récemment adopté et des mesures que le Gouvernement a prises en faveur du retour à l’emploi, nous devons donner à ceux de nos concitoyens qui reprennent un emploi les moyens de se déplacer jusqu’à leur lieu de travail.

Quant aux salaires directs, la loi TEPA les a déjà favorisés par le biais des heures supplémentaires – même si certains de nos collègues socialistes considèrent qu’elles n’ont pas d’impact sur les salaires. Au contraire, à raison d’une moyenne de cinq heures supplémentaires par salarié sur l’année écoulée, l’impact sur les salaires et le pouvoir d’achat est évident.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cinq heures ? Tout juste trois, pas davantage !

Mme Isabelle Vasseur. Tels sont les arguments qui m’incitent à soutenir la position du Gouvernement, et j’invite l’Assemblée à en faire autant !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. En vertu de quel principe d’équité les salariés d’une seule région française bénéficieraient-ils d’une prime qui est refusée aux autres ? Cette prime fut créée parce que la distance moyenne entre le domicile et le lieu de travail était jadis plus importante en Île-de-France. Or, aujourd’hui, c’est également le cas dans bien des métropoles de province, car le prix et la rareté du foncier posent aux salariés des difficultés de logement et les obligent souvent à s’installer loin de leur lieu de travail.

Ensuite, nous sommes depuis plusieurs années déjà mobilisés en faveur de l’emploi

M. Pascal Terrasse. Avec le succès que l’on sait !

M. Philippe Vitel. Aujourd’hui, cette mobilisation s’illustre par la création du RSA, mais aussi par la suspension de l’allocation chômage pour ceux qui refusent plus de deux offres d’emploi consécutives.

M. Patrick Roy. Et par la remontée du chômage !

M. Jean Mallot. Et par les radiations des listes !

M. Philippe Vitel. Il va de soi qu’il faut aider ceux qui acceptent une offre à accéder à leur lieu de travail. Aussi convaincants que soient les arguments de M. Méhaignerie, nous avons atteint un point de non-retour. Dès lors, allons dans le sens des orientations définies par le Président de la République et le Premier ministre, et créons cette prime !

M. Pascal Terrasse. Quelle audace !

(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 122.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je m’oppose à toute nouvelle contribution imposée aux PME. À l’heure où tous les acteurs économiques subissent l’augmentation des prix du carburant, il est indispensable, au contraire, de tracer de nouvelles pistes pour diminuer les charges qui pèsent sur les entreprises.

La double peine – je pèse mes mots – qui consiste à instaurer l’aide au transport tout en ignorant la hausse de la facture énergétique des entreprises ne pourra que creuser davantage encore nos déficits actuels et à venir !

En sus de l’aide au transport entre domicile et travail, que ce projet de loi vise à généraliser, les entreprises sises dans les agglomérations de plus de dix mille habitants s’acquittent d’ores et déjà du versement transport. Cette contribution additionnelle aux cotisations de sécurité sociale est censée servir au financement des transports en commun dans lesdites agglomérations. Elle représente cinq milliards d’euros par an environ.

M. Roland Muzeau. Et alors ?

M. Lionel Tardy. Dès lors que vous soumettez les entreprises à une nouvelle obligation par ce projet de loi, la réduction, voire la suppression du versement transport devient légitime. Dans la conjoncture actuelle, un dispositif tel que celui que vous vous apprêtez à instaurer doit être intégralement compensé, ou tout au moins laissé à la libre appréciation du chef d’entreprise.

Ainsi, compte tenu du dispositif existant en région parisienne et des difficultés auxquelles ne manqueront pas d’être confrontées les TPE et les PME si votre mesure était adoptée, je propose un amendement visant à étendre le mécanisme de remboursement des transports en commun franciliens à la province, et ce uniquement par accord de branche étendu ou, à défaut, par accord d’entreprise.

M. Roland Muzeau. La loi n’est pas un accord de branche !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Sagesse, la commission n’ayant pas examiné cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. André Flajolet.

M. André Flajolet. Je me permets d’intervenir pour justifier la manière dont je viens de voter sur l’amendement précédent. Je suis élu dans une région qui, lors de la reconversion minière, a placé de nombreux espoirs dans l’industrie automobile. Toutes les entreprises de ma circonscription bénéficient aujourd’hui du bouclier fiscal, qui les empêche d’être réduites au rang de vaches à lait.

Or j’ai reçu aujourd’hui une lettre du directeur général de Bridgestone qui m’écrit ceci : « L’augmentation de la taxe du syndicat mixte des transports me coûte 85 382 euros supplémentaires pour juillet, août et septembre, soit deux CDI annuels par trimestre, soit huit CDI. L’usine va s’arrêter 21 jours, et nous aurons du chômage partiel pour 1 400 personnes à la fin de l’année ».

On peut certes aider les gens à se déplacer ; encore faut-il que les usines soient vivantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Quelle honte !

(L'amendement n° 122 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n° 303.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement, dont l’adoption serait inespérée, tend à rendre le dispositif facultatif. Beaucoup d’entreprises l’ont déjà adopté : il aurait mieux valu consolider les acquis plutôt que d’imposer partout des contrôles de l’Urssaf qui remettent en cause les accords conclus au motif de ne pas créer de niches sociales. Je propose donc que seules les entreprises qui peuvent adopter ce dispositif le fassent, plutôt que de l’imposer à toutes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La commission n’a pas examiné cet amendement ; sagesse.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

(L'amendement n° 303 n'est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)