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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 15 décembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal

1. Proclamation d’un député

2. Rappels au règlement

M. Marcel Rogemont

M. Noël Mamère

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

M. Patrick Bloche

M. Michel Herbillon

M. Noël Mamère

M. Marcel Rogemont

3. Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision

Discussion des articles (suite)

Article 21 (suite)

Amendements nos 361, 362, 363, 364, 365, 717

Rappels au règlement

M. Noël Mamère

M. Christian Paul

Mme Christine Albanel, ministre de la culture

Reprise de la discussion

Amendements nos 107, 667, 108, 668, 666, 507

Rappel au règlement

Mme Aurélie Filippetti

Mme Christine Albanel, ministre de la culture

Reprise de la discussion

Amendements nos 665, 782, 109, SS à MEND, 761

Rappels au règlement

Mme Aurélie Filippetti

M. Noël Mamère

Reprise de la discussion

Amendements nos 110, 111, 112, 113, 114, 8 rectifié, 520 rectifié

M. Patrick Bloche

Rappel au règlement

M. Marcel Rogemont

Après l’article 21

Amendements nos 562, 669, 856, 430 rectifié

Article 22

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale

M. Patrick Bloche

Mme Aurélie Filippetti

M. Marcel Rogemont

M. Michel Herbillon

Mme Sandrine Mazetier

Amendements nos 50, 48

Après l’article 22

Amendement no 844 rectifié

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Proclamation d’un député

Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 15 décembre 2008, de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales, une communication l’informant que le 14 décembre 2008, M. Arnaud Robinet a été élu député de la première circonscription de la Marne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour un rappel au règlement.

M. Marcel Rogemont. Mon rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, relatif à l’organisation de la séance. Il conviendrait que Mme la ministre de la culture et de la communication s’explique sur l’utilité de la loi que nous sommes en train de discuter puisque, après qu’on nous a annoncé la suppression de la publicité par décret, nous apprenons maintenant qu’il ne sera même plus besoin de décret : un simple coup de téléphone au président de France Télévisions suffit. De qui se moque-t-on ?

M. Christian Eckert. Des Français !

M. Marcel Rogemont. Comment, dans notre démocratie, peut-on ainsi s’essuyer les pieds sur le Parlement, sur l’Assemblée nationale en particulier ? Dans ces conditions, au titre de l’article 58, alinéas 1 et 3, de notre règlement, je demande une suspension de séance de cinq minutes pour déterminer avec mon groupe l’attitude à adopter vis-à-vis du Gouvernement dont les agissements sont inadmissibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous touchons là le sommet de ce qui est soit une pantalonnade, soit une véritable obscénité politique. Depuis quatre semaines, nous sommes réunis pour discuter d’un projet de loi sur l’audiovisuel public qui est présenté par le Président de la République comme la réforme du XXIsiècle. Cette loi, nous dit-on, est un tout. Mais comme on ne parvient pas à ses fins parce que tout cela a été fait dans la précipitation, à la hache et à marche forcée, on décide de détacher de ce tout la publicité.

On nous annonce que cette publicité sera restreinte sur le service public, dans un premier temps jusqu’en 2012, par décret. Puis on fait examiner – vous ne l’avez pas dit, madame la ministre, et nous aimerions entendre de votre bouche – par le secrétariat général du Gouvernement la validité du décret et les conséquences juridiques que pourrait avoir la saisine du Conseil constitutionnel par l’opposition. Il faut croire que le secrétariat général du Gouvernement a compris le grand embarras politique et parlementaire dans lequel vous vous trouviez puisque vous avez demandé, ce matin, par lettre au président de France Télévisions d’annoncer lui-même la suppression de la publicité.

Dois-je vous rappeler, madame la ministre, que les responsables de France Télévisions n’ont jamais demandé la suppression de la publicité, qu’ils ont été obligés de se mettre au diapason d’un Président de la République qui a décidé unilatéralement, le 8 janvier 2008, une telle suppression ? Dois-je vous rappeler qu’une telle décision appartient au conseil d’administration, en toute indépendance ?

Nous avons été réunis à grands frais et avec beaucoup de bruit, le 21 juillet 2008 à Versailles, en Congrès, pour renforcer les pouvoirs du Parlement. À peine six mois plus tard, vous humiliez le Parlement, vous humiliez le Sénat, auquel vous allez demander d’examiner un projet de loi alors même que, deux jours plus tôt, la publicité aura été supprimée sur les écrans de France Télévisions par décision de ce malheureux président à qui vous demandez de se faire hara-kiri.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

M. Noël Mamère. Ce que vous imposez au président de France Télévisions, c’est ce qu’ont vécu les otages que nous avons vu récemment s’adresser à la planète disant que tout allait bien alors même qu’ils étaient pieds et poings liés et que leurs ravisseurs tenaient leur tempe au bout de leur canon !

Avant de demander une suspension de séance, j’appelle le président et le conseil d’administration de France Télévisions à la désobéissance et à ne pas faire ce que vous demandez. D’ailleurs, madame la ministre, le Président de la République, voyant la révolte des lycéens et des étudiants, a renoncé ce matin même à la mise en œuvre de la loi Darcos et a demandé plus de concertation. Voilà une méthode que vous pourriez appliquer.

M. Christian Eckert. Très bien !

M. Noël Mamère. Enfin, le Président de la République s’est réveillé et a compris qu’on ne peut pas engager des réformes contre l’avis des Français, qu’on ne peut pas leur imposer des choses qu’ils ne veulent pas.

Les Français ne veulent pas d’un responsable de l’audiovisuel public nommé et révoqué par le Président de la République, ils l’ont dit à 74 %. Bien sûr qu’ils ne veulent plus de la publicité – ils voudraient aussi qu’il fasse toujours beau temps ! –, mais ils ne veulent pas non plus d’un service public de l’audiovisuel au rabais.

Retirez ce projet de loi, donnez le temps de la discussion, comme les Anglais l’ont fait pendant quatre années. Nous ne demandons pas quatre ans, mais nous souhaitons que cette affaire soit traitée avec dignité, sans que l’équipe dirigeante de France Télévisions soit ainsi humiliée. Vous lui fournissez l’arme de son assassinat. Il existe un pays où la famille d’une personne qui doit être exécutée doit payer la balle qui la tuera. Ce pays, c’est la Chine. Eh bien, vous ne faites pas mieux que les Chinois !

Au nom de la République et de l’intérêt général, nous vous demandons, madame la ministre, de retirer ce projet de loi ou, à tout le moins, de prendre du temps avant la suppression de la publicité. Si vous n’avez pas respecté l’Assemblée nationale, au moins respectez le Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Je reconnais là le sens de la mesure de Noël Mamère. Ces comparaisons de la France et de la Chine ou d’un révolver braqué sur la tempe de Patrick de Carolis,…

M. Noël Mamère. C’est tout à fait cela !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …dépassent toute limite !

M. Noël Mamère. C’est vous qui avez dépassé les limites ! Vous bafouez les droits du Parlement !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nul ne peut dire que je ne respecte pas le Parlement. J’occupe le banc du Gouvernement pour la quatrième semaine aujourd’hui, quatre semaines d’obstruction systématique et délibérée.

M. Noël Mamère. Il y en aura cinq ou six, si nécessaire !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. J’ai eu l’occasion de dire plusieurs fois déjà que la suppression de la publicité le 5 janvier, qui a été, je le rappelle, annoncée en juin dernier, est vraiment une nécessité. Elle est intégrée par les annonceurs depuis des mois ; elle a été annoncée lors de la conférence de presse du président de France Télévisions portant sur des programmes sans publicité. Il serait très dommageable pour France Télévisions de rester maintenant dans une situation de complète incertitude.

J’ai également rappelé qu’en matière de suppression de la publicité, il y avait plusieurs façons de procéder. Nous avons souhaité la faire figurer dans la loi, et l’article 18 donnera toute sa solennité à cette mesure. Mais cela n’était pas une nécessité. La disposition pouvait aussi passer par décret ou par la décision de ne plus vendre d’espaces commerciaux à partir de vingt heures par le président de France Télévisions, certes, à la demande du Gouvernement et devant son conseil d’administration, à condition, bien sûr, qu’il y ait une compensation financière pour ne pas nuire aux intérêts de France Télévisions et de l’audiovisuel public, pour lequel nous portons un très grand projet.

Puisque les 450 millions d’euros ont été votés en loi de finances et que l’article 18 du projet de loi sur l’audiovisuel a été adopté, nous demandons simplement au président de France Télévisions de cesser de vendre les espaces publicitaires à partir de vingt heures, comme il l’a annoncé. Rien de plus. Notre objectif n’est pas du tout de tuer France Télévisions. Au contraire, nous portons une ambition culturelle importante pour l’audiovisuel public.

M. Noël Mamère. C’est énorme !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Ce faisant, je n’ai pas du tout le sentiment de méconnaître les droits du Parlement. J’ai le sentiment de poursuivre un débat au début duquel j’ai dit que j’y passerai tout le temps qu’il faudra parce qu’il est important.

M. Noël Mamère. Nous aussi !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je rappelle que le projet de loi comporte aussi la suppression complète de la publicité à partir de 2011, la création d’une société unique – idée qui rassemble tout le monde –, la création de l’audiovisuel extérieur, la transposition de la directive Télévision sans frontières et la modification du code du cinéma. Il reste donc encore énormément de matière à discussion dans la loi et nous en sommes satisfaits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu à ces deux rappels au règlement, mais vous ne serez pas étonnée si je vous dis que votre réponse ne peut satisfaire les députés de l’opposition.

Nous sommes, en effet, face à un dérèglement essentiel du fonctionnement de nos institutions à partir du moment où l’on bafoue les droits de l’opposition et, plus largement, ceux du Parlement. En effet, nous n’avons pas vraiment l’impression que les députés de la majorité soient mieux traités. Quant aux sénateurs, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, tout sera mis en marche, si j’ose dire, avant même qu’ils ne se saisissent du texte, puisqu’il faut impérativement que, le 5 janvier, quoi qu’il arrive – il y aurait un tremblement de terre, la France serait couverte de trente mètres de neige, ce serait pareil ! –, la publicité soit partiellement supprimée sur le service public. Pourquoi ? Parce que Nicolas Sarkozy, seul maître à bord, en a décidé ainsi.

Vous êtes ici, madame la ministre, pour la quatrième semaine. Mais quatre semaines pour débattre d’un projet de loi, est-ce si excessif ? Nous avons déjà passé plus de quatre semaines sur des projets de loi souvent moins importants pour la démocratie et la vie de nos concitoyens. On sait en effet la place qu’occupe l’audiovisuel public dans la vie de nos concitoyens, qui sont autant de téléspectateurs.

Il est absolument insensé de demander au président de France Télévisions de mettre sa tête sur le billot et de se donner lui-même le coup de hache ! On évoque, au départ, la nécessité d’inscrire cette disposition dans la loi – c’est l’article 18 –, puis on évoque un décret, pour dire enfin que le président de France Télévisions doit prendre seul la décision de suppression partielle de la publicité, ou peut-être en consultant son conseil d’administration. Tout cela dans le seul but de respecter la date du 5 janvier.

Je rappelle – mais est-ce nécessaire ? – que la commission Copé avait préconisé le mois de septembre 2009. À cette période sans doute aurions-nous eu le temps d’examiner le projet de loi à l’Assemblée nationale et au Sénat. Si l’urgence n’avait pas été déclarée, nous aurions fait plus d’une lecture, ce qui nous aurait permis de mieux écrire la loi. Nous nous serions alors situés dans un fonctionnement démocratique, plus classique, qui garantisse mieux les droits élémentaires de l’opposition et du Parlement.

Madame la ministre, vous nous dites : « Patrick de Carolis a fait ses programmes en fonction de l’arrêt de la publicité le 5 janvier et les annonceurs ont déjà anticipé. » Évidemment, tout le monde est obligé d’anticiper, parce que l’on vit dans un système où la parole présidentielle s’impose dans de telles conditions que les autres institutions disparaissent, et notamment l’institution parlementaire. On peut d’ailleurs se demander pourquoi il existe un Parlement et pourquoi on vote des lois, puisqu’à partir du moment où le Président de la République décide, le problème est réglé.

Nous ne contestons pas le fait qu’il existe une majorité présidentielle et parlementaire dans ce pays, mais le Parlement devrait au moins pouvoir jouer son rôle le plus basique, qui consiste à débattre et à voter les lois.

Je suis surpris, madame la ministre, que vous ayez déclaré, ce matin, sur France Inter, qu’en termes de compensation financière, les 450 millions d’euros étaient d’ores et déjà réglés en loi de finances. Je ne sais pas où vous avez vu cela. La semaine dernière, dans la loi de finances rectificative, nous n’avons fait qu’indexer la redevance sur le coût de la vie. Nous débattons actuellement de la compensation financière à travers les articles 20 et 21 du projet de loi. Vendredi, la taxe sur les chaînes privées a été adoptée, malgré notre opposition, et seuls les inscrits sur l’article 21, qui concerne le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès et des opérateurs Télécoms, se sont exprimés. Nous nous trouvons dans la situation aberrante, …

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.

M. Patrick Bloche. …où l’on impose au président de France Télévisions de supprimer la publicité sur France Télévisions, le 5 janvier, à partir de vingt heures, tout simplement parce que le Président de la République en a décidé ainsi, parce que c’est son bon plaisir. C’est le fait du roi. Parallèlement, la compensation est loin d’être votée. En effet, une loi est nécessaire ; il ne suffit pas d’un décret ou d’une décision de Patrick de Carolis. Pour l’instant, nous n’avons fait qu’indexer la redevance sur le coût de la vie. La compensation est donc loin d’avoir été approuvée par le Parlement et d’avoir force de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Je m’attendais à ce que l’on puisse reprendre un débat normal. Mais je constate, alors que nous abordons la quatrième semaine, que le souhait, la volonté exprimée de l’opposition est d’empêcher le débat.

La main sur le cœur, nos collègues de l’opposition parlent des droits du Parlement et de l’importance du débat législatif, alors qu’ils n’ont pas voté la réforme de la Constitution qui permet de donner plus de pouvoir au Parlement. En outre, nous assistons, depuis trois semaines, de leur fait, à une caricature de débat puisqu’ils poursuivent inlassablement l’obstruction sans se préoccuper des conséquences de leur attitude sur des choses importantes qui devraient nous réunir. Nous parlons en effet de la télévision des Français ; c’est ce qui est important pour nos compatriotes. Vous voulez empêcher que l’on parle de la télévision des Français. Vous voulez susciter et développer l’inquiétude chez les personnels de France Télévisions, …

M. Christian Paul. Ils n’ont pas besoin de cela !

M. Michel Herbillon. …dans les équipes de France Télévisions, qui ont – comme c’est normal – anticipé la suppression de la publicité, le 5 janvier, pour préparer leurs programmes et faire démarrer les émissions de qualité de la première partie de soirée à vingt heures trente-cinq.

J’ai écouté les propos de notre collègue Noël Mamère. J’ai cru comprendre que, frustré d’être depuis si longtemps dans l’opposition, il faisait une déclaration de politique générale et qu’il allait demander au Parlement d’approuver celle-ci. Alors que nous débattons pour la quatrième semaine de l’audiovisuel et que nous abordons l’article 21, il nous parle des otages, de la Chine. Un autre collègue de l’opposition évoque même la météo. Est-ce cela la dignité du Parlement ? Sommes-nous réunis ici, pour savoir qu’il y a de la neige dans certaines villes de France ? C’est là une conception extraordinairement surprenante de la démocratie.

M. Noël Mamère a une lecture très partielle des sondages réalisés auprès des Français. Je vais être obligé de lui rappeler ce qu’il gomme. En fait, c’est très simple : quand le peuple est d’accord avec M. Mamère, le peuple a raison. Quand le peuple n’est pas d’accord avec lui, le peuple a tort, puisque M. Mamère a toujours raison, comme ses collègues socialistes de l’opposition.

Quand on est objectif, il faut citer les sondages dans leur intégralité. Or, 65 % des Français considèrent que la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions après vingt heures est une bonne chose. Il ne faut pas faire une lecture partielle des sondages, quand 70 % des Français considèrent que le début des programmes à vingt heures trente est une bonne chose. Monsieur Mamère, lorsque vous n’êtes pas content du peuple, vous voulez le dissoudre, mais ce n’est pas cela la démocratie !

Par l’obstruction que vous faites, vous mettez en cause le fonctionnement du service public de l’audiovisuel. Vous avez l’air d’être surpris de cette décision, qui est naturelle. Il faut qu’une entreprise fonctionne. Mme la ministre s’est publiquement engagée, il y a quinze jours, lors d’une question au Gouvernement que j’ai posée, sur le financement pérenne pendant trois ans – la compensation des 450 millions d’euros. C’est important pour France Télévisions, mais vous oubliez d’en parler, parce que vous être très embarrassé pour une raison très simple : nous faisons ce que vous avez toujours rêvé de faire, à savoir supprimer la publicité sur France Télévisions. Nous tenons à votre disposition toutes les déclarations, nombreuses, variées et réitérées, de l’opposition socialiste sur ce point. Nous faisons donc tout ce que vous avez toujours rêvé de faire et que vous n’avez jamais eu le courage de faire.

Nous, nous avons le courage de réformer, parce que c’est ce qu’attendent les Français d’un gouvernement, d’une majorité. C’est sans doute parce que vous avez tant tardé à réformer le pays, parce que vous n’avez jamais eu le courage de prendre les décisions attendues des Français, qu’ils ne vous font pas confiance et que vous avez régulièrement perdu les élections nationales. Vous devriez méditer ces exemples, au lieu de pousser des cris d’orfraie et de faire de l’obstruction pour empêcher que le débat ait lieu et que l’on s’occupe de la télévision des Français.

Cela n’est pas notre attitude et nous allons continuer à mettre en œuvre la réforme ambitieuse du service public de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente, je demande la parole.

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, vous avez demandé une suspension de séance de cinq minutes, qui est de droit. Soit vous maintenez cette demande et je suspends la séance, soit nous engageons l’examen du texte à l’ordre du jour…

M. Marcel Rogemont. Je voudrais répondre…

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, je ne vois aucune raison pour que vous repreniez la parole. Maintenez-vous votre demande de suspension de séance ?

M. Marcel Rogemont. Oui, madame la présidente.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Je regrette que notre collègue Michel Herbillon ne soit pas présent, car il aurait pu citer les bons auteurs dont il s’est inspiré. Rendons à César ce qui appartient à Bertolt Brecht : « Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple » !

Mme la présidente. Vous vous écartez du rappel au règlement !

M. Noël Mamère. Les interventions de Mme la ministre ne nous ont pas convaincus. Il semble, du reste, qu’elle-même ne soit pas très convaincue par ses propos. Cela étant, je souhaite qu’elle réponde aux questions que je vais lui poser.

Mme Muriel Marland-Militello. Est-ce que c’est un rappel au règlement ?

M. Noël Mamère. Lorsque, la semaine dernière, j’ai évoqué les 80 millions d’euros de déficit de France Télévisions, elle m’a répondu en évoquant la situation de 2008. J’attends donc que Mme la ministre nous confirme, d’une part, que le déficit de France Télévisions s’élève à au moins 80 millions d’euros sur le budget 2009 et, d’autre part, que les prévisions commerciales pour 2009 de France Télévisions – publicité et parrainage compris – sont évaluées à 260 millions d’euros. Tout le monde, à France Télévisons, s’accorde à dire que ce montant ne pourra pas être atteint. Dès lors, comment pouvez-vous, madame la ministre, affirmer devant la représentation nationale que le manque à gagner sera comblé ?

En outre, considérez-vous, madame la ministre, en conscience, qu’il est juste de demander au président de France Télévisions d’assassiner la télévision publique ? Compte tenu de l’impasse politique dans laquelle vous vous trouvez – ce qui prouve l’amateurisme du Gouvernement sur ce sujet – , ne pourriez-vous décider de reporter la suppression de la publicité à une date ultérieure et de revenir – pourquoi pas ? – à la proposition de la commission Copé ? Ce n’est pas être insultant que de vous poser de telles questions, madame la ministre.

Je souhaite obtenir une réponse à ces trois questions qui ne sont pas un enchaînement de lieux communs.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je ne peux pas accepter l’idée selon laquelle l’opposition ferait de l’obstruction ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Il y a des vérités cruelles !

M. Marcel Rogemont. Devant la succession des décisions prises par le Gouvernement, ou plutôt par le Président de la République, on se prend les pieds dans le tapis ! Voilà que nous allons devoir légiférer après les dates qui ont été arrêtées par le Président de la République et qui figurent dans le projet de loi. Ce n’est tout de même à lui de fixer la suppression de la publicité au 5 janvier 2009. C’est anormal ! Alors que l’examen du texte pose problème, vous retournez votre verve littéraire et parlementaire contre l’opposition qui est sans cesse bâillonnée !

M. Frédéric Lefebvre. Ce qui pose problème, c’est l’obstruction !

M. Marcel Rogemont. Alors que la réforme de la Constitution était censée donner plus de pouvoirs au Parlement, et particulièrement à l’opposition, on discute actuellement de la suppression du droit d’amendement individuel pour les députés. Après avoir bâillonné le Gouvernement, l’UMP et l’ensemble de la majorité, le Président de la République voudrait, en plus, bâillonner l’opposition ! Nous n’avons pas l’intention de nous laisser faire !

Pour ma part, je souhaite que Mme la ministre réponde aux trois questions posées par M. Mamère et sur le plan d’affaires en cours de négociation avec France Télévisions. Oui ou non, madame la ministre, demandez-vous 700 millions d’économies à France Télévisions entre 2009 et 2012 ? Je veux une réponse !

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Cela n’a rien à voir avec l’article 21 !

Mme la présidente. Vous étiez censé faire un rappel au règlement, monsieur Rogemont !

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. C’est un abus de procédure parlementaire !

M. Marcel Rogemont. Les Français sont contents de la suppression de la publicité, dites-vous. Mais les 450 millions d’euros destinés à compenser le manque à gagner, ajoutés aux 700 millions d’économies que vous demandez à France Télévisions, cela sera autant d’argent en moins pour la télévision publique. Or cela, vous vous êtes bien gardée de le dire aux Français. C’est pourquoi nous nous en chargeons.

M. Christian Paul. Mme la ministre ne répond jamais, sauf sur France Inter !

3

Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Vendredi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant après avoir entendu les orateurs inscrits sur l’article 21.

Article 21 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques, nos 361 à 365 et n° 717, tendant à supprimer l’article 21.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 361

M. Marcel Rogemont. Au nom de quoi faudrait-il taxer l’Internet, les FAI – les fournisseurs d’accès à Internet – pour financer France Télévisions ? Il n’y a aucun lien entre l’économie de l’Internet et France Télévisions. En revanche, il y a un lien entre Internet, les FAI et la création audiovisuelle, de même qu’il existe un lien entre les télévisions ou le cinéma. Or, en l’occurrence, de quel droit va-t-on taxer l’Internet pour financer France Télévisions ? On pourrait tout aussi bien taxer Internet pour financer des projets qui présenteraient un intérêt culturel ou audiovisuel.

La meilleure preuve que ce lien de causalité n’existe pas, c’est que cet ensemble de taxes ne fait pas partie d’un fonds. Certes, vous feriez valoir que la Commission européenne considérerait cela comme une aide directe de l’État à France Télévisions et s’y opposerait. J’entends cet argument, madame la ministre.

En tout état de cause, il n’y a aucune raison que le déficit budgétaire de la France soit financé par une taxe sur l’Internet. La création d’une taxe n’aurait d’utilité que si elle favorisait directement la création audiovisuelle et cinématographique. Mais je ne vois pas l’intérêt de lier Internet au financement dont France Télévisions est privé du fait de la suppression de la publicité. En réalité, comme il faut trouver de l’argent et que les caisses sont vides, on crée une nouvelle taxe, la deuxième ou la troisième pour le seul secteur de l’audiovisuel.

Or, les Françaises et les Français payent des impôts ! Selon M. Herbillon, ils se réjouissent de voir la publicité disparaître de France Télévisions ; sans doute, comme tout le monde. Mais leur avez-vous dit que vous alliez créer 450 millions d’impôts nouveaux pour les donner à TF1, M6 et consorts ? Si vous le leur aviez dit, ils n’auraient pas accepté la création de cette taxe ! Je me considère donc comme le porte-parole des Françaises et des Français…

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Nous le sommes tous ici !

M. Marcel Rogemont. …lorsque je m’oppose à la taxation abusive d’Internet pour financer France Télévisions.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 362.

M. Patrick Bloche. Nous nous sommes exprimés vendredi soir lors des interventions sur l’article 21, mais insuffisamment. Cet article est la meilleure preuve du fait que la compensation de 450 millions d’euros est actuellement loin d’être garantie et d’avoir force de loi.

Il est quelque peu paradoxal, madame la ministre, de vous voir ressusciter dans cet article la licence globale qui nous avait tant occupés il y a trois ans. En effet, en taxant les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de télécommunications, vous suggérez qu’il y a là matière à rémunération. Des chiffres impressionnants sont exhibés : 42 milliards d’euros de chiffres d’affaires, selon le rapport de Christian Kert, que l’on taxerait pour l’instant – nous verrons ce qu’il en sera un peu plus tard dans la discussion – à 0,9 % ; et voilà 360 à 380 millions très facilement trouvés. Comme pour la licence globale, cette démarche obéit à l’idée selon laquelle, pour employer une formule un peu commune, il faut aller chercher l’argent là où il est.

Mais voici ce qui nous gêne principalement. Tout d’abord, la ressource est inévitablement aléatoire. En effet, il s’agit d’une taxe, qui plus est versée au budget de l’État, et qui ne constitue donc pas une ressource affectée, à la différence de la redevance.

En outre, tout le monde se souvient de la bulle Internet, dont l’explosion, au début des années 2000, témoigne du fait que tout secteur économique, même aussi dynamique que les nouvelles technologies, peut montrer des signes d’essoufflement. De fait, la crise financière récente nous a prouvé que le modèle économique dominant au niveau mondial pouvait être très facilement fragilisé.

De plus, la démarche est anti-économique. Je renvoie sur ce point aux excellents propos de Gilles Carrez, rapporteur général du budget : le taux de 0,9 % du chiffre d’affaires, soit moins de 1 %, semble modeste, mais il correspond à 7 % du résultat. Des sommes importantes seront donc transférées.

Vers qui le seront-elles ? C’est là le second problème. Il eût été logique et, sans doute, prioritaire – je n’oublie pas que nous examinerons, en mars prochain, le projet de loi dit Création et Internet, ou encore Hadopi – d’affecter à la rémunération des droits d’auteur et des droits voisins le prélèvement sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet et des opérateurs de télécommunications. En effet, à l’ère d’Internet, à l’ère numérique, celles et ceux qui ont tant profité des contenus d’images et de sons pour développer leurs tuyaux pourraient être appelés à rémunérer ces droits, selon une démarche en quelque sorte redistributrice.

Aujourd’hui, les auteurs, les créateurs et les ayants droit ne peuvent qu’être inquiets : les opérateurs de télécommunications et les FAI passeront à la caisse une fois, mais pas deux. Or, les sommes collectées n’iront pas à la création, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. J’ai cru entendre Frédéric Lefebvre affirmer qu’elles iraient à un fonds de la création dont on ignore jusqu’à l’existence et que ce projet de loi ne prévoit pas d’instaurer. Il s’agit d’un énorme mensonge : les sommes collectées pour suppléer à l’absence de ressources publicitaires doivent d’abord assurer le fonctionnement quotidien de France Télévisions, ses frais fixes, les frais salariaux que représentent ses 11 000 salariés, et naturellement, pour partie, l’édition de programmes. Je tiens à dénoncer ce mensonge.

Enfin, si l’on voulait rémunérer la création, il eût fallu, sur un fondement constitutionnel plus solide que celui de l’article 21 dans sa rédaction actuelle, faire en sorte qu’Internet finance la création comme la télévision finance le cinéma depuis vingt-cinq ans, mais dans d’autres conditions que celles que propose l’article. Voilà pourquoi nous en demandons la suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 363.

M. Christian Paul. Je m’inscrirai dans le droit-fil des interventions précédentes…

M. Michel Herbillon. C’est normal : c’est le même amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Monsieur Herbillon, si vous aviez entendu les arguments des précédents orateurs, y compris ceux que M. Mamère a assénés en votre absence, vous comprendriez que nous nous efforçons d’être à chaque étape plus précis, même si l’absence de réponse de Mme Albanel nous oblige parfois à procéder à une piqûre de rappel.

Mme la ministre, si cet article doit selon nous être supprimé, c’est parce qu’il est porteur d’une grande insécurité et de trois erreurs économiques. L’insécurité résultant du caractère très approximatif du périmètre de la taxe, nous attendons que vous nous précisiez très clairement ce dernier en nous indiquant les opérateurs concernés. Dans le débat public, cette réponse est d’autant plus attendue que ce qui a été dit la semaine dernière n’a manifestement ni informé ni rassuré personne.

Je veux surtout insister sur les trois erreurs économiques que mes collègues viennent d’évoquer. La première est l’incohérence, voire l’anachronisme : comment justifier que l’on taxe les nouveaux moyens de communication électroniques pour financer la télévision ? Il existe naturellement des contenus audiovisuels sur Internet, comme l’a rappelé M. Rogemont, mais on aurait alors pu envisager d’étendre l’assiette de la redevance aux terminaux permettant d’accéder à ces contenus audiovisuels, voire télévisuels, et en débattre. Tel n’est pas votre choix. Il est donc incohérent, voire anachronique, de pénaliser la nouvelle économie pour financer l’audiovisuel public dans les conditions et pour les raisons que l’on sait.

La deuxième erreur économique est l’effet de la mesure sur le pouvoir d’achat. Je participais ce matin au vote du budget au sein d’un conseil régional. Les parlementaires de votre majorité, lorsqu’ils sont élus des régions – il s’agissait en l’occurrence de M. Soisson –, prêchent la plus grande sobriété fiscale. De fait, en Bourgogne, comme dans bien d’autres régions, nous avons choisi de limiter soigneusement les hausses d’impôts pour 2009, tout simplement parce que la situation dramatique du pouvoir d’achat des Français exclut d’accroître leurs impôts, sauf en cas d’absolue nécessité, notamment pour des raisons d’investissement. Mais, de retour dans l’hémicycle, les mêmes parlementaires s’apprêtent, à votre demande, madame la ministre, à voter une taxe supplémentaire dont on sait bien qu’elle rejaillira tôt ou tard sur les abonnements Internet et sur les factures des opérateurs de télécommunications.

La troisième erreur consiste, comme vient de le dire Patrick Bloche, à assécher les sources de financement dont tous, par-delà les limites des groupes parlementaires, souhaitaient qu’elles viennent soutenir la création. Nous avons eu ce débat en 2005 avec l’un de vos prédécesseurs et nous l’aurons à nouveau lors d’un débat qui ressemblera à celui-ci, car nous ne saurions vous laisser faire ce que vous vous apprêtez à faire avec la loi dite Création et Internet. Comme aujourd’hui, nous nous livrerons non à de l’obstruction, mais à des gestes politiques de résistance, afin que les Français sachent ce que vous faites de la télévision et ce que vous vous apprêtez à faire de l’Internet.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Même motif, même punition ! Vous devriez prendre exemple sur votre collègue M. Darcos, dont on a appris il y a quelques heures qu’il avait la sagesse de différer la réforme des lycées, parce qu’il sentait qu’elle susciterait un profond mécontentement et parce qu’elle était marquée au coin de l’impréparation et de l’imprévision comme votre loi sur l’audiovisuel et, nous le démontrerons, comme votre loi sur l’Internet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 364.

Mme Aurélie Filippetti. Bien des choses ayant déjà été dites sur la nouvelle taxe que le Gouvernement veut créer, j’insisterai pour ma part sur ses aspects juridiques, sans avoir l’outrecuidance de me faire plus savante que les professeurs Guy Carcassonne et Gilbert Parléani, qui ont rédigé une note fort intéressante sur le respect des principes de droit communautaire, de constitutionnalité et de liberté de communication que la création de cette nouvelle taxe semble mettre à mal.

Les professeurs Carcassonne et Parléani montrent bien que cette taxe pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, « aucun lien tangible ne relie les assujettis futurs aux modes de gestion de l’audiovisuel public », ce qui paraît contraire au droit communautaire.

En outre, « des interrogations surgissent du fait que des entreprises qui ont une activité de communication ou de diffusion d’images ou de musique ne seront pas taxées, alors que leur activité est en partie de même nature que celle des opérateurs de télécommunications et de communications électroniques », pour leur part soumis à la taxe. Le principe d’égalité devant l’impôt est donc mis en cause.

Quant au droit communautaire de la concurrence, on pourrait considérer ces taxes, une fois reversées – si elles le sont – au service public de l’audiovisuel, comme des aides d’État. Or, « la qualification d’“aide d’État au profit des chaînes de service public” empêcherait toute mise en œuvre du soutien compensatoire au profit des chaînes de service public avant que la Commission ait donné son “feu vert”. Si le financement envisagé venait à être mis en œuvre avant ce “feu vert”, tout intéressé, et en particulier tout opérateur concurrent des chaînes de service public, pourrait demander au juge français d’interdire le financement, voire de condamner les bénéficiaires au remboursement des financements reçus de façon illicite. […] Il apparaît en effet que le soutien public qui serait renforcé au profit de ces chaînes devrait être considéré comme une “aide d’État” au sens des articles 87 et suivants du traité de Rome. » Enfin, « l’affectation globale du produit de la taxe aux chaînes publiques ferait problème, car elle ne peut pas être toujours proportionnée aux obligations de service public : une taxe assise sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications et de communications électroniques variera selon leur activité propre, et non pas en fonction des besoins en compensation des chaînes de service public. »

Par ailleurs, ces deux éminents professeurs s’interrogent sur la constitutionnalité de cette disposition au regard du droit français. Cette nouvelle taxe semble en effet contraire au principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques puisque certains contributeurs seulement sont appelés à supporter cette taxe d’intérêt général au bénéfice de tous. Or, le législateur doit toujours fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose d’atteindre. Dans le cas présent, « l’absence de précision sur les intentions du Gouvernement contraint à des conjectures, mais ces dernières, à des degrés divers, laissent toujours planer le risque d’une inconstitutionnalité. ».

Le lien entre votre nouvelle taxation et la mesure qu’elle a vocation à financer n’est pas clairement établi, ce qui est gravement contraire au principe d’égalité. Toutes les entreprises étant placées dans une même situation au regard de la loi fiscale, rien ne saurait justifier que certaines soient sélectivement désignées pour être assujetties à une taxation particulière : ce serait constitutif d’une rupture d’égalité difficilement compréhensible. La Constitution n’admet pas la possibilité, même pour le législateur, de décider d’une taxation qui serait prise « à la tête du contribuable », si l’on peut dire. Par définition, tout choix qu’il serait amené à faire pour dresser la liste des assujettis ne pourrait se prévaloir des critères d’objectivité et de rationalité qu’exige la jurisprudence.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Filippetti !

Mme Aurélie Filippetti. Enfin, de telles taxes ne peuvent porter sur le chiffre d’affaires que lorsque la nature de l’activité en cause est directement liée à l’objectif qu’il s’agit d’atteindre, par exemple, l’industrie pharmaceutique pour une contribution à la maîtrise des dépenses de santé. Le revenu des entreprises est, en effet, déjà frappé par l’impôt sur les sociétés et rien ne saurait justifier que certaines entreprises se voient imposer une contribution spécifique et supplémentaire.

Mme la présidente. Madame Filippetti, je vous prie de conclure !

Mme Aurélie Filippetti. D’une manière ou d’une autre, Gouvernement et Parlement ne pourront instituer la taxation envisagée qu’en la mettant en relation avec la volonté affichée de compenser le manque à gagner qui résulterait pour les télévisions publiques de la décision de suppression de la publicité. Mais là encore, certains problèmes se poseraient.

Avec la création de cette nouvelle taxe, votre projet de loi, madame la ministre, encourt donc deux risques : le risque d’inconstitutionnalité et le risque d’être contraire au droit communautaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n° 365.

Mme Sandrine Mazetier. Il m’apparaît important d’expliquer de manière claire à nos concitoyens ce que recouvre ce projet de loi. Outre la nomination et la révocation du président de France Télévisions par le fait du prince, il comporte en effet des dispositions qui pèseront directement sur le pouvoir d’achat des Français, ce dont ils ne sont pas suffisamment conscients.

L’article 21, que cet amendement cosigné avec Mme Karamanli et M. Roy vise à supprimer, crée une nouvelle taxe pour compenser la perte de recettes que subira France Télévisions du fait de la suppression de la publicité après vingt heures sur ses chaînes, à partir du 5 janvier. On sait que les écrans publicitaires, parmi les plus chers de la télévision à vingt heures trente, lui assuraient d’importantes ressources et, dès le 5 janvier, c’est l’équivalent de 450 millions d’euros qu’elle devra trouver.

Le Gouvernement fait mine de l’aider en créant des taxes. La semaine dernière, nous avons débattu des taxes sur la publicité auxquelles les chaînes privées seront assujetties. Avec l’article 21, il est question d’une nouvelle taxe sur les opérateurs de téléphonie. Ce seront désormais les usagers du téléphone qui financeront la télévision publique, en lieu et place des grands annonceurs publicitaires. Autrement dit, chaque abonné de compagnie téléphonique devra payer tandis que TF1 bénéficiera de ressources publicitaires supplémentaires. Voilà qui est proprement scandaleux !

Les opérateurs de téléphonie auront en effet vite fait de répercuter la charge de cette nouvelle taxe sur leurs clients. Comme les Français, qu’ils soient ou non imposables sur le revenu, sont pour une très large majorité d’entre eux abonnés à des services de téléphonie, ils seront les premiers à payer. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé de multiples amendements de suppression de l’article.

En outre, cette nouvelle taxe est injuste pour les secteurs sur lesquels elle pèse. Elle est en effet assise sur l’ensemble du chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie alors que celui-ci provient pour une petite partie seulement d’Internet et de ses contenus audiovisuels, la majeure partie étant issue des communications téléphoniques et des SMS. Comme le rappelait à l’instant Patrick Bloche, c’est 7 % du résultat de ces entreprises qui en sera affecté. Or, ces entreprises sont en plein développement et créent de l’emploi. Était-ce bien le moment de décourager le secteur de l’économie numérique d’investir et d’embaucher alors que des plans sociaux s’annoncent en cascade ?

Par ailleurs, pour trouver des ressources, n’aurait-il pas été préférable d’épargner les consommateurs en taxant l’ensemble des bénéficiaires de la suppression de la publicité sur France Télévisions ? En effet, ce ne sont pas seulement les chaînes privées et les opérateurs Internet qui en profiteront ; ce seront aussi les stations de radio et les vendeurs d’écrans de télévision.

Enfin, cette taxe n’est pas affectée. Son maigre produit, qui coûtera fort cher aux Français, n’ira même pas à France Télévisions et à l’audiovisuel public ; il sera dissout dans le budget général de l’État. Or on sait que ce gouvernement est capable de faire n’importe quoi avec l’argent que lui confient les Français.

Mme la présidente. Madame Mazetier, veuillez conclure, s’il vous plaît.

Mme Sandrine Mazetier. Bref, vous procédez à un tour de passe-passe dont le seul but est d’occulter la réalité de ce projet de loi, qui est non seulement antidémocratique, mais aussi anti-économique. Il affectera la nouvelle économie et le pouvoir d’achat en régression des Français, y compris celui des retraités qui n’ont plus un sou à mettre de côté.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 21.

Mme la présidente. Sur le vote des amendements nos 361 à 365 et n° 717, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Colette Le Moal, pour défendre l’amendement n° 717.

Mme Colette Le Moal. Le Gouvernement, pour des raisons qui lui appartiennent, a choisi d’écarter tout débat sur la redevance audiovisuelle, seul impôt légitime, à nos yeux, pour financer l’audiovisuel public. Face à une réforme ni prioritaire ni urgente – la suppression de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public –, les députés du Nouveau Centre réaffirment leur opposition complète au financement envisagé, particulièrement à cette taxe illégitime qu’instaure l’article 21. À plusieurs égards, cette nouvelle taxe n’a pas de raison d’être.

Premièrement, elle n’est pas affectée, ce qui constitue un risque majeur pour les sociétés qu’elle est censée financer. L’histoire budgétaire a déjà prouvé qu’une taxe ayant un objet bien défini est souvent amenée à augmenter et à se détourner de son objet initial pour se perdre dans les méandres du budget de l’État.

Deuxièmement, sa constitutionnalité est douteuse. Elle est discriminatoire, car elle crée une rupture d’égalité entre certaines sociétés, qui y sont arbitrairement assujetties, et les autres.

Troisièmement, le choix d’asseoir la taxe sur l’essentiel du chiffre d’affaires des sociétés visées, et non sur leur capacité contributive, constitue une erreur économique grave. Il aurait été beaucoup plus légitime de taxer l’effet d’aubaine provoqué par la suppression de la publicité ou de rechercher d’autres modalités d’assiette.

Quatrièmement, le principe même d’une taxe venant frapper les opérateurs de communications électroniques pour financer l’audiovisuel public est injustifié au regard de l’activité de ces sociétés et donc illégitime. Ces opérateurs sont en effet pour leur grande majorité étrangers à l’économie de la télévision. On peut ainsi se demander en quoi la téléphonie fixe et la diffusion de SMS, assujetties à cette taxe, sont concernées par le financement de l’audiovisuel public.

Cinquièmement, le principe de cette taxe est anti-économique. Le secteur économique des opérateurs de communications électroniques est déjà lourdement taxé et sollicité : de nombreuses contraintes législatives ou réglementaires accroissent périodiquement leur charge d’investissement ou leurs dépenses d’exploitation. De surcroît, cette taxe de 0,9 % est particulièrement pénalisante, compte tenu des efforts demandés à ces entreprises pour réaliser les objectifs ambitieux du plan numérique 2012 pour le redéploiement du haut et du très haut débit avec lesquels elle entre en totale contradiction. Au moment où les effets de la crise financière commencent à ralentir les investissements productifs en France, l’instauration d’une telle taxe serait une très mauvaise nouvelle pour ce secteur économique, pourtant déterminant pour la croissance française.

L’instauration de cette taxe aura donc comme double conséquence de ralentir les investissements des opérateurs et de répercuter tout ou partie de son coût sur le consommateur. Finalement, elle bafoue les deux objectifs majeurs de l’économie nationale : hausse du pouvoir d’achat et relance de la croissance. Le Gouvernement a cherché en réalité une assiette large, dynamique, permettant une taxation indolore pour les ménages. Cette logique a prévalu sur d’autres logiques plus économiques qui auraient abouti à taxer d’autres secteurs d’activité beaucoup plus étroitement liés au devenir de la télévision.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à supprimer l’article 21 qui institue une taxe illégitime, destinée à compenser une mesure inopportune.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale. Je crains que l’avis de la commission ne soit pas conforme aux souhaits exprimés par nos collègues dont les arguments appellent quelques réponses.

Premier argument : la taxe sur les opérateurs de communications électroniques aurait une constitutionnalité douteuse. Au cours du débat, aussi bien Mme la ministre que moi-même avons répété que la jurisprudence constitutionnelle reconnaît au législateur la possibilité d’instituer, sans méconnaître le principe d’égalité, des impôts n’étant pas affectés et de n’inclure dans leur assiette que des catégories particulières de redevables ou d’activités ainsi que de choisir des dispositions fiscales différentes pour des activités professionnelles différentes, pourvu que ces catégories soient définies de façon rationnelle et objective.

Deuxième argument : l’absence d’affectation et la question de la compatibilité de ces nouvelles taxes avec le régime juridique des aides de l’État. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes n’a admis de considérer une taxe comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide qu’à la condition, absente du présent projet de loi, qu’existe un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide. Il faut donc que le produit d’une taxe nouvelle soit affecté au financement d’une aide pour qu’un tel dispositif soit soumis à l’obligation de notification préalable à la Commission européenne.

Troisième argument : nous entendons dire que l’assiette de la taxe sur les opérateurs de communication serait mal définie. Au contraire, nous considérons que cette assiette a été définie finement, notamment après que l’ARCEP eut rendu un avis dans lequel elle estimait que le champ des exclusions d’assiette n’était pas suffisant pour garantir le respect des principes de non-discrimination et de neutralité technologique et qu’il convenait d’exclure certaines prestations de l’assiette de la taxe. Le Gouvernement a tenu compte de l’avis de l’ARCEP et la taxe dont nous débattons aujourd’hui est bien assise sur le montant hors TVA des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers aux opérateurs de communication électronique. Mais elle exclut de son assiette quatre éléments : les sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion et d’accès faisant l’objet de conventions entre exploitants, les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle, les services qui ne relèvent pas de la communication électronique, enfin les sommes acquittées par les usagers en rémunération des services de télévision. Je vous prie de me pardonner pour ces précisions, mais il me paraissait nécessaire de démonter certaines idées reçues.

Enfin, nous entendons dire que la taxe serait anti-économique.

M. Christian Paul. C’est sûr !

M. Christian Kert, rapporteur. Est-il besoin de préciser, à toutes fins utiles, que le revenu des opérateurs de communication électronique sur le marché de détail s’élève à 42,5 milliards d’euros en 2007,...

M. Patrick Bloche. Qu’en sera-t-il en 2010 ?

M. Christian Kert, rapporteur. ...en progression de 3,7 % par rapport à 2006 ? Par souci d’honnêteté, on doit reconnaître que l’impact que cette taxe pourrait avoir sur la facturation des particuliers peut être qualifié d’impact à dose homéopathique.

Pour ces multiples raisons, la commission a donné un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Après l’excellente analyse du rapporteur, j’ajouterai qu’il y a beaucoup de sens à ce que les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à Internet participent au financement de l’audiovisuel public parce que contenant et contenu sont de plus en plus liés. Par ailleurs, depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, les fournisseurs d’accès à Internet contribuent au compte de soutien du CNC, c’est-à-dire le COSIP,...

M. Christian Paul. Ça n’a rien à voir !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. ...et qu’à ce titre ils bénéficient d’un taux de TVA réduit à 5,5 % sur la moitié de leur chiffre d’affaires.

En outre, les opérateurs de télécommunications développent de plus en plus de nouvelles offres de contenu audiovisuel et cinématographique. Ainsi, Orange propose, depuis cet été, une offre de sport, avec un match de football par semaine et, depuis le mois de novembre, sa propre chaîne de télévision avec « Orange cinéma séries ». D’ailleurs, Orange a créé, en 2007, son propre studio de production de films.

C’est dire que, de plus en plus, les opérateurs de télécommunications électroniques sont des producteurs, des diffuseurs et des acheteurs de programmes. Il est exact, comme l’a rappelé Christian Kert, que leur chiffre d’affaires est élevé, puisqu’il est déjà de 20 milliards pour le seul premier semestre de 2008, avec des marges bénéficiaires de plus de 15 %. C’est un secteur en totale expansion.

Mme Sandrine Mazetier. Parlez-nous du chiffre d’affaires de TF1 !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Ces dispositions, qui me semblent fondées, ne découragent nullement les opérateurs de s’engager dans la production puisque j’ai espoir de signer, avec Orange, tous les producteurs et tous les auteurs, avant la fin de la semaine, des accords en matière de production audiovisuelle, ce qui montre bien leur engagement.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Madame la ministre, nous faisons preuve de bonne volonté en essayant de trouver, dans votre projet de réforme, des éléments pour nous convaincre. Mais à chaque fois, nous nous apercevons que tout est à jeter, que rien n’est bon – pour reprendre une expression populaire d’un chanteur qui ne l’est pas moins –, et notamment l’article 21.

Nous sommes un certain nombre à avoir demandé l’augmentation de la redevance, et ne croyez pas que ce soit une coquetterie des gens de gauche. C’est une exigence par rapport à ce que doit être l’audiovisuel public. Si les téléspectateurs paient, cela veut dire que non seulement ils ont droit à un audiovisuel public de qualité, mais qu’ils ont un droit de regard dessus.

Ce matin, vous avez évoqué l’exemple allemand à la radio, puisque vous préférez parler aux journalistes qu’à la représentation nationale. Vous savez très bien que, en Allemagne, les téléspectateurs sont associés au fonctionnement et à l’autorité de contrôle et de nomination des présidents de l’ARD et de la ZDF et qu’en Grande-Bretagne, dans la BBC Trust, les téléspectateurs sont aussi associés. Ils ont même été associés à cette réforme qui a duré quatre ans.

Dois-je rappeler ici que la décision du Président de la République, annoncée subrepticement le 8 janvier 2008, aboutit à une loi à peine un an plus tard sans aucune consultation préalable ? L’impasse politique et juridique dans laquelle vous vous retrouvez vous oblige à demander au président de France Télévisions de se faire hara-kiri en décidant lui-même de la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public.

Avec l’article 21, vous proposez au Français, à ce cochon de téléspectateur, à ce cochon de payeur, une « dose homéopathique », comme l’a dit très naïvement notre excellent rapporteur. Mais cela signifie qu’il paiera quand même, par le truchement d’une taxe sur des activités qui n’ont rien à voir avec la production audiovisuelle et avec le secteur concerné.

En fait, pour essayer de faire passer la pilule, vous dépouillez le téléspectateur du droit de regard qu’il pourrait avoir sur l’audiovisuel public, de ce principe fondateur qui n’est pas une taxe mais une recette attribuée directement au service public de l’audiovisuel, pour vous délester sur les opérateurs de télécommunications. Même dans le principe, ce n’est pas logique, et ce d’autant moins que Mme Reding, commissaire européenne en charge de la société de l’information et des médias, explique qu’il sera difficile d’imposer des taxes supplémentaires aux opérateurs tout en essayant de faire des efforts pour le haut débit et le très haut débit, secteur dans lequel la France est très en retard. Madame la ministre, comment pouvez-vous défendre l’idée selon laquelle les opérateurs de communications électroniques ne répercuteront pas sur leurs abonnements la taxe que vous leur imposez ?

Par ailleurs, vous allez renforcer davantage encore ce que l’on appelle la fracture numérique. L’article 21 n’est donc pas juste.

Je voudrais revenir sur des questions auxquelles vous répondrez peut-être devant des journalistes, faute de répondre à la représentation nationale. Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, pouvez-vous nous confirmer que le déficit du budget 2009 de France Télévisions est évalué à 80 millions d’euros ? Et, ne me répondez pas, comme vous l’avez fait la semaine dernière, sur le budget de 2008.

Mme la présidente. Monsieur Mamère, il faut conclure.

M. Noël Mamère. Pouvez-vous également me confirmer que les prévisions commerciales, qui sont fixées à 260 millions d’euros, ne seront pas atteintes ? J’ajoute que si ces prévisions commerciales ne peuvent pas être atteintes, c’est parce que déjà TF1 et M6 ont fait du dumping sur les publicités avant vingt heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, on va se retrouver avec des gens qui vont se gaver après vingt heures et une publicité au rabais sur France Télévisions.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Nos collègues de gauche veulent faire peur à l’opinion publique en affirmant que la taxe nouvelle sera répercutée sur les consommateurs.

Or, je leur rappelle que, dans le domaine des prestations comme dans celui des matériels électroniques, la baisse des prix est une réalité dont tout le monde bénéficie en permanence, et d’abord les consommateurs. Il est donc possible de ne pas imputer sur le pouvoir d’achat des consommateurs...

M. Marcel Rogemont. Leur pouvoir d’achat baisse !

M. Patrice Martin-Lalande. ...ce complément d’imposition qui sera proposé pour les opérateurs de télécommunications et les FAI.

Mme Sandrine Mazetier. Croyez-vous vraiment ce que vous êtes en train de dire ?

M. Patrice Martin-Lalande. À cet égard, il faut saluer la façon dont les opérateurs ont pu et su mettre au service des consommateurs des prestations, par exemple le triple play, à un tarif qui est l’un des plus intéressants d’Europe.

Nos collègues de gauche qui ont réclamé, il y a quelques jours, une augmentation de la redevance, devraient avoir l’honnêteté de dire que cela représente pour les redevables un alourdissement de 100 % de la charge qu’ils supportent. Donc, là aussi, la répercussion est intégrale.

Personnellement, j’aurais souhaité qu’un cocktail plus large de taxes permette de mieux répartir la charge. Nous ne devrions pas écarter, pour l’avenir, la taxe sur l’électronique grand public de loisirs, qui sont des produits d’importation dont les prix baissent, et nous devrions affecter aux télécommunications une partie du produit, évalué à 1,5 milliard d’ici à trois ou quatre ans, que l’État encaissera en raison du passage au numérique, donc de la libéralisation de fréquences qui étaient utilisées par l’audiovisuel. Du reste, je présenterai tout à l’heure des amendements permettant de mieux asseoir cette taxe.

Nos collègues de gauche critiquent l’absence de lien entre la taxe et le secteur d’activité des télécoms et des fournisseurs d’accès à Internet. Je leur rappelle qu’ils ont proposé, en 2000, dans un rapport fait sous la présidence de M. Migaud, de remplacer la redevance par un produit prélevé sur les jeux. Quel est le rapport entre l’audiovisuel et les jeux ? Très franchement, ils n’ont pas de leçons à donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous essayons, dans ce débat, d’introduire un peu de dialogue et de pédagogie, ce qui est plutôt difficile.

Je veux dire à nos collègues de la majorité, qui s’apprêtent à voter contre ces amendements, qu’ils sont en train de pratiquer un véritable détournement de fonds sur la création, la culture et les artistes. En effet, les sommes qu’ils vont allouer à l’audiovisuel public, au terme d’une disposition anachronique et incohérente, ils vont en priver les artistes, la création et la culture, parce que rien ne sécurise véritablement le prélèvement qui sera opéré.

Madame la ministre, vous nous répondez : fonds de soutien au cinéma. En la matière, nous vous aurions soutenue si vous l’aviez fait de façon plus ambitieuse. Vous nous dites aussi qu’Orange produit. Très bien. Mais alors, il faut faire en sorte que les opérateurs aient des obligations de production. Cela n’a strictement rien à voir avec ce que vous êtes en train de faire, qui est proprement scandaleux !

Tous ces moyens auraient permis à des milliers d’artistes, d’interprètes et d’intermittents auxquels vous refusez une protection sociale de bénéficier d’un financement pérenne supplémentaire. La décision que vous allez prendre ce soir va priver la filière musicale française de 100 millions d’euros par an au moins.

Je demande à nos collègues de la majorité de réfléchir une dernière fois : cette taxe mérite effectivement un débat, mais pas aux conditions que vous avez établies et certainement pas pour les objectifs que vous poursuivez.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 361, 362, 363, 364, 365 et 717.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(Les amendements nos 361, 362, 363, 364, 365 et 717 ne sont pas adoptés.)

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement fondé sur l’article 58-1.

M. Benoist Apparu. Ça faisait longtemps ! Ça nous manquait !

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Madame la ministre, vous avez déclaré ce matin sur une radio dont, bientôt, le PDG sera nommé et révoqué par le Président de la République – Radio France –,…

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ainsi que par le CSA et par le Parlement. Vous ne dites qu’un tiers de la vérité !

M. Noël Mamère. …que vous aviez demandé au président de France Télévisions de décider lui-même la suppression de la publicité. Or, nous n’avons pas encore voté la loi : nous ne sommes donc pas encore dans le cas d’une entreprise unique et s’il y a bien un conseil d’administration de France Télévisions, il y en a également un de France 2, un de France 3, un de France 5 et un de RFO. Comment dès lors pouvez-vous juridiquement fonder et légitimer la demande que vous avez adressée au président de France Télévisions ? Cette décision s’imposera-t-elle aux conseils d’administration de France 2, de France 3, de France 5 et de RFO ou, au contraire, êtes-vous devant une nouvelle impasse juridique ? En effet, ces chaînes ne faisant pas encore partie d’une entreprise unique, leurs conseils d’administration ont un fondement légal en vertu de la loi de 1986 révisée en 2000. M. Christian Kert, qui est membre du conseil d’administration de France Télévisions, aurait à mon sens tout intérêt demain, mardi 16 décembre, date de la convocation du conseil d’administration, à suivre les bons conseils que nous lui adressons en demandant le report de l’application de la mesure visant à supprimer la publicité. On pourrait demander la même chose à nos collègues qui sont membres des conseils d’administration de France 2, de France 3, de France 5 et de RFO.

Madame la ministre, nous attendons une réponse claire à cette question importante sur les plans juridique et politique. En effet, je doute fort que le président de France Télévisions puisse imposer ses décisions aux conseils d’administration des chaînes du groupe alors que la loi n’a pas encore été votée.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement, ce qui n’a pas été le cas de l’intervention de M. Mamère.

M. Christian Paul. Comme M. Mamère l’a souligné, nous nous trouvons devant un imbroglio juridique qui rend très difficile le déroulement de nos débats, d’autant qu’il s’ajoute à une impasse politique évidente en raison des voix dissidentes qui se font entendre au sein de l’UMP, de la rébellion du Nouveau Centre et d’une résistance politique parfaitement assumée de la part de l’opposition.

C’est du reste pour cette raison que vous mettez en demeure le président de France Télévisions de procéder sans base ni légale ni réglementaire à la suppression de la publicité. En vous écoutant ce matin, madame la ministre, j’avais l’impression que vous demandiez à Socrate de boire la ciguë. Sur le terrain de la morale politique, vous auriez pu vous dispenser de demander à Patrick de Carolis de procéder de la sorte.

Je le répète : cette impasse politique se double d’une imprécision juridique. On voit bien dans quel fossé vous avez conduit ce texte qui est totalement sorti des rails. En cette fin d’année, il serait de grande sagesse politique de mettre fin à cette mascarade.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Monsieur Mamère, comme je l’ai déjà souligné, il existe différentes possibilités pour faire cesser la commercialisation des espaces publicitaires après vingt heures. Il s’agit en l’espèce d’un acte de gestion du président de France Télévisions et la mesure n’a même pas besoin d’être formellement votée comme une résolution. Il souhaite la faire approuver par le conseil d’administration de France Télévisions, mais, je le répète, il s’agit d’un acte de gestion consécutif à la lettre que je lui ai envoyée.

M. Christian Paul. Pourquoi faire une loi dans ces conditions ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La loi porte sur beaucoup d’autres aspects. C’est une loi très complète.

M. Noël Mamère. Il n’y avait pas besoin de loi ! La loi ne sert qu’à autoriser le Président de la République à nommer et à révoquer les responsables de l’audiovisuel !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La loi apportera sa solennité à cette suppression partielle,…

M. Christian Paul. Une loi pour rendre solennel le fait que le Président de la République dirigera France Télévisions !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …de même que la diminution de la publicité en 2000 figurait dans la loi de Mme Tasca, non par nécessité mais pour rendre la mesure plus solennelle. C’est la même démarche.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 107 et 667.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 107.

M. Christian Kert, rapporteur. Je laisse M. Martin-Lalande soutenir l’amendement identique n° 667.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ces deux amendements identiques ont pour objectif de soumettre au paiement de cette taxe non seulement les opérateurs établis en France, mais également ceux qui fournissent un service en France. En effet, des opérateurs étrangers du type MVNO ou d’autres fournisseurs de services qui exercent une activité en France depuis l’étranger pourraient, si ces amendements n’étaient pas adoptés, être exonérés de cette contribution, ce qui nous paraît inacceptable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Cet amendement vise assez logiquement à prendre en compte les opérateurs télécom étrangers à partir du moment où ils fournissent un service en France.

Toutefois je souhaitais également prendre la parole pour aller jusqu’au bout des échanges que nous avons eus sur la pertinence de l’article 21. Nous sommes en effet toujours convaincus qu’avec cette taxe nouvelle que vous instaurez, contrairement à vos engagements électoraux et à ceux du candidat Sarkozy, vous alourdissez les prélèvements obligatoires dans notre pays.

Cette nouvelle taxe est, de plus, antiéconomique parce qu’elle est en contradiction totale – tel est le paradoxe – avec un plan récent du Gouvernement porté par le secrétaire d’État Éric Besson, qui vise à faire de la France un pays encore plus performant sur le plan numérique en 2012. Il est vrai que ce plan n’est pas réellement financé et que, très certainement, ce seront les collectivités territoriales qui contribueront le plus dans ce domaine comme dans celui du financement public de la culture. Nous sommes dans un anachronisme évident. D’un côté, on veut que notre pays soit à l’heure des grands rendez-vous technologiques ; de l’autre, on taxe, c’est-à-dire on pénalise un secteur dont le dynamisme, pour être réel, n’en est pas moins précaire comme l’est tout dynamisme économique et industriel : il est en effet très lié à la conjoncture internationale qui, sur les plans économique et commercial, nous avons pu le voir récemment, est fragile et instable.

Madame la ministre, vous avez évoqué le fait que ces opérateurs télécom et ces fournisseurs d’accès à Internet contribuent déjà à la création en participant, à travers les obligations de production, au financement du COSIP – le Parlement a voté ce dispositif à l’unanimité il y a un peu plus d’un an. Toutefois, vous n’intégrez qu’une seule dimension de la création – la création audiovisuelle et cinématographique – et vous en oubliez tout un pan, celui qui a été sans doute le plus durement touché par le développement d’Internet, à savoir tout le domaine de la production musicale. Cette taxe nouvelle, imposée aux fournisseurs d’accès à Internet et aux opérateurs de télécom, n’ira à aucun moment à la production musicale, que ce soit en termes de soutien ou d’investissement.

Votre construction est donc fragile, non seulement sur le plan constitutionnel – cela a déjà été dit –, mais également sur le plan financier : quitte à ce que les « possesseurs de tuyaux » soient taxés, nous aurions souhaité qu’ils le soient avant tout pour rémunérer ceux qui sont à l’origine des contenus qu’ils véhiculent, à savoir les créateurs, les auteurs et les ayants droit, tous ceux qui participent à la chaîne de la création à laquelle nous intégrons évidemment les producteurs.

Nous persistons donc à stigmatiser l’article 21 qui introduit une mauvaise disposition : cette taxe, je le répète, ne financera en rien la création, mais visera avant tout à valider ou à justifier un choix funeste car, même à plein rendement et en se fondant sur les projections les plus optimistes du rapporteur, les deux taxes créées aux articles 20 et 21 ne pourront jamais compenser intégralement les 450 millions d’euros de ressources publicitaires que vous avez décidé de supprimer.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. C’est le budget général qui en profitera !

(Les amendements identiques nos 107 et 667 sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 108 et 668.

La parole est à M. le vice-président de la commission spéciale.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ces amendements ont pour objet de rappeler que des sommes d’interconnexion sont versées par les opérateurs. En effet, lorsqu’un client appelle le client d’un autre opérateur, l’opérateur de ce dernier facture au premier une facturation de prestation de « terminaison d’appel » pour l’acheminement de cet appel d’un réseau vers l’autre.

L’exonération visée dans l’alinéa 7 se justifie par la nécessité d’éviter une double taxation du chiffre d’affaires des opérateurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Je tiens à profiter de cet amendement pour revenir sur une question qui a déjà été posée au sujet de cette nouvelle taxe qui, comme l’a souligné Patrick Bloche, est anti-économique du fait de son caractère désincitatif pour les acteurs du secteur des télécommunications électroniques. Mais je voudrais revenir sur la question de sa constitutionnalité. En effet, alors qu’elle sera versée au budget général de l’État, elle ne frappera qu’une petite partie des entreprises, lesquelles n’ont qu’un très faible lien avec le service public audiovisuel. Or, toutes les entreprises sont déjà soumises à l’impôt sur les sociétés.

Mme Françoise de Panafieu. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

Mme Aurélie Filippetti. J’aimerais, madame la ministre, que vous nous indiquiez le lien que vous établissez entre les entreprises que vous prétendez taxer et le service public de l’audiovisuel.

M. Benoist Apparu. Quel est le lien avec l’amendement ?

Mme Aurélie Filippetti. Peut-être considérez-vous que le marché publicitaire qui n’ira pas sur France Télévisions ira vers les fournisseurs d’accès à Internet. C’est une possibilité. Dans ces conditions, il faudrait asseoir cette nouvelle taxe uniquement sur les recettes publicitaires nouvelles engendrées chez les fournisseurs d’accès à Internet. Or, ces recettes publicitaires entrent dans le bénéfice global de l’entreprise qui est déjà taxé au titre de l’impôt sur les sociétés.

Mme Françoise de Panafieu et M. Benoist Apparu. Quel est le lien avec l’amendement ?

Mme Aurélie Filippetti. À moins que vous ne considériez qu’en raison de la disparition de la publicité sur les chaînes du service public de l’audiovisuel, les Français utiliseront davantage leur téléphone portable, Internet ou leur téléphone fixe, ce qui, je dois le reconnaître, paraît absurde.

En tout état de cause, madame la ministre, vous devez expliquer le lien que vous établissez afin que nous puissions comprendre pourquoi vous avez choisi les entreprises fournisseurs d’accès à Internet pour financer le service public de l’audiovisuel. Dans le cas contraire, vous prenez le risque que cette disposition ne soit déclarée anticonstitutionnelle.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Mais non !

(Les amendements identiques nos 108 et 668 sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°666.

La parole est à M. le vice-président de la commission spéciale.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Cet amendement a pour objet d’exclure de l’assiette de la taxe que nous allons créer le montant des données achetées en gros. L’exonération visée par l’alinéa 8 de l’article 21 se justifie par la nécessité d’éviter une double taxation des données en gros : une première fois au moment de leur vente en gros, une seconde fois lors de leur vente au détail auprès des clients finaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Cet amendement est satisfait puisque la taxe porte sur les sommes acquittées par les usagers en rémunération de services de communication électronique. Or, la vente de données n’est pas un service de communication électronique et n’entre pas dans l’assiette de la taxe. Il n’y a donc pas lieu d’exclure les coûts d’achats de données en gros. C’est pourquoi je vous propose, monsieur Martin-Lalande, de retirer votre amendement.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je le retire.

(L’amendement n° 666 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 507.

La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Cet amendement a pour objet d’exonérer de la taxe envisagée les opérateurs de renseignement téléphonique qui n’ont pas de lien, me semble-t-il, avec elle.

Mme Aurélie Filippetti. Vous dites qu’il n’y a pas de lien alors qu’il y en aurait un avec les autres opérateurs ! Comme c’est bizarre !

M. Benoist Apparu. Vous n’avez qu’à déposer des amendements !

M. Christian Paul. Vous parlez d’un argument, monsieur Apparu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a accepté cet amendement, car elle a considéré comme légitime le fait de ne pas soumettre à cette taxe des opérateurs dont l’activité relève en effet d’une logique distincte de celle liée à l’exploitation des images de la télévision, mais qui sont tenus d’avoir le statut d’opérateur de communications électroniques au sens du code des postes et télécommunications. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un cadeau. Il s’agit d’assurer une justice juridique et fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis favorable pour les mêmes raisons que celles exposées par le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. On parle de justice. Il s’agit d’une justice non pas immanente, mais transcendantale puisqu’elle émane nécessairement du Président de la République.

De la même manière que l’on a cherché à restreindre l’assiette de la taxe concernant les télévisions privées, on cherche à bidouiller la taxe sur les opérateurs de communications électroniques…

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Précisez votre pensée !

M. Marcel Rogemont. …pour répondre, certes, à quelques questions éventuellement pertinentes,…

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ah ! Tout de même !

M. Marcel Rogemont. …mais c’est sans doute le produit du lobbying.

Madame la ministre, combien d’argent comptez-vous retirer de la réforme prévue à l’article 20 instaurant la taxe sur les publicités télévisuelles ? Vous espériez disposer d’un volume financier, mais vous avez modifié l’article 20 dans le sens d’une réduction du produit de la taxe. De même, à combien estimez-vous le produit de la taxe prévue par l’article 21 ?

Mme Aurélie Filippetti. Cela change tous les jours !

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, vous n’assumez pas : vous êtes en train de nous proposer des taxes rikiki.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Il faudrait savoir : tout à l’heure c’était trop et maintenant c’est « rikiki » ! Vous dites décidément tout et son contraire !

M. Marcel Rogemont. Vous laissiez entendre que TF1, M6, les télévisions privées n’auraient pas le monopole du marché publicitaire et que, ce dernier étant en régression, il fallait réduire la taxation. Seulement, réduire la taxation revient à réduire la somme qui devrait compenser les 450 millions d’euros de pertes du service public.

M. Michel Herbillon. Ils disent tout et son contraire, comme ça, il y en a pour tout le monde !

M. Marcel Rogemont. Enfin, je répète, pour la énième fois,…

M. Michel Herbillon. Voilà enfin une parole sensée !

M. Marcel Rogemont. …une question à laquelle je souhaite obtenir une réponse précise : êtes-vous en train de négocier un plan d’affaires avec France Télévisions, groupe auquel vous demanderiez, entre 2009 et 2012, 700 millions d’euros d’économies ? Oui ou non ?

M. Christian Eckert. Très bien !

(L’amendement n° 507 est adopté.)

M. Marcel Rogemont. Répondez donc à ma question, madame la ministre !

Mme Aurélie Filippetti. Je demande la parole pour un rappel au Règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Il y avait longtemps !

M. Benoist Apparu. Au moins cinq minutes !

M. Michel Herbillon. Le mieux serait encore que vous l’appliquiez, le règlement, chers collègues de l’opposition !

Mme Aurélie Filippetti. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Nous avons posé à Mme la ministre une série de questions très précises sur lesquelles nous n’avons pas obtenu de réponses. Mme la ministre répond parfois sur des points très techniques, voire anecdotiques, mais jamais sur les questions de fond posées aussi bien par Marcel Rogemont que par Noël Mamère, Patrick Bloche, Christian Paul et moi-même. Nous aimerions entendre enfin des réponses aux questions précises que nous posons.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je vous confirme qu’il y a bien un déficit de 80 millions d’euros pour 2008, mais je ne vous dirai rien du déficit prévu pour 2009 tant que la discussion en cours du plan d’affaires ne sera pas close.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. C’est logique !

M. Christian Paul. Donnez-nous au moins une fourchette !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Certes, déficit il y aura et il sera assumé par l’État jusqu’en 2011, car il peut sembler légitime que l’État accompagne de grandes réformes, de grandes transformations structurelles. Je ferai la même réponse à M. Rogemont puisque nous nous projetons sur plusieurs années.

M. Marcel Rogemont. Ma question est pourtant simple : demanderez-vous des efforts supplémentaires ?

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, veuillez ne pas interrompre Mme la ministre !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je n’ai de toute façon rien à dire de plus pour l’instant.

M. Christian Paul. Quel dommage, alors que s’esquissait un semblant de dialogue !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. En tout cas, le plan d’affaires n’est pas bouclé à l’heure qu’il est.

M. Michel Herbillon. M. Rogemont est plus intéressé par ses questions que par les réponses ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 665.

La parole est à M. le vice-président de la commission spéciale.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Cet amendement a pour objet d’exclure de l’assiette de la taxe la vente des terminaux et des accessoires. L’exonération se justifie par la nécessité de retirer de la base de calcul des revenus qui ne sont pas liés à la fourniture de services de communications électroniques visés à l’alinéa 5 de l’article 21.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Le raisonnement de la commission est similaire à celui tenu précédemment : cet amendement est satisfait et a donc été repoussé tout simplement parce qu’il introduit une inutile redondance.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je le retire !

(L’amendement n° 665 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 782 et 109, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 109 fait l’objet d’un sous-amendement n° 761.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 782.

M. Patrick Braouezec. Je saisis l’occasion pour revenir sur l’ensemble de l’article 21, puisque je ne me suis pas encore exprimé à son sujet.

Cet article présente une sacrée difficulté pour nous tous, et pas seulement pour les députés de l’opposition. Nos collègues du groupe socialiste ont déposé un amendement visant à le supprimer, et donc à supprimer la taxe qu’il prévoit. Cependant, je suis certain qu’ils avaient conscience que cette suppression nécessiterait que l’on trouve d’autres moyens pour financer France Télévisions. Nous ne sommes pas favorables à cette taxe pour les raisons précédemment exposées, et nous sommes en présence de plusieurs amendements visant à en exonérer certains prestataires. Néanmoins, on souhaite que cette taxe serve à financer France Télévisions. En outre, en commission, on a vu son taux passer de 2 % à 0,9 %. Le but du présent amendement est d’ailleurs de rétablir le taux initial de 2 %.

Ces contradictions très fortes montrent à quel point ce projet a été rédigé à la légère par rapport aux enjeux de France Télévisions, notamment sur ces questions de financement. Ainsi, on évoque des taxes dont certains prestataires sont exonérés, et de plus on en diminue le taux : cela ne permettra pas de compenser le manque à gagner, vous le savez très bien. C’est ce qui m’amène à demander le rétablissement du taux de 2 %.

Je suis tenté de vous demander, à l’instar de Noël Mamère, de vous montrer raisonnables : cessons de vouloir précipiter l’application de ce texte comme l’a décidé le Président de la République, car je suis certain, madame la ministre, que, face aux difficultés auxquelles vous êtes confrontée, vous n’êtes pas loin de penser comme nous qu’il vaudrait mieux que cette loi entre en vigueur, non pas dès le 5 janvier, mais au mois de septembre 2009 comme l’avait d’ailleurs proposé la commission Copé.

Il faut dresser un état des lieux fondé sur des chiffres précis et non aléatoires comme c’est le cas aujourd’hui, qu’il s’agisse du manque à gagner réel de France Télévisions ou des recettes attendues au titre des articles 20 et 21. Soyons sérieux et profitons de l’occasion qui nous est offerte pour arrêter cette mascarade, comme l’a dit Noël Mamère ! Différons la mise en œuvre de la réforme au mois de septembre, comme nous aurions dû le faire dès le début de la discussion.

M. Frédéric Lefebvre. Changez de disque !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 109.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement présente la particularité d’avoir été adopté par la commission alors que le rapporteur y était défavorable. Il vise à instaurer une progressivité de la taxe par tranches de 5 à 10 millions d’euros. Je me suis interrogé, en commission, sur la légitimité de la mise en place d’une taxe progressive pour des contribuables aussi importants que les opérateurs télécom. Il me semblait que la taxe proposée par le Gouvernement, comportant déjà un seuil d’exigibilité fixé à 5 millions d’euros, permettait de protéger le développement des entreprises les plus fragiles.

Surtout, cet amendement aboutirait à réduire fortement le rendement de la taxe. Or, celle-ci est calibrée pour rapporter 379 millions d’euros en 2009 dans un secteur en plein développement et dont le modèle économique est tout de même florissant.

J’avais donc émis un avis défavorable, mais je n’ai pas été suivi par la commission, le président Copé ayant souhaité qu’on porte le débat en séance publique. J’ajoute que je suis d’un avis tout aussi défavorable au sous-amendement n° 761 qui viderait presque totalement les recettes de la taxe.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission spéciale, pour soutenir le sous-amendement n° 761.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ce sous-amendement vise à mieux tenir compte de la réalité économique. En effet, les opérateurs appartiennent à des catégories fort différentes. Entre ceux dont le chiffre d’affaires est assez élevé et d’autres comme les MVNO, les opérateurs virtuels, dont le chiffre d’affaires représente environ 2 % de celui des opérateurs principaux en téléphonie mobile, il y a une grande marge. En introduisant des seuils intermédiaires, l’objectif est de ne pas taxer les opérateurs en cours de développement au même niveau que des opérateurs arrivés à maturité.

Il s’agit donc de permettre le développement de la concurrence dont on a très bien vu, notamment dans le secteur de la téléphonie mobile et dans celui de l’Internet, qu’elle a permis l’accroissement de l’offre de service à des tarifs intéressants. Il nous faut maintenir cette capacité de compétition, en permettant notamment à de nouveaux acteurs de ne pas être pénalisés au même niveau que les autres opérateurs par ce prélèvement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable aux deux amendements et au sous-amendement, car ils modifient le rendement de la taxe prévue, soit 370 millions d’euros pour 2009.

M. Patrick Braouezec. Mon amendement va plutôt garantir ce montant !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Que l’on augmente le taux ou que l’on établisse un système progressif, on génère de fait une série de problèmes qui vont diminuer les ressources nécessaires à France Télévisions. En outre, comme l’a très justement rappelé le rapporteur, un abattement de 5 millions d’euros a déjà été mis en place pour les plus petits opérateurs de télécom afin de ne pas entraver leur développement.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 109, je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Cet amendement mérite un petit débat, c’est le moins que l’on puisse dire. Ses conséquences financières sont lourdes, au détriment de l’audiovisuel public.

L’amendement n° 109, proposé par le rapporteur, ainsi que ses sous-amendements, vise en effet à alléger la note.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Il s’agit de cibler la contribution.

M. Patrick Bloche. C’est tout le paradoxe. On était pourtant parti d’une démarche très volontaire, en disant que l’on allait chercher l’argent là où il était, d’où une taxe de 0,9 % sur les FAI et les opérateurs de télécommunications pour financer l’audiovisuel public, même s’il fallait passer pour cela par le budget de l’État.

M. Martin-Lalande a souligné, hors micro, que la compensation des 450 millions d’euros, à l’euro près, pour les trois ans qui viennent, serait assurée par le budget.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. C’est la meilleure garantie, pour ne pas dire la seule.

M. Patrick Bloche. Certes, sauf que dans cette affaire, et même si cela a déjà été voté, le problème est qu’il y a beaucoup de priorités à financer dans ce pays. Jusqu’à présent, le financement de l’audiovisuel public était assuré à partir de deux « canaux historiques », si j’ose dire, à savoir la redevance – que nous venons d’indexer sur le coût de la vie – et la ressource publicitaire. Assurer ce financement par le budget de l’État, n’était peut-être pas une priorité, quand on sait l’immensité des besoins, encore accentués par la crise économique et sociale ainsi que par la montée du chômage. Ont déjà été cités les hôpitaux, l’éducation, mais combien d’autres dépenses sociales auraient besoin d’un financement public !

Ces 450 millions d’euros devant être financés par le budget de l’État, il convient que celui-ci soit alimenté, sinon à cette hauteur, du moins dans des proportions telles que l’on s’y retrouve.

C’est le paradoxe de cet amendement et de ces sous-amendements : ils réduisent la note. On se montre très volontaire, on tente de démontrer, en réponse à nos amendements, la pertinence de cette nouvelle taxe créée à l’article 21, et puis, dès qu’on peut, on réduit la note de façon substantielle.

La question que nous nous posons, à ce stade de la discussion de l’article 21, c’est un peu celle que nous avons posée à la fin de la discussion de l’article 20. Nous aimerions beaucoup que vous puissiez nous répondre, madame la ministre. Cette question n’est pas de savoir combien cela coûte, mais combien cela rapporte.

Nous allons être amenés à nous prononcer sur la création de cette nouvelle taxe dans les mêmes conditions que lorsque est intervenu le vote de la taxe sur l’effet d’aubaine publicitaire des chaînes privées à l’article 20 : nous allons le faire sans savoir très exactement combien elle va rapporter, compte tenu des amendements proposés par nos collègues de la majorité et votés à tour de bras, qui visent, à chaque fois, à réduire la note pour les chaînes privées ainsi que pour les FAI et les opérateurs de télécommunication.

Nous ne savons pas quel sera le produit de la taxe créée à l’article 20. Nous ne savons pas davantage quel sera celui de la taxe créée à l’article 21. Cela signifie que nous allons nous prononcer dans des conditions qui ne sont pas acceptables. L’Assemblée va être amenée, par son vote, à créer une imposition supplémentaire sur des acteurs économiques : il faut tout de même que nous sachions ce que nous votons et, surtout, ce que cela va rapporter au budget de l’État.

Nous n’avons aucune étude d’impact, et c’est d’ailleurs toute la difficulté qui tient au fait que l’urgence qui a été déclarée sur ce texte. Sans cela, nous aurions pu débattre du principe en première lecture, et y revenir en deuxième lecture, le temps de faire procéder à une étude d’impact sur les dispositions adoptées par l’Assemblée puis par le Sénat. Nous aurions pu ainsi calibrer les choses et savoir, à l’arrivée, comment compenser la funeste baisse, au 5 janvier, des ressources publicitaires de France Télévisions.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Ces ressources seront remplacées par une recette garantie.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit. Je veux simplement rappeler qu’en commission, le président Copé avait souhaité que le débat puisse avoir lieu dans l’hémicycle. Nous étions pour le moins surpris que l’on puisse, avant même d’avoir créé cette taxe, être déjà en train de réfléchir à sa diminution. Cela montre bien l’amateurisme qui a présidé à la conception du financement de la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Lors de l’examen de l’article 20, comme je viens de le rappeler et comme l’a également rappelé mon collègue Patrick Bloche, on a vu comment était traitée la taxe sur le surplus de recettes publicitaires pour les chaînes privées : en gros, il n’y aura pratiquement rien à attendre du produit de cette taxe. Avec l’article 21, on est dans la même mécanique.

Je ne reprends pas tous les arguments qui ont déjà été présentés. Je veux simplement revenir à une question que j’ai posée à Mme la ministre, qui a commencé à me répondre. Elle est relative au plan d’affaires de France Télévisions.

L’argent nécessaire au financement de France Télévisions a été estimé à 800 millions. Dans cette somme étaient prévus 150 ou 160 millions d’économies que devait faire France Télévisions. Je ne vous demande pas, madame la ministre, de m’indiquer le volume financier de ces économies. Je voudrais savoir si, oui ou non, vous allez demander à France Télévisions des économies supplémentaires pour fonctionner normalement.

C’est là une vraie question, sur laquelle j’attends votre réponse. En effet, il ne faudrait pas que, d’un côté, vous soumettiez le fonctionnement de France Télévisions à des contraintes supplémentaires, alors que de l’autre, le Parlement réduirait de façon significative la portée des taxes qu’il crée pour financer France Télévisions.

Envisagez-vous, madame la ministre, de demander plus d’économies à France Télévisions que ce qui avait été initialement prévu ?

(L’amendement n° 782 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 761 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 109.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(L’amendement n°109 n’est pas adopté.)

Mme Aurélie Filippetti. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Je fais ce rappel au règlement sur le fondement de l’article 58.

Nous avions cru comprendre qu’avec la révision constitutionnelle adoptée par votre majorité, une étude d’impact serait systématiquement demandée avant la mise en œuvre de toute législation nouvelle.

M. Benoist Apparu. Cette disposition n’est pas encore entrée en application.

M. François Scellier. Et en plus, vous n’avez pas voté cette réforme !

Mme Aurélie Filippetti. Or, en l’espèce, aucune étude d’impact sur les effets de cette nouvelle taxe que vous allez créer n’a été réalisée. Vous n’êtes pas capables de nous répondre sur le produit que l’on peut en attendre, ni sur les conséquences de la minoration proposée par M. le rapporteur. Nous avons bien affaire à une politique de Gribouille, une politique qui ne sait gérer que du déficit. Vous avez dit, madame la ministre, que vous n’aviez aucun problème avec les déficits. Tant mieux, mais les Français, eux, ont un problème avec les déficits.

Vous ne savez que générer du déficit et créer des taxes nouvelles et votre majorité est tellement mal à l’aise qu’elle essaie, une fois que vous les avez créées, de les minorer pour faire plaisir à untel ou untel : non, ce ne sera pas 3 % sur les chaînes privées ; ce ne sera pas 0,9 %, mais 0,5 %. Dans l’exposé sommaire de l’amendement n° 109, on peut même lire ceci, sous la plume de M. Kert : « Le caractère général et uniforme de cette taxe est très pénalisant pour les jeunes entreprises du secteur. » Mais enfin, c’est l’ensemble de cette taxe qui est une aberration économique ! Ce n’est pas avec cette taxe que l’on devrait financer le service public de l’audiovisuel.

Tout cela est aberrant. Nous avons besoin de réponses chiffrées, précises. C’était le sens de ce que nous a « vendu » le Gouvernement avec la révision constitutionnelle : dorénavant, on fera des lois uniquement après une étude précise de leur impact économique. La vérité est que nous n’avons aucune étude d’impact. S’il vous plaît, à défaut d’étude d’impact, nous voulons des réponses chiffrées.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Dans la ligne des propos tenus par notre collègue Aurélie Filippetti, je constate que l’on va encore un peu plus loin dans le renversement de la pyramide démocratique. Vous allez en effet demander au Sénat de voter une loi après que les décisions ont été prises. C’est tout de même un sacré renversement dans l’ordre démocratique. En général, on vote les lois pour qu’elles s’appliquent. Ici, on applique la loi avant même qu’elle ne soit votée. On détache même des parties de la loi pour aller plus vite et pour répondre aux exigences du Président de la République.

Madame la ministre, je reviens encore une fois devant vous pour vous poser les mêmes questions.

Vous n’avez pas répondu à celle que je vous ai posée sur les conseils d’administration des sociétés qui composent le groupe France Télévisions. Vous m’avez répondu que la suppression de la publicité était une affaire de gestion. Franchement, vous ne manquez pas d’air, si je puis m’exprimer ainsi (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.),…

Mme Françoise de Panafieu. Doucement !

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Un peu de respect !

M. Noël Mamère. …de nous répondre cela alors que la suppression de la publicité est l’un des éléments essentiels de votre projet de loi, qui vise notamment au sous-financement du service public de l’audiovisuel. J’attends une réponse politique et juridique sur le fait de savoir si, aujourd’hui, le président de France Télévisions est en mesure d’imposer la suppression de la publicité aux conseils d’administration de France 2, de France 3, de France 5 et de RFO.

Deuxième question, à laquelle vous n’avez toujours pas répondu, et j’y reviendrai aussi souvent que ce sera nécessaire, aussi longtemps que vous n’y aurez pas apporté de réponse : nous confirmez-vous que dans le budget 2009 de France Télévisions, on estime…

Mme la présidente. Pourriez-vous vous en tenir au rappel au règlement, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. Nous sommes là au cœur de nos discussions, madame la présidente.

Dans le budget 2009 de France Télévisions, nous confirmez-vous, madame la ministre, l’estimation selon laquelle 260 millions d’euros devant provenir de la publicité et du parrainage manqueront à l’appel ? Pour l’instant, vous n’avez pas apporté de réponse. On ne peut donc pas vous croire pour les 450 millions d’euros et pour la compensation, à l’euro près, des pertes de ressources publicitaires. Tout cela n’est que mensonges. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Françoise de Panafieu. Il est d’une courtoisie, cet homme !

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas des gros mots !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Les amendements de la commission nos 110, 111, 112 et 113 sont rédactionnels.

(Les amendements nos 110, 111, 112 et 113, acceptés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 114, 8 rectifié et 520 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 114.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement, cosigné par nos collègues MM. Copé, Herbillon et Martin-Lalande, propose d’instituer une « clause de rendez-vous » afin d’évaluer les conséquences de la création d’une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

Un rapport remis au Parlement, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi relative à la communication audiovisuelle, pourrait ainsi permettre de procéder à un bilan, mené sur des bases objectives et avec suffisamment de recul, du rendement effectif de la nouvelle taxe.

Compte tenu de la discussion, je crois que ce rapport sera le bienvenu. Cette proposition a été adoptée par la commission, contrairement aux deux autres amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 8 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire cet amendement, car il est satisfait par l’amendement n° 114, dont je suis cosignataire.

(L’amendement n° 8 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 520 rectifié.

M. Marcel Rogemont. Notre amendement diffère quelque peu de l’amendement n° 114.

Il pourrait advenir – sait-on jamais ? – que le montant de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision – prévue à l’article 20 – et de la taxe portant sur Internet soit supérieur à celui escompté, d’où l’importance des questions que j’ai posées tout à l’heure sur les volumes financiers de ces taxes, tant il est vrai que le Parlement, et notamment l’Assemblée nationale, doivent en suivre l’affectation. Le produit de ces taxes tombant dans le budget général, il importe que nous en ayons connaissance et que nous puissions suivre de près leur attribution. Tel est d’ailleurs l’objet de l’amendement qu’a défendu Christian Kert.

Cela étant, il est possible que le produit de ces taxes génère un surplus. Cette possibilité n’existe que si la taxe sur la publicité prévue à l’article 20 passe avant la taxe sur l’Internet, et que celle-ci ne permette que subsidiairement d’arriver au montant de 450 millions d’euros. Si, d’aventure, le produit de la taxe générait un surplus, soit du fait d’une augmentation de 0,9 % ou de 1 %, soit parce que les recettes produites seraient supérieures à ce qui était attendu, nous souhaiterions que le rapport remis au Parlement envisage la possibilité d’affecter le supplément de cette taxe au soutien à la création. Nous le disons avec force, d’autant que l’ensemble de la création qui va circuler sur Internet – je pense aux messages audiovisuels, cinématographiques, à la musique, ainsi qu’au livre numérique – pose la question du financement des artistes.

C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, je vous demande d’adopter notre amendement n° 520 rectifié, qui reprend l’amendement de la commission et ajoute, à la remise d’un rapport au Parlement, la possibilité d’affecter un éventuel surplus de recettes au soutien à la création sur Internet.

Notre débat doit porter principalement sur cette taxe, qui devrait être affectée à la création, et non au financement de France Télévisions. Si cette taxe produit un surplus de recettes, celui-ci doit aller à la création sur Internet, même si nous regrettons qu’une partie aille au financement de France Télévisions.

Tel est le sens de notre amendement, auquel je voudrais que s’associent nos collègues MM. Kert, Herbillon et Martin-Lalande, qui ont cosigné l’amendement n° 114 avec Jean-François Copé, car il va plus loin que le leur, en posant la question de la taxation sur Internet et de la création dans son ensemble. Or c’est précisément cette question que nous devons nous poser.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 114, et sur le vote de l’article 21, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 520 rectifié ?

M. Christian Kert, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable à l’amendement n° 114, le Gouvernement est, en revanche, défavorable à l’amendement n° 520 rectifié, puisqu’il est satisfait et que le délai prévu est trop court.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’amendement de nos collègues socialistes est bien meilleur que celui de la commission.

Monsieur Kert, vous demandez un rapport au Gouvernement. Nos collègues demandent seulement, et plus prudemment, un rapport. Eu égard à l’affaire de la publicité, on se demande à quoi sert le Gouvernement ! En effet, alors que la discussion parlementaire n’est pas terminée, nous apprenons que M. de Carolis va saisir son conseil d’administration – on ignore en vertu de quoi ! – pour supprimer la publicité dès le début du mois de janvier sur l’audiovisuel public. Concrètement, on viole le Parlement, et ce, avec l’assentiment du Gouvernement.

Réforme constitutionnelle ou non – je parle sous le contrôle de Frédéric Lefebvre –, le Parlement ne compte plus ! On nous avait assuré un élargissement de ses pouvoirs, et voilà ce qu’il en est : l’Assemblée délibère, le Sénat ne l’a pas encore fait, et le Gouvernement impose sa volonté, en violant l’esprit de nos institutions. En proposant cet amendement, nos collègues socialistes ouvrent la possibilité au conseil d’administration de M. de Carolis de décider de tout, y compris de faire un rapport.

Si j’emploie la dérision, c’est pour souligner, madame la ministre, le fait que vous ne considérez même plus le Parlement comme une chambre d’enregistrement, grâce à votre majorité godillot, qui obéit au doigt et à l’œil ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Un peu de respect !

M. Jean-Pierre Brard. C’est sans doute pour cette raison que Frédéric Lefebvre, autrement dit la voix de l’Élysée, est arrivé pour veiller à ce que vous ne sortiez pas du sentier balisé par la volonté impériale de M. Sarkozy. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) J’estime que la caricature que vous faites de la vie parlementaire fait honte au Parlement français, surtout à ceux qui le contraignent, c’est-à-dire au Gouvernement, et à celui qui a confisqué le pouvoir du Premier ministre, le Président de la République.

M. de Carolis, humilié depuis le début de cette affaire, mange son chapeau et sa canne, et vous, vous l’accompagnez. Il est temps, pour nos collègues de la majorité, de réagir.

Madame Albanel, vous avez quitté les dorures de Versailles où l’on peut penser que vous étiez sous l’empire du pouvoir absolu. Maintenant, vous êtes ministre de la République : montrez-le ! Ne laissez pas faire, ne laissez humilier ni votre gouvernement ni le Parlement !

Je voterai, quant à moi, l’amendement de nos collègues socialistes, et non celui de M. Kert, qui fait confiance au Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous avons demandé un scrutin public sur l’amendement n° 114, car nous regrettons que notre amendement n° 520 rectifié ne lui ait pas été préféré.

Mme la ministre affirme que la date du 30 juin 2009 est trop proche pour la remise d’un rapport. Pour notre part, nous dirions plutôt qu’il sera déjà trop tard.

M. Noël Mamère. Absolument !

M. Jean-Pierre Brard. La messe sera dite !

M. Patrick Bloche. Cette date du 30 juin 2009 est assez rapprochée pour constater l’ampleur du désastre et tenter de prendre des mesures d’urgence visant à assurer le financement de l’audiovisuel public dans notre pays.

Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à notre question portant sur le montant que va rapporter la taxe sur l’effet d’aubaine publicitaire des chaînes privées, créée à l’article 20.

De la même façon, l’article 21, s’il est voté, mettra en œuvre une seconde taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet et des opérateurs de télécommunications. On ne sait toujours pas combien va rapporter cette taxe, que l’on nous demande de voter ! Cette absence totale de visibilité ne peut se satisfaire de votre sempiternel refrain : « Ne vous en faites pas ! 450 millions d’euros, à l’euro près, seront garantis par le budget de l’État ! ».

Nous sommes, tout autant que vous, en tant que députés de l’opposition, redevables à l’égard de nos concitoyens, de la manière dont les dépenses de l’État sont réparties. En outre, chers collègues de la majorité, compte tenu du nombre de priorités sociales à financer dans notre pays, il eût été préférable que le budget de l’État fût moins sollicité pour financer l’audiovisuel public. Aujourd’hui, 70 % de nos concitoyens disent préférer voir leurs programmes commencer sur France Télévisions dès vingt heures trente, sans publicité, et nous les comprenons. Néanmoins il eût fallu leur demander, en même temps, s’ils étaient toujours d’accord, sachant que l’audiovisuel public ne sera pas financé à la hauteur de ses missions et que les programmes de France Télévisions seront inévitablement d’une qualité moindre.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

M. Patrick Bloche. Vous auriez sans doute été surpris par les réactions de nos concitoyens à un tel sondage.

En l’occurrence, il faut de la visibilité, et la date du 30 juin 2009 permettrait de mesurer l’ampleur des dégâts.

Madame la ministre, vous avez évoqué le plan d’affaires et vous déclarez ne rien pouvoir dire à la représentation nationale, parce que ce plan est en cours de discussion. Or il ne s’agit pas d’une négociation internationale, mais d’une négociation entre l’État, Bercy, Matignon, vous-même, madame la ministre, et la direction de France Télévisions, c’est-à-dire entre l’État actionnaire et l’entreprise publique.

Comme l’a souligné Noël Mamère, nous savons que le déficit s’élève déjà à 80 millions d’euros. Cependant, alors que nous sommes les représentants de la nation, il nous faut lire la presse pour apprendre que Bercy souhaite un retour à l’équilibre dès 2010, qu’à France Télévisions, celui-ci n’était pas envisagé, au mieux, avant 2012, qu’à partir de là, la date de 2011 a été choisie, mais qu’il faut trouver 160 millions d’euros.

Initialement, Bercy avait mis 60 millions à disposition, en demandant à France Télévisions de trouver les 100 millions manquants. Cela a fait l’objet d’une négociation pour fixer les montants dont chaque partie serait redevable. Que la représentation nationale soit informée de la négociation de ce plan d’affaires me semble être le minimum syndical. Je trouve étonnant que nous soyons amenés à débattre, dans cet hémicycle, d’un projet de loi sans aucune visibilité sur le plan d’affaires, sur ce que vont rapporter ces deux taxes, ou sur les déficits de France Télévisions dans les deux ou trois années à venir.

Vous voudriez que nous votions cet article, et cette loi : non, merci !

M. Noël Mamère. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Jean-Pierre Brard. La petite voix de Nicolas !

M. Frédéric Lefebvre. J’ai écouté avec attention Marcel Rogemont, et Patrick Bloche a évoqué précédemment un amendement que j’avais annoncé. Comme lui, et comme Marcel Rogemont, je regrette que cet amendement n’ait pu venir en discussion : il est tombé sous le coup de l’article 40, lequel nous empêche de créer un fonds.

J’ai adressé mon amendement à notre collègue Marcel Rogemont, je le tiens également à votre disposition. Il va dans le sens de l’argumentation développée par ce dernier, lorsqu’il a défendu son amendement, à une nuance près : il est évoqué, dans l’amendement n° 520 rectifié, la création sur Internet, alors que je proposais, quant à moi, à notre assemblée la création d’un fonds permettant de récolter les produits des différentes taxes. Je pense, comme nos collègues socialistes, qu’il y aura un surplus ; donc je ne suis pas inquiet concernant les 450 millions.

M. Rogemont propose, dans son amendement, d’affecter ce surplus au soutien à la création sur Internet. Le schéma, que je préférais pour ma part, tendait à privilégier la création d’un fonds mutualisé, abondé par le produit de ces taxes, permettant d’alimenter France Télévisions à hauteur des 450 millions, le surplus étant distribué à toutes les autres formes de création.

L’amendement de notre rapporteur et de notre collègue Michel Herbillon n’entre pas dans le détail du rapport. Je souhaite donc avoir l’engagement du Gouvernement qu’y sera bien évoquée la notion de surplus.

Notre collègue Jean Dionis du Séjour n’est pas parmi nous, à l’heure où je vous parle, mais nous avons eu l’occasion d’en discuter longuement avec lui. À partir du moment où il y a un surplus, il faut l’affecter au financement de la création et non au budget de l’État, ce qui nous empêcherait de connaître la nature de son utilisation. Je voudrais donc obtenir sur ce point précis un éclairage du Gouvernement.

Enfin, qui peut le plus peut le moins : puisque l’engagement est pris, dans l’amendement n° 114, qu’un rapport sera remis au Parlement, il devra préciser l’affectation du surplus et le soutien à la création.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 114.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

M. Jean-Pierre Brard. C’est juste !

(L’amendement n° 114 est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence l’amendement n° 520 rectifié tombe.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’article 21, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(L’article 21, amendé, est adopté.)

M. Marcel Rogemont. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 du règlement. Je demande une suspension de séance d’une dizaine de minutes, madame la présidente.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La suspension est de droit.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous arrivons à des amendements portant article additionnel après l’article 21.

Après l’article 21

Mme la présidente. Je suis d’abord saisie d’un amendement n° 562.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement tend à supprimer un alinéa de l’article 302 bis KB du code général des impôts.

La loi nº 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la télévision du futur a étendu la taxe COSIP, jusque-là perçue auprès des chaînes de la télévision, aux distributeurs de services de télévision comme les opérateurs de satellite, de câble, de TNT ou de télévision sur IP via l’ADSL ou la fibre optique.

Cet article a cependant créé un traitement spécifique et privilégié au profit des câblo-opérateurs, en leur permettant de calculer le montant de la taxe non pas sur les recettes d’abonnements perçues globalement mais sur les recettes perçues, réseau câblé par réseau câblé, au titre des conventions passées avec chaque ville câblée. Il indique en effet : « Lorsque le redevable exploite plusieurs réseaux de communications électroniques et a conclu à cette fin avec des collectivités territoriales des conventions d’exploitation distinctes, la taxe est assise sur le produit des abonnements et autres sommes précités, dans le cadre de chacune de ces conventions. »

Un tel mode de calcul, vous le reconnaîtrez, est particulièrement favorable aux réseaux câblés, du fait des effets de seuil – le pourcentage des sommes reversées augmente selon des tranches de chiffre d’affaires – et de l’existence d’un seuil minimum de recettes en deçà duquel aucune contribution n’est acquittée. Or tel est le cas pour la très grande majorité des réseaux câblés dont le chiffre d’affaires télévision est inférieur à ce seuil d’entrée.

Rien ne justifie ce traitement privilégié alors que Numericable déploie son activité au niveau national et centralise l’intégralité de ses coûts et recettes. La prolongation d’un tel traitement créerait une situation de distorsion de concurrence, ce que vous détestez, j’en suis sûre, avec les autres opérateurs de réseaux de communications électroniques distribuant des programmes audiovisuels.

Nous vous proposons donc de supprimer cette disposition parfaitement injuste qui favorise de manière incompréhensible Numericable. Je n’ai rien contre cette entreprise, mais il n’y a pas de raison qu’existe un tel écart de traitement entre les différents câblo-opérateurs.

C’est une situation à laquelle tous les élus sont sensibles, je crois, en particulier ceux de villes câblées ayant des réseaux distincts, avec des opérateurs différents. On ne voit pas très bien pourquoi certains opérateurs seraient plus taxés que d’autres, même si, en matière de taxe, on l’a bien vu avec ce texte, la fantaisie est désormais à l’ordre du jour.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Nous avons expliqué en commission que, si cet amendement était adopté, l’ensemble des distributeurs des services de télévision seraient exonérés de la taxe COSIP, ce qui bouleverserait le financement du CNC. Ce n’est pas raisonnable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons. L’article 302 bis KB est la base juridique de la taxe sur la télévision qui finance le COSIP. Elle représente plus de 70 % des recettes du compte de soutien, qui, tout le monde le sait, est un instrument majeur du financement de la création audiovisuelle et cinématographique française.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous avons voté contre l’article 21 car il ne nous paraît pas juste de créer une taxe sur les opérateurs de communication électronique. Nous sommes un certain nombre à demander une augmentation progressive de la redevance depuis la loi Tasca-Trautmann de 2000 et même depuis 1988. Au lendemain de la privatisation de TF1 par Jacques Chirac, alors Président de la République, nous réclamions un service audiovisuel public fort, adossé principalement à une augmentation de la redevance, à l’instar de ce qui se passe dans les autres pays de l’Union européenne, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne.

L’article 21 tel qu’il a été voté à une courte majorité par les bancs de la droite instaure, outre une fracture numérique, une sorte de discrimination entre les différents opérateurs. Non seulement on crée une taxe, qui va augmenter un peu plus le déficit de notre pays, lequel n’en a pas besoin, mais l’on se défausse de ses responsabilités, faute de courage, en taxant les opérateurs au lieu d’augmenter la redevance, qui est une recette affectée, ce qui n’a rien à voir avec la taxe que vous proposez, car le produit de cette dernière entrera dans le budget de l’État. Son utilisation restera donc très aléatoire et très dépendante des humeurs du Gouvernement, du Président ou de la majorité. De plus il y aura une discrimination entre les différents opérateurs.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’amendement proposé par nos collègues socialistes.

Par ailleurs – et ce n’est pas de l’obstruction, madame la ministre, mais une obsession, justifiée –…

M. Michel Herbillon. Une litanie !

M. Noël Mamère. …mais vous n’avez toujours pas répondu à la question que je vous ai posée sur les 80 millions d’euros de déficit de France Télévisions dans le budget 2009, ni sur les 260 millions d’euros prévus en recettes commerciales adossées à la publicité et au parrainage.

Vous savez très bien que France Télévisions ne pourra pas atteindre ce chiffre, pour une raison très simple, c’est que, depuis la déclaration du Président de la République annonçant la restriction de la publicité sur le service public, les chaînes privées ont procédé à un véritable dumping sur la tranche avant vingt heures, entre dix-neuf et vingt heures. Demain, les chaînes privées pourront se gaver à partir de vingt heures alors même qu’elles ont contribué à affaiblir et à vulnérabiliser le service public de l’audiovisuel, qui part donc avec un gros handicap.

Enfin, vous n’avez toujours pas répondu non plus à la question relative aux conseils d’administration des chaînes qui constituent jusqu’à nouvel ordre le groupe France Télévisions. J’attends que vous nous indiquiez de manière claire et juridique quelle capacité aurait le président de France Télévisions de décréter la fin de la publicité sur l’ensemble des chaînes de France Télévisions.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. En effet je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse simplement d’une affaire de gestion comme vous avez voulu le laisser entendre. Il s’agit en fait d’une affaire éminemment politique qui engage la question du financement de France Télévisions.

J’attends donc des réponses de votre part.

(L’amendement n° 562 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande pour défendre l’amendement n° 669.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je retire cet amendement.

(L’amendement n° 669 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec pour soutenir l’amendement n° 856.

M. Patrick Braouezec. Il s’agit de se donner les moyens de contrôler l’application des deux taxes que nous avons créées avec les articles 20 et 21.

Nous proposons que, dans le cadre de cette mission de contrôle, nous nous donnions les moyens d’accroître, le cas échéant, le rendement de ces taxes pour les ajuster aux besoins du service public de l’audiovisuel. Cet amendement permettrait au Parlement, par le biais des commissions idoines, d’assurer un financement réellement pérenne et dynamique de l’audiovisuel public, qui manque pour l’instant cruellement dans ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Tout d’abord, ce sujet n’a rien à faire dans le code général des impôts auquel il fait référence. Ensuite, il existe déjà des rapports sur la clause de rendez-vous. Enfin, nous avons estimé que, plutôt que de créer une mission d’évaluation, il valait mieux laisser les parlementaires prendre eux-mêmes les décisions, par le biais des commissions.

M. Patrick Braouezec. Les parlementaires prendront les décisions !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 856 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande pour défendre l’amendement n° 430 rectifié.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je le retire.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je regrette ces avis défavorables,...

M. Jean-Pierre Schosteck. L’amendement est retiré !

M. Marcel Rogemont. …car le fondement même des dispositions fiscales de ce texte est de permettre à l’État de financer la suppression de la publicité, dont je rappelle tout de même qu’elle aura ce résultat que l’argent ira vers les télévisions privées. Or je ne comprends pas, si le produit des deux taxes ainsi créées doit uniquement servir à compenser les pertes publicitaires de l’audiovisuel public, qu’un amendement visant à inscrire cela dans la loi soit repoussé. Ce serait au contraire très pertinent de le dire explicitement, de façon à ce que le produit de ces taxes ne serve effectivement pas à autre chose.

Je rappelle, par exemple, que le produit de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, laquelle rapporte chaque année 600 millions d’euros euros, n’est véritablement affecté au commerce et à l’artisanat, par le biais du FISAC, qu’à hauteur de 60 ou 80 millions. Cela montre que l’État a l’habitude de créer des taxes et de récupérer l’argent pour faire tout autre chose.

À mon corps défendant, mais aussi parce qu’il est utile de pousser la majorité dans ce qu’il peut y avoir de bon dans les décisions qu’elle souhaite prendre, je considère que l’amendement de M. Martin-Lalande est intéressant en ce qu’il nous permet au moins d’avoir des marqueurs précis. Ainsi, à la suite de ce que j’ai déjà dit concernant la taxe sur Internet, si cet amendement est adopté,...

M. Jean-Pierre Schosteck. Il est retiré ! Pourquoi discutons-nous ?

M. Marcel Rogemont. …la question du surplus pourra être posée, et il sera notamment possible de l’affecter à l’ensemble de la création. Nous voterons donc cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement a été retiré, monsieur Rogemont.

Article 22

Mme la présidente. Nous en venons à l’article 22, sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je renonce à ma prise de parole, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous en avons donc fini avec le titre II du projet de loi et, avant de passer au titre III, qui transpose une directive européenne de décembre 2007, je veux exprimer notre inquiétude quant à l’incertitude et à la lâcheté qui caractérisent le cheminement de ce texte.

L’incertitude porte sur l’avenir de l’audiovisuel public. Nous le répétons avec force et conviction : ce n’est pas tant la suppression de la publicité qui nous pose problème que la suppression de la ressource publicitaire qu’elle constitue, car elle plonge soudainement France Télévisions dans l’inconnu s’agissant de son financement dans les années à venir. De ce fait, nous nous sommes opposés à l’article 18 parce qu’il consacre la perte progressive d’un pilier fondamental du financement de France Télévisions avec la redevance.

Les débats que nous avons eus sur les articles 20 et 21 n’ont guère été éclairants. Nous ne savons d’ailleurs pas exactement, à l’arrivée, ce que nous avons voté, puisque ces articles ont été amendés à plusieurs reprises par la majorité, toujours – je le note – dans le sens d’une réduction de la taxation compensatrice. Au passage, mesdames et messieurs de la majorité, vous avez ainsi alourdi un peu plus les prélèvements obligatoires dans notre pays, au détriment des engagements électoraux que vous aviez pris devant les Français au printemps 2007 ; mais c’est une attitude dont nous avons pris l’habitude, et nous ne pouvons donc nous en étonner.

Les deux taxes, notamment celle sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet et des opérateurs de télécommunications créée à l’article 21, restent à nos yeux une occasion manquée – une de plus ! – pour un financement pérenne de la création à l’ère numérique. Nous considérions en effet que, s’il faut mettre à contribution les opérateurs de téléphonie mobile et d’Internet pour financer les contenus audiovisuels, cinématographiques, mais aussi musicaux, encore faut-il que l’argent prélevé ait un effet réellement distributif.

Nous avons entendu M. Lefebvre signaler qu’il n’avait pu, du fait de l’article 40 de la Constitution, présenter son amendement créant un fonds pour la création. Ce qui est dommage, monsieur Lefebvre, c’est que vous continuiez, dans ce débat, à dire aux Français : « Rassurez-vous, nous travaillons pour vous, nous apportons de l’argent à la création », et ainsi de suite…

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. C’est vrai !

M. Patrick Bloche. Non, cela est faux. C’est un discours d’illusion, voire de mensonge, parce que les produits des taxes créées aux articles 20 et 21 ne sont pas affectés à la création : ils financeront une entreprise publique qui s’appelle France Télévisions, alors que les obligations de création qui existent déjà – la contribution au COSIP votée à l’unanimité dans cet hémicycle – financent uniquement la création cinématographique.

M. Frédéric Lefebvre. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé un surplus !

M. Patrick Bloche. Alors que les producteurs musicaux, qu’il m’arrive de rencontrer, ont besoin d’argent pour investir, ce que nous votons ne leur apportera pas le moindre centime d’euro. La SACEM a ainsi été amenée, en tant que société de gestion collective, à s’exprimer pour porter haut et fort les droits des auteurs et de leurs ayants droit, parce que tous savent très bien que les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès ne passeront pas une seconde fois à la caisse ; et ce n’est pas l’examen de la loi dite « création et Internet » qui y changera quoi que ce soit.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. C’est donc vraiment une occasion manquée.

Dans la discussion de ce titre III, nous tenterons d’amortir les conséquences de la transposition de la directive de décembre 2007, car, contrairement à ce que vous dites, on peut transposer ce que l’on veut, et vous avez évidemment choisi – ce qui est inacceptable à nos yeux – de transposer dans un sens unique, consistant à offrir le maximum de cadeaux aux chaînes historiques privées.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Le vrai cadeau, c’est pour le service public, qui le mérite bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. L’article 22 concerne les services de médias à la demande, également appelés services de médias non linéaires. Il s’agit en l’occurrence de la transposition de la directive du 29 novembre 2007.

Alors que la directive comporte un certain nombre de mesures protectrices des mineurs, nous regrettons que celles-ci n’aient pas été jugées suffisamment pertinentes par le Gouvernement pour être inscrites dans le projet de loi. Par exemple, tandis que la directive interdit explicitement le placement de produits dans les émissions pour la jeunesse, le Gouvernement et la majorité l’autorisent.

Je dénonce à nouveau, comme je l’ai fait la semaine dernière, l’hypocrisie du Gouvernement, qui prétend moraliser, rendre plus civique et plus culturel le service public de la télévision en supprimant la publicité sur France Télévisions, publicité considérée comme clivante, comme semeuse de troubles, à cause de l’audimat, comme abrutissante, mais refuse notre amendement visant à interdire la publicité dans toutes les émissions pour la jeunesse, sur toutes les chaînes, comme cela se fait dans un certain nombre de pays. Il y a là une immense hypocrisie, incompréhensible sauf à considérer que cette réforme n’a d’autre but que d’apporter un peu plus de publicité aux chaînes privées, notamment TF1 et M6, qui prétendent que leur marché publicitaire décroît.

Nous souhaiterions une explication. Pourquoi refusez-vous d’interdire la publicité dans les émissions pour enfants, alors que vous invoquez, pour la supprimer sur les chaînes publiques, son impact négatif sur les téléspectateurs du fait de l’obsession de l’audimat ? On sait que la publicité a réellement un impact négatif sur les enfants, qui ne sont pas capables de faire la différence entre le contenu des émissions et les messages publicitaires. Je regrette donc profondément que nous n’ayons pas saisi l’opportunité de ce débat sur la publicité à la télévision pour adopter un tel amendement, qui aurait pu être consensuel, qui aurait apporté un vrai mieux-être aux enfants de notre pays et aurait constitué une véritable avancée sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Scellier. Comment ? Combien d’orateurs sont-ils inscrits contre l’article ?

M. Marcel Rogemont. Cher collègue, vous ne pouvez pas savoir si je vais m’exprimer pour ou contre l’article.

M. Jean-Pierre Schosteck. Non ?

M. Marcel Rogemont. En l’occurrence, je vais vous surprendre.

Vous savez que la France n’est pas championne en matière de transposition des directives européennes, et qu’elle est même souvent, au contraire, à la traîne.

Il est vrai que, pour cette directive de 2007, nous n’avons qu’un an et demi de retard ; nous sommes donc presque en avance par rapport à d’habitude ! Je tiens à le souligner. Vous voyez que mes propos ne sont pas toujours négatifs en ce qui concerne les SMAD, c’est-à-dire les services de médias audiovisuels à la demande sur lesquels je veux intervenir.

Tout d’abord, nous souhaitons que le traitement des SMAD soit le plus proche possible de celui appliqué à la télévision. Tout ce qui concoure à mettre leur fonctionnement en parfaite adéquation avec celui de la télévision nous paraît aller de soi, particulièrement s’agissant des chaînes spécialisées dans la diffusion de films de cinéma : qu’il s’agisse de la vidéo à la demande ou de la télévision de rattrapage, il importe que leur fonctionnement s’apparente à celui des télévisions cinématographiques. Dès lors, le reproche que j’adresse au projet dans son ensemble, même si je ne dois pas m’interdire d’y revenir article par article (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c’est qu’il n’est pas au plus près d’un tel rapprochement, notamment en termes d’obligations de production et de modalités de diffusion des œuvres.

Madame la ministre, vous vous êtes réjouie des accords passés récemment avec les chaînes de télévision privée concernant les œuvres patrimoniales. C’est très bien, mais il faudrait aller dans le même sens avec les SMAD de telle sorte que, si aucun accord n’est obtenu par la négociation, le Parlement soit habilité à revenir sur ce sujet.

J’attends de vous, madame la ministre, que vous nous précisiez exactement votre mode d’approche des SMAD, en particulier quelle différence vous faites entre eux et les télévisions type Canal Plus ou TPS. En effet, les textes de loi sont intéressants, mais parfois difficiles sur le plan technique, et des aspects de la question risquent de nous échapper.

Sachez, mes chers collègues, que si je pose des questions, c’est à dessein.

M. François Scellier. Ça fait gagner du temps !

M. Marcel Rogemont. J’ai certes une partie des réponses aux questions que je pose, mais je souhaite qu’il y soit répondu devant notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Avec le titre III et l’article 22, nous abordons la transposition de la directive européenne. Celle-ci introduit le vocable de « services de médias audiovisuels », qui regroupe deux catégories de services : les services de médias audiovisuels linéaires, c’est-à-dire la télévision traditionnelle, et une nouvelle catégorie de services dénommée « services de médias audiovisuels à la demande ». Le champ d’application de la directive est ainsi étendu à ces nouveaux services et, avec lui, la réglementation jusque-là applicable aux seuls services de télévision dits de « radiodiffusion télévisuelle », moyennant certaines adaptations.

Après les longs débats que nous avons eus sur les différents articles, je crois que voilà tout de même un sujet sur lequel nous pouvons tous nous rejoindre. En effet, il s’agit de permettre à tous nos concitoyens de profiter de ces nouveaux services de médias audiovisuels à la demande.

Tout d’abord, ces services sont inclus dans le champ d’application de la réglementation audiovisuelle, ce qui va permettre d’accompagner les nouvelles habitudes de consommation de nos concitoyens. Ils pourront ainsi profiter pleinement de ces services complémentaires de l’offre de télévision, qui autorisent tout un chacun à visionner, à sa demande, tout contenu audiovisuel au moment où il le souhaite.

Ensuite, ces services permettront d’accompagner et de conforter le dynamisme de nos opérateurs, dynamisme qui fait aujourd’hui de notre pays l’un des leaders européens dans ce domaine.

La définition des SMAD est respectueuse des équilibres avec le droit de l’Internet, et elle reprend la terminologie de la directive en adaptant celle-ci à notre tradition juridique. C’est la voie de la sagesse. Les services de médias audiovisuels à la demande sont donc inclus au sein des services de communication audiovisuelle, aux côtés, notamment, des services traditionnels de télévision et de radio. Ne sont donc concernés par cette définition que les services qui permettent le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de services.

Je considère que le dispositif de l’article 22 propose une solution équilibrée, et j’espère que nous y souscrirons tous.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. N’y a-t-il pas une petite inflation rampante, madame la présidente ?

Mme Sandrine Mazetier. Le mérite de l’article 22 est de donner une base juridique aux services de médias audiovisuels à la demande.

M. François Scellier. Oh là là !

Mme Sandrine Mazetier. N’hésitez pas à demander la parole, monsieur Scellier. Aucune intervention n’est inutile sur ce texte important (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) ! Plus vous m’interrompez, plus je prendrai du temps à exprimer les idées que je défends. En plus, cela tombe mal puisque j’étais en train de dire du bien de cet article. En effet, il offre une existence juridique aux SMAD, qui n’étaient jusqu’à présent pas couverts par la législation.

Néanmoins, comme nous l’avons déjà souligné à l’article précédent, ce projet de loi traduit, même si c’est dans le cadre d’une transposition de directive, une fâcheuse tendance à confondre Internet avec la télévision traditionnelle. Une tribune, signée, le 2 décembre dernier, par une vingtaine de grands intervenants de la nouvelle économie et du Web 2.0, nous interpellait, et singulièrement le secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, sur certains articles qui assimilent l’univers d’Internet à la télévision traditionnelle. Je ne vais pas vous citer tous les signataires parce que ce serait fastidieux.

M. Benoist Apparu. C’est très gentil de votre part !

Mme Sandrine Mazetier. Je mentionne seulement Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur et président du groupe PriceMinister, et frère d’une excellente secrétaire d’État, membre de ce gouvernement.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Pourquoi ce mélange ? Ça n’a aucun rapport ! Chacun d’entre eux a son autonomie !

Mme Sandrine Mazetier. PriceMinister n’est pas un acteur négligeable de l’économie numérique en France.

Dans cette tribune, tous protestaient non seulement contre la taxe que vous venez de voter, mais aussi contre la confusion qui semble régner entre économie audiovisuelle traditionnelle et nouvelle économie numérique. Leur tribune s’intitulait d’ailleurs :  Non, Internet, ce n’est pas de la télévision ! 

Ils écrivent que taxer le Net pour financer France Télévisions, c’est méconnaître la logique de l’économie numérique et les règles européennes.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Vous parlez de l’article précédent, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. Ils soulignent que la directive européenne n’implique pas la transposition que le Gouvernement en tire. Bien au contraire, la directive va jusqu’à exclure de son champ d’application les sites communautaires, alors que certains amendements tendent à les assimiler à l’audiovisuel.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je tiens cette tribune à votre disposition, mes chers collègues, parce que, manifestement, elle contribuerait à la culture générale de certains d’entre vous.

M. Benoist Apparu. Ça, ce n’est pas gentil !

Mme Sandrine Mazetier. Elle leur montrerait surtout que l’ensemble des acteurs de l’économie numérique proteste contre ce projet de loi. L’article 22 est une transposition prétendument directe, ligne à ligne, d’une directive européenne. Or j’appelle votre attention sur le fait que ceux qui en connaissent parfaitement le contenu savent qu’elle n’obligeait en rien le Gouvernement à présenter le texte que vous allez voter dans quelques minutes.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 22.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande pour défendre l’amendement n° 50.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je retire cet amendement.

(L’amendement n° 50 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 48.

M. Patrice Martin-Lalande, vice-président de la commission spéciale. Je le retire, ainsi que l’amendement n° 49.

(Les amendements 48 et 49 sont retirés.)

(L’article 22 est adopté.)

Après l’article 22

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 844 rectifié portant article additionnel après l’article 22.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je tiens beaucoup à cet amendement parce que le monde vient de vivre la plus grave crise qu’il ait connue depuis 1929, et qu’une seule réponse s’est imposée – réclamée sur tous les bancs – : la régulation. Il aura fallu attendre que des établissements financiers soient en faillite, que la croissance soit au point mort, que des pays soient au bord du gouffre, pour que le monde se réveille et accepte enfin de construire un système régulé au plan international. Faudra-t-il attendre qu’il y ait des dégâts irréparables pour que le monde se décide à réguler Internet ?

L’absence de régulation financière a provoqué des faillites. L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ?

Il est temps, mes chers collègues, que se réunisse un G20 du Net qui décide de réguler ce mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde.

Mme Aurélie Filippetti. Et par l’UMP !

M. Frédéric Lefebvre. Vous pouvez vous gausser, chère collègue, mais ce dont je parle est important.

La mafia s’est toujours développée là ou l’État était absent ; de même, les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid.

M. Patrick Bloche. Des députés aussi !

M. Frédéric Lefebvre. Il nous faut réagir, avec nos armes.

Le CSA, dont chacun se plait à souligner le travail en matière de protection des enfants sur tous les diffuseurs de contenus, doit pouvoir étendre son action à Internet. J’aimerais que vous soyez, comme moi, défenseurs du CSA.

Par la concertation, il doit pouvoir développer une charte à laquelle les sites seraient adhérents et faire la chasse aux contenus dangereux pour les plus jeunes.

De même, comme il le fait avec tous les diffuseurs, il faut qu’il ait les moyens de contraindre les entreprises à acheter ou à participer au financement des contenus grâce auxquels elles créent de la valeur sur Internet. Cette participation financière, cher collègue Rogemont, devrait être proportionnelle à la part de ces contenus dans la création de valeur ajoutée. Nous allons voir si M. Bloche est toujours favorable à des modes de financement de la création.

On va me répondre que je ne comprends rien à Internet, que je dépeins le retour de Big Brother, une atteinte à la liberté, que ma proposition n’est pas applicable, qu’elle pousserait les sites à s’installer à l’étranger, etc. En fait, je connais sans doute plus que d’autres le monde d’Internet pour des tas de raisons. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Quelle prétention !

M. Jean-Pierre Schosteck. Et vous qui passez votre temps à donner des leçons, vous n’êtes pas prétentieux ?

M. Frédéric Lefebvre. Ce n’est pas de la prétention. Je vais vous donner ma part de vérité que vous écouterez si vous voulez, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. C’est insupportable !

M. Frédéric Lefebvre. Il se trouve que j’ai commencé à communiquer sur Internet avant même la création de wanadoo, parce que mon frère qui vit aux États-Unis en est l’un des pionniers.

M. Patrick Bloche. Quel homme !

M. Frédéric Lefebvre. Il y a plus de dix ans, j’ai passé quelques bouts de nuits à ses côtés dans certaines caves du 18e arrondissement – peut-être y étiez-vous aussi, monsieur Bloche ? – pour mettre en route des serveurs. Je connais donc parfaitement Internet. Lorsque ce mode de communication ne concernait que quelques milliers d’individus, ceux qui ne sont mus que par l’appât du gain en restaient éloignés. Maintenant que des millions de Français l’utilisent régulièrement, les enjeux économiques sont devenus considérables, et Internet reste l’un des lieux du monde où règne le capitalisme sauvage, le libéralisme sauvage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Aurélie Filippetti. Que vous avez découverts il y a un mois !

M. Frédéric Lefebvre. Ceux qui profitent du système refusent tout contrôle, sous prétexte de liberté.

De la même façon que nous lançons la guerre aux paradis fiscaux…

Mme Aurélie Filippetti. Ah bon ?

M. Patrick Bloche. Depuis quand ?

M. Frédéric Lefebvre. …il nous faut réguler Internet partout dans le monde, afin que toutes les entreprises respectent le droit de propriété, que les trafiquants et les voyous en tout genre soient poursuivis, que cet espace continue à se développer dans le respect de la personne humaine et des principes démocratiques. Notre pays doit montrer la voie.

On a dit tout et n’importe quoi à propos de cet amendement, notamment qu’il créerait une taxe de 3 % sur les vidéos afin de financer la télévision publique. Décrédibiliser pour susciter le rejet, je connais. Plus c’est gros, plus ça passe ! Je vous assure qu’il ne s’agit pas de taxer, mais de veiller à ce que les contenus utilisés soient payés à leurs auteurs, ou à ce qu’une contribution proportionnelle soit réglée par les entreprises qui les proposent, comme le prévoit l’alinéa 2 de cet amendement.

Un décret en Conseil d’État définira le mode de calcul de la contribution, après une large concertation. Il ne s’agit pas de financer la télévision publique, mais tout simplement de veiller à ce que des entreprises ne puissent utiliser impunément des contenus, sans participer d’une façon ou d’une autre à leur financement. N’est-ce pas une évidence, messieurs Bloche et Rogemont ?

Mme Aurélie Filippetti. Et nous alors ?

M. Frédéric Lefebvre. D’ailleurs, certaines entreprises donnent un exemple à suivre : MSN qui achète les licences de toutes ses vidéos diffusées, Daily Motion qui a décidé de normaliser ses relations avec les créateurs. L’amendement tend à faire la chasse à ceux dont les pratiques sont illégales ou non vertueuses.

La récente condamnation par les tribunaux de You Tube, entreprise installée en Californie, montre bien que personne n’est au-dessus des lois, y compris dans notre pays. Il faut cesser de baisser la tête devant les intimidations de certaines entreprises qui tiennent parfois le web en coupe réglée. La loi doit s’imposer à tous ; le monde doit se donner les moyens de la faire appliquer.

À travers cet amendement, je défends l’idée d’une société qui respecte la valeur de la démocratie et de la personne humaine ; je veux faire la chasse aux mafias en tout genre. Contrairement à certaines assertions, il n’est aucunement question de remettre en cause la liberté d’opinion – elle doit évidemment rester la règle sur Internet –, ou de permettre une quelconque censure. En revanche, il s’agit bien de faire une chasse sans merci à la violence, au pillage et à toutes les atteintes à la dignité de la personne humaine.

Je regretterais que vous restiez insensibles à ce discours car, sur tous les bancs de l’Assemblée, nous devons être conscients qu’Internet est un véhicule formidable, tout en représentant un danger pour certaines personnes. Je pense qu’il nous appartient de réagir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable, mais de façon conditionnelle.

Comme nous l’avons dit à M. Lefebvre, nous rejetons tout à fait le I de cet amendement qui reviendrait sur la distinction fondamentale entre les services de communication en ligne définis par la loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique d’une part, et les services de communication audiovisuels régis par la loi de 1986 d’autre part, en introduisant en droit français une catégorie de services dont la définition juridique semble particulièrement floue.

En revanche, nous aurions pu accepter le II de cet amendement qui semble répondre à une urgence : protéger les mineurs sur les services de communication en ligne, un sujet que nous aborderons d’ailleurs lors des débats sur l’article 27. La commission aurait été d’accord pour retenir cet aspect de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le Gouvernement défend la même position que la commission.

Il paraît en effet difficile d’être favorable aux obligations de production sur des sites hébergeurs tels que Daily Motion, You Tube et autres, couverts par la directive sur le commerce électronique qui a été transposée dans notre droit lors de l’adoption, en 2004, de la loi pour la confiance dans l’économie numérique évoquée par le rapporteur.

En revanche, le Gouvernement aurait pu être favorable au II de l’amendement qui confie au CSA un rôle de contrôle de ces hébergeurs, s’il avait été présenté séparément.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous sommes totalement hostiles à cet amendement, et de manière inconditionnelle. N’ayez aucune illusion à ce sujet, monsieur Lefebvre.

Contrairement à vous, je n’ai pas fréquenté les caves du 18e arrondissement.

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez eu tort !

M. Patrick Bloche. Peut-être ! En tout cas, avec Patrice Martin-Lalande, ici présent, et André Santini, j’ai participé à la création du groupe d’étude sur Internet de l’Assemblée nationale, en 1997. Autant dire que nous travaillons sur le sujet depuis déjà quelques temps, et que nous avons commencé à une époque où peu de parlementaires s’intéressaient à cet outil.

Votre amendement est mauvais pour au moins deux raisons.

Premièrement, vous essayez, entre deux articles de ce projet de loi sur l’audiovisuel, de répondre de la plus mauvaise manière possible à un problème qui n’est pas nouveau, qui nous a occupés pendant des heures à chaque fois que nous avons transposé des directives européennes concernant Internet, notamment lors du vote de la loi sur la confiance en l’économie numérique, et de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Les députés n’ont pas attendu le dépôt de votre amendement pour se préoccuper de la régulation de l’Internet, monsieur Lefebvre.

M. Jean-Pierre Schosteck. Nous ne l’avons pas résolu, donc tout va bien !

M. Patrick Bloche. Vous tentez de résoudre ce problème de la plus mauvaise façon qui soit ! En l’occurrence, vous confondez totalement les champs de l’audiovisuel et de l’Internet. Si le conseil supérieur de l’audiovisuel existe, c’est avant tout pour gérer la pénurie de la fréquence radioélectrique. Le législateur lui a confié la mission d’autoriser des radios ou d’attribuer des fréquences, parce qu’il faut gérer une pénurie au nom de l’intérêt général. C’est peut-être même sa mission principale. Avec Internet, c’est évidemment tout le contraire. C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais fait ce mauvais cadeau au CSA : lui confier une mission de régulation dont il ne pourrait s’acquitter.

Nous voulons et devons réguler Internet qui, d’ailleurs, est tout sauf un espace de non droit, en dépit de la description apocalyptique que vous venez d’en faire.

M. Jean-Pierre Schosteck. Ah bon ?

M. Patrick Bloche. La plupart du temps, le droit commun s’y applique ; parfois, il faut l’adapter et nous le faisons, quels que soient nos désaccords, comme lors de l’adoption de la loi DADVSI en 2006. Cependant, cette description apocalyptique d’Internet – refuge de tous les pédophiles, proxénètes, mafieux, assassins, criminels, et autres trafiquants de drogue – en donne une fausse image.

M. Jean-Pierre Schosteck. Cette description correspond à la réalité ! Vous le niez ?

M. Patrick Bloche. Internet est le reflet de la vie courante et de la société, et tout sauf un espace de non droit. Quand le droit commun ne peut s’y appliquer, il revient au législateur de l’adapter, le plus souvent par la transposition de directives européennes.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est une farce !

M. Patrick Bloche. Monsieur Lefebvre, pour un républicain – j’espère que vous en êtes un et que vous retirerez donc votre amendement – la meilleure façon de réguler Internet est de saisir le juge, en cas d’infraction constatée au droit commun. La justice répond, puisque vous avez vous-même cité une récente condamnation de You Tube. Si le juge a condamné You Tube, c’est bien la preuve que la justice intervient, à raison et autant de fois que nécessaire.

Deuxième réserve pour ne pas dire opposition à votre amendement : taxer certains services d’Internet pour financer France Télévisions est une fausse bonne idée. Vous venez de commettre le même péché véniel en votant l’article 21.

M. Jean-Frédéric Poisson. S’il est véniel, il n’est pas grave alors !

M. Patrick Bloche. Il faut effectivement rémunérer la création et tous ceux qui y participent – auteurs, producteurs, ayants droit, titulaires de droits voisins, etc – et, à l’ère numérique, c’est un chantier qui s’ouvre à nous. Pendant la discussion sur l’article 21, j’ai tenté de plaider pour un modèle redistributif.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Faisons de telle sorte qu’Internet contribue au financement de la création, de la même façon que la télévision participe au financement du cinéma depuis vingt-cinq ans. Par création, il faut comprendre contenus audiovisuels, cinématographiques, musicaux. Il ne s’agit pas de faire participer Internet au financement d’une entreprise avec ses charges fixes, ses salaires et tout le reste.

Monsieur Lefebvre, vous auriez été plus inspiré si, lors de l’examen de l’article 21, vous aviez indiqué que les possesseurs de tuyaux devaient participer au financement des contenus qu’ils ont tant de plaisir à véhiculer et qui ont tant contribué à leur développement.

Votre amendement étant mauvais pour ces deux raisons, nous nous y opposerons avec beaucoup de résolution. À défaut de vous le dire amicalement, je vous le dis très sincèrement : sur ce sujet, vous avez tout faux, monsieur Lefebvre.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je veux répondre à Mme la ministre et à M. le rapporteur.

Mon amendement comporte deux parties : l’une vise à donner au CSA la possibilité de contrôler et de négocier des chartes sur la protection de l’enfant et des mineurs, s’agissant de certains contenus ; l’autre porte sur la contribution financière.

Je serais prêt à retirer ce dernier point, si un groupe de travail était constitué avec certains acteurs de l’Internet, afin de réfléchir au meilleur moyen de contribuer au financement de la création.

M. Patrick Bloche. Non ! Ne l’écoutez pas, madame la ministre !

M. Frédéric Lefebvre. Certains sites précités, comme Daily Motion et MSN, font évoluer leurs pratiques et trouvent les moyens de contribuer au financement. J’ai eu des contacts avec certaines de ces entreprises qui sont tout à fait disposées à s’asseoir autour d’une table pour rechercher des solutions. Marcel Rogemont a d’ailleurs travaillé avec moi sur ces questions. Certes, M. Bloche affirme que tout est mauvais, que rien ne va. Comme d’habitude, on reste les bras ballants et on ne fait rien.

M. Patrick Bloche. Si, il existe déjà des choses ! On ne vous a pas attendu pour réguler Internet !

M. Frédéric Lefebvre. Je ne vous parle pas de régulation, mais de contribution au financement de la création.

Certaines entreprises de l’Internet adoptent des conduites vertueuses, mais beaucoup d’autres s’en exonèrent. Si je recevais l’assurance qu’un groupe de travail sera créé, groupe auquel les entreprises sont prêtes à participer, je retirerais volontiers la première partie de mon amendement.

M. Patrick Bloche. Retirez-le complètement !

M. Frédéric Lefebvre. Pour le reste, je ne vois pas pourquoi le CSA, qui est chargé de vérifier les contenus des diffuseurs, notamment afin de protéger les mineurs, ne pourrait pas le faire dès lors que les mêmes contenus se retrouvent sur l’Internet.

Vous avez évoqué, monsieur Bloche, les compétences économiques du CSA, mais il ne faut pas oublier les questions de société. Or le problème dont nous discutons inquiète beaucoup de familles et de jeunes internautes.

M. Patrick Bloche. Il existe déjà des lois pour y remédier ! Certains fonctionnaires sont même spécialisés dans la lutte contre la criminalité sur l’Internet !

Mme la présidente. Monsieur Bloche, n’interrompez pas M. Lefebvre qui doit conclure.

M. Frédéric Lefebvre. Peut-on envisager la création d’un groupe de travail si je retire le I de mon amendement, madame la ministre ?

Le texte relatif à la création et à l’Internet comportant une partie sur la contribution, on pourrait commencer à travailler sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La création d’un groupe de travail pour réfléchir aux modes de financement de la création par les sites hébergeurs est en effet une piste intéressante.

Mme la présidente. Est-ce à dire, madame la ministre, que vous acceptez la rectification proposée, à savoir l’amendement amputé de son I ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. On ne peut pas travailler comme cela !

M. Benoist Apparu. Si : cela s’appelle tout simplement rectifier un amendement !

Mme la présidente. L’amendement est en effet rectifié.

M. Patrick Bloche. Par qui ?

M. Benoist Apparu et M. Jean-Pierre Schosteck. Par son auteur !

Mme la présidente. Par l’auteur, en effet : ne criez pas tous à la fois, mes chers collègues.

Il est par ailleurs normal que M. le rapporteur et Mme la ministre s’expriment sur les rectifications proposées.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. J’ai du mal à comprendre.

Notre collègue Frédéric Lefebvre demande la création d’un groupe de travail ; il ne s’agit donc pas de voter un amendement.

M. Frédéric Lefebvre. Si : je demande un groupe de travail pour réfléchir à la disposition prévue par le I de mon amendement initial.

Mme la présidente. Monsieur Lefebvre, laissez M. Rogemont poursuivre.

M. Marcel Rogemont. J’entends bien, monsieur Lefebvre. Vous souhaitez une réflexion sur ce sujet mais, personnellement, j’invite notre assemblée à la circonspection.

Nous ne sommes évidemment pas opposés au financement de la création sous toutes ses formes, notamment par la contribution de nouveaux services audiovisuels, tels que les sites de vidéos à la demande. Il est d’ailleurs dommage que le moyen le plus intelligent pour cela ait été détourné au profit de France Télévisions avec la taxe instituée par l’article 21. En attendant, rejetons l’amendement et discutons du sujet plus tard.

On peut certes diaboliser l’Internet, prendre l’exemple de telle jeune fille qui y a fait une rencontre fâcheuse, mais cela peut aussi lui arriver à la sortie de l’école. L’Internet ne fait pas exception, et l’on y retrouve les crimes et les délits qui ont lieu partout ailleurs dans notre société. J’abonde dans le sens de Patrick Bloche : que chacun respecte les lois qui existent déjà. Il n’y a pas lieu de considérer l’Internet comme une singularité, sauf si vous nous démontrez, monsieur Lefebvre, qu’il y a un vide juridique.

Quoi qu’il en soit, votre amendement vient sans doute un peu tôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 844 rectifié, ainsi rectifié une nouvelle fois ?

M. Christian Kert, rapporteur. Une fois encore, on voit qu’il est difficile de réécrire un amendement en séance, car on perd un peu le fil.

Mme Aurélie Filippetti. C’est n’importe quoi, en effet !

M. Marcel Rogemont. Il y aura une deuxième lecture !

M. Christian Kert, rapporteur. Je propose que le groupe de travail souhaité par Frédéric Lefebvre réfléchisse à la manière d’intégrer ses intentions dans le projet de loi « Création et Internet », où elles auraient toute leur place.

Quant à la mesure prévue au II de votre amendement initial, monsieur Lefebvre, il faudrait, pour la conserver, la déplacer à l’article 27 du présent texte. Cela ne simplifierait pas les choses.

Mme Aurélie Filippetti. Voilà de sages propos !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur Lefebvre, nous sommes évidemment aussi soucieux que vous de la protection des enfants et des adolescents, ainsi que du respect de la personne, dans les contenus diffusés. Reste que, fort heureusement, l’Internet est tout sauf un espace de non droit.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est vous qui le dites !

M. Patrick Bloche. Votre amendement funeste reviendrait à confier au CSA une tâche qu’il serait non seulement incapable d’assumer, mais qui, de surcroît, n’entre pas dans ses missions : le rôle du CSA n’est pas de traquer les agissements criminels sur l’Internet. Il existe des services spécialisés pour cela, notamment au sein de la gendarmerie. Régulièrement, on apprend ainsi que des pédophiles ou des trafiquants de toutes sortes se sont fait prendre sur la toile, car la technologie y est trop complexe pour qu’ils puissent effacer leur trace.

Bref, ne chargeons pas la barque du CSA avec une mission qui n’est pas la sienne et qu’il n’aurait évidemment pas les moyens de remplir. Les propos du rapporteur sont de loin les plus sages : réfléchissons à la régulation de l’Internet si l’on veut, mais sérieusement ; en l’occurrence, un autre projet de loi permettra bientôt de le faire.

M. Jean-Pierre Schosteck. Attendre, encore et toujours, sans rien décider : vous ne savez faire que cela !

M. Patrick Bloche. Gardons-nous de faire du CSA, un lundi à vingt heures, le grand régulateur de l’Internet : pitié pour lui !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 844, tel que l’a de nouveau rectifié M. Lefebvre ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je me rallie à la suggestion de Christian Kert et propose un groupe de travail sur le sujet. Le projet de loi « Création et Internet » sera le bon cadre, et il arrivera à point nommé, c’est-à-dire bientôt, tout en nous laissant du temps.

Les idées contenues dans le II de l’amendement initial sont intéressantes, mais elles méritent une réflexion plus approfondie.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Lefebvre ?

M. Frédéric Lefebvre. Les arguments avancés me posent problème.

Le rapporteur a raison : s’agissant de la protection des mineurs, nous ne pouvons pas attendre. Quant au financement, les discussions que j’ai eues tant avec le Gouvernement qu’avec le monde de l’Internet montrent que nous devons en effet trouver le bon calibrage ; il ne faut donc rien précipiter.

Pour le reste, de la discussion au Sénat jusqu’à l’éventuelle CMP, le présent texte nous laisse le temps de réfléchir. Notre assemblée peut donc voter la mesure que je propose pour la protection des mineurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. C’est n’importe quoi ! Cela n’a pas de sens !

Mme Aurélie Filippetti. Le CSA n’a pas les moyens d’une telle mission !

M. Frédéric Lefebvre. Merci de me laisser continuer, chers collègues.

Puisque, disais-je, Mme la ministre, comme M. le rapporteur, sont favorables sur le fond à cette disposition et que le CSA a une vraie expertise en la matière, je propose que notre assemblée se prononce sur le II de mon amendement initial, moyennant, le retrait du I et du III. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. C’est nul !

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez M. Lefebvre conclure.

M. Frédéric Lefebvre. La nouvelle rectification, je le répète, a pour objet de ne garder que le II de mon amendement n° 844 rectifié.

Mme la présidente. Nous l’avons bien noté, monsieur Lefebvre, de sorte que votre amendement devient l’amendement n° 844, deuxième rectification.

M. Frédéric Lefebvre. Chacun prendra ainsi ses responsabilités, d’autant que la commission spéciale était favorable à un vote sur cette seule disposition et que, compte tenu des arguments avancés, j’ai retiré tout ce qui concernait le financement. Nous savons qu’il est urgent de protéger les internautes mineurs : il serait dommage que notre assemblée n’envoie pas un signal en ce sens.

Mme Aurélie Filippetti. Attendez le texte sur l’Internet !

(L’amendement n° 844, deuxième rectification, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)