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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 5 mars 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Réforme de l’hôpital

Discussion des articles (Suite)

Article 22 (suite)

M. Jean Mallot

M. Marcel Rogemont

Mme Michèle Delaunay

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Marie Rolland

Amendements nos 30, 1480, 32, 1442, 226 rectifié, 1436, 31, 1438, 1450, 1451, 2069 (sous-amendement) rectifié, 1439, 1444, 1445, 1446, 1453, 1987, 2055, 1447, 1454, 2056, 1448

Après l’article 22

Amendements nos 1566, 1516 rectifié, 454, 456, 1716, 1571 , 1715 , 453, 1497, 1499, 1500, 455, 2057, 1659, 227, 2076 (sous-amendement), 2083 rectifié, 191, 1422

Réserve de l’article 23 et des amendements après l’article 23

Article 24

M. Philippe Armand Martin

M. Charles de Courson

M. Serge Poignant

M. Alain Suguenot

M. Robert Lecou

M. Thierry Mariani

M. Jean-Claude Bouchet

M. Jean-Pierre Grand

M. André Schneider

M. Albert Likuvalu

Mme Pascale Got

Mme Catherine Quéré

M. Kléber Mesquida

M. Philippe Plisson

Mme Martine Faure

M. Bernard Perrut

M. André Vézinhet

M. Patrice Verchère

Mme Marie-Line Reynaud

Mme Jacqueline Fraysse

M. Daniel Garrigue

Mme Catherine Lemorton

Mme Michèle Delaunay

Mme Gisèle Biémouret

M. Jean Mallot

Amendements nos 2036 rectifié, 1484, 458, 1470, 1456

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Réforme de l’hôpital

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).

Discussion des articles (Suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits à l’article 22.

Article 22 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, inscrit sur l’article.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, l’article 22 est le premier article du titre III qui s’intitule « Prévention et santé publique ». Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, madame la ministre, vous avez pris le dossier de ce projet de loi à l’envers. Il aurait fallu commencer par définir une politique de santé publique, puis expliquer la constitution des ARS et traiter de l’accès aux soins, avant de conclure – après avoir épuisé le sujet de la prévention, des soins primaires, et caetera – par l’hôpital.

On ne trouve guère trace, dans le titre III, de la « prévention » évoquée dans son intitulé. Il ne dit rien sur la médecine scolaire, rien sur la médecine du travail, rien sur les conditions de travail, rien sur la réduction des inégalités devant la santé. On y trouve tout juste quelques mesures sur l’éducation thérapeutique ou l’interdiction de vente de l’alcool aux mineurs. C’est pourquoi il me paraîtrait souhaitable que le Gouvernement dépose un amendement visant à remplacer le titre « Prévention et santé publique » par « Diverses dispositions mineures relatives à la santé publique ».

La question de la prévention et de l’éducation thérapeutique est pourtant extrêmement importante, comme nous avons eu l’occasion de le souligner à l’occasion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, en particulier dans le cadre du rapport de notre collègue Jean-Pierre Door relatif aux affections de longue durée. En 2007, les ALD représentaient 65 % des remboursements de l’assurance maladie. Le nombre de personnes en ALD augmente actuellement de 4 % par an. Près de 10 millions de personnes sont en ALD, auxquelles il convient d’ajouter celles qui souffrent d’une maladie chronique, au nombre de 18,5 millions, ce qui représente au total plus de 28 millions de personnes, soit 44 % de la population.

Parmi les premières propositions contenues dans le rapport de Jean-Pierre Door figure logiquement le développement de la prévention et de la lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques : « Le renforcement de la prévention passe notamment par l’instauration d’une éducation en santé à l’école, durant tout le cursus scolaire et des études supérieures, et l’augmentation des moyens qui y sont consacrés. » Il est également proposé de développer et valoriser l’éducation thérapeutique et de renforcer l’accompagnement du patient, notamment grâce au développement de téléservices. Jean-Pierre Door indique que « de nombreux travaux ont été menés sur l’éducation thérapeutique du patient qui montrent tout l’intérêt qu’elle peut représenter en termes d’efficience des traitements. Il serait désormais souhaitable de passer à l’acte et de s’engager résolument dans cette voie. L’implication du patient dans la guérison ou dans la stabilisation de sa maladie suppose qu’il soit mieux éclairé ». En ce qui concerne le renforcement de l’accompagnement du patient, notamment grâce au développement de téléservices, il souligne qu’il serait souhaitable « de développer des programmes d’accompagnement des patients, à l’instar de ce qui a été mis en œuvre à titre expérimental par la CNAMTS pour l’accompagnement des patients diabétiques. Cette action devrait être démultipliée pour ce qui concerne les principales pathologies afin d’accompagner le patient dans son parcours de soins ».

Nous souhaitons, comme le fait Jean-Pierre Door dans son rapport, mettre l’accent sur la prévention et sur l’éducation thérapeutique des patients. C’est pourquoi il nous semble qu’un seul article relatif à ce sujet sur les quatre censés traiter de la santé publique et de la prévention c’est bien peu. Nous avons donc déposé des amendements sur cet article afin d’améliorer le dispositif.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Nous nous apprêtons à passer d’une époque où les patients, ayant une confiance totale en l’infaillibilité du corps médical, ne s’appartenaient pas, à une autre époque où une meilleure connaissance de la génétique permettra à chaque individu d’être davantage citoyen en ce qui concerne les questions de santé : chacun sera informé des maladies auxquelles il est génétiquement prédisposé et aura donc la responsabilité de gérer sa santé en fonction des informations portées à sa connaissance. Le rôle des médecins sera alors d’accompagner le travail mené par chaque citoyen sur sa propre santé. L’éducation thérapeutique participe à cette évolution dans le sens d’une plus grande responsabilisation des patients, donc des citoyens, face à la santé. J’ai cru comprendre que l’un de nos collègues allait déposer un amendement portant sur la notion de « responsabilisation » des patients – notamment sur le plan économique –, ce qui me paraît une bonne chose.

Le projet de loi que nous examinons est intitulé « Hôpital, patients, santé et territoires », ce qui signifie que, pour vous, madame la ministre, la question de la santé n’arrive qu’en troisième position, et montre le peu d’importance que vous accordez à cet aspect de la prévention. Nous regrettons qu’il ne soit pas donné priorité à la responsabilité de chaque personne face à sa santé et aux dépenses qui en résultent et que le dispositif proposé ne soit pas davantage orienté sur la prévention. À cet égard, le projet de loi est en fait à l’image de ce qu’est la santé publique en France aujourd’hui : la médecine scolaire, la médecine du travail et tous ces outils qui pouvaient participer de la volonté de responsabilisation sont dans un piètre état.

Pour conclure, je dirai que si l’article 22 va dans le bon sens, sa portée est extrêmement modeste. Pour notre part, nous aurions souhaité que la prévention et l’éducation thérapeutique occupent une plus grande place au sein de ce projet de loi et que, ne serait-ce que dans son titre, ce texte fasse passer la question de la santé avant celles de l’hôpital et des territoires.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. L’éducation thérapeutique revêt à nos yeux une grande importance. Comme Mme la ministre, nous estimons qu’il convient de la soutenir, de l’encadrer et de la financer. Les essais thérapeutiques pratiqués dans les hôpitaux nous ont appris que la moitié de leur succès résidait dans leur suivi et leur accompagnement, et dans le soutien des patients pendant toute la durée des traitements ou de la maladie elle-même. La prise en compte de cet aspect a constitué un grand pas en avant dans la culture de l’accompagnement et de l’éducation thérapeutique.

Nous parlions tout à l’heure du développement plutôt que de la formation continue. De la même manière, l’éducation thérapeutique est un domaine multiple qui porte non seulement sur l’éducation au traitement et le suivi du traitement, mais aussi sur l’accompagnement et le soutien – ce qui correspond au terme anglais support, souvent traduit, hélas, par l’expression « soins de support » – qui permettent d’accompagner le malade et de garder des liens avec lui après sa sortie de l’hôpital afin que sa maladie fasse l’objet de la meilleure prise en charge possible.

Si nous sommes très heureux de cette prise de conscience, nous le serons encore davantage si les organismes ou les personnes les plus à même de favoriser cette éducation thérapeutique sont soutenus, financés et reconnus. Je pense, bien sûr, aux associations de patients qui jouent un rôle extrêmement important pour faire comprendre au patient qu’il n’est pas seul, mais aussi au corps des infirmières cliniciennes – un volet de la pratique hospitalière parfaitement reconnu et mis à profit dans certains pays, notamment aux États-Unis, mais beaucoup moins chez nous. Il est certain qu’une grande partie de l’éducation thérapeutique sera faite non pas directement par les médecins, mais par l’ensemble que constitue l’équipe médicale. Celle-ci vérifiera si les soins sont bien appliqués ; si les effets indésirables des traitements sont bien expliqués, compris, analysés, pour qu’il y soit remédié de manière satisfaisante ; si tous les aspects de la pénibilité du traitement et de sa conjonction avec une vie la plus normale possible sont pris en compte. C’est une part de ce que l’on appelle –encore un horrible terme de franglais ! – le coping de la maladie.

Madame la ministre, au nom des médecins hospitaliers que je représente, c’est plutôt un souhait que des critiques que je souhaite exprimer au sujet de cet article : le souhait que les différents éléments de l’éducation thérapeutique soient mis en valeur, soutenus, financés, en particulier le corps infirmier.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous abordons le volet « prévention » de ce projet de loi avec cet article qui traite plus particulièrement de la question de l’éducation thérapeutique. Le texte reconnaît la prévention, le dépistage, le suivi des maladies, l’éducation pour la santé, l’éducation thérapeutique parmi les missions des médecins de premier recours à l’article 14, ce qui donne un fondement législatif à l’éducation thérapeutique dans le présent article. Nous nous félicitons de constater que ce texte affirme dès le départ que l’éducation thérapeutique du patient fait partie de la prise en charge du patient et de son parcours de soins. Le problème, c’est de mettre ces déclarations positives en pratique. À cet égard, nous avons quelques préoccupations. D’abord parce qu’à l’hôpital, comme en ville, ces pratiques ne peuvent être rémunérées par le seul paiement à l’acte. À l’hôpital public, le rythme imposé par la T2A et le désengagement financier de l’État a réduit les crédits et le temps dédié à la prévention.

Bien évidemment, si la reconnaissance de l’éducation thérapeutique dans la loi est utile, elle ne suffira pas à débloquer les moyens matériels et humains indispensables à sa mise en œuvre. Madame la ministre, comment envisagez-vous concrètement les choses ?

Cela nous conduit à militer en faveur de l’augmentation des MIGAC, qui pourraient financer ces programmes d’éducation thérapeutique. Nous proposons donc que leur enveloppe soit portée à 50 % du budget global des hôpitaux.

Les difficultés sont les mêmes en ville. Demander à des médecins de dégager du temps pour l’éducation thérapeutique, c’est leur demander de diminuer leurs actes, et donc d’amputer leurs revenus, ce qui est irrecevable.

Même chose pour les infirmières qui, elles aussi, jouent un rôle important auprès des malades pour leur permettre de comprendre et de prendre en charge la gestion de l’affection qui les touche. Sur les pathologies chroniques, notamment, cette compréhension de la maladie qui durera est importante car il appartiendra au patient de gérer, en partie au moins, son affection et de donner l’alerte sur certains points.

Des réflexions sont à conduire dans ce domaine afin de parvenir à des avancées dans le développement de ces pratiques sur lesquelles notre pays est plutôt en retard. Un mode de rémunération complémentaire et le développement de formes d’organisations collectives pluriprofessionnelles, comme cela a d’ailleurs été préconisé par les états généraux de l’organisation de la santé, sont des idées à creuser.

Outre ce manque de mesures nouvelles ambitieuses, nous sommes préoccupés par l’absence de propositions précises concernant la formation et les compétences requises pour délivrer une éducation thérapeutique de qualité et protégée des intérêts privés. Vous ne proposez pas en effet de développer la formation des professionnels de santé dans ce domaine et l’alinéa 6 de cet article autorise le Gouvernement à fixer par décret les compétences requises pour être autorisé à dispenser une éducation thérapeutique aux patients. Or, compte tenu de l’importance du sujet, du retard pris et du déficit global de prévention dans notre pays, il nous semble important que le Parlement ne soit pas dessaisi de ces questions.

Qui sera habilité à dispenser l’éducation thérapeutique ? Sur la base de quelles compétences ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces questions qui, en tout état de cause, exigent que le Parlement soit consulté et puisse débattre ? Nous le demandons d’autant plus que nous connaissons la volonté des laboratoires pharmaceutiques d’intervenir dans ce domaine. Ils développent d’ailleurs actuellement des programmes d’accompagnement et d’éducation thérapeutique à destination des patients…

M. le président. Je vous prie de conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.… avec, évidemment, des visées promotionnelles. C’est dangereux et donc inacceptable.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que non seulement le Parlement légifère sur les compétences en matière d’éducation thérapeutique, mais que soit inscrit dans la loi le principe d’interdiction de tout contact direct ou indirect entre les entreprises pharmaceutiques et les patients.

M. le président. Chers collègues, j’invite chacun à respecter son temps de parole.

La parole est à M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’article 22 vise à promouvoir l’éducation thérapeutique du patient en lui donnant un fondement législatif solide. En écoutant mes collègues, j’ai bien compris que tout le monde s’accordait à reconnaître l’importance de cet article, que la commission n’a d’ailleurs pas souhaité modifier.

Un seul point fondamental restait en suspens : celui des modalités de financement de l’éducation thérapeutique. L’amendement n° 2055 du Gouvernement répond précisément à cette question et j’y serai donc favorable. Il encadre en effet très strictement la participation des laboratoires pharmaceutiques à l’éducation thérapeutique et, en particulier, interdit strictement tout contact direct entre les laboratoires et les patients.

L’article souligne également le rôle des agences régionales de santé dans l’établissement des conventions et l’élaboration des programmes.

Il était important de préciser ces points avant d’aborder l’examen des amendements.

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Merci, tout d’abord, mesdames, messieurs les députés, puisque vous avez tous estimé, certes avec des nuances – j’ai bien entendu aussi les critiques –, que le concept d’éducation thérapeutique était essentiel et qu’il était important d’en avoir posé les fondements juridiques dans notre droit.

Il est vrai que les maladies chroniques peuvent être aujourd’hui considérées comme une pandémie silencieuse. M. Mallot parlait de 20 millions de personnes concernées. Elles sont en tout cas entre 15 et 20 millions, ce qui représente plus de 20 % de la population, et près de 60 % du total des remboursements de l’assurance maladie. Il s’agit donc d’un enjeu de santé publique majeur et aigu, au regard notamment de la pérennité de notre système de santé.

Aussi bien en France qu’à l’étranger, se sont développés, ces dernières années, des programmes d’éducation thérapeutique du patient, à l’initiative d’équipes hospitalières, de réseaux ville-hôpital, d’associations de patients, mais également d’organismes sociaux. Il est donc devenu nécessaire de doter cette activité d’un cadre législatif permettant, d’une part, la reconnaissance des équipes impliquées dans ces processus et, d’autre part, leur évaluation.

L’inscription de l’éducation thérapeutique dans le cadre législatif revêt donc une importance majeure aussi bien pour les patients et les associations qui les représentent que pour les professionnels. Il s’agit de promouvoir, conforter et professionnaliser cette activité. Le rôle essentiel dans ce cadre reviendra aux ARS.

L’éducation thérapeutique doit permettre l’autonomisation du patient et ainsi la prévention des complications de la maladie dont il est porteur. Elle va ouvrir de nouvelles modalités de relation des professionnels au malade qui, dorénavant, sera au cœur des décisions de stratégie de prise en charge de sa pathologie. Il y a là un lien très fort avec certaines dispositions, tels les modes alternatifs de rémunération dont j’ai posé les fondements dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2008 et dont les expérimentations pratiques sont en train de démarrer.

De plus, il m’a semblé important d’inscrire dans ce projet de loi la notion d’accompagnement que les associations de patients ont su développer. Un amendement gouvernemental vous sera proposé. Il est fortement inspiré d’une proposition de votre collègue Valérie Boyer, qui a su me convaincre de l’intérêt de compléter le texte de l’article 22.

Cet amendement, dont je pense qu’il donnera satisfaction à Mme Lemorton, vise à clarifier et à circonscrire le rôle de l’industrie pharmaceutique non seulement dans les programmes d’éducation thérapeutique du patient et dans les actions d’accompagnement, mais aussi dans les programmes d’apprentissage de gestes techniques complexes.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, je crois que nous faisons une œuvre de santé publique extrêmement importante en inscrivant l’éducation thérapeutique dans notre droit.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 22.

Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Il s’agit, à l’alinéa 3, après le mot « thérapeutique », d’insérer les mots « et responsabilisation ». Si la santé constitue un droit pour le malade, elle implique également une responsabilité quant à son utilisation. Il semble ainsi nécessaire de sensibiliser aussi les patients sur le fonctionnement du système sanitaire et sur les coûts qui résultent de l’accès pour tous à des soins de qualité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car elle a considéré que le terme de responsabilisation avait un côté culpabilisant pour le patient.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je souhaite le retrait de cet amendement, car l’argumentation développée par M. le rapporteur me paraît fondée.

M. le président. Monsieur Jeanneteau, retirez-vous votre amendement ?

M. Paul Jeanneteau. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 30 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1480.

Il s’agit d’un amendement de précision de M. Rolland.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement me semble redondant dans la mesure où l’on a repris la définition de l’éducation thérapeutique de 1998 de l’OMS, qui prévoit l’accompagnement du malade et de ses proches.

(L’amendement n° 1480 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 32.

La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Cet amendement, comme l’amendement n° 31 qui viendra ultérieurement en discussion, a le même objet que l’amendement n° 30. Je le retire donc par avance (Sourires), supposant que le rapporteur et le Gouvernement exprimeront le même avis que précédemment.

(L’amendement n° 32 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1442.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Il s’agit, à l’alinéa 5, après le mot « partie », d’insérer le mot « intégrante ». Cet amendement s’adresse aux personnels soignants et à toutes les catégories des acteurs de santé. Cela va du médecin à l’infirmière, du pharmacien au masseur kinésithérapeute. Tous ceux qui tournent autour de la vie du malade dans la chronicité de sa maladie sont concernés. Les associations de patients souhaitent que l’éducation thérapeutique soit intégrée dans un plan de soins coordonnés avec tous les personnels soignants.

Le rapport Saout fait le constat suivant : « L’hétérogénéité des programmes mis en place concerne l’organisation des activités et la structuration des programmes, la diversité des pathologies chroniques éligibles à ces programmes, comme leur durée ou la formation des éducateurs. » Il pointe du doigt la faiblesse du nombre de patients en comparaison du nombre de patients atteints de maladies chroniques, et l’implication des médecins libéraux qui reste relativement marginale. À cet égard, madame la ministre, l’évolution du mode de rémunération que vous prévoyez devrait intégrer cette dimension et cela va dans le bon sens.

Le rapport fait encore apparaître que le financement national par patient et par an des actions d’éducation thérapeutique est très dispersé et que l’évaluation médico-économique des pratiques d’ETP, comme de celles liées à l’accompagnement du patient, devrait être développée et approfondie.

Voilà ce qui m’a conduit à déposer cet amendement. Je souhaiterais qu’il soit accepté par le Gouvernement puisqu’il fait l’objet de la recommandation 5 du rapport de M. Saout qui prévoit que l’ETP du patient devra être reconnu dans la loi pour toute personne atteinte d’une maladie chronique et dont l’état le nécessite. Cette éducation thérapeutique du patient devra être intégrée dans un plan de soins coordonnés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable, non pas sur l’esprit, mais parce que toute la formulation de l’article 22 va dans le sens souhaité par Mme Lemorton.

(L'amendement n° 1442 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 226 rectifié.

La parole est à M. André Flajolet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. André Flajolet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Cet amendement vise à ajouter, à la fin de l’alinéa 5, une phrase qui renforce l’efficacité de l’éducation thérapeutique en l’inscrivant dans le parcours de soins et en précisant qu’elle concerne également l’entourage du patient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission avait rejeté la version initiale de cet amendement. Sa version rectifiée étant plus précise, j’y suis favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

(L'amendement n° 226 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1436.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6 de l’article 20, qui permet au Gouvernement de déterminer par décret les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique.

Comme je l’ai expliqué dans mon intervention générale sur l’article, l’éducation thérapeutique est un sujet trop important et, de surcroît, trop neuf dans notre droit et dans nos pratiques pour que le Parlement ne soit pas saisi de son contenu ou des formes qu’elle peut revêtir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car la définition des compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique est de nature réglementaire. Il est inutile de la figer dans la loi

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis.

(L'amendement n° 1436 n'est pas adopté.)

M. le président. M. Paul Jeanneteau a indiqué qu’il retirait l’amendement n° 31.

(L’amendement n° 31 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1438.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement précise que l’éducation thérapeutique du patient relève exclusivement des professionnels de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Si les actions d’éducation thérapeutique ont en effet vocation à être pilotées par des professionnels de santé, d’autres acteurs sont également susceptibles d’y participer ; je pense, par exemple, aux psychologues, aux assistantes sociales, aux nutritionnistes ou aux professeurs de science. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable. Je pense également aux militants associatifs expérimentés, qui peuvent faire partie d’équipes d’éducation thérapeutique.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Thérapeutique implique qu’il s’agit de soigner, ce qui est, me semble-t-il, du ressort des seuls professionnels de santé. S’en remettre aux assistantes sociales ou aux militants associatifs pourrait être dangereux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je tiens à rassurer M. Tian : les agences régionales de santé disposeront de procédures d’évaluation et de validation leur permettant de contrôler les capacités des intervenants et la présence de professionnels de santé dans les équipes.

(L'amendement n° 1438 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 1450.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais également défendre l’amendement n° 1451.

L’amendement n° 1450 vise à insérer à l’alinéa 7, après le mot « élaboration », les mots « tiennent compte de la diversité des situations ».

Quant à l’amendement n° 1451, il procède de notre crainte que, dans sa rédaction actuelle, l’article 22 n’entraîne de la part des pouvoirs publics une dérive consistant à pénaliser les malades et à rendre opposable cette éducation thérapeutique.

En effet, en stipulant que l’éducation thérapeutique fait partie de la prise en charge du patient et du parcours de soins, l’article tel que rédigé fait planer un doute sur le caractère éventuellement obligatoire de cette éducation thérapeutique et pose la question de la liberté du patient et de l’efficacité d’une éducation qui serait imposée sous peine de moins bonne prise en charge. Or, la mise en place d’un processus d’éducation thérapeutique s’appuie d’abord et prioritairement sur la participation du malade aux décisions médicales et médico-sociales. Le patient doit être considéré comme un acteur, et non comme quelqu'un qui subit.

Le rapport Saout indique que le patient est en droit de ne pas accepter un programme d’éducation thérapeutique qui lui serait proposé et qu’un tel refus ne peut entraîner de sanction financière.

C’est d’ailleurs ce que préconise un avis du Comité économique et social européen sur les droits du patient, publié au Journal officiel de l’Union européenne en date du 15 janvier 2008. À propos du droit au consentement libre et éclairé, il y est précisé :

« Il s’agit d’affirmer le droit à la participation des patients dans les décisions les concernant. Ceci ne signifie pas un transfert de la responsabilité du médecin sur le patient, mais d’envisager leur interaction dans une perspective d’alliance thérapeutique, chacun restant à sa place, avec ses droits et son périmètre de responsabilité.

« L’adhésion du patient ne porte pas systématiquement sur tous les actes médicaux futurs. Dès lors, le consentement du patient doit être renouvelé avant tout acte médical ou chirurgical important.

« L’accord du patient ainsi renseigné doit être explicite, c’est-à-dire exprimé objectivement. Après en avoir été informé le patient peut accepter ou refuser la procédure qui lui est proposée. »

Voilà les raisons pour lesquelles nous défendons ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 1450 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Les actions d’éducation seront gérées par les agences régionales de santé et tiendront donc forcément compte des situations et des particularités locales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je ne suis pas favorable à l’amendement n° 1450.

Je suis en revanche favorable à l’amendement n° 1451, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 2069 rectifié du Gouvernement qui vise à compléter l’alinéa 7 par les deux phrases suivantes : « Ces programmes sont mis en œuvre au niveau local, dans la cadre du projet régional de santé des agences régionales de santé, après concertation avec les acteurs de l’éducation thérapeutique du patient. Par ailleurs, celle-ci n’est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ces actes et des médicaments afférant à sa maladie. »

Nous supprimerions ainsi le mot « application », moins adapté, je pense que vous en conviendrez.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 2069 du Gouvernement et l’amendement n° 1451 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission était réservée sur l’amendement n° 1451, mais la précision apportée par le sous-amendement du Gouvernement me permet, à titre personnel, de lui donner un avis favorable.

(L'amendement n° 1450 est retiré.)

(Le sous-amendement n° 2069 rectifié est adopté.)

(L'amendement n° 1451, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1439.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Pour les mêmes motifs que tout à l’heure, j’aurais préféré que les conventions soient signées entre l’ARS et des professionnels de santé, puisqu’il est indiqué dans l’article que l’éducation thérapeutique du patient fait partie de son parcours de soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui lui semble superflu. Les professionnels de santé seront les responsables des programmes d’éducation thérapeutique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis.

(L'amendement n° 1439 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1444.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il nous semble important que soit mieux précisé le mode de financement des programmes d’éducation thérapeutique, notamment sa répartition entre le secteur public et les établissements privés.

Pour des raisons relevant de notre règlement interne, nos amendements visant à préciser que le financement de ces programmes devait être majoritairement assuré par des fonds publics ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Soit. Sans quantifier précisément la répartition du financement entre le secteur public et les établissements privés, il nous semble malgré tout nécessaire de préciser la part que vont prendre les industriels du secteur pharmaceutique dans ce financement.

Que les choses soient claires. Il ne s’agit pas de contester le fait que ces entreprises participent au financement de l’éducation thérapeutique : à l’évidence, le seul secteur public ne pourrait en assumer seul la charge et, par ailleurs, il apparaît normal que les industries pharmaceutiques, qui souhaitent être des acteurs à part entière de la politique de santé, jouent ici leur rôle. Néanmoins, on ne peut faire comme si leur action était neutre ou dénuée d’arrière-pensées. Il nous paraît donc nécessaire de mieux caractériser les rôles respectifs du secteur public et du secteur privé dans la mise en œuvre de l’éducation thérapeutique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car il est satisfait par l’amendement n° 2055 du Gouvernement que nous examinerons dans quelques instants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je regrette que cet amendement ne soit pas accepté par Mme la ministre, car le rapport de M. Saout est très clair : « Il n’existe pas de tableaux de bord nationaux pour ce type d’activités. »

Il faut distinguer l’hôpital et la médecine de ville. Pour ce qui concerne d’abord l’hôpital, le financement de l’ETP repose principalement sur des ressources hors tarification T2A – ce qui ne laisse pas de m’inquiéter au vu de la généralisation de la T2A –, mobilisées et distribuées pour les établissements concernés sur les MIGAC. À ce financement globalisé par établissement, il faut ajouter des ressources provenant de la rémunération d’activités où la part relevant de l’ETP n’est pas toujours identifiée. Ce financement, d’un montant de 66,6 millions d’euros pour 2006, couvre les différentes catégories d’établissements – je vous fais grâce de la liste.

En ce qui concerne la médecine de ville, il est difficile de préciser dans le financement attribué par l’assurance maladie la part couverte pour les activités d’ETP et des autres prestations de soins ou de coordination, notamment dans le cadre des réseaux de santé. Un seul régime permet le fléchage, le RSI ; pour les autres caisses d’assurance maladie, c’est très opaque.

Je rappelle les deux recommandations du rapport de M. Saout sur l’éducation thérapeutique :

« Recommandation n° 19 : Le financement des activités et des programmes d’éducation thérapeutique du patient devra être assuré d’une part sur une tarification spécifique, en ambulatoire comme à l’hôpital, et d’autre part sur un fonds national clairement identifié et réparti au niveau régional sur les futures ARS. »

« Recommandation n° 21 : L’ARS sera le financeur unique régional de l’ETP. »

(L'amendement n° 1444 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1445.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à préciser les critères qui définiront l’évaluation de l’éducation thérapeutique. Selon nous, ces critères doivent être établis au niveau national, tout en tenant compte des situations locales, cela va de soi. En effet, chacun sait qu’il existe de fortes différences régionales, qu’il s’agisse des pathologies ou des thérapies. Dès lors, il convient de préciser davantage la relation qui existe entre des critères d’ordre national et le respect des spécificités locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Avis défavorable. L’évaluation au niveau national sera confiée au Haut conseil de santé publique, et en particulier à sa commission spécialisée dans les maladies chroniques et les incapacités.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis défavorable : c’est un cahier des charges national qui précisera les orientations et les priorités de l’éducation thérapeutique, dont la déclinaison sera effectuée au niveau régional sous l’égide des ARS. En conséquence, la précision proposée est inutile.

(L’amendement n° 1445 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1446 et 1453.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l’amendement n° 1446.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement vise, après l’alinéa 8, à insérer l’alinéa suivant : « Il est interdit pour une entreprise pharmaceutique de conduire tout contact personnalisé et toute démarche directe ou indirecte d’information, de formation ou d’éducation à destination du public relative à un médicament prescrit ». En guise de clin d’œil à Mme la ministre, nous aurions même pu y ajouter les mots « même à travers la télévision », en référence à son décret du 24 décembre 2008.

Permettez-moi de citer les propos que M. Caniard, membre de la Haute autorité de santé, a tenus le 29 janvier dernier : « L’article 22, lapidaire, pourrait ouvrir des possibilités à des pratiques que nous ne souhaitons pas forcément ». Et de poursuivre : « Nous sommes très réservés quant à l’implication des groupes pharmaceutiques dans ces programmes ».

Permettez-moi ensuite de vous rappeler le rapport de l’IGAS sur l’encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux financé par les entreprises pharmaceutiques, dont les conclusions sont claires. Tout d’abord, « les motivations commerciales des firmes sont trop évidentes pour que leur soit laissée la latitude d’approcher les patients sous prétexte d’aide à l’observance ». Ensuite, « l’interdiction de tout contact direct et indirect des firmes avec les patients doit être fermement maintenue ». Enfin, les « programmes d’aide à l’observance des firmes devraient être interdits, y compris ceux qui existent actuellement ».

M. Charles de La Verpillière. C’est le goulag !

Mme Marisol Touraine. Quelle insulte pour tous ceux qui ont été au goulag !

Mme Catherine Lemorton. Ce n’est que de la transparence, cher collègue – une notion qui semble vous gêner !

Toujours dans ce même rapport de l’IGAS, qui date du mois de décembre 2007, un chapitre porte sur « la place excessive de l’industrie pharmaceutique dans le système de santé ». Je le cite : « Ces tentatives réitérées d’accéder directement au public et au patient sont problématiques quand on considère l’emprise de l’industrie pharmaceutique sur quasiment l’ensemble des secteurs du système de santé. Cette emprise, en France comme dans d’autres pays, paraît d’autant plus excessive qu’elle n’est pas manifeste. Les entreprises du médicament contribuent au financement de la recherche, » – c’est visible – « notamment de la recherche clinique » – c’est visible aussi. « Cela est dans leur attribution légitime. Tout comme le sont le développement, la production, la vente de nouveaux médicaments et l’information qu’elles dispensent auprès des médecins qui les prescrivent ou des pharmaciens qui les distribuent et les dispensent » – tout cela est bien visible.

Le rapport poursuit ainsi : « Mais leur champ d’intervention est beaucoup plus large. Il n’est pratiquement pas un secteur où les entreprises pharmaceutiques ne jouent un rôle significatif, sinon déterminant : l’industrie pharmaceutique intervient également dans le financement d’associations de malades, au point, parfois, de les créer de toutes pièces – certaines associations soutenues se voient positionnées comme interlocutrices privilégiées par les institutions internationales, notamment par la Commission européenne ; les entreprises ne sont pas absentes de la formation initiale des médecins ; elles contribuent très largement au financement de leur formation continue ; elles s’immiscent dans celui de l’évaluation des pratiques professionnelles ; elles assurent en partie le financement de l’AFSSAPS », par la collecte des taxes voulues par l’État que cette agence perçoit.

Je précise, monsieur Rolland, que vous avez vous-même rappelé, en commission, que sans les firmes pharmaceutiques, on ne peut plus faire grand-chose. Je poursuis donc l’énumération : « elles assurent de façon sinon quasi monopolistique, du moins très excessive, l’information des professionnels de santé ; elles participent à l’information des patients, en étant parfois à l’origine de campagnes de sensibilisation précoces au caractère parfois trompeur ; elles participent au financement de campagnes d’éducation pour la santé »…

M. le président. Madame Lemorton,…

Mme Catherine Lemorton. Interrompez-moi quand vous le souhaitez : la liste est encore longue !

M. le président. Justement : votre temps est compté !

M. Jean Mallot. Le temps de chacun est compté, hélas…

M. Marcel Rogemont. Même le vôtre, monsieur le président…

Mme Catherine Lemorton. Je poursuis donc : « Elles participent, largement, à la définition de nouveaux périmètres de définition de maladies, de critères permettant d’évaluer les thérapeutiques nouvelles ; elles interviennent pour abaisser les seuils de facteurs de risque, contribuant ainsi, pour certains, à une “médicalisation” excessive de la société »…

M. le président. Je vais donner la parole à Mme Fraysse, qui la demande, pour défendre un amendement identique.

Mme Catherine Lemorton. Soit ; j’arrête là la défense de mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l’amendement n° 1453.

Mme Jacqueline Fraysse. Pour vous faire gagner du temps et pour vous être agréable, monsieur le président,…

M. le président. Je vous remercie, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.… pour que vous soyez zen,…

M. le président. Je le suis !

Mme Jacqueline Fraysse.… je défendrai en même temps l’amendement n° 1454 qui traite du même sujet : il s’agit de veiller à ce que l’industrie pharmaceutique n’utilise pas le prétexte de l’éducation thérapeutique ou de l’aide à l’observance pour, en réalité, faire la promotion de ses produits et les vendre. Chacun sait que la logique de concurrence et la course au profit, qui guident l’industrie pharmaceutique, ne sauraient placer l’intérêt des patients au cœur de leur démarche. Comme le préconisait l’IGAS dans son rapport de décembre 2007 consacré à l’encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux financé par les entreprises pharmaceutiques, pour garantir une éducation thérapeutique de qualité et cohérente, il est primordial que le patient soit préservé de tout contact de nature promotionnelle.

C’est donc dans le but de protéger le patient que notre amendement vise à proposer de consacrer le principe de l’interdiction de tout contact personnalisé – direct ou indirect – et de toute démarche d’information, de formation ou d’éducation, entre les entreprises pharmaceutiques et le public bénéficiant d’une prescription médicamenteuse.

À relire les propos que vous avez tenus, madame la ministre, notamment en commission, il semble que vous partagiez cette vision. C’est d’ailleurs ce que vous déclariez lors de la conférence de presse que vous avez tenue le 2 septembre 2008 sur l’éducation thérapeutique, en affirmant que vous ne souhaitiez « aucune porosité, aucun contact direct entre firmes et patients dans le cadre de l’observance ».

C’est conformément à cette volonté partagée que je vous invite, madame la ministre, à soutenir cet amendement, et que je vous demande, mes chers collègues, de le voter ! Cet amendement répond aussi à l’exigence d’impartialité – un principe essentiel de la sécurité sanitaire, puisqu’il consiste à distinguer les considérations économiques des considérations sanitaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements, même si elle partage ce souci d’étanchéité entre l’industrie pharmaceutique et les patients. En effet, ces inquiétudes seront en grande partie levées par l’amendement n° 2055, que nous examinerons dans un instant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il va de soi que j’approuve l’esprit des amendements défendus par Mmes Lemorton et Fraysse. D’ailleurs, je me suis maintes fois exprimée sur ce sujet – tant au plan français qu’au plan européen.

Toutefois, une chose me gêne dans ces amendements : la définition que l’on pourra donner au mot « indirecte ». L’usage de l’adjectif « directe » ne pose aucun problème ; celui de son antonyme non plus, dès lors qu’il s’agit d’opérations promotionnelles. Imaginons néanmoins qu’un film, labellisé par l’ARS ou par les programmes nationaux dans le cadre de l’éducation thérapeutique, soit financé par un laboratoire pharmaceutique. S’agit-il alors d’un contact indirect ? Si oui, un problème juridique surgirait. Voilà donc ce qui me gêne : l’acception extensive que l’on peut attribuer à l’adjectif « indirecte », qui pourrait conduire à ne plus accepter aucun financement provenant des laboratoires pharmaceutiques dans le cadre des programmes d’éducation thérapeutique. Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Compte tenu des propos de Mme la ministre, je propose de rectifier cet amendement en supprimant le terme « indirecte » qui, en effet, peut poser problème. L’amendement apporterait tout de même ainsi une précision utile.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Dans ce cas, je suis prête à accepter l’amendement.

M. Jean Mallot. Comme quoi le débat est utile !

M. le président. Approuvez-vous cette rectification, madame Touraine ?

Mme Marisol Touraine. Tout à fait.

M. le président. Soit. Les deux amendements identiques, nos 1446 et 1453, sont donc ainsi rectifiés et se lisent de la façon suivante : « Il est interdit pour une entreprise pharmaceutique de conduire tout contact personnalisé et toute démarche directe d’information, de formation ou d’éducation à destination du public relative à un médicament prescrit ».

(Les amendements identiques nos 1446 et 1453, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1987.

La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Cet amendement vise à ce que les promoteurs des programmes d’éducation thérapeutique des patients puissent faire appel aux professionnels de santé de proximité que sont les infirmières et les pharmaciens, qui ont les compétences requises pour assurer l’éducation thérapeutique du patient, et dont la disponibilité fait des interlocuteurs de choix pour lesdits patients.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, et compte tenu de ce qui a été dit tout à l’heure, il me semble qu’il va de soi que les infirmières et les pharmaciens pourront être associés aux programmes d’éducation thérapeutique. Le préciser dans la loi est donc inutile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Vous soulevez là le problème des listes, cher monsieur Jeanneteau. Inutile de vous dire combien je suis sensible au rôle des pharmaciens dans l’éducation thérapeutique, ainsi qu’à celui des infirmiers et des infirmières. Néanmoins, si nous citions ces deux catégories, il faudrait citer tout le monde ! Il va de soi que chacun a sa place dans une équipe validée, particulièrement les pharmaciens. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Je le retire – comme j’en ai désormais l’habitude. (Sourires.)

(L’amendement n° 1987 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 2055, 1447 et 1454, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour défendre l’amendement n° 2055.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Cet amendement prolonge le débat que nous venons d’avoir. Je présenterai en même temps les amendements nos 2056 et 2057, fortement inspirés d’une proposition de Mme Boyer qui m’a convaincue de l’importance qu’il y avait à compléter mon texte sur l’éducation thérapeutique. Nous reparlerons plus nettement de la clarification et de la circonscription du rôle de l’industrie pharmaceutique non seulement dans les programmes d’éducation thérapeutique du patient et dans les actions d’accompagnement, mais aussi dans les programmes d’apprentissage.

Ces amendements ont plusieurs objectifs. L’amendement n° 2055 vise à encadrer l’intervention ou la contribution financière des entreprises du médicament et de celles commercialisant des dispositifs médicaux qui sont impliquées dans des programmes d’éducation thérapeutique du patient et des actions d’accompagnement. Par ailleurs, il permet de créer un cadre juridique pour les programmes d’apprentissage qui concernent pour l’essentiel les médicaments auto-injectables, afin de former le patient à l’apprentissage d’un geste technique.

L’amendement n° 2056 prévoit les sanctions pour les promoteurs qui ne suivent pas les règles édictées.

Enfin, l’amendement n° 2057 vise à donner compétence à l’AFSSAPS pour autoriser, contrôler et évaluer ces programmes d’apprentissage.

La proposition tient compte non seulement des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de l’examen de la loi du 26 février 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, mais également de la concertation effectuée avec les professionnels de santé et les associations de patients, qu’il est très important de consulter.

Ces amendements reposent sur plusieurs principes qu’il n’est pas inutile de rappeler.

Tout contact direct entre le laboratoire et le patient ou son entourage est interdit – cela va plus loin que l’amendement qui vient d’être adopté.

La participation des laboratoires aux programmes d’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement se limite à leur cofinancement ou à la mise à disposition d’outils d’information à condition que cela soit fait dans le respect du cahier des charges national en toute transparence et sous le contrôle des ARS.

Les programmes d’apprentissage sont mis en œuvre par des professionnels de santé intervenant pour le compte d’un opérateur pouvant être financé par l’entreprise pharmaceutique – d’où l’importance d’enlever le mot « indirecte ». Ils sont initiés par le médecin prescripteur lors de la consultation après le consentement du patient ou, le cas échéant, de sa famille. Ils sont soumis à une autorisation préalable et à des contrôles de l’AFSSAPS, des sanctions pénales étant prévues en cas d’infraction.

Enfin, les critères et obligations auxquels sont soumis les différents acteurs, qui peuvent être des associations agréées, seront déterminés par un décret en Conseil d’État.

Telle est la philosophie de ces amendements qui devraient recueillir une large unanimité sur vos bancs si j’en crois le débat que nous venons d’avoir.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 1447.

Mme Catherine Lemorton. Il est défendu. Les arguments sont les mêmes que ceux avancés tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1454.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement n° 2055 du Gouvernement. Il s’agit d’un amendement particulièrement important qui permet d’encadrer la participation des laboratoires à l’éducation thérapeutique et qui répond, me semble-t-il, à toutes les craintes que nous avons pu exprimer les uns et les autres ce soir. J’y suis donc, à titre personnel, favorable.

Les deux autres amendements, nos 1447 et 1454, ont été rejetés par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 1447 et 1454 ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la ministre, je pensais, et sans doute l’ensemble des députés de l’opposition avec moi, que je serais rassurée par votre amendement. Or, seule une ligne me convient : Il ne peut y avoir de contact direct entre l’entreprise et le patient. En clair, vous interdisez que l’industrie frappe à la porte et rentre chez la personne. Jusque-là, nous sommes d’accord.

Quant à la phrase « Le programme d’apprentissage est proposé par le médecin prescripteur à son patient », permettez-moi de vous raconter une anecdote. Alors qu’une insuline venait de sortir sur le marché, une patiente, que je qualifierai de senior, est appelée par la secrétaire de son médecin. Cette secrétaire, qu’elle connaît puisque c’est celle de son médecin traitant, lui annonce que la manière dont elle suit son traitement en cours avec l’insuline qu’elle a l’habitude d’utiliser – qui n’est pas très onéreuse parce que sur le marché depuis quinze ou vingt ans – va être étudiée. Pour cela, la secrétaire lui propose de l’emmener trois jours et deux nuits, tous frais payés, même le transport en taxi. Or, au cours de cette période, on administre à la patiente la nouvelle insuline. Nous ne sommes pas dans la quatrième dimension, madame Bachelot, cela se passe en France !

M. Élie Aboud. C’est un protocole clinique, c’est le principe même de la recherche clinique !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Que fait la police ?

Mme Catherine Lemorton. Je tairai le nom du produit. Cette dame, revenue chez elle, a pris la nouvelle insuline, qui était trois fois plus chère que le traitement initial.

M. Jean Mallot. Voilà !

Mme Catherine Lemorton. Elle ne la supportait pas très bien, mais elle a continué à la prendre pendant trois mois, jusqu’à ce que son fils intervienne.

M. Jean Mallot. Voilà !

M. Paul Jeanneteau. M. Mallot est un spécialiste !

Mme Catherine Lemorton. Et le fils découvre que la secrétaire du médecin était rétribuée par l’industrie.

M. Élie Aboud. Oh !

Mme Catherine Lemorton. On dirait que vous vivez dans le pays des Bisounours ! Mais c’est ainsi que les choses se passent quand on laisse faire l’industrie.

M. Élie Aboud. Ça, c’est mon quotidien, je connais !

Mme Marisol Touraine. Cela ne peut pas être votre quotidien puisque vous faites partie de l’Assemblée !

Mme Catherine Lemorton. C’est un cas réel qui va sans doute bientôt sortir dans la presse, et c’est mon quotidien à moi aussi. Il y avait collusion d’intérêts entre la secrétaire du médecin et l’industrie pharmaceutique qui lançait cette nouvelle insuline. Cet exemple illustre parfaitement votre amendement. C’est pourquoi nous ne le voterons pas, madame la ministre.

(L'amendement n° 2055 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1447 et 1454 tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 2056.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je l’ai déjà défendu, monsieur le président.

(L'amendement n° 2056, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1448.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. La question du financement de l’éducation thérapeutique reste un point de désaccord – à moins que cet amendement ne permette à nos positions de se rapprocher, voire de se rejoindre.

Il ne s’agit pas simplement de savoir si ce financement doit être public ou privé, s’il faut l’encadrer, et de quelle manière, par l’industrie pharmaceutique. Il faut également éviter un fléchage trop direct de la part des industriels des financements qu’ils seraient prêts à apporter à l’éducation thérapeutique.

Dans ce but, nous proposons, comme M. Saout dans son rapport, la création d’un fonds national pour le développement de l’éducation thérapeutique du patient. Ce fonds permettrait aux financeurs privés de contribuer aux programmes d’éducation thérapeutique, mais de manière indifférenciée. En d’autres termes, une entreprise spécialisée dans l’insuline, par exemple, pourrait contribuer à ce fonds, mais sans avoir la certitude que son argent irait au soutien spécifique de programmes concernant des malades diabétiques, l’idée étant que ce financement doit concerner l’éducation thérapeutique de façon globale.

Dans la mesure où la création du fonds soulève des difficultés, nous proposons une première étape à travers la rédaction d’un rapport qui serait présenté au Parlement avant le 30 juin 2009, pour nous permettre d’examiner les conditions dans lesquelles la mise en place d’un tel fonds serait possible.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. La création d’un fonds national risquerait d’aboutir à une recentralisation du dispositif, ce qui nuirait à son efficacité puisque le choix est précisément fait de confier, au niveau local, aux agences régionales de santé, la gestion des enveloppes de l’éducation thérapeutique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vous propose une solution de compromis : puisque je veux impliquer les agences régionales de santé, ce rapport au Parlement pourrait être rédigé un an après l’installation des ARS. Seriez-vous d’accord, madame Touraine, avec cette proposition ? Ce rapport pourrait ainsi être remis pour le 31 décembre 2010, sachant que la mise en place des ARS devrait être effective le 1er janvier 2009, si vous adoptez les articles les concernant. Dans l’optique de la mise en place d’un système profondément territorialisé, je trouve qu’il serait plus intéressant de modifier ainsi la date.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, nous sommes d’accord pour modifier la date de remise du rapport car l’important, pour nous, c’est que soit définie, dans un délai relativement proche, l’articulation entre les critères nationaux et les critères locaux, entre le cadre national du financement thérapeutique et sa mise en œuvre locale.

M. le président. L’amendement n° 1448 est donc rectifié et la date du « 30 juin 2009 » est remplacée par celle du « 31 décembre 2010 ».

(L'amendement n° 1448, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

(L'article 22, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 22.

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1566 et 1516 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je défendrai les deux amendements, si vous le permettez, monsieur le président, étant cosignataire du premier et seule signataire du second.

M. le président. Je vous en prie.

Mme Bérengère Poletti. Ces deux amendements concernent la vaccination contre le HPV, l’Human papilloma virus. Cette vaccination est remarquablement efficace sur la prévention des cancers du col de l’utérus, encore faut-il qu’elle soit faite alors que la jeune fille n’a pas commencé sa vie sexuelle.

Pour rendre cette vaccination accessible à certains publics réticents, pour des raisons religieuses notamment, l’amendement n° 1566 vise à ce que les jeunes filles mineures, âgées d’au moins quatorze ans, puissent se faire vacciner même sans le consentement parental.

Quant à l’amendement n° 1516 rectifié, il propose que le vaccin soit fait dès l’âge de douze ans – à cet âge, le vaccin est reconnu efficace – à l’occasion du rappel d’un autre vaccin. Je tiens beaucoup à cet amendement, car il place le discours sur le vaccin sur un thème de santé publique et de protection plutôt que sur celui de l’entrée dans la vie sexuelle de la jeune fille. Effectuer la vaccination à douze ans permettrait d’être plus efficace et de toucher les populations sensibles aux problèmes sexuels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements, même si la démarche est tout à fait légitime. La prévention du HPV et des cancers du col est en effet un objectif fondamental, mais nous disposons d’un comité technique des vaccinations et du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Celui-ci a rendu un avis détaillé sur cette question en mars 2007 et il faut respecter l’avis des scientifiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La confidentialité a un effet de prise en charge. En effet, à douze ou quatorze ans, une jeune fille n’a pas de droit propre, direct, à la sécurité sociale. Si l’on veut que la confidentialité soit respectée, il faut donc que la prise en charge de cette vaccination soit assurée par l’État. Or vous n’évoquez pas la conséquence financière de votre proposition, qui aurait d’ailleurs dû tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Cela pourrait même inciter des jeunes filles qui n’ont pas de problèmes de confidentialité avec leurs parents à mentir et à faire prendre en charge par l’État un vaccin dont les parents pourraient tout à fait supporter le coût. J’appelle donc votre attention sur cet impact financier de la mesure qu’il conviendrait de chiffrer parce que c’est tout ou rien : ou on décide de la gratuité totale de la vaccination anti-HPV pour tout le monde ou on ne le fait pas.

Par ailleurs, les conséquences techniques d’une vaccination contre le papillomavirus pratiquée en même temps que d’autres vaccinations n’ont pas été étudiées. Le problème de l’interaction éventuelle des vaccins n’a pas été posé. Or, en tant que ministre de la santé, je dois m’entourer de conseils scientifiques avant de prendre une telle décision.

Je vous demande par conséquent de retirer ces deux amendements, faute de n’avoir pu étudier ni l’impact financier du premier ni l’impact sanitaire du second.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je suis sensible aux arguments de Mme la ministre. La démarche sociale de l’amendement n° 1566 me semblait intéressante, mais j’ai conscience des problèmes qu’il pose.

Je suis plus déçue pour l’amendement n° 1516 rectifié, car la solution me semblait bonne. Mais la question de l’interaction des vaccins se pose en effet. Je retire par conséquent mes deux amendements. Mais j’espère que le problème sera étudié rapidement.

(Les amendements nos 1566 et 1516 rectifié sont retirés.)

Mme Michèle Delaunay. Il s’agit d’un problème important et je regrette qu’il n’y ait pas eu de débat à ce sujet !

M. le président. Le débat a eu lieu, madame Delaunay.

M. Jean Mallot. La moitié de l’hémicycle n’a pas pu y participer !

Mme Michèle Delaunay. Oui, c’était un dialogue ; pas un débat !

M. le président. Vous pouviez reprendre les amendements, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je suis saisi d’un amendement n° 454 de la commission.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement vise à faciliter l’accès des personnes en difficulté à l’information relative à la contraception en complétant le deuxième alinéa de l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique par les mots : « y compris pour leur accès à la contraception ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Un des fils rouges de ma politique est de faciliter l’accès des populations les plus fragiles aux politiques de prévention et de dépistage, et aux soins. On sait en effet que les populations précarisées n’effectuent pas de dépistage du cancer du sein, qui est pourtant gratuit. Il faut donc prévoir un accompagnement en leur direction.

L’accès à la contraception étant plus difficile pour les jeunes filles en situation de précarité, plusieurs actions spécifiques, notamment en matière d’information et de motivation, sont menées, notamment avec l’INPES. Lors de la dernière campagne relative à ce sujet, des supports de toute nature ont été utilisés : spots télévisés, programmes Internet et documents adaptés aux publics plus fragiles.

Je me demande cependant si l’inscription de ce thème dans notre texte n’aurait pas un effet stigmatisant. C’est pourquoi, même si je suis favorable à l’esprit de cet amendement, j’en propose le rejet.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je profite de l’incidente de Mme la ministre sur le dépistage du cancer du sein pour regretter que, dans un contexte de maladie contagieuse, nos lois de santé publique ne permettent de rendre obligatoires que les vaccins.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Et non les dépistages, c’est vrai !

Mme Michèle Delaunay. Quand comprendra-t-on que, quand il n’existe pas de vaccin pour une maladie, le seul vaccin est le dépistage ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’irai dans le même sens que Mme Delaunay. Lors d’une réflexion menée à l’Assemblée nationale par l’OPEPS au cours de la législature précédente, il avait été envisagé de ne rembourser le dépistage que s’il intervenait dans un cadre collectif et organisé. Je n’étais pas convaincu de prime abord. Aujourd’hui où je suis responsable de ce dépistage, la mesure me semble plus juste, et je considère que nous devons y réfléchir, même si elle est éloignée de nos réflexes habituels.

Dans ce domaine, la France peut obtenir des résultats supérieurs à ceux qu’elle réalise actuellement, dont nous nous satisfaisons en raison de notre sens aigu de l’individualisme. Mais, pour cela, je le répète, pour qu’il soit organisé, il faut que le dépistage soit obligatoire et qu’il ne soit remboursé que lorsqu’il est pratiqué dans un cadre collectif.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette décision irait à l’encontre de nos traditions. Mais, si on ne la prend pas, des milliers de femmes risquent d’être victimes d’un cancer non dépisté. Il faut donc procéder à un arbitrage.

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr ! La ceinture de sécurité est obligatoire !

M. Jean-Marie Le Guen. Encore une fois, j’ai évolué sur cette question.

Quant à celle des populations fragiles, nous devons être capables de mener une réflexion et de prévoir les moyens financiers d’organiser une politique.

D’ailleurs, les deux problèmes sont liés. Pour parler de la contraception dans certains milieux, est-il une meilleure manière que d’aborder les problèmes des femmes, et d’évoquer le dépistage du cancer du sein ? Nous pourrions mener des actions extrêmement ciblées en les centrant non sur les pathologies, mais sur les personnes concernées.

Dans des cités où la culture scientifique et l’éducation à la santé sont assez faibles, il faut mener une approche globale. Parler du cancer du sein ne serait pas facile, car les femmes de ces quartiers ne vont pas se faire dépister, mais cela permettrait aussi d’évoquer d’autres sujets, comme la sexualité et la contraception, qui sont des tabous encore plus forts. C’est dans ce sens qu’il faudrait revisiter nos politiques de santé publique, sans avoir peur, pour toucher certaines populations, de mélanger des sujets apparemment différents.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le débat est intéressant. La France est bien placée s’agissant du taux de dépistage du cancer du sein. Pour la population cible, c’est-à-dire pour les femmes entre 50 et 74 ans, il se situe à 70 %, et se répartit à égalité entre dépistage organisé et dépistage individuel.

Avant de prendre une mesure dans ce domaine, il faut réaliser une étude d’impact, car les contre-effets peuvent être importants. Je ne pourrai le faire au détour d’une discussion parlementaire, sans avoir pris au préalable toutes les assurances nécessaires auprès des sociétés savantes et des organismes de santé publique.

Quant à la contraception, un amendement de Mme Poletti, qui sera appelé dans un instant, porte sur le suivi gynécologique. Sa rédaction me paraît préférable, au sens où elle est moins stigmatisante, à celle de l’amendement n° 454. Par ailleurs, je rappelle que nous menons avec l’INPES des politiques ciblées et efficaces à destination des populations fragiles.

(L’amendement n° 454 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 456 et 1716.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Ces amendements visent à inscrire dans la loi la place du financement d’État dans les politiques menées par le planning familial.

Le dernier alinéa de l’exposé sommaire, qui déplore la baisse des subventions dans ce domaine, n’a plus lieu d’être depuis que le Gouvernement a annoncé qu’il maintiendrait son effort en 2009. En revanche, nous n’avons aucune perspective de long terme sur le maintien du financement d’État pour les actions d’écoute, de conseil, d’aide à la contraception ou d’éducation à la sexualité menées par le planning familial.

On sait que celui-ci s’adresse notamment aux familles les plus en difficulté ou les plus fragiles. La garantie d’un financement de l’État dans la durée serait une manière de reconnaître l’importance de la sensibilisation, de l’éducation et de la prévention destinées à ces publics. En reconnaissant son rôle auprès du planning familial, l’État conforterait ces actions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a adopté l’amendement n° 456 malgré l’avis du rapporteur qui craignait une recentralisation du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Même avis que la commission. Je rappelle que les actions de planification et d’éducation familiales font désormais partie des compétences et des missions des conseils généraux. L’adoption de l’amendement pourrait donc créer une certaine confusion en recentralisant les missions concernées.

Le code de la santé publique prévoit l’engagement financier de l’État, qui participe aux activités mises en œuvre par les établissements d’information, de consultation ou de conseil familial. L’État affecte des crédits importants à ces structures, notamment à celles gérées par le mouvement français pour le planning familial.

Je tiens d’ailleurs à vous rassurer : l’État maintiendra intégralement ses crédits à ces activités essentielles de conseil conjugal et familial. Cet engagement extrêmement ferme a été rappelé par M. Hortefeux et confirmé par Mme Morano. Le ministère de la santé apporte également sa contribution en finançant des programmes consacrés à des actions de santé sur la contraception, la sexualité, la prévention du VIH et des IST, en direction des femmes et des publics en situation de grande vulnérabilité. Par le biais de l’INPES, nous finançons également des campagnes de communication sur la contraception.

Le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale, réuni début février par Valérie Létard, est une force de proposition auprès des pouvoirs publics et il accomplit un travail très important.

Dans le cadre du projet de loi, des actions de proximité, d’aide à la contraception, d’éducation à la sexualité, d’écoute pourront être menées au plus près des besoins et des réalités de terrain. L’agence régionale de santé sera une plateforme qui servira de cadre aux contrats locaux de santé.

Je ne suis donc pas favorable à une modification de l’équilibre institutionnel et opérationnel aujourd’hui en place.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la ministre, je suis étonnée par votre réponse. Vous pensez qu’inscrire dans la loi la garantie du financement par l’État du planning familial introduirait une certaine confusion et reviendrait à ne pas encourager ou garantir le financement par les conseils généraux.

Vous nous expliquez qu’il faut s’attendre, comme c’est le cas dans d’autres domaines, à ce que l’État se décharge totalement ou partiellement sur les collectivités territoriales de ses responsabilités à l’égard du planning familial.

Si vous n’acceptez pas que soit reconnu dans la loi le rôle de l’État vis-à-vis du planning familial, cela signifie que nous assisterons, de facto, dans les prochaines années à une dérive. Il appartiendra alors aux conseils généraux de prendre en charge un nombre croissant d’actions des plannings familiaux, si l’on veut qu’elles soient maintenues. Votre réponse confirme donc nos inquiétudes.

(Les amendements identiques nos 456 et 1716 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1571.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre, vous avez rappelé les campagnes d’information souhaitées par votre ministère et menées par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé concernant la contraception. Un certain nombre de plaquettes, de spots publicitaires de bonne qualité ont été diffusés.

Cependant, un écueil subsiste en matière d’information des hommes et des femmes sur la diversité des modes de contraception. La France a malheureusement une monoculture contraceptive autour de la pilule. En dehors de celle-ci et, dans une moindre mesure, du stérilet une fois que les femmes ont eu un enfant, alors qu’elles peuvent y avoir accès quand elles sont nullipares, elles ne connaissent pas les modes de contraception accessibles. C’est bien dommage, car le mode de vie des femmes a changé. Elles n’ont plus le même réflexe de prise automatique de la contraception orale. Certaines méthodes comme les implants, les anneaux vaginaux, mis en place pour une certaine durée, les exonèrent d’avoir à penser chaque jour à leur contraception. Mais elles ne les connaissent pas, notamment les jeunes filles.

Il ne serait donc pas un luxe que ces spots publicitaires traitent de tous les modes de contraception mis à la disposition des jeunes filles, des jeunes femmes, des femmes en général, même si je sais bien qu’il n’est pas du domaine de la loi d’aller aussi loin dans la définition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il s’agit d’une mesure de nature réglementaire, et non législative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Une telle mesure relève en effet du domaine réglementaire. J’y suis donc défavorable, mais je voudrais vous rassurer, madame Poletti : faire une campagne diversifiée sur les différents moyens de contraception est un des bons chemins pour éviter les échecs de la contraception, qui sont patents dans notre pays. En France, le taux d’avortement est encore très important et c’est visiblement dû à des échecs de contraception. La dernière campagne de l’INPES a été axée sur le thème : « Votre contraception, c’est un choix qui doit être le vôtre et correspondre à ce que vous êtes. » C’est le chemin que nous empruntons.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je retire l’amendement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 1571 est retiré.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le plus mauvais des modes de contraception ! (Rires.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1715. Il est défendu ?...

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car il changerait significativement la logique de la protection maternelle et infantile, qui joue surtout un rôle de prévention. Chacun sait que la déontologie des médecins de PMI leur permet d’intervenir en cas d’urgence.

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous n’avons pas défendu l’amendement !

M. le président. J’ai demandé s’il était défendu, mais personne n’a répondu !

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement me semble important. Notre assemblée devrait le prendre en considération à un moment où nous parlons de démographie médicale, d’accès aux soins et de soins prodigués aux populations défavorisées.

En réalité, les médecins de PMI, contrairement à ce que l’on peut croire, procèdent à des prescriptions dans certains cas, lorsqu’ils y sont conduits par l’urgence ou la nécessité sur le plan social.

Par cet amendement, nous proposons d’encadrer par la loi que la pratique courante des médecins de PMI ce qui les sécuriserait dans leurs actes de soins. Quels arguments peuvent nous être opposés ? Compte tenu de la démographie que nous connaissons, s’agit-il de préserver la clientèle des médecins libéraux ? Croyez-vous que l’objectif d’une politique de santé publique soit aujourd’hui à ce niveau ? Ne devons-nous pas donner la possibilité à des gens parfaitement compétents – pour l’essentiel, les médecins de PMI sont des pédiatres – de prescrire lorsqu’il y a, par exemple, une épidémie de gastro-entérite ? Préférez-vous que ce soit les urgences pédiatriques qui gèrent ce type de problème ?

Dans l’état où se trouve la démographie médicale, au nom de quel dogme, de quels intérêts peut-on interdire à des médecins de PMI de prescrire à des familles et à des enfants dans des situations d’urgence ou d’épidémie ? Je regrette de ne pas avoir pu prendre la parole avant que le rapporteur et Mme la ministre se soient exprimés, mais cet amendement est une mesure simple, concrète, qui ne porte préjudice à personne et permettrait de désengorger les urgences hospitalières.

Vous avez été les premiers à reconnaître que l’hôpital public connaît des difficultés. Mais ne pensez-vous pas qu’elles proviennent d’abord de l’insuffisance de prise en charge des soins de premier recours ? Nous vous proposons un système simple, qui ne coûterait rien à la collectivité et permettrait d’accéder aux soins dans des conditions médicales correctes. Réfléchissez, madame la ministre, avant de refuser cet amendement de bon sens, qui permettra d’augmenter l’offre de soins sans aucun coût pour la société.

(L'amendement n° 1715 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 453.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Dans la droite ligne du rapport que j’ai déposé au mois d’octobre, cet amendement concerne l’accès à la contraception et à l’IVG.

Il s’agit de permettre aux sages-femmes de prescrire la contraception tout au long de la vie génitale de la femme et de procéder au dépistage du cancer du col par le frottis cervico-utérin. La pratique de ces deux gestes supplémentaires relève tout à fait des compétences des sages-femmes. Il me semble qu’elles ont la capacité d’informer les femmes de la diversité de la contraception.

Je voudrais également évoquer un amendement que j’ai retiré en commission, car il me semble important que le Parlement soit informé. Cet amendement concernait la prescription de l’IVG médicamenteuse, mais les sages-femmes ne me semblaient pas prêtes à assumer cette compétence supplémentaire. Si je l’ai retiré, ce n’est donc pas en raison de pressions dignes d’un obscurantisme que je croyais dépassé.

Il s’agissait non pas de changer quoi que ce soit à l’IVG, mais simplement de permettre aux femmes d’y accéder normalement, même si nous pensons que tous les efforts doivent être faits en direction de la contraception pour que les femmes ne soient pas obligées d’en arriver là. Je suis en effet convaincue que cela laisse toujours une blessure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais rendre hommage au travail accompli par Bérengère Poletti sur ces questions.

Contrairement à ce que nous pouvons penser, il y a encore beaucoup de progrès à faire pour qu’un certain corporatisme médical étriqué, allié parfois à des idéologies parfaitement réactionnaires, ne vienne s’opposer à l’accès aux soins, à la contraception, à la planification familiale. Nous pourrions croire qu’au XXIe siècle, ces questions sont derrière nous. Mais, chaque jour, nous devons nous montrer vigilants.

Pour ma part, je veux bien entendre l’argumentation de Mme Poletti sur le fait que les sages-femmes ne sont pas encore prêtes à assumer la prescription de l’IVG médicamenteuse, mais si tel est le cas ce n’est pas pour des raisons techniques, scientifiques ; c’est parce qu’elles ont peur des conséquences que cela aurait pour leur profession, pour leurs rapports avec la profession médicale et des organisations syndicales qui s’approprient de façon un peu rapide le monopole de la parole en matière de gynécologie ou d’obstétrique, pour ne pas parler plus clairement.

Quant à l’amendement n°453, j’y suis tout à fait favorable. Je ne comprends même pas que cette question puisse ne pas trouver un écho favorable auprès du rapporteur ou du Gouvernement.

Nous avons, il y a peu, débattu de la délégation de tâches et de compétences. L’enjeu est majeur. Or, contrairement à votre premier sentiment, vous n’avez malheureusement pas accepté un amendement donnant aux médecins de PMI la possibilité de prescrire alors que, en fait, cela correspond au fond de votre pensée.

Le problème se pose à nouveau avec cet amendement concernant les sages-femmes. Comme elles ont le droit de prescrire – et vous le savez comme moi –, l’amendement n° 453 propose d’élargir cette faculté dans le cadre de la prévention des grossesses non désirées chez les adolescentes.

Pensez-vous vraiment qu’il soit possible aujourd’hui de ne pas voter un tel amendement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous avons émis un avis favorable !

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, mais concernant les médecins de PMI, le vote a été négatif.

Je sais bien que la différence entre les deux amendements tient peut-être à l’appartenance politique de leurs signataires, l’amendement n° 453 étant proposé par une députée de la majorité alors que celui concernant les PMI a été défendu par un député de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. C’est du mauvais esprit !

M. Jean-Marie Le Guen. J’ai suffisamment rendu hommage à votre action, madame Poletti, pour que vous ne veniez pas me reprocher de n’avoir pas reconnu votre travail à sa juste valeur ! (Sourires.)

Je regrette que certains soient incapables de comprendre qu’il faut élargir la possibilité de prescription et mettre fin aux réflexes corporatistes relevant d’un autre âge et ne correspondant à aucune réalité scientifique ou économique afin de permettre, enfin, la diffusion de l’information au service de la santé de nos concitoyennes pour qu’elles aient accès, dans de bonnes conditions et à intervalles réguliers, aux prescriptions dont elles ont besoin.

(L'amendement n° 453 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour défendre l’amendement nos 1497.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors que nous débattons du titre III relatif à la prévention et à la santé publique, il est manifeste que la santé mentale est la grande oubliée des politiques de santé publique. Elle a, non seulement, été oubliée, mais lorsqu’elle se rappelle au souvenir de l’opinion publique et des décideurs politiques, c’est, nous l’avons observé à maintes reprises, dans les pires conditions.

M. Jean Mallot. C’est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces dernières années nous avons débattu de nombreux sujets comme la violence, ou supposée telle, des malades mentaux, ou bien de celle des jeunes délinquants.

Nous avons eu à discuter du cas de personnes ayant commis des actes répréhensibles à l’encontre d’enfants. Nous nous sommes penchés sur le cas des mineurs récidivistes ou celui des toxicomanes.

À chaque fois, le débat s’est déporté sur une approche judiciaire, pénale de ces sujets. Pourtant, nous sommes nombreux à penser que ce qui fait défaut, c’est une approche sanitaire. La montée de la violence comme l’augmentation des addictions aussi diverses que celle qui intéresse ce soir certains collègues, à savoir une certaine forme de « toxicomanie » – et vous êtes venus en nombre pour en parler... à l’article 24 (Murmures sur les bancs du groupe UMP) – caractérisent notre société.

M. Jean Mallot. C’est exact, ils sont nombreux !

M. Jean-Marie Le Guen. Ces problèmes d’addictions – l’addiction aux jeux, par exemple – ou d’autres sujets touchant à la santé mentale ne sont pas pris en compte dans notre politique de santé publique. Notre amendement n° 1497 a donc pour objet d’y remédier.

Madame la ministre, vous avez, en urgence, commandé un rapport à M. Couty et vous lui avez demandé qu’il vous remette, après avoir procédé à des consultations, un certain nombre de propositions. Nous étions quelques-uns à être pour le moins sceptiques quant à la possibilité de construire une politique globale de santé mentale et d’en jeter les bases en quelques semaines.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Six mois !

M. Jean-Marie Le Guen. Six mois pour faire ce qui ne l’a pas été pendant des années, cela s’apparente à un exploit.

Nous avons, un instant, madame la ministre, espéré que les recommandations de la commission Couty figureraient dans votre projet de loi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pas toutes les propositions !

M. Jean-Marie Le Guen. Qu’en est-il ? Quel bilan dressez-vous ? Qu’envisagez-vous en matière de politiques de santé mentale ? Autant de questions essentielles qui auraient mérité que notre assemblée y consacre le temps nécessaire afin d’aboutir à une politique de santé publique à la hauteur des besoins de notre société.

Nous vous interpellons publiquement, madame la ministre. Quelle est la position du Gouvernement sur ce rapport ? Quels sont vos objectifs ? Pourquoi n’avez-vous pas traité le volet sur la santé mentale dans le cadre de ce projet de loi…

M. le président. Monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. …qui se veut « holistique » ?

M. le président. Monsieur Le Guen, ménagez votre horloge interne ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison, monsieur le président.

M. le président. Je considère que vous avez défendu les trois amendements n°s 1497, 1499 et 1500, monsieur Le Guen.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le rapport Couty qui a fait l’objet d’un travail très approfondi avec l’ensemble des acteurs concernés a été rendu à la fin du mois de janvier à M. le Président de la République et à moi-même, donc très récemment. Nous sommes en train de procéder aux consultations nécessaires ; les premières concertations ont lieu avec les organisations professionnelles, les fédérations hospitalières. Il eut été prématuré d’adjoindre la santé mentale à un texte par ailleurs déjà très complet ; nous en sommes, en effet, à notre troisième semaine de débat.

Cela étant, je présenterai, dans les prochaines semaines, un texte consacré à la santé mentale dont nous débattrons de façon approfondie, là aussi, monsieur Le Guen.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je souhaite abonder dans le sens des observations de M. Le Guen.

La santé mentale est un sujet particulièrement grave. En 2005, nous avons, dans le cadre de la loi sur le handicap, adopté la reconnaissance du handicap psychique, disposition très importante, mais nous sommes encore très loin d’une politique d’ensemble sur ce sujet. Le rapport Massé avait, dans les années quatre-vingt-dix, souligné que, 1 % environ de notre population, soit près de 600 000 personnes, souffrait de troubles psychiques, le quart d’entre elles étant atteint de troubles particulièrement graves.

Où se trouvent aujourd’hui ces personnes ? Un tiers fait l’objet d’un suivi, notamment parce qu’elles ont gardé un lien assez fort avec leur famille.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce n’est pas le sujet.

M. Daniel Garrigue. Un autre tiers se trouve dans la rue parmi les SDF. Le secrétaire général d’Emmaüs évaluait, il y a quelques mois, leur nombre à environ 60 000 personnes. Enfin, environ 40 000 à 50 000 personnes sont dans les établissements pénitentiaires.

Je déplore que l’on ait engagé, avec une hâte soudaine après avoir attendu pendant de longs mois, l’examen de la loi sur l’administration pénitentiaire au Sénat, sans que le volet consacré à la santé mentale ait été approfondi, puisque vous avez commandé ce rapport.

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Daniel Garrigue. Nous n’allons évidemment pas vous faire grief de ne pas avoir traité le problème dans ce projet de loi, car il en mérite un à lui seul, mais sur un tel sujet, il est urgent de bâtir une politique d’ensemble et de ne pas traiter les questions de manière fragmentée : un jour, par le biais du problème des SDF ; un autre jour, en étudiant les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et un autre jour encore, en se penchant sur les établissements de soins. Nous avons besoin, dans ce domaine, de bâtir une vraie politique d’ensemble.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Certes, on peut vous reprocher d’avoir insuffisamment traité de la santé mentale dans ce projet de loi, mais on peut surtout vous reprocher, madame la ministre, de n’avoir pas suffisamment consacré d’articles relatifs à la santé publique. Vous avez, en effet, demandé à M. Couty de produire un rapport, qui mériterait d’être lui aussi discuté, car le sujet est extrêmement complexe.

M. Garrigue vient de rappeler que 1 % de la population souffre de troubles psychiques. Je pense que c’est beaucoup plus.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Oui, beaucoup plus !

M. Gérard Bapt. En effet, c’est beaucoup plus. Un tiers de la population française est, à un moment ou à un autre de sa vie, concerné par un problème de nature psychique. Dans notre hémicycle, je me demande parfois, madame la ministre, si la proportion n’est pas plus importante ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Moi aussi ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Il n’empêche que la représentation nationale n’est que la représentation nationale. À cet égard, nous devons assumer l’humaine condition. (Sourires.)

Revenons-en à un peu de sérieux !

Les élus locaux se trouvent régulièrement confrontés à cette question importante. Le préfet de Haute-Garonne nous a ainsi récemment invités à une journée de réflexion et d’information sur les problèmes de l’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers. Il arrive souvent que, après un incident ou un drame, une initiative législative soit prise et qu’elle soit portée non par le ministre en charge de la santé, mais par celui de la justice.

À cet égard, madame la ministre, il est temps que vous repreniez la main : toute nouvelle initiative en matière de santé mentale doit être subordonnée à la mise en œuvre d’une véritable politique de santé mentale, laquelle suppose une concertation supplémentaire après l’analyse du rapport Couty.

Dans ma propre commune, demain matin, avec quatre établissements d’hospitalisation psychiatrique, nous allons lancer, grâce au concours de l’administration et de laboratoires pharmaceutiques – il faut bien rassembler des moyens –, une expérimentation qui consistera à suivre pendant deux ans le parcours de psychotiques afin d’examiner la façon dont ils sont éventuellement pris en charge, en hospitalisation ou en sectorisation. C’est une question qui préoccupe les élus locaux, au-delà des grandes orientations nationales que nous appelons de nos vœux.

Les remarques de M. Garrigues m’ont paru tout à fait fondées. Nous attendons beaucoup en ce domaine, et beaucoup plus de votre part que de celle de Mme Dati.

(Les amendements n° 1497, n° 1499 et 1500, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 455.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux services de médecine universitaire de délivrer une contraception d’urgence. La commission lui a donné un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis bien évidemment favorable à cet amendement mais comment le Gouvernement peut-il accepter une telle disposition et refuser dans le même temps aux pédiatres de PMI la possibilité de prescrire afin de traiter les enfants touchés par une épidémie de gastro-entérite ?

M. Yves Bur. Vous avez raison !

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle logique suivez-vous donc ? Je vous le demande, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Monsieur Le Guen, la déontologie et l’éthique des médecins de PMI leur commandent de soigner les enfants en cas d’épidémie de gastro-entérite ou de toute autre maladie infectieuse. Ne faites pas semblant de l’ignorer ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Jacqueline Fraysse. Eh bien alors !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce que vous dites est encore pire. Pourquoi ne voulez-vous pas leur donner une garantie juridique ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. La réponse de notre rapporteur est extraordinaire !

Je ne nie pas la réalité des faits mais les médecins de PMI ont le droit de voir leurs prescriptions entourées d’un minimum de sécurité juridique. C’est une évidence.

Vous ne pouvez pas invoquer le fait qu’ils prescrivent en dehors de la légalité pour justifier le fait que vous ne légalisez pas leur pratique, surtout lorsque vous acceptez la prescription pour les médecins universitaires. C’est la négation même du droit. La manière dont nous légiférons est décidément des plus surprenantes !

M. Gérard Bapt. Nous ne sommes plus dans un État de droit mais dans un état de fait !

(L’amendement n° 455 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre pour soutenir l’amendement n° 2057.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Cet amendement vient compléter les amendements nos 2055 et 2056. Il confie à l’AFSSAPS la mission de contrôler le respect des dispositions de l’autorisation délivrée pour les programmes d’apprentissage.

(L’amendement n° 2057, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur pour défendre l’amendement n° 1659.

M. Yves Bur. Cette disposition concerne le régime local d’Alsace-Moselle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) sans référence auquel, il ne saurait y avoir de grande loi sociale, mes chers collègues ! (Sourires.)

La restriction de la possibilité d’investir en matière de prévention et de santé publiques aux seules années excédentaires rend difficile la mise en place de coopérations qui s’inscrivent dans la durée. C’est la raison pour laquelle il est proposé que le régime local puisse intervenir en ce domaine dans la limite de 0,5 % des dépenses de prestations constatées durant l’exercice précédent. Je précise que le régime d’Alsace-Moselle dispose en général de réserves suffisantes pour faire face à ce type d’aléas budgétaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le droit du régime d’Alsace-Moselle m’intéresse beaucoup : il est souvent cité pour ses performances et je dois dire que l’amendement proposé par notre collègue contribue à les augmenter, même si c’est au prix de moindres rendements financiers.

Permettez-moi cependant de m’étonner que cet excellent amendement n’ait pas subi les foudres de l’article 40. Je vois que la commission des finances a fait preuve d’une grande mansuétude. Sans doute l’activité parlementaire de M. Bur justifie-t-elle que, dans une période de particulière pénurie et d’austérité budgétaire, on lui accorde des marges supplémentaires pour la mise en œuvre de politiques de santé publique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Que voulez-vous, c’est ça le talent !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela montre bien que lorsqu’il s’agit d’avancer dans la bonne direction, ce n’est pas l’austérité mais l’investissement en matière de santé et de santé publique qui prime. Bravo, monsieur Bur !

Cela étant, faudra-t-il une nouvelle guerre pour que le territoire français bénéficie dans son ensemble des avantages de l’Alsace et de la Moselle ? (Rires.)

(L’amendement n° 1659 est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 227, qui fait l’objet du sous-amendement n° 2076.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Flajolet, rapporteur pour avis. La France compte de plus en plus de défibrillateurs ; encore faudrait-il que les gens sachent s’en servir. Cet amendement vise à intégrer à la journée d’appel à la défense une initiation à l’utilisation de cet appareil, afin que les jeunes puissent se rendre utiles en cas de nécessité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre pour soutenir le sous-amendement n° 2076 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 227.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Compte tenu du point où nous en sommes en matière d’utilisation des défibrillateurs, il ne me paraît pas utile de fixer le contenu de l’initiation par décret. Je propose donc de supprimer cette référence dans l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. La politique d’implantation de défibrillateurs sur notre territoire les rend accessibles à l’ensemble de la population. C’est dès lors toute la population et non pas simplement les jeunes qui devrait être initiée à leur utilisation. Quand une personne souffre subitement de fibrillation ventriculaire, il n’y a pas forcément un jeune qui passe à côté d’elle.

Notre pays se caractérise par une très bonne médecine préhospitalière. Lorsqu’une personne est victime d’un infarctus à son domicile, elle est prise en charge de manière excellente, mais lorsqu’une autre s’effondre dans la rue, la situation est tout autre. La grande majorité de la population ne connaît pas les gestes de sauvetage primordiaux contrairement aux habitants des pays anglo-saxons.

Il reste donc toute une série de mesures à prendre pour améliorer la formation des jeunes – que ce soit dans le milieu scolaire ou dans le cadre de la journée d’appel – mais aussi celle des adultes, afin que les gestes de secourisme élémentaires puissent être connus de tous.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Madame la ministre, ne croyez-vous que la présence de défibrillateurs vient avant la formation à leur utilisation ?

Ainsi à Bordeaux, il n’y a que trois défibrillateurs et Alain Juppé m’a bien précisé qu’il n’en augmenterait le nombre que lorsque la loi le préconiserait. Je fais donc appel à vous.

(Le sous-amendement n° 2076 est adopté.)

(L’amendement n° 227, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre pour soutenir l’amendement n° 2083 rectifié.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il s’agit d’un amendement important, qui concerne un grand enjeu de santé publique.

L’article 52 de la loi d’août 2004 relative à la politique de santé publique a pour objectif d’encadrer l’usage du titre de psychothérapeute afin de protéger les personnes ayant recours à ces professionnels, d’autant qu’elles sont dans des situations de grande vulnérabilité et de fragilité psychologique. L’une des conditions de cet encadrement consiste à garantir la qualité de la formation de ces professionnels en la fixant à un niveau élevé afin de leur permettre d’appréhender les différents aspects de la psychologie humaine et de ses troubles ainsi que les différentes approches et concepts de prise en charge.

Depuis 2007, de nombreux échanges et réunions de travail avec les représentants des professionnels concernés avaient permis de stabiliser un premier puis un second projet de décret en particulier pour s’assurer que les conditions requises pour l’inscription à la formation en psychopathologie clinique assurent un niveau suffisant de sécurité des pratiques.

Toutefois les textes d’application n’ont pu être adoptés jusqu’à présent car le Conseil d’État a rejeté ces deux projets de décret, non du fait de leur contenu mais parce qu’il a considéré que la base légale était insuffisante pour permettre de prendre des mesures susceptibles d’assurer la qualité et le niveau nécessaires de formation.

Par ailleurs, l’article 52 dont j’évoquais l’existence à l’instant ne prévoit rien pour les professionnels pratiquant la psychothérapie avant la parution de la loi.

C’est pourquoi je propose un amendement visant à remédier à ces difficultés. Il permet de réserver l’accès à la formation de psychopathologie clinique aux titulaires d’un diplôme de niveau mastère de spécialité en psychologie ou en psychanalyse ou d’un doctorat en médecine ainsi que de tenir compte des professionnels installés. Il permet, par ailleurs, de mettre en place des dispenses partielles ou totales et de garantir les qualités des formations au travers de leur agrément.

Inutile de vous dire, mesdames, messieurs les députés, qu’il s’agit d’un amendement très attendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement qui permet de régler la délicate question de l’utilisation du titre de psychothérapeute. Il fallait garantir à nos concitoyens la qualité de la formation théorique et clinique dispensée. Cet amendement résout enfin le problème en précisant les niveaux qu’il sera nécessaire d’avoir atteint en matière de formation universitaire ou clinique.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je tiens à remercier le Gouvernement pour avoir présenté cet amendement. Il est nécessaire et salutaire de faire en sorte que les meilleures conditions possibles soient réunies, tant pour les psychothérapeutes qui exercent cette profession que pour les personnes qui ont recours à une psychothérapie.

M. Antoine Herth. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, quel beau jour ! Cela fait en effet cinq ans que nous discutons de cette question. Les passages en force sont parfois inutiles et il ne suffit pas de faire preuve d’une autorité trémulante pour parvenir à faire adopter un certain nombre de dispositions.

Un « minimum » de débat – cinq ans ! – a permis de faire avancer les choses et d’aboutir à un dispositif structuré. L’existence d’un diplôme universitaire permet de progresser, même si d’autres problèmes se créent autour de ces questions.

(L'amendement n° 2083 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour défendre l’amendement n° 191.

M. Paul Jeanneteau. La France se situe parmi les pays de l'Union Européenne qui ont le taux de recours à l'IVG le plus élevé, malgré une utilisation massive de contraceptifs. Il s'agit d'un véritable problème de santé publique. Il existe un moyen de contraception d'urgence, la pilule du lendemain, mais elle constitue une contraception de rattrapage et ne doit pas être considérée comme un moyen de contraception régulier. En effet, la prise répétée de cette contraception d'urgence majore le risque d'échec.

Dans notre pays, les pharmaciens, en tant que professionnels de la santé, sont parfaitement aptes à délivrer une première contraception qui soit une pilule microprogestative. Permettre aux pharmaciens de prescrire cette première contraception permettra aux bénéficiaires de se tourner ensuite vers le médecin de leur choix, sans courir un risque de grossesse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Monsieur Jeanneteau, je comprends bien votre préoccupation, mais une primo prescription de contraceptif oral relève d’une consultation médicale avec un interrogatoire, un examen médical complet, la recherche de contre-indications, de facteurs de risques.

Comme le disait tout à l'heure Mme Poletti, il faut présenter aux intéressées toute la palette de moyens contraceptifs car nous avons une culture de mono contraception orale. Un échec n’est-il pas lié au fait qu’on ne proposera pas la méthode de contraception la plus adaptée à cette femme ?

La bonne démarche pharmaceutique consiste donc à orienter la femme vers un médecin ou un centre de planification, afin que soit organisée de la meilleure façon une prise en charge.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Mme la ministre vient d’exposer la théorie, ce qui devrait se faire, mais ce n’est pas évident sur le terrain.

Quand une jeune fille arrive dans une officine où on ne la connaît pas, on lui pose des questions pour essayer d’obtenir des réponses sur les conditions dans lesquelles a eu lieu le rapport qui a conduit à la demande de contraception d’urgence. Il est dommage de la laisser repartir dans la nature, sans lui donner au moins une chance ; une plaquette et non trois suffirait peut-être.

J’entends bien, madame Bachelot, toutes les précautions qu’il faut prendre : la visite chez un médecin, la prise en charge globale, les questions qu’il faut poser dans le cabinet médical, mais, en pratique, la plupart du temps cela ne se passe pas de cette façon ; je pense aux jeunes filles de seize, dix-sept ou dix-huit ans.

Je considère que l’amendement de M. Jeanneteau est de bon sens et je regrette que le rapporteur et Mme la ministre l’aient rejeté.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Il semble que les pilules microprogestatives soient sans danger, sans contre-indication. Il est probablement possible que les pharmaciens délivrent une pilule microprogestative pour une courte durée avec la pilule du lendemain à condition que cette prescription soit accompagnée d’une information et que l’intéressée soit orientée vers une consultation médicale. Cette proposition pourrait faire l’objet d’un sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne suis pas entièrement d’accord avec Mme Lemorton.

Vous prenez l’exemple d’une jeune fille à laquelle on donne la pilule du lendemain et une pilule microprogestative si aucune contraception n’est en cours. Indépendamment de contre-indications médicales, il serait utile, dans un monde idéal, qu’une consultation gynécologique soit prévue permettant de prendre en charge la jeune fille dans sa globalité et pas seulement d’un point de vue fonctionnel.

Pour certains, le problème de la sexualité est de prendre ou non la pilule. Or il est évidemment beaucoup plus complexe.

Voilà pourquoi je rejoins plutôt l’avis de Mme la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, est-il possible de demander à l’Assemblée de se prononcer sur le sous-amendement que j’ai envisagé, afin de proposer que cette prescription soit accompagnée d’une information et orientée vers une consultation médicale ?

M. le président. Madame Poletti, cela semble quelque peu difficile.

(L'amendement n° 191 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 1422.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement est lié au paradoxe d’avoir à la fois sur le territoire national un taux d’utilisation des contraceptions correct malgré le manque d’information, et un record du nombre d’interruptions volontaires de grossesse pour causes non thérapeutiques.

Néanmoins il semblerait que Mme Poletti ait obtenu, dans le cadre du PLFSS, qu’une étude soit menée pour répondre à cette question qui concerne des mineurs et des adolescents pour lesquels je voudrais rappeler que le rapport aux parents et le cadre parental restent essentiels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Un rapport, actuellement en préparation par L’Institut national de la santé et de la recherche, et les résultats d’une mission d’évaluation de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG menée par l’Inspection générale des affaires sociales permettront de disposer, à la fin de 2009, de nombreuses données concernant l’IVG. Je m’engage devant vous à ce que ces documents, qui seront rendus publics, vous soient transmis.

Monsieur Dhuicq, je vous propose donc de retirer cet amendement puisqu’il est satisfait.

M. le président. Monsieur Dhuicq, accédez-vous à cette demande ?

M. Nicolas Dhuicq. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 1422 est retiré.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 22.

Réserve de l’article 23 et des amendements après l’article 23

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, à la demande de nombreux collègues, je souhaite la réserve de l’article 23 et des amendements portant articles additionnels après l’article 23, afin de pouvoir examiner dès maintenant l’article 24.

M. le président. La réserve est de droit.

L’article 23 et les amendements portant articles additionnels après l’article 23 sont réservés jusqu’au vote sur l’article 24.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, au vu de la demande que vient de formuler le président de la commission, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, afin de réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous aimerions comprendre où l’on va.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Le Guen, vous savez très bien qu’il s’agit de répondre à la demande de certains de nos collègues qui souhaitent aborder dès maintenant l’article 24, compte tenu de l’intérêt qu’ils portent à ce sujet. Je ne crois pas que cela gêne en quoi que ce soit l’article 23.

J’ai fait cette proposition uniquement pour faciliter la vie des uns et des autres. Si vous y voyez des inconvénients, nous pouvons revenir sur cette demande et passer à l’examen de l’article 23.

M. le président. Mes chers collègues, pour m’être entretenu avec certains d’entre vous, j’estime que la proposition de M. Méhaignerie est sage.

Une suspension de séance de quelques minutes s’impose également. Elle permettra à chaque groupe de faire le point car il y a trois pages d’inscrits sur l’article 24. Peut-être les groupes pourraient-ils faire un effort afin qu’il y ait moins d’orateurs inscrits.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le vendredi 6 mars 2009 à zéro heure dix.

M. le président. La séance est reprise.

Article 24

M. le président. Un très grand nombre d’orateurs étant inscrits sur l’article 24, je demande à chacun de se montrer raisonnable et je pense qu’il serait sage de limiter le temps d’intervention à deux minutes.

La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour deux minutes.

M. Philippe Armand Martin. Le projet de loi comporte des dispositions modifiant le code de la santé publique, l’objectif ministériel étant de protéger les plus jeunes de l’alcoolisme ainsi que des pièges d’une dépendance précoce et de leurs conséquences souvent dramatiques.

Nous soutenons et défendons avec fermeté ces dispositions et nos efforts tendent à prévenir les jeunes, qui en sont bien souvent ignorants, des dangers de toute consommation excessive.

Madame la ministre, l’article 24 comporte des dispositions auxquelles je ne souscris pas : c’est la raison pour laquelle plusieurs amendements vous seront proposés dans un esprit de compromis et de conciliation. Je me félicite du reste de l’excellent travail que certains de mes collègues – notamment Serge Poignant – et moi-même avons effectué avec les membres de votre cabinet.

Je rappelle l’engagement du Premier ministre, ainsi que le vôtre, madame la ministre, de ne pas vous opposer à des amendements tendant à moderniser la loi Évin compte tenu de l’évolution des nouvelles technologies.

Mon intervention porte également sur trois points essentiels à l’avenir de la viticulture.

Le premier concerne les moyens de communication sur Internet : quel est, en effet, l’intérêt de la communication pour un vigneron si elle est limitée à son propre site ? Une telle mesure condamnerait particulièrement les petits producteurs pour lesquels Internet est devenu un moyen simple et efficace de promouvoir le vin.

Le deuxième est lié à la vente à la dégustation. Je ne peux souscrire à la rédaction actuelle du texte en la matière.

M. le président. Monsieur Martin, je vous demande de conclure.

M. Philippe Armand Martin. J’avais prévu de parler durant cinq minutes, monsieur le président.

M. le président. Il faut aller droit au but !

M. Philippe Armand Martin. Le troisième point, sur lequel, madame la ministre, je souhaite que nous puissions trouver un point d’entente, est relatif à la vente de boissons alcooliques dans les stations-service. Ces produits doivent pouvoir continuer d’être vendus dans les stations-service qui font en même temps épicerie.

Je le répète, madame la ministre : ne culpabilisons pas, mais responsabilisons. Ne pointons pas du doigt, mais éduquons.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je serai très bref.

Je suis tout d’abord choqué par la portée d’interdiction générale de la vente au forfait et de l’offre gratuite à volonté à titre promotionnel. La mesure, qui est censée permettre de lutter contre les consommations excessives et dangereuses dans les soirées étudiantes, vise en réalité toutes les occasions de consommation à titre gratuit. Le Nouveau Centre soutiendra donc l’amendement adopté par la commission des affaires sociales, avec quelques rectifications, car il va dans le bon sens.

Je suis par ailleurs surpris que la position du Gouvernement sur l’actualisation des listes des supports autorisés, à savoir la sagesse, n’ait pas été adoptée par la commission des affaires sociales. Nous soutenons la position du Gouvernement sur ce point tout en appelant plus précisément à voter l’amendement qui sera présenté par M. Domergue.

Nous n’approuvons pas non plus l’interdiction générale de vente dans les stations-service. Nous rappelons, là encore, que la vente d’alcool dans les stations-service est déjà interdite entre vingt-deux heures et six heures et que la priorité consiste à faire respecter cette mesure plutôt qu’à en élargir encore la portée.

Nous considérons également que l’assimilation de la vente à distance à de la vente à emporter n’est pas adaptée. Il nous semble que l’amendement n° 525, adopté par la commission, permettrait de répondre aux objectifs retenus en évitant d’imposer de nouvelles contraintes à tous ceux qui sont déjà entrepositaires agréés.

Enfin nous sommes opposés à deux amendements adoptés par la commission des affaires sociales : le premier, qui vise à renvoyer la définition du message sanitaire à un arrêté du ministre de la santé – nous avons déjà repoussé cette mesure il y a quelques années et il faut maintenir la même position – ; le second, qui participe de la même volonté de remettre en cause l’acceptation d’une consommation modérée d’alcool. Là encore, maintenons le conseil de la modération.

Telle est la position du Nouveau Centre.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je dirai en préambule que, comme un grand nombre de mes collègues sur tous les bancs, je souhaite que nous trouvions ensemble un terrain d’entente et un point d’équilibre entre, d’une part, le message et les mesures de santé publique ainsi que la lutte contre les excès de comportement et, d’autre part, la reconnaissance d’une filière de production qui participe à la richesse de notre pays et de nos territoires, de notre économie, de notre patrimoine, de notre culture et de nos traditions.

Je souhaite surtout que la rédaction de l’alinéa qui concerne l’interdiction de l’offre gratuite à volonté et la vente à forfait des boissons alcooliques – autrement dit les open bars – soit clairement ciblée sur son objectif que je ne peux, bien évidemment, que partager.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir répondu hier, au cours de la séance des questions au Gouvernement, que votre intention n’était absolument pas dirigée contre ladite filière et que vous acceptiez parfaitement une clarification du texte.

Vous m’avez permis, ainsi qu’à d’autres collègues comme Philippe Armand Martin ou Alain Suguenot, de travailler avec votre cabinet pour trouver une rédaction appropriée. Je pense que nous y sommes parvenus avec les derniers amendements déposés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, André Flajolet, amendements cosignés par le président de ladite commission et nombre de nos collègues.

Permettez-moi de remercier votre cabinet pour sa disponibilité et son écoute constructive. En donnant votre accord sur ces amendements – et ainsi vous répondrez à Charles de Courson –, vous conduirez mes collègues à retirer les autres amendements, ce que je les encourage du reste à faire. J’espère ainsi que nous nous accorderons sur tous les bancs.

Après l’article 24, nous parlerons du conseil de la modération et de la prévention ainsi que des communications sur Internet. Je témoigne ici, au nom du conseil de la prévention au sein duquel j’ai l’honneur de siéger et de participer à un dialogue constructif entre les divers acteurs. Pour ce qui est de la communication, je souhaite que vous acceptiez un amendement qui règle cette question tout en précisant bien certaines conditions d’exclusion, notamment en direction de la jeunesse, et tout en ne portant pas atteinte à votre objectif premier.

Madame la ministre, laissez-moi vous remercier encore pour votre attention et soyez assurée de mon soutien à une démarche de santé publique à laquelle peut parfaitement participer, en pleine responsabilité et en toute considération, toute une filière.

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Tant en mon nom personnel qu’au nom des membres du groupe d’études viticoles de l’Assemblée, je souligne que nous sommes tous conscients, madame la ministre, des méfaits de l’abus, quel que soit le produit consommé. Nous sommes tous désireux de protéger la jeunesse des comportements addictifs et de leurs conséquences désastreuses telles que l’obésité, la violence.

Cependant, si nous sommes tous convaincus de la nécessité du renforcement de l’encadrement, nous le sommes de l’absurdité de l’interdit. Ainsi, l’article 24, par une rédaction hasardeuse, semble frappé de ce péché originel. Si la lutte contre les consommations excessives et dangereuses dans les soirées étudiantes est légitime, il est bien évident qu’il n’en va pas de même pour les foires traditionnelles, les fêtes ou les dégustations qui doivent être autorisées, faute de quoi il n’y aurait plus d’actes de vente, y compris du vin qui est soumis à dégustation.

Par ailleurs, l’interdiction, de portée générale, de toute vente au forfait, remettrait en cause les menus « vins compris », les séjours touristiques « vins compris », les visites accompagnées-dégustation, le vin offert lors des voyages en train ou en avion, ce qui serait le comble à une époque où nous nous devons de communiquer au niveau international.

C’est la raison pour laquelle nous avons rédigé plusieurs amendements dont l’un, je l’espère, fera consensus pour éviter de ravaler le vin, une nouvelle fois, au rang de bouc émissaire de tous les maux de notre société. Améliorons notre hôpital, notre santé publique mais ne sacrifions pas notre patrimoine, notre bon sens de la modération sur l’autel de la prohibition.

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Cet article m’a conduit à réfléchir sur la façon dont nous devions légiférer. Certes, nous avons besoin de la loi, mais comment et jusqu’où ? Notre activité de législateur doit prendre en compte la liberté individuelle tout en respectant une communauté harmonieuse donc la liberté des autres.

Dans cette perspective, l’article 24 met en avant une démarche éducative et préventive sur laquelle nous ne mettons sans doute pas suffisamment l’accent. Je suis de ceux qui défendent réellement la prévention.

Laissez-moi vous raconter une anecdote : dans ma circonscription, en plein cœur du vignoble languedocien, une usine fabrique des éthylotests ; eh bien, mes chers collègues, les vignerons héraultais l’acceptent parfaitement. Prévention et vignerons cohabitent donc très bien.

Or, une fois de plus, avec l’article 24, on légifère pour interdire. Trop de loi finira par tuer la loi. À force d’interdire, d’atteindre la liberté des citoyens, on renforce l’un des maux terribles de notre société : la déresponsabilisation de l’individu. Et ne nous y trompons pas : cette fois encore, ce sont les vignerons qui sont stigmatisés et qui seront les premières victimes de la loi, ces femmes et ces hommes qui tentent, dans l’adversité, de vivre dignement de leur culture ancestrale et qui produisent un breuvage connu depuis l’antiquité.

L’article 24 dépasse le seul aspect de la lutte en faveur d’une jeunesse sobre, une jeunesse que nous devons protéger, mais à laquelle on doit avant tout apprendre à se protéger. Oui à l’éducation, oui à la prévention, oui à la modération – accentuons même notre effort en ce sens –, mais non à la prohibition, tel est le message que je souhaite faire passer.

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Robert Lecou. Que voulons-nous ? Un homme libre, attentif, éduqué et respectueux ou bien un homme constamment contraint et qui ne réagit qu’à l’interdit, qu’aux barrières que la loi lui impose ? Quelle France voulons-nous ? Une France aseptisée ou une France humaine ?

M. le président. Merci !

M. Robert Lecou. Je réponds : oui, nous voulons un homme libre et responsable ; oui, nous voulons une France humaine. C’est pourquoi, en l’état, l’article 24 n’est pas acceptable.

M. le président. Monsieur Lecou, chacun doit consentir un effort pour être bref. Tous ceux qui dépasseront leur temps de parole risquent de priver certains de leurs collègues de la possibilité de s’exprimer.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Vous m’avez fait le plaisir, madame la ministre, de répondre mardi dernier à une question au Gouvernement sur l’article 24, éclairant ainsi le débat. Nous semblons donc aujourd’hui d’accord sur une rédaction de compromis. Il y avait un malentendu, il est levé. Si chacun d’entre nous souhaite lutter contre un alcoolisme excessif, force est de reconnaître qu’une consommation modérée de vin n’a jamais relevé de l’alcoolisme excessif.

Nous devons avancer sur la question relative Internet. J’ai le souvenir d’une réunion à Châteauneuf-du-Pape où un candidat à la présidence de la République, dénommé Nicolas Sarkozy, avait pris des engagements très clairs.

Sur ce sujet, nous pouvons évoluer – je sais, madame la ministre, que vous y êtes disposée – sans excès et en protégeant la jeunesse.

Ensuite, en ce qui concerne la dégustation, il y a des sujets plus importants sur lesquels on peut légiférer. L’amendement de la commission tel qu’il est rédigé est un bon compromis et devrait permettre le maintien de la dégustation gratuite dans les fêtes traditionnelles.

Enfin, on a beaucoup parlé d’une enquête avançant que certains produits étaient nocifs. Je regrette que nous n’ayons pas parlé du Figaro daté du 5 mars. Le professeur Lucien Israël – un grand cancérologue – y déclare qu’il est « absurde » de considérer que le vin augmente les risques de cancer dès le premier verre. Il ajoute : « À forte dose, l’alcool facilite certains cancers […] mais un ou deux verres de vin par jour, sûrement pas. Le vin, c’est utile. […] Le vin rouge comme source naturelle de resvératrol est une substance très utile aussi bien à titre préventif que pour traiter les tumeurs. » Ces propos méritaient d’être rapportés après toutes ces études dénonçant le vin.

Je retirerais mes amendements si l’amendement de compromis présenté par la commission était voté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.

M. Jean-Claude Bouchet. Au-delà de la défense des vignobles – côtes du Lubéron et côtes du Ventoux, qui sont la première richesse de ma circonscription –, j’évoquerai le danger représenté par cet article 24 pour toute la filière viti-vinicole française.

S’il apparaît impératif de lutter contre les nouveaux modes de consommation d’alcools forts et de boissons « premix » qui se développent parmi les jeunes, il ne faut cependant pas stigmatiser la filière viticole qui partage les inquiétudes exprimées par le ministère de la santé, mais qui refuse d’être la victime collatérale de mesures d’interdiction bien plus larges que leur objectif initial.

L’article 24, dans sa rédaction originelle, remet en cause les fondements mêmes du métier de viticulteur. Je parle de la dégustation qui permet d’apprécier le produit avant de l’acheter, de la reconnaissance internationale de la qualité de nos terroirs viticoles, des offres de vin qui accompagnent les repas ; nous touchons ainsi, d’ailleurs, à la gastronomie française.

Madame la ministre, je tiens à souligner que la filière viti-vinicole s’est fortement engagée dans la promotion d’une consommation responsable, en prônant la modération, en proposant pédagogie et information en alternative aux interdits.

Alors que le monde entier considère que la carte des vins de France représente la carte nationale d’identité française, nous donnons l’impression d’avoir honte d’une des composantes fortes de notre identité. Alors que le vin contribue à nos performances en matière de commerce extérieur – je vous rappelle que la moitié de l’excédent commercial agricole résulte des bons résultats de notre viticulture –, la multiplication des mentions obligatoires et des débats sur le vin jettent, à l’étranger, le discrédit sur nos productions.

Je défendrai donc le nécessaire équilibre entre santé publique et vitalité de nos terroirs qui font notre fierté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Il est vrai, madame le ministre, que l’article 24 a suscité un émoi, aussi bien sur les bancs de l’Assemblée que parmi les élus locaux, les vignerons et les viticulteurs. Il n’y a pas de majorité sur la rédaction originelle de l’article. Il y en aura une large, en revanche, sur l’amendement consensuel de la commission. Une vraie entente de la représentation nationale existe sur le juste milieu auquel nous devons aboutir.

Je propose, d’abord, qu’on interdise désormais, entre trois heures du matin et huit heures, la vente d’alcool dans des établissements spécialisés. Ainsi le problème des after sera définitivement réglé. Ensuite, je souhaite que vous donniez des instructions, madame la ministre, pour que l’État commande des statistiques afin que l’on sache quels alcools ont été bus par les personnes accidentées du fait d’un taux d’alcoolémie excessif en regard de la loi. Nous pourrons ainsi constater que le vin est très rarement la cause de ces accidents.

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Il est évident – et c’est un ancien principal de collège qui vous l’affirme – qu’il faut protéger notre jeunesse. Il y a, qu’on le veuille ou non, une recrudescence de la consommation d’alcool parmi nos jeunes voire nos très jeunes.

M. Gérard Bapt. C’est très vrai !

M. André Schneider. D’un autre côté, permettez au député brassicole que je suis – avec Antoine Herth nous provenons de circonscriptions qui produisent 64 % de la bière française – de rendre hommage à la profession des brasseurs dont personne ne parle. Or elle adhère totalement à la démarche de prévention que vous soutenez. Nous avons travaillé ensemble pendant un an. Les brasseurs sont favorables à la consommation assistée – j’ai présenté avec Antoine Herth un amendement à l’article 23, allant dans ce sens –, à la formation des débitants de boissons de nuit, à une réglementation très forte pour les stations service.

Il s’agit d’une démarche d’éducation à une santé équilibrée qui associe l’éducation familiale, la responsabilité des débitants de boissons alcoolisées et notre mission citoyenne de prévention contre l’alcoolisme des jeunes.

Je tiens à répéter que, malgré les difficultés d’une profession sinistrée – la consommation de bière a baissé en France de 30 % en trente ans –, les brasseurs de France sont prêts à nous accompagner sans réserve pour la prévention et la protection de notre jeunesse.

M. le président. La parole est à M. Albert Likuvalu.

M. Albert Likuvalu. J’interviens au nom des députés radicaux de gauche, en particulier Gérard Charasse, Dominique Orliac et Sylvia Pinel.

Nous convenons tous de ce que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Cependant, le véritable danger présenté par ce texte n’est pas qu’il rate sa cible, mais que celle-ci soit trop large. Les députés radicaux de gauche et apparentés tiennent à vous exhorter, madame la ministre, à faire preuve de modération. Dois-je vous rappeler l’importance du vin dans la culture française et sa place dans notre agriculture, le nombre d’exploitations, celui des emplois, le fait qu’il s’agit de la deuxième production agricole nationale, que la France est connue dans le monde entier pour la qualité de ses vignobles et des terroirs qu’ils mettent en valeur ?

L’interdiction de la dégustation aurait des conséquences désastreuses tant au niveau national que local. Tous les terroirs qui font la France en souffriraient, tel le Tarn-et-Garonne avec ses 2 000 hectares, ou le Cahors avec ses 5 000 hectares.

L’application de cet article affaiblirait non seulement les revenus des viticulteurs, mais également tout un secteur du tourisme en milieu rural, qui attire chaque année de nombreuses personnes dans la région.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.

M. Albert Likuvalu. Si notre collègue Gérard Charasse était parmi nous,…

M. le président. Il n’est pas là !

M. Albert Likuvalu. …il dirait que débattre ici de ce sujet est pour le moins surréaliste. Celles et ceux qui soutiennent cette forme d’ascétisme au nom d’une société parfaite font penser aux tempérants américains des années vingt.

M. le président. Merci !

M. Albert Likuvalu. Chacun sait combien l’interdiction de la consommation d’alcool obtenue par les tempérants a généré de délinquance, de désespérance, phénomène qui nous attend et qui devrait nous inciter à un peu plus de raison.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Tout d’abord, je souligne que nous sommes favorables, madame la ministre, à la lutte contre l’addiction des jeunes vis-à-vis de l’alcool.

Par contre si l’objectif est louable, vous vous trompez de moyens et de support. Vous adoptez une approche trop stigmatisante. En effet, votre projet de loi oublie des pans entiers en matière de prévention, dans bien d’autres domaines. En outre, dans cet article, vous vous focalisez sur l’interdiction, laquelle n’a jamais été l’élément premier de la prévention.

Deuxièmement, une rédaction pour le moins approximative de cet article remet inutilement en cause la filière viticole française. En effet elle fait l’amalgame entre dégustation de vins et alcoolisation, comme entre lieux de dégustation et lieux de consommation. Madame la ministre, ce ne sont pas les châteaux et les caves du Médoc ou d’ailleurs qui attirent les jeunes en mal de beuverie.

Concernant la promotion des vins sur Internet, le ministre de l’agriculture, M. Michel Barnier, m’avait confirmé, il y a quelques mois, son accord pour que ce problème soit définitivement et clairement réglé. Tout en respectant le cadre de la loi Évin, il est indispensable de considérer Internet comme un outil de travail pour la filière viticole française.

Bannir les sites touristiques d’une région viticole signerait la fin de l’œno-tourisme, porteur d’emplois et de revalorisation de territoires.

Nous pouvons à la fois respecter la profession et respecter la loi Évin, notamment en verrouillant l’information donnée contre tous les messages intrusifs et en protégeant les jeunes.

Je ne doute pas, madame la ministre, que vous aurez à cœur de répondre favorablement et sans ambiguïté à toutes ces questions.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Madame la ministre, c’est avec une certaine gravité que je m’adresse à vous. Je veux vous demander si vous êtes consciente de ce que ressentent tous les viticulteurs de nos circonscriptions depuis quelques mois. En effet, au fil des projets de votre gouvernement, des coups insupportables sont portés contre cette filière.

Nous avons eu, pour mémoire, les augmentations des taxes sur le vin et les alcools, ce qui n’est pas neutre. Je vous rappelle également le bond énorme qu’a fait la vignette « sécurité sociale », qui a été augmentée de 23 %. Et je ne vous parle pas des DPI.

Je vous demande de ne pas interdire les dégustations à titre promotionnel sur les foires, salons et marchés, d’assouplir les interdits sur Internet, et, enfin, de permettre la vente dans les stations-services, qui, souvent, dans nos territoires ruraux, font office d’épicerie ou qui diffusent nos produits régionaux, notamment sur les autoroutes.

Bien sûr, nous soutenons tout ce qui est mis en place pour lutter contre l’alcoolisme des jeunes, et sans état d’âme. Néanmoins faisons attention, ne créons pas une société d’interdits. Par contre, mettons en place une société de responsabilisation. La prohibition n’a jamais rien résolu.

Pour conclure, je vous demande de ne pas stigmatiser une filière qui fait la fierté de nos territoires. Et n’oublions pas son impact dans notre économie. Enfin, je vous rappelle que ces entreprises créatrices d’emplois ne sont pas délocalisables.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. J’associe à cette intervention mes collègues audois, Jacques Bascou, Jean-Claude Perez et Jean-Paul Dupré.

Bien entendu, nous sommes tous sensibles à la santé publique et à la lutte contre l’alcoolisme. Néanmoins, nous ne pouvons accepter la diabolisation du vin et les éléments de ce texte qui portent atteinte à la profession. Rappelons que la viticulture, au-delà du poids économique qu’elle représente, au-delà de l’aspect sociétal, au-delà de l’aménagement du territoire, des 800 000 emplois induits et des 140 000 exploitants agricoles, est un secteur qui souffre.

Concernant les dispositions du texte relatives à l’offre gratuite, si l’amendement proposé va dans le bon sens, nous avons des craintes quant à sa rédaction et aux risques juridiques qui pourraient peser sur son caractère commercial et sur la dégustation. La rédaction envisagée nous paraît incomplète. Nous proposerons donc des sous-amendements.

S’agissant des points de vente de carburant, nous souhaitons que, dans les régions traversées, on ne puisse pas pénaliser la vente. Les stations-services sont déjà en nombre insuffisant sur nos territoires.

En ce qui concerne la communication sur Internet, le fait de la restreindre au seul site du producteur pose un problème. Dans les moteurs de recherche, on n’arrivera pas à retrouver l’individu qui aura son site personnel. Oui, il faut interdire cette communication aux sites qui s’adressent à la jeunesse comme aux sites du secteur sportif. Cependant il faut être vigilant, s’agissant de ce mode de communication.

Quand on parle de santé, on conseille de boire avec modération. L’amendement qui tend à supprimer cette mention n’est pas le bienvenu, car ce conseil de modération illustre le travail entrepris dans le cadre d’une collaboration entre les professionnels de santé et les professionnels viticoles.

Enfin, en ce qui concerne le message sanitaire, il serait intéressant que ce soit le Parlement qui le définisse. Renvoyer sa rédaction à un décret nous inspire quelques craintes.

Oui à la modération, mais non à la diabolisation de ce produit de terroir !

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. L’article 24 propose des mesures d’interdiction en vue de réduire la consommation d’alcool dans notre pays. Si, sur le fond, on ne peut que partager les objectifs de santé publique qui sont poursuivis, force est de constater que la forme est complètement inadaptée et que, si l’article était adopté tel quel, non seulement le but visé ne serait pas atteint, mais ses conséquences seraient particulièrement désastreuses pour un pan entier de notre économie viticole.

Sur le fond, on constate que l’approche est identique à celle qu’adopte le Gouvernement en matière de sécurité : on privilégie la répression au détriment de la prévention, sans résultat significatif.

Les dispositions de cet article, en particulier celles qui interdisent la mise en dégustation et la promotion des vins par leurs producteurs, suscitent la légitime indignation de la profession.

Madame la ministre, en vous demandant de rétablir les dispositions permettant la dégustation en vue de vente par les producteurs de vin, mais aussi leur promotion sur Internet, nous nous posons en défenseurs résolus d’une filière viticole nationale, avec tout ce qu’elle apporte de richesses et d’emplois à l’économie française, et ce alors même qu’elle subit une concurrence effrénée, dont les effets sont encore aggravés par la crise mondiale.

Plus encore, c’est un art de vivre et une culture – dans tous les sens du terme – dont nous nous réclamons avec force : le vin, raisonnablement consommé, est au cœur d’une conception de la société française qui allie gastronomie, convivialité et lien social.

Madame la ministre, pour toutes ces raisons, nous vous demandons instamment de prendre en considération nos requêtes légitimes, pour aboutir à un texte amendé permettant de conjuguer la nécessaire raison et la très précieuse passion.

M. le président. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Madame la ministre, comment parler de la France sans mentionner nos vignobles ? Comment envisager d’inscrire la gastronomie française au patrimoine de l’humanité et mettre à l’index le vin, qui est un élément emblématique de notre art de vivre en même temps qu’un phare de notre économie ?

De très nombreux viticulteurs, je peux en témoigner, souhaitent accompagner de façon dynamique et responsable les évolutions de la consommation, dans le respect des exigences de santé publique. J’ajoute que les régions de production viticole sont les moins touchées par l’alcoolisme, ce qui laisse à penser que la connaissance du vin est la meilleure des préventions.

Toutefois pour que les vignerons puissent travailler dans un cadre légal compréhensible, et développer au plan mondial la commercialisation de leurs produits, il est impératif de modifier la législation en intégrant Internet à la liste des supports autorisés.

Je souhaite aussi appeler votre attention sur les risques que comporterait l’interdiction d’offrir gratuitement des boissons alcooliques dans un but promotionnel. Cette mesure, qui vise les conduites d’alcoolisation massive générées chez les jeunes par la fréquentation des open bars, atteindrait également les dégustations de vins, et jusqu’aux circuits œno-touristiques, si nombreux dans ma région comme dans toute région viticole.

De plus, une telle interdiction serait en contradiction flagrante avec l’article 1587 du code civil, qui dispose : « À l’égard du vin, de l’huile et des autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant d’en faire achat, il n’y a point de vente tant que l’acheteur ne les a pas goûtées et agréées ».

Madame la ministre, l’amalgame entre la culture de l’ivresse et celle de la dégustation est un véritable piège, qu’il faut absolument désamorcer, sous peine de voir disparaître un pan entier de notre patrimoine gastronomique. Le respect des objectifs de santé publique est un impératif auquel il n’est pas question de se soustraire mais, de grâce, madame la ministre, ne sacrifions pas la viticulture française sur l’autel des interdictions.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Il est nécessaire, bien sûr, que nous luttions contre les consommations excessives et dangereuses. Pour autant, ne nous trompons pas de cible. D’ailleurs, madame la ministre, nous n’avez jamais eu l’intention de remettre en cause les dégustations ni d’interdire aux viticulteurs de communiquer. Aujourd’hui, vous nous apportez des réponses précises.

Nos viticulteurs, et les responsables professionnels, font eux-mêmes preuve de responsabilité : oui à la consommation modérée et responsable, mais non, disons-le ensemble, à la prohibition.

Quand pourrons-nous, madame la ministre, distinguer le vin des alcools forts, et mettre fin à cet amalgame très préjudiciable à notre viticulture ?

Quand pourrons-nous, madame la ministre, laisser à la consommation modérée et raisonnable de vin la place qui, jusqu’ici, a toujours été médicalement et scientifiquement revendiquée, loin des propos excessifs qui ont effrayé, il y a quelques jours, les plus raisonnables d’entre nous ?

Je termine en invitant une romancière parmi nous : Colette disait que le vin ouvre le cœur et l’intelligence. Puisse cette intelligence nous aider ce soir à trouver la juste mesure, convaincus que nous pourrons toujours dire, le verre à la main : « À votre santé, madame la ministre ! » (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Je m’exprime ici en mon nom et en celui de mon ami William Dumas, élu du département du Gard.

Voilà, madame la ministre, le mal est fait : cet article a apporté devant les médias et l’opinion publique la stigmatisation et la diabolisation du vin. J’ai envie de vous poser une série de questions.

Connaissez-vous beaucoup de professions qui prônent une consommation modérée de leurs productions ? C’est ce que font les vignerons, et nous les saluons pour leur sens des responsabilités.

Connaissez-vous une production agricole aussi favorable à l’aménagement du territoire que l’est la vigne ? Les vignerons sont souvent les architectes, les sculpteurs, les jardiniers de nos espaces : dans le sud de la France, tout le long du couloir rhodanien, dans les Pays de Loire, dans l’Ouest, dans le Centre, bref, sur tout le territoire.

Que pensez-vous des avis émis en faveur d’une consommation modérée du vin par le professeur Henri Pujol, ancien président de la Ligue nationale contre le cancer, par le grand cancérologue qu’est le professeur Lamarque, ou encore par le docteur Bénézis, spécialiste du bien veillir ?

Que pensez-vous, enfin, du régime crétois, qui a prouvé qu’en réservant une place au vin, on pouvait voir chuter fortement la fréquence des maladies cardio-vasculaires et des cancers ? L’insularité de la Crète a permis cette expérimentation, qui prouve à l’évidence que le vin peut être un facteur de santé.

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Il est bien évident que l’objectif de santé publique que poursuit Mme la ministre de la santé va dans le bon sens.

Il est évident qu’il faut protéger nos jeunes d’un alcoolisme effréné et parfois à la limite du suicidaire.

Il est évident que les open bars doivent être proscrits et que la plus grande énergie doit être déployée contre les nouvelles formes d’alcoolisme éclair.

Toutefois il ne faut pas tout mélanger. Or la rédaction actuelle de l’article 24 a une portée si large que c’est toute la filière viti-vinicole qui est mise en danger.

Avec cet article, le vin est une fois de plus diabolisé alors que les jeunes en boivent très peu, voire pas du tout. Ils consomment le plus souvent des alcools forts, de la bière, des boissons énergisantes et des cocktails, souvent explosifs.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Patrice Verchère. Madame la ministre – mais je sais que vous en êtes consciente –, c’est la portée trop large de cet article qui pose problème aujourd’hui. Permettez-moi de vous en donner un seul exemple.

Chaque année, tout près d’ici, à la questure, nous venons, avec mon collègue Bernard Perrut, faire la promotion du beaujolais. Avec la rédaction actuelle de l’article 24, sommes en droit de nous demander si cette tradition bien ancrée du beaujolais nouveau ne serait pas hors-la-loi.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez bien que le vin ne peut pas entrer dans le champ de cette loi, tout simplement parce que l’on ne peut pas concevoir de vendre du vin sans pouvoir le faire déguster. Pour bien acheter, il faut déguster. Avec modération, bien sûr, mais il faut déguster. La dégustation fait partie intégrante de l’acte de vente, et peut même être considérée comme un droit de l’acheteur de vin.

Concernant Internet, la situation juridique de ce support doit absolument être clarifiée. Pour ma part, je pense qu’il est grand temps d’autoriser la publicité du vin sur Internet, tout en l’excluant sur les sites destinés à la jeunesse ou relatifs à des activités sportives, et en interdisant tous les messages intrusifs.

En conséquence, j’estime qu’une nouvelle rédaction de l’article 24 est nécessaire pour que la France reste le pays de référence de la civilisation du vin, en même temps que la patrie de la gastronomie.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud.

Mme Marie-Line Reynaud. Je partage, comme vous, madame la ministre, la conviction qu’il est nécessaire de lutter contre l’alcoolisme, en particulier chez les jeunes. Néanmoins, l’interdiction de la dégustation de boissons alcoolisées représente une forme de prohibition qui ne dit pas son nom. Or, vous le savez, une telle mesure, qui a déjà été expérimentée par le passé aux États-Unis, n’a eu aucunement pour effet une diminution des conduites addictives des jeunes vis-à-vis de l’alcool. Par contre, l’interdiction de l’offre gratuite à volonté, dite « open bar », va, elle, dans le bon sens.

Une politique de santé publique par la prévention est essentielle, et je sais que les vignerons et les viticulteurs de nos régions participent déjà activement à la lutte contre l’alcoolisme des jeunes. Ils sont prêts à travailler avec vous à un vrai de plan de prévention. D’ailleurs, des actions d’éducation et de sensibilisation des jeunes aux risques de l’alcool sont engagées. En participant, aux côtés de la Commission, au programme européen de « promotion de la modération », les filières viticoles soutiennent les politiques de santé publique fondées sur la notion de responsabilité, en même temps qu’elles s’opposent aux politiques visant uniquement les produits et déresponsabilisant les citoyens.

Mes chers collègues, il est inimaginable de se rendre dans une foire, un salon viticole, sans pouvoir déguster nos produits. Pour parler de cognac, il s’en vend autant dans le monde que de whisky en France : 97 % de la production est vendue à l’étranger, 3 % seulement étant commercialisés en France. Pour les petits producteurs, qui se concentrent uniquement sur ce marché dont les grandes marques se désintéressent, le seul moyen d’y accéder est de faire leur propre promotion dans les foires et les salons. C’est un pan entier de l’économie de nos territoires qui disparaîtrait si l’article 24 était adopté en l’état.

La baisse des exportations due à la crise économique mondiale et la décision de la Commission européenne d’exiger le remboursement des aides viticoles de 1,75 million d’euros versées en 1999 affectent durement les viticulteurs charentais.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Line Reynaud. Toute bonne loi de santé publique doit équilibrer prévention, éducation et répression. Je souhaite, madame la ministre, que vous acceptiez de modifier cet article.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir les vignobles de Nanterre. (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. Il y a un vignoble à Suresnes.

Je tiens à rappeler quelques chiffres : en Europe, 55 000 jeunes meurent chaque année suite à la consommation d’alcool, première cause de mortalité dans la tranche d’âge 15-29 ans ; plus de la moitié des accidents de la route sont liés à l’alcool dans la tranche des 15-24 ans. C’est dire que l’alcoolisme est un fléau.

Il l’est d’autant plus que les jeunes consomment l’alcool d’une manière particulière ; mode curieuse qu’il faudrait étudier. Leurs pratiques de consommation conduisent à des intoxications massives, par une ingestion rapide d’une grande quantité d’alcools très forts, ce qui cause des accidents graves, voire mortels.

Il s’agit donc bien d’un problème de santé publique. C’est pourquoi nous soutiendrons l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs, de la vente au forfait, des open bars, de la vente dans les stations-service, ainsi que les dispositions encadrant la vente d’alcools réfrigérés.

Cependant, si ces dispositions répressives peuvent se révéler utiles, à condition toutefois d’être contrôlées, elles ne sauraient constituer une réelle politique de prévention, qui nécessite d’examiner les causes psychosociales de ces comportements.

M. le président. Madame Fraysse…

Mme Jacqueline Fraysse. Un peu d’indulgence, monsieur le président, je suis la seule inscrite de mon groupe.

Permettez-moi de dire que je regrette beaucoup les grands blancs en matière de santé scolaire, d’éducation à la santé, de santé au travail, qui sont des chapitres essentiels de la prévention et qui ne sont pas traités dans ce texte.

Je suis désolée que l’on parle beaucoup des vignobles et pas de la prévention.

M. le président. Vous pourrez y revenir dans le débat sur les amendements, au cours duquel tout le monde s’exprimera longuement.

Mme Jacqueline Fraysse. J’aurais dû pouvoir parler cinq minutes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Nous sommes dans un domaine où la législation et les dispositifs sont déjà très importants : loi Evin, contrôles d’alcoolémie et vignette sociale sur les ventes pour le financement de la sécurité sociale. Ajouter de nouvelles dispositions appelle trois remarques.

D’abord, le véritable danger aujourd’hui en matière de consommation de boissons alcoolisées se trouve surtout dans les alcools. Les dispositions introduites ici, qu’il s’agisse d’Internet ou de la définition très large des open bars, risquent de menacer les dégustations, car elles vont surtout s’appliquer aux petits vignobles, aux petites et moyennes appellations, précisément celles qui ont le plus besoin de ces canaux pour se faire connaître.

Ensuite, une fois de plus, on ne fait pas la distinction entre alcools et vins. Je regrette l’hypocrisie générale qui règne à ce sujet, les torts étant très largement partagés entre le législateur et les professionnels. Tout le monde sait très bien que les dangers, les modes de consommation et les risques ne sont pas les mêmes entre vins et alcools. Qui plus est, je déplore la provocation qu’a constituée la suppression du conseil de modération et de prévention, le seul dispositif qui concerne uniquement les vins.

Que dire, enfin, des conditions dans lesquelles ce texte a été préparé ? La définition de l’open bar est extraordinairement large.

M. le président. Merci !

M. Daniel Garrigue. Je regrette, madame la ministre, que vos services n’aient pas réussi à la préciser davantage, car elle a créé, dans le monde viticole, une intense émotion qu’on aurait pu facilement éviter.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. De multiples pratiques commerciales constituent une incitation explicite à la consommation irraisonnée d'alcool, notamment chez les jeunes : les open bars, distribution gratuite d'alcool, le plus souvent dans des soirées étudiantes, permettent aux marques de bénéficier d'une bonne image et d'une publicité pour le moins efficace ; les happy hours, périodes de vente d'alcools à moitié prix ou en quantité supérieure pour un prix donné, sont une pratique très souvent utilisée dans les bars, pubs et discothèques afin d'amadouer une clientèle jeune.

Les actions commerciales des grands alcooliers et des distributeurs, qui sont à l'origine de la diffusion de ces pratiques, sont en complète contradiction avec le respect des règles les plus élémentaires du code de la santé publique. Il est important de leur rappeler, par la loi, que les denrées qu'ils commercialisent ne sont pas des produits comme les autres : licites, certes, mais drogues potentielles.

S’agissant des ventes de boissons dans les points de vente de carburant, il est important de distinguer entre les lieux constituant le seul point commercial d'un territoire et un point de vente situé dans une zone parfaitement dotée en magasins.

Comme le confirme le Dr Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d'addictologie à Bichat, « le comportement d'alcoolisation est très sensible à l'effet d'imitation parce qu'il renvoie au souvenir de moments agréables ». Cet effet sera particulièrement efficace, notamment chez les jeunes. Ces derniers utilisant plus Internet que la télévision, y autoriser la publicité pour des marques qu’ils consomment lors de leurs fêtes – le plus souvent des alcools forts – sera effectivement positif en termes publicitaires, mais extrêmement néfaste pour la santé publique.

Le problème du vin, produit peu apprécié par les jeunes et dont la filière connaît une situation économique délicate, pourra être débattu afin de trouver une position d'équilibre entre besoin impératif de défense de la santé publique et soutien d'un secteur en danger.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le président, ces prises de parole très rapides et successives ôtent tout poids à leur signification, alors qu’il s’agit de défendre des siècles de culture, une civilisation. (Approbation sur divers bancs.)

Mme Jacqueline Fraysse. Cela n’a aucun sens !

Mme Michèle Delaunay. Nous faisons du binge speaking, alors que c’est tout le contraire qu’il faudrait ! (Sourires.)

Madame la ministre, nous sommes complètement à vos côtés pour lutter contre l’alcoolisation des jeunes, laquelle s’apparente à une forme d’addiction – que d’ailleurs elle supplée parce qu’elle est relativement moins chère –, et se fait avec des alcools blancs, au premier rang desquels la vodka, en consommation très rapide et souvent en association avec d’autres formes de drogues.

Cela est tout à fait l’opposé de ce que nous défendons ici : une consommation modérée, sociétale, une forme de lien et de partage entre des personnes qui prennent leur temps et consomment tout en prenant un repas. Ce ne sont ni la même cible, ni les mêmes moyens publicitaires, ni la même image commerciale, ni les mêmes moyens de dégustation. Nous devons donc prendre le temps de nous y arrêter pour faire réellement la partition entre ces problèmes, de façon à lutter contre les uns sans pénaliser les autres.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Premier pays viticole et première destination touristique au monde, la France vient de se doter d'un conseil supérieur de l'œnotourisme, chargé, sous la responsabilité du ministre de l'agriculture, de développer ce secteur afin d'attirer davantage de visiteurs dans les régions viticoles. L'œnotourisme représente une solution d'avenir pour l'ensemble de la filière.

Les vignobles de France attirent chaque année au moins 5 millions de visiteurs français et 2,5 millions de touristes étrangers. Environ 5 000 caves, exploitations, domaines ou châteaux sont ouverts au public. Dans un rapport remis en avril 2007, l'organisme de promotion du tourisme français estimait que le tourisme viticole « peut représenter 15 % à 20 % des ventes d'une exploitation viticole ».

Dans la situation de crise économique et de récession que nous connaissons actuellement, dont les répercussions se feront sentir de manière plus brutale dans nos régions rurales et viticoles, il est primordial de privilégier le développement de ces nouvelles activités. Que deviendrait l'œnotourisme, qui représente une solution d'avenir pour l'ensemble de la filière, sans les dégustations ?

Le vin est le premier poste excédentaire de notre balance commerciale. Pour une appellation de ma région, l'export peut représenter jusqu'à 75 % de sa production.

M. le président. Il faut terminer, madame Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. La balance commerciale de notre pays, qui a atteint un déficit record en 2008, a besoin d'un secteur viticole dynamisé. Je m'étonne grandement qu'il soit ici fragilisé.

M. le président. Concluez !

Mme Gisèle Biémouret. Cet étonnement s'exprime jusqu'à l'étranger. Ainsi, dans un article intitulé « French Folies », des Suédois déclarent leur incompréhension vis-à-vis de l'article 24, notant une incroyable volonté de saborder une filière fer de lance de notre économie.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Tout le monde ici est d’accord pour distinguer l’abus d’alcool, qu’aucun d’entre nous ne soutient, et la consommation raisonnable de produits de qualité, à laquelle nous nous adonnons, les uns et les autres, avec grand plaisir et pour le meilleur profit de notre santé.

Dans le texte de l’article 24 est une phrase qui pose problème et une autre qui manque.

La première est la suivante : « Il est interdit d’offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but promotionnel, ou de les vendre au forfait. » Chacun sait la portée et les risques de cette phrase.

La semaine dernière, j’ai participé à une foire aux vins dans ma circonscription. Cela se passe ainsi : les viticulteurs – une quinzaine de caves particulières, une coopérative – sont réunis dans un enclos pour présenter leurs produits ; à l’entrée, vous achetez, pour 2 ou 3 euros, un verre vide qui vous servira à déguster différents vins. Cela peut s’apparenter à un forfait. J’ai interrogé le préfet et le représentant de la maréchaussée qui m’accompagnaient : l’un et l’autre m’ont confirmé que si le texte restait en l’état, ils seraient obligés, l’année prochaine, d’empêcher la tenue de cette foire. Cela pose un problème et il faut donc amender.

La phrase qui manque est celle qui prévoira les conditions de la communication sur Internet. Nous devons trouver une rédaction qui permette de différencier la nécessaire information-communication des producteurs de vins et la publicité qui force à la consommation et s’attaque souvent à des cibles fragiles pour les pousser à des excès que nous condamnons.

Ces deux points vont faire l’objet de nos prochains débats dans les heures qui viennent – ou les jours, si vous êtes raisonnable, monsieur le président. Nous le serons avec vous, avec modération.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je me suis déjà exprimée devant vous lors des questions au Gouvernement. Je veux repréciser ici l'intention du Gouvernement et vous proposer un enchaînement.

En aucun cas, nous ne souhaitons instaurer une politique de prohibition ou d'abstinence, comme je l'ai entendu dire. L'histoire a montré que la prohibition de l'alcool était inefficace et contre-productive.

M. Charles de Courson. Pire que tout !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mon projet cible de manière claire le phénomène désastreux de l'alcoolisation des jeunes, population vulnérable, sans pour autant les stigmatiser. Nous le verrons à l'article 23. La précocité de la consommation d'alcool, la recherche de la « défonce », le binge drinking sont, pour notre société, des phénomènes dangereux, aux conséquences immédiates et différées, qui doivent interpeller tous les responsables.

Je souhaite résoudre la question de la publicité de l'alcool sur Internet tout en m'assurant de la protection des jeunes. En revanche, je me suis toujours opposée et m'opposerai à toute modification de la définition de la publicité sur l'alcool. La loi Evin a réussi à trouver un bon équilibre entre liberté d'entreprendre et protection de la santé, le Conseil constitutionnel l'avait relevé en son temps. Vous connaissez mon engagement sur ces questions, et je ne serai pas celle qui démantèlera ce pilier de notre politique de prévention et de lutte contre les dégâts liés à la consommation d'alcool.

Les dégustations n'ont jamais été concernées par mon projet de loi, pas plus que les fêtes, les foires, les salons et stages œnologiques qui font partie de nos traditions viticoles et de la culture française. Cette tradition, nous en sommes issus et nous la respectons, je vous l'assure. En conséquence, j'accepterai les remarquables amendements nos 2063 rectifié et 2087 de la commission des affaires économiques,…

M. Jean-Pierre Grand. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …présentés par André Flajolet en concertation, notamment, avec Philippe Armand Martin, Serge Poignant, Alain Suguenot et Élie Aboud, puisqu'ils écartent toute ambiguïté sur ce sujet, tout en respectant l'esprit du projet de loi.

En effet, si la règle générale d'interdiction des open bars demeure plus que jamais, les dégustations en vue de la vente ne sont pas concernées, de même que les foires et les fêtes dans lesquelles on peut déguster des boissons alcoolisées à titre gratuit ou contre une somme forfaitaire. Je donnerai à cette fin mon accord à la distinction opérée par la commission entre les foires et fêtes traditionnelles, qui seront soumises à déclaration, et celles qui sont nouvelles et qui, pour que notre dispositif soit crédible, devront être soumises à un régime d'autorisation.

Est-il besoin de rappeler, au-delà des dommages sanitaires, les dégâts sociaux et les drames humains liés à l'alcool, que relate l'actualité quotidienne ? Je pense à la sécurité routière et à l'alcool au volant. Certains d'entre vous ont souhaité instaurer le principe de l’éthylotest au volant en alternative pénale, après que la preuve expérimentale de son efficacité expérimentée a été faite en Haute-Savoie. Il s'agit surtout d'une mesure de sécurité routière et de sanction pénale alternative.

Un dispositif plus complet est en concertation et en cours d'élaboration dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure relatif à la sécurité intérieure, dite LOPPSI. Par cohérence, cette mesure doit être envisagée dans le projet de loi de sécurité intérieure que présentera Michèle Alliot Marie dans quelques semaines.

Dans sa volonté de limiter l'accès à l'alcool au volant, le Gouvernement souhaitait initialement interdire les boissons alcooliques dans les stations services. Face aux préoccupations soulevées par nombre d'entre vous, j’accepterai l'amendement n° 524 de M. Rolland, qui vise à élargir les plages horaires de l'interdiction d’alcool de nuit. En revanche je resterai ferme sur l'interdiction de la vente d'alcool réfrigéré destiné à une consommation immédiate. Je vous proposerai d'aller un peu plus loin pour protéger nos jeunes et je souhaite que l'interdiction s'étende de dix-huit heures à huit heures du matin. Il s'agit d'une évolution importante du texte.

Je tiens également à remercier Yves Bur, qui a déposé des amendements ayant permis de faire avancer le débat en faveur de la santé publique. Ses préoccupations ont été entendues.

Mesdames et messieurs les députés, étant donné l'importance et la sensibilité de ce sujet, j'ai pris le soin de répondre longuement à vos interrogations. C'est la raison pour laquelle, je demande à celles et ceux d'entre vous qui sont assurés de voir leurs préoccupations prises en compte par le Gouvernement de bien vouloir retirer leurs amendements.

Il ne faut pas se voiler la face devant un problème de santé publique qui est à l'origine de 45 000 morts par an, et constitue la deuxième cause de mortalité précoce dans notre pays. Le cheminement que nous avons bâti ensemble protège notre culture viticole, notre filière vinicole et la santé publique. Je remercie tous ceux qui ont participé à ce remarquable travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 24. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, vous aviez dit que vous lèveriez la séance à une heure !

M. le président. Nous allons seulement examiner les premiers amendements qui sont en discussion commune.

J’ap-pelle donc les amendements nos 2036 rectifié, 1484, 458, 1470 et 1456, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 458 et 1470 sont identiques.

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques pour présenter l’amendement n° 2063 rectifié.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis heureux que nos travaux nous aient permis de cheminer vers une solution.

Loin de nous, madame la ministre, l’idée que vous ayez voulu porter atteinte aux traditions et aux cultures locales, en particulier aux productions viticoles, à leur consommation et à leur commercialisation. Cependant, il faut bien reconnaître que la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 24 pouvait susciter un doute…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Peut-être y a-t-il eu manipulation par certains !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. … un doute ou effectivement, madame la ministre, de mauvaises interprétations. Cela étant le fait est que, dès lors qu’il y a un doute il faut le lever.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir accepté le dialogue avec la commission des affaires économiques, saisie de cet article pour avis. Cela nous a permis de cheminer vers une solution et un consensus qui dépasse les frontières des groupes parlementaires. Nous avons travaillé sous la houlette du rapporteur pour avis, André Flajolet, que je tiens à remercier, du vice-président de la commission, Serge Poignant qui suit les questions de viticulture avec Alain Suguenot, le président du groupe d’études de l’Assemblée sur le sujet, et avec l’accord et le soutien permanent du rapporteur au fond, Jean-Marie Rolland.

Je tenais à citer ceux qui ont travaillé à ce consensus, même si je ne peux les nommer tous. Ainsi, les brasseurs ont également eu leur place dans nos débats, grâce au travail de M. Schneider, au sein d’une équipe qui s’est réuni pendant près de huit jours pour finir par trouver lundi dernier, avec vous, madame la ministre, le moyen de lever le doute relatif à l’alinéa 3.

Sur quoi ce doute portait-il ?

Une mauvaise interprétation aurait pu laisser penser que les dispositions de l’alinéa 3 s’appliquaient aux traditions de nos territoires et concernait les fêtes et les foires. On est même aller jusqu’à prétendre que les vins d’honneur des mairies seraient interdits : que cela était absurde !

Pour lever toute ambiguïté, la commission des affaires économiques vous propose donc une nouvelle rédaction de l’alinéa 3. Cette solution d’équilibre soumet les fêtes et foires existantes à un régime déclaratif. Les nouvelles manifestations de ce type devront, en revanche, faire l’objet d’une autorisation.

Madame la ministre, dès lors qu’il est clair que la dégustation est possible dans les conditions que je viens de décrire, nous soutenons pleinement votre intention de mettre un terme au scandale des open bars et de ces fêtes dans lesquelles nos jeunes, en s’acquittant d’un forfait, peuvent boire jusqu’à s’enivrer, et même au-delà, puisqu’on déplore de nombreux décès.

Dans cet hémicycle, nous ne pouvons pas rester insensibles devant une telle situation. Notre devoir de législateur est d’intervenir pour dénoncer ce genre d’excès avec la plus grande force, mais cela ne justifie pas que nous condamnions une activité et une profession tout entière. L’amendement n° 2063 rectifié permet à la fois d’empêcher ces excès, en interdisant la vente à forfait dans le cadre de soirées organisées et de continuer à organiser les fêtes, foires, dégustations ou salons dits traditionnels.

Tous les députés qui ont déposé des amendements à l’alinéa 3 de l’article 24 voient ainsi leurs exigences satisfaites. Puisque le Gouvernement a annoncé qu’il serait favorable à cet amendement, je vous demande, mes chers collègues, dans le cadre de notre travail de « coproduction » de bien vouloir retirer vos amendements.

Nous avons demandé au Gouvernement de faire des efforts ; il a accepté d’apporter des précisions qu’il estimait superfétatoires À cet égard je rends d’ailleurs hommage au sens du dialogue de Mme Bachelot. En contrepartie il nous appartient d’éviter les polémiques inutiles et de ne pas allonger le débat avant de voter l’amendement de la commission, qui pourra même peut-être faire l’unanimité.

M. le président. Monsieur Poignant, retirez-vous l’amendement n° 1484 ?

M. Serge Poignant. Oui, monsieur le président.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Je retire aussi l’amendement n° 458 de la commission.

M. Philippe Armand Martin. Je fais de même avec mon amendement n° 1470.

(Les amendements nos 1484, 458, et 1470 sont retirés.)

M. le président. Retirez-vous également votre amendement n° 1456, monsieur Garrigue ?

M. Daniel Garrigue. Le consensus est réel au sein de notre assemblée tant sur les open bars et le risque d’une très large distribution de boissons alcoolisées aux jeunes, que sur l’interdiction, que nous aurions dû voter depuis longtemps, de la vente de boissons alcoolisées à tous les mineurs.

Les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 24 relèvent du droit pénal puisque des sanctions pénales sont prévues pour le faire respecter ; elles doivent donc être très précises. En effet, il appartient au juge de dire le droit, et lorsqu’il est confronté à une rédaction aussi imprécise que celle du projet de loi, sa marge d’appréciation devient de plus en plus large. Nous avons rencontré ce problème avec Internet. Il est regrettable que le Gouvernement ait initialement retenu une rédaction ambiguë qui a suscité une telle émotion.

Mon amendement vise directement les open bars qui distribuent presque uniquement des alcools. Il faudrait opérer une distinction entre les dispositions applicables aux vins et celles applicables aux alcools, comme en Espagne. Cela permettrait peut-être de prendre des mesures qui répondent mieux aux attentes du monde viticole.

M. le président. Mon cher collègue, maintenez-vous votre amendement ?

M. Daniel Garrigue. Je le retire, monsieur le président.

(L'amendement n° 1456 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. La rédaction initiale du projet de loi était inquiétante. Elle a d’ailleurs suscité le dépôt de nombreux amendements parmi lesquels celui qui porte le n° 1449, dont je suis l’auteur avec un certain nombre de mes collègues.

Nous avons l’expérience de la loi Evin. Les juges, en interprétant la loi et en s’éloignant de l’intention du législateur, ont permis que se développent de grandes campagnes de communication vantant, sur des panneaux de quatre mètres sur trois, les mérites du Pastis ou du Ricard, de grandes marques de bière ou de whisky. En revanche, ils ont interdit au vin l’accès à ces médias, au prétexte qu’il ne s’agissait pas d’une marque. Même si la loi a été modifiée par la suite, le mal était fait.

Lors des campagnes électorales nous entendons encore parler de la loi Evin, alors que le ministre de la santé Philippe Douste-Blazy l’a amendée sans la supprimer : en matière de santé publique nous sommes tous conscients qu’il faut être vigilants, en particulier en ce qui concerne les jeunes.

La rédaction initiale du projet de loi nous inquiétait, mais désormais, avec la nouvelle version de l’alinéa 3 proposée par l’amendement n° 2063 rectifié, nous nous posons encore quelques questions.

Certains juristes nous ayant mis en garde contre le fait que la moindre dégustation, cérémonie ou inauguration où l’offre serait gratuite et à volonté risquait d’être pénalisée, nous avons pris soin, dans notre amendement, d’exclure du champ de l’interdiction certaines manifestations bien définies, ainsi que les différents points de vente : caveaux, châteaux, foires, salons et musées du vin.

L’amendement n° 2063 rectifié de la commission propose que les nouvelles fêtes ou foires soient autorisées par le représentant de l’État. Cette disposition suscite des interrogations, car elle soumet les organisateurs au pouvoir discrétionnaire du préfet, qui pourra ainsi interdire une nouvelle fête de quartier, par exemple, ou une manifestation créée par une commune qui souhaite célébrer une spécialité de son territoire.

L’amendement prévoit également d’exclure du champ de l’interdiction les « fêtes et foires traditionnelles ». Mais quelle sera la position du juge vis-à-vis d’un stand de dégustation dans un salon ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il se référera à l’intention du législateur !

M. Kléber Mesquida. Cette manifestation devra-t-elle faire l’objet d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation ? Le jour où un récalcitrant saisira la justice, on s’apercevra que nous avons omis de préciser certains éléments.

Enfin, l’article 1587 du code civil ne concerne que les dégustations en vue de la vente, puisqu’il dispose que celle-ci n’est définitive qu’après que le produit a été goûté et agréé. Là encore, certains juristes risquent d’avoir de cette disposition une interprétation particulière suivant le lieu de la dégustation et la nature de l’événement.

Madame la ministre, nous voulons bien croire en votre bonne foi mais, si un recours était déposé, le juge interpréterait le texte de loi, comme c’est son rôle, et il pourrait pénaliser les personnes concernées.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mais non !

M. Kléber Mesquida. Au nom de mes collègues cosignataires de l’amendement n° 1449, je le retirerai, mais je souhaite que, par un sous-amendement, on ajoute aux manifestations exclues du champ de l’interdiction les foires et salons.

Je m’interroge également sur le statut des marchés hebdomadaires : entrent-ils dans le champ de l’article 1587 du code civil ? Un producteur présent sur un marché sera-t-il pénalisé ou pourra-t-il exercer son activité ?

Telles sont, énumérés rapidement, les réserves que nous émettons et les sous-amendements que nous souhaitons voir pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous voterons l’amendement n° 2063 rectifié, mais il serait utile que Mme la ministre précise devant quelle autorité devra se faire la déclaration – je suppose qu’il s’agit de la mairie, comme pour les arrêtés de buvette – et qu’elle nous explique quel sera le pouvoir du préfet. Ainsi, ses précisions fixeront un cadre pour le projet de décret.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Il serait en effet utile d’expliciter la notion de déclaration : les fêtes avec autorisation de débits de boisson sont-elles soumises à ce régime ?

Par ailleurs, lorsque nous avons évoqué la filière viticole, nous avons énuméré les lieux concernés, notamment les châteaux et les caves. L’amendement de la commission est, certes, meilleur que le texte initial, mais il ne couvre pas encore l’ensemble des dégustations organisées par la filière viticole. Or cette lacune laisse subsister un vide juridique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dupré.

M. Jean-Paul Dupré. L’amendement de la commission – comme les autres, d’ailleurs – dévalorise notre viticulture, qui, depuis des décennies, est systématiquement remise en cause par chaque loi ou article de loi relatifs aux boissons alcoolisées. La viticulture française, qui occupait le premier rang mondial en matière d’exportation, ne se classe plus aujourd’hui que quatrième. Il est donc nécessaire et urgent d’en finir avec l’amalgame entre le vin et l’alcool. C’est pourquoi, à titre personnel, je ne voterai pas l’amendement n° 2063 rectifié.

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Lors de la discussion générale, le Gouvernement n’a pu que constater que l’article 24 suscitait de nombreuses réticences, à gauche comme à droite. Certes, l’amendement de la commission s’efforce de réduire les zones d’ombre, mais, dans son intervention, Kléber Mesquida vient de montrer qu’un certain nombre de failles subsistent, dans lesquelles le juge pourra s’engouffrer. La jurisprudence montrera alors combien nous sommes loin d’avoir bordé le dispositif. Je suis donc très réticent à voter l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Mesquida, je comprends vos interrogations, mais nous avons bien veillé, dans la rédaction de l’amendement, à exclure du champ de l’interdiction les « fêtes et foires traditionnelles », c’est-à-dire celles qui se sont répétées plusieurs fois dans le passé.

Par ailleurs, nous avons prévu deux régimes d’autorisation : l’autorisation à proprement parler, qui doit être demandée au représentant de l’État pour toute nouvelle manifestation, préfet ou sous-préfet, et la simple déclaration, qui suffit pour les fêtes et foires traditionnelles.

M. Kléber Mesquida. Et les salons ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les salons entrent évidemment dans cette catégorie. On ne peut pas dresser une liste exhaustive de toutes les manifestations traditionnelles, sinon il faudrait mentionner non seulement les salons, mais également les marchés hebdomadaires, que vous avez évoqués, et d’autres événements encore. En tout état de cause, le fait que, pour ces manifestations, une simple déclaration suffise est de nature à rassurer ceux qui s’inquiétaient des soucis administratifs supplémentaires qu’aurait impliqués une demande d’autorisation.

Au demeurant, je vous rappelle, monsieur Mesquida, qu’actuellement, vous êtes obligé de vous soumettre à de telles obligations, car toute manifestation, quelle qu’elle soit, est soumise à une autorisation délivrée par le préfet ou le maire.

M. Kléber Mesquida. Par le maire ! Ce n’est pas la même chose !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ou par le préfet. Je pense notamment à l’autorisation de la commission départementale de la sécurité. Ce type de dispositifs existe donc déjà et il ne gêne en aucun cas l’organisation des manifestations. Nous avons réfléchi à tout cela, monsieur Mesquida.

La rédaction de l’amendement permet une interprétation extensive et un assouplissement de la procédure initialement prévue, puisque les manifestations traditionnelles, je le répète, devront être simplement déclarées. Quant aux manifestations nouvelles, il me paraît normal qu’elles fassent l’objet d’une autorisation. L’amendement de la commission est donc de nature à vous rassurer totalement.

M. le président. Avant de passer au vote, je donne la parole à M. le rapporteur pour avis, pour une brève intervention, car il me semble que l’Assemblée est suffisamment éclairée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Robert Lecou. Nous voulons nous exprimer !

M. Jean Mallot. Il faudrait savoir ! Nous nous sommes mis d’accord !

M. André Flajolet, rapporteur pour avis. Je n’ai que quelques mots à ajouter, monsieur le président.

Tout d’abord, je veux insister sur le fait que, grâce à l’apport des commissions et des députés, de la majorité comme de l’opposition, nous avons pu aboutir à un compromis. À cet égard, je précise que, au sens de l’article 1587 du code civil, la dégustation est un prélude à l’achat éventuel ; j’insiste sur cet adjectif.

Par ailleurs, Mme la ministre a bien indiqué, en réponse à nos interrogations, qu’il n’avait jamais été question de prohibition. Du reste, un certain nombre d’orateurs ont évoqué la responsabilité et la responsabilisation. Eh bien, la responsabilité est à la fois individuelle, collective et relationnelle. Nous avons voulu faire un pari sur des comportements intelligents, sur notre culture et sur notre capacité à être responsables. Il me semble que c’est ce point de vue qui devrait prévaloir.

(L’amendement n° 2063 rectifié est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1484, 458, 1230, 1470, 1456, 132, 167, 586, 1449 et 1486 tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 9 février 2009, à seize heures :

Suite du projet de loi portant réforme de l’hôpital.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 6 mars 2009, à une heure vingt-cinq.)