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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 30 mars 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Discussion des articles (suite) (p.

Présidence de M. Rudy Salles

1. Protection de la création sur Internet

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Amendements nos 407, 178

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Reprise de la discussion

Amendement no 39

Rappel au règlement

M. Christian Paul

Reprise de la discussion

Amendements nos 40, 41, 4 deuxième rectification, 344 deuxième rectification, 42, 348, 475, 43, 44 rectifié, 469 (sous-amendement), 409 rectifié, 45, 46 rectifié, 410, 179, 247, 47, 248, 48, 456, 349

Rappel au règlement

M. Patrick Roy

Reprise de la discussion

Amendements nos 249, 352, 49, 350, 115, 353

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Discussion des articles (suite) (p.

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Protection de la création sur Internet

Suite de la discussion d'un projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (nos 1240, 1486, 1481, 1504).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 407 à l’article 2.

Article 2 (suite)

 M le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 407 et 178, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 407.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre de la culture, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous examinons actuellement la composition du collège de la Haute autorité, qui doit comprendre neuf membres : un membre du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, de l’Académie des technologies et du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique , quatre personnalités qualifiées étant désignées – en vertu de l’alinéa 23 – sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture.

L’amendement n° 407 vise à trouver – cela semble une évidence – dans la composition de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet des éléments d’équilibre entre les ayants droit et les internautes. C’est pourquoi notre amendement tend à préciser que, sur les quatre personnalités qualifiées, deux, au moins, représentent les utilisateurs des réseaux de communication en ligne.

Nous souhaitons qu’au sein du collège de la HADOPI, les internautes soient représentés. Ils ont été, rappelons-le, les grands absents des travaux qui ont conduit à la rédaction et au dépôt de ce projet de loi. Madame la ministre, vous nous répétez, à l’envi, que des accords historiques ont été signés à l’Élysée, il y a un an et demi, sous la haute autorité du Président de la République et vous indiquez que le monde de la culture et de l’Internet était représenté. C’est vrai pour ce qui concerne les opérateurs d’Internet. Mais les internautes, en tant que tels, n’étaient pas représentés. Ils ont été les grands oubliés de ces accords de l’Élysée, tout comme les consommateurs ; mais, quelque part, les deux se mêlent. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les internautes soient représentés dans le collège de la HADOPI. Nous le leur devons.

Vous considérez que votre projet de loi doit avoir des vertus pédagogiques, ce que nous contestons. Il serait souhaitable qu’au moins la pédagogie, que vous mettez en avant, puisse conduire à modifier le projet de loi dans le sens que nous vous proposons.

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour défendre l’amendement n° 178.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. L’amendement n° 178 se situe en quelque sorte dans le droit fil de l’amendement n° 407, bien qu’il y ait une nuance importante.

L’amendement n° 407 propose de désigner deux représentants qualifiés des utilisateurs sur quatre, ce qui nous paraît tout à fait excessif.

En revanche, la commission des affaires économiques a adopté un amendement prévoyant qu’« au moins un représentant des utilisateurs de réseaux de communication en ligne » soit représenté. Nous considérons qu’il n’est pas choquant qu’un internaute siège dans ce collège.

En ma qualité de rapporteur, je soutiens cette proposition.

Mme Sandrine Mazetier. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 407 et 178.

M. Franck Riester, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.

Lorsque le Gouvernement désignera les personnalités qualifiées, il aura la possibilité de désigner des internautes, s’il estime que c’est nécessaire. Pourquoi, dans le même temps, limiter le choix du Gouvernement dans la désignation des membres de la HADOPI ?

M. le président. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 407 et 178.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour plusieurs raisons.

D’abord, nous risquons de nous exposer à des demandes reconventionnelles des organismes qui représentent d’autres intérêts.

Ensuite, le ministre chargé de la consommation joue un rôle de filtre, en désignant la personnalité qualifiée avec ses collègues. Il y a donc suffisamment de garanties.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis stupéfaite par les propos que je viens d’entendre. Le ministre de la consommation servirait de filtre. Après les filtres sur Internet, les filtres ministériels ! (Sourires.) Il me semble que cela avait déjà été le cas pour les accords dits de l’Élysée, où il n’y avait aucun représentant des internautes. On nous avait dit que ce n’était pas la peine !

On nous explique que, pour la suite, il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne, ni de la CNIL, etc.

Si vous vouliez arriver – je n’y crois hélas ! pas trop – à une loi équilibrée et éviter de donner l’impression de ne prendre en compte que les ayants droit, sans vous soucier de ce qui se passe au niveau d’Internet, vous ne continueriez pas à rejeter toute possibilité d’équilibre et la représentation de tous ceux qui sont intéressés à la circulation des œuvres culturelles sur Internet.

Je soutiens l’amendement de nos collègues socialistes et celui du rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est un minimum.

Il me semble illusoire, monsieur Riester, de faire confiance, soit au Gouvernement, soit aux présidents de nos assemblées pour faire le choix d’envoyer dans ce collège un des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne. Chacun d’eux aura beau jeu de dire que c’est à l’autre de le faire et chacun aura de bonnes raisons d’expliquer qu’il a trouvé un représentant qualifié, bien meilleur, et que l’on peut donc se passer des représentants des utilisateurs d’Internet.

Si vous continuez ainsi à nier la réalité de ces millions d’internautes, vous pourriez avoir un gros problème avec une bonne partie des citoyens de notre pays – la jeunesse, mais pas seulement. N’oubliez pas qu’il y a, au mois de juin, les élections européennes, à l’occasion desquelles vous pourriez rencontrer des problèmes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Pas d’électoralisme !

Mme Martine Billard. Vous n’êtes pas élue ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je demande la parole !

Mme Sandrine Mazetier. Moi aussi, monsieur le président.

M. le président. Je vais donner la parole à un représentant du groupe SRC, puis à un représentant du Nouveau Centre.

Mme Sandrine Mazetier. M. Gagnaire a également demandé la parole.

M. le président. Moi seul décide !

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir bien voulu me donner la parole.

J’interviens sur l’amendement n° 407. Mon collègue Jean-Louis Gagnaire, qui est membre de la commission des affaires économiques, interviendra sur l’excellent amendement de M. Gérard.

M. le président. Madame Mazetier, la présidence est seule à décider qui intervient et sur quoi.

Mme Sandrine Mazetier. Et moi, je vous préviens, ainsi que mes collègues, de l’objet de mon intervention. Je tiens d’abord à féliciter M. Gérard. C’est un rapporteur fidèle à l’esprit dans lequel la commission des affaires économiques a travaillé.

Après que nous avons eu cet après-midi – vous ne présidiez pas la séance – une rapporteure qui a changé d’avis depuis les travaux en commission des affaires culturelles, il convient de noter la fidélité et le sérieux du travail de M. Gérard.

Je voudrais abonder dans le sens de l’amendement n° 407. Les accords de l’Élysée – ou plus exactement le conclave de l’Élysée – entre des personnes qui étaient auparavant d’accord entre elles n’ont pas ouvert cette négociation aux utilisateurs.

Après que l’on nous eut refusé d’évaluer ce projet de loi et son application, après que l’on nous eut refusé que figure dans la HADOPI un représentant de la CNIL, il serait incroyable que l’on refuse aux utilisateurs, aux internautes, de siéger dans le collège de cette Haute autorité, alors que l’on connaît à l’avance les limites auxquelles elle est confrontée.

Les internautes savent mieux que personne les dangers de ce dispositif. Ils pourront peut-être éclairer la Haute autorité lors de ses délibérations. Ils connaissent les dangers, les dérives et les limites du dispositif que vous tentez de mettre en place et dont on a dit qu’il était par avance obsolète et dépassé et qu’il visait très mal la cible qu’il est censé toucher.

L’amendement n° 407 du groupe socialiste vise à ce que deux représentants des utilisateurs siègent dans la HADOPI. Qu’un quart des membres du collège soit composé d’utilisateurs, c’est bien le moins, sachant tout ce qui risque d’arriver aux utilisateurs et même aux non-utilisateurs d’Internet. Nous nous satisferions, sinon, de l’excellent amendement de M. Gérard.

C’est la moindre des choses qu’un représentant des utilisateurs soit présents dans une Haute autorité qui va gérer un dispositif de sanctions particulièrement complexe, dangereux et qui pourra donner lieu – on l’a déjà dit – à des dérives, convenez-en ! Vous avez refusé un représentant de la CNIL ; consentez à ce qu’un représentant des utilisateurs soit présent. Ils connaissent mieux que personne, dans cet hémicycle, les risques du dispositif et les limites à y apporter.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. En raison d’un retard de TGV, je n’ai pu être présent au début de nos débats et je n’ai pas pu m’exprimer sur l’adoption par le Parlement européen d’un rapport visant à s’opposer à la coupure d’Internet par les pouvoirs publics ou par une personne privée. C’est fondamental, vous ne pouvez le nier. Je vous en conjure : n’isolez pas la France au plan juridique ! Le groupe centriste met en garde ses collègues de la majorité présidentielle.

Permettez à des parlementaires qui ont été de tous les débats – LCEN, DADVSI, maintenant HADOPI –, de dire qu’avoir toujours légiféré sans inclure les représentants des consommateurs de l’Internet constitue une lacune. Non seulement, il n’est pas scandaleux de vouloir inclure les internautes au sein du collège de la HADOPI, mais cela constituerait un réel progrès.

Pour ma part, contrairement à ma collègue Sandrine Mazetier, j’ai une lecture positive des accords de l’Élysée car, pour la première fois, les représentants de l’industrie culturelle et des télécommunications se sont parlés. Cela étant, ils ne représentent pas l’intérêt général, à savoir les internautes. On ne peut donc nous inciter à voter ce projet de loi au nom des accords de l’Élysée.

Le groupe centriste soutient ces deux amendements, et votera l’amendement n° 178 de M. Gérard, au nom de la commission des affaires économiques.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 178, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Je partage le point de vue de M. Dionis du Séjour. Si nous voulons que la HADOPI ait une chance de prospérer, nous devons raisonner en termes d’équilibre. Il n’y a de création que s’il y a des auteurs ; et nous sommes conscients de la nécessité de protéger la création et les auteurs. Mais pour exister, la création a besoin de consommateurs de culture ; comme l’aurait souhaité Beaumarchais, c’est l’occasion de l’ouvrir au plus large public, avec une offre légale peut-être plus importante. La moindre des choses, c’est que les consommateurs de culture, notamment les internautes, aient voix au chapitre,…

M. Lionel Tardy. Exactement !

M. Alain Suguenot. …et puissent exprimer un avis. L’amendement n° 178 est équilibré dans la mesure où il ne demande la présence que d’un seul représentant des internautes qui sera moins facteur d’opposition que facteur d’équilibre. C’est la raison pour laquelle nous devons le voter.

À mon tour, je tiens à rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires économiques qui, très fidèlement, a fait part des propos qui ont été tenus au sein de cette commission.

M. Lionel Tardy. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. J’ai cosigné l’amendement n° 178 de la commission des affaires économiques. Il n’est pas fréquent que cette commission fasse preuve d’unanimité dans ses votes.

M. Lionel Tardy. En effet !

M. Jean-Louis Gagnaire. On peut donc, à juste titre, penser que si l’ensemble des membres de cette commission a souhaité la représentation d’au moins un membre des usagers d’Internet au sein de la Haute autorité, c’est qu’il y avait quelque raison.

On parle beaucoup de la protection des artistes – certes importante –, mais il ne faut pas, pour autant, oublier celle des usagers, quels qu’ils soient. En demandant la présence d’au moins un représentant des internautes, notre amendement ne demande pas l’impossible. Cette demande a, du reste, paru raisonnable à l’ensemble de la commission des affaires économiques qui lui a réservé un accueil favorable.

Je souhaite, madame la ministre, que vous changiez d’avis, car j’ai cru comprendre que des députés sur tous les bancs étaient favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Il est évidemment essentiel de prendre en compte la parole des représentants des consommateurs et des internautes et cela a été le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au sein des trois commissions, nous avons auditionné les représentants des consommateurs et des internautes et nous avons discuté avec eux.

M. Christian Paul. C’est la moindre des choses !

M. Franck Riester, rapporteur. Vous ne pouvez donc pas dire que nous refusons d’inclure les internautes dans la HADOPI. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Comment ?

M. Franck Riester, rapporteur. Nous disons seulement que nous ne voulons pas limiter le choix du président de l’Assemblée nationale, celui du Sénat ou des ministres. Car sinon pourquoi ne pas faire figurer des représentants des fournisseurs d’accès à Internet ou de je ne sais quel groupe d’intérêt ?

M. Patrick Bloche. Ça rame !

M. Franck Riester, rapporteur. Pas du tout !

Le Président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, ou le Gouvernement pourront nommer des représentants des internautes.

Mme Martine Billard. Ou pourront ne pas le faire !

M. Christian Paul. Ils vont nommer Christian Clavier !

M. Franck Riester, rapporteur. Nous n’avons eu de cesse d’écouter les internautes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je rappelle que nos collègues du Sénat ont voté ce projet de loi à l’unanimité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce n’est pas un argument.

M. Franck Riester, rapporteur. Catherine Tasca et Robert Badinter, notamment, pour ne citer qu’eux, chers collègues du parti socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Franck Riester, rapporteur. Inutile de manifester bruyamment, chers collègues.

M. Patrick Bloche. Vous nous provoquez !

M. Franck Riester, rapporteur. Je ne fais que rappeler l’historique de nos débats.

Les internautes, je le répète, ont, bel et bien, été pris en compte au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nous sommes tous soucieux de garantir les droits des internautes, or ils le sont. Je rappelle que les ministres chargés de la culture, de la consommation ou de l’industrie peuvent nommer des personnalités qualifiées qui représentent les internautes. Si on vous suivait, il n’y aurait pas de raison de ne pas nommer un représentant des fournisseurs d’accès à Internet ou des représentants des différentes sociétés de droits d’auteur. Ce serait ouvrir la porte à une représentation tous azimuts alors même que les droits des internautes sont garantis. Robert Badinter, qui a voté ce texte – comme vient de le rappeler le rapporteur – n’est pas, que je sache, la plus mauvaise référence en matière de garantie des libertés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 407 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 178.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 40

Nombre de suffrages exprimés 39

Majorité absolue 20

(L'amendement n° 178 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.

M. Christian Paul. Depuis le début de nos débats, sur des questions importantes, comme, ce soir, la composition de la Haute autorité, les points de vue dépassent les clivages traditionnels. Il y a, d’un côté, ceux qui ont de l’Internet une conception ouverte et qui souhaitent un débat transparent…

M. Guy Geoffroy. Présentation spécieuse !

M. Christian Paul. …et de l’autre, ceux qui ont une position archaïque.

Vous vous référez sans cesse aux débats qui ont eu lieu en 2007 et en 2008 et qui ont associé un certain nombre d’acteurs des professions concernées, comme si, sur une question aussi essentielle que les droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information, on pouvait se contenter d’une négociation entre quelques-uns et se dispenser non pas seulement de consulter les autres, mais de les associer à la recherche des nécessaires compromis, équilibres, voire consensus.

M. Jean Dionis du Séjour. En effet !

M. Christian Paul. Si les accords de l’Élysée avaient permis de dégager un consensus, cela se saurait ! Il ne s’agit que d’un accord interprofessionnel, qu’un certain nombre de signataires, de manière off ou publique, remettent en cause depuis. Entre ceux qui ont le sentiment que les conditions ont changé et qui n’en sont plus totalement solidaires, ceux qui ont le sentiment qu’on les a amenés, le revolver sur la tempe, à signer et ceux qui n’ont pas voulu signer, cela fait tout de même beaucoup de monde. N’oublions pas non plus tous ceux qui n’étaient pas là.

Les grandes lois sur les droits d’auteur, dont certaines – je pense à celle de 1985 – ont été adoptées à l’unanimité sont des lois où tout le monde était autour de la table. La loi sur les droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information n’est pas seulement la codification par le Parlement d’accords interprofessionnels, mais un point d’équilibre entre les artistes, les auteurs, les interprètes, les producteurs et, aujourd’hui, les opérateurs de télécommunications. C’est au prix de cet équilibre, lorsqu’un point de vue très dominant se dégage, qu’il est possible de légiférer au nom de l’intérêt général. Aussi longtemps que vous vous enfermerez dans la défense d’intérêts corporatistes étriqués, nous ne pourrons pas, avec vous, écrire la loi. C’est ce qui vient de se passer avec la discussion des amendements précédents. Pourtant, leur adoption n’aurait pas provoqué de séisme ! Il s’agissait seulement de donner la possibilité à l’un des représentants des associations de consommateurs d’être présent au sien du collègue de la HADOPI et d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif : vos certitudes n’auraient pas été remises en cause ! Même cela, vous l’avez refusé, car vous préférez légiférer pour quelques-uns, persistant ainsi, dans une méthode inacceptable.

M. le président. Je vous ai laissé vous exprimer, monsieur Paul, mais vous, qui connaissez bien le règlement de l’Assemblée nationale pensez-vous vraiment que nous venons d’entendre un rappel au règlement ? (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour la suite des débats, je vous invite à respecter notre règlement, monsieur Paul !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 39. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir que deux personnalités qualifiées soient désignées par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, conséquence de l’amendement n° 38.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je vois bien que le rapporteur de la commission des lois essaie de faire preuve d’un peu d’imagination, mais, force est de constater que voilà un amendement pour rien ! (Sourires.)

M. Christian Paul. Absolument !

M. Patrick Bloche. On peut même dire que cet amendement va à contre-courant de l’histoire en prenant pour référence la composition du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour justifier de la nomination de deux personnalités qualifiées supplémentaires, respectivement désignées par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, alors que tout le monde s’accorde à dire que la composition d’une autorité indépendante comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel est insatisfaisante. Tous les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel ont, en effet, été nommés par un Président de la République de droite ou un président de l’Assemblée nationale de droite ou encore un président du Sénat de droite. De ce fait, sa composition est monocolore. La réflexion démocratique voudrait que le régulateur des médias, en tant que garant du pluralisme, en revoie la composition pour y introduire du pluralisme et de la diversité afin qu’elle ne puisse être contestée.

Donc, ajouter dans le collège de la HADOPI deux personnalités qualifiées supplémentaires, l’une désignée par le Président de l’Assemblée nationale, l’autre par le Président du Sénat, et ce juste après avoir refusé deux amendements prévoyant, pour le premier, un représentant des internautes, et pour le second – c’était notre amendement – deux représentants des internautes, parmi les quatre personnalités qualifiées mentionnées à l’alinéa 23, je vous le dis, monsieur le rapporteur, c’est presque de la provocation !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous l’avons déjà précisé au début de la discussion de ce texte, mais je le rappelle, monsieur le rapporteur, puisque vous vous obstinez à dire une contrevérité. Lors du vote intervenu sur ce texte au Sénat, les sénateurs Verts et les sénateurs communistes se sont abstenus. Ce projet n’a donc pas été voté à l’unanimité.

M. Guy Geoffroy. Lorsque l’on parle d’unanimité, il s’agit toujours des suffrages exprimés !

Mme Martine Billard. Il n’y a certes pas eu de vote contre, mais il vous est très facile, parce que cela vous arrange, de faire comme si personne n’avait émis de réserves sur ce texte au Sénat !

M. Guy Geoffroy. L’unanimité, c’est quand il n’y a pas d’opposition !

M. Franck Riester, rapporteur. Et il n’y a pas eu d’opposition !

Mme Martine Billard. Monsieur le rapporteur, vous avez tout à l’heure dit que si les internautes étaient représentés, les ayants droit devaient l’être aussi. C’est bizarre, mais, je fais, quant à moi, le pari que, parmi toutes les personnalités qualifiées qui seront nommées, il y a de fortes chances que l’on retrouve un représentant des ayants droit. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. C’est une suspicion a priori inadmissible !

Mme Martine Billard. Ce n’est pas une suspicion, monsieur Geoffroy. Cela ne me choquerait pas. Nous examinons, en effet, un texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet. Donc, qu’il y ait des représentants de la création culturelle, comme des représentants des internautes, me semble effectivement équilibré. Or vous avez refusé que les internautes soient représentés, alors qu’il y a de fortes chances qu’il y ait un représentant des ayants droit. C’est bien ce que je vous reproche !

M. Franck Riester, rapporteur. Ce n’est pas cela !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Madame Billard, nous ne refusons pas qu’il y ait des représentants des internautes ! Nous laissons simplement ce choix au Gouvernement, au président du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Assumez, monsieur le rapporteur !

M. Franck Riester, rapporteur. Nous devons être précis !

De plus, monsieur Bloche, j’avoue tomber des nues lorsque je vous entends vous opposer à ce que le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent, au sein de la HADOPI, des personnes qualifiées, alors qu’il était prévu, à l’origine, de confier cette responsabilité uniquement au Gouvernement ! C’est une très bonne chose que le Parlement puisse désigner des personnes qualifiées au sein de la HADOPI !

M. Guy Geoffroy. Il représente le peuple !

M. Franck Riester, rapporteur. Je ne comprends même pas qu’un représentant de l’Assemblée nationale soit contre cette proposition !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Très juste !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39…

M. Christian Paul. Il y a un sous-amendement, monsieur le président !

M. le président. Ce sous-amendement n’est pas recevable !

(L'amendement n° 39 est adopté.)

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Ce sous-amendement n’est pas recevable. Il n’est pas constitutionnel, monsieur Paul !

M. Christian Paul. Puis-je m’exprimer, monsieur le président ?

M. le président. Mais je vous donne la réponse, puisque vous m’interrogez !

M. Christian Paul. Mais je n’ai pas posé ma question !

M. le président. Nous en arrivons maintenant à l’examen de l’amendement n° 40.

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mon rappel au règlement, qui a trait au déroulement de nos débats, comporte une question et une observation.

M. Guy Geoffroy. Il n’y a jamais d’observation dans les rappels au règlement !

M. Christian Paul. Quel motif vous a conduit à repousser le sous-amendement que vous a transmis Mme Mazetier ? S’il est inconstitutionnel, vous voudrez bien, j’en suis persuadé, nous en expliquer les raisons.

J’en arrive à mon observation que je tiens à partager avec tous nos collègues. D’après les informations qui nous parviennent, les connexions sur le site de l’Assemblée nationale battent, ce soir, tous les records, à tel point d’ailleurs que j’ai peine à croire les chiffres qui m’ont été transmis !

M. le président. Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Cela permet à chacun de s’exprimer dans un contexte particulier. Je tenais à souligner ce record, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Paul, vous savez parfaitement que nous n’avons pas encore de liaison Internet dans l’hémicycle ! Ce qui se passe, en conséquence, à l’extérieur de l’hémicycle, ce soir, n’est pas à l’ordre du jour de nos débats !

Le sous-amendement de Mme Mazetier n’est pas recevable, car il est inconstitutionnel. En effet, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, assortir une nomination du président d’une assemblée parlementaire d’un avis conforme du Président de la République n’est pas constitutionnel.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Cet amendement se situe dans le prolongement du précédent.

Il nous semble essentiel que le Parlement puisse donner un avis sur la nomination du président de la HADOPI. Je vous propose, en conséquence, par cet amendement que le président de la HADOPI, plutôt que d’être élu par ses membres, soit nommé par l’exécutif, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de propriété intellectuelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis favorable !

M. Patrick Bloche. Évidemment !

M. le président. Vous n’êtes pas obligé de faire de commentaires quand le Gouvernement donne un avis, monsieur Bloche ! C’est son rôle !

Vous avez la parole, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Il est évident que Mme la ministre donnerait un avis favorable…

M. le président. Mais Mme la ministre est libre de donner l’avis qu’elle veut !

M. Patrick Bloche. …quand le rapporteur de la commission des lois lui sert ainsi le plat, si j’ose m’exprimer ainsi ! Monsieur Riester, vous êtes devenu le porteur d’eau du Gouvernement ! Vous êtes certes membre de la majorité, mais là !

Dans son projet, le Gouvernement prévoit que le président est élu par le collège de la HADOPI, composé de onze membres – et non neuf – quatre personnalités qualifiées, cinq personnalités désignées par différentes institutions telles que, entre autres, le Conseil d’État, la Cour des comptes et la Cour de cassation auxquelles viennent s’ajouter deux personnalités, suite à l’adoption de l’amendement de M. Riester.

Et le rapporteur de la commission des lois propose maintenant, par cet amendement, que le président ne soit pas élu par les membres du collège de la HADOPI, mais soit nommé par décret, par le pouvoir exécutif, après avis des commissions du Parlement peut-être, mais sachant que l’opposition, dans le cadre constitutionnel en vigueur, ne pourra jamais s’opposer aux noms proposés, puisqu’elle sera toujours minoritaire. Nous avons longuement évoqué ce problème lorsqu’il s’est agi de fixer le nouveau mode de désignation du président de France Télévisions, de celui de Radio France et de celui de l’audiovisuel extérieur de la France.

En l’occurrence, monsieur le rapporteur de la commission des lois, après avoir exclu les internautes du collège de la HADOPI,…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Bloche. …après avoir, de façon cosmétique, prévu deux personnalités supplémentaires désignées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, proposition dont on ne comprend pas vraiment les motivations, vous en rajoutez encore en proposant que le président soit nommé par le pouvoir exécutif. Et vous prétendez encore que la HADOPI est une haute autorité indépendante ! Il y a de quoi rire !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je crains que l’amendement du rapporteur n’aille à l’encontre de l’esprit même du texte. Ce projet de loi est basé sur un choix clair selon lequel le régulateur n’est pas l’État, mais une autorité indépendante. C’est un choix fondamental que l’on peut certes discuter, car L’État aurait pu jouer son rôle de régulateur. Mais il ne l’a pas voulu pour renforcer le caractère indépendant de la Haute autorité par rapport à l’exécutif, mes chers collègues ! Cette indépendance ne doit pas être battue en brèche par la nomination du président par décret ! Il y a une forte contradiction entre cet amendement et l’esprit même du texte qui a voulu mettre en place une autorité indépendante. Le groupe Nouveau Centre ne le votera donc pas.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis quelque peu étonnée par l’amendement du rapporteur. Il a été décidé, sur sa demande, de donner la personnalité morale à la HADOPI pour garantir son indépendance. Or M. Riester propose, par cet amendement, que le président soit nommé, quand le projet de loi prévoit qu’il est élu. Comme vient de le souligner notre collègue Dionis du Séjour, il y a une incohérence. Si cette autorité est réellement indépendante elle doit élire son président ! Le choix du président entre une personne nommée par le président de la Cour de cassation, d’autres nommées par le président de l’Assemblée nationale, par le président du Sénat et par le Gouvernement présenterait-il le risque de placer un dangereux agitateur à la tête de la Haute Autorité ? Des personnalités sont déjà nommées par des instances et je pense que nous tous, représentants du peuple, avons confiance en elles. En dépit de cela, on nous dit qu’il y a un pouvoir supérieur et que le président de la HADOPI sera nommé. Cela devient grave. Si l’on n’a plus confiance dans les mécanismes de notre République au point de décider que le président de la HADOPI sera nommé par décret, nous marchons sur la tête ! Il serait sage, monsieur le rapporteur, d’en revenir au texte du Gouvernement qui me semble plus équilibré !

M. le président. L’amendement n° 40 fait l’objet d'un sous-amendement n° 497 tendant à substituer aux mots « ,après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de propriété intellectuelle, » les mots « du Président de la République ».

La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. La Haute Autorité qui verrait son président nommé par décret n’aurait évidemment plus rien d’indépendant. Mon sous-amendement vise donc à pousser jusqu’à l’absurde le raisonnement de M. Riester et propose, par analogie avec la Haute Autorité de l’audiovisuel, que le président soit nommé directement par le Président de la République. Autant dire que je ne prendrai pas le risque, évidemment, de laisser mettre aux voix ce sous-amendement !

Je pense, toutefois, monsieur Riester, que vous n’êtes pas très sérieux, lorsque vous prétendez défendre l’autonomie et l’indépendance de la Haute Autorité tout en proposant la nomination de son président par décret.

Je retire mon sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Je vous remercie de nous faire gagner du temps, monsieur Gagnaire !

(Le sous-amendement n° 497 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. J’aimerais, dans un souci de clarté, apporter une précision.

Monsieur Bloche, je vous répète que les représentants des internautes ne sont pas exclus des personnes qualifiées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils peuvent tout à fait être nommés par le Gouvernement, par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat.

M. Lionel Tardy. Qui y croit ?

M. Franck Riester, rapporteur. Tant que vous continuerez à tenir des propos qui ne correspondent pas à la réalité, je répéterai la même chose !

Vous avez dit une autre contrevérité, monsieur Bloche, en affirmant que deux personnalités qualifiées supplémentaires figureraient dans le collège de l’HADOPI. C’est faux, puisque nous avons présenté un amendement tendant à limiter à deux les personnes qualifiées nommées par le Gouvernement. Nous maintenons donc bien quatre personnes qualifiées : deux désignées par le Gouvernement et deux par le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. Le collège sera ainsi composé de neuf membres.

M. Lionel Tardy. Donc, vous réduisez le choix !

M. Franck Riester, rapporteur. Le président de la HADOPI, comme le précise le texte, sera nommé par l’exécutif parmi trois membres qui sont, soit un membre en activité du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État, soit un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation, soit un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes. Ce n’est donc pas directement l’exécutif qui nommera les membres du collège de la HADOPI susceptibles de pouvoir devenir président.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par le décret, il choisit !

M. Franck Riester, rapporteur. L’exécutif pourra, après avis du Parlement, désigner le président de la HADOPI parmi trois personnes issues de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou du Conseil d’État. C’est notablement différent, puisque la nomination première n’a pas été faite par l’exécutif, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Cela ne change rien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez en aucun cas faire ici référence à l’article 13 de la Constitution à propos de l’amendement n° 40, car c’est un simple avis que donneront les commissions du Parlement qui seront saisies, sans conséquence. Si vous aviez voulu vous conformer à l’esprit de la révision de la Constitution dont a parlé M. Karoutchi cet après-midi, vous auriez dû prévoir des modalités de nomination un peu plus encadrées, permettant aux commissions de faire réellement valoir leurs points de vue.

Il nous paraît totalement scandaleux, inadmissible, de renvoyer cette désignation au Président de la République, et c’est vraiment un excès de pouvoir qu’on s’apprête à commettre, mais, en plus, vous n’avez même pas le souci de l’encadrer par un appel aux commissions du Parlement dans les conditions prévues par l’article 13 de la Constitution. Vous auriez pu au moins avoir cette cohérence.

(L'amendement n° 40 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 41.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Les dispositions transitoires relatives à la constitution de la HADOPI n’ont pas à être codifiées dans le code de la propriété intellectuelle. L’amendement supprime donc l’alinéa 26 : nous les transférerons dans le chapitre IV du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis un peu étonnée par la composition du collège. Voici en effet ce qu’on peut lire dans le rapport de la commission des affaires culturelles :

« Suite à l’adoption d’un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly, suivant l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, le Sénat a prévu que le président du collège devra être élu par les membres du collège parmi les magistrats, et non plus nommé comme initialement prévu par le projet de loi. »

« Cette élection, actuellement prévue pour le président de l’ARMT, vise à renforcer l’indépendance du collège, on ne peut donc que s’en féliciter. »

M. Patrick Bloche. Vive le Sénat !

Mme Martine Billard. Le Gouvernement n’a pas peur de se contredire à quelques mois d’intervalle. Visiblement, le 30 mars, l’indépendance du collège a volé en éclats.

M. Patrick Bloche. Le 30 mars, le ridicule tue autant que le 1er avril !

Mme Martine Billard. Vous proposez maintenant, monsieur le rapporteur, de supprimer l’alinéa 26. Or vous m’avez répondu tout à l’heure qu’il n’y avait pas de contradiction entre l’alinéa 17 et l’alinéa 26.

M. Franck Riester, rapporteur. Je le réécris différemment, ailleurs !

Mme Martine Billard. Supprimer l’alinéa 26 ne me gêne pas en soi, car sa rédaction me paraît incohérente avec celle de l’alinéa 17, mais, dans la mesure où vous nous demandez un vote aveugle puisque nous n’avons pas le texte qui va le remplacer, je ne voterai pas cet amendement.

(L'amendement n° 41 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 deuxième rectification et 344 deuxième rectification.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour défendre l’amendement n° 4 deuxième rectification.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Dans le texte issu des travaux du Sénat, le mandat des membres du collège et de la commission n’est pas révocable, et il n’est renouvelable que si sa durée n’a pas excédé deux ans.

Nous pensons que six ans, c’est bien, quoi qu’il arrive. La commission s’est donc ralliée à la proposition de Mme Billard et a souhaité que le mandat ne soit ni révocable, ni renouvelable, sans conditions de durée, pour renforcer l’indépendance de la HADOPI.

M. le président. Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Billard, pour défendre l’amendement n° 344 deuxième rectification ?

Mme Martine Billard. L’alinéa 28 ne pourrait être valide que s’il ne prenait pas effet dès maintenant. Sinon, la durée des mandats pourrait être assez longue dans un premier temps. Il serait bon en tout cas que les mandats des personnalités qualifiées soient renouvelés assez souvent, d’autant que, comme vous avez refusé qu’il y ait des représentants des internautes…

M. Franck Riester, rapporteur. Ce n’est pas honnête intellectuellement ! (« Cela vous gêne ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Vous avez refusé de l’inscrire dans la loi, monsieur le rapporteur. Vous dites que ça pourrait ne pas être impossible, mais il n’y a aucune certitude sur le fait que ce soit possible. La probabilité me paraît assez minime mais peut-être que le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le Gouvernement me démontreront dans les semaines à venir que je me suis trompée. Si, grâce à nos débats, il y a un représentant des internautes, je ne pourrai que m’en féliciter.

Comme je suis un petit peu méfiante, parce que votre gouvernement, celui élu depuis 2007 mais aussi celui qui a gouverné le pays de 2002 à 2007 ne nous a pas permis d’avoir confiance, c’est le moins que l’on puisse dire, dans la majorité qui gouverne ce pays depuis 2002…

M. Guy Geoffroy. Les électeurs, eux, ont eu confiance en 2007 !

Mme Martine Billard. Ils se posent pas mal de questions actuellement, et j’ai l’impression qu’ils ont de moins en moins confiance en vous.

M. Guy Geoffroy. On verra le jour du vote !

M. le président. Madame Billard !

Mme Martine Billard. J’essaie de conclure, monsieur le président, mais je suis tout le temps interrompue.

M. Patrick Roy. La majorité perturbe les orateurs ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Mme Martine Billard. Nous proposons donc que le mandat ne soit ni révocable ni renouvelable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Franck Riester, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je m’étonne presque que le rapporteur de la commission des lois ait donné un avis favorable à ces amendements. Il aurait été incontestablement mieux inspiré en donnant un avis favorable à celui de la commission des affaires économiques, qui, nous insistons, monsieur Riester, nous aurait permis d’avoir la certitude que des représentants des internautes siégeront au sein du collège de la HADOPI.

Mme Martine Billard. C’est sûr !

M. Patrick Bloche. Par la position que vous avez prise, et en dépit de toutes vos dénégations, vous avez refusé que nous inscrivions de manière certaine dans la loi que les représentants des internautes seront représentés au sein du collège de la HADOPI. Nous restons dans un contexte totalement aléatoire. Oui, monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous avez exclu les internautes de la HADOPI.

Quant à l’amendement de la commission des affaires culturelles, émanant d’ailleurs du groupe GDR, la non révocabilité est effectivement un élément déterminant. En l’occurrence, les membres de la HADOPI auront une chance que n’ont plus le président de France Télévisions, le président de Radio France ou le président de l’audiovisuel extérieur de la France.

M. Patrice Martin-Lalande. Un président, ce n’est pas une haute autorité !

M. Patrick Bloche. Contrairement aux présidents des sociétés de l’audiovisuel, eux ne seront pas révocables.

M. Christian Paul. Très bien !

(Les amendements identiques nos 4 deuxième rectification et 344 deuxième rectification sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 42 et 348.

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 42.

M. Franck Riester, rapporteur. Dans le même esprit qu’un amendement précédent, il n’est pas nécessaire de préciser les dispositions transitoires dans le code de la propriété intellectuelle. Nous avons réécrit ce paragraphe dans le chapitre IV du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 348.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 42 et 348, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 475.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’amendement dispose que, comme celui des membres du collège, le mandat des membres de la commission de protection des droits n’est ni révocable ni renouvelable.

(L'amendement n° 475, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 43.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est une petite précision.

Il faut bien distinguer le collège de la HADOPI, les fameux neuf membres, et la commission de protection des droits, composée de trois magistrats, qui, elle, gère les avertissements et éventuellement les sanctions.

Nous proposons qu’il ne puisse être mis fin aux fonctions de l’un des trois magistrats membres de la commission qu’en cas d’empêchement constaté par les deux autres magistrats et non par les membres du collège. C’est une garantie d’indépendance.

(L'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 44 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 469.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 44 rectifié.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre le sous-amendement n° 469.

M. Patrick Bloche. L’amendement prévoit des incompatibilités entre les fonctions de membre de la Haute autorité et d’autres activités. Nous souhaitons que le secrétaire général de la Haute autorité soit soumis au même régime d’incompatibilité, pour que nous ayons les mêmes garanties d’indépendance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Franck Riester, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

(Le sous-amendement n° 469 est adopté.)

(L'amendement n° 44 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 408 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 409 rectifié.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’objectif est le même. La fonction de secrétaire général doit offrir les mêmes garanties d’indépendance que celle de membre de l’Autorité. De plus, nous voulons éviter le cumul des fonctions.

(L'amendement n° 409 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 45.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

(L'amendement n° 45, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 46 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Je laisse à M. Bloche le soin de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. C’est l’un des trop rares amendements qui ont été votés au sein de la commission des lois. Son objet est certes limité mais présente néanmoins un intérêt évident puisqu’il s’agit de rendre effective la prévention des incompatibilités que nous venons d’évoquer, visant à la fois les membres de la HADOPI et son secrétaire général, et d’éviter par là même d’éventuels conflits d’intérêt.

C’est pourquoi nous souhaitons que soient insérées après l’alinéa 43 les dispositions suivantes : « Un décret fixe le modèle de déclaration d’intérêts que chaque membre doit déposer au moment de sa désignation. »

(L’amendement n° 46 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 410.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous souhaitons porter de trois à cinq ans le délai minimal entre l’exercice de certaines fonctions, notamment dans l’industrie de la musique, et un mandat au sein de la HADOPI. Nous pensons en effet qu’un délai de cinq ans offre une meilleure garantie d’indépendance, la HADOPI étant bien, malgré les conditions de nomination de son président, une autorité indépendante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Il nous semble qu’un délai de trois ans suffit à garantir cette indépendance.

(L’amendement n° 410, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 179 et 247, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n° 179.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis. Cet amendement, adopté par la commission des affaires économiques, tend à renforcer les garanties d’impartialité des membres de la HADOPI en leur faisant obligation de prévenir tout conflit d’intérêt au moment de leur désignation.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 247.

M. Patrick Bloche. Dans le même souci de rendre effective la prévention des incompatibilités et les éventuels conflits d’intérêt, nous proposons d’écrire qu’« un décret en Conseil d’État fixe le modèle de la déclaration d’intérêts que chaque membre de la Haute autorité doit déposer au moment de sa désignation ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Nous venons d’adopter, à l’unanimité, je crois, l’amendement n° 46 rectifié, qui satisfait les auteurs de ces amendements. Avis défavorable.

Même position.

(Les amendements nos 179 et 247 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 47 de la commission des lois.

(L’amendement n° 47, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 248.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L’affaire est un peu plus sérieuse, si j’ose dire. L’alinéa 47 dispose : « Les rapporteurs chargés de l’instruction de dossiers auprès de la Haute Autorité sont nommés par le président. » Nous souhaitons ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Les rapporteurs chargés de l’instruction des dossiers ne peuvent participer au délibéré des recommandations ou décisions qu’ils préparent », car nous considérons que la loi doit être en conformité avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, portant garantie d’un procès équitable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Défavorable. Le principe du procès équitable s’impose en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des principes généraux du droit. Il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi, d’autant moins que le dispositif sera précisé par un décret en Conseil d’État explicitant la procédure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Puisque nous en arrivons aux questions relatives à l’organisation concrète de la HADOPI, je souhaite poser une question à M. Riester sur les rapporteurs, mentionnés à l’alinéa 47, qui épauleront les trois membres de la Haute Autorité chargés de la prise de décision. Il a été dit dans ce débat, sans que cela soit contredit – je suppose donc que tel est l’objectif du Gouvernement –, qu’il pourrait y avoir jusqu’à 1 000 suspensions par jour, ou 1 000 décisions – vous le préciserez.

Combien de rapporteurs pensez-vous donc nécessaires, monsieur le rapporteur, pour que puisse correctement fonctionner cette Haute Autorité chargée de rendre 1 000 décisions par jour ? Votre réponse nous permettra de faire la division afin de savoir combien de dossiers chacun de ces rapporteurs sera chargé d’instruire tous les jours.

Nous voulons bien comprendre, avant le vote de cet amendement, comment tout cela va fonctionner et combien de rapporteurs vont épauler ces courageux magistrats. J’appuie bien sûr pleinement la démonstration que vient de faire notre collègue Patrick Bloche sur les droits de l’homme et le procès équitable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. Il reviendra au responsable de la HADOPI de déterminer ce nombre, en fonction de la montée en puissance de l’Autorité.

Il faut bien que vous compreniez que ce projet de loi a avant tout une vertu pédagogique. Ce qui est essentiel pour nous, c’est l’envoi de mails d’avertissement et de lettres recommandées afin de bien expliquer aux internautes qui téléchargent illégalement que la loi l’interdit et qu’il existe des offres légales qui permettent de consommer des biens culturels sur Internet. C’est sur ce point que nous insisterons.

M. Christian Paul. Vous répondez à côté !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai moi aussi une question à poser à M. le rapporteur, mais avant cela, je voudrais relever que, depuis le début de l’examen de ce texte, il ne cesse de souligner la fonction pédagogique de celui-ci. Une loi peut servir à beaucoup de choses, mais il y a bien d’autres manières de faire de la pédagogie. Le Gouvernement a fait de la pédagogie pour protéger les enfants des dangers d’Internet avec une campagne de publicité ; c’était parfaitement pédagogique, et tout le monde a compris. Il n’est pas besoin de déstabiliser des milliers de familles, de nous faire entrer dans l’ère du soupçon.

Monsieur le rapporteur, avez-vous un problème avec l’Europe ? Dans nos débats de ce jour, vous n’avez tenu aucun compte du rapport Lambridinis adopté par le Parlement européen, ni du rejet par cette même institution d’un amendement pro-HADOPI présenté par vos amis, et vous rejetez à présent un amendement simple et clair qui demande la conformité du dispositif avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en vue de garantir un procès équitable. Avez-vous un problème avec l’Europe, alors que vous appartenez à l’équipe de campagne de l’UMP pour les élections européennes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La Convention européenne des droits de l’homme s’applique en droit français sans qu’il soit nécessaire de le préciser.

Par ailleurs, c’est la Haute Autorité elle-même qui dira de combien de personnes elle a besoin pour monter en puissance. C’est ainsi que cela s’est passé avec le Conseil de la concurrence, qui recourt lui aussi à des rapporteurs.

Comme l’a très justement rappelé Franck Riester, nous voulons mettre en place un système pédagogique, avec des mails d’avertissement personnalisés. Ce système est répandu dans de nombreux pays.

M. Christian Paul. Lesquels ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Beaucoup : la Norvège, l’Autriche, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, Hongkong, les Pays-Bas, outre les pays comme les États-Unis ou l’Irlande où le dispositif s’accompagne d’une suspension, qui se passe d’ailleurs toujours directement entre les fournisseurs d’accès à Internet et les ayants droit. C’est cela qui marche : prévenir les gens directement. S’il suffisait de dire « attention » de façon extrêmement évanescente dans des messages télévisés, nous ne connaîtrions pas aujourd’hui un effondrement de la moitié de l’industrie musicale.

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nous portons un message pédagogique. L’idée n’est absolument pas de prendre 1 000 décisions de suspension par jour. Des milliers de mails seront effectivement envoyés, mais le but n’est pas de suspendre des abonnements. La suspension n’intervient qu’en ultime ressort. Personne ne peut dire aujourd’hui combien de suspensions seront décidées. Ce qui est important, ce sont les mails et les lettres recommandées.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut être précis. J’étais en commission des affaires économiques le 17 février pour vous écouter, madame la ministre. Ce jour-là, vous nous avez communiqué des hypothèses de travail très précises, qui figurent au procès verbal de la commission. Je suppose que ces hypothèses vous ont servi pour construire un certain nombre de choses, notamment pour donner des assurances aux ayants droit.

Je vous cite donc : « Nous travaillons actuellement sur les hypothèses suivantes : 10 000 mails par jour, 3 000 lettres avec accusé de réception par jour, 1 000 suspensions par jour. » Nous allons à présent entrer dans le cœur du débat, notamment sur la suspension, et nous n’allons pas arrêter de vous dire : « Ne commettez pas cette faute ! » Il ne faut pas que vous reniez ces chiffres, que vous avez vous-même donnés. Ils ont été étudiés par vos services. Ne les cachez pas, assumez-les !

Vous êtes même allée plus loin, en annonçant que la HADOPI aurait un budget de 6,7 millions d’euros, que le signalement des ayants droit coûterait 2,8 millions d’euros et que les fournisseurs d’accès auraient à payer 2,8 millions d’euros. Vous étiez très précise. Vous avez donc une idée de la manière dont les choses se passeront, et c’est de cela que nous voulons débattre. Il faut entrer dans le débat, sinon nous allons faire de grosses bêtises.

Vous avez dit « mille suspensions par jour »…

M. Christian Paul. Eh oui, c’est officiel !

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut l’assumer en termes d’instruction.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Une question a effectivement été posée en commission sur le budget de la HADOPI, et j’ai indiqué les projections maximales qui pouvaient être faites. Envoyer une dizaine de milliers de mails par jour, c’est probable ! Mais qui peut dire aujourd’hui le nombre de suspensions qui auront lieu ?

M. Jean Dionis du Séjour. Vous l’avez dit ! Ce sont vos hypothèses de travail !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Nous sommes obligés de réaliser des projections budgétaires, mais de là à dire que nous allons tout faire pour qu’il y ait mille suspensions par jour, c’est de la mauvaise foi !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour une très courte intervention.

M. Patrick Bloche. Nous faisons référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et au droit qu’a chaque citoyen internaute à un procès équitable, et cela nous conduit à l’aspect dissuasif et pédagogique du projet de loi. M. le rapporteur et Mme la ministre traitent avec un peu de légèreté les mails d’avertissement ou les recommandations qui seront envoyés : « Un petit mail pour faire un peu de pédagogie, ce n’est pas grand-chose, messieurs, dames ! »

Or c’est essentiel car, dans notre droit – c’est la raison pour laquelle nous tenons à cette référence à l’article 6 de la Convention –, les décisions au fond doivent exclusivement s’appuyer sur les éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Dans le présent texte, les avertissements ou les recommandations relèvent de la catégorie des actes administratifs qui produiront des effets dans la sphère juridique des titulaires d’un accès à Internet.

M. Christian Paul. Exactement !

M. Patrick Bloche. Le mail d’avertissement étant lui-même une étape qui amène à la sanction future, il devrait donc faire l’objet d’une possibilité de contestation par l’internaute. C’est une des grandes faiblesses de votre projet de loi que de ne pas prévoir une telle procédure. C’est pourquoi nous réclamons le respect des principes d’un procès équitable dès la première étape que constitue le mail d’avertissement. Nous voulons donc que soit inscrite dans la loi la référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu. Je veux revenir sur la question de la sanction. Il faut se souvenir que nous partons d’un système qui est d’une extrême violence : aujourd’hui, si on est pris en train de pirater, il n’y a que la voie judiciaire. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’en l’état actuel, il y a une disproportion totale entre la faute commise et la sanction, qui place dans une situation sans issue celle ou celui qui a piraté. Nous sommes donc en train d’établir un système qui sera, lui, progressif : un mail, puis une lettre avec accusé de réception, et ensuite, éventuellement, une suspension. Mais comme pour la suspension du permis de conduire, …

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Non, ce n’est pas pareil.

Mme Françoise de Panafieu. …il est évident que le but n’est pas de suspendre tout le monde. La possibilité de suspendre constitue une force de dissuasion…

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

Mme Françoise de Panafieu. …dont on se servira avec parcimonie. Et moins on aura à s’en servir, plus cela prouvera son efficacité. La ministre n’a jamais dit que cette sanction tomberait comme un couperet. Il est évident que nous ne nous situons pas du tout dans un tel schéma.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture etM. Guy Geoffroy. Absolument !

(L'amendement n° 248 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 48 de la commission des lois. Il est rédactionnel.

L’avis du Gouvernement est favorable.

(L'amendement n° 48 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 456.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. L’amendement vise à compléter l’alinéa 52 de l’article 2 par la phrase suivante : « Cette habilitation ne dispense pas de l’application des dispositions définissant les procédures autorisant l’accès aux secrets protégés par la loi. » Cette disposition concerne l’accès par les agents de la Haute Autorité aux secrets protégés par la loi. En effet, cet article ne précise pas les conditions de cet accès. Il est donc proposé de le compléter en ajoutant des dispositions identiques à celles prévues pour les agents de la commission nationale de l’informatique et des libertés, définies à l’article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s’agit de garantir que l’accès par les agents de la Haute Autorité à des informations protégées par la loi respectera les règles applicables en matière de protection du secret.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. C’est toujours très intéressant d’entendre la ministre de la culture employer un langage que l’on croyait vraiment réservé au ministre de l’intérieur ou, au mieux, à celui de la justice. Mais c’est sans doute, dans cette période de répression tous azimuts, une volonté délibérée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Ce genre de propos rappelle le Zénith !

M. Christian Paul. Monsieur Copé, je m’efforce de faire mon travail de législateur, comme d’autres ici, et de comprendre ce que vous voulez nous faire voter. C’est pourquoi je voudrais savoir, madame la ministre, qui sont ces agents assermentés qui vont être détachés auprès de la Haute Autorité : s’agit-il d’agents relevant des sociétés de droits d’auteurs ou de fonctionnaires du ministère de la culture mis à disposition de la Haute Autorité ?

De plus, je souhaite, madame la ministre, que vous éclairiez le législateur sur le sens de la fin de la phrase de l’amendement : « l’accès aux secrets protégés par la loi ». Nous traitons de musique, de culture, de création et, tout à coup, vont faire irruption dans le paysage culturel français des agents susceptibles d’avoir accès à des secrets légalement protégés ! Ma question s’adresse aussi à M. le rapporteur de la commission des lois puisqu’il est un excellent juriste : quels sont ces secrets protégés par la loi auxquels les agents de la HADOPI pourraient accéder ?... Le suspens est insoutenable dans l’hémicycle.

M. le président. Mme la ministre va vous répondre tout de suite, monsieur Paul, pour apaiser le suspens. (Sourires.)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Monsieur Paul, cet amendement a été demandé par le secrétariat général de la défense nationale.

M. Christian Paul. Ah !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. En effet, il ne faut pas que les agents de la HADOPI aient accès aux secrets classifiés.

M. Christian Paul. L’Assemblée n’est pas éclairée !

(L'amendement n° 456 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 349.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’amendement vise à supprimer les alinéas 53 à 56, qui portent sur les prérogatives de la commission de protection des droits. Cette structure, constituée de trois membres seulement, a des objectifs qui semblent irréalistes : même si un chiffre maximal de 1 000 a maintenant été fixé, ce seront tout de même plusieurs centaines d’avertissements qui devront être envoyés chaque jour. À ce sujet, j’ai une question très précise à vous poser, madame la ministre : le premier mail d’avertissement sera-t-il envoyé par les fournisseurs d’accès Internet ou par la commission de protection des droits ? Ce n’est absolument pas la même chose. Or, pour le moment, nous n’en savons rien.

Par ailleurs, je rappelle que, jusqu’à maintenant, les données des internautes ne pouvaient être obtenues que sur réquisition judiciaire. Dorénavant, une autorité administrative, la commission de protection des droits, pourra aussi les transmettre. Dans le projet de loi, vous précisez, à l’alinéa 53, que ses membres « procèdent à l’examen des faits et constatent la matérialité des manquements à l’obligation définie à l’article L. 336-3 [du code de la propriété intellectuelle] ». Au passage, je signale que cet article rend obligatoire le logiciel de sécurisation des ordinateurs alors que personne n’est en mesure, à ce jour, de promettre la réalisation d’un tel logiciel. Comment cette commission procèdera-t-elle à l’examen des faits et constatera-t-elle la matérialité des manquements ? Vous nous avez dit que les internautes contestant sa décision pourront lui faire parvenir leur disque dur, mais nous en avons déjà discuté, et une telle éventualité semble impossible en pratique.

En effet, lorsque l’internaute dispose d’une Live Box, l’adresse IP est celle de la Live Box et non celle de l’ordinateur. Dès lors, s’il y a quatre ou cinq ordinateurs derrière la Live Box, quel sera le disque dur que devront faire parvenir à la commission les internautes de bonne foi ? De plus, s’ils n’utilisent pas un ordinateur mais un système Live CD, comment feront-ils ? Je pourrais encore citer beaucoup d’autres exemples de ce genre. Ensuite, comment la commission pourra-t-elle prouver qu’elle a bien reçu le bon disque dur, celui sur lequel l’internaute est soupçonné d’avoir procédé à un téléchargement abusif, et non un autre ? Cet alinéa 53 qui porte sur la matérialité des manquements apparaît donc quelque peu ubuesque.

Quant à l’alinéa 54, il précise que les membres de la commission peuvent « obtenir tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques ». Or c’est en contradiction avec la LCEN – la loi pour la confiance dans l’économie numérique. J’y reviendrai.

M. le président. Il faut conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. Je poursuivrai mon argumentation lors de la défense de mes autres amendements, monsieur le président.

Cet amendement propose la suppression d’un certain nombre de dispositions précisant les missions de la commission de protection des droits parce que ces dispositions ne correspondent à aucune réalité concrète et n’ont aucune possibilité pratique d’être mises en œuvre.

M. Christian Paul. Très juste !

Mme Martine Billard. Avant de sombrer dans l’absurdité, il serait temps de s’arrêter.

M. Christian Paul. Ah oui ! Qu’on arrête !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n  349?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Madame le député…

Mme Martine Billard. Madame la députée !

M. le président. Le rapporteur s’exprime comme il l’entend, ma chère collègue. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Franck Riester. Les prérogatives des agents de la HADOPI sont strictement identiques à celles conférées aux agents de la CNIL par la loi de 1978. De plus, je rappelle qu’ils sont assermentés. Les dispositions prévues ne sont pas exorbitantes du droit commun puisqu’elles sont très répandues dans les autorités administratives indépendantes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable, pour les raisons que vient d’exposer le rapporteur. L’article 44 de la loi « Informatique et libertés », qui définit les prérogatives des agents enquêteurs de la CNIL, a directement inspiré ces dispositions du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Madame la ministre, vous n’appréhendez pas très bien le volume que tout ce dispositif est susceptible de constituer. Autant pour les dispositions applicables à la CNIL, on se base sur quelques centaines d’ordinateurs, autant ici, il s’agit de 1 000 e-mails par jour. En supposant que la moitié des internautes faisant l’objet d’un avertissement soient définitivement déclarés responsables, vous pouvez imaginer le nombre de disques durs que la commission va recevoir ! Cela va peut-être créer beaucoup d’emplois mais, en tout cas, il faudra réquisitionner des entrepôts pour mettre en œuvre ce dispositif. Au passage, je signale que la plupart de nos concitoyens ne savent absolument pas où se trouve le disque dur, et ils risquent de le confondre avec système d’alimentation de l’ordinateur, au prix de quelque danger pour celui qui le démontera.

On a évoqué l’envoi de 1 000 e-mails par jour.

M. Jean Dionis du Séjour. 10 000 !

M. Jean-Louis Gagnaire. En effet, mon cher collègue. Un certain nombre de nos concitoyens utilisent des anti-spams qui filtrent ce type d’e-mails envoyés en masse. Les anti-spams sont loin d’être parfaits, et ils bloquent parfois de bons e-mails. Il est donc tout à fait possible que des internautes ne reçoivent jamais les avertissements. Je vous invite d’ailleurs, si votre système est doté d’un anti-spams, à regarder ce qu’il a bloqué parce qu’il supprime parfois des e-mails que vous attendiez, où les envoie dans un fichier que l’on ne retrouve jamais. La procédure de réponse graduée que vous proposez révèle votre ignorance de la manière dont fonctionne réellement un ordinateur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mais si, mes chers collègues, et je vous invite à aller voir auprès de vos enfants ou de vos petits-enfants comment cela marche. C’est révélateur de l’impossibilité à mettre en œuvre les dispositions inscrites dans ce texte.

En tout cas, la matérialité ne sera jamais avérée puisque les plus aguerris ne téléchargeront pas avec les bonnes adresses IP. Ce stratagème est très facile à mettre en œuvre : avec un I-Phone, vous pouvez télécharger dans n’importe quelle rue de Paris le morceau de musique que vous souhaitez puisque nombre d’internautes ne protègent pas leur Live Box ou leur Free Box. Je peux vous en faire la démonstration quand vous le voulez. Avec votre dispositif, vous allez tomber sur monsieur et madame tout le monde, qui auront manqué de prudence, mais ne sauront même pas ce qu’on leur demande si d’aventure ils reçoivent les e-mails.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, je remarque que vous n’avez pas répondu à ma question, donc je la repose : qui va envoyer le premier mail d’avertissement ? les fournisseurs d’accès Internet ou la commission de protection des droits ?

M. Guy Geoffroy et Mme Muriel Marland-Militello, rapporteur pour avis. C’est la HADOPI !

Mme Martine Billard. Cette réponse ne veut rien dire puisque la HADOPI recouvre à la fois un collège et la commission de protection des droits ! On a besoin d’une réponse précise.

S’agissant des spams, je pourrais vous montrer de ces courriers non sollicités que nous recevons alors que le réseau de l’Assemblée nationale est ultra-protégé. Les services de l’Assemblée entretiennent très bien ce réseau mais, malgré cela, eux-mêmes ne parviennent pas à faire obstacle à l’ensemble des spams. Dès lors, prétendre que les internautes pourront sécuriser leur poste de travail me paraît irréaliste.

De plus, même les fournisseurs d’accès reconnaissent qu’un tiers des ordinateurs sont infectés par des virus, ces logiciels dits trojan qui viennent s’installer à votre insu sur votre disque dur. Ils peuvent ensuite lui faire effectuer des tâches qui, le plus souvent, sont malheureusement des escroqueries.

S’agissant des messages d’avertissement, madame la ministre, figurez-vous que de petits marrants – si j’ose dire – commencent déjà à envoyer des mails ainsi rédigés : « Votre adresse IP a été relevée comme ayant procédé à un téléchargement illégal. Veuillez cliquer sur le lien suivant. » Pour l’instant, ces mails présentent les défauts d’être en anglais et d’arriver avant le vote de la loi. Néanmoins cela montre que certains ont pris les devants. Quand la loi sera votée et que les petits astucieux auront traduit les messages en français, que se passera-t-il si vous cliquez sur le lien en pensant que le message vient de la HADOPI ? Vous arrivez sur un site totalement pirate. Et alors comment prouvez-vous votre bonne foi ? Si cela existe déjà en anglais, on peut imaginer que la version française ne va tarder à circuler.

M. Jean-Louis Gagnaire. La responsabilité de l’État s’impose !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Madame Billard, les mails seront envoyés par la Haute autorité et, bien sûr, le système sera complètement automatisé ; cela est possible et cela fait partie des engagements pris, lors des accords de l’Élysée, par les fournisseurs d’accès à Internet. En outre, je ne vois pas quel éditeur produira des logiciels anti-spams qui feraient obstacle aux messages de la HADOPI, une instance officielle. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Quelle candeur !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Bien sûr que non !

De toute façon, il est prévu d’envoyer aussi une lettre recommandée à l’abonné dont nous aurons toutes les coordonnées. On peut toujours imaginer des choses, mais il ne s’agit évidemment pas de démonter les ordinateurs et d’envoyer les disques durs etc. Nous prévoyons un système qui existe déjà dans de nombreux pays, fondé sur des avertissements et des alertes, et qui a fait ses preuves. Sa mise en place a provoqué à chaque fois un effondrement des téléchargements illégaux et du piratage. C’est exactement le résultat que nous voulons obtenir.

Il ne s’agit pas d’éradiquer et d’anticiper toutes les ruses susceptibles d’apparaître, même si nous pourrons d’ailleurs développer des systèmes et des logiciels pour les contrer.

Mme Martine Billard. Vous ne le pourrez pas !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Il existe des moyens pour le faire, et des sociétés spécialisées dans ce domaine !

M. Jean-Pierre Brard. Docteur Nostradamus !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Tout ce que nous voulons, comme beaucoup d’autres pays, c’est faire reculer massivement un piratage dont les conséquences sont énormes. C’est tout.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous discutons d’un point clé de ce texte : sa faisabilité. Notre devoir est de réagir à ces contrevérités successives et à cette accumulation de mesures impossibles à appliquer. Nous voyons en effet se dessiner une sorte d’escalade, avec des contre-mesures succédant aux mesures. Bonne chance pour empêcher les spams labellisés « rue de Valois » d’atteindre les boîtes mails des internautes ! La partie promet d’être intéressante.

Pourquoi sommes-nous inquiets, madame la ministre ?

Les raisons ne manquent pas, mais l’une est évidente : le risque de contentieux erronés, car nombre d’adresses IP seront utilisées à l’insu de leur titulaire. Ces situations précédemment évoquées par Mme Billard vont être terribles. Des ordinateurs très facilement infiltrés et baptisés « zombies » existent par centaines de milliers en Europe. Des téléchargements peuvent être effectués à partir de ces ordinateurs, totalement à l’insu de leurs propriétaires. Ce texte n’a pas pris en compte tous ces phénomènes.

Vous allez devoir gérer des milliers de situations dans des familles, des entreprises, des universités, des quartiers, des villages, alors que la technologie va vous échapper totalement. Il ne s’agit pas d’impuissance publique mais d’une réalité du réseau contre laquelle il ne sert à rien de s’insurger sans l’avoir très sérieusement étudiée.

Pour en revenir à l’amendement de Mme Billard, nous ne savons toujours pas qui seront ces agents assermentés, madame la ministre. Des fonctionnaires du ministère de la culture ? Des agents privés salariés des sociétés de droits d’auteur ? Qui sont-ils ? Vous n’arriverez même pas à définir leur nombre, ce qui est inquiétant.

En ces temps de pénurie budgétaire et de suppression de postes dans la fonction publique, monsieur Copé, grâce à la HADOPI vous allez créer des emplois publics, mais nous ne savons pas combien. Je repose donc solennellement cette question à laquelle M. Copé pourra peut-être répondre si Mme Albanel ne le peut pas : Combien d’agents du ministère de la culture et combien d’agents privés assermentés des sociétés de droits d’auteur seront-ils mobilisés pour rejoindre les magistrats de la HADOPI ? Cette question est tout de même légitime ! Comment voulez-vous que ce projet de loi soit discuté par l’opposition et voté par la majorité, si vous ne nous apportez pas quelques infirmations sur des questions aussi élémentaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je veux simplement préciser qu’il ne s’agira pas d’agents du ministère de la culture, mais d’agents publics contractuels dont le nombre sera fonction du volume nécessaire…

M. Jean-Pierre Brard. Des contractuels, des intermittents du contrôle, il ne manquait plus que ça !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …et qui seront assermentés après enquête. En quoi est-ce extraordinaire ? Quand il s’agit d’Internet, il y a un blocage complet…

M. Jean-Pierre Brard. C’est vous qui êtes bloquée ; nous allons vous débloquer !

M. le président. Monsieur Brard !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Monsieur Jean-Pierre Brard, comment pouvez-vous me dire une chose pareille ! Cette phrase m’étonne beaucoup de votre part !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Internet provoque tout à coup une sorte de tétanie ; on ne devrait faire appel qu’à des fonctionnaires, comme s’il fallait rendre absolument impossible toute lutte efficace contre le piratage. Il n’est pas inutile de rappeler que le système prévu a été élaboré de façon interprofessionnelle avec les fournisseurs d’accès à Internet pour essayer de défendre les droits des auteurs. On dirait qu’on veut absolument empêcher son adoption, en multipliant les obstacles les plus extraordinaires et les exigences les plus inouïes.

Cette structure à créer emploiera, en effet, des agents contractuels dont on ne peut pas préciser le nombre à cette minute, mais qui seront assermentés donc soumis à une enquête très précise. Toutes les précautions seront prises. Que voulez-vous que j’ajoute ?

(L'amendement n° 349 n'est pas adopté.)

M. Patrick Roy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Depuis le début de la séance et malgré tous mes efforts, je ne comprends pas quelque chose qui a trait à la forme et non au fond du débat. Je le précise puisque vous insistiez, monsieur le président, pour que nos rappels au règlement portent sur la forme.

Lors de la discussion d’un projet de loi, il existe souvent des oppositions droite-gauche, chacun défendant ses convictions et son point de vue, ce qui est bien normal. Cependant, dans le cas présent, l’opposition a développé beaucoup d’arguments sur le caractère techniquement irréalisable de certaines mesures, et la ministre ne répond pas ; d’ailleurs, elle n’écoute pas. Par conséquent, je m’interroge : sommes-nous en train d’élaborer une loi inapplicable ? Ainsi, j’ai bien compris – et cela n’a pas été démenti – qu’une bonne partie des 10 000 mails maximum qui seront envoyés, ne sera pas reçue par les internautes.

M. le président. Monsieur Roy, nous ne sommes pas dans un rappel au règlement. D’abord, vous reprochez à la ministre de ne pas vous écouter ; or un rappel au règlement s’adresse au président. Ensuite, nous ne sommes vraiment pas dans le sujet.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 249.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Après Mme Billard qui l’a fait précédemment de manière très précise, nous voulons vous inviter à relire très attentivement et à supprimer les alinéas nos54 à 56 de ce texte.

D’abord, madame la ministre, je reviens sur les agents de la Haute autorité. Alors qu’à plusieurs reprises, au cours de la préparation de ce texte, il a été question d’agents assermentés des sociétés de droits, ce soir vous évoquez des fonctionnaires contractuels. Au moment de débattre de la suppression de ces alinéas, j’aimerais que vous ne nous éclairiez sur la nature de cette cohorte de fonctionnaires contractuels ou d’agents des sociétés de droits, destinée aux interceptions électroniques sur le réseau.

Nous souhaiterions également un minimum d’informations – sous une forme pas trop technique, car il n’y a que peu d’informaticiens parmi nous – sur la manière dont les contrôles vont se dérouler. En fait, il s’agit d’écoutes électroniques, des écoutes téléphoniques appliquées à l’Internet. Sur ce réseau mondial, comment allez-vous déployer ces agents assermentés afin de constituer le délit ?

Qui seront ces agents ? Comment vont-ils procéder ? La réponse à ces deux questions nous aiderait à apprécier notre amendement et à décider si nous le maintenons ou pas.

Nous aurions aussi beaucoup de choses à dire sur caractérisation du délit – un point essentiel de ce débat –, et sur les preuves qui doivent l’entourer. Nous avons besoin de comprendre la méthode, en tant que membres du Parlement et comme tout citoyen français. À quel niveau seront recrutés ces agents, des techniciens, je suppose ? Puisqu’ils seront assermentés, le processus sera long et compliqué. Nous aimerions en savoir un peu plus. Comment vont-ils travailler ? Avec quels moyens ? Où seront-ils basés : au SGDN, dans le sous-sol des Invalides ? Nous ne le savons pas et nous voulons le savoir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Même avis que pour l’amendement précédent puisqu’il s’agit du même en plus restrictif : il vise à la suppression des alinéas nos 54 à 56, alors que le précédent demandait celle des alinéas nos 53 à 56.

M. Christian Paul. Vous ne répondez jamais !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. Je répète que la CNIL, l’Autorité des marchés financiers ou l’Autorité de la concurrence recrutent exactement le même type d’agents assermentés, techniciens ou juristes en fonction des besoins.

M. Christian Paul. Nous sommes bien avancés !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. La réponse n’est pas très précise, madame la ministre. D’ailleurs, la HADOPI n’a pas du tout les mêmes besoins en nombre de techniciens que la CNIL ou l’AMF.

En outre, vous expliquez que la Haute autorité enverra un mail et que vous ne voyez pas où est le problème. Si telle était la réalité, les internautes qui essaient de consulter leur compte en banque ne se feraient pas avoir comme cela leur arrive parfois. Malheureusement, il existe des experts en informatique capables de simuler des envois de mails officiels, par exemple. Nous risquons donc de voir apparaître des simulations de mails de la HADOPI.

La lettre recommandée soulève un autre problème : vous pouvez avoir une connexion chez un fournisseur d’accès à Internet, mais utiliser une boîte mail d’un autre fournisseur.

M. Christian Paul et M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Martine Billard. Ces internautes ne recevront jamais le message envoyé par leur fournisseur d’Internet.

M. Guy Geoffroy. C’est bien pour cela qu’il y a les deux : mail et lettre recommandée.

Mme Martine Billard. Alors, ils n’auront pas reçu le premier message, et ils auront peu de temps pour apporter la preuve de leur bonne foi.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez semblé lever le pied au sujet des chiffres sur lesquels vous insistiez tant à chacune de vos interventions publiques et de vos auditions devant les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale, chiffres qui sont gravés dans nos esprits. « Le projet de loi “Création et Internet” », déclariez-vous, « sera calibré au départ » – on imagine ce que ce sera à l’arrivée ! – « pour envoyer 10 000 e-mails d’avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 décisions de suspension d’abonnement chaque jour. » C’est sur la base de ces statistiques, et en fonction du nombre d’agents de la HADOPI – puisque nous le savons grâce à Mme Marland-Militello –, que notre collègue M. Tardy a calculé qu’une décision de suspension devrait intervenir, me semble-t-il, toutes les 23,5 secondes.

M. Lionel Tardy. Non, 25 !

M. Patrick Bloche. C’est cela, 25 secondes ; j’étais un peu sévère avec le Gouvernement.

En proposant de supprimer les alinéas 54 à 56 – ou 53 à 56 avec l’amendement précédent –, nous voulons insister sur une question essentielle, dont le projet de loi ne parle pas : que se passera-t-il avant que la HADOPI ne soit saisie ? Cela reste flou, de sorte que les SPRD, les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et droits voisins, et le CNC, qui sont visés un peu plus loin dans le texte, feront inévitablement appel à des entreprises privées pour traquer les internautes. Curieusement, le projet de loi ne dit rien sur cet aspect, et nous n’avons donc aucune garantie.

Nous avons été plusieurs à vous interpeller sur le sujet, madame la ministre. Que se passera-t-il pour les internautes que vous voulez traquer, et qui verront leur abonnement suspendu après avoir reçu des e-mails d’avertissement ? Comment les entreprises privées opéreront-elles ? Qui les labellisera ? Le texte ouvre la porte à toutes les dérives dans la surveillance de l’Internet.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La détection est l’une des deux parties un peu critiques du projet de loi, l’autre étant la sanction, en l’occurrence la suspension de l’abonnement.

S’agissant de la détection, madame la ministre, il y a tout intérêt à répondre clairement aux points soulevés par l’opposition. Pourquoi ne pas dire clairement que ce sont les ayants droit qui seront chargés de l’identification des adresses IP pirates ?

M. Christian Paul. Voilà !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est bien ce qui se passera, nous le savons.

M. Christian Paul. Mais ce n’est pas ce qu’a dit Mme la ministre !

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut clarifier notre débat sur ce point.

M. Patrick Bloche. En effet, vous venez de le faire.

M. Jean Dionis du Séjour. Quant à l’identification des abonnés, ce sera le travail des FAI, les fournisseurs d’accès à l’Internet : le dispositif est à peu près clair à cet égard.

Au Nouveau Centre, nous soutenons la riposte graduée, même si nous avons des réserves sur les sanctions, à commencer par la suspension de l’abonnement ; en tout état de cause, il faut un volet répressif, nous l’avons toujours dit, et celui qui est proposé nous semble le mieux proportionné.

Cela dit, on peut reconnaître une part de vérité à l’argument de nos collègues socialistes lorsqu’ils parlent d’un système imparfait, lequel sera en effet victime de cryptages ou de contournements. A-t-on mieux à proposer, cependant, sur le volet répressif, pour autant qu’on le juge comme nous nécessaire ? La détection des contrevenants et la sanction proportionnée, assortie de pédagogie, est à nos yeux la meilleure solution aujourd’hui.

Le système de détection est à peu près solide, avec la répartition des rôles entre les ayants droit et le FAI : pourquoi, madame la ministre, laisser planer le brouillard sur ce point ? Bien que ce système soit imparfait et contournable, il est ce que nous avons de mieux en magasin à l’heure actuelle. C’est pourquoi les centristes l’approuvent.

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Nous sommes au cœur du problème. Certains d’entre nous, sur tous les bancs, s’inquiètent d’un flou artistique qui, compte tenu des rapides avancées technologiques, rendrait inefficace un texte dont les intentions – la lutte contre le piratage et la protection de la création – sont par ailleurs louables. La multiplicité des contrôles paraît en effet invraisemblable, de même que les sanctions prévues. Au surplus, ce que nous avons tous reçu dans nos boîtes à e-mails à l’occasion de ce débat montre qu’il existe de nombreux moyens de contourner les adresses IP ou de mettre en place des systèmes récurrents, de sorte que les vrais coupables resteront impunis.

J’approuve l’idée d’un système d’avertissement qui ne soit pas trop dommageable, et qui permettrait à chacun de s’y retrouver. La question de la sanction, dont nous débattrons plus tard, restera posée ; mais il nous faut répondre à celle de savoir qui fait quoi.

Aux États-Unis, que l’on cite souvent comme étant le premier pays à avoir mis en place la réponse graduée, il était clair dès le départ que le contrôle était assuré par les fournisseurs d’accès et les ayants droit. Ayons donc le courage de le dire. La précision serait utile, car on ne va pas tirer les contractuels d’un chapeau. Ira-t-on chercher des hackers, experts en la matière, lesquels recevraient ainsi la rançon de leurs actes, comme ce fut le cas aux États-Unis avec des systèmes tels que BitTorrent ?

M. Dionis du Séjour a raison : il faut être précis ; faute de quoi, on ne cessera d’intenter à la HADOPI le même procès en sorcellerie, à tout le moins sur la réponse graduée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Il ne s’agit que d’en rester à la situation actuelle : nous n’avons jamais rien dit d’autre. Ce sont les ayants droit, à savoir les sociétés d’auteurs telles que l’ALPA ou la SACEM, qui repèreront les adresses IP sur les sites de téléchargement.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis. Exactement !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Inutile, monsieur Paul, de prendre cet air stupéfait.

M. Christian Paul. Vous vous contredisez !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Absolument pas ! Nous ne parlons que de la détection. Les ayants droit saisiront ensuite la Haute autorité plutôt que la justice : c’est la seule différence.

Quant aux agents contractuels, ce seront de « petites mains » au service de la Haute autorité. Comme vient de l’observer Alain Suguenot, dans les autres pays, les fournisseurs d’accès, soucieux d’entretenir de bonnes relations avec les ayants droit, c’est-à-dire avec les fournisseurs de contenus, envoient eux-mêmes les e-mails d’avertissement et, le cas échéant, suspendent l’accès à l’Internet, ce qui prouve qu’on peut bien le faire.

En France, nous sommes plus exigeants sur la protection des données personnelles ; on se tourne plus volontiers vers la puissance publique et, pour avoir le maximum de garanties, on crée des autorités indépendantes, en l’occurrence la HADOPI, comme l’ont souhaité les fournisseurs d’accès et les ayants droit. Cette formule, particulière à notre pays, en intéresse beaucoup d’autres, qui seront très attentifs à sa mise en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je crains, madame la ministre, qu’en dépit de vos louables intentions vous n’ayez pas clarifié le débat.

Les personnels de la HADOPI, avez-vous longuement expliqué, seront des agents publics.

Mme Martine Billard. Contractuels !

M. Guy Geoffroy. Comme dans toutes les hautes autorités !

M. Christian Paul. En effet, contractuels : il faut bien les précariser un peu, pour ne point choquer Bercy !

Plus sérieusement, madame la ministre, vous nous avez d’abord expliqué que ces agents contractuels opéreraient dans une autorité d’abord composée de magistrats. Puis vous avez rappelé que les sociétés de gestion des droits disposent d’agents assermentés qui ont la possibilité de procéder à des interceptions électroniques.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Oui !

M. Franck Riester, rapporteur. C’est cela !

M. Christian Paul. Mais là où vous vous trompez, c’est que, pour atteindre vos objectifs, à savoir des milliers de détections puis de sanctions, il faudra que les agents desdites sociétés soient beaucoup plus nombreux.

Vous vous apprêtez donc à donner un débouché administratif à une police privée, à défaut de lui donner un débouché judiciaire. Vous voulez mettre en place une véritable Armada, dont je ne suis pas sûr qu’elle soit invincible, puisqu’elle est déjà contournée ; en tout cas, la nature du système est radicalement différente. On commence d’ailleurs à en comprendre l’organisation : une police privée au rez-de-chaussée et, à l’étage, c’est-à-dire au sein de la HADOPI, un nombre indéterminé de fonctionnaires contractuels, lesquels apprécieront d’avoir été qualifiés de « petites mains ». C’est un dispositif ahurissant, d’une lourdeur incroyable et, comme on l’a noté, attentatoire aux droits.

(L'amendement n° 249 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l’amendement n° 352.

M. Jean-Pierre Brard. Notre débat est irréel. Certaines avancées technologiques ouvrent des espaces de liberté, notamment pour les jeunes. Depuis hier, avec le président Accoyer, nous recevons des collègues du Bundestag. Ce midi, monsieur le président, nous leur avons expliqué ce que le Gouvernement entend faire avec l’Internet.

M. Christian Paul. Et ils ne vous ont pas cru !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait ! Les Allemands sont des gens organisés : les règles, ils connaissent.

M. le président. Monsieur Brard, je n’ai pas assisté à cette discussion.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez eu tort !

M. le président. Je ne peux donc pas en témoigner !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, monsieur le président, je ne parlais pas d’une séance publique.

M. le président. Très bien, vous me rassurez !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne prétends pas que vous soyez amnésique.

M. le président. Je vous remercie. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Les progrès de la technologie, madame la ministre, vous font peur et vous tétanisent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Je trouve Mme la ministre très détendue, au contraire !

M. Jean-Pierre Brard. Pour les transports, on va sans doute revenir à la chaise à porteurs et à la marine à voile ! Et, pour l’éclairage, à la lampe à huile !

Il faut au contraire avoir confiance, madame la ministre. Or vous préférez un système en dehors de la justice, ou plutôt, un système qui constitue une justice d’exception, car vous n’avez pas confiance en la justice. Toutes ces hautes autorités, qui visent à museler le droit d’expression, témoignent, elles aussi, de la dérive autoritaire du régime.

M. Guy Geoffroy. C’est toujours le même discours !

M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous donner la preuve, monsieur Geoffroy, que vous voulez nous faire revenir à la préhistoire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Vous êtes un expert !

M. Jean-Pierre Brard. Non, je ne suis pas préhistorien, moi !

M. Jean-François Copé. Ça dépend des sujets !

M. Guy Geoffroy. Le pithécanthrope communiste !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous en avez le profil !

M. le président. Monsieur Brard, je trouve que l’air de la Haute-Savoie vous a mis particulièrement en forme.

M. Jean-François Copé. La congélation lui réussit ! Brard, c’est Hibernatus ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les échanges avec nos collègues du Bundestag qui sont stimulants !

Permettez-moi donc de vous lire un article de la revue Science & Vie de mai 1980.

M. Guy Geoffroy. C’était avant la préhistoire !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, pour les jeunes, c’est déjà la préhistoire. Et qu’écrivait-on, en cette période préhistorique ?

« En 1978, lorsque la firme Sony annonça aux États-Unis qu’elle allait commercialiser son magnétoscope Betamax, deux des plus grosses firmes de cinéma, Universal et Walt Disney Productions, contre-attaquèrent aussitôt et déposèrent plainte, demandant que Sony cesse la fabrication et la distribution de son appareil, ou le modifie de façon qu’il ne puisse enregistrer des films protégés par les lois sur les droits de reproduction. »

Vous êtes, aujourd’hui, dans la même situation. Est-ce que Walt Disney ou Universal ont fait faillite ? Bien sûr que non ! Leurs préventions ont été balayées par les évolutions de la technologie. Des espaces de liberté se sont ouverts, et c’est ce que vous refusez aujourd’hui.

M. Bernard Gérard, rapporteur pour avis. On ne peut tout de même pas défendre les pirates !

M. Jean-Pierre Brard. Nous, nous ne nous inscrivons pas dans une logique répressive. Notre collègue Jean Dionis du Séjour se bat avec courage, mais toujours dans la demi-mesure, ce qui est normal pour un centriste.

M. Jean Dionis du Séjour. Ne me provoquez pas ! Vous verrez, demain ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous êtes neutre.

M. le président. Absolument, mais je vous demande simplement de modérer vos propos. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. M. Dionis du Séjour, la mort dans l’âme, s’inscrit donc néanmoins dans une logique répressive, contrairement à nous.

Dans un certain sens, madame la ministre, défendre cet amendement, c’est une façon de vous aider à éviter la censure du Conseil constitutionnel.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas beaucoup parlé jusqu’à présent, monsieur le président.

M. le président. Mais vous aurez l’occasion de beaucoup parler à l’avenir ; je n’ai aucune inquiétude à ce sujet. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. En permettant à l’HADOPI de demander l’identification des personnes utilisant une adresse IP collectée par les sociétés d’auteurs en dehors de toute intervention de l’autorité judiciaire, le projet de loi est en effet contraire à la décision du Conseil constitutionnel. Notre amendement propose de combler l’une des béances juridiques de votre projet en renonçant à la procédure d’exception et en réintroduisant l’autorité judiciaire dans le dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Mallot. Proposez un siège à M. Copé ; il va se fatiguer à rester debout !

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable. Les agents de l’HADOPI seront assermentés, ce qui constitue une garantie. Cela se fait dans de nombreuses autorités administratives indépendantes qui ont le pouvoir de sanction.

Je vous rappelle, pour vous rassurer, qu’une personne qui se verra suspendre son accès à Internet pourra former un recours devant le juge judiciaire. Il n’est donc absolument pas nécessaire de voter votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. Le recours à l’autorité judiciaire, comme préalable à l’instruction des dossiers par la haute autorité, entraverait totalement son action. Cette formalité ne s’impose donc pas. Par une jurisprudence constante en matière de traitement de données personnelles, le Conseil constitutionnel a validé à de multiples reprises les dispositifs identiques à celui de la haute autorité : pour les données nécessaires à la constitution du dossier médical personnel, par décision du 12 août 2004 ; pour les dossiers personnels de santé, par décision du 23 juillet 1999 ; pour l’utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d’activités de police judiciaire, par décision du 13 mars 2003.

Du reste, qui le législateur a-t-il institué comme protecteur de la vie privée en matière de données personnelles ? Une autorité administrative indépendante, la CNIL. C’est dire que toutes les précautions sont réunies. Il est évident que, si l’on introduisait le dispositif que vous évoquez, tout le système exploserait.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je constate que ni le rapporteur, M. Riester, ni la ministre, Mme Albanel, n’ont répondu à propos des exemples pourtant très convaincants que j’ai évoqués et qui prouvaient que la majorité est hors du temps et des évolutions.

Sans doute M. Riester a-t-il des circonstances atténuantes : à l’époque dont je parlais, il était en culottes courtes et je peux comprendre qu’il n’ait pas l’épaisseur de l’histoire pour adopter une position plus raisonnable. En revanche, vous, madame la ministre, (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) vous pouviez être épaulée par vos services.

Ne voyez aucune malice dans ce propos !

Vous appelez la CNIL à la rescousse, madame la ministre, mais vous n’en voulez pas dans la loi HADOPI !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Mais si !

M. Jean-Pierre Brard. Vous dites que l’on pourra avoir recours au juge, mais ce sera après qu’on aura été injustement harcelé, après qu’on aura vu, dans certains cas, son ordinateur perquisitionné. Vous savez bien que tout cela est possible. Imaginez ce que vivra une personne démunie, ignorante des pratiques. Avoir recours au juge, cela coûte de l’argent. Cette façon de grignoter les libertés n’est pas supportable ; vous refusez pourtant cet amendement modeste, de compromis.

Il faut donc chercher, derrière tout cela, votre véritable intention. Votre objectif n’est pas de protéger les créateurs ou les artistes, sinon vous interviendriez pour que les majors les exploitent moins et leur restituent une plus grande part de ce qu’ils touchent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais, cela, vous ne voulez pas en entendre parler. Vous roulez donc pour le compte des majors et vous habillez votre discours pour dissimuler votre objectif principal, sous l’œil vigilant de M. Copé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Il est vrai, monsieur Brard, que, contrairement à Franck Riester, mon grand âge m’a permis de voir l’arrivée du magnétoscope.

M. Jean-François Copé. Les propos de M. Brard étaient particulièrement inélégants à votre égard !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. À l’époque, il y avait une lutte contre la concurrence. En l’espèce, nous admettons qu’Internet est un immense progrès et nous souhaitons au contraire tout faire pour son essor. De même, nous voulons tout faire pour favoriser l’offre légale, qui est d’ailleurs de plus en plus vaste en matière de musique ou de cinéma. Nous essayons simplement de lutter contre le piratage…

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …contre le téléchargement illégal, contre de petits vols qui lèsent les auteurs.

M. Jean-Pierre Brard. Pour les petits vols, pensez aussi à regarder du côté de la Société générale ! Là, on est servi !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Pourquoi sommes-nous aussi désireux de voir le juge jouer son rôle dans la procédure ? Je voudrais le dire à M. Copé, avant qu’il ne nous quitte.

M. Jean Mallot. Il va, il vient !

M. Christian Paul. Il y a quelques mois, des professeurs de l’université de Washington ont voulu démontrer que l’Internet ne se prêtait en aucune manière au type de détection que vous voulez imposer avec la loi HADOPI. Ils ont testé scientifiquement la façon dont agissent les sociétés de surveillance ; tel est, aux États-Unis, le nom qu’on donne aux agents des sociétés d’auteurs qui tentent d’identifier les téléchargements. Leur expérience a réservé bien des surprises, monsieur Riester, et vous auriez dû les méditer. Cela vous aurait conduit à reconnaître la grande fragilité du dispositif et à conclure qu’il vaudrait mieux faire intervenir le juge.

N’importe quel internaute peut être accusé de piratage ; ce qui, chez nous, lui vaudrait d’être condamné à la coupure. N’importe quel internaute peut même faire accuser n’importe qui de piratage.

Ces scientifiques américains ont réussi à faire confluer des centaines de plaintes, comme celles que vous entendez diffuser, sur treize machines de l’université de Washington qui n’avaient jamais vu la couleur d’un fichier illégal. Parmi ces machines figuraient trois imprimantes et un routeur wifi !

C’est dire, mes chers collègues, qu’on atteint, avec ces propositions, des sommets d’absurdité. On sait ce qui va se passer. Vous allez tenter d’envoyer des dizaines de milliers de mails à des utilisateurs d’Internet qui, pour certains, ne les recevront pas, à des adresses IP qui auront été utilisées de façon aléatoire. Le grand jeu, sur la toile, sera de provoquer l’intervention de l’HADOPI. À votre contrôle automatisé, il sera répondu, préventivement, par des offensives tout aussi automatisées : vous savez bien qu’elles sont déjà en préparation. Nous allons atteindre un degré de confusion qui ne permettra pas à votre texte de fonctionner plus de quelques semaines ou, au mieux, de quelques mois.

Si nous étions cyniques, madame la ministre, nous vous laisserions faire, mais, comme nous sommes porteurs de l’intérêt général, nous préférons vous conseiller de vous arrêter, de regarder ce qu’est l’Internet, au lieu de vous obstiner dans la mauvaise voie où vous ont poussée certains esprits peu avertis.

Voilà pourquoi le juge doit, à un moment donné, reprendre la main. Avez-vous peur des juges ? Avez-vous peur de la justice ?

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Christian Paul. Il est extraordinaire que vous persistiez dans cette entreprise : c’est un peu comme si vous cherchiez à puiser de l’eau avec un filet à papillons ! Demandez au juge de remettre un peu de bon sens dans cette affaire, et finissez-en avec la robotisation de la justice.

(L’amendement n° 352 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 49 de la commission est rédactionnel.

(L’amendement n° 49, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir amendement n° 350.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, vous dites que les sociétés d’auteurs repèrent déjà les adresses IP. C’est bien le problème ! Ces sociétés collectent les adresses IP d’internautes censés télécharger abusivement des œuvres que les ayants droit n’ont pas mises à leur libre disposition, mais elles ne vont pas vérifier que les adresses IP communiquées par le serveur, ou tracker, correspondent bien à des personnes téléchargeant illégalement des œuvres par le biais du P2P. Elles ne vont pas vérifier que ces œuvres sont stockées sur le disque dur d’un ordinateur et qu’il y a donc bien un délit.

À l’heure actuelle, quand ces sociétés constatent un téléchargement sporadique, elles renoncent à engager des poursuites : la justice coûte cher, et le jeu n’en vaut la chandelle que lorsqu’elles ont repéré quelqu’un qui profite du système, en revendant, par exemple, les œuvres téléchargées, ce qui est absolument inadmissible.

Avec votre système, ces sociétés vont transmettre toutes les adresses IP qu’elles auront collectées, sans avoir vérifié qu’elles correspondent à des ordinateurs contenant des œuvres téléchargées abusivement. La commission demandera donc aux FAI de communiquer l’identité des titulaires des adresses IP. Nous vous avons expliqué trente-six fois que cela ne prouvait rien.

Lors de votre audition en commission, madame la ministre, vous aviez dit que « l’usager sera en mesure d’établir sa bonne foi pendant la phase contractuelle s’il peut prouver, par exemple, qu’il n’était pas chez lui au moment des faits ». On ne voit pas très bien le rapport : d’une part, on peut télécharger de n’importe où, c’est le propre d’Internet ; d’autre part, on peut être chez soi et ne pas être responsable du téléchargement, car la connexion peut avoir été piratée. Votre argument paraît donc un peu bizarre.


Nous avons déjà eu ce débat à propos d’un jugement rendu par le tribunal de Guingamp, qui a estimé qu’un internaute ne pouvait être considéré responsable de l’incrimination qui lui était faite par le seul biais de son adresse IP. Peu importe, nous avez-vous expliqué : la Cour de cassation fait jurisprudence.

M. Lionel Tardy. Cela n’a rien à voir !

Mme Martine Billard. En effet : cela n’a rien à voir.

Dans ce cas précis, il est prouvé que l’internaute incriminé n’était pas coupable : les faits se sont produits dans sa résidence secondaire, à un moment où il ne s’y trouvait pas. N’étant pas là au moment des faits, il a pu – cas rare – prouver qu’il ne pouvait pas être jugé responsable sur le seul fondement de son adresse IP. La Cour de cassation n’a rien à voir là-dedans.

D’alinéa en alinéa, madame la ministre, vous ajoutez des dispositifs dont il est aisé de prouver qu’ils ne tiennent pas la route. C’est pourquoi mon amendement propose de supprimer l’alinéa en question.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable : nous avons déjà débattu de cet alinéa.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis.

Mme Martine Billard. Les réponses sont un peu courtes !

M. Christian Paul. On sent la fatigue !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Depuis le début de cette séance, comme lors de la précédente, nous apprenons des choses bien étonnantes en matière de séparation des pouvoirs, s’agissant notamment du jugement que chaque pouvoir porte sur les autres. Je pense en particulier à la justice.

M. Guy Geoffroy. La justice n’est pas un pouvoir !

Mme Sandrine Mazetier. Ainsi, je m’étonne que des magistrats indépendants soient considérés comme une menace de traumatisme pour quiconque est poursuivi, d’ailleurs par faut-il le dire ? on ne sait trop qui, puisque vous n’avez pas été clairs à propos de la recherche et de la collecte préalables à la saisine de la HADOPI.

Ces personnes – de pauvres retraités, par exemple – qui se trouvent à leur domicile lorsque le téléchargement illicite est effectué, et qui ne résident pas dans une zone du territoire couverte par les réseaux publics sans fil, se verront néanmoins privés de leur droit à utiliser leur connexion à Internet et, par la même occasion, suspendus de leur abonnement téléphonique. Pourtant, ils ne pourront pas avoir recours à une instruction sous l’égide de l’autorité judiciaire.

La justice protège avant tout ; elle ne condamne pas forcément. Elle offre une meilleure protection aux personnes incriminées, ainsi qu’aux ayants droit, que le dispositif que vous nous décrivez avec la plus grande difficulté, et dont tous nos collègues, quels que soient leurs bancs, ont démontré qu’il pouvait être facilement contourné.

Ainsi, non seulement vous n’atteindrez pas les objectifs fixés, mais vous allez jeter des milliers de nos concitoyens dans l’inquiétude. En effet, recevoir une lettre recommandée n’a peut-être aucune importance pour vous mais, pour beaucoup de personnes qui, en ce moment, accumulent les impayés parce que leur situation est difficile, c’est un véritable traumatisme ! Ignorer vers qui se tourner, ignorer que la justice à un rôle à jouer dans la procédure où ils sont projetés, voilà une véritable inquiétude ! En plus d’être inefficace, c’est donc particulièrement injuste.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Riester, rapporteur. La commission des droits qui va gérer les sanctions, madame Mazetier, est précisément composée de magistrats indépendants. Ne prétendez donc pas que nous avons peur des magistrats indépendants, puisqu’ils siègeront dans cette commission.

Par ailleurs, vous évoquez le cas de personnes âgées qui se trouveraient sanctionnées. Halte là : nous parlons de personnes qui continuent de pratiquer le téléchargement, récidivistes après plusieurs avertissements ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si lesdites personnes âgées estiment qu’elles ne commettent aucun téléchargement illégal, elles auront, dès le premier avertissement, les coordonnées de la HADOPI et pourront la contacter afin de lui transmettre leurs observations. (Non ! Non ! sur les bancs du groupe SRC.) Si d’aventure elles reçoivent un deuxième avertissement, elles pourront de nouveau soumettre leurs observations à la HADOPI ; au stade de la sanction éventuelle, elles pourront engager une « transaction », ou une discussion avec la HADOPI.

M. Patrick Bloche. Si la HADOPI le veut bien !

M. Franck Riester, rapporteur. Non : elles pourront soumettre leurs explications à la HADOPI de manière contradictoire. À l’issue de ces étapes, elles auront la possibilité, le cas échéant, former un recours devant le juge judiciaire, qui pourra être suspensif.

Soyons donc sérieux : nous sommes là pour faire respecter le droit, y compris sur Internet, en misant d’abord sur la prévention et en respectant toutes les procédures contradictoires. Évitons donc les propos caricaturaux qui ne font pas avancer le débat !

M. Patrick Bloche. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Non : le débat est clos. Vous avez posé vos questions, qui ont eu leurs réponses.

M. Patrick Bloche. Autant de contrevérités !

(L'amendement n° 350 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy pour défendre l’amendement n° 115.

M. Lionel Tardy. La procédure devant la HADOPI a pour point d’aboutissement la possibilité de prononcer une sanction en vertu de textes répressifs ; nous sommes tous d’accord sur ce point. Le Gouvernement semble considérer que la suspension de l’accès à Internet n’est qu’une sanction administrative. Pour ma part, j’en fais une interprétation différente : j’estime qu’il s’agit d’une sanction devant être prononcée par un juge, à l’issue d’une procédure conforme aux grands principes constitutionnels du respect des droits de la défense et de la contradiction.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Lionel Tardy. Dans ses observations, la Commission européenne avait posé au Gouvernement une question très pertinente : comment justifier le fait qu’un organe administratif – la HADOPI – et non un organe judiciaire, dispose du pouvoir de décider s’il y a violation ou non du droit d’auteur ? J’aimerais connaître votre réponse, madame la ministre, car cela pose problème.

Je vous propose donc un amendement visant à réserver le prononcé des sanctions à un juge judiciaire. Le rôle de la HADOPI serait purement pédagogique. Comme le Gouvernement, dans sa communication, nous indique que le simple envoi d’un message a un effet sur 90 % des pirates, qui arrêtent alors de télécharger illégalement, le nombre de menaces directes de suspension d’abonnement à Internet devrait être limité, et ne poser aucun risque d’engorgement massif des tribunaux, comme vous l’avez indiqué.

Cet amendement permettrait d’atteindre un équilibre entre l’efficacité de la lutte contre le piratage et le respect de nos principes constitutionnels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Franck Riester, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raison qu’à l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Même avis. Nous avons déjà expliqué, lors de l’examen de l’amendement n° 352, les raisons pour lesquelles l’intervention d’un juge n’est pas requise.

Je répète que le Conseil constitutionnel a, à de multiples reprises, confirmé la possibilité pour une autorité non judiciaire de traiter des données personnelles, dès lors que la procédure est encadrée par le législateur et qu’elle vise à assurer le respect d’autres exigences constitutionnelles – ce qui est le cas ici, puisqu’il s’agit du droit de propriété des auteurs, que l’on ne cesse de perdre de vue.

M. le président. La parole est à M. Patrice Bloche.

M. Patrick Bloche. On ne peut tout de même pas laisser dire autant de contrevérités. J’ai presque envie de demander à Mme la ministre et à M. le rapporteur d’assumer enfin leur texte et ses conséquences ! En effet, c’est de ce texte dont nous débattons aujourd’hui – et qui, par la volonté de la majorité, sera sans doute la loi demain – que nous essayons de mesurer les conséquences.

M. Paul a évoqué cette fusée à deux étages, et le fait que le projet de loi n’évoque pas – ou si peu – la saisine. Qui saisira la HADOPI des faits répréhensibles visés par le projet de loi ? Il s’agira manifestement de sociétés privées – des start-ups – payées pour cela par les ayants droit.

De même, au second étage de la fusée, vous avez parlé de quelques agents publics dont on ne connaît d’ailleurs pas bien le statut – les « petites mains » de votre propos peu élogieux – et qui seront amenées à gérer – répétons-le, puisque vous avez vous-mêmes donné ces statistiques – 10 000 mails d’avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 suspensions par jour.

En ce domaine ô combien sensible, nous ne voulons pas autre chose que le respect d’un certain nombre de principes fondamentaux du droit. Compte tenu du risque considérable d’erreurs – qu’ont démontré Mme Billard, M. Paul et d’autres –qui seront commises sur l’identité des internautes incriminés, permettez au moins que nous disposions de garanties de procédure équitables, que le principe de la présomption d’innocence soit respecté, et que le « contradictoire » soit pris la règle !

C’est pour toutes ces raisons que l’amendement n° 115 vise tout simplement à ce que cette procédure se déroule sous le contrôle d’un juge, conformément aux fondements de notre État de droit. Faut-il rappeler que le Parlement européen a voté à 88 % en faveur d’un amendement n° 138, selon lequel toute interruption de l’accès à Internet – un droit fondamental – ne peut se faire sans décision préalable du juge ?

M. le rapporteur a voulu souligner que les membres de la HADOPI seront des magistrats indépendants : ayez l’honnêteté de ne pas entretenir la confusion. On dit de même que les membres de la Cour des comptes ou du Conseil d’État sont des magistrats indépendants mais, en l’occurrence, il s’agit d’une procédure judiciaire ! Nous ne parlons pas de la composition de la HADOPI, mais des garanties qu’apporte une procédure judiciaire.

C’est pourquoi cet amendement n° 115, parce qu’il fait référence à des éléments essentiels touchant à nos données personnelles, à la protection de notre vie privée et à un certain nombre de libertés individuelles fondamentales, demande des garanties élémentaires.

Nous vous avons démontré – et nous continuerons de le faire tout au long du débat – combien votre projet de loi est bancal, au plan technique d’abord et au plan juridique ensuite. Le nombre d’erreurs est tel que les garanties que nous demandons – qui sont celles de toute procédure judiciaire – s’imposent.

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. En réponse à une question, madame la ministre, vous avez indiqué tout à l’heure qu’il reviendrait certainement aux ayants droit et aux familles de missionner des intervenants dans ces conditions, puisqu’ils en ont la compétence. Vous avez eu la franchise de nous le dire, et c’est en effet, comme vous l’avez rappelé, ce qui s’est passé dans d’autres pays.

Simplement, l’intervention du juge a lieu à deux niveaux : en amont d’abord, au stade de la recherche des éléments de preuve – y compris des données personnelles, très particulières – et en aval ensuite, dont nous parlerons peut-être plus tard, c’est-à-dire au stade de la sanction.

S’agissant de l’amont, vous savez aussi bien que moi que, dans n’importe quelle procédure, qu’elle soit administrative ou judiciaire, ce sont les éléments de preuve que l’on apporte au départ qui permettent de préciser ce que l’on instruit à charge ou à décharge ; ils revêtent une importance considérable par la suite. Il en va du respect des principes généraux du droit, particulièrement lorsque des sanctions graves sont prises. N’oubliez pas en effet que la loi HADOPI peut être cumulée avec la loi DADVSI et avec les peines de la contrefaçon.

En l’état, personne n’a choisi, una via electa, son mode de saisine d’une juridiction. Or ce dispositif peut aussi bien servir dans le cadre d’une procédure judiciaire sans pour autant offrir les garanties de droit du monde judiciaire, à moins que l’on ne nous dise demain qu’il faut choisir l’une des procédures – ce sera l’objet d’un amendement – et que le choix de la voie administrative ne pourra être cumulé avec celui de la voie judiciaire. C’est un peu comme si, en matière fiscale ou douanière, on pouvait utiliser des éléments de preuve pour une procédure alors même que l’on n’a pas obtenu les garanties nécessaires.

La question de la procédure judiciaire en amont est donc presque plus importante qu’en aval car, par définition, elle risquera de présupposer une décision, qu’elle soit administrative ou judiciaire. Il convient donc d’être très prudent, d’autant que nous avons parlé de secrets et de données personnelles. À mon sens, nous dépassons là le rôle des appareils, des ayants droit ou des fournisseurs d’accès.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy. (M. Copé fait un geste d’impatience.)

M. Christian Paul. Et oui, maître Copé, c’est bien du droit que nous vous infligeons !

M. Lionel Tardy. J’estime que les sanctions prononcées par la commission de protection des droits relèveront de la matière pénale, et devrait donc bénéficier des garanties apportées par l’article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme implique en effet que les sanctions prononçables par la HADOPI relèvent de la matière pénale. En conséquence, l’intégralité des protections accordées par cet article doivent être appliquées tant dans la phase initiale que dans celle du prononcé des sanctions. Or le texte ne prévoit aucun de ces nécessaires garde-fous. Au contraire, dans la mouture sénatoriale, il est expressément prévu que le contrevenant ne sera pas informé des faits précis qui lui sont reprochés, nous y reviendrons plus tard.

Il est également prévu que des contestations ne pourront être élevées qu’à l’appui d’un recours dirigé contre une décision de sanction. Ainsi, l’internaute se verra sanctionner sans savoir ce qui lui est reproché, donc sans avoir pu préparer une éventuelle défense. Il ne pourra commencer à se défendre qu’une fois la sanction effectivement prononcée. Le renversement est incroyable : il ne sera possible de se défendre qu’une fois prise la décision sur la peine, donc, en creux, sur la culpabilité.

Cet état de fait pose avec une acuité encore accrue la question des recours contre la décision prononçant la sanction. L’instauration de ces recours est prévue par voie décrétale. Néanmoins, le caractère suspensif ou non du recours, le délai pour l’effectuer, les délais pour rendre une décision ne sont pas connus pour le moment. Ces détails sont pourtant fondamentaux en ce qu’ils sont la garantie de l’effectivité des droits reconnus par la CEDH.

Enfin, le mécanisme mis en place a pour objet principal de graduer la riposte à l’encontre des internautes qui se livreraient à des actes de téléchargement illicites. Ce faisant, le législateur a également gradué les garanties procédurales applicables à toute la matière pénale. Or prévoir l’application de l’intégralité des garanties conventionnelles est une nécessité pour que la loi HADOPI n’entraîne pas de multiples condamnations de la France par la Commission européenne des droits de l’homme.

Cependant, et j’en termine, monsieur le président, prévoir l’application de ces garanties est en pratique impossible pour que la loi conserve son efficacité. En effet, les estimations gouvernementales indiquent qu’environ 10 000 courriels d’avertissement par jour seraient envoyés par l’HADOPI. Cela n’est envisageable, comme l’a souligné Mme la ministre, qu’avec un formalisme réduit à sa plus simple expression. Or les garanties du justiciable ne pourront pas être assurées avec un formalisme réduit à peau de chagrin. Donc, par essence, appliquer ce mécanisme conduit à refuser de facto l’ensemble des garanties procédurales aux justiciables de l’HADOPI.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 115, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. La démonstration de Lionel Tardy est parfaite du point de vue du droit.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Jean-Louis Gagnaire. Si, elle est parfaite : il fallait l’écouter avec beaucoup d’attention.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je reviens, madame la ministre, sur vos présupposés.

M. Guy Geoffroy. Les vôtres !

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous sous-estimez la portée de la suspension d’Internet pour un certain nombre d’usagers.

Alors qu’il s’agit d’une sanction extrêmement grave vous semblez la passer par pertes et profits comme s’il s’agissait d’une sanction banale. Or elle peut avoir de graves conséquences ; nous l’avons déjà souligné.

Certes, il est grave de télécharger et de spolier des artistes, mais les dispositions du texte, prises d’un point de vue technique, vont servir à attraper les petits poissons qui, souvent, n’y seront pour rien puisque certains de nos concitoyens vont se faire piéger par vos systèmes de sanction automatique. Quant à ceux qui font véritablement de la contrefaçon, ils utiliseront des adresses IP falsifiées ou auront des systèmes de filtrage pour échapper à toute détection.

Par conséquent, seuls M. et Mme Tout-le-monde qui n’auront pas protégé leur réseau Wi-Fi ou ne se seront tout simplement pas méfiés se feront attraper et entreront dans un cycle dont ils ne pourront pas sortir. En effet comment pourront-ils prouver qu’ils n’y sont pour rien ? Ils pourront peut-être aller devant le juge, mais après coup, une fois leur branchement Internet suspendu : ce sera trop tard et cela aura un coût.

Je pense, madame la ministre, que vous exposez l’État à des recours en responsabilité…

M. Christian Paul. Bien sûr ! À des milliers de recours !

M. Jean-Louis Gagnaire. …ce qui lui coûtera très cher. Si vous suspendez un branchement Internet parce qu’une imprimante est soupçonnée de télécharger des fichiers illégaux, on va doucement rigoler dans les prétoires !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 115.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 55

Majorité absolue 28

(L'amendement n° 115 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 353.

Mme Martine Billard. J’évoquerai le même sujet et, comme l’ont souligné précédemment nos collègues, notamment M. Suguenot et M. Tardy, il est d’importance puisqu’il s’agit de la transmission des données personnelles. Celle-ci pourra en effet être dorénavant effectuée sans contrôle de l’autorité judiciaire, ce qui pose, selon nous, un grave problème.

En outre, l’alinéa 56 ouvre la possibilité d’obtenir les données personnelles de l’abonné « dont l’accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sans l’autorisation des titulaires des droits ». Je croyais qu’il s’agissait seulement de réprimer le téléchargement abusif ; en réalité, l’objectif visé par l’alinéa 56 est bien plus large.

Aux États-Unis, Google s’est inquiété des accusations infondées dont certains internautes faisaient l’objet ; l’on a observé que 57 % des demandes de retrait de contenus concernaient des contenus d’entreprises concurrentes de celles, peu scrupuleuses, qui cherchaient à les faire disparaître – c’est un aspect dont nous n’avons pas encore discuté jusqu’à présent – et que 37 % des demandes de retrait de contrefaçons n’étaient pas valides. Madame la ministre, nous risquons de nous retrouver dans une situation similaire en France : or 37 % des demandes de retrait non valides, cela représente plus d’un tiers des demandes, ce qui est énorme !

Par ailleurs, vous avez dit tout à l’heure que, pour faire face au risque de cryptage des transferts de fichiers non conformes aux desiderata des ayants droit, on pourrait mettre en place des contre-logiciels. J’ai voulu savoir ce qu’étaient des contre-logiciels. L’ingénieur réseau que j’ai interrogé était un peu surpris et m’a expliqué que, dans les affaires de terrorisme – car il s’agit là de l’extension d’une disposition prévue au départ par la loi antiterroriste –, lorsqu’il faut casser un cryptage d’échanges de données, cela prend des heures, des jours, voire des semaines. Dans ce cas, on n’installe pas un contre-logiciel, mais, à la suite d’une réquisition judiciaire, on demande à des spécialistes de tenter de cracker le cryptage.

Madame la ministre, les contre-logiciels me semblent être une invention laissant à penser que l’on a trouvé la solution, celle-ci consistant à installer sur son ordinateur un logiciel de sécurisation ou des contre-logiciels de je ne sais quoi. De fait, tout cela n’existe pas, sauf dans l’imagination des membres de votre cabinet !

(L'amendement n° 353, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui, mardi 31 mars à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 31 mars 2009, à zéro heure dix.)