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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 20 octobre 2009

Questions au Gouvernement

Première séance du mardi 20 octobre 2009

Présidence de M. Marc Laffineur
vice-président

M.   le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Proclamation d’un nouveau député

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 19 octobre 2009, de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, une communication l’informant que, le 18 octobre 2009, M. David Douillet a été élu député de la douzième circonscription des Yvelines.

Je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Bouclier fiscal

M. le président. La parole est à M. Michel Sapin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Sapin. Monsieur le Premier ministre, dans quelques heures commencera l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Avant même que le débat ne s’engage, je souhaite vous interroger une nouvelle fois sur la légitimité – ou plutôt l’illégitimité – du bouclier fiscal.

M. Richard Mallié. Réservez donc cette question à la discussion du texte, il s’agit ici des questions d’actualité!

M. Michel Sapin. Tous les Français doivent savoir ce qu’est le bouclier fiscal. Ce n’est pas un outil qui protégerait les revenus du travail: il n’y a pas de revenus du travail qui puisse être imposé à plus de 40 %. Ce n’est pas non plus un outil qui protège les revenus des épargnants puisque, comme tout revenu, ceux-ci ne peuvent pas être imposés à plus de 40 %.

C’est en fait un outil qui protège les plus fortunés des Français contre le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune; non pas ceux qui sont très peu ou moyennement imposés au titre de l’ISF, mais les très grosses fortunes qui, grâce à ce dispositif, ne paient plus l’ISF.

M. Michel Lefait. C’est scandaleux!

M. Michel Sapin. Pire encore, le bouclier fiscal concerne la CRDS et la CSG, c’est-à-dire les cotisations de solidarité payées par tous, sauf par les plus fortunés des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce dispositif est devenu si inadmissible, si injuste, que nous demandons son abrogation non seulement à gauche, mais aussi à droite où des voix – et non des moindres – se sont autorisées à vous demander de modifier ce bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple: quand renoncerez-vous à ce qui s’est révélé d’abord une erreur et qui est devenu une faute politique, une faute sociale et une faute morale, et quand rétablirez-vous la solidarité en France? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Monsieur Sapin, le bouclier fiscal tire sa légitimité de l’élection présidentielle puisqu’il figurait au programme du candidat élu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. C’est une honte!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Ensuite, contrairement à ce que vous avancez, le bouclier fiscal est efficace.

M. Albert Facon. Et la baisse du pouvoir d’achat?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il permet de limiter la pression fiscale…

M. Albert Facon. Sur les riches qui sont si malheureux!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …à 50 % du revenu et donc de faire en sorte que l’on ne travaille pas plus de six mois par an pour l’État – c’est une question d’équité élémentaire. (« Scandaleux! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. D’équité pour Dassault?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Dans de nombreux autres États, le niveau de prélèvement fiscal est très nettement inférieur au nôtre. Nous avons choisi des niveaux de prélèvements importants, il est donc naturel qu’ils soient plafonnés. Ainsi, de nombreux Français qui quittaient la France ne partent plus. La France doit se montrer compétitive sur le plan fiscal.

Mme Françoise Hostalier. Il a raison!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Car le départ de contribuables français, c’est le départ d’investissements et la suppression d’emplois.

Nous ne reviendrons pas sur le bouclier fiscal, ce qui reviendrait à augmenter les impôts,…

M. Roland Muzeau. Et alors?

M. Éric Woerth, ministre du budget . … et c’est exactement ce à quoi vous nous appelez. Or nous n’augmenterons pas les impôts en France, cinquième pays en termes de prélèvements fiscaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes en effet déjà l’un des pays où l’on taxe le plus les entreprises et les ménages. Votre solution n’en est donc pas une et faire accroire que le bouclier fiscal ne concernerait que quelques riches – richesse que vous êtes, du reste, incapables de définir –, c’est tromper les Français.

M. Michel Lefait. Non!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous n’augmenterons pas les impôts et nous ne toucherons pas au bouclier fiscal. Nous ne bougerons pas! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Crise laitière

M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marguerite Lamour. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, la filière laitière se trouve en grande difficulté. Les raisons en sont multiples. Je n’y reviendrai pas.

Certes, vous avez pris des initiatives fortes en direction du monde agricole, notamment à l’échelon européen, en rassemblant vingt pays autour de la France. Nous vous en sommes reconnaissants.

Hier, grâce à votre ténacité, la Commissaire européenne a enfin décidé de débloquer 280 millions d’euros, dont près de 60 sont destinés à notre pays. Ce sont des aides directes qui viendront consolider des trésoreries aujourd’hui fortement déstabilisées.

Vous recevez dans moins d’une heure la représentation syndicale agricole. Il s’agira de poursuivre le dialogue.

Cette victoire que vous avez remportée ce lundi ne doit pas faire oublier que les autres filières sont aussi dans une grande inquiétude. Je citerai l’exemple de la filière porcine. À ce jour, le cours du porc frôle la barre symbolique d’un euro. C’est dire la situation tendue des élevages.

Élue d’une circonscription où l’agriculture représente des milliers d’emplois, il est de mon devoir de vous faire part du désarroi ressenti sur le terrain. Certains agriculteurs n’ont plus la force de lutter, avec les conséquences dramatiques que cela entraîne.

L’avenir de l’agriculture est un sujet qui nous concerne tous, ruraux et urbains. Nous devons être solidaires.

Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre volonté de remettre le secteur agricole à sa juste place. Quelles mesures entendez-vous prendre pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Madame la députée, je partage entièrement votre analyse. La crise du lait est grave, mais elle ne doit pas cacher celle de toutes les autres filières agricoles, qu’il s’agisse de la filière porcine, de l’élevage, des fruits et légumes, ou encore de la filière viticole. Toutes sont frappées par ces baisses de revenu.

Le revenu agricole a baissé de près de 20 % en 2008, et de plus de 10 % en 2009. Cela fait du revenu des agriculteurs l’un des plus instables en France, et désormais aussi, malheureusement, l’un des plus faibles.

Pour répondre à cette crise, nous devons nous appuyer sur trois piliers complémentaires. Le premier, ce sont les aides d’urgence à la trésorerie des agriculteurs, de l’ensemble des agriculteurs, pour l’année 2009. Je rencontrerai tout à l’heure les responsables de toutes les organisations syndicales représentatives. Nous leur ferons des propositions. Le Premier ministre et le Président de la République rendront dans les jours prochains les arbitrages nécessaires pour bâtir un plan d’urgence immédiat pour toutes les filières agricoles.

En deuxième lieu, nous avons besoin de prendre des décisions structurelles, nécessaires pour stabiliser le revenu des agriculteurs. Ce sera l’objet du projet de loi de modernisation de l’agriculture qui sera déposé au Parlement en décembre prochain.

Enfin, je l’ai dit et répété depuis le 2 juillet dernier, nous avons besoin d’une régulation européenne, non seulement du marché du lait, mais de tous les marchés agricoles. Nous avons obtenu hier une victoire importante dans ce sens. Nous sommes déterminés à continuer dans la même voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Taxe professionnelle

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-Hélène Amiable. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Notre assemblée débutera cet après-midi l’examen du projet de loi de finances pour 2010, dont l’article 2 prévoit de supprimer définitivement la taxe professionnelle.

Les député-e-s communistes, républicains et du parti de gauche s’élèvent contre ce cadeau de 6 milliards d’euros au MEDEF, ordonné au plus fort de la crise par le Président de la République.

Ce budget entérine déjà 65 milliards d’aides publiques aux entreprises. Ne pensez-vous pas que cela suffit ?

Votre projet va asphyxier les collectivités locales, remettre en cause leur autonomie, entraîner un report de charges sur les ménages et une réduction des services rendus aux populations.

La fiscalité locale est actuellement opaque, complexe, inéquitable.

M. Michel Herbillon. Surtout à Bagneux!

Mme Marie-Hélène Amiable. Elle doit être réformée.

La responsabilité sociale et territoriale des entreprises doit être encouragée, les ressources des collectivités locales garanties et une péréquation nationale instituée. Il faut allier une progressivité de l’impôt pour plus de justice sociale à une contribution des entreprises, favorable à l’emploi, en taxant les actifs financiers.

L’amendement déposé en commission par Gilles Carrez ne constitue pas une alternative. Il vient compléter le dispositif gouvernemental, en organisant la répartition des prélèvements entre les différents niveaux de collectivités, mais ne règle pas durablement la question de leurs pertes de recettes.

D’autre part, les conditions du travail parlementaire ne sont pas acceptables, tant par les délais de transmission que par l’organisation des débats autour des soixante pages et des 1244 alinéas de cet article.

Nous nous faisons donc le relais de nombreux élus locaux, et nous vous demandons le report de l’examen de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Madame la députée, oui, le Président de la République s’y était engagé, nous allons supprimer la taxe professionnelle sur les investissements productifs, parce que c’est un impératif économique, au service de l’emploi.

Nous avons la responsabilité de restaurer la capacité de nos entreprises à investir, à embaucher, et à conquérir de nouveaux marchés. Et en même temps, nous allons veiller à ce que cette mesure ne déséquilibre pas les investissements et les politiques d’aménagement du territoire de nos collectivités. Nous veillerons, dans un souci de juste équilibre, à affecter aux collectivités des ressources fiscales dynamiques et pérennes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous confirme donc que le 1 er janvier prochain, il n’y aura plus de taxe professionnelle sur les investissements productifs. Cette mesure répond à notre volonté de soutenir l’emploi. Ce n’est pas un cadeau fait aux entreprises.

M. Jean Glavany. Cette mesure va coûter aux ménages!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. C’est au contraire la marque de la volonté du Gouvernement d’agir au plus près des préoccupations des Français, par une politique en faveur du recrutement, de l’embauche et de l’emploi.

En même temps, nous allons garantir ce lien fort entre les territoires, les collectivités territoriales et l’implantation de nos entreprises. Ce sont d’ailleurs, madame la députée, M. François Mitterrand et M. Lionel Jospin qui estimaient que la taxe professionnelle sur les investissements était l’impôt le plus stupide qui soit. Nous sommes le dernier pays de l’Union européenne à avoir encore cet impôt qui pèse sur les investissements des entreprises. Eh bien, nous préférons l’emploi, la dynamique en faveur de celles et ceux qui attendent tant de notre part, plutôt que de nous enfoncer dans un système qui fait naître une concurrence déloyale, défavorise la politique industrielle de la France et favorise au contraire les délocalisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Professionnalisation des métiers d'AVS

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité et porte sur l’accompagnement des personnes en situation de handicap, non seulement des enfants, mais aussi des adultes et des personnes âgées. J’aurais pu interroger également le ministre de l’éducation nationale s’agissant des auxiliaires de vie scolaire, mais c’eût été restrictif.

La loi de 2005 a évité de « saucissonner » la vie des personnes handicapées dans notre pays. Nous pensons, au groupe Nouveau Centre, qu’il est temps aujourd’hui de se pencher sur les accompagnants, celles et ceux qui travaillent au quotidien avec les personnes handicapées. S’occuper de jeunes enfants en milieu scolaire, de personnes handicapées insérées dans le milieu de l’entreprise, sous le terme de tuteur, ou de personnes âgées dépendantes au sein des maisons de retraite, au fond, n’est-ce pas le même métier? Un métier que l’on ne peut pas laisser dans un statut de précarité, notamment lorsqu’on connaît les difficultés de recrutement auprès des jeunes. Il est temps de se pencher sur la formation de ces personnes, en vue de les professionnaliser, de créer un vrai métier. Notre pays en a grand besoin.

Madame la ministre, quel est votre point de vue sur ce sujet? Les personnes qui œuvrent dans ce domaine attendent votre réponse avec impatience. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que votre assemblée a voté, en 2005, une loi extrêmement importante relative aux personnes handicapées: la loi sur la participation, l’égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées. La majorité, le Gouvernement se sont engagés dans un dispositif sans relâche au service des personnes handicapées, notamment des enfants. Je rappelle qu’à la rentrée, 180000 enfants ont été accueillis en système scolaire ordinaire, soit 30 % de plus qu’en 2005, 9 % de plus qu’en 2007. Nous avons doublé le nombre d’auxiliaires de vie scolaire.

M. Patrick Roy. Ce n’est pas vrai!

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Mais vous avez raison, monsieur Lachaud, il faut aller beaucoup plus loin. Nous avons, répondant en cela à un souhait bien légitime des associations, mis en place un comité de pilotage, afin de créer un métier qui corresponde à cette attente pour les enfants. En effet, certains enfants handicapés, qui ne passent que quelques heures en milieu scolaire ordinaire, ont besoin d’être aussi accompagnés à leur domicile, dans leurs loisirs, sans rupture d’accompagnement. C’est donc un métier spécifique sur lequel nous sommes en train de travailler.

Pour aller encore plus loin dans la réponse que je vous dois, monsieur le député, nous avons lancé il y a quelques mois, avec Valérie Létard, un plan métiers du médico-social et de la petite enfance, qui répond exactement à vos attentes. D’ici à 2012, il permettra de créer, grâce à une formation et des passerelles, 430000 emplois dans le secteur médico-social (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),

M. Hervé Féron. Des promesses!

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. …pour répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées, et 60000 emplois dans le secteur de la petite enfance,…

M. Hervé Féron. C’est faux!

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. …où des modules de formation permettront de mettre en place des passerelles indispensables à la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des niches fiscales

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vergnier. Monsieur le Premier ministre, en lisant un quotidien qui titrait ce matin « Cette droite qui veut taxer les riches », je me suis demandé si le Gouvernement était enfin touché par la grâce.

M. Patrick Roy. Eh non!

M. Michel Vergnier. Hélas! ce n’était qu’un titre. Avançant dans la lecture, j’ai pris connaissance plus précisément des propositions du Gouvernement: aucune réforme du bouclier fiscal, ni maintenant ni plus tard, pas de durcissement de la taxation des stocks-options et des plus-values immobilières; simplement une ouverture à la proposition de certains parlementaires d’abaisser le plafonnement global des niches fiscales.

Le plafond que vous proposez est beaucoup trop élevé, surtout sachant qu’entre2002 et2009, vous avez accordé 25 milliards d’euros supplémentaires de niches fiscales, soit une augmentation record de 50 % de la dépense fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Le dispositif que vous aviez mis en place devait rapporter 220 millions d’euros. Or, selon vos propres indications, ce sont 20 millions d’euros qui sont rentrés dans les caisses de l’État: 20 millions d’euros contre 25 milliards – cherchez l’erreur!

Au nom de mon groupe, j’ai une proposition précise à vous faire: un plafonnement global des niches fiscales à 15000 euros, afin de ne pas exonérer les 10000 gros bénéficiaires de ces avantages, que vous vous apprêtez à épargner une fois de plus. Les bons petits soldats que vous envoyez au front ne nous ont pas convaincus. Entendez plutôt M. Arthuis, qui, en évoquant la situation très critique des finances publiques, indique que, grâce aux niches fiscales, le taux réel d’imposition descend bien en deçà des 50 % que vous évoquez d’une manière constante.

M. le président. Posez votre question!

M. Michel Vergnier. Une nouvelle fois, vous vous apprêtez à exonérer les plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Oui ou non, allez-vous accepter notre proposition? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le député, s’il y a un sujet sur lequel nous n’avons pas de leçon à recevoir de l’opposition, c’est bien celui des niches fiscales. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Entre1997 et2002, vous en avez créé quatre-vingt-une (Huées sur les bancs du groupe UMP) ,…

M. François-Michel Gonnot et M. Jean-Claude Lenoir. Scandaleux!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …comme s’il s’agissait d’un chiffre fétiche pour vous.

Vous avez systématiquement tendance à confondre « riches » et « niches », alors qu’elles concernent des millions de contribuables français. Que sont les niches fiscales?

M. Albert Facon. Des abris pour les riches!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Les gros volumes de ces niches, ce sont la prime pour l’emploi, les avantages fiscaux liés à des situations difficiles pour les personnes, comme le handicap, ou la réduction de la TVA pour les travaux réalisés dans les logements.

M. Pascal Terrasse. La loi Girardin, la loi Scellier!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Le Gouvernement a beaucoup bougé sur ce sujet sérieux pour y apporter des adaptations. L’année dernière, nous avons plafonné l’ensemble du dispositif des niches fiscales, ce que vous n’aviez pas fait, que vous aviez refusé même de faire. Nous avons plafonné aussi certaines niches qui ne l’étaient pas: les investissements dans les DOM-TOM, la loi Malraux. Vous n’aviez pas voulu le faire non plus.

Dans le projet de loi de finances, nous allons réformer encore un certain nombre de niches qui ne correspondent pas à la cohérence de la politique du Gouvernement,...

M. Patrick Lemasle. Vous avez attendu sept ans et demi!

M. Patrick Roy. Sept ans de malheur!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …par exemple des niches qui exonéreraient de cotisations sociales ou de l’impôt sur le revenu des revenus de substitution au travail. Sur ce sujet, comme sur d’autres, nous avons de la cohérence. Nous ne cédons pas à la démagogie! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme des collectivités

M. le président. La parole est à M. Dominique Perben, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Perben. Monsieur le Premier ministre, ce matin, le Président de la République, en Haute-Marne, a exposé sa vision de l’avenir de notre organisation territoriale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vingt-cinq ans après les grandes lois de décentralisation, les Français sont à la fois conscients du chemin qui a pu être parcouru grâce à cette décentralisation, mais ils sont aussi conscients de la nécessité d’une simplification de l’organisation territoriale et d’une réduction des coûts globaux de notre système administratif.

M. Christian Bataille. Marche arrière!

M. Dominique Perben. Aussi, monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser trois questions sur ce sujet.

La première question concerne le conseiller territorial, qui permettra de rapprocher la région et le département (Protestations sur les bancs du groupe SRC) et d’éviter la concurrence. (« C’est faux! » sur les bancs du groupe SRC.)

Comment envisagez-vous le mode de désignation par les électeurs de ce conseiller territorial pour faire en sorte que l’ensemble des territoires, aussi bien ruraux qu’urbains, se sentent justement représentés?

M. Bruno Le Roux. Charcutage!

M. Dominique Perben. La deuxième question concerne les métropoles. C’est une nécessité pour que nos très grandes villes françaises soient capables de concurrencer les très grandes villes européennes et mondiales. Comment envisagez-vous de doter ces métropoles de suffisamment de compétences, y compris départementales, pour qu’elles aient la puissance de cette concurrence internationale?

La troisième question concerne la taxe professionnelle. Je voudrais qu’à l’occasion de cette question, vous puissiez nous confirmer, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement a bien conscience de la nécessité que l’impôt qui remplacera la taxe professionnelle permette d’alimenter, d’une manière équitable, l’ensemble des collectivités locales, qui en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur Perben, comme l’a dit ce matin le Président de la République, l’État et les collectivités locales ont des responsabilités communes face à la question de l’adaptation de nos territoires devant les défis de la mondialisation de l’économie.

Il n’y a pas d’un côté l’État et de l’autre côté les collectivités. Il y a une seule République, qui doit relever des défis qui sont considérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il s’agit au fond de redonner de l’attractivité à nos territoires. Pour y parvenir, il faut réformer la gouvernance des collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons choisi de vous présenter un projet qui ne rompt avec notre culture, qui ne rompt pas avec nos traditions,…

M. Christian Bataille. Vous faites marche arrière!

M. François Fillon, Premier ministre. … qui s’inscrit dans la lignée des lois de décentralisation (« C’est faux! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), votées par la gauche d’abord, puis par la majorité.

D’ailleurs, personne ne doit être surpris face à ces projets, puisqu’ils étaient clairement au programme non seulement du candidat Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, mais aussi du candidat François Bayrou à l’élection présidentielle. Cette réforme s’inspire très largement des travaux de la commission présidée par Édouard Balladur et qui était elle-même dans la ligne, pour une large part, des travaux qui avaient été conduits auparavant par la commission présidée par Pierre Mauroy. Je voudrais d’ailleurs, à cette occasion, rendre hommage, monsieur Perben, à votre engagement personnel dans la commission Balladur et au travail que vous avez accompli depuis pour permettre d’aboutir à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous proposons plusieurs choses simples.

D’abord de renforcer la légitimité de l’intercommunalité. Nous venons de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de l’intercommunalité. Nous devrions tous nous retrouver sur ce projet. Pour une large part, c’est la gauche qui a initié le mouvement intercommunal; j’imagine qu’elle est maintenant favorable à ce que l’on donne plus de légitimité aux conseils des communautés de communes et des communautés de villes et à ce que l’on renforce les compétences de l’intercommunalité.

Ensuite, la deuxième idée forte de cette réforme est de rapprocher les départements et les régions. Nous voyons bien, chaque jour, dans le fonctionnement de notre pays que départements et régions sont souvent directement ou indirectement en compétition sur les mêmes politiques (« C’est faux! sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), sur les politiques économiques, sur les politiques de développement touristique – et je ne parle pas des politiques de communication.

Nous avons besoin de fixer plus clairement les compétences des départements et les compétences des régions. Nous avons pensé que la meilleure façon de le faire était d’instaurer un élu, qui soit commun aux départements et aux régions. Nous avons choisi de vous proposer que cet élu soit désigné selon un mode de scrutin qui préserve à la fois le lien avec le territoire – une élection dans un canton…

M. Bernard Roman. Magouille!

M. François Fillon, Premier ministre. …et en même temps une part de proportionnelle pour défendre la diversité et le pluralisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

C’est, mesdames, messieurs les députés, un mode de scrutin qui ne devrait pas effrayer la gauche, puisqu’elle le proposait – il y a longtemps, c’est vrai – en 1972. (« C’est faux! » sur les bancs du groupe SRC.)

La troisième idée de la réforme est de donner aux métropoles de notre pays un statut dont elles ont besoin pour rayonner sur la scène mondiale. Comme vous l’avez vous-même indiqué, monsieur Perben, nous voulons que les métropoles au-dessus de 450 000 habitants puissent disposer de compétences qui sont aujourd’hui réparties entre plusieurs niveaux de collectivités. Nous vous proposerons de le faire, naturellement sur la base du volontariat pour les territoires qui souhaitent s’engager dans cette voie.

Un mot, pour terminer, puisque vous m’interrogez sur la réforme fiscale. J’écoutais tout à l’heure la question posée à gauche sur le cadeau fait aux entreprises. Est-ce que tout le monde se rend bien compte que le mouvement de délocalisation des activités industrielles qui a commencé depuis des années vient de s’accélérer fortement avec la crise économique et financière? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La production industrielle dans les pays européens a chuté de façon extrêmement importante, elle recommence à peine à progresser. Il faudra plusieurs années avant que nous ne retrouvions le niveau de production industrielle qui était le nôtre avant le début de la crise.

Dans les pays émergents et en particulier en Asie, le niveau de la production industrielle est déjà supérieur à ce qu’il était au début de la crise économique et financière. Comment peut-on améliorer la compétitivité des entreprises françaises? En supprimant des charges sociales, alors que nous avons déjà supprimé tout ce qui était possible avec près de 27 milliards d’allégements. Aujourd’hui, supprimer des charges sociales signifierait réduire les cotisations retraites que paient les entreprises. Je pense que personne n’acceptera de s’engager dans cette voie. Supprimer ou réduire l’impôt sur les sociétés? Je ne crois pas que ce soit une voie aujourd’hui, compte tenu des comparaisons avec les autres pays européens.

La seule voie, c’est la suppression de ce qui reste de la taxe professionnelle, c’est-à-dire la taxation des investissements. Nous allons, ensemble, conduire cette réforme pour faire en sorte de mettre un coup d’arrêt à la délocalisation des activités industrielles dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Crise laitière

M. le président. La parole est à M. Raymond Durand, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Raymond Durand. Monsieur le président, comme nous le faisons chaque semaine et comme nous continuerons à le faire tant que la crise ne sera pas réglée, le groupe Nouveau Centre posera une question au sujet de la production laitière et du malaise qui a envahi l'ensemble du monde agricole.

Alors que les agriculteurs manifestaient leur désarroi sous ses fenêtres, la Commission européenne a annoncé hier aux ministres de l'agriculture de l'Union européenne une aide supplémentaire de 280 millions en faveur des producteurs de lait. La France devrait ainsi obtenir une enveloppe de 600 euros par exploitation.

Les oppositions sont fortes. D'un côté, la commissaire européenne en charge de l'agriculture a prévenu qu'elle avait désormais les « poches vides » et qu'elle « ne verserait plus un euro ».

De l'autre, les organisations syndicales agricoles se disent très insatisfaites. Pour elles, c'est trop peu en termes financiers alors que les exploitations agricoles ont perdu jusqu'à 50 % de leur revenu par rapport à 2008 et c'est trop peu en termes humains car c'est l'existence même des producteurs qui est aujourd'hui menacée.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai!

M. Raymond Durand. Pour notre part, et je me fais ici le porte-parole de notre président de groupe, François Sauvadet, et de l'ensemble des députés du Nouveau Centre, nous disons qu'au-delà des aides financières, c'est bien un changement politique qu'attendent les agriculteurs.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai!

M. Raymond Durand. La nécessité urgente réside dans une nouvelle régulation européenne du marché du lait.

Aussi, monsieur le ministre, sur quelle politique agricole commune et sur quelle régulation pourront compter les agriculteurs au sortir de cette crise? Car on observe, au regard des déclarations de la Commission européenne, qu'un tournant politique est à prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Durand, nous avons effectivement enregistré, hier, une avancée majeure dans la bataille que nous conduisons, depuis plusieurs mois, en faveur de la régulation européenne du marché du lait. Nous avons obtenu, pour la première fois, le déblocage d’une aide d’urgence de 280 millions d’euros de la part de la Commission pour soutenir tous les exploitants laitiers en France et en Europe.

Nous avons obtenu des mesures d’urgence, notamment la prolongation du stockage public et des aides supplémentaires sur le stockage privé, pour aider une nouvelle fois les exploitants laitiers. Nous avons obtenu également la révision de règles européennes pour permettre aux producteurs de lait de mieux s’organiser et de mieux défendre leurs intérêts face aux industriels dans le cadre de contrats dont les modalités et la définition seront prévues par la loi.

Nous avons pu enregistrer cette victoire grâce au soutien du Parlement européen, qui a joué un rôle majeur dans le soutien qu’il a apporté aux États membres. Nous l’avons obtenu grâce au rassemblement de vingt et un États membres que nous sommes allés chercher, un par un, depuis le début du mois de juillet pour les convaincre de nous rejoindre dans la voie de la régulation. Nous avons pu l’obtenir parce que la Commission s’est finalement rendue à nos arguments sur la nécessité de bâtir une régulation européenne du marché du lait. J’appelle maintenant les vingt-sept États membres, la Commission, le Parlement à travailler tous ensemble sur cette régulation européenne, non seulement du marché du lait, mais de tous les marchés agricoles, parce que c’est de cette régulation européenne des marchés agricoles que dépendra l’avenir de l’agriculture en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

États généraux de l'industrie

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. David Douillet. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie.

Depuis dimanche dernier, j’ai l’immense honneur d’avoir été élu et de siéger aujourd’hui au sein de cette Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) au nom de la douzième circonscription des Yvelines, où se trouve l’un des fleurons de l’industrie automobile française : l’usine Peugeot-Citroën de Poissy.

Je connais les enjeux en matière industrielle, tant pour l’avenir de nos grands constructeurs automobiles français en particulier que pour l’industrie française en général.

Tout comme vous, je suis convaincu que nous sommes aujourd’hui à un tournant industriel d’un point de vue structurel, mais également du point de vue de l’innovation et des moyens qui lui sont accordés.

M. Maxime Gremetz. Les pièces jaunes, ça marche!

M. David Douillet . Conscient de ces enjeux et de ce tournant, vous avez, monsieur le ministre, lancé jeudi dernier, à la demande du Président de la République, les états généraux de l’industrie. Pouvez-vous nous préciser quels en sont les objectifs, la méthode de travail et le calendrier retenu? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député David Douillet, pourquoi des états généraux de l’industrie? Cela fait longtemps que, sous les gouvernements de gauche comme de droite, les mots « ouvriers », « usines », « industrie » étaient devenus des gros mots. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C’est parce que le Président de la République a voulu réhabiliter ces mots qu’il a décidé de lancer une grande révolution industrielle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Avec les syndicats des ouvriers, des salariés, des ingénieurs et des techniciens, avec les chefs d’entreprise, les chercheurs, les élus, nous allons tracer la voie de grandes réformes structurelles pour faire de l’innovation industrielle un véritable accélérateur de sortie de crise.

M. Roland Muzeau. Quelle hypocrisie!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Nous le ferons dans le domaine d’enjeux stratégiques pour notre pays et pour en faire un vrai leader international dans le domaine des nanotechnologies, des biotechnologies, de la fibre optique et, comme vous l’avez rappelé, dans le domaine de l’industrie automobile, où nous avons deux fleurons avec Renault et PSA.

M. Maxime Gremetz. Valéo!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député, vous êtes désormais un fervent défenseur de l’industrie automobile Peugeot-Citroën. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Tu parles!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Nous ferons du site de Poissy un site d’innovation pour le véhicule du futur.

Je ne peux conclure mon intervention sans vous féliciter, cher David Douillet, et ce pour deux raisons. La première, c’est que la France a besoin de champions comme vous qui s’engagent! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La seconde, c’est que, contrairement à tous ceux qui prédisaient votre échec, vous avez réussi à faire mentir tous les pronostiqueurs qui souhaitaient, à travers votre échec, voir celui du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Comme d’habitude, ils sont dans le camp des battus et vous êtes sur la plus haute marche du podium! ( Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

TVA à 5,5 %

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Pascale Got. Monsieur le Premier ministre, sur injonction de l'Élysée, le Gouvernement a préparé, dans la précipitation et par un amendement au détour d'un projet de loi, la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Coût des ingrédients: 2,5 milliards d'euros chaque année!

Pour mieux digérer ce plat, très diurétique en pertes de recettes pour l'État, nous vous avions clairement alerté qu'à défaut de règles préalables et d'accords de branche, la revalorisation des salaires serait marginale, tout comme seraient marginales l'embauche et la répercussion sur les prix. Nous avions fait des propositions pour aider ce secteur d'activité avec des mesures moins coûteuses et plus efficaces.

Une fois de plus, vous n'avez pas écouté nos mises en garde ni celles provenant des rangs de votre majorité. Vous avez préféré suivre l'appétit élyséen. Une fois de plus, vous avez eu tort.

Les preuves sont là: l'INSEE atteste que les prix n'ont pas réellement baissé. Seuls 6000 emplois pourraient être créés à la longue. On est loin des 40000 annoncés. Quant à la hausse des salaires, elle porte uniquement sur un petit « six centimes d'euros ».

Aujourd'hui, vous êtes obligé de reconnaître votre erreur, en convoquant d'urgence les représentants de la profession pour les mettre en demeure de tenir leurs engagements. Au bout du compte, vous êtes arrivé à un seul résultat: stigmatiser toute la profession aux yeux de l'opinion publique.

En pleine dérive de nos finances publiques, cette mesure fiscale a un goût amer pour les Français‚– 2,5 milliards d'euros chaque année, sans réelle contrepartie. Bref, les avantages pour quelques-uns et la facture pour tous!

Allez-vous écouter nos propositions et celles d'une partie de votre propre  majoritéou continuerez-vous à suivre aveuglément les décisions fiscales désastreuses de l'Élysée? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Madame la députée, j’ai, en effet, la semaine dernière, reçu l’ensemble des organisations professionnelles du secteur de la restauration pour faire le point avec elles sur l’application du contrat d’avenir. À l’issue de cette réunion, j’ai annoncé la reprise immédiate des négociations sociales, qui devraient s’achever le 30 novembre au plus tard. Le 15 décembre prochain, le comité de suivi se réunira et fera le point définitif sur la répercussion de la baisse du taux de TVA sur les sept produits concernés par le contrat d’avenir.

Où en sommes- nous aujourd’hui? La moitié du chemin a été parcouru, selon l’INSEE qui chiffre à moins 1,6 % sur 3 % la baisse générale dans ce secteur.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Baratin!

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous le savez, madame la députée, il s’agit d’un secteur qui supporte l’un des taux les plus importants de défaillances d’entreprise. Contrairement à ce que vous avez indiqué, je ne les stigmatise pas!

M. Patrick Roy. Si!

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Nous avons seulement fait en sorte que ce secteur connaisse moins de faillites d’entreprises. Il nous reste maintenant à appliquer le reste du contrat d’avenir. C’est sur deux ans que seront créés 20000 emplois supplémentaires ainsi que 20000 postes supplémentaires d’apprentis. Je vous demande de bien vouloir prendre en compte ce facteur temps dans votre critique, madame la députée. Le Gouvernement a tenu ses promesses, les restaurateurs feront de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Souffrance au travail

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Xavier Darcos, ministre du travail; j’y associe notre collègue du Nouveau Centre, Olivier Jardé.

Monsieur le ministre, depuis quelques semaines, les Français se sont légitimement émus d’une vague de suicides qui a touché plusieurs salariés, parfois jusque sur leur lieu de travail. Plus généralement, la brutalité accrue des relations de travail, régulièrement constatée, nourrit de plus en plus d’interrogations, voire d’inquiétudes.

Le groupe UMP a constitué un groupe de travail sur le sujet, réuni autour des présidents Copé et Méhaignerie…

M. Maxime Gremetz. Cinq! Cinq!

M. Jean-Frédéric Poisson. …, et qui proposera à la mi-décembre à nos concitoyens plusieurs dispositions visant à améliorer la qualité de vie au travail des salariés de notre pays.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur trois points relatifs à la santé au travail et, plus généralement, aux conditions de travail.

Tout d’abord, vous avez annoncé il y a quelques jours la première phase du plan « Santé au travail ». Pouvez-vous nous fournir quelques précisions sur les étapes ultérieures de ce plan et la manière dont vous le suivrez? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer le calendrier de la réforme en cours des services de santé au travail, ainsi que ses principaux axes tels qu’ils se dessinent aujourd’hui?

Troisièmement, dans le cadre de la loi du 20 août 2008, le Parlement a adopté des dispositions obligeant les partenaires sociaux à organiser le dialogue social dans les très petites entreprises, à propos notamment de la prévention et de la santé au travail. Pouvez-vous nous dire où en sont leurs discussions à ce sujet? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Mesdames et messieurs les députés, monsieur Poisson, si les événements dramatiques récemment survenus dans plusieurs entreprises, notamment chez France Télécom, ont suscité une telle émotion, c’est en raison du décalage entre ce que devrait être le travail – un lieu d’épanouissement, de réalisation de soi – et la manière dont ces travailleurs ont perdu confiance au point de basculer dans la tragédie.

Mais je veux dire devant la représentation nationale qu’il y a pire que le stress au travail: le stress au chômage! Le Gouvernement demeure convaincu que le droit au travail constitue la première valeur sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je répondrai cependant à vos trois questions. S’agissant tout d’abord de la lutte contre le stress au travail, vous savez que j’ai organisé le 9 octobre dernier une réunion du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, spécifiquement consacrée au lancement d’un plan de lutte contre le stress au travail. J’ai demandé que l’accord conclu par les partenaires sociaux en 2008, et qui n’avait pas été assez largement décliné, soit appliqué dans toutes les entreprises de plus de 1000 salariés, faute de quoi je ferai paraître sur internet la liste des entreprises qui n’auraient pas ouvert ces négociations à temps.

Quant à la médecine du travail, malgré trois années de discussions, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord, en particulier du fait d’un différend portant sur la régularité des visites. Mais nous devons repenser profondément la médecine du travail pour en faire un lieu de prévention et d’accompagnement des salariés qui rencontrent des difficultés. Le Gouvernement prendra ses responsabilités à cette fin, et aussi afin de trouver des candidats à cette mission, car nous manquons de médecins du travail.

S’agissant enfin du dialogue social dans les très petites entreprises, les négociations sont également en cours. Donnons-nous donc un peu de temps; mais, si elles n’aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait là encore ses responsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Taxation des banques

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, mais vise plus largement à interpeller chacune et chacun d’entre nous à l’aube de l’examen du projet de loi de finances. Car qui vote le budget, mes chers collègues? C’est bien chacune et chacun d’entre nous qui, par ses votes sur chaque amendement, témoignera de sa volonté de faire preuve de la solidarité qui s’impose.

Je citerai un seul exemple: celui des banques. L’argent public est venu à leur secours. Nous n’y étions pas opposés, mais nous souhaitions des contreparties, que vous n’avez pas souhaité instaurer. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais voici une occasion de vous rattraper un peu: la commission des finances a adopté un amendement, avec les voix de plusieurs membres de votre majorité, qui propose de taxer pour un an les bénéfices des banques de 10 % supplémentaires. Cette taxe pourrait rapporter un à deux milliards d’euros. Or le Gouvernement semble vouloir revenir sur cette disposition adoptée en commission, pour lui substituer une taxe qui rapporterait environ 100 millions d’euros, soit près de dix fois moins, et qui serait destinée à faire payer aux organismes bancaires le prix de leur propre supervision.

M. Marcel Rogemont. Une nouvelle taxe!

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, vous qui revenez de vos circonscriptions, vous avez entendu comme nous ces millions de Français qui ne comprennent plus. Madame la ministre de l’économie a déclaré que taxer les profits des banques reviendrait à faire payer à d’anciens malades le prix de leur propre guérison. (« Trois… deux… un… » sur les bancs du groupe UMP.) Vous qui n’avez pas hésité à taxer les malades, allez-vous, oui ou non… (« Zéro! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, monsieur Eckert.

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, il est vrai que le Gouvernement envisage de mieux contrôler le système financier et bancaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , dans le droit fil des décisions de Pittsburgh: il nous faut mieux contrôler et consacrer davantage de moyens à cette supervision. (Même mouvement.)

Le projet de loi de finances pour 2010 inclura donc une taxe sur les banques, destinée à financer l’autorité de contrôle du secteur bancaire. Cette taxation est logique: je le répète, elle s’inscrit dans la continuité des décisions prises à Pittsburgh.

En revanche, nous ne sommes pas favorables à l’amendement que vous évoquez, adopté en commission des finances, et qui consisterait à surtaxer à partir de l’impôt sur les sociétés.

M. Bernard Roman. Pourquoi?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Pourquoi? Parce que cette taxation frapperait des banques qui réalisent des profits. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Or ce sera le cas de peu de banques en 2009 (Mêmes mouvements) , et la taxation que nous proposons me semble largement supérieure à celle que vous suggériez. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà pourquoi nous ne serons pas favorables à l’amendement de la commission des finances. (Même mouvement.)

Réduction des déchets

M. le président. La parole est à Mme Labrette-Ménager, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, au début de septembre, vous avez présenté devant le Conseil national des déchets un plan très ambitieux pour la période 2009-2012.

Les collectivités locales savent que la collecte et le traitement des déchets constituent un problème majeur et chacune d’entre elles tente d’y apporter des solutions plus respectueuses de l’environnement tout en cherchant, autant que faire se peut, à valoriser une part croissante des déchets, à maîtriser les coûts et à collecter la partie fermentescible des déchets ménagers.

Nos concitoyens sont également de plus en plus sensibilisés au tri sélectif et au compostage.

Toutefois, des actions doivent être régulièrement menées en direction des industriels, tant au niveau national qu’international, afin de les inciter à générer moins de déchets dès la fabrication des produits.

Je sais que vos objectifs sont précis, madame la secrétaire d’État. Aussi vous demanderai-je, à la veille des assises nationale des déchets qui vont se tenir à La Baule, de détailler les grands axes de votre plan d’action. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État.

Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'État chargée de l'Écologie, auprès du ministre d'État, ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer. Madame la députée, je vous remercie pour votre question car il est effectivement temps que nous parlions des déchets.

En France, ils représentent 45 millions de tonnes chaque année, ce qui se traduit par une dépense de 11 milliards d’euros, soit 98 euros par habitant, le double d’il y a dix ans.

Le premier des enjeux auxquels nous sommes confrontés est la réduction des coûts. Mais il faut savoir aussi – enjeu moins connu – qu’à l’horizon 2015, trente départements n’auront plus suffisamment de solutions de stockage ou d’incinération: autrement dit, il faut se préparer à avoir des petits Naples partout en France…

C’est la raison pour laquelle nous avons réinstallé le Conseil national des déchets, que vous avez bien voulu présider, madame Labrette-Ménager, ce dont je vous remercie car il s’agit d’une lourde tâche.

C’est également la raison pour laquelle nous avons lancé un plan gouvernemental de gestion des déchets, qui hiérarchise les priorités.

La première priorité est la prévention des déchets. Moins 25 kilos par habitant sur cinq ans nous paraît un objectif réaliste. Dans le cadre des expérimentations menées actuellement, nous parvenons en effet à une réduction de 30 %. À cet égard, j’espère que vous l’avez tous constaté, nous avons lancé une nouvelle campagne de communication à ce sujet.

La deuxième priorité est l’augmentation de la part des déchets recyclés de 24 % à 45 % à l’horizon 2015. Cela passe d’abord par la responsabilisation des producteurs mais aussi – et je compte sur vous – par l’harmonisation des consignes de tri, première mission que nous vous avons confiée.

La troisième priorité est la valorisation organique avec un objectif de doublement, notamment à travers la méthanisation à laquelle des moyens considérables seront consacrés.

C’est uniquement de cette manière que nous pourrons atteindre le quatrième objectif: réduire de 15 % la part des déchets traités soit par incinération soit en décharge. Ce n’est pas par des moratoires que nous y parviendrons, mais par la prévention et le recyclage.

Cela fait longtemps qu’il est question du problème des déchets, longtemps aussi qu’on ne fait rien. Mais nous avons décidé d’agir et de consacrer des moyens importants à ce plan: 570 millions d’euros pendant les trois prochaines années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Fiscalisation des indemnités pour accident du Travail

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, M. le ministre de l’industrie a déclaré qu’il était le ministre des ouvriers, notre collègue Jean-Frédéric Poisson s’est interrogé sur la santé au travail, mais, bien entendu, le Gouvernement a la solution pour améliorer le sort des ouvriers et la santé au travail. Quelle est-elle?

M. Jean-Pierre Brard. Le chômage!

Mme Aurélie Filippetti. Fiscaliser les indemnités pour accident du travail! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. C’est honteux!

Mme Aurélie Filippetti. Ce Gouvernement, qui cherche par tous les moyens à combler les déficits abyssaux qu’il a lui-même contribué à creuser, n’a rien trouvé de mieux à faire, au moment où le stress au travail s’étend et où les maladies psychosociales se multiplient, que de vouloir soumettre à l’impôt des indemnités qui ne sont pas un revenu mais une compensation liée à un préjudice. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. C’est faux!

Mme Aurélie Filippetti. Non contents de votre irresponsabilité en matière de politique budgétaire, vous voulez ajouter une nouvelle injustice, financière celle-ci, faisant peser une triple peine sur ceux qui sont déjà victimes d’un préjudice moral et physique.

Si vous cherchez à établir l’équité fiscale, pourquoi refusez-vous absolument, monsieur le ministre du budget, de mettre fin à la défiscalisation des heures supplémentaires, que vous avez mise en place, mesure à la fois coûteuse, injuste et destructrice pour l’emploi? Pourquoi refusez-vous de mettre fin au bouclier fiscal (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) qui permet d’exonérer de toute contribution à la solidarité les revenus les plus élevés et qui suscite des interrogations, y compris dans votre propre majorité? Pourquoi, enfin, refusez-vous de taxer les plus-values boursières, comme la commission des finances l’a demandé?

C’est cela, la justice fiscale! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la députée, la politique n’est pas un concours de démagogie. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La politique réclame un peu de courage.

Il faut avoir le courage de dire que les revenus qui remplacent les revenus du travail doivent être taxés au même titre que ces derniers. Les indemnités journalières liées à la mater nité sont taxées. Les indemnités journalières liées à la maladie sont taxées. Les indemnités journalières pour accident du travail perçues par les fonctionnaires sont taxées. Les compléments aux indemnités journalières pour accident du travail versés par les entreprises sont taxés. Il n’y a donc pas de raison que les indemnités journalières liées aux accidents du travail ne le soient pas.

Nous considérons donc, en toute cohérence, que les revenus de substitution au travail doivent être fiscalisés.

M. Patrick Lemasle. Commencez par supprimer les exonérations pour les heures supplémentaires!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Vous cherchez à entretenir la confusion, madame la députée et vous avez bien tort: nous ne fiscalisons pas les rentes, lesquelles ont pour vocation de compenser un préjudice, sorte de handicap permanent médicalement constaté, et nous ne les fiscaliserons pas. Ce qui est taxé, c’est la substitution aux revenus du travail et uniquement cela.

Enfin, j’ajoute que seule une moitié des Français est concernée par cette mesure, puisque une moitié des Français n’est pas redevable de l’impôt sur le revenu, (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Entreprises exportatrices en Algérie

M. le président. La parole est à M. Jean Roatta, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Roatta. Monsieur le secrétaire chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, depuis quelques mois le Gouvernement algérien a durci les conditions d'importation dans son pays pour accompagner la baisse de ses exportations.

L'importation de matériel de chantier neuf est fortement taxée et l'importation d'engins d'occasion est interdite.

La loi de finances algérienne de juillet dernier a institué l'obligation de recourir à un crédit plus contraignant pour le règlement des achats internationaux, avec obligation pour les importateurs algériens de déposer une garantie équivalant à 25 % du montant de la transaction. Cette loi prévoit également que tous les investisseurs étrangers devront prévoir un actionnariat national, résident et majoritaire de 51 %. Par ailleurs, il est à présent nécessaire d'avoir un partenariat avec un actionnaire national et résident à hauteur de 30 % pour les sociétés ayant pour activité le commerce extérieur, sans parler du droit de préemption de l'État sur toutes les participations des actionnaires étrangers ou encore de l'imposition d'un moyen unique de paiement, le crédit documentaire.

Cette nouvelle réglementation, mise en place par nos amis algériens en réponse à la crise internationale qui les frappe durement eux aussi, a un impact direct et immédiat sur l'activité des entreprises exportatrices de l'aire métropolitaine marseillaise vers l'Algérie, ainsi que sur l'activité du grand port de Marseille.

Transitaires, armateurs, agents maritimes, manutentionnaires, et plus généralement tous les acteurs du port sont fortement touchés par cette décision unilatérale et soudaine du gouvernement algérien.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si vous avez eu récemment des contacts avec le gouvernement algérien afin de lui faire part des conséquences de ses choix budgétaires pour nos entreprises françaises et des difficultés qu'elles rencontrent...

M. le président. Merci, monsieur Roatta.

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le député, je connais votre grande implication dans les relations entre la France et l’Algérie, et plus généralement avec le Maghreb. Le Gouvernement partage vos préoccupations.

En effet, depuis maintenant plus d’un an, le gouvernement algérien a décidé d’imposer certaines restrictions à l’importation, mais aussi en matière de sortie de devises, ce qui est très pénalisant pour les entreprises françaises.

Mme la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, a saisi la Commission européenne, qui a écrit au gouvernement algérien pour lui faire part de son inquiétude. Mais, vous le savez, il ne peut être question de dicter sa politique économique à un pays souverain.

Toutefois, nous devons appeler l’attention sur toutes les conséquences de ces pratiques pour les entreprises françaises, mais aussi pour toutes les entreprises européennes, ainsi que pour l’économie algérienne.

M. le sénateur-maire de Marseille et vous-même avez accueilli Anne-Marie Idrac le 28 septembre dernier à Marseille. Nombre de personnalités de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont pris l’initiative de demander un rendez-vous au président algérien Bouteflika pour évoquer avec lui cette question. Le 9 décembre prochain, la réunion des ministres du commerce de l’Union pour la Méditerranée, à l’initiative française, traitera de ce problème. Nos voisins italiens et espagnols sont eux aussi concernés. Aussi agirons-nous collectivement pour convaincre nos amis algériens qu’ils font fausse route. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Prévention des risques de tsunami à Wallis-et-Futuna

M. le président. La parole est à M. Albert Likuvalu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Albert Likuvalu. Madame la secrétaire d’État chargée de l’outre-mer, deux puissants séismes de magnitude 5,2 et 6,1 viennent de secouer à nouveau, pas plus tard qu'hier, le Vanuatu et les Samoa dans le Pacifique.

De telles catastrophes naturelles ont récemment provoqué de graves dégâts et causé des pertes humaines surtout dans la région Asie-Pacifique. Elles nous interpellent sur nos responsabilités en matière de sécurité et de prévention face à ces dangers sur le territoire national.

Les conséquences de ces catastrophes sont très graves et les risques sont permanents. Les chiffres fournis par l’AFP en sont la preuve: plus de 1000 morts à l'île de Sumatra, plus de 700 aux Philippines et près de 200 aux îles Samoa.

Nous pouvons saluer l'initiative de l'État français qui, après le séisme de magnitude 8 du 29 septembre dans les îles Tonga et Samoa, leur a envoyé deux avions militaires CASA.

Cette aide de l'État aux pays étrangers me donne l'occasion de m'interroger sur le cas précis de la collectivité de Wallis-et-Futuna, située à quelques centaines de kilomètres des îles Samoa. Cet archipel ne disposant pas localement d’un central téléphonique permanent, pour raisons budgétaires, n'a pas pu recevoir à temps l'information alors que la menace de tsunami était bien réelle.

Madame la secrétaire d'État, vous le savez, face à ces catastrophes, la collectivité de Wallis-et-Futuna a peu de moyens. Aussi, quand allez-vous mettre en place de vrais moyens de communication, des moyens plus efficaces de sécurité et de prévention, avant que d'autres catastrophes ne provoquent des dégâts et des pertes humaines? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Marie-Luce Penchard, retenue au Sénat par les questions crible.

Comme vous l’avez dit, le drame des îles Samoa a été d’une violence humaine extrême qui nous rappelle que la question des changements climatiques nous affectera essentiellement par des catastrophes climatiques majeures, même si celle-ci est un peu différente.

Dans la zone Pacifique, des dispositifs d’identification des tsunamis ont été mis en place, notamment avec le laboratoire du CEA à Tahiti en coopération avec le centre d’Hawaï. Dans l’Océan indien, nous disposons d’un centre à La Réunion. Ces deux centres fonctionnent bien.

Quatre sirènes de tsunami ont été installées en 2008 dans les îles de Wallis-et-Futuna. Il en manque encore trois, puisque l’objectif est d’en installer sept, et le Secrétariat d’État à l’outre-mer s’est engagé à régler la question du financement de ces trois derniers dispositifs d’alerte.

Une partie de la population vivant dans le nord et le sud de l’île n’a pas pu, semble-t-il, entendre ces sirènes. Nous allons demander au préfet de refaire des exercices pour comprendre pourquoi ces personnes ne les ont pas entendues, car s’il faut détecter les tsunamis, encore faut-il alerter les populations.

Par ailleurs, la mise en place d’un programme d’équipement en marégraphes est prévue en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Ainsi, deux marégraphes sont programmés pour l’année 2010 à Wallis-et-Futuna. C’est ainsi que nous espérons pouvoir identifier les tsunamis le plus rapidement possible et surtout alerter les populations.

Enfin, en Méditerranée, un dispositif d’alerte sera opérationnel à l’horizon 2012 pour prévenir les populations en moins d’un quart d’heure.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Délimitation des circonscriptions des députés

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n os 1893, 1949).

Vendredi dernier, le Gouvernement, en application de l’article 96 du règlement, a demandé la réserve des votes.

Avant de donner la parole pour les explications de vote, j’informe l’Assemblée que le Gouvernement m’a fait savoir qu’il demande de mettre aux voix par un seul vote, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, l’article unique ainsi que l’ensemble du projet de loi, à l’exclusion de tout amendement ou article additionnel.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, l’heure est grave (Rires sur quelques bancs du groupe UMP) puisque nous touchons là à la représentation nationale des citoyens.

Ce découpage électoral ne peut être considéré comme un progrès pour notre démocratie, fondement de notre République. Il ne peut l’être, monsieur le secrétaire d’État, quand vous vous obstinez à conserver le même nombre de sièges de députés alors que la population a fortement augmenté.

Il ne peut l’être quand, dans le même temps, vous créez onze nouvelles circonscriptions pour les Français de l’étranger, création qui ne se justifie en rien mais qui a pour effet concret de réduire la représentation du reste du territoire. Je ne reviendrai pas en détail sur les aberrations de ces circonscriptions; François Asensi nous les a montrées en séance.

Il ne peut l’être quand, pour vous assurer une majorité avec une minorité (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) , vous avez trituré les circonscriptions, n’hésitant pas à créer de nouvelles inégalités en reniant encore davantage le principe selon lequel la voix de chaque citoyen pèse le même poids.

Il ne peut l’être quand vous vous entêtez à poursuivre dans la voie du scrutin majoritaire, profondément injuste puisqu’il ne reflète pas la réalité. Deux formations politiques ne peuvent-elles obtenir à elles seules 90 % des sièges au second tour alors qu’elles n’atteignent que 25 à 30 % des voix au premier? Et nous le voyons aujourd’hui pour d’autres institutions: votre conception de la représentativité du peuple laisse pantois, génère de la colère, voire du dégoût, impose mobilisation et résistance.

Cette méthode a pour nom la bipolarisation et vise à ce que deux partis politiques raflent la majorité des sièges au second tour, garantissant ainsi une majorité et niant les diversités politiques des partis et, par conséquent, des citoyens.

Il ne peut l’être quand les prétendus critères démographiques, que vous dites avoir retenus, révèlent des objectifs non affichés, et que les exceptions à ces mêmes critères sont si nombreuses que votre découpage, outre le fait qu’il est profondément injuste, n’a plus aucun sens, si ce n’est celui de servir les intérêts de votre majorité.

M. Alain Néri. C’est bien vrai!

M. Jean-Paul Lecoq. Vous tentez de faire croire que ce charcutage électoral est un progrès démocratique. C’est faux puisque votre priorité n’est pas l’intérêt général des Français, de la France, mais est de répondre au goût de domination exacerbé de M. Sarkozy.

Pourtant, face à la crise de la politique capitaliste, dans laquelle vous avez entraîné les citoyens, la raison aurait voulu que vous inversiez le cours des choses, pour remettre la France, l’Europe, le monde sur les rails d’une économie respectant les territoires et les hommes. Bien sûr, cette vision vous est étrangère, car votre seule mission consiste à laisser les mains libres à l’exécutif contre le législatif, tant le Président de la République est avide de pouvoir absolu.

D’où ce refus entêté d’appliquer le scrutin à la proportionnelle, le seul respectant le pluralisme des opinions politiques des électeurs et, par définition, le seul respectant la démocratie.

Pour vous, monsieur le secrétaire d’État, l’exercice fut délicat mais, soyez rassuré, vous avez mené ce tripatouillage électoral de main de maître (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ,…

M. Bruno Le Roux. Il a raison!

M. Jean-Paul Lecoq. …tant nos circonscriptions volent en éclats, sont disloquées, voire disparaissent. Votre mission est remplie.

Faut-il y voir un hasard quand, sur l’ensemble du territoire métropolitain, les moyennes départementales varient du simple au double? Où sont donc passés vos critères démographiques? Cela signifie-t-il que certains habitants valent deux fois moins que d’autres? La démocratie perd ses valeurs, sa pertinence, et les exemples en sont nombreux, depuis l’arrivée de M. Sarkozy au pouvoir.

Il est vrai que la démocratie signifie aussi affronter le peuple. Et c’est un exercice périlleux qui demande du courage. Car si on peut gagner, on peut aussi perdre; c’est le principe même d’une élection. Mais pour contourner l’expression populaire, vous avez trouvé la parade, utilisant, afin d’atteindre l’objectif de Nicolas Sarkozy, tous les subterfuges, à tous les niveaux de l’État, par exemple le « diviser pour mieux régner ».

Il est urgent que la République reconquière ses couleurs, que notre assemblée recouvre sa liberté, son intégrité, face aux diktats du Président de la République.

Personne n’est dupe, et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, représentant une diversité de courants de pensée – le parti communiste français, le parti de gauche, les Verts, les Ultramarins –, ne peut partager votre philosophie consistant à sacrifier la démocratie, à s’amuser de la représentation nationale, donc, en conclusion, à jouer avec le peuple lui-même.

Pour toutes ces raisons, nous ne cautionnerons pas ce projet de loi et voterons contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme d’un débat engagé depuis maintenant près d’un an, lorsque le législateur habilitait le Gouvernement à procéder par ordonnance au redécoupage des circonscriptions législatives.

Chacun le sait, l’actuelle carte électorale, qui repose toujours sur les données recueillies lors du recensement général de 1982, ne permettait plus d’assurer une juste et égale représentation de chacun de nos concitoyens sur les bancs de cette assemblée.

Pour autant, la tâche à laquelle s’est attelée le Gouvernement était une tâche complexe, allant bien au‑delà d’une simple mise à jour des délimitations des circonscriptions législatives présentant les plus grands écarts de population. En effet, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu que les Français de l’étranger, qui faisaient jusqu’à présent l’objet d’une représentation spécifique au Sénat, seraient désormais également représentés au sein de notre assemblée. Le nombre de députés ayant par ailleurs été plafonné à 577, il a ainsi fallu supprimer onze circonscriptions du territoire national.

La modification de la carte électorale est par ailleurs un exercice sensible, toujours prompt à susciter des polémiques de tous ordres, et l’opposition n’a, une nouvelle fois, pas dérogé à son rôle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Néri. Demandez son avis à Mme Zimmermann!

M. Yvan Lachaud. Pour autant, je tiens à rappeler combien l’élaboration de cette ordonnance aujourd’hui soumise à la ratification du Parlement a fait l’objet de garanties sans précédent dans l’histoire de nos institutions.

Dans la mesure où, à travers la modification de cette carte électorale, c’est bien de l’impartialité de nos institutions et, par là même, de la crédibilité de notre démocratie qu’il est question, la révision constitutionnelle a également été l’occasion de graver dans le marbre de la loi fondamentale le principe de l’existence d’une commission indépendante chargée de se prononcer par avis public sur tout projet de redécoupage.

L’ordonnance du 29 juillet est ainsi la première à avoir fait l’objet d’un tel contrôle, et la commission a prouvé son impartialité en formulant nombre de propositions, s’écartant d’ailleurs de certains projets initialement prévus par le Gouvernement. L’intention du constituant n’était pas, bien sûr, de créer une commission dont les avis auraient force de loi et s’imposeraient, à ce titre, à toutes les autorités de l’État. Le Gouvernement a donc ponctuellement fait le choix de s’écarter des propositions de la commission Guéna. Pour notre part, nous maintenons nos regrets et nos réserves concernant la nouvelle délimitation de certaines circonscriptions législatives, notamment dans le département du Tarn. S’agissant de ce département, les propositions de la commission n’ont pas été retenues, et le Gouvernement n’a malheureusement pas répondu en séance aux objections de notre collègue Philippe Folliot. Dans d’autres départements, tel celui de la Somme, nous regrettons que les nouvelles délimitations se soient appuyées sur des considérations exclusivement, et non essentiellement, démographiques,…

M. Maxime Gremetz. Très juste!

M. Yvan Lachaud. …quitte à tourner le dos aux réalités tant de la géographie que des bassins de vie.

Mes chers collègues, la modification des délimitations des circonscriptions législatives était une obligation constitutionnelle. L’ordonnance qu’il nous est aujourd’hui proposé de ratifier est le fruit d’un travail complexe, mené de main de maître…

M. Jean Michel. Tu parles!

M. Yvan Lachaud. …je tiens, une nouvelle fois à le souligner. Ce travail a été entouré de garanties sans précédent. Si nous éprouvons ponctuellement des réserves, notamment s’agissant du Tarn et de la Somme, nous souscrivons à l’esprit général de cette ordonnance. C’est pourquoi les députés du Nouveau Centre voteront en faveur de ce projet de ratification. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, le scrutin sur l’ensemble du projet de loi est d’ores et déjà annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes, comme le soulignait l’orateur précédent, au terme d’un véritable débat de fond, qui a été engagé il y a déjà bien longtemps.

M. Bruno Le Roux. Il n’y a pas eu de débat!

M. Guy Geoffroy. Il était devenu indispensable de le conclure. Je constate que ceux qui se situent à gauche de l’hémicycle avaient en charge le traitement de cette question il y a plus de dix ans, qu’ils en ont beaucoup parlé, mais sans faire grand-chose. Or, aujourd’hui, ils s’instaurent en parangons de vertu, affublant le Gouvernement – et sa majorité – de toutes les tares et lui accolant des substantifs que je ne reprendrai pas tant ils ressemblent si peu à la réalité.

De quoi était-il question? Il s’agissait d’actualiser la carte de nos circonscriptions pour tenir compte d’une situation démographique qui avait bien évidemment évolué depuis une vingtaine d’années. Ceux qui ont suivi les débats sur le découpage précédent, il y a plus de vingt ans, soit ici même – je n’en étais pas –, soit ailleurs, se souviennent que déjà, à l’époque, on avait dit que le « découpage Pasqua » était un tripatouillage,…

M. Daniel Vaillant. Un charcutage!

M. Guy Geoffroy. …un savant calcul visant à permettre indéfiniment l’élection d’une majorité d’un seul bord. Mais ce qui avait été dit à l’époque s’est révélé tout à fait erroné puisque la majorité élue en 1988 n’a pas été reconduite en 1993, la nouvelle majorité d’alors n’étant pas reconduite en 1997, ni celle de 1997 en 2002. On voit donc bien qu’un découpage est un exercice contraint, difficile, mais obligé, et qui automatiquement conduit à des résultats qui, eux-mêmes, épousent les fluctuations légitimes de l’opinion publique. Il n’y a pas de découpage susceptible de figer définitivement la pensée et la volonté de nos concitoyens.

De surcroît, celui qu’il nous est proposé d’adopter à travers la ratification de l’ordonnance que nous avions habilitée le Gouvernement à rédiger en vue de la définition de la nouvelle carte électorale a été entouré d’un nombre impressionnant de précautions, qui n’avaient jamais été prises jusque-là. La première précaution, c’est la prescription Constitutionnelle; la deuxième, c’est l’indication par le Conseil constitutionnel de plusieurs précisions que le Gouvernement avait pris soin de lui demander; la troisième, c’est le recours au Conseil d’État, qui a été écouté et dont l’avis a été pris en compte dans un grand nombre de cas; la quatrième précaution, c’est la création d’une commission indépendante. On a vu que celle-ci avait fourni un véritable travail, qui a été suivi d’effets puisque le Gouvernement a suivi certains de ses arguments. Lorsque cela n’a pas été le cas, il a apporté des explications très précises sur les circonscriptions concernées dans les documents qui nous ont été fournis. Toutes ces précautions étaient nécessaires. Tout ce travail était indispensable.

Au nom du groupe UMP, je tiens à dire au Gouvernement, en particulier à Alain Marleix,…

M. Bruno Le Roux. « Merci »!

M. Guy Geoffroy. …toute la reconnaissance que nous lui devons pour avoir fait un travail courageux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) , d’autant plus courageux que si certains élus de l’opposition n’y trouvent pas leur compte, nous devons, nous aussi, dire qu’un certain nombre des nôtres n’y trouvent pas le leur. C’est bien la preuve que ce travail est honorable, sérieux, et qu’il mérite d’aller jusqu’à son terme.

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment de passer au vote, je puis vous dire que la main du groupe UMP ne tremblera pas. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Fidèle à son engagement et à la confiance qu’il a donnée au Gouvernement à travers la loi d’habilitation, il votera sans états d’âme et sans hésiter le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Maxime Gremetz. Un projet pire que la loi Pasqua!

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le secrétaire d’État, vous demandez un quitus à notre assemblée tout en l’ayant prévenue, dès l’ouverture de ce débat, que vous ne sauriez l’entendre! Pourquoi donc ce débat de dupes au cours duquel vos dispositions furent examinées sans que vous vous expliquiez jamais et sans qu’elles puissent être amendées?

Nous avons pourtant fait la démonstration du caractère contestable et partisan du redécoupage. Croc de boucher pour le Président, couteau de charcutier pour le Gouvernement, vos ustensiles sont, en effet, dangereux pour la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, ce sont les circonscriptions que vous découpez. Demain, ce seront les cantons car vous avez une nouvelle certitude: vous pensez que le mode de scrutin à un tour, contraire à toutes nos traditions électorales, est le mieux adapté pour l’UMP. Oui, monsieur le secrétaire d’État, vous avez conduit un travail malheureusement totalement partisan:…

M. Bernard Deflesselles. C’est faux!

M. Bruno Le Roux. …partisan dans la méthode! partisan dans le choix des circonscriptions découpées! partisan dans les choix de redécoupage!

Vous mettez en avant les prétendues garanties apportées par le double examen de votre texte par la commission Guéna et le Conseil d’État. Mais, s’agissant de la commission, force est de constater qu’elle a renoncé à démontrer son indépendance en refusant de comparer les projets et d’auditionner tous ceux qui lui en avaient fait la demande. Elle n’a travaillé qu’en étroite relation avec vous, formulant de façon assez incompréhensible différents types d’observations selon les départements et surtout selon l’intérêt du Gouvernement. Quant à l’avis du Conseil d’État, en dépit de toutes les demandes formulées sur nos bancs, il ne fut jamais rendu public!

Le Conseil constitutionnel a pourtant, dans sa décision du 8 janvier dernier, insisté sur le fait que la répartition devait se faire sur des « bases essentiellement démographiques » et respectant « au mieux l’égalité devant le suffrage ». Les seuls intérêts de l’UMP ayant remplacé les critères liés à la démographie et à la géographie, nous avons été conduits à examiner en détail les effets de votre découpage appliqué au scrutin de 2007. Cela a été aisé à mettre en oeuvre et les résultats sont très instructifs: sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent aujourd’hui, vingt-trois touchent la gauche, dix uniquement la droite! Ce n’est pas ici, monsieur le secrétaire d’État, l’équilibre qui est recherché! Sur les trente-trois circonscriptions qui sont créées, seules neuf d’entre elles auraient eu un député de gauche, alors que vingt-quatre auraient hérité d’un député de droite! On voit, là encore, que ce n’est ni la mesure ni l’objectivité qui a été recherchée! Il n’y a qu’un seul gagnant: l’UMP, qui aurait eu vingt députés de plus. Je remercie M. Geoffroy d’avoir exprimé la reconnaissance du groupe UMP à l’égard de ce redécoupage qui a été fait uniquement pour servir ses intérêts. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le cas des onze circonscriptions des Français de l’étranger est, lui aussi, édifiant. C’est la carte du monde qui est tripatouillée, avec un mode de scrutin absurde pour essayer de constituer une réserve de sièges UMP!

Mes chers collègues, je terminerai en disant que la question du droit équitable à l’alternance est des plus pertinentes pour juger de la loyauté ou de l’arbitraire d’un découpage législatif. Comme cela a été démontré en séance, il apparaît qu’il serait nécessaire, demain, à la gauche d’obtenir 51,4 % des voix pour atteindre la majorité! C’est honteux, scandaleux, monsieur le secrétaire d’État!

M. Bernard Roman. Tout à fait!

M. Bruno Le Roux. Voilà un élément supplémentaire, essentiel même, pour caractériser la partialité de votre redécoupage.

Je pense avoir clairement démontré au cours du débat – même si vous avez refusé d’en débattre avec moi – que ce que vous pensez être votre bouclier électoral ne respecte pas les règles édictées par le Conseil constitutionnel, qu’il doit donc être rejeté et dénoncé comme une atteinte au droit de suffrage de nos concitoyens et comme une atteinte à la démocratie! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, l’article unique ainsi que l’ensemble du projet de loi, à l’exclusion de tout amendement ou article additionnel.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 521 Nombre de suffrages exprimés 517 Majorité absolue 259 Pour l’adoption 302 Contre 215 (Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

encadrement des crédits à la consommation et action de groupe

Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, relative à la suppression du crédit revolving , à l’encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l’action de groupe. (n os 1897, 1959)

Jeudi dernier, le Gouvernement, en application de l’article 96 du règlement, a demandé la réserve des votes.

M. Patrick Roy. Eh oui!

M. Marcel Rogemont. C’est courageux!

M. le président. Avant de passer aux explications de vote, je vous informe que le Gouvernement m’a fait savoir qu’il demande, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, de mettre aux voix par un seul vote les articles ainsi que l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout amendement.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.

M. Jean Gaubert. Cette proposition visait à supprimer le crédit revolving et à promouvoir l’action de groupe.

Résumons, faute de temps: le crédit revolving représente 20 % seulement des crédits à la consommation, mais il y en a au moins un dans 85 % des dossiers de surendettement. Ce sont des familles qui sont dans la misère, pour de longues années sans doute, et dont la situation bat en brèche les propos récurrents des ministres sur le thème: la suppression du crédit revolving – que vous souhaitez – freinerait la consommation. Ce n’est pas vrai. À partir du moment où ces familles se retrouvent dans cette situation de surendettement, elles ne peuvent même plus consommer, et ce, pour très longtemps.

Ce sont aussi des crédits qui donnent lieu à une propagande éhontée. Vous connaissez l’expression: simple comme un coup de fil. Tout à l’heure, un collègue m’a encore montré ce qu’il a reçu en tant qu’adhérent à un grand magasin présent à Paris et dans tout le pays: une publicité lui promettant de téléphoner sans frais – je reviendrai plus tard sur le sujet des frais‚–…

M. Marcel Rogemont. Ils pratiquent tout de même des taux de 20 %!

M. Jean Gaubert. … et ne posant aucune question, ce qui pousse les gens dans la situation que l’on connaît.

Les taux appliqués à ces crédits sont prohibitifs: 20 % et parfois plus.

M. Marcel Rogemont. Exactement!

M. Jean Gaubert. D’ailleurs, même le médiateur de la République dit que ces taux condamnent les gens qui y recourent à l’impossibilité de rembourser un jour le crédit.

M. François Brottes. Il a raison!

M. Bernard Roman. Mme Lagarde trouve cela normal, c’est scandaleux!

M. Jean Gaubert. Le médiateur de la République dit lui-même que ces taux ne devraient pas dépasser 10 % pour que ces gens, souvent en situation précaire, puissent rembourser une petite partie du crédit, mois après mois. Ce n’est pas le cas.

M. Alain Néri. Crédit revolving , crédit révoltant!

M. Jean Gaubert. La ministre de l’économie explique qu’il faut mieux informer le consommateur. Sans doute! Mais, j’ai déjà répondu à certains: la mention « Fumer tue » sur les paquets de cigarette n’empêche pas les gens qui sont en période d’addiction de fumer. L’avertissement « attention ces crédits sont dangereux! » n’empêchera pas les gens qui sont au pied du mur d’y recourir et de creuser un peu plus leur trou.

C’est pourquoi nous proposons tout simplement de supprimer ce crédit revolving au profit du crédit amortissable qui, lui, permet au consommateur de savoir où il va.

Deuxième proposition: l’action de groupe dont on parle depuis très longtemps dans cet hémicycle. J’ai dit que c’était le monstre du Loch Ness ; le ministre en charge du dossier a voulu me faire croire que c’était l’Arlésienne – c’est plus beau, mais ça ne change pas grand-chose!

Député avant d’être ministre, M. Chatel nous avait expliqué tous les bienfaits de cette action de groupe. Quand il était ministre, il a dû tergiverser à la demande de je ne sais qui. Il avait mis en place un groupe de travail qui n’a jamais fonctionné. À présent, on nous explique que l’action de groupe, elle aussi, pourrait nuire à l’économie.

Mes chers collègues, ce sont les entreprises qui arnaquent régulièrement les consommateurs qui nuisent à l’économie. Elles le font de deux manières: en réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs; en se plaçant dans une situation de concurrence malhonnête par rapport aux entreprises qui agissent de façon sérieuse et honnête vis‑à‑vis des consommateurs. En réalité, il s’agit de manifester la volonté de se protéger des entreprises qui n’ont pas ce comportement honnête et responsable par rapport au consommateur.

Ces propositions ont été débattues jeudi dernier dans cet hémicycle. Comme d’autres propositions, elles ont fait l’objet d’un débat tronqué..

M. Jean Gaubert. …parce que l’UMP a choisi de ne pas être présente ou de l’être très peu, et de ne pas intervenir, …

M. Marcel Rogemont. Courage, fuyons!

M. Jean Gaubert. …à l’exception d’un collègue qui, sans doute, n’avait pas entendu les consignes de son groupe…

M. Henri Jibrayel. Les interdictions!

M. Jean Gaubert. …et qui a effectivement participé aux débats.

Pour notre part, il y a quelques mois, nous avions bien senti ce qui se passerait. Cependant, mes chers collègues, une question se pose: avez-vous vraiment voulu réhabiliter le Parlement, ou bien avez-vous, une fois de plus, voulu prouver que le fonctionnement du Parlement était une véritable mascarade?

Revenons aussi sur les manœuvres dilatoires du Gouvernement, du style: nous allons les mettre en place, vos mesures; attendez; vous n’auriez même pas dû présenter vos textes – de quel droit, d’ailleurs, nous dites-vous cela? –; notre proposition va venir.

M. Alain Néri. Le projet Lagarde! Mais on ne voit rien venir.

M. Jean Gaubert. Mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition devait venir d’abord en septembre, puis en novembre, puis en décembre, puis en janvier. Elle ne viendra ni en janvier ni en février puisque trois semaines seront bloquées pour le Grenelle de l’environnement. Elle ne viendra sans doute même pas au printemps.

Pendant ce temps-là, les consommateurs, qui sont dans la situation que nous connaissons, continueront de subir les pressions des offreurs de crédits revolving et les petites arnaques de certaines entreprises.

Puisque la semaine dernière vous vous êtes sentis liés par les exigences de votre groupe, je voudrais vous appeler à la rédemption. Il y a encore une possibilité et c’est aujourd’hui. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Pourquoi attendre des mois et des mois? Des familles souffrent aujourd’hui et certaines vont souffrir encore demain parce que vous n’aurez pas pris cette décision. Elles méritent que vous votiez avec nous contre le crédit revolving et pour l’action de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe GDR.

Mme Marie-Hélène Amiable. Les députés communistes, républicains, du parti de gauche, Verts et Ultramarins, membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, voteront pour cette proposition de loi relative à la suppression du crédit revolving , à l'encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l'action de groupe.

Ils déplorent, comme vient de le faire Jean Gaubert, l'attitude de la majorité parlementaire qui, d'un côté, prétend revaloriser le rôle du Parlement…

M. Bernard Roman. Mascarade!

Mme Marie-Hélène Amiable. …et, de l'autre, s'organise pour étudier les trente articles qui composent ce texte en seulement trois quarts d'heure en commission des affaires économiques, puis ne juge même pas utile d'être vraiment présente en séance lors de sa discussion publique.

Passons en revue les arguments soulevés pour s'y opposer: la promesse – datant de 2005 et jamais concrétisée – de mettre en œuvre une action de groupe à la française; l'arrivée maintes fois annoncée puis repoussée du projet de loi Lagarde sur le crédit à la consommation; le prétexte de la transposition prochaine de la directive européenne sur le crédit à la consommation; l'importance de maintenir le recours au crédit pour permettre le retour de la croissance.

On comprend bien, comme l'ont décrit les auteurs du texte, que la majorité reste soumise aux « pressions de lobbies financiers ou commerciaux » qui contribuent « à endiguer tout volontarisme sur ces sujets. »

Pourtant, depuis le début de cette législature, tous les groupes d'opposition ou minoritaire ont déposé et fait inscrire à l'ordre du jour d'une séance d'initiative parlementaire, des dispositions visant à réformer le crédit. La majorité, elle, refuse d'adopter rapidement des mesures efficaces.

Il y a cinquante ans exactement, Elsa Triolet décrivait l'apparition de la société de consommation et du crédit avec le personnage de Martine Donelle qui « se débattait, empruntait à l'un pour rendre à l'autre, tenait une véritable comptabilité pour garder l'équilibre, faisait des économies de bouts de chandelle. »

Aujourd'hui, je ne vous parle pas d'un roman. Je vous parle de ces fonctionnaires qui se retrouvent expulsés de leur logement, parfois même de leur HLM, pour cause de surendettement. Je vous parle de ces ouvriers que l'on a bernés par téléphone en leur proposant les fonds nécessaires au remplacement de la voiture tombée en panne, indispensable pour travailler. Je vous parle encore de ces jeunes actifs visés par une publicité toute récente d'une banque qui propose de les aider à « Bien démarrer dans la vie avec l'avance premiers salaires », c'est-à-dire de leur verser jusqu'à 6000 euros en avance de leurs deux premiers mois de salaire, à condition qu'ils présentent un contrat de travail et qu'ils soient tenus de rembourser leur dette dans les deux ans.

Faut-il le rappeler, la problématique du crédit n'est plus la même. Le crédit compense non seulement l'absence de pouvoir d'achat mais il donne aussi simplement – bien que temporairement – le pouvoir de vivre au quotidien. C'est la carte qui permet d'acheter la baguette au supermarché avec l'espoir que tout ira mieux demain!

Nous voulons la fin d'un système que vous cherchez à maintenir et à développer coûte que coûte: celui des centres commerciaux ouverts le dimanche; celui des banques qui n'hésitent pas à prêter à des taux de plus de 20 % alors qu'elles obtiennent de l'argent à des taux interbancaires d'un peu plus de 1 %; celui de la politique de bas salaires du patronat et du Gouvernement.

Les députés communistes et républicains du parti de gauche demandent l'arrêt des attaques portées aux services publics et l’augmentation du SMIC à 1600 euros bruts. Nous soutenons aussi l'interdiction du crédit revolving qui, comme l'a indiqué le rapporteur, s'il ne représente que 20 % des crédits à la consommation, se retrouve dans 80 % des dossiers de surendettement.

Tout en pointant le danger de l'établissement d'un fichier généralisé et nominatif des encours de prêts, nous prônons la réforme du crédit à la consommation en l'organisant – pourquoi pas? – sous la forme d'un service public qui prêterait à des taux effectivement remboursables.

Nous défendons la création de l’action de groupe et de procédures efficaces permettant aux consommateurs de faire valoir leurs droits en cas de comportement abusif ou illicite des professionnels. Vous l’avez compris, nous voterons donc pour la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le Président. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a déploré tout à l’heure l’absence d’un groupe parlementaire lors du débat; mais vous avez pu constater que le Nouveau Centre, lui, était bien présent. Il s’est d’ailleurs engagé sur le sujet en déposant une proposition de loi, même si celle‑ci fut ensuite retirée. Cet engagement n’est au demeurant pas nouveau, certains sénateurs centristes ayant rédigé des rapports sur les crédits revolving , que nous souhaitons réformer.

Cette proposition de loi vise à la création d’un fichier national du crédit, et nous souhaitons, nous aussi, la création d’un fichier positif, qui fait cruellement défaut, ainsi que l’allongement du délai de rétractation et le renforcement de l’encadrement de la publicité; bref, chacun a reconnu l’urgence de rénover le système des crédits revolving , dont tant de familles sont aujourd’hui victimes.

M. Alain Néri. Vous allez donc voter le texte!

M. Philippe Vigier. Nous ne pouvons en revanche vous suivre, monsieur Néri, dans votre proposition de supprimer purement et simplement le crédit revolving: cela aggraverait la crise, car certaines familles en ont besoin. Qu’il faille mieux encadrer ces crédits, d’accord; que les taux en soient scandaleux, encore d’accord; mais que proposez-vous aux consommateurs pour les remplacer? Rien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement a annoncé la discussion imminente d’un texte au Parlement; croyez bien que nous y veillerons. Nous attendons en effet des avancées sur les propriétaires – lesquels, pour l’heure, échappent aux procédures de surendettement –, ainsi que sur les intérêts intercalaires, que les banques doivent prendre en charge. Nous serons donc au rendez-vous de ce sujet majeur, car les familles ne peuvent plus attendre. Quoi qu’il en soit, nous ne voterons évidemment pas la proposition de loi de nos collègues socialistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. François Loos, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Loos. Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le crédit à la consommation est nécessaire mais il peut, en cas d’abus, conduire des familles à des situations très difficiles. Ce constat, 780000 familles le vivent actuellement en France; elles sont soumises à des plans de traitement du surendettement et, en général, devront se contenter d’un « reste à vivre » pendant cinq à dix ans. Comment améliorer cette situation?

Le premier moyen est d’éviter la spirale de l’argent facile, la tentation d’une consommation qui semble accessible et que l’on pense, à tort, être en mesure de rembourser grâce à de très faibles mensualités. Bloquer le crédit serait absurde; mais empêcher son utilisation abusive est indispensable.

C’est ce que nous allons faire. Le Gouvernement a en effet présenté un texte déjà adopté au Sénat,…

M. François Brottes. Quand le sera-t-il par l’Assemblée?

M. François Loos. …qui sera examiné prochainement par notre assemblée. Il concerne d’ailleurs une directive européenne d’harmonisation directe devant être transposée avant mai2010.

M. Alain Néri. Cela fait deux ans et demi que vous répétez la même chanson!

M. François Loos. De nombreuses mesures sont prévues pour encadrer le crédit renouvelable, moraliser la publicité, renforcer le pouvoir de la commission de surendettement et accélérer son fonctionnement, faire fonctionner en temps réel le fichier des impayés et réformer le taux de l’usure. Ces mesures sont efficaces, mais différentes de celles du présent texte, qui propose la suppression du crédit renouvelable nonobstant les 40 milliards d’encours et les services qu’il rend dans de nombreux domaines. La proposition de loi vise aussi à créer un fichier positif, alors que l’on n’a pas encore tiré profit d’une gestion en temps réel du fichier actuel. Il est néanmoins vrai qu’il faut creuser le sujet, comme nous y invite d’ailleurs un amendement adopté au Sénat.

Enfin, la proposition de loi suggère la création d’une action de groupe dans les domaines de l’environnement, de la santé et de la consommation. Sur ce sujet, nous voulons nous aussi avancer, mais prudemment; aussi préférons-nous relancer la réflexion au sein de la commission des affaires économiques sur les modalités d’une telle mesure, à laquelle la Commission européenne est d’ailleurs elle aussi en train de réfléchir.

Nous ne voterons donc pas le présent texte, mais vous invitons à poursuivre le débat qui l’a suscité lors de l’examen du projet de loi du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. En application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote les articles ainsi que l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 479 Nombre de suffrages exprimés 477 Majorité absolue 239 Pour l’adoption 213 Contre 264 (La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Danielle Bousquet.)
Présidence de Mme Danielle Bousquet,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rémunérations des dirigeants d'entreprise et des opérateurs de marché

Suite de la discussion d'une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunération des dirigeants d’entreprise et des opérateurs de marché (n os 1896, 1955).

Jeudi dernier, le Gouvernement, en application de l’article 96 du règlement de l’Assemblée nationale, a demandé la réserve des votes.

Avant de passer aux explications de vote, je vous informe que le Gouvernement m’a fait savoir qu’il demande, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, de mettre aux voix par un seul vote l’article 2 dans la rédaction issue de l’amendement n° 19 de la commission des lois, le titre de la proposition de loi modifié par l’amendement n° 9, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout autre amendement.

Nous en venons aux explications de vote.

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, la parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Philippe Vuilque. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a déposé une proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunération des dirigeants d'entreprise et des opérateurs de marché.

Soucieux de placer chacun devant ses responsabilités, nous avons en effet souhaité légiférer pour stopper cette indécente et folle dérive des rémunérations des dirigeants. Est-il besoin de rappeler quelques exemples d'indécence, tels les 8,2 millions d'euros – soit plus de 53 millions de francs – octroyés à Noël Forgeard à l'occasion de son départ d'EADS en 2006, ou les 5,2 millions d'euros – 34 millions de francs – accordés à Serge Tchuruk, artisan de la fusion ratée entre Alcatel et Lucent?

M. Jean-Pierre Brard. De même à Mme Russo.

M. Philippe Vuilque. Pour les opérateurs de marché, les traders, les exemples de rémunérations ubuesques foisonnent. Nos concitoyens perdent du pouvoir d'achat et le chômage touche 10 % de la population active, alors que les grands dirigeants du CAC 40 continuent à se goinfrer – le terme n’est pas trop fort. Cette situation est inique et socialement inacceptable. Pour y remédier, le MEDEF prône l'autorégulation, dont l'actualité nous montre chaque semaine qu’elle ne marche pas.

Le Président de la République, quant à lui, s'indigne et déclare qu'il ne se contentera pas de recommandations et que le législateur doit intervenir si nécessaire. Nous l’avons donc pris au mot. Le texte que nous proposons est court, précis, pragmatique, et il ne fragilise aucunement le monde de l’entreprise. Il prévoit, je le rappelle, le plafonnement des salaires des dirigeants des entreprises aidées par l’État à vingt-cinq fois la plus basse rémunération de l'entreprise; la mise en place d'un comité des rémunérations; la limitation des bonus des traders en proposant que la part variable de leurs revenus ne puisse dépasser la part fixe; la suppression des stocks-options sauf pour les « start-up »; la suppression des parachutes dorés; la transparence des rémunérations des dirigeants; enfin, le plafonnement des rémunérations entreprise par entreprise, chaque conseil d'administration étant conduit à fixer un salaire maximal. Rien de scandaleux dans tout cela, d’autant que, pour éviter tout blocage et permettre un consensus, nous n’avions pas fait un préalable de la suppression du bouclier fiscal. C’est vous dire notre volonté d’aboutir à un consensus!

Que s’est-il donc passé?

Jeudi dernier, notre texte a tout d’abord été examiné, dans des conditions rocambolesques, en commission des lois, le groupe UMP prenant prétexte de l’article 2, qui instaure un comité des rémunérations, pour vider notre texte de toute sa substance et même tenter de faire passer cette disposition en proposition de loi du groupe UMP. Il fallait quand même oser!

Ensuite, lors de l’examen en séance, nous avons assisté à une véritable pantalonnade, une parodie de débat. Un ministre, assurant le service minimum, se demandait ce qu’il faisait là, les bancs du groupe UMP étant totalement vides.

M. Yves Nicolin. Pas du tout!

M. Philippe Vuilque. Pourquoi donc? Le Gouvernement et le groupe UMP avaient décidé de réserver le vote (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) , c’est-à-dire que, quoi que nous fassions, quoi que nous disions, cela serait de toute façon balayé d'un revers de manche lors du vote prévu ce mardi.

Bien sûr, vous avez le droit de le faire, mais vous avez aussi le droit de respecter l’opposition.

Nous aussi, nous nous sommes demandé ce que nous faisions là. Le Président de la République, le Gouvernement et, par la voix de M. Copé, l’UMP, s’étaient gargarisés de la modernisation de nos procédures et des droits nouveaux accordés à l'opposition, le nouvel article 42 de la Constitution étant, pour sa part, présenté comme un gage d'efficacité.

La réalité est tout autre et nous avons démontré pratiquement, jeudi, que la situation humiliante faite à l'opposition était pire que la situation qui prévalait avant la réforme. C’est pourquoi, jeudi, nous avons quitté l'hémicycle et rencontré le président de l'Assemblée pour lui faire part de notre indignation. Nous le remercions de nous avoir reçus.

Le texte que vous avez retenu vide de sa substance notre proposition de loi et n'est qu'anecdotique. Il est l'illustration de votre comportement inacceptable.

Dans ces conditions, madame la présidente, nous ne participerons pas au scrutin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Anciaux. Quelle mascarade!

M. Lucien Degauchy. Lâcheur!

M. André Gerin. Ce Gouvernement est lamentable!

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe GDR.

M. Maxime Gremetz. Je vous remercie et vous félicite, madame la présidente, car c’est la première fois que je vous vois présider la séance.

Mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous prononcer « solennellement », en tant que représentants de la Nation, sur une proposition de loi qui a été vidée de son contenu par les parlementaires de la majorité…

M. Yves Nicolin. Nous l’avons enrichie!

M. Maxime Gremetz. …lors de son examen en commission, et qui n'a pas été débattue dans cette enceinte, le Gouvernement ayant réservé l'ensemble des votes pour permettre aux députés UMP de partir en week-end. Ils ont effectivement du mal à se priver de week-ends.

M. Patrick Roy. Il y en avait quatre!

M. Maxime Gremetz. Avec cette stratégie croisée de « l'examen massacre » en commission et de la réserve des votes, le groupe UMP et le Gouvernement ont tout simplement mis fin, je vous le dis, au principe des niches parlementaires!

M. André Gerin. C’est dégueulasse!

M. Maxime Gremetz. Il s'agit donc d'un moment tout à fait important dans l'histoire de nos institutions. Les droits de l'opposition sont chaque jour réduits, pendant que les « ténors » du parti majoritaire…

M. Jean-Pierre Brard. Oh, les ténors…

M. Maxime Gremetz. Les « ténors » entre guillemets, monsieur Brard! La droite perturbe assez mes propos, ne les imitez pas! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les « ténors » du parti majoritaire et de l’exécutif chantent à tue-tête des odes à « l’hyperparlement », au renforcement de ses droits et de ceux de l’opposition.

Mes chers collègues de la majorité, le mépris insupportable avec lequel nous sommes traités ne doit pas vous réjouir, parce qu'il rejaillit immanquablement sur vous. Ce sont également vos propres droits qui sont piétinés, vous qui devenez de simples godillots, pour reprendre ce beau mot qui fut à la mode et que l’on doit, rappelez-vous, au Général de Gaulle; il évoquait les godillots de l’UNR. Vous devenez donc de simples godillots, juste bons à enregistrer à la hâte les textes d'un gouvernement qui ne vous écoute ni ne nous respecte! (Protestations sur les bancs de l’UMP.)

M. André Gerin. Il a raison!

M. Maxime Gremetz. La République, ce n'est pas le silence de la représentation nationale face aux errements d'un chef d'État tout-puissant que personne n'ose plus contredire!

M. Marcel Rogemont. Même pas son fils!

M. Maxime Gremetz. J'en viens maintenant au fond du sujet. (Exclamations sur les bancs de l’UMP.)

Oui, il était urgent de légiférer pour réguler – j’emploie ici un verbe fort mesuré – les scandaleuses rémunérations des dirigeants d'entreprises et des opérateurs de marché. Les dispositions du texte de nos collègues socialistes le faisaient bien ! Nous aurions soutenu leur proposition avec ardeur, puisque les députés communistes, républicains et du parti de gauche avaient eux-mêmes déposé un texte de ce type, comme quoi nous ne sommes pas toujours en désaccord!

M. Marcel Rogemont. Cela n’arrive pas assez souvent.

M. Maxime Gremetz. Dans ce cas-là, il faut le dire. Nous proposions ce qui nous paraissait nécessaire.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il vous reste trente secondes!

M. Maxime Gremetz. Oh, madame la présidente…

M. Lucien Degauchy. Au suivant!

M. Maxime Gremetz. Le chef de l'État, son gouvernement et sa majorité refusent obstinément de réguler les rémunérations des grands patrons et des traders. Entre 1997 et 2007, la rémunération des grands patrons a augmenté de 15 % par an, alors que celle des salariés ne progressait annuellement que de 3 %. L'injustice est d'autant plus grande que nous ne parlons évidemment pas des mêmes sommes en valeur absolue.

Faut-il le rappeler? De 1999 à aujourd'hui, …

M. Yves Nicolin. Débranchez-le!

M. Maxime Gremetz. … la rémunération annuelle moyenne des patrons du CAC 40 est passée de 588000 euros à 4,7 millions d'euros, soit 308 années de SMIC ! Et ce n'est qu'une moyenne!

Selon l'autorité des marchés financiers, la rémunération des dirigeants se compose aujourd'hui à moitié de rémunération variable, du type stock options

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous prie de terminer en dix secondes!

M. Maxime Gremetz. Je suis privé de parole à l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’en rajoutez pas! « Il faut légiférer, il faut moraliser le capitalisme financier et rompre avec le règne de la finance folle! », disait le Président de la République Nicolas Sarkozy. Nous sommes très mal partis!

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Gremetz. (M. Maxime Gremetz proteste et tente, micro coupé, de poursuivre son propos.)

M. Lucien Degauchy. Vive Marchais!

Mme la présidente. Ayant parlé six minutes et demie, au lieu de cinq minutes, vous avez largement pu vous exprimer.

Le scrutin est annoncé dans le palais.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu'ils subissent désormais quotidiennement les effets de la crise économique, nos concitoyens restent, pour la plupart, profondément choqués par les rémunérations que perçoivent encore certains dirigeants de grandes entreprises et de grands groupes, sans lien avec leurs performances.

Ce débat sur la rémunération des dirigeants d'entreprises, engagé par le groupe socialiste à l'occasion de sa journée d'initiative parlementaire, est, à ce titre, un débat utile, qui doit permettre de rappeler l'engagement, sur ce sujet, de la représentation nationale tout entière. Nous devons mettre fin à ces pratiques, qu’il s’agisse de prises de risques démesurés ou de la possibilité pour des dirigeants ayant échoué dans leur mission de se retirer avec des indemnités de départ considérables et injustifiées.

Deux aspects de ces politiques de rémunération sont tout particulièrement choquants. Je pense à la parfaite opacité qui entoure, à l'heure actuelle, la fixation des salaires des dirigeants d'entreprises mais aussi à l'absence de vraie régulation de ces pratiques. En ce qui concerne plus spécifiquement les opérateurs de marché, comme d'ailleurs les gestionnaires de fonds d'investissement, on ne peut non plus cautionner la dissymétrie flagrante entre les conséquences de leurs actes, selon que ces derniers se sont traduits par des pertes ou par des profits. En cas de profits, ils percevront des bonus considérables, tandis que leur participation aux pertes subies par les épargnants ne sera souvent que d’un montant dérisoire.

Ce constat partagé peut appeler deux types de réponses. Dans la philosophie de nos collègues socialistes, il s'agit de réglementer pour réglementer, et ce sans aucun souci du résultat final. Ainsi préconisent-ils des solutions à la seule échelle nationale. Ils s’en remettent également à une approche totalement administrative du capitalisme, en proposant la mise en place pure et simple d'une échelle des salaires à l’intérieur de chaque entreprise, qui intègrerait la rémunération des mandataires sociaux. Vous êtes sûrs d’échouer, mes chers collègues!

Notre philosophie politique est, au contraire, celle d'un libéralisme organisé, où la justice naît de l'équilibre entre les pouvoirs, où la moralisation du capitalisme, nous le savons, n'est pas une simple option parmi d'autres, mais bien, aujourd'hui, la condition de sa survie.

M. Maxime Gremetz. Accélère, Charles-Amédée!

M. Charles de Courson. Selon nous, les dérives actuelles appellent deux types de réponses. Il faut, dans un premier temps, rendre ces politiques de rémunération plus transparentes. Il faut aussi, dans un second temps, les démocratiser en rendant le pouvoir aux actionnaires réunis en assemblées générales.

Le groupe Nouveau Centre, lors de sa propre journée d'initiative, avait déjà formulé une proposition simple, qui visait à conférer aux assemblées générales des actionnaires, et non plus aux conseils d'administration, le pouvoir de décider de l'ensemble des éléments de rémunération et avantages divers des dirigeants, y compris stock options et retraites chapeaux.

Plus largement, la rémunération des dirigeants d'entreprises est une vraie question, qui n'appelle pas seulement à un traitement national mais implique également de définir des réponses au niveau européen, ainsi qu'au niveau du G20.

M. Maurice Leroy. Très bien!

M. Charles de Courson. Après avoir, dès 2007, fixé le principe selon lequel les indemnités de départ ou golden parachutes devaient être la conséquence de résultats évalués selon des critères prédéterminés, la France a porté avec ses partenaires européens, il y a quelques semaines, au G20 de Pittsburgh, des positions fortes, en ce qui concerne, cette fois, la rémunération des opérateurs de marché.

Enfin, avec le code de déontologie AFEP-MEDEF, c'est l’essentiel des grandes entreprises françaises qui s'est engagé dans la voie d'une moralisation des politiques de rémunération des dirigeants. Certes, on peut l’estimer insuffisante, mais on commence du moins à bouger. L'objectif, cela a été répété au cours de nos débats, doit désormais être la pleine application de ce code; à défaut, c'est une nouvelle intervention législative qui sera nécessaire.

Pour autant, instituer dans les grandes entreprises un comité des rémunérations chargé d'éclairer l'assemblée générale des actionnaires sur la politique de rémunération de leur société nous semble un moyen de commencer à battre en brèche l’opacité qui entoure, aujourd'hui, les politiques de rémunération des dirigeants des grandes entreprises. C'est à ce titre, mes chers collègues, que le groupe Nouveau Centre votera l'article 2 de la proposition de loi du groupe socialiste, le seul à être conforme à notre philosophie.

M. Maxime Gremetz. C’est sûr, il n’y a plus rien dedans!

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe UMP.

M. Jean Mallot. Ça va être compliqué!

M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe SRC a donc déposé une proposition de loi visant à encadrer la rémunération des dirigeants de sociétés, selon des modalités spécifiques.

Je vous rappelle que la commission des lois, traditionnellement impliquée dans les questions de régulation économique et de gouvernance, avait déjà travaillé sur ce sujet, en créant une mission d'information qui, avant l'été, a déposé un rapport voté, je vous le rappelle, à l'unanimité. Il contenait seize propositions.

Ce rapport indiquait de manière liminaire que la première des questions à résoudre était d’intervenir au plan international, notamment dans le cadre du G20, mais aussi de l’Union européenne, considérant que si les États pouvaient certes légiférer individuellement, il convenait qu’ils adoptent des principes communs, afin d’avoir un tronc commun international. C’est précisément l’initiative qu’a prise le Président de la République, notamment lors du dernier sommet du G20 de Pittsburgh. Cela va dans le sens souhaité à l’unanimité par la commission des lois.

Allant à l’encontre du consensus dégagé, le groupe SRC formule des propositions dont le tronc commun est le plafonnement uniforme des rémunérations, à la façon des « 35 heures pour tout le monde ». Cela correspond à une culture qui n’est pas la nôtre et à une méconnaissance des réalités concrètes des entreprises dont la situation est très variée et ne peut s’accommoder de règles uniformes ne tenant pas compte de ces différences. Pour autant, nous ne sommes pas opposés à une intervention législative, faute d’obtenir de résultats suffisants dans le cadre de l’autorégulation.

À la suite de cette analyse, la commission des lois a très naturellement rejeté, à la majorité, les articles de la proposition, mais elle a, en revanche, adopté, après l’avoir amendé, l’article 2, reprenant l’une des propositions techniques formulées dans le rapport que je viens d’évoquer et qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

M. Maxime Gremetz. Bref, on ne peut rien proposer!

M. Philippe Houillon. J’ai entendu parler de « pantalonnade »: il ne s’agit que du fonctionnement normal de la démocratie. Je ne vois pas quelles critiques pourraient être formulées.

En tout logique, le groupe UMP votera l’article 2 tel qu’il nous est présenté ainsi que le changement de titre. Ces dispositions vont dans le bon sens et sont conformes à ce que la commission des lois avait précédemment suggéré à l’unanimité. Nous attendons les mesures gouvernementales qui viendront compléter ce dispositif. (« Très bien! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais donc mettre aux voix, par un seul vote, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, l’article 2 dans la rédaction issue de l’amendement n° 19 de la commission des lois, le titre de la proposition de loi modifié par l’amendement n° 9, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout autre amendement.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 305 Nombre de suffrages exprimés 303 Majorité absolue 152 Pour l’adoption 280 Contre 23 (La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Résolution sur l’extension du référendum

Suite de la discussion d’une proposition de résolution.

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution visant à mettre en œuvre l’article 11 de la Constitution sur l’extension du référendum (n°1895 rectifié).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Mallot, au nom du groupe SRC.

M. Jean Mallot. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, jeudi dernier a été discutée ici notre proposition de résolution estimant urgente la mise en œuvre de l’article 11 de la Constitution sur l’extension du référendum.

Brillamment présentée par notre collègue Michel Vauzelle, cette résolution n’a pas eu le bonheur d’intéresser l’UMP. Ce jour-là, elle avait décidé de boycotter les débats sur nos propositions et organisé l’absentéisme sans risque de ses députés. L’UMP nous avait pourtant tellement bassinés avec ce droit nouveau reconnu aux parlementaires de présenter des résolutions qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle participe au débat! Il n’en a rien été. Il est étrange de voir que l’explication de vote de l’UMP aujourd’hui, mardi, sera faite par un député qui n’était pas présent lors de la discussion jeudi dernier…

Il s’agit pourtant de demander la mise en application du référendum d’initiative partagée, voté à la quasi-unanimité de notre assemblée, grâce à un amendement d’Arnaud Montebourg lors de la révision constitutionnelle de l’an dernier.

M. Maurice Leroy. Que vous n’avez pas votée!

M. Jean Mallot. Désormais, un référendum pourrait être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs de ce pays. Il ne manque plus, pour cela, qu’une loi organique définissant les modalités.

Pourtant, le Gouvernement traîne et tarde à présenter son projet de loi organique. Ce référendum d’initiative parlementaire et de soutien populaire pourrait porter sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes économiques, sociales ou environnementales et sur les services publics. Voilà un droit nouveau!

Mais, dans la France d’aujourd’hui, l’empereur, sa femme et, maintenant, le petit prince (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) veulent tout contrôler, tout décider. Ils n’aiment pas les contre-pouvoirs, réels ou potentiels; ils veulent maîtriser les médias, le pouvoir économique, la justice, le Parlement et les collectivités locales en les étranglant. Laisser la parole au peuple? Vous n’y pensez pas!

Alors, le Gouvernement joue la montre; il fait ce que l’on appelle de l’obstruction. L’argumentaire du ministre, jeudi dernier, était assez révélateur: il a enfoncé toutes les portes ouvertes. « La loi organique devra résoudre beaucoup de problèmes techniques », a-t-il dit. Ou encore: « Le soutien des électeurs doit être recueilli dans des conditions qui ne laissent place à aucune forme de contestation ou de doute.» Certes! « Il faut vérifier l’inscription sur les listes électorales et authentifier la signature des électeurs. » « Il faut prévoir les modalités de procuration. » « Plusieurs commissions seront sans doute nécessaires pour cela. » Comme si l’on ne savait pas, en France, organiser des référendums ou des élections!

En réalité, le Gouvernement et l’UMP ont vu, à l’occasion de la votation citoyenne du 3 octobre dernier contre la privatisation de La Poste, que les Français savaient se mobiliser pour défendre le service public. Plus de deux millions de signatures en quelques jours, avec une simple organisation bénévole et malgré les menaces contre les maires, ont exprimé notre attachement au service public de La Poste. Les Français aiment ce service quotidien, auquel chacun a accès, quelle que soit sa condition sociale. Leur mobilisation a été forte et le mépris affiché par l’UMP à l’égard de leur démarche est bien mal placé. Quant à nous, nous venons de déposer une proposition de loi permettant le lancement d’une campagne référendaire sur le statut de La Poste et nous militons pour une charte des services publics annexée à la Constitution.

Jeudi dernier, le ministre, dans sa réponse, après de longues et laborieuses explications, a fini par s’engager à ce qu’un projet de loi organique relatif au référendum d’initiative parlementaire et populaire soit déposé à l’Assemblée nationale avant la fin de cette année. Mais quand sera-t-il à l’ordre du jour? Quand sera-t-il discuté, adopté, et donc applicable? Sur ce point, on ne nous dit rien.

L’une des explications se trouve dans le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution. Le référendum d’initiative parlementaire et populaire « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. » À l’évidence, le Gouvernement et l’UMP veulent faire voter le nouveau statut de La Poste, et donc la marche vers la privatisation, avant de permettre l’organisation d’un référendum, lequel ne pourrait avoir lieu avant 2001, voire plus tard. La manœuvre est claire.

De cet état de fait, nous pouvons tirer trois conclusions.

Premièrement, la revalorisation du Parlement est un beau discours, sans contenu réel, et les droits de l’opposition un leurre.

M. Bernard Roman. C’est vrai!

M. Jean Mallot. Deuxièmement, le Président de la République, le Gouvernement et l’UMP ont un double langage: ils promettent un droit nouveau aux parlementaires et au peuple, via le référendum, mais ils font tout pour que celui-ci ne s’applique pas.

Troisièmement, madame la présidente – j’en viens à ma conclusion –, il y a effectivement urgence à rendre applicable l’article 11 de la Constitution pour permettre aux citoyens de ce pays de s’exprimer sur des sujets qui les intéressent. Nous invitons donc toutes celles et tous ceux qui, sur ces bancs, ont une parole et respectent les engagements qu’ils ont pris, à voter notre proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, au nom du groupe GDR.

M. Patrick Braouezec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour voter une proposition de résolution qui a à peine fait l’objet d’un débat parlementaire. La faute en revient au Gouvernement, qui a réservé les votes sur les textes de la niche socialiste, mettant fin, de fait, au principe même de ces niches parlementaires de l’opposition.

Pourtant, la résolution qui vous a été présentée – et qui vous l’est à nouveau aujourd’hui, ce qui vous laisse la possibilité de vous rattraper – représente la base minimum de l’initiative parlementaire. Il s’agit simplement d’établir que notre Assemblée « estime urgente » l’application de l’article 11 de la Constitution. Mais quasiment aucun député de la majorité n’était présent dans l’hémicycle, ne serait-ce que par courtoisie, pour suivre les débats. C’est dire leur considération pour le débat démocratique!

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Nous vous écoutons!

M. Patrick Braouezec. L’objet même de cette résolution aurait pourtant dû attirer votre attention, mes chers collègues, tant elle répond au fameux volet citoyen de votre réforme constitutionnelle, qu’on attend toujours en dépit des nombreux rappels à l’ordre. Il est tout de même sidérant que ce soit à l’opposition de vous rappeler à l’ordre au sujet d’une initiative que vous avez inscrite dans la Constitution! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Qui l’a votée?

M. Jean-Claude Lenoir. Vous, vous ne l’avez pas votée!

M. Maxime Gremetz. Et heureusement!

M. Patrick Braouezec. J’y reviendrai! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Proposer la possibilité d’un référendum d’initiative populaire aurait dû participer d’une démarche volontariste de votre part! Puis-je poursuivre mon propos dans le silence, madame la présidente? Cela me ferait plaisir! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Gerin. Un peu de tenue!

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie!

M. Patrick Braouezec. Au contraire, plutôt que de créer les outils impliquant un peu plus les citoyens dans leur environnement politique, vos priorités étaient tout autres. Comme nous l’avons dénoncé, lors des différentes discussions des lois organiques découlant de la réforme constitutionnelle, nous nous étonnons du peu d’entrain dont vous faites preuve, quand il s’agit de la mise en œuvre du « volet citoyen ». Or les lois organiques visant à permettre au Président de la République de nommer des PDG des entreprises publiques, aux ministres de retrouver leur siège de député ou encore à réformer le travail parlementaire en muselant l’opposition ont été présentées avec une rapidité suspecte! Il y a donc deux poids, deux mesures!

Si nous réclamons aujourd’hui l’application de la réforme de l’article 11, il faut rappeler que nous n’étions pas pour autant favorables au projet de loi de modernisation des institutions de la V République. Nous avions défendu des propositions alternatives pour que les institutions soient réellement réformées, c’est-à-dire que le pouvoir soit donné au Parlement et aux citoyens, que la démocratie soit insufflée à tous les échelons de l’État et que le pluralisme assure la vitalité de notre vie publique. De fait, nous ne comptons plus les promesses trahies, les aspirations déçues, d’où la défiance des citoyens à l’égard des institutions, de la représentation politique et – plus grave encore – de la politique elle-même. Ce sont autant de phénomènes qui participent à la crise du politique devant laquelle nous refusons, pour ce qui nous concerne, d’abdiquer.

Mes chers collègues, comme il vient de l’être rappelé, plus de deux millions de Français ont participé à la grande consultation populaire sur l’avenir de La Poste. C’est vous dire l’urgence de donner à tous les outils pour permettre qu’une telle consultation soit juridiquement valable. Mais le Gouvernement n’inscrira pas à l’ordre du jour le projet de loi organique d’application du nouvel article 11 avant celui tendant à modifier le capital de La Poste. C’est, ici encore, le signe d’un mépris du Parlement et du peuple. Le Gouvernement méprise le Parlement et le peuple en ne mettant pas cette loi organique à l’ordre du jour. Il les méprise encore, lorsqu’il réserve les votes sur une proposition de résolution « estimant urgente » cette réforme!

Parce que nous pensons que ce type d’initiative est essentiel à la réconciliation des citoyens avec la politique, nous appuierons la démarche de nos collègues socialistes, républicains et radicaux et voterons pour cette résolution! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je fais, d’ores et déjà, annoncer le scrutin sur le vote de l’ensemble de la proposition de résolution.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe NC.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois, depuis l’entrée en vigueur du nouvel article 34-1 de la Constitution, notre assemblée est, aujourd’hui, amenée à se prononcer sur une proposition de résolution inscrite à l’ordre du jour de nos travaux à l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Il est vrai que, pour cette première proposition de résolution, on aurait pu rêver mieux. En effet, elle est pour nous une caricature.

M. Christian Vanneste. Très bien!

M. Jean-Christophe Lagarde. Après avoir voté contre la réforme constitutionnelle, après avoir voté contre l’essentiel des textes d’application de cette réforme, y compris contre celui nous permettant de débattre aujourd’hui d’une proposition de résolution, le groupe socialiste vient, pour autant, nous expliquer qu’il est urgent de mettre en œuvre le reste de la réforme constitutionnelle dont il n’a jamais voulu et à laquelle il n’a cessé de s’opposer! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Pardon de vous le dire ainsi, mais il est tout de même quelque peu caricatural et ridicule que de se trouver dans une situation où ceux qui, par leur vote, refusent les droits du Parlement et des citoyens, viennent, par leur discours, demander exactement l’inverse! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Braouezec. C’était la seule chose positive dans cette réforme!

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est vrai que cette demande pourrait être toutefois légitime. Ce dont vous n’avez pas voulu, lors de la discussion de la réforme constitutionnelle, était proposé par la commission « Balladur-Vedel ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce dont vous n’avez pas voulu non plus dans la réforme constitutionnelle – ce que le groupe Nouveau Centre revendique – a été réinscrit dans le texte de loi par amendement parlementaire après que l’exécutif, qui n’y était pas très favorable, a été convaincu que c’était un nouveau droit pour les citoyens. Nous nous sommes réjoui de cette avancée démocratique significative, laquelle a conditionné en grande partie le vote que le Nouveau Centre a émis sur la réforme constitutionnelle.

Les textes d’application se mettent progressivement en place et sont inscrits à l’ordre du jour du Parlement. Ceux-ci, contrairement à ce que vient d’affirmer M. Braouezec, ne permettent pas au Président de la République de nommer des responsables d’entreprises publiques – ce que tous les Présidents de la République ont toujours fait – mais autorisent le Parlement à donner son avis et à auditionner les candidats! Telle est la réalité. C’est également une avancée démocratique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Quel est l’objectif de cette proposition de résolution? Après avoir réalisé une prétendue votation citoyenne sur La Poste, sujet d’actualité, vous cherchez à en refaire parler. Nous sommes, pour notre part, favorables au référendum d’initiative populaire. Ceux qui, dans votre groupe, étaient présents lorsque nous avons débattu de ce sujet – je pense notamment à M. Montebourg qui n’est pas là aujourd’hui – ont clairement dit qu’il conviendrait de préciser les conditions de collecte des signatures, le nombre de parlementaires et si le Conseil constitutionnel devait en être saisi et en être le garant. Ce n’était pas simple et toute la discussion sur la révision constitutionnelle a porté sur ce point. Ce texte est actuellement en cours d’élaboration.

Très franchement, comment peut-on recourir aux propositions de résolution pour demander le contraire de ce que l’on a voté et pour essayer de faire une publicité à l’encontre de ce qui est en train de se mettre en œuvre? Je préfère, quant à moi, dire, au nom du groupe Nouveau Centre que le Gouvernement s’est engagé, en commission, à ce que, d’ici à l’été, nous puissions nous prononcer sur ce texte d’application. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cela peut, certes, vous déranger. Vous aurez comme nous, j’en suis convaincu, la possibilité, l’été prochain, de pouvoir mobiliser des citoyens sur tel ou tel référendum. En attendant, laissez-nous travailler! La journée perdue à débattre d’une proposition de résolution à laquelle vous ne croyez pas, puisque vous avez voté contre les mesures que vous demandez (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR) aurait pu être mise à profit pour accélérer la mise en application de la réforme! Devant tant de mauvaise foi, le groupe Nouveau Centre préférera s’abstenir! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. On a entendu un godillot!

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

M. Claude Goasguen. Ce débat est très simple. L’opposition n’a pas voté la réforme de la Constitution, elle essaie donc, en déposant cette proposition de résolution, de rattraper son erreur. (Applaudissements les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert. C’est ridicule!

M. Claude Goasguen. En demandant à ce qu’un référendum soit organisé, elle s’est aperçue que, peut-être, la proposition de modification de la Constitution avait du bon. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe UMP.) Je le regrette pour vous, mais il fallait peut-être, en son temps, prendre conscience que la proposition, qui était faite, et qui est devenue constitutionnelle, pouvait s’avérer intéressante aussi pour l’opposition! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Alors appliquez la!

M. Claude Goasguen. Vous n’avez pas saisi cette occasion! Aujourd’hui, vous tentez de rattraper difficilement une erreur de jugement!

Si nous nous plaçons sur le plan juridique, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que vous ne connaissez pas bien la procédure. En effet, en admettant que la loi organique eût été votée, la proposition de référendum aurait dû être votée par l’Assemblée nationale, comme le précise le texte de la Constitution. Et il y a, d’ailleurs, fort à parier que l’Assemblée nationale ne vous aurait pas suivis sur ce plan. Par conséquent, vous ne devez jamais oublier qu’avant de parler de la Constitution, il faut d’abord la lire! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Sandrine Hurel. Démago!

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est un aveu!

M. Claude Goasguen. Vous faites du vent!

Je vais vous rassurer! Comme il l’a déjà fait pour huit projets de loi organique, le Gouvernement déposera, avant la fin de l’année, le projet de loi organique relatif à la révision constitutionnelle que vous n’avez pas votée! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

J’espère que, lorsqu’on examinera ledit projet de loi, votre enthousiasme pour la Constitution vous permettra de le voter. Vous devrez, en effet, faire preuve de cohérence!

M. Jean-Paul Lecoq. On verra le contenu du projet de loi!

M. Claude Goasguen. Vous ne pouvez pas affirmer aujourd’hui que nous n’avons pas discuté assez vite du projet de loi organique et vous y opposer dans quelques mois! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je me félicite, en conséquence, que l’opposition accepte de voter une partie de la loi organique issue d’une réforme constitutionnelle qu’elle n’a pas votée!

Soyons sérieux! Quand on fait une erreur, on l’assume! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. C’est d’un niveau!

M. Claude Goasguen. Puisqu’il y a, parmi vous, quelques juristes – et je ne vise pas M. Emmanuelli qui parle beaucoup, mais qui ne connaît pas le droit – je citerai un adage latin qui dit nemo auditur propriam turpitudinem allegans . (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Cela signifie que, quand on commet une faute, on l’assume! Nous ne voterons donc pas votre proposition de résolution. Eh oui, monsieur Emmanuelli, il faut apprendre le droit! Cela ne s’invente pas! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Vote

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 460 Nombre de suffrages exprimés 447 Majorité absolue 224 Pour l’adoption 188 Contre 259 (La proposition de résolution n’est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Projet de loi de finances pour 2010

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2010 (n os  1946, 1967).

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Madame la présidente, madame la ministre de l’économie, mesdames, messieurs, je voudrais, avant de commencer l’examen de ce texte pour lequel nous allons passer de nombreuses heures ensemble, remercier le rapporteur général et le président de la commission des finances pour la qualité de leur travail en commission et hors commission.

Notre stratégie budgétaire est le prolongement de notre stratégie économique et sociale. Un budget, c’est le prolongement, l’expression d’une politique. Bâtir un projet de loi de finances, c’est partir de nos objectifs économiques et sociaux et nous donner les moyens de les atteindre.

Ces objectifs, quels sont-ils?

Il y a un an, c’était très clairement d’éviter que le système financier et que l’activité tout entière ne s’effondrent. Tout le budget 2009 et les différents collectifs, quatre, qui l’ont complété ont été construits en fonction de cet impératif: faire face à la crise exceptionnelle.

Aujourd’hui, notre objectif, c’est de réussir, d’accompagner la sortie de crise. Il ne s’agit plus, comme il y a un an, de tout faire pour limiter l’ampleur de la crise, de la chute, il s’agit désormais de tout faire pour favoriser la reprise et permettre qu’elle s’installe durablement dans notre pays. Renouer avec la croissance, et avec une croissance plus forte, c’est sur cet impératif que nous avons construit le budget pour 2010.

Avant d’entrer dans le détail, je voudrais revenir quelques instants sur cette année 2009, qui, évidemment, pèse beaucoup dans la construction du budget pour 2010. En effet, aucun autre gouvernement depuis la seconde Guerre mondiale n’avait été confronté à une telle crise.

Face à cela, le Gouvernement a pris trois décisions, en matière budgétaire, décisions majeures sur lesquelles nous ne sommes jamais revenus: mettre en œuvre des mesures immédiates de soutien au crédit, accepter des baisses de recettes fiscales d’une ampleur inégalée et relancer l’activité économique par un effort supplémentaire d’investissement et de pouvoir d’achat.

M. Jean-Pierre Brard. Grâce à qui tout ça?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Dire que nous avons été attaqués par la crise est un euphémisme. À l’époque, je vous le rappelle, le plan de relance français était jugé par l’opposition mal construit, déséquilibré –…

M. Jean-Pierre Brard. C’est toujours vrai! Vous n’avez beurré la tartine que d’un côté!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …cela a été l’un des thèmes majeurs des discussions de l’année dernière –, insuffisant, et le soutien aux banques excessif et coûteux.

On voit bien aujourd’hui combien ces critiques n’étaient pas justes.

M. Jean-Pierre Brard. Ça manque d’auto-critique!

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’opposition nous expliquait qu’elle ne trouvait pas son compte dans ce plan de relance, mais l’économie, elle, s’y retrouvait, car, en matière de croissance, nous faisons deux fois mieux que nos principaux partenaires.

La vérité, c’est que nous avons réussi l’examen de passage de 2009, celui de la gestion de crise et du plan de relance. Même si rien n’est assuré et que la situation en matière d’emploi n’est pas satisfaisante,…

M. Jean-Pierre Brard. Tout de même!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …je considère que notre gestion de l’année 2009 a prouvé son efficacité et trouvé son équilibre.

Les décisions du Gouvernement ont largement permis de soutenir la consommation. C’est l’effet du dynamisme des transferts sociaux, qui a été trois fois plus rapide que pendant les dix dernières années,…

M. Jean-Pierre Brard. Venez dans les HLM de Montreuil, on va en parler!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …grâce notamment aux mesures du plan de relance destinées à soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat.

Nos mesures ont permis de limiter la contraction de l’investissement. Les mesures de trésorerie ont soulagé la situation de près de 200000 PME et 850 chantiers de relance ont été engagés dès l’année 2009. Les mesures de sauvetage des banques ont été proportionnées et efficaces et, contrairement à ce que je lis ici ou là, ce soutien a rapporté au contribuable: 1,4 milliard…

M. Henri Emmanuelli. C’est ridicule!

M. Jean-Pierre Brard. Et combien aux banques?

M. Éric Woerth, ministre du budget . …reviennent au budget de l’État en 2009.

Bien sûr, le déficit public est important: il atteindrait 8,2 points de PIB à la fin de l’année. C’est près de cinq points de dégradation par rapport à 2008, mais, il faut être très clair, près de 100 % de cette dégradation est due à la crise. Ne confondez pas crise et gestion laissant filer la dépense. La dépense hors relance est tenue et respectera en 2009 la norme de zéro volume,…

M. Jean-Pierre Brard. Parlez français! Cela ne veut rien dire!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …c’est-à-dire qu’elle n’augmente pas en dehors de l’inflation. Quand il n’y a pas d’inflation, elle n’augmente pas du tout.

Je ne laisserai pas caricaturer notre action, ce qui est toujours facile.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut du talent! Regardez Daumier!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Ce sont les recettes qui ont fondu sous l’effet de la crise, et non pas les dépenses de tous les jours qui auraient explosé: 53 milliards d’euros, voilà les recettes que l’État a perdues entre2008 et2009. Rien que sur l’impôt sur les sociétés, la baisse est de 30 milliards d’euros. C’est quasiment l’ampleur de l’ensemble du déficit de l’État en 2007.

Additionnés, la baisse des recettes et le plan de relance expliquent donc 98 ou 99 % de l’augmentation du déficit budgétaire, qui devrait atteindre cette année 141 milliards. Sur ces 141 milliards, le déficit de crise s’élève à 96 milliards, soit 70 %.

M. Henri Emmanuelli. C’est votre compte!

M. Éric Woerth, ministre du budget . La sphère sociale est dans la même situation. Là encore, je ne laisserai passer aucune caricature. Le déficit du régime général atteindrait 23,5 milliards d’euros; 65 % de ce déficit est dû à la crise.

M. Jean-Pierre Brard. Et à la grippe!

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’évolution des dépenses d’assurance maladie, pour la deuxième année consécutive, sera en effet largement tenue, avec une progression de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, voté ici même, quasi conforme à notre objectif de 3,3 %.

Si l’on ajoute le déficit des collectivités locales, de l’ordre de 0,4 point de PIB, et celui du régime d’assurance chômage, l’ensemble du déficit public devrait se monter à 8,2 points de PIB en 2009.

Loin de moi l’idée de dire que nous sommes satisfaits par une telle situation – qui pourrait l’être? – mais il faut regarder autour de nous: cette dégradation est moins forte en France. Pour l’ensemble des pays industrialisés de l’OCDE, depuis 2007, la dégradation devrait être, selon les toutes dernières prévisions du FMI, de plus de 7 points de PIB, contre 5,5 pour la France. Cela signifie deux choses: nous avons obtenu de meilleurs résultats en matière de croissance et notre positionnement relatif en matière de déficit s’est amélioré.

Notre politique budgétaire nous a donc permis d’enrayer la chute de l’activité en 2009 et de terminer l’année avec une récession moindre que prévue mais, vous le savez, la situation reste extrêmement fragile. Le défi de l’année 2010, c’est bien évidemment de sortir de la crise et d’en sortir durablement, avec un budget cohérent.

Réussir la sortie de crise, c’est d’abord faire en sorte que la reprise, encore fragile, ne casse pas. Cela signifie porter une grande attention aux conditions dans lesquelles le plan de relance est retiré.

Ce plan, vous le savez, a une vocation temporaire, nous l’avons suffisamment dit avec Christine Lagarde et Patrick Devedjian. L’essentiel des dépenses de relance en 2009 – 39 milliards d’euros, y compris 6,7 milliards d’euros de prêts aux constructeurs automobiles – ont donc vocation à ne pas être reconduites en 2010, mais nous avons décidé qu’un petit nombre d’entre elles devaient l’être, parce qu’il serait excessivement dangereux pour la sortie de crise de les stopper brutalement.

Les dépenses de la mission « Relance » représenteront encore 4,1 milliards d’euros de crédits en 2010. Ils seront consacrés à deux priorités: l’investissement et l’emploi. Le budget prévoit notamment les crédits nécessaires à la poursuite des mesures exceptionnelles en faveur de l’emploi mises en œuvre dans le cadre du FISO, le fonds d’intervention sociale, 1,4 milliard, mais aussi de l’exonération de charges pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises, 410 millions d’euros. Le secteur automobile continuera à bénéficier d’un soutien particulier, à travers le maintien en 2010 d’une prime à la casse, dont le montant sera néanmoins progressivement réduit et représentera 240 millions d’euros sur l’année.

Au-delà des crédits de la mission « Relance », notre vigilance sur la reprise de l’activité nous a conduits à accentuer notre effort en matière de politique de l’emploi et de soutien à la trésorerie des entreprises:

En complément du FISO et de l’exonération pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises, les crédits relatifs à l’emploi seront renforcés de 700 millions d’euros par rapport à ce que prévoyait le budget triennal.

La trésorerie des entreprises, quant à elle, bénéficiera de la prolongation de la possibilité de se faire rembourser immédiatement le crédit d’impôt recherche, soit 2,5 milliards d’euros, et elle bénéficiera surtout de la suppression de la taxe professionnelle en un an.

Du fait de phénomènes de décalages temporels dans la mécanique des impôts, cette suppression en une fois apportera un surcroît de trésorerie aux entreprises de 7 milliards d’euros en 2010 par rapport à une année normale.

Tous ces choix ont été très longuement pesés.

M. Dominique Baert. Ce n’est pas suffisant; c’est encore brouillon!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Du reste, ils ne sont pas propres à la France: la plupart des grandes économies développées considèrent l’année 2010 comme une année charnière pour essayer de sortir de la crise et utilisent leur budget public, l’arme budgétaire, en conséquence. À cet égard, le G 20 a bien montré le très fort consensus sur les plans de relance.

Ce retrait progressif du plan de relance conduit à une réduction de 25 milliards d’euros du déficit de l’État, qui passera, en 2010, de 141 milliards à 116 milliards d’euros. Le déficit de crise restera néanmoins la principale composante du déficit budgétaire, dans une proportion de plus de 60 %: en effet, l’amélioration des recettes grâce au début de reprise n’est pas suffisante pour rattraper le retard accumulé en 2009, ce qui est évident en particulier en ce qui concerne les dépenses sociales – nous y reviendrons au cours de l’examen du PLFSS.

Bien sûr, certains nous diront que ce n’est pas assez, que nous devrions déjà être sous la barre des 100 milliards d’euros. Je note d’ailleurs que ce sont généralement les mêmes que ceux que j’entendais, l’année dernière, nous expliquer que nous ne dépensions pas assez pour la relance et nous reprocher dans le même temps d’aggraver le déficit!

M. Lionnel Luca. Absolument!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Maintenant, ils nous reprochent de trop en faire!

M. Henri Emmanuelli. De qui parlez-vous donc?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je n’ai cité personne et je ne vous visais pas, monsieur Emmanuelli!

M. Dominique Baert. Nous n’avons jamais dit qu’il fallait faire des cadeaux!

M. Henri Emmanuelli. En effet, cessez donc la caricature, monsieur le ministre!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Ne perdons pas nos repères. Passer de 141 milliards d’euros à 116 représente une baisse de 18 % en un an. Et ces 16 milliards d’euros qui nous manquent pour passer sous la barre des 100 milliards d’euros dès 2010, sont ceux qui nous semblent indispensables pour sécuriser la reprise, ceux que nous consacrerons à la relance pendant l’année 2010 dès lors qu’on cumule les dépenses directes et les dépenses fiscales. Si cette somme n’était ainsi employée, le déficit serait de 100 milliards d’euros.

Amélioration du déficit budgétaire d’un côté, mais dégradation des comptes sociaux de l’autre en raison de l’emploi. Il reste quelques mois très difficiles devant nous sur le front du chômage. La masse salariale, qui est la base des cotisations sociales, devrait encore diminuer en 2010 de 0,4 % après une diminution de plus de 2 % en 2009. Je rappelle qu’un point de masse salariale représente 2 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Brard. Et combien de chômeurs?

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’écart entre plus 4 % et moins 2 % de masse salariale est donc d’environ 6 points, soit 12 milliards d’euros.

Encore une fois, prenons des repères: pour retrouver le déficit d’avant la crise – le déficit du régime général était alors de 10 milliards d’euros –, il faudrait une croissance de la masse salariale de 10 % en 2011 et en 2012, contre 4,2 % ces dix dernières années en moyenne. En dépit des efforts pour maîtriser la dépense d’assurance maladie, que je présenterai plus longuement dans le cadre du PLFSS, le déficit du régime général continuera donc de se dégrader pour atteindre plus de 30 milliards d’euros en 2010. Quant au déficit des administrations sociales, il passera de 1,4 % du PIB à 2,3 % du PIB.

Au total, le déficit public global devrait représenter 8,5 % du PIB en 2010, et 8,2 % sans la « bosse » de la taxe professionnelle. La dette publique, quant à elle, atteindra 84 % du PIB contre 77 % en 2009. Elle progresserait donc de 20 points entre2007 et2010. Mais c’est la même chose pour l’Allemagne…

M. Jérôme Cahuzac. Et où situez-vous le point de départ?

M. Éric Woerth, ministre du budget . …où l’on débat sur la question de la même manière. Cette progression atteint un peu plus de 30 points aux États-Unis et un peu moins de 40 au Royaume-Uni et au Japon. Ainsi, dans les pays industrialisés, les discussions sur les déficits publics et sur les charges de la dette sont similaires. Et la France est plutôt mieux placée que la plupart de ces pays.

Face à ce déficit, il y a une impasse et un vrai chemin.

Ceux qui pensent que l’on peut encore augmenter les impôts en France se trompent.

M. Dominique Baert. Sur les plus riches, c’est possible!

M. Éric Woerth, ministre du budget . C’est choisir une voie sans issue. C’est choisir le chemin de la crise. C’est mettre la reprise dans un cul-de-sac.

M. Jean-Claude Sandrier. De quels impôts parlez-vous?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Lorsque l’on vit dans le cinquième pays du monde aux prélèvements obligatoires les plus élevés,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est faux!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …croire que l’on peut faire revenir les recettes en augmentant les impôts…

M. Jean-Claude Sandrier. Mais lesquels?

M. Éric Woerth, ministre du budget . …est une hérésie économique.

Le Gouvernement ne soutiendra par conséquent aucune mesure qui irait dans le sens d’une augmentation générale des impôts, qu’il s’agisse de la création de nouvelles tranches de barème de l’impôt sur le revenu, de la diminution de l’ensemble des niches d’un coup de rabot ou encore de détricoter le bouclier fiscal.

M. Jean-Pierre Brard. Et les banquiers?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Car, ne nous y trompons pas: quand on aura fait sauter le verrou du bouclier fiscal, on fera sauter le verrou des hausses d’impôt pour tout le monde! Qui croira d’ailleurs à notre engagement de ne pas augmenter les impôts si nous commençons par revenir sur notre engagement de mettre en place un bouclier fiscal? Un engagement est un engagement!

Le Gouvernement soutiendra d’autant moins cette politique de hausse des impôts que, depuis 2007, nous les avons réduits de 16 milliards d’euros, dont plus de 10 milliards au bénéfice des ménages…

M. Jean-Claude Sandrier. Quels ménages?

M. Jean-Pierre Brard. Jeannot et miss Darty?

M. Éric Woerth, ministre du budget . …et 6 milliards au bénéfice des entreprises.

Notre choix, c’est celui qui consiste à faire revenir les recettes par l’augmentation de l’activité, et non pas par l’augmentation des taux d’imposition. Le présent budget repose entièrement sur cette conviction: face à nos déficits, il faut, d’un côté, tout faire pour encourager le retour de la croissance, et, de l’autre, continuer notre action de resserrement de la dépense publique. Des réformes structurelles pour la croissance, des réformes structurelles pour moins de dépenses: voilà le chemin que nous emprunterons dans les années qui viennent!

Pour faire revenir les recettes en faisant revenir durablement la croissance, nous prenons quatre décisions parfaitement cohérentes avec cette stratégie de croissance.

Première décision: des réformes fiscales de grande ampleur pour être plus compétitifs. La suppression de la taxe professionnelle – Christine Lagarde y reviendra abondamment –, complétée par la poursuite de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle, permet de remédier à deux faiblesses profondes de l’économie française, à deux impôts injustes et anti-compétitifs.

Du reste, entre1997 et2002, lorsque l’opposition était au pouvoir,…

M. Jean-Pierre Brard. C’était donc la majorité!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …elle n’a pas considéré que la réforme de la taxe professionnelle ou que la baisse de l’impôt sur les sociétés était contraire à l’intérêt des ménages. J’insiste: ce qui était bon il y a quelques années lorsque la gauche était au pouvoir, ne l’est plus aujourd’hui; après avoir mené une politique économique dominée par les circonstances, c’est la volte-face en application.

Deuxième élément de cohérence économique: notre budget conforte la priorité donnée à la formation et à l’économie de la connaissance. L’enseignement supérieur et la recherche continuent d’être prioritaires avec 1,8 milliard d’euros par an de moyens supplémentaires. De plus, le Plan jeunes est intégré dans le budget 2010 pour mettre l’accent sur la formation des moins de vingt‑cinq ans, ce qui représente environ 500 millions d’euros.

Troisième élément de cohérence: nous continuons à tout faire pour valoriser le travail, notamment en rétablissant une plus grande équité de taxation entre les revenus de remplacement et les revenus du travail. Les indemnités de départ volontaire à la retraite seront fiscalisées au premier euro. Et si le groupe UMP, par exemple, déposait un amendement visant à étendre l’application de ce principe aux indemnités journalières pour les accidents du travail, le Gouvernement le soutiendrait.

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons!

M. Dominique Baert. Quel aveu!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Ensuite, dans le cadre du PLFSS, nous élargirons le financement de la protection sociale par les revenus du capital pour éviter qu’il ne repose à l’excès sur le travail – je pense aux plus‑values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières qui doivent être soumises aux prélèvements sociaux au premier euro, mais aussi aux conditions de fin de l’exonération pour les contrats d’assurance-vie multi-support en cas de dénouement par décès du titulaire, ou encore au doublement du forfait social, que nous devons pouvoir soumettre à prélèvement social.

M. Jean-Pierre Brard. C’est très convaincant…

M. Éric Woerth, ministre du budget . Enfin, quatrième élément de cohérence: nous poursuivons le basculement de l’économie française vers un modèle de croissance verte en déplaçant la fiscalité de la production vers la pollution avec la taxe carbone, mais aussi en procédant à un certain nombre d’ajustements de nos dispositifs fiscaux pour encourager les comportements écologiques – « verdissement » de la loi TEPA, « verdissement » de la loi Scellier, poursuite du crédit d’impôt « chaudière ».

Travailler au retour durable de la croissance, c’est continuer à réformer le capitalisme pour ne pas reproduire les errements du passé.

M. Jean-Pierre Brard. Quel réformateur d’opérette!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Dans le droit fil des mesures prises concernant les stock-options ou les parachutes dorés,…

M. Jean Launay. C’est-à-dire pas grand-chose!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …nous nous occuperons en particulier des retraites chapeau.

M. Jean Launay. Des mots, des mots!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous mènerons donc une action forte pour favoriser le retour durable de la croissance d’un côté, et nous poursuivrons notre effort de resserrement de la dépense publique de l’autre.

Il n’y aura pas d’amélioration de nos finances publiques si nous relâchons notre effort en matière de dépenses. Je sais, cher Gilles Carrez, que vous y êtes particulièrement attentif.

En 2009, je le dis clairement, notre comportement en matière de dépenses a été exemplaire. Pour ceux qui ont perdu leurs repères en matière de finances publiques, permettez-moi de rappeler qu’en plein milieu d’une crise économique aussi violente que celle que nous avons subie, nous avons été capables de tenir les deux objectifs que nous nous étions fixés: pas un euro de dépenses en plus pour l’État en dehors de l’inflation; une hausse des dépenses d’assurance-maladie limitée à l’ONDAM, à savoir 3,3 %, ce qui n’était pas arrivé depuis 1997 – cela, hors plan de relance.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et le grand emprunt?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je le dis à tous ceux qui nous expliquent aujourd’hui que nous n’en faisons pas assez: le présent gouvernement est celui qui a le mieux tenu les dépenses d’assurance-maladie depuis que l’indicateur principal en la matière existe. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre!

M. Jean-Pierre Balligand. Il faut oser!

M. Henri Emmanuelli. Quel culot!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Cet effort, je souhaite donc que nous le poursuivions sans relâche en 2010. Face au déficit structurel, il ne peut y avoir que des réformes structurelles.

M. Jean-Claude Sandrier. Qui paie?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Cela concerne bien évidemment, au premier chef, les dépenses de l’État – 352 milliards d’euros –, qui n’augmenteront pas plus vite que l’inflation,…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Et le grand emprunt?

M. Éric Woerth, ministre du budget . …alors même que l’hypothèse d’inflation est plus faible – passage de 1,75 % dans le budget triennal à 1,2 %. La crise nous conduit à augmenter certains postes par rapport au budget triennal – 700 millions d’euros supplémentaires pour l’emploi, ce qui est bien normal, et 1,5 milliard d’euros en plus pour les dotations sociales. La crise nous oblige à revoir le niveau des prestations sociales. Enfin, les charges contraintes progressent: les charges de pensions augmentent d’un milliard d’euros et le prélèvement sur recettes pour l’Union européenne augmente de 600 millions d’euros, soit 3,2 %, ce qui traduit d’ailleurs une amélioration de la situation française par rapport à ses partenaires.

C’est donc un effort encore plus exigeant sur les autres dépenses que nous devons fournir. Les effectifs de l’État diminueront en conséquence de 34000 postes en 2010, dont 16000 à l’éducation nationale et 8250 à la défense.

M. Marc Goua. Certains trouveront sans doute que ce n’est encore pas assez!

M. Éric Woerth, ministre du budget . La masse salariale, qui s’élèvera à 84,6 milliards d’euros, progressera de 0,6 %, soit deux fois moins vite que l’inflation. Entre2007 et2010, nous aurons supprimé 100000 postes dans la fonction publique d’État, à savoir une économie brute de 3 milliards d’euros. Entre2005 et2010, le nombre des corps de fonctionnaires est passé de 685 à 380 et je compte annoncer, en la matière, un nouveau programme très ambitieux d’ici un mois.

Nous allons également accentuer notre effort sur les dépenses de fonctionnement. Entre2009 et2010, elles vont pour la première fois diminuer.

M. Michel Bouvard. Bravo!

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’infléchissement initial sera modeste, certes, mais j’espère qu’il se poursuivra puisque les dépenses de fonctionnement structurelles de l’État vont baisser de 1 % en valeur grâce à la réduction du nombre de bases de défense, à la fusion de directions,…

M. Jean-Pierre Brard. Après la diète, l’anémie!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …au regroupement des services déconcentrés, à la mutualisation des achats, à une nouvelle politique immobilière. Toutes ces dépenses, je le répète, diminueront donc de 1 % dans le budget de l’État.

Enfin, l’État, c’est aussi un train de vie. Et en la matière, nous devons répondre à la demande considérable – et bien légitime – d’exemplarité des Français. Nous avons mené une politique de baisse des surfaces immobilières, en les réduisant de 137000 mètres carrés en 2007 et 2008. Nous avons supprimé le statut de conservateur des hypothèques. Nous réduisons le parc automobile de l’État de plus de 10 %. Nous faisons payer de vrais loyers aux occupants des logements de fonction.

M. Michel Bouvard. Très bien! C’est nécessaire!

M. Éric Woerth, ministre du budget . J’ai conscience que cela ne représente pas un montant d’économies à la hauteur de notre déficit. Mais cela est nécessaire, cela est obligatoire si nous voulons pouvoir parler aux Français. Ils ne comprendraient pas, d’ailleurs, que nous ne le fassions pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cet effort de bonne gestion de l’État doit évidemment avoir son prolongement au niveau local. Il ne peut pas y avoir d’évolution trop différente entre ce qui se passe au niveau de l’État et au niveau des collectivités territoriales.

C’est pour cette raison que l’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales progressera comme l’inflation, c’est-à-dire de 1,2 %. Mais ce chiffre intègre le fonds de compensation de la TVA. Si l’on retire cette dotation,..

M. Jean-Pierre Balligand. Nous en sommes à 0,6 %.

M. Éric Woerth, ministre du budget . …qui est en réalité un droit, les dotations de l’État pour les collectivités locales progresseront de 0,6 % – vous avez raison, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Et 0,6 %, ce n’est pas l’inflation!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Et c’est pour cette raison également que les collectivités territoriales doivent accepter d’ouvrir le débat sur leurs effectifs. Il ne peut pas y avoir, d’un côté, un État qui fait des efforts considérables de productivité et, de l’autre, une fonction publique territoriale qui voit ses effectifs augmenter de 3 % par an en moyenne.

M. Francis Vercamer. Exactement! Il faut changer le statut!

M. Jean Launay. Et que faites-vous des transferts, monsieur le ministre?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Entre 2000 et 2007, les effectifs des collectivités territoriales ont augmenté de 322000 fonctionnaires, hors transferts. Je dis bien hors transferts. Cela correspond à une augmentation de 40000 par an.

Voilà, mesdames et messieurs le députés, les fondements du budget 2010. Mais, me direz-vous, et après ? Quels sont les objectifs du Gouvernement en matière de finances publiques d’ici à 2012 ? Et comment les atteindre?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Merci de nous éclairer, monsieur le ministre!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Globalement, je conserve l’analyse que j’avais faite au moment du débat d’orientation budgétaire. Si nous poursuivons cette stratégie consistant, d’un côté, à favoriser le retour des recettes par la croissance, par des réformes structurelles, et non par l’augmentation d’impôt, et, de l’autre, à tenir les dépenses, nous pouvons réduire notre déficit public de l’ordre d’un point de PIB par an. Concrètement, un taux de croissance de 2,5 % à compter de 2011, et une progression des dépenses publiques de 1 % en volume – objectif qui n’est pas facile à atteindre, mais que nous avons atteint l’année dernière et que nous approcherons cette année –nous permettront de réduire chaque année le déficit public d’un point. En 2011, l’amélioration pourrait être supérieure, avec l’extinction du plan de relance et la disparition du surcoût de la TP. Si les conditions macroéconomiques sont celles que j’ai indiquées, nous pourrions réduire le déficit public de 1,5 point. En trois ans, le déficit public pourrait ainsi être réduit de 3,5 points et s’élever à 5 % en 2013.

La clé résidera bien évidemment d’abord dans notre capacité à accélérer la croissance, par la poursuite des réformes structurelles: autonomie des universités, réforme de la formation professionnelle, loi de modernisation de l’économie, tout cela constitue un soutien fort et structurel à la croissance.

De l’autre côté, notre capacité à tenir dans la durée une augmentation de l’ensemble de la dépense publique – pas seulement de celle de l’État‚– limitée à 1% par an en euros constants passe, là encore, par la poursuite des réformes structurelles sur la dépense. Les engagements pris par le Gouvernement pour cette année démontrent parfaitement notre détermination à cet égard. J’en ai donné les preuves en indiquant l’évolution des dépenses.

Nous avons, par exemple, clairement indiqué que l’année 2010 sera celle du rendez-vous sur les retraites, de la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales, de la poursuite de la modernisation de notre système hospitalier, faisant suite à la loi HPST, de la montée en puissance des réorganisations administratives: poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite; mise en place de l’État local à partir du 1 er  janvier; réduction du nombre de bases de défense; réduction de la carte judiciaire; fusion d’administrations centrales.

Certains nous disent qu’un point de baisse du déficit public, ce n’est pas assez, et qu’il faut aller plus vite. Là encore, regardons ce qui se passe ailleurs en Europe. L’effort allemand est strictement équivalent au nôtre : un point de PIB par an. Aux Pays-Bas, il est inférieur à un point pour 2011. C’est bien la preuve que les pays qui nous entourent considèrent qu’en matière de déficit, il faut redescendre une marche après l’autre pour ne pas retomber dans l’escalier de la crise.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’avez compris : 2009 était un budget de gestion de la crise ; 2010 est un budget de gestion de la sortie de crise par la croissance, par la compétitivité et par l’emploi. Nous sommes dans une année charnière : la reprise reste évidemment fragile, et nous devons tout faire non seulement pour la consolider, mais aussi pour renouer durablement avec une croissance supérieure. C’est plus que jamais le moment de ne pas céder à l’illusion des impôts, à la facilité fiscale, et de préférer la voie, bien plus difficile, bien plus exigeante, mais bien plus prometteuse, et d’ailleurs la seule possible: celle de la réforme pour la croissance et pour la baisse des dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment, je n’interviens pas sur le fond. Mon rappel au règlement est fondé sur les alinéas 1 et 2 de l’article 58. Nous venons d’entendre le ministre, M. Woerth. Chacun aura remarqué, madame la présidente, qu’à aucun moment il n’a prononcé le mot « chômeur », tant cette politique est désincarnée. Il est vrai que ce gouvernement, comme sa majorité, à la place du cœur, a la combinaison du coffre-fort des privilégiés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais comme je l’ai dit, madame la présidente, je ne m’exprime pas sur le fond. J’en viens à l’objet de mon rappel au règlement, et M. Woerth va certainement nous donner l’explication que je demande. Pour la première fois depuis deux ans et demi, avec cette majorité sarkozydolâtre, pas une seule fois le ministre n’a évoqué le génie de la colline de Neuilly. Où est-il passé? D’habitude, madame la présidente, un ministre ne peut pas prononcer un paragraphe sans citer deux fois sa majesté impériale.

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait? Où est le changement?

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame la présidente, monsieur le ministre, cher Éric Woerth, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, « je veux une France compétitive, juste, moderne, de plain-pied dans le XIXe siècle »: Nicolas Sarkozy, la semaine dernière. (« Quelle bonne élève! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac. C’est bien, madame la ministre. Vous resterez à votre poste.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi n’avez-vous pas cité le Président en anglais, madame Lagarde?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En anglais, ce sera pour plus tard, monsieur Brard.

Mesdames et messieurs les députés, vous connaissez tous les préoccupations de nos concitoyens. Elles n’ont pas changé: ils veulent toujours que nous protégions leur emploi et leur pouvoir d’achat. Éric Woerth et moi-même, nous sommes venus vous dire que, sous l’autorité du Président de la République (« C’est bien, madame Lagarde! » sur les bancs du groupe SRC) et du Premier ministre, notre politique économique en 2010 sera concentrée sur trois priorités : l’emploi, l’emploi et l’emploi.

Notre politique de relance par l’investissement tente de préserver les emplois d’aujourd’hui, mais nous voulons aller plus loin. Par plus de compétitivité nous voulons créer les emplois de demain et dessiner les emplois d’après-demain,…

M. Christian Eckert. Que c’est beau!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …dans une croissance économique qui sera probablement différente de celle d’aujourd’hui.

Quelques mots, d’abord, sur notre politique de relance par l’investissement. Elle est assumée, elle est cohérente, et, ne vous en déplaise, elle est efficace.

Le Gouvernement doit, en outre, poursuivre les réformes. Car si le modèle français a prouvé son efficacité, il doit se réformer pour s’améliorer. Oui, le Gouvernement a eu raison de soutenir les investissements et l’emploi. Nous en recueillons aujourd’hui les premiers fruits. Oui, dans ce PLF 2010 nous tiendrons nos engagements, comme nous l’avons fait par le passé : soutien à la relance, poursuite des réformes.

Pour cela, je compte sur le regard expert, vigilant, exigeant de la majorité, ainsi que sur le grand talent de votre rapporteur général, Gilles Carrez. Et j’en profite pour remercier très sincèrement tous les membres de la commission des finances pour la qualité et la densité de leur travail, sous l’autorité de leur président, Didier Migaud.

Revenons quelques instants sur ce que nous avons fait pendant l’année 2009, en matière de politique économique, face au choc dont Éric Woerth a souligné à juste titre qu’il était probablement le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale, un choc qu’ont subi toutes les économies du monde, les économies développées les économies émergentes et les économies les moins développées.

En octobre 2008, grâce à votre action rapide, l’État a pu soutenir le fonctionnement du secteur bancaire, afin d’éviter, tout simplement, la thrombose du crédit aux ménages et aux entreprises, ainsi qu’aux collectivités locales.

Face à l’urgence de la situation, nous sommes, tous ensemble, intervenus rapidement et massivement. Nous l’avons fait sous la forme de prêt, de manière déterminée, parce que prêter, c’était avoir la garantie d’être remboursé. L’État ne veut pas être cynique : il ne spécule pas avec l’argent des contribuables !

Le Gouvernement s’était aussi engagé à ce que l’intervention de l’État reste temporaire. Aujourd’hui, les banques, celles qui le peuvent, nous remboursent. Nous avons tenu parole…

M. Jérôme Cahuzac. Encore heureux!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …et les contribuables n’ont pas perdu un centime sur les prêts qui ont été accordés aux banques. Au contraire, le plan bancaire rapportera à la France 1,4 milliard d’euros en 2009, et plus encore en 2010.

Nous n’avons pas réactivé le crédit interbancaire pour faire plaisir aux banques, pour faire plaisir aux banquiers, mais pour soutenir à bout de bras l’économie. En contrepartie, nous avons exigé des banques un certain nombre d’engagements, notamment qu’elles financent l’économie, les ménages, les entreprises, les collectivités locales.

Et nous avons obtenu des résultats ! En un an, les encours de crédit ont augmenté de 2,7 % en France, contre 0,6 % dans le reste de la zone euro.

M. Henri Plagnol. Eh oui! C’est la vérité!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons par ailleurs engagé un plan de soutien de 22 milliards d’euros pour les petites et moyennes entreprises. Là aussi, qu’il s’agisse de la Caisse des dépôts et consignations, monsieur le président Michel Bouvard, qu’il s’agisse d’OSEO ou des autres acteurs publics du financement, tous ont été au rendez-vous.

Nous avons mis en place le Médiateur du crédit –institution qui a été copiée par un certain nombre de nos partenaires européens – pour que, là aussi, l’effort soit soutenu. Près de 8000 entreprises ont bénéficié des services du Médiateur du crédit, et ce sont plus de 150000 emplois qui ont été sauvés par ses interventions.

M. Jean-Pierre Brard. C’est dire le travail des banques!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Avec Patrick Devedjian, nous avons aussi consacré un tiers des mesures de relance – c’est-à-dire 14 des 45 milliards engagés – au soutien de la consommation. Et contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays, elle a tenu bon en 2009, puisqu’elle a augmenté de 0,6. Et elle tiendra bon en 2010: nous prévoyons une augmentation de 0,8 %.

Ces efforts sont aujourd’hui récompensés, comme l’a dit Éric tout à l’heure. C’est bien la raison pour laquelle nous avons décidé de reconduire un certain nombre de ces mesures, grâce à 4,1 milliards d’euros de crédits supplémentaires.

À quoi seront-ils consacrés? D’abord, aux politiques de l’emploi. Le fonds d’investissement social, le FISO, sera doté en 2010 de 1,4 milliard d’euros. Le dispositif « Zéro charge », qui permet aux entreprises de moins de dix salariés d’embaucher, sera lui aussi maintenu, pour que celles qui embauchent avant le 30 juin 2010 puissent bénéficier de douze mois d’exonération.

Pour soutenir la consommation des ménages, Éric Woerth l’a rappelé, la prime à la casse est prolongée, avec une réduction en sifflet : elle passera de 1000 à 700 euros le 1 er janvier, puis de 700 à 500 euros le 1 er juillet. Le doublement du prêt à taux zéro sera également maintenu jusqu’au 30 juin 2010.

Pour soutenir l'innovation, à laquelle nous croyons fortement, le Gouvernement a décidé de prolonger le remboursement anticipé du crédit impôt recherche pour les dépenses engagées par les entreprises avant la fin de l'année 2009. Ce sont 2,5 milliards d’euros qui seront consacrés à l'innovation.

Aujourd'hui, la reprise est un peu là en France, en Allemagne, au Japon, mais pas partout. C’est la raison pour laquelle l'hypothèse de croissance que nous avons retenue pour l’année 2010 est de plus 0,75 %. C'est une hypothèse conservatrice, qui consiste, pour la première fois depuis bien longtemps, en une révision à la hausse, bien que modérée. Elle tient compte de l'impact des mesures de relance et d’une légère amélioration du climat économique mondial, alors que ni notre économie ni celles des pays développés ne sont encore durablement rétablies. La relance par l'investissement décidée en France nous permet cependant de réaliser des performances deux fois supérieures à celles de la zone euro. La prévision de croissance négative pour l’année 2009 est de 2,25 %, légèrement inférieure pour certains experts, alors qu’elle est de moins 5,3 % pour l’Allemagne, moins 5,1 % pour l’Italie et moins 4,4 % pour la Grande-Bretagne.

Voilà pour ce qui est de la politique économique que nous avons mise en œuvre pendant l’année 2009, qui ciblait la relance tout en continuant les réformes nécessaires pour améliorer la compétitivité française.

Privilégier la reprise pour permettre l'emploi, voilà ce que nous souhaitons.

M. Jean-Pierre Brard. L’emploi payé avec un élastique!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les Français n'ont pas le goût du risque et de l’entreprise, nous avait-on dit. C'est faux! Un Français sur deux affirme aujourd’hui vouloir créer son entreprise. Avec Hervé Novelli, nous leur en avons donné les moyens avec le régime de l'auto-entrepreneur. Au mois de septembre, nous avons crevé les plafonds de créations d’entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. Marchands de glace, cireurs de chaussures!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Près de 500000 nouvelles entreprises seront créées en 2009 en France. C’est une bonne nouvelle.

M. Jérôme Cahuzac. Ce sont les artisans qui vont être contents!

M. Henri Emmanuelli. C’est magnifique!

M. Dominique Baert. Des auto-entrepreneurs à temps partiel!

M. Jean-Pierre Brard. Ramasse-miettes dans le XVI e arrondissement!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les impôts augmentent et pèsent sur le budget des Français, nous avait-on encore dit. C'est faux! Comme le Président de la République s'y était engagé,..

M. Jean-Pierre Brard. Et de trois!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …les impôts n'ont pas augmenté. Pour certains de nos concitoyens, ils ont même baissé: le 18 février, le Président de la République…

M. Jean-Pierre Brard. Et de quatre!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …a décidé de supprimer les deuxième et troisième tiers de l'impôt sur le revenu pour 6 millions de contribuables les plus modestes, ceux qui sont imposés dans la première tranche et une partie de ceux qui sont imposés dans la deuxième tranche à 14 %.

M. Jérôme Cahuzac. Ceux qui ne paient pas d’impôt ne sont pas modestes?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement oublie les ménages modestes, nous avait-on également reproché.

M. Dominique Baert. Oui!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Encore faux!

M. Jean-Pierre Brard. Venez à Montreuil! J’assurerai votre sécurité.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Lors du sommet social le 18 février, le Gouvernement s'est engagé à verser une prime exceptionnelle de 150 euros pour les familles bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire et une prime forfaitaire de 500 euros pour les demandeurs d'emplois avec droits insuffisants.

Le chômage explosera au deuxième trimestre, nous avait‑on prédit. C'est faux! La hausse du nombre d'inscrits à Pôle Emploi était en moyenne de 25400 par mois, presque quatre fois moins qu'au premier trimestre 2009.

M. Jean-Pierre Brard. Tout va bien, madame la Marquise!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Doit-on s’en satisfaire? Bien sûr que non,…

M. Jean-Pierre Brard. Tout de même!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …puisque le nombre de demandeurs d'emploi continue d'augmenter.

M. Henri Emmanuelli. Et ce n’est pas fini!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La politique de l'emploi continuera à faire face à la montée du chômage, qui devrait se prolonger en 2010. C'est la raison pour laquelle les crédits de l’emploi ne sont pas diminués mais, au contraire, augmentés pour l’année 2010. C’est la priorité du Gouvernement.

M. Dominique Baert. Des sacs de sable pour résister à un tsunami!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Dans cet esprit, nous maintenons le dispositif « zéro charges » dans les entreprises de moins de dix salariés.

M. Jean-Pierre Brard. « Zéro charges », cela veut dire quoi en français?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cela signifie que, pendant une durée de douze mois, il n’y aura aucune charge patronale pour toute embauche réalisée avant le 30 juin 2010.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà!

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les charges, M. Brard ne sait pas ce que c’est!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous allons également maintenir le soutien renforcé à l'activité partielle, qui a bénéficié, au deuxième trimestre, à 319000 personnes. C’est deux fois plus qu'au premier trimestre. L’Allemagne ne connaît pas une augmentation du chômage aussi grave qu’un certain nombre de nos partenaires européens, France comprise, parce que les mesures de chômage partiel y sont plus longues et soutiennent plus longtemps les salariés qui perdent leur emploi.

M. Henri Emmanuelli et M. Pierre-Alain Muet. En Allemagne, on ne subventionne pas les heures supplémentaires!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Depuis le 1 er  avril, les partenaires sociaux ont renforcé la convention de reclassement personnalisée pour accompagner la reconversion des salariés qui perdent leur emploi pour un motif économique dans l’un des vingt-cinq bassins d’emplois particulièrement touchés par le chômage. Aujourd’hui, 70000 salariés en bénéficient; notre objectif est d’atteindre 120000 entrées en CRP avant la fin de l'année.

Dans le domaine de l’emploi, nous voulons, avec Laurent Wauquiez, donner un coup de jeune à la formation professionnelle. Je vous remercie d’avoir voté récemment le texte sur la réforme de la formation professionnelle. C’était indispensable.

M. Jean-Pierre Brard. Pour liquider l’AFPA!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Notre objectif est de former chaque année 500000 salariés peu qualifiés et 200000 demandeurs d'emploi en plus. La formation professionnelle doit devenir un véritable portail vers les emplois de demain, que je voudrais évoquer maintenant.

En 2009, « la réponse budgétaire [française] en termes de soutien à l'activité a été appropriée ». Le Président de la République?

M. Jean-Pierre Brard. Et de cinq!

M. Michel Bouvard. Quatre!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Et non, nous en restons à quatre: c'est Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international, qui l’a dit.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un clone!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Investir aujourd'hui dans les entreprises, c'est créer pour les Français les emplois et le pouvoir d'achat de demain. En 2010, nous allons poursuivre cet élan en supprimant, dès le 1 er  janvier, la taxe professionnelle.

Cet impôt qualifié d’imbécile par d’aucuns, personne n'avait osé s'y attaquer véritablement, personne n’était allé jusqu’au bout du chemin. Dominique Strauss-Kahn – encore lui‚–…

M. Jérôme Cahuzac. Et de deux!

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes bi-idolâtre! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …en avait supprimé des éléments d’assiette; nous souhaitons achever le travail. J'entends déjà les premières critiques: ce n'est pas le moment, la réforme bouleverse le bouclage des budgets, des échéances électorales approchent, ce sera trop difficile, vous créez trop d’insécurité. Ce n’est jamais le moment!

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ils ont peur de tout!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mais au regard des 500000 emplois perdus dans le secteur industriel en France depuis dix ans, bien sûr qu’il y a urgence! C’est le moment de réformer, pendant qu’il en est encore temps, si nous voulons conserver sur notre territoire une industrie qui investit constamment dans son appareil de production. Le pire serait de ne rien faire et de finir par n’avoir plus aucune assiette fiscale.

M. Henri Emmanuelli. Cela n’a rien à voir avec la taxe professionnelle.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J'ai toujours dit que je laisserai au Parlement le soin de faire des propositions: c'est fait! Je tiens à remercier Gilles Carrez, Marc Laffineur, Didier Migaud, Jean-Pierre Balligand et d'autres, qui se sont énormément investis. Certaines de leurs propositions d’amélioration ont été reprises dans le projet du Gouvernement, qu'il s'agisse de la mise en place d'une cotisation valeur ajoutée progressive ou du « découplage » entre celle-ci et la part foncière.

La réforme de la taxe professionnelle est une réforme préparée par le Gouvernement et les parlementaires pour lutter contre les délocalisations, pour améliorer l'attractivité de notre territoire et pour nous assurer que, dans le secteur industriel en particulier, des emplois y seront maintenus.

J'ai parfaitement conscience que, outre les entreprises, les collectivités locales ont aussi besoin de leurs financements et de sécurité pour prévoir leurs dépenses.

M. Jean-Louis Idiart. Ce n’est pas « outre », c’est « comme »!

M. Henri Emmanuelli. Et les ménages?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous ne réformerons pas la taxe professionnelle sans garantir l'autonomie financière et la stabilité des ressources des collectivités. La suppression de la part des équipements bruts mobiliers de la TP devrait entraîner, pour les collectivités territoriales, tous niveaux confondus, une perte de recettes de 22,6 milliards d’euros.

M. Jérôme Cahuzac. Une paille!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En contrepartie, un panier de recettes composé de la contribution économique territoriale créée, des recettes prélevées sur les nouvelles impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux et des transferts d'impôts va apporter 22,6 milliards d’euros de ressources locales nouvelles. Hier 22,6 milliards, demain 22,6 milliards, on s’y retrouve à l’identique. Mais que les choses soient claires, le Président de la République l'a dit:…

M. Henri Emmanuelli. Et de cinq!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …le Gouvernement ne prendra aucune mesure qui aboutirait à une augmentation d’impôts.

Un consensus a été dégagé au cours d'une réunion de synthèse que j'ai présidée le 8 juillet avec Brice Hortefeux.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas très difficile, le consensus, avec Brice Hortefeux!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il porte sur la nature des recettes qui seront transférées aux collectivités territoriales en remplacement de la TP, le panier de recettes que j’évoquais plus haut. Notre engagement est clair, et le Gouvernement a donné toutes les garanties aux collectivités.

D’abord, une garantie de ressources. Chaque collectivité, chaque EPCI verra ses ressources totales, fiscales et budgétaires, inchangées. Je le réaffirme, il n'y aura pas, dans cette réforme, une collectivité perdante!

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux!

M. David Habib. Pendant un an!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ensuite, une garantie d'autonomie financière des collectivités.

M. Henri Emmanuelli. Financière, pas fiscale!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les dotations budgétaires seront strictement limitées, très en dessous du plafond défini par l'article 72-2 de la Constitution.

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui le dites!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous ferons nos calculs.

Enfin, une garantie du lien entre les entreprises et le territoire, y compris dans le texte proposé par le Gouvernement. Toute collectivité qui verra une entreprise s'installer sur son territoire engrangera un surcroît de recettes, quel que soit le chiffre d'affaires généré par cette entreprise.

Cette réforme n'est pas menée pour les entreprises contre les collectivités.

M. Henri Emmanuelli. Mais contre les ménages!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous devons, au contraire, saisir cette formidable opportunité de réformer en profondeur le financement des collectivités locales. Comme l'a dit le Premier ministre la semaine dernière devant le Conseil national des exécutifs, « Il n'y a pas d'un côté l'État et puis de l'autre côté les collectivités locales […] il y a une seule République au fonctionnement de laquelle concourent et l'État et les collectivités locales. »

M. Henri Emmanuelli. L’un avec des déficits énormes et les autres bien gérées!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cette réalité impose des droits aux collectivités, mais aussi des devoirs, rappelés par Éric Woerth tout à l’heure. Comme tout un chacun, elles doivent participer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Personne n’y échappe.

Comme je l'ai fait depuis neuf mois, je ne me déroberai pas à l'examen des questions que nous avons réglées ensemble ni à l'étude de celles qui restent posées. Mais je veux dire à ceux qui critiquent cette réforme de ne pas se tromper de cible.

M. Jérôme Cahuzac. Ça, c’est pour vous, chers collègues de droite!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je sais parfaitement que c'est une réforme difficile et je souhaite que nous ayons un débat le plus large possible sur la question de la répartition. Ce n'est pas un sujet tabou. Avec le débat en séance, puis au Sénat et enfin au sein de la commission mixte paritaire, nous disposons d'un mois et demi pour trouver une solution, la plus acceptable possible. Le Gouvernement a choisi de vous en donner la responsabilité. Nous disposerons ensuite d’une année pour améliorer le brouillon,…

M. Jérôme Cahuzac. Le terme est parfaitement juste!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …revoir les curseurs, rétablir, examiner les simulations, cela parce que, en 2010, les ressources seront intégralement garanties, comme si la taxe professionnelle était appliquée dans toutes les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Brard. Travaillez au propre tout de suite, sans rature!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous allons tous nous y engager!

M. Henri Emmanuelli. On n’est pas là juste pour réparer les dégâts!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Par cette réforme, nous voulons redonner un sens à l'investissement des entreprises en France. Avec le projet de loi finances pour 2010, le Gouvernement prépare l'après-crise.

Dans le monde d'hier, on disait que la France était vieillie, usée, fatiguée. Mais la crise a bouleversé tous les repères. Désormais, je peux le dire pour en avoir été le témoin à plusieurs reprises, la France est à l’initiative, elle prépare des projets, suggère, innove et, bien souvent, elle est suivie.

M. Henri Emmanuelli. Et elle fait rire jusqu’aux Chinois!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je tiens à votre disposition des exemples, en particulier le Médiateur du crédit, le principe de la représentation au sein du G 20 plutôt qu’au sein d’un G 7 ou d’un G 8, et bien d’autres.

Notre tâche collective est très importante, immense, aujourd'hui pour responsabiliser le capitalisme, demain pour faire face à l'urgence écologique. Pour ce faire, nous devons préparer les emplois d'après-demain. Nous avons construit ensemble les remèdes à la crise. Nous devons désormais poursuivre cet effort collectif pour une reprise compétitive et durable. Ne manquons pas ce rendez-vous! C'est la condition de la croissance et des emplois d'avenir.

Nous serons également amenés à en débattre dans le cadre des priorités d’avenir pour le pays. Mais sachez que l'objectif du Gouvernement, avec ce PLF, la définition des priorités d’avenir et les états généraux de l'industrie, c'est de poser les bases d'une nouvelle économie pour créer les emplois d'après-demain.

Cette réflexion est indissociable de celle sur l’état de nos finances publiques. Le montant de la dette publique – 77,1 % du PIB en 2009 –, le niveau du déficit budgétaire – 8,2 % du PIB en 2009, comme l’évoquait Éric Woerth – et le déséquilibre des comptes sociaux faisaient craindre à beaucoup, tout simplement, une nouvelle fuite en avant.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une fuite en arrière. C’est plus sûr!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Comme chez tous nos partenaires, l’évolution des finances publiques en 2009 comme en 2010 reflète d’abord la violence de la crise économique internationale débutée en 2008 et les mesures nécessaires pour y faire face. Je vous indique au passage, puisque j’étais à Luxembourg avec nos partenaires européens, que sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne, vingt se trouvent aujourd’hui en situation de déficit excessif. Ne croyons pas que la France se trouve isolée et qu’elle est seule face à ce problème avec ses finances publiques. Nous sommes partis de plus loin, mais nous sommes tous, très clairement, dans la même situation, …

M. Jean-Pierre Brard. Tous sur le radeau de la Méduse!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …à telle enseigne d’ailleurs que la Commission européenne, qui n’a pas pour habitude de plaisanter avec les finances publiques de tel ou tel État membre, a considéré que le rétablissement et la stratégie de sortie devaient être mis en œuvre en 2011, si les perspectives de croissance nous le permettaient.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas Lagarde, c’est Jéricho!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Notre politique traduit également les réformes sociales et économiques structurelles que le Gouvernement a tenues à préserver et à accélérer. Notre méthode est à la fois simple et exigeante: nous favoriserons le retour des recettes par la croissance et non par l’augmentation d’impôt, et nous réduisons le volume des dépenses courantes. Concrètement, je dirai, pour vous indiquer dans quelle perspective s’inscrit cette politique économique, qu’avec un taux de croissance de 2,5 % à compter de 2011, ce qui n’est pas du tout irréaliste après une période de baisse considérable, une progression de l’ensemble des dépenses publiques de 1 % en volume permettrait de réduire, chaque année, le déficit public français d’environ un point de PIB. Ce déficit atteindrait alors cinq points de PIB en 2013 et la dette publique s’élèverait à près de quatre-vingt-dix points de PIB. Je vous rappelle au passage que notre dette publique est à peu près du même ordre que celle de l’Allemagne ou que celle des Etats-Unis, et qu’elle est bien sûr notablement inférieure à celle du Japon, de l’Italie ou de la Belgique.

M. Jean-Pierre Brard. Tout va très bien! C’est formidable!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’économie que nous préparons est innovante et durable. En anticipant l’éco-croissance, nous garantissons les emplois du futur. Comme Laurent Wauquiez et Valérie Létard l’ont expliqué la semaine dernière, c’est un gisement de 600000 emplois de 2009 à 2020, dont 300000 emplois simplement dans le bâtiment!

Mais pour transformer l’urgence écologique en puissance économique, nous devons modifier nos comportements. C’est pourquoi nous mettons en place dans le PLF 2010 la taxe carbone. Nous savons aujourd’hui que le coût de l’inaction, quoi qu’en pense un journal du soir, …

M. Henri Emmanuelli. De quel journal s’agit-il?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … sera pire que celui de l’action : réduire aujourd’hui nos émissions de CO 2 nous coûtera moins cher qu’assumer demain les conséquences du changement climatique.

Comme l’a rappelé le Président de la République le 10 septembre dernier: …

M. Jean-Pierre Brard. Six!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …« La France plaidera sans relâche pour que l’ensemble des nations du monde s’engage dans la réduction de leurs émissions de gaz carbonique. »

Aujourd’hui, les coûts engendrés par le réchauffement climatique ne sont pas répercutés dans les prix des énergies fossiles qui émettent du CO 2 . La proposition de Michel Rocard repose sur l’idée qu’en taxant les émissions de CO 2 , la taxe carbone va enfin leur donner un prix. C’est une méthode qui a déjà fait ses preuves ailleurs. Je compte sur le président de la commission des finances pour expliquer à ses collègues l’efficacité de ce système qu’il a pu constater au cours d’un récent déplacement en Suède, pays qui, avec la Finlande et le Danemark, a décidé de mettre en œuvre un mécanisme puissant afin de donner un prix à quelque chose qui n’a aujourd’hui qu’un coût.

En France, nous avons expérimenté un mécanisme du même ordre avec l’instauration du bonus-malus dans le secteur automobile. Il a permis de quadrupler en deux ans la part des véhicules propres dans les ventes de voitures. Pour les Français, le dispositif de taxe carbone que nous prévoyons dans le projet de loi de finances pour 2010 reposera sur le même principe: le bonus est la compensation forfaitaire redistribuée aux ménages; le malus est constitué par la taxe carbone. Nous n’avons en ce domaine aucune arrière-pensée fiscale.

M. Jean-Pierre Brard. Non!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La taxe carbone prélevée sur les ménages fera l’objet d’une restitution intégrale à l’euro près. Forfaitaire et universelle, la redistribution tiendra compte de deux critères seulement, par souci de simplification: la taille des ménages et l’éloignement des centres urbains.

La stratégie écologique du Gouvernement s’adresse non pas au populisme, mais à la raison et à la conscience des Français. Oui, nous avons raison de ne plus nier les impacts du réchauffement climatique sur nos activités. Oui, nous avons conscience qu’il faut prendre des mesures radicales pour changer les comportements. Car notre raison et notre conscience nous obligent, comme l’ont démontré la commission Stiglitz-Fitoussi-Sen et ses prix Nobel, à transmettre aux générations futures un « capital environnemental » préservé.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que nous souhaitons faire grâce à ce projet de loi de finances qu’il va vous être donné d’examiner maintenant. Nos économies entrent dans des ères nouvelles, probablement avec des modèles de croissance différents. Le défi est immense. Les transformations structurelles sont plus que jamais nécessaires pour rendre l’économie française durablement compétitive. Et ce projet de loi de finances pour 2010 intervient à un moment décisif pour notre pays.

Je suis certaine que le Gouvernement peut compter sur vous tous pour l’aider à franchir ce cap. Je crois qu’il vous appartiendra de construire ce modèle de développement, de lui donner sa forme budgétaire et fiscale. Je ne résiste pas à une autre citation: « Je veux une France compétitive, juste et moderne, de plein pied dans le XXI e  siècle. »

M. Jean-Pierre Brard. Sept fois!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est le défi qui nous est adressé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je caractériserai ce projet de budget pour 2010 de deux manières. C’est le budget d’une année de sortie de crise – nous l’espérons tous; et c’est un budget qui prépare l’avenir, notamment par une réforme fiscale d’une ampleur exceptionnelle.

Un budget de sortie de crise, tout d’abord, ce qui me permet de dire, après Mme Lagarde et M. Woerth, quelques mots du plan de relance. Reportons-nous un an en arrière. Tout le monde était alors en pleine interrogation, voire en plein désarroi. Les critiques fusaient de toutes parts. Aujourd’hui, on peut dire que le plan de relance mis en place par le Gouvernement est non seulement approprié – je reprends l’expression du directeur général du FMI –, mais aussi remarquablement équilibré et qu’il porte des résultats à la hauteur des espoirs que l’on avait placés en lui.

M. Jérôme Chartier. Très bien!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je voudrais remercier et féliciter le Gouvernement pour le calibrage de ce plan de relance et la rapidité avec laquelle il a été mis en œuvre.

Souvenez-vous: il y a exactement un an, l’urgence absolue était de sauvegarder les financements bancaires. Les banques ne se prêtaient plus entre elles. Le marché interbancaire était paralysé. Le Gouvernement a immédiatement répondu à la situation, mais il ne s’est pas limité aux banques, contrairement à bien d’autres plans de relance de cette époque, en Europe ou ailleurs.

Il y a eu également un volet sur l’économie en général.

M. Yves Censi. Absolument!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je rappelle très rapidement les différentes phases. Il y eut d’abord un plan de sauvetage des financements interbancaires et des banques, pour que celles-ci puissent continuer d’alimenter le crédit dont avaient besoin les entreprises. Ce fut rapide et efficace, à travers la Société de financement de l’économie française et la Société de prise de participation de l’État. Cela n’a rien coûté au contribuable. Cela a même, si je puis dire, rapporté, comme l’a indiqué Mme Lagarde: un peu plus de deux milliards d’euros, entre la Société de financement de l’économie et la Société de prise de participation, sont inscrits en recettes budgétaires sur les années 2009-2010.

Mais au-delà du traitement des banques, la mise en place de la médiation du crédit a été une initiative très importante. Nous en avons vu l’efficacité dans nos circonscriptions. Je veux d’ailleurs saluer le travail accompli par le Médiateur du crédit. Les entreprises ont eu certes des difficultés de financement, mais nous nous sommes rapidement aperçus qu’elles portaient surtout sur l’assurance-crédit, beaucoup plus que sur les crédits eux-mêmes. Même s’il y a encore aujourd’hui – nous devons le reconnaître – quelques difficultés de financement, notamment pour les petites entreprises, la plupart des entreprises ont bénéficié des crédits dont elles avaient besoin pour investir.

Aux côtés des entreprises, il y a eu aussi les ménages. Tout le monde a oublié cet aspect du plan de relance. La mise en œuvre immédiate d’une réduction d’impôt a joué, dès le premier trimestre 2009, au profit des ménages les plus modestes – avec notamment un milliard d’euros de réduction d’impôts pour les premières tranches de l’impôt sur le revenu.

Le plan de relance a accompagné également les entreprises par l’injection de dix milliards d’euros, dès janvier et février de cette année, à travers le remboursement plus rapide du crédit impôt-recherche, des crédits en matière d’impôt sur les sociétés, le remboursement plus rapide de la TVA. Cette injection immédiate de 10 milliards dans la trésorerie des entreprises leur a permis de passer le cap difficile. Je veux saluer la rapidité de la réaction.

Les résultats sont là, puisque notre chiffre de croissance du deuxième trimestre 2009 est le meilleur d’Europe: plus 0,3 %. Je ne reviens pas, madame, monsieur le ministre, sur les chiffres que vous avez cités. Là où les autres pays se situent plutôt à moins quatre ou moins cinq points de croissance en 2009, nous allons être à un peu plus de moins deux points. C’est une différence substantielle.

Je voudrais souligner qu’il y a eu un mariage – ce n’est jamais facile pour un Gouvernement –, une association très équilibrée de l’outil fiscal, c’est-à-dire des baisses d’impôt ou des mesures de trésorerie, avec l’outil budgétaire, c’est-à-dire le plan de relance. Ce dernier, avec notamment les quelques milliards d’euros de crédits ouverts sur la mission budgétaire dédiée à la relance de l’investissement, a porté exclusivement sur des dépenses d’investissement non répétitives, non récurrentes et qui préparaient l’avenir.

Je salue à cette tribune – vous ne l’avez pas fait, madame, monsieur le ministre – le rôle des collectivités locales. Bien sûr, une impulsion a été donnée grâce au remboursement plus rapide du fonds de compensation de la TVA, mais les collectivités locales, qui assurent à elles seules les trois quarts de l’investissement public civil, ont été mobilisées et elles ont répondu présentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Face à un plan de relance de cette qualité, une première évidence s’impose. En 2010, nous sommes en sortie de crise et il faut donc poursuivre ce plan de relance. Il est tout à fait légitime que nous ayons, en 2010, à la fois un volet fiscal du plan de relance avec la mobilisation du crédit impôt-recherche et un volet budgétaire avec 4 milliards d’euros de crédits. Ils permettront la prolongation de deux dispositifs extrêmement importants parce qu’ils sont ciblés.

D’abord, sur l’industrie automobile, la prime à la casse est certes diminuée, mais elle est prolongée jusqu’à la fin de cette année, à la différence de l’Allemagne, où elle a été supprimée dès le mois de septembre dernier.

Ensuite – vous en avez longuement parlé, madame le ministre – le prolongement de la mesure d’exonération totale de charges sociales en cas d’embauche par une petite entreprise. C’est une mesure très importante dans le contexte actuel.

Évidemment, qui dit prolongation du plan de relance dans les comptes 2010 dit également déficit important sur ce budget. Je voudrais dire par anticipation, avant d’évoquer longuement ce sujet et ses conséquences en termes de dettes, à tous ceux qui, il y a à peine six mois, répétaient à cette tribune que le plan de relance était insuffisant et …

M. Michel Vergnier. Nous confirmons!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …que ses mesures n’étaient pas suffisamment fortes, qu’ils ne peuvent pas aujourd’hui dénoncer le caractère excessif de notre déficit. Je crois qu’il faut être cohérent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Henri Emmanuelli. On va vous expliquer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Parlons de ces déficits: 8,2 points de PIB en 2009 et 8,5 points en 2010 avec en corollaire la progression très rapide de notre dette publique, qui passera de 77 % du PIB à plus de 84 % fin 2010.

Jamais depuis trente ans, nous n’aurons connu une progression aussi rapide de la dette publique: plus 20 points en trois ans. Il est vrai que l’on constate le phénomène dans les autres pays du monde.

M. Henri Emmanuelli. , Pas de la même façon!

M. Pierre-Alain Muet. Pas l’Allemagne!

M. Jean-Pierre Brard. Ni la Chine!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il est vrai que la Chine fait exception!

M. Jérôme Cahuzac. Grâce au dalaï-lama…

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ce n’est pas parce que nous constatons ce phénomène d’accroissement de la dette publique dans les pays voisins, notamment en Allemagne, que nous devons être insensibles aux questions posées par l’explosion de cette dette.

Tout d’abord l’alourdissement rapide de la dette publique nous place dans une situation de très grande vulnérabilité. Or nous n’en avons pas conscience.

M. Henri Emmanuelli. Mais si!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En 2009, nous avons prévu une enveloppe budgétaire de 43 milliards d’euros pour les frais financiers, les intérêts de la dette. Or, en exécution, cette dépense ne s’élèvera qu’à 38,5 milliards. Paradoxalement, alors que nous aurons emprunté 250 milliards d’euros en 2009, les frais financiers de la dette auront diminué.

M. Dominique Baert. Et si les taux remontent?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cette situation apparemment satisfaisante est liée d’une part à la très grande baisse des taux d’intérêt …

M. Dominique Baert. Voilà!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …d’autre part au fait que nous avons remplacé une partie de notre dette de moyen et de long terme par de la dette à court terme, à des taux extrêmement faibles.

M. Michel Bouvard. Voilà!

M. Jérôme Cahuzac. Très juste!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Par suite notre vulnérabilité à une augmentation des taux – laquelle est inéluctable…

M. Henri Emmanuelli. On est d’accord.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . … compte tenu du retour que nous espérons tous de la croissance mondiale…

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas pour tout de suite!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …notre vulnérabilité, donc, sera extrêmement grande. Permettez-moi d’illustrer mon propos. Il est désormais pratiquement acquis qu’à l’horizon de 2012, les frais financiers sur la dette, compte tenu de sa progression, même avec une hypothèse très raisonnable de taux d’intérêt, auront augmenté d’un point de PIB par rapport à 2008, c’est-à-dire de vingt milliards d’euros. En 2012, nous paierons vingt milliards de plus qu’en 2008, c’est-à-dire la quasi-totalité du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui s’élève à vingt-cinq milliards d’euros…

Autrement dit, il faut absolument être très lucide sur la question de la dette, et en tirer des conclusions pour l’avenir. Même avec une croissance que nous espérons tous à 3 % en volume – et même supérieure à 3 % –, nous serons condamnés à des mesures d’assainissement de nos comptes publics.

M. Jérôme Cahuzac. Il fallait le dire!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La croissance même vigoureuse ne permettra pas de régler à elle toute seule l’assainissement de nos comptes publics.

M. Henri Emmanuelli. Il faut des recettes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’assainissement de nos comptes publics passe donc non seulement par des mesures sur les dépenses, mais également par des mesures sur les recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Voilà le vrai problème! On est bien d’accord, mais les ministres n’ont pas l’air de comprendre!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En matière de dépenses, monsieur le ministre du budget, nous sommes sur la bonne voie. Pour la troisième année consécutive, vous nous proposez un niveau de dépenses qui ne progresse pas plus vite que l’inflation. Mais, si l’on s’en tient au seul budget de l’État, le déficit structurel, c’est-à-dire l’écart entre des recettes que je suppose revenues à leur niveau normal, avec par exemple, 2 % de croissance, et les dépenses telles qu’elles sont, ce déficit structurel s’élève à cinquante milliards d’euros. Or les RGPP ont conduit à identifier des économies en cumul sur 2009-2011 de 7,7 milliards d’euros seulement.

Autre exemple: le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite représente une économie annuelle de…

M. Jérôme Cahuzac. 500 millions d’euros!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …de 500 millions d’euros…

M. Michel Vergnier. Pas grand-chose!

M. Henri Emmanuelli. Des économies de bouts de chandelle!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …ce qui, par rapport à un déficit structurel de 50 milliards, représente 1 %. Nous le voyons bien, chers collègues, il faudra aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques.

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez-le!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En outre, il n’y a pas que la dépense publique de l’État, il faut également prendre en compte la dépense sociale et celle des collectivités locales: il faut avoir la lucidité et le courage de le dire. Je ne citerai qu’un seul chiffre là aussi. Il est vrai que l’année 2009 est une année de crise économique et nous avons, grâce à l’intervention de la collectivité publique dans son ensemble, pallié pour partie cette crise, les résultats en témoignent. Mais savez-vous que le niveau de la dépense publique, en additionnant l’État, les comptes sociaux et les collectivités locales, atteindra 56,5 points de PIB en 2009? Les Suédois, qui étaient à 67 points il y a quinze ans, redescendront autour de 54 ou 55 points cette année. À la fin de l’année, nous serons le premier pays en Europe pour le poids de sa dépense publique.

M. Jean-Pierre Brard. Où est le problème?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Et avec le grand emprunt?

M. Henri Emmanuelli. Il a disparu!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous voyons bien le chemin qu’il nous reste parcourir.

En outre la gravité de cette situation est masquée par l’absence de « cordes de rappel ». Didier Migaud se souvient qu’en 1982, lorsque les dépenses l’emportaient largement sur les recettes, les cordes de rappel avaient immédiatement joué: les taux d’intérêt étaient brusquement monté à 17 ou 18 % et l’inflation s’était déchaînée.

M. Henri Emmanuelli. Non! C’est l’inverse.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La France avait beaucoup de mal à se financer à l’extérieur. Mais aujourd’hui, grâce à l’euro, le financement de notre dette publique reste très attractif. Il y a par le monde une épargne colossale qui ne demande qu’à être placée et les dettes souveraines, notamment celle d’un pays bien géré comme la France, sont particulièrement attractives.

M. Yves Censi. Absolument!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il ne faudrait pas que l’euro, qui nous protège par rapport à l’envolée des taux d’intérêt, se transforme en une sorte d’anesthésiant qui nous éviterait de regarder lucidement la situation en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Il a raison.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Après avoir évoqué l’effort à produire en matière de dépenses, j’en viens à un autre point important. Nous devons absolument nous interdire de financer des baisses d’impôt par de l’endettement! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est pourtant ce qu’ils font.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Les baisses d’impôt ne peuvent pas être financées par le déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac. Ils ne font que cela!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il faut…

M. Jean-Pierre Brard. Il faut taxer les riches.

M. Jérôme Cahuzac. Carrez ministre!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il faut renouer avec des règles de bonne gestion que nous avons connues dans un passé éloigné et qui ont été pratiquées par un certain nombre de pays. Depuis 1980, notre dette a explosé à trois moments, par phases successives: 1980-1982; 1991-1993 et aujourd’hui. Mais contrairement à d’autres pays, quand notre dette monte d’un cran, il se produit chez nous une sorte d’effet de cliquet, qui fait que, lorsque nous retrouvons des marges de manœuvre, elles sont utilisées à d’autres fins que le désendettement: les 35 heures par exemple,… (« Eh oui! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Voilà!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …ou des baisses d’impôt. Dès que nous serons sortis de la crise, nous devrons nous efforcer de nous engager sur le chemin de l’assainissement de nos comptes publics.

M. Henri Emmanuelli. Arrêtez le bouclier fiscal par exemple!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . De ce point de vue, le grand emprunt pourrait être vertueux et être l’occasion d’un débat nous mettant sur la bonne voie.

M. Jean-Pierre Brard. Il parle au conditionnel! (Sourires. )

M. Gilles Carrez, rapporteur général . À quoi sert la dette contractée chaque année par l’État au titre de son déficit?

M. Michel Bouvard. À faire du fonctionnement!

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À 90 %, elle sert à financer non des dépenses d’investissement, mais des dépenses de fonctionnement. (« Oui! » sur les bancs du groupe SRC.)

Il est donc impératif que, par le biais du grand emprunt, nous nous obligions à nous rappeler que l’endettement ne doit financer que des dépenses d’investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe UMP.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cela a un coût.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . S’agissant du grand emprunt, il faudra sélectionner exclusivement des dépenses qui produisent de la croissance. À ce prix, le grand emprunt sera une bonne démarche. (Mêmes mouvements)

M. Pierre-Alain Muet. Jospin revient!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . À plusieurs reprises, madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez cité l’Allemagne. Dans les prochains mois, nous devrons avoir – et je le demande au président de la commission des finances – des relations extrêmement suivies avec nos collègues allemands.

M. Henri Emmanuelli. Oui!

M. Jean-Pierre Brard. Avec Sainte Angèle de Germanie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2003, nous avons été très contents que les Allemands nous soutiennent pour l’assouplissement des critères du pacte de stabilité, car l’Allemagne connaissait alors comme nous des problèmes avec sa dette et ses déficits. Mais en 2007 l’Allemagne était revenue à l’équilibre alors que nous étions à 2,6 points de déficit. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Il vous fait la leçon!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . L’Allemagne était à zéro déficit et passe à moins 6. Nous, nous étions à moins 2,6 et nous passons à moins 8. Mais j’observe que dans les prévisions allemandes, pour l’année prochaine, le déficit repasse de moins 6 à moins 5 quand il passe de moins 8,2 à moins 8,5 chez nous.

M. Jérôme Cahuzac. Et vous prétendez qu’on fait mieux que les autres?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La comparaison avec l’Allemagne est déterminante car ce pays sera le point de référence. Aujourd’hui nous empruntons pratiquement dans les mêmes conditions. Mais à partir du moment où nous divergerons avec l’Allemagne, l’écart se creusera sur les conditions de financement de notre dette publique. Nous devons y être très attentifs.

Un mot sur deux réformes de structure que sont d’une part la prise en compte des préoccupations environnementales dans notre fiscalité, soit directement avec la contribution climat-énergie, soit indirectement, avec le verdissement d’un certain nombre de dispositifs; et d’autre part la réforme, très attendue, de la taxe professionnelle. Sur la taxe carbone, chacun partage l’objectif qui consiste à orienter la consommation des ménages vers des produits sobres en carbone et à inciter les entreprises à choisir des technologies économes, autant que faire se peut, en énergie fossile. Pour notre part, nous estimons que les modalités choisies par le Gouvernement sont incontestables. Le Gouvernement a retenu un champ très large d’application de cette contribution, mais il a également prévu quelques exonérations ou atténuations pour les agriculteurs, les pêcheurs, les transporteurs routiers notamment. Au début du mois de septembre, nous sommes allés en Suède avec Didier Migaud. Nous avons constaté que ce pays, où la taxe carbone existe depuis 1991, appliquait les mêmes dérogations et les mêmes exonérations dans les mêmes secteurs.

Le Gouvernement a décidé de compenser intégralement cette contribution pour les ménages.

M. Jean Launay. L’uniformité, ce n’est pas bien.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il ne faut jamais oublier que le moteur principal de notre économie est la consommation, qui est liée à la préservation et à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Le dispositif de compensation est donc tout à fait judicieux. Nous défendrons peut-être quelques amendements d’ajustement que j’appelle amendements « longitude-latitude-altitude ». Nous arriverons, je n’en doute pas, à un accord car nous partageons les mêmes objectifs.

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est tombé dans le trou d’ozone. (Sourires .)

M. Gilles Carrez, rapporteur général . S’agissant de la taxe professionnelle, je rappelle que l’on attend depuis vingt-cinq ans la suppression de la part investissement, qui faisait l’objet d’une taxation incompréhensible.

M. Jérôme Cahuzac. Vous êtes moins convaincant. C’est plus laborieux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En outre, cette réforme arrive au bon moment. Il y a encore six mois, nous envisagions de faire cette réforme en trois ans afin d’en étaler le coût budgétaire.

Petit à petit, grâce à une réflexion concertée, l’idée s’est imposée que l’effet sur les entreprises devait être immédiat. Par conséquent, dès 2010, les entreprises ne seront plus taxées sur leurs investissements.

M. Alain Rodet. Leurs amortissements! C’est différent.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Compte tenu du plafonnement à la valeur ajoutée pour 2009, cela représente une injection de plus de dix milliards d’euros dans la trésorerie des entreprises.

On le voit, cette mesure s’inscrit dans le droit fil de notre plan de relance. Elle est à la fois très opportune d’un point de vue conjoncturel et excellente d’un point de vue structurel, puisqu’elle permettra de relancer l’investissement et de créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Certaines études laissent même entendre que nous y gagnerions 0,7% de PIB, ce que je suis assez enclin à croire, même si je me méfie généralement de ce type d’études macroéconomiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Vous y croyez vraiment?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . À n’en pas douter, une mesure de cette puissance aura un effet sur la croissance.

Cette réforme a fait l’objet d’une concertation sans précédent avec le ministère…

M. Michel Vergnier. Ah bon?

M. Michel Bouvard. Oui!

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et je tiens à vous en remercier très sincèrement, madame Lagarde, ainsi que vos collaborateurs et votre administration, représentés ici. J’associe à ces remerciements tous ceux de nos collègues qui ont travaillé à cette réforme, en particulier les membres de la commission des finances, dont Marc Laffineur. Je crois qu’ensemble, nous avons fait du bon travail, et je suis persuadé que nous poursuivrons dans cette voie au cours des heures qui viennent. (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Nous en aurons bien besoin!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le problème que nous a posé le texte du Gouvernement concerne exclusivement le volet relatif aux collectivités territoriales.

M. Michel Vergnier. Eh oui!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Mme Lagarde l’a très bien dit: la compensation aux collectivités territoriales doit être guidée par le souci de préserver autant que faire se peut leur autonomie fiscale et financière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. « Autant que faire se peut! »

Un député du groupe SRC. C’est mal parti!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La rédaction qui vous est proposée vise donc avant tout à améliorer le lien fiscal territorial entre l’entreprise et son environnement, en particulier au niveau des mairies, des communes et des intercommunalités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Car – nous le savons tous – ce sont les maires qui sont en première ligne pour accueillir les entreprises, les maintenir en activité et expliquer aux riverains qu’il y va de l’intérêt général même si ces entreprises entraînent des nuisances.

M. Jean-Louis Idiart. Exactement!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous vous proposons donc, madame la ministre, de renvoyer au niveau local une partie substantielle de la cotisation complémentaire à la valeur ajoutée, au côté de la cotisation locale d’activité. Environ 2,5 milliards d’euros s’ajouteraient ainsi aux 6 milliards de cotisation locale d’activité dévolus au bloc formé par les communes et les intercommunalités.

M. Jean-François Mancel. Très bien.

M. Michel Vergnier. Et le compte n’y est pas!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il nous paraît en outre indispensable de territorialiser cet impôt. Cela va de pair avec notre souci de renforcer le lien fiscal local: les collectivités doivent pouvoir identifier la valeur ajoutée des entreprises situées sur leur territoire et leurs ressources doivent correspondre à cette valeur ajoutée, à cette création de richesse. Car, en général, lorsque l’on veut accueillir une entreprise et lui permettre de se développer de manière harmonieuse, il faut dépenser; mais ces dépenses au niveau local, destinées à la création de zones d’activité, à l’assainissement, à la voirie, voire à la construction de logements pour les salariés, doivent avoir pour contrepartie de véritables ressources fiscales.

Par la territorialisation et le renforcement du lien fiscal, nous souhaitons donc également aider nos entreprises. Un système qui n’inciterait plus suffisamment les maires à conserver celles-ci, voire à se concurrencer mutuellement pour les attirer, serait contraire à l’intérêt même des entreprises. (Approbation sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Michel Bouvard. Très bien!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Pour le reste, madame la ministre, nous approuvons vos propositions en matière de spécialisation de l’impôt, par exemple le basculement de la taxe d’habitation départementale vers le niveau communal. À l’heure où les contribuables reçoivent un peu partout en France leur avis d’imposition locale, je défie quiconque parmi eux, et même parmi nous, de comprendre ce document.

M. Jérôme Cahuzac. Et c’est toujours la faute du maire!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Vous avez raison: quand les contribuables ne comprennent pas, à qui s’adressent-ils?

M. Michel Bouvard. Au maire!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En effet. Et le maire leur explique que cela ne relève pas de lui, mais d’un autre… Il faut donc conserver ce degré de spécialisation.

Au-delà de l’architecture générale de la réforme, à laquelle nous souscrivons tous, madame la ministre, plusieurs problèmes doivent absolument être résolus. Je vois que M. le maire de Poitiers est présent; je m’adresse donc à lui, comme je pourrais m’adresser à bien d’autres sur tous les bancs. Le prélèvement France Télécom ne peut plus continuer! Par notre réécriture du texte, nous vous proposons donc de régler enfin ce problème.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est bien.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Quant au ticket modérateur, il a joué son rôle; mais, à l’issue de la réforme, compte tenu de la restauration du lien entre les impôts locaux au niveau de la cotisation locale d’activité et du fait que la cotisation complémentaire, qui porte sur la valeur ajoutée, dépend d’un taux national et non local, il faut l’assouplir…

M. Jérôme Cahuzac. Très bien!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …, car il a été vécu de manière assez négative par les collectivités territoriales.

M. Jérôme Cahuzac. Je vois que nous avons rencontré les mêmes personnes!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Troisièmement, la cotisation nationale de péréquation fournit un exemple particulièrement parlant. Dans les communes où les taux de taxe professionnelle sont inférieurs à la moyenne nationale, ce que leurs maires attribuent – à tort ou à raison – à leurs efforts de bonne gestion, l’État prélève, outre le taux communal, une cotisation nationale de péréquation destinée à son budget. L’heure me semble venue de restituer cette cotisation à l’échelon local: puisqu’il a été vertueux et impose peu, celui-ci ne devrait pas subir un prélèvement au bénéfice de l’État.

Il ne s’agit que de quelques ajustements, qui ne représentent pas des efforts budgétaires considérables – quelque 200 ou 300 millions d’euros. Mais, dès lors que nous menons cette réforme extrêmement importante, nous devons la mener le mieux possible et susciter le plus large accord des collectivités territoriales, madame la ministre. Croyez-moi, la plupart des élus locaux savent bien qu’en supprimant la part investissements de la TP, on garde une chance de conserver nos entreprises. Si on ne le faisait pas, la matière fiscale disparaîtrait.

Du reste, du fait de la crise que nous traversons, l’assiette des équipements et biens mobiliers aurait diminué en 2011 sans cette réforme, grâce à laquelle la compensation permettra d’atteindre exactement le niveau de 2008. Cette réforme est donc également porteuse de conséquences très positives pour les collectivités locales. Si vous entendez les quelques demandes très raisonnables que nous vous adressons, nous parviendrons ainsi à une bonne réforme, excellente pour les entreprises et équilibrée pour les collectivités locales.

Ce projet de loi de finances est probablement le plus important du quinquennat.

M. Michel Vergnier. C’est le pire!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Grâce à lui, j’en suis convaincu, nous connaîtrons une sortie de crise plus rapide. En outre, il contient des réformes très courageuses, de véritables réformes de structure, qui constituent autant d’investissements sur l’avenir.

Madame la ministre, monsieur le ministre, j’espère donc que notre discussion sur ce très bon texte sera fructueuse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , et j’invite tous mes collègues à l’adopter, comme l’a fait hier la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous entamons la discussion budgétaire, mais j’ai le sentiment que nous nous sommes déjà abondamment exprimés à propos de ce projet de loi de finances. Beaucoup de choses ont été dites; beaucoup de vraies questions ont été posées.

M. Dominique Baert. Peu de bonnes réponses ont été apportées…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On l’a vu, bien des sujets méritent débat et bien des aspects peuvent être contestés. Permettez-moi ainsi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, de ne pas partager l’optimisme que vous inspire ce projet. Pour ma part, je continue de le juger dangereusement déséquilibré – nous atteignons des déficits record, j’y reviendrai; je ne suis toujours pas convaincu de son efficacité économique et sociale; je persiste à y déplorer ce qui constitue l’une des principales caractéristiques de notre politique fiscale depuis 2007 – l’injustice fiscale. Nous aurons également l’occasion d’y revenir.

Dans quel contexte ce projet de loi de finances s’inscrit-il? Incontestablement, la conjoncture économique donne quelques signes d’amélioration. C’est, je crois – il faut le reconnaître‚–, le résultat de politiques monétaires et budgétaires européennes sans précédent dans le monde.

Malheureusement, s’agissant de l’année 2010, de nombreux domaines continuent de susciter incertitude et interrogations. Considérer que, parce que quelques indicateurs sont devenus positifs, le monde, l’Europe et la France sont sortis de la crise, c’est se tromper lourdement. Car la reprise qui s’annonce sera sans conséquences sur la situation de l’emploi – le chômage continuera de s’aggraver en 2010‚–, sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens – le niveau de la demande le montre bien –comme sur la situation de nos comptes publics, dont le déficit passera de 8,2 % en 2009 à 8,5 % en 2010, ainsi que le rapporteur général l’a rappelé. Nos concitoyens auront donc bien du mal à percevoir la réalité de cette reprise.

Un mot sur le plan de relance, que madame la ministre, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur général ont également évoqué. Il est vrai que la récession est moins forte en France que dans bien d’autres pays. Est-ce grâce au plan de relance français? Je ne le crois pas.

M. Jean-François Lamour. Bien sûr que si!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances . Non; nous aurons l’occasion de le démontrer. Du reste, vous l’avez en un sens reconnu. Ce qui explique cette différence avec certains autres pays, c’est le niveau de nos prestations sociales (« Bien sûr! » sur les bancs du groupe SRC) et celui de nos politiques publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Comme le plan de relance, ce projet de budget est hémiplégique: il ne prend en considération que les entreprises et se cantonne à une politique de l’offre en oubliant les ménages, voire en risquant des mesures porteuses de conséquences néfastes pour ces derniers – ainsi du transfert organisé vers les ménages de l’impôt pesant sur les entreprises.

Vos mesures de soutien à la consommation, dont j’ai certes déploré la faiblesse, expliquent aussi en partie notre résultat au deuxième trimestre, plus favorable que nous ne pouvions l’espérer. Car, si faibles soient-elles, ces mesures de soutien au pouvoir d’achat, comme le versement d’un chèque de 200 euros le 1 er avril dernier, ont d’une certaine manière soutenu la consommation.

Un pays comme l’Allemagne a toutefois obtenu des résultats plus intéressants que les nôtres à travers son plan de relance. La récession y est peut-être deux fois plus grave qu’en France, comme vous vous plaisez à le souligner, mais le taux de chômage n’a quasiment pas varié car le plan de relance comportait des mesures fortes destinées à soutenir la consommation et le travail à temps partiel. En France, les mesures prises ont été insuffisantes et n’ont pu empêcher une très forte dégradation de la situation de l’emploi.

Beaucoup de choses ont déjà été dites – même si je suis le premier à apporter un éclairage un peu différent de ceux qui m’ont précédé – et je voudrais surtout aborder cinq sujets: la situation de nos comptes publics; le grand emprunt; le secteur bancaire et financier; la taxe professionnelle; enfin la justice fiscale.

Nos comptes publics sont dangereusement dégradés, il suffit de regarder les chiffres. Le déficit public atteint 8,2 % en 2009, soit un taux très nettement supérieur à ce que le ministre, dans les hypothèses les plus pessimistes, osait évoquer il y a quelques semaines encore. Lorsque nous affirmions que le déficit s’approcherait des 8 %, nous étions considérés comme des oiseaux de mauvais augure. Malheureusement, la réalité est là: 8,2 % contre 3,4 % en 2008, avec pour corollaire une augmentation très nette de la dette française qui atteint près de 1500 milliards en 2009, soit près de 80 % du PIB.

En 2005, la situation de notre endettement était déjà considérée comme extrêmement délicate par la commission Pébereau, dans laquelle j’ai siégé, et je m’étonne que ceux qui partageaient ce jugement soient aussi silencieux aujourd’hui alors que la dette a explosé.

M. Jérôme Cahuzac. Très juste!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce n’est pas moi, mais le Premier ministre, qui a déclaré que notre pays était en situation de faillite.

Certes, il y a la crise, et il serait stupide de notre part de considérer qu’elle n’a pas contribué, pour partie, à l’évolution de nos comptes publics. La dégradation qu’ils connaissent, nous la retrouvons dans tous les pays de l’Union européenne et dans d’autres. Toutefois, de nombreux pays comparables au nôtre sont partis de situations beaucoup plus saines, avec un déficit structurel moins élevé, ce qui explique qu’à l’issue de la crise, la France se trouvera en plus mauvaise posture que ses partenaires, et ce sera d’ailleurs perceptible dès 2010. Avec un déficit public comparable, l’Allemagne connaîtra déjà une réduction de son déficit et un niveau de croissance supérieur à celui prévu pour notre pays. La Cour des comptes relève à cet égard que, selon les organismes internationaux, la position de la France se dégraderait plus que celle de l’Allemagne et de l’ensemble de la zone euro en 2010. Certes, comparaison n’est pas toujours raison, mais l’exercice a son utilité.

Je reconnais au Gouvernement une qualité, c’est l’imagination débordante dont il fait preuve quand il s’agit de parler de déficit public comme si les termes « déficit structurel » n’étaient pas suffisants: « déficit de crise », « déficit hors plan de relance », « déficit hors surcoût temporaire de la réforme de la taxe professionnelle » et même – je n’invente rien – « déficit hors surréaction des recettes fiscales ». Bravo, monsieur le ministre!

M. Gérard Bapt. Quelle imagination, en effet!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ira-t-on jusqu’à nous expliquer que, « hors déficit », le déficit est nul? Voilà qui est bien étonnant.

Mais venons-en au grand emprunt, qui apparaît de plus en plus comme un « objet financier non identifié », un OFNI si vous voulez. Tout le discours actuel consiste à nous expliquer qu’il faut dépenser moins en raison de la situation des comptes publics: votre intervention tout à l’heure nous l’a encore montré et M. le rapporteur général est allé dans le même sens.

Si j’en crois le Président de la République ou encore Xavier Bertrand, associé pour la circonstance à Eric Besson, il faudra dépenser plus pour l’avenir. Comment? En empruntant plus.

Faut-il rappeler que nous empruntons déjà beaucoup?

M. Dominique Baert. À court terme!

M. Michel Vergnier. Et chaque jour!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En effet, 250 milliards en 2009. Pour la première fois en temps de paix, la moitié des dépenses de l’État aura été financée par l’emprunt. Pour 2010, 212 milliards sont prévus, compte tenu d’un besoin de financement de la sécurité sociale estimé à 65 milliards. La semaine prochaine, notre assemblée devra autoriser un découvert des comptes de l’ACOSS à hauteur de ces sommes: du jamais vu!

M. Dominique Baert. Il faut raisonner en euros, plus en francs!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Oserai-je vous rappeler, monsieur le ministre, que les comptes de la sécurité sociale étaient à l’équilibre en 2000, au temps de Lionel Jospin et de Martine Aubry?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Jamais il n’y a eu autant de dépenses!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Bien sûr, il faut traquer la dépense inutile et privilégier la dépense d’avenir. Mais ceci posé, nous ne sommes guère avancés. Développer la recherche et l’investissement, encourager la croissance verte, soutenir le secteur des micro- et nanotechnologies ou bien encore l’industrie des véhicules électriques, nous y sommes bien évidemment favorables: ce sont des dépenses utiles pour préparer l’avenir. Mais la question n’est pas là.

Je dois dire, monsieur le ministre, qu’il était intéressant de vous entendre dire que vous alliez nous présenter les objectifs du Gouvernement. Vous gouvernez depuis un peu plus de deux ans et demi. Nous avons déjà eu à examiner une loi de programmation des finances publiques, qui comportait la définition de choix et de priorités budgétaires. Vous nous avez déjà présenté beaucoup de travaux, issus de la commission Attali ou d’autres commissions, destinés à accélérer la croissance. Pourquoi cela ne se traduit-il pas davantage dans vos priorités budgétaires? Pourquoi un emprunt de plus? Quel réel impact auront ces dépenses? Entraîneront-elles véritablement une croissance supplémentaire?

On a beau prendre la question par tous les bouts, emprunter plus, c’est toujours dépenser plus. Vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu’il faut nous efforcer de dépenser le moins possible. Mais, dans quelques semaines, vous consentirez à ce que l’on dépense plus.

M. Jean-Paul Bacquet. Oui, mais pas pour gagner plus!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Pourquoi? Parce qu’entre-temps, la magie du grand emprunt aura opéré.

Pour y voir plus clair, il suffit de prêter attention aux propos d’Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République.

M. Jean-Paul Bacquet. Très très spécial!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le Président de la République ne voulant pas que nous augmentions les impôts, il faut donc emprunter: quoi de plus facile? Pourtant, Henri Guaino comme le Président de la République savent qu’un emprunt n’est pas une recette – je ne leur ferai pas l’injure de croire le contraire.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce n’est qu’un impôt différé!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vous êtes donc dans la contradiction, monsieur le ministre. Vous étiez favorable à un plan de relance plus ample et vous étiez prêt à assumer certaines dépenses. Mais le problème, c’est que vous allez augmenter les dépenses en diminuant parallèlement les recettes de manière très sensible, nous obligeant à faire un grand écart qui risque de nous conduire jusqu’à la fracture.

M. Jean-Paul Bacquet. La faillite!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le grand emprunt ne fera que reporter la date de l’échéance mais pas son montant. Vous cherchez simplement à gagner du temps jusqu’en 2012, ce qui n’est pas, je crois, une attitude responsable.

Et d’ailleurs beaucoup d’entre vous le disent. La Cour des comptes évoque un risque d’emballement de la dette, avec un effet boule de neige. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, s’aventurant dans le domaine des finances publiques, constate que « notre pays est face à une crise historique de ses finances publiques » – et je l’invite à nous rejoindre car nous pourrons avoir un débat intéressant avec lui.

On ne peut durablement augmenter la dépense et diminuer les recettes. Les milliards d’euros dépensés pour financer des baisses d’impôt ne nous paraissent pas pertinents dans cette situation de crise.

M. Gérard Bapt. Très bien!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je veux parler du coût de la baisse des droits de succession – plus de 2 milliards d’euros –, de la baisse de la TVA dans la restauration, du bouclier fiscal, de la réforme non ciblée de la taxe professionnelle. Le soutien aux entreprises industrielles est légitime, mais fallait-il aider l’ensemble des entreprises dans tous les secteurs d’activité? Je vous rappelle que 12 milliards d’euros ont été consacrés à la réduction d’impôt pour les entreprises, si l’on ajoute la réforme de la taxe professionnelle et la suppression de l’impôt forfaitaire annuel, l’IFA.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation difficile. Nous nous donnons des règles de bonne gouvernance et elles ne sont pas respectées, comme le rappelle le rapporteur général dans son rapport. Nous adoptons des règles, notamment à travers la loi de programmation des finances publiques, et nous les violons dès le texte suivant, notamment avec la réduction de la TVA dans la restauration.

Si vous voulez une bonne règle de gouvernance, commencez par imposer un équilibre du solde primaire, c’est-à-dire un équilibre des dépenses de fonctionnement et d’investissement hors charges de la dette, ainsi qu’un équilibre des dépenses de la sécurité sociale. Il est totalement irresponsable de faire peser le coût de nos dépenses de santé sur les générations futures, qui auront elles-mêmes à supporter des dépenses importantes, notamment du fait du poids croissant de la dépendance.

S’agissant du secteur bancaire et financier, nous considérons que vous avez bien fait de le soutenir. Seulement, nous vous reprochons de l’avoir fait selon des modalités contestables, inappropriées et coûteuses, avec des contreparties insuffisantes. Je ne parle même pas de la présence de l’État au sein des conseils d’administration des établissements bancaires, à laquelle j’aurais été favorable; mais ce que je vous reproche principalement, c’est d’avoir abandonné dès le départ toute idée de retour sur investissement et tout recours à la clause de retour à meilleure fortune.

Les États-Unis ou la Suisse ne peuvent pas être suspectés de méchanceté vis-à-vis de leurs banques. Pourtant, ils ont prévu une clause de retour à meilleure fortune.

Je trouve choquant que Mme Lagarde nous demande: comment, vous voudriez que l’État spécule? Non, ce n’est pas spéculer quand il s’agit de préserver les intérêts de l’État, ce n’est pas spéculer quand il s’agit de préserver l’intérêt du contribuable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Si les banques ont retrouvé le chemin des bénéfices et des profits, c’est tout simplement parce que l’État a décidé de les soutenir.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Mais l’État n’a rien perdu!

M. Didier Migaud, président de la commission. Aussi est-il tout à fait légitime que le contribuable puisse avoir un retour sur cet investissement, ne serait-ce que pour préparer l’avenir, à travers des dépenses qui peuvent être utiles pour une croissance retrouvée.

Je trouve choquant que l’on accuse de spéculation ceux qui proposent un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des banques; au contraire, ils font preuve de bon sens. Du reste, il ne s’agit que d’avoir le même comportement que les banques, qui non seulement vous font payer des taux d’intérêt mais encore exigent des garanties. Dans ces conditions, pourquoi l’État ne se comporterait-il pas de la même façon? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est d’ailleurs ce que sont en train de faire les Belges, les Allemands et les Anglais.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas comparable!

M. Didier Migaud, président de la commission. Si!

Mme Lagarde veut créer une taxe destinée à financer le coût de la supervision, ce que nous approuvons. Mais cela n’a strictement rien à voir avec un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des établissements bancaires. Une telle dispo sition me semble légitime, d’autant que peu de gens sont convaincus que les banques jouent vraiment le jeu de l’investissement.

M. Gérard Bapt. Les chefs d’entreprise en ont bien peur!

M. Didier Migaud, président de la commission. Il pourrait être utile de prélever une partie de leurs bénéfices pour financer l’investissement public et privé dans notre pays. Souvenez-vous: la BNP, qui avait prévu 1 milliard d’euros de provisions au titre des bonus des traders, ne provisionnera plus que 500 millions. Je ne pense pas qu’un prélèvement sur ses bénéfices remettrait en cause sa compétitivité.

M. Guy Chambefort. Très bien!

M. Michel Vergnier. Un peu de courage!

M. Didier Migaud, président de la commission. Sachons donc garder raison et faisons en sorte que nous puissions avoir de vrais débats.

J’en viens à la taxe professionnelle. La commission des finances avait anticipé ce débat en confiant une mission à Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, auxquels le rapporteur général et moi-même nous étions associés.

Nous avions posé cinq principes: le lien nécessaire entre les communes et les entreprises; une priorité accordée au secteur industriel, le plus concerné par les risques de délocalisation; une attention accordée à l’autonomie financière des collectivités territoriales; un équilibre entre l’imposition pesant sur les entreprises et les ménages; enfin une réforme que nous souhaitions financée et équilibrée.

Je tiens à remercier Mme la ministre pour les nombreux échanges que nous avons eus sur ce dossier. Je reconnais que le projet gouvernemental a évolué et qu’il a tenu compte d’un certain nombre de propositions, mais il reste encore beaucoup d’interrogations et de points de désaccord.

De même, je remercie, au nom de l’ensemble de la commission des finances, le rapporteur général pour le travail remarquable et très utile qu’il a réalisé sur la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.) Il a beaucoup travaillé, dans un contexte difficile. Si la nouvelle rédaction de l’article 2 ne répond pas à toutes les questions qui demeurent, elle identifie bien celles qui restent en suspens.

Parmi celles-ci figure le financement de la taxe professionnelle. Honnêtement, je ne pense pas que nous ayons les moyens de consacrer 11,7 milliards à cette réforme. Des préoccupations, des désaccords subsistent aussi quant aux conséquences sur les collectivités territoriales et aux compensations prévues.

La question de l’autonomie financière se pose, ainsi que celle du traitement du bloc communes-intercommunalités qui doit pouvoir bénéficier d’une partie de la valeur ajoutée. En la matière, nous ne souhaitons pas, et je crois exprimer un point de vue très majoritaire au sein de notre commission, que les choses soient figées sur cette réforme de la taxe professionnelle dès la loi de finances.

Monsieur le ministre, d’une certaine façon vous avez décidé l’urgence pour cette réforme, s’agissant notamment de ses conséquences pour les entreprises. Vous avez accepté un report pour 2011 pour les collectivités territoriales. Nous devons mettre à profit ce temps pour modifier très sensiblement la copie gouvernementale et poursuivre le travail engagé par la commission des finances à partir du rapport de Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand et du travail du rapporteur général.

Le travail doit aussi se poursuivre au Sénat et à partir de simulations que nous devons pouvoir obtenir pour chaque collectivité territoriale. Il faudra accepter que le texte soit modifié, à la lumière de ces simulations, dans le courant du premier semestre 2010. Si je reconnais que nous avons bénéficié de beaucoup de simulations pour les entreprises, malheureusement les simulations quant aux conséquences sur les collectivités territoriales sont bien moins nombreuses.

M. Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas logique!

M. Didier Migaud, président de la commission. En la matière, la question est délicate. Du reste, les deux questions sont liées, celle du financement, et celle du transfert vers les impôts ménages. La seule autonomie financière qui restera aux collectivités portera sur les impôts ménages dont, malheureusement, la hausse est programmée à travers cette réforme si des correctifs ne sont pas apportés.

Dernier point: la justice fiscale ou plutôt l’injustice fiscale. Le projet de loi de finances est dans la continuité, y compris dans l’innovation, avec la création d’une taxe carbone qui, telle qu’elle est proposée, est inefficace d’un point de vue environnemental et ne me paraît pas juste socialement.

L’assiette de cette taxe est restreinte; certains secteurs sont complètement exemptés, comme les transports aériens ou maritimes, alors qu’ils contribuent fortement à l’émission de gaz à effet de serre. Cette taxe engendrera de très fortes inégalités entre les entreprises, entre celles qui sont soumises à quotas – on sait que les quotas ne seront payants qu’à partir de 2012 ou 2013 – et celles qui seront sollicitées dès maintenant. D’ailleurs, cela me rappelle les débats que nous avions eus en son temps sur la TGAP qui se sont soldés par une annulation, par le Conseil constitutionnel, des dispositions concernant son extension.

La compensation prévue est très injuste et nécessite d’être corrigée. Quel est le sens de la restitution d’un chèque de 46 euros aux bénéficiaires du bouclier fiscal ou pour les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu?

M. Dominique Baert et M. Jean Launay. Scandaleux!

M. Didier Migaud, président de la commission. Ils vont trouver qu’ils ne sont pas bien gouvernés.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est un peu gros, tout de même!

M. Didier Migaud, président de la commission. Ils penseront, peut-être, qu’il s’agit du chèque de restitution qu’ils peuvent percevoir au titre du bouclier fiscal! (Sourires.)

M. Jean Launay. Ils vont avoir une crise cardiaque! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission. Je pense vraiment que votre dispositif mériterait d’être corrigé.

Les effets pervers et le caractère injuste du bouclier fiscal apparaissent chaque jour davantage. Du reste, des questions se posent au sein même de la majorité sur le niveau de ce bouclier fiscal et sur le fait que les prélèvements sociaux y soient intégrés. On voit bien que le bouclier fiscal ne se justifie que par rapport à l’ISF, et je remercie le rapporteur général de l’avoir reconnu dans chacun de ses rapports, alors même que, pendant la campagne électorale, on avait déclaré que le bouclier fiscal et l’ISF n’avaient rien à voir. Or on s’aperçoit aujourd’hui que le bouclier fiscal a pour objet de se dispenser d’une grande partie de l’ISF.

Je veux dénoncer ce qui n’est pas correct et correspond à une certaine imposture. Xavier Bertrand a déclaré que travailler six mois pour l’État et six mois pour soi, ce n’est pas quelque chose d’insensé. Mais il oublie les revenus de la rente, du capital, du patrimoine. Et ce bouclier fiscal comporte d’autres imperfections, à commencer par le revenu pris en considération pour son calcul.

M. Jean-Paul Bacquet. Effectivement!

M. Didier Migaud, président de la commission. Ce n’est pas le revenu réel, ce que vous gagnez qui est pris en considération, puisque ce revenu peut être minoré par un certain nombre d’abattements. Certes, certaines corrections ont été apportées l’année dernière, mais elles ne règlent pas le problème. J’ajoute que ce dispositif ne correspondait pas à ce qu’avait présenté le Président de la République lors de sa campagne.

Monsieur le rapporteur général, je ne comprends pas l’argument sur la rétroactivité que vous opposez à un dispositif que je propose. Il ne s’agit que de corriger une situation qui n’aurait jamais dû exister. Et si je suis l’argument du Président de la République, ce que l’on gagne devrait seul être pris en considération, et non ce que l’on gagne diminué d’un certain nombre d’avantages fiscaux. Ce serait justice que de régler ce problème dès la première partie de la loi de finances.

Je ne reviendrai pas sur les dépenses fiscales qui ont fortement augmenté. Monsieur le ministre, évitons la caricature dans les débats. Nous ne confondons pas riches et niches. Je connais le contenu des nombreuses dispositions concernant les niches fiscales et les publics concernés. Nous le reconnaissons, il y a niches et niches.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il y a riches et riches!

M. Didier Migaud, président de la commission. Mais beaucoup de niches correspondent à des privilèges fiscaux considérables qui permettent encore à certains contribuables aux revenus confortables d’échapper au paiement de tout impôt sur le revenu.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est scandaleux!

M. Didier Migaud, président de la commission. Voilà pourquoi je propose une imposition minimale alternative afin d’éviter qu’un contribuable qui perçoit des revenus confortables puisse échapper à tout paiement de l’impôt sur le revenu.

Le débat sur le bouclier fiscal et les niches fiscales est important car il a deux conséquences lourdes: d’une part il crée de l’injustice, d’autre part il restreint la capacité d’action de l’État.

Tout à l’heure, Gilles Carrez évoquait un déplacement que nous avions fait en Allemagne. Les Allemands nous disaient, toutes sensibilités confondues, ne pas aimer du tout les dépenses fiscales et en avoir remis en cause de nombreuses. Si passer par l’outil de la dépense fiscale permet de contourner une norme d’évolution de la dépense publique, cela ne permet pas de cibler suffisamment une politique publique, et cela pose problème quand elles deviennent aussi importantes. À cet égard, nous devrions nous inspirer d’un certain nombre d’exemples. Le dispositif des États-Unis prête à contestation, parce qu’il n’a pas évolué; en revanche le dispositif canadien, qui corrige beaucoup d’injustices, fonctionne très bien.

Madame la présidente, j’en arrive à ma conclusion.

M. Dominique Baert. C’est dommage! C’était vraiment bien!

M. Didier Migaud, président de la commission. Le Premier ministre a parlé d’un État en faillite, le président de la commission des lois d’une crise historique de nos finances publiques, le rapporteur général d’un niveau d’endettement sans précédent, la Cour des comptes de la situation inquiétante de nos finances publiques, d’une France en position défavorable en Europe avec des déséquilibres encore massifs à l’horizon 2012…

M. Jean-Paul Bacquet. Et ce n’est pas fini!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Certes, nous ne sommes pas en situation de faillite; cette expression du Premier ministre était inappropriée. Mais nous sommes au bord de l’asphyxie. Le grand écart dont je parlais tout à l’heure est de moins en moins tenable, de plus en plus lourd de conséquences. Si nous ne remettons pas en cause cette politique fiscale, cette volonté délibérée de nous priver de recettes, des ajustements seront nécessaires. Le rapporteur général et le président Jean-Luc Warsmann le disent eux-mêmes. Et ces ajustements ne se feront pas seulement pas la remise en cause de politiques publiques, mais malheureusement aussi par des augmentations d’impôts. Si cette politique se poursuit, des augmentations d’impôts interviendront inévitablement en 2012.

M. Michel Vergnier. C’est vrai!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, là non plus, ne caricaturons pas: nous ne proposons pas des augmentations d’impôts, nous sommes conscients que la crise ne permet pas aujourd’hui d’augmenter de façon générale les prélèvements obligatoires. Nous disons seulement: arrêtons de baisser les impôts, et ce de façon aussi ciblée sur ceux qui peuvent précisément contribuer à l’effort de reprise dans notre pays! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Paul Bacquet. Les plus riches!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est d’ailleurs exactement ce que disait en 2005 la commission Pébereau, dont c’était la deuxième proposition: ne pas baisser le niveau des prélèvements obligatoires tant que la situation de nos comptes publics ne serait pas assainie. Or vous venez de démontrer que ces prélèvements obligatoires diminuaient de presque trois points. Ce n’est pas responsable, c’est insensé dans la situation actuelle, dès lors que – je le disais – vous pouvez reporter le moment des échéances mais non le montant. Ce qui doit arriver finira par arriver.

De nombreuses questions ont été ouvertes. Elles dépassent les clivages politiques sur bien des sujets: la taxe professionnelle, le bouclier fiscal, l’idée d’un prélèvement exceptionnel sur les banques… J’ai cru comprendre que les portes étaient déjà refermées, que le Président de la République – avec lequel vous êtes, monsieur le ministre, si j’en juge par vos propos, sur la même longueur d’ondes, tout comme Mme la ministre – le Président de la République disait qu’il ne fallait rien changer à rien. La seule marge de manœuvre que nous aurions porterait sur la taxe professionnelle, avec ses conséquences sur les collectivités territoriales. Mais sur le bouclier fiscal: « Non, rien ne doit changer! » Sur le prélèvement exceptionnel des banques: « Non, rien ne doit être fait! » Sur la question de la justice fiscale: « Nous avons le temps d’y penser. »

M. Jean Launay. C’est ce qui s’appelle la revalorisation du travail parlementaire!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il n’est pas raisonnable de refermer le débat avant même qu’il soit ouvert par les discussions que nous devons avoir cette semaine. J’espère me tromper, monsieur le ministre. J’espère que nous serons en mesure, à partir des vraies questions posées sur l’ensemble de ces bancs, de contribuer au débat public. J’espère que le Parlement sera considéré par le Gouvernement comme un partenaire à part entière.

Et je me permets de vous donner un conseil.

M. Jean-Paul Bacquet. Allez-y! Ils sont tellement nuls!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Un seul conseil. Lorsqu’un gouvernement se ferme aussi systématiquement aux observations que peuvent lui faire les députés de sa propre majorité…

M. Jean-Paul Bacquet. Et même son rapporteur général!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …revenant de leurs circonscriptions, cela ne se termine jamais bien pour lui.

M. Jérôme Cahuzac. Continuez, monsieur le ministre! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous avons connu ce type d’expérience à la fois sous des gouvernements de gauche et sous des gouvernements de droite.

J’appelle donc à un débat ouvert, et j’espère qu’un certain nombre de changements seront apportés à ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma