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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 27 mai 2010

Troisième séance du jeudi 27 mai 2010

Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Réforme des collectIvités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (n os  2280, 2516, 2459, 2510).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de onze heures une minute pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, treize heures six minutes pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, cinq heures cinquante et une minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, cinq heures cinquante neuf minutes pour le groupe Nouveau Centre.

Hier soir, l’Assemblée a achevé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Puisque tout le monde n’était pas forcément présent lorsque nous avons levé la séance de cet après-midi, je vous informe, mes chers collègues, que nous avons établi un record de la V e République, puisque cent vingt-deux orateurs se sont exprimés durant cette discussion générale, dont la durée a été de dix-neuf heures et six minutes.

M. Bernard Derosier. C’est que le sujet est d’importance.

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, au terme de cette longue discussion générale, de près de vingt heures, qui a été historique, en effet, et qui a été précédé, il y a quelques semaines, par une discussion elle aussi très longue, lors de l’examen du projet de loi relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, je me réjouis de la grande qualité de nos débats, même si les positions exprimées peuvent parfois être éloignées les unes des autres.

Le très grand nombre d’interventions, plus d’une centaine, démontre que ce projet de loi constitue une réforme profonde de notre organisation territoriale, suscitant l’intérêt et les échanges, et c’est tant mieux.

Répondre à l’ensemble de ces interventions dans un temps réduit est une gageure. Vous me pardonnerez donc de ne pas répondre individuellement à chacun d’entre vous, d’autant que certains sont déjà repartis dans leur circonscription. Ce serait d’ailleurs particulièrement long et fastidieux pour l’auditeur. Néanmoins j’ai pu identifier quelques thèmes qui ont, me semble-t-il, concentré l’essentiel des interventions. Je tenterai donc de vous répondre en fonction de ces thèmes : le conseiller territorial, l’intercommunalité, la métropole, la clarification des compétences et des cofinancements.

M. Bernard Derosier. Et la parité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je prie les députés que je ne citerai pas nommément de bien vouloir m’en excuser par avance.

Permettez-moi au préalable de saluer à nouveau l’excellent travail effectué par votre rapporteur, M. Dominique Perben, et par la commission des lois, sous la présidence de Jean-Luc Warsmann. Je salue également le travail des deux commissions saisies pour avis, et en particulier celui de leurs rapporteurs, Philippe Vigier pour la commission des finances et Jérôme Bignon pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Leurs travaux ont également permis d’enrichir le texte, même s’il peut rester, ici ou là, quelques points de divergence qui viendront, j’en suis sûr, enrichir le débat en séance publique.

Tout d’abord, je remercie Michel Piron d’avoir parfaitement résumé les objectifs de la réforme territoriale, qui doit être ambitieuse et pragmatique. Il a utilisé une formule, que je reprends à mon compte, selon laquelle la réforme appelle à « parier sur les intelligences territoriales ». Elle me semble particulièrement remarquable.

L’illustration la plus marquante en est bien la création du conseiller territorial, ou la possibilité offerte aux élus locaux de créer des métropoles et des communes nouvelles. La réforme parie sur la dynamique des territoires, faisant de l’élu local l’acteur principal du changement.

Le président du groupe Nouveau Centre, François Sauvadet, a rappelé l’urgence qu’il y a à engager la réforme. Il a ainsi fait sien le titre du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par l’ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur : Il est temps de décider . Il a appelé à une réforme juste, pérenne et comprise par les citoyens, et apporté son soutien à l’effort de réforme du Gouvernement, tout comme Michel Hunault et Jean-Claude Bouchet, que je tiens à remercier.

Les nombreux orateurs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ont dressé un portrait de la réforme que je qualifierai, pour être gentil, de caricatural : « mise à mort de la décentralisation », rien que ça ; « recentralisation » ; « retour des préfets » ; « mort des communes » ; « contre-réforme ». Excusez du peu ! Je remercie donc, et très sincèrement, Jean-Pierre Balligand, dont l’autorité en matière de décentralisation et de collectivités territoriales est unanimement saluée, d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître que ce projet de loi n’était pas un texte de recentralisation, car il n’implique aucune reprise de compétences des collectivités territoriales vers l’État.

M. Olivier Dussopt. Il a dit pire !

M. Patrick Roy. Vous auriez dû l’écouter jusqu’au bout !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il parlait ici en tant que député. Nous sommes à l’Assemblée nationale, et chacun a le droit d’exprimer son propre point de vue.

M. Olivier Dussopt. Il a été sévère !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il a rappelé qu’il ne s’agissait pas du tout d’un texte de recentralisation. Son objectif est en effet de mieux répartir l’exercice des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales.

Je veux aussi m’inscrire en faux contre la vision développée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je pense en particulier aux interventions de Michel Vaxès, du président de groupe, Jean-Claude Sandrier, d’André Chassaigne et de Mme Jacquelinie Fraysse. Non, l’objectif de cette réforme n’est pas de casser les services publics locaux, mais de les moderniser en encourageant l’action des différentes collectivités territoriales.

Quelques mots sur le conseiller territorial.

Vous avez été nombreux à vous féliciter, comme Hervé Gaymard, de la création de ce nouvel élu, qui va permettre de renforcer, comme l’ont précisé François Sauvadet et Robert Lecou, les synergies entre les départements et la région.

Mme Christine Marin a souligné qu’il était désormais nécessaire d’avoir moins d’élus, mais qui soient plus proches des territoires. C’est bien l’objectif du conseiller territorial, qui développe une double vision : une vision de proximité grâce à son élection dans le cadre du canton élargi, et une vision stratégique au niveau régional. Je reprends donc votre heureuse expression : il s’agit bien d’unir dans une élection l’ensemble des enjeux des territoires.

Je ne partage pas le diagnostic de MM. Alain Rousset et Michel Vauzelle, selon lesquels il s’agirait de « cantonaliser » la région. Cette réforme n’est pas dirigée contre le département ou la région. Elle vise au contraire à créer un véritable couple institutionnel, plus fort car cohérent et efficace dans son action.

M. Patrick Roy. Mon œil !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je remercie François Bayrou d’avoir rappelé l’attachement de la famille centriste à l’idée du conseiller territorial. Il est vrai que Maurice Leroy en a été l’un des avocats talentueux depuis de nombreuses années, comme il l’a rappelé.

Je reviendrai plus tard sur les questions électorales, préférant commencer par évoquer l’achèvement de la couverture intercommunale et la rationalisation des périmètres des EPCI.

Yves Censi a rappelé que notre texte s’inspirait du Livre blanc de l’Association des communautés de France. Il a eu raison de le faire. J’ai assisté à tous les congrès de l’ACF, que ce soit à Chambéry ou à Montpellier, pour ne citer que les derniers en date. Les conclusions consensuelles des réflexions et des travaux de l’ACF, présidée par le maire socialiste de Rennes, sont reprises dans le présent projet de loi.

Michel Diefenbacher et Bruno Bourg-Broc ont salué l’objectif de couverture intercommunale intégrale du pays, tout en soulignant que le chantier de l’intercommunalité devait être mené dans la concertation avec les communes, au plus près du terrain, avec mesure et discernement, et qu’il devait se traduire par une véritable rationalisation des moyens des intercommunalités.

Le Gouvernement partage ces préoccupations : il propose ainsi que ce chantier fondamental soit mené au moyen d’un travail conjoint – je dis bien : un travail conjoint – entre le préfet et la commission départementale de coopération intercommunale, en concertation avec les maires et les présidents des structures intercommunales.

Plusieurs orateurs, MM. Vincent Descoeur, Francis Saint-Léger et François Vannson, ont souligné le problème du seuil indicatif de 5 000 habitants pour la constitution d’EPCI. Cette discussion avait déjà eu lieu au Sénat et ce seuil a été abaissé à 3 000 habitants.

Je rappelle cependant, moi qui suis un élu de la montagne, que ce seuil est indicatif et que le préfet pourra y déroger en prenant en compte les spécificités du territoire, notamment des territoires ruraux et de montagne. En tout état de cause, le Gouvernement n’est pas fermé à la poursuite de la discussion sur cette question, qui est importante pour ces régions.

Arrêtons aussi les caricatures sur la réforme. Non, monsieur Candelier, elle ne vise absolument pas à porter atteinte aux communes. Il n’y a pas de retour des préfets. La rationalisation de l’intercommunalité, je l’ai déjà dit, sera le fruit d’un travail conjoint, j’insiste, entre le préfet et les CDCI, en concertation étroite avec les conseils municipaux.

Nous avons cherché à bâtir un système équilibré entre les différents intervenants pour que le succès de l’entreprise viennent de la collaboration du préfet et des élus et non d’une logique d’opposition qui n’a, en ce domaine, aucun sens. Toutefois reconnaissez aussi que les préfets ont parfois besoin de disposer de pouvoirs renforcés, car vous savez tous que leurs pouvoirs de persuasion rencontrent parfois leurs limites face à certains égoïsmes locaux outranciers.

Je remercie à cet égard M. François Grosdidier d’avoir démontré avec éloquence que les pouvoirs du préfet ne sont pas supérieurs à ceux issus de la loi Chevènement, dont chacun ici loue à juste titre le succès.

Notre projet, monsieur René Dosière, est bien de faire émerger la commune du XXI e siècle, en lien étroit avec son intercommunalité. C’est bien pourquoi nous avons souhaité conforter juridiquement et développer la mutualisation entre ces deux structures.

J’en viens à la constitution des métropoles et des communes nouvelles.

Je remercie M. Daniel Garrigue d’avoir rappelé l’importance et la nécessité de développer des métropoles mais je veux le rassurer : leur constitution n’emportera pas disparition ou dissolution des communes qui en sont membres, bien évidemment. La métropole doit permettre la création d’une véritable gouvernance, comme l’a souligné avec beaucoup de talent André Schneider, député de Strasbourg, par la mutua lisation des compétences structurantes émanant des communes, des départements, de la région, voire de l’État, mais toujours, toujours, sur la base du volontariat.

Nous avons fait le choix d’une « métropole-EPCI » et non d’une « métropole-collectivité territoriale ». Nous avons aussi fait le choix de métropoles créées sur la base du volontariat et non par la loi, comme l’avait d’ailleurs fait la loi Chevènement pour les communautés urbaines de Nantes et de Marseille en 1999, lesquelles ont été créées de façon très autoritaire, c’est le moins que l’on puisse dire. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai ! Quand on est membre du Gouvernement, on ne doit pas mentir ! Ou alors c’est de l’ignorance. Dans les deux cas, c’est grave !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur Jacques Pélissard, président de l’AMF, je souhaite vous convaincre de la nécessité, en accord avec les communes membres, de donner à la métropole, nouvel outil de gouvernance des aires urbaines, la possibilité d’accéder à une fiscalité propre et à une véritable dotation générale de fonctionnement territorialisée, pour lui permettre de disposer d’une autonomie financière au service de l’exercice de ses compétences, afin de développer une véritable péréquation horizontale au service des communes membres.

M. Robert Lecou. Très bien ! L’autonomie, c’est important.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le débat est lancé. Il se poursuivra, je le sais. Je souhaite vous convaincre, monsieur le président de l’AMF, que cette évolution ne se fera certainement pas au détriment des communes.

La création de la métropole, n’aura pas pour conséquences, messieurs Armand Jung et François Bayrou, de vider les communes membres de l’ensemble de leurs compétences, en ne laissant subsister que des départements croupions. Les compétences se feront, pour leur majeure partie, par transfert volontaire, en préservant la liberté d’action des communes. Que je sache, la création des seize communautés urbaines existantes à ce jour ne s’est pas traduite par la mort des communes membres. MM. Derosier, Roman et Cacheux peuvent légitimement en témoigner ! Et des communautés urbaines sont en gestation en permanence. Deux ont encore été créées en 2009, à Nice et à Toulouse. Je suis allé signé les actes traduisant la création de ces communautés urbaines. Les communes qui s’y sont intégrées n’ont pas eu le sentiment de perdre leur liberté ni leur autonomie.

La métropole ne se fera pas non plus contre les départements et les régions. Le Gouvernement ne peut souscrire à une telle analyse, messieurs Nicolas Dupont-Aignan et François Bayrou. Les métropoles auront, en effet, un statut d'établissement public intercommunal à fiscalité propre plus intégré que tous les autres EPCI existants, un point c’est tout.

Mme Christine Marin a évoqué, et je l'en remercie, la démarche innovante du Gouvernement tendant à la création de pôles métropolitains. Cela permettra la coopération volontaire d'agglomérations qui auront des projets à mener en commun. Des projets métropolitains sont en cours, associant dans la même démarche des communes de tous horizons politiques, ce qui est très innovant, important et intéressant pour le développement local. Le Gouvernement souhaite encourager cette dynamique.

Cette structure intercommunale permettra, sur le fondement d'une démarche encore une fois volontariste, de coordonner les politiques d'aménagement du territoire, notamment dans le domaine des transports. C’est le cas, par exemple, de la coopération en cours entre Metz, Nancy, Thionville et Épinal. Elle offrira une solution souple d'association à différents EPCI, sans obligation de continuité territoriale, favorisant la mise en œuvre de politiques communes dans des domaines structurants.

Je remercie le président de l’AMF, M. Pélissard, d'avoir rappelé que la commune nouvelle constitue un outil « intéressant » au service des communes, même s’il a fait part de ses inquiétudes quant aux majorités requises pour initier cette évolution. En fait, il s’agit de remplacer la loi Marcellin qui, dans les premières années, a permis la fusion de plusieurs centaines de petites communes chaque année mais qui, depuis des décennies, est devenue complètement obsolète. Là aussi, bien entendu, c’est uniquement sur la base du volontariat que cette commune nouvelle se fera.

M. Serge Grouard partage également cet intérêt pour ce nouveau dispositif mais considère, de son côté, que le régime de double majorité qualifiée est trop restrictif. Vous pouvez le constater, il existe, comme lors du débat au Sénat, des positions différentes sur le sujet. C’est tant mieux et c’est le rôle du Parlement de faire émerger des solutions. À cet égard, la rédaction issue de votre commission des lois ne représente-t-elle pas un juste équilibre entre la nécessaire protection de l'intérêt des communes et le besoin d'adaptation de nos structures locales ? Vos futurs débats en décideront.

Monsieur Émile Blessig, mais aussi messieurs Poulou et Lassalle, vous avez manifesté vos inquiétudes en ce qui concerne l'avenir des pays. Vous le savez, les pays ont des structures juridiques très différentes et connaissent un succès variable selon les départements. Ayant moi-même eu l’occasion d’en créer un, je n’y suis pas du tout hostile, bien au contraire. Ils fonctionnent très bien en certains endroits, moins bien dans d’autres. Ce qui vous est proposé, c'est de les faire évoluer vers d'autres structures intercommunales sans pour autant supprimer les pays existants qui sont pertinents. Les contrats en cours seront exécutés jusqu'à leur terme, notamment le volet territorial des contrats de projets État-région.

Monsieur Serge Poignant, vous avez évoqué le cas particulier de votre pays, particulièrement dynamique et important. Vous comprendrez qu'il m'est difficile d'apporter à ce stade une réponse précise. Je demande à mes services de regarder attentivement votre situation afin de vous apporter très rapidement tous les éléments de réponse nécessaires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Caresche. Voilà qui est précis !

M. Olivier Dussopt. C’est un enterrement de première classe. Commandez les gerbes !

M. Michel Ménard. Vous aurez tous les détails après le vote !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Blessig, je connais votre attachement profond aux pays, aux territoires de projet, à l'aménagement rural. Je tiens donc à saluer votre action à la tête de l'association qui les fédère. Je suis, comme mes collaborateurs, à votre écoute.

Monsieur Daniel Poulou, vous avez évoqué la situation du pays basque, relayant par ailleurs les interrogations de votre collègue Jean Grenet, député-maire de Bayonne. Je n'ignore pas les spécificités du contrat du pays basque et ses particularités. Nous serons aussi attentifs à cette situation.

M. Alain Cacheux. Voilà qui va le rassurer !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J'évoquerai enfin, dans un quatrième point, les interventions relatives à la clarification des compétences et à l'encadrement du cofinancement.

Certains intervenants, comme Dominique Souchet ou Henri Nayrou, président de l’ANEM que je salue, ont considéré que la disparition de la clause générale de compétence des départements et des régions porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales,…

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …voire entraînerait la disparition même de ces deux collectivités territoriales. Arrêtons ces critiques : les collectivités territoriales s'administrent librement mais dans les conditions prévues par la loi. La suppression de la clause générale de compétence ne porte nullement atteinte à ce principe auquel nous sommes tous très attachés.

Le Gouvernement souhaite, pour améliorer l'efficience de l'action des départements et des régions, leur consacrer des compétences exclusives et, à titre exceptionnel, des compétences partagées. Dans ce cas, un chef de filat pourra être désigné pour assurer une coordination des actions communes, soit par la loi soit par convention.

Enfin, de nombreux intervenants ont souhaité que les départements puissent intervenir ponctuellement en cas de catastrophe naturelle, comme la Vendée et la Charente-Maritime viennent d’en subir, ou industrielle. L'article 35, dans la rédaction de la commission des lois, permet une telle capacité d'initiative dès lors qu'il existe un intérêt public local et que nulle autre collectivité n'est compétente pour agir.

Vous le voyez, le projet du Gouvernement constitue un bon équilibre entre l'exercice rationalisé des compétences et la souplesse nécessaire pour prendre en compte les besoins ponctuels de nos territoires.

Il est faux de prétendre, messieurs Jean-Claude Sandrier, Dominique Souchet et madame Marie-Françoise Pérol-Dumont, que la suppression de la clause générale de compétence préfigure la suppression du département au profit des régions. D’ailleurs, il faut choisir : certains dans vos rangs nous disent tout à fait l’inverse. Au contraire, départements et régions pourront développer une politique efficace et efficiente en synergie et non en concurrence, comme cela est trop souvent le cas aujourd'hui. Étant moi-même conseiller général et conseiller régional, je vis cette dualité en permanence.

Bien que ces assemblées soient très proches les unes des autres par leur composition, il y a entre elles une concurrence insupportable et coûteuse pour le contribuable. Elles sortiront renforcées de cette clarification, car elles pourront, par la vision commune que leur apportera le conseiller territorial, optimiser l'utilisation des crédits et moyens financiers, qui sont encore très conséquents, quoi qu’on en dise, des deux collectivités.

Monsieur Dosière, vous demandez que les dispositions relatives à l'encadrement du cofinancement ne portent pas atteinte au financement des activités de sport et de culture. Le Gouvernement a proposé, en lien avec la commission des lois, un article qui permet d'encadrer les modalités de financement en imposant au maître d'ouvrage un financement minimum en fonction de l'importance des collectivités territoriales.

De plus le Gouvernement est prêt, eu égard aux enjeux que représente le financement des activités sportives et culturelles, à faire évoluer le texte pour prendre en compte les demandes légitimes des acteurs de la société civile. Attentif au secteur culturel, il a d'ailleurs introduit un amendement, accepté par la commission des lois, qui substitue le mot « culture » aux termes « patrimoine » et « création artistique », monsieur Bloche.

M. Bernard Roman. C’est plus clair !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur François Pupponi, vous considérez que l'encadrement des cofinancements et les seuils d'autofinancement qui s'imposeraient aux maîtres d'ouvrages signeraient l'acte de décès de la politique de la ville. Je vous rappelle donc que les opérations de rénovation urbaine font partie des exceptions visées par le texte. Votre intervention laisserait supposer que vous confondez l'exercice d'une compétence et les capacités à cofinancer ouvertes aux collectivités en la matière.

Je partage avec Charles de Courson la nécessité de modifier notre système de finances locales qui est, a-t-il dit, « à bout de souffle ». C'est pourquoi l'État a courageusement engagé la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt antiéconomique qualifié en son temps par le Président Mitterrand « d'impôt imbécile ».

M. Bernard Roman. Il n’a pas dit qu’il fallait offrir 13 milliards aux entreprises !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous pourriez apprécier que je cite le Président Mitterrand. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. J’apprécie ô combien !

M. Olivier Dussopt. Vous, par contre, vous risquez des remontrances de M. Sarkozy !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bien sûr, il faut renforcer la péréquation, comme vous l'avez tous justement souligné. Les conclusions du rapport Durieux-Subremont, qui vient d'être remis au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, vont dans ce sens. Le comité des finances locales se verra d'ailleurs présenter ce rapport le 1 er  juin prochain, et celui-ci nous servira de base pour préparer la loi de finances relative à la clause de revoyure prévue dans la loi de finances 2010.

Monsieur Valax, député du Tarn, et monsieur Roland, président du conseil général de l’Yonne, nous sommes conscients des problèmes financiers des collectivités territoriales, notamment des départements qui subissent un effet de ciseau lié à l'augmentation des dépenses sociales et à la baisse des recettes fiscales.

M. Olivier Dussopt. Des effets de ciseaux, il n’y a que ça !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'est pourquoi le Premier ministre avait chargé M. Jamet, directeur général des services du Rhône, de rédiger un rapport sur cette question. Celui-ci lui a été remis le 26 avril dernier. Il contient un certain nombre de propositions concrètes qui seront examinées la semaine prochaine, le 1 er  juin, me semble-t-il, lors d'une rencontre entre le Premier ministre et le bureau exécutif de l'ADF à Matignon.

Des pistes de travail ont d'ores et déjà été évoquées en ce qui concerne, par exemple, l'amélioration de la péréquation et la limitation des normes. Soyez sûrs que nous sommes attentifs à la situation des départements les plus en difficulté, tant les ruraux que les autres.

Vous évoquez la conférence des déficits publics : permettez-moi de regretter le refus de l'ADF d'y participer. C'est une curieuse conception du dialogue républicain. Nous sommes tous comptables collectivement de la situation financière de notre pays : il n'y a pas l'État d'un côté et les collectivités locales de l'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Victorin Lurel. Ah non !

M. Olivier Dussopt. C’est un peu gros !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'est en effet le budget de l'État, donc l'impôt national, qui finance une large part des dépenses des collectivités locales.

M. Bernard Deflesselles. Bien sûr !

M. Michel Hunault. C’est bien de le rappeler !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous avez un peu tendance à l’oublier, et vous ne pouvez nier que l'effort de l'État en faveur des collectivités locales a toujours été soutenu, y compris dans un contexte particulièrement difficile comme aujourd’hui.

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Regardez ce qui se passe en Allemagne ou dans d’autres pays quant à l’aide aux collectivités locales. Vous ne regretterez pas d’être en France !

M. Bernard Deflesselles. Et ça, c’est l’objectivité !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme Olivier Dussopt et Marie-Hélène Amiable, vous appelez de vos vœux le développement de la péréquation : c'est, je l'ai déjà dit, l'objectif que le Gouvernement veut poursuivre en complément de cette réforme, en introduisant des mécanismes de péréquation plus justes et plus efficaces entre collectivités territoriales.

Cependant cette péréquation doit être à la fois verticale et horizontale, ce qui suppose l'adhésion de toutes les collectivités territoriales, car péréquer c'est aussi rééquilibrer entre riches et moins riches. Ce n'est ni plus ni moins que ce que conclut le rapport Carrez-Thenault.

Toujours sur le même sujet, monsieur Patrick Roy, vous avez évoqué les dotations de l'État aux collectivités territoriales. Permettez-moi de vous rappeler que le total de l'effort financier de l'État – je le dis sans esprit polémique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) – avec la fiscalité transférée s'élève à près de 97,5 milliards d'euros, …

M. Bernard Derosier. Est-ce que c’était suffisant ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est l’équivalent du budget de la Belgique !

M. Patrick Roy. Je peux vous dire que, dans ma commune, ils ne s’en sont pas rendus compte.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …dans un contexte économique difficile, où les recettes fiscales de l'État ont baissé de 25 %. Contrairement à ce qu'a pu affirmer un à orateur de votre groupe, la DGF progresse bien en 2010 comme l'inflation.

M. Bernard Roman. En 2010 oui ! Mais en 2011 non !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous noterez aussi que nous avons tenu à maintenir un effort particulier concernant certaines dotations péréquatrices, comme la dotation de solidarité urbaine. Pour votre ville de Denain, monsieur Roy, l'augmentation est par exemple en 2010 de plus de 10 %, soit près de 250 000 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour Sarcelles, elle est de près d’un million d'euros – j’ ai annoncé la nouvelle à M. Pupponi par téléphone, et il était ravi –, soit une dotation totale qui approche les 18 millions d’euros.

Jean-Yves Cousin. Et ils se plaignent !

M. Richard Mallié. Cela ne sert à rien de leur donner de l’argent. Ils se plaignent tout le temps !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J'en viens aux interventions relatives aux questions électorales.

Nombreuses ont été les observations relatives à ces questions, notamment à l'élection des conseillers territoriaux, à leurs effectifs et à la délimitation des futurs cantons.

Mme Marie-Hélène Amiable. Et la parité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sur les questions juridiques tout d'abord, Mme Guigou, M. Vuilque, puis M. Bayrou ce matin, se sont interrogés sur la constitutionnalité du projet de loi, en tant qu'il permet la création du conseiller territorial, élu par une seule élection et siégeant dans deux assemblées différentes.

Je ne suis pas d'accord sur leur interprétation selon laquelle l'article 72 de notre Constitution, qui dispose que « Ces collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus » s'opposerait à ce que les assemblées de deux collectivités différentes puissent être parfois constituées d'élus issus d'une même élection.

Ce n'est pas vrai en droit, cette disposition n'impliquant nullement des élus distincts. Aucun autre article de la Constitution, ni aucun principe constitutionnel ne l'impose.

M. Bernard Derosier. C’est faux !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le fait que le futur conseil régional sera la réunion des élus des conseils généraux des départements qui composent la région ne met nullement en cause la liberté pour le conseil régional de décider des affaires de la région ; pas plus qu'il n'entraînera la tutelle d'une collectivité sur une autre.

L'argument selon lequel, dans les régions qui comptent seulement deux départements – l’Alsace, la Haute-Normandie, le Nord-Pas-de-Calais, et j’en oublie certainement –,…

M. Victorin Lurel. Et ceux qui n’en ont actuellement qu’un seul !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. ...les élus d'un département aient à eux seuls la majorité absolue des membres de l'assemblée régionale n'est pas du tout convaincant, cette situation étant déjà celle que nous connaissons aujourd'hui.

M. Bernard Roman. Aujourd’hui, il y a deux élections !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame Guigou, je me permets de vous faire observer que, dans la note adoptée par son assemblée générale le 15 octobre 2009, le Conseil d'État a estimé « que n'était contraire à aucun principe la désignation, par un unique scrutin, de conseillers territoriaux destinés à siéger tant au conseil général qu'au conseil régional ».

M. Bernard Derosier. Pour une fois que vous écoutez le Conseil d’État !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J'en viens au mode de scrutin.

Je dois vous faire part de mon étonnement face à certaines déclarations.

Nous avons, dans un premier temps, proposé un mode de scrutin mixte – c’était d’ailleurs une vieille idée émanant de vos rangs – qui juxtaposait une part de scrutin majoritaire, pour 80 % des sièges, et une part de représentation proportionnelle, pour les 20 % restants.

M. Pierre Gosnat. C’est la magouille !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les opposants n'ont pas cessé de critiquer notre choix : les uns au motif qu'un tour unique de scrutin ne donnait pas aux futurs élus l'autorité liée à une élection avec une majorité absolue des suffrages, comme si les candidats élus dans une triangulaire avaient la majorité absolue  – et il y en a des centaines lors de chaque élection –, les autres au motif que la parité allait en souffrir.

Nous avons donc ensuite proposé le scrutin majoritaire à deux tours, qui répond à la critique sur les inconvénients de la majorité relative. C'est le mode de scrutin utilisé aujourd'hui en France pour l'élection des 577 députés comme pour celle d'environ 4 000 conseillers généraux, …

M. Bruno Le Roux. On voit le résultat !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …depuis 1958, avec une seule interruption de deux ans pour les députés, et quasiment depuis le Consulat pour les conseillers généraux. Pourtant vos critiques ne désarment pas, bien au contraire, s'appuyant sur des motifs divers, l'atteinte à la parité essentiellement.

J'ajoute, en ce qui concerne le mode de scrutin, à l'attention notamment de M. Bernard Derosier, que la Constitution permet au Gouvernement, comme à tout parlementaire, d'amender un texte en cours de discussion, même lorsqu'il a été examiné en premier lieu au Sénat, comme c’est maintenant la règle constitutionnelle pour les textes qui concernent les collectivités territoriales.

Le Sénat aura d'ailleurs son mot à dire sur les aspects électoraux de la réforme, qu'il s'agisse de ceux qui auront été incorporés dans le présent projet de loi ou de ceux qui figurent dans le projet de loi électoral. Le droit d'amendement, monsieur Dussopt, est une prérogative du Gouvernement et celui-ci peut y recourir, sans avoir besoin, contrairement à ce qu'a affirmé Mme Guigou, de redemander l'avis du Conseil d'État.

J'en viens à la question de la parité, fréquemment évoquée lors des différentes interventions, notamment par Marie-Jo Zimmermann ce matin.

Le choix du scrutin majoritaire à deux tours pour l'élection de l'ensemble des conseillers territoriaux, contrairement au choix initial fait par le Gouvernement d'un scrutin mixte garantissant un minimum de femmes parmi les futurs élus, serait contraire à la Constitution aux yeux de Mme Elisabeth Guigou, comme à ceux de Mme Pascale Crozon.

Je vais donc rappeler dans quelles conditions a été introduit l'article 3, devenu il y a deux ans l'article 1 er de la Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. » Il s'agissait de faire échec à une décision du Conseil constitutionnel sanctionnant des mesures prises en faveur des femmes pour leur permettre, par des quotas sur les listes municipales, d'accéder en plus grand nombre aux conseils municipaux. La haute juridiction y avait vu une atteinte à la liberté de candidature et au principe d'égalité.

La disposition introduite, voici dix ans ne constitue nullement une obligation pour le législateur, mais une autorisation d'introduire des mesures discriminatoires en faveur des femmes. Si elle constitue un objectif, elle ne prive pas le Parlement de la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution pour fixer le régime électoral des assemblées nationales et locales.

M. Christophe Caresche. Heureusement !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Autrement dit, vous n'êtes pas obligés de choisir systématiquement un mode de scrutin proportionnel pour l'élection des conseillers territoriaux, y compris pour remplacer le mode de scrutin actuel des conseillers régionaux.

J'invite toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés en sens contraire à se reporter au compte rendu de l'audition, par la délégation aux droits des femmes du Sénat présidée par Mme le sénateur Michèle André le 10 février dernier, de M. Bernard Mathieu, professeur à l'université de Paris I et directeur du Centre de recherche en droit constitutionnel. Interrogé sur la constitutionnalité du mode de scrutin majoritaire, ce spécialiste, président de l'Association française de droit constitutionnel, a rappelé que « l'objectif de renforcement de l'égalité ne pouvait être apprécié seul, mais devait être concilié avec les autres règles et principes de valeur constitutionnelle » ; puis il a estimé que  « même si le nouveau mode de scrutin pouvait avoir pour effet induit de réduire la parité pour les élections aux conseils régionaux, ces possibles effets de la loi devaient être considérés de manière globale, l'extension du scrutin de liste pour les élections municipales aux communes comprenant entre 500 et 3 500 habitants favorisant la parité ».

Le Gouvernement est cependant conscient de la nécessité de renforcer les dispositions législatives ayant pour effet de développer l'accès des femmes aux mandats électoraux.

M. Bruno Le Roux. Comment ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il n'a d'ailleurs pas à rougir de son action passée en la matière, puisque la loi Sarkozy du 31 janvier 2007, qui a introduit de nouvelles mesures ayant ce but, a été votée alors que l'actuel Président de la République était ministre de l'intérieur. Il a permis la parité dans l’ensemble des bureaux des conseils régionaux.

Cela dit, je rappelle que le Gouvernement s'est déclaré favorable aux mesures contenues dans la proposition de loi déposée dans votre assemblée par votre collègue Chantal Brunel… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Elle n’a jamais été déposée !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … et à sa discussion rapide.

M. Olivier Dussopt. Elle n’existe pas !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il ne m'appartient pas de répondre à M. Bruno Le Roux sur ce point. Je ne peux pas décider de la date à laquelle ce texte sera discuté, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Cela regarde le ministre des relations avec le Parlement et la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Derosier. La proposition de loi n’est pas déposée !

M. Bruno Le Roux. Comment inscrire à l’ordre du jour un texte qui n’existe pas ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet important lors de la discussion des articles.

M. Patrick Roy. La proposition n’a pas été déposée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Roy, si vous pouviez déposer votre voix, ce serait bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’en viens à la question des effectifs des futurs conseillers territoriaux.

Là encore, j'ai parfois été surpris de ce que j'ai entendu. Au Sénat, comme ici, lors de l'examen du projet de loi sur la concomitance, nous n'avons pas cessé d'être interpellés – Brice Hortefeux, Michel Mercier et moi-même – sur cette question, qui était renvoyée à une ordonnance dans le projet de loi initial du Gouvernement. Beaucoup nous ont accusés de parler à tort des structures, de leur rôle et de leurs compétences, bref de l'institutionnel, sans évoquer au préalable les acteurs des collectivités départementale et régionale, c'est-à-dire leurs élus.

Devant l'insistance des sénateurs, je m'étais même engagé à fournir les éléments du tableau des effectifs lors de la première réunion de la commission des lois consacrée à l'examen du projet de loi électoral.

Nous avions renvoyé le tableau à une ordonnance, donc au pouvoir réglementaire, sur la base de critères très précis que vous auriez vous-mêmes votés, comme nous l'avons fait pour la délimitation des circonscriptions législatives. Qu'y a-t-il de choquant à une telle délégation, alors que, je le rappelle, le nombre de conseillers généraux de vos départements respectifs relève à l'heure actuelle d'un simple décret, qui arrête la délimitation de leurs cantons sans le moindre critère, à l'exception de ceux définis par le Conseil d'État dans sa jurisprudence ?

À la suite du souhait exprimé par les membres de votre commission des lois, le Gouvernement vous propose d'inclure le tableau des effectifs dans le texte de loi, ce qui vous permet de contrôler directement, comme les sénateurs seront appelés à le faire, chacun des chiffres qui y figurent.

M. François Sauvadet. C’est très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion de l'amendement correspondant, en reprenant un travail fait par le président et le rapporteur de votre commission des lois, qui précisera les critères de son élaboration.

Je tiens à remercier M. François Sauvadet et M. Maurice Leroy pour leurs félicitations sur ce travail. Le tableau respecte d'ailleurs le minimum de quinze élus par département, chiffre sur lequel je m'étais personnellement engagé lors du congrès de l’ANEM à l’Argentières-la-Bessée, répondant aux préoccupations exprimées par Jérôme Bignon et Christian Jacob, au nom de la commission du développement durable, de Michel Hunault, d'André Chassaigne, d’Henri Nayrou, de François Vannson, de Vincent Descoeur et d’ Henriette Martinez.

Avec cette réforme, les territoires ruraux seront demain mieux représentés au sein des conseils régionaux comme l’a souligné Vincent Descoeur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vauzelle. Incroyable !

M. Bruno Le Roux. C’est important de le dire ! Encore faut-il l’assurer !.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il me semble que, avec quinze élus, nous atteignons un seuil de gouvernance tout à fait convenable. Tout le monde peut s’accorder autour de ce chiffre qui, au demeurant, avait fait l’objet d’un consensus parmi l’ensemble des élus de la montagne, toutes tendances politiques confondues. N’ayons pas la mémoire courte.

En revanche, je m’étonne que M. Jean-Louis Bianco ait pu se plaindre de l’augmentation de la représentation de son département au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

M. Philippe Vuilque. Il n’a jamais dit cela !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est pour le moins paradoxal et je suis tenté de lui demander s’il souhaite moins de quinze conseillers territoriaux alors qu’il en a quatre actuellement.

M. Philippe Vuilque. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il s’agit tout de même d’un progrès important.

M. Michel Ménard. Vous déformez ses propos.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Francis Saint-Léger, nous ne pouvions pas aller au-delà de ce chiffre. Je vous invite à mesurer le progrès que cela représente dans la représentation de votre département – la Lozère – qui, après avoir été privé d’un député, comptera désormais quinze représentants au conseil régional au lieu d’un seul aujourd’hui.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. La faute à l’UMP !

M. Alain Cousin. Quinze fois plus !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. À Montpellier  cet élu représente 80 000 habitants – pour 70 000 inscrits car la population est âgée – alors que la moyenne des conseillers régionaux dans le Languedoc-Roussillon se situe autour de 24 000 habitants. Où est la justice ? (Murmures.) S’il y a quelque chose à réformer, c’est bien cela.

En dehors de la Lozère, il existe de nombreuses situations inacceptables du point de vue de la démocratie et de la représentation de nos territoires ruraux.

Parallèlement, le Gouvernement est accusé des pires turpitudes avant même que ce tableau ait été débattu ; mais nous avons l’habitude. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Dussopt. C’est parce qu’on vous connaît !

M. Bernard Derosier. On ne prête qu’aux riches !

M. Patrick Roy. On est méfiant !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous n’aurions pas dû, a dit Bernard Roman, prendre chaque région individuellement, mais adopter une règle uniforme pour l’ensemble du territoire.

Tel n’est pas le cas à l’heure actuelle, monsieur Roman, ni pour les conseillers généraux avec un élu pour 8 476 habitants en Auvergne et un élu pour 9 175 habitants en Champagne-Ardenne contre un élu pour 39 000 en Île-de-France,…

M. Bernard Roman. Vous aggravez la situation.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …ni pour les conseillers régionaux avec un élu pour 17 140 habitants dans le Limousin, un élu pour 40 000 habitants en région PACA et un élu pour 55 497 habitants en Île-de-France.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Bernard Derosier. C’est ce que nous dénonçons !

M. Philippe Vuilque. Alors corrigez cela !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il y a vingt ans que vous vivez avec un système présentant de telles disparités.

M. Bruno Le Roux. Corrigez-les !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous sommes en train de les corriger.

M. Bernard Deflesselles. C’est la réalité des chiffres.

M. Charles de La Verpillière. Ils ont peur de la justice !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je précise à l’intention de M. Roman que si deux régions fusionnaient, il faudrait bien sûr revoir le nombre de conseillers territoriaux siégeant à la nouvelle assemblée régionale mais cela ne poserait pas la moindre difficulté d’ordre constitutionnel.

Dès lors, monsieur Bruno Le Roux, monsieur Philippe Vuilque, il n’est pas possible de comparer les régions entre elles. Les Ardennes ne sont pas dans la même situation que le Pas-de-Calais. Ces deux départements ne sont d’ailleurs pas traités de la même façon dans la répartition actuelle. Il y a onze conseillers régionaux dans le premier et seulement quarante-quatre dans le second, pourtant cinq fois plus peuplé.

Pour des raisons historiques, vous avez des disparités considérables entre des départements qui ont la même population, mais un nombre de conseillers généraux différent. Le Puy-de-Dôme et le Vaucluse ont à peu près le même nombre d’habitants ; pourtant le premier a soixante et un conseillers généraux et le second vingt-quatre. Comment voulez-vous établir une norme nationale à partir d’une telle situation ?

M. Bruno Le Roux. Ici nous faisons la loi !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La norme régionale s’impose car  c’est le système le plus juste, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. Bruno Le Roux. Cela doit passer par la loi, pas par un décret !

M. Bernard Roman. Quelle est la règle ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Plusieurs orateurs ont déploré un chiffre trop élevé pour telle ou telle région, par exemple Daniel Boisserie pour le Limousin. Il est vrai que le nombre total de conseillers territoriaux – 3 471 – est supérieur à celui envisagé par le Gouvernement, plus proche de 3 000. C’est le résultat d’une méthode qui a entendu limiter la baisse du nombre des conseillers généraux des départements à population faible ou moyenne qui ont un nombre relativement élevé d’élus. Le Gouvernement étudiera avec attention tout amendement ayant pour objet de réduire le nombre de conseillers territoriaux, car je sais par expérience combien c’est difficile.

À M. Bruno Le Roux qui évoqué un recours devant le Conseil constitutionnel,…

M. Bernard Deflesselles. Comme d’habitude !

M. Henri Nayrou. Il n’est pas le seul ! La droite aussi !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …je ne peux manquer de signaler qu’il y a quatre exceptions, liées à leur situation tout à fait particulière au plan de la démographie : les Alpes de Haute-Provence, les Hautes-Alpes, la Lozère et la Meuse.

J’en viens aux autres questions d’ordre électoral évoquées lors de la discussion générale.

Yannick Favennec souhaite que soit relevé le seuil de 500 habitants à partir duquel, selon le texte, les communes devront utiliser le scrutin de liste pour les élections municipales. Nous débattrons de cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale dont le texte a été déposé au Sénat ; j’espère qu’il viendra en discussion à la fin de l’été.

M. Bernard Derosier. Il n’a plus lieu d’être !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Si, parce qu’il concerne le statut de l’élu, la parité, le cumul des mandats qui vous intéresse beaucoup ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Ils sont divisés sur cette question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est ce que je constate ! (Sourires.)

Mme Françoise Pérol-Dumont a évoqué la nécessité de respecter les limites des intercommunalités dans la délimitation des futurs cantons. La question est importante et elle a bien fait de la poser.

Cela est évidemment séduisant, et nous nous efforcerons, le moment venu, d’en tenir compte, mais il est, me semble-t-il, impossible d’adopter une règle stricte, car il n’y a pas forcément de rapport direct entre la population des intercommunalités, par nature variable, et celle des futurs cantons.

Michel Diefenbacher a posé la question d’une éventuelle modification de la législation sur le cumul des mandats. Si le Président de la République a indiqué qu’il était hostile à la perspective du mandat unique, le Gouvernement n’est pas fermé à une évolution de la législation pour peu qu’un relatif consensus parlementaire se dégage sur le sujet.

M. Bernard Deflesselles. C’est un message pour le groupe socialiste du Sénat !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je vous propose d’évoquer ce sujet à l’occasion de la discussion des amendements qui abordent la question.

Mme Huguette Bello a évoqué la question des départements de Guadeloupe et de La Réunion qui n’ont pas, contrairement à la Guyane et à la Martinique, fait le choix de la collectivité unique prévue à l’article 73 de la Constitution. Dans ces deux territoires, la mise en application de l’institution du conseiller territorial présente un caractère particulier, puisqu’elles sont à la fois région et département avec une assemblée délibérante pour chacune de ces deux collectivités. Si la réforme leur est appliquée, celles-ci auront, du fait du caractère monodépartemental, une composition strictement identique à partir des élections de mars 2014.

Il me semble que le chiffre de conseillers territoriaux attribué dans le tableau à la Guadeloupe et à La Réunion, en recul par rapport à leur nombre actuel de conseillers régionaux comme de conseillers généraux, devra probablement être revu à la hausse.

Cette situation particulière aux DOM-TOM doit être distinguée de celle de l’assemblée unique qui ne peut être instituée qu’après avoir recueilli le consentement de la population intéressée, en application de l’article 73 de la Constitution.

M. Victorin Lurel. Tout à fait !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle est du reste comparable à celle du conseil de Paris dont les membres sont à la fois conseillers généraux en charge du département de Paris et conseillers municipaux en charge de l’administration de leur ville.

M. Christophe Caresche. Il n’y a qu’un président.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La suite de la discussion nous permettra sans aucun doute d’approfondir cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Bernard Derosier. Je demande la parole pour un rappel au règlement fondé sur l’article 49.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Depuis mardi après-midi, les députés du groupe SRC interrogent le Gouvernement. On nous avait annoncé des réponses. Or force est de constater que M. le secrétaire d’État vient de répondre de façon sélective. Il s’est contenté de ne retenir que les éléments positifs des interventions pour les commenter.

M. Bruno Le Roux. Parce qu’il est d’un naturel optimiste.

M. Bernard Derosier. Aux questions qui lui ont été posées, il n’a pas réellement apporté de réponses claires et précises. Je sais bien que nous abordons l’examen des articles et des amendements et que nous pouvons peut-être espérer de la part du Gouvernement des réponses. Cela étant dit, je souhaite tout de même évoquer quelques questions qui sont restées sans réponse.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Charles de La Verpillière. On ne va pas refaire la discussion générale !

M. Bernard Derosier. Vous me permettrez d’abord de corriger une contrevérité, monsieur le secrétaire d’État. À la tribune, vous avez déclaré que la loi Chevènement aurait imposé la création de communautés urbaines. C’est faux. La loi a créé les conditions pour que des communautés urbaines nouvelles soient créées. À aucun moment, cette loi n’a rendu obligatoires ces communautés urbaines, ce qui n’était pas le cas de la loi de 1966 que votre majorité avait imposée sans concertation.

Chacun doit rester dans son rôle, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez souligné que vous aviez suivi les avis du Conseil d’État, ce qui n’est pas toujours le cas du Gouvernement – on l’a vu sur d’autres sujets – et vous avez cité le Conseil constitutionnel en anticipant d’une certaine façon sa décision. Vous n’avez pas à apporter, par anticipation, une réponse qui justifierait une décision du Conseil constitutionnel qui irait dans le sens que vous souhaitez.

M. Patrice Calméjane. Où est le rappel au règlement ?

M. Bernard Derosier. Par ailleurs, sur le mode de scrutin, vous nous proposez un scrutin uninominal à deux tours. Par le biais d’un amendement du Gouvernement, déposé à la commission des lois, mardi après-midi à quatorze heures trente, vous proposez que le seuil à atteindre pour être candidat au deuxième tour, soit de 12,5 %. Actuellement, pour les conseillers départementaux, il est de 10 %. Cela signifie que, par votre initiative, vous êtes en train d’éliminer un certain nombre de candidats dans un type d’élection qui connaît un taux d’abstention assez élevé, ce qui va créer des conditions qui ne seront pas tout à fait conformes à ce que l’on peut attendre de la démocratie.

Quant à la répartition par région, je rappelle que c’est également par un amendement déposé en commission des lois, dans sa réunion tenue en application de l’article 88, que vous nous avez fait connaître mardi après-midi à quatorze heures trente la répartition des sièges par département et par région, répartition que tout le monde a découvert à ce moment-là. Je serais presque tenté de vous demander si vous-même, monsieur le secrétaire d’État, et M. Hortefeux ne l’avez pas découverte à cette occasion car il semblerait que ces propositions ne recueillent pas forcément l’approbation des autorités gouvernementales qui portent ce projet de loi. Il faudrait que, sur ce sujet, vous puissiez nous en dire plus.

Enfin, sur la parité, vous comprendrez que vos non-réponses ne peuvent nous satisfaire. Vous ne dites pas comment vous résoudrez le problème qui vous est posé. Vous changez la loi, vous ne respectez pas la Constitution. À nouveau, vous évoquez une proposition de loi à venir. Telle l’Arlésienne, nous ne l’avons toujours pas vue, car elle n’est pas déposée, monsieur le secrétaire d’État. Or vous y faites référence comme si c’était un texte qui existait. Nous n’avons pas pu nous le procurer ; il n’est pas distribué. Il est donc pour le moins surprenant que le Gouvernement fasse référence à une proposition de loi parlementaire qui n’est pas déposée pour justifier sa position sur un problème aussi important que la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

Avant l’article 1er A

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1 er  A.

La parole est à M. Alain Rousset pour défendre l’amendement n° 565.

M. Alain Rousset. Cet amendement concerne la clarification des compétences. Il dispose : « La région, conformément aux dispositions de l’article L. 4221–1 du code général des collectivités territoriales, se voit confirmée dans son rôle premier en matière de développement stratégique, économique et d’aménagement des territoires ».

Cet amendement est d’autant plus important que l’article 35 du présent texte supprime un article important du code général des collectivités territoriales, l’article L. 4221-1, qui fixe les compétences de la région en ces termes : « Le conseil régional […] a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes. »

Je me demande s’il n’y a pas eu un bug – si vous me permettez ce terme, monsieur le président‚–, car le texte du projet de loi ferait disparaître du code général des collectivités territoriales toute référence aux compétences des régions, alors même que celles des autres collectivités seraient confirmées. Afin d’anticiper votre réponse, j’ai lu attentivement le code général des collectivités territoriales : les articles restants ne donnent aucune précision sur les compétences de la région.

Notre amendement tend donc à apporter cette précision. En effet, le cinquième alinéa de l’article 35 dispose que « l’article L. 4221-1 [du code général des collectivités territoriales] est ainsi modifié : 1° Le premier alinéa est complété par les mots :“dans les domaines de compétences que la loi lui attribue” ; 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : “Il peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique.” » Dès lors que le texte supprime toute définition des compétences des régions, celles-ci ne possèdent plus aucune compétence économique. Je vous demande donc de reprendre votre code général des collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

Je ne partage pas du tout l’analyse de M. Rousset : l’article 35 du projet de loi ne fait rien disparaître ; il complète l’article en question.

M. Alain Rousset. Non, il le supprime ! Il faut donc modifier l’article 35.

M. Dominique Perben, rapporteur . Nous le vérifierons soigneusement avant d’en arriver à l’article 35.

M. Jean-Pierre Grand. Si l’on vérifie, c’est que l’on n’est pas sûr ! C’est donc que la précision est importante !

M. Dominique Perben, rapporteur . Dans l’esprit du texte que nous avons adopté, il s’agit bien de compléter le code et non de supprimer la phrase en question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Même avis.

Il ne s’agit pas de supprimer le texte de la loi de 1982, mais simplement de lui apporter certaines modifications. Nous y reviendrons en abordant l’article 35.

M. Alain Cacheux. Ce sera un peu tard !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je crois que M. Rousset a malheureusement raison. Lorsque vous écrivez, à l’article 35, dans le texte de la commission tel qu’il résulte d’un amendement du rapporteur, « Le deuxième alinéa est ainsi rédigé », cela signifie que la nouvelle rédaction se substitue à celle que M. Rousset vient de lire. Il y a donc un bug , pour reprendre le terme employé par M. Rousset.

M. Christophe Caresche. Il a raison !

M. Bernard Roman. J’espère qu’il n’y en a qu’un, et que les anomalies sur lesquelles nous reviendrons plus tard, notamment à propos des conditions d’élection, n’en sont pas d’autres.

Quoi qu’il en soit, il est absolument indispensable de repréciser le point qui nous occupe car, « le deuxième alinéa est ainsi rédigé » signifie qu’il remplace la rédaction actuelle. On supprime donc les éléments que M. Rousset vient d’énumérer.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Il y a un vrai problème !

M. Bernard Derosier. M. Warsmann va devoir faire une loi de simplification !

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Notre groupe soutient l’amendement de nos collègues socialistes.

Je souhaite simplement savoir si le pôle métropolitain auquel il fait référence équivaut à la métropole que l’on va retrouver à l’article 5, ou s’il s’agit d’une notion plus générale de pôle économique.

Puisque vous nous confirmez qu’il ne s’agit pas de la métropole au sens de l’article 5, nous voterons pour l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Pardonnez-moi d’insister, monsieur le président.

J’ai comparé tout à l’heure les parties du code relatives aux départements et aux communes à celle qui concerne la région. Certes, je ne crois pas que le rapporteur ait voulu, par cette rédaction, supprimer la précision en question, mais nous avons voulu vous alerter, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que le texte dont nous débutons l’examen allait mettre fin au rôle de chef de file économique joué par les régions.

Si l’on compare un texte de loi à un autre, il faut en comparer tous les articles afin de juger de sa cohérence. Si l’on commence par supprimer le texte initial qui fixe la compétence des régions, je demande que l’on s’engage rapidement à reprendre notre amendement, ou que nous suspendions la séance pour procéder à une vérification.

M. Alain Cacheux. Il faut tout de même vérifier !

M. Jean-Pierre Grand. Au moins cela !

M. Alain Rousset. J’en prends à témoin tous les collègues présents : il n’est pas pensable que, dans l’organisation territoriale du pays, on supprime la compétence initiale des régions. Ce n’est pas ce que j’ai entendu le secrétaire d’État dire tout à l’heure. Un problème se pose, qu’il faut immédiatement résoudre. Nous ne pouvons poursuivre la discussion du texte si ce point n’est pas clarifié.

M. Michel Ménard. Cela montre que le texte n’a pas été bien préparé !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Perben, rapporteur . Monsieur Rousset, si vous souhaitez que nous tranchions tout de suite, sans attendre l’examen de l’article 35, il y a un moyen très simple de le faire. Il suffit de remplacer « ainsi rédigé » par « ainsi complété ».

M. Bernard Deflesselles. C’est mieux !

M. Jean-Pierre Grand. Ce n’est pas la même chose !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. On modifie le texte !

M. Dominique Perben, rapporteur . Si M. le président en est d’accord, nous pouvons ainsi sous-amender l’amendement, et l’article 35 sera ainsi rédigé.

M. le président. Je propose plutôt que M. Rousset rectifie son amendement, monsieur le rapporteur : ce sera plus simple.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. C’est l’opposition qui écrit le texte : voilà qui est original !

M. le président. Êtes-vous d’accord, monsieur Rousset ?

M. Alain Rousset. Pardonnez-moi, monsieur le président : j’appartiens depuis peu à cette assemblée, malgré une certaine expérience juridique ; mais ce n’est mon amendement qu’il faut rectifier.

Je retiens la proposition du rapporteur, mais la manière dont la discussion du texte s’engage est inquiétante.

M. Bruno Le Roux. Il faudrait que vous demandiez une suspension de séance !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Perben, rapporteur . Monsieur Rousset, je vous propose de remplacer, à l’article 35, le mot « rédigé » par le mot « complété ».

Cette proposition vous agrée-t-elle ? Dissipe-t-elle le doute dont vous avez fait part tout à l’heure ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. J’ai entendu parler d’une éventuelle suspension de séance. Le temps nous étant compté, notre groupe n’est pas demandeur d’une suspension pour permettre au Gouvernement ou au rapporteur de clarifier leur position ; c’est à eux d’en demander une.

M. Dominique Perben, rapporteur . Nous n’en avons pas besoin !

M. Bernard Derosier. Notre collègue Alain Rousset a soulevé le problème suivant : il y a une contradiction entre l’approche générale du texte et la rédaction de l’article 35, telle qu’elle résulte d’un amendement du rapporteur. Tel est l’objet de l’amendement n° 565.

À propos de l’article 35 – auquel nous n’en sommes pas encore –, le rapporteur vient de formuler une proposition qui figurera au compte rendu de nos débats. Je lui fais confiance pour ne pas l’oublier avant que nous n’en venions à cet article.

M. Alain Cacheux. On le lui rappellera !

M. Bernard Derosier. Pour l’heure, nous discutons de l’amendement n° 565, dont l’adoption conforterait notre position au moment d’examiner l’article 35.

M. Alain Cacheux. Très bien !

(L’amendement n° 565 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque pour défendre l’amendement n° 167.

M. Philippe Vuilque. Ce qui vient de se passer montre que nos amendements avant l’article premier A sont utiles et que nous devons rester vigilants.

L’amendement n° 167 tend à préciser les objectifs qui doivent guider la présente réforme de notre organisation territoriale. Il est en effet nécessaire, comme l’a souligné notre collègue Alain Rousset, d’indiquer que cette réforme « a pour objectifs d’accroître la capacité des collectivités à rendre aux citoyens les meilleurs services collectifs, à assurer la solidarité entre les personnes et la péréquation entre les territoires, et d’améliorer l’exercice de la démocratie locale ».

L’amendement précise en outre que « l’élection des conseils des collectivités met en œuvre les principes de parité » – nous en avons longuement parlé –, « de diversité et de renouvellement. Elle donne ainsi son sens à l’échelon local comme lieu de la participation des citoyens aux décisions qui les concernent. La loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière. » Ces précisions sont utiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . Avis défavorable.

La libre administration et l’autonomie financière sont garanties par la Constitution. Par ailleurs, cet amendement, purement déclaratif, n’ajoute rien au droit existant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural. Même avis.

Cet amendement n’est absolument pas normatif ; il n’a pas sa place dans ce texte.

(L’amendement n° 167 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier pour soutenir l’amendement n° 168.

M. Bernard Derosier. La question sur laquelle porte cet amendement a déjà fait l’objet de nombreux échanges.

Contrairement au Gouvernement, nous considérons que, dès lors qu’il existe deux collectivités territoriales distinctes – à moins que le Gouvernement n’ait déjà engagé un processus de fusion entre départements et régions – il subsiste deux niveaux de collectivités territoriales, sans autorité ni tutelle de l’une sur l’autre.

Dès lors, il nous semble constitutionnellement inévitable de doter chacun de ces niveaux d’une assemblée qui lui soit propre. Par cet amendement, nous réaffirmons donc notre souhait de voir élire un conseil régional, d’une part, et un conseil départemental dans chacun des départements qui constituent la région, d’autre part.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . La commission a repoussé cet amendement.

En effet, il existe déjà différentes collectivités qui émanent d’une seule et même élection : on peut citer la ville de Paris, ou les assemblées de province et le Congrès de Nouvelle-Calédonie. Cette possibilité a été validée en son temps par le Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Comme l’a dit le rapporteur, notre droit public connaît déjà des situations où les mêmes élus administrent deux collectivités, par exemple au conseil de Paris ou en Nouvelle-Calédonie.

M. Jean-Pierre Grand. Il s’agit d’un statut particulier !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Aucun problème ne se pose donc sur le plan juridique, sinon les deux collectivités que j’ai citées seraient dans une situation d’inconstitutionnalité.

Je rappelle enfin que le Conseil d’État, dans son avis du 15 octobre 2009, a souligné que l’institution du conseiller territorial n’était contraire à aucun principe constitutionnel.

Le Gouvernement a fait un choix, celui d’un seul élu pour deux assemblées, comme cela existe déjà dans certaines collectivités.

M. Patrick Roy. C’est un choix malheureux !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je ne conteste pas ce que vient de dire le ministre : il existe bel et bien des collectivités où une même assemblée réunit les pouvoirs de plusieurs assemblées. Toutefois, il ne s’agit pas de cela dans le projet de loi où une même élection désigne des élus qui siégeront dans deux assemblées distinctes, le conseil général et le conseil régional, lesquelles constituent deux exécutifs différents. Les comparaisons avec le Conseil de Paris, qui traite de questions relevant d’une part de la ville de Paris, d’autre part du département, ne sont pas fondées.

Cela dit, il faut se féliciter que le Gouvernement ait saisi le Conseil d’État au sujet du conseiller territorial même s’il ne lui a pas soumis toutes les dispositions de ce projet de loi ; nous reviendrons à la question de la parité tout à l’heure. Le Conseil d’État semble valider cette possibilité. Pourquoi pas ? Le juge constitutionnel pourra se fonder sur son avis mais aussi sur nos travaux.

Dans la perspective de notre saisine du Conseil constitutionnel, je souligne qu’il y a une différence entre une élection qui désigne des élus siégeant dans deux assemblées différentes et une autre qui élit des élus siégeant dans une seule assemblée dotée des pouvoirs de deux collectivités différentes.

Par ailleurs, je veux rappeler un point que ni vous, monsieur Mercier, ni M. Marleix, ni M. Hortefeux n’avez évoqué, c’est qu’un article de la Constitution prévoit qu’« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ».

M. Michel Piron. Hélas !

M. Bernard Roman. Dans la discussion générale, certains orateurs de la majorité ont souligné que le conseiller territorial lorsqu’il n’obtiendra pas satisfaction auprès du conseil général pourra toujours soumettre sa demande au conseil régional. C’est là où l’on voit que l’existence de deux collectivités différentes pour un même élu remet en cause l’indépendance de chaque collectivité par rapport à l’autre.

J’en ai terminé avec ces précisions, qui seront de nature, je le pense, à éclairer le juge constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je vais abonder dans le sens de Bernard Roman.

Le Conseil de Paris est une institution sui generis . J’en veux pour preuve que lorsque Jacques Chirac présidait cette assemblée en tant que maire de Paris, il était aussi conseiller général de Corrèze.

M. Michel Ménard. Et même président du conseil général !

M. Christophe Caresche. C’est bien la preuve qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le fait d’être conseiller de Paris et conseiller général d’un autre département.

Vous ne pouvez donc pas comparer les deux situations.

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle. La formulation même de l’article 72 réformé par la loi constitutionnelle de 2003 montre bien dans quel esprit notre Constitution envisage les collectivités territoriales : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions ».

Rien n’est comparable à ces trois entités qui constituent le fondement de la République décentralisée, telle qu’elle est définie dans l’article 1 er de la Constitution. Elles ne peuvent être confondues et les assemblées qui en émanent ne sauraient être regroupées dans une seule et même assemblée, gérant à la fois les régions et les départements, voire, demain, les communes, sans porter atteinte à la démocratie. Cette confusion est contraire aux principes de la République décentralisée et à la première phrase tout aussi solennelle que claire de l’article 72 de notre Constitution.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. M. Roman souhaite éclairer le juge constitutionnel dans la perspective de la saisine qu’opérera son groupe, mais je dois avouer que je ne comprends pas les différences qu’il a établies.

Le Conseil de Paris est-il sui generis ? Je ne sais pas. En revanche ce que je sais, pour l’heure, c’est qu’il a un statut juridique un peu particulier puisqu’il siège en tant que conseil général sous une certaine forme et en tant que conseil municipal, sous une autre. Il ne siège pas de façon indistincte pour gérer les affaires de la commune et celles du département.

M. Michel Vauzelle. Ce sont les mêmes élus et c’est le même territoire !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Monsieur Vauzelle, vous savez parfaitement qu’en vertu de la loi sur la Nouvelle-Calédonie que vous avez votée, les mêmes élus siègent dans différentes assemblées : les assemblées de province et le Congrès de Nouvelle-Calédonie. Cet exemple, qui va dans un sens contraire à la démonstration de M. Roman, saura lui aussi éclairer le Conseil constitutionnel.

M. Michel Piron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. J’aimerais rappeler une décision du Conseil constitutionnel intervenue en décembre 1982 au sujet de la création d’une assemblée unique dans les départements d’outre-mer, laquelle supposait la disparition des cantons. Le Conseil avait censuré cette disposition en précisant qu’une loi ordinaire ne pouvait en aucun cas procéder à la suppression du canton, qui est l’échelon de base du département. Aujourd’hui, vous supprimez la région, qui a un mode de scrutin original.

Je ne sais pas si le cas du Conseil de Paris a été déféré au Conseil constitutionnel en son temps. Le précédent qu’évoquent les ministres ne me paraît pas très pertinent puisque cette affaire n’a jamais fait l’objet d’un examen approfondi de cette juridiction.

Mutatis mutandis , le cas que j’évoque plaiderait plutôt en faveur de la position de mes amis, pour qui vos dispositions reviennent soit à supprimer une pierre angulaire de notre organisation administrative, soit à instaurer une tutelle d’une collectivité sur une autre, ce qui est interdit par la Constitution elle-même.

Je reviendrai plus tard sur les dispositions spécifiques aux départements d’outre-mer. Disons seulement que l’article 1 er est fort mal rédigé, singulièrement pour ce qui concerne La Réunion et la Guadeloupe.

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. M. Mercier a fait référence à la Nouvelle-Calédonie et le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu’il s’était inspiré de cet exemple pour les conseillers territoriaux, élus communs à deux assemblées distinctes. Toutefois, ce qu’a oublié de dire M. le ministre, c’est que la Constitution a consacré un titre spécifique à la Nouvelle-Calédonie tandis que votre projet de loi se situe dans le cadre de la législation ordinaire.

Chers collègues de l’UMP, sans anticiper sur la décision du Conseil constitutionnel, il est très vraisemblable qu’il nous donne raison. Souvenez-vous donc de la colère du Président après la censure de la loi HADOPI. Cette fois-ci, de grâce, évitez une nouvelle fois de le mettre en colère et votez notre amendement. (Rires.)

(L'amendement n° 168 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax pour défendre l’amendement n° 169.

M. Jacques Valax. Le fait que les mêmes élus issus d’une même élection soient appelés à gérer les destinées de deux collectivités différentes d’un point de vue institutionnel, territorial et fonctionnel est en contradiction avec l’article 72 de la Constitution. Conseil général et conseil régional ont des compétences et des moyens différents. Il existe incontestablement un risque de subordination de l’un par rapport à l’autre.

J’ai l’impression que vous ne voulez pas voir la réalité. Je prends l’exemple concret de la région Midi-Pyrénées, qui compte huit départements, dont un à dominante urbaine, la Haute-Garonne, avec Toulouse appelée à devenir métropole au sens du projet de loi. Imaginons qu’au niveau régional, il soit décidé de donner la priorité à l’investissement pour le rail. Qu’adviendra-t-il au niveau départemental ? Il faut bien envisager cette hypothèse car votre faiblesse, dans ce projet de loi, est bien de n’avoir pas eu le courage de supprimer soit la région, soit le département, compte tenu de l’existence des intercommunalités et de la création des métropoles.

M. Michel Hunault. Chiche !

M. Jacques Valax. Vous parlez d’une grande réforme alors que vous n’avez pas su prendre de décision forte.

J’en reviens à mon exemple. Les conseillers territoriaux qui auront voté en faveur de l’investissement pour le rail au conseil régional seront obligés, au conseil général, pour ne pas se déjuger, de dire que le département ne peut investir dans l’agriculture, dans la route ou dans l’industrie puisque la région a décidé d’un autre investissement prioritaire.

Vous avez la preuve flagrante qu’il existe un risque de subordination.

M. Charles de La Verpillière. C’est tiré par les cheveux !

M. Jacques Valax. Je pourrais multiplier les exemples. Voilà la réalité de ce à quoi vous nous exposez dès demain !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Le débat a déjà eu lieu. La position du Gouvernement reste la même : avis défavorable.

(L'amendement n° 169 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre de cette année, un rapport comportant des propositions sur le statut de l’élu local.

Alain Marleix a fait allusion à un texte sur le statut des élus qui se profilerait à l’horizon.

M. Bernard Deflesselles. Oui, au Sénat !

M. Jean-Pierre Grand. J’estime qu’il serait bon ce soir, messieurs les ministres, que vous acceptiez le principe de ce rapport en donnant un avis favorable à cet amendement.

La réforme des collectivités territoriales aboutira pour certains élus à exercer quatre mandats : au niveau communal, en tant que maire, au niveau intercommunal, en tant que président ou vice-président d’une intercommunalité, au conseil général et au conseil régional.

Je me mets à la place d’un conseiller général de Lozère…

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Encore ?

M. Jean-Pierre Grand. La Lozère est à l’honneur ce soir !

…dont la ferme était à quelques mètres du conseil général. S’il veut rester conseiller général, il va devoir être aussi conseiller régional et aller à Montpellier. Il va perdre des journées et des journées, parce qu’il y a aussi des réunions de commission, et il ne pourra plus exercer sa profession comme avant. Il aura donc le choix entre ne plus être conseiller général, parce qu’il ne peut pas être conseiller régional, et cesser d’être fermier.

Plus sérieusement, le statut des élus est nécessaire, parce qu’il y a la grande dualité entre le privé et le public, et parce que, dans la mesure où il sera possible de cumuler un certain nombre de mandats, ceux qui seront élus ne pourront plus exercer de profession.

S’ils sont dans le secteur privé, croyez-vous qu’ils retrouveront leur emploi au bout de six ou douze ans – surtout s’ils sont dans la majorité ! (Sourires.) – ? Naturellement non. Le Gouvernement pourrait donc faire un geste. Inutile que vos conseillers s’affolent, vous ne prenez aucun risque, sinon celui d’être obligés de tenir votre parole.

M. Olivier Dussopt. C’est déjà beaucoup !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . La commission a rejeté cet amendement.

Non seulement le Gouvernement a l’intention de répondre à la problématique du statut mais il a déposé un texte au Sénat, qui sera examiné très prochainement et qui vous apportera une réponse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Défavorable.

Je vous invite, monsieur Grand, à retirer votre amendement dans la mesure où un texte a été déposé au Sénat, en vertu de la révision constitutionnelle qui fait obligation de déposer d’abord au Sénat ceux concernant les collectivités territoriales, et après concertation avec les grandes associations d’élus (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) . Ce texte qui concerne les statuts, les modalités de formation, éventuellement aussi le cumul sera discuté quand la conférence des présidents décidera de l’inscrire à l’ordre du jour.

M. Bernard Deflesselles. Nous sommes rassurés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Mon amendement n’était pas inutile puisque nous avons parlé du statut des élus. Nous avons mis le doigt sur de nouveaux cumuls qui n’étaient pas autorisés hier. Nous avons donc un peu anticipé sur les prochains articles, en particulier celui relatif au conseiller territorial. Je retire naturellement mon amendement.

(L'amendement n° 7 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Votre amendement n’a pas été inutile, monsieur Grand.

Un projet ayant été déposé sur le bureau du Sénat, comme c’est désormais la règle constitutionnelle pour un texte relatif à la décentralisation, il est tout de même regrettable que, comme pour celui qui concerne la marche vers la parité, nous n’en ayons pas connaissance. Il n’est pas normal en effet, au-delà du mode d’élection et de la parité, questions sur lesquelles nous reviendrons, de parler de la création du conseiller territorial, contre laquelle nous nous battons, sans poser le problème du statut de l’élu.

Cela devient un impératif avec un mandat de cette nature, impossible à assumer totalement par une seule personne. Tous les présidents de conseil général ou de conseil régional, tous les conseillers généraux ou régionaux qui sont ici vous le diront : un seul homme ou une seule femme ne peut pas faire entièrement un tel travail. Raison de plus pour que le problème du statut soit réglé, parce que, sans statut, les conseillers territoriaux ne rempliront pas leur mission.

M. Bernard Deflesselles. Dites cela aux sénateurs !

M. Bernard Roman. La seconde question qu’il faut poser est celle du cumul. À ma connaissance, qui est assez précise en la matière, un parlementaire peut assumer un second mandat – une fonction ou un mandat – et c’est tout, sauf dans les petites communes de moins de 3 500 habitants, et peut-être demain de moins de 500 habitants si nous changeons le seuil. Un parlementaire pourra-t-il demain être conseiller territorial ? Oui. Il pourra donc assumer deux autres mandats, celui de conseiller régional et celui de conseiller général.

Très franchement, on recule sur la parité et on recule sur le cumul. Je félicite le Gouvernement pour le caractère conservateur, c’est le moins que l’on puisse dire, de ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. C’est osé, surtout avec ce qui s’est passé hier au Sénat !

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 170.

La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Nous souhaitons que le Gouvernement dépose, dans les deux mois suivant l’éventuelle adoption de ce projet de loi, un rapport relatif à l’intérêt de reconnaître aux étrangers résidant en France de manière régulière le droit de vote lors des élections locales.

D’abord, nous avons estimé absolument indispensable de vous demander un tel rapport puisque nous savons très bien, et nous l’avons dit à plusieurs reprises, que la raison d’être de votre projet de loi est électorale. Nous voulons donc vous aider à aller au bout de votre logique en examinant toutes les questions électorales qui peuvent se poser.

J’ai eu l’occasion de souligner hier, dans mon intervention, à quel point nous étions attachés au droit de vote des étrangers aux élections locales, à condition, bien sûr, qu’ils résident dans notre pays depuis quelques années, et nous proposons cinq ans.

Au début des années 90, nous avions décidé d’accorder le droit de vote aux étrangers communautaires résidant en France depuis plus de cinq ans. Michel Vauzelle s’en souviendra, car il était garde des sceaux à l’époque, et j’étais chargée des affaires européennes. Nous avons travaillé pour que, pour la première fois dans notre droit, des étrangers puissent voter aux élections locales.

Cette réforme, qui, elle, était une vraie réforme, s’est faite, je crois, à la satisfaction générale, et la question s’est posée quelques années après, vers la fin des années 90, pour les étrangers non communautaires résidant sur notre sol. Dès lors, en effet, que des personnes sont chez nous en situation régulière depuis plus de cinq ans, participent à la vie locale, apportent leur contribution économique, sociale et souvent citoyenne à la vie politique, économique et sociale de notre pays, personnes qui, contrairement aux étrangers communautaires, ont souvent défendu la France avec les armes, elles-mêmes, leurs parents ou leurs grands-parents, souvent les deux d’ailleurs, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait deux poids deux mesures.

C’est la raison pour laquelle j’ai eu l’honneur de défendre ici, au nom du gouvernement de Lionel Jospin, un projet de loi accordant le droit de vote aux étrangers aux élections locales. Il a été voté par la majorité de l’époque. Le problème, nous le connaissons tous, c’était le Sénat, où la majorité que vous représentez ne voulait pas entendre parler de cette profonde réforme.

Nous savons tous que, pour surmonter l’opposition du Sénat, nous avons besoin de l’engagement d’un Président de la République. Pour une réforme constitutionnelle, soit il faut qu’un projet de loi soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées et nous allons ensuite au Congrès, où il faut une majorité renforcée, mais le projet, voté par l’Assemblée nationale lorsque nous étions au gouvernement ne l’a pas été par le Sénat, où la majorité n’était pas de gauche ; soit nous avons besoin de recourir au référendum. Dans les deux cas, c’est le Président de la République qui doit s’engager, et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas pu aboutir sur cet important sujet.

Je me souviens que le Président actuel, M. Sarkozy, s’était déclaré favorable à une telle évolution. Mettez donc vos actes en accord avec vos paroles, dirons-nous une fois de plus. Comme pour la parité, nous voulons que votre majorité vote la proposition que M. Fillon a dit appeler de ses vœux ; nous voulons qu’elle accorde le droit de vote aux étrangers aux élections locales, comme M. Sarkozy s’était, semble-t-il, déclaré prêt à le faire.

C’est la raison pour laquelle nous vous demandons que, pour que l’on dépasse enfin les effets d’annonce et que l’on arrive à des actes fondateurs, vous déposiez un rapport pour nous expliquer comment vous allez faire pour mettre vos actes en accord avec vos paroles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . La commission a repoussé cet amendement. L’Assemblée nationale avait d’ailleurs repoussé en avril dernier une proposition de loi sur le même sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons simples. Les arguments que vous avez avancés, madame, ne me convainquent pas. Il existe, entre les vingt-sept États de l’Union européenne, des liens spécifiques, et d’abord la réciprocité accordée aux nationaux de ces États pour qu’ils puissent voter aux élections locales dans tous les États membres.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Bernard Derosier. Voilà l’hypocrisie centriste !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural. Nulle part ailleurs dans le monde les nationaux français ne se voient reconnaître le droit de vote. C’est pour nous un droit bien supérieur à un droit lié à la simple résidence, il est lié à la citoyenneté.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Nous sommes opposés à l’attribution du droit de vote aux ressortissants étrangers (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) , sur la base d’un principe très simple, le lien à nos yeux indissoluble entre le droit de vote et la nationalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Notre position sur ce point est constante, madame Guigou, et elle mérite mieux que d’être simplement balayée d’un revers de main comme elle l’est si souvent par les responsables du parti socialiste.

Mme Claude Greff. Très juste !

M. Jean-François Copé . À mes yeux, le fait d’être citoyen d’un État membre de l’Union européenne doit conférer plus de droits que le fait d’être citoyen d’un autre État. Il est normal que des ressortissants de l’Union européenne soient détenteurs d’une forme de citoyenneté européenne qui peut, sous réserve de réciprocité, leur donner droit de vote aux élections locales.

Pour moi, la meilleure solution lorsque l’on ne fait pas partie de l’Union européenne et que l’on réside en France depuis de nombreuses années, que l’on a donc réussi son intégration – son assimilation, auraient pu dire certains – c’est que l’on soit plus facilement naturalisé.

Mme Claude Greff. Très bien !

M. Jean-François Copé. On devient alors citoyen français et l’on exerce pleinement ses droits et ses devoirs.

Il me semble que c’est un bon équilibre que chacun, qu’il soit de gauche ou de droite, peut comprendre et auquel il peut naturellement adhérer car des hommes et des femmes se sont battus, sur tous les plans, pour obtenir le droit de vote. Celui- ci est indissolublement lié à la nationalité française et c’est à nos yeux essentiel si l’on ne veut pas brader la notion de nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Derosier. Vous dites le contraire de ce que dit le Président de la République !

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas parce que l’Assemblée nationale a refusé cette proposition à une certaine époque…

M. Dominique Perben, rapporteur . En avril !

M. Pierre Gosnat. …qu’elle n’a pas le droit d’évoluer.

Au moment où nous discutons de la réforme des collectivités territoriales, notamment des modes de scrutin, il est tout à fait naturel d’aborder cette question. Nous présenterons d’ailleurs un amendement allant dans le même sens, mais à partir du mode de scrutin : nous proposons en effet le scrutin proportionnel ainsi que le droit de vote pour les étrangers non communautaires.

Jean-François Copé a parlé de principes. Il me semble qu’il faudrait aussi tenir un peu compte de la parole du Président de la République ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre !

Par ailleurs, comme vous vous référez toujours à l’Europe, je me permets de vous dire que certains pays européens ont admis ce principe. Je ne vois pas pourquoi nous serions les plus mauvais élèves de la classe et pourquoi vous refusez une nouvelle fois d’engager le débat. Nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Je souhaite répondre à M. le ministre Mercier et à M. Copé.

Tout d’abord, monsieur le ministre, je ne pense pas que l’argument de la réciprocité soit recevable.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous, si !

Mme Élisabeth Guigou. La France peut s’honorer d’avoir accordé des droits sans qu’il n’y ait eu à l’époque la moindre réciprocité.

S’agissant de ressortissants dont beaucoup ont versé leur sang pour la France, pour préserver nos libertés, et qui, fidèles à leurs racines, ne demandent pas la nationalité française, je pense qu’ils auraient le droit, pour les élections locales – nous ne parlons pas des élections nationales, où le vote est lié à la nationalité –, à une reconnaissance particulière.

M. Charles de La Verpillière. Parlez-en à Georges Frêche !

M. Jean-François Copé. Qu’on les naturalise, alors !

Mme Élisabeth Guigou. J’ajoute à l’attention de M. Copé que les ressortissants européens ont bien sûr le droit à un plus par rapport aux autres étrangers résidant sur notre sol. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons fait voter, contre votre majorité de l’époque, la réforme constitutionnelle ayant précédé la ratification du traité de Maastricht. Mais il y a mille et une façons d’accorder ce plus : il existe, puisque vous parlez de citoyenneté, un passeport européen, un drapeau européen,…

M. Robert Lecou. Il est dans cet hémicycle !

Mme Élisabeth Guigou. … un hymne européen, dont j’espère que nous sommes tous fiers.

Si l’acquisition de la nationalité est absolument indispensable pour les élections nationales, je crois, s’agissant des élections locales, qu’il est nécessaire d’accorder le droit de vote aux étrangers. Vous répondez, monsieur Copé, qu’il leur suffit de demander la naturalisation. Mais, élue de Seine-Saint-Denis, je peux vous dire que mes permanences sont remplies de gens qui demandent la nationalité française et se heurtent à des refus que j’ai du mal à expliquer.

Il existe ainsi tout un ensemble d’éléments qui nous donnent raison, et nous continuerons à demander, pour les élections locales et seulement pour elles, le droit de vote des étrangers non communautaires, afin qu’ils prennent pleinement part à la vie de la cité.

C’est une mesure de simple justice, qui ne menace rien du tout et à l’égard de laquelle je rappelle que l’actuel Président de la République, probablement pour se ménager des appuis, avait manifesté un intérêt positif. J’observe que, sur beaucoup de déclarations du Président de la République et du Premier ministre – je fais une fois de plus référence à la parité –, votre majorité traîne les pieds. Monsieur Copé, vous devriez essayer de faire en sorte que votre groupe soit un plus fidèle aux propos du Président de la République et du Premier ministre ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Madame Guigou, je n’ai pas très bien compris votre intervention. Pour parler du droit de vote, vous recourez au registre de l’émotion. Vous évoquez ceux qui ont combattu pour la France, qui ont fait ce choix dans des circonstances douloureuses et parfois tragiques,…

M. Bernard Derosier. Ils n’ont pas forcément eu le choix !

M. François Sauvadet. …mais ce n’est pas du tout la question de la nationalité, c’est celle du devoir de reconnaissance et de mémoire. Je me méfie toujours, madame Guigou, de ceux qui veulent faire du droit en jouant sur le registre de l’émotion. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Élisabeth Guigou. Tartufe !

M. François Sauvadet. Ce registre n’est pas celui qui fonde le droit.

Profondément engagé dans la construction de l’Europe, je me réjouis d’entendre évoquer sur les bancs de cette assemblée la citoyenneté européenne. Vous devriez avant tout saluer cette réciprocité qui permet à tous ces hommes et femmes vivant dans une même communauté de destin, un même ensemble qui pèse dans l’ordre du monde, de participer aux élections locales.

Je crois que le droit de vote doit être fondé sur l’accès à la nationalité. Nous pouvons avoir un débat sur ce sujet, mais sa place n’est pas dans une discussion visant à mieux organiser nos collectivités territoriales. Je suis prêt à avoir ce débat avec vous, mais à une autre occasion, et surtout en le fondant sur le droit. C’est la nationalité qui fonde le droit de vote, quittez le registre de l’émotion sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Lorsque Mme Guigou a repris la parole et m’a fort aimablement répondu, je me suis rappelé un autre argument que je voulais apporter à l’appui de notre position.

C’est quelque chose qui revient très souvent chez les élus socialistes et que je n’arrive pas à comprendre : cet acharnement qu’ils montrent à vouloir se battre pour le droit de vote des étrangers non-ressortissants de l’Union européenne aux élections locales exclusivement. En somme, ces étrangers seraient suffisamment intelligents pour pouvoir voter localement mais pas assez pour voter nationalement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Détendons-nous ! Je vois que c’est un point qui fait débat entre vous.

M. Bernard Roman. La souveraineté nationale, cela existe, c’est dans la Constitution ! On apprend cela à l’école du barreau !

M. Jean-François Copé. C’est absurde : ou bien l’on est totalement pour le droit de vote des étrangers ou bien on ne l’est pas du tout ! Mais couper la poire en deux pour donner ce petit gage à des personnes dont on se dit qu’elles se montreront reconnaissantes, ce n’est guère malin !

Je n’avais pas prévu de dire cela mais comme vous êtes venus nous chercher sur Nicolas Sarkozy, avec des remarques que j’ai trouvées un peu « limite », c’était une occasion de vous renvoyer à vos réflexions existentielles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pour le reste, madame Guigou, François Sauvadet et moi avons bien noté votre attachement à nous voir écouter attentivement le Président de la République. Rejoignez-nous donc, ce serait un bonheur : vous seriez d’une certaine manière celle qui ferme l’ouverture ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bernard Derosier. Gardez Besson !

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. S’agissant de la dernière proposition de M. Copé, pourquoi pas ?

M. Jean-François Copé. Ah !

M. Philippe Martin. J’avoue ne pas être outrageusement choqué par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter aux élections cantonales et municipales, dès lors qu’ils paient des impôts,…

Mme Henriette Martinez. Et s’ils n’en paient pas ?

M. Philippe Martin. …qu’ils respectent nos lois, qu’ils vivent sur notre territoire depuis un certain temps, par exemple cinq ans. Je ne vois pas au nom de quelle logique nous les empêcherions de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien.

« À titre personnel, je considère qu’il ne serait pas anormal qu’un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France puisse voter aux élections municipales. » Ces propos, monsieur Copé, ne sont pas de moi : ce sont ceux de l’actuel chef de l’État ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bernard Roman. Et il n’a pas parlé des élections nationales, parce qu’il connaît le droit constitutionnel !

M. Bernard Derosier. Mais M. Copé ne connaît pas le droit constitutionnel !

M. Jean-François Copé. Bien sûr, nous ne connaissons rien : c’est vous, les stars !

(L’amendement n° 170 n’est pas adopté.)

Article 1 er  A

M. le président. Sur l’article 1 er  A, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Au moment où nous abordons cet article 1 er  A, je souhaiterais présenter les amendements que défendra mon groupe.

Je ne comprends pas l’idée continuellement développée à gauche depuis le début du débat : « Ne changeons rien, c’est la meilleure des garanties pour l’avenir », alors que chacun sait qu’il faut clarifier les compétences et rendre notre organisation territoriale beaucoup plus efficace. Président du conseil général de Côte-d’Or, je mesure le chemin qui nous reste à parcourir pour l’être, pour rechercher des synergies avec les régions, sur des compétences qui sont souvent, comme l’a rappelé le président Rousset, des compétences croisées. La création du conseiller territorial est, je crois, le meilleur moyen de faire coïncider l’exigence de proximité qui doit être celle d’un conseil général dans les missions singulières qui sont les siennes, au plus près des familles, avec les exigences de l’aménagement du territoire et de l’organisation économique relevant de la région.

Le groupe du Nouveau Centre est donc favorable à la création du conseiller territorial. C’est d’ailleurs une position que nous avons adoptée depuis longtemps ; nous étions même favorables à une fusion des départements et des régions qui veille à maintenir la proximité de l’élu avec son territoire mais en essayant en même temps d’harmoniser des pratiques devenues, aux yeux de nos compatriotes, complètement incompréhensibles, comme aux yeux des élus eux-mêmes, empêtrés pour le moindre projet dans des dossiers de financements croisés dont nous connaissons les limites. C’est une véritable déperdition d’énergie. En ces temps difficiles pour tous où l’argent public sera de plus en plus rare, l’existence d’un conseiller territorial siégeant dans les deux assemblées sera une avancée considérable. Elle rendra possible cette cohérence dont l’insuffisance nous est aujourd’hui si douloureuse.

Je ne multiplierai pas les exemples, mais nous voyons bien le temps que nous passons pour ouvrir ne serait-ce qu’une cantine qui soit à la fois de collège et de lycée. En matière d’insertion, il faut aller chercher le conseil régional pour tout ce qui touche à la formation, avec souvent à la clé la rupture des cycles d’accompagnement des personnes. Dans les transports, la complexité est aujourd’hui devenue insupportable pour les élus locaux et les usagers.

Nous soutenons donc la création du conseiller territorial. Toutefois, nous sommes confrontés à un problème, tant de forme que de fond, sur la manière dont sera désigné ce conseiller territorial.

Sur la forme, le problème tient à la méthode. Le Gouvernement nous a présenté à la dernière minute, au moment où débutait en commission des lois l’examen de ce texte fonda teur d’une nouvelle démocratie locale, un amendement précisant les modalités d’élection des conseillers territoriaux, au scrutin uninominal à deux tours. Nous en avons été quelque peu surpris.

À ce problème de forme s’ajoute un problème de fond, qui tient à la nature même du scrutin tel qu’il nous est proposé. Un tel mode de scrutin est en rupture totale avec ce que le Gouvernement lui-même avait proposé, à savoir une élection du conseiller territorial fondée sur un lien singulier avec les territoires, avec une dose de proportionnelle qui devait permettre de garantir la parité et le pluralisme, deux spécificités du scrutin régional. Même si, à nos yeux, ce n’était pas tout à fait satisfaisant, c’était tout de même une avancée intéressante pour faire coïncider l’exigence de proximité avec les exigences de pluralisme et de parité.

Le Gouvernement ayant fixé lui-même le calendrier, nous avons été d’autant plus surpris que celui-ci soit bousculé. Au départ, nous devions avoir trois textes ; le premier créant le conseiller territorial, le deuxième définissant les conditions de son élection, le troisième précisant ses compétences. Je dois à la vérité de dire que mon groupe était favorable à une accélération du calendrier parce que, la gauche ayant beaucoup joué sur les peurs, il fallait qu’on sorte le plus rapidement possible de cette période d’incertitude, qui a d’ailleurs été entretenue. Ainsi, des associations nous ont très souvent sollicités en s’inquiétant de ne plus pouvoir financer le sport ou la culture. Au moment des élections régionales, on a eu l’impression que la perspective de cette réforme, c’était l’apocalypse qui allait se révéler sous nos yeux impuissants. Tout cela n’était pas raisonnable ; c’était même irresponsable. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Dès la première lecture au Sénat, on avait précisé le cadre dans lequel la discussion devait s’ouvrir pour essayer de rassembler le plus largement possible autour du mode de désignation des conseillers territoriaux. Ce cadre a fait l’objet d’un accord politique. Je le redis à la gauche, qui parlait alors de combines, de combinaisons entre les groupes politiques de la majorité : non, c’était un véritable accord politique fixant le cadre de préparation du mode de désignation des conseillers territoriaux.

M. Jean-Pierre Balligand. Où est passé votre accord politique ?

M. François Sauvadet. Il vaut mieux, monsieur Balligand, un accord dont on discute devant l’Assemblée nationale que des combinaisons auxquelles vous, au parti socialiste, êtes très familiers. Je préfère que les relations au sein de la majorité comme avec l’ensemble du peuple se fassent devant le Parlement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Dussopt. Parlez-en à Bayrou !

M. François Sauvadet. Je soutiens la réforme, mais j’exprime aussi les convictions qui sont les miennes. C’est mieux que les accords de circonstance en arrière-coulisse auxquels vous nous avez beaucoup habitués.

Ce cadre, quel était-il ? Puisque le Président de la République avait clairement indiqué, de manière constante, qu’il était, comme le Premier ministre, très ouvert à la discussion s’agissant du mode de scrutin et qu’il fallait rechercher un consensus, nous avions fixé un cadre qui fixait une expression territoriale tout en permettant l’expression du pluralisme et de la parité. C’est ce que nous avions souhaité, en lien avec le groupe de l’Union centriste du Sénat. Un tel cadre nous apportait pleine satisfaction puisqu’il ouvrait la porte à la discussion sur les conditions d’établissement d’une proportionnelle : s’agissait-il, comme le pensait le Gouvernement, d’un rattrapage pour prendre en compte des voix oubliées par l’expression du suffrage uninominal, ou de l’équivalent d’un second bulletin de vote pour permettre l’expression du pluralisme ? Pour mon groupe, le débat reste très ouvert. Mais voilà que la porte a été refermée par le Gouvernement. Je note toutefois, monsieur le ministre, que cette porte est en fait entrouverte.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Très bien !

M. François Sauvadet. Je souhaite que le débat se poursuive à l’Assemblée nationale, puis au Sénat – puisque celui-ci n’a pas pu examiner en première lecture l’amendement du Gouvernement. Autant j’étais d’accord pour que nous avancions très rapidement sur les compétences et sur le mode d’élection pour sortir de cette période d’incertitude, autant je pense très profondément qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

Le problème de fond, c’est que, pour le groupe Nouveau centre, le mode de scrutin proposé aujourd’hui s’apparente à un véritable recul. Nous avions un système, y compris lors des dernières élections, de scrutin uninominal à deux tours pour la désignation des conseillers généraux, et nous sommes attachés à ce système qui tisse un lien singulier entre un élu et le territoire dont il est l’émanation. Nous en sommes aussi nous-mêmes, à l’Assemblée nationale, l’expression. Il n’y a pas d’antinomie entre s’intéresser à sa région, à sa nation, et être l’élu de sa circonscription. Ce que nous faisons en ce moment le prouve : nous débattons d’un sujet d’intérêt national tout en étant les élus de diverses circonscriptions. Ainsi, je ne suis pas l’élu de la même circonscription que M. Rousset, puisque je suis député de la quatrième circonscription de la Côte d’or, mais nous sommes tous membres de la représentation nationale. Je ne vois donc pas en quoi une part de scrutin uninominal à deux tours pour l’élection d’un conseiller territorial serait antinomique avec un intérêt régional partagé. Un tel mode de scrutin permet une nécessaire coordination.

Par ailleurs, il y a encore une autre singularité, et c’est pourquoi il faut encore travailler sur le mode d’élection du conseiller territorial : dans les conseils régionaux, le mode d’élection garantit à la fois l’expression de la parité – puisque celle-ci s’impose dans le scrutin de liste proportionnel – et l’expression du pluralisme au terme des résultats de l’élection. Or la disparition de toute dose de proportionnelle nous pose un véritable problème, monsieur le ministre.

En effet, la question de la parité est devant nous. On me dit que les sanctions vont être renforcées par une proposition de loi. Mais nous n’en connaissons pas encore le contenu puisqu’elle n’a pas été déposée. Il est assez paradoxal qu’à propos d’un texte gouvernemental, on nous renvoie à une proposition de loi même pas encore déposée.

M. Michel Ménard. En effet !

M. François Sauvadet. Quand je vois que dans notre assemblée, nous avons 18 % de femmes…

Mme Valérie Fourneyron. Et encore, ce n’est pas grâce à vous, monsieur Sauvadet !

M. François Sauvadet. …et que le pourcentage est similaire dans les conseils généraux, alors qu’il y a pratiquement 50 % de femmes dans les conseils régionaux, je pense qu’il faut en tirer les leçons. Ainsi, le système allemand prévoit une dose de proportionnelle représentant 50 % des élus, et les femmes représentent 30 % des élus au Bundestag . On voit donc bien que les sanctions financières imposées aux partis ne sont pas une solution au problème de la parité. Ces sanctions existent en effet depuis plusieurs années et n’ont pas permis des avancées significatives en ce domaine. Nous souscrivons au scrutin uninominal à deux tours, pour une part qui reste à débattre – elle pourrait atteindre 70 % à 80 % des suffrages –, mais nous souhaitons y adjoindre une dose de proportionnelle qui permettrait l’expression du pluralisme et de la parité. Notre proposition est toujours sur la table. Pour ce qui nous concerne, la porte n’est pas fermée, et je souhaite que nous y réfléchissions et que nous y travaillions à nouveau. Nous avons le temps, il n’y aura pas d’application de la procédure accélérée sur ce texte ; le débat se poursuivra donc au Sénat.

À ce problème de fond s’ajoute un problème constitutionnel. Nous avons en effet adopté des textes qui précisent le cap que nous devons suivre, notamment la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a inscrit à l’article 1 er le principe selon lequel « la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives ». J’ai écouté attentivement votre analyse, monsieur le ministre. Vous dites qu’il faut prendre le problème dans son ensemble. Certes, vous allez abaisser le seuil à 500 habitants pour permettre, par le scrutin de liste, l’expression de la parité dans les collectivités locales. Mais, dans le même temps, votre texte crée un conseiller territorial qui se substitue au conseiller régional et au conseiller général, dans le cadre d’un mode de scrutin qui constitue un recul sur la parité. J’ai consulté plusieurs constitutionnalistes, qui m’ont indiqué que le débat devait être posé en ces termes : le scrutin tel que vous le proposez aujourd’hui sera-t-il de nature à favoriser l’égal accès ? Je n’en suis pas sûr.

Mme Valérie Fourneyron. Pour nous, c’est non !

M. François Sauvadet. Nous souhaitons donc l’introduction d’une part de proportionnelle.

M. Pierre Gosnat. L’objectif, c’est la proportionnelle intégrale !

M. François Sauvadet. En outre, la révision du 23 juillet 2008 a inscrit dans la Constitution le caractère pluraliste de notre démocratie. Nous y tenions beaucoup parce que nous sommes attachés à l’expression du pluralisme dans la clarté des engagements. Je le dis à Jean-François Copé : nous sommes dans la majorité, mais nous sommes différents, nous exprimons une voix différente, avec notre histoire et notre sensibilité politiques. Garantir le caractère pluraliste de notre démocratie constituait pour nous un des enjeux de la modernisation de nos institutions, à laquelle nous avons souscrit – ce qui n’a pas été le cas de la gauche. J’observe qu’aujourd’hui nous en profitons pleinement puisque le débat se déroule dans des conditions qui permettent l’expression de chacun des groupes, y compris des groupes minoritaires. Je me réjouis, non pas d’être minoritaire,…

M. Philippe Vuilque. Vous allez bientôt le devenir tout à fait !

M. François Sauvadet. …mais de pouvoir m’exprimer grâce à des temps de parole suffisants. Mon cher collègue, nous nous sommes retrouvés avec le groupe GDR sur cette question car il était, lui aussi, soucieux de pouvoir plus s’exprimer pour être mieux représenté dans les débats. La réforme constitutionnelle l’a garanti : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation. » C’est un point très important.

Par conséquent, le mode de scrutin que vous proposez, monsieur le ministre, contrevient à l’esprit des articles 1 er et 4 de la Constitution. Pour le groupe Nouveau Centre, c’est un recul et nous souhaitons poursuivre la discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous proposons d’en revenir à l’article 1 er A dans la rédaction du Sénat qui donnait toute satisfaction. Je rappelle qu’il posait des principes directeurs : premièrement, la préservation du lien entre le citoyen et l’élu qui le représente, grâce au scrutin uninominal à deux tours auquel nous sommes, nous aussi, attachés ; deuxièmement, le respect du pluralisme politique et de la parité entre hommes et femmes, avec donc une dose de proportionnelle dont l’amplitude et les conditions d’application étaient à débattre pour tenir compte des avis des uns et des autres. Vous voyez que notre proposition est ferme sur ses fondamentaux comme nous sommes fermes sur les convictions qui nous animent, mais ouverte car notre intérêt collectif, dans une réforme d’une telle importance et aussi nécessaire, est de rechercher autant que possible la voie d’un consensus, notamment sur les modes électoraux. C’est à cela que le groupe Nouveau centre est prêt à travailler.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet. Je lis le titre 1 er  : « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale ». Je n’ai qu’une seule définition de la démocratie locale : l’accord du peuple. Pour moi, un élu local, c’est quelqu’un qui est élu par le peuple. Or les conseillers territoriaux qui vont siéger sur les bancs des conseils régionaux ne seront plus élus par le peuple ! Votre proposition est une trouvaille, monsieur le ministre. Même Charles Pasqua n’y avait pas pensé.

M. Victorin Lurel. Oh ! Les EPR !

M. Jean-Pierre Grand. Dans cette affaire, je ne sais pas si le Gouvernement aura juridiquement tort ou raison, mais je suis certain qu’il a d’ores et déjà politiquement et moralement tort.

M. Pierre Gosnat. Très juste !

M. Jean-Pierre Grand. Le journaliste auquel j’avais envoyé par e-mail le discours que j’ai tenu ce matin, à la tribune de l’Assemblée, sur la création du conseiller territorial et sur la fusion des conseillers généraux et des conseillers régionaux dans ma région, m’a appelé tout à l’heure. Il m’a dit : « Monsieur le maire, vous vous êtes trompé, vous avez commis une erreur car vous annoncez 164 élus. Le “ 1 ” ne serait-il pas en trop ? » Je lui ai répondu qu’il n’y avait pas d’erreur et que 164 personnes allaient bien siéger au conseil régional, à partir de 2014 – je pense que d’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts – …

M. Jacques Valax. Et bien d’autres choses !

M. Jean-Pierre Grand. …et cela sans être élues !

Je pense que nous devons nous arrêter un peu sur cette affaire pour plusieurs raisons. D’abord, parce que je crains que nous frisions le ridicule quand l’opinion publique va découvrir que la réduction du nombre d’élus locaux va se traduire par 100 élus de plus en région Languedoc-Roussillon. Le nombre de conseillers régionaux progresse dans ma région, dans une moindre mesure en Lozère où leur nombre passe de un à quinze, ce qui n’est pas mal.

Que devrions-nous faire ? Le conseil régional est une assemblée majeure, dotée de compétences propres, notamment en matière d’aménagement du territoire. Quand nos concitoyens vont découvrir que les conseillers régionaux – notamment les 164 de notre région – seront purement et simplement désignés, ils vont se poser des questions.

Mais il y a beaucoup plus grave : la préemption, par les conseils généraux et leurs présidents, des conseils régionaux. Les vrais patrons des futurs conseils régionaux seront les conseils généraux, actionnaires majoritaires de ces assemblées. Comment les choses vont-elles évoluer ? Que va décider la majorité ? Je ne sais pas mais, en ce qui me concerne, je pense qu’il faudrait revoir la copie sur ce point.

Au sein des assemblées régionales, nous avions aussi pris l’habitude de voir des femmes et des hommes, à parité, occuper des responsabilités. À l’avenir, cette parité n’existera plus.

Aussi, monsieur le ministre, je pense qu’il faut supprimer cet article, et revenir à une élection pour les conseils généraux – que vous pouvez nommer autrement – et une autre pour les conseils régionaux. Comme je l’ai déjà dit, une assemblée n’est légitime que si chacune et chacun de ses membres est élu par le peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Avec cet article 1 er  A qui créé le conseiller territorial, nous abordons l’un des points cruciaux de cette réforme.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Michel Hunault. Je voudrais remercier Jean-Luc Warsmann qui, dans un souci de clarification, nous a proposé un amendement en commission des lois, pour que nous puissions connaître le nombre de conseillers territoriaux avant la discussion dans l’hémicycle. Que n’aurions-nous pas entendu si les débats s’étaient déroulés sans cette clarification !

La règle retenue est assez objective en termes de représentation démographique ; elle vise à corriger certaines disparités puisque les plus petits départements compteront quinze conseillers territoriaux. Le seuil permet de respecter une représentation territoriale et démographique, ce que je voudrais saluer. M. Marleix l’a dit tout à l’heure à la tribune, en réponse aux intervenants de la discussion générale. Il est tout à l’honneur du Gouvernement et de cette majorité de veiller à une représentation des zones rurales.

M. François Sauvadet. Tout à fait !

M. Michel Hunault. Cette précision sur le nombre des conseillers territoriaux permettra de répondre à l’exigence de représentation de tous les territoires ruraux.

Jean-Pierre Grand s’est exprimé sur la parité. Rien ne l’empêchera. Les partis politiques seront mis au pied du mur et nous verrons s’ils veillent à l’égalité d’investiture entre les hommes et les femmes, pour ne pas remettre en cause le respect de la parité.

À ceux qui veulent donner un cours sur la parité ce soir, je rappelle qu’il y a des règles de financement de la vie publique qui obligent les partis politiques à respecter cette égale représentation des hommes et des femmes dans les candidatures.

M. Patrick Roy. Et l’UMP est exemplaire !

M. Michel Ménard. Combien de femmes au Nouveau Centre ?

M. Michel Hunault. J’en viens au rôle du conseiller territorial. En présentant le rapport et le projet de loi, mardi à cette tribune, M. Hortefeux a rappelé le rôle essentiel qui sera dévolu aux conseillers territoriaux : « Ils seront invités à établir un schéma d’organisation des compétences. Les départements et les régions se voient attribuer une capacité d'initiative qui leur permettra, par une délibération spécialement motivée, de se saisir de tout sujet d'intérêt départemental ou régional. »

Certes, mon président a eu tout à fait raison de rappeler que le groupe Nouveau Centre est attaché à une pluralité plus permise avec un peu de proportionnelle qu’avec le mode choisi. Pour autant, le mode d’élection ne doit pas effacer le rôle essentiel dévolu aux futurs conseillers territoriaux qui siégeront dans deux assemblées, tantôt dans les départements tantôt dans les régions, et sur lesquels pèse une obligation importante.

Revenons sur le début de notre séance de ce soir, marqué par une certaine ambiguïté, quand notre collègue Alain Rousset est intervenu sur l’amendement n° 565. Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de lui indiquer que l’article 35 permettra de clarifier les compétences respectives des régions et des départements.

C’est un élément essentiel de nos débats car règne une confusion que je ne veux pas croire sciemment entretenue. Cela étant, monsieur le ministre, je crois qu’il est important de rappeler que la création du conseiller territorial vise non pas à accroître la confusion mais, au contraire, à clarifier les compétences…

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce serait mieux ! (Rires)

M. Olivier Dussopt. Expliquez-le lui !

M. Michel Hunault. …et le rôle de chacune de collectivités territoriales, puisqu’il siégera alternativement à la région et au département.

À ce stade de la discussion, monsieur le ministre, je crois qu’il serait bon de rappeler que la création du conseiller territorial ne vise pas à remettre en cause le rôle essentiel des départements et des régions dans les domaines où ils excellent respectivement, que ce soit en matière économique, de cohésion territoriale ou même de cohésion sociale.

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Contrairement à Michel Hunault, je n’ai pas du tout le sentiment que la création du conseiller territorial règle en quoi que ce soit la question des compétences. C’est tout autre chose !

On nous propose d’avoir un conseiller territorial qui siège le matin au département, l’après-midi à la région, ou le contraire.

M. Michel Piron. Il y a moyen de s’organiser mieux !

M. Michel Ménard. Mais il y aura toujours deux collectivités territoriales.

Cet article 1 er A est important car il me semble contenir l’objectif principal de ce projet de loi : supprimer les conseillers régionaux et les conseillers généraux.

Prétendre que nous allons diminuer le nombre d’élus, c’est de l’affichage, cela ne correspond pas à la réalité. Vous annoncez 3 471 conseillers territoriaux, alors qu’il faut doubler ce chiffre. La même personne – homme ou femme – siégeant à la région et au département, ce sont en effet 6 942 mandats qui vont être exercés, deux par conseiller territorial. Comparons avec le nombre de mandats exercés actuellement dans le champ d’application de la réforme – les départements d’outre-mer et Paris sont exclus –, soit 5 660 conseillers généraux et régionaux. Nous constatons donc que la réforme produira 1 300 mandats supplémentaires.

En entrant dans le détail, on voit qu’effectivement les conseillers territoriaux siégeant dans les départements seront un peu moins nombreux que les actuels conseillers généraux : 3 471 contre 3903, soit 432 de moins. Je passe sur la répartition, car d’autres orateurs y reviendront.

En revanche, au niveau de la région, nous allons passer de 1 757 conseillers régionaux à 3 471 conseillers territoriaux. La presse ne s’y est pas trompée comme en témoigne le titre d’un article d’ Ouest France , ce matin : « Réforme territoriale : inflation d’élus en région. »

Concrètement, les Pays de la Loire passeront de 93 conseillers régionaux à 170 conseillers territoriaux. Connaissant l’hémicycle de la région, je ne sais pas comment on va pouvoir les faire tous siéger.

M. Henri Nayrou. Sur des perchoirs !

M. Michel Ménard. Il va falloir mettre des chaises dans les escaliers et sans doute agrandir l’hémicycle. La Bretagne passera de 83 conseillers régionaux à 191 conseillers territoriaux ; la Basse-Normandie de 47 à 116.

Nous constatons donc que le nombre d’élus ne baisse en aucun cas. Il s’agit seulement d’un affichage destiné à faire croire à nos concitoyens que l’objectif est de rationaliser et de réaliser des économies.

M. François Sauvadet. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Ménard. La réalité, c’est que les élus siégeront dans deux collectivités, ce qui représente deux mandats même s’il n’y a qu’une seule élection.

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est tiré par les cheveux !

M. Michel Ménard. Un collègue de l’UMP parle de simplifier, d’éviter les concurrences, mais rien ne démontre que cela sera le cas. Ce n’est pas parce que les conseillers territoriaux siégeront à la fois dans un département et dans une région qu’il sera plus facile de trouver un accord sur des dossiers.

La majorité ne sera pas forcément la même dans un département et dans la région. Et quand bien même ce serait le cas, ce ne sont pas les mêmes élus qui seront à l’exécutif. Jusqu’à preuve du contraire, le président du conseil régional ne sera pas le président de tous les conseils généraux. Ce double mandat n’implique donc pas une simplification et une absence de débats, de concurrence, de dysfonctionnements.

D’autres orateurs vont intervenir sur le mode de scrutin, mais pour conclure sur ce conseiller territorial, je pense que la priorité du Gouvernement est de faire un redécoupage. Pour paraphraser ce qu’on dit parfois sur le football : le redécoupage se fait avec de nombreuses simulations et, à la fin, c’est l’UMP qui gagne.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Nous voici au cœur du débat. La création du conseiller territorial est en effet votre volonté prioritaire. Comme vous le savez, nous sommes profondément opposés à ce qui nous semble être une totale idiotie – une de plus, direz-vous –, que vous avez d’ailleurs beaucoup de peine à justifier.

Vous vous efforcez de le masquer, mais vous poignardez ainsi la parité ; et pour tenter de vous raccrocher à une corde qui s’effrite, vous invoquez un projet de loi à venir, mais celui-ci n’a même pas été déposé : c’est quand même assez curieux !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai avec moi la proposition de loi ! Elle a été déposée : la voici !

M. Patrick Roy. Vous le dites, mais je puis comme vous brandir un texte quelconque ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il a été déposé !

M. Patrick Roy. Si c’est le cas, c’est un scoop ! Nous allons évidemment le vérifier.

En tout cas, ce projet de loi, par le mode de scrutin qu’il propose, va évidemment mettre à bas, non seulement la parité, mais aussi la diversité, et ce malgré les explications de vos alliés centristes.

Il y a quelques mois, les circonscriptions législatives ont été redécoupées, afin, disiez-vous, de rétablir une juste proportion entre le nombre d’électeurs et le nombre d’élus. Or la liste que l’on nous propose aujourd’hui révèle de ce point de vue des disparités gigantesques, allant du simple au triple selon les territoires, et j’avoue que, en termes d’équité, je n’y comprends pas grand-chose. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Si le texte reste en l’état, certains élus exerceront jusqu’à quatre mandats, excusez du peu, de sorte qu’il leur sera impossible, ne serait-ce que pour des raisons géographiques, de s’y consacrer pleinement : tel élu, observait l’un de nos collègues, siégera ainsi le matin au conseil général et l’après-midi au conseil régional ; mais au regard de la carte des régions françaises, il aura selon moi bien du mal à le faire !

Ainsi que vient de le montrer Michel Ménard avec talent, au lieu de diminuer le nombre d’élus par souci d’économies, comme vous voudriez le faire croire, il y a une inflation du nombre de mandats : tel est pris qui croyait prendre ! C’est l’histoire de l’arroseur arrosé.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à la création des conseillers territoriaux ; mais, rassurez-vous, avant 2014 il y aura 2012, et nous mettrons bon ordre à tout cela. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Guy Lefrand. Il ne faut jamais être trop sûr de soi !

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Je me suis déjà exprimé à diverses reprises sur la création du conseiller territorial ; je veux revenir sur les difficultés que soulève le texte.

Difficultés constitutionnelles, d’abord, avec la question de la tutelle d’une collectivité sur une autre. L’article 1 er , qui modifie l’article 4131-1 du code général des collectivités territoriales, prévoit ainsi que « [le conseil régional] est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux […] ». Les différentes analyses juridiques consacrées au sujet expliquent que c’est l’élection au suffrage universel direct, en 1985, qui a donné naissance à la région en tant que collectivité territoriale. Le juge constitutionnel, je pense, tiendra compte de cette histoire : revenir à un système qui transforme les conseillers généraux en conseillers régionaux, moyennant un changement de nom, ne trompe personne.

Je ne reviens ni sur la parité ni sur la perte considérable à prévoir en termes de diversité. Sur l’aspect juridique, l’administration centrale s’est-elle avisée que l’article 4111-2 du code général des collectivités territoriales donne la possibilité aux collectivités, et notamment aux régions, de passer des conventions avec l’État ou avec d’autres collectivités ? Que se passera-t-il si la région signe des conventions avec le département, bref, si elle signe ces conventions avec des élus qui sont eux-mêmes conseillers régionaux ?

M. Jean-Pierre Balligand. Eh oui ! Les élus seront juges et parties !

M. Alain Rousset. C’est là un embrouillamini juridique, un conflit d’intérêts majeur. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – « Si ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Charles de La Verpillière. Ce sont les exécutifs qui signent !

M. Alain Rousset. Une telle situation n’est pas possible aujourd’hui, dès lors que les deux élections sont bien distinctes.

Je ne reviens pas non plus sur l’incroyable question des cumuls, et je gage d’ailleurs que le Conseil constitutionnel, saisi par nos soins, trouvera à y redire, même en l’absence d’une vision globale de la réforme, dont c’est d’ailleurs toute l’incohérence : le texte ne dit rien sur la répartition des compétences ou le cumul, même si, sur ce dernier point, les choses avancent par ailleurs.

Sur l’aspect politique, je ne porte évidemment aucun jugement de valeur sur les conseillers généraux. Quand on est élu d’un territoire, on le défend. Le débat, dans notre assemblée, ne se pose certes pas en ces termes : nous écrivons une loi générale. Mais lorsqu’il s’agira de subventionner un lycée ou un collège, une crèche ou une maison de retraite, une salle polyvalente ou une piscine, les enjeux seront tout à fait différents. Vous avez d’ailleurs vous-même modifié le texte sur le domaine de la culture. Je pense aussi à l’article selon lequel la région ou le département traitent des affaires dans l’intérêt général du territoire concerné ; bref, on voit bien que tout est dans tout, et réciproquement. Or la clause générale de compétences n’est pas supprimée. Je ne dis pas que je souhaite qu’elle le soit, mais la logique de votre texte aurait dû vous conduire dans cette voie, faute de quoi c’est la protection de la région qui disparaît : on n’inaugure pas un pôle de compétitivité, une innovation ou une recherche !

M. François Sauvadet. Si !

M. Alain Rousset. Peut-être au Nouveau Centre… (Rires sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes NC et UMP.) Le Nouveau Centre a une grande capacité d’inauguration ! (Sourires.)

Prenons le cas de la formation : cette compétence n’a pas la même visibilité que l’acte d’inauguration par lequel on coupe un ruban dans une salle polyvalente, et ce n’est pas faire injure aux conseillers généraux que de le dire – j’ai d’ailleurs été moi-même conseiller général. On voit comment les choses vont se passer : c’est le retour à l’établissement public régional. Alors que la France a besoin de toutes les énergies pour l’innovation, la modernisation des entreprises, la formation des salariés et des chômeurs – comme le demandait M. Wauquiez –, les arbitrages, dans un cadre budgétaire contraint, seront vite rendus.

L’évolution des conseils régionaux, la modification progressive de leur composition, la quasi-disparition des conseils généraux en leur sein, ont profondément transformé les politiques régionales : alors qu’elles coïncidaient avec celles des départements, elles sont devenues complètement différentes. C’est ce modèle démocratique de décentralisation à la française, fruit d’une longue évolution, que vous allez casser. Il s’agit en effet, pour le coup, d’une vraie rupture. Mais de quoi la France a-t-elle besoin aujourd’hui ? De marcher sur ses deux pieds ; en d’autres termes, d’une collectivité, le département, qui travaille avec les communes et les intercommunalités sur les problèmes d’équipement et de solidarité, et d’une autre qui travaille plutôt sur le long terme en partageant un certain nombre de compétences avec l’État et l’Union européenne. C’est ce modèle que vous mettez en cause.

Ce texte mal ficelé, préparé à la hâte, nous entraînera non seulement dans une longue bataille juridique, mais aussi dans une régression des conseils régionaux. Il serait temps de revenir à plus de sagesse, et de réfléchir à une véritable répartition des compétences. Chacun y est prêt : lançons le troisième acte de la décentralisation ! Ne nous exposons pas à la même déception que Jean-Pierre Raffarin, qui voulait faire enfin entrer notre pays dans l’ère des régions sans mettre en cause les départements, mais a finalement fait voter un texte départementaliste. Le texte dont nous débattons semble promis au même avenir.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Le conseiller territorial est le symbole, et peut-être même le seul objectif de la réforme : cet élu un peu hybride sera partagé entre deux collectivités, et ses compétences seront mal définies. En outre, il sera possible de mettre en œuvre des schémas d’organisation de compétences et de mutualisation des services, ce qui accroîtra encore la complexité des liens entre le département et la région. Le résultat est connu d’avance : des élus trop nombreux au niveau régional, sous l’influence de l’administration et finalement mis sous tutelle de celle-ci, dont les services les accompagneront et les piloteront, compte tenu de la complexité que j’évoquais.

Jean-Pierre Balligand, auquel M. le secrétaire d’État n’a que partiellement répondu à l’issue de la discussion générale, observait qu’il s’agissait d’un texte ni de dévolution, ni de rencentralisation, mais d’affaiblissement des politiques publiques sur les territoires. Il fallait le préciser de nouveau, car c’est là l’une des raisons de notre opposition au conseiller territorial.

Je veux également revenir sur trois points, en commençant par la parité. Les arguments précédemment développés étaient, me semble-t-il, complets ; mais je tiens seulement à dire à M. le secrétaire d’État à l’intérieur, qui tout à l’heure brandissait la fameuse proposition de loi Brunel, que ce texte a en effet été déposé le 20 mai et mis en ligne le lendemain. Mais il n’a pas encore été distribué, et, en tout état de cause, il n’était pas déposé le 12 mai, lorsque la commission a adopté l’amendement intégré au texte qui nous est aujourd’hui soumis, amendement qui renvoyait donc, à cette époque, à une proposition de loi qui n’existait pas encore. Même si celle-ci a été déposée depuis, j’ai en tête les propos d’une députée de votre bord qui y avait eu accès et la qualifiait d’usine à gaz, la jugeant inefficace pour faciliter l’accès des femmes aux mandats électifs.

Deuxième point : l’égalité des suffrages. En commission, le Gouvernement a indiqué que cette question ne pouvait être fixée au niveau national, d’où les écarts importants entre le nombre d’électeurs selon la région d’élection des conseillers territoriaux ; ainsi, certains d’entre eux, à Paris ou dans les Yvelines, représenteront 40 000 habitants, et d’autres, dans le Cantal – exemple choisi au hasard –, seulement 7 000, ce qui favorisera peut-être la proximité. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

S’agissant des régions elles-mêmes, on nous a dit que nous serions dans un tunnel de 80 à 120. C’est effectivement le cas en Rhône-Alpes, avec un conseiller territorial pour 16 000 habitants en Ardèche et un conseiller territorial pour 24 000 habitants dans le Rhône. Je considère tout d’abord que c’est une mauvaise manière faite au ministre et au rapporteur. Surtout, entre 16 000 et 24 000, l’écart est non pas de 20 %, mais de 50 %. C’est ainsi que nous parvenons à une véritable disparité des poids démographiques respectifs des différents conseillers territoriaux et que l’on remet en cause l’égalité des suffrages.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, nous souhaitons que cet article soit supprimé. En tout cas, nous nous opposerons à son adoption.

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle. Nous ne pouvons que nous opposer fortement à ce qui apparaît comme un élément de restructuration, de réforme de notre vie locale, de l’organisation des collectivités locales de notre République.

Derrière ce débat se cachent deux conceptions différentes de la République : celle de la gauche et celle de la droite. Leur confrontation est aujourd’hui dramatique car nous avons conscience – si nos peuples n’en ont pas conscience, du moins le comprennent-ils davantage chaque jour – du fait que la crise que traverse le monde est imposée par des puissances financières internationales et mondiales qui font fi de la souveraineté nationale qui, selon notre Constitution, « appartient au peuple ». Les forces de l’argent bafouent les conquêtes dont les Français se glorifiaient depuis la grande Révolution.

Ce préambule n’est pas sans rapport avec l’objet de notre discussion. Il s’agit de voir quelle réponse peut être opposée, d’en bas, à cette chape de plomb qui nous est imposée par le haut avec la mondialisation. Députés de la nation, nous sommes les témoins de la demande, parfois très émouvante, exprimée par notre peuple. Devant une société qui se déshumanise, les gens ont besoin de démocratie, et de démocratie de proximité. Quand la démocratie nationale est affaiblie, c’est la démocratie de proximité qui peut la renforcer et offrir une réponse.

Je parlais de philosophies politiques différentes de la droite et de la gauche.

M. François Sauvadet. Et le centre, alors ?

M. Michel Vauzelle. On voit bien, en effet, que, dans la période que nous traversons, la réponse du Gouvernement ou, du moins, le souhait du Président de la République est l’affaiblissement, sinon la disparition de la démocratie de proximité, au moyen de la suppression de fait, sinon de droit, des conseils régionaux et des conseils généraux. Que sera, demain, une assemblée dont les membres ne sont pas précisément élus pour y siéger, conformément à l’esprit de l’article 72 de la Constitution ?

Notre peuple a soif d’humanité. Je pense que vous le ressentez aussi bien à droite, mes chers collègues, que nous le ressentons à gauche. Notre peuple ne veut pas avoir en face de lui des bornes, des machines, des écrans de télévision ou des sites internet.

Or la suppression des administrations de proximité et des services publics, c’est la suppression de personnes humaines, de fonctionnaires qui répondent à d’autres personnes humaines. Je pense aux plus faibles de notre société, aux personnes âgées, qui perdent leurs repères humains, ou aux adolescents, qui les perdent aussi. On ne palliera pas au manque d’enseignants en mettant un policier dans les lycées ou dans les collèges.

Ce sont les services publics de proximité qui permettront de remédier à ce manque croissant d’humanité. Or c’est la même philosophie politique de la droite qui supprime les services publics de proximité pour des raisons financières et qui supprime, aujourd’hui, pour les mêmes raisons financières, les élus locaux de proximité.

Où est le souci de démocratie dans cette politique qui conduit à déshumaniser la société ? Que devient, dans ces conditions, la France, dont les valeurs républicaines étaient essentiellement fondées sur le respect de la personne humaine, sur la fraternité, sur la solidarité ? Quelle est sa réponse et quelle est la réponse de l’Union européenne à la crise mondiale et à la souveraineté financière des grandes sociétés internationales ?

Il nous appartient d’y répondre. Il appartient au Parlement de parler de ce profond malaise de la société qui voit que seuls les riches, aujourd’hui, pourront s’en tirer, tant en matière de santé, dite, jusqu’à aujourd’hui, « santé publique », qu’en matière d’éducation, dite, jusqu’à aujourd’hui « éducation nationale », ou qu’en matière de collectivités territoriales. On le voit bien dans tous les pays du monde : la marche vers la démocratie commence par la démocratie locale.

Chez nos voisins, par exemple en Italie, il n’y a pas de millefeuille. Il y a pourtant des communes, des départements, appelés provinces, et des régions beaucoup plus puissantes que chez nous. De même, il n’y a pas de millefeuille en Espagne, il y a des communes, des départements, les diputaciones , et des régions beaucoup plus puissantes que chez nous.

Nous ne voulons pas toucher à l’unité et à l’indivisibilité de la République, et nous ne suivrons pas l’exemple de certaines régions italiennes ou espagnoles. Nous voulons que la France garde son unité. Cependant, préserver l’unité de la patrie n’interdit pas d’instaurer de manière correcte et respectueuse des citoyens une organisation qui soit lisible, avec des assemblées qui, selon l’esprit de l’article 72 de la Constitution, soient élues à l’effet soit – je pense aux départements – de gérer dans la proximité avec les communes les problèmes sociaux de proximité, soit – je pense aux régions – d’être à la tête d’un espace suffisant et pertinent, par l’effectif de sa population et la superficie de son territoire, pour mener une politique démocratique d’aménagement du territoire. Ceux d’entre vous qui connaissent l’action des conseils régionaux savent bien que leurs préoccupations sont bien différentes de celles des conseils généraux ; je le sais pour avoir été conseiller général.

Naturellement, les conseillers régionaux peuvent être les interlocuteurs de l’État. C’est le cas avec les contrats État-région. De même, ils sont les interlocuteurs des élus locaux, les défenseurs de la ruralité, grâce à quoi toute la richesse de leurs régions respectives n’est pas captée par une métropole qui fera le désert autour d’elle, comme c’est le cas dans les grands régimes ultra-libéraux étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je défends ici la ruralité. Je défends ici les quartiers en difficulté. Je défends ici les services publics de proximité.

Mme Valérie Rosso-Debord. Quel galimatias !

M. Robert Lecou. C’est tout et son contraire !

M. Michel Vauzelle. Je défends ici les élus de proximité, de façon à ce qu’ils soient bien identifiés et à ce que le peuple soit bien respecté à un moment où il a soif de démocratie de proximité et où vous remettez en cause les principes mêmes de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. Avec Vauzelle c’est Noël !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Il n’y a pas grand-chose à ajouter à ce qu’a dit M. Vauzelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je voudrais revenir à l’article en discussion, article-clé du projet de loi. Il va bouleverser notre modèle de décentralisation tel qu’il avait été défini – il faut tout de même le rappeler – par les lois Defferre de 1982, et qui était l’objet d’un large consensus de la classe politique.

Sous le prétexte de simplifier le millefeuille administratif, il organise la confusion entre les conseils généraux et les conseils régionaux. Créant le conseiller territorial, il met à bas tout l’édifice politico-administratif hérité de notre histoire. Les lois de 1982 et 1983 revivifiaient la démocratie locale au détriment du pouvoir préfectoral. Aujourd’hui, c’est cette démocratie locale qui est en cause.

Le conseiller territorial sera censé s’occuper des dossiers départementaux comme des dossiers régionaux et défendre les intérêts des départements auprès des régions. Or, aujourd’hui, compte tenu de la complexité et de la technicité des dossiers, et de l’exigence de proximité de nos concitoyens, la mission du conseiller territorial sera une mission impossible. Deux jours à la région, deux jours au département, et n’oublions pas les différents organismes et les différentes instances dans lesquels conseillers généraux et conseillers régionaux représentent leurs collectivités ! Quel temps leur restera-t-il pour l’exercice d’une activité professionnelle ? On assistera à une professionnalisation de la politique.

Le Gouvernement prétend créer le conseiller territorial pour des raisons d’économie. Je vous le demande : quand on connaît le faible coût des élus locaux, en quoi ce texte permettra-t-il de réaliser des économies ? Avec ce texte et la création du conseiller territorial, le Gouvernement sera sûrement contraint d’augmenter les indemnités des élus, le cumul des mandats entraînant d’ailleurs cumul d’indemnités. Les suppléants devront être indemnisés. Il faudra aussi agrandir les hémicycles des conseils régionaux. Par exemple, le nombre des élus de la région Midi-Pyrénées sera quasiment multiplié par trois, passant de 91 à 255. Où pourront donc se tenir les réunions ?

Le Gouvernement prétend aussi vouloir instaurer davantage de cohérence dans la gestion des territoires. En quoi les départements et les régions seront-ils mieux gérés par des conseillers qui ne pourront pas siéger dans les deux assemblées à la fois ?

En réalité, la création du conseiller territorial privera un échelon d’un débat démocratique, ira à l’encontre de la clarification des compétences et conduira de facto à la disparition des politiques régionales d’investissement à long terme, d’innovation et d’aménagement du territoire, ainsi qu’à un recul catastrophique en termes de parité et de diversité. En outre, elle accentuera le phénomène de professionnalisation de la politique.

Ce sont les collectivités territoriales, notamment l’institution régionale, qui seront extrêmement affaiblies par la création de ce conseiller territorial. Nous en reviendrons à la situation qui prévalait avant 1982, avec, de surcroît, le désengagement financier de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Le conseiller territorial est une invention politicienne, cynique, incongrue et inutile. Le Président de la République a voulu en faire le marqueur de votre réforme, avec une petite idée derrière la tête : jouer sur le sentiment de défiance vis-à-vis des élus, empreint de populisme, pour faire passer cette réforme mal ficelée, inapplicable et qui sera déclarée anticonstitutionnelle. C’est à la fois réducteur, révélateur et provocateur.

C’est tout d’abord réducteur, car cela ne devrait pas être le vaisseau amiral de votre réforme, tant certaines choses sont néfastes pour l’aménagement du territoire.

C’est également révélateur de votre esprit de classe. Ce machin est inventé pour contourner le résultat des élections de 2004 et de 2008. Je vous pose la question : si l’UMP avait gardé la majorité dans les assemblées des départements et des régions de France, cette réforme aurait-elle vu le jour ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Bien sûr que non !

Concernant toujours cet esprit de caste, lorsque nous parlons avec des députés du groupe UMP – cela nous arrive ! (Sourires) –, ils tentent de justifier la création des conseillers territoriaux par le fait qu’il y aurait des hiatus ou des incohérences et peut-être des traitements de dossiers qui seraient plus politiques que techniques. Je vais vous rafraîchir la mémoire. Les élus de gauche ont passé de longues années dans les minorités des conseils généraux ; aussi, vous n’avez pas de leçons à nous donner sur ce sujet !

Les temps changent. Cela étant, sous la houlette de l’ancien président de droite du conseil régional de Midi-Pyrénées, M. Marc Censi, les collectivités de gauche n’ont eu aucune difficulté à obtenir le financement des contrats de terroirs.

M. Robert Lecou. Ce n’est pas partout pareil !

M. Henri Nayrou. Aujourd’hui, les collectivités de droite n’ont pas plus de difficulté à obtenir du président Malvy le financement des pôles touristiques.

M. Martial Saddier. Ce n’est pas le cas partout !

M. Henri Nayrou. Vous estimez qu’il faudrait arrimer les conseillers régionaux à leur territoire. On ne règle pas un problème en en créant un autre !

Ce texte est provocateur, car vous allez vous lancer dans une fusion contre nature des deux conseils et des deux mandats, l’un tourné vers la stratégie et le développement, l’autre vers la solidarité et la proximité.

Vous faites aussi courir le risque à nos territoires ruraux de leur enlever toute représentativité significative – je n’ai pas dit « déterminante » – et vous allez provoquer la désertification de zones qui commençaient à redevenir attractives.

M. Michel Ménard. Écoutez la voix de la sagesse, monsieur le ministre !

M. Henri Nayrou. Provocatrice également l’opération qui visait, paraît-il, à diviser par deux le nombre d’élus. Le résultat, ce soir, est le suivant : à peine 500 élus départementaux de moins sur tout le territoire ; quant aux élus régionaux, multipliés par deux, ils passeraient de 1 757 à 3 471.

Mme Valérie Rosso-Debord. Ce sont les mêmes !

M. Henri Nayrou. J’emploie le conditionnel parce qu’il reste encore quelques obstacles à franchir.

Pour terminer, je voudrais vous rappeler la proposition numéro 5 que l’ANEM a faite en février 2009 au sortir de la remarquable audition que nous avait consentie M. Édouard Balladur. L’ANEM proposait de reconnaître la vocation de trois blocs d'intervenants, essentiels pour les collectivités de montagne et de la ruralité : communes, intercommunalités-départements pour la gestion et les projets de proximité ; régions et État pour les actions stratégiques de développement ; régions et État-Union européenne pour les programmes opérationnels des fonds structurels européens.

Au lieu de jumeler régions et départements et les mandats respectifs des uns et des autres, je vous ai proposé ce matin de commencer par créer les fondations d’une organisation territoriale, qui peut toujours être améliorée, en superposant les cantons et les intercommunalités, et en allant peu à peu, dans un deuxième temps, vers la fusion des mandats de conseiller général et de délégué intercommunal. J’ai eu à cet égard l’occasion de poser des devinettes à quelques députés UMP. Par exemple, vous avez trois collectivités : région, département, intercommunalité. Vous devez en marier deux. Lesquelles choisissez-vous ? Tous m’ont répondu, bien sûr, le département et l’intercommunalité.

Vous voulez jouer au plus fin, mais vous allez perdre. Si nous nous souvenons de 1986, de votre côté, vous vous souviendrez de 2010 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron.

Mme Valérie Fourneyron. Plus de mandats, mais moins de femmes : la question de la parité a déjà été largement abordée, mais j’y reviens parce que les réponses du Gouvernement sont tout, sauf satisfaisantes.

Si je fais la synthèse de ce qui a été dit par M. Hortefeux et M. Marleix, de quoi nous plaignons-nous ? À les écouter, en effet, la régression majeure que la création du conseiller territorial fera subir à la parité dans les assemblées locales est largement compensée. Nous voilà sommées de nous réjouir que des scrutins de liste paritaire s’appliqueront désormais aux communes de plus de 500 habitants, et non plus de 3 500, comme c’est le cas aujourd’hui. Dont acte. En outre, je cite M. Marleix : « Sur la base des simulations effectuées, notamment à partir des résultats des dernières élections régionales, le mode de scrutin envisagé pour le conseiller territorial aurait ainsi donné plus de sièges aux petites formations, tout en assurant un minimum de parité entre les élus, largement au-dessus de 20%. » Largement au-dessus de 20% : c’est trop d’honneur, monsieur le ministre ! Je vous rappelle que le « minimum de parité », cela n’existe pas et qu’aujourd’hui, la définition de la parité, c’est l’égalité entre les personnes. Il semble qu’en la matière, certains soient plus égaux que d’autres, en tout cas que certaines soient moins égales que certains…

En vérité, le conseiller territorial qui figure à l’article 1 er A est le croque-mort de la parité, tant au niveau départemental que régional. Vous ne savez pas comment vous dépêtrer de cette affaire et vous préférez esquiver la question, comme M. Marleix il y a peu, la vraie question qui est celle du respect de la Constitution. Votre texte ne favorise pas l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats électifs. Il fera chuter la proportion des femmes dans les assemblées locales, comme l’a très bien dit M. Grand tout à l’heure.

Vous vous êtes d’ailleurs bien gardé d’insister sur les conséquences dans les études d’impact portant sur le texte de votre prétendue réforme. Car l’étude d’impact du présent texte ne dit pas un mot des conséquences sur la parité ! Quant à celle portant sur le texte du mode d’élection des conseillers territoriaux, elle n’évoque la parité que pour se réjouir de cette évolution des seuils sur les listes, j’allais dire « dans les élections communales ». Les projections sont unanimes sur les conséquences de ce mode d’élection des conseillers territoriaux. D’ailleurs, vous les reconnaissez vous-même !

Vous avez trouvé une dernière parade : la proposition de loi de notre collègue Chantal Brunel, proposition qui n’est toujours pas à la distribution. Vous nous la servez à toutes les sauces pour évacuer le sujet de fond, mais elle ne vous protège en rien de la censure du Conseil constitutionnel. En outre, nous n’avons aujourd’hui aucune idée de l’impact que pourrait avoir cette proposition de loi si d’aventure elle était inscrite à l’ordre du jour, voire adoptée en l’état et appliquée.

Vos déclarations successives sont d’une hypocrisie pour le moins étonnante. J’ai posé une question à M. Hortefeux, qui m’a répondu : « N’essayez pas de faire croire aux Français que ce texte entraînerait une régression sur un sujet aussi essentiel que celui de la parité ! » On m’avait alors assuré que la réciprocité du genre entre titulaire et suppléant était une garantie suffisante. Je ne sais pas de qui l’on se moque, mais c’est une véritable honte de réagir ainsi !

Dix ans après la loi du 6 juin 2000, qui a permis d’améliorer la représentation des femmes au sein de toutes les assemblées élues au scrutin de liste, vous ne trouvez rien de mieux dans ce texte que de porter un très mauvais coup à la parité, afin de mieux servir vos calculs électoralistes. La France a été l’un des derniers pays d’Europe à accorder le droit de vote aux femmes. Mme Guigou a rappelé combien nous étions mal classés au plan international pour ce qui est de la place des femmes dans la vie politique. Nous arrivons en effet après le Rwanda, l’Afrique du Sud ou Cuba. Il y a quelques jours, une loi a institué la parité absolue dans les élections législatives au Sénégal, avec 50% d’hommes et 50% de femmes en 2012. Nous en sommes encore très loin, et, avec ce texte, vous allez nous éloigner encore plus de la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. En un mot comme en mille, nous sommes contre la création du mandat de conseiller territorial, vous l’avez compris.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Jusque-là, ça va, on a compris !

M. Victorin Lurel. Les collègues qui m’ont précédé l’ont exprimé avec suffisamment de clarté et l’ont dit, si j’ose m’exprimer ainsi, en lettres de feu ! Je le répète, nous sommes contre. Et nous avons pris des engagements pour revenir sur ce mauvais texte et cette mauvaise création qui est une sorte de « zinzin » bizarroïde, une hybridation des fonctions du conseiller général et du conseiller régional.

Aux motifs qui ont déjà été évoqués, j’ajouterai la situation curieuse que vous faites à l’outre-mer, et singulièrement à la Réunion et à la Guadeloupe. Permettez-moi de vous raconter une histoire brève, mais édifiante.

Pendant des siècles, avec une intensité plus forte au cours des dernières décennies, toutes les populations des outre-mers ont évolué entre un rattachement fort à la République et une velléité d’indépendance ou d’émancipation. Dans l’histoire des outre-mers, que ce soit chez moi en Guadeloupe, ou en Martinique, en Guyane, à la Réunion – et je ne parle pas de la Nouvelle-Calédonie ni des autres îles –, la vie politique a été rythmée par deux extrêmes : un conservatisme assez frileux et la tentation de s’émanciper. Chaque élection est rythmée par ces deux pôles.

Pour répondre à cela, en 2003, il n’y a pas si longtemps – je venais moi-même d’être élu –, la Constitution a été révisée. Pour lutter contre les tentatives de largage, contre l’esprit cartiériste qui existe en métropole, et aussi contre les velléités indépendantistes, on a inscrit nommément, dans le texte même de la Constitution, toutes les collectivités d’outre-mer françaises. Tous les noms y figurent : la Guadeloupe, la Martinique, Wallis-et-Futuna, etc.

On a également répondu à une autre exigence. L’histoire fluctue et les gens veulent nécessairement évoluer et moderniser leurs institutions, avoir la meilleure gouvernance possible, en tout cas la moins mauvaise. Aussi a-t-on permis dans la Constitution un certain « évolutionnisme ». Or le texte dit que « la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer » – on supprime le département et la région et on crée une collectivité sui generis – « ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli (…) le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ». L’assemblée unique délibérante est un peu à l’image de la ville de Paris, qui cumule les fonctions et les compétences du conseil général et d’une commune, avec un exécutif unique. Bertrand Delanoë n’est pas seulement maire, il est aussi président de conseil général.

Pour répondre à cette exigence constitutionnelle, vous proposez la rédaction suivante : « Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région ». C’est là qu’on voit la nature et la philosophie même de votre texte, et qui nous oppose fondamentalement. Pour notre part, nous souhaitons une démocratie territoriale et citoyenne épanouie, ainsi que l’a excellemment exposé Michel Vauzelle.

Dans le territoire qui me concerne, le nombre d’élus va passer de 81 à 38, à la Réunion il passera de 94 à 43. Il y aura donc une réduction drastique du nombre d’élus. C'est une loufoquerie institutionnelle ! On en revient à ce qui a existé à partir de 1972, l’EPR, l’établissement public régional, à la différence que ceux qui y siégeaient étaient nommés par le conseil général et non élus par les citoyens. Il s’agit donc d’une régression démocratique.

La Guadeloupe est une région monodépartementale. Aussi faudrait-il rédiger, pour ce qui nous concerne, l’article 1 er de la façon suivante : « Il est composé de conseillers territoriaux qui siègent dans le conseil général du département faisant partie de la région ». Vous instaurez donc une confusion qui constitue l’essence même de votre texte. Votre projet est donc anticonstitutionnel. Et c’est l’un des arguments phares que nous emploierons dans le différé que nous ne manquerons pas de faire sur ce mauvais texte.

Par ailleurs, vous supprimez allégrement l’obligation d’une consultation de type référendaire, cette consultation populaire qui permet de recueillir au préalable le consentement des populations. M. Marleix vient de faire une ouverture en proposant de revoir le nombre d’élus, mais il était quelque peu gêné. Je rappelle qu’il y a eu, l’année dernière, en Guadeloupe, quarante-quatre jours de mouvements sociaux importants. Le Président de la République est venu après le congrès des élus départementaux et régionaux – cette disposition est issue de la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000 – destiné à régler les problèmes institutionnels. Ce congrès traite tous les sujets, y compris les problèmes économiques. Et je puis vous dire qu’il n’y a pas de concurrence entre le département et la région ; il y a tout au plus une émulation. Au cours de ce congrès, en juin 2009, nous avons décidé de nous donner dix-huit mois pour présenter un projet pour la Guadeloupe, à la différence de nos amis Martiniquais et Guyanais, compte tenu de l’état de l’opinion publique guadeloupéenne – en 2003 déjà, les électeurs guadeloupéens avaient rejeté, à 75 %, le projet de création d’une assemblée unique. Après acceptation du Président de la République, nous avons donc jusqu’au 26 janvier 2011 pour statuer sur la situation guadeloupéenne.

Je n’évoquerai pas la situation de l’île de la Réunion qui a refusé dans le texte de la Constitution un certain nombre de prérogatives – en la matière, je crois que vous aurez encore plus de problèmes, y compris avec votre propre majorité. Je reviens de Bruxelles où tous les présidents de régions ultrapériphériques étaient réunis. J’ai discuté avec mon collègue Didier Robert qui siège sur les bancs de la majorité et qui m’a dit ne pas arriver à expliquer à ses amis du Gouvernement que le présent projet ne passera pas à l’île de La Réunion. Comment pouvez-vous soumettre un tel texte sans consulter préalablement les populations ?

Monsieur le ministre, la réponse que vous avez donnée n’est pas satisfaisante, pour ne pas dire qu’elle est fausse. Vous prétendez que la création d’une assemblée unique par une même élection ne commande pas la consultation préalable des populations. Mais vous avez tort. Vous devrez consulter les populations. C’est la raison pour laquelle je vous demande d’accepter l’amendement qui vise à exclure du champ d’application de l’article 1 er la Guadeloupe et l’île de la Réunion. Vous avez déclaré que le Conseil d’État avait donné un avis favorable, mais vous vous trompez, car le texte qui lui a été soumis ne comportait pas cette rédaction.

Le Sénat a rejeté un projet d’ordonnance. Aujourd’hui, vous êtes dans une impasse. Tel qu’il est rédigé actuellement, votre texte est anticonstitutionnel et nous le combattrons jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Monsieur le président, je serai bref puisque le temps commence à nous être compté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hortefeux nous a indiqué que sa réforme visait à simplifier, clarifier, rationaliser et économiser. Or nous avons déjà démontré que ce que vous nous proposez aujourd’hui ne sera jamais aussi simple que cela, ni aussi clair, ni rationalisé.

J’en viens aux économies que ce texte doit permettre de réaliser. Vous deviez supprimer la moitié des élus. Or vous n’en supprimez plus que 30 %. Dans la région Midi-Pyrénées, 155 élus seront situés à plus de 150 kilomètres de l’hôtel de région. Vous devrez donc prendre en charge, outre le nouveau statut de l’élu, les frais de déplacement qui sont contraires au Grenelle de l’environnement et à la taxe carbone, et qui seront colossaux.

Par exemple, on compte 174 kilomètres entre Gap et Marseille, 204 entre Nice et Marseille, 197 entre Pau et Bordeaux, 243 entre Brest et Rennes, 140 entre Annecy et Lyon, 160 à 180 kilomètres entre Rodez et Toulouse. Voilà des frais de déplacement que vous devrez assumer.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Jacques Valax. Je me demande même si, sur ce point particulier, le texte ne serait pas contraire à l’article 40 puisque vous créez des dépenses nouvelles pour lesquelles vous n’avez prévu aucune recette correspondante.

M. Alain Cacheux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Soyez bref !

M. Jean-Pierre Balligand. Je le serai !

Comme je doute avoir été entendu dans la discussion générale, je ferai quelques remarques. Mon premier point, développé par M. Rousset, concerne les conflits d’intérêt qui verront inévitablement le jour, l’article 35 ne réglant pas la question de la clause de compétence générale. Imaginons que siègent, au sein du conseil régional, des présidents de conseils généraux, et des vice-présidents chargés par exemple de la voirie. La région n’a pas compétence en matière de route. Supposons qu’un conseil général qui rencontre des problèmes de financement demande un contrat particulier – il en existe déjà beaucoup puisque l’État nous demande régulièrement de financer, dans nos conseils généraux et régionaux, les routes nationales. Comme la clause de compétence générale n’est pas supprimée, nous risquons d’avoir des demandes de contrats particuliers qui seront élaborés et signés entre des conseillers territoriaux siégeant dans la même assemblée et remplissant les mêmes fonctions. Expliquez-moi comment il n’y aura pas de conflit d’intérêts sur le dos d’une collectivité territoriale.

Ma seconde remarque concerne le conseiller territorial en tant que tel. Mes chers collègues, ceux qui ont été conseiller général ou régional, quel que soit le banc sur lequel ils siègent, savent que ce n’est pas la même chose. Il y a, d’un côté, un élu de proximité qui gère des compétences de proximité, en particulier en matière sociale ; de l’autre, un élu faisant des clusters , du capital-risque, ou de la recherche-développement, ce qui nécessite de s’émanciper du localisme. Ce n’est pas une insulte que j’adresse aux futurs conseillers territoriaux, mais l’on sait bien que c'est le périmètre d’élection qui déterminera l’attitude que l’on aura dans les assemblées. De ce point de vue, vous allez introduire une confusion parce que c’est le mode de scrutin et le périmètre d’élection qui, bien évidemment, feront qu’on tirera vers le niveau local les compétences de la région.

M. Jean-Pierre Grand. C’est évident !

M. Jean-Pierre Balligand. Or, la région a besoin d’être émancipée et renforcée. Comme certains de mes collègues qui ne sont pas forcément de gauche, je considère que la région est encore trop faible, au niveau tant de ses compétences que de ses moyens. Et ce n’est pas en créant les conseillers territoriaux que vous élèverez les régions de notre pays et rendrez une compétitivité aux territoires français dans l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je souhaite expliquer l’hostilité des députés communistes, républicains et du parti de gauche au principe du conseiller territorial et donc à cet article. Cette institutionnalisation du cumul des fonctions de conseiller général et de conseiller régional ne répond à aucune demande, ni à celle des citoyens ni à celle des élus qui ne réclamaient pas ce changement. Vous nous avez expliqué que la création du conseiller territorial répondrait à l’objectif de réduire le nombre d’élus et le fameux millefeuille dont nous avons beaucoup parlé.

Sur la forme, je rappellerai que le coût global de la fonction politique des pouvoirs locaux ne représente que 1,2 % des charges de fonctionnement des collectivités territoriales, soit 28 millions d’euros sur une dépense publique locale de 220 milliards d’euros. L’argument des économies est donc un faux argument : le passage de 6 000 à 3 000 élus ne permettra aucune économie substantielle.

Sur le fond, la réduction du nombre d’élus signifie d’abord et avant tout un affaiblissement de la démocratie locale et de la proximité entre élus et citoyens. Les conseillers territoriaux, moins nombreux, auront deux fois plus de travail à accomplir. Leur charge se révélera plus complexe et le lien avec les citoyens ne pourra qu’être dilué. La professionnalisation deviendra la règle, comme l’a montré notre discussion sur le statut de l’élu.

En créant le cumul des fonctions départementales et régionales, le Gouvernement introduit de la confusion et des compétences croisées là où il prétend vouloir clarifier les différents niveaux de compétence.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

Mme Marie-Hélène Amiable. Ainsi, le nouvel élu devra voter dans deux assemblées différentes, parfois sur les mêmes questions, alors même que le travail desdites assemblées est censé être radicalement dissocié du fait de la nouvelle répartition des compétences.

M. Robert Lecou. Le système que nous proposons est très cohérent !

Mme Marie-Hélène Amiable. Pourquoi placer le même élu dans deux assemblées aux compétences dissociées et dont les cofinancements sont interdits ? La contradiction est éclatante.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Cela permet de vérifier les modes de financement !

Mme Marie-Hélène Amiable. L’article 1 er  A règle également la question du mode de scrutin. On se demande ce qu’il va advenir du texte validé en conseil des ministres, intitulé « projet relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale » et qui porte le n° 61 au Sénat, mais vous allez nous le dire.

En effet, c’était à l’occasion de son examen que la question du mode de scrutin devait être tranchée. Ce texte est désormais tombé aux oubliettes, et c’est par un amendement de dernière minute, en commission, que le Gouvernement a imposé le mode d’élection du conseiller territorial. On ne peut pas dire que ce procédé respecte le Parlement. Au moins, le Gouvernement ne pourra pas prétendre que la procédure choisie pour l’élection du conseiller territorial est le fruit d’une vaste concertation.

À elles toutes seules, ces questions procédurales suffiraient à justifier notre opposition à cet article.

Sur le fond, nous sommes favorables à un autre mode de scrutin : le mode proportionnel qui permet une représentation fidèle des populations. Scrutin de liste, il présente le double avantage démocratique de permettre le pluralisme et l’application du principe constitutionnel de parité.

Le scrutin uninominal, lui, vous le savez, favorise le bipartisme qui ne correspond pas à la tradition électorale de notre pays. De plus, comme l’a montré l’Observatoire de la parité auprès du Premier ministre, il est particulièrement défavorable à la présence des femmes dans les hémicycles locaux. Avec 20 % de l’effectif des futurs conseillers territoriaux, il s’agit d’un recul sans précédent pour la parité, un recul à cause duquel nous allons demeurer parmi les plus mauvais pays démocratiques de la planète. C’est inacceptable pour les femmes et pour les hommes – je l’espère – de ce pays.

Pour toutes ces raisons, nous défendons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je souhaite pour ma part revenir sur les quelques avantages que présente la création du conseiller territorial. Avant de les évoquer, je ferai quelques remarques de bon sens. Les députés de l’opposition nous ont expliqué depuis hier, au moins à cinquante reprises,…

M. François Pupponi. Et ce n’est pas fini !

M. Jacques Lamblin. …que les futurs conseillers territoriaux seraient débordés de travail. Or, actuellement, des gens sont déjà simultanément conseillers généraux et conseillers régionaux…

M. Alain Cacheux. Très peu !

M. Philippe Martin. Il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre !

M. Jacques Lamblin. …et ils s’en tirent très bien.

Je suis élu du département de Meurthe-et-Moselle. Le président du conseil général, l’un des vôtres, s’est présenté sur la liste du conseil régional où il a été élu.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ah, tiens !

M. Jacques Lamblin. Il réussit à être président du conseil général et conseiller régional.

M. François Pupponi. Très fort !

M. Jacques Lamblin. Il va y arriver ! Et s’il en est capable, d’autres y parviendront !

Quant à l’argument développé par M. Balligand sur la légitimité de l’élu par rapport à son périmètre d’action, que sommes-nous, pour notre part ? Des élus du territoire néanmoins capables, je pense, de prendre une certaine hauteur et de s’intéresser à autre chose qu’aux problèmes spécifiques de leur circonscription. Aussi cet argument de notre collègue Balligand ne me paraît-il pas avoir grand sens.

J’en viens aux avantages du conseiller territorial. Certains ont été largement évoqués et je ne m’y attarderai pas. Vous êtes vous-mêmes d’accord pour reconnaître le premier : l’élection uninominale « accroche » l’élu à son territoire, lui confère une légitimité que personne ne saurait lui contester.

Un autre avantage n’a pas été beaucoup évoqué mais n’en est pas moins réel : la représentation des secteurs ruraux, au sein du conseil régional, sera considérablement améliorée.

M. Philippe Martin. N’importe quoi !

M. Jacques Lamblin. Que se passe-t-il actuellement ? Quand on constitue les listes régionales, pour embellir le tableau, on ajoute quelques élus ruraux.

Mme Marie-Hélène Amiable. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Martin. C’est tout le contraire, monsieur Lamblin !

M. Jacques Lamblin. Dans les départements à forte démographie, les secteurs ruraux sont plutôt sous-représentés ou charitablement représentés.

M. Philippe Martin. À hauteur de 8 % seulement !

M. Jacques Lamblin. Or, dans le système que nous proposons, il y aura, par définition, un quota de secteurs ruraux.

M. Philippe Martin. Parlez plutôt de réserves d’Indiens !

M. Jacques Lamblin. Vous n’êtes évidemment pas obligés de partager mon avis.

M. Alain Rousset. Ce que vous dites est faux, les statistiques le montrent !

M. Jacques Lamblin. Le troisième avantage du conseiller territorial concerne la pluralité. Dans cet hémicycle, j’ai en face de moi des communistes et des Verts alors que nous sommes dans un système uninominal. Pourquoi ? Parce que, avant l’élection, des accords sont conclus entre partis politiques pour faire en sorte que les uns et les autres se soutiennent – avant l’élection, j’y insiste. Or avec le système proportionnel, nous l’avons constaté il y a quelques années, tous les arrangements sont possibles après l’élection pour organiser la façon dont on va gouverner. Souvenez-vous de ce qui s’est passé en 1998…

M. Alain Cacheux. Demandez-le à M. Sauvadet !

M. Jacques Lamblin. Peu importe, monsieur Cacheux, le problème n’est pas là.

Reste que la représentativité est bien plus transparente avec le système prévu par le texte.

Ultime avantage qui, je crois, n’a pas été mentionné : une assemblée de conseillers territoriaux comme celle-ci est une assemblée de vainqueurs ! Tous ceux qui y siègent ont gagné leur élection,…

M. Martial Saddier. Très juste !

M. Jacques Lamblin. …ils l’ont gagnée sur leur nom !

M. Martial Saddier. M. Lamblin a raison !

M. Jacques Lamblin. Cependant qu’un système proportionnel nous donne des vainqueurs furtifs. La seule victoire que certains ont obtenue est d’être parvenus à bien se placer sur la liste.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Jacques Lamblin. Je préfère une assemblée de vainqueurs éclatants à une assemblée de vainqueurs furtifs.

Le dernier point concerne le droit des femmes. C’est un gaulliste qui vous le rappelle : c’est tout de même le général de Gaulle qui, en 1945, a donné le droit de vote aux femmes.

M. Bernard Derosier. Cette mesure figurait dans le programme du conseil national de la Résistance !

M. Jacques Lamblin. Certes, et de Gaulle était quelque peu présent alors…

M. Bernard Derosier. Il n’était pas seul !

M. Jacques Lamblin. Bien sûr qu’il n’était pas seul. La France n’était pas seule. Vous oubliez pourquoi la France a donné si tard le droit de vote aux femmes. Pendant tout l’entre-deux-guerres, la gauche s’est furieusement opposée au droit de vote des femmes, supposées…

M. Bernard Derosier. Conservatrices, aux mains des curés, on sait !

M. Jacques Lamblin. …du côté de la religion et soupçonnées de voter à droite. J’y insiste : pendant vingt ou trente ans, la gauche s’est opposée au droit de vote des femmes. Vous ne sauriez nier ce fait historique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela ne vous fait pas plaisir mais c’est ainsi, c’est la vérité. C’était juste pour calmer le débat en fin de soirée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. Vous êtes ridicule !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je rappellerai à notre collègue que c’est sous le Front populaire que des femmes ont été ministres pour la première fois. Cela montre bien que la gauche ne nourrissait aucune hostilité à l’encontre des femmes, bien au contraire. Quand on se revendique du général de Gaulle, il faut retenir toute l’histoire, et pas seulement ce qui vous arrange, et en tirer certaines leçons.

Je ne reviendrai pas sur le mode de scrutin, déjà suffisamment évoqué, mais je m’attarderai sur la création du conseiller territorial, à l’origine de cette réforme. Vous êtes partis de l’idée insidieuse qu’il y avait trop d’élus et qu’il fallait donc en réduire le nombre. La fausse bonne idée émise par le Président de la République consista donc à souhaiter que les mêmes élus siègent dans deux assemblées. Vous avez laissé croire à l’opinion publique, qui n’y entend pas grand-chose sur les questions d’organisation territoriale, que les conseillers généraux et les conseillers régionaux allaient de facto fusionner. C’est du moins ce que tout le monde a compris.

Or quand nos concitoyens vont découvrir, pour la région Rhône-Alpes par exemple, que l’on passera de 157 conseillers régionaux à 296,…

M. Alain Cacheux. Ouh, là, là !

M. Jean-Louis Gagnaire. …je puis vous dire que ce sera une désagréable surprise.

M. Alain Cacheux. C’est plus que de l’inflation, c’est une inflation galopante !

M. Jean-Louis Gagnaire. Où donc allons-nous les mettre ? Il va probablement falloir agrandir le siège actuel, d’ailleurs en voie d’achèvement. Je proposerai peut-être, en fonction de l’état d’avancement de l’examen du texte, qu’on reste à Charbonnière-les-Bains où se trouve un casino, chacun pouvant dès lors y chercher son dû. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce débat a été tranché de façon nette par les électeurs.

J’ai eu la chance de siéger simultanément dans un conseil général et à la région.

M. Robert Lecou. Eh bien voilà !

M. Jean-Louis Gagnaire. Je l’ai été dans plusieurs configurations : en tant que membre de l’opposition ou en tant que membre de la majorité. Le problème réside d’ailleurs non pas dans la couleur politique des assemblées en question, mais dans le fait que nous nous heurtions très souvent et simultanément à des logiques très différentes.

Ce n’est pas leur faire insulte que de considérer que les conseillers généraux doivent inscrire leur action dans la proximité : pour les questions sociales, il faut une très grande proximité et il en va de même quand on gère les services de secours ou quand on s’occupe des collèges – je suis du reste de ceux qui pensent que lycées et collèges pourraient être gérés par une seule et même collectivité.

Or cette proximité n’incombe pas à la région dont je rappelle que les compétences se limitent au développement économique, à l’aménagement du territoire, à une certaine forme de planification des grandes infrastructures et à un système de solidarité entre les territoires et de péréquation au sein de la même région.

Je suis issu d’une région très contrastée, entre l’Est et l’Ouest, et pense qu’on peut aussi organiser de façon efficace des solidarités entre les territoires, certains se trouvant parfois en situation de déprise économique, d’autres restant très ruraux et d’autres encore, au contraire, se montrant très en avance sur certains points.

Je suis persuadé que le système d’hybridation que vous proposez présentera des inconvénients pour les deux types de collectivités : trop de proximité quand il s’agira de réfléchir à des stratégies de développement qui soient performantes ; trop d’éloignement quand il s’agira de gérer la proximité. Ce double inconvénient se traduira évidemment, et de manière presque immédiate, par des effets désastreux sur un certain nombre de politiques. C’est évident, ne serait-ce que parce que des assemblées aussi nombreuses, avec autant de conseillers territoriaux, seront ingérables. Je rappelle que notre région partenaire, la Catalogne, dont le budget doit être quinze ou vingt fois supérieur à celui de la région Rhône-Alpes, a une assemblée qui ne comporte que 110 ou 115 députés, ce qui montre bien que l’on peut gérer une collectivité aussi importante qu’une région sans avoir un nombre d’élus aussi élevé que celui que vous proposez. Nous étions parvenus à quelque chose d’acceptable, au fil des différentes lois qui ont défini les compétences des régions.

S’agissant des pôles de compétitivité, à trop vouloir aller dans le sens du localisme, on va forcément aboutir à des dérives qui sont celles auxquelles on a déjà assisté dans un certain nombre de cas, à tel point que certains pôles ont dû être déclassés par le Gouvernement parce qu’ils n’avaient aucune réalité. Quand on fait un pôle de compétitivité, il faut admettre que l’objectif n’est pas l’aménagement du territoire : il est de doper des secteurs dont on juge qu’ils représentent un enjeu.

Je rappelle, pour ceux qui ne le sauraient pas, que l’État finance l’essentiel des pôles de compétitivité. Ce fut une très heureuse surprise, parce que nous étions inquiets, au départ. Mais les collectivités territoriales, dans leur ensemble, financent les deux tiers de ce que paie l’État. Et les régions financent autant que toutes les autres collectivités territoriales réunies. Cela montre bien que les uns et les autres, nous ne sommes pas du tout sur le même champ. Cela n’a rien de déshonorant. Ce n’est pas forcément le rôle des conseils généraux que de s’investir dans ce champ des pôles de compétitivité ou des clusters , pas plus que dans le capital-risque, pas plus que dans les reprises et transmissions d’entreprises. Car dans tous ces cas, il s’agit de monter des outils financiers suffisamment puissants pour permettre une action significative.

Les effets désastreux pour la parité ont déjà été longuement décrits. Il n’y aura aucune économie possible, parce que le nombre de conseillers territoriaux va faire exploser le nombre d’élus dans les conseils régionaux. Il y a également beaucoup d’incertitudes en termes budgétaires.

Tout cela va aboutir à une hibernation. Je rappelle, pour ceux qui l’oublient un peu trop facilement, que 73 % des investissements publics dans notre pays sont réalisés par les collectivités territoriales. Dans cette grande confusion qui va résulter de l’adoption de la loi, je crois que, au moins jusqu’en 2014, c’est l’attentisme qui prévaudra. Quel conseil régional investira dans de nouveaux lycées s’il sait que, à terme, leur gestion sera transférée aux métropoles ? Quel conseil général construira de nouveaux collèges s’il sait que, à terme, il en sera dessaisi ? Dans cette grande confusion, qui générera beaucoup d’attentisme, nous vivrons une véritable hibernation.

Notre pays n’est pas suffisamment décentralisé, contrairement aux autres pays européens. Nous sommes vraiment à la traîne de l’Europe, très loin derrière des pays qui ne sont pas forcément fédéraux. Le Royaume-Uni n’est pas un État fédéral, et nous sommes très loin derrière lui, comme nous sommes très loin derrière l’Autriche. Nous sommes relégués au rang des petits pays, pour lesquels il n’y a évidemment aucune raison d’avoir une organisation aussi décentralisée que chez les plus grands.

Voici à quoi aboutira votre texte : de la confusion, aucune économie, et finalement la panne du pays.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 28 mai 2010, à une heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séancede l'Assemblée nationale,
Claude Azéma