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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 21 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances pour 2011 Première partie (suite)

Après l'article 5

Amendement no 11

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Amendements nos 243, 176, 493, 174, 410, 599, 390, 390

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 349, 252, 29

Article 6

Amendements nos 494, 522

Après l'article 6

Amendements nos 33, 502, 34, 501, 253, 257, 167, 32, 31, 282, 241, 492, 526, 348, 352, 239, 259, 405, 242, 549, 65, 64, 261, 412, 358, 361, 66, 30

Article 7

M. François de Rugy

Amendements nos 397, 452, 454, 35

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2011
Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 375 portant article additionnel après l’article 5.

Après l'article 5

M. le président. L’amendement n° 375 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n° 11.

M. Daniel Garrigue. Cet amendement a pour objet d’orienter une partie des sommes collectées au titre de l’assurance-vie vers les investissements dans les PME et les jeunes entreprises innovantes.

Plusieurs raisons justifient cette mesure. Ces entreprises ont toujours besoin de moyens pour se développer. De plus, à l’heure actuelle, par le jeu des dispositions qui ont été greffées sur l’ISF, une partie de leur financement provient de la possibilité d’investir une part de l’ISF dans cette catégorie d’entreprises. Cet après-midi, nos débats ont montré que l’avenir de l’ISF n’était pas garanti. Il s’agit donc d’un enjeu considérable pour pérenniser un certain nombre de circuits de financement en direction des PME et des jeunes entreprises innovantes.

Cette mesure est particulièrement justifiée pour certains contrats d’assurance-vie, je pense en particulier aux contrats dits Strauss-Kahn et Sarkozy, qui sont agrémentés d’avantages fiscaux considérables et dont la contrepartie légitime serait d’effectuer des placements un petit peu plus risqués de la part des compagnies d’assurance que ceux auxquels on assiste habituellement, particulièrement en matière d’assurance-vie.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission n’a pas accepté cet amendement. Il y a d’ores et déjà des quotas, qui ne sont pas négligeables, sur les contrats dits Strauss-Kahn ou Sarkozy. Ils permettent un investissement privilégié dans des PME non cotées.

M. Michel Bouvard. Et il y a la directive « Solvabilité ».

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Malgré ces quotas, je reconnais que la situation est difficile, car les autres segments de l’assurance-vie restent extrêmement intéressants. Cet amendement n’irait donc pas dans le sens du renforcement des PME par le biais de l’assurance-vie, c’est pourquoi la commission l’a rejeté.

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Avis défavorable, en accord avec la position de la commission.

Daniel Garrigue souhaite réfléchir aux modalités de développement d’un produit qui plaît aux Français, l’assurance-vie, et qui représente 1 400 milliards d’euros. Mais sa proposition s’inspire des contrats Sarkozy ou Strauss-Kahn, qui ont échoué du fait de la complexité de ces titres multisupports et de leur caractère très risqué. Or, à quelques encablures de la crise que nous avons traversée, donner des agréments à ce type de contrats trop risqués pour les souscripteurs serait un risque supplémentaire que le Gouvernement ne veut pas prendre.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je note d’abord que le ministre relève l’échec de MM. Strauss-Kahn et Sarkozy ; c’est intéressant.

Le fléchage de ces ressources est tout de même limité puisqu’il serait de 2,5 % au 1er janvier 2011, de 3,5 % au 1er janvier 2012, et de 4,5 % au 1er janvier 2013. Je doute que cela mette en péril les mécanismes d’assurance-vie, et que cela ait un impact considérable sur les gens qui sont intéressés par les avantages fiscaux que j’évoquais tout à l’heure.

Avons-nous véritablement la volonté d’encourager l’innovation dans notre pays ? L’assurance-vie permet de collecter des ressources considérables : si l’on ne peut pas en orienter une part aussi minime vers les jeunes entreprises et les PME innovantes, il y a quelques raisons de s’inquiéter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Un petit codicille à la réflexion de Daniel Garrigue : c’est l’échec de la commercialisation de produits qui ont porté le nom des gens que vous avez cités que j’évoquais.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 243.

La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Cet amendement porte plus particulièrement sur les TPE, ou des entreprises encore plus petites, puisqu’il s’agit de favoriser la transformation des sociétés individuelles en sociétés de capitaux. Cette situation concerne beaucoup de nos auto-entrepreneurs, qui seront peut-être amenés à se transformer en sociétés.

À l’heure actuelle, lorsque vous transformez une société individuelle en société de capital, dans le cadre de l’apport des valeurs incorporelles, et parfois de l’évaluation de la survaleur, une très belle plus-value est parfois dégagée. Cette plus-value est inscrite à l’actif du bilan à sa valeur d’apport. L’impôt sur cette plus-value est certes différé au moment de la première cession, mais il reste dû dans un engagement hors bilan important. De ce fait, certaines entreprises hésitent à se transformer en sociétés. Il serait donc intéressant de pouvoir exonérer, au terme d’une certaine durée de détention des titres reçus en contrepartie, ces plus-values latentes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. La commission connaît très bien cet amendement pour le rejeter constamment depuis plusieurs années. S’il était adopté, il créerait une situation inéquitable pour l’entrepreneur individuel qui ne fait pas de transformation juridique. Celui qui reste entrepreneur individuel aura à acquitter la plus-value. Le droit actuel en matière de plus-values en reporte l’imposition pour faciliter les mutations juridiques, mais elle reste due. Ce n’est pas parce qu’il y a une mutation juridique qu’il doit y avoir exonération.

En revanche, pour aller dans le sens de ce que vous souhaitez, vous savez que la législation fiscale sur les plus-values professionnelles a beaucoup évolué depuis la loi Dutreil de 2003 dans le sens d’exonérations qui se sont accentuées. Cela a été le cas avec la loi Dutreil en 2003, puis avec la loi Sarkozy. Aujourd’hui, deux types d’exonérations existent en matière de plus-values professionnelles : l’exonération en cas de mutation en deçà d’un certain seuil, fixé à 300 000 euros par exemple si l’on apprécie la valeur de l’entreprise, ou bien le chiffre d’affaires ; par ailleurs, il existe une exonération en cas de départ en retraite du dirigeant. Nous avons beaucoup fait pour faciliter la transmission des entreprises mais, je le répète, si l’on suivait votre amendement, cela serait injuste parce que nous ne sommes pas dans les cas que je viens de rappeler.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Si nous vous suivions, Mme Grosskost, cela créerait une inégalité de traitement claire entre l’entrepreneur individuel et celui qui aurait acquis le statut de société. L’entrepreneur individuel serait taxé tous les ans de manière forte, tandis que celui qui serait passé en société serait exonéré au bout de huit ans d’une grande partie de la plus-value qu’il aurait réalisé sur l’évolution de son activité. Cette iniquité fiscale n’est pas soutenable pour le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Permettez-moi de dire qu’il n’y a pas véritablement d’iniquité. À l’heure actuelle, lorsqu’une entreprise individuelle entend grandir et se développer, tous les financiers l’obligent malheureusement à se transformer en société. Dès lors, son statut ne peut pas demeurer, et cela constitue un frein pour l’entrepreneur de savoir qu’à terme il doit payer sur la plus-value latente.

(L'amendement n° 243 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 176 et 493, pouvant être soumis à une discussion commune. La parole est à M. Nicolas Perruchot pour défendre l’amendement n° 176.

M. Nicolas Perruchot. Les dividendes sont aujourd’hui imposables après un abattement de 40 %. Est ensuite appliqué un abattement forfaitaire qui peut atteindre 3 050 euros pour un couple. L’amendement que nous proposons vise à restreindre ces abattements.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 493.

M. Christian Eckert. Il s’agit de relever une anomalie, puisque cet abattement de 40 % était censé compenser une double imposition, les revenus d’une entreprise étant déjà assujettis à l’impôt sur les sociétés.

Comme chacun le sait, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 33,3 %, mais la plupart des grandes sociétés paient en fait un impôt de l’ordre de 13 % ou 14 % sur les bénéfices en utilisant toutes les arcanes possibles et imaginables, toujours légalement je l’espère, pour diminuer le montant affiché de leurs bénéfices. Les PME sont plus proches d’un taux de 30 %, ou très légèrement inférieur.

Il nous apparaît donc totalement injuste de maintenir l’abattement au taux de 40 %. Cet amendement n’est pas anodin ; il s’attaque à une injustice majeure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Eckert, il ne serait pas satisfaisant de répondre à une injustice par une autre injustice. Certaines entreprises, notamment familiales, ou les entreprises de taille intermédiaire paient effectivement 33,3 % d’impôt sur les sociétés.

Les 40 % d’abattement ont été calculés par rapport à ce taux d’imposition. Je ne nie pas votre constat : il est vrai que beaucoup de grands groupes du CAC 40 n’ont pas ce taux d’imposition. Monsieur le ministre, cela fait partie des questions qui devront être étudiées dans le cadre d’un autre chantier fiscal

M. Pierre-Alain Muet. Au mois de juin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, monsieur Muet, car il ne s’agit pas du même chantier : vous alliez me faire dire ce que je n’avais pas dit. Il s’agit du chantier de l’impôt sur les sociétés, sur lequel la Commission européenne travaille dans le cadre de l’harmonisation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement partage la position de la commission et émet un avis défavorable.

Cet amendement reviendrait en réalité à remettre en cause les principes mêmes de la réforme de 2004, qui reposait sur l’application combinée de deux abattements. Celui évoqué par Gilles Carrez, c’est-à-dire le proportionnel et l’alignement sur le taux de 40 %, après la révision du barème, qui avait abaissé de 50 à 40 % la déclinaison de l’impôt sur les revenus en 2006, et l’autre forfaitaire d’un montant annuel de 1 525  ou 3 050 euros selon la situation de famille.

Cet amendement remettrait en cause l’équilibre global auquel nous sommes parvenus.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je ne peux me contenter de la réponse du rapporteur général. Et j’observe que M. le ministre, lui, ne m’a pas répondu.

M. Carrez nous a dit qu’il constatait une injustice. Si notre rôle n’est pas de corriger les injustices fiscales au moment où l’un des premiers reproches que nos concitoyens adressent au Gouvernement est l’injustice fiscale, je considère que l’on ne m’a pas répondu.

Vous parlez d’équité, mais vous prenez la mesure la moins favorable aux plus démunis, alors que dans le cas présent vous prenez la mesure la plus favorable, car ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont concernées. Je considère que c’est profondément injuste.

(L'amendement n° 176 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 493 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 174.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Au cours des dernières années, un débat important s’est fait jour : la fiscalité des stock-options, notamment en cas de cession.

Il me semble – je crois que la crise l’a encore révélé – que nous disposons d’un peu de marge par rapport à notre capacité d’imposition. Le présent amendement a pour objet de relever de 30 % à 40 % l’imposition de la plus-value de cession des stock-options après l'expiration de la période d'indisponibilité fiscale et avant l'expiration du délai de portage de deux ans pour la fraction annuelle qui n’excède pas 152 500 euros, et de 40 % à 50 % pour la fraction annuelle qui excède ce montant.

En conséquence, les taux d’imposition après expiration du délai de portage de deux ans seraient relevés respectivement de 18 % à 30 % et de 30 % à 40 %.

Beaucoup d’abus ont été constatés en matière de stock- options. Souvent, leur cession n’était pas corrélée avec l’évolution du chiffre d’affaires ou des bénéfices des sociétés. Il me semble qu’il faut réparer cette injustice.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas adopté cet amendement.

Je rappelle que la fiscalité – je ne parle pas des prélèvements sociaux sur les stock-options – a été définie dans le cadre de la loi NRE de 2001. Cette fiscalité est loin d’être négligeable car, selon le montant, la durée de détention, elle est de 30 ou 40 % sur la plus-value d’acquisition.

L’option barème a un taux marginal à 40 %. Si vous créez un taux d’ imposition à 50 %, ce n’est pas très réaliste.

J’observe que ce niveau de fiscalité n’a pas été modifié depuis 2001. Il est resté stable, sauf pour le petit amendement adopté tout à l’heure pour coordination. Puisque l’on passe la tranche marginale du barème de 40 à 41 %, il faut donc passer ce taux de 40 à 41 %.

L’aspect social, depuis deux ans, est un élément nouveau. Dans la loi NRE de 2001, si le prélèvement fiscal n’était pas négligeable, le prélèvement social laissait à désirer. Cette lacune a été comblée par la majorité depuis deux ans maintenant,…

M. Christian Eckert. Partiellement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …notamment avec les taxes Bur.

Le niveau auquel nous arrivons n’est peut-être pas équivalent aux cotisations salariales, si vous ajoutez la part salariale et la part patronale. Mais, au rythme actuel, nous allons nous en rapprocher très rapidement, monsieur Eckert.

Je pense qu’il n’y a pas lieu de modifier le taux d’imposition fiscale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que la commission.

Le régime des stock-options est largement encadré et a fait l’objet de limitations des bénéfices et des avantages depuis 2007. En effet, en 2007, la loi TEPA a instauré la transparence sur l’attribution de cet avantage aux dirigeants. Ensuite, en 2008, la loi de financement de la sécurité sociale a mis en place deux contributions sociales spécifiques. En décembre 2008, la loi sur les revenus du travail est venue conditionner le bénéfice des stock- options aux dirigeants par le fait que celles-ci soient attribuées à l’ensemble des salariés ou que ceux-ci aient accès à un dispositif d’intéressement.

La fiscalité des stock-options est plus élevée à l’issue de la réforme des retraites, puisque les titulaires de stock- options seront mis à contribution pour financer cette réforme. Les plus-values de cessions de titres issues d’options sur titres seront, au même titre que les autres plus-values de cessions sur valeurs mobilières, assujetties à la majoration de 1 %.

Dans le cadre du PLFSS, que nous aurons l’honneur d’examiner ensemble la semaine prochaine, le Gouvernement propose de relever les taux de contribution salariale et patronale spécifique aux options sur titre, en portant le taux de la contribution salariale de 2,5 à 8 % et celui de la contribution patronale de 10 à 14 %. Il me semble que, sur ce point, les stock-options sont largement encadrées et fiscalisées si on compare avec les autres pays, les États-Unis et le monde anglo-saxon. Désormais, on ne peut plus dire que les stock-options sont un produit d’appel pour attirer les gens de l’extérieur et les faire entrer dans une entreprise.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Rapprocher l’imposition des stock-options de celle des salaires est parfaitement fondé. En effet, les stock-options ont été inventées, en leur temps, pour des sociétés qui se créaient et utilisées majoritairement par des sociétés innovantes, qui ne pouvaient pas rémunérer leurs cadres et leurs dirigeants, puisque c’était un pari sur l’avenir.

Puis on s’est aperçu – c’est la grande leçon de cette crise – que les stock-options ont été utilisées, depuis des années, pour accorder des rémunérations extra-salariales et contourner toute la fiscalité sur les revenus salariaux. Des dérives se sont produites, notamment dans les grandes entreprises, où ces stock-options ne rémunèrent plus du tout le risque, mais sont au contraire une façon de faire des cadeaux fiscaux, ce qui est totalement contraire à l’idée initiale. Plus nous rapprocherons cette fiscalité de celle des revenus salariaux, plus nous moraliserons, en quelque sorte, leur usage.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je comprends la position du rapporteur général et du ministre pour des montants qui restent normaux. Mais je n’ai eu aucun scrupule à proposer cet amendement, en voyant les sommes astronomiques distribuées en stock-options. Je rappelle qu’elles ne sont pas payées, qu’il n’y a pas de décaissement et qu’il n’y a souvent guère de corrélation avec le niveau d’activité d’un dirigeant ou d’un cadre supérieur. Certaines personnes peuvent gagner jusqu’à 10 ou 20 millions d’euros, parce qu’elles ont bien négocié leur contrat de travail. Il faut moraliser cette situation.

Quant au fait de savoir s’il s’agit d’un élément d’appréciation ou d’appel, rassurons-nous : lorsque nous aurons fiscalisé au bon niveau les stock-options, il y aura dans les grandes entreprises des fiscalistes qui inventeront d’autres produits pour détourner des rémunérations qui rapportent des cotisations.

(L'amendement n° 174 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 410.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. L’imposition relativement faible des plus-values est en contradiction avec le discours de la majorité sur la réhabilitation du travail et de sa rémunération. Cette observation ne provient pas d’une officine ultra-gauchiste, mais de la vénérable publication qu’est le Journal du Dimanche, qui relevait cette étrangeté au mois de septembre dernier.

Nous proposons à nos collègues de la majorité de leur apporter notre aide dans la correction de ce dysfonctionnement et, plus largement, dans la réorientation de leur politique vers une fiscalité plus juste. L’entreprise est vaste, certes, au regard des dégâts budgétaires que votre politique de cadeaux a occasionnés depuis 2002. Commençons par l’augmentation de quelques points du taux d’imposition des plus-values à long terme en le faisant passer de 19 à 25 %. Ce serait enfin un véritable signe de justice fiscale.

(L'amendement n° 410, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 599 et 390, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 599.

M. Jean-Pierre Brard. Notre amendement vise à supprimer la dépense fiscale dite niche Copé, du nom du ministre du budget qui la fit voter à la va-vite en 2004.

C’est vraiment une niche pour chiens de luxe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je parle de l’objet et non de l’initiateur, ce qui serait très désagréable le concernant.

Cette niche exonère d’impôts sur les sociétés les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales en cas de vente de leurs filiales au titre de participations détenues depuis plus de deux ans. Ce dispositif avait été qualifié, à l’époque, d’attractivité fiscale. Il visait à aligner la France sur le régime plus favorable de ses voisins : les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, trois pays où l’on fraude de façon invraisemblable. Faut-il expliquer les turpitudes organisées légalement au Pays-Bas, plus discrètement en Belgique ou plus hypocritement en Allemagne ?

Lorsque M. Champsaur était directeur général de l’INSEE et que je fis pour la commission des finances un rapport sur la fraude, nous découvrîmes à l’époque que, pour 100 exportés de France, curieusement les 100 n’arrivaient pas en Allemagne, bien que la frontière soit tout à fait matérialisée. C’est dire si beaucoup de progrès restent à accomplir sur la transparence.

M. Charles de La Verpillière. Il faut rétablir la ligne Maginot !

M. Jean-Pierre Brard. Je pense, de ce point de vue, que la frontière représentée par le Rhin est aussi efficace que la ligne Maginot.

Le coût de la niche Copé était – nous avait-on dit à l’époque – extrêmement raisonnable. L’actuel président du groupe UMP l’estimait, quand il était ministre, à moins d’un milliard d’euros à compter de 2008.

En réalité, cela a coûté 12,5 milliards d’euros en 2008, 6 milliards en 2009 et 3,4 milliards en 2007, soit un total en trois ans de 22 milliards. Mme Lagarde, un peu embarrassée, avait dit que cela concernait avant tout les sociétés familiales et les PME. Je vais citer deux exemples de PME bénéficiaires : Suez et Danone, qui sont, comme chacun sait, de petites entreprises familiales, affectueusement dirigées par le chef de famille.

Vous pouvez constater, monsieur le ministre, qu’il y a quelque chose à faire. Vous qui cherchez des sous : vous avez là de gros paquets. Il suffit de vous baisser pour les ramasser.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 390.

M. Pierre-Alain Muet. S’agissant de la niche Copé, nous reprenons les principales propositions du Conseil des prélèvements obligatoires.

Le CPO rappelle le coût de la niche : 12 milliards en 2008, 8 milliards en 2009. Selon M. Copé, cette niche devait coûter un milliard d’euros au maximum. La niche Copé est un formidable abaissement du taux, de l’ordre de 33 %, ce qui donne un taux d’imposition d’un peu plus de 1 %. À l’époque, le rapporteur du budget au Sénat avait expliqué que l’abaissement des taux serait complètement compensé par les retours induits par la niche Copé. Si elle avait été réellement efficace, son coût ne serait pas aussi exorbitant aujourd’hui. Bref, ce dispositif ne joue pas du tout le rôle qu’il était censé tenir.

Nous proposons de porter la quote-part de 5 à 20 %, ce qui correspondrait à un taux d’IS de l’ordre de 6,8 % pour ce dispositif d’exonération des plus-values. Nous proposons également d’allonger la durée de détention en la portant à cinq ans. Nous prévoyons aussi de ne plus faire bénéficier de ce régime fiscal les plus-values de titres de sociétés constituées ou établies dans un territoire non coopératif.

Je m’étonne que le Gouvernement ne reprenne pas un certain nombre de propositions du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Cet excellent rapport explique en détail les effets et les inconvénients d’un certain nombre de dispositifs. Un gouvernement responsable devrait, me semble-t-il, dans la situation actuelle de nos finances publiques, réajuster les dispositifs existants pour les rendre moins coûteux et adaptés à la situation économique. C’est l’objet de notre amendement, mais je considère que c’était à votre majorité ou au rapporteur de le présenter !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bref rappel historique. Nous sommes en 1998-1999. À cette époque, la société Renault et une autre société publique installent leur holding financière de participation aux Pays-Bas.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous laissez faire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement Jospin s’en émeut à juste titre, la participation de l’État étant tout de même importante. Qu’une entreprise publique installe sa structure holding aux Pays-Bas, cela fait pour le moins désordre. Il confie alors à Michel Charzat, député de Paris, la mission de rédiger un rapport. Ce rapport, rendu fin 2001, préconise de s’aligner sur le droit fiscal européen. Les plus-values sur titres de participation des entreprises détenues en Allemagne depuis plus d’un an font l’objet d’une exonération. Aucun délai n’était prévu pour les Pays-Bas. Pour la France, le rapport propose un délai de détention un peu plus long – deux ans – avant toute possibilité d’exonération. Vous connaissez la suite.

Au printemps 2002, la gauche perd les élections, mais le rapport Charzat demeure et le problème reste entier. En 2004, la réforme Charzat est mise en œuvre.

L’étude d’impact du dispositif – et j’essaie d’être le plus objectif possible – a été pour le moins limitée, Charles de Courson doit s’en souvenir. Et son coût a été sous-évalué. Les services de Bercy n’avaient pas bien pris en compte que les entreprises – dans la mesure où chez nous les plus-values étaient fiscalisées – ne les avaient pas réalisées et avaient gardé leurs titres plutôt que de les céder et d’avoir à payer l’impôt. Lorsque l’exonération a été votée, elles ont fait tourner les plus-values.

Un groupe comme Danone, qui avait plusieurs filiales, a purgé les plus-values en cédant les participations non à l’extérieur, mais d’une filiale à une autre. Certains disent que cela a coûté très cher, d’autres prétendent, comme on peut le penser, que sans cette exonération, les plus-values n’auraient pas été réalisées. La vérité se situe entre les deux. Le coût réel, monsieur Brard, monsieur Muet, est de l’ordre, chaque année, de 2 à 3 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous sommes alignés sur le droit européen.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce type de problème doit être réglé au niveau de la fiscalité européenne.

M. Jean-François Mancel. Oui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est tellement facile d’aller s’installer juste de l’autre côté de la frontière pour gérer ses plus-values. Il faut être raisonnables, chers collègues.

J’ai invoqué le souvenir de votre excellent collègue Michel Charzat. Je suis certain de n’avoir pas trahi la vérité et cette vérité était bonne à rappeler.

M. Camille de Rocca Serra. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Lorsqu’elle a été adoptée par le Parlement, la niche Copé a été classée en niche fiscale et elle l’est restée jusqu’en 2009. Pendant trois ans, elle était considérée comme une niche fiscale, ce qui n’est plus le cas actuellement.

Je voudrais savoir, monsieur le ministre, pour quelles raisons, après avoir été une niche fiscale pendant trois ans, celle-ci est désormais une modalité particulière de calcul de l’impôt, alors qu’il s’agit d’un seul et même dispositif qui n’a pas été modifié entre-temps ?

M. Michel Bouvard. Elle a été dénichée ! (Sourires .)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Deux classifications pour un seul et même dispositif, cela fait beaucoup. Au nom de quels critères avez-vous décidé qu’il ne s’agissait plus d’une niche fiscale, mais d’une modalité particulière de calcul de l’impôt ?

S’agissant des chiffres, j’indique que les 22 milliards d’euros émanaient des documents officiels fournis par le ministère du budget lors de la loi de finances initiale examinée dans cette enceinte il y a tout juste un an. Dans le tableau figurant à la page 415 ou 416 – pardonnez mon imprécision –, figurait dans la colonne de droite une appréciation de la qualité du chiffrage, et ce chiffrage était très fiable.

Les parlementaires qui ont lu ce tableau ont plutôt eu tendance à faire confiance à une estimation jugée très fiable par les services du ministère du budget. Par la suite, le président de la commission des finances a reçu un courrier du ministre du budget visant à rectifier cette estimation : non plus 22 milliards sur trois ans, mais 18,6 milliards. C’est moins, mais reste tout de même important.

Puis, vint au bout d’un certain temps, une autre explication selon laquelle le taux d’imposition n’aurait probablement pas été de 33 %. Et, le coût se serait élevé à 9 ou 10 milliards sur trois ans. Pour cette année, monsieur le rapporteur, nous connaissons son coût : 6 milliards et non 2 ou 3 milliards.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, c’est bien 3 milliards.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. D’après les documents du ministère du budget, cette modalité particulière de calcul de l’impôt a coûté 6 milliards.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, pas cette année.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Soit, vous êtes juge et je m’en remets à vos informations.

Lorsque le Conseil des prélèvements obligatoires évoque nettement la possibilité de supprimer ce dispositif, tout en indiquant ce qu’il en serait dans le concert européen, il évalue l’économie ainsi réalisée à 2 ou 3 milliards d’euros. Ce sont loin d’être des sommes négligeables.

Deuxième remarque : imaginons une société qui, cédant ses titres de participation au-delà de deux ans, en tire un surplus de recettes qui n’est pas imposable au titre de l’IS. Si ces recettes sont distribuées au titre de dividendes, ces dividendes bénéficient d’un abattement de 40 % au motif qu’il faut éviter la double imposition. Or il n’y a pas eu de première imposition !

Je souhaite savoir, monsieur le ministre, comment vous jugez un abattement sur dividendes distribués de 40 % dont la finalité est d’éviter la double imposition alors qu’il n’y a pas de double imposition.

Nous sommes dans la situation où des dividendes bénéficient d’une fiscalité extrêmement favorable – avec un abattement de 40 % – pour être ensuite fiscalisés. Un tel dispositif ne peut pas durer. Si je comprends votre volonté de ne pas modifier le dispositif dit niche Copé – plus facile à dire que modalité particulière de calcul de l’impôt –, quel traitement souhaitez-vous réserver aux dividendes distribués à ce titre ? L’inégalité de traitement est absolument manifeste avec d’autres dividendes et les revenus du travail : c’est difficilement contestable.

Troisième remarque : après le bouclier Rocard, nous avons maintenant la niche Charzat. Je suis très reconnaissant au Gouvernement de manifester à ce point de l’intérêt pour des propositions émanant de personnalités, députés ou non, du parti socialiste. Pour les retraites, c’est M. Hamon, pour la niche Copé, c’est M. Charzat.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous n’évoquons que les bonnes actions !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je suggère que nous en restions aux propositions évoquées dans l’hémicycle et que nous n’allions pas picorer dans les propos tenus ailleurs et qui n’ont engagé que leurs auteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je suis navré, monsieur le président de la commission des finances.

M. Jean-Pierre Brard. Cela se voit !

M. François Baroin, ministre du budget. Ce n’est pas parce que je vous tiens en haute estime que je vais vous suivre.

Quand Michel Rocard a mis en place le plafonnement sur l’addition de l’IS, de la CSG et de l’IR, il y avait bien une majorité pour le voter.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. À juste titre.

M. François Baroin, ministre du budget. Cela l’engageait. Lorsque M. Charzat s’est exprimé au nom du groupe socialiste – je m’en souviens –, il engageait le groupe. Lorsque M. Hamon nous propose une retraite à soixante ans à taux plein, il n’engage peut-être que lui…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il n’y a aucun doute !

M. François Baroin, ministre du budget. …mais il n’en demeure pas moins porte-parole du parti socialiste. Je comprends que vos amis soient parfois un peu encombrants, cela peut arriver à tout le monde !

M. Patrice Martin-Lalande. Cela nous arrive aussi !

M. François Baroin, ministre du budget. Mais assumez !

Revenons au fond du sujet.

C’est un miroir aux alouettes, un leurre…

M. Dominique Baert. 20 milliards, un leurre ?

M. François Baroin, ministre du budget. …sur lequel vous vous êtes précipités comme les grives en hiver. Et vous vous êtes fait attraper.

M. Dominique Baert. On ne fait que cibler les dépenses qui coûtent cher !

M. François Baroin, ministre du budget. Vous êtes partis d’un consensus sur la réalité d’une fiscalité d’IS à 33 % qui ne concerne pas ce dispositif. Vous avez cité des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. L’argument de la double imposition ne tiendrait pas selon vous. Si vous prenez la société mère qui dispose de 33 % de participation dans une société fille, la société fille est fiscalisée une première fois. La plus-value au sein de la société mère ne l’est pas mais, après redistribution, nous y retournons et nous avons bien une double imposition.

Est-ce que parler de niche Copé est plus simple à dire pour vous que modalité de calcul de l’impôt sur le revenu ? Quoi qu’il en soit, ce dispositif fiscal ne s’exonère pas de l’environnement européen. C’est le Conseil des impôts qui a formulé cette proposition.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?

M. François Baroin, ministre du budget. En 2004, le Conseil des impôts a considéré que la fiscalisation des plus-values sur les titres de participation des entreprises était défavorable au développement économique.

Seule la Grèce continue d’avoir une fiscalité de cette nature ; tous les autres pays y ont renoncé.

Pourquoi dis-je qu’il s’agit d’un miroir aux alouettes ? Parce que si l’on fait ce que vous proposez, les holdings partiront à l’étranger à la seconde, si bien que rien n’arrivera dans les caisses de l’État.

M. Pierre-Alain Muet et M. Christian Eckert. De toute façon, rien n’y arrivera !

M. François Baroin, ministre du budget. Un outil comme celui-là, une société de titres de participation, est si facile à délocaliser ! Ainsi, vous aurez perdu sur le front politique puisqu’il aura été démontré qu’il s’agissait d’un miroir aux alouettes, et l’État n’aura rien gagné puisque l’argent partira immédiatement à l’étranger.

M. Dominique Baert. Et vous aurez perdu des sous !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est donc une mauvaise idée ; c’est pourquoi le Gouvernement lui est défavorable.

M. Dominique Baert. Il a tort !

M. François Baroin, ministre du budget. Ce n’est pas un argument ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, que les entreprises privées, comme les entreprises publiques, aient créé des holdings aux Pays-Bas avant l’amendement Copé peut s’expliquer par deux types de raisons.

D’abord, l’aspect fiscal, dont nous sommes en train de parler, puisqu’il n’y a pas de taxation.

M. Jean-Pierre Brard. Et le patriotisme !

M. Charles de Courson. Je croyais que, pour un marxiste-léniniste, le capitalisme n’avait pas de patrie.

M. Jean-Pierre Brard. Vous en êtes la preuve… enfin, pas vous personnellement ! (Rires sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Il faut comprendre avant de juger, monsieur Brard.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ça, c’est dur !

M. Charles de Courson. Après l’aspect fiscal, la seconde raison est l’extrême rigidité du droit des sociétés en France.

Le rapport Charzat puis l’amendement Copé étaient donc inéluctables. Sans eux, il suffisait de transférer sa participation au coût comptable à sa holding aux Pays-Bas, de réaliser la plus-value aux Pays-Bas en la vendant…

Mme Isabelle Vasseur. Eh oui !

M. Charles de Courson. …, puis de la faire redescendre en fonction des besoins des différentes filiales du groupe. C’est ainsi que cela fonctionnait. Tout cela était coûteux et compliqué pour les entreprises ; le montage avait un coût. L’amendement Copé allait donc dans le sens de la simplification.

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Charles de Courson. Mais il y a à mon avis une erreur : on devrait mettre en face un chiffre proche de zéro, du moins pour toutes les entreprises importantes qui possèdent une holding à l’étranger.

Par votre amendement, vous ne toucherez absolument pas les grands groupes, qui renoueront avec les pratiques qui étaient les leurs avant l’amendement Copé, mais seulement les petits et les moyens.

Par conséquent, comme dirait M. Brard, c’est un amendement antisocial…

M. Jean-Pierre Brard. Certainement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ah ah ah !

M. Charles de Courson. … puisqu’il consiste à taxer les petits et les moyens en protégeant les gros.

M. Jean-Pierre Brard. C’est le sang bleu qui s’exprime !

M. François Baroin, ministre du budget. Bernie Bonvoisin !

M. Charles de Courson. Et mon sang rouge ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Si le taux effectif d’imposition sur les sociétés des grandes entreprises est de 12 % au lieu de 33 %, c’est parce qu’il existe de nombreux dispositifs qui permettent de faire de l’optimisation fiscale, et cette niche en fait clairement partie.

Deuxièmement, si cette mesure avait été efficace, elle aurait dû élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés. L’évaluation de ses effets aurait dû montrer, comme le disait un sénateur qui a étudié la question – Philippe Marini, je crois –, qu’ils compensaient entièrement l’abaissement du taux de l’IS pour les plus-values de cessions de filiales. Or ce n’est pas du tout cela qui s’est passé. Le Gouvernement devrait s’interroger sur ce point.

Quant à l’histoire, monsieur le rapporteur général, un parlementaire peut bien remettre un rapport à un Premier ministre ; il appartient au gouvernement concerné d’apprécier la pertinence de ce rapport. Je peux vous dire ce qu’il est advenu de celui dont nous parlons : nous avons considéré qu’il n’était pas pertinent et nous l’avons mis de côté, pour ne pas dire autre chose. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a bien des idées qui émanent ainsi des parlementaires –parfois très bonnes, mais pas toujours – ou des services. Je me souviens par exemple que la direction du budget a expliqué à tous les gouvernements successifs, bien avant que vous ne soyez aux affaires, qu’il fallait ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Nous ne l’avons pas fait pour autant ! Vous avez vraiment une capacité extraordinaire à choisir et à appliquer les pires mesures !

Je trouve tout de même un peu étonnant que vous fassiez référence au rapport Charzat pour justifier une mesure que vous avez prise, et que nous avons à l’époque repoussée en connaissance de cause. Vous devriez vous intéresser de près à cette niche, car elle est extrêmement coûteuse, et l’on pourrait retrouver des recettes en corrigeant un dispositif qui permet de faire de l’optimisation fiscale.

M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour aller chercher M. Charzat comme alibi, monsieur le ministre, il ne faut pas manquer d’air, si vous me permettez l’expression.

À l’époque, un certain nombre d’entre nous siégeaient déjà dans cet hémicycle, et chacun peut dire, sans porter atteinte à l’honneur de l’intéressé, que M. Charzat ne passa pas des jours et des nuits à rédiger son rapport, mais que celui-ci lui fut largement inspiré par d’autres. (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. François Baroin, ministre du budget. Ah ah ah !

M. Jean-François Mancel. C’est gentil pour lui !

M. Jean-Pierre Brard. C’est de notoriété publique ! Et cela pose un problème. Ceux qui ont rédigé le rapport ont fourni des évaluations et fait des prévisions inexactes au sein des ministères.

Mme Isabelle Vasseur. Allons bon !

M. Jean-Pierre Brard. Pour quelle raison ? Soit ils se sont trompés – et dans ce cas, qui est responsable ? –, soit ils ne se sont pas trompés, auquel cas je peux fournir une explication, beaucoup plus désagréable.

Mme Isabelle Vasseur. On la voit venir !

M. Jean-Pierre Brard. Je veux parler de l’homogénéité idéologique entre la haute administration et les intérêts dominants. On la retrouve souvent à l’œuvre ; en l’espèce, elle est éclatante.

Ce qui me frappe dans votre propos, monsieur le ministre – et Charles de Courson est sur la même ligne –, c’est votre passivité, votre fatalisme.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, en vous écoutant, je comparais votre attitude à la manière dont vous traitez les veuves et les pères et mères de famille. Vous connaissez certainement le tableau de Caillebotte, monsieur Baroin ; vous rappelez-vous ses personnages, avec leurs rabots, et les énormes copeaux qu’ils arrachent ?

M. François Baroin, ministre du budget. Encore !

M. Jean-Pierre Brard. C’est comme cela que vous traitez les pères et mères de famille et les veuves. En revanche, dès qu’il s’agit de la famille Riboud ou de M. Mestrallet, vous leur trouvez immédiatement des circonstances atténuantes.

Monsieur de Courson, il ne vous viendrait pas à l’esprit, pas plus qu’à celui du ministre ou du Gouvernement, de formuler des propositions au niveau de l’Union pour empêcher…

M. Charles de Courson. Mais si ! C’est cela, la solution !

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous ne proposez rien, parce que vous êtes à genoux devant ces intérêts-là ! Et vous ne faites rien, alors qu’ils portent atteinte à l’intérêt du pays. Si vous aviez la fibre patriotique – et vous devez l’avoir sur ces sujets –, vous devriez au contraire formuler des propositions qui protègent nos intérêts.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Muet, je souhaite vous donner un petit motif de satisfaction.

Vous proposez dans votre amendement de supprimer l’exonération dès lors que celle-ci se fait au titre d’une filiale dans un territoire non coopératif. Eh bien, vous avez obtenu satisfaction : nous avons voté cette mesure en loi de finances rectificative, il y a exactement un an.

M. Pierre-Alain Muet. D’après quelle liste ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez vidé la liste !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le rapporteur général m’indique que le coût a été non pas de six milliards sur un an, mais de six milliards sur deux ans ; dont acte.

En ce qui concerne la double fiscalisation, je crains une confusion. Dans le cas du régime « mère-fille » – une société détient des titres de participation dans une autre –, il ne s’agit pas, monsieur le ministre, de la vente de titres de participation de la société mère, auquel cas votre raisonnement serait parfaitement judicieux. La modalité particulière de calcul de l’impôt, anciennement niche Copé – soyons précis (Sourires) –, concerne la vente, éventuellement assortie d’une plus-value, non de la société mère mais de la société fille.

Il n’y a donc pas eu de première fiscalisation, et les plus-values réalisées grâce à ces ventes, si elles entraînent des distributions de dividendes, ouvrent droit à l’abattement de 40 %. Dès lors, je maintiens mon analyse, que je crois valide : cet abattement de 40 %, qui a pour but d’éviter la double imposition, n’est plus légitime.

En tout état de cause, je le répète, il s’agit bien des titres de participation de la société fille, et non de la société mère, comme il m’a semblé que vous l’indiquiez – mais cela fait maintenant plusieurs jours ; peut-être ai-je mal compris.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Moi, je n’avais pas compris, mais maintenant c’est clair !

(L’amendement n° 599 n’est pas adopté, non plus que l’amendement n° 390.)

M. Jean-Pierre Brard. M. Riboud vous remercie !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 349.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Mes chers collègues, chacun se souvient que l’exonération des plus-values sur titres de participation a été étendue à la détention indirecte de titres de société via des fonds communs de placement à risque ou des sociétés de capital risque par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie.

Or, comme chacun s’en souvient également, la dépense fiscale, pour l’ensemble du dispositif d’exonération, s’élève à 12 milliards d’euros en 2008 et 8 milliards d’euros en 2009, sans que son effet sur la localisation de leurs holdings par les grands groupes ait été clairement évalué, du moins sans que l’efficacité de cette dépense fiscale, donc sa légitimité, soit clairement établie.

Afin de contenir le coût de cette dépense fiscale et de réduire l’avantage comparatif introduit en faveur de la détention indirecte de titres de sociétés par le biais des structures de capital investissement, cet amendement propose de rétablir, à partir du 1er janvier 2011, une imposition au taux de 8 % sur les plus-values réalisées par les sociétés soumises à l’IS au titre de la cession de parts de FCPR ou d’actions de SCR, ainsi que sur les sommes distribuées à ces porteurs de parts par les FCPR ou les SCR. Notre amendement ajoute à cette mesure une condition de stabilité, puisque nous portons de deux à cinq ans le délai de détention des parts.

En défendant cet amendement, nous ne faisons une fois de plus, comme l’a souligné Pierre-Alain Muet, que transposer les préconisations du dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, intitulé « Entreprises et niches fiscales et sociales ». (M. Jean-Pierre Brard se lève et quitte l’hémicycle.)

M. Jérôme Chartier. Au revoir, monsieur Brard !

Plusieurs députés du groupe UMP. Bonne nuit, monsieur Brard !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 349 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. Dominique Baert. C’est un peu court !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. J’aimerais que l’on m’explique pourquoi les FCPR sont traitées différemment des autres plus-values, puisqu’il y a bien une différence même si vous en restez au système actuel.

Quant aux territoires non coopératifs que nous évoquions tout à l’heure, n’oublions pas que la liste est maintenant presque blanche. La mesure que vous avez adoptée l’an dernier n’a donc aucun effet pratique.

(L’amendement n° 349 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 252.

La parole est à Mme Françoise Briand.

Mme Françoise Briand. Cet amendement est cosigné par trente-six collègues, puisqu’il faut ajouter Françoise Branget et Étienne Pinte à la liste de ses auteurs.

Il vise à inciter les entreprises à créer des crèches d’entreprise, ou interentreprises, afin de proposer à leur personnel une offre de garde destinée aux enfants de moins de trois ans.

Actuellement, le crédit d’impôt famille, créé en 2003 et amélioré par la loi de finances rectificative de 2008, permet aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses engagées pour la création et le fonctionnement de ce type de crèche, sous réserve d’un plafonnement de 500 000 euros par an.

Or ce dispositif est peu utilisé, car il n’est pas accessible aux sociétés multi-établissements, alors qu’il faciliterait la vie quotidienne de nombreux parents et générerait des créations d’emplois.

En effet, ce dispositif est adapté aux entreprises à établissement unique et pénalise les entreprises multi-sites, le crédit d’impôt étant attribué au siège social de l’entreprise, c’est-à-dire à un seul site, et non à chacun des ses établissements, c’est-à-dire à chaque site où travaillent des salariés potentiellement concernés. En créant une crèche dans un site plutôt que dans un autre, on introduirait une inégalité entre salariés ; pour cette raison, aucune création n’a lieu.

Pourtant, 240 000 enfants de moins de trois ans ne trouvent pas de solutions d’accueil satisfaisantes chaque année. Pour pallier cette situation, Mme Nadine Morano, déclarant que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale était l’un des piliers de la politique familiale du Gouvernement, a annoncé qu’elle allait écrire aux cinq cents plus grandes entreprises françaises pour les inciter à ouvrir des crèches d’entreprise.

Ma proposition va dans le sens de cette incitation. Certes, elle a un coût pour le budget de l’État ; mais mon amendement est gagé. En outre, il me semble qu’à terme la dépense publique liée à l’élargissement de l’assiette des bénéficiaires de ce crédit d’impôt sera inférieure aux coûts élevés qu’impliquerait la création de crèches collectives permettant de faire face à la demande.

Mes chers collègues, j’imagine que, comme moi, vous recevez souvent des parents dans vos permanences qui viennent réclamer des places de crèche pour leurs enfants, demandes auxquelles nous ne pouvons malheureusement donner satisfaction. Or ma proposition permettrait de remédier au manque criant de crèches collectives car des contrats de partenariat sont possibles entre les entreprises et les collectivités afin d'accueillir les enfants de personnes extérieures.

De plus, les crèches d'entreprises proposent souvent des horaires élargis et des aménagements à la carte, sans parler de la fatigue et du stress épargnés aux parents salariés et à leurs enfants.

Je ne vois donc à cet amendement, qui ouvre le crédit d'impôt à tous les établissements d'une même entreprise, que des avantages, tant pour les salariés, les entreprises, les collectivités que pour le Gouvernement, qui pourra de la sorte atteindre sans nul doute ses objectifs dans le cadre d'une politique familiale ambitieuse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement de Mme Briand porte sur un sujet important : la facilitation de la création de crèches d’entreprise. Nous savons que, partout où il est possible d’en établir, cela rend un très grand service aux salariés et que cela est bénéfique aux entreprises elles-mêmes.

Malheureusement, la commission n’a pu adopter votre amendement, chère collègue, car vous prévoyez que le crédit d’impôt s’appliquera à chaque établissement et non à l’entreprise dans son ensemble.

Je me suis livré à une petite évaluation à partir du cas d’une banque comptant plusieurs milliers de succursales. Par construction, votre disposition aboutirait à une multiplication de plusieurs milliers du plafond.

Par ailleurs, l’impôt sur les sociétés, d’un strict point de vue fiscal, n’est pas payé au niveau des établissements mais au niveau des filiales ou du groupe consolidé.

Je vous proposerai donc volontiers, si le ministre en est d’accord, que nous examinions ensemble les moyens de majorer le crédit d’impôt, car le plafonnement à 500 000 euros est trop restrictif.

En vous faisant cette proposition, je me fais violence car, depuis hier, je ne cesse de tenter de restreindre les dépenses fiscales, comme on a pu le voir avec le crédit d’impôt recherche. Mais je pense malgré tout qu’il faudrait arriver à faire un petit geste.

J’ouvre la voie – le ministre me fait les gros yeux – et suis prêt à travailler avec vous pour trouver le moyen d’améliorer la situation d’ici à la loi de finances rectificative. En l’état, votre amendement n’est de toute façon pas applicable puisque l’impôt sur les sociétés, je le répète, est payé au niveau de la société et non des établissements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur le président, je ne faisais pas les gros yeux au rapporteur général, je le regardais, première étape avant d’entendre la chute de son argumentation. Cette réflexion ébauchée dans le feu de l’improvisation peut se poursuivre dans le cadre du collectif de fin d’année voire d’une autre loi de finances rectificative.

S’agissant de l’amendement lui-même, j’estime qu’il est tout à fait louable de réfléchir à la façon d’améliorer la qualité de vie de celles et ceux qui sont actifs et qui, pour des raisons professionnelles mais aussi familiales, ont besoin d’un cadre protecteur pour assumer la double responsabilité qui leur incombe : élever, au sens plein du terme, leurs enfants et poursuivre leur carrière professionnelle. À cet égard, je rends hommage aux signataires de cet amendement.

Sur la base de cette réflexion partagée par beaucoup, il y a eu en 2009 une évolution significative puisque le taux d’exonération des dépenses est passé de 25 % à 50 %. Votre amendement propose, au lieu cette grande niche fiscale à l’échelle d’un groupe, de multiplier les niches fiscales comme des petits pains avec une exonération pour chaque établissement, ce qui accroît la possibilité pour les gros établissements de développer ce dispositif.

À une période où l’on s’interrogerait moins sur la définition et la trajectoire de la dépense publique, on pourrait réfléchir à cette disposition. Mais dans une période de puissant effort d’économies sur toutes les sources de dépenses de l’État, notamment les dépenses fiscales, avec l’objectif d’atteindre 10 milliards d’euros de réduction ou de suppression de niches fiscales, cette disposition n’a pas sa place. C’est un peu le même débat que nous avons eu ce matin avec Nicolas Forissier à propos de l’augmentation du plafond.

Le Gouvernement ne peut être favorable à une extension de dispositifs dérogatoires en matière fiscale puisqu’elle revient à augmenter les niches fiscales, logique contradictoire avec celle que nous poursuivons.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, il s’agit là d’un sujet intéressant qui mérite qu’on s’y arrête quelques instants.

L’objectif défendu par Mme Briand est légitime, louable, et je dirai même nécessaire.

Mais qu’en est-il de la méthode ?

Le ministre en charge de la famille a commencé à solliciter les grandes entreprises et à leur écrire. Celles-ci ont dû considérer qu’il y avait lieu de pouvoir être accompagnées si elles s’engageaient dans ce type d’initiative et voilà que nous examinons un amendement visant à accroître une dépense fiscale.

À cet égard, monsieur le ministre, vous avez parfaitement raison de rappeler qu’il ne faut pas accroître ces dépenses. Mais cela supposerait aussi que les membres du Gouvernement, lorsqu’ils lancent une initiative, s’assurent de pouvoir la financer dans les limites de l’enveloppe budgétaire qui leur a été attribuée, à partir de crédits budgétaires et de dépenses fiscales existants, et qu’ils réfléchissent, le cas échéant, à leurs priorités et aux stratégies permettant d’atteindre leurs objectifs. Cela revient ni plus ni moins à se conformer à la loi organique sur les lois de finances.

Quelles sont les priorités d’action pour le responsable d’une mission et d’un programme ? De quelle manière compte-t-il affecter les moyens pour mettre en œuvre ses objectifs ?

Sur ce sujet, on constate que des dépenses fiscales sont créées sans qu’aucune réflexion n’ait eu lieu du côté du ministère. Le ministre a déjà pris des engagements et nous n’avons plus ensuite qu’à nous exécuter alors même que ceux-ci creusent le déficit de l’État ! À cet égard, ce qui se passe ce soir est tout à fait pédagogique.

Je suis très favorable à la mesure proposée par Mme Briand mais j’estime que le ministère doit aussi réfléchir à la définition de ses priorités. L’accueil d’enfants dans des crèches est une priorité mais cela suppose de dégager les moyens nécessaires par ailleurs.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, madame Briand ?

Mme Françoise Briand. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. François Baroin, ministre du budget. J’aimerais revenir sur l’intervention de M. Bouvard.

M. Michel Bouvard. C’est un point intéressant en effet !

M. François Baroin, ministre du budget. En fait, monsieur Bouvard, vous aboutissez à une conclusion opposée à la logique du raisonnement que vous développez.

M. Michel Bouvard. Je parle de la nécessité de redéployer les crédits !

M. François Baroin, ministre du budget. In fine, vous vous prononcez en faveur de l’amendement.

M. Michel Bouvard. La mesure est particulièrement utile !

M. François Baroin, ministre du budget. Certes, il y a beaucoup de choses moins utiles. Mais, pour la première fois, nous menons un effort important en ce domaine. Et je souhaite que l’on n’adresse pas des messages contradictoires à l’opinion publique quant à la volonté du Gouvernement de réduire les niches de manière substantielle.

M. Michel Bouvard. Cela n’a rien de contradictoire !

M. François Baroin, ministre du budget. En période de croissance, une affectation prioritaire pourrait être définie. Mais, aujourd’hui, nous nous situons dans une logique de réduction des dépenses, y compris fiscales, et non d’augmentation.

M. Michel Bouvard. C’est à Mme Morano qu’il faut le dire, pas à moi !

M. François Baroin, ministre du budget. Une fois que nous aurons atteint cet objectif de réduction de nos déficits, nous pourrons revenir à ces discussions. C’est la raison pour laquelle l’horizon de la fin de l’année est peut-être un trop proche. L’année prochaine, selon l’évolution de nos priorités, nous aurons peut-être l’occasion d’en débattre à nouveau.

Une telle disposition est pour l’heure incompatible avec la logique que nous poursuivons : on ne peut additionner les niches fiscales.

Je rejoins M. Bouvard sur un point. Lors de la conférence des déficits le 20 mai dernier, il a été proposé de confier le monopole de l’examen des dispositifs dérogatoires en matière fiscale à la loi de finances. S’il y a bien un ministre que vous ne pouvez pas montrer du doigt en ce domaine, c’est bien le ministre du budget. Pour les quatre à cinq années à venir, il sera dans l’obligation de vous proposer des réductions de dépenses, des effacements, des suppressions et non des augmentations et des additions.

Je rejoins aussi M. Bouvard sur le constat selon lequel on a parfois ouvert des guichets sans jamais véritablement calculer leur financement. Par ailleurs, on a ouvert des dispositifs qui se contentent d’arroser le sable, ce qui ne donne jamais grand-chose.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai une suggestion à faire à notre collègue Françoise Briand. Pourquoi ne pas évoquer cet amendement, qui soulève une question qui nous concerne tous, dans le cadre de l’examen des crédits relevant du ministère de Mme Morano ?

Chaque département ministériel a son propre budget et ventile ses crédits par rapport à ses priorités. Ce budget est défini dans le cadre d’une enveloppe générale, à la suite d’arbitrages menés par le Président de la République et le Premier ministre. Tout cela est normé.

En revanche, les parlementaires ont désormais la faculté de créer des mouvements budgétaires au sein d’une même mission ou d’un même programme. Je propose donc à ma collègue de déposer un amendement dans ce cadre, ce qui lui permettra de veiller à la concrétisation de son initiative, en relation avec Mme Morano, et de garder trace d’une volonté d’agir en ce domaine.

Nous nous conformerons ainsi à la volonté d’épure budgétaire, si chère au ministre du budget et à l’ensemble du budget, et nous donnerons, si Mme Morano en est d’accord, un signe fort montrant que nous nous engageons dans cette démarche nécessaire pour les collectivités mais surtout pour toutes les familles de France.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Briand.

Mme Françoise Briand. Tout d’abord, je tiens à préciser que j’ai eu l’idée de cet amendement avant même que Mme Morano ne fasse sa déclaration.

M. Michel Bouvard. Le problème, c’est que Mme Morano a fait cette déclaration sans avoir les crédits nécessaires !

Mme Françoise Briand. Je me suis alors réjouie d’aller dans le même sens que le Gouvernement, persuadée que cette disposition était nécessaire pour permettre aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. À vrai dire, elle constituerait une avancée surtout pour les femmes car la possibilité d’amener leur bébé sur leur lieu de travail leur éviterait de courir tous les matins pour confier leur enfant à une crèche collective ou familiale, avec le stress et la perte de temps que cela implique, sans compter les problèmes de transports.

Je ne veux surtout pas mettre Mme Morano dans l’embarras. Je crois qu’elle est favorable de toute façon à cette mesure. Il faudra seulement que M. Chartier m’explique comment rédiger l’amendement qu’il évoquait : je ne suis pas membre de la commission des finances et certaines choses m’échappent, je l’avoue. Je suis donc prête à travailler en ce sens.

M. le président. Vous retirez donc votre amendement, madame Briand ?

Mme Françoise Briand. Si cela arrange tout le monde, je le retire.

(L'amendement n° 252 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, j’aimerais simplement demander à M. le ministre de bien vouloir mettre ses services à la disposition de Mme Briand afin que son amendement puisse être parfaitement rédigé.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. François Baroin, ministre du budget. Par définition, le Gouvernement est à la disposition du Parlement, monsieur Chartier.

M. Charles de Courson. Mais c’est une révolution culturelle !

M. François Baroin, ministre du budget. Et pour son plus grand bonheur, pour ce qui me concerne. Je peux donc vous dire, Mme Briand, que mes services seront à votre disposition pour vous accompagner dans votre démarche auprès de Mme Morano.

Je rappelle néanmoins qu’il ne faut pas oublier le contexte dans lequel nous nous trouvons.

M. Jean Launay. Jusqu’à quelle date ?

M. François Baroin, ministre du budget. Regardez ce qui se passe en Grande-Bretagne, au Portugal, en Espagne et je ne parle même pas de la situation grecque.

Dans le cadre de cette discussion budgétaire où nous échangeons des propos aimables, chaleureux, respectueux, je tiens à répéter que je ne veux jamais m’éloigner du fil conducteur des objectifs intangibles qui nous sont assignés par le Président de la République et le Premier ministre dans cette nouvelle trajectoire des finances publiques.

C’est un devoir, une responsabilité. Je veux bien être battu au nom du Gouvernement sur des choses qui seront incompatibles ou contradictoires avec ce que nous proposons, mais cela nous l’assumons.

Je remercie néanmoins Mme Briand de son geste. Je ne peux pas prendre d’engagement sur l’issue, mais nous ferons tout pour que, dans la discussion des postes budgétaires, sous l’autorité de la secrétaire d’État, soient opérées des répartitions et des affectations selon des choix politiques qui, s’ils sont prioritaires pour une majorité à l’Assemblée nationale, entreront dans l’exercice de la loi pour une application l’année prochaine.

En complément et en conclusion, je veux aussi vous dire que, sous l’impulsion du Président de la République et pour la première fois, les ministres ont eu dans leur besace de responsabilités le devoir d’être satisfaits devant leur administration d’avoir obtenu un budget qui est bon parce qu’il n’est pas en hausse.

M. Nicolas Perruchot. Ce serait une révolution !

M. François Baroin, ministre du budget. Stable, c’est déjà très bien ; à la baisse, c’est dans la tendance. À l’exception de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la justice et de l’intérieur, tous les autres participent à l’effort général. Est-il besoin de vous rappeler que la réduction des crédits d’intervention sera de 10 % sur les trois prochaines années et de 5 % de manière unilatérale l’année prochaine ; que le train de vie de l’État va être réduit ; que nous sommes dans l’application de la nouvelle RGPP et qu’il y a encore 97 000 postes de fonctionnaires à supprimer dans le cadre du « un sur deux ». Nous sommes dans un budget d’économies.

M. le président. Mes chers collègues, je m’inspire de la gravité du ministre pour vous dire que ce jeudi soir, à vingt-deux heures quarante-cinq, nous avons examiné, depuis le début de la discussion des articles, 156 amendements et qu’il en reste 362. Nous n’avons pas fait le tiers du chemin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il fallait le rappeler, merci, monsieur le président.

M. le président. Au rythme de onze amendements à l’heure environ, nous aurions encore besoin de trente-trois heures. Nous ne les avons évidemment pas. J’incite donc les uns et les autres à respecter les temps de parole qu’impose notre règlement. Moi-même je m’efforcerai de les faire respecter de façon à tenir les exigences de notre calendrier. Cela n’interdit pas la discussion pour peu que chacun soit concis.

Je suis saisi d'un amendement n° 29.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai évoqué cet excellent amendement ce matin, et la paternité en revient à notre collègue Nicolas Forissier

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Je veux rassurer le ministre en lui disant ma certitude que la mesure proposée s’inscrit bien dans le cadre d’une dépense fiscale maîtrisée. J’en ai la conviction profonde.

L’amendement est particulièrement vertueux puisqu’il permet de renforcer à la fois les fonds propres des entreprises et les recettes fiscales de l’État. C’est une disposition que j’avais proposée lors de la discussion du projet de budget pour 2009, qui n’avait pas été acceptée, mais qui a été reprise par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance. Elle fonctionne jusqu’au 31 décembre de cette année, et je propose de la rendre pérenne.

Cette disposition concerne la cession-bail. Une entreprise qui possède des murs, une usine, des bâtiments et qui a besoin de fonds propres pour se développer, cède ses murs à une société de crédit-bail qui les lui revend avec un crédit-bail sur quinze ans. Cela permet à l’entreprise, tout en restant maîtresse de son immobilier, de dégager des moyens financiers immédiats et de se développer dans de bonnes conditions. Cela lui permet aussi de rester sur le territoire où sont ses murs.

Pour l’État, cela représente une recette supplémentaire. Dans le régime antérieur, l’entreprise était obligée de payer la plus-value sur cession en une seule fois. À un taux de 30 %, cela constituait un obstacle. Le dispositif que je demande de pérenniser n’a pas exonéré cette plus-value de paiement ni ne l’a minorée, il l’a rendue payable par fractions sur les quinze années de façon à étaler la charge.

Cette disposition, vous le savez, monsieur le ministre, a permis de tripler le nombre de cessions-bail : de 500 millions d’euros rentrant dans les fonds propres des entreprises on est passé à 1,5 milliard en moyenne annuelle. C’est donc une mesure extrêmement intéressante puisqu’elle soutient vraiment le financement des entreprises et déclenche des opérations qui ne se faisaient pas avant que la plus-value ne soit étalée. Outre les recettes fiscales supplémentaires que ces opérations procurent à l’État, il y a encore la TVA sur les loyers.

Ce système très vertueux que le Gouvernement a mis en œuvre, il faut vraiment le poursuivre pour la plus grande satisfaction des entreprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Ce matin, le Gouvernement était défavorable à votre amendement, monsieur Forissier, car nous ne nous entendions pas sur le fait qu’une dépense fiscale en augmentation implique une augmentation des dépenses globales, ce qui ne va pas dans le sens que nous souhaitons.

En revanche, il est favorable à celui-ci, qui est pertinent. Il tend à préserver un outil efficace, utile au développement économique par l’étalement dans le temps d’une fiscalité qui peut être trop lourde sur un seul exercice et devenir une menace à terme, pour des questions de trésorerie ou de développement de l’activité, surtout en période de crise.

Cet amendement est justifié parce qu’il s’inscrit dans l’une des lignes de force de ce budget, qui consiste à épargner tous les dispositifs favorables au développement économique. C’est ce qui nous a animés hier soir avec le crédit d’impôt-recherche, c’est ce qui nous permet de nous retrouver aujourd’hui avec ce dispositif de crédit-bail.

(L'amendement n° 29 est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 494.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le régime « mère-fille » est un dispositif extraordinairement coûteux. Comme le rappelle le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, en France, il est extrêmement et doublement favorable. D’abord, le bénéfice en est accordé quelle que soit la provenance des dividendes. Ensuite, le taux de participation exigé dans la filiale est de 5 % dans notre pays, contre 10 % à 15 % dans la plupart des pays de l’OCDE. Le coût de ce dispositif, qui remonte aux années quatre-vingt, est considérable : de 0,1 point de PIB dans les années quatre-vingt-dix, il est passé à 0,4 point au début des années deux mille pour atteindre aujourd’hui 1,8 point, ce qui représente 34 milliards d’euros. Les dividendes ont certes augmenté, mais quand on regarde l’augmentation de cette dépense fiscale – qui est d’ailleurs classée dans les modalités de calcul de l’impôt et non pas dans les dépenses fiscales –, on constate une dérive complète.

Parmi les mesures proposées dans le rapport du CPO, nous retenons ici celle qui consiste à porter le taux de participation à 10 %, ce qui nous situerait dans la moyenne de ce que font les pays de l’OCDE, voire un peu en dessous. D’autres propositions sont, me semble-t-il, reprises par d’autres groupes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. De 10 % jusqu’en 2000, le taux a été ramené à 5 % dans la loi de finances pour 2001, avec pour contrepartie la suppression d’une clause qui dispensait d’un pourcentage dès lors que la participation était inférieure à un certain montant. En Allemagne, par exemple, il n’y a pas du tout de seuil minimum.

Ce régime fait partie des sujets qu’il faut étudier dans un cadre européen de mise à plat de l’impôt sur les sociétés, à la fois en termes d’assiette et de taux. En attendant, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis, mêmes arguments.

(L'amendement n° 494 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 522.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce petit amendement tend à bien préciser la date d’application de la mesure, que nous proposons de fixer à la date de publication du projet de loi de finances, soit le 29 septembre 2010.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable. Cette mesure, annoncée dès le mois de juin, figure explicitement dans le dossier de presse de la réforme des retraites comme devant rapporter 200 millions d’euros environ. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu l’information nécessaire. Je ne vois donc pas de raison de décaler la date d’application.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En l’état actuel, à quelle date la mesure s’applique-t-elle ? Vous dites au mois de juin, mais le texte dit qu’elle s’applique à tous les exercices clos à compter du 31 décembre 2010.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai.

M. Charles de Courson. Cela pose un vrai problème de rétroactivité. Si vous préférez, fixons la date au mois de juin. Viser l’exercice clos à compter du 31 décembre 2010 rendrait la mesure rétroactive au 1er janvier, ce qui ne manquerait pas de poser des problèmes aux entreprises. Il faut toujours essayer de faire en sorte que les mesures s’appliquent à la date à laquelle elles sont annoncées, sinon on ne sait plus où on va.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’enjeu, c’est 33 % de 5 %, monsieur de Courson, soit 1,67 %. Mais je ne conteste pas l’effet rétroactif de la mesure pour les entreprises qui ont remonté des distributions entre le 1er janvier et la fin mai, si nous nous référons à l’annonce faite pour début juin.

(L'amendement n° 522 n'est pas adopté.)

(L'article 6 est adopté.)

Après l'article 6

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 6.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 33 et 502.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement adopté par la commission concerne les retraites chapeaux. Il consiste à en limiter les montants à 30 % du montant de la rémunération reçue la dernière année d’exercice, ce qui n’est déjà pas si mal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je suis partagé sur ce sujet. En réalité, le Gouvernement a déjà beaucoup fait en prévoyant notamment un alourdissement supplémentaire, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur les retraites dites chapeaux. Cela représentera une contribution à hauteur de 110 millions. Vous souhaitez aller encore plus loin. Logiquement, et compte tenu de ce que je viens d’indiquer, le Gouvernement pencherait pour un rejet, mais je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean Launay. On va vous départager !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet amendement est relativement mesuré par rapport à d’autres dispositions qui ont pu être proposées, y compris par nous-mêmes.

M. Dominique Baert. On aurait voulu faire plus !

M. Christian Eckert. Nous avons été fortement sollicités à ce sujet car, dans un certain nombre d’entreprises sidérurgiques, de Lorraine notamment, les retraites chapeaux ne sont pas limitées aux seuls dirigeants ou mandataires. L’amendement tel qu’il est rédigé me semble parfaitement équilibré et répondre aux inquiétudes qui nous ont été exprimées ces derniers jours.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je rejoins ce que vient de dire notre collègue, qui est partagé, je pense, par beaucoup d’autres sur ces bancs. Nous essayons de proposer un seuil acceptable.

On distingue deux catégories de retraites chapeaux. Il y a les retraites classiques, d’un montant normal par rapport aux dernières rémunérations des différents dirigeants ou cadres supérieurs d’une entreprise, qui sont négociées dans le cadre contractuel normalisé et qui permettent d’avoir quelques garanties en cas de sortie, anticipée ou pas, de l’entreprise, qu’elle soit moyenne ou grande. Et puis, il y a les retraites qu’on pourrait qualifier de sud-américaines – pour ma part, je les appelle les retraites « sombreros ». Ce sont celles des gens qui exagèrent. On en a vu, malheureusement, des dirigeants de grandes banques, de très grandes entreprises françaises et internationales…

M. Jean-Pierre Brard. Dans le BTP, par exemple.

M. Nicolas Perruchot. …qui, même pendant la crise financière, exagéraient. Ils nous obligent aujourd’hui à légiférer pour revenir à des comportements plus raisonnables.

Il est important d’accepter cet amendement, car il est très choquant, en temps de crise ou pas, de voir des gens, après parfois quinze, seize ou dix-huit mois maximum d’activité, se payer sur la bête en prenant des retraites aux coefficients multiplicateurs énormes.

C’est aussi un amendement de moralisation du capitalisme que nous devons adopter ce soir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre vous estimez avoir beaucoup fait. Non, vous avez seulement réduit l’immoralité, la situation est « moins pire » qu’avant, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Nous pensons tous aux dirigeants de Vinci ou d’Alcatel-Lucent, des voleurs partis avec le magot, alors qu’ils avaient déjà des salaires mirobolants !

M. Jean-François Mancel. Jaloux !

M. Jean-Pierre Brard. Ces retraites chapeaux devraient être supprimées, monsieur Chartier. L’amendement de Nicolas Perruchot ou Charles de Courson – je les confonds, ce soir – va dans le bon sens et améliore la situation, mais il faudrait aller jusqu’à supprimer ces retraites chapeaux.

Qui en touche dans les usines, à part les dirigeants ? Cela ne peut pas continuer.

Nous voterons pour cet amendement parce qu’il va dans le bon sens, mais il reste encore du chemin à parcourir.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je comprends cet amendement.

Comme l’a indiqué notre collègue, quand nous examinons ce type de dispositions ou celles qui sont dans le PLFSS, nous devons être attentifs aux régimes qui ont fait l’objet d’accords d’entreprise et qui, pour certains, ont même été soumis à agrément ministériel en leur temps.

Ces retraites d’entreprise ne concernent alors pas seulement quelques hauts dirigeants mais une grande partie des personnels, notamment dans les secteurs de la métallurgie, de l’électrométallurgie, des alumineries, où elles ont été très développées.

Comme le permet l’amendement, nous devons être capables de distinguer les mesures exceptionnelles des retraites d’entreprise. À un moment où nous souhaitons encourager les retraites complémentaires compte tenu des problèmes de financement à venir, il ne faut pas décourager ce type d’initiative par des mesures couperet.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut augmenter les salaires, cela fera de meilleures retraites !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur Brard, si vous commencez à confondre M. de Courson et M. Perruchot, il va falloir consulter un oculiste.

M. Nicolas Perruchot. Il est tard !

M. Jean-Pierre Brard. C’est le même centre !

M. Jérôme Chartier. C’est peut-être l’heure, en effet, mais vous devriez vous méfier de vos lunettes ou de votre vue.

S’agissant des retraites chapeaux, je pense que cet amendement est équilibré.

D’une part, il propose un plafond par rapport à la dernière rémunération de l’année. Ce dispositif de bonne mesure est complémentaire des systèmes classiques qui existent par ailleurs. Par conséquent, il ne s’agit pas de réduction d’une retraite eu égard à un salaire parfois mirobolant.

De surcroît, les retraites chapeaux ont le défaut d’être décidées dans un cénacle au moment du départ. Il faut se méfier des cadeaux de départ qui, parfois, peuvent être destinés à précipiter le départ. Il faut donc bien les encadrer pour éviter tout débordement.

Cela étant, je vous invite à réfléchir sur le fait que, dans une économie mondialisée, les retraites chapeaux concernent généralement des dirigeants de multinationales qui possèdent des succursales un peu partout.

Le dispositif envisagé s’adressera à des dirigeants français pour les rémunérations perçues en France. Comment va-t-on contrôler les éléments de rémunération versés par une filiale située à l’étranger ?

M. Jean-Pierre Brard. Comme les Américains !

M. Jérôme Chartier. Je soumets cette question à votre réflexion. La piste évoquée par Patrice Martin-Lalande me semble la bonne : nous allons devoir rapidement situer le débat à un niveau supranational, pas celui de l’Europe mais celui du G20.

Des décisions devront y être prises concernant notamment les bonus des traders qui ont déjà fait l’objet de réflexions du G20 traduites par des mesures dans la loi de régulation bancaire et financière ou d’autres formes de taxation.

Au fil du temps, le G20 s’affirme comme le niveau pertinent pour toutes les décisions qui concernent des entreprises mondiales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je souscris aux remarques de Michel Bouvard et je pense que cet amendement sera sans conséquence sur les salariés dont il évoquait le cas.

M. Michel Bouvard. L’amendement ne pose pas de problème !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il s’agit de salariés d’entreprises nationalisées qui ont été privatisés. Lors de la privatisation, ce type de retraite leur a été garanti en échange de l’abandon de la garantie du secteur public. La parole de l’État doit être respectée, mais cet amendement est sans conséquence pour eux.

Je souscris également aux remarques de Nicolas Perruchot. Au moins deux noms me viennent à l’esprit et on peut les citer sans faire de délation puisqu’ils sont connus de tous : Dexia et Alcatel-Lucent.

La personne qui présidait aux destinées de Dexia avec le succès que l’on sait est partie avec une retraite chapeau.

M. Michel Bouvard. Oui !

M. Charles de Courson. Énorme !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. La dirigeante d’Alcatel-Lucent, – il se trouve que c’était une femme – qui a quitté l’entreprise en la laissant dans l’état que l’on sait, est partie avec une retraite chapeau.

M. Lionel Tardy. L’amendement ne règle rien !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Rien ne justifie de telles pratiques à l’avenir. Il est plus que temps que le Parlement se saisisse de ce cas et encadre ce type de rémunérations complémentaires ou accessoires mais néanmoins très importantes.

(Les amendements identiques nos 33 et 502 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 34 et 501.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement qui se situe dans la ligne du précédent et qui a aussi été adopté en commission des finances prévoit de limiter les indemnités de départ, autrement appelées golden parachutes, au double de la plus élevée des indemnités de départ prévues en cas de licenciement par les accords d’entreprise ou de branche.

Là encore, que l’on arrête ces systèmes qui permettent à des dirigeants, y compris quand ils ont planté leur boîte, de partir avec des golden parachutes.

C’est l’illustration même d’une dégénérescence du capitalisme. Dans un système capitaliste digne de ce nom, ceux qui réussissent sont encouragés et ceux qui échouent sont sanctionnés. Récompenser ceux qui échouent, c’est l’inverse d’une société de responsabilité.

L’idée de cet amendement est d’empêcher des golden parachutes extravagants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?

M. François Baroin, ministre du budget. Ces amendements sont un peu dans le même esprit que les précédents, mais le Gouvernement ne s’en remettra pas, cette fois, à la sagesse de l’Assemblée.

Beaucoup a été fait sur cette question des golden parachutes. Nous sommes tous d’accord sur le fond : les abus et les scandales ont heurté énormément la société ; ils ont provoqué des zones de friction, de l’exaspération, et tout cela a été amplifié par la crise.

Nous avons subi un effet de ciseaux : un contexte économique entraînant du chômage ; des résultats d’entreprises qui, dans certains cas, ont favorisé l’enrichissement personnel d’acteurs qui n’avaient pas donné satisfaction.

Sur le fond nous sommes d’accord. Au titre de la cohésion de la nation, le Président de la République avait demandé au monde de l’entreprise de prendre ses responsabilités, de s’organiser de manière coordonnée afin de définir un code de déontologie et de plafonner les indemnités de départ à deux ans de la rémunération du bénéficiaire.

Nous considérons que le milieu économique a évolué. Il a créé des garde-fous et édicté des codes dont il ne disposait pas.

Les pouvoirs publics, sans mettre en place une économie administrée, en exprimant la prise de conscience collective d’abus inacceptables, a permis au monde de l’entreprise et de l’économie de bouger.

Après votre geste sur les retraites chapeaux, et compte tenu de la position du Gouvernement pour le financement des retraites dans le cadre du PLFSS – tranche supplémentaire de l’impôt sur les revenus, mesures sur les retraites chapeaux et les stock-options, augmentation de la taxation des plus-values mobilières et immobilières –, nous avons un ensemble cohérent qui adresse un message fort à la fois de solidarité et de lutte contre les abus.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est plutôt défavorable à ces amendements.

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je nous croyais dans une grande journée de repentance. Pour le bouclier fiscal, nous avons entendu des propos inédits.

M. Jacques Domergue. Voyez !

M. Christian Eckert. Les amendements dont nous discutons ne sont, ni plus ni moins, que la reprise d’amendements ou de propositions de loi que nous avions déposés l’an dernier, en avril et octobre 2009.

À l’époque, on nous avait dit que c’était idiot en nous opposant déjà le code de bonne conduite, et nos propositions avaient été balayées d’un revers de main. Ce soir, une première mesure vient d’être adoptée.

Monsieur le ministre, en matière de législation fiscale, les codes de bonne conduite ont largement prouvé leur inefficacité. Il y a donc tout lieu de suivre l’avis de la commission, qui s’est montrée assez unanime sur cet amendement que nous approuverons sans hésitation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez aboutir à un ensemble cohérent, disiez-vous à l’instant monsieur le ministre. Soyez cohérent jusqu’au bout et n’ayez pas peur de votre propre audace, ou plus exactement de votre timidité !

Il n’y a pas que les retraites chapeaux mais aussi les golden parachutes et les golden hello. Soyons cohérents, mettons-y de la morale.

Si vous voulez redonner de la crédibilité au politique, ne vous arrêtez pas au milieu du gué. Ce qui est immoral est immoral ; il n’y a pas demi-mesure. Sinon, vous continuerez à porter votre croix. Vous apparaîtrez comme un Gouvernement qui justifie toutes ces pratiques.

Quant au code de bonne conduite, on en fait des gorges chaudes lors des cocktails ou à l’heure du thé dans les beaux quartiers : c’est un attrape-nigaud, vous le savez bien ! Cela fait rire Mme Parizot et les autres dirigeants du MEDEF. Vous imaginez si M. Ghosn et quelques autres sont impressionnés par ces codes de bonne conduite !

Il faut être cohérents et envoyer des signaux clairs au peuple français, qu’enfin les dirigeants politiques ont entendu l’aspiration à ne plus tolérer de telles pratiques.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 34 et 501, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Comme Jean-Pierre Brard l’a indiqué, les contrats à golden parachute comportent très souvent un golden hello.

Après le pot de bienvenue et le chèque afférent – d’un montant dépassant parfois largement l’entendement –, on constate, quelques mois plus tard, que le dirigeant ne fait pas l’affaire, qu’il a mal agi ou qu’il a détruit de l’emploi – quoique ce dernier cas de figure soit plutôt salué par les marchés –, et on lui donne un golden parachute.

Il ne faudrait pas abuser de la patience des parlementaires, il faut en passer par une moralisation nécessaire. Le golden parachute est une pratique déviante qui, malheureusement, n’incite pas les dirigeants à se montrer responsables. Il est donc normal de la sanctionner.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Contrairement à l’amendement sur les retraites chapeaux, celui-ci pose un problème. En le rédigeant, MM. de Courson et Perruchot devaient avoir en tête le cas où un dirigeant d’entreprise qui a failli perçoit, au moment de son départ, de fortes indemnités de licenciement. Le problème est qu’il ne couvre pas seulement ce cas, mais s’applique de manière générale.

Je citerai un exemple, qui remonte à quelques jours. Après avoir, pendant quinze ans, fait grandir sa société multinationale et l’avoir multipliée par cinq, un dirigeant se retrouve en désaccord avec le groupe familial au point de devoir se séparer de lui. Ayant valorisé l’entreprise et créé des milliers d’emplois, ce dirigeant peut prétendre à des indemnités de licenciement en conséquence.

M. Jean-Pierre Brard. Et l’ouvrier de la même usine ?

M. Jérôme Chartier. Interdire, par le plafonnement institué dans cet amendement, la rémunération exceptionnelle d’un dirigeant ayant particulièrement bien réussi n’a pas de sens.

En revanche, limiter les indemnités de départ des dirigeants qui ont failli à leur mission me paraît un bon principe qu’il faut suivre. Dans sa rédaction actuelle, l’amendement n’est pas adapté car il s’applique à tous les cas de figure. C’est pourquoi il conviendrait que l’Assemblée nationale le repousse, au profit – et je suis prêt à participer à sa rédaction – d’une disposition plus précise tendant à limiter les indemnités de départ des responsables d’entreprise ayant démérité.

M. Jean-Pierre Brard. À la saint-Glinglin !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis sidéré par les arguments de M. Chartier. Nous voterons, pour notre part, cet amendement. Nous considérons en effet que nous jouons pleinement notre rôle de parlementaires en légiférant à ce sujet, et ce pour deux raisons.

La première est, comme Jean-Pierre Brard l’a souligné, que les tentatives de charte éthique, de code de bonne conduite, lancées par le MEDEF non seulement étaient très évasives, mais sont restées lettres mortes. La seconde est qu’il n’y a pas eu non plus d’initiatives sérieuses du Gouvernement, en dépit de quelques déclarations de Mme Lagarde à une certaine époque. Or nous constatons que ces pratiques continuent.

Je fais remarquer à Jérôme Chartier que la limitation fixée dans l’amendement est quand même assez généreuse, puisqu’elle correspond à « deux fois la plus haute indemnité de départ en cas de licenciement d’un salarié prévue par les accords d’entreprise ou, à défaut, les accords conventionnels de branche ».

M. de Courson a parlé de dégénérescence du capitalisme. Je ne sais pas ce que recouvraient exactement ces termes mais ce qui est sûr, c’est que ces pratiques posent un problème moral, bien perçu par nos concitoyens. Les salariés savent à quelle sauce ils seront mangés en cas de licenciement ; ils ne bénéficieront pas d’un golden parachute. De son côté, le dirigeant d’une entreprise est très bien payé, il ne faut pas l’oublier. La prime de risque liée au caractère aléatoire de son statut est déjà incluse, en quelque sorte, dans son salaire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. L’adoption de cet amendement serait cohérente avec celle de l’amendement sur les retraites chapeaux car nous connaissons au moins autant de cas, y compris récemment, de golden parachutes qui ont heurté le sens commun de nos concitoyens. Nous serions donc bien avisés de voter l’amendement, et la population ne s’y tromperait pas.

M. le président. La parole est à M. le.

M. François Baroin, ministre du budget. Sans vouloir donner l’impression d’emboîter le pas au président de la commission des finances pour le contredire, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de sujets de même nature. La question des retraites chapeaux est une chose, celle des stock-options en est une autre. Ces dernières, il ne faut pas l’oublier, sont susceptibles de nourrir la compétitivité de nos entreprises en leur permettant d’attirer les meilleurs sujets.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il est question des golden parachutes dans l’amendement, pas des stock-options !

M. François Baroin, ministre du budget. Oui, mais tout est lié.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas la même chose !

M. François Baroin, ministre du budget. Golden parachutes et stock-options sont des modalités d’attractivité importantes, en tout cas plus importantes que les retraites chapeaux qui ont, à juste titre, heurté l’opinion.

Pour le reste, il y a une telle volonté du milieu économique de déplacer les lignes que nous devons aussi entendre ce message.

M. Jean-Pierre Brard et M. Jean-Claude Sandrier. C’est faux !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 34 et 501.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 51

Majorité absolue 26

(Les amendements nos 34 et 501 sont adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 253.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement, que j’ai déjà présenté plusieurs fois, tend à éviter que notre fiscalité ne conduise les entreprises à favoriser l’endettement plutôt que la constitution de fonds propres.

Nous sommes dans une période où les entreprises ont besoin de renforcer leurs fonds propres. Nous proposons, pour les y aider, d’appliquer un dispositif qui existe en Allemagne, pays toujours cité en référence, à savoir le plafonnement des déductions d’intérêts.

Lorsque j’ai présenté cet amendement l’année dernière, lors de l’examen du précédent PLF, tous les groupes ont reconnu, même si nous ne sommes pas parvenus à un accord, qu’il s’agissait d’un vrai sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que la commission.

(L'amendement n° 253 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 257.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement porte sur des opérations de rachat, appelées LBO – rachat par effet de levier – dont nous avons déjà dénoncé les dangers en commission et lors d’une séance de questions d’actualité. La crise et la dégradation de la conjoncture ont encore renforcé les inconvénients de cette procédure

Selon la COFACE, sur les 1 600 entreprises en LBO en France, 900 sont actuellement en zone de surveillance et plusieurs en zone d’alerte. Même si les LBO ne sont pas à l’origine des difficultés des entreprises, ils constituent un facteur aggravant.

Je prendrai l’exemple de TéléDiffusion de France – TDF –, entreprise d’importance, présente sur l’ensemble du territoire national. Porteuse d’enjeux stratégiques, elle réalisait sa politique d’investissement en cash. Si ma mémoire est bonne, elle a été rachetée à deux reprises par une procédure de LBO, ce qui a sans doute permis au passage des rémunérations d’actionnaires intéressantes. Mais le résultat est que l’État a perdu sa capacité de vision et son emprise stratégique sur l’entreprise et qu’il s’en est suivi des tensions sur l’emploi et un affaiblissement de la capacité de l’entreprise sur le terrain.

Par cet amendement, nous proposons donc de « désinciter » les opérations LBO les plus risquées en supprimant l’avantage fiscal dû à la déductibilité des intérêts d’emprunt, lorsque le rapport entre les capitaux propres et la dette financière est inférieur à 66 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous ne saurions nous contenter d’un avis aussi laconique du rapporteur général et du ministre.

Je citerai un autre exemple, survenu aujourd’hui même : Picard, le spécialiste français des produits surgelés, vient d’être racheté par un fonds anglais pour un montant de 1,5 milliard d’euros, par une opération LBO : 600 millions d’euros ont été versés en liquide, tandis que le reste est financé par emprunt.

C’est le quatrième LBO que connaît Picard en quinze ans. Qu’est-ce que cela a valu à l’entreprise ? De connaître une pression interne telle pour rembourser les intérêts d’emprunt qu’elle figure sur la liste publiée par le Gouvernement des mauvais élèves pour le stress au travail.

Nous n’interdisons pas les LBO. Nous proposons simplement, pour qu’il y ait un rapport raisonnable entre les apports de fonds propres et l’endettement, de supprimer l’avantage fiscal dû à la déductibilité des intérêts d’emprunt lorsque ce rapport est inférieur à 66 %.

Notre amendement nous paraît mesuré : il met un taquet pour limiter le risque et continuer à avoir une politique industrielle dans ce pays qui en manque cruellement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je suis étonné de l’argument de M. Eckert. Picard compte aujourd’hui 823 points de vente en France et une cinquantaine à l’étranger, ce qui représente beaucoup d’emplois. Honnêtement, si cette entreprise n’avait pas fait l’objet de rachats par la procédure LBO, elle ne serait pas à ce niveau. Dans beaucoup de villes, petites, moyennes ou grandes, de province ou d’Île-de-France, elle offre un service de proximité très apprécié, grâce à une filière du surgelé complètement intégrée. Cela aurait-il été possible sans effet de levier ? Je ne le crois pas.

Votre amendement a fait l’objet d’un débat en commission. Vous indiquez que, selon la COFACE, 900 des 1 600 entreprises en LBO seraient en zone de surveillance. Je rappelle qu’est survenu un événement important qui s’appelle la crise, laquelle a certainement dû jouer dans le fait qu’un certain nombre d’entreprises se retrouvent aujourd’hui sous surveillance. J’aurais aimé que la COFACE fasse la part des choses entre les effets de la crise et ceux des LBO. J’ai d’ailleurs apprécié, monsieur Launay, la mesure avec laquelle vous avez défendu l’amendement, ce qui prouve que le débat que nous avons eu en commission a servi.

Enfin, puisqu’un amendement est déposé chaque année sur les LBO, j’aimerais qu’on en dresse un bilan objectif. Nous savons tous qu’il y a eu des opérations sauvages et mal montées, réalisées par des gens dont l’unique objectif était de faire du profit à très court terme. Personne ne saurait s’en satisfaire. Nous les rejetons tous. Mais il y a eu aussi – il faut le reconnaître – des opérations de LBO menées de manière intelligente par de bons dirigeants qui ont créé beaucoup d’emplois.

(L'amendement n° 257 n'est pas adopté.)

 m le président. Je suis saisi d'un amendement n° 167.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Une affaire en cours soulève des interrogations alors qu’il n’est question que de préservation des recettes budgétaires. En présentant cet amendement, je n’ai nullement l’intention de demander son application de manière rétroactive ni de stigmatiser une entreprise. Je profite simplement de ce fait d’actualité pour demander au ministre du budget de préciser la doctrine de l’administration fiscale dans une matière indéniablement délicate.

Comme tout le monde le sait, la Société générale a subi des pertes en 2008 à la suite d’un débouclage de positions forcé et précipité, dans des conditions sur lesquelles la justice pénale s’est prononcée en première instance et au sujet desquelles je n’ai pas de commentaires à faire. La prise en compte du déficit résultant de cette opération a permis à la Société générale d’obtenir une annulation de l’impôt sur les sociétés d’un peu plus d’un milliard d’euros, ce qui représente une perte importante de recettes pour l’État.

En déposant cet amendement, je souhaite ou bien que la loi tranche la question des « charges engagées dans l’intérêt direct de l’exploitation ou se rattachant à la gestion normale de l’entreprise », pour paraphraser la doctrine actuelle, ou bien que le ministre nous réponde sans ambiguïté. Il s’agit de savoir si une décision prise dans une entreprise peut être considérée comme un acte normal de gestion lorsqu’elle contrevient aux recommandations du régulateur. On le sait, dans cette affaire, le régulateur a sanctionné la Société générale non pas pour ce qu’avait fait l’un de ses agents, aujourd’hui condamné en première instance, mais pour un manque de prudence dans un certain nombre de procédures qui a peut-être concouru – le régulateur ne le dit pas – à la perte essuyée. Autrement dit, l’administration fiscale doit-elle vraiment accepter la perte de recettes occasionnée dès lors que celle-ci trouve son origine dans un acte qui n’est pas – cela va de soi – contraire à la loi, qui n’est pas une fraude, mais qui tient à une gestion de l’entreprise contraire aux recommandations des autorités de régulation, dont le rôle est précisément d’éviter de tels excès ?

Une deuxième question se pose. J’ai clairement indiqué que la justice s’était prononcée. Appel a été formé. Dans l’hypothèse où la décision rendue en appel ne serait pas la même que celle rendue en première instance, autrement dit dans l’hypothèse où le juge d’appel estimerait que la responsabilité de l’entreprise Société générale est engagée au motif que les procédures qui étaient les siennes au moment où l’agent prenait des positions déraisonnables ont eu une responsabilité directe dans la perte occasionnée par un débouclage précipité, urgent mais nécessaire, quelle serait la position de l’administration fiscale ?

Soit nous tranchons cette question par la loi, monsieur le ministre, ce qui n’est pas forcément la meilleure solution, soit vous nous précisez, éventuellement en la modifiant, quelle est la position de l’administration fiscale afin que, le compte rendu de nos débats faisant foi, les choses soient calées de manière peut-être un peu plus sûre qu’elles ne semblent l’être aujourd’hui, entre préconisations du régulateur, réglementation et législation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme l’a dit M. le président de la commission des finances, il n’est pas certain qu’il incombe à la loi de définir quels types de charges sont déductibles ou non lorsque de tels incidents, accidents ou détournements surviennent. Il est extrêmement difficile de définir, en pareils cas, le champ de la déductibilité.

La question est de savoir – le président de la commission l’a très bien dit – quelles orientations sont données à l’administration fiscale, laquelle travaille sous le contrôle du juge. Le Conseil d’État a récemment rendu un arrêt concernant la société Alcatel à propos d’un détournement de fonds qui a défrayé la chronique il y a deux ou trois ans. Un véritable détournement, avec de fausses factures, avait eu lieu, et l’administration fiscale a refusé la déductibilité.

M. Jean-Pierre Brard. C’est comme la Société générale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, c’est complètement différent, monsieur Brard. En l’occurrence, c’était un détournement organisé, avec de fausses écritures, etc. Ce n’est pas le cas de la Société générale, on ne peut pas comparer les deux situations.

Comme il y avait fraude et détournement, l’administration fiscale a refusé la déductibilité, à la suite de quoi Alcatel a saisi la juridiction administrative. Je vous lis les principaux considérants qui motivent l’arrêt rendu contre votre administration, monsieur le ministre, puisque le Conseil d’État a retenu la déductibilité : « Les circonstances ne révèlent pas un comportement délibéré ou une carence manifeste des dirigeants de la société dans l’organisation dudit département ou dans la mise en œuvre des dispositifs de contrôle qui serait à l’origine, directe ou indirecte, des détournements. »

La jurisprudence est, en la matière, assez fournie. Pour ma part, j’estime que l’on n’a pas intérêt à légiférer dans ce domaine. Je crois d’ailleurs que c’est plutôt la position de Jérôme Cahuzac. Il serait cependant intéressant que le ministre nous précise les orientations données à son administration en la matière.

Derrière l’amendement du président Cahuzac, il y a évidemment l’affaire de la Société générale. À cet égard, l’arrêt Alcatel du Conseil d’État me paraît très intéressant : alors que l’administration avait refusé la déductibilité dans un cas de détournement, la jurisprudence administrative l’a au contraire admise. Au regard de ce jugement, on comprend beaucoup mieux que l’administration n’ait pas refusé la déductibilité dans l’affaire Kerviel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le débat est intéressant. Par ce qui est en réalité un amendement d’appel, le président de la commission des finances vise à faire préciser devant la représentation nationale quelle est la doctrine de l’administration fiscale sur un sujet qui a défrayé la chronique. La ligne suivie est assez claire : l’administration fiscale s’aligne sur l’évolution de la jurisprudence. C’est ce qui se passe en réalité.

Vous avez cité à juste titre, monsieur le rapporteur général, la jurisprudence qui fonde l’application, connue de tous, du carry back à la Société générale. Il s’agit d’un arrêt rendu en 2007 par le Conseil d’État. Je me permets d’en citer d’autres extraits :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que les dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataire social, de la SOCIÉTÉ ALCATEL CIT n’ont pas eu effectivement connaissance des détournements commis par les salariés de celle-ci, […] ces circonstances ne révèlent pas un comportement délibéré ou une carence manifeste des dirigeants […] dans ces conditions, les détournements doivent être réputés avoir été commis à l’insu de la société. »

C’est sur cette évolution jurisprudentielle que se fonde l’application de la doctrine de l’administration fiscale en matière de carry back : une perte constatée sur une année donnée peut être imputée sur les bénéfices des trois années précédentes.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je formulerai deux observations.

Premièrement, l’interpellation de Jérôme Cahuzac portait aussi sur une deuxième question : que se passerait-il si la responsabilité de la Société générale était directement ou indirectement mise en cause en appel ?

Deuxièmement, la comparaison avec le cas d’Alcatel n’est pas complètement pertinente. Je crois savoir que la Société générale avait été interpellée – en 2008, me semble-t-il– par ce qui s’appelait alors la Commission bancaire pour des faits très comparables concernant une de ses filiales située à l’étranger. C’était sans commune mesure avec l’affaire Kerviel, mais la Commission bancaire avait déjà fait un certain nombre de recommandations à la Société générale. Cela aurait dû entraîner la mise en place par la Société générale de mesures de contrôle ou d’autocontrôle, mais cela n’a pas été le cas.

Certes, je reconnais que le juge de première instance n’a pas pris en compte ce type d’éléments dans la motivation de son jugement. Si tel avait été le cas, cela aurait entraîné, à mon avis, une tout autre position de l’administration fiscale. La question du jugement en appel demeure cependant. Le ministre peut-il s’engager ? Si la cour d’appel, sans prendre une décision inverse, fait référence à une responsabilité de la banque, cela remettra-t-il en cause l’option choisie pour le moment ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je remercie Christian Eckert d’avoir repris cet aspect de mon intervention initiale, étant entendu, cher collègue, qu’il ne s’agit pour moi, en aucune manière, de remettre en cause l’autonomie du droit fiscal par rapport au droit pénal. Je ne crois d’ailleurs pas que quiconque estime une telle remise en cause souhaitable.

La question peut se poser en cas de renversement du jugement en appel. Pour autant, je ne crois pas que cela devrait conduire l’administration à remettre en cause l’autonomie du droit fiscal, étant entendu que ce qui est jugé pénalement fautif peut ne pas être intégré en droit fiscal ; cela peut paraître contre-intuitif, mais c’est ainsi, et c’est probablement une bonne chose. Un acte de gestion peut ne pas avoir la même signification en matière fiscale qu’en matière pénale. C’est là une constante de notre droit interne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. J’apporterai deux compléments.

D’abord, le Gouvernement, comme le président de la commission des finances et le rapporteur général, est défavorable au principe d’une inscription dans la loi. Créer un système dans lequel les entreprises s’interrogeraient durablement sur leur part de responsabilité et leurs capacités de développement serait facteur d’instabilité.

S’agissant ensuite du jugement en appel, il n’appartient évidemment pas au représentant de l’État que je suis devant vous de se prononcer sur le suivi de la procédure, ni même de formuler des hypothèses dans un sens ou dans l’autre. Tout ce que je peux vous dire, qui complète les propos du président de la commission des finances, c’est que l’évolution jurisprudentielle nourrit la doctrine de l’administration fiscale, sous réserve de l’application de la prescription fiscale.

En d’autres termes, si un appel invalidait le jugement rendu en première instance et modifiait en conséquence et en profondeur la nature de la jurisprudence Alcatel de 2007, selon laquelle, si les responsables n’ont pas eu à connaître des agissements en question, ces derniers n’engagent pas la responsabilité de l’entreprise, qui ne peut donc être condamnée, l’application par l’État et l’administration fiscale de pareil renversement de jurisprudence trouverait sa limite dans la prescription.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je retire mon amendement.

(L’amendement n°167 est retiré.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons à un amendement n° 32.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement, que j’ai cosigné avec le rapporteur général, a été adopté par la commission des finances.

Il vise à proroger d’un an le régime spécial des provisions pour investissement dont peuvent bénéficier depuis de nombreuses années les entreprises de presse écrite, comme aujourd’hui les services de presse en ligne. Le coût du dispositif est inférieur à 500 000 euros par an.

La presse a besoin d’innover dans le contenu, la distribution et l’impression. Ce n’est pas le moment de faiblir : nous devons lui donner les moyens d’investir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Favorable.

(L'amendement n° 32 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 31 et 282.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse à M. de Courson le soin de présenter ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La commission des finances, qui a adopté ces amendements, propose d’abroger l’exonération d’impôt sur les sociétés pour la provision de reconstitution de gisement d’hydrocarbures.

Ce dispositif est spécifique aux pétroliers et on peut du reste se demander pourquoi toutes les activités minières n’en bénéficient pas. L’idée était, il y a très longtemps, d’encourager la recherche pétrolière en France. Franchement, quand on gagne 17 milliards comme le groupe Total, une telle mesure devient inutile ! C’est pourquoi nous proposons sa suppression.

La recette générée, monsieur le ministre, s’élèverait à environ 20 millions d’euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Total fait partie des groupes du CAC 40. Connaissez-vous le cash dont disposent l’ensemble de ces sociétés ? 146 milliards d’euros ! Je vous laisse imaginer les possibilités qu’elles ont…

Monsieur le ministre, j’ai vraiment de la compassion pour vous. Cette mesure est un bon geste qui en appelle d’autres : il faut mettre à contribution tous ces gens qui se font de l’argent sur le dos des autres et qui ont de telles marges, alors que le Gouvernement, qui nous inquiète beaucoup, est anémique…

(Les amendements identiques nos 31 et 282 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 241.

La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Avec cet amendement, nous sommes très loin des parachutes dorés et des retraites chapeau, ainsi que des provisions pour investissements dans la presse écrite, les rotatives bénéficiant déjà de l’amortissement accéléré.

Mon amendement vise simplement à proroger le dispositif de la provision pour investissement, cette fois pour les petites entreprises individuelles. La loi de 2005 leur permettait d’inscrire une provision de 5 000 euros par an jusqu’à hauteur de 15 000 euros. Ce n’était pas grand-chose, mais cela leur permettait d’investir à bon escient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté et amendement.

Nous avons réussi à fermer cette dépense fiscale, que Mme Grosskost veut ressusciter. Le temps est plutôt à la réduction des dépenses fiscales qu’à la résurrection de celles qui sont mortes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Je regrette que vous soyez défavorables à mon amendement, car il s’agit de très petites entreprises. Vous avez pourtant accepté les provisions pour investissement dans la presse, où le prix d’une rotative est, que je sache, nettement supérieur à 5 000 euros !

(L'amendement n° 241 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 492.

M. Pierre-Alain Muet. Comme vient de le dire le rapporteur général, le temps est plutôt à la suppression des dépenses fiscales. Nous vous proposons, avec cet amendement, de supprimer le régime dit du « bénéfice mondial consolidé ». Celui-ci permet de déroger à la règle de territorialité qui imposerait de ne retenir pour le calcul des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés que les seuls résultats des entreprises implantées en France.

Ce dispositif ne concerne que cinq entreprises et il est coûteux. Ainsi, en 2004, le ministre des finances de l’époque a décidé d’attribuer au groupe Vivendi le bénéfice de ce régime qui lui permettait d’escompter une économie fiscale de 3,8 milliards d’euros sur cinq ans. Comme le souligne le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, ce régime ne semble pas avoir la moindre efficacité économique. Sa suppression générerait une économie importante.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

M. Pierre-Alain Muet. Elle a eu tort !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

(L'amendement n° 492 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 526.

M. Charles de Courson. Ce petit amendement, qui concerne les taxis dans les départements d’outre-mer, vise à corriger une bizarrerie.

Dans la loi pour le développement économique de l’outre-mer de 2009, toutes les entreprises de transport sont soumises à un agrément fiscal dès le premier euro investi, « à l’exception des véhicules neufs de moins de sept places ». Or, dans ces territoires, les taxis ont souvent neuf places.

Mon amendement propose donc de passer de sept à neuf places. C’est seulement un petit ajustement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur de Courson, il ne s’agit pas d’interdire ce type de défiscalisation. Mais, outre-mer, il y a ce qui est de plein droit et ce qui fait l’objet d’un agrément. La tendance est plutôt à élargir le champ des investissements agréés. Or votre amendement consisterait à basculer dans le plein droit.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement.

(L'amendement n° 526 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 348, 352, 239, 259 et 405, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir les deux premiers.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement n° 348 vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en faveur des bénéfices réinvestis. Nous proposons de relever le taux à 49 % pour les bénéfices distribués et de l’abaisser à 31 % pour les bénéfices réinvestis.

L’amendement n° 352 est défendu.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 239.

M. François de Rugy. Cet amendement se situe dans la lignée du dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, selon lequel le taux réel d’imposition des sociétés est très inférieur au taux « annoncé » dans le code général des impôts : il est plus proche de 22 % que de 33,33 %. C’est pourquoi notre amendement vise à introduire un taux plancher fixé, quoi qu’il arrive, « à 22 % minimum de l’assiette nette d’impôt sur les sociétés ».

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 259.

M. Nicolas Perruchot. Si l’imposition à l’IS au taux de 33,33 % est la règle, il existe un grand nombre de possibilités de dégrèvement. De ce fait, de très nombreuses entreprises, notamment les plus importantes, paient beaucoup moins. Selon le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, si les entreprises du CAC 40 devaient acquitter l’impôt comme les PME, elles paieraient 15 milliards d’euros et non pas 6,5 milliards, cette optimisation fiscale représentant pour l’État un manque à gagner considérable.

Nous souhaitons, non pas modifier l’imposition, mais ajouter au taux de 33,33 %, un taux plancher de 15 %, lequel serait de nature à faire rentrer des sous dans les caisses de l’État, qui en a bien besoin. Actuellement, les recettes fiscales diminuent. Les moyennes ou grandes entreprises auraient ainsi un minimum à acquitter, ce qui serait assez moral.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 405.

M. Jean-Claude Sandrier. L'amendement n° 405 revêt une importance particulière dans le contexte de crise que nous traversons, car il est trop tôt pour affirmer que nous en sommes réellement sortis. Cette crise a, de toute évidence, souligné l'épuisement du modèle économique dont se réclame votre politique. Chacun s'accorde en effet à constater que notre pays est confronté depuis des années, outre à la stagnation des salaires et à la baisse du pouvoir d'achat de nos concitoyens, au lourd handicap de l'investissement des entreprises. La faiblesse de l'investissement a notamment pour origine la part sans cesse croissante, ces dernières décennies, du revenu distribuable versé aux actionnaires. Au lieu de consacrer une part de leurs bénéfices à développer l'investissement, y compris dans les domaines de la recherche et de la formation, les entreprises ont distribué aux actionnaires tout ce qui pouvait l'être. Du milieu des années 70 à nos jours, la part du revenu distribué aux actionnaires par les sociétés non financières est passée de 3 à 8 % du produit intérieur brut. Ce déplacement dans la répartition des richesses est considérable. L'instrument fiscal peut inciter les entreprises à changer de pratique.

Notre amendement propose donc la mise en œuvre d’un principe simple et clair : la modulation du taux de l'impôt sur les sociétés selon que les entreprises privilégient la distribution de dividendes aux actionnaires – elles seraient alors pénalisées – ou qu’elles consacrent, au contraire, une part importante de leurs bénéfices à l'investissement, notamment dans la recherche, à la création d'emplois, à la formation professionnelle ou aux salaires.

Il s'agit d'une mesure de bon sens et surtout d’efficacité économique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous retrouvons chaque année ces amendements et, chaque année, je fais la même réponse. Je serai donc bref.

Appliquer un taux différencié d’impôt sur les sociétés selon que les résultats sont réinvestis dans l’entreprise ou distribués aux actionnaires, est une vieille idée.

M. Jean-Claude Sandrier. Mais une bonne idée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle est tellement séduisante que nos collègues de l’opposition l’ont mise en œuvre par deux fois. Ils ont institué, en 1990, un taux différencié de 37 % quand les bénéfices étaient réinvestis, et de 42 % quand ils étaient distribués. Deux ans plus tard, mon prédécesseur, Alain Richard, a fait annuler le dispositif en expliquant qu’il fallait, en priorité, favoriser l’apport extérieur de fonds propres et que la distribution de dividendes ne devait donc pas être pénalisée. Bis repetita, en 1997, la même idée prévaut et la mesure est donc annulée trois ans plus tard, en 2001, pour des raisons cette fois de complexité. En effet, si l’on fait remonter des résultats en fonds propres, on les différencie, mais il faut en garder la traçabilité dans le temps, ce qui est extraordinairement complexe.

Dernier argument, à mon sens le meilleur : les entreprises sont toutes différentes les unes des autres. Des entreprises en expansion ont absolument besoin de réinvestir l’essentiel de leurs résultats. D’autres, arrivées à maturité, sont stables et n’ont plus de gros besoins d’investissement. Dès lors, leur politique consiste plutôt à distribuer une partie plus substantielle des résultats aux actionnaires. Ces stratégies sont si diverses que le législateur n’a pas intérêt à appliquer la mesure proposée. C’est ce qu’ont expérimenté nos collègues socialistes quand ils ont, à deux reprises, tenté d’introduire ce taux différencié et qu’ils ont dû revenir en arrière quelques années plus tard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

(Les amendements nos 348, 352, 239, 259 et 405, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 242.

La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le soutenir.

Mme Arlette Grosskost. La réponse a déjà été donnée par anticipation. Cet amendement s’inscrit, en effet, dans le même esprit que celui que j’ai précédemment présenté. Pour conforter le haut de bilan et le fonds de roulement des PME, il est proposé que ces entreprises puissent demander à être taxées au taux de 19 %, celui applicable aux plus-values à long terme, sur la fraction des bénéfices des trois exercices qu’elles s’engagent à incorporer dans leur capital.

C’est ce qui fait la différence entre les PME françaises et allemandes. En Allemagne, en effet, lorsque le résultat est incorporé au capital, il y a exonération d’impôt. C’est bien la raison pour laquelle la taille des entreprises allemandes, notamment familiales, est différente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Outre le coût qu’il représente – des centaines de millions si ce n’est plus – il est rédigé de telle façon qu’il s’appliquerait aussi à des PME appartenant à des groupes. On ne comprend pas pourquoi de telles PME bénéficieraient sans limite d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. Votre amendement est-il maintenu, madame Grosskost ?

Mme Arlette Grosskost. Je le retire monsieur le président.

(L'amendement n° 242 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 549.

M. Pierre-Alain Muet. Il est défendu.

(L'amendement n° 549, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 65.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Comme vous le savez, le marché du disque s’effondre depuis quelques années. Cela modifie assez profondément la façon dont les investissements sont réalisés pour faire émerger de nouveaux talents et soutenir la création musicale. Aujourd’hui, ces investissements incombent davantage aux producteurs de spectacles qu’aux producteurs phonographiques. L’émergence de nouveaux artistes se fait de plus en plus par la scène, le disque n’arrivant souvent sur le marché que tardivement.

Par cet amendement, je vous propose d’aligner le régime des producteurs de spectacles vivants de musique et de variété sur celui des producteurs phonographiques, en modifiant l’article 220 octies du code général des impôts.

Je tiens à insister sur un point. Le total des investissements de soutien à la création ne va pas changer, mais le spectacle vivant va y remplacer progressivement le disque. Si on veut continuer de soutenir la création et la diversité musicale françaises, il convient donc d’adapter notre dispositif de crédit d’impôt à l’évolution très récente, mais profonde, du processus d’émergence des nouveaux talents. Pour reprendre ce que disait M. le ministre, nous sommes dans une logique non pas d’augmentation, mais d’adaptation d’une niche à la réalité nouvelle qui est celle de la promotion de nouveaux talents et de la création musicale en France, comme ailleurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission, toujours attentive aux dispositifs proposés dans le domaine culturel, n’a cependant pas adopté cet amendement. Patrice Martin-Lalande en connaît les raisons. Nous l’avons suivi, il y a trois ou quatre ans, lorsqu’il a suggéré de créer un crédit d’impôt pour favoriser la production d’œuvres, de disques, par exemple. Il ne s’agit plus du tout, ici, de la même chose. Ce crédit d’impôt permettrait d’encourager l’organisation de spectacles. Il est vrai que, par le biais des spectacles, on peut promouvoir une œuvre. Mais ce serait une extension considérable et, à mon avis, injustifiée de ce crédit d’impôt. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de créer une incitation fiscale ou une aide à la production en faveur d’organisateurs de spectacles, dont je tairai les noms, qui agissent pour le compte de tel ou tel chanteur, sans produire d’œuvres culturelles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis. Mais je connais l’engagement de Patrice Martin-Lalande en faveur de la création.

M. Jean-Pierre Brard. Il connaît la musique ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je me permets d’intervenir pour soutenir l’amendement de Patrice Martin-Lalande. Comme il l’a très bien expliqué, il ne s’agit pas de créer un crédit d’impôt supplémentaire, mais de mettre un terme à une inégalité devant un crédit d’impôt. Aujourd’hui, les artistes de l’économie musicale vivent davantage des concerts, du spectacle vivant, de ce qu’on appelle le live, que de la production de disques.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est la nouvelle réalité !

M. Patrick Bloche. Nous avons eu suffisamment de débats dans cet hémicycle – la loi DADVSI ‎ en 2005-2006 et, plus récemment, la loi HADOPI – pour bien mesurer ce qu’est l’économie musicale aujourd’hui. La situation est la suivante : un producteur organisant un concert qui serait enregistré et donnerait naissance à un disque, bénéficierait de ce crédit d’impôt, contrairement à un producteur de spectacles vivants qui ne ferait qu’organiser le concert. Or, à l’arrivée, il s’agit de trouver de nouveaux modes de rémunération des artistes, qu’ils soient auteurs ou interprètes. Donc, il y a, dans la démarche de notre collègue, un soutien à la diversité musicale et à l’émergence de nouveaux talents. Aujourd’hui, seules dix à vingt tournées fonctionnent. Grâce à cet amendement, on pourrait sans doute faire vivre 200 artistes sur les 500 qui se produisent en concert.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai qu’il y a une cohérence dans la démarche de Patrice Martin-Lalande, c’est vrai qu’il y a une inégalité entre ceux qui organisent des spectacles pour produire ensuite et ceux qui ne font que les organiser. On pourrait donc supprimer le crédit d’impôt dès lors qu’il y a aussi organisation de spectacles. (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande. Non merci !

(L’amendement n° 65 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 64.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. L’article 220 undecies du code général des impôts prévoit une déduction fiscale de 25 % du montant des sommes versées au titre de souscriptions en numéraires au capital de sociétés exploitant un titre de presse ciblé. Ces titres peuvent être soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle et consacrée à l’information politique et générale. Le coût fiscal de cette mesure est estimé à moins de 500 000 euros pour 2008, 2009 et 2010.

Certaines des conditions d’éligibilité à cette déduction fiscale sont sans aucun doute à l’origine d’une sous-exploitation de ce dispositif. En effet, le bénéficiaire doit être soumis à l’impôt sur les sociétés l’année du rachat, ainsi que l’entreprise bénéficiant de la souscription à son capital. Il ne doit pas exister de lien de dépendance ou de cascade capitalistique éventuelle entre le repreneur et le journal racheté.

Les conditions liées à l’imputation de l’impôt sur les sociétés font sortir automatiquement du champ des opérations comme celles de Centre-France sur La nouvelle République ou sur L’Yonne Républicaine, les deux journaux n’étant pas à l’équilibre. Elles pourraient a contrario jouer pour le groupe Centre-France pour le rachat de L’Écho républicain, baséàChartres, dont les ratios économiques semblent plus positifs. Libération pourrait être éligible si le journal revenait à l’équilibre en 2010, comme cela est prévu. Le cas du journal Le Monde est plus compliqué puisque la société en commandite simple chargée d’abonder son capital a été créée en 2010 et ne sera pas imposée à l’impôt sur les sociétés.

Tout cela explique la faiblesse d’un dispositif qu’il conviendrait peut-être d’amender mais qui mérite de continuer à exister au cas où il permettrait d’assurer l’avenir de certains titres sous-capitalisés.

Les états généraux de la presse écrite ont prévu un certain nombre de mesures de soutien à la presse pendant trois ans. Nous ne sommes pas sortis de ces trois ans. L’article 220 undecies ne doit pas manquer à cet effort exceptionnel qu’il faut souligner, puisque l’État s’est engagé à fond pour la presse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Cet amendement alerte la représentation nationale sur un problème que nous connaissons toutes et tous, qui est la sous-capitalisation de la presse écrite en France. La prorogation pendant un an de ce dispositif, compte tenu de la crise que connaissent les entreprises de presse, est très salutaire, en cohérence avec les états généraux de la presse écrite. Sans doute faudra-t-il un jour mettre à plat la fiscalité des entreprises de presse et, parallèlement, le système des aides à la presse, qui a fait l’objet d’un rapport récent de M. Cardoso.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Martin-Lalande, on le sait, est très attentif à tous ces problèmes et il a le grand mérite de formuler des amendements assez consensuels.

C’est la liberté de la presse, la liberté d’opinion qui est en cause, menacée par divers mécanismes, la distribution, les coûts de fabrication. Toutes les mesures qui vont dans le sens de la pérennisation de titres dont le nombre s’est singulièrement réduit au fil du temps depuis la Libération sont autant de bonnes choses qui devraient témoigner de la vitalité de la démocratie dans notre pays, ce dont on peut douter parfois lorsque l’on voit la difficulté que rencontrent les journaux d’opinion qui participent à la confrontation politique.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. J’apporte évidemment mon soutien à l’amendement de Patrice Martin-Lalande. Je veux simplement alerter le rapporteur général sur un autre point qui est lié.

Les aides à la presse dans le budget du ministère de la culture seront cette année de 420 millions d’euros, suite, je crois, aux états généraux de la presse. Je suis simplement étonné que quasiment aucune contrepartie ne soit demandée aux groupes qui vont en bénéficier. Sur les trois années prévues, cela fera plus d’un milliard d’euros d’engagement. Il serait de bonne politique que l’État demande un minimum de contreparties. Sinon, ce sera simplement une mise sous perfusion d’un certain nombre de groupes de presse et, dans trois ans, malheureusement, on retrouvera de grandes difficultés.

(L’amendement n° 64 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 261.

M. Nicolas Perruchot. Défendu.

(L’amendement n° 261, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 412.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Dans son dernier rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires a dressé le bilan des nombreux dispositifs dérogatoires qui bénéficient aux entreprises, particulièrement aux plus grandes d’entre elles.

Outre les 293 niches applicables aux entreprises, qui ont représenté un manque à gagner pour les finances publiques de 35,3 milliards d’euros en 2010, en augmentation de 8,7 milliards d’euros depuis 2005, le Conseil s’est ému du poids que représentent pour nos finances publiques les nombreux dispositifs dérogatoires qui ont été déclassés en 2006, estimés à 71,3 milliards d’euros en 2010, contre 19,5 milliards d’euros en 2005.

La hausse spectaculaire du coût de ces modalités de calcul de l’impôt a essentiellement pour origine trois dispositifs qui bénéficient aux grandes entreprises : le régime des sociétés mères-filles, pour 35 milliards d’euros, le régime d’intégration fiscale des groupes, pour 19,5 milliards, et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant de cessions de titres de participation, la fameuse niche Copé, qui nous a occupés tout à l’heure.

Le Conseil a notamment fait valoir que les ajustements prévus par certains articles, tel l’article 223 B, alinéa 3, sous prétexte de supprimer des doubles impositions, conduisent en réalité à des diminutions de l’assiette imposable des groupes par rapport à celle qui aurait résulté de l’application du régime de droit commun.

Dans un contexte où le taux facial d’imposition des entreprises n’est plus qu’un taux théorique et où explosent les inégalités des entreprises face à l’impôt, puisqu’il est estimé à 30 % pour les PME de moins de dix salariés, 20 % pour les entreprises de plus de 500 salariés, 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés et 8 % pour les entreprises du CAC 40, il nous semble plus qu’utile d’actionner tous les leviers utiles à la correction de ces distorsions.

C’est le sens de notre amendement, qui tend à supprimer les modalités de neutralisation fiscale prévues à l’article 223 B du code général des impôts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

S’agissant de la réduction du taux d’imposition, vous avez raison, il y a un certain nombre de mécanismes qui jouent, mais, honnêtement, pas l’intégration fiscale, qui est vraiment la réponse à la nécessité de ne pas avoir une double imposition. Nous sommes en France plus exigeants qu’ailleurs puisque, pour bénéficier de l’intégration fiscale, il faut un seuil supérieur à 95 % alors qu’il n’y en a pas en Allemagne et qu’il se situe en Angleterre et aux États-Unis autour de 80 %.

(L’amendement n° 412, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 358.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de limiter les dérives des rémunérations, notamment celles des opérateurs de salle de marché.

Pour cela, nous proposons d’élargir l’assiette de la taxe sur les salaires aux levées d’options et à l’attribution gratuite d’actions, et de créer une taxe additionnelle à cette taxe sur les salaires sur les fractions de rémunération supérieures à trois fois le seuil de déclenchement de la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

J’en profite pour corriger ce qu’a dit le rapporteur général quand il a fait l’historique des modifications de l’impôt sur les sociétés. De 1997 à 2002, nous n’avons pas modulé l’impôt sur les sociétés, nous avons juste ajouté en 1997 une taxe supplémentaire transitoire pour rentrer dans les clous de la construction européenne, taxe que nous avons supprimée quand la conjoncture ne la rendait plus nécessaire.

(L’amendement n° 358, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 361.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. L’an dernier, à la même époque, dans le projet de loi de finances pour 2010, nous supprimions la taxe professionnelle en instaurant une cotisation sur la valeur ajoutée, avec un barème progressif en fonction du chiffre d’affaires des entreprises.

Ce petit amendement vise à instituer une taxe additionnelle à l’actuelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ce qui porterait son taux de 1,5 à 2,25 %. Ce relèvement ne pénaliserait pas les petites et moyennes entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros.

Dans le cadre de la réforme des retraites, les efforts doivent être justes et partagés. L’exigence de justice sociale et l’impératif de responsabilité financière imposent de rechercher de nouvelles sources de financement en mettant à contribution toutes les formes de revenus. Dans un souci d’équilibre, il convient d’assurer la participation à l’effort de solidarité nationale des revenus du capital et de ceux du travail, de ceux des entreprises et de ceux des ménages.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable à cet amendement, qui annule de fait la réforme de la taxe professionnelle.

(L’amendement n° 361, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 66.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit de rétablir jusqu’à la fin de 2013 le crédit d’impôt à la distribution des œuvres audiovisuelles mis en place en 2006 à la suite de l’adoption d’un amendement que j’avais déposé.

Ce travail est effectué par un tissu de PME, qui jouent un grand rôle pour toute la filière de l’image puisque de leurs résultats et de leur dynamisme dépendent des revenus secondaires pour les producteurs, le bouclage financier de certaines productions lourdes, des compléments de rémunération pour les artistes interprètes, des exportations de programmes audiovisuels français.

Les entreprises de ce secteur sont confrontées à de rudes défis pour se hisser au niveau de leurs concurrentes européennes en termes de force commerciale, d’accompagnement et de suivi de vente, de maîtrise des droits. Elles doivent ainsi consentir un effort d’investissement considérable que la faiblesse de leurs fonds propres ne leur permet pas de réaliser de manière optimale sans l’accompagnement indispensable qu’elles ont reçu pendant trois ans et qui s’est interrompu – accidentellement, je l’espère – l’an dernier.

Les défis à relever sont d’abord le tournant technologique, avec le numérique et la haute définition. Les entreprises de distribution de programmes audiovisuels ont la nécessité de s’adapter à ces nouvelles technologies. L’arrivée de nouveaux supports – la vidéo, le DVD, la VoD ou VàD, l’internet, la téléphonie mobile – rend incontournable la restauration et la numérisation des contenus des catalogues, leur mise en ligne, la création et la mise à niveau de sites internet dédiés à la commercialisation des programmes. La dématérialisation des supports physiques de diffusion est désormais en route et les grandes perdantes seront les entreprises qui n’auront pas adapté leurs catalogues et leurs programmes à cette nouvelle donne.

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Patrice Martin-Lalande. Je vais abréger, monsieur le président.

Le marché français est trop petit. Si nous ne parvenons pas à soutenir la distribution audiovisuelle à l’extérieur, nous sommes condamnés à limiter les moyens de financement de la création française. À défaut d’exporter, nous n’atteindrons jamais la taille de nos concurrents et il y a des risques de délocalisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, comme l’année dernière. J’apporterai d’ailleurs la même réponse qu’à Mme Grosskost tout à l’heure : cet amendement consiste à recréer une dépense fiscale à laquelle il a été mis un terme, non l’an dernier, mais il y a trois ans.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous avons eu ce débat il y a exactement un an. Le dépôt de cet amendement par notre collègue Martin-Lalande vise à nous alerter sur une économie fragile, constituée de petites entreprises. L’enjeu de l’exportation méritait d’être souligné. Le risque de délocalisation est absolument évident, et c’est dommage pour la distribution audiovisuelle, compte tenu de ce qu’elle représente dans notre pays en termes de création.

(L’amendement n° 66 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de demander aux grandes entreprises de contribuer à l’effort demandé à tous. Vous vous souvenez qu’a été décidée la suppression par étapes de l’impôt forfaitaire annuel. Cette imposition a d’ores et déjà été supprimée, en deux tranches, il y a deux ans et l’an dernier, pour les petites et moyennes entreprises. Il reste à supprimer cet impôt au-delà de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour vous donner un ordre de grandeur, une entreprise qui réalise 500 millions d’euros de chiffre d’affaires acquitte un impôt de 110 000 euros. L’effort demandé est donc très raisonnable.

L’idée n’est pas de revenir sur cette promesse, mais d’en différer l’application de deux ans, du fait que les circonstances ont changé, avec la crise. J’ai eu des contacts avec les entreprises concernées ; elles comprennent tout à fait cette proposition, qui représente une manifestation de solidarité dans l’effort partagé demandé à tous les acteurs économiques, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement préfère la stabilité fiscale, il souhaite éviter les changements de cap permanents, surtout sur ces sujets. Toutefois, l’idée selon laquelle la crise est passée par là et le contexte des finances publiques justifie un report, telle que développée par le rapporteur général, est recevable. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n° 30 est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, inscrit sur l’article.

M. François de Rugy. Je souhaite intervenir brièvement avant que nous n’abordions les amendements de suppression de cet article, amendements que je voterai.

Nous avons déjà évoqué ce sujet, indirectement, en discutant de la loi organique sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Nous avons bien vu, à cette occasion, que le choix du Gouvernement, s’agissant du dispositif retenu pour la gestion de la dette sociale, ne va pas de soi et est contesté au sein même de la majorité.

Le présent article est une déclinaison concrète de ce choix. Il supprime une exonération de taxe, ce qui revient de fait à en créer une, et crée en outre une taxe, positivement, dont le rendement attendu, selon l’exposé des motifs, est de 1,1 milliard d’euros.

D’autres solutions pouvaient cependant être envisagées. C’est une forme d’hypocrisie de la part de la majorité et du Gouvernement que de ne pas vouloir affronter réellement la question des comptes sociaux avec des solutions pérennes, comme la CRDS, que d’avoir laissé filer ces comptes et de se contenter ensuite, face à la gravité des déficits, d’expédients.

En outre, monsieur le ministre, vous martelez, séance après séance – surtout lors des questions au Gouvernement, car vous êtes un peu plus discret dans la discussion budgétaire –, qu’il n’est procédé à aucune augmentation d’impôt. Or voilà typiquement une augmentation d’impôt qui ne dit pas son nom ! C’est même ce que j’ai appelé, en commission, faire les poches des Français : 1,1 milliard d’euros, ce n’est pas rien et, surtout, cette taxe sur les contrats d’assurance solidaires sera répercutée sur ceux qui souscrivent ces contrats ; il ne faut pas croire qu’elle disparaîtra comme par enchantement dans les comptes des mutuelles. C’est bel et bien une augmentation d’impôt, que devront payer ceux de nos concitoyens qui souscrivent ces contrats.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de suppression de l’article 7, nos 397 et 452.

La parole est à M. Michel Vergnier, pour soutenir l’amendement n° 397.

M. Michel Vergnier. Faire et défaire, ou refaire, nous voyons ce que cela donne. Cette remise à jour de la taxe à hauteur de 3,5 % nous semble totalement inacceptable. Lorsqu’elle a été supprimée en 2004, avec l’intention de réformer le système d’assurance maladie et de le remettre à l’équilibre, il est vite devenu évident que cela ne donnait absolument rien. Vous y revenez aujourd’hui alors que les déficits ne cessent d’augmenter et que l’accès aux soins est considérablement dégradé. Nous ne comprenons donc pas très bien ce que vous entendez faire. Comme l’a souligné notre collègue, cette taxe sera forcément répercutée, et cela remet en cause, selon nous, la garantie des contrats solidaires et responsables.

M. Jean Launay. Absolument !

M. Michel Vergnier. Nous pensons que le Gouvernement, en rétablissant cette taxe, ne montre pas vraiment de volonté de réguler le système de santé. Les méthodes qui n’ont pas réussi ne doivent pas être réutilisées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 452.

M. Jean-Claude Sandrier. Si les contrats solidaires et responsables bénéficiaient jusqu’à présent de l’exonération de la taxe sur les conventions d’assurance, ce n’est pas pour rien. Ces contrats constituaient une véritable issue de secours pour les familles les plus modestes confrontées à votre entreprise de destruction de la sécurité sociale : hausse des franchises médicales, hausse du forfait hospitalier, baisse du remboursement pour des centaines de médicaments… et je suis sûr que j’en oublie.

Ce sont 90 % des salariés qui souscrivent, en France, à une complémentaire de santé ; 90 % des salariés français feront donc les frais de la suppression de cette exonération. Ne nous y trompons pas : cette décision non seulement poussera les mutuelles à augmenter les cotisations, mais exclura également de fait des milliers de familles du système de santé. Enfin, elle risque de favoriser le retour de contrats peu vertueux et aura pour effet d’avantager les organismes qui ne cherchent qu’à augmenter leurs parts de marché, au détriment de ceux qui œuvrent pour la qualité des soins.

Jean-Pierre Davant, qui, en tant que président de la Mutualité française, sait de quoi il retourne, le résume très bien : « Cette mesure va pénaliser la coordination des soins et réduire l’accès au système de santé des ménages modestes. » Rappelons, de même, qu’une récente étude a indiqué que 20 % de nos concitoyens renonçaient à des soins dont ils ont pourtant besoin, cela pour des raisons financières.

Je continue de m’étonner, monsieur le ministre, que le coup de rabot que vous avez promis aux Français soit à ce point sélectif : c’est effectivement le rabot pour les avantages concédés aux plus modestes mais la lime à ongles pour les niches fiscales, qui sont pourtant les plus coûteuses pour l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je rappelle que l’exonération de TSCA sur ces contrats a été mise en œuvre afin de favoriser leur diffusion. L’un des objectifs d’une dépense fiscale est d’inciter les acteurs économiques à un certain comportement. Une fois que l’objectif est atteint, l’exonération est diminuée ou supprimée.

M. François de Rugy. Les acteurs passent à la caisse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or les contrats solidaires et responsables représentent aujourd’hui 95 % des contrats complémentaires. L’objectif a donc été atteint.

Par ailleurs, il existe entre les acteurs une véritable concurrence. Nous pouvons donc nous attendre, grâce à cette concurrence, à ce que la répercussion soit extrêmement limitée sur les coûts subis par les contractants.

M. Michel Vergnier. Pas dans ce domaine !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, il ne s’agit pas de supprimer la totalité de l’exonération de TSCA, donc des 7 %, mais la moitié seulement.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous procéderez en deux temps !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Ce n’est pas une mince affaire que ce sujet. Le transfert des charges est en train de s’organiser ; derrière cette mesure, nous percevons l’allusion au matelas des mutuelles, alors qu’elles n’ont en fait que des réserves qui leur sont imposées.

En réalité, cette mesure va pénaliser l’ensemble des adhérents mutualistes, nuire à la coordination des soins et compromettre l’accès à la santé des ménages modestes, avec l’augmentation des cotisations des complémentaires. Au moment où ces ménages subissent déjà le poids de l’inflation et les difficultés de l’euro, une hausse des cotisations accroîtra le nombre des familles qui ne pourront plus s’offrir une couverture complémentaire et devront donc renoncer aux soins. Ces éléments qui s’additionnent toucheront les plus démunis. Il faut dénoncer à cette occasion le risque de démutualisation et le risque de santé à deux vitesses.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je m’étonne de la non-réponse du ministre. Qui ne dit mot consent, selon l’adage : comme je l’ai interpellé clairement sur la hausse d’impôt déguisée, je conclus de son silence qu’il la reconnaît. C’est un aveu.

Monsieur le rapporteur général, si j’ai bien compris votre raisonnement, il s’agit d’attirer les gens quelque part en détaxant puis, une fois qu’ils y sont, de les faire passer à la caisse.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les assureurs !

M. François de Rugy. Arrêtez de dire que ce sont les assureurs : vous savez très bien que la taxe sera répercutée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pas du tout !

M. François de Rugy. Plusieurs collègues l’ont souligné : comme il s’agit de contrats de protection pour la santé, les gens ne vont pas s’en défaire du jour au lendemain, et ils n’ont pas forcément de solution de rechange. Ils vont donc devoir payer. J’aurais aimé que vous teniez le même raisonnement et montriez la même détermination lorsque nous parlions, il y a quelques heures seulement, des contrats d’épargne qui rapportent, eux, des revenus. J’ai rappelé que des fiscalités avantageuses avaient été établies il y a quelques années pour restaurer un certain niveau d’épargne et qu’il aurait été logique d’adapter la fiscalité au niveau d’épargne désormais élevé. Or vous changez de raisonnement alors que ces contrats assuranciels ne rapportent aucun revenu aux gens. C’est bien dommage.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je souhaite que le rapporteur général m’explique en quoi le système concurrentiel pourra régler le problème du financement de l’assurance maladie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La nouvelle disposition n’aura pas de répercussion sur les cotisations.

M. Michel Vergnier. Du fait de l’augmentation régulière de la dette sociale et des éléments qui relèvent de plus en plus du secteur assuranciel, on ne pourra pas entrer dans un système concurrentiel efficace. Bien évidemment, il n’y aura des alignements des uns sur les autres, et l’on sait qui paiera au bout du compte. L’objectif, c’est de récupérer 1,1 milliard d’euros. On peut le comprendre,…

M. François de Rugy. L’année prochaine, le Gouvernement ira chercher encore un autre milliard !

M. Michel Vergnier. …mais ne cherchez pas à nous expliquer que c’est par le système concurrentiel qu’on va résoudre ce problème. Nous connaissons bien ces assurances, on a tous des exemples en tête et l’on sait très bien que cela ne se passera pas comme vous le pensez.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Nous avons déjà eu ce débat sur la CADES. Aussi, je rappelle juste à la représentation nationale trois éléments.

Premièrement, il s’agit certes d’une remise en cause d’un avantage fiscal, mais pas jusqu’au bout. On peut voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, mais quand l’on passe d’une taxation de 0 % à 3,5 %, c’est encore deux fois moins que sur les contrats d’assurance maladie qui ne relèvent pas du secteur de l’économie sociale. Demeure donc un avantage conséquent pour les mutuelles.

M. Jean-Claude Sandrier. On voit tout de même bien la direction, monsieur le ministre ! Ce n’est pas sérieux !

M. François Baroin, ministre du budget. Deuxièmement, celles-ci possèdent la trésorerie nécessaire, chacun le sait, pour absorber ce prélèvement sans le répercuter aux assurés. Il s’agit de financer la dette sociale et, à ce titre, la mesure s’inscrit dans la logique de leur fonctionnement et de leurs missions.

Troisièmement, tout le monde oublie que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est fixé à 2,9 % pour l’année prochaine, ce qui va aboutir à la maîtrise d’un certain nombre de dispositifs coûteux pour les mutuelles d’assurance santé. Par notre détermination et la définition d’un tel objectif, nous créons les conditions pour que les mutuelles ne soient pas sollicitées plus que de besoin, notamment sur toute la partie médicale.

M. Jean-Claude Sandrier. Non ! C’est pour que les gens se soignent moins !

M. François Baroin, ministre du budget. Je considère qu’il n’y a aucune raison que le monde mutualiste, en particulier les mutuelles de santé, répercute aux assurés la disposition que nous proposons pour gérer la dette sociale.

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas ce qu’elles disent !

(Les amendements identiques nos 397 et 452 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 454.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un amendement de repli. La suppression de l’exonération de la taxe sur les conventions d’assurance dont bénéficient les contrats d’assurance maladie dits solidaires et responsables affectera inévitablement le montant de ces contrats, au détriment du porte-monnaie des contractants, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre. Une taxation au taux réduit de 3,5 % reste trop élevée. Un taux de 1,5 % serait moins susceptible d’entraîner une hausse du montant de ces contrats et éviterait l’exclusion des plus modestes de l’accès aux soins.

Monsieur le ministre, hier, avec un certain nombre de parlementaires de l’Assemblée et du Sénat, nous avons rencontré les représentants de l’assurance et des mutuelles, et nous n’avons pas du tout entendu votre discours lénifiant. Ils nous ont informés que la conséquence automatique des mesures que vous allez prendre sera une augmentation des cotisations…

M. Michel Vergnier. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. … atteignant, selon les risques couverts, 2 à 10 %, en particulier pour les risques santé. Beaucoup plus grave encore, les plus démunis renonceront à la couverture et seront d’autant plus exposés aux risques. Permettez-moi de vous dire trivialement que vous nous racontez des salades.

Mme Isabelle Vasseur. Oh !

M. Jean-Pierre Brard. À moins que tous ces assureurs et ces mutualistes ne soient de parfaits menteurs, ce que je ne crois pas car ils savent compter et nous aussi. Peut-être exagèrent-ils quelque peu la situation mais, sur le fond, le fait que vous plongiez les mains grandes ouvertes dans leurs caisses vous permettra d’en ressortir quelques pépites qui manqueront douloureusement à ceux qui bénéficient de la couverture. Jérôme Chartier, qui était présent à cette rencontre, peut confirmer mes propos.

M. Yves Censi. Vous retournez vite votre veste à propos des mutuelles, monsieur Brard !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons exposées il y a quelques instants.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Ma vision est plus mesurée que celle de M. Brard, même si je reconnais avoir entendu les mêmes propos. Mais comme il le sait d’expérience, il y a toujours un phénomène d’exagération dans les craintes exprimées par les intéressés. Il me semble que la position arrêtée par le Gouvernement est une position mesurée puisqu’elle permet de conserver la moitié de l’avantage fiscal, ce qui n’est tout de même pas neutre. Par conséquent, dans ces temps de disette budgétaire, nous sommes sur une ligne d’équilibre parfaitement acceptable. Je ne sous-estime pas les attentes de la profession ni les craintes qu’elle a exprimées, mais celles-ci vont être levées à la vue de l’année qui s’annonce.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Décidément M. Chartier est un janissaire parce qu’il vient de confesser que nous avons entendu la même chose, mais il est comme les vieux-croyants : il suffit que son gourou, en l’occurrence le ministre, dise : « C’est comme ça », et il oublie tout ce qu’il a entendu. Il n’a aucun esprit critique à l’égard de ce que déclare le Gouvernement. C’est un adepte indéfectible. Mais, monsieur le ministre, je vous mets en garde car, avec de tels idolâtres, vous allez directement dans le mur. Ils ne vous protègent en rien. C’est comme Sa Majesté Impériale, qui est entourée de courtisans : à force de n’entendre qu’eux, elle finira tel Puyi, qui, à la Cité interdite, ne savait pas que l’Empire du Milieu s’était effondré. Vous allez vers ce chemin, monsieur le ministre.

(L’amendement n° 454 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement de « plomberie » puisqu’il vise à débrancher cette taxe de la CADES pour l’affecter à la Caisse nationale des allocations familiales, en liaison avec le fait que la loi organique sur la CADES a affecté au remboursement de la dette sociale un supplément de CSG qui provenait de la CNAF.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Avis favorable à cet amendement qui constitue la déclinaison des modalités de l’accord auxquelles nous sommes parvenus concernant la gestion de la CADES. Nous avons aujourd’hui un dispositif permettant de bâtir une maison solide…

M. Jean-Pierre Brard. Avec des maçons comme vous…

M. François Baroin, ministre du budget. …puisque, côté menuiserie, nous disposons du rabot, et côté plomberie, de ce dispositif de swap.

Cela me permet de suggérer qu’il est peut-être l’heure de rentrer à la maison en arrêtant à ce stade nos travaux de construction. (Sourires.)

(L’amendement n° 35 est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

M. le président. Je vous propose en effet, mes chers collègues, de lever maintenant la séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 22 octobre 2010, à zéro heure cinquante-cinq.)