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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 26 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

. Questions au Gouvernement

Contrats aidés

M. Marcel Rogemont

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi

Réforme des retraites

M. Denis Jacquat

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Réforme des retraites et mouvement social

M. André Gerin

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Réforme des retraites et emploi des jeunes

M. François Sauvadet

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Hausse des tarifs de l’électricité

M. François Brottes

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Approvisionnement en carburants

M. Claude Bodin

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Réforme des retraites

M. Michel Issindou

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Service minimum en cas de grève

M. Dominique Tian

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Réforme des retraites

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Conséquences des grèves sur l’économie

Mme Arlette Grosskost

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Réforme des retraites

M. Jean-Pierre Dufau

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Emploi des jeunes

M. Guénhaël Huet

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Affaire Bettencourt

Mme George Pau-Langevin

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Journée du refus de la misère

Mme Françoise Hostalier

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives

2. Rappels au règlement

M. François Sauvadet

M. le président

M. Jean-Pierre Brard

3. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 (Première partie)

Explications de vote communes

M. Jérôme Chartier, M. Pierre-Alain Muet, M. Jean-Pierre Brard, M. Charles de Courson

3. Réforme des retraites

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Motion de rejet préalable

M. Roland Muzeau

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire

Présidence de Mme Catherine Vautrin

, M. Éric Woerth, ministre du travail, M. Alain Vidalies, Mme Martine Billard, M. Jean-Luc Préel, M. Michel Heinrich

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Discussion générale

Mme Marisol Touraine

M. Yves Cochet

M. Jean-Luc Préel

M. Michel Heinrich

Rappel au règlement

M. Patrick Roy

5. Dette sociale

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure de la commission mixte paritaire

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Motion de rejet préalable

M. Alain Vidalies

M. Jean-Luc Préel, M. Gérard Bapt, Mme Jacqueline Fraysse

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Contrats aidés

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le Président, ma question s’adresse au Premier ministre.

L'insertion est une chance donnée à ceux qui n'en ont pas. Je veux ici rendre hommage à la cohorte de femmes et d'hommes, bénévoles ou professionnels, qui s'est donnée pour mission d'aider ceux qui sont éloignés de l'emploi. Donner de l'espoir aux autres est un travail souvent silencieux, mais c’est un travail prodigieux.

Seulement, voilà qu'il y a peu, sans prévenir, vous avez fauché toutes ces initiatives. « Circulez, dites-vous, il n'y a plus d'argent pour finir l'année ! » Ici, ce sont des associations d'insertion qui fermeront leurs chantiers ; là, à Montluçon, me disait notre collègue Bernard Lesterlin, les associations sportives ont supprimé des emplois.

Partout en France, à Lille comme à Grenoble, c'est la même litanie des postes d'insertion destinés à être supprimés par manque d'argent. Ainsi, en Bretagne, plus de huit cents emplois d'insertion sont concernés dont cinquante-quatre chantiers d'insertion pour le seul département d’Ille-et-Vilaine. Pourquoi ?

Vous nous dites qu’il y a la reprise et qu’on a plus besoin de contrats aidés ; vous nous dites : « Attendez 2011, j'ai prévu des crédits ! » Mais les personnes en insertion ne peuvent attendre car, en cas de non renouvellement du contrat, elles devront pointer six mois au chômage avant de pouvoir reprendre un emploi d'insertion. Dur pour la personne en parcours d'insertion !

Bien sûr, il n'y a plus d'argent ! Mais, monsieur le Premier ministre, quand il n'y a plus d'argent, on arrête de le jeter par les fenêtres. La baisse de la TVA sur la restauration, c’est 3 milliards d’euros de perdus. La moitié du chèque remis à Mme Bettencourt (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) au titre du bouclier fiscal suffirait pour financer pendant un an les huit cents emplois aidés bretons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question est simple : quand allez-vous arrêter de transformer l'espoir en désespoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur Rogemont, en 2010, plus de 400 000 contrats aidés non-marchands et 120 000 contrats aidés marchands ont été financés par l’État.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Menteur !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est plus qu’en 2009 ;…

M. Maxime Gremetz. Vous mentez !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. …c’est surtout plus qu’au cours des dix dernières années. Cela représente un effort de 3 milliards d’euros.

Je me retrouve totalement dans vos propos : oui, les contrats aidés sont utiles ; oui, ils permettent d’aboutir à une insertion dans l’emploi dans six cas sur dix, et, oui, il vaut mieux aider les gens à travailler plutôt que de les voir s’enfermer dans le chômage de longue durée.

Deux éléments importants ressortent de la réunion que nous avons tenue avec Christine Lagarde et l’ensemble des préfets de France pour faire le point sur la consommation des crédits consacrés aux contrats aidés.

Tout d’abord, l’État respectera toute sa parole. Nous nous étions engagés à financer 400 000 contrats aidés ; nous les financerons.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ensuite, depuis une semaine, nous travaillons avec les régions, telle celle de Bretagne, où il y a eu une surconsommation de l’enveloppe des crédits, afin de les aider à flécher les contrats aidés vers les secteurs qui en ont le plus besoin. Je pense aux renouvellements de contrats et aux chantiers d’insertion, que vous avez évoqués, ou encore aux postes d’assistants de vie scolaire, destinés notamment au soutien des personnes en situation de handicap.

Vous le voyez, nous ne désarmons en rien notre politique de l’emploi et nous conservons la totalité de nos outils.

Quant à la TVA sur la restauration, elle a permis de créer plus de 30 000 emplois cette année, sans compter les contrats de professionnalisation. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les restaurateurs et ceux qu’ils emploient apprécieront le ton sur lequel on parle d’eux selon que l’on siège sur tels ou tels bancs de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Jacques Candelier. C’est honteux !

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, après des semaines de discussions et de débats animés, nous avons adopté, hier, en commission mixte paritaire…

Plusieurs députés du groupe SRC. Quelle honte !

M. Denis Jacquat. …le projet de réforme des retraites, dont le vote final aura lieu demain dans l’hémicycle.

Même si les contestations perdurent, je veux rappeler ici que ce projet est un projet équilibré (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) , qui aurait dû nourrir un consensus responsable au sein de notre société. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Ce texte est à la fois nécessaire et juste : nécessaire parce qu’il permet le retour à l’équilibre de nos régimes de retraite ; juste, parce que les efforts sont partagés (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), en ménageant les personnes qui ont commencé à travailler jeunes et celles dont la santé est altérée en raison de leur travail.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Paul Lecoq. Elle est tellement injuste !

M. Denis Jacquat. En 1980, il y avait trois actifs pour payer la pension d’un retraité. Aujourd’hui, parce que nous vivons plus longtemps, il n’y a plus que 1,8 actif pour payer la pension d’un retraité. Avec un déficit de 32 milliards d’euros pour l’année 2010, notre système de retraite était donc en danger. Nous nous devions d’agir, car, si nous n’avions rien fait, le déficit aurait atteint 45 milliards d’euros en 2020.

Mes chers collègues de l’opposition, vous demandez, la main sur le cœur, le retrait de cette réforme, mais le choix du Gouvernement correspond à l’histoire et à la tradition de notre pays, en s’appuyant notamment sur la solidarité intergénérationnelle. Personne n’a envie d’une crise sociale, mais, si l’on ne pouvait plus payer les retraites, il y en aurait une.

Enfin, je veux souligner un point : la grandeur de notre démocratie réside dans notre capacité à accepter pacifiquement nos différences dans la confrontation des idées et le débat. L’intimidation, le blocage et la violence sont la négation de la démocratie et du pacte républicain. Ce que fait l’opposition depuis plusieurs jours pour contester cette réforme est tout simplement honteux. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur le secrétaire d’État, le temps de l’action était venu. Nous nous devions de mobiliser la représentation nationale sur la réforme des retraites…

M. le président. Merci, monsieur Jacquat.

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, vous me permettrez de vous remercier personnellement, au nom du Premier ministre et du Gouvernement, pour le travail remarquable que vous avez effectué en tant que rapporteur du projet de loi de réforme des retraites. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) Je veux également saluer tous les parlementaires, de la majorité et de l’opposition, qui ont pris part au débat, nous permettant ainsi d’avancer.

Je rappelle – en vous priant d’excuser Éric Woerth, qui assiste, au Sénat, aux explications de vote sur le texte de la CMP – que ce projet de loi est sans doute un de ceux qui ont été les plus discutés, les plus négociés de notre histoire récente. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous, je vous prie.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Plus de cinquante réunions se sont tenues avec les partenaires sociaux ; je le sais pour y avoir participé. Au Parlement, les discussions ont duré près de deux cents heures, tout d’abord à l’Assemblée nationale, au sein de la commission des affaires sociales – le président Méhaignerie et vous-même, monsieur Jacquat, avez mené les débats avec nous – et en séance publique, puis au Sénat. Ce texte a donc été amplement discuté et négocié. (« Non ! » sur les bancs du groupe GDR), de sorte que sa version initiale a été nettement améliorée. Que ce soit sur la pénibilité, les travailleurs handicapés ou les mères de famille, nous avons beaucoup évolué.

Pour répondre directement à votre question, nous sommes maintenant dans la phase où le texte va être voté. Après sa promulgation, il deviendra une loi de la République. Une fois de plus, nous aurons pris nos responsabilités pour réformer le système des retraites. Il y a ceux qui critiquent, qui attaquent, et ceux qui agissent, dans la pérennité. C’est grâce à vous tous que nous avons pu agir ensemble. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Réforme des retraites et mouvement social

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Gerin. Monsieur le Premier ministre, il faudra bien vous faire une raison/ votre réforme des retraites est majoritairement condamnée par nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le mécontentement, l’exaspération sont à leur comble. Pour être chaque jour présent à la raffinerie de Feyzin, je puis vous dire que vous n’en avez pas fini avec le mouvement social. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Les Français ont compris non seulement que votre projet est injuste, mais qu’il est aussi une escroquerie politique.

M. Jean-Claude Lenoir. Oh !

M. André Gerin. En effet une retraite peut en cacher une autre : la retraite par répartition cache la retraite par capitalisation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lucien Degauchy. C’est tout le contraire !

M. André Gerin. L’article 32 dynamite en effet la retraite par répartition. En modifiant profondément la réglementation de l’épargne-retraite, il ouvre un marché de 40 à 100 milliards d’euros, avec les compliments de Parisot et de l’UIMM. Bingo pour les assureurs et les banques !

Voilà la vérité, avec une intrigue à la clé. En effet un homme peut en cacher un autre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Tablant sur une baisse de 8 % des retraites, Guillaume Sarkozy, le frère du Président de la République, veut s’occuper de ce pactole avec le groupe Malakoff-Médéric et la Caisse des dépôts et consignations, dès le 1er janvier 2011. Or la Caisse des dépôts et consignations gère les fonds des retraites par répartition. Le Gouvernement a-t-il décidé de mettre la CDC au service de la capitalisation ?

Voilà une escroquerie…

M. le président. Merci, monsieur Gerin.

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député (M. Gerin brandit une photographie du Président de la République et de M. Guillaume Sarkozy. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC),…

M. le président. Monsieur Gerin, je vous en prie. Veuillez remettre cette photographie aux huissiers.

(M. Gerin refuse de donner la photographie à un huissier.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État.… j’ai entendu les mêmes propos en 1993, lorsque le gouvernement d’Édouard Balladur a pris ses responsabilités pour sauver le système des retraites ; en 2003, lorsque François Fillon a conduit, avec Jean-Paul Delevoye, la réforme des retraites ;…

M. le président. Messieurs les huissiers, veuillez prendre cette photographie. (M. André Gerin refuse de remettre la photographie aux huissiers. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …et en 2007-2008, lorsque Xavier Bertrand a mené à son tour une réforme des retraites.

M. le président. Messieurs les huissiers, prenez la photographie ! (M. André Gerin persiste dans son refus. – (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État.Monsieur le député, si vous accordiez un tant soit peu d’attention à ma réponse,…

M. le président. Je vais suspendre la séance. (M. Gerin brandit toujours la photographie.)

M. le président. Nous passons à la question suivante.

Réforme des retraites et emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, je veux tout d’abord regretter, au nom de mon groupe et certainement de l’ensemble des parlementaires, les provocations permanentes auxquelles nous assistons dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous sommes ici au cœur de la démocratie, il faut respecter les règles de droit et je trouve que votre gestuelle, monsieur Gerin, ne sert pas l’idée que nous nous faisons d’un fonctionnement démocratique normal. (M. Gerin brandit à nouveau sa photographie.) Je vous demande, monsieur le président, de ne pas décompter le temps que j’ai utilisé pour exprimer ce qui me paraît être la position de l’ensemble des parlementaires.

M. le président. Posez votre question, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi.

Nous sommes incontestablement à un moment important, puisque cet après-midi même, le Sénat procède au vote de la réforme des retraites et dès demain après-midi, ce sera au tour de l’Assemblée nationale de se prononcer. Chacun aura alors à prendre ses responsabilités. À ce titre, je voudrais dire très clairement devant la représentation nationale que pas une voix des députés du groupe Nouveau Centre ne manquera pour voter cette réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pas une de nos voix ne manquera, car nous estimons que cette réforme est nécessaire pour l’avenir même de nos pensions, dont il faut assurer le paiement. C’est d’ailleurs une réforme que tous les pays d’Europe ont engagée et, pour ce qui nous concerne, nous assumerons nos responsabilités vis-à-vis de notre avenir collectif.

Pour autant, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, il faut entendre l’inquiétude qui s’est manifestée, notamment celle des jeunes, qui ont d’ailleurs exprimé plus d’inquiétude quant à leur entrée future dans le monde du travail que quant à leurs retraites. À ce jour, en France, 23 % des jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans sont au chômage. Nous souhaitons donc que soit engagé très rapidement un dialogue social portant sur la question de l’emploi des jeunes. J’ai entendu M. Chérèque exprimer le même souhait, portant également sur la question de l’emploi des seniors…

M. le président. C’est terminé, monsieur Sauvadet.

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. François Sauvadet. Non, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d’État.

M. François Sauvadet. Je n’ai pas terminé !

M. le président. Je vous demande de bien vouloir répondre, monsieur Wauquiez. (Les députés du groupe NC se lèvent et quittent l’hémicycle.- Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le président Sauvadet, permettez-moi d’abord de remercier les élus du Nouveau Centre pour leur soutien sur la question des retraites.

Certains, durant le débat sur les retraites, ont voulu opposer l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors. C’est non seulement une faute économique, mais également une faute morale. En réalité, quand vous regardez les différents États d’Europe, vous constatez que les seniors qui travaillent ne prennent pas l’emploi des jeunes, bien au contraire : les pays qui réussissent le mieux en termes d’emploi des jeunes sont aussi ceux qui ont le plus fait pour l’emploi des seniors. Je pense notamment au Danemark, à la Suède ou à l’Allemagne. La réalité est toute simple : le travail ne se divise pas, il se multiplie.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Plus un pays parvient à garder de personnes au travail, plus il crée de richesses, plus ce pays est compétitif, plus il crée d’emplois, plus ses jeunes ont de facilités à accéder au marché du travail.

Établir une opposition entre le travail des jeunes et celui des seniors constitue un raisonnement aussi mortifère que celui des 35 heures et se traduit par autant de destructions d’emplois. Si cette opposition était fondée, notre pays devrait être le mieux placé en termes d’emploi des jeunes, ayant sacrifié l’emploi des seniors depuis de trop longues années.

François Chérèque a effectué hier une ouverture, en proposant à l’ensemble des partenaires sociaux une négociation sur l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors. Il a ainsi fait preuve d’une maturité beaucoup plus grande qu’un certain nombre de partis politiques de l’opposition (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), car la logique n’est pas d’opposer l’emploi des jeunes à celui des seniors, mais de travailler à la fois sur la question de l’emploi des jeunes et sur celle de l’emploi des seniors. Cette démarche qui va dans la bonne direction ne peut qu’être saluée. Elle marque également la volonté des partenaires sociaux de continuer à avancer au-delà de la question des retraites.

Hausse des tarifs de l’électricité

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Brottes. Je reconnais qu’il nous est plus facile à nous, membres du groupe SRC, de contester un règlement que nous n’avons pas voté.

Ma question s’adresse au ministre de la double peine. Lequel, me direz-vous ? Eh bien le dernier, le nouveau, ou peut-être le futur… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, le Gouvernement affiche chaque jour un nouvel exploit : trois millions de Français dans la rue, 3,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique, et presque 10 % d’augmentation du prix de l’électricité en six mois, c’est un record jamais atteint ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

De plus, la future loi dite NOME entraînera, elle aussi, une nouvelle hausse des tarifs très bientôt. Le dernier président d’EDF, qui avait annoncé 20 % de hausse dans les trois ans, a été remercié. Je comprends à présent que c’est parce qu’il manquait d’ambition ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Arrêtez donc cette intox qui consiste à dire que « nous sommes moins chers que la terre entière » ! Ce n’est pas vrai : rien qu’en Europe, une dizaine de pays ont une électricité moins chère que nous, sans compter le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie, Taïwan, et j’en passe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vendredi dernier, votre majorité a décidé un quasi-doublement de la contribution au service public de l’électricité. C’est toujours la même logique : « Tu veux du service public dans l’énergie, c’est toi l’usager, tu dois payer ! »

M. Henri Emmanuelli. Une honte !

M. François Brottes. Il en est de même dans le domaine de la santé : « Tu es malade, tu veux te faire soigner, tu payes ! » Finie, la solidarité nationale ! Vous préférez engranger les milliards de dividendes qu’EDF rapporte à l’État, plutôt que de vous soucier du pouvoir d’achat des Français !

Oui, le développement exponentiel du photovoltaïque a mis à mal le modèle économique de départ, parce que vous n’avez rien fait pour structurer les filières, pour réguler les implantations sur nos territoires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour canaliser les effets d’aubaine.

Pour nous, il faut changer l’assiette pour financer le développement des énergies renouvelables. Les dépenses de base de l’énergie doivent faire partie du bouclier social, ce bouclier qui doit permettre à chacun de satisfaire ses besoins essentiels pour vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous, le Gouvernement et la majorité, vous « matraquez » sans discernement. Cessez donc de prendre les Français pour des imbéciles au prétexte que leurs compteurs électriques vont devenir intelligents ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le député, je comprends que vous ayez voulu dire très vite des choses auxquelles vous ne croyez pas vous-même. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La vérité, c’est que lorsque vous étiez au pouvoir, la France était équipée de 29 mâts d’éolienne, alors que les Allemands en avaient 8 000 ! Il est parfaitement exact que lorsque vous étiez au pouvoir (« Huit ans ! » sur les bancs du groupe SRC), les Allemands, les Espagnols et les Portugais développaient le photovoltaïque, même si vous l’avez oublié ! Et il est tout à fait évident qu’en termes d’emploi et de filière professionnelle, il y a près de 120 000 emplois de différence entre eux et nous – pas tout à fait, car depuis deux ans, 30 000 emplois ont été créés en France dans ces filières.

La deuxième contrevérité que vous avez avancée, monsieur Brottes, comme l’ont fait avant vous un certain nombre de vos amis, consiste à essayer d’opposer le nucléaire et les énergies renouvelables. Or, c’est bien grâce à un prix du nucléaire très faible et compétitif que l’on peut financer les énergies renouvelables de notre pays – non pas en opposant l’un à l’autre, mais en les combinant.

M. Marcel Rogemont. Hors sujet !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Enfin, Monsieur Brottes, je suis au regret de devoir vous conseiller de réviser vos chiffres : le total « coût de production plus taxes » est 87 % moins élevé en France qu’en Allemagne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Approvisionnement en carburants

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude Bodin. Ma question s’adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable, qui est aussi en charge des transports.

En ce début des vacances scolaires, alors que les difficultés pour trouver de l’essence étaient de plus en plus pressantes, la fermeté et la détermination du Gouvernement ont permis de libérer les dépôts de carburant dans la plupart des régions. Depuis plusieurs jours, en effet, des grévistes extrémistes bloquaient les raffineries de notre pays, empêchant le ravitaillement des stations-service, prenant en otages les Français et paralysant l’économie nationale.

Il s’agit d’un véritable détournement du droit de grève qui n’est pas neutre : ce mouvement a des conséquences graves pour les PME et les artisans qui sont frappés de plein fouet.

À l’évidence, ces comportements irresponsables pénalisent des entreprises déjà lourdement fragilisées par la crise.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est vous, les irresponsables !

M. Claude Bodin. Les Français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisque 60 % d’entre eux jugent ces actions inacceptables, comme l’indique un récent sondage de l’IFOP.

M. Maxime Gremetz. Ben voyons !

M. Claude Bodin. Pour répondre à l’inquiétude de nos concitoyens face à la pénurie d’essence, le Gouvernement a rapidement mis en place un centre interministériel de crise, chargé d’organiser la pérennité du ravitaillement. Dans ce cadre, permettez-moi de remercier ici les services de l’État pour leur action et leur dévouement qui ont permis d’éviter un blocage complet de notre réseau d’approvisionnement en carburant.

Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous, à la veille du week-end de la Toussaint, moment traditionnel de retrouvailles familiales, nous faire un point précis de la situation et rassurer nos concitoyens sur l’approvisionnement rapide de l’ensemble des stations-service de notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Bodin, il est tout à fait exact qu’il y a quinze jours nous sommes passés à côté d’une crise d’une extrême gravité (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) d’une asphyxie totale, à la fois du fonctionnement quotidien et, plus largement, de l’économie française : arrêt de l’ensemble des raffineries, blocage des ports, blocage des transports ferroviaires – au moins du fret –, blocage des dépôts. C’était une situation extrêmement difficile.

En quelques heures, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre,…

M. Albert Facon. Lequel ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. …une cellule d’approvisionnement a été créée, ainsi qu’une cellule de gestion de crise, sous l’autorité de Brice Hortefeux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Rendez-nous Fillon !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Quelles sont les mesures qui ont été prises ?

Premièrement, réapprovisionner, avec la plus grande opération d’importation jamais réalisée dans notre pays. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, assurer la réouverture d’un certain nombre de pipelines.

Troisièmement, simplifier les procédures d’importation, notamment en matière douanière et fiscale, grâce aux équipes de Christine Lagarde.

Quatrièmement, assurer le déblocage d’un certain nombre de dépôts.

Bref, l’ensemble du système, à ce moment-là, s’est remis peu à peu en ordre. Je rappelle que le Président de la République a présidé lui-même la semaine dernière, chaque jour, une réunion d’urgence sur ces sujets. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Monsieur le député, vous m’avez interrogé sur la situation actuelle et sur la suite.

Premièrement, je rends hommage aux camionneurs des camions-citernes qui ont approvisionné les stations-service. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Deuxièmement, l’objectif de quatre stations approvisionnées sur cinq sera, je l’espère, tenu.

M. Maxime Gremetz. C’est le STO !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Troisièmement, il subsiste quelques difficultés, notamment dans les zones rurales qui sont à distance des dépôts.

Enfin, pour le week-end de la Toussaint,…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. …le sur-approvisionnement est prévu (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur diverss bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Issindou. Monsieur le Premier ministre, votre projet de loi sur la réforme des retraites a été provisoirement adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais la procédure législative n’est pas terminée, et nous continuerons sans relâche à vous dire combien ce projet est injuste et inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous en convenez d’ailleurs à demi-mot en acceptant au Sénat un amendement d’étude d’une réforme systémique dès 2013. C’est là un bel aveu d’échec de la réforme en cours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si sur le fond ce projet de loi n’est pas acceptable, la manière dont vous tentez de l’imposer est tout simplement exécrable. Qu’on en juge : examen en commission au cœur de l’été ; procédure accélérée ; temps programmé ; suppression du droit de parole des députés à l’Assemblée nationale et vote bloqué au Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà un passage en force bien peu respectueux du Parlement !

Que dire enfin du mépris avec lequel vous avez traité les Français ? Pendant plusieurs semaines, ils vous ont dit leur rejet de cette réforme, à 70 % dans les sondages et à plus de 3 millions dans la rue. Les syndicats, qui ont fait preuve d’une grande responsabilité, vous ont tendu la perche pour renouer le dialogue. Mais, enfermés dans vos certitudes, vous n’avez pas cherché à la saisir. Cette fin de non-recevoir infligée au peuple n’est pas digne de notre démocratie.

Dès lors, la responsabilité du blocage de notre pays vous incombe. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Jeudi prochain, et le 6 novembre, les Français seront à nouveau dans la rue. Il est encore temps pour vous de les écouter, et de les entendre, pour que l’amertume et l’aigreur ne l’emportent pas. Monsieur le Premier ministre, qu’attendez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, pardon de le dire avec franchise, mais ce n’est pas parce qu’on dit n’importe quoi qu’on a raison ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis désolé de vous dire que c’est exactement le cas ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Plus de cinquante réunions ont été tenues avec les organisations syndicales : vous n’y étiez pas ; nous les avons tenues. À l’Assemblée nationale d’abord, au Sénat ensuite, ce sont plus de deux cents heures de discussion qui se sont déroulées, au cours desquelles nous avons entendu les parlementaires, et en particulier ceux de l’opposition !

M. Henri Jibrayel. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Claude Perez. Menteur !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Si vous aviez dit les choses avec bonne foi, vous auriez dit que pendant tout ce temps, nous avons entendu les orateurs de l’opposition deux à trois fois plus que ceux de la majorité. Le règlement de l’Assemblée nationale, voulu par le Président, fait que c’est bien l’opposition qui s’exprime dorénavant de façon majoritaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le député, je me souviens très bien que, dans la nuit qui a précédé l’adoption du texte, nous avons entendu des orateurs de l’opposition – dont j’ai le nom en tête en m’exprimant – qui ont parlé de tout autre chose que du texte sur les retraites, parce qu’ils ne savaient pas comment épuiser leur temps de parole ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En ce moment même, nous sommes au Sénat avec Éric Woerth, et c’est exactement le même scénario. Je voulais vous le dire : nous avons eu à peu près 150 heures de discussion au Sénat, l’opposition s’est là encore exprimée trois fois plus que la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’honneur de cette majorité, c’est de vous donner ce temps de parole ; le déshonneur de l’opposition, c’est de toujours revendiquer plus. (Huées sur les bancs du groupe SRC et GDR.) La vérité, c’est que ce texte a été discuté et enrichi par le travail des parlementaires.

M. André Gerin. Non !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Si, malgré le débat politique, vous aviez simplement la bonne foi de le reconnaître, tout le monde y gagnerait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Service minimum en cas de grève

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Marseille connaît depuis des semaines une série de grèves très dures : la grève du port, notamment, met en péril l’économie de la région et aurait participé aux difficultés d’approvisionnement en carburant si le Gouvernement n’avait pas pris les bonnes décisions.

Ce sont plus de quatre-vingts bateaux qui sont bloqués devant le port depuis plusieurs semaines, sans qu’aucune issue ne soit envisagée. C’est 650 millions d’euros perdus depuis le début du conflit pour notre économie.

D’autre part, notre ville vient de connaître une grève de la collecte des ordures ménagères qui a duré quatorze jours, provoquant une situation inacceptable, avec des risques sanitaires sérieux : plus de 12 000 tonnes de déchets se sont accumulées sur les trottoirs de la ville. Signe de l’énervement des Marseillais, on a compté plus de 800 incendies depuis le début de la grève.

Le pire a été évité grâce à l’intervention de l’armée, qui a effectué un nettoyage d’urgence. Nous tenons à la remercier.

Ce n’est pas la première fois que ce type de grève se produit, provoquant un sentiment d’exaspération et d’impuissance chez nos concitoyens. D’autres grèves continuent, notamment des grèves perlées dans des crèches et cantines scolaires, mettant les parents en grande difficulté : les syndicalistes demandent aux parents de venir chercher les enfants entre midi et deux, ce qui n’est évidemment pas très facile lorsque l’on travaille !

Monsieur le secrétaire d’État, n’est-il pas temps de réfléchir à un service minimum dans les secteurs prioritaires comme cela existe avec succès par exemple dans les hôpitaux ou les transports ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, vous soulevez une question qui est évidemment au cœur du conflit que nous vivons : dans quelle mesure peut-on distinguer ce qui relève de ce droit imprescriptible, naturel, qu’est le droit de grève, et ce qui relève d’autre chose, d’un droit de bloquer le pays et d’empêcher celles et ceux qui veulent travailler de le faire dans de bonnes conditions ?

M. Maxime Gremetz. C’est vous qui bloquez !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le service minimum, je me permets de le faire remarquer, a bien fonctionné, en particulier dans les transports : il a en effet permis d’assurer 40 % du service à la SNCF, et 65 % à la RATP. En conséquence, le transport de nos concitoyens a été à peu près assuré pendant le conflit.

La situation à Marseille est effectivement particulière, notamment pour les ordures ménagères.

M. Albert Facon. Et Gaudin, que fait-il ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Ce matin, le préfet a dû prendre des mesures pour débloquer deux dépôts d’ordures bloqués depuis longtemps : grâce au concours de l’armée, cent tonnes d’ordures ont pu être détruites. Quand on en arrive à des extrémités pareilles, c’est qu’un problème se pose !

M. Albert Facon. Gaston, reviens !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Enfin, il faut bien mesurer les conséquences économiques de ces attitudes. Il est évident que dans la région PACA en général et sur le port de Marseille en particulier, ce sont aujourd’hui des centaines de PME-PMI qui sont en difficulté. Il faut bien mesurer que des armateurs décident aujourd’hui d’utiliser plutôt le port de Gênes ou celui de Barcelone plutôt que celui de Marseille.

Je ne vois pas comment on peut défendre l’emploi sans être réaliste et conscient de ces problèmes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Oui, c’est vrai, de telles attitudes pénalisent tout simplement l’économie française et donc l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Avec obstination, votre gouvernement et le chef de l’État êtes restés totalement hermétiques au message des Français. Pourtant, depuis des semaines, des millions de nos concitoyens ont manifesté leur opposition à ce projet injuste de réforme des retraites et exprimé un rejet massif de votre politique.

Si des hommes et des femmes ont courageusement décidé de faire grève, ce n’est ni par plaisir ni pour bloquer ou compliquer la vie quotidienne des Français, mais c’est bien pour essayer de se faire entendre, pour obtenir la suspension de l’examen de votre projet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) et qu’enfin s’engage une véritable négociation entre les syndicats et le Gouvernement.

Ces hommes et ces femmes ont sacrifié de leur temps, de leur vie de famille et de leurs revenus, car les conséquences sur les bulletins de paye seront lourdes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils se sont engagés pour défendre des acquis sociaux et vous dire qu’une autre réforme reste possible. Vous ne voulez pas les entendre.

En campant sur vos positions, vous avez engendré la crise et les blocages. Vous portez, par votre entêtement, la responsabilité de la situation que nous connaissons depuis des semaines.

Pourquoi n’avez-vous pas voulu entendre l’inquiétude notamment de ces millions de femmes qui ont bien compris qu’elles seront lourdement pénalisées par votre réforme ? Pourquoi vouloir absolument repousser l’âge légal à soixante-deux ans et l’âge de départ à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans alors que vous savez pertinemment que vous allez amplifier les conséquences négatives de carrières interrompues, d’un marché du travail particulièrement difficile pour les femmes et d’inégalités professionnelles qui perdurent et contre lesquelles votre gouvernement ne lutte pas efficacement.

Les quelques corrections à la marge que vous avez consenties n’y changent rien : votre réforme va pénaliser particulièrement les femmes et, là encore, votre gouvernement, votre majorité, le Président de la République, en porterez collectivement la responsabilité.

Monsieur le Premier ministre, le texte n’est pas définitivement adopté ni promulgué ; il est encore temps d’entendre les Français, de retirer votre texte et de mettre fin à cette injustice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Madame la députée, je suis toujours un peu étonné d’entendre un parlementaire évoquer des aménagements « subalternes », alors même qu’en réalité le texte a été largement amélioré par le travail de l’ensemble des parlementaires. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Si tel n’avait pas été le cas, la présence des députés et des sénateurs de l’opposition n’aurait pas été assurée comme elle l’a été. Je crois qu’en réalité c’est ensemble que nous avons travaillé.

Les choses étant ainsi précisées, je veux souligner que ce discours, je l’ai entendu en 1993, quand c’est une majorité de même nature que celle-ci qui a pris ses responsabilités pour modifier le régime général ; je l’ai entendu en 2003, quand François Fillon a bien voulu mettre en place une réforme qui, aujourd’hui, a anticipé celle que nous mettons en place sur le plan de la convergence en particulier ; je l’ai entendu en 2007-2008, quand Xavier Bertrand a fait en sorte que les régimes spéciaux fassent l’objet d’une réforme qui avance et monte en charge doucement.

Aujourd’hui, je l’entends à nouveau.

La question que je me pose est très simple : oui ou non, l’opposition est-elle capable de prendre une fois ses responsabilités dans le domaine de la retraite ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

La réponse est non !

J’ai entendu, pendant des heures entières, débattre d’un projet dit alternatif. En réalité, je n’ai rien entendu en matière de retraite, seulement un projet de l’opposition qui consistait à proposer d’ajouter des impôts et des impôts pour faire croire qu’on pourrait financer les retraites. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marcel Rogemont. Que faites-vous de la CADES ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le texte annoncé sur la pénibilité, sur les mères de famille, sur les travailleurs handicapés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) a avancé, dans le cadre d’une concertation que nous avons menée avec les syndicats, puis avec le Parlement. Vous ne voyez pas les avancées mais, comme d’habitude, c’est-à-dire une fois le texte voté, vous le ferez vôtre et vous ne le toucherez plus. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Michel Françaix. C’est minable !

Conséquences des grèves sur l’économie

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, nous étions, le mois dernier encore, sur le point de reprendre confiance dans une timide embellie économique. Un meilleur climat des affaires, un meilleur moral de nos chefs d’entreprise, nous laissaient présager un mieux dans la courbe du chômage. Nous pouvions légitimement penser que nous étions dans une phase positive de sortie de crise malgré un contexte financier toujours préoccupant.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

Mme Arlette Grosskost. La santé d’une économie est basée sur la confiance de tous ses acteurs. Malheureusement, la radicalisation du mouvement social contre la réforme des retraites, qui asphyxie doucement mais sûrement notre économie, délite chaque jour un peu plus cette confiance retrouvée, et décrédibilise toujours plus notre pays aux yeux de nos partenaires étrangers. Notre attractivité, ô combien nécessaire au dynamisme économique, en pâtit lourdement.

Les entreprises, plus particulièrement les plus petites d’entre elles, sont très inquiètes quant à cette situation. Leur trésorerie, déjà fragilisée par la crise, se contracte chaque jour davantage. Cela ne présage rien de bon pour leur pérennité, donc pour l’emploi.

Selon la CGPME, le coût des grèves et de leurs effets s’élève déjà aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros, soit le coût de la prime pour l’emploi ou une augmentation de 0,5 % de la TVA !

Quelles dispositions entendez-vous prendre, madame la ministre, pour mettre fin au ralentissement ainsi imposé, qui ajoute de la crise à la crise ? Plus spécifiquement, comment entendez-vous redonner un peu d’oxygène à ces entreprises qui souffrent exagérément de la crispation sociale actuelle ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Desallangre. Arrêtez !

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame la députée, vous avez raison (Rires), ces dysfonctionnements de l’économie résultent directement des mouvements sociaux que nous avons connus au cours des dernières semaines.

Quelles sont les sociétés les plus victimes de la situation ? Ce sont bien souvent, vous l’avez dit, les petites et moyennes entreprises, qui fonctionnent en flux et en trésorerie tendus et qui subissent de plein fouet les effets des troubles sociaux qui ont émaillé les dernières semaines.

Quels sont les secteurs les plus concernés ? Le secteur des industries chimiques, le secteur parapétrolier, le secteur pétrolier bien entendu, le commerce et le tourisme, comme Hervé Novelli le constate régulièrement.

Que pouvons-nous faire ?

La reprise de l’activité est évidemment le meilleur des remèdes. J’ai par ailleurs demandé aux hauts fonctionnaires de mon ministère de réunir demain la cellule de continuité économique (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) pour que nous puissions suivre régulièrement les effets de la crise qui affecte les secteurs que je viens d’indiquer.

J’ai demandé également à OSEO et à la médiation du crédit de participer à cette cellule de continuité économique, pour que nous puissions mettre en place les moyens nécessaires.

Reste, vous l’avez évoqué, le thème de l’attractivité.

Dans ce domaine, le chiffrage est beaucoup plus difficile. Si l’on peut mesurer, dans une fourchette large parce que nous ne sommes pas dans une science exacte, le dommage matériel qui résulte des difficultés entre 200 et 400 millions d’euros, le chiffrage est beaucoup plus compliqué en matière d’attractivité.

M. Christian Eckert. Combien a-t-on versé à Bernard Tapie ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous devons évidemment relever ce défi.

Sous l’autorité du Premier ministre…

M. Roland Muzeau. Lequel ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …j’inviterai la représentation nationale, notamment la présidence de la commission des affaires économiques, à bien vouloir réfléchir avec le Gouvernement sur les moyens de redresser cette question de l’attractivité du territoire qui est nécessaire pour l’implantation d’investissements dans notre pays et pour le maintien de l’activité économique chaque fois que c’est possible. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Pierre Dufau. Je voudrais d’abord dire sereinement à M. Tron que je suis d’accord avec lui quand il affirme que ce n’est pas parce que l’on dit n’importe quoi que l’on a raison. Il devrait y réfléchir s’agissant du Gouvernement et du texte sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous auriez tort de penser que le vote du Parlement va clore le dossier des retraites. Cette loi, voulue par le Président de la République, est censurée par l’opinion publique.

Des millions de jeunes, de salariés, de retraités ont battu le pavé à six reprises pour s’opposer à ce projet. Ils continueront de le faire, parce que votre réforme n’est ni juste ni responsable.

Elle n’est pas juste parce que supportée dans son financement à 85 % par les salariés et à 15 % par les détenteurs du capital.

Elle n’est pas responsable. Déjà en 2003, votre première réforme qui devait tout régler jusqu’en 2020 n’a rien réglé. La preuve : le débat actuel. Et vous savez très bien que votre deuxième réforme, celle d’aujourd’hui, n’est encore que du colmatage. La preuve : le dossier sera à nouveau mis à plat début 2013, comme par hasard après les présidentielles.

Comme le montrent les enquêtes d’opinion, votre loi, votre gouvernement et le Président de la République sont désavoués par une large majorité de Français qui soutiennent le mouvement social. Quand cesserez-vous d’avoir une attitude autiste ?

Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de ne pas promulguer cette loi inique et d’ouvrir enfin, avec les partenaires sociaux, de véritables négociations sans attendre 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur Dufau, puisque vous êtes d’accord avec moi je le répète : ce n’est pas parce qu’on dit n’importe quoi en boucle que l’on a raison !

M. Claude Goasguen. Bravo !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. C’est au moins un terrain d’entente entre nous deux !

Vous avez parlé, en premier lieu, de la réforme actuelle. Je veux vous dire qu’elle a une particularité : elle sauve le système par répartition. Et je suis très surpris d’ailleurs que le parti socialiste ait oublié que ce système était l’un des points sur lesquels nous nous retrouvions. En réalité, les propositions fiscales que vous avez présentées n’ont d’autre finalité que de compenser par l’impôt ce qui n’est plus assis sur les cotisations. C’est la fin de la répartition ; c’est vous qui l’assumez !

En second lieu, dans la réforme de 2003, deux choses méritent d’être rappelées.

D’abord, c’est nous qui avons proposé, en 2003, le dispositif « carrières longues » auquel vous adhérez aujourd’hui mais que vous n’avez pas voté à l’époque. Ce dispositif permet à des gens qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze, seize et maintenant dix-sept ans de partir à la retraite à soixante ans, voire avant. C’est un dispositif que vous n’avez pas voté et qui était au cœur de la réforme de 2003. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ensuite, je voudrais vous rappeler également que la réforme de 2003, c’était la convergence. Or, la convergence, c’est exactement ce que nous continuons à faire avec la réforme de 2010. J’ai entendu le parti socialiste et le parti communiste expliquer dans des discours un peu théoriques qu’ils étaient pour la convergence, mais je ne vous ai pas entendu proposer une seule mesure. Je vous ai seulement entendu contester celles que nous proposions.

En réalité, les choses sont très simples, monsieur le député. Vous êtes plein de discours théoriques, mais dans l’application il n’y a rien d’autre. Eh bien nous, nous prenons nos responsabilités ! Nous l’avons fait en 1993, en 2003, en 2007, et nous le faisons en 2010. Comme je le disais tout à l’heure, et j’en termine par là, une fois que la loi sera votée, promulguée et qu’elle sera devenue la loi de la République, vous ferez comme d’habitude : vous ferez comme si de rien n’était et vous oublierez vos promesses du moment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guénhaël Huet. Ma question s’adresse à Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons tous, l’emploi est la première préoccupation de nos concitoyens. Vous avez vous-même, à maintes reprises, rappelé avec justesse que nous ne pourrons dire que nous sommes sortis de la crise que lorsque nous aurons fait baisser les chiffres du chômage de manière significative et durable.

M. Jean-Jacques Candelier. Ce n’est pas pour demain !

M. Guénhaël Huet. Je pense plus particulièrement, en cet instant, au chômage des jeunes – c’est un sujet très sérieux – qui, dans notre pays, est un problème structurel auquel tous les gouvernements ont eu à faire face et auquel ils ont répondu, il faut bien le reconnaître, avec des fortunes diverses.

En France, le taux d’emploi des jeunes est l’un des plus faibles de l’OCDE. Il s’élève à 46 % contre 63 % chez nos partenaires économiques occidentaux. La réponse ne peut venir ni de la facilité ni de la démagogie des emplois jeunes au rabais, et encore moins de l’assistanat. Nous croyons au contraire que nous devons tout mettre en œuvre pour que les jeunes bénéficient de vraies formations et de vrais emplois.

Les mesures doivent être à la hauteur de l’enjeu. L’an dernier, le Président de la République avait annoncé un plan de 1,3 milliard d’euros pour la formation, l’apprentissage et la professionnalisation des jeunes de moins de vingt-six ans, avec un objectif : aider 500 000 jeunes à s’insérer dans la vie active. En préparant les jeunes à l’avenir, la France prépare son avenir. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de préciser les objectifs et le calendrier du Gouvernement pour ce chantier majeur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, si vous voulez bien cette fois-ci prendre la parole pour répondre !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur Huet, la première préoccupation des jeunes, vous l’avez rappelé, c’est l’emploi. Comment faciliter l’accès à l’emploi ? C’est sur ce terrain que nous nous battons depuis maintenant deux ans avec Christine Lagarde, Marc-Philippe Daubresse, l’ensemble des acteurs locaux et les partenaires sociaux. Cela a été incarné dans le plan qui a été voulu par le Président de la République et le Premier ministre en matière d’emploi des jeunes et sur lequel plus de 1,3 milliard d’euros ont été investis.

Depuis maintenant un an, il faut le rappeler, le chômage des jeunes recule. Depuis mai 2009, nous avons réussi à faire reculer de cinq points le taux de chômage des jeunes, ce qui est un cas tout à fait anormal dans une telle période de crise, les jeunes étant d’habitude ceux qui paient en premier l’addition. Cela étant, ça ne suffit pas et pour aller plus loin il faut travailler sur deux pistes.

La première, vous l’avez évoquée, c’est l’apprentissage. Nous croyons résolument en l’apprentissage, car c’est la meilleure façon de former nos jeunes. Un jeune formé par ce biais accèdera deux fois plus vite à un emploi en CDI, parce que ce sont des formations professionnalisantes, concrètes, opérationnelles. À la demande du Président de la République, nous préparons un plan de relance global sur les questions de l’apprentissage et de l’alternance qui pourront utilement prendre leur place dans le cadre des négociations qui ont été voulues par les partenaires sociaux, François Chérèque notamment.

Par ailleurs, il ne faut pas opposer l’emploi des jeunes et celui des seniors. Il faut arrêter d’opposer les uns et les autres dans notre pays. Un dispositif comme le tutorat peut nous permettre à la fois de conserver l’emploi d’un senior et de préparer l’emploi d’un jeune.

Dans cette période, monsieur le député, les jeunes n’ont pas besoin d’élus qui les instrumentalisent en les incitant à manifester dans la rue. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Affaire Bettencourt

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre d’État, garde des sceaux, sur tous les bancs de cette assemblée, chacun est attaché au respect dû à l'autorité judiciaire, dont le rôle est fondamental dans une démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Nous sommes donc atterrés de voir au fil des semaines se dérouler un mauvais feuilleton, où se mêlent passions familiales, abus de faiblesse, évasion fiscale, échanges de services et financement politique.

Un degré supérieur dans l'inacceptable a été franchi avec cette lutte entre deux magistrats, qui laisse planer le doute sur les motivations d’un procureur statutairement aux ordres du Gouvernement, nommé contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, face à une juge d’instruction statutairement indépendante et désirant faire la lumière sur les aspects obscurs de cette affaire.

Le spectacle donné par le tribunal de Nanterre est affligeant ! À de nombreuses reprises, le groupe socialiste vous a alerté sur les dérives afférentes à cette affaire et a réclamé que soient garantis l'indépendance et le bon fonctionnement de la justice. Chaque fois, vous avez éludé la question et laissé pourrir la situation, alors que le code de procédure pénale vous donne les moyens d’intervenir.

Il convenait évidemment que le parquet, dont vous êtes le supérieur hiérarchique, saisisse un juge d'instruction sur la totalité de l'affaire et dépayse l’ensemble de l'enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous ne pouvons en effet accepter un dépaysement partiel, qui renverrait l'image d'une justice aux ordres, écartant certains juges susceptibles de mener une enquête indépendante pour laisser les clefs à un procureur proche du pouvoir.

Le procureur général de Versailles semble s'être résolu depuis peu à demander l'ouverture d’une information sur tous les volets de cette affaire et à en solliciter la délocalisation.

Madame la ministre, avez-vous décidé de prendre vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Confirmez-vous cette information ? Qu’allez-vous faire pour que la justice reprenne son cours normal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Pau-Langevin, il existe des règles de procédure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour intervenir dans le fonctionnement de la justice, il faut des raisons objectives. Or, jusqu’à très récemment, aucune des parties au procès n’avait demandé le dépaysement de l’affaire et les enquêtes avançaient : nul ne peut dire le contraire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Grotesque !

M. Patrick Lemasle. Vous êtes le donneur d’ordres !

M. le président. Je vous en prie !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Plus récemment, une plainte a été déposée par l’une des parties. Dès lors, évidemment, des soupçons ont pesé sur cette juge et, les données ayant changé, il n’était plus possible de laisser les choses en l’état. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Le vol de l’ordinateur, c’est qui ?

M. le président. Du calme, mes chers collègues.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Le procureur général de Versailles a donc décidé de demander à la Cour de cassation son avis sur le dépaysement de l’affaire dans une autre juridiction.

M. Henri Emmanuelli. C’est une honte !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Par ailleurs, et par souci de cohérence, le procureur général de Versailles a également demandé, pour l’ensemble des procédures ouvertes en lien avec le dossier, l’ouverture d’une information, qui permettra de demander à la Cour de cassation de se prononcer. Cela signifie que cette dernière se prononcera sur le dépaysement de la totalité de l’affaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Madame la députée, la justice a besoin de sérénité. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Elle n’a pas besoin de vos soupçons ou de vos tentatives d’ingérence ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie !

Journée du refus de la misère

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, j’associe à ma question mon collègue Étienne Pinte, qui souhaitait également vous interroger au sujet de la grande pauvreté en France.

L'actualité immédiate, depuis de trop nombreuses semaines, se polarise sur les retraites et les blocages de notre économie. C'est donc pratiquement dans l'indifférence générale qu'a été célébrée la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre dernier.

Faut-il rappeler que c'est le père Joseph Wresinski qui a créé cette Journée mondiale du refus de la misère quand, le 17 octobre 1987, il inaugurait la dalle du parvis des Droits de l'homme sur laquelle il est écrit : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

Cette date est reconnue depuis 1992 par les Nations unies, comme journée d'action internationale pour l'élimination de la pauvreté. Portée aujourd'hui en France essentiellement par ATD-Quart monde, cette journée d'action rassemble toutes celles et ceux qui œuvrent inlassablement contre la grande pauvreté dans le monde mais aussi en France. En effet la grande pauvreté, ce n'est pas seulement dans les pays d'Afrique ou d'Asie, d'où nous parviennent des images souvent insoutenables d'enfants mourant de faim. La misère a de multiples visages ; elle est aussi chez nous, dans nos villes, à notre porte.

Ce 17 octobre, monsieur le ministre, vous étiez sur le parvis des Droits de l'homme, aux côtés des nombreuses associations qui viennent en aide aux plus démunis de notre pays. Vous avez reçu leur appel ; vous avez entendu leur message.

En cet instant, je pense plus particulièrement aux enfants de ces familles très pauvres qui ont, dès le départ, un handicap social pratiquement insurmontable. Je pense aussi aux personnes âgées, dont certaines ne touchent même pas le minimum vieillesse.

Pour que le mot cohésion sociale garde tout son sens, que peut faire le Gouvernement, que pouvons-nous faire, pour ne pas laisser au bord de la route ces milliers de nos concitoyens exclus de tout ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. Madame Françoise Hostalier, la journée organisée au Trocadéro a été l’occasion pour nous tous ici, quelles que soient nos convictions politiques, de porter, à la lumière de la crise, un autre regard sur cette grave question de la pauvreté. À cette occasion, les associations, qui se sont beaucoup mobilisées et dont il faut saluer l’engagement, ont attiré à juste titre notre attention sur la pauvreté dans notre pays.

Pour ma part, j’ai rencontré beaucoup de personnes engagées contre la pauvreté, que ce soit au SAMU social, avec Xavier Emmanuelli, ou dans les centres d’hébergements et tous les endroits où se rencontrent non seulement des travailleurs ou des demandeurs d’emploi mais aussi des enfants, des personnes âgées et des familles monoparentales en situation de pauvreté.

Conformément à la loi de décembre 2008 sur le RSA, le Gouvernement remettra au Parlement, dans le courant du mois prochain, un rapport exhaustif, rédigé avec l’accord des associations. Il montre que entre 2006 et 2008, le taux de la pauvreté ancrée dans le temps a reculé de 11,5 %, ce qui correspond aux engagements pris par le Président de la République.

Pour autant, la pauvreté n’est pas réductible à un indice et il est clair que nous devons aller plus loin. J’ai donc élaboré, avec les associations concernées, une feuille de route que pourra porter notre collègue Étienne Pinte, puisqu’il est désormais président du Conseil national de lutte contre les exclusions, lequel comporte un observatoire dédié. Nous travaillerons notamment sur la notion de « reste à vivre », qui ne prend pas seulement en compte les ressources des personnes les plus pauvres, mais également les dépenses obligatoires, selon la proposition faite par Jean-Louis Borloo pour lutter contre la précarité énergétique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La séance des questions au Gouvernement est terminée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur un sujet que j’évoquerai aussi en conférence des présidents : dans l’hémicycle se multiplient les incidents…

M. Julien Dray. C’est vrai !

M. François Sauvadet. …tels que la scène à laquelle nous avons assisté tout à l’heure, de députés brandissant des documents, dont les huissiers essayent de se saisir. Cela donne une image détestable du Parlement. Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à des scènes de ce genre. Je souhaiterais donc que ceux qui en sont les auteurs répondent de leurs actes et qu’on leur applique le règlement de notre assemblée. Je vous demande de le faire respecter.

Toutes ces scènes nuisent vraiment à l’image que nous donnons du Parlement. Or tout ce qui abaisse le Parlement abaisse la démocratie.

Enfin, au nom de mon groupe, je regrette que le fait que j’aie voulu exprimer une indignation qui, je crois, est celle de toute l’Assemblée, ait rendu impossible que je pose ma question en totalité alors que j’avais presque terminé de le faire. J’observe que M. Ayrault a pu avoir jusqu’à vingt secondes de plus pour exprimer sa question.

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. C’est vrai !

M. François Sauvadet. Je demande que tous les groupes de l’Assemblée aient droit au même respect. Je reprendrai ces propos en conférence des présidents. J’espère que des mesures seront prises pour sanctionner les fauteurs de troubles en application du règlement de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. J’apporte quelques éléments de réponse à votre rappel au règlement, tout à fait fondé puisqu’il avait pour objet le déroulement de la séance. Comme vous, je déplore ces incidents qui n’honorent pas notre assemblée et dégradent son image…

M. Thierry Benoit. C’est inqualifiable !

M. Marc Dolez. La dégradation ne vient pas de là !

M. le président. …comme un certain nombre d’autres comportements également regrettables.

Je regrette également d’avoir eu à interrompre votre propos, mais la séance des questions orales au Gouvernement est strictement chronométrée et la marge de manœuvre est extrêmement étroite.

Je veux dire aux parlementaires qui sont devenus des habitués de ce genre de pratiques que j’examinerai avec la conférence des présidents et en bureau les moyens que ce genre d’incidents tout à fait regrettables ne se renouvellent pas. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Vous ne nous ferez pas taire !

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, que critique-t-on dans le cas particulier ? D’avoir montré la porosité, la consanguinité entre milieux politiques et milieux d’affaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Comme le disait Jean Jaurès, la vérité est toujours révolutionnaire. C’est cela que vous n’acceptez pas. Quels que soient les règlements qu’on pourra mettre au point, jamais nous n’accepterons la loi du bâillon.

3

Projet de loi de programmation
des finances publiques pour les années
2011 à 2014
projet de loi de finances pour 2011
(Première partie)

Explications de vote communes et votes solennels

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (nos 2823, 2840), après engagement de la procédure accélérée, et sur la première partie du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Explications de vote communes

M. le président. Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, mes chers collègues, cette semaine d’un travail de grande qualité en séance publique a conduit l’Assemblée à réduire de 373 millions d’euros le déficit budgétaire, pour le ramener à un peu plus de 91 milliards d’euros. Ce montant supplémentaire, à rapprocher des 11 milliards de réductions accomplies par le Gouvernement, montre tout l’effort consenti ainsi que la difficulté des exercices budgétaires qui nous attendent, car la démarche de diminution du déficit ainsi engagée est désormais inéluctable.

Cette démarche engagée par le Gouvernement et dont la majorité est totalement solidaire fait porter l’effort dans trois domaines.

D’abord, cet effort porte sur le capital plutôt que sur le travail, en supprimant des exceptions fiscales à l’origine de réductions de recettes. L’Assemblée nationale a amplifié ces mesures, notamment en ramenant de 75 % à 50 % l’avantage fiscal de réduction de l’ISF pour investissement individuel dans les fonds propres d’une PME.

L’effort de réduction de la dépense publique pèse également sur les entreprises. L’Assemblée a accru cet effort en reportant la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle.

Mais cet effort a également porté sur les partenaires de l’État, et en particulier sur l’Union européenne, qui a dû diviser par deux les perspectives de croissance de son budget alors que ses missions sont chaque jour plus larges.

Les opérateurs de l’État devront également appliquer les mêmes contraintes budgétaires et le Gouvernement pourra compter sur la commission des lois et sur le rapporteur général, Gilles Carrez, pour y veiller.

Ce budget 2011, que le groupe UMP soutient, est le premier sur lequel nous nous livrons à cet exercice difficile, qu’il faudra reprendre chaque année, de respecter le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour 2011-2014. Le projet de programmation, dont nous avons longuement débattu, va devenir un élément du semestre européen. Grâce à cette évolution importante, notre stratégie de désendettement des comptes publics passera chaque année par une réflexion convergente au niveau européen, afin de retrouver un niveau de déficit compatible avec les critères de Maastricht, que, en raison de la crise financière, l’État n’a pu respecter dans sa tactique budgétaire ces dernières années.

Si notre déficit est exceptionnel en effet, c’est en raison de la crise et des mesures de relance qui ont permis à la France d’éviter une très forte récession comme celle qu’a connue l’Allemagne, tout en renouant dès cette année 2010 avec une croissance de plus de 1,5 % et en créant plus de 60 000 emplois marchands.

Ce plan de relance, l’opposition en a d’abord critiqué l’existence puis la disparition. Elle a ainsi montré une fois de plus, comme elle l’avait fait à d’autres occasions, qu’elle excellait dans la critique, mais était totalement défaillante dès qu’il s’agissait de présenter des alternatives économiques crédibles. Au cours du long débat que nous avons consacré ici au projet de loi de finances, l’opposition n’a pas été capable d’apporter la preuve de la pertinence de ses analyses. Alors que la campagne présidentielle est déjà engagée à gauche, cela ne manque pas de surprendre.

La majorité, pour sa part, reste engagée dans une démarche de responsabilité budgétaire et de réforme fiscale en profondeur, par exemple sur l’ISF et le bouclier fiscal, qui se traduira par la discussion en juin prochain d’un projet de loi de finances rectificative annoncé par le Président de la République. Ce projet sera très largement consacré à adapter notre système fiscal à la modernité économique et financière. Les réflexions engagées sur la convergence fiscale franco-allemande ne manqueront pas de le nourrir.

Le groupe UMP votera le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi de programmation des finances publiques, qui dessine la perspective d’un désendettement public nécessaire et durable et ouvre la voie à une réflexion approfondie sur la manière de lever l’impôt et sur son montant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, au terme d’une longue semaine de débats, souvent intéressants, les grandes orientations de ce budget n’ont pas été modifiées. C’est toujours un budget de rigueur, d’austérité, qui va peser sur la croissance, la consommation et l’investissement.

Il comporte 10 milliards d’augmentation d’impôt, avec vingt-deux mesures : augmentation de la TVA sur les offres de télévision triple usage, taxe sur les contrats d’assurance maladie, taxe sur les HLM, autant de taxes qui vont casser le seul moteur qui tourne encore un peu, la consommation.

Avec la suppression d’emplois publics et la diminution massive des contrats aidés, vous éliminez le seul levier qui permettrait un retour de la confiance et de la croissance : la création d’emplois.

Le gel des dotations aux collectivités locales va peser sur l’investissement public, dont elles réalisent plus de 70 %. Ce gel est injustifié. Ces dotations se sont substituées au cours du temps à des impôts qui augmentaient comme l’inflation et comme la croissance. Il n’y a aucune raison de ne plus les indexer. Les collectivités locales ne sont responsables ni des déficits ni de la dette. Leurs déficits n’ont pas augmenté et leur dette est aujourd’hui exactement du même montant qu’il y a trente ans – autour de 8 % du PIB – alors que la dette de l’État a explosé.

À un moment où l’État finance la moitié de ses dépenses courantes par le déficit, il est profondément scandaleux de reporter l’austérité sur des collectivités territoriales qui, elles, ne s’endettent que pour investir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Ce budget ne prépare pas l’avenir. Après l’abandon de la taxe carbone, la réduction du crédit d’impôt pour les équipements photovoltaïques démontre chaque jour un peu plus que, pour le Président de la République, en effet, « l’environnement, ça commence à bien faire. »

Ayant mis en place une stimulation massive de l’équipement photovoltaïque sans avoir développé une filière française et l’offre, vous réduisez brutalement le dispositif d’aide. C’est créer une incertitude économique. C’est une politique, non pas de stop and go, mais de go and stop sans aucune vision à moyen terme.

Enfin, ce budget n’est pas la conséquence de la crise. La crise n’explique qu’un tiers du déficit des finances publiques de cette année. Le reste, c’est la conséquence de votre politique, qui a dilapidé les ressources de l’État quand l’économie se portait bien.

M. Michel Sapin. Très juste !

M. Pierre-Alain Muet. Ce budget d’austérité, c’est la facture de votre politique.

M. Michel Sapin. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Mais ce n’est que la première facture, car, le paradoxe de ce budget, c’est qu’il contient peu de mesures ayant un impact durable sur la réduction des déficits. En conséquence, si le Gouvernement veut être dans les clous en la matière, il faudra que le budget de l’an prochain soit encore plus rigoureux. En d’autres termes, notre pays paiera pendant de longues années l’impéritie de votre gouvernement.

Voilà un gouvernement qui n’aura respecté aucune des règles existantes de finances publiques – ni les 3 % de déficit, ni les 60 % de dette, ni même les règles qu’il a lui-même fait voter, comme celle concernant la CADES – et qui prétend inscrire dans la Constitution ou la loi organique des principes qu’il a violés tous les jours.

La réduction des déficits n’est pas une question de règles, mais de volonté politique. Et nous pouvons en parler, parce que nous, cette réduction, nous ne l’avons pas inscrite dans des textes, nous l’avons faite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin. Tout à fait !

M. Pierre-Alain Muet. Avec la réforme des retraites, vous faites payer la facture de la crise aux salariés qui ont commencé à travailler tôt et à ceux qui ont des carrières incomplètes, notamment les femmes. Avec ce budget, ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui paieront la facture du sarkozysme.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelez-vous, avant que n’éclate la crise financière internationale dont les Français et les peuples du monde dans leur majorité continuent encore de subir les ravages, l’actuel Président de la République n’avait de cesse de vanter les mérites du modèle économique américain. « Sarko l’Américain », comme certains l’ont appelé, était l’un des publicitaires les plus zélés d’un système ultralibéral qu’il souhaitait à tout prix imposer à la société française. Idolâtre d’un pays dont il ne voyait que la richesse, aussi indécente que décomplexée, d’une petite poignée de privilégiés, le Président Sarkozy allait jusqu’à chanter les louanges des crédits hypothécaires à risques, c’est-à-dire des subprimes, qui sont, comme vous le savez, largement responsables du déclenchement de la nouvelle crise.

Puis arriva, précisément, la crise des crédits hypothécaires, nouvel avatar de la crise capitaliste. Et parce que personne ne pouvait nier qu’il s’agissait d’une crise systémique, que les fondements mêmes du capitalisme financier avaient conduit à l’effondrement d’une partie du système, le Président Sarkozy décréta, lucide, en septembre 2008, à Toulon : « Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir » et qu’il fallait donc « moraliser le capitalisme ».

En 2008, Sarkozy avait promis d’encadrer les rémunérations des dirigeants et des traders « avant la fin de l’année ». (« Monsieur Sarkozy ! » sur les bancs du groupe UMP.) Parce que vous donnez du « Monsieur » aux membres de la bande du Fouquet’s ? (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Michel Fourgous. Scandaleux !

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie.

M. Jean-Pierre Brard. On les appelle par leur nom, c’est déjà leur faire beaucoup d’honneur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il avait promis de « sanctionner, au moins financièrement, les responsables ». « L’impunité serait immorale » disait-il. Il avait encore affirmé que les coupables « ne doivent pas recevoir d’actions gratuites ; leur rémunération doit être indexée sur les performances économiques réelles de l’entreprise ; ils ne doivent pas pouvoir prétendre à un parachute doré lorsqu’ils ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté ». À la fin de cette année 2010, rien de tel n’a été fait. Au contraire, les banques se sont remises à distribuer des bonus et à jouer au casino de la finance.

Le Gouvernement et sa majorité docile ont, quant à eux, refusé tous nos amendements qui allaient dans cette direction et que Nicolas Sarkozy avait qualifiés de « quelques principes simples qui relèvent du bon sens et de la morale élémentaire ».

Vous le voyez mes chers collègues, il n’y a rien de concret derrière ces discours aussi lénifiants que médiatiques. De façon trompeuse, voire mensongère, vous cherchez à apaiser les inquiétudes des Français en abusant de la confiance qu’une majorité d’entre eux vous avait accordée en 2007. D’un côté, le discours qui rassure ; de l’autre, le business nauséabond qui continue, et les Français qui triment et s’appauvrissent.

Madame la ministre, lorsque la lumière des projecteurs médiatiques est moins dense, vous ne cachez d’ailleurs pas vos intentions réelles. Ainsi, cette loi de finances pour 2011 a pour objet de « poursuivre les réformes structurelles engagées depuis 2007 ». En d’autres termes, après avoir, l’année dernière, commencé à asphyxier financièrement les collectivités territoriales en supprimant la taxe professionnelle, vous leur imposez cette année une véritable cure d’austérité : 30 milliards d’euros en moins. Parallèlement, vous poursuivez la destruction de la fonction publique en supprimant plus de 30 000 postes cette année, ce qui porte à plus de 130 000 le nombre d’emplois détruits dans la fonction publique depuis 2007.

Quant au « grand coup de rabot sur les niches fiscales », tout le monde aura compris que les classes moyennes paieront l’essentiel de la note et que la fiscalité des grandes fortunes ne subira qu’une minime retouche cosmétique.

Cela correspond en effet à l’autre volet de vos « réformes structurelles », celui qui vous est le plus cher, à savoir consolider l’enrichissement des plus riches. Dans ce domaine, et dans ce domaine seulement, le Président Sarkozy tient toutes les promesses qu’il a faites, le soir de son élection, à ses amis de la bande du Fouquet’s. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans leur excellent ouvrage Le Président des riches

M. le président. Merci, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans leur livre, disais-je, Michel Pinçon et Monique Charlot démontrent que…

M. le président. Merci !

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre. (« Censeur ! » sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Puisque les cadeaux entretiennent l’amitié, je vais offrir aux ministres un exemplaire de cet ouvrage. Je leur conseille vivement de le lire ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement ayant tenu compte d’une partie des idées que nous défendons avec constance, depuis le début de la législature, en matière de finances publiques, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 et de la partie recettes du projet de loi de finances pour 2011.

Ainsi, notre demande de constitutionnalisation de la règle d’or afin d’éviter que l’endettement pour le financement des dépenses de fonctionnement progresse. Le Président de la République s’est engagé à proposer une modification de la Constitution allant dans le sens proposé par le groupe Nouveau Centre.

Quant à la loi de programmation des finances publiques, en ramenant le déficit public à 3 % de la richesse nationale en 2013, elle permet non seulement de respecter nos engagements communautaires, mais de revenir dès 2013 à un déficit égal au montant global des investissements publics qui tournent autour de 3 %.

Même s’il devrait aller plus loin, le Gouvernement va dans le sens d’une moindre hausse des dépenses publiques demandée par le groupe Nouveau Centre. En effet, pour ce qui concerne le budget de l’État, le « zéro valeur » affiché par le Gouvernement correspond aux demandes du groupe Nouveau Centre, mais, cette règle ne s’appliquant pas à la totalité des dépenses de l’État, la hausse réelle des dépenses du budget de l’État est encore de 1,5 %.

Quant aux administrations de sécurité sociale, la hausse globale des dépenses atteindra encore 3,4 % en 2011, soit quasiment la croissance de la richesse nationale estimée à 3,5 %. La poursuite des efforts est donc devant nous. D’ailleurs, après avoir atteint en 2009, notamment du fait de la crise, un record historique depuis soixante ans avec 56,6 % de la richesse nationale – soit la médaille de bronze en Europe –, la part des dépenses publiques dans la richesse nationale va se réduire de presque un point en 2010, à 55,7 %, et devrait revenir à 52,8 % en 2014, soit un taux encore légèrement supérieur à celui de 2007, qui était de 52,3 %. Cet effort doit être poursuivi avec constance.

En troisième lieu, le groupe Nouveau Centre a toujours plaidé pour un redressement des finances publiques passant par un juste équilibre entre la baisse du poids des dépenses et une hausse raisonnable du poids des recettes pour effacer les conséquences de la crise sur les recettes.

Sur la période 2010-2014, le Gouvernement propose une baisse de trois points du poids de la dépense publique dans la richesse nationale et une hausse de deux points des prélèvements obligatoires : cela nous paraît équilibré. Nous approuvons donc le Gouvernement qui prévoit en 2011 une hausse de 0,9 point de la richesse nationale du poids des prélèvements obligatoires et une poursuite de ces efforts jusqu’en 2014 où ce taux atteindra 43,9 % de la richesse nationale, soit le taux de 2006.

Nous demandons aussi au Gouvernement d’aller plus loin dans la réduction des niches fiscales et sociales au nom de l’égalité devant l’impôt…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Charles de Courson. …et d’aller plus loin vers une plus grande justice fiscale par la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF en contrepartie d’un rééquilibrage de la fiscalité pesant sur les revenus du patrimoine par rapport à ceux pesant sur le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

En lançant le débat sans tabou sur la fiscalité du patrimoine qui devrait déboucher sur une loi de finances rectificative à la mi-2011, le Président de la République va également dans le sens de nos demandes.

Le groupe Nouveau Centre se félicite que l’Assemblée nationale ait voté à la quasi-unanimité deux de ses amendements plafonnant le montant des retraites chapeaux (Mêmes mouvements) des mandataires sociaux à 30 % de leur rémunération annuelle, ainsi que le montant des parachutes dorés à deux fois le montant maximal des indemnités de licenciement des cadres supérieurs. (Mêmes mouvements.) Tout cela va dans le sens de la moralisation du système économique. (« Très bien » sur les bancs du groupe NC.)

Enfin, le groupe Nouveau Centre se réjouit que le Gouvernement ait accepté notre amendement visant à la prolongation du bénéfice de la demi-part pour les veuves et les veufs,…

M. Philippe Vigier. Très bien.

M. Charles de Courson. …ce qui permet la prolongation de l’exonération et du plafonnement de la taxe d’habitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Telles sont les raisons de notre vote en faveur de l’adoption de ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Vote sur l’ensemble
du projet de loi de programmation

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 558

Nombre de suffrages exprimés 556

Majorité absolue 279

(Le projet de loi de programmation est adopté.)

Vote sur l’ensemble
de la première partie du projet de loi de finances

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 556

Nombre de suffrages exprimés 554

Majorité absolue 278

(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Réforme des retraites

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2920).

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de l’examen parlementaire du projet de loi portant réforme des retraites, dont l’objectif premier est la sauvegarde de notre système de retraite par répartition. Cet examen a été long, approfondi et particulièrement riche.

M. Alain Bocquet. À marche forcée !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la CMP. Au terme de ce débat, chacun, dans cet hémicycle comme dans celui du Sénat, aura pu exprimer ses opinions, développer ses critiques et formuler ses propositions. Nul ne peut sérieusement dire que le débat parlementaire a été bâclé.

M. Yves Bur. Vous avez raison !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Au total, le Parlement aura de fait consacré plus de deux cents heures de séance à cette réforme essentielle, et chacune de ces heures aura été fructueuse.

En effet, à l’issue de cet examen parlementaire, le texte a été incontestablement enrichi.

M. Jean Mallot. Tu parles ! On sait lire !

M. Alain Bocquet. Ça dépend de quel point de vue !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Ainsi, le projet, qui comportait initialement trente-trois articles, en comptait quatre-vingt-huit après son examen par les députés et cent trente-sept après son passage au Sénat. C’est dire combien il a été précisé et, je le répète, enrichi.

M. Jean Mallot. Oui, mais pour qui ?

M. Jean-Pierre Brard. Cela veut simplement dire que les cellules se divisent !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Je rappellerai brièvement les apports de chacune des chambres.

L’Assemblée nationale a précisé les missions du nouveau comité de pilotage des retraites, accentué le processus de rapprochement entre public et privé en posant les premiers jalons de la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires d’État, répondu aux inquiétudes des fonctionnaires mères de trois enfants proches de la retraite en leur permettant de partir sans décote. En outre, elle a apporté une solution au problème des fonctionnaires titulaires sans droits ; elle a rétabli l’assurance veuvage, qui devait disparaître à la fin de cette année ; elle a durci le mécanisme de sanction qui s’applique en cas de non-respect du principe d’égalité professionnelle entre hommes et femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Par ailleurs, l’Assemblée a introduit dans le texte deux nouveaux chapitres, relatifs l’un à la modernisation de notre médecine du travail, corollaire indispensable du développement de la prévention de la pénibilité, et l’autre, plus réduit, à la simplification des dispositifs d’épargne retraite existants.

De manière plus fondamentale, notre Assemblée a renforcé le dispositif initial relatif à la pénibilité : à l’initiative du Gouvernement, elle a abaissé de 20 à 10 % le taux d’incapacité permettant de prétendre à une retraite anticipée…

Mme Martine Billard. Faux ! Vous répétez ce mensonge depuis le début !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire …et créé, à l’initiative du président Méhaignerie, un fonds de soutien à la négociation collective afin de mieux tenir compte de la pénibilité dans l’organisation du travail.

Saisi de ce texte, le Sénat a poursuivi ce processus d’enrichissement, en étant, comme l’Assemblée avant lui, attentif aux inquiétudes exprimées par la population.

M. Alain Bocquet et M. Jean Mallot. Tu parles !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Le Sénat a ainsi introduit des mesures spécifiques destinées à certaines catégories particulièrement fragiles dans le monde du travail, fragilité dont la retraite est bien souvent le reflet : les mères de trois enfants, les travailleurs handicapés, mais aussi les parents d’enfants handicapés. Il s’agit là d’avancées fondamentales, et je salue le travail de nos collègues sénateurs.

Le Sénat a également, comme l’Assemblée l’avait souhaité, garanti le versement de l’AER à ses bénéficiaires jusqu’à leur départ à la retraite.

À l’Assemblée comme au Sénat, cette majorité a donc été attentive aux préoccupations des Français et s’est efforcée d’y répondre, sans remettre en cause les équilibres fondamentaux du texte…

M. Jean Mallot. C’est bien ça !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. …en particulier le report de deux ans des bornes d’âge.

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Y renoncer aurait été irresponsable ; c’eût été un signe d’archaïsme à l’heure où tous nos voisins européens... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Billard. Vous disiez le contraire, l’an dernier !

M. Alain Bocquet. Cela ne veut rien dire !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire …en particulier, chers collègues de l’opposition, les pays dirigés par vos camarades de l’Internationale socialiste, ont fait le choix responsable et inévitable du report des âges légaux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pascal Terrasse. Les Allemands liquident leur retraite à soixante-deux ans ! C’est un mensonge !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Forte de ces convictions et de la qualité des travaux menés à l’Assemblée comme au Sénat, la commission mixte paritaire s’est réunie hier matin pour élaborer un texte commun.

Cent onze articles restaient en discussion. Pour la très grande majorité d’entre eux, soit quatre-vingt-onze, la commission mixte paritaire a retenu le texte du Sénat. Pour trois d’entre eux, il a été décidé de revenir au texte de l’Assemblée nationale. Enfin, pour dix-sept articles, la commission mixte paritaire a élaboré un nouveau texte.

À cette fin, j’ai travaillé en parfaite intelligence avec le rapporteur du texte au Sénat, M. Dominique Leclerc…

M. Alain Bocquet. Ce n’est pas une lumière !

M. Jean-Pierre Brard. Quand il est branché, si ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. …et nous avons pu proposer à la CMP des rédactions communes. Vos remarques n’engagent que vous !

Nous avons ainsi précisé que les parlementaires membres du COR seront également membres du comité de pilotage, ce qui nous a semblé plus simple et plus efficace.

M. Pascal Terrasse et M. Jean Mallot. Quelle avancée !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Vous en faites partie, monsieur Terrasse ! (Sourires.)

Sur le droit à l’information, nous avons précisé le champ de la responsabilité des caisses afin que l’entretien individuel prévu à quarante-cinq ans soit le plus complet et le plus précis possible pour les assurés.

M. Daniel Paul. C’est vous qui êtes gonflé !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire En ce qui concerne la pénibilité et la réforme de la médecine du travail…

Mme Martine Billard. Vous la cassez !

M. Alain Bocquet. Il n’y a rien !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire …la commission mixte paritaire a confirmé l’équilibre général qui avait été trouvé à la suite des enrichissements successifs des différents dispositifs lors des lectures à l’Assemblée nationale puis au Sénat, sauf sur une question particulière, celle de la gouvernance des services de santé au travail interentreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Sur ce point, en effet, elle a préféré retenir une rédaction proche de celle qui avait été adoptée à l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Coutelle. Contre l’avis du Sénat !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. Voici, chers collègues, le texte que nous vous proposons d’adopter et sur lequel vous vous prononcerez demain par un vote solennel dans cet hémicycle.

Je crois inutile de rappeler l’importance de ce texte essentiel, qui vient s’ajouter à la longue liste des réformes entreprises par la Président de la République… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Martine Billard. La contre-réforme !

M. Jean-Pierre Brard. Il avait dit qu’il n’y toucherait pas, ce menteur !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. …le Premier ministre, le Gouvernement et cette majorité pour réformer et moderniser notre pays.

Un clivage net se manifeste ; il sépare ceux qui veulent préserver notre système de protection sociale en le modernisant et en l’adaptant aux réalités démographiques et économiques de ceux qui refusent cette modernisation et qui, consciemment ou inconsciemment, condamnent ainsi ce système.

Notre majorité a très clairement exprimé son choix de faire partie du camp des réformateurs… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Des liquidateurs !

M. Marc Dolez. Des fossoyeurs !

M. Yves Bur. Le rapporteur a raison !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la de la commission mixte paritaire. …et je suis particulièrement fier d’avoir pu, comme rapporteur, apporter ma modeste contribution à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roland Muzeau. Le fossoyeur en chef !

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée s’apprête à voter le projet de loi portant réforme des retraites issu de la commission mixte paritaire.

M. Jean Mallot. Non ! On va voter contre !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est l’aboutissement d’un processus démocratique qui s’est déroulé étape par étape…

M. Marc Dolez et Mme Jacqueline Fraysse. Démocratique ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. …le point d’arrivée d’un débat qui a duré plus de sept mois, d’avril à octobre – le plus long débat que nous ayons jamais eu sur les retraites.

C’est une réforme sans précédent par son ampleur… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. Fillon disait la même chose de la sienne ! Il y a toujours un précédent !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et son importance pour notre protection sociale.

Notre système de retraite prenait l’eau : il fallait le rééquilibrer pour le sauver du naufrage. À l’initiative du Président de la République, nous l’avons fait.

M. Alain Bocquet. Et si on demandait son avis au peuple ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons beaucoup consulté, beaucoup dialogué, beaucoup discuté, beaucoup écouté ; et, finalement, nous avons décidé. Il y a eu une concertation intense avec les partenaires sociaux ;…

M. Alain Bocquet et M. Marc Dolez. Ce n’est pas ce qu’ils disent !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …il y a eu l’examen du texte jour et nuit au Parlement ; il y aura désormais une loi pour garantir l’avenir de notre système de retraite par répartition.

M. Alain Bocquet. Que nenni !

M. Éric Woerth, ministre du travail. La CMP s’est réunie et a fait du très bon travail. Je veux saluer le compromis constructif auquel elle est parvenue, monsieur le rapporteur, monsieur le président. Les avancées réalisées à l’Assemblée nationale et au Sénat ont été confirmées, des précisions juridiques ont été apportées sur certains points, et l’équilibre général du texte a été respecté.

Je veux aussi saluer l’excellent travail de la majorité tout au long de l’examen du texte.

M. Roland Muzeau. Ils n’ont rien dit !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons même parfois pu débattre de manière constructive avec l’opposition.

M. Roland Muzeau. Un silence constructif !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je tiens à remercier le rapporteur du texte, Denis Jacquat, ainsi que le président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je remercie également les présidents de chaque groupe, ainsi que le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, et tous les vice-présidents qui se sont succédé au long de nos débats.

M. Pascal Terrasse. Et nous ? On sent mauvais ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Comme en 1993 (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), comme en 2003 (Mêmes mouvements), comme en 2007 et 2008 (Mêmes mouvements), notre majorité a pris ses responsabilités.

M. Lionnel Luca. Eh oui !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous n’avons pas craint de parler de l’âge de la retraite, nous n’avons pas craint de dire qu’il fallait travailler plus longtemps (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), nous n’avons pas craint de sortir du dogme de la retraite à soixante ans pour assurer la pérennité de notre système de retraite. (Mêmes mouvements.)

Il y aura donc un nouvel âge de la retraite, soixante-deux ans en 2018 : c’est la réponse logique au défi démographique (Mêmes mouvements), c’est la condition inévitable du retour à l’équilibre dès cette date…

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …c’est le signe de l’esprit de responsabilité qui nous anime.

Je rappelle qu’équilibrer à la même hauteur notre système de retraite par la durée de cotisation aurait conduit à passer à quarante-sept annuités de cotisation.

M. Lionnel Luca. Exactement !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je rappelle qu’équilibrer à la même hauteur notre système de retraite par le niveau des pensions aurait conduit à baisser les retraites des Français de 15 % en 2020. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je rappelle qu’équilibrer à la même hauteur notre système de retraite par la fiscalité nous aurait conduits à alourdir celle-ci de plus de 40 milliards d’euros, c’est-à-dire dans des proportions absolument inconcevables.

M. Alain Bocquet. Et Mme Bettencourt ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. La mesure d’âge, cette mesure centrale de notre projet, a été votée dans les mêmes termes par votre Assemblée et par le Sénat. C’est une étape fondamentale pour notre pays. Les gouvernements allemand, espagnol…

M. Yves Bur. Eh oui ! Des gouvernements socialistes !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …anglais, suédois, danois, italien, tous ont pris leurs responsabilités dans ce domaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Heureusement qu’on n’a pas toujours suivi, dans l’histoire !

M. Éric Woerth, ministre du travail. À notre tour, avec cette loi, nous prenons nos responsabilités.

Nous avons aussi pris le temps de débattre, personne ne peut prétendre le contraire. Tout le monde a pris la parole, tous les députés de l’opposition qui le souhaitaient ont pu s’exprimer…

M. Lionnel Luca. Trop !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et nous les avons écoutés. (« Pas jusqu’au bout ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Au fond, bien plus qu’un débat sur la retraite, ce débat a été un débat social global. Nous avons abordé un très grand nombre de sujets qui concernent l’ensemble de notre société : l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la pénibilité et les carrières longues. Tout cela dépasse les limites d’un simple débat sur les retraites et tous ces débats sont appelés à se prolonger.

J’en veux pour preuve le débat que nous avons eu sur la médecine du travail, qui renvoie à la question de la prévention : la meilleure façon de lutter contre la pénibilité – chacun s’accordera sur ce point – consiste à améliorer les conditions de travail en amont.

M. Alain Bocquet. Il y a du boulot !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’était un débat nécessaire, parce que la bonne santé au travail est une condition du succès de la réforme des retraites. Pas une seule disposition de cette loi, je le redis, ne remet en cause l’indépendance du médecin du travail : j’invite ceux qui le craignent à relire le texte dans le détail.

Ce débat a construit, nourri, enrichi le projet initial du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard. « Enrichi » ! Comme vous l’aimez, ce mot !

M. Éric Woerth, ministre du travail. À l’Assemblée nationale, nous avons adopté quatre-vingt-douze amendements.

M. Jean Mallot. Soit 1,5 % du nombre total d’amendements !

M. Éric Woerth, ministre du travail. En définitive, à l’issue de l’examen parlementaire, le texte initial aura connu une vingtaine d’évolutions notables. C’est dire la capacité d’écoute du Gouvernement. (Rires sur les bancs du groupe GDR.)

M. Pascal Terrasse. C’est laborieux !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Chacune des deux Chambres a proposé des avancées pour aboutir à plus de solidarité, plus d’équité, plus de justice, tout en préservant l’équilibre général du texte.

À l’Assemblée nationale, l’essentiel des avancées a porté sur la pénibilité. Les amendements adoptés ont permis d’élargir le seuil d’accès à ce dispositif : les personnes ayant un taux d’incapacité égal ou supérieur à 10 % – et non plus 20 % comme le prévoyait le texte initial – pourront continuer à partir à soixante ans. Ce ne sont plus 10 000, mais 30 000 personnes qui pourront bénéficier de ce droit nouveau chaque année.

M. Roland Muzeau. Il leur faudra passer devant une commission !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Il y a eu également des avancées en matière d’épargne retraite afin d’élargir l’accès aux dispositifs sans remettre en cause notre objectif initial, qui est la sauvegarde de notre système par répartition.

Par ailleurs, de nouvelles avancées au Sénat ont permis de renforcer l’équité dans le texte.

Nous n’avons pas fermé le débat, nous l’avons au contraire laissé ouvert pour l’avenir.

M. Jean-Paul Lecoq. Pour aboutir à la capitalisation !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons préservé notre système par répartition, comme le Gouvernement s’y était engagé depuis le début. Nous avons en même temps pris soin d’engager en 2013 une réflexion nationale sur une évolution systémique de nos régimes de retraite, notamment sur les régimes par points. Certains parmi vous avaient évoqué cette possibilité – je pense aux députés centristes – qui a ensuite trouvé son aboutissement au Sénat.

Une fois votée, cette loi va être promulguée et sera appliquée. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. Vous ne serez peut-être plus là !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Je veux rappeler que la démocratie, c’est d’abord l’acceptation de nos institutions. La loi peut faire l’objet d’un débat approfondi – et c’est essentiel –, mais, à un moment donné, la démocratie doit parler : une fois que la loi est votée, elle est la loi.

M. Alain Bocquet. Comme les lois pétainistes !

Mme Martine Billard. Comme le CPE ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. La loi est votée, elle n’est pas dictée, et chacun sait qu’elle est votée par une majorité, rarement par une minorité !

Bien entendu, s’agissant d’une réforme de cette ampleur, il est normal que des inquiétudes s’expriment. Ces inquiétudes, nous les écoutons et nous les respectons. En même temps, nous apportons des réponses avec cette loi qui permettra de redonner confiance aux Français dans l’avenir de leur système de retraite.

Elle redonne confiance, parce que résoudre les déficits de nos régimes de retraites, c’est ne plus accepter que les retraites des Français soient financées à crédit, payées sur l’emprunt. C’est répondre à une angoisse profonde de nos concitoyens, et je pense en premier lieu aux jeunes. Il ne faut pas se tromper de combat : c’est bien sur eux que retombera la charge de nos déficits si nous ne réformons pas.

M. Pascal Terrasse. Et la dette sociale ! Et la CADES !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cette loi redonne confiance aussi parce que, après cette réforme, notre système de retraite ne sera pas moins solidaire et moins protecteur, mais au contraire plus solidaire et plus protecteur. Il restera l’un des systèmes de retraite les plus généreux d’Europe. En France, lorsqu’une personne est au chômage, en arrêt maladie ou en congé de maternité, elle valide quand même ses droits à la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Cette solidarité est trop rarement soulignée. Or, nous l’avons préservée et même renforcée.

Je l’ai dit devant vous la semaine dernière, et je le redis car c’est ma conviction profonde ainsi que celle de Georges Tron : les grandes dates de notre pacte social ne sont pas seulement celles où l’on crée de nouveaux droits, ce sont aussi celles où l’on se donne les moyens de les financer, autrement dit les moyens de la durabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les arguments du pétainiste Denis Kessler !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Aujourd’hui, les vrais défenseurs de notre système social, ce sont ceux qui osent garantir son avenir. À une époque où il existe un consensus en faveur du développement durable, je pense que le développement durable que nous devons promouvoir en priorité est celui de notre modèle social.

Cette réforme n’est donc pas la victoire d’un camp, c’est une réforme pour tous les Français.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une trahison !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce n’est pas une réforme de circonstance, c’est une réforme qui touche à l’essentiel, parce qu’elle prend acte d’une réalité incontestable, celle de l’allongement de la vie.

M. Roland Muzeau. C’est parce qu’on prend sa retraite plus tôt qu’on voit sa vie s’allonger !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Quand on regarde ce que sont devenues les précédentes réformes des retraites, qui ne couvraient pas un champ aussi large, on constate qu’elles ont fini par être acceptées même par leurs plus virulents détracteurs, et cela, tout simplement, parce qu’elles étaient nécessaires et dictées par le bon sens.

Je suis donc convaincu que cette réforme pourra bientôt nous rassembler au-delà des clivages partisans …

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …et que, dans quelque temps, beaucoup de nos adversaires d’hier oseront reconnaître qu’elle représente une avancée majeure pour sauvegarder notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Roland Muzeau. Voilà le deuxième liquidateur !

M. Maxime Gremetz. C’est un villepiniste qui a mal tourné ! On vend parfois son âme pour pas grand-chose !

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, – que je remercie pour la qualité de leur travail – mesdames et messieurs les députés, – que je remercie de leur participation au débat –, avec le projet de loi portant réforme des retraites, nous avons connu un débat riche qui a permis à chacun d’exprimer ses idées, parfois avec vivacité, parfois avec finesse, mais toujours avec conviction.

La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire nous conduit à un exercice de comparaison entre le texte entré au Parlement en juillet dernier et celui qui en est sorti. S’agissant de la fonction publique, cette lecture comparative me conduit à deux conclusions : la première est que l’équilibre du texte, qui repose sur le principe de convergence entre privé et public, a été respecté ; la seconde est que les améliorations qu’a connues le texte grâce aux débats parlementaires s’appliquent également à la fonction publique. La discussion du texte au Sénat n’a pas remis en cause les grands équilibres établis lors de la discussion à l’Assemblée nationale.

Soulignons, en premier lieu, que le principe de convergence ne nie pas les spécificités de la fonction publique. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de la discussion sur le projet de loi, Éric Woerth et moi-même avons retenu comme principe fondamental la convergence des règles entre les régimes privés et le régime de la fonction publique. C’est un thème particulièrement sensible pour nos concitoyens qui demandent, comme ils l’ont exprimé auprès des élus ou lors des enquêtes d’opinion, l’application de règles identiques, quel que soit le statut ou l’employeur : « À carrière égale, retraite égale ».

M. Maxime Gremetz. Pas pour les ministres !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Ce principe de convergence a motivé une grande partie de la réforme de 2003. Avec la réforme de 2010, nous franchissons une nouvelle étape.

L’augmentation de la durée de travail de deux ans concerne la fonction publique au même titre que le reste du secteur privé. Le projet de loi porte l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans en 2018.

Cette augmentation sera progressive afin de ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite. Dans la fonction publique, toutes les bornes d’âge et de durée de services seront déplacées de deux ans, y compris pour les catégories actives dont l’âge légal de départ à la retraite est aujourd’hui inférieur à soixante ans. Ce principe vaut également pour les militaires qui ne connaissent pas d’âge légal, mais des durées de services.

En deuxième lieu, le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé. Ce taux passera en dix ans de 7,85 % à 10,55 %. Ainsi, le fonctionnaire contribuera au financement des retraites dans la même proportion que le salarié du privé.

M. Maxime Gremetz. Et les ministres ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. En troisième lieu, le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de service, sans équivalent dans le privé, sera fermé à compter de 2012. Le Conseil d’orientation des retraites avait relevé ses imperfections et la Commission européenne a ouvert une procédure qui le concerne, entre autres.

M. Maxime Gremetz. Elle veut allonger la durée du congé maternité !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Sa fermeture sera progressive, ce qui laissera aux agents un délai suffisant pour arrêter leur choix dans de meilleures conditions.

Enfin, dernière mesure de convergence, le minimum garanti sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé.

Jusqu’à présent, les fonctionnaires bénéficiaient de ce minimum dès qu’ils atteignaient l’âge d’ouverture des droits, même s’ils n’avaient pas tous leurs trimestres. Avec cette réforme, la règle d’ouverture sera alignée sur celle du régime général, à savoir atteindre le taux plein, autrement dit respecter la durée de cotisation complète ou partir à la limite d’âge à laquelle s’annule la décote.

La solidarité du régime de retraite, et donc des autres assurés, ne peut être effective que lorsque la durée d’assurance exigée de tous est atteinte.

M. Maxime Gremetz. Pour les ministres, c’est pareil !

M. Yves Bur. Débranchez M. Gremetz !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Dans le secteur privé, un salarié doit attendre l’âge du taux plein, c’est-à-dire soixante-cinq ans. On a donc pu faire une première observation à l’issue de la discussion au Sénat : le principe de convergence ne nie pas les spécificités de la fonction publique.

J’en viens à la seconde spécificité : le projet de loi, grâce au débat parlementaire, a connu des améliorations qui s’appliquent également à la fonction publique. À l’issue du débat parlementaire dans les deux chambres, force est de constater que, pour la fonction publique, l’équilibre du projet de loi, qui repose sur le principe de convergence, n’a pas été remis en cause. Les principales mesures ont été maintenues, voire améliorées, et quelques amendements sont venus compléter le texte de la réforme.

À cet égard, je tiens à rendre hommage à la qualité des débats parlementaires qui nous ont permis à tous de progresser même si les réponses que nous apportons ne sont pas toutes partagées, mais c’est la règle de la démocratie.

M. Jean-Pierre Brard. Elles sont ringardes, vos réponses !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Parmi ces améliorations, je citerai les plus importantes. Elles concernent en premier lieu les parents de trois enfants.

M. Christophe Sirugue. Une mesure pétainiste !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. À la suite du débat lancé par Laurent Hénart à la commission des affaires sociales, vous avez adopté un amendement du Gouvernement qui exclut de l’application des nouvelles règles les personnes se trouvant à cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite dans leur corps. Ainsi, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans de meilleures conditions.

Le Sénat a prolongé cette avancée grâce à une disposition qui maintient à soixante-cinq ans l’âge d’annulation de la décote pour les mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! À condition que !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. En effet, cette disposition est soumise à une condition – c’est à croire que M. Gremetz connaît le texte : ces mères doivent avoir interrompu leur activité pour s’occuper de l’un de leurs enfants. Cette mesure concernera aussi bien les mères du secteur privé que les mères fonctionnaires.

La deuxième amélioration concerne les polypensionnés. Cette question a donné lieu à des discussions approfondies avec les organisations syndicales et les parlementaires de la majorité.

M. Louis Giscard d’Estaing. C’est vrai !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale, puis a été confirmé par le Sénat, au sujet des personnes qui exercent moins de quinze ans dans la fonction publique. Aujourd’hui, lorsqu’elles quittent la fonction publique, elles sont affiliées rétroactivement au régime général avec, à la clé, une régularisation de cotisations en raison d’une différence d’assiette et de taux. Désormais, dès deux ans de services effectifs, les fonctionnaires civils pourront bénéficier d’une retraite relevant de la fonction publique.

Cela démontre à la fois une capacité d’écoute des organisations syndicales et une volonté d’avancer sur le dossier des polypensionnés, dossier compliqué qui nécessite un travail approfondi. À cet égard, je précise qu’un rapport sera rendu dans les prochains mois afin de prendre en considération tous les aspects de cette question.

La troisième amélioration concerne les personnes handicapées. Nous avons continué de travailler à une plus grande équité dans notre texte. De nombreuses avancées en faveur des handicapés et des personnes qui les aident ont été réalisées grâce au travail des parlementaires de la majorité. Le Gouvernement a déposé un amendement qui a fait l’objet d’améliorations, à la suite du travail de la majorité. Une mesure pérenne permettra en particulier aux parents d’enfants handicapés, qui ont besoin d’une présence auprès d’eux, de conserver le bénéfice de l’âge de l’annulation de la décote à soixante-cinq ans.

Par ailleurs, le dispositif de départ anticipé pour handicap a également été élargi aux assurés qui ont travaillé en bénéficiant de la reconnaissance de travailleurs handicapés. Il s’agit d’une extension importante du dispositif puisque le nombre de personnes concernées passera de 1 000 à près de 1 million.

Un dernier mot sur la disposition transitoire pour le minimum garanti des militaires, sujet sur lequel plusieurs parlementaires de la majorité avaient attiré notre attention, en particulier Étienne Pinte. À la suite des inquiétudes exprimées, le Gouvernement a revu le dispositif au Sénat. Avec l’amendement adopté, les militaires qui ont atteint ou dépassé la durée minimale de quinze ans de service au 1er janvier 2011 conserveront le bénéfice des règles actuelles pour l’obtention du minimum garanti.

Ce minimum garanti, nous en avons réformé le dispositif sans en modifier le montant,…

M. Maxime Gremetz. Quel est ce montant, monsieur le secrétaire d’État ? Vous ne le connaissez pas !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …conformément à l’engagement que nous avions pris de ne pas baisser les pensions.

Au terme du débat sur les retraites, les principes d’équité que nous avons mis en exergue ont été respectés, avec en particulier la convergence entre le public et le privé. Celle-ci a été abordée dans le souci de préserver les spécificités de la fonction publique, notamment en ce qui concerne les règles de calcul de la retraite, puisque nous n’avons pas modifié les périodes de référence – vingt-cinq années dans le privé et six mois dans la fonction publique – simplement parce que les pensions versées étaient à niveaux équivalents. Cette réforme participera également au chantier de modernisation de la fonction publique auquel nous nous sommes attelés.

Mesdames et messieurs les députés, lorsque, au côté d’Éric Woerth, j’ai présenté le projet de loi pour la fonction publique, je vous ai dit que nous avions une obligation de faire cette réforme de société. Plus que jamais, je pense que cette obligation est aussi morale, elle est de transmettre à nos enfants un régime de retraite par répartition viable et équilibré.

M. Maxime Gremetz. Guillaume es-tu là ? Si ce n’est toi, c’est donc ton frère !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Aujourd’hui, je considère que nous avons mené cette réforme dans le respect de la démocratie. Avec ce texte, nous apportons des solutions pour que le régime par répartition atteigne son équilibre financier. Nous ne pouvons accepter une inexorable détérioration des comptes. C’est un acquis de la société française, issu de la Résistance (Protestations sur les bancs du groupe GDR), que nous nous devions de préserver pour le transmettre aux jeunes générations et faire vivre ainsi la solidarité intergénérationnelle. C’est ce que vous allez faire en l’adoptant demain, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je voudrais apporter certaines précisions pour éclairer le débat jusqu’au bout.

M. le président. Votre rappel au règlement se rapporte-t-il au déroulement de la séance ?

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait, il s’inscrit dans le cadre de l’article 58, alinéa 1. Vous ne pouvez pas anticiper ce que je vais dire, car d’habitude vous ne connaissez pas mes partitions.

M. le président. Je vous connais depuis longtemps, monsieur Brard. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un peu présomptueux, monsieur le président.

Plusieurs fois dans le débat, nous avons cité Denis Kessler et les objectifs de destruction de l’héritage du général de Gaulle et du consensus issu de la Résistance. L’évocation du programme du CNR dans la bouche de certains, tel le secrétaire d’État à l’instant, est un blasphème. (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Une insulte à la Résistance !

M. le président. Comme je l’avais pressenti, cela n’avait rien à voir avec le déroulement de la séance.

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

M. Maxime Gremetz. Nous sommes complètement brimés !

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la lecture, dans des délais record, des conclusions de la CMP sur le projet de réforme des retraites procède du choix du Gouvernement de passer en force par le truchement d’une procédure accélérée sur un texte pourtant emblématique.

L’enjeu de cette réforme ne se résume pas à une question de finances publiques, ainsi que vous tentez de le faire croire à l’opinion : vous avez entrepris, ni plus ni moins, de vous attaquer à un véritable enjeu de civilisation avec une telle désinvolture et un tel mépris que vous êtes désormais seuls comptables des tensions sociales qui agitent notre pays et se manifestent dans la rue depuis plusieurs semaines, et certainement pour plusieurs semaines encore, sous quelque forme que ce soit.

Cette réforme antisociale est la traduction législative et juridique de la forfaiture du Gouvernement et du Président de la République obéissant aux diktats des marchés financiers et des agences de notation, et aux exigences de l’Europe ultralibérale. Tout le monde a en mémoire les déclarations, en 2007, renouvelées en 2008, du Président de la République selon lesquelles il n’avait pas mandat du peuple pour réformer les retraites.

Mme Martine Billard. Bravo !

M. Roland Muzeau. Cette partition, menée crescendo, s’est jouée en trois temps forts que je me dois de rappeler ici.

Tout a commencé par un simulacre de dialogue avec les partenaires sociaux, que vous reconnaissez d’ailleurs ces jours derniers en vous retranchant derrière le désaccord unanime des organisations syndicales. Vous avez tenté de faire passer pour une négociation ce qui n’était pas même une concertation. Vos interlocuteurs sont unanimes sur ce point : l’Élysée avait déjà fixé le cadre des pseudo-concessions, un cadre si étroit qu’il n’a jamais permis la manifestation d’un quelconque accord de la part des syndicats. M. Thibault de la CGT et M. Chérèque de la CFDT vous l’ont rappelé hier soir. Sur ordre de l’Élysée, vous avez délibérément fermé la porte du dialogue social pour le plus grand plaisir de la Commission européenne, des agences de notation, de la Fédération française des assureurs et – cerise sur le gâteau – du frère du Président.

La discussion à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’un « temps guillotine », s’est terminée par un putsch, le président Accoyer, sous l’influence de l’Élysée et sous les coups de boutoir du président Copé, foulant aux pieds notre nouveau règlement, que l’UMP et le Nouveau Centre avaient pourtant voté, et invoquant – sans doute après une séance de spiritisme avec le Président de la République (Rires sur les bancs du groupe GDR) –, l’esprit de l’article 49, alinéa 13, de notre règlement qui donne à chaque parlementaire un droit de livrer son explication de vote individuelle.

Aucune présidence d’une assemblée parlementaire dans les démocraties dites modernes, et a fortiori chez nos voisins européens, ne s’est permis, au mépris des droits de l’opposition, de priver ainsi de parole les élus de la nation,…

M. Alain Marty. N’importe quoi !

M. Roland Muzeau. …les délégués du peuple qui, je vous le rappelle, sont élus au suffrage universel.

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Roland Muzeau. Cette journée, symptôme significatif de l’autoritarisme de ceux qui nous gouvernent et de la majorité, restera certainement dans les mémoires comme un jour bien sombre de cette législature.

M. Maxime Gremetz. Une marque indélébile !

M. Roland Muzeau. Enfin, une procédure de vote bloqué, cette fois au Sénat, a bouclé la boucle.

Ici, votre refus systématique d’apporter ne serait-ce qu’une réponse argumentée au refus que vous opposiez aux propositions issues des deux projets que portaient les groupes de l’opposition, et, au Sénat, la réserve du vote des amendements sur les mêmes propositions et la procédure du vote bloqué, participent de la même logique que celle qui a prévalu lors des prétendues concertations avec les partenaires sociaux. Vous avez fermé la porte du dialogue social, décrétant, comme cela, que les oppositions à votre projet n’avaient aucune valeur et ne méritaient pas même l’honnêteté d’un échange contradictoire.

Prenant acte de l’attitude du Gouvernement, et sans illusion sur les conclusions de la CMP, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche en ont claqué la porte.

M. Marc Dolez. Ils ont bien fait !

M. Roland Muzeau. La lecture des conclusions nous donne raison. Le ministre du travail, M. Woerth, le Président de la République et la Fédération des assurances exultent dans un même élan : l’économie générale pas plus que les grands équilibres du texte n’ont bougé d’un iota.

Notre démocratie parlementaire ne sort pas grandie de cette douloureuse expérience d’autoritarisme nauséabond, de cette réforme menée depuis le début à la bombarde…

Mme Marie-Josée Roig. Quel vocabulaire !

M. Roland Muzeau. …envers et contre le peuple par un chef de l’État qui, tel un Napoléon des temps modernes, entend faire campagne sans jamais battre en retraite.

M. Jean-Pierre Brard. Pas d’injure à Napoléon !

M. Alain Marty. Je suis d’accord !

M. Roland Muzeau. On sait ce qu’il advient le plus souvent des prétentions vaniteuses et démesurées de ceux qui sont rongés par l’orgueil et le mépris du peuple. Il serait bon que le Président de la République descende du perchoir duquel il contemple sans ciller le peuple lui crier la profonde injustice de cette réforme en particulier, et de sa politique en général.

Car il ne vous aura pas échappé que la contestation sociale ne se limite plus à l’injustice que constitue ce texte ; elle enfle chaque jour, elle s’étend, elle cristallise désormais mécontentement, opposition et révolte sur bien des thèmes : contre la politique fiscale, qui rend à chacun des quelque 19 000 de nos concitoyens les plus riches plus que ne gagnera jamais un smicard en trente ans, qui offre chaque année à Mme Bettencourt un chèque de 30 millions d’euros ; contre votre politique économique inepte, cousue de cadeaux aux entreprises, de blanc-seing aux plans sociaux de licenciement, de flexibilité du monde du travail, de prime à la médiocrité économique, sociale et environnementale au détriment notamment de l’emploi, des salaires et au mépris des travailleurs du privé et du public ; contre votre politique sociale régressive, dont le seul et unique but, comme le claironne M. Kessler, est de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance,…

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !

M. Roland Muzeau. …socle de notre système de protection sociale, ce à quoi votre gouvernement s’emploie avec zèle ; contre le mépris et le dédain avec lesquels vous traitez le monde du travail et le peu de considération que vous inspirent les gens modestes.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Roland Muzeau. Votre vision technocratique du fonctionnement de notre république et des attentes sociales de l’immense majorité de nos concitoyens, vous a, tout au long de ce débat escamoté, confinés à une propagande et à un discours binaire…

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Roland Muzeau. …aux termes duquel, à rebours des avancées sociales du siècle dernier, il faudrait travailler plus au motif que l’on vit plus longtemps. Réfléchissez : si l’on vit plus longtemps, c’est parce que l’on travaille moins longtemps et que l’on part plus tôt à la retraite ! (Exclamations et applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Ce faisant, vous réduisez à néant le droit social par excellence. Comme le disait si bien Jaurès, « la retraite dans le vrai sens du mot, dans le sens normal du mot, est une somme suffisante pour permettre au vieillard […] de continuer sans autre élément, sans autre discours, dans le milieu où il a vécu jusque-là une existence décente et indépendante ».

M. Jean-Marc Roubaud. Ça, c’est vrai.

M. Roland Muzeau. Un acquis social qui, de l’avis partagé par nombre de démographes, a permis, avec les progrès de la médecine, de voir l’espérance de vie de notre population s’allonger…

M. Yves Nicolin. Il faudrait savoir !

M. Roland Muzeau. …cette même espérance de vie qui, de votre propre aveu, monsieur le ministre, a servi de prétexte à cette anti-réforme.

Partant, ce texte n’est ni plus ni moins que l’expression sociale de votre cynisme politique, qui vous a poussé à organiser un véritable mensonge et une prise en otage de l’opinion publique. Car vous avez délibérément menti aux Français : sur la situation des femmes devant la retraite, sur les carrières longues, sur la pénibilité, sur vos comparaisons européennes, sur le sort réservé aux fonctionnaires, sur le maintien du niveau des pensions, sur la médecine du travail.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est tout le contraire !

M. Roland Muzeau. Oui, monsieur Jacquat, vous avez menti sur toute la ligne…

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. Mais non !

M. Roland Muzeau. …pour tenter de faire accepter la réforme la plus dure, la plus brutale, la plus rétrograde et la plus inefficace de toutes les réformes des retraites mises en œuvre par nos partenaires européens. Vous avez même poussé le vice jusqu’à faire financer ce mensonge par l’impôt en créant un site de propagande gouvernementale à plus de 6 millions d’euros.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. Vous faites erreur !

M. Roland Muzeau. Votre attitude est scandaleuse et indigne d’un gouvernement de la République !

M. Louis Giscard d’Estaing. Et la vôtre !

M. Roland Muzeau. Revenons un instant sur vos motivations, que vous avez du reste déjà oubliées, ou plutôt sur ce que vous avez présenté comme la motivation du texte :…

M. Yves Nicolin. Vous vous égarez, monsieur Muzeau !

M. Roland Muzeau. …selon vos propres termes, il s’agissait, ni plus ni moins, de sauver notre système de retraite par répartition mis à mal par la crise. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je fais bien de vous le rappeler, dirait-on. Cette crise, les citoyens en payent déjà le prix fort dans tous les domaines de leur vie quotidienne – emploi, santé, salaires, taxes, impôts nouveaux en dépit de vos promesses, suppression des avantages chèrement acquis –…

M. Yves Nicolin. Ajoutez la dette !

M. Roland Muzeau. …et ils vont continuer à payer puisqu’ils vont supporter, je le rappelle, ne vous en déplaise, 85 % de l’effort demandé par votre texte.

Nos concitoyens et les partenaires sociaux l’ont bien compris : ils ne sont pas près de se résigner ni de plier sous vos coups de boutoir sociaux. Ils vous demandent depuis le début de revoir votre copie, de considérer les solutions alternatives qui existent. À gauche de cet hémicycle, au moins deux projets vous ont été proposés, dont celui des députés communistes, républicains et du parti de gauche, sous forme de proposition de loi.

M. Jean-Marc Roubaud. Lesquels ?

M. Yves Nicolin. Fadaises !

M. Roland Muzeau. Mais vous étiez sourds et silencieux.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ont été les seuls, sur ces bancs et au Sénat, à s’opposer à l’allongement de la durée de cotisation. Non, les quarante et un ans et demi de cotisation ne sont pas inéluctables !

M. Marc Dolez. Absolument !

M. Roland Muzeau. Ils ont démontré que le maintien de l’âge légal de la retraite à soixante ans à taux plein et sans décote était de l’ordre du possible,…

M. Yves Nicolin. Ils rêvent !

M. Roland Muzeau. …si tant est que l’on s’arme du courage de remettre à plat les questions de la répartition des richesses entre le travail et le capital, de la part des salaires dans la valeur ajoutée et de la question cardinale de l’emploi et des salaires que vous avez évacuée, des salaires des femmes, des seniors, des apprentis, des jeunes, tant dans le secteur public que dans le privé.

Ils ont traduit leurs réflexions dans une proposition de loi qui fait la démonstration, par les chiffres, qu’une autre voie est possible et souhaitable pour pérenniser notre système par répartition,…

M. André Gerin. Très bien !

M. Roland Muzeau. …seul à même d’assurer la solidarité inter et intragénérationnelle, face à la tentation d’un modèle assurantiel par capitalisation qui ne dit pas son nom.

M. Pascal Terrasse. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Comment osez-vous encore parler de sauvetage de la répartition quand, dans le même temps, vous détournez les cotisations du régime général vers des dispositifs d’épargne par capitalisation ?

M. André Gerin. Exactement !

M. Marc Dolez. C’est un vrai scandale !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. Quel délire !

M. Roland Muzeau. Depuis l’annonce de votre volonté de réformer notre système de retraites par des mesures d’âge, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ont fait preuve de pédagogie.

M. Yves Nicolin. De démagogie !

M. Roland Muzeau. Ils ont dénoncé les contrevérités et amalgames en tout genre et le simulacre de sauvetage que vous prétendiez organiser.

Le vote d’un amendement en faveur d’une réforme systémique en 2013 nous donne raison. Il y a quelques jours, Isabelle Debré déclarait : « Le Gouvernement doit lancer une réforme pérenne en 2013. » C’est pitoyable ! Quel aveu !

Non seulement vous n’avez pas entrepris cette réforme pour sauver et pérenniser notre système de retraites par répartition, mais vous avez ouvert la voie à un sabordage de notre système de protection sociale (Approbations sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. À un naufrage !

M. Roland Muzeau. …dont la commission européenne demande la tête au nom du libre choix, de l’individualisme, des marchés, et de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée.

M. Yves Nicolin et M. Jean-Marc Roubaud. Mensonge !

M. André Gerin. Non, il a raison !

M. Roland Muzeau. Cet amendement prouve à lui seul que le texte indûment appelé réforme des retraites n’en est pas une, et que notre système de retraite par répartition, démantelé aujourd’hui, disparaîtra totalement d’ici à deux ans.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous relayons ici les attentes de ces millions de salariés et citoyens, de sept Français sur dix qui, semaine après semaine, disent non à votre projet, des syndicats unanimes qui, depuis des mois, disent non à votre projet.

C’est pourquoi, nous vous appelons à rejeter sans hésitation la forfaiture que constitue ce texte rétrograde. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Yves Nicolin. Rendez-nous Marchais !

M. le président. J’informe l’Assemblée que je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public sur la motion de rejet préalable.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire.

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Monsieur Muzeau, d’habitude, j’apprécie votre ton mesuré. Mais aujourd’hui, ni votre ton ni la caricature que vous faites de ce projet ne correspondent à l’homme que vous êtes et je le regrette. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. C’est la colère ! On ne peut pas vivre comme ça ! Allez voir les gens ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. J’ai écouté M. Muzeau avec beaucoup d’attention. À mon tour, je souhaite l’être de la même façon.

M. Maxime Gremetz. Ne nous prenez pas pour des enfants de chœur !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Vous parlez de parcours bâclé et de simulacre : c’est une insulte à l’égard de tous ceux qui ont passé des heures et des heures ici à discuter et des trente-deux auditions publiques que nous avons faites ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Non, c’est la réalité !

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Cela est tellement vrai que nous avons écouté toutes les organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) ...

M. Maxime Gremetz. Vous ne les avez pas entendues !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. …qui ne voulaient absolument pas prendre la responsabilité de cette réforme, de peur de perdre des adhérents. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Paul Lecoq. Les syndicats apprécieront !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Nous avons donc assumé notre responsabilité.

Vous avez parlé des alternatives à l’actuelle réforme. Je vous rappelle qu’elles ont toutes été étudiées.

En quoi consistaient ces alternatives ?

À baisser les retraites des quinze millions et demi de retraités que compte notre pays aujourd’hui ?

Mme Marie-Hélène Amiable. À taxer le capital !

M. Maxime Gremetz. Ne prenez pas les enfants du bon dieu pour des canards sauvages !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Nous n’avons pas choisi cette voie.

À augmenter les coûts de production ? Au vu de la compétitivité actuelle, une hausse des cotisations des actifs porterait atteinte au pouvoir d’achat.

M. Maxime Gremetz. Pourtant 36 milliards d’exonérations de cotisations ont été consentis !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Mais pourquoi ne vous est-il pas possible d’écouter en silence l’orateur ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Méhaignerie a la parole.

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Les solutions que vous avez choisies jouaient contre l’emploi.

Bien sûr, une « alternative mirage » existait. Le capital doit payer dites-vous. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe GDR.) Or pouvez-vous me dire, en toute honnêteté, à quelle période de l’histoire politique des trente dernières années, la part de la valeur ajoutée travail a diminué de 8 % ? Entre 1983 et 1986, quand vous étiez au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Quelle est votre référence ?

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. En France, la valeur ajoutée capital-travail est aujourd’hui la plus favorable au travail. Cela est tellement vrai d’ailleurs que M. Schröder a développé la part du capital pour accroître l’investissement en Allemagne au détriment du travail et pour défendre l’emploi.

M. Jean-Pierre Brard. M. Schröder est vendu à Gazprom !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Par conséquent, cessez de développer des slogans faciles !

Mes chers collègues, cette réforme, la majorité actuelle l’assume dans sa totalité parce qu’elle continuera à placer la France comme le pays ayant l’espérance de vie à la retraite la plus longue.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Citez-moi un autre pays d’Europe !

M. Henri Jibrayel. Bla-bla-bla !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. En écoutant l’opposition tout au long de ces nombreuses journées, j’ai le sentiment qu’elle est dans un cercle franco-français. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pascal Terrasse. Vous êtes complètement en dehors de la réalité !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Croyez-vous franchement que, dans le monde d’aujourd’hui, il peut y avoir une exception française (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe GDR), avec la retraite à soixante ans pour tous, les 35 heures et des régimes spéciaux qui permettent de partir à la retraite à cinquante deux et cinquante cinq ans ? Il n’existe aucun cas ailleurs en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Muzeau, regardez autour de vous dans le monde. Le tribunal de l’histoire a tranché. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Même la Russie a augmenté l’âge de la retraite ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Nous ne pouvons pas accepter d’être caricaturé, comme vous venez de le faire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Juste quelques mots, après l’excellente intervention de M. Méhaignerie.

Monsieur Muzeau, votre discours est l’expression, probablement excessive d’une idéologie (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR),

M. Jean-Paul Lecoq. Non, c’est l’expression de la majorité des Français !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …alors que notre texte est la traduction d’une vision réaliste et protectrice de notre système social. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour cette raison, je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de rejeter la motion de rejet préalable.

M. André Gerin. C’est une réforme de classe !

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Vous êtes toujours dans l’idéologie de l’URSS !

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Alain Vidalies pour le groupe SRC.

M. Alain Vidalies. Je comprends que le ministre et la majorité poussent un ouf de soulagement. Néanmoins le débat sur les retraites n’est pas terminé.

M. Maxime Gremetz. Ils ne savent pas ce qui les attend !

M. Alain Vidalies. La protestation est encore forte. Votre projet est tellement injuste qu’il a mobilisé beaucoup de monde.

M. Pascal Terrasse. Ce projet est hors la loi !

M. Alain Vidalies. Le débat va se poursuivre dans les prochains mois et il sera permanent jusqu’en 2012 parce qu’il concerne l’ensemble des Français. Ne pensez pas que le sujet est bouclé !

Monsieur Méhaignerie, il faut arrêter de culpabiliser les Français à cause de leur modèle social, surtout quand vous ne dites pas la vérité.

Ainsi, vous ne cessez de répéter qu’on ne peut pas augmenter le coût du travail en raison de la compétitivité. Or, selon une étude, réalisée en 2010 par Mme Mathilde Lemoine, directrice des études économiques de la banque HSBC, et qui fut membre de cabinets ministériels : « Le coût du travail en France reste inférieur à celui du travail en Allemagne. En effet, si, en France, les cotisations patronales versées pour une heure de travail sont supérieures à ce qu’elles sont en Allemagne, le salaire y est inférieur. Au total, le coût d’une heure de travail est donc plus bas en France qu’en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et bien entendu au Danemark, en Suède ou au Luxembourg ».

Ne continuez donc pas à nous raconter des histoires pour essayer de justifier le démantèlement de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Monsieur Vidalies, veuillez conclure !

M. Alain Vidalies. Mesdames, messieurs de la majorité, pourquoi votre réforme a-t-elle été rejetée par la majorité du peuple ?

M. Maxime Gremetz. Pas « a été » ! Elle est rejetée !

M. Alain Vidalies. Parce qu’elle est profondément injuste et qu’elle frappera principalement les ouvriers et les employés…

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Alain Vidalies. …dont l’espérance de vie est la moins élevée.

La seule réforme juste serait celle qui prendrait en compte l’espérance de vie et qui permettrait aux ouvriers et aux employés qui ont des métiers difficiles, de partir à la retraite à soixante ans.

Pour avoir ignoré cette règle, votre réforme est rejetée. C’est pourquoi, le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. « Éric m’a tué ! », comme dans le journal !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard pour le groupe GDR.

Mme Martine Billard. Finalement, comme d’habitude, monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, vous continuez vos litanies des mensonges, et vous faites de l’idéologie libérale. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Un exemple prouvant que vous mentez depuis le début est donné par le fait que la France et l’Irlande sont les seuls pays de l’Union où la population continue à augmenter. Le problème n’est donc pas démographique mais économique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Votre réforme est profondément injuste. Elle frappera plus particulièrement ceux qui ont commencé à travailler tôt, avant vingt ans,…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

Mme Martine Billard. …notamment les apprentis, les femmes qui ont des carrières incomplètes, et tous ceux qui sont frappés par le chômage.

L’ajout, dans votre projet de loi, des articles sur l’épargne retraite montre que votre réforme vise bien à faire baisser les pensions…

M. Richard Mallié. Non, c’est vous qui voulez les faire baisser !

Mme Martine Billard. …pour obliger les Français à cotiser à une épargne retraite, bref aux fonds de pension.

M. Maxime Gremetz. Exactement, ils veulent promouvoir la capitalisation !

Mme Martine Billard. Contrairement à ce que vous prétendez, cette loi ne garantit même pas une efficacité économique. Le comble, c’est lorsque M. Borloo déclare, à la télévision, qu’il n’a pas envie que les retraites baissent, comme en Suède, quand, au même moment, le Gouvernement défend un amendement au Sénat expliquant qu’il faut passer à la retraite par points ou compte notionnel.

M. Maxime Gremetz. Exactement !

Mme Martine Billard. Les Français l’ont dit et répété : ils ne veulent ni du report de l’âge de la retraite à soixante-deux ans, ni du report de l’âge de la retraite à soixante-sept ans sans décote, ni de l’allongement de la durée de cotisation.

Contrairement à ce que vous ne cessez de répéter, ils ne sont pas seuls en Europe. À l’heure actuelle, les syndicats français reçoivent de tous les pays d’Europe – de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, de l’Allemagne – des messages de soutien à la lutte des travailleurs français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Gerin. Eh oui !

Mme Martine Billard. Les travailleurs européens espèrent bien qu’on vous fera reculer, et qu’ainsi le recul aura lieu partout en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci de conclure !

Mme Martine Billard. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter la motion de rejet préalable, afin que le Gouvernement retire ce texte et qu’il ouvre enfin de vraies discussions sur une autre répartition des richesses, ce qui serait une mesure de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur divers bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Bien entendu, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de rejet préalable. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous parvenons au terme du parcours parlementaire de ce projet de loi. Attachés à la valeur fondamentale de la solidarité intergénérationnelle, nous défendons tous le système de retraite par répartition selon lequel les actifs payent les pensions des retraités.

Or nous sommes soumis à des contraintes démographiques indiscutables : le « papy boom » et l’allongement de la durée de vie de nos concitoyens. Nous devrions par conséquent tous nous retrouver pour apporter des réponses démographiques à ces données, si nous voulons sauvegarder notre système de retraites par répartition.

M. Maxime Gremetz. Oh, là, là !

M. Jean-Luc Préel. De nombreuses auditions et réunions ont jalonné la préparation de la discussion de ce texte. Le débat lui-même a été long, approfondi, et de nombreux amendements ont été examinés. Le texte original a été amélioré, avec des avancées sur la prise en compte de la pénibilité et de sa prévention, sur la prise en considération, également, de la situation des polypensionnés, des personnes handicapées et des femmes.

M. Alain Néri. N’importe quoi !

M. Jean-Luc Préel. Soyez correct, mon cher collègue ! Nous sommes là pour nous écouter dans le calme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Veuillez écouter l’orateur, mes chers collègues !

M. Maxime Gremetz. Nous écoutons, mais nous n’aimons pas entendre n’importe quoi !

M. Jean-Luc Préel. Le groupe Nouveau Centre appuie donc cette réforme, même s’il avait souhaité que soit engagée dès à présent l’évolution vers un régime universel ; mais une réflexion est prévue pour 2013.

Nous aurions également souhaité d’autres avancées concernant les veuves et les petites pensions. Il est bien entendu nécessaire de relancer le dialogue social paritaire, notamment pour l’emploi des jeunes et celui des seniors.

Reste que ce texte est équilibré et permet la sauvegarde de notre système de retraite. Il ne s’agit plus de voter une motion de rejet préalable mais d’adopter le texte de loi émanant de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe UMP.

M. Michel Heinrich. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons tous écouté avec stupéfaction les propos quelque peu excessifs de M. Muzeau.

M. André Gerin. Au moins ça vous a réveillé !

M. Michel Heinrich. Nous arrivons au moment ultime de ce débat et je rappellerai ce qui a déjà été dit à plusieurs reprises.

M. Alain Néri. Ce n’est pas la peine !

M. Maxime Gremetz. « Éric m’a tué ! » comme dans le journal !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz !

M. Michel Heinrich. Il n’y avait pas d’autre solution crédible pour pérenniser notre système de retraite par répartition que celui qui a été retenu,…

M. Jacques Desallangre. C’est faux !

M. Jean-Jacques Candelier. Lisez notre proposition de loi !

M. Michel Heinrich. …c’est-à-dire d’autre solution que de déplacer de deux ans le départ de l’âge à la retraite.

Toute autre dispositif qui aurait conduit soit à une baisse des pensions (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), soit à une taxation de près de 40 milliards d’euros, ainsi que le proposait le parti socialiste, eût été impossible à appliquer.

M. Maxime Gremetz. Retirez la main de votre poche !

M. Michel Heinrich. De surcroît, le système que nous avons mis en place est particulièrement juste.

M. Maxime Gremetz. Enlevez la main de votre poche, nous ne sommes pas à l’UMP ici !

M. Michel Heinrich. Il est juste parce que, pour la première fois en Europe, un pays prend en compte la pénibilité au travail.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, dites à M. Heinrich d’ôter la main de sa poche !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. Michel Heinrich. Il est juste car nous avons pérennisé le système des carrières longues que nous avons même amélioré puisque nous l’avons étendu aux personnes qui ont commencé à travailler dès l’âge de dix-sept ans. (Protestations continues sur les bancs du groupe GDR.)

Enfin, ce texte comporte un grand nombre de mesures de solidarité : en faveur des jeunes au chômage…

M. Roland Muzeau. C’est faux !

M. Michel Heinrich. …non indemnisés, qui bénéficieront dorénavant de six trimestres attribués gratuitement ; en faveur des femmes en congé de maternité dont les indemnités seront désormais intégrées dans le calcul des vingt-cinq meilleures années en faveur des agriculteurs qui verront leur patrimoine protégé lorsqu’ils obtiendront le minimum vieillesse.

Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur Heinrich.

M. Michel Heinrich. Il s’agit d’une réforme de justice en ce qu’elle renforce la convergence du secteur public avec le secteur privé : elle aligne les cotisations, en établissant des conditions d’attribution du minimum garanti et du minimum contributif identiques dans le public et dans le privé ; elle supprime le dispositif selon lequel un fonctionnaire parent de trois enfants pouvait partir à la retraite au bout de quinze ans de service, dispositif instauré en 1924 à l’époque où les caisses d’allocations familiales n’existaient pas.

Pour toutes ces raisons de justice, d’équité, mais à cause de la nécessité impérative de sauvegarder notre système de retraite par répartition, nous voterons, demain, pour ce texte. Quant à ce soir,…

M. Jean-Paul Lecoq. Vous allez voter pour la motion de rejet préalable !

M. Michel Heinrich. …nous rejetterons la motion présentée par notre collègue M. Muzeau. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. « Éric m’a tué ! », comme dans le journal !

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 336

Nombre de suffrages exprimés 336

Majorité absolue 169

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je souhaite rectifier une erreur du président Méhaignerie qui pourtant n’en commet jamais.

À l’appui de sa démonstration contre la résolution de notre collègue et ami Roland Muzeau, il a fait référence à quelqu’un qu’il a appelé Gerhard Schröder et dont il a cru utile de rappeler qu’il avait été Chancelier d’Allemagne. Je ne connais pour ma part qu’un seul Gerhard Schröder : un agent russe qui travaille pour Gazprom. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. M. Schröder travaille donc pour les camarades russes !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est grave ; il est aussi chargé d’incompréhension et de colère. Jusqu’au bout, le Gouvernement aura préféré la stratégie de 1’affrontement et de l’écrasement à la voie du rapprochement. Jusqu’au dernier instant vous aurez privilégié la confrontation à la négociation ou à la conciliation. Je comprends, monsieur le ministre, que, pour vous et votre Gouvernement, la fin de ce processus soit un moment heureux, tant ces dernières semaines auront pu être apparentées pour vous et votre majorité à une véritable descente aux enfers.

Tout cela pour quoi ? Pour une réforme de second ordre et de seconde zone,…

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. Mais non !

Mme Marisol Touraine. …dont vous admettez qu’elle ne règle rien, qui n’est ni pérenne ni efficace. Vous l’avez vous-même reconnu puisque vous affirmez qu’il faudra tout reprendre dès 2013. Quel aveu que de dire qu’en réalité, tout ce que vous avez présenté comme l’aboutissement d’un processus inévitable, comme une réforme d’ampleur, est en réalité un fiasco. Contrairement à ce que soutenait le Président de la République, les Français savent bien, eux, qu’ils ne peuvent pas dormir sur leurs deux oreilles. Ils savent que leurs retraites ne sont pas assurées.

Rarement loi aura été votée dans d’aussi piètres conditions : quelle faillite ! Ce qui devait être la consécration d’une audace réformatrice s’est mué en naufrage démocratique. Vous avez d’ores et déjà perdu la bataille de l’opinion et c’est par millions que les Français sont descendus dans la rue pour dire qu’ils n’admettaient pas le reniement de l’engagement électoral de Nicolas Sarkozy de ne pas revenir sur le maintien de l’âge légal de départ à la retraite à soixante ans.

Vous les avez méprisés, comme vous avez méprisé les organisations syndicales et les partis d’opposition. Vous avez refusé de négocier avec les syndicats, vous avez jugé superflu de dialoguer avec la gauche, notamment avec le Parti socialiste. Vous avez opposé aux manifestants le froid mépris de ceux qui se croient tout permis. Aujourd’hui, à quelques heures d’une septième journée de mobilisation, vous vous montrez encore et toujours sourds et aveugles aux mouvements de protestations qui traversent le pays.

Vous refusez d’entendre les Français et vous leur dites que c’est à l’Assemblée et au Sénat que les choses se passent. Mais qu’y avez-vous fait ?

M. Richard Mallié. Nous n’avons fait que vous écouter et c’est déjà beaucoup !

Mme Marisol Touraine. À l’Assemblée, vous avez interrompu le débat démocratique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.– Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Seule Mme Touraine a la parole !

Mme Marisol Touraine. Vous avez coupé la parole aux députés.

Au Sénat, vous avez imposé la procédure du vote unique, c’est-à-dire que, là encore, vous avez interrompu le processus démocratique. Pourquoi donc dire aux Français qu’ils ne doivent pas manifester puisqu’au sein même des deux assemblées vous avez fait en sorte que la parole ne soit ni libre ni complète ?

Franchement, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, ce ne sont pas vos comptes d’apothicaire sur le nombre d’heures de débat, quelques dizaines,…

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. Des centaines !

Mme Marisol Touraine. …– je dis bien : quelques dizaines –, ou d’auditions qui permettront de donner aux Français le sentiment que cette réforme a été menée de manière démocratique.

M. Jean Mallot. Mme Touraine a raison !

Mme Marisol Touraine. Voilà la vérité : si à aucun moment vous n’avez trouvé les mots pour convaincre, c’est qu’il n’y avait pas de justification à l’injustifiable, pas de justification à votre réforme. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Chaque jour, vous nous présentiez une nouvelle argumentation. Vous nous avez d’abord dit qu’à un défi démographique il fallait répondre par des mesures démographiques ; sauf que la situation démographique était parfaitement connue en 2007 et que la donne n’a en rien changé par rapport à la loi de 2003. Il n’y avait donc aucune raison de mettre cette situation en avant.

Vous avez ensuite expliqué que ce qui comptait, c’était le courage de la vision, de la réforme. Nous étions alors en droit d’espérer qu’animé d’un tel courage, le Gouvernement concevrait une réforme garantissant les retraites jusqu’en 2030, 2040 voire 2050, puisque déjà la loi Fillon était censée tout régler jusqu’en 2020.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! Rien n’est réglé !

Mme Marisol Touraine. Quelle n’a pas été notre surprise de nous rendre compte que vous ne nous apportiez en fait rien de tout cela : l’horizon de votre réforme n’est même plus 2018, comme vous l’aviez soutenu jusqu’à il y a quelques jours, mais 2013 ; la vérité a éclaté.

M. Jean Mallot. Le masque est tombé !

Mme Marisol Touraine. Vous devriez dès lors avoir l’honnêteté d’avouer que vous avez fait le choix du court terme, de sauter par-dessus l’élection présidentielle et que votre message ne s’adresse pas aux Français et aux générations futures mais bien aux marchés de 2010, aux agences de notation et, peut-être l’espérez-vous, à vos électeurs.

M. Jean Mallot. Exactement !

Mme Marisol Touraine. Votre troisième argument ne portait plus sur la démographie – vous vous êtes montrés bien confus en la matière –, ni sur un nécessaire courage – on n’a guère vu où il se trouvait –, mais sur la crise, botte secrète du discours gouvernemental.

S’il y a la crise – ce que personne ne peut nier – pourquoi répondre par des mesures démographiques à un déséquilibre économique et financier ? Les Français le comprennent fort bien : votre raisonnement, auquel vous vouliez prêter la forme de l’évidence, manque en réalité de toute cohérence et résiste au bon sens.

Quel est le résultat de votre attitude ?

M. Pascal Terrasse. Il est catastrophique !

Mme Marisol Touraine. Vous êtes obligés de reconnaître qu’au fond vous n’avez rien réglé et qu’il faudra tout reprendre, remettre tout l’ouvrage sur le métier dès 2013. Le résultat de votre comportement : un pays meurtri, qui se sent bafoué, méprisé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Richard Mallié. Quel excès !

Mme Marisol Touraine. …qui rejette à plus de 70 % votre réforme et soutient au-delà de tout ce qui était prévu les mouvements de protestation et de grève, un pays chaque jour plus déterminé à vous dire sa colère.

Tout cela pour quoi ? Pour une réforme qui n’en est pas une, une réforme qui ne règle rien, une réforme dont l’injustice est le leitmotiv et peut-être, d’ailleurs, la raison d’être car, contrairement à ce que vous pensiez et affirmiez, il n’y avait pas, d’un côté, le camp des immobilistes et, de l’autre, celui des réformateurs. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe UMP.) L’écrasante majorité des Français – presque 90 % – demandent une réforme, mais ils veulent qu’elle soit juste.

Où est la justice quand on fait reposer tout l’effort sur les salariés, alors que la crise nécessitait la mise à contribution des revenus du capital ?

Où est la justice quand on demande à ceux qui ont commencé à travailler jeunes de partir plus tard alors que, pour les autres, la réforme ne changera rien ?

M. Richard Mallié. On n’a pas attendu aujourd’hui pour régler le problème puisque nous nous en sommes occupés en 2003 !

Mme Marisol Touraine. Où est la justice quand on demande à des hommes et à des femmes aux parcours précaires, chaotiques, qui ne peuvent faire valoir une carrière complète, de travailler jusqu’à soixante-sept ans ?

Vous prétendez avoir entendu les demandes des Français et, par conséquent, avoir apporté des aménagements à votre texte. En réalité, votre réforme s’apparente à un vrai jeu de massacre. À propos des carrières longues, vous oubliez de dire aux Français que vous imposez à ceux qui ont commencé à travailler jeune, comme à tous les autres, de travailler deux ans de plus : celui qui a commencé à dix-huit ans devra cotiser quarante-quatre annuités avant de pouvoir s’arrêter.

M. Alain Vidalies. Et voilà !

Mme Marisol Touraine. Votre façon de traiter de la pénibilité est sans doute votre faute majeure qui témoigne de votre aveuglement à l’égard de ce que vivent de trop nombreux salariés au travail.

À cet égard, vous aviez, monsieur le ministre, l’occasion de faire une loi pour l’histoire, qui aurait créé un droit nouveau, qui aurait pris en compte les réalités sociales du moment. Vous avez préféré dégainer l’arme de l’invalidité ! Or l’invalidité, monsieur le ministre, ce n’est pas la pénibilité ! Cela est du reste si vrai que vous êtes revenus sur les dispositifs existants comme ceux des infirmiers et des infirmières.

Il paraît que votre dernière conquête, ce sont les femmes. À vous entendre, vous en seriez devenus les meilleurs défenseurs. Cependant la meilleure protection des femmes serait de lutter contre la précarité des emplois et les parcours chaotiques en maintenant l’âge de départ sans décote à soixante-cinq ans.

Mme Catherine Coutelle. Très juste !

Mme Marisol Touraine. On ne défend pas les femmes en défendant les parents, pères comme mères, a fortiori lorsqu’on limite de manière arbitraire les garde-fous dont bénéficient les parents de trois enfants.

M. Richard Mallié. Vous dites vraiment tout et son contraire !

Mme Marisol Touraine. Cette somme d’injustices n’est même pas financée à l’horizon 2018.

Vous êtes passés maîtres dans l’art de la tuyauterie financière et dans celui de repasser le mistigri du déficit à d’autres, organismes paritaires en tête, au point que Mme Parisot qui, pourtant, vous soutient, s’est inquiétée de l’impact financier de la nécessaire indemnisation des chômeurs en fin de droits de plus de soixante ans.

Votre coup de maître incontesté restera néanmoins le siphonage du fonds de réserve des retraites. Je vous avoue que nous n’y avions même pas pensé : pomper des réserves destinées à assurer l’avenir pour combler des déficits de court terme, c’est inouï !

M. Daniel Boisserie. C’est le retour du sapeur Camember !

Mme Marisol Touraine. Que dites-vous aux jeunes générations qui s’inquiètent de l’avenir alors que le déséquilibre démographique atteindra son pic après 2025 ? Rien ou, plutôt, vous leur dites d’abord qu’on reprendra tout en 2013 et qu’ils verront bien alors à quelle sauce ils seront mangés, pour leur conseiller ensuite de souscrire une assurance privée – c’est logique puisque vous ne préparez pas l’avenir – incitant ainsi chaque jeune à se tourner vers la capitalisation. Vous pouviez éviter tout cela en acceptant de mettre à contribution les revenus du capital : vous l’avez refusé.

Une autre réforme reste possible. Les socialistes ont formulé des propositions que vous avez ignorées avant de les mépriser. C’est votre affaire, mais les Français les ont entendues et nous continuerons de les défendre.

Nous mettons en avant trois piliers.

Le premier est évidemment celui de l’emploi, singulièrement de l’emploi des seniors sans lequel le rétablissement des comptes reste une chimère et le relèvement de l’âge légal une escroquerie ; et je pèse mes mots. À cette fin, nous préconisons de mettre enfin en œuvre des mesures de bonne pratique inspirées des pays du nord de l’Europe ou du Canada.

Le second pilier est celui de l’équité dans l’effort, qui passe par la mise à contribution des revenus du capital et le maintien du fonds de réserve que nous proposons d’alimenter grâce à une surtaxe sur les bénéfices des banques et des institutions financières ainsi que par l’augmentation de 0,1 % des cotisations vieillesse pendant dix ans. On ne voit pas au nom de quelle logique, d’ailleurs, vous avez refusé cette proposition au motif qu’elle pénaliserait le pouvoir d’achat des Français, alors même que vous augmentez de près de trois points la cotisation des seuls fonctionnaires. Sans doute, comme il s’agit de fonctionnaires – dont vous gelez par ailleurs le revenu –, l’impact de votre réforme sur leur pouvoir d’achat ne vous préoccupe-t-il guère.

Le troisième pilier de notre projet touche aux mesures démographiques que nous n’esquivons pas. Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite est la plus injuste puisqu’elle n’affecte que ceux qui ont commencé à travailler jeune. Pour nous, c’est un autre dispositif qu’il s’agit d’instaurer, dont la durée d’assurance serait le pivot et qui devrait varier selon les conditions de travail et le parcours professionnel. Il est juste de dire qu’une partie des Français devra travailler plus longtemps, mais c’est dans ce cadre que nous proposons aux jeunes salariés de surcotiser pour valider des années d’étude, que nous demandons aux entreprises de cotiser pour les stages de fin de cursus et que nous préconisons de prendre en compte la pénibilité des emplois.

Au terme de ce processus, monsieur le ministre, puisque vous représentez le Gouvernement, je tiens à vous faire part de notre colère, qui reflète celle des Français.

J’ai parlé de naufrage démocratique, mais vous serez comptable aussi d’une véritable faillite politique.

M. Jean Mallot. Une de plus !

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme Marisol Touraine. Vous avez tué la perspective d’une réforme apaisée et de progrès. Alors qu’il vous appartenait de redonner confiance dans l’avenir, vous avez tout sacrifié sur l’autel du court terme. Il était de votre responsabilité de garantir les retraites dans la durée ; vous renvoyez tout à 2013. Tandis que les Français doutent du progrès social, vous leur avez démontré que la roue de l’histoire avait cessé de tourner dans le bon sens pour eux.

Il est encore temps, temps d’ouvrir le dialogue, temps de négocier, temps d’écouter le message des Français. Puisque vous ne croyez pas en votre réforme au point d’en prévoir une autre dès 2013, puisque vous savez que votre texte, au fond, ne règle rien, faites donc preuve de courage et d’audace : acceptez le débat, un débat que les socialistes entendent en tout cas poursuivre. C’est leur rôle de parti d’opposition,…

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. L’opposition constructive, ça existe aussi !

Mme Marisol Touraine. …leur devoir de parti de gouvernement. En effet nous n’acceptons pas qu’à cause de vous les Français renoncent à l’espoir d’une réforme juste, durable et financée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devrions être parvenus au terme d’un débat parlementaire ; nous devrions constater ensemble les résultats d’une négociation sociale censée s’achever par un compromis. Ce fut par exemple le cas lors du Grenelle de l’environnement, qu’il s’agisse du processus ou de son résultat. Or ce n’est pas du tout ce que nous constatons pour le présent texte. Nous pouvions nous attendre à un processus de négociation digne d’une démocratie comme la nôtre. Force est d’admettre qu’il n’en fut rien.

De débat, nous n’avons eu droit qu’à une sombre parodie puisque l’absence de volonté de négociation du Gouvernement a été patente dès le début de nos discussions. Nos amendements ont été examinés au mieux dans l’indifférence d’un ministre tout entier occupé à régler d’autres affaires, plus personnelles sans doute (Murmures sur les bancs du groupe UMP), au pire dans un contexte de mépris général pour tout ce qui pouvait venir un tant soit peu remettre en cause l’architecture d’un texte élaboré à l’Élysée et dont seul le Président de la République était apparemment autorisé à changer le moindre détail.

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous n’étiez pas là quand nous avons discuté du texte !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. En effet ! Monsieur Cochet, vous avez été un absent non excusé !

M. Yves Cochet. Tout cela pour finir par un épisode parlementaire qui marquera – hélas ! – l’histoire de la présidence de M. Accoyer. Ce coup de force n’était pas seulement un coup porté à la représentation nationale et au fonctionnement régulier des pouvoirs publics ; il était aussi et avant tout un mauvais coup porté à cette démocratie sociale que le Premier ministre avait pourtant inscrite au cœur de son discours de politique générale et qui, à l’image du Gouvernement, finit en charpie.

M. Richard Mallié. Vous êtes décidément un spécialiste lorsqu’il s’agit de dire n’importe quoi !

M. Yves Cochet. De négociation sociale, il n’y en a pas eu du tout. Certes, monsieur le ministre, vous avez simulé une consultation des partenaires sociaux et, comme, vous êtes sans doute bien élevé,…

M. Richard Mallié. Contrairement à vous !

M. Yves Cochet. …vous avez poliment écouté tous les responsables syndicaux de ce pays. Ils vous ont expliqué que votre texte ne parviendrait pas à assurer un équilibre financier pérenne du système de retraites, que votre méthode ne saurait recueillir le consensus minimal sans lequel il n’est pas possible de toucher à un édifice fragile, fruit d’une longue histoire, et qui constitue l’un des piliers de notre pacte républicain. Vous leur avez fermé la porte et avez persisté dans vos erreurs.

Au final : aucun compromis. Depuis juin dernier, les Français ont manifesté leur espoir de voir leurs revendications entendues, leur exaspération devant la surdité du Gouvernement, leur colère devant le mépris qui leur était opposé.

Je n’entrerai pas ici dans la querelle sur le nombre de manifestants, laquelle ne revêt aucune importance. Je me contente de vous rapporter un simple constat : dans mes conversations de député avec des habitants de ma circonscription, je n’ai pas rencontré un citoyen – je dis bien pas un seul – qui ait manifesté sa conviction que le texte gouvernemental représentait vraiment une solution crédible au défi du financement de notre système de retraite. Certains m’ont parfois fait part de leur résignation : « Il faudra bien y passer. » J’ai le plus souvent rencontré de la colère, un sentiment d’injustice, face au refus d’une prise en compte réelle de la pénibilité, face à la situation faite aux plus fragiles, à celles et ceux qui ont des carrières longues – et seront condamnés à travailler plus pour ne rien toucher en plus – comme à celles et ceux qui subissent des carrières décousues, faites de périodes de chômage ou d’éloignement de l’emploi et auxquels on ne propose aucune perspective.

De la résignation parfois, de la colère souvent, mais jamais – je dis bien jamais – de confiance en l’avenir. Finalement, au bout de ce débat, c’est cette réalité-là qui vous rattrape, monsieur le ministre, puisque votre réforme n’est pas crédible. Il n’est que de lire, depuis des semaines, les enquêtes d’opinion qui montrent cette perte de confiance en votre réforme. D’ailleurs vous y croyez si peu vous-même que, dans un accès un peu tardif mais insuffisant de sincérité, vous avez, dans la nuit, accepté au Sénat une proposition proprement incroyable : alors que vous prétendiez résoudre l’équation du financement des retraites jusqu’en 2018, vous avez reconnu l’échec de cette ambition en posant le principe d’une remise à plat globale du système dès 2013.

Que prévoyez-vous maintenant ? Une large et sincère négociation sociale en 2013, celle-là même que vous avez refusé de mettre en œuvre au cours de ces derniers mois ! Vous prévoyez un vrai débat où tout sera mis sur la table : les principes du système, les inégalités en termes d’espérance de vie liées notamment à la pénibilité des métiers, bref, tout ce que vous avez refusé d’examiner au cours du débat qui s’achève.

Vous reconnaissez par conséquent l’inanité de votre projet en renvoyant à 2013 le débat et l’élaboration de solutions. Cette méthode, nous la critiquons. Il est un point que nous, députés écologistes, avons toujours défendu, à l’instar de nombreuses centrales syndicales : l’urgence à tout mettre sur la table. Il y a urgence à dessiner ensemble le modèle de l’évolution de notre pays, pour notre économie, pour nos finances publiques, qu’il s’agisse du budget de l’État ou des comptes sociaux. Il y a urgence à reconstruire un pacte social, que votre politique de gribouille déchire par pans entiers. Cette urgence à réformer, elle demeure entière ; vous l’avez avoué vous-mêmes il y a quelques heures.

Au cours de ce simulacre de débat, nous avons présenté des propositions : j’ai moi-même, contrairement à ce que vous prétendez, pendant plus d’une heure, énoncé très calmement toutes les propositions des écologistes sur le système des retraites.

Nous vous avons proposé de parier sur la liberté de choix des salariés, sur leur capacité à arbitrer, en fonction de leur situation personnelle, entre leur souhait d’accéder à une autre phase de leur vie personnelle et leurs revenus. Cela supposait tout à la fois un maintien du droit à partir à soixante ans, des règles claires et stabilisées en matière d’annuités de cotisations, comme pour le niveau des pensions. Vous avez répondu non.

Nous avons proposé une réelle prise en compte de la question des femmes. Vous avez accepté une avancée microscopique qui ne répond en rien au défi de l’égalité et de la justice que nous relevions.

Nous vous avons proposé de multiplier les voies de financement de notre système de retraites par répartition en suggérant, par exemple, de pratiquer des hausses réparties et contenues plutôt que de charger la barque de tel ou tel contributeur.

C’est pourquoi nous avons proposé la mise à contribution des revenus du capital ou des revenus exceptionnels comme les stock-options. Vous avez répondu non.

Nous avons défendu la suppression pure et simple des retraites-chapeaux. Vous avez répondu non.

Conscients de l’aspiration de nos concitoyens à une exemplarité forte de leurs représentants, nous avons proposé – même si cette décision ne relève pas directement de l’Assemblée en tant que telle – d’aligner le régime de nos retraites de parlementaires car, si cela est anecdotique d’un point de vue quantitatif, c’est symboliquement important.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est le bureau qui décide, pas nous !

M. Yves Cochet. Nous en discuterons demain, monsieur Jacquat.

M. Richard Mallié. Vous étiez absent au cours des débats, monsieur Cochet !

Mme la présidente. Seul monsieur Cochet a la parole.

M. Yves Cochet. Nous vous avons dit refuser de nous en remettre à la seule croissance pour redonner à nos régimes de retraite l’oxygène financier qui leur fait défaut. Vous avez persisté dans cette voie sans issue qui consiste à espérer le retour d’une croissance durable et forte, celle-là même que vous étiez censé aller chercher, selon les mots du Président de la République en 2007, « avec les dents », et qui n’est qu’une illusion.

Nous avions plaidé pour l’instauration de contrats spécifiques, destinés à faciliter l’intégration, sur les postes disponibles dans les trois fonctions publiques, des salariés de plus de cinquante ans qui ne trouvent pas leur place sur le marché du travail au prétexte qu’ils seraient un peu moins compétitifs ou un peu moins productifs, alors même qu’ils sont riches de compétences et d’expériences. Vous avez refusé.

La majorité s’apprête à voter un texte qui ne règle rien ; vous le reconnaissez vous-mêmes en renvoyant à la date de 2013.

La majorité s’apprête à voter un texte qui divise profondément les Français et qui rencontre une opposition massive et déterminée d’une majorité de nos concitoyens. Vous le constatez chaque semaine dans la rue et, j’en suis sûr, dans vos circonscriptions.

La majorité s’apprête à voter un texte qui n’a rien retenu, ou presque, des suggestions, des propositions d’amendements, des réflexions des uns et des autres, pas plus d’ailleurs, que ceux venant de l’aile dite sociale de cette majorité qui, quand elle ose s’exprimer, ne compte pour rien.

Bref, nous nous apprêtons à voter un texte au final inutile, dangereux pour notre pays et son image, et qui constitue une véritable bombe à retardement parce qu’il rendra encore plus difficile toute négociation future.

Dans un contexte identique, il y a quelques années, un Premier ministre et un Président de la République avaient eu la lucidité, voire le courage, de promulguer mais de ne pas appliquer un texte voté par le Parlement qui mettait en danger le pacte républicain et la paix sociale.

Monsieur le ministre, une partie de la jeunesse est dans la rue. Des pans entiers de notre système économique doivent faire face aux conséquences de la mobilisation légitime, et de plus en plus résolue, de salariés exaspérés par le mépris dont ils sont l’objet et par les injustices que votre projet leur promet. Vous confondez courage et aveuglement, mais il est encore temps de vous ressaisir : il suffit de retirer ce texte et de commencer, enfin, à écrire ensemble la réforme des retraites que nos concitoyens, au-delà des slogans hostiles qu’ils vous adressent aujourd’hui, sont prêts à accompagner, pour peu que l’esprit de justice soit au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur le texte issu de la CMP concernant la réforme des retraites. La CMP s’est conclue sur un accord, ce qui n’a rien d’étonnant car les principes retenus sont bons.

La réforme des retraites est en effet indispensable si nous voulons sauvegarder notre système de retraite par répartition fondé sur la solidarité intergénérationnelle entre les actifs et les retraités, et si nous voulons donner confiance aux jeunes qui ont l’impression de cotiser aujourd’hui sans disposer de droits à une future retraite.

La réforme est nécessaire pour des raisons démographiques. Tout le monde connaît les données : la génération du papy-boomde 1945 – 800 000 naissances, contre 450 000 les années précédentes – arrive à l’âge de la retraite ; de plus, nous gagnons un trimestre par an d’espérance de vie en bonne santé, ce qui entraîne la nécessité de payer plus longtemps les prestations retraites. Depuis 1981, sept années ont ainsi été gagnées.

La simple logique voudrait donc que l’on reporte l’âge de départ à la retraite non pas à soixante-deux ans, mais à soixante-sept.

Mme Laurence Dumont. Il est fou !

M. Jean-Luc Préel. La proposition du Gouvernement est donc très raisonnable.

Bien que le Parti socialiste nous parle d’un projet alternatif, d’une autre réforme, nous avons surtout retenu qu’il proposait de nouveaux impôts, de nouvelles taxes (Protestations sur les bancs du groupe SRC), pour la plupart non pérennes comme l’a brillamment démontré Charles Amédée de Courson.

Mme Catherine Coutelle. Et les dettes colossales que vous laissez ?

M. Jean-Luc Préel. Pour ma part, je veux insister sur une donnée simple : on ne peut vanter la retraite par répartition et sa solidarité entre actifs et retraités, tout en prônant des impôts et taxes qui conduisent à étatiser notre système de retraite. Si l’on veut l’étatiser, il faut le reconnaître, voire le revendiquer. Actuellement, le financement de l’État ne concerne que le non contributif, par l’intermédiaire du FSV.

Le Nouveau Centre est très attaché à l’équité et réclame donc, j’ai eu l’occasion de le dire et de le répéter à de nombreuses reprises, un régime unique, universel, géré par les partenaires sociaux, à points ou à comptes notionnels, avec mise en extinction des régimes spéciaux.

En effet, actuellement, nous comptons trente-huit régimes obligatoires avec des durées de cotisation, des taux de cotisations, des prestations variables. Le Nouveau Centre, conscient qu’une telle réforme prend du temps, regrette que celle-ci n’ait pas été décidée dès maintenant, d’autant que les Français, étant très attachés à l’équité, auraient peut-être mieux accepté cette réforme.

Après le refus de nos amendements, je suis heureux de constater qu’un pas significatif a été effectué au Sénat. En effet, l’article 3 decies prévoit que, à compter du 1er trimestre 2013, le comité de pilotage organisera une réflexion nationale sur les conditions de mise en place d’un régime universel par point ou en comptes notionnels dans le respect du principe de répartition. Il devra remettre au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion. Il restera alors au Gouvernement, en 2014, à mettre en œuvre ces conclusions. Nous avons donc quatre ans devant nous.

Le projet actuel propose une réponse démographique avec deux mesures essentielles, d’application progressive, à raison d’un trimestre par an, et ne touchant pas aux retraites liquidées. D’abord, l’augmentation de la durée d’activité progressive et limitée à soixante-deux ans en 2018 ; c’est l’âge légal, celui où l’on peut demander la liquidation de sa retraite. Pour les régimes spéciaux, ce report progressif débutera seulement en 2017.

La deuxième mesure concerne l’âge du taux plein, soixante-cinq ans aujourd’hui, auquel on peut partir à la retraite sans décote, qui atteindra soixante-sept ans en 2018. Diverses professions dites actives se voient appliquer le même principe, passant ainsi de cinquante à cinquante-deux ans ou de cinquante-cinq à cinquante-sept ans.

Ces mesures d’âge posaient des difficultés pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, pour les femmes et les personnes handicapées et pour les métiers pénibles. Des améliorations ont été apportées à l’Assemblée ou au Sénat pour prendre en compte ces problèmes : ainsi, la mesure carrière longue sera maintenue et étendue à ceux qui ont commencé à travailler à dix-sept ans. Ils pourront partir entre cinquante-huit et soixante ans, à la condition cependant d’avoir cotisé deux ans de plus ; les femmes ayant eu trois enfants et les personnes handicapées pourront partir à soixante ans.

Quant à la pénibilité, nous sommes le seul pays à la traiter lors d’une réforme des retraites. Francis Vercamer, auteur d’un brillant rapport, y a apporté sa contribution. Le plus important est certainement d’améliorer la prévention. Il convient également de définir la pénibilité et de conforter l’observatoire de la pénibilité. Le taux d’incapacité de 10 % retenu constitue un progrès certain. Il faudra cependant prendre en compte les effets différés dus aux expositions à des conditions ou à des produits potentiellement nocifs.

Des mesures concernant l’employabilité des seniors, les jeunes en situation précaire, les congés maternité, les retraites agricoles, figurent dans le texte. Celui-ci a ainsi connu une inflation importante puisque de trente-trois articles au départ, nous sommes arrivés à cent trente-sept.

Je regrette que nos amendements demandant la création d’une caisse des fonctionnaires et l’alignement progressif des six mois sur les vingt-cinq années du régime général en intégrant les primes n’aient pas été retenus, de même que l’amendement pour les polypensionnés prévoyant de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années. Cependant, les non droits de la fonction publique, c’est-à-dire ceux ayant effectué moins de quinze ans, seront pris en compte.

Je souhaitais de plus donner un plus grand pouvoir aux conseils d’administration des caisses, notamment la CNAVPL qui réclame le droit de fixer la valeur de liquidation du point, ce qui me paraît indispensable.

En tant que président du groupe d’études sur les conjoints survivants, j’avais déposé plusieurs amendements pour améliorer le sort des veufs et des veuves, en supprimant la condition d’âge pour la pension de réversion, en relevant le plafond de ressources, en assurant l’équité entre les divers régimes. Ces amendements ont malheureusement été déclarés irrecevables par application de l’article 40 de la Constitution.

Mme Catherine Coutelle. Dommage !

M. Jean-Luc Préel. Pour les travailleurs à temps partiel, j’aurais voulu que la validation s’applique en pourcentage du temps effectivement travaillé, c’est-à-dire les fameuses deux cents heures.

Le texte de la CMP est ce qu’il est. Il permet en principe d’assurer l’équilibre financier en 2018. Le déficit, d’ici à 2018, sera financé par le fonds de réserve des retraites.

Cette réforme indispensable assure-t-elle l’équilibre financier en 2018 ? Nous l’espérons, bien entendu, mais nous avons des doutes sérieux. En effet, les travaux du COR, difficilement contestables, montrent que le besoin de financement en 2020 serait de 48 milliards, calculé sur des bases économiques plutôt optimistes. L’allongement des cotisations à quarante-trois ans et demi et la mesure d’âge à soixante-trois ans ne financeraient donc que 36 % des besoins.

Le report d’âge de deux ans devrait apporter 19 milliards, et les recettes nouvelles, 4 milliards. Nous sommes donc loin du compte. Il est vrai que l’effort de l’État pour les fonctionnaires persistera à hauteur de 15 milliards, mais il faut se souvenir que l’État est lourdement endetté et que cet effort est finalement payé par la dette.

Puisque l’équilibre est annoncé pour 2018, il nous faut financer les déficits d’ici-là. Il est donc prévu de faire appel au fonds de réserve des retraites. Celui-ci dispose de 33 milliards. Il est donc prévu que, chaque année, le FRR apportera 2,1 milliards. Certains, à gauche, dénoncent cette mesure. Le Nouveau Centre, au contraire, l’approuve. En effet, pourquoi emprunter pour financer le déficit alors que nous disposons d’un fonds de 33 milliards ?

Mme Catherine Coutelle. Il s’agissait d’un fonds de précaution.

M. Jean-Luc Préel. Pour conclure, le Nouveau Centre approuve le principe de la réforme, indispensable pour sauvegarder la retraite par répartition auquel nous sommes attachés. Il approuve les mesures d’âge puisqu’il s’agit, en raison du papy-boom et de l’augmentation de la durée de vie, d’un problème démographique : des mesures démographiques s’imposent donc. Nous approuvons l’utilisation du fonds de réserve des retraites pour financer le déficit d’ici à 2018. Le Nouveau Centre est heureux de constater que des progrès ont été réalisés concernant les mères de famille, les personnes handicapées, la pénibilité, ceux qui ont commencé à travailler tôt, les polypensionnés de la fonction publique.

Cependant, le Nouveau Centre regrette que nous ne soyons pas allés plus loin vers l’équité, vers un régime universel, mais il se réjouit qu’une consultation nationale soit prévue en 2013 pour envisager la mise en œuvre, dans le cadre de la répartition, d’un régime universel à points ou à comptes notionnels.

Le Nouveau Centre, enfin, espère que cette réforme indispensable permettra de sauvegarder notre système de retraite avec un équilibre financier en 2018.

Nous espérons tous que, les données démographiques et financières étant connues et indiscutables, nous puissions, avec un peu de bonne volonté, aboutir à un consensus et à accepter ces mesures indispensables. Le Nouveau Centre votera donc le texte de la CMP.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. La pérennisation de notre système de retraite par répartition est un défi majeur pour les générations futures et nous n’avions pas le droit de leur laisser un modèle social en faillite. Par ce texte, la majorité a su prendre ses responsabilités.

M. Jean Mallot. Nous verrons ce que cela donne pour la dette sociale tout à l’heure !

M. Michel Heinrich. Ce texte est issu d’un travail d’échanges et de concertation depuis plus de six mois avec les partenaires sociaux et les acteurs du monde du travail, à l’image du travail réalisé par la commission des affaires sociales sous la présidence de Pierre Méhaignerie. Nous y avons auditionné plus de cinquante personnes et le Gouvernement a lui-même tenu près de cinquante réunions avec les partenaires sociaux.

M. Jean Mallot. Pour accoucher d’un texte pareil, ce n’était pas la peine !

M. Michel Heinrich. Le débat au Parlement a duré plus de deux cents heures, ce qui en fait un des plus longs de la V° République.

Mme Catherine Coutelle. C’est un sujet important !

M. Michel Heinrich. Aujourd’hui, nous entrons dans la phase ultime du processus parlementaire ; je souhaite en profiter pour rappeler certains éléments et certaines vérités.

Pour sauver notre système de retraite par répartition, dont actuellement une retraite sur dix est financée à crédit, nous disposions de trois solutions, dont deux étaient irresponsables : baisser les retraites de près de 10 %, ou augmenter les prélèvements de près de 40 milliards. On comprend bien que l’allongement de la durée de vie au travail était la seule solution.

L’opposition, sans le dire ni l’assumer, préférait maintenir l’âge de départ en retraite à soixante ans tout en renforçant le système de décote, ce qui revenait à accepter de fait une baisse des pensions des retraités. Nous avons préféré le report de l’âge légal de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans à l’horizon 2018, et le report parallèle du taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans en 2023.

Ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est une question de bon sens.

M. Patrick Roy. Ben voyons !

M. Michel Heinrich. Dans un système par répartition, la retraite c’est d’abord une question d’âge et d’espérance de vie. Nous vivons plus longtemps ; il n’y a donc rien d’anormal à ce que nous travaillions plus longtemps.

D’ailleurs, tous les autres pays européens ont adopté les mêmes mesures : l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Espagne, l’Angleterre, ont relevé l’âge de départ à la retraite, il y a parfois plus de dix ans de cela, mais l’opposition française continue de faire comme si d’autres alternatives existaient.

J’ai été scandalisé tout à l’heure en entendant Mme Touraine parler d’escroquerie ; nous avons simplement tenu un langage de vérité. Oui, nous demandons un effort aux Français pour continuer à financer les retraites des quinze millions de retraités que compte notre pays, et qui seront dix-huit millions en 2020.

Mes chers collègues, cette réforme est juste, car nous avons pris en compte la pénibilité comme jamais elle ne l’a été dans aucun autre pays. Nous avons également étendu le dispositif des carrières longues. Mme Touraine se déclarait scandalisée du fait qu’une personne qui a commencé à travailler à quatorze ans soit obligée de travailler quarante-quatre ans. Dans les années quatre-vingt, une personne qui avait commencé à travailler à quatorze ans travaillait quarante-six ans.

M. Alain Vidalies. C’est pour cela que l’on a mis la retraite à soixante ans !

M. Michel Heinrich. Nous avons encore renforcé –Georges Tron l’a rappelé – la convergence entre le secteur public et le secteur privé.

Notre réforme demande aussi – cela n’a peut-être pas été suffisamment dit au cours des débats – des efforts conséquents aux entreprises par l’annualisation des allégements de charges, ce qui représente près de 2 milliards d’euros.

Je voudrais également rappeler que les hauts revenus, comme les revenus fonciers, les revenus mobiliers ou immobiliers, sont taxés de façon substantielle d’un point supplémentaire. De plus, le crédit d’impôt disparaîtra au profit du FSV. Les retraites chapeaux et les stocks-options sont également très fortement taxées.

Enfin, cette réforme a été l’occasion d’avancées significatives en matière de solidarité. L’extension de l’accès à la retraite anticipée à cinquante-cinq ans aux travailleurs handicapés, le prolongement de l’allocation équivalent retraite pour les chômeurs proches de la retraite, le maintien pendant une période transitoire du taux plein à soixante-cinq ans pour les parents de trois enfants, sans oublier les mesures en faveur des agriculteurs, qui pourront accéder maintenant au minimum vieillesse beaucoup plus facilement qu’ils n’osaient le faire auparavant sous peine de voir leur patrimoine professionnel amputer.

Je voudrais encore rappeler les mesures prises pour les femmes en congé de maternité ; dorénavant, ces indemnités seront intégrées dans le calcul des vingt-cinq meilleures années.

Enfin, je le répète, les jeunes sans emploi se verront dorénavant attribuer six trimestres, lorsqu’ils sont inscrits à Pôle emploi, sans indemnité.

Nous avons sensiblement amélioré le sort des polypensionnés, notamment pour ceux qui ont accompli moins de quinze ans dans la fonction publique.

Je voudrais, avant de conclure, remercier les ministres présents pour l’écoute dont ils ont fait preuve tout au long de ces débats vis-à-vis des députés qui se sont adressés à eux.

Après cette réforme, mes chers collègues, la France conservera le système le plus protecteur d’Europe. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera massivement et à l’unanimité en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

M. Patrick Roy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur la tenue de nos débats

Mme la présidente. Sur quel article vous fondez-vous ?

M. Patrick Roy. L’article 58 !

Mme la présidente. Alinéa 2 ou 3 ?

M. Patrick Roy. Sur l’alinéa 3.

Nous venons d’écouter plusieurs de nos collègues, dont MM. Heinrich et Préel, qui n’ont fait que répéter des arguments utilisés par la majorité UMP et centriste tout au long des débats. Alain Vidalies a d’ailleurs fait amicalement remarquer à Jean-Luc Préel qu’il avait relu le même discours. Cela ne nous choque pas. Dans une démocratie, le débat, la répétition fixe la notion. Chacun peut donc réutiliser les arguments auxquels il croit.

Je fais cette intervention, car le 15 septembre dernier,…

Mme la présidente. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais savez-vous, monsieur Roy, sur quoi porte l’article 58 alinéa 3 ?

M. Patrick Roy. Bien sûr !

Mme la présidente. Sur les demandes de suspension de séance. Or votre propos relève de tout autre chose. Je vais donc devoir vous interrompre.

M. Patrick Roy. Si le son est coupé, je parlerai plus fort.

Mme la présidente. Nous n’en sommes pas là. Je vous demande simplement de conclure.

M. Patrick Roy. Le mercredi 15 septembre, le Président de l’Assemblée, considérant que l’opposition était répétitive, a empêché les députés de s’exprimer. Il y a là deux poids, deux mesures et je souhaiterais avoir votre avis à cet égard.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le texte de la commission mixte paritaire auront lieu demain, mercredi 27 octobre 2010, après les questions au Gouvernement.

5

Dette sociale

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale (n° 2915).

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, mes chers collègues, nous examinons ce soir le texte organique relatif à la gestion de la dette sociale, tel qu’issu de la commission mixte paritaire qui s’est tenue la semaine passée au Sénat. Les membres de la CMP ont ainsi adopté sans modification le texte dans sa version votée par notre assemblée.

Je vous le rappelle, le schéma de financement proposé par le projet de loi initial reposait sur la décision d’une reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale de 130 milliards d’euros au total couvrant l’ensemble des déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse jusqu’à 2012 et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu’à 2018.

Cette décision était importante et même inéluctable, car il y a urgence à agir : le régime général et le fonds de solidarité vieillesse vont enregistrer plus de 87 milliards d’euros de déficits cumulés de 2009 à 2011. Il s’agit désormais d’un véritable « risque dans le risque », un risque financier propre à notre système de sécurité sociale, qui se matérialise aujourd’hui.

Il faut résoudre la question suivante : comment garantir le financement des déficits passés, celui des déficits à venir, dans un contexte où les montants en jeu atteignent des proportions considérables et où, plus que jamais, la question de la signature publique doit être sauvegardée vis-à-vis des financeurs ?

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est urgent. Il n’est plus possible de le reporter, tout simplement parce que, dans l’édifice de financement de la sécurité sociale, ne pas traiter l’endettement fait reposer sur l’ACOSS le poids du portage de la dette. Or sa vocation est de gérer le découvert infra-annuel et non les déficits cumulés, comme le rappelle, chaque année, de manière insistante la Cour des comptes.

L’exercice 2010 a été suffisamment éprouvant pour l’ACOSS, qui a vu son plafond de trésorerie porté à 65 milliards d’euros et qui a dû recourir à une ingénierie financière sophistiquée pour assurer le financement de déficits cumulés très importants.

Nous sommes aujourd’hui au pied du mur et le mur est haut : le traitement de la dette est inéluctable faute d’avoir anticipé ce traitement, comme sans doute nous aurions pu le faire.

La commission mixte paritaire a donc confirmé la position qui a été retenue par notre assemblée. Nous avons dû nous résoudre, comme vous le savez, à allonger de quatre ans l’horizon d’amortissement de la CADES, pour le reporter de 2021 à 2025. La dérogation créée par ce projet de loi organique reste néanmoins limitée à quatre années.

En revanche, les parlementaires ont jugé qu’une véritable pérennité des recettes de la CADES devait être assurée. Si le projet de loi initial prévoyait l’affectation à la CADES de recettes nouvelles, à hauteur de 3,2 milliards d’euros, pour permettre la reprise des 34 milliards d’euros de déficits « hors crise » du régime général et du FSV sur 2009 et 2010, ainsi que le déficit prévisionnel 2011 de la seule branche maladie, le Parlement a jugé qu’il était impensable d’opérer un tel report et d’organiser ce transfert de dette massif sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l’esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la Caisse pour assurer l’amortissement de cette dette nouvelle.

La pérennité des recettes de la Caisse est, non seulement un impératif pour sa bonne gestion, pour garantir que son échéance ne sera pas une nouvelle fois reportée faute de recettes suffisantes à l’avenir, mais également un enjeu crucial pour la position de la Caisse, qui se finance sur les marchés. En effet, la signature de la CADES est aujourd’hui irréprochable puisqu’elle bénéficie d’une qualité de signature publique. Toutefois, la forme et la force de la parole publique sont une garantie supplémentaire qui n’est pas insensible aux arbitrages des investisseurs.

Dès que la reprise de dettes de 68 milliards d’euros sera réalisée, la CADES devra procéder à des émissions à court terme pour des montants très importants, de l’ordre de 10 milliards d’euros par mois, à partir de la fin du mois de janvier, début février 2011 sans doute, ce qui ne fait que renforcer l’exigence de qualité de la signature que j’ai évoquée précédemment.

C’est pour ces raisons que les parlementaires ont proposé de modifier le texte organique, afin de garantir le principe qui a prévalu depuis la création de la CADES, à savoir celui de l’affectation d’une recette dédiée, que ce soit la CRDS, et depuis 2009, d’une fraction de la CSG, dont l’assiette est quasiment identique à celle de la CRDS.

Nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir porté une évolution substantielle du projet initial, le Gouvernement ayant sur ce point accédé à notre demande. C’est ce que confirme le débat sur la première partie du projet de loi de finances et que devraient confirmer également nos débats sur le PLFSS. En effet, il a été acté que les recettes qu’il était prévu d’affecter à la CADES, par des réductions de dépenses fiscales et sociales dans le secteur des assurances seraient affectées à la Caisse nationale d’allocations familiales et non à la CADES. J’insiste là encore car je sais que des craintes se sont fait jour : il ne s’agit en aucune façon de fragiliser la branche famille, qui voit ses recettes garanties pour 2011 et en très large part pour 2012, mais seulement de respecter scrupuleusement les principes organiques qui gouvernent la CADES.

Le transfert de ces recettes aux organismes de sécurité sociale ne fait que confirmer la nécessité de trouver des solutions de financement pérennes pour faire face à des déficits structurels, en particulier ceux de l’assurance maladie. C’est d’ailleurs ce que je proposerai, en tant que rapporteure pour avis du PLFSS, dans le cadre du débat sur ce texte tout à l’heure.

Je rappelle enfin que le schéma de financement proposé intègre les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu’à l’horizon fixé par la réforme des retraites, c’est-à-dire 2018. Ce financement sera assuré par la mobilisation de produits d’actifs du FRR à hauteur de 2,1 milliards par un décaissement linéaire, mais également par le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement qui lui est affecté à hauteur de 65 %, pour un produit de 1,5 milliard d’euros.

Ce sont ainsi 3,6 milliards d’euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES Cette dimension du schéma de financement est essentielle. Elle conditionne en effet la mise en œuvre de la réforme des retraites, et permet donc d’assurer que les déficits futurs de la CNAV et du FSV seront bien intégralement financés.

Ce projet de loi organique ainsi modifié propose une option de traitement de la dette sociale ; il en fixe le cadre et se donne comme un véritable « test de résistance » des organismes de sécurité sociale face au risque financier. Dans ce paysage institutionnel, la CADES est en quelque sorte la clé de voûte du dispositif. Il convient que le cadre du transfert massif de la dette qui va être opéré, et qui est inéluctable, puisse s’effectuer dans un cadre de solidité suffisante.

C’est ce que permet de garantir le cadre organique ainsi modifié. Notre système ne peut s’exposer, en effet, à un affaiblissement de la parole publique s’agissant du portage de la dette sociale.

Mes chers collègues, ce projet de loi organique sort renforcé du débat parlementaire. Toutefois, le risque financier de la sécurité sociale reste un risque dans le risque car il n’est pas complètement écarté…

M. Michel Issindou. Pour le moins !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure. …dès lors qu’aucune solution n’est vraiment trouvée pour assurer un besoin de financement qui croît inéluctablement du fait du déficit structurel de la branche maladie.

Cette question sera au cœur du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. Michel Issindou. Il n’y a rien dans ce texte !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure. Nul doute que, au printemps prochain, elle sera également au cœur du débat fiscal souhaité par le chef de l’État, car ce débat ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur la « fiscalité sociale ».

Ainsi modifié, le projet de loi organique se présente comme un cadre modernisé et pérenne. Aussi, je vous invite à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.

Pour conclure, je veux une nouvelle fois saluer le travail et la force de l’engagement de l’ensemble de mes collègues. Je pense bien sûr au rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, M. Jean-Luc Warsmann, et à celui de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, M. Yves Bur.

M. Jean-Luc Préel. Bravo !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure. Je pense aussi aux rapporteurs du Sénat, M. Alain Vasselle et M. Jean-Jacques Jégou.

Mes remerciements s’adressent évidemment aussi au ministre et à vous tous, mes chers collègues, qui avez nourri les débats.

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, cher Jean-Luc Warsmann, mesdames, messieurs les députés, je veux d’abord remercier la rapporteure, Mme Marie Anne Montchamp, pour son exposé. Elle a bien mis en perspective les enjeux qui ont animé le débat sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, qui touche désormais à sa fin.

Ce texte constitue un des éléments importants du schéma global de financement de la dette sociale, qui sera discuté dès ce soir au sein de votre assemblée, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La question de la dette sociale est d’une importance incontestable, dans la mesure où notre système de sécurité sociale est, nous en sommes tous conscients, un facteur essentiel de la cohésion nationale. Dans un contexte où la réduction de la dette et des déficits publics est au centre de nos préoccupations, nous devons veiller à cette cohésion avec la plus grande attention.

La CADES sera chargée de reprendre 130 milliards d’euros : d’une part, un peu moins de 80 milliards d’euros de dette à venir d’ici à la fin de l’année 2011, ce qui soulagera la trésorerie de l’ACOSS – sujet évoqué avec compétence et détermination par Mme Montchamp –, et, d’autre part, les déficits que connaîtra la branche vieillesse jusqu’au retour à l’équilibre du système de retraite en 2018.

Comme vous le savez, le schéma de financement de la dette sociale est mis en œuvre par trois textes : le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui va procéder à la reprise de dette ; le projet de loi réformant le système des retraites qui prévoit les conditions du retour à l’équilibre de notre système par répartition d’ici à 2018, et, enfin, ce projet de loi organique, qui vise à allonger la durée de vie de la CADES.

Le texte que nous examinons a fait l’objet de nombreux et intenses débats, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Je tenais à vous dire combien nos échanges ont été riches, intenses et fructueux.

M. Jean Mallot. Ils ont aussi été vifs !

M. François Baroin, ministre du budget. J’ai apprécié à sa juste valeur le degré d’implication des uns et des autres. Point n’est besoin de souligner le degré d’engagement personnel du président Warsmann.

M. Jean Mallot. Et celui de M. Bur ?

M. Michel Issindou. M. Bur est absent.

M. Jean Mallot. Tout comme le président de la commission des affaires sociales !

M. François Baroin, ministre du budget. Chacun connaît l’implication qui fut celle de Jean-Luc Warsmann, en 2005, au côté d’Yves Bur. Il était donc normal et légitime qu’il rappelle l’historique de ce cheminement et qu’il affirme ses convictions. Je respecte son engagement dans le débat. Cela a permis d’éclairer la représentation nationale sur les choix du Gouvernement.

Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, le Gouvernement a choisi de ne pas augmenter les impôts. À une certaine époque, un consensus s’était dégagé autour de la définition des modalités d’une augmentation, même modérée, de la CRDS ; si nous avions choisi cette option qui recueillait l’adhésion à droite comme à gauche, il y aurait eu une incompatibilité avec la ligne que nous avons fixée consistant à ne pas augmenter les impôts. Le Président de la République a affirmé à de nombreuses reprises cette position que nous soutenons dans la majorité depuis de nombreuses années. Oui, ce projet de loi organique vise à éviter aux Français une augmentation de leurs impôts ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Mais vous augmentez les taxes !

M. François Baroin, ministre du budget. Tout a déjà été dit et le bruit n’ajoute rien à l’affaire.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas une raison pour répéter des bêtises !

M. François Baroin, ministre du budget. Vous avez déjà exprimé votre opposition déterminée et votre hostilité à ce texte, non sans souvent vous empêtrer dans des contradictions – je vous laisse le soin de trouver la martingale qui pourra les démêler.

À partir du moment où le Gouvernement a choisi de ne pas augmenter les impôts, il ne touchera pas à la CRDS. Nous nous donnons donc rendez-vous autour de l’allongement de la durée de vie de la CADES. Nous ne voulons ni transmettre à nos enfants une dette qui n’est pas la leur ni nuire à la reprise de notre économie. C’est autour de ce juste équilibre que nous avons trouvé un point de convergence concernant la dette sociale.

Nous avons estimé qu’un allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES ne constituait pas un saut de génération. Ce sont bien les générations ayant connu la crise qui rembourseront leurs dettes.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez pris toute votre part dans la construction du schéma de financement de la dette sociale. Votre implication s’est traduite par une modification du texte initialement présenté par le Gouvernement. Après discussion, le point d’équilibre sur lequel le Gouvernement et les deux assemblées ont trouvé un accord porte sur la priorité donnée à des recettes pérennes pour la CADES. Cette dernière aura donc des recettes garanties grâce au transfert d’une fraction de CSG. Je remercie Mme Montchamp pour son implication et ses compétences sur ces sujets. Bien entendu, les recettes manquantes pour la sécurité sociale seront compensées par l’affection des recettes qui étaient prévues à l’origine pour la CADES. Lorsque celles-ci diminueront, à partir de 2013, nous affecterons à la sécurité sociale le produit des nouvelles réductions de niches sociales ou fiscales.

Le choix du Gouvernement est clair. Aux 75 milliards relatifs aux niches fiscales s’ajoutent les 45 milliards au titre des niches sociales. Le Gouvernement va poursuivre la réduction déterminée et méthodique de ces niches. L’affectation à due concurrence de ces recettes permettra d’irriguer de manière assez vertueuse la survie de notre modèle économique et sociale. Je rappelle que 70 % de l’effort consenti sur les niches fiscales servira à préserver notre modèle social. Sur 10 milliards d’euros, 7 milliards seront affectés à la réduction des déficits de la sécurité sociale.

Cette politique est cohérente. Elle permet de ne pas augmenter les impôts ; elle se poursuivra au fur et à mesure des années budgétaires à venir.

Dans ses grandes lignes, la reprise de la dette prévoit donc l’allongement de la durée de vie de la CADES. Il était de la responsabilité du Gouvernement de rectifier la trajectoire à la suite des bouleversements économiques récents. Vous faites comme si il n’y avait pas eu de crise en 2008 et 2009 – c’est assez spectaculaire d’ailleurs. Vous faites comme s’il ne s’était rien passé. Vous faites même comme si rien n’était arrivé il y a quelques mois en Europe.

M. Michel Issindou. Précisément !

M. François Baroin, ministre du budget. Vous oubliez ce qui se passe en Grèce.

Mme Isabelle Vasseur. Ils ont des œillères !

M. François Baroin, ministre du budget. Vous tirez un trait sur ce qui se passe chez vos amis, en Espagne, et vous ne prenez même pas la mesure de la politique que vient d’engager la Grande-Bretagne. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Les mêmes politiques engendrent les mêmes problèmes !

M. François Baroin, ministre du budget. Reconnaissez au moins la volonté du Gouvernement de trouver un juste équilibre entre un effort de réduction des déficits et la volonté de ne pas prélever des impôts supplémentaires pour ne pas casser la croissance économique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. le ministre a seul la parole !

M. François Baroin, ministre du budget. Deux années de crise ont généré une dette sociale de 34 milliards d’euros : c’est ce qui explique l’allongement de la CADES pour quatre années.

La ligne du Gouvernement est constante : ne pas augmenter les impôts pour ne pas freiner la reprise de notre économie.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Quand cesserez-vous donc d’utiliser cet argument ?

M. François Baroin, ministre du budget. C’est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoira d’affecter des ressources nouvelles à la CADES, par le transfert d’une fraction de CSG.

Le Gouvernement a également voulu apporter des solutions dès aujourd’hui aux déficits vieillesse à venir, et propose pour cela de mobiliser les actifs financiers et la recette du Fonds de réserve des retraites pour assurer le financement des retraites jusqu’à leur retour à l’équilibre en 2018.

Tel est la cohérence et l’équilibre du schéma de financement que le Gouvernement vous propose.

Vos engagements, vos propositions et vos réflexions ont permis de nourrir de manière très vertueuse ce débat. À l’instar de Mme Montchamp, je veux remercier tous ceux qui y ont pris une part. Au-delà des échanges entre spécialistes de la sécurité sociale, cette discussion a aussi donné lieu à un débat politique qui permet d’affirmer une ligne, de fixer des choix et de les assumer pleinement.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire trois observations préliminaires.

La commission mixte paritaire au cours de laquelle a été élaboré le texte que nous examinons restera dans l’histoire.

En effet, lors de sa réunion, nous nous sommes trouvés dans une situation singulière : le rapporteur de la commission saisie au fond et le rapporteur et le président de la commission saisie pour avis avaient disparu ; il ne restait plus que Mme Montchamp et trois soldats manifestement étrangers au problème, mais qui disposaient d’une feuille de route dont ils ont parfaitement exécuté les instructions.

M. Roland Muzeau. La feuille Guéant !

M. Alain Vidalies. À nouveau, ce soir, le président de la commission des affaires sociales est toujours absent, de même que le rapporteur pour avis tandis que le rapporteur de la commission au fond a été rétrogradé…

M. Roland Muzeau. Débarqué !

M. Alain Vidalies. …au rang de citoyen député de base.

M. Jean-Luc Warsmann. Ce qui est très honorable !

M. Alain Vidalies. J’en conviens.

Il reste que la situation est très particulière ; elle est même sans précédent dans l’histoire. J’ai vérifié : depuis cinquante ans, aucun ministre n’avait réussi à faire disparaître les rapporteurs du texte qu’il défendait devant le Parlement. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. C’est Harry Potter !

M. Alain Vidalies. Monsieur Baroin, voilà déjà une chose que vous avez réussi à inscrire dans l’histoire avec nous. Je vous souhaite de laisser d’autres traces, mais c’est déjà cela de fait. (Sourires.)

M. François Baroin, ministre du budget. Si vous votez le budget, vous ferez un autre acte historique ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. La disparition des rapporteurs m’a tout de même inquiété. Et si elle était définitive ? Voilà que j’ai été amené à faire ce que je n’aurais jamais cru devoir faire : j’ai évoqué leur mémoire en CMP. Le retour de M. Warsmann est une bonne nouvelle. Il n’y avait donc pas de problèmes médicaux mais bien un problème politique.

Monsieur le ministre, vous venez de faire, comme à votre habitude, une brillante démonstration expliquant que vous aviez choisi de ne pas toucher aux impôts et que vous ne toucherez donc pas à la CRDS. Cependant, il y a quelques semaines, j’ai lu une série de déclarations, dans des articles de presse non démentis, selon lesquels si, en 2013, les choses n’allaient pas mieux, il faudrait augmenter la CRDS. Sauf confusion de ma part, il me semble que vous êtes bien l’auteur de ces déclarations réitérés.

M. François Baroin, ministre du budget. Cela prouve que vous ne m’avez pas lu !

M. Alain Vidalies. J’ai lu les propos que vous avez réitérés. Votre engagement ne vaut donc que jusqu’en 2012 – certains auraient dit qu’il ne vaut que pour ceux qui vous écoutent. C’est bien le fond du débat.

M. François Baroin, ministre du budget. Avec l’expérience qui est la vôtre, vous croyez donc encore ce que dit la presse !

M. Alain Vidalies. Vous nous reprochez de vous accuser de transférer la dette aux générations futures. Ce n’est pas un changement de génération, avez-vous déclaré à plusieurs reprises.

Je l’avoue, je ne suis pas très fort en mathématiques, mais il me semble bien que ceux qui vont devoir rembourser sont ceux qui seront sur le marché du travail à partir de 2022 ou ceux qui y seront toujours.

M. François Baroin, ministre du budget. Ce n’est déjà pas la même chose !

M. Alain Vidalies. Or, ceux qui commenceront à travailler à l’âge de dix-huit ans en 2022 ont aujourd’hui quatre ans. Ce sont donc bien nos enfants que nous allons obliger à rembourser la dette. Telle est votre décision politique, et vous pouvez l’assumer. Mais ne dites pas qu’elle n’aura pas de conséquences : vous êtes en train de transférer vos dettes à ceux qui manifestent aujourd’hui. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Cela vous choque, n’est-ce pas, chers collègues de droite ? Qu’ils sont horribles, ces gens de gauche, pensez-vous.

M. Philippe Vitel. C’est la façon dont vous raisonnez qui nous choque !

M. Alain Vidalies. Pourtant, je ne fais que dire la même chose que M. Warsmann et M. Bur. La situation est en effet à ce point singulière que l’article 1er du texte – qui en est le cœur – a été rejeté à l’unanimité par la commission des lois et la commission des affaires sociales. Où sont passés les députés de droite qui ont voté contre ?

M. Michel Issindou. Eh oui, où sont-ils ?

M. Alain Vidalies. Seuls sont présents, ce soir, les bons soldats, capables de voter ce que M. Warsmann qualifie d’escroquerie.

M. François Baroin, ministre du budget. Il est allé loin, mais pas jusque-là, tout de même !

M. Jean Mallot. C’est vrai, il a parlé de cavalerie.

M. Alain Vidalies. Jamais nous n’aurions pu trouver de mots plus durs que ceux de M. Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je n’ai pas besoin de porte-parole !

M. Alain Vidalies. Je n’ai pas cette prétention, monsieur le président Warsmann ; je ne suis que votre modeste imitateur. (Sourires.) Jamais nous n’aurions pu, disais-je, trouver de mots plus durs que les vôtres : « Nous ne pouvons pas accepter de faire sauter le système actuel en supprimant l’obligation d’apporter des recettes pérennes ou en reportant le délai prévu. Il me semble qu’aucun parlementaire ne pourrait s’y résoudre en son âme et conscience. »

M. Roland Muzeau. Eh voilà, ils n’ont pas d’âme !

M. Alain Vidalies. Et vous ajoutez : « On va emprunter pour faire payer une partie du prix des boîtes de médicaments consommés actuellement par nos concitoyens, une partie des soins médicaux et des prestations sociales, par les Français qui travailleront au-delà de 2022, c’est-à-dire faire des emprunts à long terme, à quinze ans, pour payer des déficits de fonctionnement. Lancer des emprunts lorsque l’on sait que l’on n’a pas l’argent nécessaire pour les rembourser, cela s’appelle faire de la cavalerie. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Quant à M. Bur, il a déclaré : « Je considère qu’il est de notre responsabilité morale de cesser de nous décharger de nos responsabilités financières quotidiennes sur nos jeunes. »

M. Jacques Lamblin. C’est pour cette raison que nous réformons les retraites !

M. Alain Vidalies. Je veux saluer le sens des responsabilités et le courage, en cette période particulière, dont ont fait preuve ceux qui, dans la majorité, sont allés jusqu’au bout de leur engagement.

Je parle d’engagement parce que nous avons déjà débattu de cette question, en 2005. Or, à cette époque, la réponse apportée ne fut pas celle de la seule majorité, confrontée à une opposition hostile. En effet, la loi organique de 2005, nous l’avons votée avec vous. Il nous avait semblé nécessaire de fixer, pour l’avenir, un cadre commun défini dans une loi, dont le caractère organique a été confirmé par le Conseil constitutionnel et par laquelle nous nous engagions collectivement à ne pas refaire en 2020 ce que nous faisions sous la contrainte jusqu’alors.

Ce projet de loi organique est ainsi le constat d’un double échec.

Le premier échec est celui de la loi de 2003 sur les retraites, car n’oublions pas que ce texte définit les modalités du siphonage du Fonds de réserve des retraites. Vous vous étonnez de voir les jeunes descendre dans la rue actuellement, mais c’est une première raison pour eux de manifester, car ils sont en droit de se demander ce qui se passera après 2020, lorsque les 31 milliards d’économies que ces imprudents de socialistes avaient mis de côté en 1997 seront dilapidés.

Le second échec, c’est celui de la loi organique de 2005, puisque nous allons la défaire, pour recommencer ce que nous nous étions collectivement engagés à refuser.

Lorsque le débat est né, vous avez accepté d’entendre le Parlement. En effet, non seulement le texte visait à allonger la durée des cotisations, mais il affectait à la CADES des recettes dont la caractéristique était de ne pas être pérennes ; autrement dit, on ne savait même pas si l’on serait en mesure de rembourser. Vous avez donc eu cette idée extraordinaire qui consiste à affecter des recettes pérennes de la sécurité sociale à la CADES et de transférer les recettes de celles-ci, toujours aussi incertaines, à la branche famille. Résultat : vous avez tous reçu, comme nous, les courriers de l’Union des familles rurales de France ou de l’UNAF s’inquiétant d’une démarche qui crée une incertitude quant au financement, à hauteur de 1 milliard, de la branche famille de la sécurité sociale à l’horizon 2012.

Ce jeu de bonneteau relève de la politique du sapeur Camember. Tout cela ne convainc que ceux qui l’étaient par avance.

Au fond, même si vous l’avez un peu abordé, monsieur le ministre, vous esquivez le débat de fond, qui porte sur le modèle social. Seuls deux types de réponses sont possibles, me suis-je dit : soit on diminue les dépenses, soit on augmente les recettes.

M. Richard Mallié. Très bien, monsieur de la Palisse ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies. Eh bien, je me suis trompé,…

M. Richard Mallié. On peut faire les deux !

M. Alain Vidalies. …car c’était sans compter sur le génie de l’UMP : une autre solution (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), bien meilleure, consiste à emprunter pour payer ses dettes !

M. Jean Mallot. Eh voilà !

M. Alain Vidalies. Vous nous proposez ainsi une sorte de crédit revolving public. Nous n’aurions probablement pas été d’accord avec une partie de la majorité sur les solutions à apporter, mais nous aurions pu au moins en discuter.

Pourquoi avez-vous esquivé ce débat de fond ? Parce qu’il aurait porté sur les résultats de votre politique. Vous ne pourrez jamais faire oublier que la situation est, certes, pour partie due à la crise, mais qu’elle résulte également de la politique que vous avez menée.

Dans son rapport, M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, établit ainsi qu’entre 2000 et 2009, l’État a perdu, à législation constante, entre 101 et 119 milliards d’euros de recettes annuelles. Ces sommes sont considérables ! M. Carrez est-il le seul à le dire ? Non. Vous connaissez certainement, monsieur le ministre, le rapport sur la situation des finances publiques de M. Champsaur, président de l’autorité de la statistique publique, et de Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’INSEE, dans lequel on peut lire : « En l’absence de baisse des prélèvements, la dette publique serait environ vingt points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité. »

Ainsi, le débat que vous ne voulez pas aborder, c’est celui qui porte sur le résultat, pour les caisses de l’État, de la politique que vous avez mise en œuvre depuis dix ans et que vous persistez à mener. Monsieur le ministre, vous nous reprochez de faire comme si la crise n’avait pas existé. Mais vous ? Avant et après la crise, vous menez la même politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Vous avez annoncé que vous alliez diminuer les impôts pour relancer la machine et favoriser la croissance. La réforme des retraites de 2003 partait ainsi du principe que l’emploi allait progresser et que vous pourriez transférer la cotisation de l’assurance chômage. Vous y croyiez, très bien ! Mais cette politique a échoué.

Ce que vous nous proposez aujourd’hui est irresponsable vis-à-vis des générations futures ; c’est une fuite en avant. Vous souhaitez en réalité faire oublier le débat et laisser passer 2012. Mais, ne vous en faites pas, nous serons présents. En attendant, il serait responsable de voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Pour le Nouveau Centre, dont j’expliquerai un peu plus longuement, tout à l’heure, la position, la tentation est forte de voter cette motion de rejet préalable. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous approuvons le transfert logique des déficits de 2009, 2010 et du prévisionnel 2011 à la CADES, ainsi que le financement par le Fonds de réserve des retraites du déficit prévisionnel de la branche vieillesse jusqu’en 2018, date à laquelle celle-ci devrait en principe être équilibrée. En revanche, nous demandons un financement adapté et une augmentation modeste de la CRDS, qui ne pèserait pas plus sur le pouvoir d’achat que les nombreuses augmentations que nous constatons chaque jour.

En conséquence, de même que nous nous sommes opposés à la prolongation de la durée de vie de la CADES, décidée en son temps par Martine Aubry puis par Philippe Douste-Blazy, nous avons soutenu, en 2005, l’amendement Warsmann qui exigeait le financement de tout nouveau transfert de dette. Nous ne pouvons donc accepter la prolongation de quatre ans, jusqu’en 2025, de la durée de vie de la CADES. Certes, monsieur le ministre, quatre ans, ce n’est pas une génération. Mais la prolongation atteint seize ans. Ce seront ainsi les actifs de 2025 qui paieront les dépenses de 2010. Nous ne pouvons l’accepter.

En outre, le transfert de la CSG – 0,28 % – prélevée sur la branche famille fragilise celle-ci. Or, si nous n’avons pas accepté que les recettes non pérennes restent à la CADES, c’est précisément parce qu’elles ne nous semblaient pas pérennes.

Le groupe Nouveau Centre, qui a voté à l’unanimité contre le projet de loi organique, votera donc à nouveau contre le texte de la CMP. Toutefois, compte tenu de la nécessité de transférer le déficit à la CADES, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Vasseur, pour le groupe UMP.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur Vidalies, je vous ai écouté attentivement. Vous avez ironisé sur la prétendue disparition de certains de nos collègues – dont on s’est vite aperçu qu’ils étaient parmi nous –, mais je n’ai rien retenu de positif de votre intervention. En fait, vous n’avez rien à dire sur le sujet. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Écoutez M. Préel, alors !

Mme Isabelle Vasseur. Les prises de position partagées de nos collègues de la majorité ont eu au moins le mérite de faire avancer le texte, puisque des discussions très ouvertes ont permis de nous faire entendre sur un sujet qui nous tenait à cœur : la pérennité des recettes. Vous accusez le Gouvernement d’irresponsabilité, mais la solution durable qu’il propose s’oppose en tout point à votre absence complète de propositions sur le sujet.

Compte tenu des avancées que comporte le texte de la CMP, le groupe UMP s’opposera à votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe SRC.

M. Gérard Bapt. Si la position exprimée par le groupe UMP dans ces explications de vote était prévisible, celle du groupe Nouveau Centre, que vient de nous délivrer M. Préel, me paraît en revanche très intéressante : notre collègue a reconnu la tentation de son groupe de voter cette motion de rejet préalable afin de faire respecter la volonté du Parlement exprimée en 2005. M. Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avait alors affirmé la nécessité, pour des raisons morales, d’arrêter de reporter les déficits d’aujourd’hui sur les générations futures. Mais depuis que l’oukase élyséen selon lequel il ne faut pas augmenter les impôts et les cotisations – ce qui n’empêche pas d’augmenter les prélèvements – est tombé, nous n’avons cessé de reculer. Aujourd’hui, nous allons basculer dans le vide. Comme l’a très bien expliqué Alain Vidalies, vous avez mis en place une véritable usine à gaz.

Au-delà des positions courageuses prises par nos collègues – le président Warsmann, le président Méhaignerie, M. Bur –, l’an dernier déjà, le Sénat s’était opposé au fait que l’on se dérobe sans cesse devant l’obstacle. Mme Montchamp elle-même avait fait voter, en commission des finances, un amendement proposant une augmentation de 0,15 % de CRDS assortie d’un transfert d’une partie de la dette de l’ACOSS vers la CADES. Aujourd’hui, nous plongeons vers l’inconnu avec la branche famille. Quelle situation allons-nous léguer aux générations futures ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. En tant que maire, je visite régulièrement les cantines scolaires. Je vais désormais être obligé de dire aux enfants que je rencontre que lorsqu’ils seront adultes et citoyens, ils seront aussi des contribuables cotisants qui paieront nos dettes d’aujourd’hui. Je vais devoir leur dire qu’ils devront être très vigoureux, car ils devront également s’atteler à nouveau au problème des retraites – puisque nous avons finalement supprimé le Fonds de réserve des retraites que nous avions constitué pour eux en prévision de la bosse démographique.

Pour toutes ces raisons, madame la présidente, le groupe SRC suivra M. Vidalies dans sa proposition de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Il y a effectivement de nombreuses raisons de rejeter ce projet de loi relatif à la dette sociale. Si vous me permettez cette image, je commencerai par dire que le Gouvernement s’assoit sur une loi organique votée en 2005, qui interdit ce genre de manipulation financière – cela montre jusqu’où vous pouvez aller...

Après avoir affirmé que vous ne prolongeriez pas la durée de vie de la CADES, vous faites aujourd’hui cyniquement le contraire. De plus, vous autorisez la Caisse d’amortissement de la dette sociale à emprunter 130 milliards d’euros sur les marchés financiers, ce qui, intérêts compris, engraissera d’autant les spéculateurs. Et vous ne prévoyez aucunes recettes pour rembourser ce transfert de dettes ! Pire, vous privez la sécurité sociale, en particulier la branche famille, de près de 1,2 milliard d’euros de recettes de CSG dès 2013, ce qui amputera d’autant les moyens dont les familles ont particulièrement besoin dans cette période.

J’insiste, pour conclure, sur l’absurdité de la méthode que vous utilisez, consistant à combler un trou en en creusant un autre. Telles sont, mes chers collègues, les raisons qui nous conduisent à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale ;

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)