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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 14 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Pierre Balligand

1. LOPPSI

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Discussion générale (Suite)

M. Sauveur Gandolfi-Scheit

M. Michel Liebgott

Mme Sandrine Mazetier

Mme Marie-Josée Roig

Mme Brigitte Barèges

Mme Marietta Karamanli

M. Christian Vanneste

M. Joël Giraud

M. Jean-Claude Bouchet

M. Armand Jung

Mme Catherine Vautrin

M. Julien Dray

Mme Valérie Boyer

M. Gérard Gaudron

M. Dominique Raimbourg

M. Patrice Calméjane

M. François Pupponi

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Discussion des articles

Article 1er et annexe

Amendement no 39

M. Éric Ciotti, rapporteur

Amendements nos 228 rectifié, 94, 31, 329, 322, 32, 33

Article 1er bis

Amendement no 290

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

LOPPSI

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi modifié par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (nos 2780, 2827).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures trente-deux minutes pour le groupe UMP ; six heures vingt-trois minutes pour le groupe SRC ; trois heures quarante-trois minutes pour le groupe GDR ; trois heures trois minutes pour le groupe NC et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, qui a dû se rendre en urgence à Aulnay-sous-Bois, suite à un vol à main armée dans un établissement bancaire. À l’heure où nous parlons, il semblerait qu’un convoyeur de fonds soit dans un état très grave. Bien évidemment, le ministre de l’intérieur essaiera de nous rejoindre dès que possible, avant la fin de la discussion générale.

M. le président. Compte tenu des circonstances, M. le ministre est bien sûr excusé, en espérant que tout cela ne se termine pas dramatiquement.

Discussion générale (Suite)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l’outre-mer, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est essentiel.

Essentiel parce qu'il répond à une attente profonde des Français. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, l'a répété à de nombreuses reprises, les Français ont le droit de pouvoir vivre en toute sécurité sur l'ensemble du territoire national.

Pour ma part, en tant que maire, je suis tenu d'assurer la sécurité de mes concitoyens et de leurs biens. Mon rôle de député me permet de faire, comme vous tous, le lien entre cet impératif et le travail parlementaire. Notre rôle est de faire en sorte que les conditions d'une mobilisation générale contre la délinquance soient réunies, dans l'intérêt de tous. Contre ceux qui agitent la politique de sécurité pour de basses considérations politiciennes, nous devons aborder ce texte avec sérieux et pondération.

Ce projet de loi est essentiel, disais-je, parce qu'il est important d'adapter les méthodes de lutte contre la délinquance aux nouvelles formes de violence. Ainsi, le choix du Gouvernement de concentrer les moyens financiers, d'offrir aux forces de l'ordre la possibilité d'utiliser de nouvelles méthodes d'investigation offertes par les avancées technologiques, de renforcer les pouvoirs de la police municipale ainsi que d'accentuer la lutte contre la délinquance routière sont autant d'objectifs que nous devons accompagner, par le biais des différents amendements que j'ai soutenus aux côtés des collègues de mon groupe.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Il m'a semblé pertinent d'accroître encore nos efforts dans ce sens. En créant le Conseil national des activités privées de sécurité – CNAPS –, le contrôle et la valorisation des entreprises en charge de la sécurité seront renforcés.

En matière de vidéoprotection, les améliorations apportées au texte sont notables. L'extension de son usage ainsi que la mise en place d'un contrôle raisonnable des images recueillies m'apparaissent particulièrement bien traitées.

La violence a évolué. Elle ne se limite plus à la rue, elle n'a plus de frontière, elle peut être partout notamment – et surtout – sur internet. Ainsi, des efforts en matière de lutte contre la cybercriminalité s’imposaient. Ce texte s'engage avec force et raison dans la voie d'une lutte très ferme contre l'usage de l'informatique à des fins illicites.

Nous connaissons tous la difficulté pour le législateur de devancer les innovations technologiques qui sont très rapides, mais nous ne pouvons, et ne devons pas abandonner. C'est pourquoi, bien que difficile, le renforcement de la lutte contre la pédopornographie sur internet doit être une priorité. Au-delà du débat technique posé par la question du blocage de ces sites, il faudra, à l’avenir, aussi s'interroger sur la lutte contre la diffusion d'images pornographiques aux enfants.

Aujourd’hui, la jurisprudence ne permet pas de trancher quant à la solution technique à mettre en oeuvre pour limiter l'accès des jeunes enfants à ce type de site. L'envoi massif de mails comme l'usage de « pop-up » – ces petites images qui apparaissent sur l'écran dans le but de faire de la publicité – sont inacceptables.

De même, l'usurpation d'identité, facilitée par internet, devait être davantage ciblée dans notre droit. C'est pourquoi il est important de soutenir la démarche engagée par le projet de loi qui crée un délit en la matière.

S'ils sont abordés sans dogmatisme politique, tous ces éléments méritent de faire consensus. Les Français attendent de leurs élus une action concrète et résolue que ce texte permettra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la ministre, cette loi est la preuve de l’échec de toutes celles qui ont précédé. Vous nous proposez un texte fourre-tout : nouveaux fichiers, nouvelles caméras de surveillance, nouveaux dispositifs, peines planchers, couvre-feu. En réalité, les élus locaux attendent l’application de la loi existante : la légalité républicaine.

Êtes-vous capables de réaliser des contrôles de vitesse dans les zones urbaines sensibles ? Les gens ne supportent plus d’être contrôlés dans des zones classiques et de ne pas l’être dans les zones urbaines sensibles. Ils ne supportent pas, en particulier, que certains défient la loi tous les jours sur leur petite moto, leur quad ou dans des voitures qui constituent des dangers pour tous, notamment pour les enfants.

En tant qu’élu local, je voudrais que la police de proximité retrouve ses galons. Récemment, j’ai demandé à des gendarmes, qui intervenaient dans ma commune, d’où ils venaient. « De Dijon » m’ont-ils répondu. Or je suis à côté de Metz, c’est-à-dire à 250 kilomètres de Dijon. Ils étaient en intervention pour faire un peu de surveillance de nuit, sans trop connaître la ville, et avant de passer le relais le lendemain à une brigade locale. Heureusement que le GPS existe ! Mais telle n’est pas ma conception de la police de proximité.

Lorsqu’on engage le dialogue avec eux, tant les gendarmes que les policiers nous demandent de ne pas multiplier les lois quand, sur le terrain, il n’y a pas les hommes pour les faire appliquer. C’est du simple bon sens. Faisons appliquer les lois qui existent avant d’en inventer d’autres. Les exemples dans ce domaine sont nombreux. Ce qui a été perçu à l’époque comme une innovation considérable introduite par la loi sur la sécurité intérieure n’était en réalité qu’un gadget, à savoir l’interdiction des regroupements dans les cages d’escaliers, laquelle n’a jamais été appliquée, tout simplement parce que cette disposition était inapplicable. Nous en avions longuement débattu ici et les élus locaux savent bien que de tels dispositifs sont impossibles à mettre en œuvre.

Le texte que nous examinons aujourd’hui contient d’autres dispositifs de ce type qui ne seront pas plus applicables, ce qui renforcera le sentiment d’impunité de ceux qui défient la loi et le sentiment d’abandon de ceux qui voudraient qu’elle soit appliquée.

Le maire de la commune d’Uckange – proche de Gandrange tristement célèbre pour la fermeture de son site sidérurgique – a écrit au ministre de l’intérieur pour l’interpeller.

Le maire d’Uckange a, en effet, tout fait. Il a mis en place des dispositifs de vidéosurveillance, un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – CLSPD. En dépit du travail des associations, de l’action sociale, de la concertation avec les services de justice et le préfet, il en est venu à faire le constat que vingt-et-un gendarmes pour 15 000 habitants c’était nettement insuffisant, notamment pour faire face à l’émergence d’une mafia kosovar dans une copropriété privée où s’est reconstitué un véritable village. Après que le tribunal a constaté l’existence de 2 millions d’euros d’impayés de loyers, l’État doit maintenant engager la destruction de cette tour privée avec comme conséquence pour les propriétaires privés, la perte de tous leurs biens et un enrichissement sans cause pour les SCI qui s’en sortiront très bien après avoir loué, sous-loué les appartements au mépris de toute dignité humaine.

Cela va coûter 16 millions d’euros, non seulement à l’État – c’est-à-dire à l’ANRU –, mais aussi aux collectivités territoriales, à la communauté d’agglomération, à la région et au département : bel exemple de transfert financier aux collectivités locales ! Et tout cela parce que l’État n’a pas su, au moment opportun, faire le nécessaire pour rétablir l’ordre républicain.

De même, dans ma commune, on m’a demandé de construire une gendarmerie ; je ne l’ai pas fait, car, dans une commune moyenne, cela coûte environ 5 millions d’euros. Aujourd’hui, l’État ne peut plus construire de gendarmeries, et la société nationale immobilière elle-même ne veut plus le faire, parce que l’État est un mauvais payeur, qui ne s’acquitte même pas des loyers.

Dès lors, que faisons-nous ? Je vois se profiler le regroupement des deux gendarmeries : celle de la commune où se trouve la copropriété dont j’ai parlé et celle de ma propre commune. Et je dénonce d’ores et déjà ce regroupement, s’il ne sert une fois de plus qu’à économiser des postes de fonctionnaires.

Dans nos quartiers, le véritable problème est leur abandon progressif par les pouvoirs publics et la disparition des aides à la prise en charge des publics spécifiques qui y vivent. Plus le chômage y progresse, plus les ravages sociaux et sécuritaires s’y accumulent. Lorsque le taux de chômage augmente de 50 % en deux ou trois ans, sans perspective de baisse ; lorsque les emplois aidés sont supprimés ; lorsque le plan de relance disparaît, ce qui représente 1,8 milliards d’euros de moins en deux ans,…

M. Christian Jacob. Vous avez voté contre le plan de relance !

M. Michel Liebgott. …on retrouve la précarité, l’économie souterraine, l’économie parallèle – en somme, tout ce que nous dénonçons et que vous ne cessez malheureusement d’aggraver par votre politique antisociale. Et la seule branche à laquelle vous vous raccrochez est une politique sécuritaire qui ne fait que reprendre ce que vous nous proposez depuis bientôt dix ans.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, voici quelques chiffres – même si l’on en a déjà rappelé beaucoup.

Trois ans pour élaborer cette LOPPSI 2 ; trois fois plus d’articles aujourd’hui, en deuxième lecture, qu’à l’origine ; et, depuis le début de la navette parlementaire sur ce texte, 462 350 atteintes à l’intégrité physique répertoriées par l’Observatoire national de la délinquance.

Dès lors, vous pouvez bien multiplier les conférences de presse, les opérations « coup de pied dans la fourmilière », les déclarations péremptoires et martiales pour éradiquer, pour combattre, pour réprimer ; les faits sont têtus. Et, si j’ose dire, la réalité « karchérise » tous vos discours.

En défendant la motion de rejet préalable, Delphine Batho a montré l’extrême cruauté des événements survenus l’été dernier. À quoi avons-nous alors assisté ? À Saint-Aignan, une gendarmerie prise d’assaut, ce qui a permis aux Français de constater de quels moyens disposent les forces de sécurité dans notre pays, et ce qui est concrètement fait.

Quelque temps plus tard, un quartier entier de Grenoble mis à feu et à sang après le braquage d’un casino par de grands bandits, et des contrats passés sur la tête de policiers. C’est cela, la réalité qui « karchérise » vos discours martiaux, vos déclarations d’intention toujours plus nombreuses, vos discours de fermeté et de prétendue répression.

Puis est venu, à Marseille, un énième règlement de comptes impliquant des mineurs,…

Mme Delphine Batho. Le vingtième ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier. La réalité, la voilà !

M. Christian Jacob. La réalité, c’est que les crimes et délits ont augmenté de 10 % pendant les cinq ans que vous avez passés au pouvoir !

Mme Sandrine Mazetier. Tout cela aurait dû vous conduire à revoir les orientations et la programmation des moyens alloués à la sécurité intérieure. Au lieu de cela, à quoi assistons-nous depuis l’été dernier ? Au développement de la diversion et de la stratégie du bouc émissaire.

C’est le discours de Grenoble – que le Président de la République a prononcé au lieu de prendre en considération l’échec de sa stratégie, de ses discours, de la politique menée par le Gouvernement depuis 2002, et plus encore depuis 2007 – et ses concrétisations législatives. Celles-ci ont été nombreuses lors de la première lecture de la LOPPSI 2 au Sénat, avec l’introduction de nombreux articles nouveaux, et, en particulier, cinq amendements relatifs non aux moyens et à la doctrine de la sécurité intérieure, mais au code de l’entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d’asile. Deux de ces amendements ont été déposés par le Gouvernement lui-même. En quoi une modification du CESEDA permettra-t-elle de réagir aux faits dont les Français ont fait la douloureuse expérience cet été, dans les trois villes que j’ai citées ?

Mme Delphine Batho. En rien !

Mme Sandrine Mazetier. En rien, naturellement ! Et aux amendements déposés au Sénat sur la LOPPSI s’ajoutent les amendements et les nouveaux articles complétant la loi Besson.

Après le discours de Grenoble, nous avons même vécu un mois durant sous le régime d’une circulaire parfaitement illégale, celle du 5 août 2010. Conformément à la stratégie de stigmatisation et de diversion que j’ai évoquée, pendant un mois, du fait d’une circulaire rédigée par le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, les forces de police ont procédé à des démantèlements et à des expulsions de groupes définis par des critères ethniques. Cette circulaire a heureusement été retirée ; mais, pendant un mois, une circulaire parfaitement illégale et discriminatoire s’est appliquée dans notre République.

Je reviens aux amendements déposés au Sénat par le Gouvernement lui-même, et qui démentent en quelque sorte les initiatives de plusieurs de nos collègues de l’UMP. L’un de ces amendements ajoute au texte l’article 37 quinquies B, qui parle de bracelet électronique et porte sur le placement sous surveillance électronique par l’autorité administrative d’étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme.

De deux choses l’une, mes chers collègues. Soit l’interdiction du territoire français existe dans notre droit – et c’est le cas, nul ne l’ignore –, auquel cas l’on n’a pas à enregistrer au dernier moment, au titre de l’article 88, l’amendement n° 308, déposé par notre collègue Garraud et plusieurs autres députés ; soit cette peine n’existe pas.

Mais continuez donc à pratiquer le déni de réalité, à ne pas réagir aux difficultés auxquelles nos concitoyens sont confrontés, continuez à supprimer des postes dans la gendarmerie, dans la police, à ne pas entendre les 256 000 victimes d’atteintes à l’intégrité physique ! Vous constaterez alors que, loin de regagner, en tenant compte des préoccupations des Français, des points auprès de l’électorat que vous avez perdu, d’autres chiffres continueront à progresser.

Je n’en citerai plus qu’un, parfaitement révélateur de la stratégie de diversion, de recours au bouc émissaire que vous avez déployée ces dernières années : 27 % d’opinions favorables à Marine Le Pen. C’est le fruit de votre politique, de votre déni. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Louis Bernard. C’est ridicule !

Mme Sandrine Mazetier. Au nom des 256 000 victimes d’atteintes à l’intégrité physique, nous vous demandons de modifier, par des amendements du Gouvernement à ce projet de loi, les orientations et la programmation pour la sécurité intérieure. Car nous, nous ne choisissons pas entre le désordre et l’injustice : nous considérons que l’ordre va avec la justice. Nous ne choisissons ni Goethe ni Péguy ;…

M. Jean-Louis Bernard. Bien sûr !

Mme Sandrine Mazetier. …nous choisissons la République, la continuité et la stabilité de la chaîne pénale, l’efficacité et les résultats pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marietta Karamanli. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Josée Roig.

Mme Marie-Josée Roig. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le triste tableau dépeint jour après jour par la presse écrite comme par les images télévisées montre des délinquants de plus en plus jeunes, de plus en plus violents, désormais structurés en bandes organisées.

Face à ce phénomène, et sous l’impulsion du Président de la République, qui en a fait une priorité, le Gouvernement a décidé d’adapter notre législation à ces nouvelles formes de délinquance. Tel est le sens du projet de loi défendu par M. le ministre de l’intérieur.

Notre rapporteur a parfaitement rappelé les différentes mesures contenues dans ce texte. Outre l’augmentation des moyens financiers consacrés à la lutte contre la criminalité, nombre d’entre elles sont particulièrement utiles.

En ce qui me concerne, je concentrerai mon intervention sur la nécessaire complémentarité, qu’il faut encore accroître, entre les acteurs locaux et l’État en matière de lutte contre la délinquance.

Les collectivités locales, en particulier les maires, se trouvent de plus en plus désarmés face à une violence de plus en plus brutale. Ainsi, à Avignon, il y a un mois, un jeune couple s’est fait sauvagement agresser par trois marginaux en plein centre ville, sans aucun mobile. Un tel acte de violence gratuit est malheureusement devenu ordinaire dans nos villes depuis quelque temps. Et, il y a une semaine, une personne sortie fumer une cigarette à dix heures du matin a été retrouvée sans vie dans un parking de la ville, la tête écrasée contre des pierres. Chaque jour apporte désormais son lot de violences, de trafics, de brutalités.

Pourtant, les collectivités locales, en particulier les mairies, investissent massivement dans ce domaine – grâce à votre concours, monsieur le ministre de l’intérieur, notamment en ce qui concerne la vidéoprotection. Ainsi à Avignon, qui dispose aujourd’hui de quarante et une caméras, nous avons programmé l’installation de quatre-vingt-dix caméras supplémentaires. Cet investissement est nécessaire, mais il n’est pas suffisant.

Et pourtant, les polices municipales, notamment la nôtre, font l’objet d’une attention particulière et constituent une charge de plus en plus lourde pour les mairies. Et pourtant, les outils de prévention existent : les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance se réunissent régulièrement, mobilisant acteurs sociaux, représentants de l’État, polices nationale et municipale. Mais, malgré tous ces efforts, nous ne parvenons pas à enrayer durablement le phénomène.

Nous avons besoin du soutien massif de l’État – et je sais que cela rejoint votre volonté, monsieur le ministre. Ainsi, il me paraît indispensable de sanctuariser le budget lié à la rémunération, la formation, et à l’équipement des forces de police et de gendarmerie.

Je comprends bien la nécessité de rationaliser la politique salariale de l’État en diminuant, quand cela est possible, le nombre de fonctionnaires. J’ai parfaitement conscience des contraintes budgétaires qui pèsent sur nos finances publiques et qui se traduiront, en 2011, par un nécessaire budget de rigueur. Pour le vivre quotidiennement en tant que maire, à l’échelon local, je sais qu’il n’est pas facile de boucler un budget en période de crise.

Cependant, je considère que, dans l’exercice de la première des missions qui lui incombe, celle de garantir la sécurité et la tranquillité de chacun, l’État ne peut pas, ne doit pas se désengager. C’est du reste, monsieur le ministre, votre volonté ; c’est le sens de votre action ; c’est la raison d’être du texte que nous examinons.

La sécurité suppose en premier lieu des effectifs physiquement présents sur le terrain et en nombre suffisant. À Avignon, chaque année, durant le festival, nous bénéficions du renfort d’une compagnie républicaine de sécurité. Cette augmentation des effectifs nous a permis, cette saison encore, de ne déplorer aucun acte de violence majeure durant cette période où la ville fait plus que doubler sa capacité d’accueil. Cela montre que la présence physique de la police nationale dans les rues est la première réponse à apporter aux phénomènes de violence.

Bien sûr, nos polices municipales contribuent, dans le cadre de leurs missions, et malgré un statut et des pouvoirs limités, à assurer la tranquillité de nos concitoyens. Mais il arrive un moment où l’étendue de leurs pouvoirs ne leur permet plus d’intervenir. Je ne veux pas d’une police municipale dont le métier se réduirait à arpenter nos rues en disant bonjour et à tourner les talons en cas de problème sur la voie publique.

Or, monsieur le ministre, c’est en quelque sorte à cette difficulté que nous sommes aujourd’hui confrontés, faute d’attribuer un véritable cadre d’emploi efficace à des polices municipales désarmées. Sur cette question, votre texte apporte une première réponse intéressante en octroyant la qualification d’agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale. Ce premier pas va dans la bonne direction, mais je me demande s'il ne conviendrait pas d'étendre cette disposition aux chefs de service dans la mesure où le directeur de la police municipale participe à la conception et à l'élaboration des stratégies territoriales de sécurité et assure la direction fonctionnelle et opérationnelle de ses services. S'il devait assumer seul cette compétence, il risquerait de se trouver complètement débordé face à ces nouvelles attributions.

Je pense qu'à l'issue de l'adoption de cette loi, il conviendra très rapidement de réformer et de clarifier le rôle des polices municipales. Aujourd'hui, l'empilement des textes et la contradiction entre certaines règles font qu'il devient difficile de s'y retrouver.

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais, bien entendu, vous faire part du soutien total que j’apporte à l'action que vous menez. Mais je veux aussi me faire le porte-parole de mes administrés, plus particulièrement des plus fragiles d'entre eux qui vivent dans une angoisse quasi permanente. Je terminerai mon propos en vous citant un dernier exemple de cette angoisse. Dans le courant de l'été, nous avons appris qu'à Avignon, une mère de famille avait embauché un vigile privé pour assurer la sécurité de sa maman âgée et vulnérable à certaines heures de la journée. Ce fait divers est un véritable signal d'alarme que nous devons prendre en considération. Je ne veux pas d'une police privée : la sécurité est l'affaire de tous et doit être à la portée de tous.

Demain, grâce à votre projet de loi, nous disposerons de nouveaux moyens pour tenter d'endiguer ce phénomène. Il y a urgence à agir, je sais pouvoir compter sur votre détermination et sur votre efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Barèges.

Mme Brigitte Barèges. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai entendu tout à l’heure du côté gauche de l’hémicycle beaucoup de propos excessifs, beaucoup d’anathèmes et même des injures – M. Mamère est parti, nous pouvons bien le dire.

M. Christian Jacob. Il y aura moins d’injures alors !

Mme Brigitte Barèges. À tout cela, je voudrais pour ma part opposer une grande humilité qui a été, je le crois, cruellement absente tout au long de ces débats. Souvenez-vous quand même, chers collègues, que c’est de 1997 à 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, que la délinquance a connu une flambée explosive.

M. Serge Grouard. Eh oui !

Mme Brigitte Barèges. Vous discutez des résultats de la lutte de la délinquance comme si certains chiffres vous faisaient plaisir.

Mme Sandrine Mazetier. Nous les constatons, simplement !

M. Julien Dray. Nous sommes complices de la délinquance maintenant : je m’attendais à ça !

Mme Brigitte Barèges. Je constate que notre société devient de plus en plus violente et que cette violence est de plus en plus précoce.

M. Julien Dray. La faute à qui ?

Mme Brigitte Barèges. Face à ce constat, que proposez-vous ? Quel diagnostic faites-vous ?

Pour M. Mamère, si j’ai bien compris ses propos, tout est très simple : c’est la pauvreté qui engendre tous les vices.

M. Julien Dray. Ce n’est pas faux !

Mme Brigitte Barèges. Heureusement pour nous, toutes les personnes en grande difficulté financière ne sont pas des délinquants.

Mme Sandrine Mazetier. C’est vrai qu’il y a aussi de très riches délinquants !

Mme Brigitte Barèges. Les choses ne sont pas si simples. Ceux d’entre nous qui sont maires le savent bien. À cet égard, monsieur Dray, je pensais que vous partagiez plutôt nos idées. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Dray. Je suis désolé, mais je vais vous décevoir !

Mme Brigitte Barèges. C’est la raison pour laquelle je parlais d’humilité, qualité qui vous fait cruellement défaut. L’un d’entre vous nous reprochait une absence d’analyse des causes des émeutes de Grenoble. Quelle est donc votre analyse à vous ?

M. Julien Dray. C’est la faillite de votre système !

Mme Brigitte Barèges. Pour ma part, très modestement – je ne prétends pas détenir la vérité –, j’ai la faiblesse de penser qu’à Grenoble comme dans certaines banlieues, les forces de l’ordre ont eu le tort de déranger un système mafieux bien organisé,…

M. Julien Dray. Comment se fait-il qu’il y ait eu un système mafieux ?

Mme Brigitte Barèges. …une économie souterraine nourrie de trafics en tous genres, une délinquance aux multiples facettes qui associe souvent malheureusement petite délinquance et grand banditisme. Face à ce constat, que faisons-nous ?

M. Julien Dray. Rien !

Mme Brigitte Barèges. Je dis bien « nous », car nous devrions tous nous unir pour mener ce combat-là. Vous répondez avec facilité que cela ne vous concerne pas : pour les socialistes, c’est bien connu, la sécurité est le problème de l’État.

M. Julien Dray. Cela porte même un nom : la République !

Mme Brigitte Barèges. Cela m’amuse d’ailleurs de voir que certains de ceux qui, en 1968,…

Mme Delphine Batho. Je n’étais même pas née !

Mme Brigitte Barèges. …s’opposaient aux forces de police en réclament aujourd’hui le renforcement. Voilà qui est assez extraordinaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec beaucoup d’humilité, en tant que maire d’une petite agglomération, je voudrais vous redire que la sécurité est l’affaire de tous, les Français l’ont bien compris et cela vous dérange. L’État a sa part à prendre, bien sûr, mais c’est le problème de tous les citoyens, de tous les élus.

Rappelez-vous de ce que nous disait le Président de la République à Grenoble – vous ne voulez pas l’entendre, bien sûr – : « Tous les élus sont concernés, ce n’est pas une affaire d’opposition, de majorité, de gauche ou de droite, c’est une affaire d’intérêt général ».

Dans ce combat-là, comment faisons-nous ? Certains nous reprochent de tenir des propos belliqueux. Mais il s’agit bel et bien d’une guerre, une véritable guerre que nous devrions mener ensemble.

La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance avait déjà mis en place des dispositifs à la discrétion des maires : contrat local de sécurité, conseil pour les droits et devoirs des familles et tant d’autres. Malheureusement, et je le regrette profondément, les élus socialistes, par pur dogmatisme, ont refusé d’appliquer ces dispositifs comme ils ont refusé d’appliquer le dispositif du service minimum dans les écoles les jours de grève.

M. Jean Gaubert. C’est notre faute maintenant !

Mme Brigitte Barèges. Permettez-moi à ce propos de vous dire que je trouve inadmissible que vous qui vous targuez d’être républicains ne respectiez pas les lois de la République.

Mme Sandrine Mazetier. Commencez par appliquer la loi SRU !

Mme Brigitte Barèges. C’est pourquoi dans l’un des amendements que j’ai déposés – et je remercie le rapporteur de les avoir retenus –, nous avons prévu de rendre obligatoires tous ces dispositifs, qu’il s’agisse du contrat local de sécurité ou du conseil pour les droits et des devoirs des familles pour toutes les communes de plus de 10 000 habitants. C’est le seul moyen de vous faire respecter la loi. J’aimerais vous dire en aparté …

M. Jean Gaubert. En aparté ? Nous sommes en pleine séance publique !

Mme Brigitte Barèges. …qu’en tant que maire, j’ai appliqué les lois socialistes telles que la loi Besson sur les aires destinées aux gens du voyage ou la loi SRU et son quota de logements sociaux. Ces lois socialistes sont en effet les lois de la République et nous devons tous les respecter.

Si vous aviez eu le culot, l’intelligence d’appliquer ces dispositifs, vous auriez constaté, comme l’ont fait Serge Grouard à Orléans, Marie-Josée Roig en Avignon ou encore Jacques-Alain Bénisti dans sa commune, que cela marche. Nous avons développé les contrats locaux de sécurité, les conseils pour les droits et devoirs de famille, compte tenu des problèmes de parentalité que l’on connaît aujourd’hui. Nous avons mis en place les clauses d’insertion dans les quartiers ; nous avons développé les contrats éducatifs locaux et suivi les préconisations de la politique de la ville. Nous avons donc mis en œuvre non seulement des politiques de prévention, mais aussi des dispositifs relevant de ce que vous appelez la répression comme la vidéoprotection ou la police municipale.

Je formule le vœu – vœu certainement pieu, mais peu importe, c’est l’heure sans doute qui m’y incite !– que dans un grand sursaut républicain, les élus socialistes qui ont tant milité en faveur d’une police de proximité soutiennent les amendements relatifs à l’extension des pouvoirs de la police municipale. Je ne doute pas que ce vœu sera entendu.

M. Julien Dray. Encore une fois, vous allez être déçue !

Mme Brigitte Barèges. Vous reprochez à la LOPPSI de mettre en place de nouvelles technologies. Il faut bien évoluer car, malheureusement, la délinquance s’organise. Les mafias disposent de gros moyens et pour y répondre, il faut des moyens de plus en plus sophistiqués. C’est la raison pour laquelle nous voterons sans état d’âme en faveur de tous ces dispositifs.

Le collectif de la droite populaire qui m’a demandé d’être son référent dans cette discussion – et je le remercie de sa confiance – s’est pleinement investi dans le débat en commission. Je remercie le rapporteur et le ministre de toutes les avancées importantes qu’ils ont soutenues avec nous. Toutefois, le collectif de la droite populaire souhaite aller plus loin, notamment pour ce qui est de l’usurpation d’identité, de la lutte contre la pédopornographie, de la vidéoprotection, de la protection de la propriété intellectuelle ou des services de sécurité privés.

À ceux qui font de grandes incantations, je voudrais dire que nous avons, nous, définitivement choisi le camp de ceux qui agissent avec pragmatisme et efficacité, …

Mme Catherine Coutelle. On en voit les résultats !

Mme Brigitte Barèges. …sans dogmatisme, sans idéologisme, sans angélisme et sans perdre de vue humilité et humanisme. À l’heure du risque terroriste, j’aimerais rappeler solennellement que le combat pour la sécurité est aussi le combat pour la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette deuxième lecture, j’aimerais tout d’abord évoquer le périmètre de la loi.

Certaines dispositions sont nouvelles. À bien des égards, le champ du projet de loi s’est élargi. Cette loi devrait être une loi d'objectifs et de moyens, selon les termes mêmes de l’exposé des motifs, en vue de répondre durablement aux enjeux d'organisation et de support des moyens de police mais, en réalité, elle est devenue une loi portant diverses dispositions pénales. Elle constitue une sorte de patchwork de mesures sécuritaires dont les objectifs et la cohérence avec d'autres dispositions ne sont guère démontrés et dont l’efficacité potentielle dans la lutte contre la délinquance est peu ou pas argumentée.

Les articles 24 bis, 24 ter, 24 quater, 24 quinquies, 24 sexies traitent respectivement de l'interdiction d'aller et venir des mineurs non accompagnés, d'un nouveau contrat à conclure entre l'autorité administrative et les parents, du vol, de la distribution d'argent sur la voie publique, de l'exercice d'activités commerciales ou de la vente sur la voie publique. L'ensemble constitue un florilège de dispositions portant obligations de ne pas faire et valant répression de délits. Nous ne connaissons ni le nombre de faits de mise en danger ou de contrariété avec l'ordre public qui sont en cause, ni les effets de certaines dispositions au regard d'autres mesures existantes.

Je ne reviens même pas sur l'article 7 adaptant les sanctions pénales prévues en cas d'utilisation des procédés d'identification par empreintes génétiques qui violent les conditions définies par la loi ou qui se situent en dehors des cas qu’elle prévoit.

Des estimations font aujourd’hui état de 15 000 à 20 000 personnes qui, chaque année, ont recours à un tourisme génétique illégal : le fait que l’achat de tests soit libre dans plusieurs pays voisins permet d'envoyer des tests et de recevoir de l'étranger les résultats. Cette quête de la vérité biologique qui va, me semble-t-il, à l’encontre de la paix de l'esprit et qui risque de générer autant de troubles émotionnels qu'elle est censée en guérir,…

M. Jean-Louis Bernard. Ah là, là : troubles émotionnels !

Mme Marietta Karamanli. …mériterait un autre traitement qu'une disposition dans une loi de sécurité intérieure.

Il résulte de tout cela une illisibilité de la loi qui a pour effet principal de limiter les débats publics, en empêchant les différents acteurs d'avoir la distance nécessaire pour savoir si tout cela est et sera bien efficace.

J’en viens à mon deuxième sujet. Les moyens humains qui se trouvent en dehors du champ du texte s'effritent et les garanties offertes aux citoyens sont fragilisées. Certains contribuables sont deux fois sollicités. En effet, si l'utilisation des moyens techniques progresse, les moyens humains, tant en nombre qu’en qualité, avec ce que cela suppose en termes d'expérience et de formation, diminuent. Dans le cadre de la révision des politiques publiques, des diminutions d'effectifs ont été opérées depuis plusieurs années. La lecture des chiffres les plus récents montre, pour le seul budget 2011, une réduction des effectifs sur le terrain, ce qui signifie moins de personnels permanents et expérimentés. Le taux d'engagement des effectifs sur le terrain – rapport entre le nombre d'heures consacrées aux activités hors des locaux de police et le nombre d'heures totales d'activité – des forces de gendarmerie est de 68 % contre 41,5 % pour la police, appelée à remplir d'autres missions. Il s’agit d’une évolution lourde de conséquences.

À défaut de prévoir des forces de police en nombre suffisant pour prévenir, dissuader et arrêter, il est proposé de généraliser la surveillance de l'espace public. L'autorité administrative pourra placer des dispositifs de vidéosurveillance pratiquement partout sur la voie publique. Les entreprises privées pourront en installer aux abords de leurs établissements. Les préfets pourront surveiller le parcours des manifestations les plus pacifiques.

Plusieurs études montrent que le recours à la vidéosurveillance peut se révéler extrêmement coûteux pour les collectivités locales, avec un résultat plus limité en termes de sécurité locale que celui obtenu avec la présence d'une police intégrée à la vie de la cité.

À bien des égards, les incitations de l'État pour que ces collectivités s'équipent traduisent la volonté de l'État d'externaliser des activités de sécurité relevant de sa compétence initiale et d'en faire supporter le coût de fonctionnement par le contribuable local.

Ainsi, en partant de ce seul exemple, le risque est bien d'avoir un citoyen paisible fictivement protégé, une délinquance mise sous images mais pas dissuadée, un contribuable qui paiera deux fois : une fois pour la police d'État moins présente et une fois pour des caméras censées empêcher une délinquance parfois loin de chez lui.

Ma troisième et dernière observation porte sur le caractère dissuasif, et donc l'efficacité, de l'ensemble des mesures qui sont proposées aujourd'hui. Tout cela sera-t-il efficace ? Tout ce qui est prévu ici permettra-t-il d'améliorer la sérénité et la tranquillité des citoyens et des familles ?

Mme Sandrine Mazetier. Non !

Mme Marietta Karamanli. Ici et ailleurs, on entend dire que seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher ont quelque chose à craindre de la loi. Implicitement, cela voudrait dire que ceux qui critiquent les dispositifs en cause sont des élus veules et coupés des réalités, des laxistes, des mous ou des molles. Je renverserai la question : cette inflation pénale n'est-elle pas de nature à détourner les regards de la faible efficacité de notre système après en avoir dilué les forces ?

Dans le rapport 2010 de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice dépendant du Conseil de l'Europe, il était noté que la France présentait, en 2006, deux particularités. Le nombre de plaintes enregistrées s’élevait à 5,1 millions, et la proportion des affaires classées sans suite était de 70 %. En Allemagne, le nombre de plaintes était également de l’ordre de 5 millions, mais le taux d’affaires classées sans suite était de 26 %. Les chiffres de 2008 montrent que la situation est quasi identique pour la France, avec un taux d’affaires classées sans suite de 68 %, 80 % de celles-ci l’étant au motif que l’auteur de l’infraction reste inconnu. Qu’est-ce qui explique cela ? Un empilement de lois formelles et complexes s'inspirant peu de la réalité du terrain, comme cela a été rappelé ici à plusieurs reprises, la nécessité pour la police et la justice de s'approprier des dispositifs disparates, l'absence d'une bonne coordination de proximité, la priorité donnée à la constatation immédiate et moins à la dissuasion de proximité sont autant d’explications probables au fait que, malgré une inflation de textes, l'efficacité ne progresse plus.

Lao-Tseu, un philosophe du vie siècle avant notre ère, le disait déjà : « Plus les lois se manifestent et plus les voleurs s'accroissent ». C’est le cas aujourd'hui en France.

À son instar, je formule le vœu que, dans notre sagesse collective, nous trouvions la voie de la vertu et de l'efficacité policière, ce qui n'est pas la voie de l'intempérance législative telle que la proposent aujourd'hui votre gouvernement et votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité n'est pas un enjeu électoral dont les journalistes vous demandent s'il doit être placé en première position afin de gagner tel ou tel électorat. C’est une exigence prioritaire de toute société et de tout temps, dans la mesure où l'agressivité est chez l'homme non pas un accident dû aux conditions sociales que l’on pourrait réparer, mais une pulsion naturelle que les conditions sociales peuvent seulement détourner, empêcher ou exacerber. Il n'y a pas de société un tant soit peu développée qui n'ait une criminalité typique.

Lorsque la criminalité évolue de façon anomique, lorsque la violence contre les personnes s'accroît, lorsque certains quartiers échappent au contrôle social, lorsque la délinquance se fait plus jeune, alors il faut trouver des réponses structurées et adaptées. Celles-ci ne peuvent résider dans deux solutions extrêmes. Ce n'est pas l'amélioration des conditions de vie et de travail qui résoudra le problème – c’est toute la question des quartiers de non-droit et de leur lien avec l’économie souterraine, comme le soulignait tout à l'heure M. Raimbourg. L'argent de la délinquance est plus facile et plus abondant que celui du travail. Ce n'est pas non plus le développement des moyens de contrôle et d'investigation qui pourra apporter la solution, même si les chiffres obtenus entre 2002 et 2008 sont bons, avec une baisse de 34 % de la délinquance de proximité et un taux d'élucidation qui passe de 26 à 37 %.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Absolument !

M. Christian Vanneste. Le tout technologique qui prend, c’est vrai, une place importante dans ce texte, est séduisant mais insuffisant. Une solution plus satisfaisante ne peut être fondée que sur une attitude cohérente et continue de toute la société, depuis l'école qui forme jusqu'à la justice qui sanctionne. Ne nous cachons pas la vérité : le fossé qui se creuse entre la police et la justice est dramatique. Sans évoquer les affaires plus lourdes de Grenoble ou de Corbeil-Essonnes, je voudrais juste souligner un fait révélateur : le vol des smartphones est en augmentation, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. La riposte est technique. Muni d'un GPS, l'appareil, et donc son voleur, peuvent être facilement localisés et retrouvés. C’est ainsi que, le 19 novembre dernier, deux voleurs ont été interpellés : deux jeunes récidivistes de seize et dix-sept ans. L'un a fait l'objet d'un rappel à la loi, l'autre d'un classement sans suite. C'est le sénateur-maire de Dijon, cité à plusieurs reprises ici, membre de l'opposition, qui disait récemment : « Il faut que la sanction tombe au premier acte et surtout qu'elle soit appliquée ».

Mme Delphine Batho. Exactement !

M. Christian Vanneste. Manifestement, nous en sommes très loin.

Il y a un niveau pertinent de la mise en œuvre d'une réponse cohérente de la société à la délinquance, c'est celui de la ville, comme l’ont souligné tout à l'heure Mme Barèges et Mme Roig. Techniquement, la police s'en éloigne pour déployer ses moyens sur des agglomérations, avec l'avantage de la mobilité et de la fluidité, mais avec l'inconvénient des distances et de la méconnaissance des territoires et des gens. Le « 17 » ne fonctionne toujours pas dans l'agglomération lilloise, j’en ai encore fait la triste expérience il y a quelques semaines. À Washington, le temps d’attente est de cinq minutes, contre vingt minutes au moins chez nous et on doit expliquer au policier exactement où l’on se trouve alors que, théoriquement, il devrait parfaitement bien connaître le secteur.

Socialement, politiquement, les commissions locales de sécurité et de prévention de la délinquance sont à la bonne échelle pour apporter des réponses lucides et structurées. Je souhaiterais que celles-ci soient encouragées. La police nationale et la gendarmerie doivent, en tant que forces de l'État, se réserver l'emploi de la violence légitime, selon la définition de Max Weber qui a été cité ici à plusieurs reprises. Il faudrait que chacun se souvienne qu’il est dangereux de s’attaquer à un policier ou à un gendarme. Or il semble que cela soit moins présent dans les consciences, ce qui est dommage.

En revanche, les collectivités territoriales devraient être incitées à participer à l'effort de sécurité, comme elles le sont pour la réalisation d'aires d'accueil pour les gens du voyage ou pour la construction de logements sociaux. Elles pourraient ainsi mettre en œuvre, contractuellement avec l'État, des stratégies cohérentes. Celles-ci s'appuieraient en amont sur les dispositifs de vidéoprotection, comme le prévoit la loi, et en aval sur des travaux d'intérêt général. Tout autre intervention, à caractère pédagogique par exemple, pourrait compléter le tableau.

Le renforcement de l'action complémentaire des polices municipales est, bien sûr, aussi essentiel. Mais dissuader et faciliter l'élucidation d'un côté avec la vidéoprotection, participer à la sanction rééducative de l'autre grâce aux travaux d’intérêt général, tels peuvent être les rôles dévolus aux collectivités territoriales. Faute de prisons et dans la conviction que cette solution n'est pas la bonne pour la primo-délinquance, il faut que la sanction tombe dès le premier acte. Les travaux d'intérêt général répondent à cette préoccupation et on ne pourra les mettre en œuvre qu’avec le concours des collectivités territoriales et du monde associatif qui est prêt à le faire. Cela existe de façon assez remarquable dans le Val-d’Oise.

La lutte contre la délinquance ne doit pas être un slogan politique. Ce ne doit pas être un sujet d'affrontement entre les institutions publiques. C'est l'affaire de tous les citoyens, et il faut les encourager à y concourir, chacun à sa place, bien entendu, mais en sachant que la sécurité n’est pas l’affaire des spécialistes, des techniciens ; c’est un aspect essentiel de notre bien commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre, avec l'aide de vos prédécesseurs, vous avez érigé la sécurité des Français en priorité absolue. Les députés Radicaux de gauche, au nom desquels je m’exprime aujourd'hui, pourraient vous rejoindre sur un seul sujet rappelé au demeurant à cette tribune. Il s’agit d’une condition élémentaire de la liberté, et vous l’avez dévoyée.

Comme le disait Baruch Spinoza, l'État est fait pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve son droit naturel d'exister et d'agir. L'inflation législative de textes répressifs relève à ce point du stade de l’acharnement obsessionnel. En matière de sécurité, votre politique du chiffre et du tout répressif a bel et bien échoué et le constat est sans appel : augmentation des actes de violence commis à l’encontre des personnes, notamment les plus vulnérables, explosion du nombre de mineurs mis en cause pour des faits de délinquance – hausse de 120 % en vingt ans –, augmentation des agressions liées au trafic de stupéfiants, réponse pénale inadaptée ou inexistante.

Nos concitoyens éprouvent un sentiment d'insécurité ambiant, y compris dans les zones rurales, et vous en êtes comptable. Huit ans après le premier texte d'orientation et de programmation initié par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, la LOPPSI 2 alimente une surenchère sécuritaire malsaine au détriment de la cohésion nationale, au mépris des libertés individuelles.

Cet énième projet de loi affiche l'ambition de fixer les grandes orientations des forces de l'ordre jusqu'en 2013 afin, à en croire naïvement les propos du rapporteur, « d’assurer la sécurité partout et pour tous ». Derrière les effets d'annonce se cache un micmac législatif à visée électorale, sans perspective ni moyens.

La LOPPSI 2 présente, en effet, tous les symptômes d'un texte juridique illisible, incohérent et stérile. À défaut d'appliquer les lois existantes, vous vous obstinez à renforcer à tout prix l'arsenal répressif pour mieux dissimuler l'échec de votre politique. Il s'agit d'un texte fourre-tout qui va du terrorisme à la délinquance des mineurs, en passant par la cybercriminalité, les délits routiers, la vidéoprotection, les fichiers informatiques ou le trafic de stupéfiants. Il ne correspond en rien à une vraie loi d’orientation et de programmation.

Quant à la performance, il semblerait qu'elle ne soit guidée que par la seule culture du résultat qui conduit policiers et gendarmes à focaliser leurs actions sur des délits bien spécifiques, faute de moyens matériels, technologiques, informatiques et surtout humains.

La loi d'orientation et de programmation votée en 2002 avait au moins le mérite, reconnaissons-le, de prévoir un renforcement des moyens alloués aux commissariats de police et aux brigades de gendarmerie. La LOPPSI 2 anéantit ces efforts et compense la diminution des effectifs par un foisonnement de caméras de surveillance dans les espaces publics, moins coûteux pour l'État puisqu'à la charge des communes.

Une nouvelle fois, sous couvert de révision générale des politiques publiques, l'État se désengage de ses missions régaliennes, préférant le recours aux nouvelles technologies et aux services de sécurité privés. La création du Conseil national des activités de sécurité privées signe un recul du service public et de l'État républicain, pourtant seul à même d'assurer la sécurité de tous, partout, dans le strict respect des libertés individuelles.

De toute évidence, la LOPPSI 2 s'inscrit dans une logique pleinement assumée d'abandon des forces étatiques de sécurité. Lorsqu'ils ne sont pas gelés, les crédits de fonctionnement permettant une présence effective sur l'ensemble du territoire sont clairement insuffisants.

Dans ce contexte de privatisation de la sécurité de nos concitoyens, les risques de dérives sont bien réels. L'actualité nous rapporte quotidiennement des signaux inquiétants et un climat malsain de suspicion s'installe dans notre pays. Faute de protéger nos concitoyens, vous préférez les surveiller.

Conscients que celui qui abandonne la liberté pour gagner la sécurité finira par perdre l'une et l'autre, les députés Radicaux de gauche ne commettront pas l'erreur grossière de confondre l'ordre des valeurs avec celui des priorités.

Le Gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas. Pour cela, il faut avoir les moyens d’appliquer les lois existantes. Aussi, nous n’approuverons pas un texte aussi inutile que néfaste pour l’image de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.

M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, racine même du pacte républicain, la sécurité conditionne le respect des trois grands principes qui le fondent : la liberté, l’égalité et la fraternité.

L’insécurité est toujours réductrice de liberté. Vivre au quotidien avec la peur, pour soi-même ou ceux qui vous sont chers, ce n’est pas vivre libre. Inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la sûreté est la première de nos libertés : liberté d’aller et venir en toute tranquillité, de disposer de ses biens, d’être respecté dans son intégrité et sa dignité.

L’insécurité est également source d’inégalité. Les plus faibles en sont les premières victimes. La loi du plus fort s’impose au détriment de la loi pour tous.

Enfin, l’insécurité détruit l’exigence de fraternité. Le respect de l’autre est le signe d’une société qui se veut fraternelle. La peur des agressions de toutes sortes engendre le repli sur soi et affaiblit l’écoute et l’entraide.

Ainsi, toute atteinte à l’intégrité des personnes et des biens constitue une violation des lois fondamentales de la République. Lorsque ces violations se multiplient, la confiance à l’égard des institutions républicaines s’altère dangereusement.

Ce projet de loi soumis à notre examen en deuxième lecture illustre parfaitement cette ferme volonté et répond clairement et courageusement au défi qui nous est posé.

Ce texte, ambitieux et responsable, les Français en détresse l’attendent ardemment car nous ne voulons pas seulement stabiliser la progression de la délinquance, ni obtenir quelques résultats ponctuels. L’enjeu est bien plus important : il s’agit de casser la délinquance, de faire reculer durablement l’insécurité, car pas un seul centimètre carré de la République ne devrait pouvoir être considéré comme une zone de non-droit. Notre responsabilité est de répondre à l’impudence, aux provocations, à la violence des délinquants. Nous devons nous adapter à ces menaces et accroître l’arsenal législatif.

Ce texte est nécessaire, car, en dépit d’un recul significatif de la délinquance générale, nous observons une recrudescence des atteintes aux personnes.

Ce texte est attendu, car la radicalisation des délinquants appelle une réaction forte et immédiate.

Ce que constatent aujourd’hui nos concitoyens, c’est que les formes de délinquance et de criminalité s’accroissent et se diversifient sans cesse. Nos compatriotes sont désormais bien conscients qu’ils peuvent être, partout et à tout moment, confrontés à l’insécurité, que ce soit dans les lieux publics, sur la route, dans leurs loisirs, et même au sein de leur propre foyer, avec le développement des nouvelles technologies, quotidiennement utilisées par toute la famille.

Or nous assistons à une banalisation de la délinquance qui affecte la vie en société : proxénétisme, trafic de stupéfiants, délinquance des mineurs, délinquance de voie publique, absentéisme scolaire, mendicité agressive, regroupements dans les halls d’immeubles, jets de pierres sur les forces de l’ordre ou sur les sapeurs-pompiers, etc. De telles situations ne doivent plus être acceptées.

Face aux différentes formes de cette délinquance, nous devons être lucides, écarter toute naïveté tout en nous gardant des réactions excessives : ni sur-réaction, ni immobilisme, mais une action cohérente, générale et, surtout, immédiate.

Cette action doit passer inévitablement par la sanction car ne pas sanctionner celui qui enfreint la règle, c’est affaiblir la loi, et affaiblir la loi, c’est aussi affaiblir la République. Toute loi sans sanction est une loi méprisée et donc inutile. Il nous faut donner une nouvelle impulsion, marquer notre volonté d’en finir avec le sentiment d’impunité.

Depuis 2002, beaucoup a été fait pour moderniser la sécurité intérieure, et nous devons nous féliciter que les engagements pris alors par le Président Jacques Chirac et le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, aient été mis en œuvre dans leur intégralité, ce qui prouve la pertinence d’une loi d’orientation dans le domaine de la sécurité intérieure.

Cette politique porte encore ses fruits, mais la délinquance évolue, et c’est ce qui nous rassemble aujourd’hui. Il faut donc constamment adapter le travail des forces de sécurité. C’est ce que vous faites, monsieur le ministre de l’intérieur, en vous appuyant chaque jour sur des policiers et gendarmes disponibles, conscients des risques qu’ils prennent. Ils peuvent être fiers de leur engagement. Nous avons le devoir de les soutenir dans leurs missions quotidiennes de maîtrise de l’ordre public.

Je me félicite donc de la priorité donnée par cette loi d’orientation aux investissements technologiques, à la police technique et scientifique, à la vidéoprotection, à la biométrie et aux fichiers de rapprochements, c’est-à-dire à tous ces outils modernes de lutte contre la délinquance et la criminalité.

La LOPPSI 2 est un texte fondamental, qui définira notre politique de sécurité pour les années à venir et donnera aux forces de l’ordre les moyens et les orientations nécessaires pour faire reculer encore davantage la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung. L’une des parties de votre projet de loi, monsieur le ministre, concerne le permis à points et la sécurité routière, et c’est sur ce thème que je voudrais m’exprimer car il n’a pas tellement été abordé aujourd’hui.

Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dans lequel les victimes de la route seraient non plus les accidentés ou les morts, mais ceux à qui l’on retire des points sur leur permis !

Nous assistons à une véritable inversion des logiques et des valeurs. J’ai pu le constater lors du récent Rallye de France, en Alsace, et pendant le dernier Mondial de l’automobile, à Paris, où l’on a assisté à la mise en scène de la voiture éternelle toute puissante et à l’apologie de la vitesse.

Plus grave encore, l’amendement du Sénat, que certaines associations ont qualifié de honteux, adopté le 10 septembre dernier, réduit les délais nécessaires pour reconstituer les points perdus sur les permis de conduire à la suite d’infractions routières.

Un tel amendement va à rencontre de toute politique de sécurité routière. Il est d’autant moins justifié qu’il ne concerne en réalité qu’une infime minorité de conducteurs ayant vu leur permis invalidé après avoir commis plusieurs infractions graves et mis en danger la vie d’autrui, car il n’y a pas de « petites infractions », comme l’ont souligné à juste titre nos collègues Dominique Raimbourg et Lionel Tardy en commission.

Lors du conseil restreint de la sécurité routière du 21 décembre 2007, le Président de la République a énoncé un objectif ambitieux et unanimement salué : passer sous la barre des 3 000 morts sur les routes d’ici à 2012. En tant que co-président du groupe d’études sur la sécurité routière à l’Assemblée nationale, j’ai interpellé par écrit Nicolas Sarkozy le 23 octobre 2009 pour insister sur la nécessité de poursuivre et d’accentuer les efforts en matière de sécurité routière.

En effet, le moment est peut-être venu de mettre en place des mesures nouvelles et innovantes pour inverser cette tendance dramatique et tenir l’objectif fixé en 2007. Les actions de prévention et de sensibilisation des usagers de la route ne suffisent plus. C’est la raison pour laquelle j’ai formulé quelques axes de réflexion, mais je n’ai malheureusement pas eu de réponse officielle, ni de la part de l’Élysée ni de la vôtre, monsieur le ministre.

Il faudrait ainsi expérimenter les limiteurs de vitesse et notamment les limiteurs intelligents, mettre en place un système national d’alerte en cas de recrudescence du nombre de tués sur les routes, notamment dans certaines circonstances et à certaines périodes de l’année, renforcer les pouvoirs et les moyens d’action de la délégation interministérielle à la sécurité routière en la dotant d’un statut juridique et moral plus ambitieux.

J’aimerais vous soumettre d’autres pistes de réflexion à approfondir, notamment la mise en place systématique des boîtes noires dans les voitures – nous saurons ainsi que la vitesse est la première cause de tous les accidents de la route –, l’interdiction totale de tous les gadgets dans l’habitacle des véhicules, la généralisation de l’affichage numérique de la vitesse sur le tableau de bord pour remplacer les aiguilles, qui sont plus difficiles à lire, l’allumage obligatoire des feux pendant la journée, l’essai ayant avorté à la suite de pressions.

À la place de ces différentes pistes, vous nous proposez une réforme à la baisse du permis à points, ce que je ne peux pas accepter. Depuis que je suis parlementaire, je n’ai jamais assisté à un tel déferlement de lobbies opposés au permis à points qui est pourtant l’un des piliers de la sécurité routière, avec le port obligatoire de la ceinture de sécurité.

Je voudrais simplement vous signaler également l’existence, à travers tout le pays, de comités de victimes de la route, qui se radicalisent et réclament justice pour toutes les victimes de la route. Ces comités déplorent que les personnes responsables d’accidents de la route ayant fait une ou plusieurs victimes ne soient pas plus sévèrement jugés. Je vous laisse le soin de leur répondre.

La route est encore longue pour une route plus sûre. Ne remettons pas en cause des acquis importants en matière de sécurité routière ! Ne sacrifions pas le permis à points sur l’autel des promesses électorales et des lobbies ! Monsieur le ministre, ne touchez pas au permis à points, c’est l’un des socles de notre sécurité sur la route ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Bernard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. La sécurité, nous le savons tous, tient bien sûr une place prépondérante dans les préoccupations majeures de nos concitoyens.

Je l’ai déjà affirmé en première lecture, monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez apporte des réponses concrètes. Pour autant, je voudrais appeler votre attention sur deux sujets.

Le premier est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans notre pays : l’usurpation d’identité. Chaque année, en France, plus de 210 000 Français seraient confrontés à cette criminalité discrète, qui connaît une croissance de plus de 40 % par an. C’est un phénomène plus important que les cambriolages à domicile et que les vols d’automobile. Pourtant, il n’existe pas de législation spécifique pour lutter contre ces actes malveillants et souvent très traumatisants pour les victimes. Le coût global pour la société est très élevé. On évoque un total de presque 4 milliards d’euros.

Dans l’article 2 de votre projet de loi, vous aviez prévu de créer une infraction relative à l’usurpation d’identité numérique face au développement du phénomène du hacking. Il s’agissait d’une initiative particulièrement intéressante qui, depuis, a été élargie. Il semblait en effet nécessaire de ne pas se limiter aux usurpations d’identité numérique puisqu’elles ne représentent qu’une partie infime des faits d’usurpation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser à l’heure du net, le principal vecteur d’usurpation est encore le document papier.

C’est pourquoi, lors de la discussion du projet de loi en séance publique, notre assemblée avait apporté quelques précisions à la rédaction de cet article, et vous aviez été favorable à notre proposition d’élargir le champ de ce nouveau délit à l’ensemble des hypothèses de la vie quotidienne dans lesquelles l’identité d’une personne peut être usurpée afin de porter atteinte à sa tranquillité, à celle d’autrui, à son honneur ou à sa considération.

Le Sénat, à l’initiative de sa commission des lois, a apporté une série de modifications à la rédaction de l’article 2 du projet de loi.

La commission a tout d’abord adopté un amendement tendant à insérer le nouveau délit non pas dans la partie du code pénal consacrée aux violences aux personnes, mais dans celle consacrée aux atteintes à la personnalité et à la vie privée. Le dispositif se trouve donc désormais inséré dans un nouvel article 226-4-1, à la suite des dispositions relatives à l’introduction ou au maintien dans le domicile d’autrui.

La commission a en outre adopté un amendement tendant à substituer le terme d’« usurper » à ceux de « faire usage » d’un nom ou de données personnelles afin que soit levée toute ambiguïté dans la caractérisation de l’infraction. Je comprends les préoccupations des uns et des autres au sujet d’internet : il ne s’agit pas d’incriminer la simple citation d’un nom sur un blog, qui peut d’ailleurs être poursuivie sur le chef de la diffamation.

Ces modifications renforcent incontestablement la lisibilité et la cohérence de l’incrimination nouvelle, dont le champ d’application n’est pas limité aux communications électroniques.

Monsieur le ministre, la performance de la sécurité intérieure passe aussi par une condamnation des délits : l’usurpation d’identité doit être reconnue pour pouvoir être sanctionnée.

Je voudrais également appeler votre attention sur la rectification d’actes d’état civil à la suite d’une usurpation d’identité, article introduit par le Sénat en séance publique. Cet article modifiait l’article 99 du code civil relatif aux rectifications des actes d’état civil. En l’état actuel du droit, l’article 99 dispose que ces rectifications sont ordonnées par le président du tribunal de grande instance.

Nos collègues sénateurs avaient envisagé que le procureur puisse saisir d’office le président du tribunal afin de rectifier l’acte d’état civil lorsqu’il était établi que sa rédaction résultait d’une usurpation.

Cette modification semblait à première vue combler un vide juridique, notre droit ne permettant pas d’obtenir automatiquement la restauration de l’intégrité de l’état civil des personnes victimes d’une usurpation.

Vous avez, monsieur le ministre, mis en place, au mois de mai dernier, une mission sur l’usurpation d’identité conjointe avec le ministère de la justice, dont les travaux devaient être remis avant la fin de l’année. Cela tombe bien, nous sommes à la mi-décembre, et il serait souhaitable que nous ayons connaissance de l’état d’avancement des travaux de cette mission dans le cadre de notre discussion. C’est d’ailleurs le sens de la réflexion de notre rapporteur, dont je salue la grande sagesse, qui a considéré à juste titre qu’avant de légiférer sur ce point, il convenait d’examiner l’état de ces travaux.

Je me permets donc d’insister, monsieur le ministre, sur le fait qu’il serait bon que nous sachions où en est ce fameux groupe de travail commun, et que vous puissiez voir comment donner réparation aux victimes qui ont encore sur leur état civil mention de l’usurpation. Je pense notamment au cas d’une femme qui n’a jamais été mariée, dont un mariage figure pourtant sur son état civil à la suite d’une usurpation et qui n’arrive pas à faire effacer ce mariage.

Un autre point qui me tient particulièrement à cœur concerne l’économie photographique de notre pays. On me dira que la distance entre l’économie photographique et la sécurité intérieure est grande. Or la loi de finances rectificative pour 2008 avait introduit la faculté pour les maires de communes équipées d’une station pour l’établissement de passeports biométriques, de renoncer au recueil de l’image numérisée du visage dans leur mairie, pour soutenir la réalisation de ces photos par les professionnels.

Je rappelle qu’il y a, dans notre pays, 9 000 professionnels de la photographie. Or la prise de vue de photographies d’identité en mairie a eu pour effet de créer les conditions d’une concurrence que la présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales se permet de qualifier de quelque peu déloyale. Les conséquences ne se sont d’ailleurs pas fait attendre puisqu’un certain nombre d’artisans photographes ont été conduits à licencier, d’autres à fermer leur exploitation. En outre, des industriels ont connu une baisse extrêmement importante de leur chiffre d’affaires.

Certains l’ont dit avant moi, et la formule est jolie : la photographie d’identité n’est pas une activité régalienne. Je crois que tout le monde en est convaincu dans cet hémicycle. Je sais, monsieur le ministre, que vous travaillez avec vos équipes pour trouver une solution à ce problème. Il faut rappeler que, sur les 2 000 maires de communes équipées de stations biométriques, 1 000 ont déjà annoncé qu’ils renonçaient au recueil de l’image en mairie pour soutenir l’activité des photographes. Avec Valérie Boyer, nous sommes un certain nombre à avoir signé un amendement ; nous pouvons aller encore plus loin, en le rectifiant ou en le sous-amendant.

Je tiens pour ma part à réaffirmer ma volonté que notre pays adopte, à l’instar d’autres États de l’Union européenne, un système de remise de photographies papier, qui fonctionne parfaitement, en établissant bien sûr des normes de sécurité et en intégrant les éléments biométriques nécessaires, afin que les passeports et autres documents de voyage présentent toutes les garanties de sécurité et que nous puissions en même temps maintenir une activité économique importante. C’est une mesure de bon sens sur laquelle nous pouvons nous retrouver facilement.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur mon soutien sur l’ensemble de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord une petite parenthèse sur un débat qui a lieu en ce moment dans notre pays, concernant la pratique de la religion musulmane. La vraie question posée aujourd’hui – nous devrions les uns et les autres être d’accord sur ce point –, c’est qu’il n’y a pas assez de lieux de culte pour les Musulmans qui veulent pratiquer leur religion en toute liberté. Et s’il se présente aujourd’hui des difficultés, si des gens sont obligés de prier dans la rue, c’est parce que des mobilisations permanentes empêchent les collectivités locales de mettre en place des lieux de culte. Je suis élu d’un département où, chaque fois qu’une municipalité, en discussion avec les organisations cultuelles, a voulu ouvrir un tel lieu de culte, ceux qui dénoncent aujourd’hui cette « occupation » ont, à travers des pétitions, des délégations, des plaintes devant le tribunal administratif, organisé la mobilisation pour empêcher l’ouverture de ces lieux.

Je referme cette parenthèse, mais dans le combat que nous devons mener contre la montée de l’extrémisme, plutôt que de convoquer l’histoire, il faut rappeler ces vérités.

J’en viens à la discussion en deuxième lecture de ce projet de loi d’orientation sur la sécurité intérieure. Beaucoup d’arguments ont été avancés par mes collègues socialistes, de manière récurrente, avec conviction, sérieux, et, contrairement à ce qui a été affirmé à cette tribune, sans exagération.

Mme Brigitte Barèges. Vous n’avez pas entendu M. Mamère !

M. Julien Dray. Monsieur le ministre, il y a quasiment huit ans jour pour jour – vous n’étiez pas sur ces bancs –, j’étais monté à cette tribune au nom du groupe socialiste, devant un éminent ministre de l’intérieur. En conformité avec nos interventions, nous avions, contrairement à ce que vous avez dit ici, voté l’article 2 de la première loi d’orientation pour la sécurité intérieure.

Mme Delphine Batho. Absolument !

M. Julien Dray. À l’époque, les propos que nous tenions étaient explicites. Nous ne souhaitions pas votre échec, et nous allions jusqu’à dire que, même si cela pouvait être d’un certain point de vue contraire à nos intérêts politiques, le souhait que nous pouvions exprimer pour nos concitoyens, c’était que cette loi soit une réussite et permette de juguler la montée de la violence qui avait tant marqué la société française, notamment dans la campagne présidentielle de 2002.

On ne peut donc pas dire, comme l’ont fait certains orateurs de la majorité, que nous sommes systématiquement contre, violemment contre. Au contraire, nous avions – reconnaissez-le –, dans un moment particulièrement difficile, après notre défaite aux élections présidentielles, pris nos responsabilités. Et c’est parce que nous avons pris nos responsabilités en 2002 – vous pouvez relire les numéros du Journal officiel qui rendent compte de nos interventions – que nous avons été attentifs à la manière dont vous mettiez en place votre politique de sécurité et de lutte contre la montée de la violence. Nous sommes donc aussi en droit, au moment où vous nous demandez de voter une seconde loi d’orientation, de dresser le bilan de ce qui s’est passé.

Ce qui s’est passé, nous en avons un concentré depuis quelques jours. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous ayez de mauvaises intentions : lorsque vous défendez, contre vous-même, des policiers qui ont commis des fautes inadmissibles du point de vue de la République, vous êtes amené à le faire parce que la situation devient terrible dans certains quartiers et départements et que les policiers, qui sont en première ligne dans ce combat, n’en peuvent plus, à cause de la détérioration du rapport avec la population et avec des bandes qui ont gangrené la vie de nos quartiers. Vous savez que ces quartiers sont dans un état de violence terrible, qui amène les policiers, pour beaucoup d’entre eux, à considérer que finalement il n’y a plus de lois et que l’on peut donc faire n’importe quoi.

Vous connaissez cette situation. Or elle est le fruit de la politique que vous menez depuis huit ans. Les choses ont évolué dans le mauvais sens. Ce qui s’est passé à Grenoble est également significatif.

En premier lieu – malheureusement, nous avons perdu beaucoup de temps –, vous avez fusionné la DST avec les renseignements généraux. Cela s’est fait au détriment du travail remarquable qui avait été accompli à l’époque par les renseignements généraux pour avoir un minimum d’informations sur ce qui se passait dans les quartiers. Vous êtes aujourd’hui à l’aveugle, vous ne savez plus ce qu’est la réalité dans ces quartiers, et vous ne la découvrez que lorsque la situation est au bord de l’explosion ou lorsqu’il y a explosion.

De même, vous abandonnez la présence d’une police de terrain, qui maîtrise son terrain, au profit d’une police d’intervention extérieure à ces quartiers. Les brigades anti-criminalité, les compagnies de CRS interviennent sans connaître le terrain. C’est aussi ce qui accroît la dégradation des rapports entre la police et la population. Nous avons entendu le témoignage de ces jeunes qui ne sont pas des voyous et qui sont trop souvent maltraités par la police qui, ne connaissant pas le terrain, ne connaissant pas la population, prend tout jeune avec une capuche pour un délinquant.

Je pourrais aussi aborder la question de la lutte contre le trafic de stupéfiants, car il faudra bien, un jour ou l’autre, se poser la question de l’efficacité des dispositifs que nous mettons en place et qui, au fond, ne conduisent qu’à l’échec, car il y a aujourd’hui explosion du trafic de stupéfiants et de ce que cela représente, à savoir des bandes mafieuses disposant désormais de capacités financières pour s’armer et se livrer à de véritables guerres de territoires. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Vous nous dites que nous ne faisons pas de propositions, mais ce n’est pas vrai. Nous proposons, sans naïveté ou angélisme, de dégager des moyens pour nous concentrer là où la violence est la plus forte, c’est-à-dire dans certains quartiers, de créer des polices adaptées à ces dispositifs, des polices judiciaires de quartier qui puissent faire tomber les réseaux de délinquants, de mettre en place une véritable chaîne, de la justice à la police en passant par les élus et les travailleurs sociaux, qui permette que, dans chaque quartier, se constitue une cellule gérant au cas par cas toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Je pourrais égrener toutes les autres solutions que nous proposons. Tout cela n’est évidemment pas présent dans votre projet de loi d’orientation. Comme l’ont d’ailleurs rappelé les précédents orateurs, vous avez abandonné toute programmation budgétaire et ne donnez plus aucun chiffre.

En conclusion, nous avions toutes les raisons, en 2002, de vous donner les moyens d’agir efficacement. Nous avons toutes les raisons aujourd’hui, en 2010, de ne pas voter votre projet de loi d’orientation et d’appeler à un changement de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Barèges. Quelle politique ?

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, il y a trois semaines, je prenais la parole dans cet hémicycle pour vous poser une question, suite au drame s’étant produit à Marseille dans le treizième arrondissement, dans la cité « Le Clos » à la Rose, au cœur de ma circonscription. J’ai dénoncé ce nouveau règlement de compte à l’arme de guerre qui a coûté la vie à un jeune garçon de seize ans et blessé grièvement un enfant de onze ans, tout cela sur fond de trafic de drogue.

Cette manifestation de violence dans nos quartiers est parfaitement inacceptable, surtout lorsqu’elle touche des mineurs. Il s’agit de la deuxième victime mineure dans le treizième arrondissement de Marseille, et il y a eu depuis le début de l’année douze décès et seize blessés sur fond de règlement de compte dans notre ville.

Le Gouvernement a immédiatement réagi et votre venue à Marseille dès le dimanche après-midi, monsieur le ministre, a permis de tirer toutes les conséquences de cette escalade de la violence dans nos quartiers. Vous avez pris les décisions urgentes qui s’imposaient afin que la cité phocéenne ne se transforme pas en zone de non-droit, livrée aux mains des trafiquants de drogue, et je vous en remercie.

Comme nous le demandons depuis plusieurs années, la police nationale a besoin d’être confortée pour assurer correctement sa mission régalienne, à Marseille et ailleurs, car Marseille n’est malheureusement pas la seule ville concernée par ces violences.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous ai demandé que, dans votre ville et sur l’ensemble du territoire, la police et la gendarmerie disposent de moyens pérennes pour travailler efficacement et arrêter cette violence.

Les réponses, nous pourrons les avoir avec le vote de ce projet de loi qui s’adapte aux nouvelles formes de délinquance. Je me félicite des mesures qui vont être prises, comme, par exemple, des moyens financiers supplémentaires – 2,5 milliards d’euros sur la période 2009-2013 –, l’utilisation des technologies dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance, le développement de la vidéoprotection, la lutte contre la cybercriminalité, l’intelligence économique, la lutte contre la violence routière, l’extension des pouvoirs de la police d’agglomération. Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Elles suscitent énormément d’espoir et d’attentes dans notre population.

Mais la sécurité est l’affaire de tous, et je souhaite dire un mot très bref, mais que je considère très important, sur l’implication d’autres acteurs dans ce domaine. Je veux notamment parler de tout ce que nous faisons dans le cadre de la politique de la ville et de tout le travail réalisé dans l’ombre par les travailleurs sociaux, travail qui compte énormément pour prévenir toute cette violence.

Le deuxième sujet que je souhaite aborder concerne l’utilisation des nouvelles technologies. J’évoquerai, comme vient de le faire brillamment ma collègue Catherine Vautrin, le recueil de l’image numérisée du visage par les photographes professionnels.

Comme cela vient d’être excellemment rappelé, le Sénat avait introduit un article 12 A précisant que les photographies d’identité nécessaires à l’établissement de l’ensemble des titres d’identité sont réalisées par un photographe et non par une mairie.

Lors des travaux que j’ai pu conduire dans le domaine de la santé, notamment sur les troubles du comportement alimentaire, j’ai été au contact des professionnels de la photographie qui m’ont sensibilisée à de nombreux problèmes, parmi lesquels celui du recueil de la photographie d’identité. Le recueil de la photo d’identité est fondamental pour assurer la survie des photographes, la pérennisation de leur travail, alors que leur profession est aujourd’hui extrêmement menacée.

L’article 104 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008 a introduit la faculté pour les mairies équipées d’une station pour l’établissement de passeports biométriques de renoncer au recueil de l’image numérisée du visage afin de soutenir le maintien d’une économie photographique en France et de sauver ainsi les emplois de 9 000 professionnels de la photographie. C’est donc un sujet éminemment important à la fois pour la profession et pour l’animation de nos rues et de nos villages. C’est la raison pour laquelle nous l’examinons dans le cadre de la LOPPSI 2.

En effet, la prise de vue de photographies d’identité en mairie, instituée par le code général des collectivités territoriales et les dispositions du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, a eu pour effet de créer les conditions d’une concurrence que Mme Vautrin vient de qualifier de déloyale à l’encontre des professionnels, qu’ils soient photographes commerçants ou industriels, comme l’un des fleurons de notre industrie, la société Photomaton, dernière entreprise française de la photographie, dont le marché de l’identité représente 80 % du chiffre d’affaires. La création d’un monopole de fait de l’État sur le secteur de la photo d’identité est avérée. La mesure de son impact économique et social montre que les 9 000 emplois, ceux des photographes artisans-commerçants comme ceux des salariés, sont menacés dans les mêmes proportions. Déjà plus de 300  magasins ont fermé et les industriels ont commencé à licencier.

Les usagers ont subi directement ou indirectement cet état de fait en raison de l’incapacité de certaines collectivités à gérer l’afflux de demandes ou à photographier des publics particuliers tels que les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les personnes qui portent différents couvre-chefs pour divers motifs.

La photo d’identité ne peut être considérée comme une activité régalienne, et un tel monopole se justifie encore moins en l’absence de carence du secteur privé. Les professionnels de la photographie, qu’ils soient commerçants, fabricants ou exploitants de cabines automatiques de photographie d’identité, savent répondre aux besoins du marché. Ils ont investi plusieurs millions, sans soutien, pour répondre aux nouvelles normes en matière de photographies d’identité, et n’ont reçu aucune réparation de l’État. Je rappelle qu’ils peuvent devenir des professionnels agréés pour la prise de vue de photographies d’identité ou demeurer des professionnels classiques pour effectuer la même activité.

Sur les 2 000 maires de communes équipées de stations biométriques, 1 000 ont d’ores et déjà renoncé au recueil de l’image en mairie, notamment pour soutenir l’activité des professionnels de la photo. Je souhaite que les 1 000 autres maires concernés renoncent à prendre des photos car, comme l’a dit le sénateur Michel Houel, qui a soutenu un amendement à ce sujet : « Les maires n’ont pas vocation à être des photographes ».

M. Daniel Boisserie. Très juste !

Mme Valérie Boyer. Je vous remercie de cette remarque, monsieur Boisserie. Il est vrai que cette affirmation est transcourant.

Cependant, pour éviter qu’à terme l’article 104 puisse introduire un système à deux vitesses pour les usagers, avec le risque de créer une rupture de l’égalité de traitement des administrés selon qu’il s’agit ou non d’une commune ayant notifié son refus de procéder au recueil des images, il nous appartient de généraliser un dispositif permettant le recueil de l’image numérisée du visage par les professionnels de la photographie pour l’ensemble des documents sécurisés. C’est l’objet d’un amendement que je défendrai. En cela, nous rejoindrions de nombreux pays de l’Union européenne tels que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Luxembourg ou l’Allemagne. Nous pourrions aussi adopter un système de remise de photographies papier qui fonctionne parfaitement, dans le cadre de l’application du règlement européen de décembre 2004 qui établit des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les documents de voyage délivrés par les États membres. Serait ainsi respecté le droit au travail d’une profession entière tout en garantissant aux citoyens, sur l’ensemble du territoire, la qualité d’un service numérisé. Plus de soixante de mes collègues soutiennent cet amendement ; toute une profession est en attente d’une solution qui lui permettrait de continuer à travailler dans de bonnes conditions.

En conclusion, je tiens, monsieur le ministre, à vous apporter mon soutien sur l’ensemble du texte, qui est à mes yeux un bon projet de loi, mais je soutiendrai la profession de photographe et je vous remercie de faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure tandis que nos concitoyens souhaitent que soit amplifiée la lutte contre la délinquance conduite par notre majorité. Si nous ne devons pas trop souvent légiférer sur le fond dans un domaine qui demande du temps pour obtenir des résultats, chacun sait néanmoins que les moyens mis en œuvre doivent être, eux, réactualisés en permanence car la délinquance n’est pas statique, elle nous concerne tous et frappe toutes les zones du territoire.

L’adaptation à l’évolution de la criminalité doit donc être effective et réactive. Ainsi, le contexte a changé depuis la première lecture en février : le discours du Président de la République à Grenoble a marqué les esprits et les objectifs de lutte contre les atteintes faites aux personnes dépositaires de l’autorité publique se devaient d’être renforcés. S’en prendre à des policiers n’est pas un acte gratuit et il faut que la sanction encourue soit dissuasive ! Il convient de soutenir les policiers, qui doivent faire face à une délinquance de plus en plus violente, à des agressions de plus en plus dures, y compris à l’arme lourde. Pour preuve un cambriolage extrêmement violent, à l’explosif, d’une banque à Aulnay-sous-Bois, dans ma circonscription, en pleine rue commerçante, s’est déroulé cet après-midi ! Un employé a été gravement blessé par l’explosion de la porte blindée d’un distributeur de billets, et des tirs de kalachnikov ont visé des policiers de la BAC, sans toutefois les toucher grâce à un dos-d’âne, heureusement bien placé sur la chaussée, qui a déséquilibré le tireur. Sans cela, l’évènement aurait encore été beaucoup plus grave. Comme vous, monsieur le ministre, je me suis rendu sur place dès que j’ai eu connaissance de ces faits graves : j’ai pu constater la violence de l’évènement et l’état de choc des habitants, qui sont mes voisins puisque ce cambriolage s’est passé à une centaine de mètres de chez moi.

Dans notre département de Seine-Saint-Denis, votre action, monsieur le ministre, couplée à celle d’un préfet dynamique et efficace, fait bien plus pour la sécurité du territoire que les discours ampoulés de certains élus ou de certains responsables politiques. Vous avez indiqué que 7 000 halls d’immeubles ont été réinvestis en Seine-Saint-Denis, et que d’importantes saisies de drogues y ont été réalisées. C’est vrai, et cela se sent déjà sur le terrain, au grand dam des voyous.

Ce texte contient de nouvelles avancées significatives, notamment en matière de cybercrimimalité, et pour le renforcement de la vidéoprotection. En cette période de risques d’attentats dans notre pays, la vidéoprotection est un outil indispensable, nul ne peut le contester.

Mme Brigitte Barèges. C’est vrai !

M. Gérard Gaudron. Il faut combler le retard pris dans ce domaine par rapport à d’autres pays et accélérer la coopération État-communes.

En ce qui concerne le suivi des affaires, la procédure de comparution immédiate que nous préconisons pour les mineurs délinquants vise à ce que la sanction intervienne au plus près de l’acte délictuel commis. Certains mineurs ne sont en effet jugés que plus d’un an après avoir commis les faits qui leur sont reprochés, ce qui n’est bon ni pour la lutte contre la récidive ni pour l’exemple.

Enfin, pour ce qui est de la sécurité routière, nous ne soutenons aucunement les délinquants de la route. Nous souhaitons simplement aménager le dispositif des retraits de points pour des conducteurs qui ne sont pas des délinquants, et éviter ainsi que de nombreuses personnes roulent sans permis ! Ce sont des mesures de bon sens qui peuvent parfaitement jouer leur rôle pédagogique. Les amendements proposés à cet effet sont donc équilibrés et attendus par nombre de nos concitoyens qui ont trop souvent l’impression d’être rackettés plutôt qu’autre chose.

Monsieur le ministre, le Gouvernement et notre majorité se sont engagés auprès de nos concitoyens pour leur assurer tranquillité et sécurité sur l’ensemble du territoire national. C’est notre mission. Ce projet de loi va dans le bon sens et recueille donc mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Quelques mots, qui d’ailleurs s’adressent non pas particulièrement à vous, monsieur le ministre, ou à vous, monsieur le rapporteur, mais à tous ceux de mes collègues qui pourraient être tentés de toucher au permis à points. À la suite de l’intervention d’Armand Jung, je vous le dis : ne touchez pas au permis à points, ce serait une erreur grave !

Le permis à points résulte d’une politique qui a été d’abord menée par la gauche à partir de 1992, puis par la droite à partir de 2002, la pose des radars datant de novembre 2003. Cette politique est très difficile à mener, mais c’est une bonne politique. Grâce à elle, nous avons économisé de nombreuses vies, près de 12 000 chaque année puisque nous sommes passés de 16 000 morts par an dans les années 70 à 4 000 environ, avec l’objectif ambitieux, que nous pouvons tous partager, de descendre en dessous de la barre des 3 000. Quelques chiffres : en 2009, il a été constaté 3 918 935 infractions commises par des hommes et 2 008 997 infractions commises par des femmes. Les femmes sont moins accidentogènes et moins « infractrices » que les hommes.

Mme Brigitte Barèges. Elles n’ont que des qualités ! (Sourires.)

M. Dominique Raimbourg. Ces infractions ont donné lieu à des retraits de 6 500 000 points pour les hommes et de 2 700 000 pour les femmes. Le nombre de permis ayant perdu tous leurs points a été de 84 359 pour les hommes et – vous apprécierez la performance – de seulement 7 764 pour les femmes.

Mme Brigitte Barèges. Elles sont formidables !

M. Dominique Raimbourg. On peut le dire ainsi, ma chère collègue. Elles sont effectivement moins dangereuses.

En conséquence, il ne faut pas croire que des conducteurs normaux perdent tous leurs points. Ceux qui perdent tous leurs points sont des gens qui ont commis des infractions à répétition, et qui sont dangereux. Mais il ne faut pas tomber dans le piège de la distinction entre chauffards et petites infractions. Les chauffards doivent être poursuivis, mais il n’y a pas de petites infractions parce qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre la taille de l’infraction et la taille du dommage : à partir d’une toute petite infraction – un clignotant oublié, un léger excès de vitesse –, on peut parfaitement tuer son prochain, avec toutes les conséquences dramatiques qui s’ensuivent, évidemment pour celui qui est mort et pour sa famille, mais aussi pour celui qui a tué et qui va porter cette charge pendant des années. Ne nous laissons donc pas emporter par une analyse erronée. La proposition qui visait à aménager le permis à points avait pour objet de créer « une semi-tolérance pour les petites infractions au code de la route ». Or il ne doit pas y avoir de semi-tolérance parce qu’il n’y a pas de petites infractions dans ce domaine. Je peux parfaitement comprendre qu’individuellement, le conducteur qui a le sentiment que rien de dangereux ne s’est passé, soit horriblement agacé de risquer de perdre des points, mais c’est précisément cette crainte qui est utile parce qu’elle freine l’excès de vitesse, ce danger.

Je vous le dis donc, mes chers collègues : n’adoptez pas la position qui vise à aménager le permis à points ! Ce serait un signal en direction de ceux qui voudraient aller un peu plus vite, y compris des gens tout à fait charmants, qui ne sont pas des délinquants mais qui le deviendraient après avoir commis une erreur de conduite. Il n’y a pas des méchants qu’il faudrait débusquer et une armée de gentils qui devraient être protégés. Dès l’instant où l’on monte dans une voiture, il y a un danger potentiel parce que la conduite automobile est en soi relativement dangereuse ; se déplacer au volant d’un engin qui pèse une à deux tonnes, c’est forcément dangereux. En conséquence, la pression qu’ont exercée à la fois le permis à points et la répression par les radars doit être maintenue parce qu’elle est socialement utile. Il ne faut pas y toucher.

Je vous demande donc de ne pas toucher au permis à points et de conserver dans ce domaine la législation telle qu’elle est, malgré toutes les sirènes qui essayent de vous faire succomber. Ne succombons pas et maintenons cette politique publique qui a su faire la preuve de son efficacité !

M. Jean-Louis Bernard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte de loi, par son intitulé, nous fixe d’emblée ses objectifs : la performance de la sécurité intérieure.

Ce projet a le mérite de comporter deux dimensions importantes et complémentaires, nécessaires à la bonne application d’une réglementation.

L’une est technique : pour être performant et en adéquation avec les évolutions de la société actuelle, il faut allier les nouvelles technologies aux nouvelles menaces et craintes existantes.

L’autre dimension, essentielle pour un texte affichant une telle ambition sécuritaire, est plus humaine et plus sociale, et elle permet de prendre en considération les diverses attentes des différentes générations. C’est sur ce dernier aspect que je souhaite orienter mes propos.

Comme nous l’a rappelé le Premier ministre lors de son discours de politique générale le 24 novembre, le défi de sécurité est non seulement policier, judiciaire, éducatif et familial, mais aussi moral. C’est l’engagement de toute une chaîne de responsabilités, de civisme, de respect mutuel qu’ensemble nous devons retendre.

C’est dans cette optique que les jurys populaires sont remis à l’ordre du jour dans le domaine de la justice. Il est évident que l’insertion des citoyens dans le système judiciaire renforcerait inévitablement le lien entre le peuple souverain et sa justice pénale. Les citoyens se reconnaissant toujours mieux dans la justice, cela éviterait une sorte de rupture entre le pays légal et le pays réel.

Dans ce même esprit d’alliance, de rapprochement, de responsabilisation des individus, je proposerai prochainement une loi visant à l’instauration en droit français d’un système de protection inspiré d’un concept anglo-saxon dit du neighbourhood watch. J’ai d’ores et déjà fait part de cette idée au ministre par le biais d’une question écrite et d’une question orale. Je souhaite ardemment, à présent, que cette initiative se concrétise réellement.

Cela repose sur l’organisation d’un partenariat entre les autorités de police et les habitants : les voisins exercent une surveillance dans leur quartier et contribuent ainsi à l’amélioration de la prévention et à la lutte contre la délinquance. De tels systèmes déjà mis en place aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni ainsi qu’en Italie ont donné la mesure de leur efficacité.

La gendarmerie nationale expérimente depuis quelque temps un dispositif analogue à celui-ci dans certaines communes des Alpes-Maritimes, du Loir-et-Cher, de l’Allier, du Nord, de la Drôme et de l’Hérault.

Il est nécessaire de renforcer la participation des habitants à la vie locale et, plus particulièrement, à la prévention de la délinquance. Ce renforcement est déjà amorcé par la création du service volontaire citoyen de la police nationale. Il conviendrait également de le mettre en œuvre au niveau communal.

La création de ces comités citoyens de veille incarne les valeurs du « vivre ensemble » que sont la solidarité, l’altruisme et l’émergence d’une certaine conscience citoyenne. Ces qualités et vertus républicaines sont à promouvoir et à développer, notamment dans le contexte actuel de crise et, surtout, d’individualisation de la société.

Intéressons, impliquons et associons l’ensemble des acteurs afin de concourir à la prévention de la délinquance. Il ne faut pas laisser les délinquants s’approprier des territoires ou des citoyens aspirent à vivre tranquillement et en sécurité.

Tout comme l’est un jury populaire, un comité citoyen de surveillance est à l’image des droits mais aussi des devoirs des citoyens. Il est à même d’accompagner certaines mutations de la société et d’endiguer les dérives sociétales, non pas par trahison, par dénonciation ou par délation – un fait pouvant être répréhensible –, mais en prévenant les services de police de dangers potentiels dans son quartier. Il s’agit d’un système d’alerte de proximité.

Néanmoins, je le répète, l’humain demeure au centre de ce dispositif qui ne constituera nullement une menace pour les libertés des citoyens mais sera un moyen efficace d’assurer leur protection et leur sécurité. Aussi, constitue-t-il un dispositif de dissuasion qui contribuera incontestablement à diminuer de manière significative le nombre de délits.

La vidéoprotection, autre volet de la LOPPSI, ne doit pas être négligée dans la performance de la sécurité intérieure. Elle est à distinguer de la vidéosurveillance puisque son objet premier n’est nullement la surveillance pure et simple des faits et gestes des personnes, mais la prévention et la protection.

Dans ma commune de Villemomble, peuplée d’un peu plus de 28 000 habitants, nous avons installé, après un diagnostic établi en partenariat avec la police, les établissements scolaires et les services communaux, dix-neuf points de vidéoprotection dotés de trente-deux caméras sur un territoire de quatre kilomètres carrés.

Il est indéniable que ce genre de technicité dans une commune rassure et apaise les populations mais aussi, il ne faut pas l’oublier, facilite le travail des services de la police nationale.

Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je paraphraserai une fois de plus le discours introductif du Premier ministre : le vrai courage de l’action est plus protecteur que la fausse quiétude de l’inaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, dernier orateur inscrit.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, nombre d’orateurs l’ont relevé avant moi : vous êtes bien le seul qui puissiez encore dire que l’insécurité recule dans notre pays. Aucun de nos concitoyens ne pourra vous croire tant la situation est extrêmement problématique, comme le démontre l’actualité du jour. Globalement, tous ceux qui animent des réunions de quartier peuvent constater que, régulièrement, nos concitoyens nous interpellent sur le développement de la petite et de la grande délinquance, sur le fait que l’économie souterraine gangrène nos territoires.

Certains habitants n’acceptent plus de voir des délinquants vendre impunément de la drogue, attaquer à main armée les commerces de quartier, en ayant parfois l’impression que la police ne peut pas réagir.

Il n’est pas question pour nous de mettre en cause les forces de police qui accomplissent un travail exemplaire mais qui sont quotidiennement confrontés à ces difficultés, comme le montrent les événements d’Aulnay-sous-Bois. Malheureusement, c’est une politique globale qui a échoué. Depuis toutes ces années durant lesquelles vous avez été en responsabilité dans le domaine de la sécurité – vous-même et M. Sarkozy avant vous –, les moyens mis en œuvre n’ont fait que diminuer, les forces de police et de gendarmerie n’ont fait qu’être réduites.

Nous constatons aujourd’hui le résultat de cette baisse des moyens et d’une politique basée sur l’affirmation de la force qui a d’abord impressionné avant de se révéler complètement inopérante.

Monsieur le ministre, vous nous proposez un nouveau texte qui comporte un risque que nous dénonçons depuis longtemps : faute de moyens d’État, vous sollicitez de plus en plus les collectivités locales, comme dans le cas de l’installation de vidéoprotection. Ce sont les communes, parfois aidées fortement avec le fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui sont obligées d’installer la vidéosurveillance, étant entendu que les commissaires locaux demandent très vite à récupérer ces moyens. Nous en arrivons donc à un financement par les communes de moyens mis à la disposition de la police nationale.

M. Patrice Calméjane. Des moyens payés par le FIPD cher collègue !

M. François Pupponi. Ils sont effectivement payés, mais ils participent à une politique de sécurité financée par les collectivités locales qui sont aussi amenées à financer largement les commissariats. Nous constatons donc un recours à la puissance locale mais aussi à des sociétés privées qui se manifeste dans ce texte et dans certaines de vos annonces.

Alors qu’il s’exprimait au nom de l’UMP lors d’une émission de télévision, Jean-François Copé a décrit ce que pourrait être la future politique de sécurité. Selon lui, la police de proximité serait bientôt une police municipale tandis que la police nationale ne s’occuperait plus que d’investigation et de maintien de l’ordre. Monsieur le ministre, partagez-vous cet avis ? Est-ce cela que vous nous préparez avec ce texte ? Oui ou non, voulez-vous que la police nationale soit encore garante de l’intérêt général sur tout le territoire ?

Pour notre part, nous pensons que la police nationale, aidée par les municipalités et les polices municipales, doit être présente sur tout le territoire national. Nous pensons aussi que vous voulez transférer des responsabilités en matière de sécurité aux polices municipales, afin d’économiser des moyens, ce qui n’est pas la meilleure chose pour la sécurité de nos concitoyens.

Au-delà de cette question, monsieur le ministre, il faut prendre conscience du fait que l’économie souterraine est en train de structurer les banlieues les plus enclavées et les plus dégradées. Ce ne sont pas des opérations du style de celles que vous avez menées après les événements de Grenoble ou de Marseille qui régleront le problème.

Dans ces territoires, nous avons besoin de services de police dédiés, spécialisés dans la lutte contre l’économie souterraine et le trafic de drogue, travaillant tout au long de la procédure pénale avec les magistrats. En effet, si le couple maire-commissaire fonctionne bien, il manque un partenariat quotidien avec les magistrats du siège, pour que la chaîne pénale soit efficace. C’est ensemble que nous pourrons ainsi rétablir l’ordre républicain dans ces territoires.

Pour cela, monsieur le ministre, il faut une task force présente quotidiennement dans ces territoires et travaillant avec les services d’investigation compétents du ministère de l’intérieur, et non pas des opérations médiatiques menées après la survenue d’événements dramatiques.

Monsieur le ministre, nous espérions que le texte contiendrait ces propositions. Or après l’avoir lu et relu, je ne constate pas que des moyens supplémentaires sont prévus pour ces territoires où, comme vous et vos services le savez, se préparent aujourd’hui le grand banditisme et la grande délinquance de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de répondre aux orateurs, je tiens à saluer le travail collectif mené par le Parlement et le Gouvernement, qui a permis d’aboutir à ce texte.

J’ai bien entendu certaines remarques, mais personne n’a dit qu’il n’y avait rien dans ce texte. Il s’agit d’un texte dense, cohérent, indispensable.

Je remercie tout spécialement le rapporteur Éric Ciotti pour son travail remarquable, le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, Philippe Goujon et Jacques-Alain Bénisti du groupe UMP, Michel Hunault et tous les députés qui apportent leur soutien actif aux dispositions de ce texte.

Encore une fois, je répète que ce projet de loi est le seul texte d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure qui sera présenté pendant ce quinquennat.

Bruno Le Roux et d’autres ont critiqué un prétendu excès de lois. C’est assez curieux : l’opposition m’appelle à la cohérence, mais elle propose de nouveaux textes tout en se plaignant qu’il y en a déjà trop. Avec beaucoup d’intérêt, j’ai ainsi lu que la proposition 14 du Parti socialiste sur la sécurité préconise, en guise de remède immédiat, une nouvelle loi destinée, paraît-il, à coordonner toutes les précédentes et une autre sur la sécurité privée.

Il y a trop de textes de lois, selon vous, mais vous proposez d’en rajouter deux supplémentaires. Puisque vous appelez à la cohérence, permettez-moi de vous retourner le compliment.

Ce n’est pas non plus une loi fourre-tout comme ont pu le déclarer un peu vite, à mon sens, Mme Batho ou M. Mamère. Au contraire, comme l’a souligné Philippe Goujon, il s’agit d’une loi nécessaire pour combattre la délinquance.

L’opposition sera sans doute rassurée de m’entendre dire que nous ne changerons pas notre politique – à l’évidence nous appliquerons la LOPPSI – parce qu’elle réussit.

En écoutant tous les orateurs – sauf ceux qui sont intervenus au tout début de cette séance, avant mon retour d’Aulnay-sous-Bois –, j’ai perçu, chez les élus socialistes, une espèce de jouissance à dire que cette politique n’avait pas marché du tout, quel que soit le point, le domaine ou le sujet. Vous seriez plus crédibles si vous reconnaissiez qu’en matière de lutte contre les atteintes aux biens, nous n’avons pas fait mieux, mais beaucoup, infiniment mieux que vous lorsque vous étiez au pouvoir.

Il est vrai que les atteintes à l’intégrité physique, les violences aux personnes, enregistrent une augmentation encore trop forte, après la catastrophe absolue que fut votre gestion entre 1997 et 2002, marquée par une progression de plus de 60 % de ces faits. Ces atteintes progressent moins, mais restent trop importantes.

Si vous disiez cela, votre critique serait cohérente, factuelle et un peu juste, car il est vrai que les atteintes à l’intégrité physique représentent un défi pour l’ensemble de nos sociétés post-industrielles ; mais dire que tout va mal, sur tous les sujets, sans faire la moindre nuance, cela décrédibilise totalement vos propos.

Si vous siégez dans cette chambre, c’est, je pense, parce que vous avez le sens de l’intérêt général. Or ce dernier ne consiste pas à souhaiter l’échec d’une politique visant à assurer la protection et la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Madame Batho, je sais que vous êtes très attentive à ces sujets mais, quand je vous entends parler d’écart entre les discours et les actes, je ne peux m’empêcher de revenir, encore une fois, sur le passé ; bien que ce n’était pas du tout mon intention, car on ne doit pas vivre avec un rétroviseur.

Mme Delphine Batho. C’est votre seul argument !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est, en tout cas, un argument qui se tient.

Mme Delphine Batho. Mais c’est le seul que vous ayez !

M. Brice Hortefeux, ministre. Entre une augmentation de la délinquance globale de 17,5 % avec vous et une diminution de celle-ci de 14,5 % avec nous, il y a effectivement une différence, et une très grosse différence si vous faites l’addition ! Vous pourriez, d’ailleurs, vous en réjouir, car cela fait tout de même deux millions de victimes en moins, ce qui n’est pas rien.

Je ne prétends certes pas que tout fonctionne à merveille – M. Pupponi l’a souligné – ni que c’est un succès sur toute la ligne, ni que nous avons relevé tous les défis. Je dis cependant que nous avons amélioré la situation, qui était devenue catastrophique.

Je ne m’en satisfais évidemment pas totalement parce que, quand il y a une victime, c’est toujours une victime de trop. Dès lors, on ne peut prétendre que ce soit un succès sur toute la ligne. Néanmoins reconnaissez qu’il y a eu des améliorations.

Je vais répondre à vos interrogations sur les thèmes que vous avez abordés, en commençant par le respect de la chaîne pénale puis en traitant des moyens des forces de l’ordre, de la sécurité routière – sujet dont je m’aperçois, et c’est une bonne chose, qu’il transcende les clivages politiques –, de la prévention de la délinquance, des campements illicites.

Je n’en démords pas – pardon de le répéter – : la baisse de la délinquance passe par la certitude de la sanction.

Je remercie, à ce sujet, M. Jean-Paul Garraud d’avoir rappelé la difficulté tant du métier de policier et de gendarme, que de celui de magistrat. En matière de lutte contre la criminalité, le travail en confiance du procureur ou du juge d’instruction avec la police et la gendarmerie est une assurance d’obtenir des résultats. Comme M. Jean-Claude Bouchet l’a parfaitement résumé, ne pas sanctionner celui qui enfreint la règle revient à affaiblir la loi.

Le garde des sceaux et moi-même travaillons main dans la main pour améliorer la chaîne de sécurité. Demain, par exemple, nous nous rendrons ensemble dans le Val-de-Marne pour animer l’état-major départemental de sécurité qui, comme vous le savez, associe le préfet, le procureur et les responsables des forces de sécurité.

M. Bruno Le Roux n’étant plus présent, je vous remercie de bien vouloir lui transmettre ma réponse.

J’ai, comme pour les autres orateurs, écouté avec beaucoup d’attention son intervention et il s’est trompé sur un point : l’office central de lutte contre le crime organisé n’a pas été, comme il l’a prétendu, démantelé. Il existe toujours et va très bien. Il regroupe toujours 120 policiers, que je suis d’ailleurs allé rencontrer à Nanterre au moins d’octobre dernier.

Oui, nous appliquerons sans mollir les orientations tracées le 30 juillet à Grenoble par le Président de la République. Nous ne devons pas laisser de répit aux délinquants. C’est la raison pour laquelle nous proposons la mise en place de peines planchers pour les auteurs de violences volontaires aggravées.

Mesdames, messieurs de l’opposition, ayez la même exigence de cohérence que vous réclamez de nous : vous ne pouvez pas, d’un côté, regretter qu’un nombre trop élevé de policiers soient l’objet de violences inacceptables et, de l’autre, refuser l’allongement de la durée de la période de sûreté pour les auteurs de meurtres ou d’assassinat commis à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique.

Monsieur le rapporteur, vous avez déposé plusieurs amendements qui vont dans le sens tracé par le Président de la République. Vous proposez notamment de revenir à un système dans lequel toute personne condamnée pour un acte de délinquance sera obligée d’effectuer réellement une peine de prison. Je proposerai, pour ma part, de ramener l’échelle des aménagements de peines à des condamnations à un an de prison, contre deux actuellement.

Je remercie M. Sauveur Gandolfi-Scheit d’avoir souligné que la LOPPSI renforce les moyens de l’État pour lutter contre le fléau de la pédopornographie. En effet, si personne ne conteste qu’internet soit un espace de liberté, il ne doit pas être un espace de non-droit. À cet égard, le Gouvernement souhaite que l’amendement de MM. Garraud, Meunier et Gilard soit débattu avec la plus grande attention.

J’en viens aux moyens de la police et de la gendarmerie.

Non seulement la présence des forces de l’ordre sur la voie publique est renforcée, mais encore les efforts d’organisation permettront d’atteindre les objectifs fixés.

M. Claude Bartolone m’a, lui aussi, interpellé sur les effectifs. Je vais donc m’employer, une nouvelle fois, à lui démontrer qu’il fait fausse route.

Premièrement, les effectifs de policiers et de gendarmes présents dans les services auront augmenté de 4 301 entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2010.

Deuxièmement, les effectifs des corps de fonctionnaires dits actifs, c’est-à-dire présents sur le terrain, à savoir les gardiens de la paix, les officiers et les commissaires, ont progressé, entre 2001 et aujourd’hui, de 115 922 à 117 270.

Troisièmement, en 2011, je le précise à nouveau, les effectifs réels seront quasi stabilisés. Des efforts ont été demandés, c’est exact, mais les 308 réductions d’emplois dans la police et la gendarmerie constituent la part que prend le ministère de l’intérieur dans l’effort de réduction de l’emploi public.

Voilà pour les effectifs.

Le second élément à prendre en compte quand on parle des moyens des forces de sécurité est le travail de réorganisation. Celui-ci porte ses fruits. J’insiste une nouvelle fois sur la qualité du travail engagé avec la Chancellerie pour aboutir à une réduction significative des charges indues, correspondant à 1 000 emplois sur trois ans. La police et la justice sont complémentaires. Chacune doit assurer ses missions.

La politique de sécurité routière, sujet sensible, doit être poursuivie car elle a pour objectif de réduire toujours davantage le nombre des victimes de la route. Je sais que cet objectif est partagé et j’ai bien compris les positions exprimées en la matière. Nous devons passer en deçà de la barre des 3 000 tués d’ici à 2012.

Le bilan des onze premiers mois de cette année est encourageant puisque l’on a enregistré une baisse de 6,7 % du nombre de tués. Cela signifie que 2010 sera très vraisemblablement la neuvième année de diminution consécutive de la mortalité routière. Il faut néanmoins rester très vigilants.

La sécurité routière n’est pas une idéologie ; c’est une nécessité et c’est cette nécessité, monsieur Hunault, qui nous conduit à mettre en place des radars. Leur implantation est déterminée en fonction d’une étude précise de l’accidentologie locale. C’est le préfet de département qui propose leur implantation mais les élus sont bien évidemment associés à la démarche.

Je partage l’analyse de M. Armand Jung et de M. Dominique Raimbourg : sur la route, il n’y a pas de petite infraction.

La sécurité routière est désormais rattachée, tout au moins dans ses objectifs, au ministère de l’intérieur. Nous devons, cependant, rester très attentifs. Vous avez dû repérer dans la LOPPSI une mesure qui va dans le sens que vous recherchez : l’aggravation de la sanction pour les délinquants de la route. En particulier, le véhicule des contrevenants conduisant sans permis ou ayant commis un délit routier sera immédiatement immobilisé et le restera pendant sept jours.

Je suis sensible aux remarques que vous m’avez adressées. Je sais qu’elles émanent souvent de vos administrés. Cependant, je vous le répète, il ne faut surtout pas baisser la garde. Même s’il faut agir avec discernement, tout relâchement aurait des conséquences.

La prévention de la délinquance est efficace quand elle est organisée. Je remercie Mme Brigitte Barèges et M. Jacques-Alain Bénisti d’avoir exposé une vision d’ensemble de celle-ci et d’avoir souligné les apports du projet de loi en la matière : généralisation des conseils pour les droits et devoirs des familles, couvre-feu pour les mineurs.

Mme Marie-Josée Roig a souligné, quant à elle, la place dans cet ensemble de la vidéoprotection et des polices municipales. J’y ajoute les arrêtés de police du maire et les décisions prises dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Chacun a sa mission en matière de sécurité.

M. François Pupponi a également évoqué les polices municipales. Or il me semble me souvenir qu’une des propositions de M. Urvoas consistait, en quelque sorte, à assurer le transfert des agents de la sécurité publique sous l’autorité municipale, c’est-à-dire l’inverse.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’était pas tout à fait ça !

M. Brice Hortefeux, ministre. Il me semble que c’était ça mais, avec la clarté qui vous caractérise, je suis sûr que vous allez nous faire une démonstration des plus rapides et des plus précises.

M. Julien Dray. Pourquoi être tout de suite désagréable ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Peut-être que ma présentation est un peu caricaturée ou, en tout cas, schématisée, mais je pense que c’était un peu l’idée.

En tout cas, avec ses 18 000 agents, la police municipale est un des acteurs de notre politique de sécurité.

Mme Marie-Josée Roig. Et un acteur important !

M. Brice Hortefeux, ministre. La LOPPSI renforce le rôle de celle-ci, en tout cas celui du directeur de la police municipale, qui est beaucoup mieux reconnu. Comme Mme Marie-Josée Roig l’a souligné avec raison, si le directeur de la police municipale peut bénéficier de la qualité d’agent de police judiciaire – APJ –, il sera en mesure de seconder très efficacement le travail des officiers de police judiciaire, les OPJ. Il pourra, en particulier, procéder à des contrôles d’identité.

La vidéoprotection a été évoquée par de nombreux orateurs.

Je remercie M. Patrice Calméjane et M. Philippe Goujon d’avoir insisté sur ses effets positifs. Selon la dernière enquête effectuée, on observe une baisse de 6,7 % des vols avec violence là où il y a une caméra pour 4 000 habitants alors qu’on enregistre une hausse de 12,1 % de ceux-ci dans les villes les moins équipées.

M. Jacques-Alain Bénisti a évoqué le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD. Dans la loi de finances pour 2011, ses crédits consacrés à la vidéoprotection seront gérés de façon distincte des autres crédits du fonds.

M. Noël Mamère n’est plus présent. Je n’accentuerai donc pas le trait. J’ai entendu le commentaire du président Christian Jacob. En réalité, la position de M. Mamère n’évolue pas alors qu’il reconnaît que la délinquance évolue. Il faudrait que les deux marchent d’un même pas.

La prévention de la délinquance des mineurs et la responsabilisation des parents sont deux sujets très sensibles.

M. Christian Vanneste a insisté sur l’importance que la sanction tombe dès le premier acte de délinquance. Par ailleurs, je considère comme lui qu’au stade de la primo-délinquance, la prison n’est pas la solution. C’est pourquoi j’ai demandé aux préfets de solliciter des maires la mise en place des conseils pour les droits et devoirs des familles prévus par la loi de 2007.

M. Patrice Calméjane a évoqué la participation de la population à la prévention de la délinquance. Le dispositif « Voisins vigilants » a été mis en place par la gendarmerie dans quelques départements. J’ai souhaité que cette pratique intéressante soit encadrée. C'est l’objet de l’article 37 de la LOPPSI. Le service volontaire citoyen bénévole créé dans la police en 2007 sera étendu à la gendarmerie. Ainsi, les citoyens volontaires seront reconnus.

Enfin, je ne peux accepter les critiques formulées par M. Mamère à l’encontre des dispositions relatives aux campements illicites. Que fait-on du droit de propriété quand on refuse toute mesure permettant aux propriétaires de terrains occupés de manière illicite, en violation du droit, de retrouver l’usage de leur bien ? Je rappelle brièvement trois points.

Premier point : la loi de 2000 qui s’applique aux gens du voyage est maintenue, et seule cette loi continuera à s’appliquer à eux.

Deuxième point : l’article 32 ter de la LOPPSI ne s’applique pas aux contentieux locatifs, c’est-à-dire ne modifie en rien les droits des locataires et les garantis des propriétaires de logements.

Troisième point : la nouvelle procédure ne prend personne en traître : soit on est autorisé à occuper un terrain, soit on ne l’est pas. Le droit de propriété n’est pas un droit accessoire.

À Catherine Vautrin, j’indique que, en effet, l’usurpation d’identité entraîne de très graves désagréments pour nos concitoyens. Je lui propose de faire le point sur ces questions, notamment sur la reconstitution de l’état civil en liaison étroite avec le garde des sceaux. Loin d’être mineur, ce phénomène, qui touche tout de même un peu plus de 200 000 personnes chaque année, est un véritable fléau.

À Julien Dray, je réponds que le rapporteur et moi-même nous sommes un peu interrogés...

M. Julien Dray. Ah ! Cela aura au moins servi à ça !

M. Brice Hortefeux, ministre. …sur le point de savoir quelle était, dans votre intervention, la part de la sincérité et quelle était celle de l’habileté ?

M. Julien Dray. C’est une insulte ! Du reste, les deux ne sont pas contradictoires ! On peut être sincère et habile !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous avez en effet commencé par rappeler, avec subtilité, que vous auriez été heureux si les résultats avaient été à la hauteur de vos attentes. Éric Ciotti, qui est beaucoup plus jeune que moi, a cru qu’il n’y avait là que de l’habileté. J’ai protesté que j’y voyais aussi de la sincérité.

Puisque vous avez évoqué 2002, monsieur Dray, je vous suggère d’examiner avec recul chaque article de la LOPPSI et de vous prononcer sur le seul critère de leur efficacité contre la délinquance. Il n’y a pas de raison que vous ayez considérablement évolué depuis 2002 – c’est, de ma part, un compliment –, et je suis convaincu que, si vous vous remettez dans l’esprit de l’époque, vous devriez pouvoir voter l’essentiel de ces dispositifs.

Je remercie Valérie Boyer d’avoir souligné l’importance du processus engagé à Marseille. Les résultats sont spectaculaires, et ce n’est pas fini. Vous avez pu observer que, ce matin même, nous avons remporté un nouveau succès avec la libération d’un buraliste pris en otage depuis le 8 décembre. Je vous remercie d’avoir souligné l’efficacité des forces de police.

En ce qui concerne les photographes, je suis persuadé que vous saurez, avec la commission des lois, trouver une solution qui réponde aux attentes de tous. Il ne faut pas s’avancer en s’arc-boutant sur des principes, mais en ayant le souci des réponses pratiques.

Je confirme à Gérard Gaudron que le préfet Lambert effectue un travail remarquable en Seine-Saint-Denis. Il bénéficie bien entendu de la confiance du Gouvernement et j’étais encore avec lui il y a quelques instants. J’entends bien ce que l’on peut dire, mais, quand on pénètre, soir après soir, dans les halls d’immeuble, quand on en a visité, inspecté – voire, dans certains cas, dégagé – plus de 7 000, cela finit par se savoir. L’information se répand, est répétée, et cela instaure un nouveau climat. Il était indispensable d’envoyer un signal fort, comme ce fut le cas à Grenoble après des événements qui ont été très rapidement maîtrisés, comme ce fut le cas à Marseille. Tout à l’heure encore, dans ce département difficile, j’ai pu constater le professionnalisme et le courage des forces de sécurité.

Enfin, je tiens à évoquer la question de la police de proximité.

Bien qu’ils soient édifiants, je ne rappellerai pas le détail des résultats obtenus et de tout ce qui a été accompli depuis 2008. En vérité, l’opposition parle régulièrement de cette police de proximité, mais c’est elle-même, par ses excès, qui l’a sacrifiée. En effet, elle a voulu en faire une doctrine, en la généralisant en tous lieux et à toute heure, alors qu’elle n’a d’intérêt que si elle est limitée dans le temps et dans l’espace. Du reste, en 2002, la police de proximité était à bout de souffle et vous étiez vous-mêmes sur le point d’y renoncer, tant elle était coûteuse et inefficace.

Mme Marylise Lebranchu. Même pas vrai ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Dans votre idée fixe, vous avez oublié que la police, c’est aussi l’investigation judiciaire, l’ordre public, le renseignement. En vérité, vous nous avez laissé une police qui était totalement démotivée et démunie de moyens. Nous l’avons à nouveau motivée, pas avec la culture du chiffre, mais avec celle du résultat.

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, vous avez tous, d’une façon ou d’une autre, souligné que le Gouvernement et le Parlement avaient le devoir de proposer des mesures concrètes pour adapter la loi aux évolutions de la délinquance. À l’évidence, nous ne sommes pas toujours d’accord sur les moyens. Nous différons même d’ailleurs sur les objectifs d’ensemble de la politique de sécurité. Si la loi ne peut pas tout, elle peut beaucoup, et la LOPPSI permettra beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Le chapitre 1er concerne les « objectifs et moyens de la politique de sécurité intérieure ».

Article 1er et annexe

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec pour soutenir l’amendement n° 39.

M. Patrick Braouezec. Je vous prie d’abord de m’excuser de n’avoir pu participer à la première séance de la journée. Il faut dire que, dans un premier temps, la discussion de ce texte devait avoir lieu il y a une quinzaine de jours. Puis il a été déprogrammé et reprogrammé au mois de janvier. Enfin, il a été décidé que nous l’examinerions cette semaine. Entre-temps, nos agendas s’étaient remplis, et je n’ai pas pu me libérer.

L’amendement n° 39 propose de supprimer l’article 1er, qui concerne l’approbation du rapport annexé au projet de loi censé fixer les objectifs et les moyens dévolus à la politique de sécurité intérieure pour les cinq prochaines années. Notre groupe s’était opposé à la révision constitutionnelle de 2008, notamment parce qu’elle rendait possible les lois de programmation telle que la LOPPSI intégrant un rapport annexé. La raison était simple et reste d’actualité : le rapport n’ayant aucune valeur normative, il ne permet pas à la représentation nationale de contrôler les pseudo-engagements qu’il contient.

On connaît la maxime : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. » Le Gouvernement en offre une parfaite illustration. Sur l’air de « Tout va très bien, madame la marquise », vous masquez la différence entre la politique et les résultats que vous affichez, et les résultats réels. Il en est ainsi d’une délinquance multiforme que, en réalité, vous ne parvenez pas à contenir.

Depuis 2002, votre politique est un échec que vous dissimulez derrière des amalgames, derrière une globalité de résultats. Certes, les données globales sont en légère baisse, mais c’est surtout les atteintes aux biens qui diminuent, ou l’élucidation des affaires qui s’améliore, car les atteintes aux personnes – notamment les coups et blessures volontaires – ont explosé, de même que les violences contre les dépositaires de l’autorité publique.

De plus, le rapport annexé propose des stratégies et décrit des moyens que nous estimons inadaptés, eu égard notamment aux réductions du nombre de postes de policier et de gendarme – confer le récent débat budgétaire et les 9 000 postes supprimés en moins de deux ans – et à la baisse des crédits de fonctionnement. Ni la vidéosurveillance ni les nouvelles technologies ne pourront remplacer l’humain. Malgré vos déclarations, je persiste à défendre la police de proximité, qui serait bien adaptée à certaines situations.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous ne reconnaissons pas la pertinence de vos choix et les orientations que vous défendez, nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 39.

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission est défavorable à cet amendement. La suppression du rapport annexé à l’article 1er viderait le texte de toute sa substance et remettrait en cause les orientations qui sont définies et qui sont pertinentes pour la mutualisation, pour la modernisation, pour l’organisation, pour la définition des moyens. Nous n’allons pas rouvrir le débat et la discussion générale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce rapport donne du sens et des perspectives à la politique de sécurité du Gouvernement. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 39 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho pour défendre l’amendement n° 228 rectifié.

Mme Delphine Batho. Permettez-moi de dire un mot à M. le ministre avant de défendre l’amendement.

Je regrette que, pour répondre à l’opposition, vous vous réfugiiez toujours dans le passé. Vous invoquez le fait que les gouvernements passés ont échoué dans la lutte contre la violence. Je vais vous répondre sur le fond, monsieur le ministre : c’est vrai. Toutefois ne serait-il pas utile que ceux qui sont aux responsabilités depuis huit ans soient instruits de l’échec des gouvernements du passé au lieu d’adopter la même attitude ? Lorsque nous avançons des faits, lorsque nous rapportons la situation que nous observons sur le terrain, vous protestez que, tout cela, c’est une campagne orchestrée par la gauche. Vous avez bien du mal à regarder les choses en face, et c’est pourtant ce que vous reprochiez à ceux qui gouvernaient précédemment.

L’amendement n° 228 rectifié propose de revoir les objectifs de la politique de sécurité qui n’ont pas été redéfinis depuis la LOPS de 1995.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Avis négatif. Le rapport qui est annexé est beaucoup plus exhaustif que le texte assez vide, enfonçant des portes ouvertes, dépourvu de stratégie, que propose cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Batho, je vais vous donner acte de votre très grande sincérité, non pas sur un point, mais sur deux.

M. Julien Dray. Quelle générosité !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis comme ça !

Vous venez de dire à l’Assemblée que vous reconnaissiez que la politique qui avait été menée précédemment avait échoué.

Mme Delphine Batho. Je l’ai toujours dit !

Mme Sandrine Mazetier. À votre tour d’être sincère, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est à Mme Batho que je m’adresse. Laissez-moi poursuivre le raisonnement, je suis sûr qu’il vous intéressera.

Mme Batho a dit avec une grande honnêteté que le gouvernement de gauche avait échoué.

M. Julien Dray. Elle a dit que tous les gouvernements avaient échoué !

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Batho, je vous rends un second hommage.

À propos du programme du parti socialiste sur les questions de sécurité, vous avez déclaré que trop de propositions ressemblaient trop à ce que vous avez fait entre 1997 et 2002. Bref, vous considérez que le programme de votre famille politique reprend trop de propositions qui avaient été appliquées entre 1997 et 2002, et qui ont échoué. Reconnaissez que ce n’est pas vraiment un gage de succès pour l’avenir.

Prenez ces propos comme un hommage à votre sincérité. Je n’oublie pas que, lorsque j’ai pris mes fonctions, vous m’avez donné acte, en commission, que la délinquance était légèrement repartie à la hausse entre mars et juillet 2009, avant que la tendance ne s’inverse de nouveau.

Avec cet amendement, vous souhaitez modifier la rédaction qui renvoie au rapport annexé sur les objectifs et moyens. Dans la mesure où nous discutons d’un projet de loi d’orientation et de programmation, il était naturellement souhaitable, sinon indispensable, de mettre les dispositions du texte en perspective, de les replacer dans un cadre stratégique. C’est pour cela que j’ai le même avis que la commission.

(L’amendement n° 228 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho pour soutenir l’amendement n° 94.

Mme Delphine Batho. Avant de défendre cet amendement, j’indique à M. le ministre que la situation est effectivement tellement dramatique que l’opposition travaille et débat pour être en mesure de proposer une politique de sécurité nouvelle, qui puisse réussir, à partir de 2012.

M. Jean-Claude Bouchet. Paroles ! Paroles !

Mme Delphine Batho. L’amendement n° 94 est, en quelque sorte, un amendement ironique, qui a pour objet de retirer les mots « et les moyens » de l’article 1er, dans la mesure où il n’y a pas de véritable programmation budgétaire, dans la mesure où la LOPPSI n’apporte rien de ce point de vue. Ainsi, le tableau sur les engagements financiers qui va être corrigé dans quelques instants par l’amendement du Gouvernement est strictement identique à celui de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Cet amendement est donc une façon d’acter le fait que la LOPPSI ne donne pas de moyens supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Défavorable.

On ne relèvera pas l’ironie de Mme Batho. Des moyens sont bien entendus programmés par cette LOPPSI, jusqu’en 2013 ; ils sont définis dans le rapport annexé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Défavorable, sans ironie et très sérieusement.

(L’amendement n° 94 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault pour défendre l’amendement n° 31.

M. Michel Hunault. Permettez-moi de profiter de l’occasion pour vous dire, monsieur le ministre, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention les réponses que vous avez données aux différents orateurs, et j’aurais aimé que vous vous attardiez sur quelques interrogations que j’ai formulées au nom de mes collègues du Nouveau Centre.

Ainsi vous avez souligné qu’il était essentiel de maintenir la présence des gendarmes en milieu rural. Cependant, j’aurais aimé un engagement très précis du Gouvernement sur ce point. Vous connaissez la situation, monsieur le ministre, et vous savez que les brigades territoriales ont consenti des efforts, qu’elles se sont réorganisées en communautés de brigades. Je pense qu’il aurait été important, à l’occasion de cette discussion générale, que le Gouvernement nous assure qu’il va poursuivre sa politique de maintien des gendarmeries en milieu rural.

Par ailleurs, je vous avais interrogé sur les bilans des GIR. Vous savez comment les citoyens perçoivent nos textes, et il ne faut pas donner l’impression que la grande criminalité n’est pas combattue avec la plus grande fermeté ; je parle des trafics de drogue, de l’immigration clandestine, des trafics en tous genres. Comme vous l’avez vous-même rappelé à la tribune, monsieur le ministre, vous avez mis en place des outils nouveaux et, tout récemment, une brigade rattachée au ministère de l’intérieur. Je crois qu’il s’agit là de questions primordiales.

J’en viens à l’amendement n° 31 déposé par mon collègue Jean-Christophe Lagarde.

Il a pour objectif d’éviter que les effectifs de police des commissariats se trouvent désorganisés, comme c’est souvent le cas actuellement, du fait de la non-concomitance entre les mutations et les sorties d’école de police. Vous le savez, certains postes restent vacants pendant plusieurs mois ; cela pourrait être évité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Sur le fond, l’objectif de cet amendement est évidemment louable, et l’on ne pourrait qu’y souscrire. Cependant, vous le savez, monsieur le député, c’est au niveau national que sont organisés les effectifs, et il est difficile de transcrire cela à l’échelon de chaque circonscription, de chaque brigade territoriale.

Sur la forme, cela ne peut entrer dans la définition des objectifs d’une politique de sécurité telle que précisée dans le rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je réponds tout d’abord, monsieur Hunault, à vos observations sur les évolutions affectant la gendarmerie.

L’effort fourni est réel mais il est tout de même modeste : le nombre des suppressions de postes n’est que de quatre-vingt-seize. Très concrètement, la RGPP ne jouera qu’à la marge sur l’implantation des brigades territoriales.

Je partage naturellement le sentiment du rapporteur à propos de l’amendement n° 31. En réalité, les mutations, comme vous le savez, se font sur appel d’offres. Cela veut dire qu’il n’y a pas toujours une concomitance exacte entre le départ d’un fonctionnaire et son remplacement, puisque ce dernier ne peut intervenir qu’une fois le poste libéré ; il est vrai que cela complique un peu les choses. Toutefois, les sorties d’écoles de police ont lieu non pas une fois mais plusieurs fois par an, ce qui permet de lisser un peu les choses.

Très concrètement, il n’est pas possible de faire coïncider très exactement les mouvements, même si c’est un objectif recherché en gestion.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Compte tenu des précisions données par M. le ministre, je vais retirer cet amendement, qui avait le mérite de soulever le problème des affectations. Je conçois qu’une parfaite concordance des mouvements de personnel serait trop contraignante et, en fait, impossible, et je prends acte de la volonté du ministre d’essayer de pallier les absences prolongées et d’améliorer les affectations à la sortie des écoles de gendarmerie.

(L’amendement n° 31 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre pour soutenir l’amendement n° 329.

M. Brice Hortefeux, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination que j’ai déjà un peu présenté. Il vise, comme je l’ai précisé lors de la présentation générale, à revoir, en fonction des perspectives budgétaires récentes, les orientations chiffrées qui figurent dans l’annexe de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le ministre est pour le moins concis pour présenter cet amendement, qui, sur les trois années 2011 à 2013, réduit de 317 millions d’euros les crédits qui étaient inscrits dans le rapport annexé à la LOPPSI, dont on a dit déjà indiqué qu’il n’avait pas de portée normative.

Nous voterons donc contre cet amendement du Gouvernement, et j’invite nos collègues de la majorité qui, comme nous, pouvaient dénoncer les dégâts de la RGPP sur les forces de sécurité intérieures à voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Écoutant toujours avec beaucoup d’attention les remarques de l’opposition, j’admire les leçons qu’elle nous administre, dossier après dossier, en matière de crédits budgétaires.

Depuis huit ans, ses membres ont refusé de voter le moindre crédit au ministère de l’intérieur.

M. Jean-Claude Bouchet. Où est la cohérence ?

Mme Marylise Lebranchu. N’importe quoi !

Mme Delphine Batho. C’est faux !

M. Michel Hunault. Nous avons essayé de rationaliser les crédits et vous nous donnez, à l’occasion de l’examen de ce budget, des leçons en nous annonçant ce que vous feriez si vous redeveniez majoritaires.

Avec les collègues de la majorité, nous avons souligné que certains sujets mériteraient un peu plus de consensus. La sécurité est une fonction régalienne de l’État. Ainsi que le rapporteur l’a fort bien rappelé : la sécurité est la première des libertés.

Je retiens de nos débats que l’opposition ne trouve rien de bien à aucun article du projet proposé. Pourtant, nous aurions au moins intérêt à trouver des éléments susceptibles de faire l’objet d’un consensus.

Quant à la sécurité civile, monsieur le ministre, c’est un vrai sujet. Je rappelle que ses crédits donnent lieu, chaque année, à une discussion budgétaire. Or les remarques des groupes de l’opposition n’ont pas forcément été très substantielles cette année, bien qu’il s’agisse d’un dossier extrêmement important.

Le Gouvernement propose une restriction budgétaire, dans un contexte que l’on connaît. Je crois effectivement, monsieur le ministre, que vous êtes face à des contraintes. Il en va de notre responsabilité politique et, en tant qu’orateur du Nouveau Centre sur ce texte, je vous apporte notre soutien pour mener un effort global. Ce n’est pas de gaieté de cœur que vous êtes obligé de présenter cet amendement et il y a un minimum de solidarité dans la majorité. Pour ma part, j’assume mes responsabilités.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je tiens simplement à préciser, pour que le compte rendu des débats ne comporte pas d’erreur, que nous avions voté l’article 2 de la LOPPSI 1 de 2002. Je ne peux donc pas vous laisser dire que nous n’avons jamais voté aucun moyen pour les forces de sécurité ; c’est le contraire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Comme me le sussure le rapporteur, voter un article, madame Batho, ce n’est pas voter le texte !

Mme Delphine Batho. Nous avions voté les moyens !

M. Brice Hortefeux, ministre. Par ailleurs, l’ajustement qui est l’objet de cet amendement ne porte que sur 1 % des montants qui étaient prévus.

(L’amendement n° 329 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre pour défendre l’amendement n° 322.

M. Brice Hortefeux, ministre. Cet amendement a pour objet de donner un caractère annuel à l’enquête de victimation menée par l’observatoire national de la délinquance et l’INSEE. Le Sénat avait imaginé un dispositif d’une périodicité de deux ans mais c’est sans doute insuffisant. Nous voudrions disposer d’une analyse annuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Très favorable. Cet amendement est consensuel : un amendement identique avait été déposé à la fois par des parlementaires de l’opposition, des parlementaires de la majorité et le rapporteur, mais l’article 40 de la Constitution lui a été opposé.

Nous sommes donc très favorable à l’amendement déposé cette fois par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je veux bien que l’on ait les résultats d’une enquête tous les ans au lieu de tous les deux ans. Cependant, si cela n’a aucune conséquence sur les orientations de la politique menée et les moyens qui y sont consacrés, à quoi cela servira-t-il ?

Je rappelais, dans la discussion générale, que l’observatoire national de la délinquance avait enregistré 462 350 victimes d’atteintes à leur intégrité physique en un an, c’est-à-dire depuis que nous débattons de la LOPPSI 2. Cela vous a-t-il amenés à réviser les moyens affectés à la lutte contre ce type de délinquance et contre ce type de violence ? Non, au contraire : lundi, vous avez engagé les préfets à mettre un coup de collier pour atteindre des objectifs chiffrés d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière…

M. Jean-Claude Bouchet. C’est très bien !

Mme Sandrine Mazetier. …et, dans le même temps, vous leur avez demandé d’être discrets au regard des manifestations qui pourront avoir lieu, par exemple à l’occasion de la nuit du Nouvel An, au cours de laquelle, peut-être, des voitures flamberont, ce que, évidemment, personne, ici, ne souhaite.

Il ne sert à rien de multiplier les enquêtes, les chiffres, les données si cela n’entraîne pas une révision des orientations, une révision de ce que l’on demande de faire aux forces de police, plutôt qu’une révision générale des politiques publiques et des suppressions de moyens, telles celle proposée par le Gouvernement avec l’amendement précédent, qui a recueilli l’assentiment de la majorité.

Tout n’est pas une question de quantité ; il y a aussi la question de la qualité, et, quand on demande aux préfets, comme l’a fait M. le ministre lundi dernier, de trouver quelques milliers d’étrangers à expulser, cela signifie des gardes à vue, des transfèrements vers des centres de rétention administrative. Pendant ce temps, la police ne s’occupera pas de la sécurité de nos concitoyens.

Vous pouvez toujours améliorer le travail de l’observatoire national de la délinquance, mais, tant que vous fixerez des objectifs chiffrés aussi absurdes, vous serez dans la culture du rendement, certainement pas dans celle du résultat.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je tiens à préciser que si nous avons voté contre l’amendement n° 329, nous sommes favorables à l’amendement n° 322.

Pour aller dans le sens des remarques formulées par ma collègue Sandrine Mazetier, je souligne que les enquêtes de victimation sont un progrès par rapport à l’état 4001 et à cette fameuse culture du chiffre. Nous avions déposé un amendement similaire, jugé irrecevable sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.

(L’amendement n° 322 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Michel Hunault. Cet amendement vise à engager, sous l’égide de l’État, une réflexion autour d’un approfondissement du rapprochement entre services des douanes et services de sécurité, ce rapprochement devant aboutir à un rattachement organique des services des douanes au ministère de l’intérieur.

Vous pouvez le constater, cet amendement comporte des termes très généraux et il n’y a pas de délai. C’est un objectif qui vous est proposé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. J’invite M. Hunault à retirer cet amendement, car il est satisfait par l’alinéa 36 de l’annexe, qui résulte d’un amendement que j’avais déposé en première lecture. Cet objectif d’intégration, de rapprochement, de participation des services des douanes aux objectifs globaux de la sécurité est déjà pris en compte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Hunault, j’ai bien compris le sens de l’amendement que vous proposez. Il existe déjà des synergies très fortes entre les services de police, de gendarmerie et les douanes, notamment au sein d’une structure que vous connaissez bien, les GIR – les groupes d’intervention régionaux – qui, outre la police et la gendarmerie, peuvent aussi regrouper les douanes, le fisc ou d’autres secteurs selon les cas.

Par conséquent, le rattachement n’est pas concrètement à l’ordre du jour. Même si, monsieur le député, je comprends votre idée, je partage l’analyse et la conclusion du rapporteur.

(L'amendement n° 32 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault pour défendre l’amendement n° 33.

M. Michel Hunault. Je défends, une fois encore, un amendement cher à Jean-Christophe Lagarde, qui vise, après l’alinéa 88, à insérer un nouvel alinéa aux termes duquel, lors d’opérations de maintien de l’ordre dans le cadre de violences urbaines, les effectifs de compagnies républicaines de sécurité ou de gendarmerie mobile devront, le cas échéant, répondre aux instructions données par le commissaire de police territorialement compétent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Défavorable.

Je suggère à M. Hunault de bien vouloir retirer cet amendement qui me semble être satisfait. En cas d’opérations de maintien de l’ordre, les forces de l’ordre sont en effet toujours placées sous l’autorité du commissaire de police compétent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Défavorable.

En zone rurale, vous le savez, c’est le préfet et le sous-préfet qui coordonnent les opérations. En zone urbaine, c’est le plus souvent le commissaire de police territorialement compétent qui oriente les forces mobiles sur le terrain.

Je vous propose donc, monsieur Hunault, de retirer cet amendement.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Hunault ?

M. Michel Hunault. Je retire cet amendement.

Comme j’ai retiré trois amendements chers aux yeux de son auteur, M. Lagarde, je lui dirai que deux d’entre eux étaient satisfaits, compte tenu des explications du rapporteur et du ministre.

Je ne manquerai pas, monsieur le ministre, de lui rapporter votre soutien aux objectifs qu’il voulait défendre.

(L'amendement n° 33 est retiré.)

(L'article 1er et annexe, amendée, est adopté.)

Article 1er bis

M. le président. Cet article a été supprimé par la commission.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n° 290.

M. François Pupponi. Il s’agit de revenir au texte adopté par le Sénat, lequel proposait que, tous les deux ans, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’état des effectifs de police ou de gendarmerie, circonscription par circonscription, car c’est souvent un sujet de polémique dans nos territoires.

Une telle mesure permettrait de savoir exactement quelles sont les forces et les effectifs en présence et éventuellement, en fonction de ce constat, de rétablir une certaine égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. Cela permettrait de constater que tel ou tel territoire est désavantagé et d’avoir, au niveau de la représentation nationale, une meilleure visibilité en matière d’organisation des forces de sécurité sur le territoire national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur. Défavorable.

Sur le fond, la commission des lois est généralement réticente à la multiplication des rapports, notamment son président. Il s’agit d’un principe général. C’est au Parlement de se saisir des questions qu’il souhaite et éventuellement de mettre en place des rapports, sans pour autant les systématiser.

Dans ce cas précis, vous pouvez obtenir les informations que vous souhaitez dans le cadre des rapports budgétaires présentés par les rapporteurs spéciaux. Pour prendre un exemple concret, le rapport pour avis de notre collègue Guy Geoffroy sur le budget de la mission « Sécurité » contient chaque année des tableaux qui réunissent les éléments visés dans votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Défavorable.

Cet amendement avait déjà été évoqué lors de la première lecture et je n’ai pas changé d’avis. Une analyse circonscription par circonscription, brigade par brigade, n’a pas véritablement de sens, car les situations sont très évolutives. En outre, des effectifs sont aussi affectés à l’échelon départemental. Cet amendement ne donne pas d’éléments cohérents sur l’action globale qui est menée. Je confirme ce que j’avais dit lors de la première lecture.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cette question est importante.

Dans cette LOPPSI, il n’y a aucune information, aucun chiffre sur l’évolution des effectifs de policiers et de gendarmes à l’horizon 2013.

Ensuite, le sujet majeur, aujourd’hui, abordé par nombre de nos collègues dans leurs interventions, est celui de la répartition territoriale des forces de sécurité. Il y a un problème en la matière et les tableaux figurant dans les annexes des rapports budgétaires ne répondent pas complètement à la question posée, à savoir quels sont les critères de répartition, s’agissant notamment des policiers.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait pris l’engagement que, désormais, les policiers seraient affectés en quantité en fonction de la délinquance, ce qui n’a toujours pas été mis en place, sans que l’on sache pourquoi.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous dites que l’objectif de notre amendement n’a pas de sens. Cela n’aurait-il pas de sens pour un maire de savoir que, dans son commissariat, il y a 140 ou 200 policiers ? Chaque élu local estimera sans doute que cela a du sens !

Enfin, vous évoquez cette formidable confusion entre les effectifs sur le terrain dans les circonscriptions de police et ceux affectés à l’échelon départemental : c’est ce que nous dénoncions dans la discussion générale. Je le rappelle, 9 000 policiers ont été retirés des circonscriptions de sécurité publique au cours des dix dernières années pour être affectés à l’échelon départemental ou dans des échelons centraux, dans des forces spécialisées ; ils ont donc été désengagés du terrain. C’est l’un des problèmes majeurs de la situation que nous connaissons aujourd’hui.

(L'amendement n° 290 n'est pas adopté.)

M. le président. La suppression de l’article 1er est donc maintenue.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 15 décembre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2011 ;

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ;

Suite de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 15 décembre 2010, à zéro heure vingt-cinq.)