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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 11 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

. Questions au Gouvernement

Manifestations à Mayotte

M. Bernard Lesterlin

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer

Chrétiens d’Orient

M. Christian Vanneste

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Dexia

M. François de Rugy

M. François Fillon, Premier ministre

Zone euro

M. Nicolas Perruchot

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Prime de partage des profits

M. Jean Mallot

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Sauvetage de Dexia

M. Dominique Dord

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Attaques de requins

Mme Huguette Bello

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

Dexia

M. Christian Eckert

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Géorgie et Arménie

M. Patrick Devedjian

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Politique africaine de la France

M. Serge Janquin

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Aide à domicile

Mme Bérengère Poletti

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Schéma de coopération intercommunale

M. Philippe Plisson

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Réhabilitation des cimetières français en Algérie

M. Éric Diard

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Mutuelles

M. Albert Facon

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Apprentissage dans les PME

M. Bernard Perrut

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle

2. Protection des consommateurs

Explications de vote

Mme Laure de La Raudière, M. Jean Gaubert, M. André Chassaigne, M. Jean Dionis du Séjour

Vote sur l’ensemble

3. Hydrocarbures non conventionnels

Explications de vote

M. Philippe Martin, M. Yves Cochet, M. Philippe Folliot, M. Michel Havard

Vote sur l’ensemble

4. Urbanité réussie, de jour comme de nuit

Explications de vote

Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Billard, M. Philippe Folliot, M. Éric Berdoati

Vote sur l’ensemble

Présidence de Mme Laurence Dumont

5. Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d’outre-mer et la métropole

Explications de vote

M. Gérard Bapt, M. André Chassaigne, M. Philippe Folliot, M. Xavier Breton

Vote sur l’ensemble

6. Simplification du droit et allégement des démarches administratives

M. Étienne Blanc,

M. Michel Raison, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Didier Gonzales, rapporteur pour avis suppléant de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques

Motion de renvoi en commission

M. Marc Dolez

M. Étienne Blanc, rapporteur, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Michel Clément, Mme Martine Billard, M. Olivier Jardé

Discussion générale

M. Olivier Jardé

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Jean-Michel Clément

Mme Martine Billard

M. Bernard Gérard

M. Philippe Vuilque

M. Roland Muzeau

M. Dominique Souchet

M. Bertrand Pancher

Mme Marietta Karamanli

M. Bernard Perrut

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Alain Vidalies

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Manifestations à Mayotte

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le Premier ministre, depuis plus de deux semaines, les habitants de Mayotte manifestent contre la vie chère. Les prix y sont effectivement prohibitifs, car les monopoles de l’importation et de la distribution y font la loi. C’est pourtant dans ce cent unième département français que le revenu moyen est le plus bas : 310 euros par mois ! Voilà quel est l’état du pouvoir d’achat des Mahorais.

Et pour toute réponse, vous envoyez des gardes mobiles, avec leur lot de bavures. Samedi, c’était la manifestation des élus mahorais, ceints de leur écharpe tricolore, que vous avez repoussée ; c’est aussi cet enfant de neuf ans qui vient de perdre définitivement un œil suite à un tir de flash-ball par un policier qui se dirait en légitime défense… On croit rêver !

Dans ce département où le taux de chômage des jeunes dépasse les 60 %, vous n’apportez aucun élément de négociation.

« Ce qui se passe ici est un scandale. J’ai honte pour cette France que j’aime tant ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne fais que citer les propos d’un responsable local de votre majorité, monsieur le Premier ministre.

M. Lucien Degauchy. Dégagez !

M. Bernard Lesterlin. Les propositions alternatives existent. Le parti socialiste les a faites. Qu’attendez-vous pour contrôler les marges scandaleuses de la grande distribution, dans l’hexagone comme dans les outre-mer ? Alors que vous prévoyez de faire entrer en vigueur à Mayotte un RSA de 119 euros par mois – 119 euros ! –, qu’attendez-vous pour rétablir l’égalité de traitement entre Mayotte et les autres départements ?

Puisque Mme la ministre de l’outre-mer se rendrait demain à Mayotte, je vous demande de dire devant la représentation nationale votre soutien à ces propositions unanimement réclamées par la population, les élus et les syndicats. Quand allez-vous considérer nos compatriotes mahorais comme des Français à part entière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. En effet, monsieur le député, depuis plusieurs jours, des manifestations sont organisées à Mayotte sur le thème de la vie chère.

Je suis en lien permanent avec le préfet Thomas Degos qui, à ma demande, a immédiatement engagé une réunion avec la grande distribution pour trouver une solution à ce conflit.

Nous étions presque arrivés à un accord, puisque le protocole préparé avec les organisations syndicales devait être signé vendredi dernier. Visiblement, d’autres éléments, plus politiques, sont entrés en ligne de compte, qui s’éloignent de la revendication initiale.

Soyez en tout cas assuré, monsieur le député, que tout est fait pour établir le dialogue parce que le conflit est une impasse. Oui, c’est une impasse : ce sont des effets désastreux sur l’économie mahoraise. C’est une violence inacceptable de ceux qui en profitent pour casser. Je déplore l’accident dont a été victime ce jeune enfant.

Mais je sais aussi que le parti socialiste parle d’une départementalisation au rabais. La départementalisation, vous l’avez promise, mais c’est nous qui l’avons faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Alain Bénisti. Voilà !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le pacte pour la départementalisation, que vous semblez remettre en cause sur le RSA notamment, qui prévoit un taux à 25 %, vous l’avez pourtant entériné, puisque vous avez adopté le 23 novembre 2010 la loi instaurant le cent unième département !

Il est tentant de créer des tensions sociales à Mayotte, mais je mets en garde tous ceux qui veulent aujourd’hui y mettre à mal le Gouvernement : au bout du compte, ce sont les Mahorais qui seront les premières victimes.

En la matière, la gauche n’a aucune leçon à donner à ce Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez toujours promis en outre-mer, mais c’est toujours notre majorité qui a agi pour le développement économique des ultramarins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Chrétiens d’Orient

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Christian Vanneste. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur la situation des chrétiens au Moyen-Orient.

Depuis la fin de l’année dernière, un vent révolutionnaire souffle sur les pays arabes. Il présente des aspects positifs, puisqu’il annonce à la fois la liberté et la démocratie. Mais toute lumière projette des ombres…

Il y a, au Moyen-Orient, une large majorité musulmane ; il y a aussi de fortes minorités chrétiennes, implantées depuis l’aube du christianisme et qui ont illustré l’histoire de ses débuts par leur diversité aujourd’hui maintenue.

Dans les tempêtes, ce sont toujours les plus fragiles qui subissent les éléments. On l’a vu après l’intervention américaine en Irak où les Assyriens et les Chaldéens ont dû quitter en grand nombre leur pays et ont connu de très nombreux attentats.

En Égypte, la forte minorité chrétienne de huit millions d’habitants, qui subit une discrimination, a la volonté de s’émanciper et se heurte, malheureusement, à une répression très dure. Après qu’un attentat a coûté la vie à vingt et un Coptes à la nouvelle année, hier dix-sept Coptes ont été victimes d’une répression disproportionnée.

Le Moyen-Orient compte vingt millions de chrétiens qui participent à l’équilibre de cette région du monde. Le mufti de Tripoli me disait ainsi qu’il faut que les chrétiens restent. La France est très attachée à ces communautés. Elle a aussi, ces derniers temps, participé à la libération du Moyen-Orient.

M. Christian Bataille. Pas assez !

M. Christian Vanneste. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels moyens notre pays met en œuvre pour protéger ces communautés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que les chrétiens sont présents en Orient depuis les premières années de l’ère chrétienne, avant même la prédication du prophète Mahomet. Le Président de la République, lors de ses vœux aux autorités religieuses, le 7 janvier dernier, déclarait : « nous ne pouvons pas accepter que cette diversité humaine, culturelle et religieuse, qui est la norme en France et en Europe disparaisse de cette partie du monde ».

Vous le savez, la France n’a cessé de condamner avec la plus grande fermeté les violences dirigées contre les chrétiens dans la région, notamment en Irak ou en Égypte où, hier encore, nous avons condamné les incidents au Caire qui ont causé, vous l’avez rappelé, de nombreux morts et blessés. Nous ne nous sommes pas contentés de mots : nous avons accueilli, sur notre sol, les personnes menacées et celles qui ont été victimes d’actes de violence et de terrorisme. Ainsi, en Irak, avec un programme d’accueil, nous avons fait venir en France près de 1 300 chrétiens. Nous avons fait de même en organisant l’évacuation sanitaire de personnes blessées lors des attentats de Bagdad, le 31 octobre dernier.

Les printemps arabes peuvent et doivent constituer une opportunité historique pour ces communautés du Moyen-Orient. Ils doivent leur permettre de prendre toute leur part à la construction de la démocratie. C’est ce que je suis allé dire hier soir à l’Odéon, en présence des opposants et de nombreux intellectuels syriennes et syriens.

Nous nous battons aussi au niveau européen et le Conseil des affaires étrangères du mois de février dernier a pris position à nouveau, très fermement, contre l’intolérance et la discrimination religieuses.

Voilà la ligne qui est la nôtre et que nous continuerons à défendre. Je vous rappelle que M. Adrien Gouteyron a été chargé par le Premier ministre d’une mission en Orient, précisément pour faire le point de la situation des minorités chrétiennes et nous permettre de renforcer nos positions dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe.)

Dexia

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la situation de Dexia. L’heure est grave et les Français sont inquiets quant à la solidité de notre système bancaire et quant aux engagements que votre Gouvernement a pris, au nom de l’État et avec l’argent public, vis-à-vis des banques.

En 2008 déjà, Dexia avait bénéficié d’un soutien de 3 milliards d’euros. Aujourd’hui, force est de constater que cela a été en pure perte.

Je souhaite donc vous poser aujourd’hui les questions précises auxquelles les Français attendent des réponses précises, au regard de la gravité de la situation.

Quand allez-vous faire la transparence et dire la vérité sur la situation des banques françaises face au risque des dettes des États fragiles ? Au mois d’août dernier, il y a à peine deux mois, les stress tests avaient conduit à considérer Dexia comme moins fragile que la BNP, la Société générale ou le Crédit agricole. Quelles garanties pouvez-vous donner aux Français afin d’éviter qu’un effet domino ne joue sur l’ensemble du système bancaire après la faillite de Dexia ? Quelles mesures allez-vous prendre pour que la Caisse des dépôts et consignations ne soit pas, à son tour, mise en danger ?

M. Michel Bouvard. N’importe quoi !

M. François de Rugy. Ce qui est en jeu, avec la Caisse des dépôts, c’est rien moins que le financement du logement social et de l’investissement public des collectivités locales, mais aussi l’épargne des Français sur le livret A.

On évoque la reprise des activités de Dexia par la Banque postale ; quelles garanties pouvez-vous, là aussi, apporter ? Avec quel argent cela sera-t-il fait ?

Pour rassurer, il est temps de dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le Président de la République (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs)

M. le président. Merci !

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il faut organiser des primaires ! (Sourires.)

M. François Fillon, Premier ministre. …pardon, monsieur le président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député de Rugy, vous avez raison de le dire, il s’agit d’un sujet sérieux qui concerne d’abord des dizaines de milliers de déposants belges qui s’inquiètent – ou plutôt qui s’inquiétaient jusqu’à l’accord intervenu dimanche – pour leurs économies. C’est aussi un sujet sérieux pour un nombre important de déposants luxembourgeois puisqu’il existe une filiale luxembourgeoise qui est aussi une banque de détail. C’est enfin un sujet sérieux pour les collectivités locales, notamment de notre pays, qui ont beaucoup emprunté auprès de Dexia et qui s’inquiètent de savoir quel sera demain l’établissement financier privilégié avec lequel elles pourront continuer à financer leurs investissements.

Il faut donc résoudre les problèmes qui se posent à Dexia. Pour cela, la première chose qu’il faut éviter, ce sont les accusations portées à l’encontre des uns et des autres. Je veux donc, avant de vous expliquer ce que nous allons faire avec Dexia, rafraîchir la mémoire de chacun, parce que la responsabilité de beaucoup de gouvernements est engagée dans la dérive qui est aujourd’hui celle de la banque des collectivités locales.

La création de l’ancêtre de Dexia remonte à une décision de 1987, d’un gouvernement de droite. Mais c’est en 1991, Michel Rocard étant Premier ministre, qu’il a été décidé d’introduire cette banque sur le marché financier. C’est ensuite une décision de 1996 qui a conduit à rassembler le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de France pour créer Dexia. Mais c’est en 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin, que cette banque a été mise sur le marché, à la bourse de Bruxelles et à la bourse de Paris. Enfin, c’est en 2000 qu’a été prise la décision la plus grave, celle qui a entraîné les plus graves difficultés de Dexia : l’acquisition d’un rehausseur de crédit américain. Je rappelle qu’à chacune de ces étapes, des administrateurs ont représenté l’État, ont siégé au conseil d’administration de cette banque et ont ainsi engagé la responsabilité des gouvernements. Il est donc inutile de chercher à se renvoyer la balle : tout le monde a laissé Dexia dériver et l’acte principal de privatisation a bien été la mise sur le marché des actions de la banque, en 1991.

M. Christian Eckert. Ça n’a rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. Qu’allons-nous faire avec Dexia ? Nous avons négocié dimanche, avec le Gouvernement belge et avec le Gouvernement luxembourgeois, l’accord suivant, qui a été accepté par les actionnaires de la banque. Le Gouvernement belge va racheter, pour 4 milliards d’euros, la banque de détail belge, qui restera d’ailleurs cotée en bourse. La banque luxembourgeoise sera également rachetée, des discussions étant en cours avec plusieurs acquéreurs possibles. Les stocks de prêts aux collectivités locales, en France, seront adossés à la Caisse des dépôts et consignations, qui en aura la responsabilité et la gestion, avec un dispositif de garantie, destiné naturellement à protéger la Caisse des dépôts, qui sera soumis au Parlement dans les prochains jours. Il restera une banque résiduelle avec 90 milliards d’engagements, qui continueront à être gérés par Dexia et qui feront l’objet d’une garantie d’emprunt qui sera attribuée pour les deux tiers par le Gouvernement belge et pour un tiers par le Gouvernement français, un chouia étant à la charge du gouvernement Luxembourgeois, compte tenu du poids qui est le sien dans cette banque.

Enfin, nous avons décidé de créer une banque publique qui sera chargée du financement des collectivités locales. Il s’agit donc là de l’avenir. Cette banque sera adossée à la Caisse des dépôts et à la Banque Postale. Elle sera mise en place dans les meilleurs délais de façon à ce que les collectivités locales voient sécuriser leur accès au crédit pour le financement de leurs investissements (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.). Sans attendre cette création, nous avons décidé de mettre à la disposition des collectivités locales, d’ici à la fin de l’année, 3 milliards d’euros de prêts, qui seront distribués par la Caisse des dépôts et par les établissements financiers dans les mêmes conditions que ce que nous avions fait en 2008, de façon à ce que l’accès des collectivités au crédit ne soit pas interrompu.

C’est un sujet difficile : nous sommes face à une banque qui a été mal gérée, qui est évidemment secouée par la crise financière. Nous essayons simplement d’apporter des réponses aux problèmes qui se posent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Zone euro

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les gouvernements européens doivent prendre des décisions claires au regard de la gravité de la situation dans la zone euro : nous sommes « l’épicentre d’une crise mondiale » a déclaré ce matin Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne.

La situation de la zone euro s’est détériorée ces dernières semaines, faisant resurgir le spectre d’une crise systémique.

Qui plus est, la crise de la dette n’est pas limitée à la zone euro : les États-Unis et le Japon sont confrontés aux mêmes difficultés que certains pays de la zone euro. C’est donc à une crise mondiale du risque souverain que nous sommes désormais confrontés.

La Commission européenne vient d’indiquer, dans un rapport rendu aujourd’hui, que « pour mettre un frein à l’accroissement de la dette et assurer la soutenabilité des finances publiques, de nombreux pays de la zone euro vont devoir mettre en place des mesures d’austérité permanente, en plus de celles déjà adoptées ».

Cette crise se propage à tous les pays, y compris à ceux qui apparaissaient encore il y a peu comme les plus solides.

Encore florissante avant l’été, l’Allemagne commence à accuser le coup, alors que la contagion de la crise de la dette à l’économie réelle menace. L’industrie, son principal moteur, a connu un coup d’arrêt inquiétant au mois d’août.

Dimanche, à Berlin, le Président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont promis des « réponses durables, globales et rapides » face à la crise, et ce « avant la fin du mois », sans entrer dans les détails.

La chancelière allemande vient d’affirmer que la zone euro qui a, jusqu’ici, échoué à enrayer la crise de la dette, avait la "volonté politique" de la surmonter.

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous dire ce qui sera annoncé et négocié pour le prochain sommet européen du 23 octobre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, la rencontre entre la chancelière Angela Merkel et le Président de la République dimanche dernier, à Berlin, a été fructueuse. Les deux chefs d’État et de gouvernement sont tombés d’accord pour conclure un accord global, et ce, avant la fin du mois d’octobre, c’est-à-dire avant la réunion du G20 à Cannes, les 3 et 4 novembre prochains.

Quels sont les principaux traits de cet accord global ?

Premièrement, il s’agit d’un accord pour le renforcement de la structure des capitaux des banques en Europe. Pour ce qui les concerne, les banques françaises s’engagent à relever leur pourcentage de fonds propres à 9 % de leur bilan dès 2013, au lieu des 7 % attendus pour 2019. On y parviendra en mobilisant les revenus des banques elles-mêmes – qui gagnent de l’argent –, le capital privé et, si nécessaire, en dernier ressort, le capital public.

Deuxième décision importante : nous allons soutenir la Grèce. Nous ne la laisserons pas tomber, car le défaut de la Grèce enclencherait un processus fatal pour l’ensemble de la zone euro. La « troïka » – entendez le Fonds de stabilité financière, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne – prendra les décisions nécessaires en ce sens.

Troisième élément de décision : une accélération de l’intégration économique de la zone euro, avec de profondes modifications de la gouvernance de cette zone ; celles-ci seront mises au point d’ici le Conseil européen, qui a été reporté au 24 octobre prochain.

Voilà ce que je pouvais vous dire pour l’essentiel en deux minutes, sans entrer dans les détails.

J’ajoute que, loin des facéties de la démondialisation – il n’y a qu’en France que l’on a inventé pareil concept (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC) – et loin des illusions d’un néoprotectionnisme qui n’a aucune chance de voir le jour au niveau européen, la France et l’Allemagne sont étroitement unies…

M. Roland Muzeau. Pour aller dans le mur !

M. Alain Juppé, ministre d’État. …pour conforter la zone euro et la construction européenne, qui sont la meilleure protection des Français face à la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Prime de partage des profits

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Mallot. Monsieur le Premier ministre, décidément votre gouvernement et votre majorité ont un problème avec le pouvoir d’achat des Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le candidat Sarkozy de 2007 devait être le Président du pouvoir d’achat : c’est raté !

M. Alain Gest. Et la crise ? Vous l’avez oubliée ?

M. Jean Mallot. Votre majorité a voté en juillet une prime dite de « partage des profits ». Louable intention, effet d’annonce garanti ! Votre porte-parole de l’époque, M. Baroin, s’était même avancé en annonçant que les salariés toucheraient avant la fin de l’année une prime de 1 000 euros.

Le débat parlementaire a fait apparaître la vraie nature de cette mesure. Pour commencer, ne sont concernés que les salariés des entreprises versant des dividendes. Rien pour les autres, pourtant les plus nombreux ! Ensuite, cette prime n’est obligatoire – soi-disant – que dans les entreprises de plus de cinquante salariés ; et encore faut-il qu’elles aient augmenté leurs dividendes par rapport à la moyenne des deux exercices précédents ; bref, moins de 3 millions de salariés seraient concernés. Enfin, seule la négociation est obligatoire, pas la prime.

C’est votre miroir aux alouettes !

Quelques mois plus tard, la réalité vient confirmer nos craintes. Aucun salarié ne touchera 1 000 euros. Pour une majorité d’entreprises, le montant se situera entre 150 et 300 euros. Les primes les plus élevées, chez L’Oréal ou Rhodia, atteindront 450 ou 600 euros. On est bien loin de la moyenne de 700 euros annoncée dans votre projet de loi.

Qu’on en juge : 350 euros pour les salariés de BNP Paribas, 150 chez Danone, 110 chez Groupama, 24 chez Ipsos – dont les salariés se sont mis en grève – et le record connu à ce jour, 3,50 euros par an et par salarié dans l’entreprise Securitas : une pièce jaune par mois ! Quel mépris !

Monsieur le Premier ministre, les Français ont un problème de pouvoir d’achat. Ils sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à boucler leurs fins de mois. Votre prime de partage des profits, votre « Sarkozette » ne leur distribue que des miettes !

M. Roland Muzeau. C’est une arnaque !

M. Jean Mallot. Quand allez-vous enfin vous préoccuper réellement du pouvoir d’achat des Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, la prime, quand il y a des dividendes, est aujourd’hui une réalité dans de très nombreuses entreprises. Vous l’avez dit vous-même, mais vous avez été discret sur la question.

M. Marcel Rogemont. Trois euros cinquante !

M. Xavier Bertrand, ministre. S’il n’y avait pas eu le texte de loi voté par cette majorité, les 25 000 salariés de Sanofi n’auraient pas eu leur prime de 600 euros. S’ils l’ont touchée, c’est grâce à cette majorité, certainement pas grâce à vous, monsieur Mallot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En ce qui concerne Securitas, j’ai dit les choses telles qu’elles étaient : il est indécent de proposer 3,50 euros et même 8 euros. Au final, j’ai moi-même vu le PDG de Securitas : ce n’est pas la solution définitive qui sera retenue. Je vous donne rendez-vous dans quelques jours et dans quelques semaines en la matière.

En attendant, monsieur Mallot, lorsque, comme vous, on a soutenu Martine Aubry à l’élection primaire, on se fait discret sur la question des salariés. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Parce que c’est Mme Aubry qui a bloqué les salaires avec les 35 heures obligatoires et autoritaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’en êtes pas bien fiers aujourd’hui pour le rappeler, mais vous devriez le dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Et lorsque, comme vous, monsieur Mallot, on est élu d’une région, l’Auvergne, qui a pris 71 % d’augmentation dans la poche des Auvergnats, on se fait discret sur la question du pouvoir d’achat des salariés ! (Mêmes mouvements.)

Enfin, lorsque, comme vous, monsieur Mallot, on est membre d’un parti politique dont la nouvelle boussole s’appelle Arnaud Montebourg, on a forcément une idée : c’est qu’on n’a plus de cap et qu’on n’a plus la confiance des Français ! Voilà la réalité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Sauvetage de Dexia

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Dord. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Monsieur le ministre, François Fillon a eu raison, à l’instant, de rappeler que Dexia n’était pas une banque comme les autres, contrairement à ce que l’intervention quelque peu confuse de notre collègue de Rugy aurait pu faire croire. Dexia n’a pas les mêmes clients que les autres, en France, en tout cas, puisqu’elle est la banque des collectivités locales. Elle n’a donc ni la même organisation ni le même mode de fonctionnement. Là où nos grandes banques françaises réalisent des bénéfices importants, Dexia perd de l’argent.

La semaine dernière, ici même, François Baroin nous a fait part de sa préoccupation quant à la fragilité de Dexia et a dit qu’il était résolu à agir aux côtés de la banque quand cela serait nécessaire. Le Gouvernement français, en 2008, à travers le plan de sauvetage des banques, vous vous en souvenez, était déjà intervenu au profit des établissements financiers, cette fois-ci les banques de dépôt, avec le succès que l’on sait,…

M. François de Rugy. Trois milliards de pertes !

M. Dominique Dord. …puisque ces banques ont toutes été sauvées. Dans cette affaire, l’État a gagné plus d’argent qu’il n’en a mis, contrairement à ce qu’ont prétendu nos collègues socialistes.

M. Alain Gest. Eh oui !

M. Dominique Dord. Dimanche 9 octobre, le Gouvernement français a de nouveau pris ses responsabilités, cette fois-ci à côté de Dexia, en coopération avec les gouvernements belge et luxembourgeois, et a mis en place un plan de restructuration de la banque.

Je vous poserai simplement une question, monsieur le ministre. Les collectivités locales attendent, vous le savez, beaucoup de Dexia, qui est leur banque. Quelles conséquences peuvent-elles attendre de ce plan de restructuration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le député Dominique Dord, le Premier ministre le rappelait tout à l’heure, le Gouvernement français a participé, au cours du week-end dernier, à la stabilisation de Dexia. À cet égard, il a été décidé que la France apporterait, avec le Luxembourg et la Belgique, sa garantie à Dexia. Un projet de loi de finances rectificative vous sera, à cet effet, présenté dès la semaine prochaine.

S’agissant des collectivités locales, le problème se pose à plusieurs niveaux. Il y a d’abord la lourde question des emprunts structurés. Un certain nombre de collectivités ont souscrit des emprunts dans des conditions qui se sont révélées difficiles et elles appellent, aujourd’hui, les pouvoirs publics à la rescousse. Concernant ces emprunts structurés, il convient de noter que Dexia continuera à supporter le risque.

Que se passera-t-il pour chacune des collectivités ? Il n’y aura pas de traitement généralisé des emprunts structurés gérés par les collectivités. Chaque collectivité fera l’objet d’un examen au cas par cas. Un inspecteur général des finances a été désigné pour assister les collectivités dans l’analyse de leur situation et dans les solutions à trouver.

Enfin, qu’en est-il de l’avenir pour les collectivités locales ? Le Premier ministre l’a souligné, une capacité d’emprunt de 3 milliards sera dégagée par la Caisse des dépôts d’ici à la fin de l’année. Par ailleurs, une banque nouvelle, réunissant la Caisse des dépôts et la Banque postale, va voir le jour. Cet adossement sera donc sérieux et lourd. Cette banque sera en mesure de répondre aux sollicitations des collectivités et pourra traiter les dossiers dans la plus grande des proximités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Attaques de requins

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.

Depuis le début de l’année, La Réunion a subi cinq attaques de requins. (Sourires.) À deux reprises, elles ont été mortelles. L’émotion est vive chez les usagers de la mer et l’inquiétude grandit au sein de la population réunionnaise. Pour prévenir de nouveaux drames, une procédure d’information et d’alerte intégrant ce risque d’attaques est en cours de finalisation. Mais sécuriser la station balnéaire nécessite de cerner au mieux les causes qui sont à l’origine de ces attaques et d’avoir une meilleure connaissance scientifique du comportement des requins. Les études doivent débuter ces jours-ci et il est important qu’elles puissent bénéficier de l’expertise internationale la plus efficace. C’est à cette condition que pourront être prises les mesures les plus appropriées à la protection des zones de baignade.

Ces attaques répétées ont immédiatement eu des répercussions sur l’ensemble des activités de la station balnéaire endeuillée. Les chiffres d’affaires y sont en chute libre et l’une des plus importantes zones touristiques de La Réunion subit actuellement de graves difficultés. Si l’on veut éviter une catastrophe économique, il est urgent que des mesures de soutien spécifiques soient adoptées.

Dans ce XXIsiècle où les promesses de mieux connaître la mer et les océans se multiplient, il est important que la France, deuxième puissance maritime mondiale, lance, à son tour, un grand programme d’études scientifiques sur le comportement des requins, comme l’ont déjà fait les États-Unis, l’Australie ou l’Afrique du Sud. Comment le Gouvernement entend-il accompagner la recherche sur les milieux océaniques, que ces drames rendent désormais prioritaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la députée Huguette Bello, vous l’avez dit, l’inquiétude va grandissant à La Réunion devant la recrudescence des attaques des requins. J’ai justement reçu dernièrement le président du conseil régional de La Réunion, Didier Robert, qui s’en est, comme vous, fait l’écho.

On comptait, par le passé, environ une attaque par an. Depuis le début de l’année, ces attaques sont beaucoup plus nombreuses et elles sont concentrées sur le secteur de Saint-Gilles, ce qui est, là aussi, nouveau.

Nous avons, d’abord, pris des mesures d’urgence : les activités nautiques de pleine eau ont été interdites et une campagne de prélèvements a été effectuée à la fin du mois de septembre sur les espèces dangereuses et non protégées que sont les requins bouledogues et les requins tigres.

M. Albert Facon. Et les requins de l’hémicycle ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Nous mettons aussi en place une stratégie de prévention avec vous, madame la députée-maire de Saint-Paul, puisqu’une convention a été signée entre l’État et la commune de Saint-Paul prévoyant la mise à disposition de personnels, de matériels, d’un dispositif nautique. Notre objectif est de faire en sorte que vous puissiez rapidement lever la flamme orange sur la commune de Saint-Paul.

Vous l’avez dit, nous devons comprendre les causes de cette recrudescence d’attaques de requins. L’État, en partenariat avec la région, finance et copilote deux études. Pour pouvoir les nourrir, nous nous rapprochons naturellement de nos partenaires internationaux au sein de la Commission de l’océan Indien. La première étude portera sur la connaissance de la population de requins. Elle sera accompagnée d’une opération de marquage. La seconde étude portera sur les mesures de prévention.

Vous le voyez, l’État, la réserve naturelle marine et le CROSS sont totalement mobilisés pour pouvoir apporter rapidement des réponses aux Réunionnais, bien sûr, mais surtout aux touristes dont la présence est essentielle pour l’économie de l’île. Je dois, madame la députée, me rendre à La Réunion d’ici à la fin de l’année et j’aurai à cœur de vérifier, avec vous j’en suis sûre, que les actions que nous annonçons ici sont bien mises en place. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Dexia

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur la question de Dexia. Vous vous êtes un peu empêtré dans les dates…

M. Franck Gilard. C’est vous !

M. Christian Eckert. …j’aimerais vous rafraîchir la mémoire.

M. Lucien Degauchy. Prétentieux !

M. Christian Eckert. Une chose est certaine : c’est votre majorité qui, depuis bientôt dix ans, est au pouvoir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) L’introduction de cette banque sur le marché n’a rien à voir avec le problème actuel. Ce sont les représentants de vos gouvernements qui l’ont autorisée à se comporter en véritable casinotier sur le marché financier avec l’argent des collectivités locales.

M. Richard Mallié. C’est faux !

M. Christian Eckert. Ce n’est pas en 1996 que l’État a recapitalisé Dexia, c’est en 2008 que Mme Lagarde a fait voter ici même en catastrophe un milliard d’euros de budget, plus 2 milliards d’euros de la Caisse des dépôts pour recapitaliser cette banque, en difficulté à cause de la gouvernance d’un certain nombre de ses dirigeants, que vos représentants au conseil d’administration ont autorisés à percevoir retraites chapeaux et parachutes dorés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du GDR.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Bouvard. C’est un mensonge !

M. Lucien Degauchy. Il mélange tout !

M. Christian Eckert. Combien d’argent le contribuable sera-t-il amené à donner ? Avec quelle garantie, à quelle hauteur et sur quel montant la banque Dexia sera-t-elle recapitalisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Parler de partage des responsabilités dans l’affaire Dexia, cela ne change rien à l’affaire.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai !

M. François Baroin, ministre. Le Crédit lyonnais, en revanche, c’est vous, et le Gouvernement de François Fillon en tire les leçons pour voir ce qu’il ne faut pas faire.

Premièrement, ce qu’il faut d’abord faire et qui va être fait, c’est sauver une activité essentielle garantissant l’équilibre de nos territoires, l’investissement des collectivités publiques pour soutenir l’activité économique et, naturellement, à terme, le développement général des bassins de population et le soutien à l’activité globale. C’est le but du dispositif négocié par le Premier ministre avec le Premier ministre belge dimanche, un dispositif sérieux, solide et crédible ; validé par l’expérience (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui reposera sur la Caisse des dépôts et sur la Banque postale pour la nouvelle activité. L’État s’engage à garantir à hauteur de 90 milliards le mode de financement, garantie qui sera d’ailleurs inscrite dans la loi. J’aurai l’honneur de présenter demain, sous l’autorité du Premier ministre, un collectif qui sera en discussion devant votre assemblée lundi prochain. Ce sera, comme en 2008, une garantie : cela n’impacte pas la dette et cela n’aura aucune conséquence sur la notation de notre pays, cela a d’ailleurs été rappelé hier matin par les deux principales agences de notation chargées de suivre le dossier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxième élément : la poursuite de l’activité en Belgique. C’est important. C’est une banque de dépôt, les 8 millions de comptes seront préservés.

Troisième élément : la cession de la banque luxembourgeoise, le tout dans un accord global, équilibré, entre les trois États et transparent, puisque, sur ce dossier comme sur tous les autres, nous avons travaillé à livre ouvert. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Géorgie et Arménie

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Patrick Devedjian. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Président de la République s’est rendu la semaine dernière dans le sud du Caucase dans le cadre de la politique de stabilisation que notre pays mène brillamment dans cette région.

En Géorgie, il a reçu un accueil triomphal et évidemment reconnaissant de la part du peuple géorgien.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tu parles !

M. Patrick Devedjian. En Arménie, après sa visite au mémorial du génocide, le Président de la République a invité la Turquie à reconnaître le génocide arménien,…

M. Guy Teissier. Très bien !

M. Patrick Devedjian. …ajoutant que, si la Turquie n’en faisait rien avant la fin de l’année, il demanderait que la proposition de loi sur la pénalisation du génocide d’État (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), actuellement au Sénat, soit examinée.

Mme George Pau-Langevin et M. Henri Jibrayel. Qui l’a bloquée au Sénat ?

M. Patrick Devedjian. Ce matin, le Premier ministre turc, M. Erdogan, a répondu très brutalement, accusant le Président de la République de tenir un double, un triple, voire un quintuple langage, déclarant qu’il tenait des discours différents en France, en Arménie ou en Turquie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qui bloque au Sénat ?

M. Patrick Devedjian. Moi, monsieur le ministre des affaires étrangères, je sais que la France et son gouvernement n’ont qu’un seul langage. Ma question est donc simple : quand le Gouvernement mettra-t-il à l’ordre du jour du Sénat la discussion de la proposition de loi sur la pénalisation du génocide d’État ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération. Ayant participé au déplacement du Président de la République dans le Caucase du sud, comme vous-même, monsieur le député, je pense pouvoir rappeler les propos exacts tenus par le Président à l’occasion des trois étapes qu’il a effectuées, en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie.

Cette visite, vous avez raison, a eu un très grand retentissement dans le Caucase du sud, région souvent négligée sur le plan international alors même que, stratégiquement, c’est certainement un secteur essentiel pour l’avenir, qui a été ravagé au cours des siècles par nombre de violences, d’invasions et de guerres.

En Géorgie, devant 100 000 personnes réunies sur la place de la liberté, le Président de la République n’a fait que rappeler quelle avait été l’action menée au mois d’août 2008 pour préserver l’intégrité territoriale de ce pays et les engagements pris à ce moment-là par les différents acteurs des événements, et que ces engagements devaient être respectés au niveau géographique bien sûr mais aussi au niveau politique.

En Arménie, le Président a effectivement déclaré que la France avait reconnu le génocide arménien, que la Turquie s’honorerait, parce que c’était un grand pays, partenaire et ami de la France, à revisiter son histoire, qu’il ne s’agissait pas de fixer un délai en tant que tel parce que l’on faisait confiance aux autorités turques, mais que, si elles ne faisaient rien, on modifierait alors les textes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Voilà un sextuple discours !

Politique africaine de la France

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Serge Janquin. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’élection présidentielle au Cameroun interroge sur la politique africaine de la France. Une dictature installée par la France en 1960 dans un bain de sang y dure depuis plus d’un demi-siècle.

Le président Biya est un président fantôme. La moitié du temps à l’étranger, il préside un conseil des ministres par an. Le dernier s’est tenu en juillet 2009. Il n’est présent que pour faire tirer à balles réelles sur la jeunesse qui conteste sa réforme constitutionnelle. Il n’est présent que lorsqu’il s’agit d’installer la corruption au plus haut niveau de l’État, pour recevoir d’Elf le financement de sa campagne ou de bailleurs de fonds, dont la France, les moyens de juguler son opposition.

Il se dit aussi qu’il n’est présent que lorsqu’il s’agit d’envoyer à des partis politiques français des valises bien lestées (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC)

Un député du groupe UMP. Est-ce que cela inclut le parti socialiste ?

M. Serge Janquin. …alors que la moitié de sa population vit avec moins de 2 dollars par jour.

Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez désormais a pris si tardivement conscience de la volonté d’émancipation des peuples arabes qu’il a dû faire un virage sur l’aile – c’est l’expression qui convient – remarqué.

Quand la France se tiendra-t-elle enfin à distance respectable des miasmes irrespirables qui entourent des dirigeants africains corrompus ? J’évoque ici les dynasties Eyadema, Bongo et consorts.

Faudra-t-il attendre un printemps de l’Afrique noire pour que la France reconnaisse enfin la légitimité et la capacité des peuples d’Afrique à exprimer leur volonté, la volonté du peuple souverain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, la France a suivi avec une particulière attention le déroulement des élections au Cameroun dimanche dernier.

M. Noël Mamère. Ce n’était pas des élections !

M. Alain Juppé, ministre d’État. Il est encore trop tôt pour parler des résultats ; le taux de participation n’est pas encore connu. Ce que je peux vous dire, c’est que, selon l’Organisation internationale de la francophonie et le Commonwealth qui ont suivi le déroulement de ces élections, on peut considérer aujourd’hui qu’elles ont eu lieu dans des conditions acceptables. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Paul Lecoq. Scandaleux !

M. Alain Juppé, ministre d’État. Nous appelons donc la population et la presse camerounaises, ainsi que tous les acteurs politiques du pays, à faire preuve, jusqu’au 24 octobre, date de proclamation des résultats, et au-delà, de modération et d’éviter tout recours à la violence pour faire valoir leurs vues.

Plusieurs députés du groupe GDR. Scandaleux !

M. Alain Juppé, ministre d’État. S’agissant de la politique de la France en Afrique, vous avez d’ores et déjà, monsieur le député, la réponse à votre question. Le Gouvernement français, sous l’impulsion de François Fillon et sous la direction du Président de la République, a tout lieu d’être fier de ce que nous avons fait, par exemple, en Côte d’Ivoire. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Noël Mamère. Parlez-nous du Gabon et du Togo !

M. Alain Juppé, ministre d’État. Nous avons tenu à ce que le résultat des élections, validé par les institutions internationales, soit respecté. Nous n’avons pas soutenu les yeux fermés le candidat qui avait perdu sous prétexte qu’il était membre de l’Internationale socialiste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Non, nous avons tout fait pour que le président légitimement élu, M. Ouattara, accède au pouvoir, et nous voyons aujourd’hui qu’un processus de véritable démocratisation se déroule en Côte d’Ivoire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

De même, nous avons soutenu le processus d’élections libres au Niger et en Guinée, où les choses avancent.

M. Noël Mamère. Parlez-nous des biens mal acquis !

M. Alain Juppé, ministre d’État. Notre message à l’Afrique est donc très clair. Nous demandons aux régimes en place de prêter attention aux aspirations populaires, de moderniser les gouvernements, d’engager des processus de réforme, de passer d’un processus démocratique à une vraie culture de la démocratie.

M. Noël Mamère. Les biens mal acquis !

M. Alain Juppé, ministre d’État. La politique de la France est claire et déterminée dans ce domaine ; on ne peut pas en dire autant de ce qui a été fait parfois, dans le passé, sous votre propre impulsion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aide à domicile

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, vous avez annoncé la semaine dernière, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, des mesures importantes décidées par le Gouvernement en faveur du secteur médico-social.

Dans un contexte économique international fortement dégradé, le Gouvernement a tenu à réaffirmer par des mesures concrètes les engagements pris notamment vis-à-vis des personnes âgées dépendantes. Ainsi, une augmentation des crédits de plus de 6 % a été décidée pour 2012. En plus de ces crédits, un fonds de 50 millions d’euros supplémentaires sera inscrit en loi de finances, pour soutenir les services d’aide à domicile.

M. Marcel Rogemont. Combien pour les conseils généraux ? Ce sont eux qui payent !

Mme Bérengère Poletti. Le débat sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes a notamment fait apparaître que nous atteignons un point d’équilibre pour le nombre de places d’accueil en établissement, même si des inégalités territoriales subsistent. Il a pointé des défaillances dans les parcours de soin et un manque de mise en réseau de nos politiques. Il a, bien évidemment, aussi mis en lumière un large consensus en faveur du maintien à domicile.

Ce maintien à domicile, vous le savez, n’est possible que si des services de qualité et accessibles à tous existent. Vous ne méconnaissez pas les difficultés que traverse aujourd’hui le secteur de l’aide à domicile. Vous m’avez, à ce titre, confié une mission, sur laquelle je travaille en ce moment (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR – « Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP), et vous vous êtes rendue hier dans le département des Ardennes pour évoquer ces sujets avec des associations, des entreprises d’aide à domicile et, bien sûr, le conseil général, dont dépendent d’abord les services d’aide à domicile.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment ce fonds de 50 millions d’euros sera mis en œuvre (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe SRC), et comment vous envisagez la mise en place d’un nouveau mode de tarification que chacun semble appeler de ses vœux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la députée, avec Marie-Anne Montchamp, nous avons parfaitement diagnostiqué la volonté forte de nos concitoyens de rester chez eux le plus longtemps possible, même quand ils sont en grande perte d’autonomie. Pour cela, vous avez raison, il nous faut des services d’aide à domicile particulièrement performants.

Certains services traversent de réelles difficultés. C’est la raison pour laquelle je vous ai confié une mission à la fois de diagnostic et de proposition, et je vous remercie pour la qualité du travail que vous avez fourni.

Le diagnostic, c’est, d’une part, l’insuffisante tarification de certains conseils généraux pour rémunérer ces services à domicile et, d’autre part, la charge trop importante des frais de gestion de certains services. Nous allons donc nous attaquer à ces deux difficultés majeures.

Dans le cadre du projet de loi de finances, je vais proposer, par amendement, la création d’un fonds d’urgence de 50 millions d’euros. Il ne s’agit pas d’un recyclage d’argent déjà destiné au PLFSS mais véritablement d’argent frais pour ce secteur, et je remercie le Premier ministre d’avoir rendu cet arbitrage. L’argent sera délégué très rapidement aux agences régionales de santé, et nous travaillerons avec les conseils généraux pour accompagner les services dans leurs restructurations.

Nous travaillons également avec le président de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, pour établir un cahier des charges en vue de lancer un certain nombre d’expérimentations dans les départements qui l’acceptent et mener une véritable réforme de la tarification. Je compte, madame la députée, sur les propositions que vous allez nous faire et dont je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Schéma de coopération intercommunale

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Philippe Plisson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les élus de gauche ont combattu, ici et au Sénat, votre calamiteuse réforme des collectivités territoriales sur laquelle, c’est promis, nous reviendrons après la victoire espérée de 2012. (Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je pourrais donc gloser sur votre reconnaissance tardive, à l’AFP, de l’inquiétude des élus et sur votre reculade sur le sujet, laquelle évidemment ne doit rien à la victoire de la gauche au Sénat... Mais ce ne sera pas mon propos car le sujet appelle des propositions constructives.

En effet, élu rapporteur général de la commission de coopération intercommunale de Gironde (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP),…

M. Dominique Dord. Oh là-là !

M. Philippe Plisson. …j’ai consacré une bonne partie de l’été à rencontrer les élus du département pour une difficile équation, celle qui consiste à tirer le meilleur parti de cet exercice imposé pour l’aménagement du territoire. Outre les fortes réticences induites par la rigidité de la méthode, le principal obstacle à une évolution, parfois opportune, de la carte de l’intercommunalité, ce sont les délais impartis, qui ne permettent ni les simulations financières nécessaires ni les indispensables discussions et débats.

Interpellé par le nouveau président du Sénat Jean Pierre Bell, vous avez accepté le principe de réviser cette méthode à la hussarde et convenu d’un assouplissement du calendrier. Il faut maintenant passer des paroles aux actes. La loi prévoit expressément la date du 31 décembre 2011 pour la publication du schéma par les préfets. Dans votre communiqué, vous indiquez que vous leur avez donné de nouvelles instructions. J’ai vérifié hier : ce n’est pas le cas en Gironde. Au-delà même de mon département, il n’est pas envisageable que les délais imposés soient à géométrie variable, une sorte de loto départemental pour les dates, fixées à la tête du client.

Ma question est simple : quelle nouvelle date fixez-vous pour l’adoption définitive du schéma de coopération intercommunale dans tous les départements de France et comment allez-vous modifier la loi pour que ce nouveau calendrier s’impose à tous les préfets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur le député, le Premier ministre l’a rappelé à Richelieu vendredi dernier : la révision de la carte intercommunale est une nécessité pour notre pays afin que les communes et les intercommunalités puissent exercer au mieux les nombreuses compétences qu’elles détiennent. J’observe d’ailleurs que lors des débats au Parlement sur la réforme des collectivités, à l’Assemblée comme au Sénat, l’inscription dans la loi des principes de la révision a fait l’objet d’un large consensus…

M. Pierre Gosnat. À la hussarde !

M. Philippe Richert, ministre. …à droite comme à gauche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cette révision doit s’effectuer dans le cadre d’une concertation la plus large possible, dans un esprit de coproduction entre les élus et les préfets. Des instructions très claires ont été données à ces derniers : il leur a été précisé qu’ils devaient tout mettre en œuvre pour obtenir la majorité la plus large possible sur les propositions de schéma ; s’ils ne peuvent y parvenir avant le 31 décembre, ils prendront le temps nécessaire pour aboutir, sans s’enfermer dans des contraintes de calendrier.

Vous l’avez bien compris, monsieur Plisson : il s’agit bien sûr de respecter le délai prévu quand le débat permet d’arriver au bout, mais lorsque ce n’est pas possible, il faudra se donner du temps. Il ne s’agit donc évidemment pas d’un moratoire ni de renoncer à la révision, mais de prendre le temps là où cela s’avère nécessaire pour parvenir au consensus que nous souhaitons tous.

M. Marcel Rogemont. Vous n’avez pas à changer la loi ! La loi prévoit le 31 décembre !

M. Philippe Richert, ministre. J’ajoute que dans tous les départements où des problèmes subsistent, nous serons bien entendu à l’écoute des élus pour continuer à travailler sur le sujet. Partout où cela s’avère nécessaire, il faut tout faire pour respecter les délais. Mais il sera possible d’aller au-delà du 31 décembre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Réhabilitation des cimetières français en Algérie

M. le président. La parole est à M. Éric Diard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Diard. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le ministre d’État, en tant que vice-président à l’Assemblée nationale du groupe d’études sur les rapatriés, je suis parti mi-septembre en Algérie, plus particulièrement en Oranie. Je me suis rendu dans plusieurs cimetières. J’ai constaté l’avancée des travaux et l’implication d’associations telles que l’ANRO, le CSCO ou l’APNCOA. Le retour d’un consul français à Oran, fin 2009, a en effet permis de restaurer plus facilement plusieurs cimetières. Cependant, si plusieurs ont été réhabilités, d’autres paraissent abandonnés.

M. Jean Glavany. Et certains ont été saccagés !

M. Éric Diard. Un second plan d’action a été engagé. Il prévoit notamment un fonds de concours auquel les collectivités territoriales peuvent participer. Jusqu’à présent, leur participation est restée faible et il me paraît important de les solliciter davantage.

Je rappelle que, depuis 2005, l’État a engagé un plan d’action et de coopération pour la sauvegarde de ces cimetières. En 2011, il a engagé plus de 550 000 euros alors que ses engagements ne s’élevaient qu’à 260 000 euros en 2010. Mais l’ampleur de la tâche est immense, et malgré de nombreuses réhabilitations, il reste des sépultures abandonnées ou profanées.

Monsieur le ministre d’état, avec la réhabilitation des cimetières en Algérie, c’est l’honneur de notre pays qui est en jeu. (Applaudissements sur divers bancs.) Aussi, à quelques mois de la douloureuse commémoration du cinquantième anniversaire de l’exode, pouvez-vous nous affirmer que malgré les contraintes budgétaires, l’effort de l’État engagé en faveur de la sauvegarde des cimetières en Algérie sera maintenu en 2012 ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Éric Diard, le Gouvernement comprend et respecte l’attachement que nos compatriotes rapatriés portent aux sépultures de leurs parents, de leurs grands-parents, de leurs ancêtres restées en Algérie. C’est la raison pour laquelle, depuis 2005, la France met en œuvre, vous l’avez rappelé, un plan interministériel d’action et de coopération pour la réhabilitation des sépultures civiles françaises en Algérie. Lancé en 2003, ce plan a été confirmé par le Président Sarkozy en 2007, au retour de sa visite d’État. De 2005 à ce jour, l’État y a consacré 2,5 millions d’euros dont, vous l’avez également rappelé, près de 500 000 euros au titre de la seule année 2011.

Cet effort budgétaire a été complété par des fonds de concours qui ont permis de collecter plus de 200 000 euros auprès des collectivités territoriales françaises, auxquelles je tiens à rendre hommage.

Une deuxième phase du plan d’action a été élaborée, en étroite concertation avec les autorités algériennes. Elle repose sur l’idée de regrouper les sépultures au sein de quelques grands cimetières, leur entretien étant plus facile. C’est ainsi que 137 petits cimetières, particulièrement dégradés, vont être regroupés sur vingt-six cimetières plus importants. Nous avons bien sûr laissé le choix aux familles de rapatrier les restes de leurs défunts…

M. Jean Glavany. Non, ce n’est pas vrai !

M. Alain Juppé, ministre d’État. C’est parfaitement vrai, monsieur le député ! Nous avons même prolongé le délai jusqu’au 15 janvier 2012 afin de leur permettre de choisir vraiment.

Enfin, votre question portant plus précisément sur la mise en œuvre du programme de réhabilitation, je vous confirme, monsieur Diard, que la dotation de 548 000 euros consacrée à l’entretien des cimetières inscrite au PLF 2012 ne sera pas affectée par les mesures d’économies que le Gouvernement soumettra au parlement à l’occasion de la discussion budgétaire.

La France, dans tout cela, ne fait que son devoir, mais elle le fait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mutuelles

M. le président. La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Albert Facon. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de la santé ; j’y associe ma collègue Valérie Fourneyron.

Monsieur le ministre, concernant la décision de votre gouvernement d’augmenter une fois de plus la taxe des complémentaires santé, permettez-moi d’être très inquiet pour l’accès aux soins des Français. Force est de constater que le montant des cotisations a été multiplié par vingt depuis 2008 : en valeur absolue, ce montant passera de 177 millions d’euros en 2008 à 3,5 milliards d’euros en 2012.

Année après année, le Gouvernement démantèle la solidarité nationale. Le taux de remboursement de la sécurité sociale des soins de ville est descendu à 55 %. Beaucoup de Français ne peuvent plus payer leur mutuelle. Actuellement, une personne sur trois n’achète plus ses médicaments contre seulement une personne sur dix en 2007.

Monsieur le ministre, vos mesures représentent une attaque contre l’accès à la santé. De nombreux médicaments sont déremboursés et les dépassements d’honoraires sont banalisés. Taxer les mutuelles et les transformer en collecteurs d’impôts ne va pas dans le sens de la justice sociale. Avec vous, ce n’est plus une médecine à deux vitesses, c’est plus de médecine du tout !

Le groupe socialiste a déposé un amendement dans le projet de loi de finances pour supprimer ces mesures. Les 2 milliards que devraient payer nos concitoyens seront prélevés sur la belle niche fiscale Copé qui épargne les grandes entreprises.

Monsieur le ministre, je vous demande de revenir sur ces décisions injustes qui vont frapper de plein fouet les plus faibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, vos chiffres sont faux ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vais pas vous asséner les miens mais vous donner ceux de la commission des comptes de la santé, qui n’est pas une émanation du ministère. Ceux-ci montrent que la France est le pays au monde, avec les Pays-Bas, où le reste à charge est le plus faible, tout simplement pour préserver l’accès au soin des Français.

C’est une vérité qui vous dérange peut-être ; elle devrait vous faire plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez chercher à manier les chiffres dans tous les sens,…

M. Frédéric Cuvillier. C’est vous qui les maniez !

M. Xavier Bertrand, ministre. …je vous mets au défi de me trouver un seul pays où vous préféreriez vous faire soigner, vous et votre famille, plutôt qu’en France. Il n’y en a pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez le droit de le reconnaître, même si vous êtes sur les bancs de l’opposition.

M. Marcel Rogemont. Ne vous inquiétez pas, on revient !

M. Xavier Bertrand, ministre. Même si vous passez votre temps à critiquer, à protester, vous devriez le rappeler : c’est votre majorité qui a instauré, qui a imaginé le forfait journalier hospitalier. C’est vous qui l’avez mis en place ! Il fut une époque où vous avez été courageux, mais c’est du passé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne savez que critiquer en la matière, et la primaire socialiste a donné lieu à une improvisation permanente. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voyez comme vous êtes agités ! Croyez-vous que les Français ont envie de vous faire confiance ? Certainement pas ! (Mêmes mouvements.)

La vérité, c’est qu’il existe une aide à la complémentaire santé et que vous ne l’avez jamais votée. Pourquoi avons-nous mis en place cette aide ? Pour que celui qui est au-dessus du seuil de la CMU, qui travaille, ne soit pas privé de soins. Il doit aussi y avoir une solidarité envers celles et ceux qui travaillent. Jamais vous n’avez voté en faveur de cette mesure lors de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Marcel Rogemont. On vous parle de la taxe sur les mutuelles ! C’est inadmissible !

M. Bernard Roman. Cette taxe, c’est vous !

M. Xavier Bertrand, ministre. La taxe va effectivement faire augmenter le montant des cotisations, mais les mutuelles ne sont pas obligées de relever leurs tarifs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Chaque année, les prix des mutuelles ont augmenté trois fois plus que l’évolution de la fiscalité. Où est la différence ? Vous aviez moins de scrupules quand, dans la région Nord-Pas-de-Calais, vous avez augmenté les impôts de 24 %. Vous ne vous êtes pas émus du pouvoir d’achat des habitants de votre région ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Apprentissage dans les PME

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Perrut. Ma question s’adresse à Mme Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Chaque jour, sur le terrain, nous mesurons, les uns et les autres, l’inquiétude et parfois même le désarroi, des jeunes sans emploi. C’est la raison pour laquelle la lutte contre le chômage des jeunes demeure, pour notre majorité, une priorité. Encore faut-il qu’une mobilisation renforcée de tous les acteurs concernés permette aux jeunes d’entrer plus facilement et plus durablement sur le marché du travail.

Madame la ministre, vous avez justement signé, il y a quelques jours, une charte d’engagement pour favoriser l’accès aux contrats en alternance des jeunes accompagnés par les missions locales, avec quatorze grandes entreprises françaises, le réseau des chambres de commerce et d’industrie et celui des chambres des métiers, et sept grandes branches professionnelles. Le but est de permettre à 50 000 jeunes de plus d’accéder à une voie de qualification et à une insertion professionnelle durable.

Vous avez également lancé une campagne de promotion de l’apprentissage auprès des entreprises, sachant que nombre de nos PME peuvent trouver, avec des jeunes motivés et sérieux qui font la preuve de leur savoir-faire, un levier de leur développement futur. C’est d’ailleurs tout le sens de la loi du 28 juillet sur l’alternance que nous avons adoptée ici, qui valorise l’apprentissage et simplifie les relations entre les apprentis et les entreprises. C’est tout le sens de l’engagement du Président de la République et des mesures prises par le Premier ministre, le Gouvernement et notre majorité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dresser l’état des lieux de la mise en place de ce plan national ? Où en sommes-nous ? Pouvez-vous faire le point sur les mesures d’aide aux entreprises et sur leurs conséquences, ainsi que sur l’avancement de la contractualisation avec les régions et les acteurs économiques ?

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le député Bernard Perrut, vous êtes totalement engagé, en tant que parlementaire, dans ce domaine puisque vous êtes l’auteur, avec Gérard Cherpion et Jean-Charles Taugourdeau, d’une proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels qui a été adoptée puis promulguée le 28 juillet dernier. Cette loi permet, justement, de développer la formation en alternance dans notre pays.

Vous présidez aussi le conseil national des missions locales. Nous nous sommes assigné un objectif très concret : que 50 000 jeunes entrent cette année dans une formation en alternance, grâce au travail des missions locales, aux réseaux des chambres consulaires et à l’effort des entreprises.

Avec Xavier Bertrand, nous avons lancé une campagne de communication dans la presse quotidienne régionale et nationale et sur les radios, afin d’inciter les entreprises de moins de 250 salariés à recourir à l’apprentissage, en bénéficiant du dispositif « zéro charges » pendant un an.

Les contrats de professionnalisation rencontrent un véritable succès : ils ont augmenté de 23 %. Il nous reste à faire un effort sur l’apprentissage. Je demande la mobilisation générale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) des entreprises et de tous les partenaires parce que l’emploi des jeunes passe par le secteur marchand.

Dimanche dernier, l’actualité c’était évidemment le déplacement du Président de la République (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC) à Berlin et le sommet franco-allemand. C’était aussi les olympiades des métiers qui se sont tenues à Londres où je me suis rendue moi-même pour soutenir quarante-quatre jeunes qui ont participé à une compétition réunissant cinquante et une nations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs de l’UMP.) Nous avons obtenu neuf médailles : trois d’or, trois d’argent et trois de bronze.

M. Albert Facon. C’est grâce à David Douillet !

Mme Nadine Morano, ministre. Je voudrais féliciter tous ces jeunes qui ont porté haut les couleurs de la France. Cela aussi aurait mérité l’intérêt des médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Protection des consommateurs

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (nos 3508, 3632).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, mes chers collègues, nous voici rassemblés pour voter le projet de loi de protection des consommateurs.

Oui, j’ai entendu fuser des critiques de l’opposition, qui a qualifié le texte de « loi fourre-tout », d’« inventaire à la Prévert » ou encore de « petite loi ». (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Oui, vous avez osé ! C’est faire bien peu de cas, mes chers collègues, des soucis qui sont, quotidiennement, ceux de nos concitoyens.

Ce projet de loi offre en effet une meilleure protection aux consommateurs dans des domaines qui, s’ils sont variés, englobent presque toutes les dépenses contraintes des Français et représentent en moyenne 33 % du budget de nos concitoyens, voire 80 % de celui des plus défavorisés.

Le texte améliore les relations entre les locataires et leurs bailleurs, qu’ils soient privés ou publics. Il oblige les opérateurs de télécommunications à proposer des offres sans engagement de durée et les contraint à une plus grande transparence des informations communiquées à leurs clients, par exemple en imposant une acceptation expresse et une tarification transparente des services à valeur ajoutée par SMS. Il fournit en outre un cadre juridique pour allier le développement de la vente en ligne des produits d’optique – lunettes et lentilles – et la nécessaire protection de la santé. Il intègre également des dispositions de nature à renforcer la confiance des consommateurs dans la vente à distance et la vente par internet, qui font l’objet d’un véritable engouement des Français. Je dois à cet égard saluer l’action du Gouvernement, qui a repris le texte de la proposition de loi de Jean-Pierre Nicolas, Jean-Michel Ferrand, Bernard Gérard et moi-même sur la vente à distance, que l’Assemblée nationale avait adoptée.

Je veux aussi saluer deux points de méthode que les parlementaires ont particulièrement appréciée, monsieur le secrétaire d’État.

Tout d’abord, le projet de loi a été élaboré à partir de remontées du terrain, à partir de l’analyse des 92 500 réclamations reçues par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. C’et grâce à cela qu’il couvre de nombreux domaines de la consommation, et qu’il répond réellement et concrètement aux attentes des Français.

Je me réjouis aussi, monsieur le secrétaire d’État, du travail accompli avec vous-même et avec le rapporteur Daniel Fasquelle. Je veux le dire à tous nos collègues : nous avons réellement pu, sur tous les bancs, enrichir le texte initial du Gouvernement grâce à un fructueux travail en commission et en séance, puisque plus de 250 amendements ont été adoptés. C’est certainement pour cela qu’aucun groupe n’a voté contre le projet de loi en commission.

Ce fut un choix assumé du groupe UMP que de ne pas rouvrir certains débats, en particulier celui du crédit à la consommation. Nous avons voté un projet de loi sur le sujet il y a moins d’un an, et l’effet des mesures adoptées n’a donc pas encore été évalué ; nous nous honorons, mes chers collègues, de notre travail de contrôle et d’évaluation des dispositions prises sans en ajouter de nouvelles un an après.

Le texte ainsi complété par nous tous, qui siégeons sur tous les bancs de cet hémicycle, se traduira par de véritables avancées pour la protection des consommateurs. Le groupe UMP le votera donc avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une loi discutée dans un bon esprit est-elle une bonne loi ? Ce n’est pas absolument sûr, nous avons d’ailleurs notre idée sur la question.

Si je dis cela, c’est parce que je veux d’abord saluer l’attitude de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État, qui ont été ouverts sur un certain nombre de sujets et ont favorisé le dialogue. Nous devons en prendre acte.

Est-ce suffisant pour affirmer que c’est une bonne loi ? Telle est la vraie question.

Sans prétendre à l’exhaustivité, examinons plusieurs aspects.

Certes, nombre d’avancées ont été obtenues, parfois grâce à des amendements déposés par notre groupe, et nous en sommes satisfaits. C’est le cas, par exemple, des problèmes de logement et de cautionnement, qui sont extrêmement importants, ainsi que du tarif social d’internet. Las, on ne peut en dire autant de l’internet « illimité », puisque cet « illimité » ne le sera pas vraiment. Vous n’avez donc pas voulu aller jusqu’au bout de la clarification.

Il y a également eu – nous le notons avec plaisir – des avancées en matière de délais de remboursement aux consommateurs ou de couverture de garantie, utile à nos petits garagistes ruraux.

S’il est bon de régler un certain nombre de problèmes particuliers, il serait cependant préférable d’être cohérent avec les options que l’on a soi-même défendues. Je veux parler, monsieur le secrétaire d’État, de l’action de groupe, puisque, à l’instar de votre prédécesseur M. Chatel, vous l’avez ardemment défendue lorsque vous étiez député. Comme je l’ai dit en séance la semaine dernière, c’est fou ce que le changement d’état change l’opinion des gens ! Devenu secrétaire d’État, vous n’êtes effectivement plus favorable à l’action de groupe.

M. Jean Mallot. Il a été repris en main !

M. Jean Gaubert. À la place, vous nous présentez la médiation. Certes, ce n’est pas complètement inutile, mais nous savons que la médiation, si elle peut régler quelques problèmes particuliers, n’a pas l’effet de médiatisation « pour l’exemple », souvent indispensable, et que seule permet une prise en charge globale.

Il y a également le fichier positif, que l’on appelle maintenant le répertoire national du crédit, pour lequel nous avons beaucoup bataillé, y compris aux côtés – une fois n’est pas coutume – de nos collègues du Nouveau Centre. Je rappelle que l’on nous avait expliqué que ce n’était pas faisable et que Mme Lagarde a fini par concéder une opération de préfiguration qui a prouvé le contraire. Vous avez cependant trouvé un certain nombre d’arguments dilatoires et choisi un code qui pose problème à la CNIL, sans doute à juste titre, alors que beaucoup d’autres solutions sont pourtant possibles. Tout cela s’explique par la pression du secteur bancaire, du moins de quelques grandes banques, qui refusent toute avancée sur cette question.

Les banques refusent également de revenir sur le système des dates de valeur. Chacun sait bien, monsieur le secrétaire d’État, que c’est l’un des éléments de rentabilité – s’il en reste – de nos banques. Celles-ci s’assurent effectivement ainsi des marges, d’une façon injuste et qui pénalise le consommateur, notamment les plus démunis. Dans le même ordre d’idées, on peut aussi mentionner le refus de l’affichage des marges, pourtant réclamé par les producteurs comme par les consommateurs.

On peut en outre se demander quels moyens vous prévoyez pour appliquer ce texte. Je ne m’étendrai pas sur ceux de la DGCCRF, dont nous savons qu’elle a perdu un millier d’emplois en quelques années, du fait de la RGPP. Elle n’était pourtant pas si bien dotée.

J’aurai l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen du projet de loi de finances, de vous redire que les agents de la DGCCRF, que j’ai pu rencontrer, sont complètement démoralisés. Ils se demandent quel est le sens de leur action. Est-ce un hasard s’ils se trouvent dans cette situation, ou cela résulte-t-il d’un choix délibéré : celui d’afficher des ambitions sans donner à l’État les moyens nécessaires ?

Au-delà, ce qui est le plus important, c’est le changement de pied de la majorité au cours de la législature. Au début de celle-ci, les textes ayant trait à la consommation affichaient toujours l’ambition du pouvoir d’achat, qui avait d’ailleurs été l’objet des promesses du Président de la République au cours de sa campagne. Or vous n’en parlez plus du tout dans ce texte !

Nous souhaitons, nous, continuer d’en parler, car cela signe l’échec du président Sarkozy, votre échec.

M. le président. Merci, monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je veux simplement dire, monsieur le président…

M. le président. Oui, quel sera le vote de votre groupe ?

M. Jean Gaubert. Je conclus, monsieur le président.

S’il ne devait y avoir qu’une raison de voter contre ce projet de loi, ce serait celle-là. Le Président de la République a fait des promesses ; elles n’ont pas été tenues, et vous en êtes aussi responsable, monsieur le secrétaire d’État. Nous ne pourrons pas nous associer au vote de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas le projet de loi relatif à la protection des consommateurs. Nous considérons, en effet, que ce texte technique, si fouillé soit-il, n’apporte pas de véritables réponses aux problèmes de nos concitoyens. Ces problèmes, nous les connaissons : d’un côté, l’explosion des prix et du coût de la vie ; de l’autre, le blocage, voire le recul, des salaires et des retraites. Cette situation est le résultat de la politique de votre majorité, entièrement tournée vers l’enrichissement des actionnaires aux dépens du pouvoir d’achat populaire.

Ainsi, qu’est-il proposé, dans le projet de loi, en matière de logement, qui est le premier poste de dépense des Français ? Simplement de garantir un meilleur affichage des surfaces des biens immobiliers mis en location. Or, il y a urgence. En 2010, chaque ménage a dépensé en moyenne 9 800 euros pour se loger, contre 9 500 l’année précédente. Les Français consacrent au logement 25 % de leur revenu disponible brut, soit deux fois plus qu’à l’alimentation et aux transports. En 2010, les dépenses courantes de logement ont augmenté de 4,2 %, soit trois fois plus que l’inflation. Pour faire face à la crise du logement, les députés communistes et du parti de gauche proposent des mesures autrement plus efficaces, telles que l’encadrement des loyers par bassin de vie, afin de réguler au mieux l’offre et la demande de logement en situation de pénurie et de répondre aux besoins des populations.

Autre sujet qui a nourri nos discussions : les prix alimentaires. Sur ce point, il y a fort à faire. Ces prix augmentent en effet de façon continue à un rythme annuel de 2 %, avec des fluctuations importantes puisque cette augmentation atteint 13,5 % pour les produits frais. Ces hausses injustifiées du prix de produits indispensables grèvent chaque année un peu plus le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, tandis que les agriculteurs ne parviennent pas à tirer un revenu décent de leur activité, soumis qu’ils sont aux fluctuations et à la dégradation récurrente des prix d’achat de leur production. Lors de la discussion du projet de loi, qui fut particulièrement ouverte, quelques amendements intéressants ont été adoptés, notamment en vue de renforcer le rôle de l’Observatoire des prix et des marges. Mais l’essentiel reste à faire.

Nous avons ainsi proposé la création d’un coefficient multiplicateur afin de garantir à la fois des prix modérés aux consommateurs et un revenu décent aux producteurs. Nous devons en effet prendre des mesures concrètes pour nous attaquer aux marges considérables des groupes de la grande distribution. Du reste, notre proposition de loi tendant à encadrer les prix alimentaires sera examinée ici même, le 1er décembre prochain.

Nous tenons néanmoins à saluer certaines avancées comprises dans ce projet de loi, notamment l’amélioration de la protection de nos produits régionaux manufacturés, grâce à la création d’une indication géographique protégée non alimentaire. S’agissant de l’information des consommateurs, nous nous félicitons de l’adoption de notre amendement visant à obliger les prestataires de service à mentionner leurs coordonnées postales et téléphoniques sur les contrats et factures, où ne figure souvent qu’un lien internet.

Toutefois, nous regrettons que le texte n’aborde pas nombre de questions pourtant fondamentales. Rien, ou si peu, sur les prix de l’électricité, qui donnent lieu à tant de recours devant le médiateur de l’énergie ; rien sur les prix du carburant, malgré l’importance de ce problème pour nos concitoyens ; rien sur la spéculation immobilière ; rien sur les frais bancaires abusifs ; rien sur le surendettement, qui plonge des milliers de Français dans les pires difficultés ! Enfin, rien sur l’action de groupe, rejetée aujourd’hui par le secrétaire d’État Frédéric Lefebvre, après avoir été prônée par le député Lefebvre Frédéric.

Face à ces silences, je veux rappeler, pour conclure, le programme du front de gauche (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qu’il serait bon que vous intégriez : SMIC à 1 700 euros, salaire maximum (Exclamations sur les mêmes bancs),…

M. le président. Ce n’est pas le meilleur moyen d’obtenir le silence, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. …encadrement des loyers, augmentation immédiate des bourses d’études, élargissement des droits sociaux aux jeunes majeurs, remboursement à 100 % des dépenses de santé.

Mes chers collègues, compte tenu de la gravité de la situation, il faut plus d’ambition pour répondre aux besoins populaires. C’est la raison pour laquelle les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la raison d’être du projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer cet après midi est claire. En 2009, le nombre des réclamations adressées à la DGCCRF par les consommateurs a atteint le pic de 110 000. Il fallait répondre à ces plaintes. Pour ce faire, M. le secrétaire d’État a adopté une démarche pragmatique et innovante – qu’il convient de saluer –, puisqu’il est parti précisément de ces réclamations pour proposer un certain nombre de mesures de nature à répondre aux problèmes liés à la vie quotidienne de nos compatriotes.

L’examen du texte en séance publique a permis des avancées, notamment en ce qui concerne l’encadrement des SMS surtaxés et la pénalité appliquée aux propriétaires qui refusent de restituer le dépôt de garantie aux locataires ; les droits des consommateurs en sortent renforcés. L’Assemblée a également décidé, à l’initiative de Christian Estrosi, que la grande distribution alimentaire devra communiquer ses marges, sous peine de sanctions.

Le groupe Nouveau Centre avait, quant à lui, conditionné son vote à la création d’un répertoire national du crédit aux particuliers. Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’avais en effet annoncé combien ce point serait déterminant pour les centristes.

Le répertoire national du crédit, appelé communément « fichier positif », soulève un triple problème.

Premièrement, il est urgent d’adopter un mécanisme efficace de prévention du surendettement, car la crise précipite dans cette situation un nombre croissant de nos compatriotes, qui vivent une véritable descente en enfer. Nous, députés, en sommes témoins dans nos permanences. La crise rend donc urgente l’adoption d’un tel dispositif.

Deuxièmement, qu’en est-il de la parole du Gouvernement ? Christine Lagarde avait en effet pris un engagement sur ce sujet, mettant ainsi fin aux hésitations sur le bien-fondé de ce dispositif. Un comité de préfiguration s’est réuni et a travaillé pendant un an, le rapport Constans est désormais public : qu’attend le Gouvernement pour tenir parole ?

Troisièmement, qu’en est-il du respect du Parlement ? On dénombre pas moins de quatre initiatives parlementaires émanant de l’UMP – signées Luc Chatel, Jean-Luc Warsmann, Marie-Thérèse Hermange et Jean Grenet –, deux du Nouveau Centre – signées Jean-Christophe Lagarde et François Sauvadet – et une du groupe socialiste, signée Jean Gaubert : combien en faudra-t-il pour que soit créé le répertoire national du crédit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Las, cette fois encore, le Gouvernement a rendu un arbitrage négatif et usé d’un alibi peu glorieux, puisqu’il a produit à la dernière minute une lettre de la CNIL – dont je pense qu’elle a été instrumentalisée dans ce débat.

Nous savons qui est pour le répertoire national : l’ensemble des travailleurs sociaux et des associations, ainsi que 86 % des Français. Nous savons également qui est contre : deux banques. Aussi le groupe Nouveau Centre ne baissera-t-il pas les bras : le sujet est trop important, trop sensible socialement. Nous sommes ouverts et prêts à travailler avec le Gouvernement lorsqu’il le souhaitera. En attendant, nous remettrons l’ouvrage sur le métier lorsque ce texte viendra en première lecture au Sénat, puis au cours de sa seconde lecture dans les deux assemblées, et dans le cadre de notre initiative parlementaire, le 26 janvier prochain.

Compte tenu de ce désaccord et en dépit des avancées contenues dans ce texte, nous nous abstiendrons de voter le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – « Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 476

Nombre de suffrages exprimés 432

Majorité absolue 217

(Le projet de loi est adopté.)

3

Hydrocarbures non conventionnels

Vote solennel

M. le président.L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et de plusieurs de ses collègues visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et à assurer davantage de transparence dans le code minier (nos 3690, 3768).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l’exclusion de tout amendement, et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Philippe Martin. Monsieur le Président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, mes chers collègues, sans la prise de conscience de quelques citoyens, sans la mobilisation de quelques associations, sans la ténacité de quelques élus locaux, les permis exclusifs d’exploitation de gaz de schiste accordés par le Gouvernement au mois de mars 2010 auraient déjà commencé à produire leurs effets désastreux.

Face à l’inquiétude de nos concitoyens et des élus locaux, l’initiative parlementaire du groupe SRC, puis celle du groupe UMP, devait mettre un terme à ce fiasco démocratique et environnemental. La volonté de notre groupe d’atteindre un objectif qui semblait alors partagé – abroger les permis accordés – nous avait même conduits à accepter de co-rapporter le texte présenté par Christian Jacob et à avancer avec la majorité en commission. Il est vrai que les déclarations du Premier ministre, réclamant l’interdiction de l’extraction des gaz de schiste, et celles de Christian Jacob, plaidant pour un moratoire ad vitam aeternam, nous avaient presque convaincus. Hélas ! comme toujours, avec la majorité, le diable se cache dans les détails. En effet, la loi du 13 juillet 2011 s’est, sous couvert de précision juridique, progressivement éloignée de l’objectif initial, au point de devenir un texte flou et incomplet ne satisfaisant ni les élus locaux ni les citoyens, de sorte que nous ne l’avons pas voté.

Et ce n’est pas, madame la ministre, votre récente décision d’abroger les trois permis accordés dans le sud de la France qui a gommé cette impression de bricolage. Au contraire, par leur incohérence, ces abrogations ont fait la démonstration des limites de la loi du 13 juillet et du prétexte législatif qu’elles constituent à vos yeux. Car, si l’abrogation des permis, telle qu’elle est prévue dans ce texte, doit bien avoir un lien avec le contenu des rapports que les industriels devaient vous remettre avant le 13 septembre, elle ne peut être motivée que par un « recours effectif ou éventuel à la fracturation hydraulique ». Nulle part, la notion de crédibilité de la réponse des industriels n’apparaît comme un motif légal ni même sérieux d’abrogation. Or, c’est précisément le manque de crédibilité de la réponse que vous a faite le groupe Total qui vous a conduite à abroger le permis de Montélimar.

Circonstanciellement, cela nous convient, puisque nous souhaitions cette abrogation, comme nous souhaitons celle de tous les permis accordés. Mais, à moyen et long terme, pour tous les permis encore valides et pour ceux qui sont en cours d’instruction, quelle garantie avons-nous que cette « crédibilité », qui n’est en réalité que la version présentable de l’arbitraire, ne vous servira pas à confirmer ici, à autoriser là ? Aucune. Cet arbitraire peut même conduire à un troc avec les industriels détenteurs de permis exclusifs : on préservera l’Hérault, mais on sacrifiera la Guyane.

Madame la ministre, le quasi-mépris que vous avez affiché à l’égard de notre proposition de loi pendant toute la discussion nous a étonnés et déçus. Ce texte est, non pas un dispositif alternatif à la loi Jacob, mais une contribution destinée à préciser celle-ci, en ayant à cœur de revenir au but initial.

Avec ce texte, nous poursuivons en effet deux objectifs que la loi Jacob a ignorés ou éludés et qui sont pourtant essentiels. Le premier est fondamental, si nous voulons que les décisions d’autorisation ou d’abrogation reposent sur des critères objectifs : il s’agit de la définition des hydrocarbures non conventionnels. Interdire la fracturation hydraulique sans définir ce que sont ces hydrocarbures, non seulement n’a pas de sens, mais favorise la confusion et l’incompréhension. Le second objectif, c’est la réforme d’un code minier obsolète, dont vous différez sans cesse l’examen par notre assemblée. La réécriture de cette législation d’un autre âge permettrait pourtant de satisfaire, au-delà des obligations inscrites dans la Charte de l’environnement et la Convention d’Aarhus, la demande légitime des citoyens et des élus locaux.

J’ajoute qu’un rapport commandé par la commission de l’environnement du Parlement européen, examiné mardi 4 octobre, conclut au caractère « inévitable » des impacts environnementaux de l’extraction des hydrocarbures de schiste, qu’il s’agisse de l’occupation de l’espace, de la pollution de l’eau et de l’air – sans parler des risques d’accident, comme ce fut le cas aux États-Unis – ou de l’empreinte carbone de cette activité, qui serait supérieure à celle de l’extraction du charbon.

Mes chers collègues, si vous voulez que les promesses faites à nos concitoyens et à vos collègues élus soient tenues, si vous voulez que les permis d’extraction de gaz de schiste soient réellement abrogés – je pense notamment à ceux de Provins et de la Seine-et-Marne –, c’est ici et maintenant qu’il vous faut agir. Parce qu’il veut, quant à lui, l’abrogation de la totalité des permis d’extraction d’hydrocarbures de schiste, le groupe SRC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous estimons, comme nos amis socialistes, que la proposition de loi de M. Jacob, votée en juillet dernier, ne répond pas au problème des gaz et huiles de schiste.

Nous avons assisté à une mobilisation populaire de la part de maires, de citoyens et de militants venant de tous bords politiques contre les atteintes à la santé, à l’environnement, au paysage, que risqueraient d’entraîner la recherche et l’exploitation de ces substances, au demeurant inutiles. En Seine-et-Marne même, M. Jacob et M. Copé s’en sont émus et, au moyen d’un adroit tour de passe-passe, ont imposé, avant notre proposition, une loi qui ne répond pas au problème des gaz et huiles de schiste.

Premièrement, la loi de juillet 2011 sollicite simplement des titulaires de permis un rapport relatif aux techniques envisagées. Cette loi se focalise donc sur la technique de fracturation hydraulique, dont tout le monde s’accorde à reconnaître les graves impacts sanitaires et environnementaux. Plutôt que de se focaliser sur la technique utilisée, qui peut fort bien changer, notre proposition de loi vise les substances, dangereuses en elles-mêmes.

Deuxièmement, pour un changement radical de notre politique énergétique, nous considérons qu’il faut tout simplement interdire l’exploration et l’exploitation des gaz et huiles de schiste. De même, il faut abroger tous les permis délivrés en 2010 en vue de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels : pour le moment, vous n’en avez abrogé que trois, madame la ministre, alors qu’il y en a une douzaine. On se souvient, par ailleurs, que ces permis ont été accordés sans enquête publique et sans étude d’impact.

Troisièmement, il convient de parer aux méfaits environnementaux et sanitaires des gaz et huiles de schiste – des méfaits considérables, que l’expérience américaine a démontrés – plutôt que de se livrer, en exploitant ces hydrocarbures, à une fuite en avant qui aurait pour effet de faire bondir nos émissions de gaz à effet de serre, dont chacun sait qu’il faut au contraire les réduire.

Quatrièmement, enfin, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels constituerait une erreur stratégique d’investissement. Les analystes financiers s’accordent à dire que le gaz de schiste – et, dans une moindre mesure, l’huile de schiste – font l’objet d’une bulle spéculative comparable à celle que les nouvelles technologies avaient fait éclore il y a une dizaine d’années. Ainsi, le gaz de schiste est actuellement vendu quatre dollars le gigajoule, alors que son coût de production avoisine les six dollars. La seule façon de récupérer l’argent investi est de forer encore et encore, ce qui occasionne une véritable dévastation environnementale et paysagère.

En conclusion, l’exploration et l’exploitation des gaz et huiles de schiste constituent une erreur à la fois énergétique, environnementale et économique. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter pour notre proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons expliqué jeudi dernier, le groupe Nouveau Centre et apparentés estime que cette proposition de loi est non avenue, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, parce que le Parlement a déjà fait son travail sur le sujet. Nous avons débattu en mai dernier, nous avons étudié différentes propositions en juin et nous avons adopté une loi interdisant toute utilisation de la technique, seule opérante actuellement pour l’extraction des gaz et huiles de schiste, à savoir la fracturation hydraulique.

Bien entendu, si de nouvelles techniques voyaient le jour à l’avenir, nous pourrions être amenés à légiférer à nouveau, en cas de risque avéré pour l’environnement : il en va de notre droit à l’initiative parlementaire. Mais aujourd’hui, vous souhaitez défaire la loi du 13 juillet dernier pour faire adopter votre proposition, qui paraît pourtant moins aboutie. Nous ne comprenons pas cette attitude.

Par ailleurs, vous devriez être rassurés par les décisions prises la semaine passée par le chef de l’État et par Mme la ministre de l’écologie, qui ont annoncé l’abrogation de trois permis dans les départements de l’Aveyron, l’Ardèche et la Drôme.

M. Roland Muzeau. Et la Seine-et-Marne ?

M. Philippe Folliot. Ces permis étaient les seuls pouvant donner lieu à controverse.

Je souhaite faire une petite parenthèse à ce sujet. Pour les centristes, soucieux de l’état de nos finances publiques, la question des conséquences financières du nouveau cadre juridique reste posée car vous n’avez pas répondu, madame la ministre, à la question que je vous ai posée jeudi dernier sur les conséquences financières des abrogations unilatérales d’autorisation d’exploration. Nous espérons résolument que cette abrogation sera bien reçue par les juges si les industriels concernés viennent à déposer des demandes de dédommagement.

Pour en revenir à la proposition de loi dont nous débattons, celle-ci pourrait avoir des conséquences sur toutes les formes d’exploration, notamment les formes conventionnelles. À ce sujet, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur les récentes découvertes de gisements d’hydrocarbures en Guyane française. Veillons à ne pas mettre en place un régime juridique qui empêcherait toute exploration et exploitation futures des ressources que le sous-sol de notre territoire pourrait receler.

Ensuite, nous trouvons cette proposition non avenue car nous n’avons définitivement pas le même point de vue au sujet de l’innovation et de la recherche. La France est aujourd’hui très dépendante en matière de combustibles fossiles, qu’elle importe pour un coût de 46 milliards d’euros, ce qui représente 2,5 % de son PIB. Or, les réserves fossiles mondiales ne sont pas inépuisables. Selon certains experts, si l’on conservait le niveau actuel de consommation, les réserves de pétrole encore disponibles dureraient seulement quarante ans ! Il s’ajoute à cela le risque de voir flamber les prix de ces ressources, ce qui pénaliserait la compétitivité de l’économie. La brusque remontée des cours pétroliers en 1999, en 2004 et encore ces derniers mois, rappelle la vulnérabilité de nos économies face aux chocs affectant l’approvisionnement énergétique.

Pour les centristes, un programme de recherche scientifique, soumis à l’évaluation et au suivi des pouvoirs publics – en un mot, un programme encadré –, devrait voir le jour afin que nous disposions d’une évaluation approfondie de la richesse de notre sous-sol.

Si l’exploitation n’est pas forcément souhaitable, l’exploration est indispensable : nous nous devons de connaître les ressources énergétiques de notre territoire et le devenir de notre bouquet énergétique. Ce bouquet doit être responsable, à travers une approche raisonnable du maintien du nucléaire,…

M. Yves Cochet. Allons !

M. Philippe Folliot. …et doit être élargi à l’aide du développement des énergies renouvelables que sont l’hydroélectricité, la méthanisation, les biocarburants, l’éolien terrestre et offshore, l’énergie solaire, ainsi que – surtout – l’énergie marine. Il doit également être élargi à l’aide de nouvelles connaissances et innovations. Le principe de précaution, que défendent à tout va nos collègues socialistes, ne doit pas faire de notre société une société figée et apeurée.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Philippe Folliot. Le groupe Nouveau Centre et apparentés constate qu’en l’état, la loi du 13 juillet dernier répond déjà aux préoccupations de la proposition de loi de ce jour. Notre groupe souhaite laisser la porte ouverte à la recherche scientifique, à la prospective, à la connaissance des richesses de notre sous-sol. Aussi, vous l’aurez compris, nous voterons contre la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Havard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Havard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de l’émotion qui a gagné les différents territoires concernés, le Parlement s’est saisi de la question de l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Plusieurs propositions ont été émises, et c’est finalement autour de celle de Christian Jacob que nous avons essayé de nous retrouver. Malheureusement, la politique a pris le dessus chez nos collègues de gauche, qui n’ont pas voulu s’associer à ce texte qui permettait pourtant d’atteindre l’objectif que nous nous étions fixé.

En saisissant à nouveau le Parlement de cette question, chers collègues de l’opposition, vous créez aujourd’hui une situation d’insécurité juridique. La définition que vous avancez des hydrocarbures non conventionnels risque, par son imprécision, d’aboutir au résultat inverse de celui recherché. Vous introduisez également quelques éléments de réforme du code minier, alors qu’une telle réforme ne peut être que complète. Enfin, vous incluez la question de l’exploration et de l’exploitation offshore, qui constitue un sujet bien trop large pour se restreindre à quelques articles d’une proposition de loi.

Votre proposition est inutile, dans la mesure où la loi du 13 juillet 2011 a permis d’atteindre l’objectif que nous nous étions fixé. Aujourd’hui, l’interdiction de la fracturation hydraulique a abouti à l’abrogation des permis d’exploitation des huiles et gaz de schiste, ce qui devrait clore le sujet, si vous ne tentiez pas de l’exploiter à nouveau, dans une démarche de toute évidence politicienne.

Bien sûr, l’exploitation conventionnelle pourra continuer à se faire dans notre pays comme c’est le cas depuis cinquante ans, le texte que nous avons voté étant un texte d’équilibre, qui ne ferme pas la porte aux possibilités d’amélioration de notre connaissance du sous-sol. Il est bien naturel que notre pays se préoccupe de l’état de ses richesses minérales, c’est même un sujet d’importance stratégique.

Votre texte est inutile et contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Martin, je pense que la ministre et la majorité parlementaire ont fait preuve d’une grande ouverture.

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Jean Glavany. Une grande ouverture en direction des compagnies pétrolières !

M. Michel Havard. Dès lors, il est regrettable que vous ayez fait le choix de nous abandonner en cours de route. Aujourd’hui, c’est à notre majorité que l’on doit l’abrogation des permis d’exploration et d’exploitation, à laquelle vous n’avez pas participé – ce que les territoires concernés ne manqueront pas de relever. Nous voterons donc contre votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 466

Nombre de suffrages exprimés 460

Majorité absolue 231

(La proposition de loi n’est pas adoptée.)

4

Urbanité réussie, de jour comme de nuit

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de Mme Sandrine Mazetier et plusieurs de ses collègues pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit.

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l’exclusion de tout amendement, et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi du groupe socialiste pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit, aura été l’occasion de constater, une fois de plus, deux fossés gigantesques : celui qui sépare du peuple français le Gouvernement et sa majorité parlementaire, inertes devant les préoccupations très concrètes auxquelles répond ce texte,…

M. Jean-Luc Reitzer. N’importe quoi !

Mme Sandrine Mazetier. …mais aussi celui qui sépare le discours et les actes de ce gouvernement.

Des paroles, de belles paroles, répétées en boucle, sur la crise, l’emploi, le développement économique, mais pas un acte pour prendre en considération le potentiel de création de valeur et d’emploi du secteur des activités économiques nocturnes. Il est proprement tragique, dans la situation actuelle, avec le taux de chômage que nous connaissons, que vous traitiez par le mépris ce que dit le syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs, selon lequel 47 % des commerçants seraient prêts à embaucher de nouveaux salariés si une autorisation d’ouverture de nuit non provisoire – mais pouvant, bien sûr, être remise en cause en cas de manquement – leur était donnée. Ce taux est de 37 % dans l’hypothèse d’une autorisation d’un an et, pour 45 % des commerçants, une telle mesure permettrait de créer deux postes supplémentaires. Or, vous refusez l’idée même d’une expérimentation dans quelques départements dont vous fixeriez vous-mêmes le périmètre !

De même, alors que le Gouvernement a déjà repoussé, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la protection des consommateurs, la création du diagnostic bruit que je proposais, il a, cette fois-ci, refusé le principe d’un simple rapport sur les mesures à prendre pour améliorer l’information des personnes s’installant dans un logement urbain sur tout ce qui touche à l’exposition aux bruits diurnes et nocturnes de ce logement. Comme si tout allait bien ! Comme s’il n’y avait pas de souffrances, de conflits, de médiation à promouvoir autour de la question du bruit en ville !

C’est l’examen de la première partie du texte qui nous a permis de constater le pire : votre défiance à l’égard des maires, des conseils municipaux et de la démocratie de proximité. Notre proposition vise à donner au maire une compétence nouvelle, celle de prononcer des astreintes en cas d’occupation illégale du domaine public par les terrasses des cafés et restaurants. Depuis trente ans, les maires disposent de cette compétence dans le domaine de la propreté, et vous n’y avez jamais rien vu d’anticonstitutionnel. C’est normal, puisque cela n’a effectivement rien d’anticonstitutionnel ; ce qui l’est moins, c’est que vous sembliez changer d’avis du jour au lendemain, dans le cadre de l’examen de notre proposition !

Le dispositif juridique actuel est à la fois trop léger – contraventions de police forfaitaires de 35 euros – et trop lourd pour les contraventions de voirie routière, qui sont prononcées par le tribunal de police au terme d’une longue procédure. Tout cela est inefficace, et vous le savez.

Nous proposons de compléter ce dispositif par des mesures réellement dissuasives. Et vous ergotez ! Pire, vous avouez votre défiance à l’égard des délibérations pluralistes de conseils municipaux. Nous proposons d’encadrer par la loi le montant des astreintes et, pour les rendre réellement dissuasives, d’en fixer le montant selon un barème adapté à la réalité locale et élaboré par ceux qui la connaissent le mieux, à savoir les élus municipaux. Cela vous est insupportable ; vous y voyez des possibilités de dérives. Mais quelle idée vous faites-vous donc des conseillers municipaux ? J’ai même entendu que le maire deviendrait ainsi un justicier et le conseil municipal un tribunal.

Prenez garde : votre mépris et votre peur du peuple et de ses représentants locaux finissent par se voir et s’entendre. C’est ce mépris qui vient de vous faire perdre le Sénat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Elle a raison !

Mme Sandrine Mazetier. Mais la colère gronde encore et d’autres échéances approchent. Les Français savent qu’ils méritent mieux que des députés de droite qui s’abritent derrière des arguties juridiques bien confuses pour théoriser leur impuissance à résoudre leurs problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Franck Gilard. Blabla !

M. Alain Gest. C’est la réincarnation de Robespierre !

Mme Sandrine Mazetier. Ils méritent mieux que des gouvernants condescendants et bornés qui rejettent par principe des solutions de bon sens au motif qu’elles sont proposées par des socialistes. Or il s’agit bien là de solutions pour prévenir et résoudre des litiges, promouvoir des bonnes pratiques et créer des emplois pérennes.

Dans quelques mois, après dix années d’hiver politique, viendra le printemps et c’en sera fini de votre mépris, de vos ricanements. Alors viendra, de jour comme de nuit, le temps des cerises, celui du gai rossignol et du merle moqueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Que vous êtes ringards, à l’UMP !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Martine Billard. Penser la ville, de jour comme de nuit, établir un équilibre entre la vie diurne et la vie nocturne de nos cités, réussir à concilier les attentes de tous ceux qui courtisent le silence et de « tous ceux dont le cerveau loge un rayon de lune », comme l’a écrit Léon Valade dans son poème Nuit de Paris, telles sont les missions des pouvoirs publics.

La proposition de loi que nous votons aujourd’hui aborde ces problèmes. Elle fait écho aux diverses inquiétudes qui se sont exprimées depuis plusieurs années maintenant quant à l’évolution de l’activité nocturne de nos grandes villes et plus particulièrement de Paris. La vie nocturne parisienne, ce sont 10 000 emplois directs et autant induits ; 45 % des Parisiens déclarent avoir une activité extérieure entre vingt heures et six heures du matin. (Sourires sur divers bancs.)

Sur cette question, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur les enjeux de sécurité et les nuisances sonores qu’induisent les activités nocturnes. Il nous faut prendre en compte l’exaspération de certains citadins confrontés perpétuellement au bruit. Cette exaspération est d’autant plus légitime que l’application de la loi antitabac, dont je ne conteste pas le bien-fondé – au contraire –, a contribué à une forte augmentation des nuisances en poussant dehors les fumeurs noctambules, aidés en cela par les terrasses chauffées, qui sont une aberration environnementale.

Cette proposition de loi apporte un commencement de réponse. Elle s’articule autour d’une logique cohérente qui renforce et adapte les contrôles et les pénalités, tout en introduisant une refonte du système des autorisations administratives.

Les cinq premiers articles vont dans le bon sens. En conférant les pouvoirs de sanction aux maires et en renforçant le montant des amendes, cette proposition de loi envoie un message clair à tous les contrevenants qui ne respectent pas les normes et la législation en matière d’occupation de l’espace public.

M. Jean-Luc Reitzer. Sanctions, amendes : c’est toujours la même chose avec vous !

Mme Martine Billard. C’est la seule façon de faire respecter la réglementation sur l’occupation des trottoirs et sur l’extension parfois abusive des terrasses de café.

La solution pour concilier les attentes de tous réside dans le respect des règles édictées. Une vie nocturne dynamique doit respecter les réglementations. Cela vaut notamment pour les clients qui se trouvent à l’extérieur des établissements : la vie nocturne ne peut se faire au détriment du droit au sommeil des riverains.

La seconde partie du texte s’intéresse au régime d’autorisation et crée une amende en cas de recours abusif au « 17 » pour tapage nocturne. Contrairement à ce que nous a répondu le Gouvernement, elle ne vise pas à stigmatiser les citadins qui se plaignent du bruit ou à amputer leurs moyens de recours. Il s’agit d’orienter ces appels vers les commissariats de quartier au lieu d’engorger abusivement les numéros d’urgence.

Les articles 7 et 8 proposent de mener une réflexion sur l’évolution du régime des autorisations administratives. À aucun moment cette refonte ne doit aboutir à un moins-disant en matière de sécurité et de lutte contre le bruit. Cependant, les pouvoirs publics doivent prendre en compte la diversité des établissements qui animent la nuit, notamment à Paris. Prenons l’exemple des cafés-concerts, ces petites salles qui, de temps en temps, organisent des soirées musicales. La réglementation leur impose de passer de la catégorie N – simple débit de boissons – à la catégorie L – salle de spectacle –, soit l’équivalent de ce qui est demandé à l’Olympia. C’est tout simplement impossible.

Les situations virent parfois à l’absurde. Si, au cours d’un spectacle, les clients d’un café-concert se mettent à danser, l’établissement se retrouve dans l’illégalité, et ce même s’il respecte les normes de sa catégorie, car il est alors considéré comme un établissement de catégorie P. On voit bien là toute l’aberration de la situation actuelle.

À vouloir chasser les excès, il ne faut pas en arriver à la fermeture administrative pour des broutilles. Ainsi, en 2009, 159 lieux de divertissement ont été fermés – certains à juste titre, d’autres de façon quelque peu abrupte. L’exemple des cafés-concerts est très significatif car ces lieux font vivre la création musicale et la diversité culturelle. Les pouvoirs publics doivent les soutenir, dans le respect du vivre ensemble dans la ville. Il faut prendre garde à un nouveau phénomène, celui du clubbing ou de l’entre-soi : les établissements privés et privatisés dans lesquels seuls des membres triés sur le volet sont acceptés fleurissent dans la capitale. Les belles personnes s’amusent entre elles. Dans l’équilibre à trouver entre vie culturelle et droit au sommeil, il ne faudrait pas qu’on en arrive à une ville à deux vitesses, où seuls ceux qui ont les moyens financiers ont le droit d’avoir une vie nocturne.

En conclusion, les députés du Front de gauche et d’Europe Écologie-Les Verts voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit, aura permis aux parlementaires d’ouvrir un intéressant débat sur les modalités de partage de l’espace public et plus largement sur l’avenir de l’urbanité.

La ville est un espace en permanente mutation, qui doit sans cesse s’adapter à de nouveaux usages. J’en citerai pour exemples le développement des infrastructures de transport, l’émergence de nouveaux modes et lieux de divertissement, ou encore l’évolution des habitudes liée à la modification de la réglementation sur l’usage du tabac. Toutes ces évolutions nous incitent à réfléchir sur le rôle que nous entendons donner à la ville.

Pour nous, centristes, la ville se doit d’être un lieu de mixité où se côtoient différents acteurs et activités. Ces éléments doivent s’articuler autour d’un partage équilibré de l’espace public. La ville n’est pas uniquement un espace résidentiel, elle doit rester un lieu de vie.

Or, en proposant de donner aux maires ainsi qu’aux conseils municipaux un pouvoir de sanction plus important en matière d’occupation illégale de l’espace public, ce texte va à rencontre de nos convictions. Une réglementation plus lourde dans ce domaine risquerait de nuire au développement des terrasses de café, qui sont pourtant des lieux de convivialité et de socialisation qu’il convient de préserver.

Par ailleurs, le groupe Nouveau Centre et apparentés considère que le dispositif juridique existant en matière de réglementation relative à l’occupation du domaine public est suffisant pour assurer la régulation du commerce sur la voie publique. La proposition de loi, en niant le potentiel du dispositif juridique existant, apparaît en contradiction avec les mesures de simplification du droit qui sont actuellement débattues à l’Assemblée.

Enfin, les auteurs de ce texte proposent de modifier les dispositions relatives aux établissements nocturnes en se fondant sur l’exemple des métropoles européennes. Nous en convenons : le divertissement nocturne, inhérent à l’attractivité et au rayonnement d’une métropole, et plus particulièrement d’une grande capitale, n’est que très peu développé en France, notamment à Paris, en comparaison de villes comme Berlin ou Barcelone. Or la solution proposée par nos collègues, à savoir la création d’une sanction en cas de recours abusif aux numéros d’urgence, nous semble inappropriée pour remédier à ce problème. Nous considérons qu’il est préférable de privilégier des actions de conciliation menées par les élus, au cas par cas, lorsque surviennent des conflits d’usage et de voisinage.

La création d’une sanction en cas de recours abusif aux numéros d’urgence entraînerait l’autorisation sans limitation d’animations musicales et culturelles en tous genres, au profit d’une certaine population, mais parfois, ou même souvent, au détriment des riverains. À cet égard, la proposition de loi insiste beaucoup sur les vertus des activités commerciales, ce qui est justifié, mais elle ne tient pas assez compte des risques auxquels sont exposés les habitants. Si l’amélioration du cadre de vie, l’établissement d’un meilleur partage des espaces publics par les habitants et la dynamisation commerciale sont des problèmes importants de la politique de la ville, les dispositions de ce texte ne nous semblent pas apporter de solutions.

Pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre et apparentés ne votera pas cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Éric Berdoati, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Berdoati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord demander à Mme Mazetier, à qui je prête la plus profonde attention et pour laquelle j’ai le plus profond respect,…

M. Jean Glavany. Ça commence mal !

M. Éric Berdoati. …de bien vouloir souffrir que l’on ne soit pas de son avis. Le fait que nous ne soyons pas d’accord avec elle ne l’oblige pas à nous insulter comme elle l’a fait tout à l’heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Vous êtes quand même un peu ringards !

M. Éric Berdoati. Nous avons, aussi bien du côté du groupe SRC que de celui du groupe UMP, beaucoup d’élus locaux qui, soit sont membres de conseils municipaux, soit président lesdits conseils. Ils n’ont pas de leçon à recevoir sur la façon dont ils les animent démocratiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les questions d’urbanisme sont souvent techniques, complexes, passionnantes et parfois passionnées – nous venons de le voir. Traiter de ces sujets, c’est effectivement aborder des questions qui touchent au vivre ensemble. Ces questions sont sérieuses, parfois graves et méritent toute notre attention. Mais, dans le cas précis qui nous rassemble aujourd’hui, l’histoire est tout autre, mes chers collègues, car si chacun reconnaît la nécessité de redéfinir et repenser le vivre ensemble pour rendre nos villes plus attractives ou plus dynamiques, il s’agit également le plus souvent de concilier des enjeux sociaux, culturels et économiques qui sont parfois bien divergents.

Nous l’avons dit lors du débat sur ce texte la semaine dernière : la grande majorité des commerçants respectent la loi. Ils sont essentiels à la vie économique, culturelle et sociale de nos communes. Ceux qui contreviennent à la loi en débordant sur les trottoirs créent effectivement des distorsions de concurrence et sont à l’origine de nuisances parfois insupportables pour les riverains. Il n’est donc pas inutile de réfléchir aux moyens de leur appliquer des sanctions plus lourdes ou d’exécuter ces sanctions de manière plus rapide. Sur ce point, nous sommes d’accord avec notre collègue Mme Mazetier. Mais nous ne le sommes pas, mes chers collègues, avec les solutions que vous voulez y apporter : votre proposition est trop large, trop imprécise, et parfois contradictoire.

D’un côté, vous cherchez à sanctionner les activités nocturnes ; de l’autre, vous voulez en protéger certaines. D’une part, vous entendez protéger les riverains ; d’autre part, vous proposez de restreindre le recours aux appels d’urgence.

M. Franck Riester. Eh oui !

M. Éric Berdoati. Enfin, cette proposition de loi pose des problèmes juridiques certains : il n’est pas anodin, bien au contraire, de laisser au maire et à son conseil municipal le pouvoir de fixer le montant d’une astreinte puis de l’appliquer sans contrôle du juge.

Je l’ai déjà dit la semaine dernière : il y a quelque chose de choquant à vouloir transformer les conseils municipaux en tribunaux. Comme nier, par ailleurs, que le dispositif proposé fait courir le risque d’une inégalité devant la loi, sachant que le maire aurait tout loisir de fixer le montant de l’astreinte sur sa propre commune, avec pour seul plafond celui de 500 euros par jour et par mètre carré, sans jamais parler de seuil minimal ?

En conclusion, mes chers collègues, vous l’aurez bien compris, cette proposition de loi est loin d’apporter les réponses nécessaires aux enjeux soulevés par le rapporteur. Le groupe UMP ne votera donc pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 439

Nombre de suffrages exprimés 427

Majorité absolue 214

(La proposition de loi n’est pas adoptée.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente
5

Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d’outre-mer et la métropole

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Victorin Lurel et plusieurs de ses collègues tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d’outre mer et celle des mêmes produits vendus dans l’hexagone (nos 3574 et 3767).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l’exclusion de tout amendement, et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

Mme la présidente. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Bapt. Merci, madame la présidente. Je suis très honoré d’être le premier député auquel vous donnez la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Fayot ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, adoptée par une large majorité de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, vise à lutter contre ce fléau de l’obésité que l’Organisation mondiale de la santé qualifie d’« épidémie » et qui touche plus gravement encore les régions d’outre-mer.

Cette proposition d’intérêt général s’appuie sur un double constat, objectif et partagé : tout d’abord, celui selon lequel les statistiques de l’obésité en France dissimulent des écarts géographiques importants, notamment entre la métropole et l’outre-mer. Ainsi, le rapport remis au Président de la République en décembre 2009 par la commission pour la prévention et la prise en charge de l’obésité soulignait que la situation dans les collectivités d’outre-mer était « une source de préoccupation majeure ».

Des données plus récentes confirment que l’obésité touche tout particulièrement nos régions d’outre-mer. L’enquête dite PODIUM – Prévalence de l’obésité, de sa diversité et de son image ultramarine – montre sans conteste que l’obésité et le surpoids demeurent, tant chez l’adulte que chez l’enfant, à des niveaux significativement plus élevés dans les collectivités ultramarines. Cette situation spécifique de l’outre-mer est d’autant plus préoccupante que l’obésité favorise nombre de pathologies associées et que le lien entre le sucre, l’obésité, les caries, l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires et respiratoires est avéré.

Certes, l’obésité est un phénomène multifactoriel et il n’est donc pas exclu que des facteurs culturels, sociaux ou économiques, interviennent entre l’outre-mer et la métropole. Mais la responsabilité des groupes industriels de l’agroalimentaire dans la progression de l’obésité outre-mer ne doit pas être négligée.

Cette proposition de loi va à l’encontre de pratiques très discutables de l’industrie agroalimentaire, visant à accentuer les problèmes d’obésité spécifiques à l’outre-mer.

En effet, de trop nombreux produits de consommation courante, distribués outre-mer, tout spécialement des spécialités laitières et des sodas, ont une concentration en sucre très supérieure à celle des mêmes produits de même marque vendus en métropole.

De même, certaines boissons locales, distribuées exclusivement en outre-mer, contiennent des taux de sucre très élevés, et il est bien établi qu’une consommation élevée de sucre est un facteur d’obésité. L’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – recommande d’ailleurs de réduire de 25 % la consommation de glucides simples ajoutés.

Le plan gouvernemental contre l’obésité, dans sa version 2010-2013, insiste sur la nécessité de « prendre en compte les situations spécifiques de l’outre-mer. » Malheureusement, il se contente de recommandations et d’appels à de bonnes pratiques commerciales, qui sont restés inopérants.

La proposition de loi de M. Victorin Lurel, qui, je le rappelle, a été votée sans opposition par la commission des affaires sociales, vise à assurer l’égalité de la qualité nutritionnelle entre la métropole et les régions d’outre-mer. Le délai accordé aux industriels pour s’adapter s’étend jusqu’au 1er janvier 2013.

L’article 2 de cette proposition de loi ménage une certaine souplesse concernant les productions locales, en confiant au ministre de la santé la mission de fixer par arrêté la teneur maximale en sucre des denrées de consommation courante.

Cette proposition constitue un socle pour une politique globale de santé publique contre l’obésité, notamment outre-mer, à laquelle le Collège guadeloupéen de cardiologie nous invite par un communiqué adressé à l’ensemble de nos collègues. Le temps de l’action est venu : le groupe socialiste votera la proposition de loi de Victorin Lurel, adopté par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. La proposition de loi de nos collègues du groupe SRC repose sur une réalité simple, aussi irréfutable qu’injustifiable : les produits alimentaires de consommation courante distribués outre-mer ont très souvent une concentration en sucre bien supérieure à celle des mêmes produits de même marque distribués dans l’hexagone. Au regard du rôle joué par la consommation de sucre dans l’apparition de l’obésité, ce texte propose donc, très simplement, de prohiber cette différence de taux de sucre entre l’outremer et la métropole.

Il y a un peu plus de trente ans paraissaient les premières études scientifiques mettant en évidence l’émergence de l’obésité comme problème de santé publique, et celle-ci fut classée au rang des maladies en 1997. Sa prévalence ayant triplé dans les pays riches, il est désormais convenu de parler d’une véritable épidémie aux conséquences multiples pour la santé publique, tant elle joue sur l’apparition des maladies cardiovasculaires, de l’hypertension, du diabète, de certains cancers…

Or, depuis trente ans, trop peu de progrès sont à mettre au crédit des politiques publiques de santé.

Une des causes de l’absence de résultats tangibles sur ce front tient à la nature de l’action publique en matière de prévention de l’obésité : en dix ans, aucune mesure législative n’a vu le jour pour contraindre l’industrie agro-alimentaire à respecter un socle, même minimal, de règles nutritionnelles. Les deux premiers programmes nationaux « nutrition-santé » élaborés pour la France sont restés sans effet. En 2009, l’équilibre nutritionnel et la lutte contre l’obésité ont été déclarés grande cause nationale par le Président de la République, et le premier plan de lutte contre l’obésité a vu le jour, insistant pour la première fois sur les spécifiques de l’outre-mer. Nous en sommes maintenant au troisième programme national « nutrition-santé » 2011-2015.

Pourquoi, après dix ans d’action publique au travers de ces plans et de diverses chartes, n’enregistre-t-on aucun résultat tangible ?

La réponse est simple : en matière commerciale dans le secteur marchand, les chartes non contraignantes, les recommandations et les référentiels de bonnes pratiques commerciales sont inopérants. Comme l’a rappelé Mme Jeanny Marc lors de la discussion, en Guadeloupe, alors même que le plan régional de santé publique a prévu une action de sensibilisation de l’État en direction des industries alimentaires en vue de diminuer les taux de sucre des yaourts de 12 à 9 %, aucun résultat n’a pu être constaté sur le terrain.

Le Gouvernement a déclaré que ces mesures n’étaient pas conformes au droit international. Or, comme cela a été rappelé, les accords du GATT prévoient qu’un pays peut faire jouer sa responsabilité pour protéger la santé de sa population. D’ailleurs, le Danemark a très récemment interdit à la vente les produits à forte teneur en sucre.

Le Gouvernement a également prétendu que les mesures contenues dans cette proposition ne relevaient pas du domaine de la loi. La représentation nationale est pourtant plus que légitime à légiférer pour garantir le principe constitutionnel de protection de la santé des Français, qui figure dans le Préambule de la Constitution de 1946.

D’ailleurs, les actions spécifiques à l’outre-mer du programme national pour l’alimentation ne devaient-elles pas être déclinées dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ? Nous l’attendons toujours… Le Gouvernement ne va-t-il pas instaurer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, une taxation des boissons sucrées, au nom de la santé publique ? C’est bien la preuve que la lutte contre l’abus de sucres peut faire l’objet d’une traduction législative, qui n’est pas exclusive des plans.

Si aucun des arguments avancés par le Gouvernement ne tient la route, c’est que la raison de votre opposition à ce texte réside ailleurs : elle est à rechercher dans les pratiques commerciales des industriels du secteur agroalimentaire ; elle est à rechercher dans l’intense lobbying auquel se livre l’industrie et dans les conflits d’intérêts qu’elle entretient minutieusement.

Ainsi, alors même que les effets nocifs de certaines substances sont avérés, les industriels du secteur sont libres d’introduire dans leurs produits des ingrédients tels que les matières grasses hydrogénées pour faire du poids, et de forcer sur les doses de sucre et de sel, qui posent des problèmes d’addiction et permettent de fidéliser les consommateurs, notamment dès leur plus jeune âge. Ces pratiques sont indignes !

Le principal facteur d’obésité, de nos jours, n’est pas la voracité des enfants, mais bien la recherche par les industriels du secteur, du profit maximal, au mépris de la santé des consommateurs.

M. Jean Glavany. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Cette impunité que le Gouvernement cautionne implicitement doit cesser !

C’est la raison pour laquelle le groupe GDR votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Jean Glavany. Il aura raison !

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la santé publique est un enjeu, la lutte contre l’obésité un défi pour nos sociétés modernes.

L’obésité est la maladie du XXIe siècle. La proportion des personnes obèses ou en surpoids a progressé de 36,7 % à 41,6 %, et 19 % des enfants français sont touchés par l’obésité ou le surpoids.

Pour avoir travaillé à titre personnel sur ce problème, je pense qu’il est nécessaire qu’en plus des mesures préventives mises en place par le Gouvernement, soient prises des mesures plus contraignantes pour associer les acteurs de l’agroalimentaire à la lutte contre cette pandémie, pour adapter les moyens aux fins.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a le mérite de poser clairement le problème : outre les politiques de prévention qui sont essentielles, ne devons-nous pas nous soucier également de l’offre alimentaire qui est proposée à nos concitoyens, de la juste information qui leur est délivrée sur le contenu des produits ? Oui, ce texte nous oblige à nous poser de vraies questions sur les démarches à engager pour que la politique de lutte contre l’obésité soit une politique de cohérence, pour que l’ensemble des acteurs de notre société soient amenés à apporter de vraies réponses. Il nous met face à notre devoir, qui est de protéger la santé de nos citoyens et, en l’occurrence, celle de nos compatriotes ultramarins.

Cette proposition de loi part d’un constat simple et avéré : le taux d’obésité augmente plus rapidement outre-mer qu’en métropole, en particulier chez les jeunes. Or, de nombreuses études ont montré qu’il existait une très grande différence entre les taux de sucre des produits vendus en métropole et de ceux vendus dans les départements, territoires et collectivités d’outre-mer. C’est le cas notamment de certains sodas et spécialités laitières, pour lesquels la quantité de sucre peut, dans les cas les plus graves, atteindre 45 % supplémentaires.

Même si cette situation n’est pas imputable en totalité à l’industrie agroalimentaire, cet inquiétant constat trahit néanmoins une part de responsabilité non négligeable de cette dernière, laquelle n’hésite pas à ajouter à ses produits du sucre, du sel ou des matières grasses, pour la seule raison que ces ingrédients ne coûtent pas cher et induisent une addiction auprès des populations les plus vulnérables. C’est en particulier le cas du sucre, et je fais ici référence aux jeunes enfants.

Nous le savons tous, le goût et les habitudes de consommation se prennent dès le plus jeune âge, notamment au cours des trois premières années de la vie. Il ne peut y avoir de lutte active contre l’obésité si ce jeune public n’est pas protégé.

Je ne peux que féliciter de cette initiative notre collègue Victorin Lurel. C’est un acte politique et responsable vis-à-vis de nos concitoyens ultramarins, car l’urgence du problème commande que des solutions rapides soient mises en place.

Il faut donc agir rapidement, y compris en réalisant un important effort de pédagogie, car l’obésité et le surpoids représentent, pour toute une partie de la jeunesse, un facteur d’aggravation des pathologies.

Pour ces raisons, nous sommes d’avis d’avancer rapidement sur cette question. Ce texte est un symbole important. S’il était adopté, il faudrait que le Gouvernement soit en mesure de nous assurer qu’un décret d’application sera pris dans les meilleurs délais.

Les industriels ont montré une certaine bonne volonté. Il est dans notre intérêt et dans celui des Ultramarins que le changement s’effectue réellement.

En outre, je tiens à rappeler que la France est une et indivisible. Au nom de ce principe, il est essentiel d’appliquer dans les territoires d’outre-mer les mêmes normes, notamment sanitaires, qu’en métropole. Il me semble également que ce serait un signe de respect envers nos compatriotes concernés.

Ainsi, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Nouveau Centre et apparentés, conscient de l’enjeu de cette proposition de loi, mais aussi de l’importance, en certaines circonstances, de dépasser les clivages politiques, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Breton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel soulève un véritable problème de santé publique, sur lequel nous devons agir de manière globale, rapide et efficace sur la durée.

Mais le texte qui nous est proposé ne répond pas, par les moyens qu’il propose, à ces objectifs,...

M. Jean Glavany. Laissez-moi rire !

M. Xavier Breton. …et ce de l’aveu même de Victorin Lurel qui nous disait, jeudi dernier, qu’avec cette proposition de loi, le groupe SRC n’avait jamais eu la prétention de l’exhaustivité. Il ajoutait qu’il fallait simplement donner un signal fort. Ce n’est pas notre manière de voir les choses.

M. Jean Mallot. Donc, vous refusez de donner un signal fort.

M. Xavier Breton. Est-il, en effet, utile de poser une interdiction qui, somme toute, ne sera que très partielle, puisque la lutte contre l’obésité ne peut se résumer au seul problème des produits sucrés ?

Cette interdiction sera, de plus, complexe à mettre en œuvre, et donc facile à contourner.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Donc, ne faisons rien !

M. Xavier Breton. Ce n’est donc pas, on le voit, une solution efficace. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Or il est de notre devoir de viser à l’efficacité.

M. Jean Glavany. Tartuffe !

M. Xavier Breton. Il est primordial, en la matière, de responsabiliser les acteurs ; les industries agroalimentaires en premier lieu, mais également les populations, les institutions, les écoles.

S’il n’existe pas actuellement en métropole d’obligation réglementaire fixant la teneur en sucre des produits, il existe en revanche dans le cadre du programme national « nutrition-santé » des chartes d’engagement volontaire de progrès nutritionnels, proposées aux entreprises du secteur alimentaire.

Ces entreprises promeuvent une offre alimentaire qui va dans le sens des objectifs de ce programme et prennent en compte le problème dans toute sa complexité.

Cette politique commence à porter ses fruits en métropole.

M. Jean Glavany. On parle de l’outre-mer !

M. Xavier Breton. En effet, les engagements pris par les entreprises visent à réduire les apports en glucides simples, mais également en sel, en lipides totaux ou en acides gras saturés.

M. Jean Glavany. Vous ne répondez pas à la question posée !

M. Xavier Breton. Ces engagements visent aussi à augmenter la consommation de glucides complexes, de fibres, de fruits et de légumes.

Ainsi, réglementer par une interdiction sèche la teneur maximale en sucre des boissons sans alcool et des spécialités laitières distribuées dans les régions d’outre-mer…

M. Jean Glavany. Comme en métropole !

M. Xavier Breton. …ne serait pas cohérent avec cette politique que nous devons, au contraire, activer outre-mer.

M. Jean Glavany. C’est honteux ! C’est du racisme ! Tartuffe, vraiment !

M. Jean-Paul Bacquet. Quel cynisme !

M. Xavier Breton. Ce qui est primordial, aujourd’hui, c’est d’y déclencher une dynamique similaire et de la rendre durable. C’est bien l’intention du ministre Xavier Bertrand, qui, dès le début de l’été, a relancé les agences régionales de santé sur ce sujet. Nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez nous tenir informés des résultats que vous obtiendrez dans les mois qui viennent.

M. Jean Glavany. Aucun résultat ne sera obtenu !

M. Xavier Breton. Bien plus qu’une loi d’affichage inefficace, c’est un véritable plan cohérent et responsabilisant que nous souhaitons.

M. Jean Glavany. Quelle honte !

M. Xavier Breton. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe UMP ne voteront pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Huées sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 397

Nombre de suffrages exprimés 389

Majorité absolue 195

(La proposition de loi n’est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Simplification du droit et
allégement des démarches administratives

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives (nos 3706, 3787, 3766,3726, 3724).

La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue la quatrième initiative parlementaire de simplification du droit de la législature.

Elle est issue du travail considérable accompli par le président de notre commission des lois, Jean-Luc Warsmann, dans le cadre de la mission de réflexion sur la simplification des normes applicables à tous les acteurs économiques qui lui a été confiée par le Président de la République le 17 janvier dernier.

Il s’agit d’un texte ambitieux, destiné à soutenir la croissance et l’emploi sans peser sur les finances publiques et en réduisant le poids de l’« impôt papier ».

La structure de la proposition reprend largement celle du rapport remis au Président de la République. Elle se divise en deux titres : le premier porte sur la simplification du droit des entreprises en général ; le second est relatif à la simplification du droit de plusieurs secteurs d’activités. Ces titres sont eux-mêmes divisés en chapitres.

Le chapitre Ier du titre Ier est dévolu à la simplification de la vie statutaire des entreprises. Certains articles apportent des aménagements attendus par les PME, en ouvrant la possibilité à leurs administrateurs par exemple d’être liés à ces sociétés par un contrat de travail conclu postérieurement à leur nomination au conseil d’administration dès lors que ce contrat correspond à un emploi effectif, en assouplissant les contraintes qui entourent l’augmentation du capital des SARL ou en supprimant l’obligation de dépôt du rapport de gestion et en privilégiant le dépôt des comptes par voie électronique.

De même, outre qu’il simplifie les formalités redondantes ou à très faible valeur ajoutée, le texte lève certaines restrictions qui concernent la distribution d’actions gratuites aux salariés de PME non cotées. Il renforce l’efficacité des mécanismes qui assurent l’effectivité des règles entourant la constitution et le fonctionnement des sociétés commerciales, coopératives et mutualistes.

Par ailleurs, les règles de transmission des documents élaborés par les commissaires aux comptes sont simplifiées ; il est notamment prévu de tenir compte des accords de subordination entre créanciers dans le projet de plan de sauvegarde ou de redressement soumis à l’assemblée unique des obligataires, et de faciliter l’accès des holdings à la procédure de sauvegarde financière accélérée.

Le chapitre II regroupe un ensemble de dispositions visant à simplifier la vie sociale des entreprises. Parce que ces dernières sont tenues, chaque année, de répondre à de trop nombreuses obligations déclaratives, le texte instaure la déclaration sociale nominative, qui se substituera, progressivement à partir du 1er janvier 2013 et définitivement à compter du 1er janvier 2016, à l’ensemble des déclarations sociales périodiques et ponctuelles. Les entreprises ne pourront plus, à compter de cette date, se voir demander plus d’une fois, au titre de la déclaration sociale nominative ou à tout autre titre, la même information – c’est l’objet de l’article 30. La commission des lois a d’ailleurs – je tiens à le souligner – confirmé l’objectif ambitieux mais mobilisateur de 2016 pour la mise en place définitive de la déclaration sociale nominative.

Le texte apporte également une réponse à l’épineux problème des seuils d’effectifs conditionnant l’assujettissement des entreprises à certaines cotisations et contributions sociales. Enfin, afin de rendre les textes plus accessibles, la proposition de loi procède, sans changement de fond, à l’harmonisation des seuils d’effectifs visés dans de très nombreux dispositifs, comme la participation des entreprises au financement d’actions dans le domaine du logement, la réduction forfaitaire de cotisations sociales employeur, ou la réduction forfaitaire de cotisations sociales employeur dues au titre des heures supplémentaires.

Par ailleurs, le texte comporte des dispositions de nature à assurer le développement du rescrit social. Cette amélioration des relations entre le public et les administrations se retrouve également à l’article 37, qui prévoit la dématérialisation généralisée des déclarations de paiement des cotisations et la télétransmission systématique des déclarations préalables à l’embauche.

La Commission a également adopté un amendement de notre collègue Philippe Gosselin, définissant de manière inédite dans le code du travail le statut du télétravailleur ainsi que l’ensemble des obligations auxquelles l’employeur est tenu dans ce cadre.

L’article 48, réécrit à l’initiative de votre rapporteur pour tenir compte des observations du Conseil d’État, renforce pour sa part l’information des employeurs en cas de constatation d’infractions. Il prévoit ainsi qu’avant la transmission au procureur de la République du procès-verbal l’agent de contrôle informe la personne visée des circonstances de fait susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues à ce titre.

Le chapitre III contient des dispositions destinées à soutenir le développement des entreprises en simplifiant certaines procédures administratives. Ainsi, chaque entreprise pourra désormais stocker en un lieu unique et virtuel – le coffre-fort électronique – les documents nécessaires à l’instruction de sa demande ou au traitement de sa déclaration. Conserver de manière sécurisée son patrimoine informationnel et le partager avec des tiers de confiance, comme les administrations, telle est la double ambition du coffre-fort électronique, qui sera désormais le point d’entrée unique dans la relation privilégiée entre l’usager et l’administration.

Le chapitre IV clarifie un certain nombre de procédures dont les redondances portent préjudice au développement des entreprises. Enfin, le chapitre V rend plus simples et plus efficaces un certain nombre de dispositifs de lutte contre la fraude.

Le titre II de la proposition de loi regroupe un ensemble de simplifications de portée plus sectorielle mais tout aussi importantes.

Son chapitre Ier est notamment consacré à l’allégement des procédures applicables au secteur agricole. À titre d’exemple, il est proposé d’adapter la logique de contractualisation promue par la loi de modernisation de l’agriculture au cas particulier de la filière viticole. Nous clarifions également le régime du « contrat vendanges », répondant par là à une revendication très forte.

Le chapitre II, quant à lui, assouplit le régime de certaines professions réglementées.

De même, le chapitre III modifie des démarches administratives dans le secteur des transports, en supprimant l’obligation aujourd’hui faite aux transporteurs routiers de transmettre au ministère des transports une déclaration de capacité financière accompagnée de la liasse fiscale. Enfin, dans le souci de concilier la compétitivité de nos entreprises et le respect de l’environnement, il est proposé de fixer à quarante-quatre tonnes pour cinq essieux le poids total autorisé en charge pour un certain nombre de véhicules, mesure particulièrement bienvenue.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Martine Billard. C’est une erreur environnementale ! En plus, ça esquinte les routes !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Le chapitre IV, pour sa part, simplifie et clarifie des démarches administratives dans le secteur du tourisme.

Le chapitre V allège des procédures inutiles ou excessives pour les acteurs de la presse et, plus généralement, des médias.

Le chapitre VI clarifie certains aspects du droit de la construction, du logement et de l’aménagement.

Enfin, le chapitre VII rassemble un ensemble de dispositions très diverses, dont l’objet revêt souvent une portée significative.

Sans doute, chers collègues avez-vous l’impression qu’il s’agit d’un inventaire à la Prévert…

M. Philippe Vuilque. Vous le dites vous-même !

Mme Martine Billard. Prévert était meilleur !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je voudrais rappeler qu’en votant ce texte, nous répondons à un principe à valeur constitutionnelle, le principe d’intelligibilité, de lisibilité et de compréhension de notre droit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), principe régulièrement rappelé par la Cour de cassation et par le Conseil d’État. Pourtant, lorsque nous présentons des textes de ce type, nous essuyons toujours les mêmes critiques : il s’agirait de textes confus, disparates, trop complexes, car ils touchent non seulement à la forme mais également au fond du droit.

Mme Martine Billard. Ils sont surtout très dangereux !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Ce sont les mêmes voix critiques qui, face aux huit mille lois et aux quatre cent mille textes de nature réglementaire que doivent appliquer les Français, disent qu’il est urgent de ne rien faire.

M. Alain Vidalies. Ce sont vos propres erreurs que vous corrigez !

M. Étienne Blanc, rapporteur. La présente proposition de loi répond, certes partiellement, au véritable enjeu que représente la simplification de notre droit. C’est la raison pour laquelle la Commission des lois vous invite à adopter ce texte, parfaitement bienvenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Michel Raison, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est la bienvenue car elle est très attendue par les acteurs économiques de notre pays.

Mme Martine Billard. Par les publicitaires, sûrement !

M. Michel Raison, rapporteur pour avis. Je tiens à saluer le travail de longue haleine entrepris par le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, pour simplifier le droit et améliorer ainsi la vie quotidienne des entreprises et des particuliers.

Les avertissements lancés par le Conseil d’État en 1991 puis en 2006 sont plus que jamais d’actualité. Y étaient dénoncés les effets de la « prolifération des textes », de « l’instabilité des règles » et de « la dégradation de la norme », l’une des causes identifiées par le Conseil en étant la « logorrhée législative et réglementaire ».

Afin de remédier au fléau de la sédimentation désordonnée du droit français, ce sont donc trois lois d’initiative parlementaire qui ont été votées au cours des cinq dernières années ; il s’agit cependant de la première proposition de loi de simplification à s’adresser prioritairement aux acteurs de la vie économique.

La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de 22 articles, dont trois chapitres consacrés respectivement à l’agriculture, au tourisme, au logement et à l’urbanisme.

La complexité du droit est un sujet de récrimination constant et légitime, notamment chez les agriculteurs. La lourdeur des procédures, l’inutilité de certaines démarches font en effet perdre un temps considérable aux exploitants et ont, en outre, un coût financier réel pour l’exploitation. Mais nous avons tous nos contradictions : les parlementaires – je n’échappe pas à ce travers –, qui sont capables de voter dans cet hémicycle des amendements complexifiant la loi ; les fonctionnaires, qui produisent des décrets et des règlements complexifiant leur propre tâche ; les paysans enfin, qui s’imposent parfois des règles insoutenables, comme le contrôle des structures, lequel mobilise en moyenne deux fonctionnaires par département sans vraiment régler les problèmes.

Les mesures contenues dans la proposition de loi au chapitre Ier du titre II sont donc les bienvenues. Je pense notamment, à l’article 60, à la suspension du délai d’action de la procédure d’indemnisation de dégâts causés par le grand gibier en cas de règlement à l’amiable, qui paraît nécessaire compte tenu du temps que prennent les différentes procédures.

D’autres mesures paraissent de nature à faciliter la vie des agriculteurs au quotidien Ainsi, l’article 61 simplifie les modalités d’option pour le régime de TVA des bailleurs de biens ruraux.

Le sixième alinéa de l’article 62 a été supprimé, en dépit de l’avis négatif du président de la commission des lois. L’article 63 a été supprimé également.

L’article 64 permet le financement des droits à la retraite complémentaire des salariés agricoles au titre des congés familiaux, L’article 66 étend les dispositifs d’intéressement aux collaborateurs d’entreprises agricoles. L’article 67 clarifie les modalités de recouvrement de la CSG et de la CRDS, ainsi que les situations de pluriactivité des auto-entrepreneurs.

En matière de tourisme, qui fait l’objet du chapitre IV, la commission des lois a repris les idées intéressantes qui émanaient de la proposition de loi de Jean-Louis Léonard en matière de classement.

Dans le domaine de l’urbanisme, auquel est consacré le chapitre VI, la simplification du régime des travaux des immeubles adossés aux immeubles historiques prévue à l’article 81 est la bienvenue. En outre, l’article 80 sécurise les emprunts contractés par les syndicats de copropriétaires. L’article 82 adapte la structure du groupement momentané d’entreprises, et l’article 83 modernise la procédure de création des zones d’aménagement concerté – dossier unique et élargissement à l’ensemble des personnes publiques de la possibilité de passer des conventions d’association. L’article 84 simplifie quant à lui le régime de la vente des logements-foyers, sanctionne le non-respect par les organismes HLM de l’obligation de transmettre leur décision d’aliéner des logements sociaux, favorise enfin l’accès à la propriété des gardiens d’immeubles HLM.

La commission des affaires économiques s’est en outre saisie pour avis d’articles ponctuels, se trouvant à la fois dans les titres Ier et II et concernant des domaines qui intéressent son champ de compétence. Il s’agit de l’article 29, qui reformule les seuils d’effectifs s’agissant de l’assujettissement au financement d’actions dans le domaine du logement ; de l’article 50, qui impose au ministère de la recherche de transmettre annuellement au ministère de l’économie des données relatives aux crédits d’impôt recherche, développement et innovation ; de l’article 70, qui précise les modalités de mise en œuvre du droit de préemption urbain et rural ; de l’article 86 enfin, qui allonge le délai ouvert aux chambres de métiers départementales pour se regrouper.

La commission des affaires économiques s’est enfin saisie de deux articles importants sur lesquels je voudrais dire un mot. L’article 54 simplifie la réglementation applicable à la géothermie de minime importance, réglementation qui a fait l’objet de nombreux débats. L’article 56 simplifie les procédures concernant les installations hydrauliques et la petite hydroélectricité. À la suite de l’audition de M. Abadie, directeur de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat, notre commission a décidé de proposer un certain nombre d’amendements à cet article.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur pour avis. Je voudrais conclure en effet, en rappelant que de telles lois de simplification doivent nous conduire à nous interroger sur notre manière de légiférer.

M. Michel Issindou. Exactement !

M. Michel Raison, rapporteur pour avis. Je suis d’avis qu’une bonne réglementation est une réglementation proportionnée aux politiques et aux buts poursuivis.

Je pense, en outre, que nous portons une attention insuffisante au point de vue des usagers et, plus largement, de tous ceux qui sont concernés au quotidien par la législation. L’acceptabilité de la règle est le facteur-clé de son respect et de son efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je souhaiterais, pour commencer, saluer l’action engagée par l’excellent président Warsmann en matière de simplification du droit. Mais, au risque de surprendre, je souhaiterais également rappeler d’emblée, pour que nous ne tombions pas dans le simplisme, que nous devons savoir vivre avec un certain degré de complexité : les situations que la loi et le règlement doivent prendre en compte sont elles-mêmes complexes, nombreuses et différentes. L’harmonisation de nos textes avec la législation européenne ne va certainement pas non plus dans le sens d’une simplification. Et nous sommes quand même bien placés pour savoir que ce n’est pas par perversité que le législateur introduit de la complexité, mais plutôt par souci de trouver, selon les cas, l’équilibre opportun, le compromis nécessaire ou la solution acceptable.

Cela étant, l’exercice consistant à remettre l’ouvrage sur le métier sous l’angle de la simplification, monsieur le président Méhaignerie, simplification à laquelle vous aussi êtes extrêmement attaché, est évidemment…

M. Michel Issindou. Complexe !

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. …tout sauf inutile. Nul doute que cette quatrième proposition de loi de la législature n’épuisera pas le sujet.

Oui, nous devons essayer de simplifier, d’autres l’ont dit avant moi à cette tribune, pour répondre aux demandes quotidiennes de nos entreprises et de nos travailleurs indépendants, confrontés à des contraintes, M. Michel Raison l’a dit, qu’ils jugent trop souvent incompréhensibles, redondantes, sinon vexatoires.

De ce point de vue, la présente proposition de loi a de l’ambition : elle couvre, ainsi que l’a justement souligné Étienne Blanc, un nombre de champs considérable. De ce point de vue, elle n’a rien de dérisoire, quand bien même certaines dispositions paraîtront minimes ; elles correspondent le plus souvent à des demandes exprimées par les intéressés, notamment dans le cadre des assises de la simplification tenues au printemps dernier à votre initiative, monsieur le secrétaire d’État. Leur addition représente une appréciable clarification du paysage juridique des entreprises, particulièrement pour les plus petites d’entre elles.

La commission des affaires sociales s’est saisie des vingt et un articles constituant le chapitre II du titre Ier qui rassemble les dispositions relatives à la vie sociale des entreprises, ainsi que des articles 49 et 91 de la proposition de loi. Guidée avant tout par le souci de l’efficacité et de l’effectivité des réformes proposées, elle a tenté d’y apporter quelques améliorations, dont la plupart figurent désormais dans le texte issu des travaux de la commission des lois _ nous en remercions ses commissaires. Nous sommes ainsi parvenus à un équilibre satisfaisant sur de nombreux points, qu’Étienne Blanc a cités : la dématérialisation des procédures et la simplification du bulletin de paie, la reconnaissance de la primauté des accords collectifs d’aménagement du temps de travail sur le contrat de travail – point très important sur lequel nous reviendrons –, l’amélioration des droits des salariés déclarés inaptes suite à une maladie d’origine non professionnelle, le renforcement de l’information de l’employeur lorsqu’il fait l’objet d’un procès-verbal dressé par l’inspection du travail, etc.

La commission des affaires sociales a également complété ce texte, notamment par une disposition visant à faciliter la négociation collective de branche sur les salaires, qui figure à l’article 39 bis.

Dans sa très grande sagesse, la commission des lois a également accepté plusieurs amendements de la commission des affaires sociales visant à supprimer certaines dispositions relatives à des effets de seuil, dont la portée n’était pas seulement sémantique, puisqu’elles entraînaient également une baisse des droits du personnel ou, dans certains cas, des coûts supplémentaires pour les collectivités et les organismes sociaux.

La commission des lois n’a toutefois pas suivi la commission des affaires sociales jusqu’au bout, refusant notamment la suppression des articles 33 et 34 sur lesquels nous reviendrons parce qu’il nous semble que la logique financière devrait l’emporter sur la simple logique sémantique.

M. Alain Vidalies, M. Michel Issindou et M. Philippe Vuilque. Exactement.

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, la commission des affaires sociales avait souhaité reporter de 2016 à 2018 l’entrée en vigueur de la phase définitive de mise en place de la déclaration sociale nominative, ce qui nous a valu l’ire du président de la commission des lois, qui nous a reproché de manquer de volontarisme en la matière alors que nous faisions simplement preuve de pragmatisme.

Monsieur le président de la commission des lois, nous avons été tellement habitués, en commission des affaires sociales, à des mesures volontaristes qui par la suite ont conduit à la pagaille dans leur application, qu’il nous semblait nécessaire d’être plutôt pragmatiques. Mais nous en reparlerons lors de la discussion des articles.

Enfin, la commission des lois a souhaité conserver, tout en le reformulant, l’article 46 de la proposition de loi qui ouvre une brèche à nos yeux malvenue dans les obligations, pourtant relativement légères, auxquelles sont soumis les employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés : nous y reviendrons.

Sous réserve toutefois de l’adoption de ces quelques modifications, nous soutiendrons évidemment le texte proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Gonzales, suppléant M. Serge Grouard, président et rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Didier Gonzales, rapporteur pour avis suppléant de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, votre commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de dix articles de la proposition de loi de notre éminent collègue Jean-Luc Warsmann.

M. Michel Issindou. Arrêtez ! N’en jetez plus !

M. Didier Gonzales, rapporteur pour avis suppléant. En tant que membre de la commission de simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi, je peux témoigner, monsieur le président Warsmann, du travail considérable que vous avez accompli, et ce dans des délais très brefs.

Plusieurs domaines relèvent de la compétence de la commission du développement durable. Nos débats ont été riches ; ils ont notamment porté sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – article 10 –, le versement transport – article 28 –, la géothermie de minime importance – article 54 –, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux – article 55 –, les installations hydrauliques autorisées – article 56 –, les zones d’aménagement concerté – article 83 – et les associations – article 92.

Permettez-moi d’évoquer les deux points qui ont particulièrement retenu l’attention des membres de la commission du développement durable.

Le premier concerne la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Comme chacun le sait, l’article 225 de la loi du 12 juillet 2010 – dite loi Grenelle II – a dressé le cadre d’un renforcement substantiel de la transparence et de la responsabilité des entreprises en matière sociale et environnementale. Il s’agit là d’un acquis fondamental, dont un décret très attendu doit organiser la mise en œuvre dans les prochaines années, selon la taille des entreprises. Le travail en commun des commissions des lois et du développement durable a permis de faire évoluer le texte d’origine de la proposition de loi, qui s’efforçait de répondre aux préoccupations exprimées par les grandes entreprises devant les coûts supplémentaires induits. Nous avons, me semble-t-il, pu trouver un compromis satisfaisant.

Le second point concerne le versement transport évoqué à l’article 28 de la proposition de loi. Avec d’autres commissions, celle du développement durable a souhaité que la rédaction des articles L.2333-64 et L.2531-2 du code général des collectivités territoriales ne soient pas modifiés. Il en serait en effet résulté une perte de recettes très importante pour les autorités organisatrices des transports alors même qu’elles ont besoin de financements supplémentaires pour couvrir les charges considérables de leur programme d’investissement et que le soutien au transport collectif est l’une des priorités du Grenelle.

M. Michel Issindou. Et Warsmann n’avait rien vu !

M. Didier Gonzales, rapporteur pour avis suppléant. Si la volonté de simplifier et d’harmoniser est louable, je me réjouis qu’un consensus ait pu émerger sur la nécessité de ne pas remettre en cause ces équilibres.

Par ailleurs, notre commission a voulu rappeler que l’harmonisation légitime de diverses dispositions du droit minier et forestier à l’article 55 ne devait pas s’opérer au détriment des équilibres écosystémiques. Le débat devant notre assemblée permettra de répondre à certaines inquiétudes à cet égard.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission du développement durable estime que cette proposition de loi apporte une contribution pragmatique à la simplification et à l’allégement de notre droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Mme Martine Billard. À quand la simplification des titres de ministre ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Je tiens avant toute chose à saluer le travail réalisé par le président de la commission des lois et du rapporteur, à tous égards remarquable, qui aura nécessité des heures et des heures d’auditions et d’examen de dispositifs caractérisé par leur complexité.

Lorsqu’il en va de la compétitivité de nos entreprises, de la croissance et de l’emploi dans notre pays, il est de notre devoir de dépasser les querelles partisanes et de se mettre d’accord sur des mesures de simplification du droit et d’allègement des démarches administratives. J’espère que nous pourrons dégager un consensus sur ces questions.

J’ai parfaitement conscience que certaines dispositions puissent faire l’objet de débats, voire de vifs débats, mais je souhaite que sur d’autres, nous puissions nous retrouver : la simplification est un enjeu majeur pour la compétitivité et l’avenir des entreprises de notre pays.

Le Gouvernement a toujours pris ce sujet à bras-le-corps, avec une priorité : réduire les charges que l’administration fait peser sur nos entreprises.

Depuis 2007, conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a engagé l’État dans une démarche ambitieuse de révision générale des politiques publiques, dont certaines mesures concernent directement nos entreprises : je pense à la réorganisation du réseau des directions régionales des entreprises – DIRECCTE –, au guichet unique de création d’entreprises, à la réduction « l’impôt papier » : c’est tout le sens de la démarche que j’ai moi-même engagée à travers les assises de la simplification lancées en décembre 2010.

Certes, il reste beaucoup de progrès à accomplir, comme en attestent certains chiffres bien connus. Nous sommes la cinquième puissance économique du monde ; nous étions, voici encore quelques mois, au 127e rang mondial sur le plan de la charge administrative. Nous sommes passés au 116e rang, sur 142, il y a quelques semaines. C’est un progrès, mais cela à quel point un texte comme celui-ci est nécessaire. Nous avons gagné onze places, c’est un signe encourageant, mais Dieu sait que les efforts à fournir restent énormes.

Selon un rapport de l’OCDE, le poids de l’impôt papier équivaut à 3 à 4 % du PIB. Chacun ici doit se mobiliser pour soutenir la croissance de notre pays : derrière, ce sont des emplois qui sont en jeu et j’imagine que tout un chacun dans cet hémicycle est conscient que nos efforts pour réduire la complexité administrative sont un soulagement pour nombre d’acteurs économiques.

Nous nous heurtons à des difficultés de deux ordres : sur le plan économique d’abord, la complexité administrative affecte le dynamisme, la compétitivité et l’efficacité de nos entreprises. Mais le problème se pose également en termes de perception par les entrepreneurs du rôle que joue l’État à leur égard. C’est ce qu’ont révélé les assises de la simplification, que Jean-Luc Warsmann et Jean-Michel Aulas, bien connu des amateurs de football, mais qui est aussi un porte-drapeau de la simplification dans le monde des entreprises, ont bien voulu co-présider à mes côtés. Ces assises de la simplification se sont tenues sur tout le territoire.

Vous avez, cher Jean-Luc Warsmann, accepté de participer à de nombreuses réunions, et nous avons engagé le dialogue avec les entreprises sur le terrain. C’est ce qui explique que j’ai pu dire, lorsque j’ai présenté les quatre-vingts décisions au nom du Gouvernement, que je ne les avais pas sorties des tiroirs de l’administration : nous avons été les chercher chez les entrepreneurs, dans les boutiques ou les entrepôts, là où sont les difficultés. Ce n’est pas un hasard s’il est ressorti de ces assises que 90 % des entrepreneurs jugeaient la charge administrative contraignante ou très contraignante. Ce chiffre doit tous nous interpeller.

Dans ce contexte, l’enjeu et les objectifs sont doubles.

D’abord simplifier la vie des entrepreneurs par des mesures concrètes. Ainsi, le gain escompté des quatre-vingts décisions que j’ai annoncées a été chiffré – Jean-Luc Warsmann s’en souviendra – à 1 milliard d’euros par le cabinet Ernst & Young : c’est autant que nous rendons aux acteurs économiques.

Restaurer ensuite la confiance entre les entrepreneurs et l’État. Certes, durant un moment, et paradoxalement, la crise a rapproché les entreprises de l’État. Encore faut-il que les bonnes pratiques mises en place au moment du pic de la crise pour éviter des désastres sur le plan économique perdurent afin que l’État ne soit plus perçu comme un adversaire ou à tout le moins un élément de blocage, mais comme un partenaire. Nous devons restaurer des relations de confiance. Ce que les entrepreneurs attendent, c’est un État qui pense « entreprise » en instaurant, ainsi que les rapporteurs l’ont souligné, des formulaires moins complexes, un accès à plus d’informations et à des interlocuteurs clairement identifiés, ou encore une réglementation plus stable.

J’ai pu le constater au cours des Assises de la simplification, et je le vérifie encore à l’occasion de mes déplacements – j’en fais trois par semaine, comme tout dernièrement à Chartres puis à Beaune – auprès des acteurs économiques avec lesquels j’engage le dialogue : l’attente est très forte concernant cette question de la complexité, et il ne faut pas décevoir. Je suis certain que vous tous ici établissez le même constat dans vos circonscriptions.

Parler des remontées du terrain me conduit logiquement à évoquer la méthode mise en œuvre pour élaborer les mesures envisagées.

Les Assises de la simplification ont d’abord permis de nommer un correspondant PME dans chaque département. Au total, les correspondants ont, dans le cadre d’un travail approfondi, visité 574 entreprises, soit autant « d’entretiens simplification », avant que les assises, après 22 réunions régionales, ne fassent émerger, à partir de 700 propositions recueillies, les attentes concrètes et précises du terrain.

Je veux ici saluer à nouveau la méthode du président Warsmann qui, au-delà de la coprésidence des assises, près de 70 auditions d’organisations professionnelles, des journées régionales et des réunions thématiques, a mené un travail de fond pour coller au plus près des attentes des entrepreneurs.

Ces approches complémentaires ont permis d’accoucher d’un programme ambitieux. Ainsi, 25 des 80 décisions issues des Assises de la simplification – et annoncées par moi-même avant l’été – qui nécessitaient une traduction législative pour être applicables, ont été reprises dans la proposition de loi. Je veux en remercier, au nom du Gouvernement, le président Warsmann.

M. Philippe Vuilque. Il n’y en a que pour lui !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. L’émergence d’un programme aussi ambitieux n’est donc pas le fruit du hasard. Elle est due – cette méthode pourrait être source d’inspiration pour l’avenir – à une étroite collaboration entre le Gouvernement, le Parlement et les entrepreneurs immédiatement dès la phase de construction du plan de simplification et non, au contraire, à la suite de son examen au Parlement. C’est main dans la main que nous avons porté sur le devant de la scène ce grand chantier de la simplification, parce que le Gouvernement est particulièrement attaché à la concrétisation de toutes ces mesures.

Pour autant, la qualité de la méthode et la gravité des enjeux ne sont pas tout. Nous ne pouvons nous contenter de grandes déclarations de principe : l’application de ces mesures et la mise en œuvre de l’ambitieux programme qu’elles impliquent demeurent primordiales.

Les économies engendrées par la proposition de loi sont d’une ampleur considérable. Mais ces gains directs ne sont pas tout : avec ces mesures, nous redonnons confiance et détermination aux acteurs économiques de notre pays. Il s’agit d’entrer dans le cercle vertueux que M. Taugourdeau, ici présent, appelle si souvent de ses vœux.

En permettant d’améliorer concrètement le quotidien des chefs d’entreprise, les gains indirects et à long terme des mesures proposées ne peuvent qu’être majeurs, y compris en termes de compétitivité.

M. Michel Issindou. Et voilà comment on relance la croissance !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Vous ne croyez pas si bien dire : les Pays-Bas, où je me suis rendu voilà quelques semaines, ont gagné un point de croissance après avoir engagé le même travail il y a une dizaine d’années. Je ferai d’ailleurs le point avec Jean-Luc Warsmann et Jean-Michel Aulas sur l’application des dispositions de cette proposition de loi quelque temps après son examen. J’aurai ainsi l’occasion d’annoncer des mesures pour associer le monde de l’entreprise et l’administration à son suivi. Il est en effet essentiel que ce texte qui, je l’espère, sera voté rapidement – il sera en tout cas appliqué ensuite rapidement –, puisse faire l’objet d’un suivi jour après jour, semaine après semaine, afin que les engagements que nous prenons ici devant les acteurs économiques soient tenus.

M. Michel Issindou. Il vous faudra engager des fonctionnaires !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je tiens à saluer la mesure contenue dans l’article 44 de la proposition de loi, concernant la simplification du bulletin de paye. Je vous invite à cet égard, les uns et les autres, à interroger dans vos circonscriptions salariés et patrons, notamment de petites entreprises : plus personne n’y comprend rien !

M. Michel Issindou. Cela s’expliquait à l’époque par une volonté de transparence.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Devant la complexité extrême de ce bulletin, de grandes déclarations ou des promesses ont été faites. Mais c’est votre proposition de loi qui apporte enfin des réponses concrètes.

Il en va de même du déploiement de la déclaration sociale nominative, réponse là encore concrète sur un sujet majeur : voilà en effet une mesure qui permettra de dématérialiser et de fusionner en une seule transmission près de trente déclarations sociales différentes. Le cabinet Ernst & Young, auquel j’ai déjà fait référence, a chiffré ce que représente pour les acteurs économiques la suppression d’une déclaration : 27 millions d’euros. Faites le compte de ce qui leur sera rendu avec trente déclarations sociales qui ne seront plus qu’une !

Le chantier que votre proposition de loi aborde de manière résolue, là où les tergiversations sont source de délais importants, est considérable par son ampleur. Vous fixez un horizon – 2016 – qui peut paraître lointain à certains et trop proche à d’autres – Jean-luc Warsmann ne le sait que trop. Pour ma part, il m’apparaît raisonnable.

J’aborderai maintenant la problématique des marchés publics. Aujourd’hui, la plupart des PME ne disposent pas d’une expertise juridique suffisante : elles sont très souvent découragées face à la complexité des règles de passation des marchés publics.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Chacun dans cet hémicycle sait parfaitement, pour rencontrer les acteurs économiques, les difficultés auxquels ils sont confrontés.

Il en va ainsi avec l’article 28 du code des marchés publics qui n’impose ni mise en concurrence ni publicité préalable pour les marchés inférieurs à 4 000 euros. Or, le seuil français en dessous duquel la commande publique n’a pas à faire l’objet d’une mise en concurrence et d’une procédure formalisée de publicité préalables est bas, comparé à celui des autres pays européens comme l’Autriche ou la Finlande, ou même à la Commission européenne pour ses propres marchés.

Avec l’article 88 de la proposition de loi, vous posez le principe selon lequel un marché public ou un accord-cadre peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalable, en deçà d’un montant de 15 000 euros. Un tel relèvement de 4 000 à 15 000 euros permettra d’assouplir les contraintes pesant sur les acteurs publics, en particulier les petites communes. Il permettra également d’élargir le recours aux TPE et PME : je vous le disais, le formalisme lié aux procédures de passation des marchés publics est souvent rédhibitoire pour elles.

Cet article répond donc à la préoccupation du Gouvernement d’agir en faveur des TPE et PME qui restent – faut-il le rappeler ? – le moteur de notre économie. Il lutte contre un vrai déséquilibre : tandis que le montant global de la commande publique est de 150 milliards d’euros, seulement 35 % des sommes engagées bénéficient aux PME, alors même qu’elles représentent 90 % du tissu économique national.

Cette disposition est au demeurant réglementaire, et pourrait donc être mise en œuvre rapidement par décret si elle n’était pas retenue dans le texte.

Je veux aussi parler de « l’armoire numérique sécurisée » – que certains appellent « coffre-fort numérique » –, car il s’agit là encore d’une avancée considérable – le rapporteur au fond connaît bien le sujet. Cette armoire – dispositif dont le Président de la République a eu l’occasion d’annoncer la mise en place voilà quelques mois – va permettre au chef d’entreprise, qui remplit aujourd’hui soixante-dix déclarations en moyenne, de fournir une fois pour toutes les informations qu’il doit transmettre à l’ensemble des administrations concernées. C’est un gain de temps et d’argent pour tous les entrepreneurs.

Voilà qui montre, s’il en était besoin, la nécessité d’une mesure législative en la matière afin de rendre le dispositif applicable. Je précise d’ailleurs au président et au rapporteur de la commission des lois que j’ai mobilisé 100 millions d’euros pour construire l’outil de préfiguration, financement auquel le programme Investissements d’avenir participe pour moitié. C’est dire, vous l’aurez compris, combien nous sommes décidés à aller vite s’agissant d’un sujet majeur de simplification pour nos acteurs économiques.

Votre proposition de loi modernise également le code du commerce, ce qui facilitera la vie de millions d’artisans et commerçants. Je citerai notamment l’assouplissement des conditions de cession d’un fonds de commerce : qui pourrait s’opposer ce que les formalités consécutives à une vente soient plus aisées et plus fluides ? Vraiment, chacun en conscience ne peut que voter un tel dispositif, et j’espère d’ailleurs qu’en cette matière comme dans d’autres que j’ai déjà citées un consensus se dessinera à l’Assemblée nationale.

En outre, l’acquéreur disposera d’une information plus pertinente, reflétant davantage l’accroissement de richesse réellement dégagé par l’activité du fonds de commerce. C’est, là encore, plus de transparence, valeur que, vous le savez, nous défendons particulièrement.

Cet effort de transparence concerne d’ailleurs également la date à laquelle le congé de bail commercial doit être donné. Une insécurité juridique, préjudiciable aux intérêts des entreprises et de leurs bailleurs, existe en effet en matière de délivrance des congés relatifs aux baux commerciaux. Grâce à la disposition annoncée lors des Assises de la simplification, le dispositif – ainsi traduit dans le présent texte et que des millions de commerçants attendent – sera beaucoup plus lisible et la sécurité juridique de ces transactions sera améliorée.

Autre mesure à laquelle le Gouvernement tient beaucoup : la mise en place de la plateforme numérique de consultation des annonces judiciaires et légales. Depuis 2008, la Commission européenne a présenté un ensemble de directives encourageant la dématérialisation des annonces judiciaires et légales afin de réduire les charges administratives et financières pesant sur les entreprises.

Je sais que ce sujet reste délicat, car les annonces judiciaires et légales sont une ressource vitale pour la presse, notamment spécialisée, régionale et locale. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé des aménagements au projet communautaire afin de respecter l’équilibre économique du secteur de la presse.

Avec l’article 78 de la proposition de loi, l’impression des annonces relatives aux sociétés et fonds de commerce publiées dans les journaux habilités, sera, à partir du 1er janvier 2013, complétée par une insertion dans une base unique de données numériques. Cette plateforme constituera un grand progrès pour le système français de publicité légale : tous les acteurs économiques pourront consulter gratuitement toutes les annonces judiciaires et légales publiées par les 600 journaux habilités.

La Commission européenne estime à 410 millions d’euros le coût minimal de publication des comptes annuels dans les bulletins nationaux et à 200 millions d’euros la publication des modifications dans les registres. Les économies en jeu sont donc énormes.

Passons à un sujet auquel la proposition de loi consacre plusieurs articles : la poursuite de la dépénalisation du droit des affaires.

Les acteurs économiques ont de plus en plus le sentiment d’être surexposés au risque pénal. Vous avez su apporter des réponses concrètes à cette préoccupation. Je veux toutefois rassurer ceux qui s’inquiéteraient : la dépénalisation ne signifie évidemment pas la fin de toute sanction. Elle consiste en de nouvelles formes de sanctions, plus pragmatiques mais aussi plus efficaces.

Une quarantaine d’infractions au droit des sociétés ont déjà fait l’objet d’une abrogation depuis le début des années 2000, aussi bien par des gouvernements de droite que de gauche. Je vous rappelle à cet égard que le mouvement de dépénalisation du droit des affaires n’est pas neuf. Il a commencé il y a plus de vingt ans avec Robert Badinter qui, en 1985, avait créé une commission chargée de réfléchir à l’allégement du droit des sociétés. Celle-ci s’était prononcée « en faveur d’une dépénalisation maximale ». De plus, selon elle, « seules les infractions sanctionnant les agissements les plus graves et réellement frauduleux devraient être maintenues ».

Les dix articles de la proposition de loi de simplification consacrés au sujet participent de cette logique. Ils donnent plus de cohérence et de justice au système de sanctions qui peut toucher les acteurs économiques.

Je tiens aussi à féliciter la commission des lois, son président et son rapporteur pour l’attention qu’ils ont portée aux besoins spécifiques à chacun des secteurs professionnels. Cela montre que cette proposition de loi a été conçue avec finesse et sans dogmatisme. Les mesures mises en œuvre ont tenu compte des véritables attentes et des préoccupations du terrain ; mieux, ce texte lutte en profondeur contre des archaïsmes qui pénalisaient jusqu’ici l’économie de certains secteurs.

Michel Raison, rapporteur pour avis de votre commission des affaires économiques, a cité le cas du secteur agricole pour lequel plusieurs procédures, sources de lourdeur ou d’insécurité juridique, ont été simplifiées : la procédure d’indemnisation des dégâts causés par le gibier a été améliorée ; les règles d’accès aux centres de rassemblement et notamment aux marchés aux bestiaux ont été clarifiées ; la possibilité d’acquérir des droits de retraite complémentaires, au titre des congés familiaux, a été étendue aux salariés agricoles ; les dispositifs d’intéressement existants en droit du travail ont été étendus de manière explicite aux collaborateurs d’exploitations ou d’entreprises agricoles.

Par ailleurs, la proposition de loi permet d’assouplir le régime de certaines professions réglementées.

La gestion des contrôleurs recrutés par le Haut commissariat aux comptes est simplifiée et la diversification de leur profil encouragée, grâce notamment à l’ouverture de leur recrutement à des agents publics en position de détachement.

À l’instar des notaires, des huissiers de justice ou bien des commissaires-priseurs judiciaires, l’exercice de la profession de géomètre-expert en qualité de salarié est désormais reconnu.

Enfin, dans la presse et les médias, des archaïsmes ont été supprimés. Les obligations de dépôts judiciaires et administratifs, mises à la charge des entreprises de presse par la loi du 29 juillet 1881, ont été allégées. Quant à l’obligation de déclaration préalable des titres de publication de presse auprès du parquet du lieu d’impression, elle a été supprimée.

L’ensemble de ces mesures vous convaincra, j’en suis certain, des progrès que permet d’accomplir cette proposition de loi. Vous voyez bien à quel point le Gouvernement considère qu’elle constitue un progrès, et je suis certain que les discussions de cette assemblée permettront encore de l’améliorer et de l’enrichir.

Sachez que le Gouvernement est déterminé et mobilisé pour mettre en place le corpus réglementaire qui sera nécessaire à l’application de votre texte – il en est évidemment de même pour ce qui concerne les propositions du rapport de Jean-Luc Warsmann sur la simplification du droit dont la mise en œuvre relèvent du domaine réglementaire.

Notre volonté affirmée et affichée de simplifier le quotidien des entrepreneurs ne doit ni ne peut rester un vœu pieux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est plus que favorable à cette riche proposition de loi qui, entre autres éléments, reprend vingt-cinq des quatre-vingts propositions nécessitant une traduction législative, que j’avais moi-même annoncées avant l’été. Je remercie le Parlement d’avoir pris une telle initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons un débat législatif fruit d’une démarche collective de plus d’un an autour d’un enjeu majeur pour notre pays : la simplification de l’action et du développement de nos petites et moyennes entreprises.

La démarche fut collective : elle a fait l’objet durant plus d’un an d’un travail sur le terrain, de dizaines de rencontres avec les professionnels et de l’investissement d’un groupe de députés désignés par l’ensemble des présidents de commission et par le rapporteur général de la commission des finances. Je veux saluer le travail d’Étienne Blanc, de Marie-Christine Dalloz, de Michel Diefenbacher, de Didier Gonzales, de Michel Raison et de Jean-Charles Taugourdeau qui se sont tous mobilisés durant cette période.

Ce travail a aussi impliqué l’ensemble des administrations. Un comité de pilotage a ainsi réuni tous les jeudis matins l’ensemble des ministères concernés. Il était animé par une équipe de professionnels dont je veux saluer la disponibilité et la qualité du travail.

Notre démarche s’est déroulée en parallèle des assises de la simplification dont vous avez pris l’initiative, monsieur le secrétaire d’État. Ces assises ont permis de mobiliser votre administration et d’envoyer un correspondant dans chaque département sur le terrain, dans les entreprises.

L’ensemble de ce travail a été mené dans la plus grande transparence pour aboutir à la publication du rapport remis à M. le Président de la République le 6 juillet dernier, et au dépôt d’une proposition de loi le 28 juillet.

Deux moments institutionnels très forts jalonnent ce parcours. La lettre de mission du Président de la République qui reconnaît la démarche de simplification comme un enjeu majeur constitue un premier symbole très fort. Les instants que nous vivons en ce moment ensemble constituent un second moment institutionnel majeur. Alors que nous connaissons tous les problèmes que pose l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire, je suis particulièrement reconnaissant envers le Premier ministre : il aura permis que l’Assemblée nationale consacre une semaine entière à un débat qui permettra de simplifier la vie des petites et moyennes entreprises.

La démarche collective s’est poursuivie après le mois de juillet. Le Conseil d’État saisi a d’abord rendu un avis favorable sur l’ensemble des dispositions du texte tout en nous permettant de les enrichir. Un travail colossal et remarquable a ensuite été mené par Étienne Blanc. Notre rapporteur n’a compté ni le nombre d’heures qu’il a consacré à ce texte ni le nombre d’auditions qu’il a menées pour soumettre ses dispositions aux critiques et aux avis des uns et aux autres. Les trois commissions de notre assemblée saisies pour avis – affaires économiques, affaires sociales, développement durable et l’aménagement du territoire – ont, elles aussi, beaucoup travaillé. Pour sa part, la commission des lois a débattu durant trois réunions de cette seule proposition de loi. Collectivement, nous y avons consacré une masse de travail considérable qui nous permet de vous présenter aujourd’hui un ensemble de propositions concrètes.

Une démarche collective, un an de travail ont donc été mis au service d’un enjeu majeur – je le dis comme je le pense.

Nos petites entreprises souffrent de procédures trop lourdes, de temps perdu …

M. Michel Issindou. Les salariés souffrent aussi !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Il ne s’agit pas d’opposer les entreprises et les salariés : le problème n’est pas là. Le problème est que nous avons collectivement le devoir de permettre le développement du tissu des PME qui sur l’ensemble du territoire urbain et rural de notre pays représentent un grand potentiel d’emplois.

Toutes les semaines, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous sommes interpellés dans nos circonscriptions par des responsables de PME : « Nous perdons du temps avec des formalités et des démarches qui ne servent à rien et qui ne cessent de se multiplier ! » Plus grave encore, ils nous parlent de leurs concurrents de l’Union européenne auxquels devraient s’appliquer les mêmes règles, mais pour lesquels les choses sont pourtant plus faciles. Et cela, nous ne pouvons plus continuer à admettre. C’est bien pour apporter des solutions concrètes et pragmatiques à ces problèmes que le travail dont je vous parlais a été engagé.

Mais raisonnons maintenant au niveau macroéconomique : M. le secrétaire d’État, a parlé de l’impôt papier. Le coût des charges administratives représente environ 3 % du produit intérieur brut. Autrement dit, lorsque, dans l’année, un Français a gagné cent euros en travaillant, il aura fallu dépenser trois euros pour des démarches administratives. Que d’argent perdu ! Il serait tout de même préférable de mettre ces trois euros dans le pouvoir d’achat des Français…

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. …ou dans l’investissement des entreprises.

Au-delà même de ce coût, ce qui me frappe le plus c’est la perte de temps induite. À chaque fois que vous demandez à un responsable de PME de passer une, deux, parfois trois jours à débrouiller un dossier ou qu’il doit se rendre dans une administration pour faire avancer des demandes d’autorisation, c’est du temps qu’il ne consacre pas à développer les activités de l’entreprise. Or, en développant ses activités, une entreprise travaille pour nous tous : elle travaille pour gagner de l’argent, pour payer plus d’impôts et pour payer plus de salariés ; elle travaille pour l’intérêt général.

Sans faire de longs développements théoriques, il n’est pas inutile de se demander pourquoi nous en sommes là. L’un des orateurs a évoqué l’harmonisation du droit européen. En effet, je pense que la transposition de normes européennes en droit français a souvent donné lieu à une complexification. Tout simplement parce que nous ne nous y prenons pas de la meilleure manière : lorsqu’une directive européenne sort et concerne un secteur d’activité économique très précis, il s’agit a priori d’une démarche très positive puisqu’elle devrait amener les vingt-sept pays membres à appliquer les mêmes règles – nous savons combien notre pays a pu souffrir de la concurrence déloyale liée à l’application de règles différentes chez nos concurrents étrangers. Mais que se passe-t-il le plus souvent en France lorsqu’un texte émanant de l’Union européenne contient cent dispositions ?

M. Michel Raison, rapporteur pour avis. On en remet une couche !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. En effet : on dénombre celles qui sont déjà dans le droit français et celles qui n’y sont pas, et s’il en manque soixante, on les transpose. Nous conservons donc notre ancienne réglementation à laquelle s’ajoutent les nouvelles règles européennes. C’est ce que l’on appelle le millefeuille. Et c’est bien de cela dont nous parlent les responsables économiques de tout le pays qui nous affirment vivre avec un droit économique plus complexe que celui de nos voisins.

Quand un texte européen s’impose au droit français, cela devrait constituer l’occasion de peigner le droit dans le secteur concerné…

M. Alain Vidalies. Faites-le donc !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. …et celle de supprimer les réglementations qui ne sont plus d’actualité pour se concentrer sur un nouveau point d’équilibre. Or ce travail n’est pas fait suffisamment, pas du tout…

M. Michel Issindou et M. Alain Vidalies. Là-dessus, tout le monde est d’accord !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Les transpositions de directives en France sont à la fois trop tardives et trop ponctuelles. Elles ne se font pas dans le souci constant de donner aux utilisateurs du droit, aux acteurs qui sont sur le terrain, le meilleur droit possible pour qu’ils puissent se développer et avancer.

Telle est précisément la tâche que nous vous proposons d’accomplir ensemble en examinant une proposition de loi contenant des dispositions extrêmement pragmatiques. Ce texte est charpenté en plusieurs chapitres recouvrant divers grands secteurs d’activité. Nous donnons les moyens juridiques d’ouvrir des dossiers très importants : ainsi l’armoire numérique sécurisée qui doit permettre de supprimer des dizaines de déclarations faites par les entreprises, ou celui de la déclaration sociale nominative.

Toutefois personne n’a de baguette magique : dans ces domaines, nous savons que nous ne pouvons pas voter une loi applicable demain matin ; nous l’assumons. La modestie et le réalisme conduisent à poser un cadre législatif afin que les différents acteurs – le premier d’entre eux étant le Gouvernement qui dispose du pouvoir réglementaire – aient le temps de faire évoluer les normes et d’adapter les logiciels informatiques.

Je ne suis pas naïf : j’entends bien, derrière les douces voix avançant des arguments techniques, le poids d’un certain nombre de conservatismes qui estiment que ce n’est jamais le bon moment de simplifier les choses : c’est toujours trop tôt, ce n’est jamais le bon niveau… Pourtant, quel grand progrès nous proposons au pays en voulant évoluer vers une simplification du bulletin de paie, en voulant passer progressivement, en plusieurs années, à une déclaration sociale unique, en proposant qu’à partir de 2016, aucune administration ne puisse demander aux PME une déclaration sociale autre que la déclaration sociale nominative unique ! Ce progrès dans tous les secteurs économiques est attendu depuis de très nombreuses années.

Nous avons également travaillé sur les marchés publics. Sur ce sujet, nous sommes interpellés dans tout le pays. Le Gouvernement avait pris une initiative, mais celle-ci a été annulée par le Conseil d’État. Devant ce blocage, la responsabilité du législateur est bien de traiter le problème, ce que la proposition de loi vous propose de faire. Ces dispositions ont été soumises à l’assemblée générale du Conseil d’État. Les conservateurs de toutes origines, certains que son avis serait négatif, développaient maints arguments plaidant en faveur de l’inconstitutionnalité et prouvant que les articles concernés étaient contraires au droit de l’Union européenne. Nous avons travaillé et nous avons prouvé que les seuils en vigueur dans la plupart des pays européens – et pour l’Union européenne elle-même – étaient bien plus élevés. Nous avons participé aux débats du Conseil d’État durant lesquels certains de ses membres, pour avoir participé à l’élaboration de la doctrine du Conseil constitutionnel, ont pu éclairer nos discussions en affirmant que le projet de texte ne paraissait pas contraire à la Constitution. Le Conseil d’État a finalement donné un avis positif. Voilà un autre exemple de dispositions concrètes qui permettent de lever un blocage, de dépasser les constats et d’agir.

Mes chers collègues, nous avons tous consacré beaucoup d’énergie et de temps afin d’avancer tous ensemble. Quel que soit le côté de l’hémicycle où nous siégeons, nous sommes tous convaincus de la nécessité d’aider les petites et moyennes entreprises, et de celle de trouver les meilleurs outils juridiques possibles. Dans ce débat, je vous appelle à dépasser vos motivations partisanes : travaillons tous ensemble durant la semaine que nous donne le Gouvernement pour offrir des meilleures solutions possibles ! Je souhaite que nous continuions à améliorer cette proposition de loi et que le Gouvernement, avec la même énergie que celle qu’il a montré à l’Assemblée, l’inscrive à l’ordre du jour du Sénat afin que nous puissions la voir adoptée définitivement avant la fin de la législature. Nous aurons ainsi voté des dispositions favorables à nos PME et donné des impulsions favorables à des évolutions qui relèvent assurément de l’intérêt général et d’un enjeu majeur dont nous sommes tous conscients : le développement de l’emploi sur l’ensemble des territoires de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Le présent texte porte sur un sujet essentiel pour l’économie française : alors que notre pays connaît une grave crise économique et financière, il importe plus que jamais d’améliorer la qualité, la lisibilité et l’efficacité des normes et des réglementations qui s’imposent aux acteurs économiques.

Certains de nos collègues nous diront que cette proposition de loi est la énième tentative de simplification administrative. Il est vrai que, depuis près de vingt ans que je siège sur ces bancs, j’ai beaucoup entendu, et toujours partagé, cet objectif de simplification administrative. J’en ai mesuré quelques succès progressifs mais force est de constater qu’il reste tellement à faire.

Le président de la commission des affaires économiques que je suis ne vous surprendra pas en rapportant les propos de nombreux chefs d’entreprise : « Des aides financières, oui bien sûr, mais, surtout, simplifiez-nous la vie ! ».

Alors, je ne puis qu’approuver votre proposition de loi, mon cher collègue, président de la commission des lois. Cette proposition de loi est véritablement la première thématique sur la simplification du droit et l’allégement des démarches administratives concernant uniquement des sujets touchant à la vie économique et sociale.

Ce caractère thématique fait que vous empiétez nécessairement sur les compétences spécifiques d’autres commissions de notre assemblée. Mais, qu’à cela ne tienne, si l’objectif est bien celui, et seulement celui, qui nous préoccupe conjointement et que nous souhaitons réellement atteindre.

Je dis cela à votre adresse, cher collègue président de la commission des lois, comme je le dis à l’ensemble de mes collègues, pour que nous restions concentrés sur ce grand objectif de simplification du droit et d’allégement, et pour que nous ayons les meilleures chances d’aboutir et d’aboutir rapidement.

Ma propre commission des affaires économiques s’est saisie pour avis d’une vingtaine d’articles relevant le plus directement de ses compétences. Notre excellent rapporteur pour avis Michel Raison s’est exprimé au nom de la commission des affaires économiques sur ces dix articles qui vont pour l’essentiel de la simplification du droit dans le domaine agricole à la simplification du droit au logement, de l’aménagement et de la construction en passant par le tourisme ou par quelques procédures en matière d’énergie. Partageant ses propos, je n’y reviendrai pas.

Pour ce qui concerne la simplification de la vie statutaire ou de la vie sociale des entreprises, je souscris à de nombreuses mesures attendues par lesdites entreprises.

J’en retiens quelques exemples : la simplification des conditions de cumul entre mandat social et contrat de travail pour les PME ayant opté pour le statut de société anonyme, dont le profil reste aujourd’hui encore largement familial ; la suppression, pour les sociétés, de l’obligation de déposer le rapport de gestion et un deuxième exemplaire des comptes sociaux au greffe du tribunal, posant ainsi les jalons d’une incitation des dépôts annuels par voie électronique…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Absolument !

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. …mais aussi la levée de certaines restrictions concernant la distribution d’actions gratuites aux salariés de PME ayant le statut de sociétés commerciales non cotées ; l’amélioration des mécanismes assurant l’effectivité des règles entourant la constatation et le fonctionnement des SARL et des sociétés anonymes – cette mesure concerne l’ensemble des sociétés.

À cela s’ajoute l’augmentation possible du nombre d’heures de travail sur une courte période, sans que cette modification constitue une modification du contrat de travail ; l’obligation d’information des entreprises par les inspecteurs du travail – vous l’avez dit, monsieur le président de la commission des lois –, afin que ces entreprises puissent répondre avant toute saisie du procureur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; ou encore l’harmonisation des seuils prévus pour l’application de l’allégement dit Fillon des cotisations patronales de sécurité sociale, et pour l’application de la déduction patronale forfaitaire pour exonération des heures supplémentaires dite loi TEPA.

Je citerai un dernier exemple très important : la réduction du nombre de déclarations sociales périodiques et ponctuelles avec la mise en place, à compter du 1er janvier 2013, de la déclaration sociale nominative unique, qui a vocation à regrouper, à compter du 1er janvier 2016, l’ensemble des données et informations pouvant être exigées d’un employeur par les organismes gérant des régimes de protection sociale.

Cette dernière mesure sera, je l’espère, considérablement efficace pour l’ensemble des entreprises. Elle est très attendue et porte une vraie signification. Sa mise en place devrait aboutir en 2013 puis en 2016

Cette proposition de loi ne peut que recueillir mon approbation dans le sens où elle présente des avancées certaines et attendues en termes d’allégement et de simplification d’obligations administratives et déclaratives.

Il restera encore beaucoup à faire, mais puissiez-vous, mon cher collègue, monsieur le secrétaire d’État, mener à bien cette proposition de loi très concrète, selon vos propres termes, pour nos entreprises et notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis. Bravo !

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Nous examinons aujourd’hui la quatrième proposition de loi dite de simplification du droit. Pourtant, preuve a déjà été faite que les lois de simplification compliquent plus souvent qu’elles ne simplifient. Le professeur Bertrand Seiller note à cet égard que « la simplification [...] peut être paradoxalement elle-même une source de complexité [...] ».

Il n’est pas seul. Une grande partie de la doctrine pointe les limites et carences de la simplification du droit. Le professeur Pierre Delvolvé considère, pour sa part, qu’elle est une « formule si creuse et si vague qu’elle ne peut donner son unité à un dispositif qui part dans tous les sens ».

Karine Gilberg, enseignante en légistique à l’université Paris 2, souligne également que ces propositions de simplification « souffrent de différents problèmes : disparates par essence, elles ne peuvent avoir de cohérence globale ; de multiples acteurs contribuent à leur rédaction, surtout elles opèrent souvent des modifications partielles, d’où, une fois encore, des problèmes de cohérence ».

La proposition de loi que nous examinons en fait, une fois de plus, la démonstration. Nous partageons probablement tous le constat selon lequel notre droit doit faire face à un mouvement de complexification.

Dès 1991, le Conseil d’État, dans son rapport public annuel consacré à la sécurité juridique, a exprimé ses préoccupations sur la complexité du droit, caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme. Allant de pair avec l’insécurité juridique et la dégradation de la qualité de la réglementation, l’inflation législative atteint aujourd’hui des proportions démesurées, inégalées, qui menacent l’état de droit.

Cette dérive a, de nouveau, été mise en lumière en 2006 par le rapport du Conseil d’État sur la sécurité et la complexité juridique. De 2000 à 2005, l’augmentation est en moyenne, par an, de soixante-dix lois, cinquante ordonnances et 1 500 décrets. Cette augmentation entraîne une instabilité de la norme telle que, en moyenne, 10 % des articles d’un code sont modifiés chaque année – et cette tendance ne s’est pas inversée ces derniers temps.

Si nous sommes convaincus que la représentation nationale doit se saisir de ce problème, nous contestons, en revanche, la façon de s’y atteler. Nous ne sommes, d’ailleurs, pas les seuls, puisque le sénateur Hervé Maurey, dans son avis émis le 5 octobre dernier au nom de la commission de l’économie du Sénat, souligne que la France est le seul pays à opter pour des lois de simplification « fourre-tout » aussi denses.

Le rapporteur de notre commission des lois entame son rapport en citant Montaigne : « […] nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure [...]. [Les lois] les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples, et générales. »

La citation est belle et la problématique parfaitement résumée. Mais les lois dites de simplification qui nous sont soumises ne sont ni rares, ni simples, ni générales.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Marc Dolez. Notre rapporteur affirme aussi que ces lois de simplification successives visent à agir « contre la propension française à la stratification et à la complexification du droit », que ces textes visent à abroger des lois obsolètes pour créer « les conditions d’une meilleure intelligibilité de la législation à travers une codification plus large et actualisée ».

Or la proposition de loi du président de la commission des lois Jean-Luc Warsmann vise un tout autre objectif. Elle simplifie parfois, elle allège aussi certaines procédures administratives mais, et c’est là l’essentiel, nombreuses sont les dispositions qui consistent en des modifications de fond.

Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, n’en faites pas mystère, puisque, lors de votre audition devant la commission des lois, vous nous avez indiqué ceci : « Alors que la RGPP tend à simplifier du haut vers le bas, il s’agit ici de simplifier du bas vers le haut ».

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Eh oui !

M. Marc Dolez. Nous ignorions que la RGPP était une mesure de simplification… Le non-remplacement du départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux n’est évidemment pas une mesure de simplification mais un choix politique majeur aux conséquences désastreuses. Nous le mesurons chaque jour.

En fait, ce texte vise au développement de l’activité et de la croissance qui, je cite notre rapporteur, « ne sauraient attendre le renouvellement des mandats de l’exécutif et de l’Assemblée nationale, au printemps prochain ». Il indique également : « il a été délibérément choisi d’inclure un nombre significatif de mesures pertinentes pour la dynamisation des entreprises françaises et la création d’emplois. Cette ambition ne poursuit qu’un seul objectif : accompagner dans les meilleures conditions possibles la reprise économique ». Où est-il question de simplification du droit ?

Je ne dresserai pas ici la longue liste de tous ces articles qui ne simplifient pas notre droit mais visent, en réalité, à mettre en œuvre la politique du Gouvernement.

Mes collègues Roland Muzeau et Martine Billard reviendront en détail dans leurs interventions sur les sujets touchant notamment à la vie sociale des entreprises. Ils dénonceront notamment ces articles qui entament significativement les droits des salariés.

Pour illustrer mon propos, je citerai l’article 84 qui tend à faciliter plus encore la cession du patrimoine HLM et qui contribue donc à réduire le volume du parc social.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est faux ! C’est l’inverse !

M. Marc Dolez. Je citerai aussi l’article 88 qui porte sur le seuil à partir duquel les marchés publics doivent faire l’objet d’une procédure formalisée de publicité et de mise en concurrence préalable.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Oui, c’est bien.

M. Marc Dolez. À travers l’élévation de ce seuil, ce sont les principes mêmes du droit de la commande publique qui s’en trouvent atteints. En effet, les collectivités, en particulier les plus petites d’entre elles, pourront désormais dépenser des parts importantes de leur budget de gré à gré, sans procédure de contrôle ni de traçabilité.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est la société de défiance !

M. Marc Dolez. Les possibilités de conflits d’intérêts et de clientélisme risquent de s’en trouver multipliées.

Déjà en 2008, le Gouvernement avait tenté de remonter ce seuil à 20 000 euros par décret mais la mesure avait été annulée par le Conseil d’État. Celui-ci s’était rendu aux arguments des requérants, selon lesquels ce relèvement de seuil violait les grands principes de la commande publique, à savoir la liberté d’accès, l’égalité de traitement et la transparence des procédures.

M. Michel Issindou. Exactement !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le Conseil d’État a donné un avis favorable !

M. Marc Dolez. Une telle question ne relève d’ailleurs pas du domaine de la loi.

Ces quelques exemples attestent que cette proposition de loi n’est pas simplement un exercice de toilettage de dispositions obsolètes ou redondantes, mais bel et bien une série de mesures de fond, touchant à des domaines variés et aux répercussions significatives.

Si ces mesures peuvent, dans certains cas, se justifier, elles ne sauraient être traitées au détour d’un texte fourre-tout de plus de quatre-vingt-dix articles. Elles nécessitent en effet de la concertation, des études d’impact et un réel débat démocratique.

Ce texte n’est pas une loi de simplification, il aurait donc mérité d’être examiné comme une loi ayant pour objectif, comme vous le prétendez, la croissance et la compétitivité, bref comme une loi à visée économique.

L’exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire est un principe constitutionnel explicitement reconnu, depuis 2006, par le Conseil constitutionnel. Cette exigence aurait commandé que les diverses dispositions du texte, rassemblées de manière disparate, soient examinées au fond par les commissions concernées, ce qui aurait été aussi en cohérence avec la refonte de notre règlement, qui accorde une large place au travail des commissions.

La commission des finances aurait ainsi pu se prononcer sur les dispositions ayant de lourdes incidences financières. La commission des affaires culturelles aurait pu examiner les articles ayant trait à la presse et aux médias, ainsi qu’au patrimoine, notamment les articles 75 à 79, relatifs à des sujets aussi sensibles que le statut des agences de presse ou la représentation syndicale dans les entreprises de presse.

Chacun conviendra, en outre, que les conditions d’examen de cette proposition de loi n’ont pas été vraiment satisfaisantes. Le rapport n’a été publié que le jour même de la clôture du délai de dépôt des amendements, obligeant le Gouvernement à déclarer l’urgence sur ce texte pour ne pas enfreindre le règlement de notre assemblée.

Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche, demandent à l’Assemblée d’adopter cette motion de renvoi en commission qui, vous l’aurez compris, équivaut pour eux à une motion de renvoi tout court tant ce texte leur paraît irrecevable sur la forme comme sur le fond. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. La motivation de cette motion de renvoi en commission est assez classique. Nous en sommes à la quatrième loi de simplification de cette législature tandis que notre assemblée en avait adopté trois lors de la législature précédente. Un certain nombre d’arguments méritent toutefois d’être rappelés.

Il est, tout d’abord, reproché à ces lois de simplification d’être extrêmement diverses et de ne pas se concentrer sur un problème particulier. Mais c’est la matière qui l’impose ! La « complexité » est assez transversale et elle touche toutes les activités des entreprises tant dans les domaines économique et financier que fiscal ou social. Évidemment, dès que l’on décide de simplifier la vie des entreprises et que l’on s’adresse à celles et ceux qui les connaissent bien, ils proposent une série de simplifications fort diverses.

La deuxième critique consiste à dire que non seulement nous touchons à la forme mais aussi que nous nous approchons parfois du fond.

M. Michel Issindou. Le droit des salariés, par exemple.

M. Étienne Blanc, rapporteur. La limite est extrêmement ténue. C’est un peu comme dans la procédure de codification : le fait que nous codifiions aujourd’hui à droit constant marque les limites de cet exercice et pose des problèmes. Même une fois qu’il est mieux rangé et mieux présenté, un code ne répond pas pour autant aux nécessités de lisibilité, d’intelligibilité et de clarification du droit que j’ai précédemment rappelées.

On est parfois, je le reconnais, un peu à la limite mais, nous vous le montrerons lorsque vous nous présenterez une série d’amendements, en aucun cas nous n’avons touché à des principes fondamentaux du droit, par exemple aux droits des salariés : ce que nous avons fait vise uniquement à répondre à un objectif de clarification et de simplification.

C’est pour ces raisons que, en tant que rapporteur, j’invite mes collègues à rejeter cette motion de renvoi en commission qui nous empêcherait de répondre à la nécessité absolue de donner aux Françaises et aux Français un droit plus clair et plus lisible.

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. La proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a été largement examinée en commission, et même en commissions au pluriel puisque trois d’entre elles se sont saisies pour avis. Le texte a ainsi été examiné en commission du développement durable le 20 septembre, en commission des affaires sociales le 21 septembre, en commission des affaires économiques le 27 septembre, ainsi qu’en commission des lois lors de trois réunions importantes, les 28 septembre et 5 octobre, auxquelles les rapporteurs pour avis ont d’ailleurs assisté.

M. Dominique Dord, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les membres du groupe UMP peuvent attester de la qualité des débats dans chacune des commissions.

Rappelons, en outre, que cette proposition de loi ne sort pas de nulle part : en janvier dernier, le Président de la République a confié à Jean-Luc Warsmann une mission afin de « proposer des mesures de simplification ambitieuses et concrètes pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particulier les PME, mais aussi les artisans, les agriculteurs et les professions libérales ». Au terme d’un important travail que chacun a souligné, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, au Président de la République son rapport sur « la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi », qui comportait 280 propositions. En parallèle, les assises de la simplification, organisées le 29 avril 2011 sous l’égide de Frédéric Lefebvre, ont donné lieu à quatre-vingts propositions.

Les dispositions reprises par la proposition de loi de simplification du droit ont fait l’objet d’une véritable concertation. Ce sont des mesures concrètes, attendues par le monde économique.

Le Conseil d’État s’est prononcé et ses observations ont été reprises en commission. C’est un gage supplémentaire de fiabilité juridique.

Il n’y a donc pas de raison de renvoyer ce texte en commission et les membres du groupe UMP voteront contre la motion présentée par le groupe GDR.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Ce texte présente deux volets, l’un de simplification, l’autre d’allègement des démarches administratives. On nous a abondamment expliqué tout le travail qui a été réalisé en amont des travaux parlementaires. Par le passé, nous avions eu la désagréable surprise de découvrir un travail effectué par un cabinet privé.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est faux !

M. Jean-Michel Clément. Les choses ont évolué puisque, cette fois, nous avons un rapport, qui a été établi dans les conditions évoquées tout à l’heure, ainsi qu’un rapport du Conseil d’État, qui a également travaillé sur le sujet, qui est de nature à stabiliser un peu les choses. Pour autant, il ressort de ce texte l’impression que c’est une loi à sens unique, car elle est au service des entreprises – ce dont personne ici ne se plaindra – tandis que les salariés et le droit du travail qui les concerne en sont les oubliés. Or, quand on s’intéresse à la vie des entreprises, on ne saurait oublier qu’il y a deux acteurs : les employeurs mais aussi les salariés, qu’une loi d’équilibre aurait tous deux pris en compte, ce qui n’est pas le cas.

L’autre vice de cette proposition, c’est qu’elle est le moyen de revenir sur des textes qui avaient leur propre cohérence. Je pense à la loi sur les sociétés et à quelques autres, qui se trouvent de fait affectées par des dispositions sibyllines, voire sournoises, qui nuisent à leur équilibre. Un travail en amont mieux fait aurait dû nous permettre de nous y intéresser davantage en commission. Car, si plusieurs d’entre elles ont bien été saisies, elles ne l’ont été que trop brièvement, tandis que le rapport ne nous a été remis qu’aujourd’hui même. Le travail parlementaire a donc été bafoué. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Jean-Michel Clément. C’est ce qui justifie le vote de cette motion de renvoi en commission.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Sans doute aurions-nous moins de lois de simplification du droit si les textes qui nous sont présentés étaient mieux écrits dès l’origine. J’ai le souvenir que, alors que des amendements visaient à assurer la continuité de la rédaction du code du travail, sous la pression du groupe UMP, le Gouvernement avait accepté une rédaction qui s’éloignait de la forme habituelle du code du travail. Voilà une disposition que nous verrons sans doute réapparaître un jour dans le cadre d’une loi de simplification du droit.

On l’a dit, nous en sommes à sept lois de ce type depuis 2002. Auparavant, le Parlement était appelé à se prononcer sur des textes « portant diverses dispositions d’ordre législatif ». En fait, ce que vous appelez « simplification du droit » revient au même puisque, au milieu de propositions de réécriture bienvenue de dispositions figurant dans tel ou tel code, se glissent des dispositions d’une autre portée. On se souvient de celle qui concernait la scientologie, qui visait à toute autre chose qu’à une simplification du droit.

La présente proposition comporte, elle aussi, des dispositions de ce type. Outre que la transposition d’une directive européenne y est prévue par ordonnance – excusez du peu ! –, on y trouve, en ce qui concerne l’environnement, l’introduction des 44 tonnes à cinq essieux, un contournement de la loi Grenelle II en matière de règlements de publicité et, dans le cadre de l’article 56 bis, un contournement de la charte Natura 2000. Tout cela sous prétexte de simplification du droit !

Marc Dolez a eu, par ailleurs, raison de souligner que de tels textes permettent de contourner le droit du travail et d’introduire des dispositions qui, au mépris des engagements qui ont été pris, sont ainsi soustraites au contrôle mais aussi à la discussion avec les partenaires sociaux. Ce texte comporte donc aussi des mesures de régression dans ce domaine.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que les membres du groupe GDR se prononcent en faveur du renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Le groupe Nouveau Centre est attaché à cet impératif qu’est la simplification du droit. Face à l’inflation législative qui s’est emparée de nos assemblées ces dernières années, il est nécessaire de trouver les moyens de créer les conditions d’une meilleure intelligibilité de la législation.

En l’état actuel du droit, l’alourdissement des procédures, le temps passé aux formalités administratives pèsent trop lourdement sur le quotidien, non seulement des particuliers mais également des collectivités, des justiciables et des entreprises. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette motion.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. La proposition de loi relative à la simplification du droit s’inscrit dans la continuité d’une démarche qui fut engagée sous la précédente législature. Que ce soit à l’initiative du Gouvernement ou du Parlement, l’occasion nous a été donnée à plusieurs reprises de débattre de ce sujet et de démontrer l’attachement que nous portons tous à ce véritable impératif que constitue la simplification du droit.

Face à l’inflation législative qui s’est emparée de nos assemblées ces dernières années, il est nécessaire de trouver les moyens de créer les conditions d’une meilleure intelligibilité de la législation. Car, en l’état actuel du droit, l’alourdissement des procédures, le temps passé aux formalités administratives pèsent trop sur le quotidien, non seulement des particuliers mais également des collectivités, des justiciables et des entreprises.

La complexité de notre législation s’avère également coûteuse et nuisible à la qualité et à l’effectivité de notre droit. Aussi, je tiens à saluer l’action entreprise par notre commission des lois, sous les réserves que j’exposerai ultérieurement.

Dans un contexte budgétaire contraint, l’enjeu est d’importance, car la complexification du droit peut nuire à l’essor de nos entreprises. Elle constitue ainsi un véritable frein à la compétitivité et, par là même, à l’attractivité de notre pays.

Il convient notamment de souligner que certaines entreprises renoncent à s’implanter en France, découragées par la lourdeur des procédures administratives et l’instabilité de notre droit. Les chiffres le prouvent, le coût des charges administratives pesant sur les entreprises représente 3 % du PIB par an. La France se situe au 116e rang sur 142 en termes de charges administratives. Je citerai l’exemple de l’impôt papier, qui génère un coût économique important en ce qu’il correspond, pour les opérateurs économiques, aux coûts induits par un certain nombre de formalités administratives et par l’obligation de fournir un ensemble d’informations sur leurs activités.

L’assouplissement des procédures et des démarches administratives doit être un moyen de réduire ces charges, sans toutefois alourdir les frais de fonctionnement des services publics. En d’autres termes, la simplification du droit peut être utilisée comme un levier au service de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi. Car, nous en convenons, il est urgent de mettre en œuvre des mesures qui pourront accompagner la reprise économique et dynamiser la création d’entreprises et d’emplois.

Concrètement, les mesures présentées dans ce texte visent à alléger le poids considérable des obligations qui pèsent encore sur nos entreprises, plus particulièrement sur les plus petites d’entre elles. Parmi ces nombreuses dispositions, nous retenons quelques mesures phares, que nous soutiendrons : la création d’une armoire numérique sécurisée qui devrait permettre aux entreprises de faciliter leurs démarches administratives, notamment par une harmonisation et un meilleur accès pour les administrations aux données de l’entreprise ; la simplification du bulletin de paie, dont le nombre de lignes serait divisé par deux ;…

M. Roland Muzeau. Supprimez la paie, cela ira plus vite !

M. Olivier Jardé. …la déclaration sociale nominative qui dématérialiserait et fusionnerait en une seule transmission près de trente déclarations sociales ; l’extension du système du rescrit fiscal au champ social, qui donnerait aux entreprises la possibilité d’obtenir de l’administration sociale des réponses, notamment sur le régime social des indépendants, dont elles pourraient ensuite se prévaloir lors des contrôles.

Cependant, le groupe Nouveau Centre souhaite apporter d’autres améliorations à ce texte.

Dans le domaine du droit du travail, il est proposé de modifier certaines dispositions du code du travail afin qu’elles soient plus adaptées aux spécificités de certaines entreprises,…

M. Michel Issindou. Là, on se méfie !

M. Olivier Jardé. …notamment aux établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, souvent confrontés à des situations de pénurie de personnels qualifiés. Je pense à la possibilité pour les salariés à temps partiel d’augmenter la durée du travail et à l’intégration dans le code du travail de la situation particulière des professionnels médicaux et paramédicaux exerçant à titre libéral dans les établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

Nous proposons également d’instaurer une prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trente mois dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale.

Par ailleurs, nous pensons qu’il serait utile de simplifier, pour les collectivités territoriales, l’acquisition d’immeubles faisant l’objet d’une cession dans le cadre d’une liquidation judiciaire : il pourrait être reconnu aux collectivités locales le droit d’acquérir, de façon prioritaire, un immeuble dont la mise en vente n’a été suivie d’aucune offre d’acquisition réelle et sérieuse.

M. Michel Issindou. Quel mélange ! Femmes enceintes, acquisition d’immeubles…

M. Olivier Jardé. Enfin, concernant le relèvement du seuil des marchés publics, nous suggérons de le porter à 20 000 euros, afin qu’il corresponde au seuil proposé par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance économique de 2008.

Je terminerai en émettant quelques réserves sur ce texte.

M. Michel Issindou. Tout de même !

M. Olivier Jardé. Si les mesures consistant à simplifier les procédures nous semblent judicieuses, nous tenons à souligner la dangerosité du procédé utilisé pour atteindre cet objectif. Certains de nos collègues l’ont souligné en commission, le champ de ce texte est très, voire trop, vaste. Il s’adresse à une multitude d’acteurs économiques, des commerçants aux artisans. Pour ces raisons, nous veillerons à ce que la modification des dispositions législatives et réglementaires ne soit pas préjudiciable à certains secteurs.

M. Michel Issindou. Mais vous voterez quand même la proposition de loi !

M. Olivier Jardé. Ce texte doit se limiter à la simple et unique simplification du droit.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Roland Muzeau. Est-ce bien utile ? Nous savons qu’il est d’accord ! (Sourires.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entendons tous de nos concitoyens et de nos chefs d’entreprises – des très petites aux très grandes – que la loi est trop compliquée et qu’il y a trop de lois. Ce qui peut donner cette impression, voire provoquer cette réalité, c’est peut-être aussi que, parfois, un amendement peut régler un cas particulier pour une entreprise tout en posant des problèmes à plusieurs autres de la même filière, voire d’une autre filière. Nous savons que l’exception confirme la règle, mais nous avons peut-être, nous-mêmes, parfois tendance à vouloir légiférer sur l’exception, ce qui peut rendre la règle illisible.

Sans doute sommes-nous trop dans une société de défiance, comme nous l’avons entendu dire tout à l’heure. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité très clairement une société de confiance à l’égard de toutes nos entreprises. Bien sûr, cette confiance n’exclut pas le contrôle. Mais la complexification croissante du droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui pénalise aussi bien les citoyens que les entreprises. Un vaste mouvement de simplification de notre droit a ainsi été engagé depuis le début de la législature.

En janvier 2009, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, remettait au Premier ministre un rapport relatif à la politique de simplification et à l’élaboration d’une stratégie pour une norme de meilleure qualité.

Le Parlement a adopté deux lois répondant à ces objectifs.

La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures comporte cinq volets : elle oblige à prononcer l’abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans objet ; elle propose des mesures de simplification pour les particuliers, les entreprises et les collectivités locales ; elle abroge diverses dispositions devenues sans intérêt.

La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit améliore la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations et adopte des dispositions de simplification relatives au statut des groupements d’intérêt public ; elle traite aussi d’urbanisme, de défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives, de droit pénal, des Français établis hors de France en matière électorale, du domaine sanitaire, social et médico-social ; elle habilite également le Gouvernement à modifier des dispositions législatives.

Lors des assises de la simplification, le 29 avril 2011, Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé des petites et moyennes entreprises, a dévoilé quatre-vingts mesures afin de renforcer l’appui territorial aux PME, mais aussi de simplifier leur environnement administratif. Ces assises ont rapproché deux mondes qui se connaissent mal : le monde de l’entreprise et l’administration. Le retour de la confiance commence là. Je l’ai constaté au cours des réunions de ces assises : ce n’est pas simple d’exprimer simplement ce qu’il faut simplifier.

M. Michel Issindou. C’est même très complexe.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En effet !

La proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives reprend certaines de ces propositions, telles que la création d’un coffre-fort numérique, la simplification des bulletins de salaire, la rationalisation des déclarations sociales au sein d’une déclaration sociale unique, l’extension du rescrit dans le champ social, qui permettra aux entreprises d’obtenir de l’administration sociale des réponses opposables, l’adaptation des sanctions applicables à certaines infractions relatives au fonctionnement des sociétés, qui diminue le risque pour les chefs des très petites entreprises pour des manquements formels, alors qu’eux-mêmes n’ont pas la possibilité de se faire assister.

Parallèlement, le Président de la République a confié à Jean-Luc Warsmann une nouvelle mission afin de proposer « des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particuliers les PME, mais aussi sur les artisans, les agriculteurs et les professions libérales. Ces propositions devront avoir pour objectif de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois ». Cette lettre de mission du Président de la République date du 17 janvier 2011.

Au terme d’un important travail de concertation, d’auditions et d’analyses, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, son rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi au Président de la République. Ce rapport comprend 280 mesures concrètes, qu’elles soient d’ordre réglementaire, législatif ou européen. Il a servi de base à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, déposée le 28 juillet 2011. Ce texte comporte quatre-vingt-quatorze articles.

Le titre Ier concerne la vie statutaire et sociale des entreprises, des dispositifs fiscaux, comptables et douaniers, le soutien au développement des entreprises, la simplification des procédures et des dispositions relatives à la lutte contre la fraude. Le titre II vise différents secteurs d’activité : l’agriculture, les professions réglementées, les transports, le tourisme, la presse et les médias, la construction, le logement et l’aménagement du territoire.

L’examen en commission a permis d’améliorer la rédaction de certaines dispositions, de supprimer certains articles qui allaient au-delà d’une simplification, et d’intégrer de nouvelles mesures pragmatiques au service des entreprises.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ce texte, attendu par tous les acteurs économiques, est remarquable par le travail considérable qu’il représente de votre part.

M. Philippe Vuilque. N’exagérez pas !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je n’exagère pas, monsieur Vuilque.

Il prolonge, monsieur le secrétaire d’État, la volonté que vous avez fortement exprimée tout au long des assises de la simplification. Il répond aux souhaits du Président de la République et du Premier ministre. C’est de l’oxygène pour tous ceux, petits et grands, qui entreprennent dans nos villes et nos campagnes et qui aspirent à plus de bon sens.

C’est un texte qui va libérer les énergies. C’est pourquoi le groupe UMP le soutient avec enthousiasme.

Je n’ai pas consommé tout mon temps de parole, mais la simplification commence aussi par là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Étienne Blanc, rapporteur. Bravo !

M. Philippe Vuilque. Pour cela, on vous applaudit !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je vais demander à mon collègue s’il veut bien m’accorder un peu de « crédit temps » ! (Sourires.)

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous examinons cet après-midi une nouvelle loi de simplification du droit. Quatrième loi du genre sous cette législature, ce texte de simplification s’est adjoint un versant particulier, celui de l’allégement des démarches administratives.

Nous avions déjà eu à connaître la loi de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, et les mauvaises surprises que cette loi du 12 mai 2009 nous avait réservées. Je rappellerai ici, l’amendement favorable à la Scientologie, en espérant que le présent texte ne recèle pas de récidive.

Nous avions dénoncé, par le passé, les conditions dans lesquelles nous avions dû aborder ces textes de simplification. Même si, monsieur le rapporteur, vous avez salué le travail réalisé en amont, ces conditions ne se sont guère améliorées pour nous puisque nous avons dû examiner en commission des lois un texte qui n’avait pas encore reçu l’avis des commissions des affaires sociales et du développement durable, sans parler de celui de la commission des finances, qui n’avait même pas été saisie. Mais j’y reviendrai.

Je note que plusieurs articles ont été supprimés en commission des lois pour avoir une incidence financière, soit pour les collectivités locales, soit pour la sécurité sociale, et que d’autres encore subsistent, selon nous, dans ce texte. Je citerai, par exemple, l’article 56 qui prévoit, en son dernier alinéa, la possibilité de recourir à l’expropriation afin de réaliser des travaux de protection et de restauration des écosystèmes aquatiques.

Je citerai aussi l’article 56 ter qui autorise les chambres d’agriculture a se porter maîtres d’ouvrage pour la réalisation de retenues d’eau à finalité agricole, ou encore les articles 63 et 73 qui aggravent manifestement une charge publique, comme le précise le président de la commission dans sa décision rendue ce jour.

Je citerai enfin l’article 47, portant création d’un fichier unique des interdits de gérer, tenu par les greffiers des tribunaux de commerce, dont on ne sait pas comment il sera financé, ou l’article 38 qui facilite la consultation des annonces relatives à la vie des sociétés et des fonds de commerce par leur dématérialisation sur une plate-forme numérique prévue à cet effet.

Je pense également à la proposition de créer une armoire numérique sécurisée, issue d’un amendement de notre rapporteur qui nous en a vanté les mérites, mais dont nous aurions apprécié de connaître mieux les tenants et aboutissants.

Pour autant que l’objectif poursuivi par ces articles revête un caractère utile, encore faudrait-il savoir comment ceux-ci seront mis concrètement en œuvre, sauf à rester lettre morte, ce qui serait tout à fait contraire à l’esprit et à la lettre du texte que nous nous apprêtons à voter.

Finalement, le texte initial de quatre-vingt-quatorze articles a fait l’objet de nombreux amendements, tant du Gouvernement que du rapporteur et du président lui-même, ainsi que de plusieurs de nos collègues. Le temps initialement prévu s’est avéré de ce fait insuffisant.

C’est un texte de 116 articles qui vient en discussion aujourd’hui, moins de sept jours ouvrables après l’examen du texte en commission, ce qui est contraire à l’article 86, alinéa 4, du règlement de notre assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est faux !

M. Jean-Michel Clément. C’était encore vrai jusqu’à la déclaration d’urgence qui devait rendre possible l’examen aujourd’hui.

Pour autant, les conditions du travail parlementaire s’en sont-elles trouvées améliorées ? Certainement pas ! Et ce n’est pas l’examen des 400 amendements dans le cadre de l’article 88 expédié en un quart d’heure – tout à l’heure, avant les questions au Gouvernement – qui grandit notre travail parlementaire.

Pourtant, les dispositions contenues dans ce texte concernent pas moins de vingt codes, allant du code de commerce au code des douanes, du code de l’environnement à celui de la propriété intellectuelle, du code rural et de la pêche à celui de la sécurité sociale, sans compter le code du travail ou celui de l’urbanisme.

M. Michel Issindou. On peut aussi supprimer les codes !

M. Jean-Michel Clément. Par ailleurs, quelques grands textes fondamentaux non codifiés sont affectés par cette proposition de loi. Il en va ainsi de la loi de 1881 sur la presse, de la loi de 1901 sur la liberté d’association ou encore de celle du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Un véritable exercice d’éclectisme juridique, digne d’un examen de licence en droit ! Le travail parlementaire mériterait, selon moi, meilleure considération.

Il est vrai que ce texte se veut aussi d’une portée simplificatrice toute particulière, en ce sens que les objectifs annoncés sont de « s’attaquer aux mesures qui pèsent sur les forces économiques de notre pays, spécialement les entreprises et tout particulièrement les PME, voire les sociétés cotées en bourse ». S’agissant de ces dernières, nous sommes sûrs que ce qui pèse sur elles, ce sont plus les ardeurs spéculatives de fonds d’investissement ou des traders les yeux rivés sur les données des agences de notation que les contraintes internes. Il y a déjà longtemps que les cours de la bourse ne reflètent plus la réalité de l’activité des groupes ou d’un secteur d’activité, sauf lorsqu’un plan de réduction des effectifs est salué à la hausse par les marchés.

Ce texte tend, je cite, à « desserrer l’étau législatif et réglementaire qui contraint les acteurs de notre croissance ». On aura compris qu’il s’agit, en réalité, d’un texte d’inspiration libérale contenant des mesures caractérisant l’abandon du contrôle de l’État.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

M. Jean-Michel Clément. Plus grave, ce texte recèle des dispositions relatives à la simplification de la vie statutaire ou sociale des entreprises, qui remettent en cause l’équilibre de certaines grandes lois, comme celle de 1966 sur les sociétés commerciales, ou des textes relatifs au droit des salariés dans l’entreprise – mes collègues reviendront sur ce sujet –, sans parler des dispositions qui affectent la loi Grenelle, comme s’il s’agissait, discrètement mais sûrement, de supprimer des mesures qui, en leur temps, ont pourtant fait consensus.

Une impression gênante ressort aussi des 116 articles de cette proposition de loi et des importants amendements qui s’en sont suivis. Au fond, vous voulez donner satisfaction à des groupes de pression, des corporatismes,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh non !

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Un peu de respect ! Cela dérape !

M. Philippe Vuilque et M. Michel Issindou. Il n’y a qu’à voir les amendements !

M. Jean-Michel Clément. …non pas soudainement animés d’une vertu simplificatrice pour améliorer la vie des entreprises, mais, plus sournoisement, pour tirer un avantage particulier de l’opportunité qu’offre ce véhicule législatif, afin de satisfaire une vieille revendication ou un intérêt particulier. Votre écoute est à sens unique, comme si les syndicats de salariés étaient des freins à la croissance.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est faux !

M. Jean-Michel Clément. De plus, sous couvert de vouloir donner de l’air aux PME de notre pays, ce qui en soi est une bonne chose,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ah, quand même !

M. Jean-Michel Clément. …vous n’hésitez pas, dans une vision toute financière, à simplifier aussi les sociétés anonymes cotées dont la fonction première est de drainer l’épargne, comme l’a démontré magistralement le doyen Ripert dans sa thèse de référence.

Les conséquences d’une telle démarche sont bien connues maintenant : dans de nombreux cas, nous ne légiférons pas à droit constant…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Heureusement, sinon on ne ferait rien !

M. Jean-Michel Clément. …et nombreux, sont les cavaliers législatifs qui débarquent au galop dans ce texte, y compris une proposition de loi en déshérence.

M. Roland Muzeau. Ce ne sont plus des cavaliers, c’est une armée !

M. Jean-Michel Clément. En fait, je crois que le législateur vient d’inventer une nouvelle catégorie de lois : les lois difformes.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est élégant !

M. Jean-Michel Clément. Nous savons bien pourtant que c’est parce que la règle se dégrade, que l’inflation normative augmente et que la complexité des textes est croissante que les pouvoirs publics multiplient les interventions destinées à améliorer la réglementation, à réduire le flot de textes, bref à vouloir simplifier le droit. Mais quand vient s’ajouter à cela l’écoute bienveillante de corporatismes libéraux, il n’échappera à personne qu’un tel texte aggrave le mal qu’il prétend soigner.

Nous l’avons déjà dénoncé, la méthode retenue n’est pas la bonne, parce que la qualité de la loi n’est pas une simple question technique mais le gage de sa légitimité. Si l’on souhaite améliorer la qualité du droit, il faut repenser notre manière de faire des lois et commencer par en faire moins. Pensez que depuis le début de cette législature, nous avons voté pas moins de 156 projets de loi et soixante-neuf propositions de loi.

M. Michel Issindou. On n’en a jamais fait autant !

M. Jean-Michel Clément. Les modifications s’empilent chaque année jusqu’à rendre les textes illisibles ou, pire, leur faire perdre leur cohérence. L’esprit de la loi cher à Montesquieu se dissout ainsi au fur et à mesure de nos travaux.

Pour que cette loi soit légitime, il aurait fallu ajouter au mot « simplification », le mot « intelligibilité ». Avec de telles dispositions, je ne suis pas certain qu’on s’attaque aux mesures qui pèsent sur les forces économiques de notre pays. À l’inverse, nous risquons de créer plus de nouvelles zones d’incertitudes ou d’imprécisions.

Je terminerai mon propos en rappelant qu’aux précédentes lois de simplification, nous avions associé les mots « clarification » et « amélioration » de la qualité du droit. À celle-ci, je proposerais volontiers d’associer le mot « dérégulation » du droit sans craindre la sanction de cavalier législatif ou celle de l’article 40 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en sommes à sept propositions de loi dites de simplification du droit depuis 2002, propositions que j’aurais tendance à baptiser « Aux cavaliers législatifs réunis » ! Ce texte, derrière une légitime revendication de « simplification juridique », répond à plusieurs demandes émanant des lobbies.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

Mme Martine Billard. Sous prétexte d’être au service de la croissance, il est éloigné des attentes sociales et environnementales de nos concitoyens.

Je m’exprimerai, en premier lieu, sur les articles touchant aux questions de l’environnement. Ainsi, à l’article 55, le texte issu du travail des commissions vient affaiblir considérablement la portée des règlements locaux de publicité en retardant à six ans l’entrée en vigueur de leurs dispositions, et ce alors que la réforme du code de l’environnement adoptée par la loi Grenelle II avait trouvé un équilibre en la matière. Ce délai de six ans pour l’entrée en vigueur des règlements locaux de publicité – alors que la loi de 1979 a prévu une mise en conformité des dispositifs publicitaires, pré-enseignes et enseignes dans un délai de deux ans – tue le dispositif même. Il dissuade les maires et présidents d’EPCI d’instaurer un tel dispositif, qui pourrait être plus protecteur du cadre de vie que la réglementation nationale si les nouvelles règles locales – réduction du nombre de panneaux ou de leurs tailles – n’entrent en vigueur qu’après les élections municipales suivantes, et ce d’autant plus que la possibilité d’aménagement du délai de six ans par décret est d’emblée exclue pour les enseignes. Cette concession aux lobbies des annonceurs est vraiment scandaleuse. Ainsi, les quartiers de relégation sociale, sont-ils condamnés à n’être que des jungles d’enseignes publicitaires géantes au service d’une société du consommer toujours plus, alors même que les habitants modestes de ces quartiers sont exclus de cette consommation, sans que les pouvoirs municipaux aient les moyens de défendre leur cadre de vie.

De même, l’article 56 bis prévoit que les activités pratiquées selon les engagements spécifiques d’une charte Natura 2000 sont dispensées d’une évaluation au titre des incidences Natura 2000, alors qu’il convient de garder une évaluation au cas par cas, ne serait-ce que pour ne pas exposer la France à des risques de contentieux communautaires, si ce n’est pas la précaution environnementale qui vous motive.

Par ailleurs, l’obligation faite d’un cinquième essieu pour les camions de quarante-quatre tonnes, prévue au nouvel article 72 bis, va augmenter l’impact des camions sur la chaussée et le prix à payer par la collectivité pour l’entretien, tout en encourageant par là même le fret sur route, dissuadant le développement de transports alternatifs par report modal vers le rail et le fluvial. Ici encore, le lobby des camions a eu raison des engagements du Grenelle et de l’impératif de transition vers une économie décarbonée.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas faux !

Mme Martine Billard. Concernant les articles relatifs au code du travail, vous continuez à grignoter les droits des salariés, votre grande spécialité depuis 2002 ! Heureusement, certains articles – les articles 28 et 47, par exemple – modifiant discrètement les seuils ont été supprimés en commission.

L’article 48, dans sa nouvelle rédaction, est certes moins inacceptable que le texte d’origine, mais demeure encore fort discutable.

L’article 39 bis crée un énième dispositif de négociation des minima salariaux de branche. Il en est des minima de branche comme de l’égalité salariale femmes-hommes : arrêtons avec les obligations de négociations qui tournent en rond ! Venons-en aux obligations de résultat, qui ne sont malheureusement pas contenues dans cette proposition !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cet article a été voté à l’unanimité !

Mme Martine Billard. Sur l’encadrement du télétravail, introduit après l’article 40, il est important que le refus d’accepter un tel poste ne soit pas une cause de rupture du contrat de travail. Relevons tout de même l’ambiguïté de la notion « de circonstances exceptionnelles, notamment la menace d’épidémie », en vertu de laquelle la mise en œuvre du télétravail est considérée comme un simple aménagement du poste de travail, faisant sauter les protections censées être introduites par l’article même. Cet alinéa, que l’on pourrait appeler « alinéa grippe A », est un aménagement exigé par un certain nombre d’employeurs au moment de l’épidémie de la maladie du même nom.

Nous demandons la suppression des articles 33 et 34. Sous couvert d’harmonisation de la définition des seuils d’effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction de cotisations sociales employeurs, l’article 33 étend le champ des entreprises bénéficiant du coefficient majoré de la réduction des cotisations sociales « dite Fillon ». Cela va bien au-delà de la simplification du droit et prive la sécurité sociale de 20 millions de recettes. Quant à l’article 34, il étend le champ des groupements d’employeurs auquel est appliqué le coefficient maximal de la réduction de cotisations sociales. Là encore, l’article va au-delà de la simplification du droit et prive également la sécurité sociale de recettes.

L’article 40 va à l’encontre de la décision de la Cour de cassation mettant en œuvre les droits fondamentaux des salariés en matière de vie personnelle et de vie familiale. Nous prenons acte de la suppression du premier alinéa, mais nous demandons la suppression de l’ensemble de l’article. En posant le principe selon lequel « la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail » – alinéa 3 non supprimé en commission –, l’article 40 va à l’encontre de la jurisprudence. Il ne se contente pas de simplifier le droit, mais il le modifie dans un sens défavorable au salarié.

Enfin, l’article 46 introduit, contre l’avis même de la direction générale du travail, un nouveau seuil, celui de onze salariés et affaiblit le dispositif des CHSCT et de la santé au travail.

Nous ne pouvons, en conséquence, accepter que de tels cavaliers législatifs aient été introduits contre l’intérêt des salariés et contre l’intérêt de l’environnement, sous couvert de « simplification du droit ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à travailler sur un texte qui, à mon sens, a valeur d’exemple. Alors qu’est déplorée régulièrement une inflation législative, une complexification croissante du droit, la présente proposition de loi s’attache à alléger le poids considérable des obligations qui pèsent sur l’activité économique et, donc, à simplifier la vie de nos concitoyens. Un des exemples les plus emblématiques est peut-être la simplification du bulletin de paie qui, en France, est difficilement lisible par le salarié. Il s’agit donc d’un texte attendu par les acteurs de la vie économique : dirigeants d’entreprise, agriculteurs, professionnels libéraux.

Dans un contexte économique mondial difficile en raison de la crise économique et financière, face à une concurrence internationale accrue, nous devons donner aux Français qui contribuent à l’activité économique de notre pays les moyens de préserver leur activité, de maintenir leur compétitivité et de se développer. Élus de terrain, nous ne pouvons que déplorer l’incompréhension des acteurs économiques face à une complexification croissante du droit et nous devons remédier à l’insécurité juridique qu’elle engendre. La démarche entreprise depuis 2007 par notre collègue Jean-Luc Warsmann est donc essentielle et salutaire, j’allais dire exemplaire.

En allégeant les normes qui pèsent sur l’activité économique, on soutient la croissance et l’emploi. Élu du Nord, département où l’esprit d’entreprendre et notamment l’entreprise familiale sont bien ancrés, j’ai coutume de dire qu’au niveau économique, on n’a rien trouvé de mieux que l’entreprise pour créer de la richesse et de l’emploi. Soyons donc à l’écoute de ceux qui font vivre notre économie. En ce sens, je partage les objectifs poursuivis par ce texte.

J’axerai mon propos sur deux thématiques : l’une portant sur les avenants temporaires aux contrats de travail à temps partiel et l’autre sur le télétravail. Ces deux sujets, qui répondent à l’esprit du texte, ont été votés par notre assemblée lors de l’examen de plusieurs propositions de loi sur l’emploi actuellement en souffrance au Sénat.

Concernant le premier point relatif aux avenants temporaires au contrat de travail des salariés à temps partiel, il est nécessaire de clarifier et de sécuriser par l’intervention du législateur la pratique des avenants temporaires au contrat de travail des salariés à temps partiel, afin d’augmenter ponctuellement leur durée de travail dans le respect des personnes, bien évidemment.

M. Michel Issindou. Ah ! Quand même !

M. Bernard Gérard. Aujourd’hui, dans la pratique, en raison d’une jurisprudence inconstante en la matière, il est quasiment impossible pour un salarié en CDI à temps partiel d’augmenter ses heures de travail pour accéder à un temps plein. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation considère, depuis décembre 2010, que les heures effectuées au-delà de la durée contractuelle, même si elles sont prévues par un avenant au contrat de travail à temps partiel, sont des heures complémentaires.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas mal pour les salariés !

M. Bernard Gérard. Il convient, ici, de souligner que le régime des heures complémentaires est totalement inadapté à la mise en œuvre de la priorité d’accès à des emplois à temps complet : augmentation de la durée du travail limitée au dixième ou au tiers de la durée contractuelle et paiement de majorations de salaire.

De plus, il introduit une inégalité de salaire vis-à-vis des salariés en CDI à temps complet et favorise le recours à l’intérim. Il est donc nécessaire d’adapter le code du travail pour mettre fin à ces ambiguïtés jurisprudentielles, qui rendent difficile l’accès à un temps plein ou un accroissement du temps de travail à titre temporaire. C’est l’objet d’un amendement que je proposerai avec plusieurs de mes collègues, visant à créer le complément d’heures choisi des salariés à temps partiel, qui se distingue du régime des heures complémentaires, trop restrictif. Ainsi, il est proposé d’instaurer dans la loi une flexisécurité nouvelle…

M. Roland Muzeau. Ah !

M. Michel Issindou. Nous sommes très inquiets !

M. Bernard Gérard. …en sécurisant le cadre légal des avenants au contrat de travail à temps partiel qui seront régulés par un accord collectif et protecteur des droits des salariés, et en offrant la possibilité aux salariés à temps partiel qui le souhaitent de travailler plus et d’augmenter leur rémunération, freinant ainsi la précarité liée bien souvent au temps partiel. J’espère que, sur ce point, nous parviendrons par nos travaux à avancer, car il s’agit d’une mesure attendue tant par les entreprises que par les salariés, qui respectera le volontariat et sera soumise à un accord collectif.

Je veux, ensuite, aborder le problème du télétravail, et j’associe à mon propos notre collègue Jean-Pierre Decool, avec qui j’avais déposé une proposition de loi en 2008 à ce sujet et conduit une mission pour notre groupe parlementaire. Nous portons ce dossier depuis le début de la législature, convaincus que la France a une grande marge de progression en ce domaine : 7 % seulement des Français télétravaillent alors que la moyenne européenne est de 13 % et celle des États-Unis de 25 %.

En collaboration étroite avec de nombreux professionnels et associations, nous avons œuvré pour que cette forme moderne d’organisation du travail plébiscitée par les Français, qui allie croissance économique et développement durable, fasse l’objet d’un chapitre dans une proposition de loi sur l’emploi que nous avions déposée avec notre collègue Jean-Frédéric Poisson…

Mme Martine Billard. Ex-collègue !

M. Roland Muzeau. Cela ne lui a pas porté chance !

M. Bernard Gérard. …et qui avait été adoptée en juin 2009. Nous avions pu compter sur le soutien sans faille de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’économie numérique, pour lui donner une base légale dans le code du travail à la suite de la signature de l’accord national interprofessionnel en 2005. C’est donc avec intérêt que nous avons vu cet article repris par un amendement adopté en commission, créant l’article 40 bis du texte que nous étudions aujourd’hui. Il s’agit d’un enjeu de taille permettant d’améliorer la qualité de vie et le pouvoir d’achat de nos concitoyens, de contribuer au développement durable, d’apporter une solution aux travailleurs handicapés et de rompre l’isolement des territoires ruraux. Jean-Pierre Decool et moi-même sommes donc heureux qu’une nouvelle fois, notre assemblée soutienne cette nouvelle forme d’organisation du travail, qui s’inscrit pleinement dans la philosophie de ce texte.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, il faut travailler au lien de confiance entre l’État et les acteurs de la vie économique. Ce texte s’y attelle, et nous devons poursuivre la mobilisation dans ce sens afin que la réglementation soit mieux acceptée et donc pleinement efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la quatrième proposition de loi dite de simplification du droit de la législature. Cette quatrième proposition de loi s’attaque prioritairement à une catégorie de normes, celles qui pèsent sur les forces économiques. Ce texte comprend pas moins de 116 articles, 94 initialement, et aborde des domaines très divers. C’est évidemment la règle de ce genre d’exercice.

Si la démarche est louable, car notre législation mérite d’être actualisée et allégée de dispositifs souvent obsolètes, le résultat est contestable, même si, c’est vrai, il y a des avancées non négligeables. On en a cité tout à l’heure quelques-unes, sur la simplification de la feuille de paie ou la simplification des obligations administratives des entreprises, qui vont dans le bon sens.

Le résultat est cependant contestable, d’abord parce que, à force de vouloir ratisser large, on obtient un texte fourre-tout assez indigeste, une sorte de catalogue de la Redoute sans les photos. Notre rapporteur, Étienne Blanc, parlait de catalogue à la Prévert. C’est un petit peu plus poétique mais le résultat est le même. Je voudrais d’ailleurs lui rendre hommage, car il a dû souffrir pour tenter de garder une certaine cohérence à ce texte.

Par ailleurs, ce texte, qui se veut de simplification, donc d’adaptation, touche en fait au fond d’un certain nombre de nos dispositifs. C’est le cas en matière de droit social, de droit du travail, de droit des sociétés, Jean-Michel Clément l’a démontré.

Il incorpore certaines des remarques du Conseil d’État, ce qui est tout à fait logique et normal, mais aussi, ce qui est moins avouable, des dispositifs inspirés d’un lobbying corporatiste de certaines organisations. L’exercice est donc dangereux.

À chaque texte, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de dispositions pas toujours bien maîtrisées. Je vous rappelle que la loi du 12 mai 2009 de simplification avait, entre autres, modifié le régime de la responsabilité pénale des personnes morales en matière d’escroquerie. C’était non pas seulement une simplification mais une modification de fond, qui, faute d’avoir été évaluée, a interdit formellement au juge de prononcer une peine de dissolution à l’encontre d’une personne morale condamnée pour escroquerie, en l’occurrence la Scientologie. Voilà un exemple qui montre que, si la simplification est indispensable, elle demande maîtrise, évaluation, et doit éviter de modifier le fond pour ne pas s’exposer à des effets pervers dommageables.

C’est pour ces raisons que nous sommes toujours très attentifs mais aussi très réticents à l’égard d’un tel exercice, qui ne nous semble pas maîtrisé. Ce sentiment est d’ailleurs partagé par nombre d’organisations professionnelles, qui ont découvert certaines dispositions qu’elles combattent.

Plus grave, beaucoup plus grave, on essaie de nous faire avaler en catimini des modifications du code du travail touchant notamment, par exemple, au travail des femmes. C’est le cas de la tentative de supprimer la majoration des heures complémentaires pour le travail à temps partiel.

M. Alain Vidalies. Tout à fait !

M. Philippe Vuilque. Ces amendements ont été heureusement rejetés par la commission. J’espère qu’ils le seront dans l’hémicycle.

M. Michel Issindou. Ils n’auraient jamais dû arriver !

M. Alain Vidalies. C’est un scandale !

M. Philippe Vuilque. Bref, vous l’avez compris, ce texte recèle des dispositions qui, dans la pratique, risquent de se révéler très problématiques, c’est le moins que l’on puisse dire.

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais, à ce stade, appeler votre attention sur un article additionnel après l’article 93, que j’ai déposé dans le chapitre « diverses dispositions d’ordre ponctuel ». Je souhaite, en effet, compléter la législation qui instaure une protection juridique en faveur de certaines autorités administratives. Le défenseur des droits et le contrôleur des lieux privatifs de liberté en bénéficient, ce qui n’est pas le cas du président de la MIVILUDES et de ses collaborateurs.

Aujourd’hui, le président de la MIVILUDES peut être poursuivi pour des avis ou opinions qu’il émet dans le rapport annuel remis au Premier ministre, ce qui n’est pas normal et l’entrave, bien évidemment, dans l’exercice de ses fonctions. La lutte contre les dérives sectaires nécessite de la constance et du courage. Il n’est pas normal que les membres de la MIVILUDES ne soient pas protégés comme ils devraient l’être. Je rappelle que son président actuel, Georges Fenech, est poursuivi pour diffamation et convoqué en mars prochain au tribunal correctionnel de Paris par une association citée en bas de page dans son rapport remis au Premier ministre. Cette situation n’est pas acceptable et mon amendement, déposé en total accord avec lui, vise à remédier à cette situation. Il a été voté à l’unanimité en commission et je m’en félicite. J’espère que vous le soutiendrez.

Pour conclure, vous avez compris que nous ne sommes pas favorables à ce texte, qui recèle beaucoup trop de dispositions allant au-delà de la simplification et affectant largement sur le fond le droit social, le droit du travail et le droit des sociétés. C’est un texte qui n’est pas raisonnable et qui mériterait un examen beaucoup plus attentif, moins précipité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à défaut de résultats probants en matière économique et sociale, le Gouvernement, qui légifère pourtant avec boulimie, n’en finit pas d’imposer la simplification de notre droit comme un remède indispensable à la croissance et à l’emploi.

Après l’adoption de trois lois dites de simplification du droit et des procédures, qui, en réalité, ont modifié le droit en maints domaines, M. Warsmann récidive en défendant aujourd’hui un quatrième texte pour le moins touffu, comprenant plus de quatre-vingt-dix articles hétéroclites visant globalement les entreprises, une vingtaine d’entre eux touchant directement à la législation du travail et au droit de la sécurité sociale en allant au-delà d’ajustements sémantiques.

En attente, nous avons aussi la proposition de loi du sénateur Doligé ambitionnant rien de moins, sous prétexte de simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales, que de permettre de déroger au principe d’accessibilité consacré par la loi du 11 février 2005 sur le handicap.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous prenions garde à ces initiatives, loin d’être anodines, comme l’épisode douloureux de la scientologie nous le rappelle, surtout quand elles touchent au domaine sensible de notre droit social.

Depuis 2004 et le rapport Virville plaidant en faveur de la modernisation du droit du travail, qui ne remplirait plus sa double mission de protection du salarié placé dans une situation de subordination juridique et de développement de l’emploi et de l’activité économique, en donnant à l’employeur un vrai pouvoir de direction, il faut dire que vous vous êtes montrés particulièrement sensibles aux arguments du MEDEF. Celui-ci a fait de la simplification du droit du travail son cheval de Troie pour que soient revues notamment des règles présentées comme archaïques, complexes, rigides, en matière de durée du travail et de licenciements économiques, pour que s’impose la séparation à l’amiable dont on connaît les dégâts.

Oubliant la spécificité du droit du travail par rapport aux autres branches du droit, son ancrage dans les rapports sociaux, gommant les raisons de son épaisseur historique, de sa dimension symbolique, de sa complexité, ses sources législatives, unilatérales, négociées ou jurisprudentielles, nationales, communautaires ou internationales, loin d’alléger et de stabiliser ce droit, vous l’avez complexifié davantage, renforçant l’insécurité juridique.

En 2004, M. Fillon, alors ministre du travail, inversait la hiérarchie des normes, ouvrait largement la voie aux accords collectifs dérogatoires dans un sens défavorable aux salariés, développant la flexibilité. Depuis, nous vous avons beaucoup entendu plaider en faveur de la force du contrat, de l’individualisation de la relation de travail. La jurisprudence sociale s’est construite, affirmant les droits de l’homme au travail, notamment le droit de mener une vie familiale normale, faisant en quelque sorte du contrat de travail un moyen de résistance au service du salarié face aux accords d’entreprise dérogatoires aux accords de branche ou au code du travail.

Aujourd’hui, pour mettre à mal la jurisprudence de la Cour de cassation du 9 septembre 2010 permettant au salarié de refuser l’application d’un accord de modulation de son temps de travail bouleversant son contrat de travail et portant également atteinte à sa vie privée, sans scrupule aucun, vous avancez la tradition juridique, les risques de réduction de l’autorité et de l’efficacité de l’accord collectif en matière d’organisation du travail.

Nous reviendrons dans la discussion sur cet article 40, le plus emblématique de la philosophie politique qui anime cette proposition de loi, de l’aveu même du rapporteur pour avis, parce qu’il ne se contente pas de simplifier le droit mais qu’il le modifie et constitue un recul important et grave pour les droits des salariés afin de permettre aux entreprises d’appliquer sans difficulté un accord de modulation du temps de travail et d’imposer aux salariés des périodes hautes et basses sans leur accord.

Outre le scandaleux amendement de la droite populaire sur les heures supplémentaires, citons l’article 46 permettant d’alléger la charge incombant aux employeurs des TPE d’évaluer les risques professionnels auxquels les salariés sont exposés, amoindrissant la protection des salariés dans un million de TPE ; l’article 48 imposant la transmission systématique du procès-verbal de l’inspecteur du travail à l’employeur en cas d’infraction au droit du travail de nature contraventionnelle, risquant d’entraver l’action pénale de l’inspection du travail.

M. Michel Issindou. Cela fait beaucoup !

M. Roland Muzeau. Nous montrerons, comme ce fut le cas lors de la recodification du code du travail en 2008, qui ne s’est pas faite à droit constant, qu’en fin de compte, derrière le présent texte de simplification, il y a d’autres projets. Ces articles ont une portée substantielle, ils modifient la législation existante, les droits qu’elle confère aux salariés, et devraient au moins être soumis à l’avis des partenaires sociaux, ce que la loi impose et dont vous vous êtes pourtant exonérés une nouvelle fois.

Nous proposerons la suppression de ces dispositions, mais également celles des articles 32 et 33 qui, sous couvert d’harmonisation de la définition des seuils d’effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction de cotisations sociales employeur, conduisent à étendre le champ des entreprises bénéficiant du coefficient majoré de la réduction des cotisations sociales dite Fillon, des groupements d’employeurs auxquels est appliqué le coefficient maximal de cette réduction, une initiative privant, de surcroît, la sécurité sociale de 20 millions d’euros de recettes.

Enfin, l’article 40 bis porte l’intégration dans le code du travail d’une disposition de l’accord national interprofessionnel de 2005 relative au télétravail. Une organisation signataire de cet accord, FO-cadres, s’inquiète d’une rédaction laissant à penser que le caractère volontaire du télétravail est amoindri, fragilisé, au détriment de l’intérêt du salarié.

Déjà, à l’occasion de l’épidémie de grippe A, monsieur le secrétaire d’État, alors que vous siégiez encore sur ces bancs en tant que député, vous vous étiez particulièrement impliqué pour faire avancer le principe d’obligation. La rédaction incriminée porte la notion de « circonstances exceptionnelles », notion élastique, donc porteuse d’abus. Nous en demandons le retrait. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Souchet.

M. Dominique Souchet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte de crise dans lequel doivent aujourd’hui opérer nos entreprises impose au législateur, plus que jamais, d’améliorer la qualité, la lisibilité et l’efficacité des normes qui s’appliquent aux acteurs économiques, de traquer les formalités redondantes et de supprimer sans état d’âme celles qui ont perdu leur justification. Nos entrepreneurs attendent de véritables simplifications du droit, c’est-à-dire des simplifications que ne soient pas sources de nouvelles complexités.

Ce dont se plaignent, à juste titre, les chefs d’entreprises dans notre pays, c’est la multiplicité des règles et leur instabilité. À plusieurs reprises, en 1991, en 2006, le Conseil d’État a mis en garde contre la « prolifération des textes » et les modifications législatives et réglementaires quasi permanentes.

Par ailleurs, l’activité propre des entreprises se trouve freinée par ce que l’on appelle « l’impôt papier », qui correspond aux coûts induits par toute une série de formalités administratives. À l’heure de la dématérialisation et des nouvelles technologies de communication, il est urgent de chercher à diminuer le temps que les entreprises passent à effectuer des procédures, car ce temps qu’elles consacrent aux formalités administratives, elles ne le passent malheureusement pas à prospecter des marchés ni à produire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout à fait !

M. Dominique Souchet. Cette entrave à l’activité entrepreneuriale, qui s’ajoute à une fiscalité nettement supérieure à la moyenne européenne, est particulièrement pénalisante pour les PME, qui concentrent, vous le savez, la majorité des emplois en France, et les entreprises de taille intermédiaire.

Je voudrais saluer l’objectif recherché et la méthode suivie dans le cadre de cette proposition de loi.

L’objectif, c’est de rendre plus simples et plus durables les règles qui encadrent l’activité économique, tout en garantissant la sécurité juridique dont nos entreprises ont besoin.

Cet objectif de stabilité suffisante des normes – je le dis à la veille de l’ouverture du débat budgétaire pour 2012 – doit également être recherché en matière fiscale. C’était l’esprit, notamment, de la proposition du « contrat de stabilité » faite par le sénateur Retailleau dans son rapport sur les ETI, proposition dans laquelle l’État s’engage à fixer le paysage fiscal pour une durée pluriannuelle afin de sécuriser le parcours des entreprises qui prennent des risques pour croître.

Je voudrais saluer également la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce texte, associant, dès le départ, les acteurs économiques à la définition des nouvelles dispositions législatives, pour s’assurer, au cas par cas, qu’elles répondent bien aux préoccupations de nos entreprises et qu’elles suppriment réellement obstacles et lourdeurs inutiles.

Même s’il reste encore beaucoup à faire, il faut prendre acte des avancées que contient ce texte. Je pense en particulier à l’assouplissement des conditions de cession d’un fonds de commerce, prévu à l’article 3, à l’alignement du régime de l’augmentation du capital des SARL sur celui des sociétés anonymes, prévu à l’article 8, ou encore à l’extension et à l’assouplissement de la possibilité, prévue par l’article 12, d’attribuer des actions gratuites aux salariés et mandataires sociaux dans les PME non cotées.

Un certain nombre d’allégements vont également faciliter la vie sociale des entreprises. La simplification de la procédure de recouvrement amiable des cotisations et contributions sociales par le régime social des indépendants était attendue depuis longtemps. Elle est prévue à l’article 31.

D’autres dispositions très concrètes doivent permettre de faciliter le fonctionnement quotidien des entreprises. Je pense en particulier à la simplification du bulletin de paie, dont le nombre de lignes sera divisé par deux, ce qui apportera en même temps plus de lisibilité aux salariés. Quant à la dématérialisation généralisée des déclarations de paiement des cotisations sociales et de la télétransmission des déclarations préalables à une embauche, prévue à l’article 37, elle accélérera le traitement et la fiabilité des informations transmises.

L’article 40, qui permet la modulation du nombre d’heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail dès lors que les droits fondamentaux du salarié sont respectés, apportera de la souplesse à nos entreprises, que le caractère monolithique du contrat de travail dissuade souvent de procéder à de nouvelles embauches.

Grâce à l’amendement de notre collègue Philippe Gosselin, l’examen en commission nous a également permis d’inclure dans ce texte la définition du statut du télétravailleur, qui pourra bénéficier des mêmes droits et garanties que les autres salariés de l’entreprise. C’est une avancée non négligeable quand on sait que cette disposition concerne 7 % des salariés.

J’apporte également mon soutien à l’article 72, qui simplifie les démarches administratives pour les entreprises de transport, ainsi qu’à l’article 82, qui adapte la structure du groupement momentané d’entreprises et qui sera particulièrement utile pour les entreprises du secteur du bâtiment.

Enfin, l’article 90, qui prévoit l’allégement des obligations pesant sur les PME en matière de contrôle des délais de paiement, répond à une demande particulièrement forte des entreprises, dont je m’étais fait l’avocat à plusieurs reprises auprès de vous, monsieur le secrétaire d’État. Je suis heureux de voir cette demande aboutir.

Cette démarche de simplification de nos normes juridiques internes sera bénéfique pour nos entreprises, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à rétablir les conditions d’une concurrence équitable avec leurs compétiteurs étrangers lorsque ceux-ci ne sont pas soumis aux mêmes normes, notamment sociales, environnementales et sanitaires.

L’effort de simplification de nos propres normes doit donc impérativement s’accompagner d’un rééquilibrage des conditions d’échange avec nos concurrents hors Union européenne. Ces deux volets sont intimement liés et, même si le second dépend davantage du niveau européen, nous devons l’avoir présent à l’esprit lorsque nous traitons du premier. Nous devons, en effet, prendre en compte la globalité des problèmes qui se posent à nos entreprises aujourd’hui si nous voulons légiférer efficacement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je me félicite, tout d’abord, qu’un nouveau texte de simplification du droit soit soumis à notre assemblée. En charge du suivi de l’application de la loi Grenelle II, je considère cependant que quelques dispositions proposées nécessitent que l’on n’y déroge plus tandis que d’autres devraient peut-être être corrigées.

L’article 10 vise à modifier les conditions de publication des rapports sociaux et environnementaux dans les entreprises définies par la loi portant engagement sur l’environnement, et l’article 55 remet en question la mise en conformité des dispositifs publicitaires des enseignes en accordant des délais supplémentaires aux exploitants.

Mon collègue Lionel Tardy ayant déposé un amendement de suppression des alinéas concernés à l’article 55, amendement que je soutiendrai, je limiterai mon propos à l’article 10, qui a fait l’objet d’un accord pragmatique entre la commission des lois et celle en charge du développement durable.

L’article 225 de la loi portant engagement sur l’environnement a rendu obligatoire la publication d’indicateurs sur les données extra-financières des entreprises et leur soumission au vote des actionnaires. Par cet article, la France, en avance sur ses partenaires européens et ses concurrents internationaux, montrait sa volonté de changement, son souhait d’aller vers une économie plus transparente, plus juste, plus globale, associant rendements et bénéfices, d’un côté, bien-être des salariés et préservation de l’environnement, de l’autre. Les bases d’une nouvelle économie dépassant le cadre de la finance stricto sensu, dont nous constatons chaque jour, malheureusement, les méfaits dont elle est susceptible faute d’une régulation appropriée, étaient ainsi posées, les contours du monde de demain se dessinaient.

Un consensus a été trouvé entre tous les acteurs du Grenelle sur le décret d’application de l’article 225. Malheureusement, depuis un an, ce consensus n’a cessé d’être remis en cause par une seule organisation, qui use de son influence auprès de différents ministères, notamment celui des finances, alors que nous parlons pourtant de données extra-financières et de valeurs immatérielles des entreprises. Un lobby d’un autre âge a été la cause de cette perte de temps qui rend difficilement applicable ce décret pour l’année 2011.

Acte un : la loi de régulation bancaire et financière adoptée en octobre 2010 a, en catimini, supprimé la possibilité pour les parties prenantes d’émettre un avis sur le volet « développement durable » du rapport annuel des sociétés anonymes à leurs actionnaires. Première entorse au texte initial et, surtout, erreur d’appréciation de certaines entreprises fonctionnant à l’ancienne, c’est-à-dire ne voulant pas donner la parole à des organisations indépendantes.

Acte deux : l’étalement dans le temps et la ventilation en fonction de la taille des entreprises. Nous souhaitions l’application de cette mesure dès 2011. Le projet de décret prévoyait, quant à lui, un étalement sur trois ans en fonction de la taille des entreprises concernée : deuxième entorse.

Acte trois : l’introduction d’une distinction entre les entreprises cotées et non cotées dans le projet de décret, disposition non conforme à la loi et donc retoquée par le Conseil d’État ; du grand art, puisque cette non-conformité repousse la parution du décret à la fin de l’année. Il est à présent aisé de plaider pour son report !

Il aurait pu y avoir un acte quatre avec la « PPL Warsmann » que nous examinons ce soir. D’ailleurs, ils y avaient sans doute pensé ! Mais nous avons, heureusement, obtenu un accord entre la commission du développement durable et la commission des lois sur la nouvelle rédaction de l’article 10, qui évite aux filiales de rédiger un rapport indépendant si les données extra-financières sont consolidées au niveau du groupe et détaillées par filiale. C’était une demande des entreprises ; elle a été retenue à condition de ne pas retarder l’application du décret d’ici à deux ans.

M. Alain Vidalies. Voilà qui est clair !

M. Bertrand Pancher. Je m’en tiendrai donc aux propos du président Warsmann, extraits du rapport de la commission des lois du 28 septembre, sur l’article 10 : « Un décret dans ce sens est en cours de préparation, et j’espère qu’il sera pris rapidement. » Et : « Le présent article vise seulement à éviter des redondances d’information, pas à diminuer la portée des mesures introduites par la loi “Grenelle II” ».

Il est indispensable de publier le plus rapidement possible ce décret d’application. Va-t-on encore retarder sa publication, comme le demandent certains auteurs d’amendements ? Allons-nous continuer à distinguer entreprises cotées et non cotées ? Il est important, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement siffle la fin de la partie.

Il faut prendre conscience que le Grenelle de l’environnement incarne un projet de société nouveau. Nous devons introduire des comportements responsables dans les entreprises, suivre les consommateurs de plus en plus éclairés. C’est le pari du long terme, pour un développement maîtrisé au service de l’homme, pour une nouvelle régulation s’appuyant sur nos valeurs. Tel est l’enjeu de la publication rapide du décret concernant la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, décret attendu par tous, les grandes organisations environnementales, les grandes organisations syndicales – qui nous ont rappelé ce matin encore, par la voix de la CFDT, que c’était la condition de leur adhésion au Grenelle de l’environnement –, ainsi que l’ensemble des partenaires économiques qui ne se reconnaissent pas dans certaines actions de lobbying d’un autre âge.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette nouvelle proposition de loi est la quatrième du genre. Elle comprend un peu moins de cent articles. La majorité avait décidé, en début de législature, de faire de la simplification du droit l’un des fils conducteurs de son action. Dont acte. Mais la simplification aurait pu amener à constater qu’il y a trop de lois, que la loi doit être redimensionnée, qu’elle doit poser des principes clairs et essentiels, et qu’elle peut vivre par une interprétation libre et novatrice du juge. Rien de tel ici puisque, au contraire, le législateur entreprend de réécrire simultanément une multitude de dispositions et revient sur des solutions jurisprudentielles garantes de principes posés par la loi. J’en dirai quelques mots plus tard.

La précédente proposition de loi dite de simplification du droit, qui avait pour objet l’amélioration de la qualité du droit, avait essuyé les critiques, notamment, de nos collègues sénateurs. Pour mémoire, le rapporteur pour avis de la commission économique avait déclaré que « s’agissant des différentes dispositions de cette proposition de loi, force est de constater leur caractère fourre-tout et l’absence d’unité de ce texte ». Il avait ajouté : « Au-delà des différentes dispositions de cette proposition de loi, il me semble essentiel que le débat qui nous réunit aujourd’hui soit le dernier de ce type. » Son avis n’a, à l’évidence, pas été entendu !

Par ailleurs, cette proposition suscite des interrogations. Je ne prendrai qu’un seul exemple : l’article 31. Celui-ci dispose : « Le régime social des indépendants assure le recouvrement amiable des cotisations et contributions mentionnées à l’article L. 133-6 dont sont redevables les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales. » En matière de recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants, la caisse de base du RSI aura donc une compétence pleine et entière en matière de recouvrement amiable des cotisations. Elle aura la simple faculté et non l’obligation de déléguer ses compétences.

C’est l’ordonnance du 8 décembre 2005 qui a créé le régime social des indépendants, ou RSI, ordonnance prise en application de la loi du 9 décembre 2004 dite, elle aussi, « de simplification du droit ». Ladite ordonnance a prévu le principe d’une délégation de la collecte des informations et du traitement de la déclaration du RSI aux URSSAF. Cette réforme, éclatant un processus d’ensemble entre plusieurs organisations, a entraîné des problèmes en cascade pour les assurés. Aujourd’hui, on revient, par une loi de simplification, sur une autre loi de simplification qui, censée diminuer le nombre d’interlocuteurs, a compliqué la vie des assurés. Nous aurions aimé avoir la garantie que la nouvelle organisation allait s’accompagner de mesures propres à assurer la gestion des dossiers et la simplicité réelle des relations entre le régime et les assurés.

Cette proposition de loi suscite aussi des inquiétudes.

Le texte prévoit d’autoriser les entreprises à « augmenter le nombre d’heures de travail sur une courte période sans que cette augmentation constitue une modification du contrat de travail », autrement dit sans que le salarié puisse s’y opposer. Actuellement, l’employeur qui souhaite mettre en place un mécanisme d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année doit, en principe, le faire en application d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche. Cependant, même si l’aménagement du temps de travail est prévu par un accord collectif, la Cour de cassation considère que l’employeur doit recueillir l’accord exprès de chaque salarié concerné. Pour lever l’obstacle de cette jurisprudence protectrice, la mesure proposée vise à préciser expressément dans la loi que la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail.

Mes chers collègues, il est clair que cette proposition de loi rate son objectif de donner un cadre durable à la simplification du droit, modifie des dispositions qui devaient elles-mêmes simplifier la vie des professionnels mais sans s’inquiéter de leur mise en œuvre concrète, et tend à fragiliser des relations contractuelles qui, pour vivre hors du seul cadre de la loi, n’en ont pas moins reçu l’assentiment du juge.

Il conviendrait donc d’entendre ce que nos collègues du Sénat…

M. Michel Issindou. Oui, bonne idée !

Mme Marietta Karamanli. …et ceux de votre majorité nous ont dit : « Notre discussion doit marquer le point final des lois générales de simplification. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la proposition de loi sur la simplification du droit et l’allègement des démarches administratives répond à une véritable attente. Quand on sait, Étienne Blanc l’a rappelé il y a quelques instants, que 8 000 lois et 400 000 textes réglementaires régissent notre vie quotidienne, l’on mesure l’ampleur de la tâche !

Le Gouvernement et notre majorité ont engagé les réformes indispensables afin de soutenir l’économie et d’assainir les finances publiques, mais les contraintes administratives, les excès de normes et notre système juridique dans son ensemble pèsent toujours lourdement sur la vie de nos entreprises.

On ne peut donc que se féliciter de la démarche engagée pour simplifier le droit et en faire un levier au service de la compétitivité et de l’emploi. Ce mouvement de simplification a déjà été engagé avec les lois de 2009 et de 2011, et, bien évidemment, poursuivi avec les assises de la simplification où, monsieur le secrétaire d’État, vous avez mené un travail remarquable et recueilli quelque 700 propositions de simplification.

Cette proposition de loi révèle l’important travail de Jean-Luc Warsmann, initié dans le cadre de la mission que lui a confiée le Président de la République, auquel il a remis un rapport contenant 280 mesures concrètes, qu’elles soient d’ordre réglementaire, législatif ou communautaire. J’ai moi-même repris avec mes collègues Gérard Cherpion et Jean-Charles Taugourdeau, dans une proposition de loi sur l’alternance votée cet été, un certain nombre de propositions issues de vos travaux respectifs. Je citerai la création d’un service internet pour le développement de l’alternance, avec la dématérialisation des formalités liées à l’emploi et à la rémunération, ainsi que la simplification de la gestion administrative de l’apprentissage, avec la suppression du contrôle administratif sur la validité d’enregistrement des contrats d’apprentissage, deux mesures que vous aviez initiées.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Très bien !

M. Bernard Perrut. Je constate donc, mes chers collègues, que ce texte apporte un grand souffle. Oui, un grand souffle, car il va redonner de l’oxygène à ceux qui consacrent trop de temps et d’énergie à des formalités administratives.

Un grand souffle, car il va redonner de la clarté, de la lisibilité, de « l’intelligibilité », pour reprendre le mot d’Étienne Blanc, face à une réglementation faite de juxtapositions de textes, donc d’une complexité croissante qui fragilise l’esprit d’initiative.

Un grand souffle, enfin, car il va faire faire des économies à nos entreprises, économies qui bénéficieront à l’entreprise, bien sûr, mais aussi aux salariés.

Nul besoin de dire que cette simplification du droit des entreprises est attendue, spécialement en ce qui concerne la vie statutaire et la vie sociale. Je saluerai plus particulièrement, à cet égard, la création de la déclaration sociale unique, qui va regrouper l’ensemble des données et informations pouvant être exigées d’un employeur par les régimes de protection sociale. Je citerai aussi la réduction du nombre de mentions relatives aux cotisations sur le bulletin de paye, une mesure tant attendue que l’on va peut-être enfin voir arriver. Enfin, la création du coffre-fort numérique va permettre aux PME de ne déclarer qu’une seule fois ce qui faisait l’objet de déclarations multiples. C’est une véritable avancée.

Toutefois, on voit bien les limites à notre volonté de simplification. Je pense aux seuils sociaux, domaine où certains aménagements et harmonisations ne sont pas forcément possibles en raison de leurs incidences financières. Dominique Dord, s’exprimant au nom de la commission des affaires sociales, nous a alertés à juste raison à propos de certaines des mesures proposées, notamment celles visant à modifier le versement transport.

En tout cas, ce texte de loi a le mérite de simplifier le droit dans des domaines qui couvrent toutes les activités : transports, tourisme, logement, associations, agriculture, domaine sur lequel je m’arrêterai un instant. Vous permettrez à un élu d’une région viticole de soutenir l’article 68 quinquies, qui sécurise juridiquement le contrat vendanges – ce n’est pas rien – ou bien encore d’apprécier favorablement la simplification des modalités de conclusion des contrats de vente écrits entre acheteurs et producteurs dans la filière viticole, autre mesure attendue, que notre collègue Patrice Verchère a proposée et fait adopter en commission.

Concernant les marchés publics, la proposition de loi lève un blocage en relevant de 4 000 euros à 15 000 euros le seuil à compter duquel ils doivent faire l’objet d’une procédure formalisée de publicité et de mise en concurrence préalable. Ainsi, on assouplit les contraintes pesant sur les personnes publiques et sur les élus locaux. Un tel relèvement élargira donc le recours aux TPE et aux PME.

En conclusion, voilà un programme ambitieux, « un cercle vertueux » selon votre expression, monsieur le secrétaire d’État, qui commence à se dessiner. « Il était temps ! », allais-je dire. Pour autant, changer les textes suffira-t-il ?

M. Alain Vidalies. Vous aurez le temps d’y réfléchir dans l’opposition !

M. Bernard Perrut. Ne faut-il pas aussi, dans le même temps, réorganiser notre administration à tous niveaux, la rendre plus disponible, plus efficace, plus ouverte, tout simplement plus au fait des réalités de la vie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celles de l’entreprise et celles des Françaises et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies. Il faut faire moins de lois et être moins bavard !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en application de l’article 87, alinéa 1, du règlement de notre assemblée, la commission du développement durable a décidé de se saisir pour avis de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.

Alors que cette commission, dont je suis membre, n’était pas saisie sur l’article 28, relevant de plus de neuf salariés à au moins dix salariés le nombre d’emplois à partir duquel s’applique l’obligation du versement transport, son président accepta, et je l’en remercie, que nous en débattions. Notre collègue  Christophe Caresche avait, en effet, indiqué qu’une telle mesure aurait de lourdes conséquences sur le financement des transports en commun. Il n’est pas inutile de rappeler que cet impôt est levé sur la masse salariale des entreprises et des administrations de neuf salariés et plus, et que son calcul se fondant sur les effectifs moyens, une entreprise peut compter 9,3 salariés en moyenne annuelle et y être assujettie. Avec ce texte, elle en sera exemptée si elle compte moins de dix salariés.

Si cette disposition, qui est bien plus qu’une simplification rédactionnelle, était appliquée, les conséquences, nous le savons, en seraient particulièrement graves puisque la principale source de financement des transports collectifs urbains baisserait substantiellement. On estime que cette proposition engendrerait une perte de versement transport de près de 300 millions d’euros au niveau national, dont la moitié pour le Syndicat des transports d’Île-de-France, et les autorités organisatrices de transports urbains estiment la perte entre 5 % et 15 %.

Après la première attaque contre le versement transport, à l’occasion de l’examen du texte sur la modernisation de l’économie, en 2008, c’est un deuxième mauvais coup qui risque d’être porté au financement de la politique de développement des transports en commun, dont chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité et l’urgence. Je remercie donc le rapporteur de notre commission, qui a été celui du Grenelle II, Serge Grouard, d’avoir entendu et compris les arguments du groupe SRC en déposant un amendement de suppression de l’article 28 au motif qu’il ne relève pas d’une simplification du droit existant mais d’un changement de législation.

L’article 10 marque l’absence de volonté de la part du Gouvernement de construire un modèle économique responsable et durable, et nous le regrettons. En effet, il prévoit que les entreprises concernées ne seront plus tenues de déclarer leurs données environnementales et sociales filiale par filiale, mais dans le rapport consolidé de la maison-mère afin d’éviter les doublons et les surcoûts de certification.

Depuis la loi NRE de 2001, les entreprises cotées françaises doivent indiquer dans leur rapport annuel de gestion la manière dont elles prennent en compte l’impact environnemental et social de leur activité. L’objectif de la loi Grenelle II était d’étendre cette obligation, mais le lobbying des uns pesant davantage que celui des autres, l’article 225 a finalement accouché d’une souris : en lieu et place d’une législation ambitieuse en matière de responsabilité sociale des entreprises, cet article du Grenelle n’a finalement introduit qu’une obligation très timide de reporting social et environnemental, renvoyant à un décret le soin de préciser ses modalités d’application. À ce jour, nous attendons toujours ce décret, qui fait l’objet de discussions intenses entre le ministère des finances et celui du développement durable, et dont un premier projet prévoyait que cette obligation ne s’appliquerait en 2012 qu’aux entreprises de 5 000 salariés.

Toutefois, la responsabilité sociale des entreprises constituant, selon les institutions européennes, un facteur clef pour la confiance à long terme des employés et des consommateurs, elle devrait faire l’objet d’une nouvelle réglementation européenne à très brève échéance. C’est pourquoi ce nouveau recul du Gouvernement au travers de l’article 10 n’a pas manqué d’être dénoncé par le Forum citoyen pour la RSE, même avec la modification introduite par un amendement de notre rapporteur, tendant à prévoir que les maisons-mères devront rendre compte des données « de manière détaillée par filiale ou par société contrôlée ». Pour le Forum citoyen pour la RSE, la loi Grenelle II a perdu beaucoup de sa force depuis qu’elle a été promulguée, y compris par ce type de compromis qui contribue à réduire sa portée. Les explications fournies par Bertrand Pancher sur les nouvelles dispositions prévues à l’article 10 ne m’ont d’ailleurs pas convaincu, lui qui, à la veille de la prochaine réunion du G 20 à Paris, a lancé « L’appel de Paris pour la RSE » afin que celle-ci « devienne un axe de la régulation publique des marchés » et qu’elle soit reconnue « au titre des actions incitatives à la bonne gouvernance publique en faveur du respect des droits humains, sociaux, la préservation de l’environnement […] ».

L’article 54, dont l’objet est de répondre aux demandes des professionnels du secteur de la géothermie, nous interroge, car il opte pour une sortie du code minier des gîtes géothermiques à très basse température en ne prévoyant qu’une dérogation, tout en ne précisant pas le nouveau régime juridique applicable aux activités liées à la géothermie de minime importance. Depuis l’introduction de la géothermie dans le code minier par la loi du 16 juin 1977, se sont généralisées des technologies permettant de prélever l’énergie thermique dans le sol à des températures très faibles : puits canadiens et provençaux, pompes à chaleur associées à des fluides caloporteurs en circuit fermé. Ces technologies ont été exclues du champ du code minier de manière constante depuis 1977, sans que cette exclusion s’appuie sur un support législatif suffisant. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui confirme l’interprétation constante selon laquelle le code minier ne vise que les utilisations de chaleur à plus de vingt degrés afin, d’une part, de sécuriser les installations réalisées depuis trente ans, et, d’autre part, d’accélérer le développement, unanimement souhaité, de cette forme de géothermie.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà les précisions que je souhaitais apporter à l’occasion de cette discussion générale, en tant que membre de la commission du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme. la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette nouvelle proposition de simplification du droit et d’allégement des démarches administratives suscite des interrogations et des inquiétudes nourries de quelques expériences malheureuses.

Évidemment, l’objectif de simplifier le droit et d’alléger les démarches fait consensus : personne ici n’est favorable à la complexité du droit ou à l’alourdissement des procédures. Mais, à vous entendre, je suis très étonné : ce texte censé simplifier le droit contient la transposition d’une ordonnance européenne tout entière, alors que le président de la commission lui-même explique que c’est difficile.

Un autre problème se pose, monsieur le rapporteur. Vous aurez observé que le groupe socialiste a déposé des amendements de suppression, ce qui est la règle, mais nous ne voulons pas alourdir le texte. Or nous avons découvert 400 amendements venant quasi exclusivement du groupe UMP.

Vous nous proposez donc un texte sur la simplification du droit qui est nourri, à l’article 88, de quarante amendements qui portent sur vingt-cinq codes et qui, parfois, réécrivent des pages entières du code du travail. Vous nous vantez les mérites de la simplification mais dans votre groupe – je ne parle pas pour vous –, vous êtes des croyants non pratiquants !

M. Michel Issindou. C’est lamentable, 400 amendements !

M. Alain Vidalies. C’est une vraie difficulté qui dénature nos débats, car nous allons passer des heures à discuter d’amendements qui n’ont strictement rien à voir avec le texte d’origine du Gouvernement.

De ce point de vue, vos propositions d’aujourd’hui résonnent souvent comme un acte de contrition dès lors que, pour l’essentiel, il s’agit de remettre en cause des règles que vous avez vous-mêmes votées depuis dix ans qu’il existe une majorité de droite dans cette assemblée.

Faut-il vous rappeler que notre législation est nourrie de lois de pure opportunité, alimentées par des faits divers, dont notre assemblée a été saisie dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures ? Puisque vous voulez simplifier le droit, il n’était peut-être pas nécessaire de faire une loi sur les quads à la suite d’un accident et une autre sur les chiens dangereux.

Il y a encore quelques jours, nous avons examiné la énième loi sur l’enfance délinquante : le texte modifiant l’ordonnance de 1945 a été adopté hier, alors que la loi précédente datait du 28 juillet 2011. De ce point de vue aussi, constatons que vous êtes probablement convaincus de la nécessité de simplifier le droit, mais que la pratique n’est pas au rendez-vous.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Certaines de vos propositions peuvent recevoir notre approbation lorsqu’elles témoignent d’une ambition mesurée de simplification et non pas d’une volonté de modification du droit.

Concernant plus particulièrement la législation du droit du travail et la vie sociale des entreprises, cette proposition de loi dépasse manifestement la seule démarche de simplification pour générer des débats de fond.

Le plus grave, c’est que le choix de la procédure d’une proposition de loi a pour seul objectif de contourner les dispositions de l’article L. 1 du code du travail, qui imposent une négociation préalable des partenaires sociaux avant tout projet de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, sur l’emploi et la formation professionnelle. J’avais d’ailleurs cru comprendre qu’il existait un consensus pour appliquer aussi cette démarche aux propositions de loi.

M. Michel Issindou. Eh voilà ! Ils ont oublié de le faire !

M. Alain Vidalies. Vous nous parlez souvent de négociations sociales, mais les partenaires sociaux découvrent, pratiquement heure par heure, le contenu du texte que vous voulez faire adopter, sans parler des amendements. Force est de constater que votre proposition de loi ignore le principe que vous aviez vous-mêmes arrêté.

À ce stade, je veux d’ailleurs remercier le rapporteur pour avis et la commission des affaires sociales qui ont largement contribué à expurger du texte d’origine les propositions qui, en droit du travail et sous le sceau de la simplification, constituaient en réalité une véritable régression.

Il reste dans ce champ du droit du travail des sujets en débat, parfois d’ailleurs sur le résultat d’une simplification qui ne rime pas avec clarification. Je pense en particulier à votre souhait d’élargir le rescrit social aux décisions implicites. Je ne suis pas sûr que la simplification soit au rendez-vous d’une telle initiative.

Le pire n’est jamais sûr, mais comment résumer ce que m’a inspiré la lecture des amendements sur le droit du travail qui ont été déposés en début d’après-midi par de nombreux députés UMP ? D’après moi et ceux que j’ai pu consulter, c’est un palmarès des horreurs.

Le plus étonnant dans cette affaire, c’est votre certitude de répondre aux attentes des petites entreprises dont vous seriez, par essence, porteur des aspirations. Or vous savez parfaitement que l’Union professionnelle artisanale s’inquiète de certaines des dispositions prévues.

Dans un document dont vous avez tous été destinataires, l’UPA s’interroge sur la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative, sur la répartition des compétences en matière de recouvrement, qualifiée de « totalement inopérante », sur la « fausse bonne idée » qui résulte de l’adaptation aux petites entreprises des modalités d’évaluation des risques professionnels ou encore du report à 15 000 euros du seuil obligatoire d’une procédure formalisée de publicité de marché public, pourtant présenté comme dans l’intérêt des petites entreprises.

L’UPA, qui représente 800 000 entreprises artisanales, nous a écrit : « Nous voulons avoir accès aux marchés publics, mais dans la transparence ». Vous qui prétendez avoir raison et parler au nom des entreprises, écoutez-les pour une fois !

Ces initiatives dont certaines, mais pas toutes, ont été heureusement corrigées par le travail en commission, révèlent que vous êtes persuadés de répondre à une attente sans tenir compte de l’avis des partenaires sociaux ou des organisations professionnelles sur le droit du travail.

Bien sûr, cette critique ne vise pas toutes les dispositions de la proposition de loi dont la diversité, pour ne pas dire plus, présente l’avantage d’échapper à une vision globale et donc à une critique globale.

Nous nous attacherons donc, par nos amendements, à avoir les nombreux débats particuliers sur les sujets divers et variés que ce texte aborde au point de constituer, en réalité, une sorte d’objet législatif non identifié.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)