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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 février 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Majoration des droits à construire

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement

M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques

Motion de rejet préalable

Mme Jacqueline Maquet

M. Jean Dionis du Séjour, M. Jean-Paul Lecoq, M. Gérard Gaudron, M. François Brottes

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Brard

M. Jean Dionis du Séjour, M. Jean-Paul Lecoq, M. Gérard Gaudron, M. François Brottes

Discussion générale

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jean-Paul Lecoq

M. Gérard Gaudron

M. Alain Cacheux

M. Richard Mallié

Mme Annick Lepetit

M. Jean-Pierre Nicolas

Mme Frédérique Massat

M. Georges Mothron

M. Marcel Rogemont

M. Michel Herbillon

Mme Annick Le Loch

M. Yves Vandewalle

M. Jean-Pierre Dufau

M. Jean-Claude Bouchet

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

Majoration des droits à construire

Discussion d’un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire (nos 4335, 4351).

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes réunis ce soir pour examiner un projet de loi que le Gouvernement souhaite emblématique de la nouvelle politique du logement que le Président de la République a appelée de ses vœux lors de son discours de Longjumeau, le 2 février dernier.

Jusqu’à présent, notre politique du logement reposait principalement sur un niveau exceptionnellement élevé d’intervention publique. Je vous rappelle qu’en 2010 la nation y aura ainsi consacré 41 milliards d’euros, soit plus de 2 % du PIB, ce qui constitue un niveau historiquement très élevé. Cette intervention massive n’a pourtant empêché, notamment dans les zones dites tendues, portées par une dynamique démographique et économique, ni la hausse des prix ni celle des loyers. C’est ce double constat qui, dans un contexte de forte contrainte sur les finances publiques, doit nous conduire à innover, à réinventer une politique de l’offre, fondée sur la simplification de la construction et l’allégement des coûts de revient.

J’ai en effet – comme beaucoup d’entre vous, je le sais – la conviction que, à l’origine de la hausse des prix, il y a évidemment la pénurie de logements, notamment dans ces zones tendues.

Mme Catherine Coutelle. Ah bon ? Je croyais que vous aviez fait beaucoup !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Certes, nous construisons beaucoup : plus de 400 000 logements en 2011, c’est-à-dire près du double de l’Allemagne. On estime généralement que nos besoins en matière de production se situent autour de 450 000 logements par an, contre 180 000 chez nos voisins allemands. Avec près de 425 000 logements construits, nous sommes le premier producteur européen de logements.

M. Jean-Paul Lecoq. Le retard était tel que cela n’est pas suffisant !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il y a quelques années, alors même que l’on ne traversait pas une crise comparable à celle qui nous frappe aujourd’hui, on faisait 400 000 logements de moins en un quinquennat.

Il n’en demeure pas moins que nous ne construisons pas encore assez de logements, notamment dans les zones tendues et qu’une forte demande continue à s’exprimer. Si, malgré une forte relance au cours des cinq dernières années, nous ne construisons toujours pas suffisamment de résidences principales, c’est parce que nous subissons une série de contraintes, que je voudrais évoquer avec vous.

Tout d’abord, le droit de l’urbanisme ne tient pas assez compte des projets ; il faut désormais le penser comme un facteur d’opportunités plus que de contraintes.

Ensuite, on note une réticence des élus à l’égard des coûts induits par la construction de logements. Je pense que nous devrons, dans les années à venir, sous une forme ou sous une autre, engager une réflexion pour aider les maires bâtisseurs, sous forme de péréquation fiscale ou de modulation des dotations de l’État.

M. Alain Cacheux. On peut toujours le dire ! L’important, c’est de le faire !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Par ailleurs, et je sais que c’est un sujet qui tient particulièrement à cœur au président Poignant, il y a une trop grande dispersion de la compétence en matière d’urbanisme, alors que ce domaine fait appel à des savoir-faire rares. Il nous faudra donc nous demander quelle est la bonne échelle des compétences sur le plan territorial.

Enfin, le foncier constructible est un enjeu majeur. Contrairement à ce que l’on dit souvent, il n’est pas rare en France, mais il est trop peu mis sur le marché. À cet égard, je voudrais rappeler que le Président de la République a annoncé la cession ou la location rapide de terrains publics, ce qui permettra de construire 100 000 logements entre 2012 et 2016 : 50 000 logements en Île-de-France et 50 000 logements en dehors de cette région.

Vous venez de voter, en première lecture du projet de loi de finances rectificative, un durcissement de la taxe foncière sur le foncier non bâti en zones tendues pour les terrains constructibles non construits. Vous avez également validé, à l’occasion de ce PLFR, le principe, sinon les modalités d’un durcissement de la fiscalité des plus-values sur le foncier non bâti. C’est un enjeu essentiel que d’inverser cette fiscalité, qui aujourd’hui privilégie la rétention foncière à la mise à disposition pour les constructeurs.

M. Alain Cacheux. Ce n’est que l’esquisse du commencement d’un premier pas !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Enfin, nous apportons dès maintenant une réponse complémentaire avec la majoration des règles de constructibilité dans toutes les communes dotées d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme.

Cette mesure, qui sera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015, doit évidemment constituer un relais de croissance pour le secteur et maintenir de l’emploi non délocalisable dans les territoires. Elle se combine avec les allégements de charges que vous venez de voter pour améliorer la compétitivité du secteur de la construction.

Nous allons discuter dans quelques instants de l’article unique de ce projet de loi, qui sera inséré dans le code de l’urbanisme. Il permettra de relever de 30 % les droits à construire résultant des règles des POS et des PLU sur quatre éléments de constructibilité : le gabarit, la hauteur, l’emprise au sol et le coefficient d’occupation des sols. Autrement dit, là où, à PLU constant, on pouvait construire dix logements, on pourra désormais en faire treize, et ce jusqu’au 31 décembre 2015. De la même façon, cette mesure permettra d’agrandir ou d’adapter des logements supplémentaires par rapport au COS.

M. Alain Cacheux. Cela manque de conviction !

M. François Brottes. Même vous, vous n’y croyez pas !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Détrompez-vous ! Non seulement j’y crois, mais cela fait un certain nombre de mois que je défends cette idée !

M. François Brottes. Il serait temps de l’appliquer !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. J’y crois donc plus que jamais, monsieur Brottes. Mais j’aurai l’occasion, dans la discussion à venir, de vous convaincre de l’opportunité de cet excellent projet de loi !

M. Marcel Rogemont. Ça va être dur quand même !

M. le président. Écoutons M. le secrétaire d’État, mes chers collègues !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ce dispositif est applicable sur l’ensemble du territoire couvert par les documents d’urbanisme que je viens d’évoquer, sauf délibération contraire des collectivités locales compétentes, et ce afin de respecter la libre administration, notamment celle des communes.

M. François Brottes. Bref, cela ne change rien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Après consultation des associations d’élus, certaines améliorations ont été apportées au texte. Je pense notamment à ce qui concerne l’information des habitants. Plusieurs parlementaires ont également souhaité apporter de la souplesse aux délais de mise en application de la loi ; nous les avons entendus.

M. François Brottes. Vous vous occupez aussi de la sonorisation ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cette nouvelle densité proposée respecte évidemment – nous y reviendrons – les engagements du Grenelle de l’environnement, puisque cette mesure s’inscrit parfaitement dans le cadre de la lutte contre l’étalement urbain et pour la préservation des terres agricoles.

Le Gouvernement n’entend pas revenir sur la protection des zones de montagne ou de littoral. Aucune zone naturelle protégée, aucun secteur patrimonial protégé, aucune servitude d’urbanisme ne seront remis en cause. Il est bien évident que la majoration des droits à construire s’appliquera uniquement sur des territoires où il est déjà permis de construire.

Avec cette mesure, le Gouvernement vous propose donc de franchir une nouvelle étape et de mener une politique du logement poursuivant trois objectifs : elle doit être soutenable, durable et adaptée aux besoins des familles.

M. Alain Cacheux. Il n’y a pas un rond !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Une politique du logement soutenable est une politique qui ne dépense pas d’argent public supplémentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’imagine qu’à l’occasion de ce débat nous allons entendre certains nous dire qu’il faut toujours plus d’argent public en la matière. Je suis convaincu que nous pouvons, dans ce pays, construire plus avec moins d’argent public, ou en tout cas à dépense publique constant, notamment grâce à une amélioration de l’équilibre économique des opérations de construction. Cette majoration est évidemment un élément important pour nous permettre d’y parvenir.

C’est également une politique du logement durable, car la majoration des droits à construire contribue à une meilleure utilisation du foncier et à une densification de l’habitat.

M. Marcel Rogemont. Il faudrait le dire à vos collègues de Paris !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il m’avait semblé, à l’occasion de discussions sur les problématiques agricoles comme sur le Grenelle de l’environnement, que, sur l’ensemble de ces bancs, l’on s’accordait à considérer qu’il nous fallait aller dans le sens de la densité pour consommer moins d’espace naturel et agricole.

M. Marcel Rogemont. Nous ne vous avons pas attendu pour ça !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. J’avoue n’avoir toujours pas compris comment on peut d’un côté valoriser la densité, nous dire qu’il faut consommer moins d’espace agricole et construire plus de logements, tout en étant, de l’autre, contre cette mesure !

M. François Brottes. Cela n’a rien à voir !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cela m’échappe vraiment, mais j’imagine que nous aurons tout à l’heure quelques explications qui nous éclaireront.

M. François Brottes et M. Alain Cacheux. Oui, on vous expliquera !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il s’agit, enfin, d’une politique adaptée aux besoins des ménages, car en autorisant chacun à agrandir de 30 % la superficie de sa maison, nous permettrons aux familles de relever des défis comme celui du vieillissement de la population.

Nous devons, dans ce domaine plus que dans d’autres, réinventer nos politiques publiques, repenser nos façons de faire et sortir de cette tradition franco-française consistant à injecter des masses d’argent dans les politiques du logement.

M. Alain Cacheux. Il aurait fallu y penser avant !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. À cet égard, et en guise de conclusion, je vous rappellerai un chiffre : en 2000, les encours des crédits pour tous les types de constructions liées au logement – qu’il s’agisse d’opérations de promoteurs privés, d’accession à la propriété ou bien de logements sociaux – étaient de 300 milliards d’euros.

M. François Brottes. Et au siècle précédent, ils étaient de combien ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Dix ans plus tard, et ce n’est pas là une comparaison politicienne, monsieur Brottes, ne vous inquiétez pas – ça, ce sera tout à l’heure, quand nous vous écouterons ! –, nous en sommes à 900 milliards d’euros. Les encours des crédits ont donc été multipliés par trois,…

M. Alain Cacheux. Les prix, eux, ont plus que doublé !

M. François Brottes. Vous avez siphonné les fonds propres !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. …sans pour autant que la construction de logements connaisse la même évolution pendant cette période, puisqu’elle a augmenté suivant un facteur 0,3. Autrement dit, l’économie du logement est beaucoup plus fondée aujourd’hui sur la rente, c’est-à-dire la propriété, que sur la production.

M. Marcel Rogemont. C’est pour M. Scellier que vous dites cela ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Nous devons, me semble-t-il, inverser la tendance si nous souhaitons construire plus de logements dans notre pays.

Je voudrais, enfin, vous dire que le courage, en politique, ce n’est pas promettre ce qu’on ne pourra pas tenir, ni d’ailleurs de s’engager à faire ce qui existe déjà,…

M. François Brottes. Attention, Nicolas Sarkozy vous écoute !

M. Marcel Rogemont. Ne soyez pas aussi sévère avec le Président de la République, monsieur le secrétaire d’État !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. …ce qui est la spécialité de certains. Ceux qui cèdent à ces facilités et qui pensent résoudre la crise avec ce type de préconisations sont des illusionnistes de la dépense publique. Mais, là encore, je sais que c’est une habitude sur certains bancs de cet hémicycle ; nous en aurons tout à l’heure la démonstration.

Nous devons, les uns et les autres, repenser nos modèles d’intervention publique en la matière. Nous avons, avec ce projet de loi sur la constructibilité, un outil nouveau qui nous permettra de construire plus de logements tout en dépensant moins d’argent public. C’est la raison pour laquelle je suppose que tout le monde ici se félicitera de ce texte – mais nous verrons ce qu’il en sera dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a examiné le projet de loi de majoration des droits à construire le 14 février, sous la présidence de Serge Poignant et en présence du secrétaire d’État chargé du logement.

Ce texte a pour but d’encourager l’offre de logements en favorisant, par des allégements réglementaires, la densification des constructions.

M. Marcel Rogemont. Pas des allègements, des surplus !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Dans la continuité de l’action menée par le Gouvernement et la majorité entre 2002 et 2007, puis à partir de 2007, il traduit l’engagement pris par le Président de la République le 29 janvier en faveur d’un plan massif de soutien à la construction et la décision de faire du logement une grande cause nationale.

Le Gouvernement propose un dispositif de majoration de 30 % des règles de constructibilité dans les communes couvertes par un PLU ou un POS pendant trois ans, pour permettre la construction ou l’agrandissement de logements, sauf délibération contraire des collectivités – communes, intercommunalités ou communes membres d’une intercommunalité. L’objectif de la mesure est d’accroître l’offre de logements tout en permettant une meilleure utilisation de l’espace, en densifiant la ville et en prévenant l’étalement urbain.

Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif qui vient d’être présenté par le secrétaire d’État. J’insisterai davantage sur le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi. Les évolutions démographiques – décohabitation, hausse du nombre de familles monoparentales et de personnes vivant seules, vieillissement de la population – accroissent les besoins en logement. Le Gouvernement estime entre 400 000 et 500 000 le nombre de logements qu’il faudrait construire chaque année pendant dix ans.

Or, dans un contexte de récession économique, le Gouvernement a mené une action forte en faveur du logement en accession, en locatif et dans le parc social.

M. Alain Cacheux. Ah bon ?

M. Bernard Gérard, rapporteur. En 2010, 453 000 logements ont été autorisés.

M. Alain Cacheux. Cela ne signifie pas qu’ils ont été construits !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Entre juin 2010 et juin 2011, 482 000 logements ont été autorisés et 383 000 logements ont été commencés. De plus, 147 000 logements locatifs sociaux ont été financés en 2010, dont 130 000 hors rénovation urbaine. Sur ces 130 000 logements, on compte 59 000 logements PLUS et près de 27 000 PLAI, destinés aux ménages les plus modestes.

M. Alain Cacheux. Nous y reviendrons, et dans le détail !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Le Gouvernement souhaite à présent desserrer la contrainte pesant sur l’offre privée par le biais des règles de construction. Il fait le constat que la production de logements n’a pas augmenté autant que la masse des crédits injectés, les mises en chantier de logements – 330 000 en 2000 – n’ayant crû que de 30 % pour atteindre 421 000 aujourd’hui. Il s’agit donc, avec ce texte, comme le dit le Gouvernement, de « favoriser une politique de l’offre fondée sur la simplification de la construction » et de « remédier à une certaine rigidité réglementaire…

M. Marcel Rogemont. Par un règlement supplémentaire !

M. Bernard Gérard, rapporteur. …qui limite la densification et favorise la rétention foncière ».

La mesure doit permettre de construire entre 20 000 et 40 000 logements supplémentaires chaque année pendant trois ans et préserver ainsi plusieurs dizaines de milliers d’emplois non délocalisables.

Selon le Président de la République, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large.

M. Alain Cacheux. Il ne faut pas croire tout ce qu’il dit, monsieur le rapporteur.

M. Marcel Rogemont. Le rapporteur fait semblant d’y croire !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Pour relancer la construction, il est prévu de libérer 1 500 hectares de terrains de l’État entre 2012 et 2016, dont 880 hectares en Île-de-France. Il est aussi envisagé de recourir aux baux emphytéotiques de longue durée.

Enfin, le Président de la République a énoncé sa volonté de favoriser la mobilité résidentielle par une réforme de la fiscalité immobilière.

M. Alain Cacheux. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ?

M. Bernard Gérard, rapporteur. Les travaux de la commission nous ont conduits à clarifier la rédaction du texte, en particulier celle de l’alinéa 6, qui concerne la consultation du public. Il nous a paru important de préciser que le public est informé par le biais d’une simple note d’information présentant les conséquences de l’application de la majoration. La procédure doit rester simple, pour éviter qu’elle n’entraîne des charges supplémentaires pour les collectivités, lesquelles conservent toute latitude pour définir les modalités de cette procédure.

Dans le cadre de cette séance, nous proposons également de lever une ambiguïté pouvant résider dans le texte quant aux effets des observations formulées par le public. Il nous semble important de préciser que c’est bien à l’issue de la consultation du public que la collectivité peut éventuellement délibérer et ne pas appliquer la majoration, la collectivité restant juge de l’opportunité de sa décision.

Je formulerai une observation générale concernant les amendements déposés aussi bien en commission qu’en séance publique, et qui ne portent pas directement sur le texte. Le projet de loi consiste en un article unique ayant vocation à s’appliquer rapidement et de manière temporaire, afin d’encourager l’offre de logements.

M. Alain Cacheux. Du temporaire, c’est bien ce que fait le Gouvernement en matière de logement !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Il ne s’agit donc pas de procéder à une réforme profonde du code de l’urbanisme. Ce sujet fait actuellement l’objet d’une réflexion importante, engagée par le Gouvernement dans le cadre de la démarche d’« urbanisme de projet ». C’est pourquoi je n’ai pas souhaité proposer d’amendements sortant du cadre du dispositif de majoration,…

M. François Brottes. Vous n’aviez que deux jours !

M. Bernard Gérard, rapporteur. …même si des propositions particulièrement intéressantes ont été formulées lors des auditions que j’ai conduites pour élaborer mon rapport. De même, j’ai donné un avis défavorable à ce type d’amendements lorsqu’ils émanaient de mes collègues, afin de conserver au texte son caractère très ciblé.

Dans ces conditions, la commission des affaires économiques vous invite à adopter le projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. En juin, c’est nous qui allons vous remercier !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le constat est sans appel : la crise du logement s’est aggravée ces dernières années, accentuée par la crise économique que connaît notre pays depuis 2008.

Rappelons que 3,6 millions de personnes sont très mal logées, et parmi elles, 685 000 sont privées de domicile personnel. La crise du logement touche plus de dix millions de personnes, fragilisant plus particulièrement cinq millions d’entre elles.

Trois Français sur quatre rencontrent des difficultés pour se loger ; 1,2 million de ménages sont en attente d’un logement social ; plus de quatre millions se trouvent en situation de précarité énergétique ; plus de 1,3 million de foyers connaissent des difficultés pour payer leur loyer. Plus de 100 000 décisions de justice pour impayés ont été prononcées. Les expulsions locatives avec concours de la force publique ont d’ailleurs doublé ces dix dernières années.

En outre, 565 000 propriétaires ou accédants à la propriété connaissent des difficultés de paiement. Le nombre de copropriétés dégradées ne cesse de progresser, comme le montre l’actualité à Clichy-sous-Bois !

Selon le dernier rapport de la fondation Abbé-Pierre, la situation est devenue dramatique non seulement pour les ménages les plus modestes, les personnes isolées, les jeunes en difficulté d’insertion, les femmes seules avec enfants, mais aussi – c’est un phénomène récent – pour les classes moyennes, notamment en zones tendues.

La part des ressources des ménages consacrées au logement a atteint un niveau historique, avec une moyenne de 25 %. Elle peut atteindre 50 % pour un couple avec deux enfants gagnant 1,5 SMIC et se logeant dans le privé.

Pourtant, le logement est un secteur essentiel : non seulement ses implications économiques sont directes, mais il reflète aussi la santé sociale d’un pays, sa capacité à endiguer ou à creuser les inégalités.

Aujourd’hui, il manque 900 000 logements. Il faudrait un rythme de construction d’environ 500 000 logements par an pour combler le déficit qui s’est creusé.

M. Éric Berdoati. Pourquoi ne les avez-vous pas construits ?

Mme Jacqueline Maquet. Cela est désormais incontestable : le marché non seulement ne se régule pas de lui-même mais il accentue lourdement les inégalités. C’est vrai dans de nombreux domaines qui nécessiteraient un réinvestissement de l’action publique. S’agissant du droit fondamental à un logement, cette situation n’est plus admissible.

Depuis maintenant dix ans, dans un contexte de crise aiguë, vous avez fait le choix du désengagement dans le secteur du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Prouvez-le !

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. C’est faux.

Mme Jacqueline Maquet. Votre choix du désengagement a provoqué un déficit de l’offre, entraînant une explosion du montant des loyers, notamment dans le parc privé, où il a augmenté de plus de 50 % entre 2000 et 2010.

Construire des logements sociaux ne permet pas de répondre aux besoins et de favoriser la mixité sociale si les logements construits sont trop chers pour les demandeurs. C’est évidemment le cas des PLS, qui ont représenté ces dernières années plus du tiers du nombre de logements sociaux financés ou agréés – 34,3 % en 2010 !

M. Alain Cacheux. Eh oui !

Mme Jacqueline Maquet. Ils ne correspondent pas aux caractéristiques de la demande, puisqu’ils demeurent inaccessibles à l’immense majorité des demandeurs. L’augmentation du nombre de logements sociaux entre 2000 et 2010 est due à 46 % aux PLS.

M. Richard Mallié. Vous croyez encore au Père Noël ?

Mme Jacqueline Maquet. Face à cette diminution de l’offre socialement accessible, le parcours résidentiel est désormais fermé aux plus modestes. Il leur est quasiment impossible de sortir de l’hébergement pour aller vers le logement et de sortir du parc social pour aller vers le parc privé.

Ces difficultés d’accès au logement sont encore accrues dans les territoires denses et les cœurs de ville. Avec Jean-Yves Le Bouillonnec et mes collègues du groupe SRC, nous n’avons cessé de déplorer, année après année, le désengagement financier de l’État.

Les budgets que vous avez consacrés au logement sont en diminution constante : les crédits de paiement ont baissé de 33 % dans le budget 2012 et les aides à la pierre ont chuté de manière drastique.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est faux.

Mme Jacqueline Maquet. Or, vous le savez, les aides à la pierre sont l’un des leviers de la construction de logements. Vous ne participez d’ailleurs plus qu’à hauteur de 4 % du coût de réalisation d’un logement construit par un bailleur social.

Vous ne participez plus financièrement à la lutte contre l’habitat indigne ou à la réhabilitation des logements sociaux.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Où avez-vous vu cela ?

Mme Jacqueline Maquet. Je vous emmènerai, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)

Les crédits destinés à la construction locative et à l’amélioration du parc sont passés de 827 millions à 322 millions d’euros en cinq ans, soit une baisse de plus de 61 %. Ceux destinés à l’hébergement d’urgence fondent aussi. Votre stratégie du « logement d’abord » se révèle être celle du « ni logement ni hébergement ».

Pour compenser votre désengagement financier, vous avez fait le choix de piller les fonds du 1 % pour financer l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et l’Agence nationale de l’habitat, dont l’avenir est aujourd’hui plus qu’incertain.

Vous avez ponctionné les HLM au point que de nombreux organismes ont dû arrêter des projets de construction pour s’acquitter de cette taxe.

M. Marcel Rogemont. C’est vrai !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Donnez-m’en la liste !

M. Richard Mallié. Vous y croyez, à ce que vous dites ?

M. Daniel Fasquelle. Maquiller à ce point la réalité, c’est incroyable !

Mme Jacqueline Maquet. Votre candidat sortant avait comme slogan de campagne : « Tous propriétaires ». Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État ?

Vous avez opposé les Français les uns aux autres, propriétaires contre locataires ; vous avez fait entrevoir aux ménages modestes une accession que les prix, qui ont augmenté de plus de 140 % depuis 2002, ont rendue impossible.

M. Daniel Fasquelle. C’est la raison pour laquelle il faut développer l’offre et non bloquer les loyers ! Vous ne faites que des constats, vous ne proposez aucune solution !

Mme Jacqueline Maquet. Pour espérer accéder un jour à la propriété, il faut s’acquitter de quatre années de revenu en moyenne, contre deux années en 2001, et s’endetter pendant près de vingt ans, contre quatorze ans en 2001.

Pour légitimer votre slogan politique, vous avez mis en place des dispositifs tout aussi inefficaces, comme la maison à 15 euros de Mme Boutin, dont on n’entend déjà plus parler, ou la maison à 100 000 euros de M. Borloo.

M. Richard Mallié. Il y en a 400 000 !

Mme Jacqueline Maquet. Le slogan « Tous propriétaires » est un échec.

En 2007, vous avez fait voter la loi TEPA, qui mettait notamment en place un crédit d’impôt aussi coûteux qu’inefficace. En 2011, vous avez remplacé ce crédit d’impôt par le PTZ+, un dispositif non encadré, aussi universel qu’inflationniste.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela n’a rien à voir !

Mme Jacqueline Maquet. En 2012, vous effectuez un virage à 180 degrés avec un PTZ réduit comme une peau de chagrin, qui ne solvabilise même plus les ménages modestes.

Mme Jacqueline Maquet. Parlons aussi du Robien, du Borloo et autres Scellier…

M. Richard Mallié. C’était au millénaire dernier !

Mme Jacqueline Maquet. Ces dispositifs de défiscalisation, injustes et inefficaces, sans contreparties sociales,…

M. François Scellier. N’importe quoi !

Mme Jacqueline Maquet. …sont très coûteux pour les finances publiques. En 2012, leur coût prévu est de plus de 1 milliard d’euros, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2011.

Le coût de ces dispositifs fiscaux s’est élevé à 2,9 milliards d’euros, ces trois dernières années. Outre qu’ils coûtent cher, ils sont contre-productifs et inflationnistes. Les logements construits sont mal localisés et le dispositif Scellier n’a pas permis un recentrage des investissements vers les zones les plus tendues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Mais si !

M. le président. Nous écoutons Mme Maquet, elle seule a la parole.

Mme Jacqueline Maquet. Seulement 15 % des logements qui en ont bénéficié sont situés dans les grandes agglomérations. Ces dispositifs ont fait flamber les prix. Les loyers sont proches du prix du marché, voire supérieurs. Enfin, ils ne bénéficient qu’aux plus riches, puisque le revenu médian des particuliers investissant dans le Scellier est de 68 000 euros, soit quatre fois le revenu médian des Français.

M. Daniel Fasquelle. C’est un discours pour les militants socialistes ! Il n’a pas sa place ici !

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le secrétaire d’État, tous ces dispositifs, vous le savez, n’ont pas permis de produire des logements à des prix abordables. Ils resteront le symbole de l’injustice fiscale que vous devez assumer, avec votre gouvernement et le Président de la République.

Au-delà de vos cadeaux aux plus riches (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Fasquelle. Ça y est !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cela faisait longtemps ! Ça nous manquait !

M. Richard Mallié. Les plus riches sont logés ailleurs.

Mme Jacqueline Maquet. En effet, pas dans les logements sociaux !

M. Daniel Fasquelle. Plus c’est gros, mieux ça passe.

Mme Jacqueline Maquet. ...je veux aussi souligner votre manque de courage politique vis-à-vis des mauvais élèves de la loi SRU, dont l’article 55 impose un minimum de 20 % de logements sociaux dans les villes de plus de 3 500 habitants comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants.

Grâce à cette avancée, plus de 300 000 logements sociaux nouveaux ont été construits en dix ans… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Grâce à quelle majorité ?

Mme Jacqueline Maquet. … mais pas sur tous les territoires de la République, et vous le savez bien. Certaines communes restent récalcitrantes et préfèrent payer une amende, somme toute très modique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Y compris les communes communistes dans ma circonscription !

M. le président. Monsieur Mallié, vous aurez la parole tout à l’heure. Nous écoutons Mme Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Enfin, je souhaite dénoncer l’inertie qui a été la vôtre quand il s’est agi de lutter contre la cherté du logement, puisque vous n’avez rien fait pour aider à la solvabilisation des ménages.

Au final, ce sont les Français qui subissent votre politique a minima, avec le rétrécissement de la distribution des APL, l’instauration d’un délai de carence pour leur versement, la limitation à dix-huit euros du paiement des loyers et l’arrêt de l’indexation des aides au logement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Cacheux. Normal : on fait payer les pauvres !

Mme Jacqueline Maquet. Et aujourd’hui, avec ce projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, vous persistez à privilégier les ménages les plus aisés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Daniel Fasquelle. Oui, nous sommes « au service des riches ». Ça, on le sait !

Mme Jacqueline Maquet. …déjà propriétaires de leur maison et qui ont les moyens d’effectuer des travaux pour s’agrandir, mais aussi les propriétaires d’immeubles et les propriétaires de terrains constructibles, dont le bien prendra inévitablement de la valeur.

M. Daniel Fasquelle. Vous voulez parlez des bobos de Delanoë ?

Mme Jacqueline Maquet. Ce prétendu « nouveau dispositif », annoncé dans la précipitation, dans un but électoraliste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Marcel Rogemont. Tout à fait ! Il fallait le dire !

Mme Jacqueline Maquet. …ne créera pas plus de logements accessibles adaptés aux besoins de la population. Au mieux, il permettra de créer une pièce supplémentaire.

Mme Marie-Louise Fort. Elle ne croit pas elle-même ce qu’elle dit !

Mme Jacqueline Maquet. Non seulement la mesure paraît hasardeuse, mais en outre, elle est déjà possible : la loi Boutin du 25 mars 2009 permet – mais cette disposition n’est pas appliquée –, de majorer jusqu’à 50 % les droits à construire pour la réalisation de logements sociaux, sous réserve que la majoration corresponde au ratio logements sociaux-logements libres de l’opération…

M. Daniel Fasquelle. Êtes-vous sûre de comprendre ce que vous dites ?

M. Richard Mallié. Passons au vote !

Mme Jacqueline Maquet. …ainsi que de majorer de 20 % les règles de construction pour les autres bâtiments à usage d’habitation.

M. Daniel Fasquelle. Que de chiffres !

Mme Jacqueline Maquet. Puisque ce texte n’a pas donné lieu à une évaluation à l’Assemblée nationale, il est difficile de mesurer l’effet de la création de cette majoration de 20 %. C’est dommage !

Par exemple, à Paris, les étages promis n’ont pas été construits.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Rappelez-nous qui est le maire de Paris !

Mme Jacqueline Maquet. Cette mesure devrait donc avoir peu d’impact pour les copropriétaires, étant donné la lourdeur des règles de fonctionnement de la copropriété.

L’article 20 du Grenelle 2 permet également d’augmenter les majorations possibles pour le développement durable, pour les bâtiments « basse consommation ». Or les résultats promis lors des débats sur ce texte de loi n’ont suivi, car cette possibilité de construction supplémentaire demeure peu utilisée. Par ailleurs, accroître le volume des droits à construire augmentera le prix de vente global du programme, et donc le coût du foncier.

Vous nous expliquez que cette hausse du foncier sera absorbée par les promoteurs immobiliers, qui ne la répercuteront pas sur les prix de vente. Je demande à voir, monsieur le secrétaire d’État ! Depuis quand, un promoteur immobilier ne cherche pas à faire des bénéfices ?

M. Richard Mallié. C’est vrai, mais encore faut-il qu’il vende ! S’il ne vend pas, il ne peut pas faire de bénéfices.

Mme Jacqueline Maquet. De plus, l’augmentation des prix du foncier aura des conséquences désastreuses pour les bailleurs sociaux et les collectivités locales, qui verront le coût de leurs programmes de construction de logements, et plus particulièrement de logements sociaux, alourdi par l’inflation du foncier. Cette mesure réduira à nouveau leurs possibilités d’opérations nouvelles.

D’un côté, vous proposez, dans un même et unique article, de majorer les droits de construction et, de l’autre, vous laissez la liberté aux communes de se soustraire à cette mesure par délibération du conseil municipal après consultation de la population.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est le respect de la Constitution !

Mme Jacqueline Maquet. Vous nous demandez de voter dans l’urgence…

M. Richard Mallié. Non. Ce n’est pas « dans l’urgence », mais après engagement de la procédure accélérée, c’est tout.

Mme Jacqueline Maquet. …cette loi qui permet au conseil municipal de s’exonérer de son application ! C’est mépriser les territoires et les réalités locales.

Aujourd’hui, les augmentations de droits à construire se font dans le cadre de politiques locales de l’habitat, adaptées aux réalités des marchés locaux du logement et aux revenus des habitants, et sous réserve de contreparties sociales ou environnementales.

M. Marcel Rogemont. Bien entendu !

M. Alain Cacheux. Ils le savent très bien !

Mme Jacqueline Maquet. C’est la condition de leur efficacité : les plans locaux d’urbanisme, adoptés par les communes, sont élaborés dans la concertation.

Il est pour le moins étonnant de prescrire une majoration des droits à construire et de donner aux villes la possibilité de ne pas l’appliquer. Au demeurant, il y a fort à parier que le maire qui a adopté depuis longtemps une stratégie d’intensification et de construction à travers son PLU adoptera une délibération lui permettant de ne pas appliquer un dispositif qui compliquerait encore sa tâche.

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

Mme Jacqueline Maquet. Quant au maire qui n’a jamais voulu engager cette démarche de construction, parfois pour des raisons électorales, il se dispensera d’appliquer ce dispositif, avec l’aval de sa population. Ce dispositif créera donc de nombreux contentieux, qui fragiliseront encore les stratégies d’urbanisme des collectivités.

Derrière cet affichage, on peut regretter que la question de l’urbanisme, qui est un réel sujet, ne soit pas traitée. Si le Gouvernement l’avait réellement voulu, il aurait utilisé la boîte à outils que la démarche concertée « d’urbanisme de projet », mise en place par M. Benoist Apparu, avait permis de constituer :…

M. Daniel Fasquelle et M. Bernard Perrut. Excellent ministre !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Et que votre majorité au Sénat n’a pas voulu inscrire à l’ordre du jour !

Mme Jacqueline Maquet. …suppression du COS, simplification des instruments de PLU et des initiatives de projets, purge des contentieux.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons voter un texte inutile et inapplicable, qui ne produira rien et qui inquiète tous les acteurs du logement.

Cette mesure ne répond nullement à la gravité de la crise actuelle. Pourtant, il devient urgent de mettre en place une politique publique du logement solidaire et responsable, pour que chacun soit bien logé, sans se ruiner.

M. Bernard Perrut. D’où l’intérêt de cette mesure.

Mme Jacqueline Maquet. Première proposition : encadrer les loyers par une loi sur les loyers à la relocation dans les secteurs tendus, où les loyers sont devenus excessifs et inabordables pour la majorité des Français, en se référant aux loyers habituellement pratiqués dans le voisinage pour des logements comparables.

M. Alain Cacheux. Très bonne proposition !

Mme Jacqueline Maquet. Deuxième proposition : construire plus de logements, 2,5 millions sur les cinq prochaines années, soit 300 000 de plus que sur la mandature précédente, dont chaque année 150 000 logements sociaux, afin de permettre un véritable parcours résidentiel et de rendre effectif le droit au logement opposable.

M. Marcel Rogemont. De vrais logements sociaux.

Mme Jacqueline Maquet. Ces logements doivent tenir compte de la diversité des besoins : petits logements pour jeunes ménages et personnes seules ; logements familiaux pour prendre en compte les recompositions familiales ; logements adaptés pour prendre en compte le vieillissement de la population et du handicap. Ces logements doivent tenir compte de la diversité des moyens des demandeurs de logement.

Il est essentiel que les organismes HLM et les collectivités locales augmentent la part des logements très sociaux dans les programmes neufs pour permettre aux plus modestes de se loger.

Ces logements sociaux doivent tenir compte de la diversité des territoires et de la réalité des besoins identifiés. La mixité sociale est essentielle pour une politique du logement réussie.

Troisième proposition : doubler le plafond du livret A afin de financer les logements sociaux.

M. Alain Cacheux. Très bien !

Mme Jacqueline Maquet. En effet, le livret A, support d’épargne préféré des Français, permet de transformer de l’épargne disponible à tout moment pour construire du logement social. Les prêts issus du livret A couvrent actuellement 70 % du plan de financement d’un logement social en France.

Doubler le plafond à 30 600 euros, c’est apporter des ressources nouvelles pour une construction à prix abordable sans appauvrir ni les Français, ni l’État, ni les bailleurs sociaux.

Le supplément de collecte permettra d’augmenter le nombre de prêts bonifiés accordés aux bailleurs sociaux, mais aussi de baisser le taux d’intérêt pour ces derniers, qui abaisseront les prix de sortie du logement social et donc les loyers pratiqués. Ce sera du pouvoir d’achat supplémentaire pour les ménages.

Quatrième proposition : renforcer les aides à la pierre. Ainsi, l’État accompagne les bailleurs sociaux et les collectivités locales dans leur effort de construction sociale.

Cinquième proposition : mobiliser le foncier de l’État et de ses établissements publics pour réaliser des logements. Le foncier mis à disposition des collectivités locales permettra de réaliser des logements, 100 000 logements contre 50 000 aujourd’hui pourront ainsi être construits.

M. Marcel Rogemont. Écoutez bien, monsieur le secrétaire d’État !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je connais le programme socialiste par cœur ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Maquet. Sixième proposition : décourager la rétention foncière par une fiscalité progressive sur les terrains constructibles laissés nus, afin d’inciter la cession pour construire des logements et de favoriser, notamment dans les secteurs périurbains, l’accession à la propriété des classes moyennes.

Cette proposition contribuera également à réduire la spéculation sur les terrains et favorisera leur transformation en faveur du logement abordable car plus le terrain est rare, donc cher, plus les logements qui y sont réalisés sont chers !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il faut de la constructibilité pour en faire plus. Nous sommes d’accord.

Mme Jacqueline Maquet. Septième proposition : renforcer la loi solidarité et renouvellement urbains. Aux termes de l’article 55 de la loi SRU, le taux minimum de logements locatifs sociaux doit passer de 20 à 25 %. Le prélèvement par logement manquant imposé aux communes qui ne respectent pas cet article 55 doit être multiplié par cinq et affecté à la construction de logements sociaux.

M. Patrick Lemasle. Très bonne mesure !

Mme Jacqueline Maquet. Le préfet doit se substituer aux maires défaillants pour délivrer les permis de construire,…

M. Éric Berdoati. Incroyable !

Mme Jacqueline Maquet. …disposition déjà prévue par la loi SRU, mais non appliquée.

La règle des trois tiers bâtis est indispensable pour toutes les opérations nouvelles : un tiers en logement social, un tiers en accession aidée à la propriété, un tiers en accession libre.

Huitième proposition : remettre en location les logements vides. Sur les huit agglomérations dans lesquelles la taxe sur les logements vacants a été introduite – à l’initiative du gouvernement Jospin –, la vacance a baissé de 10 à 50 % quelques années après.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. On n’est pas là pour décliner le programme du parti socialiste !

Mme Jacqueline Maquet. En comparaison, dans huit autres agglomérations, sensiblement de même taille, où la taxe n’est pas en vigueur, le nombre de logements a augmenté dans six d’entre elles et s’est stabilisé dans les deux autres.

D’où l’idée de généraliser la taxe sur les logements vacants à toutes les grandes agglomérations où il manque des logements, de la rendre progressive dans le temps afin de dissuader la vacance prolongée et de donner aux maires la possibilité d’exproprier les logements restés vacants pendant une période anormalement longue, pour les confier à un bailleur social.

M. Alain Cacheux. Très bien !

Mme Jacqueline Maquet. Neuvième proposition : mettre en place pour les jeunes un dispositif de caution solidaire. Car aujourd’hui, l’autonomie résidentielle des jeunes devient de plus en plus dure, en raison d’une entrée plus difficile sur le marché de l’emploi et d’un accès au logement requérant de sérieuses garanties.

M. Bernard Perrut. C’est vrai.

Mme Jacqueline Maquet. D’où la mise en place d’une caution solidaire pour les jeunes de moins de trente ans, qui permettra aux jeunes de disposer d’un dépôt de garantie et à leur propriétaire de bénéficier gratuitement d’une garantie contre les impayés.

Dixième proposition : …

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il y en a combien ?

Mme Jacqueline Maquet. …soutenir la réalisation de logements intermédiaires dont les loyers soient compatibles avec les revenus des ménages.

Toutes les aides à l’investissement locatif doivent être conditionnées à des contreparties réelles et significatives en termes de modération des loyers pratiqués.

L’Agence nationale de l’habitat doit être rebudgétisée. Son rôle sera de lutter contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées, de développer le conventionnement dans le parc privé pour générer une offre de logements à loyers intermédiaires et développer l’intermédiation locative, d’assurer la rénovation thermique des bâtiments et de lutter contre la précarité énergétique.

Onzième proposition : favoriser l’accession à la propriété de nos concitoyens sans qu’ils se ruinent et qu’ils s’endettent à vie.

Mme Marie-Louise Fort. C’est interminable !

Mme Jacqueline Maquet. Cela passe par l’aide aux jeunes actifs et aux classes moyennes qui n’ont pas de patrimoine. Il faudra conforter le prêt à taux zéro et exiger le tiers d’accession sociale dans toutes les opérations nouvelles, dans le cadre de la règle des trois tiers bâtis. Enfin, il importera de libérer des terrains constructibles, notamment grâce à la fiscalité progressive visant à lutter contre la rétention foncière et grâce à la libération du foncier public.

Douzième proposition : lutter contre la précarité énergétique. La cherté du logement est également liée aux factures de chauffage et d’électricité. Un vaste plan permettra chaque année de faire bénéficier un million de logements d’une isolation thermique de qualité. Les économies de chauffage qui en découleront redonneront du pouvoir d’achat aux ménages.

M. Guy Malherbe. Qui paiera ?

Mme Jacqueline Maquet. Les distributeurs devront contribuer eux aussi à cet effort de la nation, avec la mise en place d’une tarification progressive de l’eau, du gaz et de l’électricité.

Treizième proposition : garantir une offre d’hébergement adaptée aux besoins et en quantité suffisante. Afin d’assurer la continuité de la chaîne du logement, il faudra réserver l’hébergement à ceux qui ont besoin d’un accompagnement social adapté et veiller à ce que le nombre de places disponibles corresponde aux besoins.

M. Bernard Perrut. Ce n’est pas aussi simple !

Mme Jacqueline Maquet. Le non-respect de l’obligation de disposer d’au moins une place d’hébergement pour 1 000 habitants dans les communes et agglomérations de plus de 100 000 habitants – une place pour 2 000 habitants dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants – sera sanctionné.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est déjà le cas !

Mme Jacqueline Maquet. Ce n’est pas appliqué !

Quatorzième proposition : piloter les politiques de l’habitat à la bonne échelle, celle des bassins de vie et des intercommunalités.

Quinzième proposition : assurer une plus grande justice fiscale. Il importera d’instaurer une fiscalité sur les valeurs immobilières et les loyers très élevés sous la forme d’un prélèvement additionnel aux droits de mutation, afin de disposer d’un outil de régulation des marchés et de solidarité territoriale. Ces ressources alimenteront un fonds de solidarité urbaine destiné à financer la réparation urbaine des quartiers défavorisés et la réalisation de logements sociaux dans les villes déficitaires, par exemple par acquisition de lots de copropriété. La contribution sur les revenus locatifs, supprimée il y a cinq ans, sera à nouveau perçue pour alimenter le budget de l’ANAH.

Voilà autant de propositions concrètes…

M. Jean Dionis du Séjour. Concrètes ? Il faut le dire vite !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Ce n’est pas vraiment le mot !

Mme Jacqueline Maquet. …visant à résoudre la crise du logement et à redonner du pouvoir d’achat aux Français. Telles sont les propositions de François Hollande, candidat du parti socialiste à la présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous demande, chers collègues, de bien vouloir rejeter ce projet de loi inapplicable et inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Camille de Rocca Serra. Ce n’est pas vraiment une motion !

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Mme Maquet a été très critique à l’égard des propositions gouvernementales.

M. Marcel Rogemont. Il n’y en a qu’une !

M. Daniel Fasquelle. Elle a parlé de tout sauf du texte !

M. Jean Dionis du Séjour. Globalement, le logement est un marché. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Lemasle. C’est une nécessité !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est aussi un marché, mes chers collègues, avec des propriétaires et des locataires.

Vous êtes partie d’un constat juste, madame Maquet : la pénurie de logement du début des années 2000,…

M. Daniel Fasquelle. Triste bilan de M. Jospin !

M. Jean Dionis du Séjour. …qui est à l’origine de l’augmentation des prix.

La réponse mise en œuvre depuis 2002 suit une logique : il s’est agi de faire baisser les prix par l’accroissement de la production de logements et donc par l’augmentation de l’offre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a une certaine cohérence de cette politique, qu’il s’agisse des dispositifs Robien et Scellier, ou encore du prêt à taux zéro. En économie, c’est par l’augmentation de l’offre que l’on contient l’augmentation des prix.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas vraiment le cas : les prix ont augmenté !

M. Jean Dionis du Séjour. Mme Maquet est ensuite passée à l’énumération des propositions de M. Hollande. Je dois dire qu’il y en a une que j’adore, c’est l’encadrement des loyers ! Mesure pathétique et catastrophique qui aboutit à l’effet absolument inverse de celui recherché. Cela a pu être modélisé avec la loi de 1948 : je vous renvoie à l’histoire de la politique du logement.

M. Patrick Lemasle. Vous vous trompez !

M. Jean Dionis du Séjour. Non, je le redis : cette proposition est tellement pathétique qu’il faudrait l’encadrer !

Ensuite, ce fut l’arbre de Noël ! Comme mon voisin et ami Jean Grenet le remarquait très justement, il est plus facile d’énumérer des propositions que de parler des ressources qui doivent les financer.

M. Daniel Fasquelle. Plus d’impôts, plus de déficits !

M. Jean Dionis du Séjour. Avec vous, madame Maquet, on ne va pas aller bien loin dans la réduction de la dépense publique.

Et sur l’aide à la pierre, vous y êtes allée franco ! Vous avez juste oublié un petit détail : combien cela allait coûter et qui devra payer.

Une mesure catastrophique – l’encadrement des loyers –, des propositions sous forme d’arbre de Noël qui ne font qu’aggraver la dépense publique : vous comprendrez que le Nouveau Centre votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

M. Jean-Paul Lecoq. « C’est un marché, c’est un marché, c’est un marché », nous dit Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas un gros mot, le marché !

M. Jean-Paul Lecoq. Qui dit marché dit spéculation, spéculation, spéculation. Le problème est justement la spéculation et votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, va à nouveau l’alimenter.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Expliquez-moi comment !

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis maire d’une commune qui a signé une convention avec l’ANRU. Elle a acheté des terrains que nous avons mis à disposition des organismes HLM. Votre prédécesseur m’a imposé l’intervention de la Foncière Logement. Il m’a également imposé de construire des logements non sociaux, ouverts à l’accession à la propriété, car ma commune compte 60 % de logements sociaux.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est la loi !

M. Jean-Paul Lecoq. Dans un courrier que j’ai reçu ce lundi, l’organisme chargé de construire ces logements en accession à la propriété m’indique que, compte tenu des dispositions gouvernementales arrêtées au mois de décembre dernier, il ne lui est plus possible de construire des logements de cette catégorie et il demande qu’ils soient transformés en logements sociaux afin de bénéficier des aides de l’État.

On m’a imposé une diversification de l’habitat et, au bout du compte, la Foncière Logement m’abandonne et l’on me demande, avec l’accord de l’ANRU, de transformer des logements destinés à l’accession à la propriété en logements sociaux.

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

M. Jean-Paul Lecoq. Je veux bien que vous m’expliquiez que ce nouveau dispositif favorisera la construction de logements. Peut-être suis-je le seul contre-exemple. Mais je ne crois pas. Dans la périphérie du Havre, il y a une réelle pénurie de logements.

Il faudra aussi que vous nous donniez quelques précisions, monsieur le secrétaire d’État. J’ai lu le projet de loi et l’étude d’impact. Comme je suis technicien de métier, j’utilise souvent les courbes ISO. Une augmentation de 30 % en volume dans toutes les directions, cela fait plus de 30 % de logements supplémentaires. La loi ne précise pas si l’augmentation se fait seulement en largeur ou seulement en hauteur.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Si !

M. Jean-Paul Lecoq. Vous m’indiquerez peut-être que c’est seulement dans une direction.

Toujours est-il que face à une pareille loi, il faut chercher à qui cela profite. Et ceux à qui cela profite, ce sont les propriétaires privés qui vont pouvoir à nouveau augmenter leurs volumes et donc leurs recettes, pour un même patrimoine. Ce sont à nouveau vos amis qui profitent de l’une de vos lois !

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe UMP.

M. Gérard Gaudron. Compte tenu des arguments de principe qui ont été avancés, et du catalogue de propositions non financées qui nous a été décliné, l’UMP ne voit pas d’autre solution que de voter contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe SRC.

M. François Brottes. Je veux rassurer nos collègues de l’UMP : le programme de François Hollande est intégralement financé. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous aurons le temps de vous l’expliquer tout à l’heure.

Dans quelques années, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez raconter une histoire merveilleuse lorsque vous écrirez vos mémoires, Mémoires de Benoist Apparu à l’époque où il était jeune ministre de talent : « À la veille d’une élection qu’il devait perdre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le Président de la République m’a invité dans son bureau pour me dire : “Apparu, vous qui êtes un homme de talent, trouvez-moi une idée qui ne sert à rien, qui ne coûte rien mais qui fait illusion”. C’est ainsi qu’est née la majoration de 30 % des droits à construire ».

Premièrement, cette loi ne sert à rien. Tous les outils existent actuellement dans le code de l’urbanisme pour permettre à tous les maires et à tous les conseils municipaux qui le souhaitent de mettre en œuvre une telle disposition. Que vous me prouviez le contraire au cours de notre débat, et nous en reparlerons. Mais je le répète, c’est une question de volonté politique.

Deuxièmement, cette loi traduit un mépris absolu pour les élus. L’urbanisme, cher monsieur Dionis du Séjour, ce n’est pas le marché. L’urbanisme, c’est par nature la régulation, c’est par nature l’organisation de la planification de l’espace. L’urbanisme, c’est par nature veiller à ce que les équilibres du bien vivre ensemble puissent s’établir sur un territoire donné dès l’instant où l’on ne laisse pas faire n’importe quoi. Si le code de l’urbanisme existe, c’est justement pour réguler, à l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure. Or, la disposition proposée dans ce projet de loi passerait outre la volonté d’organisation du territoire portée par les élus, de quelque bord qu’ils soient : vous faites preuve d’un mépris absolu à l’égard de ceux qui ont travaillé pendant des années sur les PLU et sur les schémas de cohérence territoriale.

Troisièmement, c’est une mesure sans impact, encore que, pour les finances communales, l’enquête publique imposée risque de coûter beaucoup d’argent pour rien. Ce sont encore les collectivités locales qui vont payer cette disposition nationale qui ne sert qu’à épater la galerie.

Quatrièmement, c’est une mesure nuisible, comme l’ont souligné mes collègues : le prix du foncier va augmenter. Mais je connais déjà la réponse de M. le secrétaire d’État.

M. Daniel Fasquelle. Si vous faites les questions et les réponses…

M. François Brottes. Il va rétorquer que dès lors que les droits à construire sont majorés de 30 %, il est normal que le foncier augmente de 30 %. Ce qu’il oublie de dire, c’est que par contamination, tout le foncier aux alentours va augmenter : les domaines auront des références qui vont faire grimper tous les prix, y compris ceux du logement social.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ça n’a aucun sens ! Vous nous avez habitués à mieux, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Enfin, cerise sur le gâteau, j’en viens à la compatibilité de la disposition avec les engagements du Grenelle. Ce pourrait être l’un des seuls engagements qui soient tenus mais il s’agit d’un faux-nez du Grenelle : comme il n’a que trop tendance à le faire, le Gouvernement a recours à une manipulation dans sa démonstration. Il explique que la densification à l’échelon de la parcelle va empêcher l’étalement urbain. Mais de qui se moque-t-on ? Un raisonnement fondé sur la parcelle ne peut atteindre cet objectif car il permet de construire n’importe où et n’importe comment. C’est seulement le fait de construire à certains endroits et pas à d’autres qui permet de neutraliser l’étalement urbain.

M. Daniel Fasquelle. Quelle démonstration laborieuse !

M. François Brottes. Chers collègues, je vous propose donc de voter cette motion de rejet préalable magnifiquement défendue par ma collègue Jacqueline Maquet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ce soir un projet de loi consacré à l’urbanisme et composé d’un article unique, qui majore de 30 % les possibilités de construction : pour les trois ans à venir, tout terrain, toute maison, tout immeuble pourra voir sa surface augmenter de 30 %.

Nous pouvons légitimement nous interroger sur l’opportunité d’examiner un tel texte, à quelques jours de la fin de la législature et à huit semaines de l’élection présidentielle. La réponse du Gouvernement à la crise du logement, aux loyers chers et au mal-logement, c’est la déréglementation ; c’est un blanc-seing accordé aux spéculateurs fonciers et immobiliers pour faire toujours plus d’argent. Décidément, avant de quitter le pouvoir, vous voulez finir en offrant des cadeaux à ceux que vous chérissez !

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Quels cadeaux ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais si, monsieur le président de la commission. Avouez, avouez ! Faire des cadeaux à ses amis n’est pas un crime ; mais au moins dites-le, confessez-le !

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Mais il n’y a pas de cadeaux !

M. Jean-Pierre Brard. Mais si, ce sont bien des cadeaux. Vous pouvez parler au singulier, dire : un gros cadeau. Je parle, moi, de cadeaux, car les destinataires sont multiples.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Il y a décidément des moments où nous avons du mal à nous comprendre !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, nous avons du mal à nous comprendre : le jour où vous me comprendrez, je me demanderai quelle sottise j’ai pu bien proférer !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Heureusement, il y a bien peu de Français qui vous comprennent !

M. Jean-Pierre Brard. Oh, monsieur le maire de Valmy…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je ne suis pas maire de Valmy !

M. Jean-Pierre Brard. Pardon, monsieur le député de Valmy…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le député de Valmy, c’est M. Bourg-Broc !

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez député de Valmy, monsieur le secrétaire d’État, et il y a là-bas un moulin. Eh bien, vous foncez, vous, vers un autre moulin, celui dont parle Cervantès – vous êtes un peu Don Quichotte, par certains côtés. Et vous verrez, dans quelques semaines, que vous serez toujours sur Rossinante avec votre lance, mais que vous aurez manqué la cible. (Sourires.) Vous verrez : il ne faut jamais injurier le futur ! À votre place, monsieur le secrétaire d’État, je serais prudent.

M. Gérard Gaudron. C’est peut-être vous qui serez bientôt juché sur Rossinante !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Gaudron, je suis sûr que vous avez chez vous aussi des Rossinante. Monsieur le président, il y a sur ma droite des candidats pour le rôle de Sancho Pança ! (Sourires.)

La réponse du Gouvernement à la crise du logement, je le disais, c’est un blanc-seing accordé aux spéculateurs.

L’exemple de Montreuil, que je vais vous donner, devrait vous inciter à réfléchir : comme le disait Karl Marx, il faut toujours partir de l’analyse concrète de la réalité concrète pour construire sa réflexion.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Chacun ses références !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Qu’en dit Mme Voynet ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes curieux de savoir ce qu’en dit Mme Voynet : j’y viens.

Le plan local d’urbanisme de Montreuil voté au mois d’avril 2011 par la municipalité de Mme Voynet prévoyait déjà une importante densification, en autorisant des hauteurs majorées et en supprimant toute limitation de densité. Le plan local d’urbanisme prévoyait également divers bonus de hauteur, pouvant être cumulés avec une majoration de 20 % pour logements sociaux, adoptée par délibération séparée du conseil municipal.

Ce projet de loi que vous nous présentez ajoute une nouvelle couche à ce dispositif, dont les résultats s’avèrent déjà désastreux. Tous les gabarits seront en effets majorés automatiquement, sauf en cas de délibération expresse du conseil municipal. Cela va conduire à des hauteurs et à des densités tout à fait inacceptables.

En voici deux exemples, qui vous démontreront ce que donne le cocktail Voynet-Apparu. Vous verrez que c’est un vrai bonheur pour les spéculateurs et les promoteurs !

Pour les zones centrales, composées principalement de bâtiments collectifs continus, le PLU de Montreuil a prévu une hauteur plafond de 24 mètres, soit R+7. Cette hauteur pourra être portée à 29 mètres, soit R+9. Compte tenu de l’emprise autorisée, cela équivaut à un coefficient d’occupation des sols de 9, alors que l’usage était jusqu’à présent de s’en tenir à un coefficient d’occupation des sols de l’ordre de 3 dans ce type de zone.

Avec le présent projet de loi, la hauteur plafond passerait à 38 mètres, soit R+12, et la densité équivaudrait à un coefficient d’occupation des sols de 12 ! On passe de 3 à 12. Et ce qui a été démontré tout à l’heure à propos de l’explosion des valeurs foncières est ici évidemment confirmé et amplifié.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Mme Voynet fait dans la spéculation ? Ce n’est pas très joli ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Mme Voynet et vous, même combat, monsieur le secrétaire d’État ! Vous favorisez la spéculation, c’est vrai, c’est incontestable. D’ailleurs, M. de Rugy le confirme.

M. François de Rugy. Pas du tout ! Absolument pas !

M. Jean-Pierre Brard. Pour les zones pavillonnaires les plus basses, le PLU a prévu une hauteur plafond de 12,70 mètres, soit R+3 ; un étage supplémentaire, R+4, est autorisé en cas de logements sociaux. Compte tenu de l’emprise autorisée, cela équivaudrait à un COS de 4, alors que l’usage est de s’en tenir à un COS de l’ordre de 0,8.

Puis vint M. Benoist Apparu. Avec le présent projet de loi, la hauteur plafond passerait à 20 mètres, c’est-à-dire R+6, et la densité à un COS de 5 – au lieu de 0,8 ! Vous faites suer le terrain. C’est juteux, pour les promoteurs.

Nous pourrions tous, sur ces bancs, nous accorder sur l’opportunité d’une réforme de l’urbanisme. Mais il aurait alors fallu organiser une concertation avec l’ensemble des acteurs pour mener une réflexion globale sur les questions d’urbanisme et proposer une vraie réforme, une réforme concertée avec les élus des collectivités territoriales. Je suis certain que Jacques Pélissard, le président de l’Association des maires de France, n’aurait pas refusé cette concertation.

En lieu et place de la mesure « extrêmement puissante » promise par le Président de la République – pour citer ici son vocabulaire extrêmement modéré –, nous examinons ce soir une mesure électoraliste qui cache, en réalité, un dernier cadeau fait aux spéculateurs fonciers et à cette France des propriétaires, dont la droite rêve, et que le président-candidat essaie de séduire une nouvelle fois, à huit semaines de l’élection présidentielle.

Le 12 décembre 2006, au congrès de la FNAIM, le candidat UMP à la présidentielle – un certain Nicolas Sarkozy – déclarait déjà que son « premier projet en matière de logement [était] de faire de la France un pays de propriétaires », à grands coups de subprimes. Vous vous rappelez, monsieur le secrétaire d’État, que le Président de la République était, avant le crash aux États-Unis, favorable aux prêts hypothécaires.

M. François de Rugy. Eh oui, il faut le rappeler !

M. Jean-Pierre Brard. Ce nouveau cadeau fait aux gros propriétaires immobiliers et fonciers doit être présenté pour ce qu’il est : ce n’est sûrement pas, comme s’attache à le faire croire le Gouvernement, une mesure visant à « encourager l’offre de logements » ; ce n’est pas non plus, comme l’affirme notre rapporteur Bernard Gérard, la traduction de l’engagement du chef de l’État de « faire du logement une grande cause nationale. »

M. Bernard Perrut. C’est pourtant le cas !

M. Jean-Pierre Brard. Se réveiller, deux mois avant l’élection, après dix ans de pouvoir, on pourrait dire que la maturation intellectuelle a été longue. Je vois que vous souriez, monsieur le rapporteur : c’est certainement l’effet de ma référence à la maturation intellectuelle. Monsieur le président de la commission, vous souriez aussi ; vous avez des doutes, je le vois bien. Le doute, disait Descartes, c’est déjà quelque chose de très positif, monsieur le président. Cela prouve au moins que vous ne tombez pas, vous, dans l’idolâtrie vis-à-vis du chef de votre majorité.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Je souris en vous écoutant, mais n’en faites pas d’interprétations trop audacieuses !

M. Jean-Pierre Brard. Vincent Renard, économiste spécialiste des questions d’économie financière et immobilière, nous le confirme : cette possibilité d’augmentation de 30 % du coefficient des sols ne devrait réjouir que les seuls gros propriétaires. Cette augmentation, selon lui, « c’est une incitation à la rétention. Les propriétaires peuvent se réjouir : leur patrimoine va augmenter de valeur et ils ne seront pas davantage incités à vendre. Ils seront plus riches, c’est tout. »

Après bientôt cinq ans de mandat et dix années de gestion du pays par la droite, le bilan de la majorité en matière de logement est accablant.

M. Bernard Perrut. C’est faux !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Les chiffres prouvent le contraire !

M. Jean-Pierre Brard. Tous les grands engagements du président-candidat en la matière doivent être regardés à la lumière de ce bilan. Monsieur Perrut, vous le savez bien, et c’est la même chose dans votre circonscription : les hommes et les femmes politiques doivent être jugés non pas sur ce qu’ils disent, mais sur ce qu’ils font. Et de ce point de vue, le bilan est pour vous accablant !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Comparons nos bilans !

M. Jean-Pierre Brard. Que voulez-vous comparer, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Les bilans en matière de logement social, par exemple !

M. Jean-Pierre Brard. Si vous voulez.

M. le président. Nous vous écoutons, mais n’interpellez pas vos auditeurs, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, c’est le dialogue républicain, au contraire. Monsieur le secrétaire d’État, vous voulez que nous parlions bilan : il faut donc examiner vos résultats à la lumière des besoins et de l’appauvrissement de la population, dont vous êtes co-responsables. Jamais les difficultés des Français n’ont été aussi grandes ! Vous détenez un record : plus de 8 millions de pauvres, 5 millions de chômeurs.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous vous éloignez du sujet !

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai aussi à Agen, monsieur Dionis du Séjour. Je ne m’éloigne pas du sujet, j’appuie simplement là où ça fait mal, où ça vous fait mal, vous qui êtes au centre, parce que vous êtes en train de remarquer que l’UMP va vous emmener avec lui par le fond ! Je comprends que vous vouliez prendre vos distances.

Mais revenons à notre sujet, donc vous avez essayé de me détourner. Comme le dit très bien Patrick Doutreligne, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, « nous assistons à l’une des pires crises du logement depuis cinquante ans ». C’est au regard de cette affirmation, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faut juger votre politique : les belles formules du chef de l’État ne peuvent pas faire oublier aux Français la situation qu’ils vivent.

M. Bernard Perrut. Il faut regarder l’évolution !

M. Jean-Pierre Brard. Mais justement, j’ai déjà parlé de l’évolution.

Dix millions de Français ont des difficultés à trouver un toit, et personne n’est épargné : étudiants, salariés, chômeurs, célibataires, divorcés et séparés, familles... Le logement est devenu le premier poste de dépenses des ménages. Il représente désormais 23 % de leur budget, contre 13 % il y a vingt ans. Et, vous le savez comme moi, cette part peut, particulièrement en région parisienne, grimper jusqu’à 50 %, parfois plus. En dix ans, les loyers ont augmenté de 90 % et les prix de vente de 110 % ! À Paris et dans sa région, un jeune sur dix seulement parvient à trouver un logement décent, tandis que 100 000 logements restent inoccupés. Les plus modestes et les classes moyennes paient au prix fort les choix faits par la majorité, pour le logement comme pour le reste.

Ce bilan désastreux devrait vous inciter à réfléchir, à prendre le temps de débattre, à consulter le peuple et ses représentants sur un sujet crucial qui touche chacun de nos concitoyens. Il n’en est rien. Puisque le Président de la République a été touché par la grâce et qu’il trouve des mérites au référendum – mérites bien tardifs, puisque je vous rappelle qu’il s’est assis sur le résultat de celui de 2005 –, voilà un sujet sur lequel un référendum serait particulièrement bienvenu.

Cette fin de législature et les conditions dans lesquelles nous légiférons sont particulièrement symboliques du peu de considération – et c’est un euphémisme – du Président de la République pour les parlementaires, la démocratie représentative et le débat citoyen. D’ailleurs, les déclarations du chef de l’État à Marseille ne laissent pas de doute à ce sujet. La réduction du nombre des représentants de la nation élus au suffrage universel direct est à l’ordre du jour de son prochain quinquennat. La démocratie n’a plus qu’à bien se tenir !

D’ailleurs, pour ceux qui siègent dans cet hémicycle depuis un certain temps, vous vous rappelez que Nicolas Sarkozy, comme parlementaire, ne rallongeait pas les débats. On peut bien le dire, il n’a pas trop usé son fauteuil, puisque les parlementaires de l’époque ne se rappellent pas l’avoir souvent entendu dans cet hémicycle. C’est sûrement ce qui lui permet aujourd’hui de donner des conseils sur l’activité qui devrait être celle des députés !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ce n’est pas gentil de parler comme cela de François Hollande !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne parle pas de François Hollande, qu’on voit souvent dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), et dont je ne suis pas l’avocat. On ne voyait jamais Nicolas Sarkozy : tout parlementaire normal, en une législature, siège autant que lui tout au long de sa vie de parlementaire !

Le calendrier d’examen de ce texte est une préfiguration de ce qui nous attendrait au cas où il serait réélu, même si, au terme de cinq ans de mandat, nous commencions à avoir pris une certaine habitude du fonctionnement monarchique du Président de la République.

M. Éric Berdoati. Pour le fonctionnement monarchique, voyez plutôt François Mitterrand !

M. Jean-Pierre Brard. Annoncé par le Président le 29 janvier dernier, ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 8 février, pour un passage en commission des affaires économiques le mardi suivant. Nous avons dû déposer les amendements à l’aveugle, ne disposant pas officiellement du texte sur le site de l’Assemblée.

M. Éric Berdoati. Nous allons vous éclairer !

M. Jean-Pierre Brard. L’étude d’impact a été disponible à la distribution moins de vingt-quatre heures avant la présentation du projet de loi.

Alors que nous débattons ce soir en première lecture, le texte est inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 29 février, pour un retour à l’Assemblée le 5 mars, sous la forme d’un texte de commission mixte paritaire ou bien en deuxième lecture. Comment travailler dans ces conditions ? Légiférer prend du temps ! Mais le Président n’en a que faire et considère notre Assemblée comme la caisse enregistreuse de ses desiderata.

M. François Brottes. Et encore !

M. Jean-Pierre Brard. Le Parlement ne peut pas se transformer en caisse de résonance de la campagne électorale de l’UMP !

L’organisation de nos travaux est particulièrement significative du peu de considération du Gouvernement à notre égard. Je dis cela avec une certaine solennité car je crois sincèrement qu’au-delà des divergences politiques, nous sommes tous ici les garants du respect de l’Assemblée nationale et de notre démocratie. Elle est aujourd’hui bien malmenée.

Cette situation reflète, si cela était encore utile, la nécessité d’un changement institutionnel et l’avènement d’une VIRépublique. C’est cet espoir d’une démocratisation de nos institutions que nous portons, au Front de gauche, et que nous défendrons le 18 mars prochain Place de la Bastille à Paris, en hommage au peuple de Paris qui, en 1871, a choisi de reprendre en main le destin que les Versaillais voulaient lui confisquer.

Mes chers collègues, ces remarques introductives…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Introductives ?

M. Jean-Pierre Brard. …pourraient justifier à elles seules le renvoi en commission de ce texte.

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, je ne gâcherai pas votre plaisir en abrégeant trop prématurément mon propos. Mon collègue Jean-Paul Lecoq détaillera, dans son intervention générale, les réflexions des députés communistes, républicains et du Parti de gauche, sur le contenu du projet de loi. Pour ma part, je souhaite mettre l’accent sur le contexte prévalant à l’application de ce texte.

Mes chers collègues, le manque de logements n’est pas la conséquence des rigidités du code de l’urbanisme. Cette pénurie est, au contraire, entretenue à dessein par le marché de la spéculation foncière. Elle nourrit la rentabilité du capital immobilier. Elle est le prolongement de logiques spéculatives.

Or avec ce texte de loi, le Gouvernement ne fait que renforcer le marché et ses acteurs privés. Il libéralise le secteur. Vous vous obstinez à penser que le marché libre est optimal et rationnel. Mais enfin, vous avez chaque jour des exemples qui vous démontrent l’inverse ! Vous vous obstinez, englués que vous êtes dans vos certitudes libérales. Ce n’est pas en majorant de 30 % les droits à construire que vous relancerez la construction de logements, et particulièrement de logements sociaux. Une fois de plus, vous allez gaver des investisseurs immobiliers avides qui se sont déjà gorgés des milliards du Scellier et autres de Robien, avec le résultat que l’on connaît.

M. Bernard Perrut. Que d’exagérations !

M. Jean-Pierre Brard. Allez leur demander ! Ils ne se plaignent pas de votre politique !

On connaît le résultat. Vous vous exonérez de tout bilan et de toute analyse de la crise du logement car vous en êtes autant les responsables que les instruments.

M. Philippe Vitel. Quelles solutions proposez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard. J’y arrive.

Tout, dans votre politique, entretient cette situation. Mais les Français ne sont pas dupes.

Selon un sondage Nexity,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Quelle référence !

M. Jean-Pierre Brard. …plus de 65 % d’entre eux jugent que les pouvoirs publics n’en font pas assez en matière de logement. Ils ont raison. Vous, monsieur Apparu, qui êtes un grand communicant, vous devriez écouter ce que les Français disent à travers les sondages.

En cinq ans, vous avez réduit les budgets des aides à la pierre de plus d’un milliard d’euros.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. On a doublé la construction de logements sociaux !

M. Marcel Rogemont. Qui est ce « on », monsieur le secrétaire d’État ? Ce sont les collectivités qui ont financé la construction des logements sociaux !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez la suite, monsieur le secrétaire d’État ! Cela alimentera votre réflexion.

Tous les exercices budgétaires ont enregistré des coupes sombres.

M. Marcel Rogemont. Plutôt des coupes claires !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne cessez de mettre en avant les chiffres de la construction.

M. Philippe Vitel. Parce qu’ils sont éloquents !

M. Jean-Pierre Brard. Vous omettez de dire qu’ils ne compensent même pas l’évolution démographique et les effets des recompositions familiales. Vous vous glorifiez des chiffres de la construction de logements sociaux, mais vous ne les financez plus.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que l’État a décidé de prélever 340 millions d’euros par an sur l’ensemble des organismes HLM ? En droit commun, on appelle cela un hold-up !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est une insulte au Parlement qui a voté cette mesure !

M. Jean-Pierre Brard. Avec ce projet de loi, vous nous promettez à nouveau monts et merveilles. La majoration des droits à construire permettrait de faire sortir de terre 40 000 logements et par conséquent de faire baisser les prix. Cette rengaine n’est pas sans me rappeler les vœux pieux – bien sûr – professés par Mme Boutin au moment du vote de la loi MOLLE.

M. François de Rugy. Une loi qui porte bien son nom !

M. Jean-Pierre Brard. Cette dernière était censée, elle aussi, à l’instar des six lois qui l’ont précédée, apporter une réponse efficace aux enjeux du logement. Il n’en a rien été.

Aujourd’hui vous nous ressortez les mêmes discours, les mêmes vaines promesses. Arrêtons donc ici cette mascarade qui n’a que trop duré. N’infligeons pas à notre assemblée un huitième texte bâclé sur le logement. Mettons-nous tous autour d’une table et engageons un travail à long terme d’élaboration d’une autre politique du logement. Pour notre part, nous ne manquons pas d’idées. Le programme du Front de gauche en fait la démonstration.

Nous proposons de prendre la question du logement social à bras-le-corps. Dans plusieurs niches, nous vous avons proposé de voter des mesures efficaces. Mais de celles-ci vous ne voulez pas. Non, vous n’en voulez pas, parce que vous n’avez que faire du logement social. Pour vous, une France forte, c’est une France de propriétaires. Ceux qui ne peuvent pas le devenir ou ceux qui n’ont pas encore cédé à vos appels en s’endettant sur trente ans ou plus pour se loger dans des logements insuffisants et enrichir les banquiers, ils ne vous intéressent pas.

Par contre, ils sont le souci premier des élus du Front de gauche. Pour nous, ils ne sont pas invisibles, nous les croisons chaque jour dans nos villes. Leur combat quotidien pour un toit, s’il force notre respect, n’est pas une fatalité. Ces situations humaines dramatiques sont la conséquence de la hausse des loyers – ils ont augmenté de 50 à 90 %, selon les endroits, entre 2000 et 2010 – et du nombre bien trop faible de constructions de logements sociaux.

C’est pourquoi nos propositions s’attachent à renverser cette logique et que nous vous opposons un plan d’urgence pour le logement et contre la spéculation immobilière.

Nos propositions sont ambitieuses, peut-être un peu trop pour le candidat de la France forte qui nous promet ici une pièce supplémentaire, là l’élargissement d’une terrasse ou, là encore, la construction d’une véranda.

Au Front de gauche, nous voyons plus grand. Nous proposons de faire du logement un droit et une priorité nationale. Nous abrogerons la scandaleuse loi Boutin et toutes les aides fiscales au logement spéculatif privé.

Le logement locatif social sera reconnu comme le logement universel accessible à tous. Nous engagerons un plan d’urgence national pluriannuel de construction de 200 000 logements publics sociaux par an pendant cinq ans, comprenant un volet spécifique de logements étudiants et pour les jeunes.

Nous porterons donc le budget logement à 2 % du PIB en crédits de paiement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est déjà le cas !

M. Jean-Pierre Brard. Vous le croyez vraiment ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Oui, car vous oubliez la dépense fiscale !

M. Jean-Pierre Brard. Mais bien sûr.

Nous reviendrons à une aide à la pierre à hauteur de 40 % du coût des opérations avec des prêts publics bonifiés et de longue durée de remboursement.

Nous interdirons les expulsions locatives de toute personne et famille en difficulté économique et sociale.

Nous garantirons à chacune et chacun le droit au maintien dans son logement, par la mise en œuvre d’une sécurité locative mutualisée.

Nous mettrons en place une tarification sociale garantissant le droit et l’accès de toutes et de tous à l’eau et à l’énergie.

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas assez ! Il faut aller plus loin : réquisitionnez les logements !

M. Jean-Pierre Brard. Nous garantirons et renforcerons les moyens de l’hébergement d’urgence.

Mme Laure de La Raudière. C’est tout ? Vous me décevez !

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez donc la suite, madame de la Raudière !

Nous revaloriserons l’APL en supprimant le mois de carence de son attribution, son caractère rétroactif, et en indexant le forfait charges sur l’évolution réelle de celles-ci. Pour favoriser l’accès au logement dans le parc privé, nous supprimerons la caution.

Nous supprimerons également le surloyer, ainsi que les plafonds de ressources. Nous bloquerons les loyers dans le public et encadrerons leur évolution dans le privé par le plafonnement des prix à la vente et à la location, en fonction de la tension dans les territoires.

À ce sujet, il est d’ailleurs étonnant qu’au cours de son allocution télévisée, Nicolas Sarkozy, qui a tant cité l’Allemagne, ait rejeté toute possibilité d’encadrement des loyers pourtant en vigueur outre-Rhin et dont M. Dionis du Séjour nous a dit que cette vision était pathétique. Il aurait pu ajouter qu’elle était apocalyptique.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ce n’est pas ce que fait l’Allemagne. Vérifiez ce qu’elle fait !

M. Jean-Pierre Brard. Outre-Rhin, en effet, c’est le locataire qui a la priorité. Pas question de payer des sommes extravagantes pour se loger.

Les loyers sont encadrés…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. …par un dispositif appelé le « miroir des loyers », adopté en 1973 à Cologne entre une association de propriétaires et de locataires, et étendu par la suite à la plupart des villes allemandes.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Allez faire un tour en Allemagne ! Vous comprendrez que cela ne marche pas du tout de cette façon !

M. Jean-Pierre Brard. J’y vais de temps en temps, monsieur Apparu. Si, cela marche comme ça.

Cela dit, je ne prendrai pas M. de Courson comme interprète, car comme vous l’avez vu cet après-midi, il a quelques lacunes dans la langue de Goethe ! (Sourires.)

Ce dispositif permet d’établir des fourchettes de loyers dans chaque ville en fonction d’un certain nombre de critères, comme la qualité du quartier, la taille du logement, le niveau d’équipement ou encore la date de construction.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est le marché qui fixe les prix, personne d’autre !

M. Jean-Pierre Brard. Résultat : l’évolution des prix sur le marché locatif est strictement encadrée dans une zone géographique et à un moment donné.

Ne nous étonnons pas de cet oubli, par le chef de l’État, de l’exemple allemand. Nous savons que ses appréciations sont à géométrie variable.

Pour garantir l’égalité d’accès de tous à un logement de qualité, la mixité sociale de l’habitat, et permettre la baisse des loyers pour le plus grand nombre, nous nous fixerons l’objectif que la proportion du loyer et des charges dans le budget des familles n’excède pas 20 % de leurs revenus, libérant ainsi du pouvoir d’achat et contribuant à faire fonctionner la machine économique et donc à réduire le chômage.

Nous appliquerons la loi de réquisition des logements vacants et engagerons un plan de mobilisation des logements vides réduisant le délai de vacance d’un logement. Nous renforcerons les critères de procédure de réquisition et l’abattement annuel de 10 % au bout de la cinquième année et d’exonération pour les étrangers. Nous instaurerons une taxe sur les bureaux vides. Nous créerons un service public national et décentralisé du logement, de l’habitat et de la ville. Nous agirons pour une application résolue de la loi SRU élargie, mais pas en augmentant les amendes.

À Saint-Maur-des-Fossés, le maire de l’époque, c’est-à-dire le prédécesseur de M. Plagnol, avait préféré augmenter l’impôt pour pouvoir payer l’amende plutôt que de voir s’installer sur sa commune ces populations dangereuses. Ainsi, il s’exonérait du logement social. Pour éviter cela, il suffit de rendre inéligibles les maires qui ne respectent pas la loi.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Y compris celle qui interdit d’avoir plus de 35 % de logements sociaux ?

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que non ! Il n’y a jamais excès de bonnes choses ! Par contre, il n’y a pas de raison de constituer de réserves d’aristocrates ou des bourgeois dans lesquelles ces privilégiés s’isolent pour rester dans l’entre-soi et ne pas fréquenter la société française, réelle et dangereuse !

Mme Laure de La Raudière. Très drôle !

M. Jean-Pierre Brard. Cela vous fait sourire, madame de la Raudière ! Les ghettos aristocrates vous rappellent des souvenirs !

Le financement des crédits alloués au logement social sera assuré par le relèvement du plafond du livret A à 20 000 euros, la recentralisation de sa collecte par la Caisse des dépôts et consignations, la majoration de 0,55 % de la contribution des employeurs à l’effort de construction pour rétablir un véritable 1 % logement. Nous taxerons la spéculation financière et immobilière avec la création d’une taxe « contribution logement » de 10 % sur les revenus financiers et nous supprimerons la taxation des bailleurs sociaux adoptée dans le projet de loi de finances pour 2011.

Nous soutiendrons les collectivités qui créeront les conditions d’une accession sociale à la propriété, car cela fait partie de la diversité nécessaire. Nous appuierons les projets innovants, favorisant l’accompagnement des personnes en demande d’urgence.

Nous agirons pour la généralisation, dans l’ensemble du parc d’habitation public et privé, des normes environnementales, pour l’application des normes réduisant les factures énergétiques et les émissions de C02 et pour l’émergence d’une filière de l’écoconstruction.

Voilà les bases d’une autre politique du logement, qui répondrait concrètement aux enjeux actuels. Ce sont toutes ces propositions dont nous devons discuter.

Celles que vous nous proposez aujourd’hui ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels notre pays et ses habitants sont confrontés. Ils ne font que les choux gras des promoteurs et des spéculateurs.

Par décence, mes chers collègues, votez cette motion de renvoi en commission, pour que, demain, vous puissiez vous présenter à visage découvert devant vos électeurs qui souffrent du mal-logement.

Pour ce qui nous concerne, c’est sur ce dossier que nous nous battrons durant la campagne électorale. Et nous dirons aux Français « Pour que ce soit possible, votez Front de gauche, pour que demain le centre de gravité soit bien à gauche. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Faibles applaudissements !

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre collègue Brard a souhaité que nous confrontions les bilans. Il a raison, il faut que les hommes politiques soient jugés sur leurs bilans. Commençons donc par les logements sociaux. Je sais que vous n’aimez pas ces chiffres mais, fin 2001, alors que la France connaît une période de croissance, le gouvernement de gauche fait construire 50 000 logements sociaux par an. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

M. Philippe Vitel. C’est la vérité !

M. Pierre Cohen. Mais vous savez très bien que c’est l’entrée en vigueur de la loi SRU qui a permis d’augmenter ensuite la construction de logements sociaux !

M. François Brottes. On ne peut pas faire en même temps la loi et la construction de logements ! Celle-ci a suivi celle-là, et vous le savez très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Je sais que cela vous gêne, mais vous avez voulu que nous évoquions les bilans. Alors, laissez-moi les reprendre. Vous vouliez des bilans, les voilà : 50 000 logements sociaux par an, donc,…

Mme Laure de La Raudière. Eh oui, c’est leur bilan !

M. Jean Dionis du Séjour. …alors qu’en 2000 il y avait de l’argent pour l’aide à la pierre. Il y avait 4 % de croissance !

M. Philippe Vitel. Ils ont préféré tout dépenser dans les 35 heures et les emplois-jeunes !

M. Jean Dionis du Séjour. En 2011, le Gouvernement fait construire 120 000 logements sociaux par an, ce qui est certes insuffisant, je vous l’accorde. Voilà pour le bilan. J’essaie d’entrer dans votre dialectique, monsieur Brard.

Le chiffre de 50 000 logements sociaux par an n’est pas le fruit du hasard mais celui d’une gouvernance que vous tentez de nous resservir. Quelle est la logique de vos propositions ?

D’abord, vous voulez encadrer les loyers. Je persiste et je signe : c’est pathétique. Et votre miroir des loyers, c’est un miroir aux alouettes ! Cela a été modélisé en 1948.

M. Alain Cacheux. Vous irez l’expliquer à ceux qui ne peuvent plus payer leur loyer !

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Jean Dionis du Séjour. Ensuite, à propos de l’aide à la pierre, vous n’avez pas molli. Vous avez construit 50 000 logements sociaux par an et maintenant vous promettez, juré craché, d’en construire 200 000 par an !

M. Jean-Pierre Brard. En effet !

M. Jean Dionis du Séjour. Il fallait oser le dire. Et vous prétendez pouvoir augmenter le budget du logement de 2 % par an. Mais qui vous croira ? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Jean Dionis du Séjour. Si vous arrivez au pouvoir, vous vous fracasserez sur les réalités budgétaires.

Il y a une dynamique de l’offre et nous avons, avec ce projet de loi, une mesure qui participe à cette dynamique. Elle nous semble raisonnable et j’ajouterai qu’elle est cohérente avec le Grenelle de l’environnement.

M. François de Rugy. Certainement pas !

M. Jean Dionis du Séjour. Comment pouvez-vous prétendre que la densification de la ville n’est pas une mesure contre l’étalement urbain ?

Pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis toujours surpris de certaines comparaisons. Un dicton ne dit-il pas que comparaison n’est pas raison ?

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Certes, vous n’aimez pas les comparaisons quand elles ne vous arrangent pas !

M. Jean-Paul Lecoq. En fait, vous comparez toujours ce qui vous arrange. Comment juge-t-on une politique, où que ce soit ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Sur les résultats !

M. Jean-Paul Lecoq. Non, justement, monsieur le secrétaire d’État. Il faut aller au-delà des seuls résultats. On juge une politique à son adéquation entre ses résultats et les besoins auxquels elle répond.

M. Philippe Vitel. Parce qu’il n’y avait pas de besoins quand vous étiez au pouvoir ?

M. Jean-Paul Lecoq. Si 40 000 logements sociaux sont construits par an et que les besoins sont de 60 000, il y a une différence de 20 000 logements. Si le besoin est de 500 000 logements sociaux et que vous n’en construisez que 120 000, vous avez beau en construire trois fois plus que les années précédentes, vous êtes en décalage complet par rapport aux besoins. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.) Vous souriez, mais cela vaut pour l’ensemble des questions politiques.

Quand ça vous arrange, vous allez chercher l’exemple de l’Allemagne. Quand ça vous arrange, vous remontez trois ans en arrière. Analysez donc votre politique et son impact sur l’évolution de la vie des Français. C’est ainsi que l’on pourra juger votre politique.

Ensuite, il y a la méthode. Savez-vous, monsieur le secrétaire d’État – et je suppose que vous le savez –, combien il faut de temps pour réaliser un PLU dans une commune ?

M. Éric Berdoati. Il faut deux à trois ans !

M. Jean-Paul Lecoq. Environ un an, voire deux ans. Pour ma part, j’en suis à un an et six mois, le PLU de ma commune n’est pas tout à fait terminé. Dans les communes urbaines, on y arrive en deux ans. Deux ans de négociations, de discussions, d’analyses, de rencontres avec les citoyens, de rencontres avec les différents acteurs. Et avec ce seul texte vous remettez en cause tout ce travail !

M. Éric Straumann. Mais non !

M. Jean-Paul Lecoq. Non seulement vous le remettez en cause, mais ce texte manque de courage, comme l’a montré Jean-Pierre Brard en défendant la motion de renvoi en commission. Vous manquez de courage car vous dites aux gens que l’État « permet » de construire plus.

M. Bernard Perrut. C’est une ouverture, pas une obligation !

M. Éric Straumann. Et construire plus ne veut pas dire construire n’importe comment !

M. Jean-Paul Lecoq. Si, quand vous examinez le texte, vous voyez qu’il permet de construire n’importe comment !

Et vous dites aux maires : « Ayez le courage de censurer ! ». Les maires ont eu le courage de faire leur PLU pendant des mois et des mois et, aujourd’hui, vous cassez leur travail, et vous leur demandez de lancer une délibération s’ils ne sont pas d’accord avec le texte. C’est inacceptable, c’est la négation de la démocratie locale.

M. Éric Straumann. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Paul Lecoq. Voilà pourquoi nous proposons le renvoi de ce projet en commission : il ne répond pas aux besoins et n’est pas cohérent avec notre idée de la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe UMP.

M. Gérard Gaudron. Le côté disert, mesuré et parfois pathétique de l’intervention de M. Brard aura eu au moins un mérite, celui de montrer que ses successeurs verts à Montreuil ont été incapables, contrairement à leurs affirmations, de réaliser un PLU à visage humain.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai, vous avez hélas raison !

Mme Pascale Crozon. C’est très petit, monsieur Gaudron !

M. Gérard Gaudron. Le plan que nous proposons est peut-être modeste aux yeux de M. Brard et de ses camarades du Front de gauche ; reste qu’il a l’avantage d’être simple, réaliste et, surtout, immédiatement applicable. Il n’y a donc aucune raison de le renvoyer en commission.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe SRC.

M. François Brottes. Il est raisonnable de renvoyer ce texte en commission. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de l’examiner, le secrétaire d’État lui-même le découvrant en le lisant en commission. Il venait tout juste de l’imprimerie, comme M. Apparu le reconnaît d’ailleurs par son sourire.

M. Jean-Pierre Brard. Il en a encore les doigts tachés !

M. François Brottes. Je ne polémiquerai pas sur le bilan : je constate que Jean Dionis du Séjour a rejoint l’UMP avec encore plus de zèle que les élus de l’UMP eux-mêmes ! Je rappellerai simplement que la gauche a travaillé pendant deux ans sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, concevant la ville avec la mixité sociale, la mixité générationnelle, les déplacements, les services… Une loi complexe, excellente, qui est le support principal du bien vivre ensemble dans nos villes et dans nos villages. Et quand on fait une loi, on ne peut pas construire immédiatement les logements qui vont avec. Or, à peine avions-nous perdu les élections que la droite a cassé la loi SRU et il a fallu reprendre l’ouvrage sur le métier.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. François Brottes. Quant à votre bilan, monsieur Apparu, êtes-vous fier d’avoir siphonné le 1 % logement ? Êtes-vous fier d’avoir siphonné les fonds propres des logements sociaux ? Êtes-vous fier d’avoir augmenté la TVA du logement social ? Êtes-vous fier d’avoir construit 46 % de PLS,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Oui !

M. François Brottes. …des logements aux loyers inaccessibles, au point que personne ne va y habiter ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ils étaient prévus par la loi SRU !

M. François Brottes. Êtes-vous fier de la spéculation provoquée par la loi Scellier à cause de laquelle tant de logements sont vides ? Ce bilan n’est pas bon. Quant à la disposition que vous proposez, elle ne sert à rien et elle est dangereuse.

M. Marcel Rogemont. Tout à fait !

M. François Brottes. Il est important de retourner en commission. En effet, nous sommes en train de développer un urbanisme « hors pistes », nous faisons du bricolage.

M. Alain Cacheux. Évidemment !

M. François Brottes. Vous inventez une révision du PLU sans véritable enquête publique, sans commissaire enquêteur. Vous inventez des dispositions transitoires : la mesure va s’appliquer jusqu’au 1er janvier 2016 et dès l’instant qu’on en a fait la demande ; et le permis de construire sera accordé six mois, un an ou trois ans après – nous n’en savons rien. Vous créez là un nid à contentieux, un nid à recours.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. François Brottes. Vous inventez un dispositif qui va contrecarrer toutes les dispositions en vigueur en matière d’urbanisme. Et l’évaluation de son impact ne figure pas dans le rapport.

Aussi est-il est important qu’au cours des débats, vous nous indiquiez comment vous allez articuler votre projet avec le code de l’urbanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, premier orateur inscrit.

M. Marcel Rogemont. L’homme du marché !

M. Jean-Pierre Brard. Le centre introuvable !

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour examiner une mesure simple et pragmatique : une majoration des droits à construire de 30 %. Le chef de l’État l’a annoncé le 28 janvier dernier, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 8 février et l’objectif est clair : libérer l’offre de logement en France alors même que nous vivons un déséquilibre entre offre et demande.

Un sondage de l’IFOP paru en octobre dernier plaçait cette problématique au troisième rang des préoccupations de nos concitoyens, après la santé et le travail. Le sujet est donc d’importance. Près de la moitié des ménages consacrent entre 30 et 50 % de leurs revenus au logement. Trois Français sur quatre pensent qu’il est aujourd’hui difficile de trouver un logement répondant à leur demande. Le prix des loyers en est la grande cause.

Mais cela est loin de nous amener à penser qu’il faut bloquer les loyers – proposition un peu pathétique, je le répète –, comme l’estiment nécessaire nos collègues sur les bancs de gauche. Souvenez-vous de ce qui s’est passé en France en 1948. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Tout a été modélisé, appliqué. Quand on dit que c’est pathétique, ça l’est !

M. Jean-Pierre Brard. Vous pourriez renouveler votre vocabulaire !

M. Jean Dionis du Séjour. Les députés du Nouveau Centre estiment au contraire qu’il faut jouer sur l’offre de logement.

M. Marcel Rogemont. Nous aussi, mais une offre qui soit adaptée !

M. Jean Dionis du Séjour. Non, bloquer les loyers aura mécaniquement des effets pervers et ne résoudra rien. Au contraire, cela entraînera une diminution de l’offre sur le marché locatif et les propriétaires, soyez-en sûrs, s’ils voient leur rentabilité locative remise en cause, souhaiteront soit revendre leur logement, soit le garder pour eux, soit investir ailleurs. Cette proposition, somme toute assez parisiano-parisienne, il faut le souligner, aurait un seul effet : les investissements fuiraient le secteur du logement.

S’attaquer aux conséquences ne permettra pas de résoudre les causes du problème : dans les faits, encadrer les prix ne permettra pas d’offrir les logements supplémentaires dont ont besoin nos concitoyens ni d’enrayer la hausse des loyers.

Le Gouvernement fait le même constat que nous : celui d’un marché caractérisé par un déséquilibre, qu’il faut regarder en face, entre l’offre et de la demande. Un chiffre vient l’illustrer : en moyenne, depuis 1997, le nombre de logements construits annuellement est d’environ 370 000, soit moins de 75 % des besoins exprimés.

Comment, dès lors, satisfaire les 25 % manquants ? Le Gouvernement a choisi un outil parmi d’autres – agir sur l’offre. Le groupe Nouveau Centre soutient cette option.

Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande appelle des solutions nouvelles. L’OCDE, dans son rapport 2011 sur les objectifs de croissance, indiquait que pour agir sur l’élasticité de l’offre, il fallait ouvrir la voie à une simplification – et la disposition proposée est simple – des « procédures aujourd’hui trop complexes en matière d’octroi de permis de construire », qu’il fallait « favoriser la mise à disposition des terrains en renforçant les liens entre la valeur fiscale des biens immobiliers et la valeur du marché ».

Quel est le dispositif proposé ?

Je suis, comme beaucoup d’entre vous, maire et je vous assure qu’il ne remet en rien en cause le travail de préparation du PLU.

Mme Annick Lepetit. C’est faux !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela s’appelle une homothétie.

M. François de Rugy. Non, c’est plus compliqué qu’une homothétie, et vous le savez très bien.

M. Jean Dionis du Séjour. Dans les territoires concernés par un PLU, un POS ou un PAZ, le projet prévoit une majoration de 30 % des règles de constructibilité en matière de gabarit, de hauteur, d’emprise sur le sol ou de coefficient d’occupation des sols.

M. Marcel Rogemont. Parce que tout cela n’a pas été réfléchi dans les documents d’urbanisme actuels ?

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr, on y a réfléchi,…

M. Marcel Rogemont. Vous voulez dire que les maires y ont déjà réfléchi, monsieur Dionis du Séjour !

M. Jean Dionis du Séjour. …on propose uniquement de multiplier par 1,3 la constructibilité dans le cadre du PLU.

M. Marcel Rogemont. Et on détricote tout le PLU !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais vous pouvez zoner si vous le voulez, monsieur Rogemont ! Ne dites donc pas que cela détricote un PLU.

Bien sûr, et c’est normal – et votre honnêteté intellectuelle ne peut que vous inciter à le reconnaître –, cette majoration n’est pas retenue dans les secteurs sauvegardés ou les zones voisines des aéroports souffrant de nuisances sonores. Elle ne déroge pas non plus aux règles en matière de protection du patrimoine ou aux lois montagne ou littoral.

Ce qui prend à contre-pied les habitudes en matière d’urbanisme, c’est le choix délibéré en faveur de la densification. À un moment donné, il faut dire si l’on veut être sérieux avec le Grenelle de l’environnement. Nous, centristes, nous soutenons, depuis le début, le Grenelle de l’environnement, un urbanisme moins consommateur d’espaces naturels, moins consommateur de terres arables. Les lois « Grenelle » et la loi de modernisation agricole avaient présenté des dispositifs en la matière, qui s’inscrivaient dans une certaine cohérence. Il est bien que cette nécessité de densification soit désormais intégrée dans la loi.

M. Marcel Rogemont. Pourquoi pour trois ans seulement ?

M. Jean Dionis du Séjour. Nous le savons bien : tous les dix ans, c’est l’équivalent d’un département de zones naturelles qui est sacrifié à l’étalement urbain. Voulons-nous, oui ou non, prendre au sérieux la question de l’étalement urbain ?

Soyons clairs, la densification permettra de répondre à deux objectifs : la préservation des terres agricoles et la réalisation d’économies en matière de transports, d’équipements, de fonctionnement des services publics. En cette période de recherche d’économies de l’argent public à tous les niveaux, c’est là un argument que les maires que nous sommes peuvent entendre.

M. Marcel Rogemont. Parce que les maires ne le font pas habituellement ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je dis seulement que la densification va dans le bon sens.

L’article unique proposé entend donc renforcer de façon pragmatique et opérationnelle les possibilités de densification afin de pouvoir faire face à une demande toujours plus pressante. Ainsi, nous observons qu’est rendu possible, dans la limite de 50 %, le cumul de cette majoration avec les dépassements déjà votés par les communes ou les EPCI. Car ce sont bien les communes, voire les EPCI, qui ont la main en matière d’urbanisme et de PLU : de ce fait, elles seront totalement libres d’appliquer, de zoner, de sectoriser ou, à l’inverse, d’écarter cette possibilité ouverte par le texte.

Vous avez d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, répondu à une de mes questions lors de l’examen en commission des affaires économiques : oui, une commune membre d’un EPCI pourra décider, le cas échéant, de l’application ou non de cette majoration sur son territoire, car il existe des secteurs communaux dans un PLU intercommunal. Autrement dit, cette mesure pourra être sectorisée et sera bien gérée au niveau de la commune, même avec un PLU intercommunal. C’était un point important pour les élus locaux que nous sommes – la question avait d’ailleurs été posée par Jacques Pélissard et l’Association des maires de France.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Tout à fait.

M. Jean Dionis du Séjour. En un mot, la dynamique de ce texte est bonne. Elle s’inscrit dans une logique d’augmentation de l’offre, et nous vous proposerons, par amendement, d’aller encore un peu plus loin dans cet élan.

M. Marcel Rogemont. Jusqu’à 40 % ?

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons notamment présenté un amendement visant à réduire des délais dédiés aux fouilles archéologiques, que M. le secrétaire d’État a qualifié de cavalier. Nous ne pensons que du bien des fouilles archéologiques, mais il arrive parfois qu’elles traînent parfois en longueur.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est vrai.

M. Jean-Paul Lecoq. Elles manquent de personnels !

M. Jean Dionis du Séjour. Pour conclure, ce texte allie deux objectifs : créer de l’offre de logements, indispensable compte tenu de l’actuel déséquilibre entre l’offre et la demande, et préserver les ressources naturelles par la densification de la ville.

La complexité du droit de l’urbanisme et l’accumulation de règles sur chaque territoire entraînent des longueurs et des blocages qui ne permettent d’atteindre que trop lentement ces deux enjeux. Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, se veut simple et efficace ; ce ne sera qu’un des outils dans la boîte à outils dont disposent actuellement les élus locaux et l’administration, mais ce sera un outil utile et c’est pourquoi les députés centristes soutiendront ce texte.

M. Marcel Rogemont. C’est vrai que vous êtes nombreux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le caractère inacceptable de nos conditions de travail. Sachez que je partage le constat dressé par mon collègue Jean-Pierre Brard dans sa motion de renvoi en commission

Lors de son show télévisé du 29 janvier dernier, Nicolas Sarkozy, dans un de ces numéros d’acteur qu’il affectionne particulièrement, s’est offusqué des prix de l’immobilier, feignant de dénoncer une situation dont il s’exonérait d’ailleurs de toute responsabilité. Ce soir-là, monsieur le secrétaire d’État, vous avez reçu l’absolution.

En quelques minutes, le Président de la République a balayé d’un revers de manche tout rapport de causalité entre la situation actuelle du logement et les dix années de politique de droite marquées par les milliards d’argent public gaspillés à nourrir la spéculation immobilière.

M. Alain Cacheux. Ils n’y sont pour rien, c’est sûr !

M. François de Rugy. Comme pour le reste !

M. Jean-Paul Lecoq. Le Président a tout de même été contraint de reconnaître les difficultés rencontrées par nos concitoyens pour se loger.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. Jean-Paul Lecoq. Comment aurait-il pu faire autrement ? Les prix de l’immobilier ont flambé. Vous aurez beau jouer avec les chiffres, présenter des moyennes nationales en mettant sur le même plan la Lozère et la région parisienne,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est justement l’inverse !

M. Jean-Paul Lecoq. …comme c’est le cas dans l’étude d’impact que vous nous présentez, vous ne changerez pas le ressenti légitime des Français.

Nos concitoyens déplorent un renchérissement exorbitant du coût du logement. À Paris, les loyers ont doublé, les prix à la vente dépassent en moyenne les 10 000 euros au mètre carré. Plus aucun arrondissement n’est en dessous de 8 000 euros. Rendez-vous compte : un treize mètres carrés est vendu 130 000 euros à Paris, autant dire un montant inaccessible pour un smicard !

Face à cette situation, le Président de la République a sorti de son chapeau la majoration des droits à construire. Après la TVA anti-sociale, la remise en cause des 35 heures et la remise en cause aggravée du repos dominical, voilà le droit à construire ! Pas un mot sur le logement social, la loi SRU ou encore les aides à la pierre, rien, si ce n’est une ultime mesure de libéralisation de l’urbanisme.

Dès cette annonce, les ministres de l’écologie, du logement et du budget ont mobilisé tous leurs efforts pour démontrer l’extrême nécessité d’une telle mesure. Cette dernière serait « la » solution face à la pénurie de logements. Il n’y en aurait pas d’autres, et surtout pas le soutien au logement social !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est valable aussi pour le logement social.

M. Jean-Paul Lecoq. La majoration des droits à construire permettrait, selon les dires ministériels, de faire sortir de terre 40 000 logements. Ce serait, paraît-il, imparable.

Dès lors, une question me taraude : pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Si cette mesure est magique et apporte les réponses adéquates à la crise du logement, pourquoi ne pas l’avoir fait adopter en début de législature ?

M. Alain Cacheux. Très bonne question !

M. Jean-Paul Lecoq. La crise du logement ne date pourtant pas d’hier. Vous avancez, monsieur le secrétaire d’État, le chiffre de 40 000 logements. Or c’est en deçà des seuls objectifs de construction fixés par la loi du Grand Paris pour l’Île-de-France. C’est dire ! Qui plus est, cette estimation reste très fantaisiste. Pour s’en rendre compte, il suffît de se référer à l’étude d’impact. Les 37 000 logements seront atteints si – écoutez bien – 66 % des communes concernées appliquent cette majoration à 50 % des projets en l’utilisant à 100 % de ses capacités pour des habitations de 100 mètres carrés en moyenne. Avouez que cela fait beaucoup d’hypothèses successives et de conditions à remplir !

Dans leurs déclarations élogieuses, les ministres oublient bien vite de mentionner que le dispositif de majoration des droits à construire existe déjà pour le logement social et les logements à haute performance énergétique et que, dans les faits, cela n’a eu que très peu d’impact sur le volume de constructions. Pourquoi ? Tout simplement parce que la crise du logement dépasse la seule question de l’offre de logements. Elle pose la problématique des types de logements mis sur le marché et celle, ô combien significative en cette période, du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Or ce projet de loi ne pose à aucun moment la question de la qualité des logements qui seront construits, comme il s’exonère de toute réflexion sur les financements nécessaires.

Cela est particulièrement vrai pour le logement social. Aujourd’hui, la demande s’établit à 1,2 million de foyers. Le Gouvernement peut bien majorer les droits à construire, pas un HLM supplémentaire ne sortira de terre s’il maintient sa politique d’assèchement des finances publiques. En cinq ans, la baisse cumulée des aides à la pierre représente 1,3 milliard d’euros. Vous ne cessez de vous satisfaire des chiffres de la construction d’HLM. Mais ces lauriers que vous vous décernez, monsieur le secrétaire d’État, vous ne les méritez pas !

M. Alain Cacheux. Eh non !

M. Jean-Paul Lecoq. L’État ne finance plus qu’à hauteur de 4 % les programmes de construction de logements sociaux.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est faux !

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

M. Jean-Paul Lecoq. Toute votre action est marquée par la baisse des concours de l’État. Cela est très clairement mentionné dans l’étude d’impact, qui se rapproche plus des conclusions d’une convention UMP sur le logement que d’un travail administratif sérieux.

M. Alain Cacheux. Il faut bien le reconnaître.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est gentil pour les fonctionnaires qui y ont travaillé !

M. Jean-Paul Lecoq. Je cite : « La politique du logement doit moins reposer sur la dépense publique et davantage sur la libération de l’offre ».

M. Jean Dionis du Séjour. Mais oui !

M. Jean-Paul Lecoq. Tout un programme !

La majoration des droits à construire est une articulation d’une idée aussi simpliste qu’illusoire : il suffirait d’augmenter les capacités de construction pour stimuler l’offre de logements et faire baisser instantanément les prix. Cette approche libérale repose sur la théorie de l’offre et de la demande, défendue par Jean Dionis du Séjour,…

M. Alain Cacheux. C’est désolant de sa part !

M. Jean-Paul Lecoq. …et dont tous les exemples démontrent l’inexactitude.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ah bon ?

M. Jean-Paul Lecoq. Cette mesurette est un trompe-l’œil bien grossier. Au-delà des intentions affichées, nous ne sommes pas dupes de la manœuvre. Nous savons tous, sur ces bancs, que cette mesure n’est pas à la hauteur des enjeux de la crise et qu’elle n’est, en réalité, comme Jean-Pierre Brard l’a démontré, qu’un cadeau supplémentaire offert au secteur de l’immobilier, sans aucune contrepartie. Elle entraînera une succession d’effets d’aubaine, sans faire aucunement baisser les prix.

En commission, le secrétaire d’État a lui-même reconnu que cette mesure engendrera une hausse du prix du foncier, pourtant déjà à l’origine de la cherté des logements. Tous les acteurs de terrain, élus, bailleurs, promoteurs, citoyens, dénoncent l’inflation du foncier. Or le prix des terrains est fonction du prix de vente global du bien bâti sur sa surface. Accroître les droits à construire revient à augmenter le prix de vente global du programme et donc le prix du foncier.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Et donc, pour faire baisser les prix, il faut baisser les droits à construire ?

M. Jean-Paul Lecoq. Non, nous vous proposons d’encadrer, alors que vous, vous laissez le marché librement décider. Il ne s’agit pas, comme nous le fait dire Jean Dionis du Séjour, de tout geler, mais de réguler. Même dans votre camp, on utilise parfois ce verbe. Acceptez donc, quand il sort de nos bouches, de le considérer comme une solution, y compris lorsqu’il s’agit de lutter contre la spéculation immobilière.

Vos affirmations, monsieur le secrétaire d’État, laissent sous-entendre que, au mieux, les prix n’augmenteront pas, donc qu’ils ne baisseront pas non plus. Cependant, le plus probable est que, soumis à l’augmentation de la TVA sur la construction et aux risques liés à la crise économique, les promoteurs répercuteront cette hausse du foncier. L’augmentation des prix des terrains aura de lourdes conséquences pour les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Ces derniers verront le coût de leurs programmes fortement alourdi. Dans un contexte de désengagement financier de l’État, et même des banques qui ont du mal aujourd’hui à soutenir les futurs investisseurs, cette mesure réduira d’autant leurs capacités de construction de logements sociaux.

L’augmentation du prix du foncier sera d’ailleurs une aubaine pour l’État. La majoration des droits à construire a été accompagnée d’une autre annonce, beaucoup moins reprise par les médias : la vente par l’État de terrains sur lesquels pourraient être construits jusqu’à 100 000 logements : 384 terrains répartis sur 880 hectares seront mis directement sur le marché du foncier ou mis en location dans le cadre de baux emphytéotiques. Il n’a nullement été mentionné que ces terrains seraient laissés à la disposition des collectivités à des conditions préférentielles pour favoriser le logement social. Décidément, vous ne faites pas confiance aux maires ! L’État compte, au contraire, tirer une plus-value conséquente de leur vente. La hausse de 30 % du COS lui permettra d’engranger des sommes substantielles qui ne seront pas réinvesties dans le logement social. C’est d’un cynisme froid !

Vous le voyez bien, monsieur le secrétaire d’État, votre mesure sera, au mieux, un cadeau juteux offert aux promoteurs, au pire, une disposition contre-productive et inflationniste qui attisera la crise.

Pour toutes ces raisons, les député-e-s communistes, républicains, citoyens, du parti de gauche ne cautionneront pas cette manœuvre et voteront contre votre projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous discutons aujourd’hui est la traduction des annonces du Président de la République du 29 janvier dernier.

L’objectif poursuivi est louable, puisqu’il vise à encourager l’offre de logements et à poursuivre l’effort sans précédent que nous avons engagé en matière de construction – rappelons qu’entre 1997 et 2002, seulement 265 000 logements sociaux ont été construits alors que notre majorité en a fait sortir de terre près de 600 000.

Comme le Président de la République, nous voulons continuer à faciliter l’accès des Français au logement et soutenir l’activité du secteur de la construction. Vous-même l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État : chaque nouveau logement construit se traduit par la création de 1, 5 emploi.

Chacun le sait, il faut agir sur l’offre et construire plus pour habiter mieux. Chacun le sait, il faut encourager la transformation de bureaux en logements. Chacun le sait, il faut que pour un terrain, la possibilité de construire des logements neufs soit privilégiée tout en respectant le cadre de vie des uns et des autres.

Concrètement parlant, la possibilité de surélever des bâtiments collectifs existants ou d’agrandir des maisons va nécessairement répondre aux attentes de nombreuses familles.

Grâce à ce texte, en matière d’urbanisme, l’effet sur l’espace sera ainsi maîtrisé. La densification raisonnée va engendrer un urbanisme rationalisé et rentabiliser au mieux les équipements existants.

Dans cette période budgétaire serrée, le Gouvernement est plus que jamais soucieux des deniers de l’État. Ainsi, la dynamique enclenchée par ce texte repose sur des avancées normatives.

Le rapporteur l’a rappelé, le projet de loi va favoriser la construction en portant notamment de 20 % à 30 % la constructibilité dans le cadre d’agrandissement ou de construction de bâtiments à usage d’habitation, applicables dans les collectivités dotées d’un PLU, d’un POS ou d’un plan d’aménagement de zone.

Concrètement, et pour parler chiffres, cette mesure pourrait permettre de construire entre 20 000 et 40 000 logements supplémentaires par an pendant trois ans. Ce projet de loi a vocation à s’appliquer rapidement afin d’obtenir des résultats tout aussi rapides. Au total, ce seront près de 17 000 communes qui seront concernées.

Néanmoins, le principe de libre administration des collectivités locales est respecté avec une logique inversée de la preuve, et des limites : par exemple, la majoration ne sera pas applicable sur les territoires couverts par un plan d’exposition au bruit ni dans les secteurs sauvegardés. Les communes ayant déjà appliqué le dispositif de majoration des droits à construire en zone urbanisée pour construire ou agrandir un logement ne sont pas concernées.

Il reste possible, pour les communes, les EPCI ou les communes membres d’un EPCI, de délibérer contre l’application de cette majoration de 30 %, à la condition d’en informer le public préalablement et dans des délais précis. Les conséquences de la majoration devront ainsi être expliquées à la population. La commune ou l’EPCI conserve également la possibilité de revenir à tout moment sur son choix initial, soit pour écarter l’application de la majoration à tout ou partie de son territoire, soit pour l’y introduire.

Par conséquent, cette mesure vise avant tout à redynamiser la construction, mais de manière temporaire et jusqu’au 1er janvier 2016.

On l’observe, le dispositif est souple : il est possible aux communes ou groupements d’appliquer ou non la majoration de 30 % ou de n’appliquer le dispositif que sur une partie de leur territoire. À tout moment, il peut y être mis fin.

À ceux qui craignent une remise en cause des pouvoirs du maire, il faut répondre non : le maire a vocation à rester en première ligne.

De son côté, l’État montre l’exemple : afin de dynamiser la construction, il va libérer, entre 2012 et 2016, 1 500 hectares de terrains qu’il détient dont 880 hectares en Île-de-France afin d’y construire des logements. Le recours proposé aux baux emphytéotiques de longue durée va également dans le bon sens.

Compte tenu des garde-fous mis en place avec le dispositif, le groupe UMP soutiendra ce projet de loi original et pragmatique…

M. Alain Cacheux. Original, ça c’est vrai !

M. Gérard Gaudron. …qui instaure un dispositif souple laissant aux maires et aux présidents d’EPCI la faculté de majorer jusqu’à 30 % la constructibilité là où elle est souhaitable et souhaitée.

L’objectif de ce texte est ambitieux, et contrairement à ce que certains ont pu dire en commission des affaires économiques, ce projet de loi n’est ni un bidule ni un gadget : c’est une opportunité offerte aux collectivités.

Chacun sur ces bancs partage l’objectif de construire plus de logements. Il serait donc bienvenu, en cette fin de législature, que ce texte fût adopté à l’unanimité.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Excellente idée !

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Marcel Rogemont. Écoutez bien, monsieur le secrétaire d’État, je crains que ce ne soit une autre chanson !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je suis tout ouïe !

M. Alain Cacheux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne passerai pas trop de temps à analyser le projet de loi objet de notre discussion de ce soir. C’est une mesure d’affichage, pour donner l’impression que l’on répond à une des préoccupations essentielles des Français, le logement, dont les très hypothétiques effets bénéfiques ne se produiront qu’à très long terme, mais dont les inconvénients seront immédiats : augmentation du prix des terrains, particulièrement pour le logement social, augmentation du prix des biens immobiliers, dans la mesure où les propriétaires ne manqueront pas d’intégrer cette potentialité d’augmentation de la constructibilité pour réévaluer la valeur de leur bien.

C’est une mesure technocratique, qui méconnaît les réalités de l’urbanisme au niveau local, bien d’autres l’ont dit depuis le début de notre débat. Elle est critiquée par les professionnels de l’immobilier qui l’estiment inefficace et inflationniste, dénoncée par un certain nombre d’élus locaux et soutenue du bout des lèvres par les députés UMP connaisseurs de ce secteur.

C’est une mesure gadget, à ranger dans le même rayon que la maison à 15 euros par jour de Mme Boutin.

M. Marcel Rogemont. Encore une mesure qui n’a pas fait long feu !

M. Alain Cacheux. Monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez vraiment voulu vous attaquer à la crise du logement, vous auriez proposé de toutes autres mesures.

D’abord, une politique constante depuis cinq ans et pas une mesure de dernière minute, vous qui n’avez cessé de changer en permanence, depuis la déductibilité des intérêts d’emprunt – qui a surtout profité aux classes supérieures –, supprimée au bout de trois ans mais qui aura tout même coûté 4,5 milliards d’euros, en passant par l’élargissement du Prêt à taux zéro à tous les demandeurs, sans conditions de ressources, sur lequel vous êtes à nouveau revenu au bout de deux ans,sans oublier la suppression du « Pass foncier » qui aidait véritablement l’accession sociale.

Vous auriez dû également, dès le début de la mandature, proposer une grande loi d’orientation foncière, seule capable de combattre la rente foncière et la rétention des terrains ; malheureusement, vous en êtes resté à des mesures anecdotiques.

Vous auriez surtout dû réorienter les aides de l’État en direction du logement social qui correspond aux besoins et aux moyens financiers de la grande majorité de ceux qui sont victimes de la crise. Si l’on prend les comptes du logement de 2009, dernière année pour lesquels ils sont disponibles, sur 37,4 milliards d’euros de dépenses publiques, seuls 32 % vont au locatif HLM…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Quelle proportion du parc représente-t-il ?

M. Alain Cacheux. …quand 35 % vont aux autres opérateurs locatifs et 33 % aux propriétaires occupants.

Au lieu d’aider plus nettement le locatif social, vous avez drastiquement réduit les aides à la pierre, passées de plus de 800 millions d’euros en 2008 à moins de 400 en 2012…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous disiez 32 % de 37 milliards il y a deux minutes, et maintenant 800 millions, il faudrait savoir !

M. Alain Cacheux. …et vous y avez ajouté le relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 7 % qui coûte 225 millions d’euros aux organismes d’HLM et décidé d’un prélèvement de 245 millions d’euros qui touchent surtout les offices publics.

Vous avez pillé le 1 % logement pour financer l’ANAH et l’ANRU, soit plus de 800 millions de crédits budgétaires supprimés.

S’agissant de l’ANRU, et de ses 12 milliards de subventions, la convention initiale prévoyait un financement à moitié-moitié, entre l’État et l’UESL. Vous avez abandonné la contribution de l’État et le bilan à la fin de 2011 est très édifiant. Sur les 5,2 milliards d’euros perçus par l’ANRU : 3,4 milliards d’euros ont été pris sur le 1 % logement. L’État a versé 1,2 milliard et les organismes d’HLM, 500 millions.

Aujourd’hui, l’UESL est incapable de financer le locatif social comme elle l’a toujours fait et elle a supprimé le Pass foncier. La Foncière Logement est en grande difficulté, et tous les maires ont reçu de sa part un courrier annonçant la suspension des opérations.

Vous avez instauré largement, puis restreint le dispositif Scellier, avantage fiscal sans la moindre contrepartie sociale, permettant aux catégories aisées de se constituer un patrimoine immobilier, et qui pèsera lourd sur les finances publiques pendant de nombreuses années.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Comme le Besson, que nous n’avons pas fini de payer !

M. Alain Cacheux. J’arrêterai là cette brève énumération que je pourrais continuer encore longtemps.

Vous mettez en avant l’augmentation du nombre de logements sociaux construits depuis cinq ans, mais ce sont les collectivités locales, que par ailleurs vous bridez, et les organismes HLM que vous ponctionnez, qui ont payé : vous n’y êtes pas pour grand-chose. Et quand vous prétendez, lors de la réunion en commission, avoir démontré que vous pouviez faire plus avec moins d’argent, ce n’est pas vrai. Ce sont d’autres qui ont payé : les organismes d’HLM sur leurs fonds propres et les collectivités locales.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. À quoi servent les fonds propres ?

M. Alain Cacheux. Mais ils ne sont pas inépuisables, les fonds propres ! Et vous les avez largement ponctionnés !

M. le président. Écoutons M. Cacheux conclure.

M. Alain Cacheux. Je vais conclure, monsieur le président, mais M. le secrétaire d’État ne cesse de m’interrompre.

M. le président. Je le reconnais. D’ordinaire, ce sont plutôt les parlementaires…

M. Alain Cacheux. Seules les propositions qu’a développées Jacqueline Maquet et que reprend notre candidat à l’élection présidentielle en matière de logement peuvent permettre de sortir à terme de la crise profonde dans laquelle nous sommes.

Nous allons profiter de ce débat pour les détailler et les rappeler sans nous attarder exagérément sur votre mesure d’affichage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’était décevant, de la part d’un si bon connaisseur !

M. Alain Cacheux. J’ai gardé quelques munitions pour nos débats, ne vous inquiétez pas !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté ce soir répond à l’une des principales sources de préoccupation des Français…

M. François Brottes. Le travail du dimanche !

M. Richard Mallié. La question du logement. Eh oui, même le dimanche, il faut se loger !

La question de « son » logement est un sujet d’inquiétude, que l’on soit locataire ou propriétaire.

Aujourd’hui nos compatriotes dépensent en moyenne plus de 20 % de leurs revenus pour se loger. D’une préoccupation familiale, le logement est devenu une question globale que les Français posent fréquemment aux responsables politiques.

Depuis 2007, le Gouvernement a apporté de nombreuses réponses. Il a tout d’abord encouragé l’accession à la propriété, avec notamment le PTZ+ : depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, ce sont 400 000 ménages supplémentaires qui sont devenus propriétaires.

M. Marcel Rogemont. Où en est le PTZ+ maintenant ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous verrez son bilan dans quelques jours !

M. Richard Mallié. Par ailleurs, nous avons fortement augmenté l’offre de logements sociaux. Entre 2007 et 2011, le gouvernement a financé 600 000 logements sociaux…

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le Gouvernement qui les a financés !

M. Richard Mallié. …soit le double du nombre de logements sociaux construits pendant la mandature de Lionel Jospin.

Nous sommes également en avance sur les dispositions de la loi SRU puisque les deux tiers des communes ont dépassé leurs objectifs de construction.

Indépendamment de cela, l’État a mis 12 milliards d’euros dans le cadre du plan national de rénovation urbaine pour restructurer 500 quartiers prioritaires, concernant plus de 4 millions de personnes.

Ceci étant, il est difficile de rattraper en quelques années ce qui n’a pas été fait pendant des décennies.

Familles éclatées, allongement de la durée de la vie, augmentation du nombre d’étudiants quittant le domicile de leurs parents, ce sont autant d’évolutions de la société dont les conséquences n’ont pas été anticipées.

En effet, aujourd’hui 9 millions de Français, soit 15 % de la population, occupent seuls leur logement. Ce sont 2 millions de plus qu’en 1990. Il est politiquement incorrect de le dire, mais ce constat explique en grande partie la pénurie de logements dont souffre notre pays.

La situation de notre parc est telle qu’il est nécessaire d’accroître de façon encore plus forte l’offre de logements dans notre pays.

Que diable, me direz-vous, pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?

M. Marcel Rogemont. En effet !

M. Richard Mallié. Mes chers collègues, je crois que depuis quatre ans et demi…

Mme Annick Lepetit. Dix ans !

M. Richard Mallié.… nous avons œuvré sans cesse. Certains trouvaient même que nous en faisions trop ! Les mêmes qui, aujourd’hui, nous disent qu’il fallait le faire avant. Quelle cohérence, mes chers collègues !

C’est la raison pour laquelle le projet de loi que nous examinons aujourd’hui présente une mesure extrêmement importante pour réorienter notre politique du logement.

Cette mesure consiste à autoriser 30 % de mètres carrés en plus sur l’ensemble des terrains et des constructions existant aujourd’hui. Cette constructibilité supplémentaire va accroître de facto l’offre de logements et permet également de l’orienter.

À PLU constant, là où l’on pouvait construire cent logements, l’on pourra en construire cent trente demain et ce, pendant trois ans.

Avec cette mesure, la question sous-jacente qui est posée est celle de la densification. Sur ce sujet, il faut raison garder, car la densification n’est pas le mal absolu tant qu’elle est maîtrisée, concertée, raisonnée.

M. Jean Dionis du Séjour. Et souhaitable !

M. Richard Mallié. Cette mesure évite avant tout le gaspillage du foncier, bien public qui n’est pas infini. Face à la crise du logement, l’espace devient une ressource rare qu’il faut optimiser.

De plus, ces 30 %, qui sont d’application immédiate, donneront du travail au secteur du bâtiment et donc des emplois aux Français.

Cette disposition soutiendra la croissance et pèsera sur les prix. On obtiendra enfin ce que connaissent les autres pays européens : une baisse des prix de l’immobilier.

Enfin, ayons confiance dans les élus locaux. Tout d’abord, en ma qualité d’ancien maire, je pense qu’il est important de réaffirmer la garantie de la liberté d’administration des communes. Lorsque j’étais maire de Bouc-Bel-Air, la majorité de notre territoire communal était composée d’espaces pavillonnaires. Cette réalité posait problème, notamment pour les jeunes, qui voulaient de plus petits logements, et pour les personnes âgées, qui me demandaient des logements collectifs ou semi-collectifs.

Je me suis donc efforcé, pendant de nombreuses années, de réaliser cette évolution dans ma commune. Les maires savent où se trouve l’intérêt de leurs habitants : s’il manque des logements, ils sauront être responsables, appliquer cette mesure et passer outre les conservatismes.

M. Jean-Paul Lecoq. Exactement !

M. Richard Mallié. Les communes qui voudront refuser cette possibilité en auront le droit, et cela devra faire l’objet d’une délibération explicite du conseil municipal pour en refuser la possibilité.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est tout à l’envers !

M. Richard Mallié. La question de l’offre de logement est une question essentielle qui touche avant tout à la vie quotidienne de nos concitoyens. Ce projet de loi permet d’y apporter une réponse concrète, juste et pertinente. C’est pourquoi, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un mois, le Président candidat promettait des mesures extrêmement puissantes.

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

Mme Annick Lepetit. C’était, je crois, juste après le sommet social.

Nous nous retrouvons ce soir dans cet hémicycle pour en débattre, et l’on a bien du mal à identifier où ce trouve cette fameuse puissance.

M. Richard Mallié. Parce que 30 %, ce n’est pas grand-chose ?

Mme Annick Lepetit. Le seul article qui compose la huitième loi sur le logement en dix ans propose une majoration de 30 % des droits à construire sur les terrains couverts par un document d’urbanisme.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est la première loi en trois ans !

Mme Annick Lepetit. Finalement, monsieur le secrétaire d’État, vous ne faites qu’étendre à tous les logements des dispositifs qui existaient déjà pour les logements sociaux et les plus performants en termes d’économie d’énergie.

Soit, vous allez faire plaisir aux personnes qui désiraient agrandir leur maison. Mais vous allez également pousser les prix des terrains à la hausse. Un certain nombre de professionnels du logement et de l’urbanisme vous l’ont dit.

M. Richard Mallié. C’est eux qui poussent les prix du foncier !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. On vendra plus de logements !

Mme Annick Lepetit. La crise du logement qui touche notre pays depuis une dizaine d’années n’a jamais été aussi violente. Pensez-vous la résoudre en rajoutant des vérandas aux pavillons ?

M. Richard Mallié. Ou des studios pour les belles-mères !

M. Alain Cacheux. C’est la véranda qui cache la forêt !

Mme Annick Lepetit. Devant l’ampleur de la situation et la faiblesse de votre projet de loi, je ne parlerai pas plus longuement. Ce texte démontre une incapacité non seulement à répondre à la crise, mais tout simplement à prendre conscience de sa gravité. Il témoigne également d’une certaine forme de mépris pour la situation dramatique que subissent près de 4 millions de personnes mal logées et pour tous ceux qui ne trouvent pas de logement correspondant à leurs revenus.

Si la situation n’a fait que se dégrader, c’est en grande partie à cause de la politique que vous avez menée depuis dix ans. Certes, il ne s’agit pas de vous personnellement, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Jean-Paul Lecoq. Quoique !

Mme Annick Lepetit. …mais de vos prédécesseurs et de cette majorité qui vous soutient.

La solution ne peut passer que par la production massive de logements adaptés aux besoins et aux moyens des personnes.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. On est d’accord !

Mme Annick Lepetit. Si vous êtes d’accord, pourquoi ne le faites-vous pas ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. On l’a fait, regardez les chiffres !

Mme Annick Lepetit. Pour une grande partie de la population, seuls les logements sociaux correspondent à ces critères. Mais depuis cinq ans, vous vous êtes attaqués à ce secteur comme jamais.

Je voudrais d’ailleurs rétablir quelques vérités à ce sujet. Lors des questions d’actualité du 1er février dernier, vous m’avez répondu que ce Gouvernement avait construit 600 000 logements sociaux sur la mandature.

M. Richard Mallié. Cela vous ennuie ?

Mme Annick Lepetit. Il serait plus juste de dire que ces logements ont été construits malgré l’action du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Les bons résultats sont pour vous et les mauvais pour nous !

Mme Annick Lepetit. Malgré vos ponctions sur les organismes HLM, soit 245 millions d’euros pris dans la poche des locataires en 2011 et en 2012. Malgré l’étouffement du 1 % que vous organisez depuis la loi Boutin, ce sont près de 4 milliards d’euros qui ont ainsi été ponctionnés en trois ans.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est le club des « malgré nous » !

Mme Annick Lepetit. Malgré la baisse drastique des aides à la pierre, passées de 800 millions d’euros en 2008 à 450 millions d’euros cette année. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Dont 25 % pour la ville de Paris !

M. Jean-Pierre Dufau. Ils continuent !

Mme Annick Lepetit. Pour un logement social classique de type PLUS, par exemple, elles étaient de l’ordre de 7 000 euros en 2001 mais ne sont plus que de 600 euros dans le budget 2012, monsieur le secrétaire d’État.

M. Alain Cacheux. C’est pour les cigarettes !

Mme Annick Lepetit. Les aides à la pierre devraient être un atout essentiel dans le financement des programmes de logements, mais à cause de vous elles deviennent de plus en plus accessoires.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Pourquoi ne parlez-vous pas des aides fiscales ?

Mme Annick Lepetit. Ce désengagement financier de l’État, cette désertion en pleine bataille, a poussé les bailleurs et les collectivités locales à investir davantage pour compenser. Aujourd’hui ce sont eux qui portent le logement social à bout de bras. Tel le coucou qui se niche dans le nid des autres, vous ne faites que vous vanter de résultats qui ne sont pas les vôtres.

M. Richard Mallié. Oh ! Pour qui vous prenez-vous ?

Mme Annick Lepetit. Notre priorité, c’est la construction de logements accessibles au plus grand nombre. Cela passera notamment par la libération du foncier de l’État. Nous sortirons de votre gestion quelque peu schizophrène qui vous a poussé à vendre des terrains publics le plus cher possible, participant ainsi à l’emballement du marché et empêchant de se réaliser plusieurs opérations.

M. Alain Cacheux. Oui !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous voulez parler des enchères de la ville de Paris ?

Mme Annick Lepetit. Vous souhaitez peut-être parler du logement social dans la ville de Paris, monsieur le secrétaire d’État ? On en parlera.

M. le président. Veuillez conclure, madame Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Cette crise du logement sans précédent est une conséquence de votre incapacité à appréhender la réalité du problème.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ben voyons !

Mme Annick Lepetit. Je ne peux pas terminer, monsieur le président.

M. Alain Cacheux. Nous sommes bâillonnés !

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, écoutons la conclusion de Mme Lepetit, s’il vous plaît.

Mme Annick Lepetit. Je conclus, monsieur le secrétaire d’État, ne vous impatientez pas.

Il est temps d’en répondre devant les Français, et ce ne sont pas quelques pirouettes sémantiques ou des textes aussi vides que ce projet de loi, qui feront oublier que le logement est sans aucun doute, et depuis déjà dix ans, l’un des plus graves échecs de votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Gérard, rapporteur. C’est donc grâce à vous si le bilan est bon !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le logement est un double pilier de notre société, par ses aspects sociaux et par sa place dans notre économie.

Il peut jouer le rôle d’ascenseur social auquel légitimement chacun aspire, mais il peut être aussi un facteur discriminant.

M. Jean-Pierre Dufau. Eh oui !

M. Jean-Pierre Nicolas. Les difficultés des ménages à se loger tiennent à la hausse des prix immobiliers. Entre 2000 et 2011, alors que la masse des crédits au secteur immobilier progressait beaucoup plus vite que la construction, les prix des logements anciens ont augmenté de 117 %, notamment en Île-de-France, avec 138 % de hausse entre 2000 et 2011, et à Paris intra-muros, avec 186 % de hausse.

M. Alain Cacheux. Mais le Gouvernement n’y est pour rien !

M. Jean-Pierre Nicolas. Sur la même période, le revenu des ménages n’a augmenté que de 26 %. Cette situation explique le déséquilibre structurel entre offre et demande dans certaines zones dites tendues du territoire.

Quant aux loyers, de 2000 à 2011, ils ont augmenté de 35 % en France métropolitaine.

Le prix moyen des terrains à bâtir a été en hausse constante sur la période 2006-2010, avec une progression de 31 %.

M. Jean-Pierre Dufau. Quel réquisitoire !

M. Jean-Pierre Nicolas. Ce constat se double d’un autre constat : la demande de logements sociaux est actuellement de 1,2 million. Parmi ces personnes 400 000 occupent déjà un logement social. Il nous revient donc la mission de combler le déficit de 800 000 logements sociaux.

Cette situation est la conséquence directe de l’atonie de la construction du logement social au début des années 2000. Alors que la situation économique était satisfaisante, il se construisait 50 000 logements sociaux en moyenne par an.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Jean-Pierre Nicolas. Bien que depuis 2002 le rythme ait considérablement augmenté pour être voisin de 148 000 en 2009 et 2010, le déficit n’est pas encore complètement résorbé.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est grâce à eux !

M. Jean-Pierre Nicolas. Si l’on ajoute à cette situation la suppression du dispositif Scellier à compter du 1er janvier 2013, la nécessité de prendre des mesures rapides, souples et peu consommatrices de finances publiques, compte tenu de leur état, s’impose.

C’est l’objet de ce projet de loi qui répond à une logique implacable.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est l’épargne des Français !

M. Jean-Pierre Nicolas. Pour faire face à l’inflation du prix des loyers, il convient de relancer la construction pour augmenter le nombre de logements et non encadrer le prix des loyers, comme le proposent certains.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Très bien !

M. Jean-Pierre Nicolas. Comme l’indique Gérard Collomb, maire de Lyon, cela aurait des conséquences catastrophiques pour l’économie de notre pays.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Enfin quelqu’un de lucide au parti socialiste !

M. Jean-Pierre Nicolas. En outre, relancer la construction de logements participera à la lutte contre le chômage, puisque chacun sait que la construction d’un logement génère un emploi et demi.

L’architecture générale de ce projet de loi est de bon sens, puisqu’il s’agit d’augmenter l’offre de logements sans augmenter la dépense publique, de densifier les constructions sur le territoire et de favoriser un mécanisme moins consommateur d’espace, permettant ainsi de limiter les déplacements et de rentabiliser les équipements existants.

Il s’agit aussi de favoriser les économies d’échelle en permettant par exemple la transformation de bureaux en logements de manière à améliorer l’équilibre financier des opérations réhabilitées.

De plus, en permettant la surélévation des bâtiments collectifs existants et l’agrandissement des maisons individuelles par ajout de surface, ce texte permet de répondre à l’évolution de notre société dans laquelle l’accroissement des familles recomposées est notoire tandis que les besoins d’adaptation des logements pour le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile vont eux aussi grandissants.

Outre son bon sens évident, ce projet de loi est pragmatique puisque la majoration de 30 % des droits à construire sur les collectivités locales disposant d’un POS ou d’un PLU n’impacte pas, bien sûr, les terrains non constructibles, ce qui empêchera toute spéculation.

Elle ne prévaut nullement sur les diverses servitudes en vigueur concernant notamment la protection du patrimoine architectural, les plans de prévention des risques ou encore les plans de prévention des risques d’inondation.

Ce bon sens et ce pragmatisme se retrouvent dans une disposition fondamentale à mon sens, celle qui respecte la libre administration des collectivités locales qui peuvent, par délibération, ne pas l’appliquer sur tout ou partie de leur territoire. C’est la liberté totale.

Ce texte participe donc à la concrétisation de l’objectif d’accroissement de l’offre de logement dont certaines dispositions ont déjà démontré leur pertinence, telles les cessions de foncier public ou encore la vente de sites publics alors qu’ils sont encore occupés par les services, et la possibilité pour l’État de louer ses terrains sur une très longue durée pour permettre la construction de logements locatifs qui, à terme, lui reviendront gratuitement.

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, ce texte confirme, et je vous en félicite, la volonté de multiplier les dispositifs avec un double but : accroître sensiblement l’offre de logement dans une démarche sociale apportant sa contribution au développement économique de notre pays. J’y souscris tout à fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Présenté à la va-vite et sans aucune concertation comme l’ultime solution permettant d’apporter des réponses à la crise du logement en France, ce projet de loi se caractérise avant tout par son inefficacité. Qui plus est, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez accompagné d’une étude d’impact fantaisiste sans grands liens avec la question, et vous laissez entendre que des consultations auraient été menées avec les élus et les associations notamment environnementales – ce qui n’est pas la vérité !

Tout porte à croire que ce texte, censé faire baisser les tarifs, devrait au contraire bénéficier aux spéculateurs de l’immobilier et contribuer à la flambée des prix, notamment du foncier – dont nous venons d’apprendre que c’est un bien public !

À travers la mesure proposée par ce texte, vous cherchez à résoudre la crise du logement sans dépenser un centime d’euro. Si nous sommes tous conscients de l’état de nos finances publiques, on peut alors se demander la raison pour laquelle vous continuez à financer massivement les dispositifs de défiscalisations, tels que le Robien, le Scellier ou encore le Borloo…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Et le Besson !

Mme Frédérique Massat. …qui, entre 2009 et 2012, auront coûté près de 3 milliards d’euros à l’État sans bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin, puisqu’ils sont totalement dépourvus de contreparties sociales.

Candidat du pouvoir d’achat en 2007, Nicolas Sarkozy a néanmoins choisi clairement de privilégier la rente foncière et immobilière. À l’heure actuelle, les catégories sociales les plus modestes sont les plus touchées par la pénurie de logements. La déconnexion entre l’offre et la réalité de la demande est flagrante : la construction de logements sociaux et très sociaux n’a représenté en 2008 que le quart de la construction des logements accessibles sous plafond de ressources.

Pourtant, l’état des lieux est sans appel : au cours de ces dix dernières années, le logement est devenu de plus en plus cher sur l’ensemble du territoire, au détriment du pouvoir d’achat des Français. Le prix du logement dans l’ancien a augmenté de 135 %, et celui du neuf de 95 %. Quant aux loyers du secteur privé, ils ont subi une hausse de 40 %.

De plus, l’injustice de la politique mise en œuvre par ce Gouvernement a aggravé les inégalités au profit des plus aisés. Il convient de rappeler qu’à l’heure actuelle, 10 % des Français les plus riches possèdent 48 % du patrimoine en France, alors que seulement 50 % des Français les plus modestes n’en possèdent que 7 %.

Par ailleurs, élue d’un territoire rural, je souhaiterais rappeler que si les problématiques auxquelles nous sommes confrontés ne sont pas les mêmes que celles rencontrées dans les villes, elles nécessitent toutefois une attention particulière. Nous sommes notamment confrontés à une véritable pénurie d’offre locative, dans le parc locatif privé comme dans le parc public. Qui plus est, si la plupart des résidences principales sont composées de maisons individuelles, bon nombre d’entre elles sont insalubres et ne disposent pas du confort minimal. Ainsi, en Ariège, 27 % des résidences principales n’ont pas de chauffage.

M. Jean-Pierre Dufau. Ils se chauffent à la bougie ! Allez vivre en Ariège, monsieur le secrétaire d’État !

Mme Frédérique Massat. Ce à quoi vient s’ajouter la désaffection des centres anciens. Perçus négativement, ils se vident de leurs habitants, et nous nous retrouvons confrontés au problème des logements vacants, auquel votre texte n’apporte aucune solution.

En outre, on recense de nombreux propriétaires qui ne peuvent plus faire face aux dépenses de rénovation et d’entretien de leur habitation. Mal isolées, ces maisons sont de véritables gouffres énergétiques : la précarité énergétique touche de plus en plus de gens, notamment en zone rurale.

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, quels que soient les territoires, personne n’échappe aux difficultés de logement. C’est pourquoi, plutôt que de nous présenter une énième loi qui, pas plus que les précédentes, n’améliorera la situation, il est temps de proposer une véritable politique du logement.

Le logement n’est pas un bien de consommation courante. Il ne doit pas être laissé au libre mouvement de la loi du marché. Jamais le seul jeu de l’offre et de la demande ne permettra de construire une politique du logement répondant aux impératifs que nous impose le pacte républicain. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons pas voter votre texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Quel dommage !

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Georges Mothron.

M. Georges Mothron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le Président de la République, comme le Gouvernement, se démène depuis 2008 pour amortir les méfaits de la crise centenaire…

M. Marcel Rogemont. C’est comme la crue centenaire !

M. Georges Mothron. …qui s’est abattue sur le monde occidental et, par ricochet, sur les pays émergents.

De nombreuses réformes ont été votées dans ce parlement pour contenir ses répercussions sur l’emploi. C’est ainsi que le Président de la République nous soumet le projet de loi dont nous sommes en train de débattre.

M. Jean-Pierre Dufau. En fait de débattre, il s’agit plutôt d’abattre, de démolir !

M. Georges Mothron. L’idée d’ouvrir la possibilité aux collectivités d’augmenter de 30 % les droits à construire va dans le sens du coup de fouet au marché de la construction.

M. Marcel Rogemont. Il n’y a pas besoin de cela pour que les élus réagissent.

M. Georges Mothron. Par résultante, la création d’emplois non délocalisables doit advenir.

L’idée est bonne mais peut, dans certains cas et certains endroits, devenir vicieuse. Cela ne m’arrive pas souvent, mais je vais reprendre un peu les propos de mon camarade Brard. C’est mon vécu d’élu local qui me fait vous mettre en garde, monsieur le secrétaire d’État : il ne faudrait pas que cette loi soit détournée en bétonnage à tous crins.

M. François de Rugy. Eh oui !

M. François Brottes. Ce serait encore pire !

M. Alain Cacheux. On sent des réticences !

M. Georges Mothron. Maire d’Argenteuil, j’avais fait voter en 2007 à la quasi-unanimité, opposition comprise, un PLU basé sur les gabarits.

M. Jean-Pierre Dufau. Sur gabarit, oui ; hors gabarit, non !

M. Georges Mothron. Deux ans plus tard, mon successeur et opposant faisait voter une modification de ce PLU qui aboutissait notamment à accroître la hauteur des immeubles de 70 % et faire passer l’emprise au sol de 40 % à 60 % du foncier. Cette pseudo-modification conduisait non pas à augmenter des droits à construire de 30 %, comme vous le proposez aujourd’hui, mais de 100 %. Le tribunal administratif, deux ans plus tard, nous a donné raison en constatant qu’il ne s’agissait pas d’une modification…

M. Jean-Pierre Dufau. Une optimisation !

M. Georges Mothron. …mais bien d’une révision du PLU. Il est vrai qu’il était plus aisé de passer en force une modification, qui nécessite moins de consultation des habitants qu’une révision… Nous le savons tous ici.

Bref, le PLU de 2007 s’applique à nouveau et l’équilibre collectif et pavillonnaire a assez souffert pendant deux ans de ces lenteurs juridiques. Je ne voudrais pas que le projet de loi qui nous occupe ce soir soit une nouvelle fenêtre de tir à des édiles sans vergogne tentés par un bétonnage intempestif.

J’appelle donc votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur l’application de cette loi aux PLU traités en gabarit. Il convient de bloquer dans ce cas soit la surface d’emprise, soit les hauteurs de construction. C’est dans ce but que je présenterai des amendements qui permettraient à votre projet de répondre à nos vœux sans donner libre cours aux abus bétonneurs.

Fort de ces prises en compte, je voterai ce texte qui facilitera de nouvelles constructions, et donc la création de nouveaux emplois.

M. Alain Cacheux. C’est ce que l’on appelle de la conviction ! Quel élu enthousiaste !

M. Jean-Pierre Dufau. Méfiez-vous de vos amis, monsieur le secrétaire d’État !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà réunis aujourd’hui pour examiner un projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, annoncé par le Président de la République le 29 janvier dernier. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour se réveiller sur une question aussi importante que celle du logement !

Dans quelles conditions ? Avec quelle urgence ? Encore une fois dans le mépris du travail des parlementaires !

M. François de Rugy. Et des élus locaux !

M. Marcel Rogemont. Voilà une mesure qui aurait pu trouver sa place dix fois, huit fois au moins puisque certains collègues ont pu le rappeler puisque huit lois ont été votées sur le logement, mais cela n’a pas été le cas. Ce n’est pas faute de vous avoir interpellé sur cette question du logement. Nous l’avons encore fait en décembre 2011, sans obtenir de réponse à la hauteur des enjeux. Et voilà que deux mois après, la question devient urgente. Probablement est-ce dû à l’arrivée des prochaines élections… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Cacheux. Oh non !

M. François de Rugy. Quel mauvais esprit !

M. Jean-Pierre Dufau. C’est le peuple qui le réclame, voyons !

M. Marcel Rogemont. Mais si, mes chers collègues, osons le dire !

Il s’agit d’autoriser la majoration des règles de constructibilité applicables dans les collectivités dotées d’un PLU, d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan d’aménagement de zone, autrement dit, de bousculer un dispositif dont chacun sait, un de nos collègues en parlait tout à l’heure, qu’il est de plus en plus soumis à une judiciarisation intempestive de la part de nombreuses personnes. Au bout du compte, il s’agit seulement d’un coup d’éclat pour occuper, éventuellement, l’espace médiatique.

Cette disposition, selon les termes du président-candidat, est censée développer l’offre de logements et faire baisser les prix. Mais suffit-il d’augmenter les possibilités de construire pour produire plus et, ainsi, dans le monde fabuleux des tenants de l’idéologie libérale, infléchir les prix ?

M. Jean-Pierre Dufau. Produire plus pour gagner plus !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cela peut aider.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le cas.

Qui plus est, cette mesure est une accusation à destination des élus locaux, soupçonnés de ne pas vouloir construire, en permettant des dérogations aux règles des PLU et aux règles de concertation liées à l’élaboration des documents d’urbanisme. Les élus sont responsables : quand ils veulent construire davantage, ils le décident.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Pourquoi avez-vous fait la loi SRU s’ils sont si responsables ?

M. Marcel Rogemont. Nous y reviendrons tout à l’heure sur la loi SRU.

M. Alain Cacheux. Excellente loi !

M. Marcel Rogemont. Vous accréditez l’idée qu’en donnant un droit à construire supplémentaire – à qui ? Essentiellement à des promoteurs privés –, vous allez résoudre la crise du logement. Il est vrai que vous annoncez dans l’étude d’impact que la politique du logement doit reposer moins sur la dépense publique et davantage sur la libération de l’offre. Pourtant, vous savez que les logements qui pourraient sortir de votre mesure seront, en fait, destinés aux seules classes aisées de la population.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Pourquoi les bailleurs sociaux ne pourraient-ils pas le faire aussi ?

M. Marcel Rogemont. Car plus de droits à construire ne réduit pas le coût de la charge foncière. Il existe une corrélation forte entre le coût de la charge foncière et le droit à construire.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ce qu’il faut regarder, c’est le type d’opération.

M. Marcel Rogemont. Si vous voulez répondre à la question fondamentale qui vous préoccupe, je veux le croire, du logement des plus modestes, vous devez relancer les aides à la pierre et encourager les communes et intercommunalités à construire plus de logements en PLAI ou en PLUS.

M. Jean Dionis du Séjour. Dépensez, dépensez, il en restera quelque chose !

M. Marcel Rogemont. Vous avez dit que cette mesure visait à répondre essentiellement à la question de l’Île-de-France qui ne construit pas assez de logements. Mais pourquoi alors une mesure de caractère général s’il s’agit principalement de l’Île-de-France ? Pourquoi les préfets, par exemple, ne forcent-ils pas la construction de logements sociaux dans les communes qui ne respectent pas la loi SRU ? Pourquoi ne pas renforcer les pénalités en cas de non-respect afin de les rendre les plus intolérables possible ? Bref, pourquoi mettre à bas le travail de concertation lié à la construction de logements en nombre suffisant dans certaines communes ?

Vous me direz que les communes pourront délibérer pour ne pas appliquer votre mesure, mais il restera cette accusation, parfaitement intolérable, selon laquelle les élus ne seraient incapables de poser correctement la problématique du logement.

Peut-on sérieusement parler de mesures en faveur du logement sans aborder le logement des plus modestes, sans parler des aides au logement, des APL qui ne sont pas revalorisées ? Le logement est une question prioritaire, monsieur le secrétaire d’État : encore faut-il la poser dans des termes sérieux !

Depuis la mise en place de vos dispositifs de défiscalisation immobilière, dont le Scellier est l’exemple le plus scandaleux par son coût, vous ne produisez des logements que dans une visée spéculative et non sociale. D’ailleurs, vous le savez et l’acceptez puisque vous supprimez le Scellier, la déductibilité des impôts et le PASS foncier après les avoir mis en place.

Bref, mes chers collègues, vos hésitations – un coup, je le fais, un coup, je ne le fais plus – et vos coups de menton ne font pas une politique du logement ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Très décevant !

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, construire des logements est évidemment une nécessité dans le contexte de pénurie actuel et un objectif partagé sur tous les bancs de cette assemblée.

Beaucoup a été fait – dois-je le rappeler – par le Gouvernement et notre majorité durant cette mandature…

M. Marcel Rogemont. Beaucoup a été dit, peu a été fait !

M. Michel Herbillon. …pour répondre à ce défi, avec des résultats tangibles en terme de constructions, notamment de logements sociaux.

Mais il reste beaucoup à réaliser pour répondre aux besoins de nos compatriotes. C’est incontestable. Je partage donc totalement la volonté du Président de la République et du Gouvernement d’encourager l’offre de logements.

Toutefois, la proposition qui nous est faite dans le projet de loi, dans son article unique, ne me convainc pas.

Sur la forme, je regrette en effet le choix retenu pour la mise en application de cette mesure.

La méthode qui consiste à ce que la majoration de 30 % s’applique de droit, sauf à ce que les collectivités délibèrent formellement contre son application après une procédure longue, lourde, et complexe, malmène, à mes yeux, le principe de libre administration des collectivités locales.

M. Jean-Pierre Dufau. Absolument ! C’est un abus de droit.

M. Michel Herbillon. J’aurais compris que l’on étende, pour les collectivités locales qui le souhaitent, les possibilités de majorer les droits à construire. Mais ce n’est pas la solution qui a été retenue.

M. Alain Cacheux. Vos amis sont enthousiastes, monsieur le secrétaire d’État !

M. Jean-Pierre Dufau. Remarque impertinente, mais pertinente !

M. Michel Herbillon. Sur le fond, je vois beaucoup d’inconvénients à la mise en œuvre de cette surdensification dans les zones urbaines déjà denses.

Je suis député d’une circonscription qui compte aujourd’hui trois communes en première couronne parisienne, dont une dont je suis le maire, trois communes qui comptent toutes plus de 20 % de logements sociaux. Ces communes déjà fortement urbanisées subissent, comme bien d’autres, une forte pression foncière qu’il convient de gérer pour éviter que ce soit les promoteurs et les agents immobiliers qui définissent les paysages de nos villes.

M. Marcel Rogemont. Bravo !

M. Michel Herbillon. Je crains que la mise en œuvre de la majoration de 30 % des droits à construire ne vienne ruiner tous les efforts réalisés par les équipes municipales des trois villes de ma circonscription pour maintenir une certaine qualité du cadre de vie et une harmonie à laquelle nos populations aspirent.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Donc on va construire chez le voisin !

M. Michel Herbillon. J’ajoute que cette mesure contraignante arrive à un moment où bon nombre de collectivités locales ont élaboré dans les années récentes leur plan local d’urbanisme et ont défini, après une longue concertation avec leur population, leur politique en matière d’urbanisme.

M. Jean-Pierre Dufau. Tout à fait !

M. Michel Herbillon. Je le vois très précisément dans la commune dont je suis maire, où il y a plus de 24 % de logements sociaux, de nombreux logements collectifs, des immeubles parfois hauts de dix ou douze étages.

M. Marcel Rogemont. Il a une vraie compétence !

M. Michel Herbillon. Nous avons fait le choix dans le cadre du PLU de protéger les quartiers pavillonnaires et leurs jardins, de limiter la hauteur des nouveaux immeubles, de promouvoir une architecture à taille humaine tout en acceptant d’accroître dans certaines zones les capacités à construire afin de permettre le renouvellement urbain.

M. Alain Cacheux. Voilà un praticien !

M. Michel Herbillon. Si j’acceptais la majoration de 30 %, cela reviendrait à totalement remettre en cause cette politique.

M. Alain Cacheux. C’est un réquisitoire !

M. Michel Herbillon. Cela voudrait dire concrètement que les immeubles de dix ou douze étages d’aujourd’hui pourraient en faire demain trois ou quatre de plus.

M. Marcel Rogemont. Bien entendu !

M. Michel Herbillon. Cela conduirait dans les quartiers pavillonnaires à accepter une densification à l’horizontale, qui rognerait les jardins souvent déjà petits pour, au final, les faire totalement disparaître.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela s’appelle la densification !

M. Michel Herbillon. Cela dénaturerait profondément ces quartiers.

Cette perspective n’est pas acceptable pour les habitants de nos communes.

M. Jean-Pierre Dufau. Une pierre dans votre jardin, monsieur le secrétaire d’État !

M. Michel Herbillon. Ce n’est tout simplement pas ce à quoi ils aspirent, monsieur le secrétaire d’État. Il n’est pas question pour nous de privilégier plus de densification dans les zones déjà très urbanisées au détriment de la qualité de vie des habitants.

M. Jean Dionis du Séjour. On y est !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Et où loge-t-on les Franciliens ?

M. Marcel Rogemont. À Châlons-en-Champagne !

M. Michel Herbillon. Il serait souhaitable que vous écoutiez parce que le point de vue d’un député, élu du peuple, est susceptible d’intéresser le ministre que vous êtes.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

M. François Brottes. C’est une leçon !

M. Michel Herbillon. De surcroît, l’afflux de population dans ces zones déjà très denses ne peut qu’accroître les difficultés de déplacement que subissent au quotidien nos populations.

M. Jean-Pierre Dufau. Bien sûr !

M. Michel Herbillon. Les réseaux routiers et les moyens de transports publics sont totalement saturés et tous les efforts réalisés par l’État et les différentes collectivités pour tenter de répondre à cette thrombose ne font qu’amoindrir le problème sans à ce jour le solutionner complètement.

Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux apporter mon soutien au dispositif que vous nous proposez aujourd’hui. Avec regret, mais avec certitude, je ne l’approuverai pas.

M. Alain Cacheux. Quel réquisitoire !

Mme Jacqueline Maquet. Courageux !

M. Marcel Rogemont. C’est un uppercut !

M. Alain Cacheux. Le ministre est KO debout !

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

M. François Brottes. Il faut ménager le secrétaire d’État, chère collègue, il accuse.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la crise du logement est aujourd’hui d’une gravité telle que nous ne pouvons nous contenter d’une mesure aussi inopérante que celle qui nous est présentée aujourd’hui, et qui se réduit à un ultime effet d’annonce au moment où la question du logement s’impose dans la campagne présidentielle.

Que retenir des cinq années passées en matière de politique du logement ? Un désengagement net de l’État, un droit au logement opposable qui ne fonctionne pas, les dérives avérées du dispositif Scellier et autres niches fiscales, l’insuffisance de l’hébergement d’urgence, une aggravation de la crise du logement, une foule de promesses non tenues.

Le désengagement de l’État qui a consisté à soutenir les mécanismes du marché immobilier n’a fait qu’aggraver la situation. Les moyens mis en œuvre sont insuffisants, nous ne pouvons pas nous contenter d’agir à la marge en proposant d’augmenter de 30 % les droits à construire. Nous pensons qu’il est du ressort de la puissance publique de porter des propositions à la mesure de la gravité de l’enjeu auquel nous faisons face. C’est justement ce que vous évitez.

Le bilan dressé par la Fondation Abbé Pierre est sombre, le mal logement se développe et s’enracine : difficulté d’accès au locatif, insalubrité des logements, précarité énergétique, coût des loyers… des millions de Français sont mal logés. Le problème touche des populations qui étaient jusqu’alors épargnées et menace la cohésion sociale de notre pays. Aujourd’hui, 3,6 millions de personnes sont mal logées ou non logées en France, 10 millions sont en situation de fragilité de logement, 1,2 million de ménages sont en attente d’un logement social, cela a été rappelé tout à l’heure. Comme toujours, ce sont les catégories les plus vulnérables qui sont concernées et les difficultés liées au logement apparaissent comme un miroir des inégalités sociales. Vous avez sans doute vu ces derniers jours, monsieur le secrétaire d’État, ces images présentant des femmes qui vivent dans leur voiture, par moins dix degrés.

Le rapport souligne également que la politique du logement est confrontée à un enjeu majeur, celui de sa cohérence. C’est bien ce qui fait défaut dans le projet de loi qui nous est soumis car ce n’est pas en prenant le problème par l’un de ses petits bouts que l’on porte des solutions efficaces et adaptées. Ce que vous proposez sera inopérant et ne répondra pas plus à la pénurie de logement qu’il ne relancera l’activité économique, tout en risquant d’abîmer grandement l’harmonie de nos villes.

M. Alain Cacheux. M. Herbillon vient de le dire clairement.

Mme Annick Le Loch. La majoration de 20 % des droits à construire est déjà possible dans le cadre de politiques locales de l’habitat adaptées aux réalités des marchés locaux du logement, des revenus des habitants et sous réserve de contreparties sociales ou environnementales. Pourtant, cette majoration ne nous a pas permis d’observer une hausse significative des constructions. Pourquoi les communes appliqueraient-elles davantage une majoration de 30 % à laquelle elles peuvent se soustraire ?

Une certitude en revanche : les prix des biens et terrains à construire vont augmenter. Cela pèsera lourdement sur les particuliers, les bailleurs sociaux et les collectivités locales dans leurs programmes de construction de logements.

Le problème du logement ne se réduit pas à celui de l’offre. Certes nous manquons de logements en France. Mais ils doivent être abordables, adaptés aux besoins de la population et, c’est vrai, prendre en compte les questions de densification. En Bretagne par exemple, on ne peut plus continuer à consommer le foncier agricole à raison de 5 500 hectares par an.

Il faut que la loi SRU soit véritablement appliquée sur tout le territoire. Nous avons besoin d’une véritable politique en faveur du logement social plutôt que d’une mesure générale qui sera sans doute peu utilisée. Pourquoi ne pas s’intéresser aussi aux 2 millions de logements vacants en France et au grave problème des copropriétés dégradées ? Nous ne voulons pas d’effets d’annonce. Les Français ont besoin de solutions effectives, pas d’une mesure prise dans l’urgence, qui plus est temporaire.

Nous voulons une politique du logement responsable, solidaire et ambitieuse pour que jeunes, familles, personnes âgées puissent bien se loger et mieux vivre. Les socialistes proposent notamment l’encadrement des loyers.

M. Jean Dionis du Séjour. Pitié !

Mme Annick Le Loch. À ce propos, je trouve scandaleux qu’une chambre de neuf mètres carrés, sans sanitaires, puisse être louée 400 ou 500 euros, même en région parisienne.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas en encadrant les loyers que l’on réglera le problème.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Dommage que les sénateurs socialistes aient refusé de voter l’interdiction de ces loyers !

Mme Annick Le Loch. Les socialistes proposent le doublement du plafond du livret A pour créer des ressources nouvelles en faveur du logement, le renforcement des aides à la pierre, la lutte contre la précarité énergétique, une taxe généralisée sur les logements vacants, la mise en place d’une caution solidaire pour les jeunes par exemple.

Nous défendons une politique du logement dans laquelle l’État ne se défausse pas devant le rôle qu’il a à jouer et s’intéresse aux réalités de tous les territoires. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question du logement se pose avec acuité dans certaines régions de notre pays, en particulier l’Île-de-France. La pénurie engendre une hausse des prix qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Il est donc nécessaire d’accroître l’offre de logements.

Parallèlement, les lois Grenelle ont jeté les bases de nouveaux modes d’urbanisation, moins consommateurs d’espace et de transports que ceux qui prévalaient depuis les années 1960 car il faut lutter contre l’étalement urbain.

L’accélération de la construction de logements et la densification sont deux priorités qui vont de pair et qui inspirent, à juste titre, ce projet de loi, même si la construction de logements atteint dans notre pays des niveaux très élevés. En effet, certaines collectivités œuvrent d’ores et déjà au développement de la construction. Ainsi, le conseil général des Yvelines a pris des mesures incitatives qui ont permis d’augmenter fortement la production de logements en l’espace de quelques années.

M. Alain Cacheux. Évidemment !

M. Yves Vandewalle. À l’occasion de la révision de la charte du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse que j’ai l’honneur de présider, nous avons réalisé un plan de parc qui mise sur la densification pour atteindre nos objectifs de construction de logements tout en limitant la consommation des espaces naturels et agricoles. En résumé, nous poursuivons le même objectif, monsieur le secrétaire d’État, mais avec une méthode fondée sur la concertation, l’incitation et l’accompagnement des élus.

Car votre projet de loi se démarque sur deux points importants : une majoration automatique, décidée unilatéralement par l’État, et sans concertation ; une mesure qui n’est pas encadrée, au contraire des dispositifs qui existent déjà pour les logements sociaux ou les logements de haute qualité environnementale.

Ces deux points m’amènent à poser plusieurs questions :

Premièrement, la mesure s’applique a priori automatiquement mais, de fait, pour presque toutes les communes, la majoration de 30 % de la constructibilité aura pour effet de remettre en cause l’économie générale des documents d’urbanisme, les perspectives démographiques, les équipements collectifs, la gestion des déplacements.

M. Michel Herbillon. Absolument !

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle panique !

M. Yves Vandewalle. Dès lors, comment assurer la cohérence de l’action communale ?

M. Alain Cacheux. Et voilà !

M. Yves Vandewalle. Deuxièmement, le champ d’application de la mesure doit être clarifié. Elle paraît ne devoir s’appliquer qu’aux zones constructibles, ce qui est logique. Néanmoins, la définition d’une zone constructible n’est pas si évidente, beaucoup de cas particuliers pouvant poser question notamment dans les zones N ou NB/ND des plans d’occupation des sols. Il semble nécessaire que si ce n’est la loi elle-même au moins les textes d’application limitent la mesure aux zones U et AU/NA qui permettent de nouvelles constructions, sauf à faciliter un étalement urbain que, précisément, nous voulons combattre.

Troisièmement, tous les quartiers d’une commune ne sont pas propices à une densification, en tout cas pas dans les mêmes proportions. La réalisation du plan du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse a montré la nécessité de distinguer des secteurs urbanisés diffus ou sensibles sur un plan environnemental, pour lesquels un renforcement n’est pas souhaitable.

Bref, pour un territoire rural ou périurbain proche d’une agglomération comme le Parc, une augmentation de 30 % de la constructibilité créera un potentiel de logements très important, surtout si elle est couplée avec une disparition des minima parcellaires. Le problème est que les secteurs les plus mutables d’un point de vue morphologique sont souvent les moins propices à accueillir de nouveaux habitants – secteurs éloignés des services ou des transports. L’autre aspect est que cette forme de densification est rarement très qualitative d’un point de vue urbain, paysager et architectural, avec des risques notamment de divisions en drapeaux.

M. Michel Herbillon. Absolument !

M. Yves Vandewalle. Je sais de quoi je parle : j’en ai fait l’expérience lorsque j’étais maire, puisque j’ai été amené à modifier un PLU pour avoir commis une erreur d’appréciation.

La production du dossier pose également problème, monsieur le secrétaire d’État. Certes, les communes peuvent s’opposer ou moduler cette loi sur la base d’un document présentant l’impact de la mesure, mais les formes sont peu définies et il existe, me semble-t-il, des risques importants de contentieux.

M. Michel Herbillon. Eh oui !

M. François Brottes. C’est ce que j’ai dit tout à l’heure.

M. Yves Vandewalle. Pour ce qui est de la production du dossier elle-même, s’il est demandé une analyse urbaine et une justification des choix, elle risque d’être problématique. Outre son coût, cette étude – si étude il y a – devra a priori être réalisée à peu près au même moment pour toutes les communes de France. Est-ce bien réaliste ? Les bureaux d’études sont-ils capables de mener ces travaux de manière simultanée ?

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, si le principe du projet que vous nous soumettez est intéressant, ses modalités suscitent beaucoup d’interrogations chez les élus, et ses conséquences sur la qualité des tissus urbains encore plus. Le principal risque serait de brider les capacités d’intervention des collectivités et de leur faire perdre la main sur le développement de l’urbanisation.

C’est pourquoi je vous propose quelques pistes complémentaires. Afin de mobiliser le parc de logements inoccupés, qui est important, pourquoi ne pas leur appliquer une taxe d’habitation très fortement majorée ? On m’a ainsi rapporté qu’à New York la taxe d’habitation sur un logement de deux pièces s’élevait à 1 000 dollars par mois. La somme doit certes être en rapport avec le prix du loyer, mais c’est en tout état de cause une piste à creuser.

Deuxièmement, le COS permet de fixer un plafond de constructibilité : Pourquoi ne pas le faire évoluer en permettant aux collectivités la fixation d’une densité minimale en termes de logements ou de mètres carrés bâtis ? J’ai cru comprendre que cela était possible, mais qu’il faudrait envisager d’en simplifier les modalités.

Enfin, et c’est une vieille idée, pourquoi ne pas mutualiser les obligations de la loi SRU à un échelon intercommunal pour lui donner à la fois plus de pertinence et plus d’efficacité ?

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de rassurer les élus locaux sur les risques apparents de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, proposer à deux mois des élections présidentielles un projet de loi selon la procédure d’urgence est un aveu d’échec. Tout cela souligne en creux ce que le Président de la République n’a pas fait en matière de logement La seule proposition qu’il nous présente, bien tardivement, se réduit à la majoration des droits à construire. On peut s’interroger sur les motivations de ce projet, alors que le Président et son gouvernement n’ont cessé de siphonner les crédits normalement alloués au logement social et de ponctionner ceux émanant du 1 %, ainsi que cela a déjà été évoqué.

M. Alain Cacheux. À peine ! Il faudra y revenir !

M. Jean-Pierre Dufau. Tout cela est pitoyable ! Personne ne sera dupe de la tentative de tour de passe-passe qui donnerait à croire que majorer les droits à construire serait la réponse adaptée aux 3,5 millions de très mal logés et aux 6 millions de Français qui vivent dans des conditions inconfortables. Car, si le dossier du logement se pose en termes quantitatifs avec une telle acuité, il se pose aussi et surtout en termes qualitatifs.

Croyez-vous que construire davantage de résidences secondaires ou agrandir les maisons des plus favorisés soit la réponse à traiter en urgence ? L’urgence, elle est dans le logement social ; l’urgence, elle est dans le renforcement de la loi SRU – votée sous le gouvernement Jospin, faut-il le rappeler. La véritable question doit se formuler ainsi : Quels types de logements construire, pour quels bénéficiaires et avec quels moyens ?

Personne ici n’ignore que le logement social est d’abord une compétence d’État, à laquelle régions, départements et collectivités apportent, si j’ose dire, leur pierre, pour l’intérêt général.

Ce projet de loi n’a pas été sérieusement appréhendé, ni dans sa pseudo-étude d’impact, ni dans l’évaluation des besoins à combler, ni dans le respect des élus locaux, qui exercent cette compétence sur le terrain. Le président de l’AMF lui-même, M. Pélissard, dont chacun connaît la sensibilité, note avec un euphémisme révélateur : « Le principe de libre administration des collectivités locales doit être préservé, afin d’éviter qu’une décision unilatérale de l’État n’écarte les règles de constructibilité relevant de leur pouvoir d’appréciation ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! Et de poursuivre : « Cette mesure doit s’appuyer sur les spécificités locales que connaissent les maires. Cette proposition doit contribuer aux objectifs de réduction du prix du foncier et de développement de l’offre de logement. »

Vous savez, comme moi, et cela a été débattu et rappelé en commission, que cette mesure va encourager la spéculation foncière. En effet – et vous l’avez-vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État – la valeur du foncier est directement liée aux droits à construire qui l’accompagnent. Dans ce sens, ce projet est dangereux pour l’équilibre des territoires. Il ne fera qu’aggraver la spéculation foncière et immobilière. Cette initiative va lourdement pénaliser les élus locaux qui, patiemment, de SCOT en PLU, travaillent à l’équilibre de leurs territoires et à la diversité des offres de logement pour combattre les ghettos – Michel Herbillon en a donné une excellente illustration. Ce sont eux qui dialoguent avec les habitants pour rechercher les solutions les plus adaptées à leurs besoins.

La loi de mobilisation pour le logement de 2009 permettait déjà d’augmenter le droit à construire de 20 % dans des conditions bien précises, et notamment pour les bâtiments « basse consommation ». Déjà, sur le terrain, dans le cadre de politiques locales de l’habitat, une majoration du droit à construire jusqu’à 50 % se pratique sous réserve de contrepartie sociale. Les maires n’ont donc pas attendu pour adapter leur PLU et pratiquer une véritable politique du logement et d’urbanisme local, mais de façon ciblée et adaptée.

Enfin, le caractère temporaire de cette mesure, appelée à s’éteindre au 1er janvier 2016, alors que nous sommes en pleine crise économique, la condamne avant son application. En effet, le chômage atteint un niveau record, et nos concitoyens les plus concernés par le logement n’ont ni les moyens d’être propriétaires ni ceux d’être locataires, faute de crédits bancaires pour les uns et incapables de suivre la spirale de hausse des loyers pour les autres. Dès lors, chacun comprend que ce texte n’aura aucune efficacité. Demandons-nous donc, comme dans les romans policiers, à qui profite le texte ?

M. Jean-Paul Lecoq. Aux amis du président !

M. Jean-Pierre Dufau. Je l’ai déjà évoqué : ce sera un effet d’aubaine dans certains quartiers, pour un certain public qui a les moyens, mais ce ne sera en aucun cas une réponse à ceux qui ont besoin d’un logement.

Quand le bâtiment va, tout va, paraît-il… Force est de constater que c’est loin d’être le cas. Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer la TVA sur les terrains à bâtir, comme l’avait fait le gouvernement Jospin ? Cela avait formidablement relancé le bâtiment. Pourquoi ne pas mettre à disposition gratuitement les terrains de l’État, comme le préconise François Hollande ?

M. Alain Cacheux. Excellente proposition !

M. Jean-Pierre Dufau. Bref, pourquoi ne pas se donner les moyens d’une véritable politique du logement ? Le groupe socialiste ne peut cautionner ce Canada Dry que l’on nous sert en guise de politique du logement. Une autre politique du logement pour tous reste à construire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Elle est possible !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, en premier lieu, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de la politique menée depuis 2007 par la majorité avec la loi de cohésion sociale, l’engagement national pour le logement, la loi de mobilisation pour le logement et le volet urbanisme de la loi Grenelle 2, auxquels s’ajoute également l’ensemble des mesures fiscales adoptées en loi de finances.

Ce projet de loi est le résultat d’une volonté forte, affirmée par le Président de la République, de relancer encore davantage la construction de logements. La crise du logement étant une crise de l’offre, c’est du côté de l’offre que le Gouvernement souhaite agir, en augmentant les possibilités de construire sur un terrain donné. Il s’agit donc de renforcer les possibilités de construire « plus »… pour habiter « mieux ».

Ce projet de loi, qui comporte un article unique, modifie le code de l’urbanisme en portant de 20 à 30 % dès l’entrée en vigueur de la loi la majoration des règles de constructibilité – gabarit, hauteur, emprise au sol et coefficient d’occupation des sols – pour l’agrandissement et la construction de bâtiments à usage d’habitation. Les autorisations d’urbanisme devront cependant toujours être sollicitées et seront délivrées selon les mêmes règles.

Cette mesure s’adresse aussi bien au particulier, qui souhaite agrandir sa maison ou en construire une plus grande, à la collectivité qui développe un programme de logements sur son territoire qu’au professionnel de l’immobilier. Elle donne aussi aux copropriétaires qui le souhaitent la possibilité de surélever leur immeuble ou de le réhabiliter avec une augmentation des surfaces, permettant la création de logements supplémentaires.

La majoration de constructibilité peut se traduire pour les maisons individuelles par l’ajout de surfaces, qui peuvent soit être une réponse aux besoins de familles recomposées plus nombreuses, soit permettre la création de petits logements indépendants accueillant une personne âgée ou un jeune actif. Elle peut également permettre, après une division de terrain, la construction d’un nouveau logement.

Cette mesure devrait donc aider non seulement à augmenter le nombre de logements offerts, mais aussi à diversifier l’offre, entre neuf et ancien, petits et grands logements, logements pour personnes âgées ou pour jeunes actifs.

Certains se posent la question de l’efficacité du dispositif. Le résultat dépendra en effet de la manière dont les élus locaux l’accueilleront. Parce qu’ils gardent la faculté de délibérer pour en modifier les conditions d’application, ils leur revient d’assumer les choix qui sont les leurs dans le cadre des compétences d’urbanisme qu’ils exercent.

Cette loi est destinée à détendre le marché de l’offre, à favoriser et à améliorer l’accès au logement. La majoration de constructibilité n’est pas un cadeau fait aux promoteurs. En effet, on ne peut à la fois considérer que l’on ne construit pas assez et trouver que l’on fait des cadeaux aux promoteurs !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Très juste !

M. Jean-Claude Bouchet. Ce sont les documents trop malthusiens qui, en ne permettant pas de construire suffisamment, alimentent la spéculation foncière et donnent ainsi une prime aux propriétaires de foncier. Face à ce constat, nous avons deux possibilités. Ou bien continuer à construire essentiellement sur les terres agricoles, en périphérie des villes, de plus en plus loin : c’est une option non soutenable, parce que l’on veut protéger ces terres agricoles et parce ce modèle finit par générer des temps et des conditions de transport insupportables pour les habitants, quels que soient les investissements que l’on fait en transports collectifs.

M. Bernard Gérard, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Claude Bouchet. Ou bien construire un peu plus haut, un peu plus « épais » sur les terrains déjà constructibles : c’est ce que ce projet de loi propose.

Je soutiendrai donc ce projet de loi qui instaure un dispositif souple (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), laissant aux maires et aux présidents d’établissement public de coopération intercommunale la faculté de majorer jusqu’à 30 % la constructibilité, là où cela est nécessaire et souhaité.

Il s’agit d’un projet ambitieux qui pourrait permettre de construire pendant trois ans de 20 000 à 40 000 logements supplémentaires, pour faciliter l’accès des Français au logement et soutenir l’activité du secteur de la construction.

M. Alain Cacheux. C’est une farce !

M. Jean-Claude Bouchet. Il s’agit enfin d’un projet de loi qui apporte de vraies solutions : des solutions applicables et réalistes, des solutions respectueuses de l’environnement, des solutions qui ne pèsent pas sur les finances publiques.

M. le président. La discussion générale est close.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 22 février à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire ;

Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle ;

Deuxième lecture de la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 février 2012, à une heure dix.)