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N° 107

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI (N° 101), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs,

M. Hervé MARITON

Président,

M. Jacques KOSSOWSKI

Rapporteur,

Députés.

——

Voir les numéros :

Sénat : 363, 385 et T.A. 112 (2006-2007).

Assemblée nationale : 101.

Composition de la commission spéciale :

M. Hervé Mariton, Président ;
MM. Christian Blanc, Jean Mallot, Vice-Présidents ;

Mme  Muriel Marland-militello, M. Roland Muzeau, Secrétaires

M. Christian Blanc

M. Paul Giacobbi

M. Jean Mallot

M. Étienne Blanc

M. Jean-Patrick Gille

M. Hervé Mariton

M. Claude Bodin

M. Claude Goasguen

Mme Muriel Marland-Militello

M. Maxime Bono

M. Gaëtan Gorce

M. Jacques Masdeu-Arus

M. Xavier Breton

M. Philippe Gosselin

M. Jean-Claude Mathis

M. François Brottes

M. Marc Goua

M. Philippe Meunier

M. Patrice Calméjane

M. Philippe Goujon

Mme Marie-Anne Montchamp

M. Gérard Charasse

M. Michel Grall

M. Roland Muzeau

M. Jérôme Chartier

M. Jean Grellier

M. Jacques Myard

M. Yves Cochet

Mme Arlette Grosskost

M. Jean-Pierre Nicolas

Mme Catherine Coutelle

M. Louis Guédon

M. Yanick Paternotte

M. Pascal Deguilhem

M. Guénhaël Huet

M. Daniel Paul

M. Michel Destot

M. Michel Issindou

Mme Béatrice Pavy

M. Éric Diard

M. Jacques Kossowski

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jean-François Lamour

M. Christian Vanneste

M. Marc Dolez

M. Robert Lecou

M. Patrice Verchère

M. Christian Eckert

Mme Annick Lepetit

M. Alain Vidalies

M. Nicolas Forissier

M. Pierre Lequiller

M. Jean-Claude Viollet

M. Michel Françaix

M. Serge Letchimy

M. André Wojciechowski

INTRODUCTION 7

I.- LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC : UNE QUESTION COMPLEXE 9

A. LE CONTEXTE JURIDIQUE : LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE D’UN DROIT DE GRÈVE DIFFÉRENCIÉ 9

1. Du délit au « fait social institutionnalisé » 9

a) De l’interdiction à la consécration 9

b) L’évolution du rôle des principaux acteurs de la grève 11

2. Un droit d’application distincte dans le secteur privé et le secteur public 13

a) Des distinctions entre privé et public dans le régime général du droit de grève 14

b) La question particulière de la conciliation du droit de grève et de la poursuite de l’activité de l’entreprise ou du service 15

B. LE CONTEXTE SOCIAL : ÉLÉMENTS D’ÉTAT DES LIEUX 18

1. L’évolution générale de la conflictualité des relations sociales 19

a) L’évolution qualitative et quantitative de la pratique de la grève 19

b) La très forte dynamique de la négociation collective 23

2. L’évolution des conflits du travail dans le secteur des transports 26

a) Une tendance à la baisse de la pratique de la grève dans les transports 26

b) La dynamique de la négociation collective dans le secteur des transports 31

c) La question importante de la perception de la grève 34

II.- LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT : UNE RÉPONSE PRAGMATIQUE 37

A. LE TEMPS DE L’EXPÉRIMENTATION 37

1. Les dispositifs de prévention des conflits collectifs de travail mis en place à la RATP et à la SNCF 37

2. L’organisation d’un service effectif et prévisible en cas de grève 39

a) La convention TER entre la SNCF et la région Alsace 39

b) Les engagements de service et d’information en cas de grève conclus pour l’Île-de-France par la SNCF et la RATP 40

B. LE TEMPS DE L’ACTION 41

1. Une réflexion prenant en compte la dimension comparative 41

a) Des pays sans dispositif de service minimum 42

b) Les pays ayant organisé un service minimum 44

2. De nombreuses initiatives sous la XIIe législature 49

3. Les préconisations du rapport Mandelkern (juillet 2004) 50

4. Le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs 53

5. L’examen du projet de loi par le Sénat 55

6. Les propositions de la commission spéciale 57

TRAVAUX DE LA COMMISSION 59

I.- AUDITION, OUVERTE À LA PRESSE, DE M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES ET DE LA SOLIDARITÉ 59

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 81

III.- AUDITION, OUVERTE À LA PRESSE, DE M. DOMINIQUE BUSSEREAU, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS 83

IV.- AUDITIONS OUVERTES À LA PRESSE 89

V.- EXAMEN DES ARTICLES 155

TITRE PREMIER - CHAMP D’APPLICATION 155

Article 1er : Définition du champ d’application de la loi 155

Après l’article 1er 157

TITRE II - DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT 158

Article 2 : Négociation collective en vue d’organiser une procédure de prévention des conflits 158

Article 3 : Conditions de dépôt de préavis préalables à la cessation concertée du travail 169

TITRE III - ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE OU AUTRE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC 173

Article 4 : Dessertes prioritaires, plan de transport adapté et plan d’information des usagers 173

Article 5 : Mesures tendant à assurer la prévisibilité du service 179

Article 6 : Désignation d’un médiateur par les parties au conflit Conditions d’organisation d’une consultation sur la poursuite de la grève 184

Article 7 : Droit des usagers à l’information 188

Article 7 bis (nouveau) : Bilan annuel d’exécution des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers 190

Article 8 : Indemnisation des usagers 190

Article 9 : Régime de réduction de la rémunération des salariés participant à une grève 193

Après l’article 9 195

Article 10 (nouveau) : Rapport d’évaluation sur l’application de la loi 195

Après l’article 10 198

Article 11 (nouveau) : Prise en compte de données sociales et environnementales dans les contrats 199

Après l’article 11 199

Article 10 (nouveau) : Rapport d’évaluation sur l’application de la loi 200

Titre du projet de loi 200

TABLEAU COMPARATIF 201

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 217

ANNEXES :

ANNEXE 1 : DÉLAIS ENCADRANT LA PROCÉDURE DE PRÉVENTION DES CONFLITS 225

ANNEXE 2 : ÉTUDE SUR LES MODALITÉS D’EXERCICE DE LA GRÈVE DANS DES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE 225

ANNEXE 3 : PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES AU SERVICE MINIMUM OU GARANTI DANS LES TRANSPORTS DEPOSÉES SOUS LA
XIIè LÉGISLATURE
237

INTRODUCTION

L’Assemblée nationale est saisie, après une première lecture au Sénat, du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Annoncé par le Président de la République dès la campagne électorale, ce texte se veut avant tout pragmatique, comme l’a affirmé sans détours le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité devant le Sénat : « ce projet de loi va (…) apporter une réponse concrète et pragmatique aux attentes quotidiennes des Français, et ce sur l’ensemble du territoire ».

De fait, ce projet de loi est destiné à prendre en compte une préoccupation majeure des Français, comme l’attestent les sondages montrant de longue date qu’une grande majorité d’entre eux – 70 à 80 % – souhaite que soient mises en place des mesures permettant de garantir aux usagers, en cas de grève, « un service réduit mais prévisible », pour reprendre l’expression de l’exposé des motifs.

Les dispositions soumises aujourd’hui à la discussion ont en effet été précédées d’une véritable préparation.

Il faut d’abord citer les expérimentations menées depuis plusieurs années dans un certain nombre d’entreprises de transport, au premier rang desquelles la RATP, dès 1996, puis la SNCF, à partir de 2004. Ces expérimentations ont permis, grâce au dialogue social, la mise en place de procédures de prévention des conflits et de prévisibilité du service en cas de grève. Ces procédures ont déjà – au moins en partie – produit des effets significatifs.

Plus encore, de très nombreuses propositions de loi ont été déposées sous la précédente législature sur cette question importante. Un débat essentiel s’est également tenu au mois de décembre 2003 à l’Assemblée nationale, consacré à « la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève ». Ce débat a été suivi des travaux décisifs de la commission présidée par M. Dieudonné Mandelkern sur la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs, qui a publié son rapport en juillet 2004.

Autant d’éléments qui à la fois attestent la réalité d’une préoccupation sociale et le degré de maturation qu’elle a atteint aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, passé le temps de l’expérimentation, il convient de faire place à l’action.

Le présent projet de loi – court (12 articles, dont 3 rajoutés par le Sénat) –, est un pari sur le renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport. Il fixe le cadre dans lequel le service de transport public sera organisé en cas de grève ou, de façon plus générale, d’une autre perturbation prévisible du trafic mais laisse aux partenaires le soin de préciser les modalités adaptées aux réalités locales.

Aussi repose-t-il sur trois axes forts : avant tout prévenir les conflits et créer, en se fondant sur le dialogue social, les procédures de négociation préalable nécessaires ; en cas de grève ou de forte perturbation du trafic, organiser le service, en particulier par l’établissement d’un plan de transport propre à chaque entreprise ; consacrer un véritable droit à l’information des usagers en cas de grève.

Le Sénat, au cours de ses travaux, a enrichi le texte initial, en améliorant les procédures et en complétant le dispositif, en particulier par l’introduction de nouvelles modalités de médiation en cas de grève.

À la suite des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, la commission spéciale constituée par l’Assemblée nationale a également souhaité parfaire le texte proposé par le gouvernement tout en reprenant à son compte ce qui, en dépit ou à cause de sa simplicité, lui apparaît, une fois encore, comme une grande ambition : apporter par le dialogue une réponse concrète aux attentes des Français.

*

I.- LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC : UNE QUESTION COMPLEXE

Le droit de grève a été reconnu comme un droit constitutionnel en France au terme d’une longue évolution (1). Cette reconnaissance a permis le développement d’une pratique de la grève, comme en atteste un examen de la conflictualité en France aujourd’hui.

A. LE CONTEXTE JURIDIQUE : LA RECONNAISSANCE PROGRESSIVE D’UN DROIT DE GRÈVE DIFFÉRENCIÉ

Trois grandes étapes ont assuré le « passage d’un statut d’événement marginal, répréhensible et réprimé, à celui d’un fait social, autorisé et progressivement institutionnalisé », selon l’expression de l’historien Stéphane Sirot.

1. Du délit au « fait social institutionnalisé »

La grève, « délit pénal jusqu’en 1864, faute civile jusqu’en 1946 », selon la formule du juriste en droit du travail Jean-Emmanuel Ray, n’a été que progressivement reconnue en France.

a) De l’interdiction à la consécration

● L’interdiction, composante de la politique de contrôle de l’ouvrier

Longtemps, la grève a été interdite en France. La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 est certes connue pour avoir prohibé le rétablissement de « toutes espèces de corporations des citoyens du même état ou profession » (article 1er). Mais elle a également posé que « tous attroupements composés d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail appartenant à toutes sortes de personnes, et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l’action de la police et l’exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et adjudications publiques de diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux, et, comme tels », seront réprimés (article 8).

Cette loi qui institue le délit de coalition prolonge la pratique de l’Ancien Régime, la seule différence étant le fondement de la répression : le bien public collectif sous l’Ancien régime, la liberté individuelle avec la loi Le Chapelier, telle qu’elle s’exprime notamment par le contrat.

L’interdiction de la grève est alors une composante de la politique de contrôle du milieu ouvrier, qui comporte d’autres aspects, tel le livret ouvrier, rendu obligatoire en 1803. Ce livret contient le signalement et l’état civil de son possesseur ainsi que les dates d’arrivée et de départ de l’ouvrier dans l’usine ; il rend possible la répression du vagabondage.

 La tolérance, corollaire de l’émergence d’un nouveau rapport salarial

La loi du 25 mai 1864 modifiant les articles 414, 415 et 416 du code du travail a supprimé le délit de coalition en le remplaçant par un délit d’atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail. Cette loi n’institue donc qu’une tolérance à l’égard de la grève. Elle n’en favorise pas moins l’augmentation du nombre de grévistes, passé de 26 937 entre 1865 et 1869 à 858 000 entre 1934 et 1938, soit une multiplication par 30 sur la période. C’est que la grève devient peu à peu un mode de contestation privilégié pour l’amélioration des conditions d’existence. Elle va de pair avec la création d’un nouveau rapport salarial, caractérisé par le fait que le salaire n’est plus seulement la rétribution ponctuelle d’une tâche mais donne aussi accès à des prestations en matière de maladie, d’accidents ou de retraite, tout en permettant la participation à la vie sociale par la consommation, le logement, l’instruction ou les loisirs. La loi du 21 mars 1884 relative à la création des syndicats professionnels a aussi favorisé ce mouvement. Pour autant, la grève n’est pas encore un droit.

 La consécration, reconnaissance d’un droit de valeur constitutionnelle

L’institutionnalisation du droit de grève résulte de son inscription dans le préambule de la Constitution d’octobre 1946, qui pose que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Le droit de grève est ainsi consacré en même temps qu’il est hissé au rang de norme de valeur constitutionnelle et devient « instrument légitime de régulation sociale ».

La grève est présente dans l’ensemble du monde du travail, y compris la fonction publique (à l’exception de certaines catégories spécifiques telles la police, l’armée, l’administration pénitentiaire, la magistrature). Cette pratique connaît son apogée en mai-juin 1968, avec quelque sept millions de grévistes.

De manière générale, la législation spécifique annoncée par le préambule de la Constitution de 1946 ne voit pas le jour, hormis pour quelques situations particulières comme celle des fonctionnaires (loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics prévoyant notamment l’institution d’un préavis syndical de cinq jours avant le déclenchement d’une grève). C’est pour l’essentiel la jurisprudence qui réglementera progressivement le droit de grève.

La loi du 11 février 1950 relative aux conventions collectives et aux procédures de règlement des conflits collectifs de travail contient toutefois une disposition importante selon laquelle « la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié » (article 4) ; la grève ne fait donc que suspendre le contrat de travail.

La fin des « Trente glorieuses » et l’avènement de la crise économique inverseront cependant cette tendance : à la fin des années 1970, la grève retrouve son niveau d’avant la Seconde Guerre mondiale. La nature de la grève est également modifiée : les grèves traditionnelles sous la forme d’arrêts continus du travail diminuent au profit des débrayages de courte durée et d’ampleur limitée.

b) L’évolution du rôle des principaux acteurs de la grève

La grève ainsi définie comme instrument légal, est aussi un temps de confrontation entre les « acteurs » qui en fondent la pratique.

● Les organisations syndicales et patronales

Avant la loi de 1864 précitée, les compagnonnages et les sociétés de secours mutuelle et de résistance assurent une fonction importante en matière de pratique de la grève illicite. Depuis 1864 et la « dépénalisation » de la grève, les syndicats sont de plus en plus impliqués dans le déclenchement et l’accompagnement des conflits du travail. « Ainsi, le syndicalisme comme structure et la grève comme moyen d’action historique, s’ils s’inscrivent par nature dans le registre de la contestation, deviennent pleinement des éléments de régulation conflictuelle des rapports sociaux qui participent, pour une part, à la consolidation des sociétés en voie de tertiarisation ».

Quant au patronat, il représente à la fois l’adversaire et l’interlocuteur privilégié des grévistes, trois grandes attitudes coexistant en permanence avec des formes et des intensités variables : résister ; négocier ; prévenir.

● Les fonctions assurées par l’État

L’intervention de l’État dans la grève prend des formes diverses au fil du temps : surveiller, réprimer et punir, surtout avant la loi de 1864 ; arbitrer et apaiser ensuite (la loi du 27 décembre 1892 sur la conciliation et l’arbitrage ouvre la voie à une intervention directe des représentants de l’État dans la résolution des confrontations) ; prévenir et réguler enfin (dès la loi de 1884 sur les syndicats).

– La fonction répressive correspond à la fonction traditionnelle de l’État avant la loi de 1864. Cette fonction a en particulier été mise en œuvre dans les années 1870-1880, avec la République de Thiers. En revanche, à partir des années 1880 émerge une nouvelle conception des rapports sociaux, dans laquelle la répression est un dernier recours. Ainsi, de la fin du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, le nombre de condamnés se maintient à un niveau modéré. Il n’en reste pas moins qu’après la Seconde Guerre mondiale, certains conflits (comme en 1947-1948) reçoivent une sanction sévère.

Mais « au fil du temps, la fonction punitive de l’appareil d’État perd en intensité pour laisser davantage la place à une approche plus mesurée du phénomène gréviste, en partie fondée sur l’arbitrage et l’apaisement ».

– Arbitrer et apaiser : cette deuxième fonction est assurée par l’État dès la loi de 1864 et renforcée par la circulaire de Waldeck-Rousseau du 27 février 1884, qui engage les préfets à intervenir pour calmer les tensions entre les patrons et les ouvriers, en organisant des conférences avec les représentants des intéressés pour apaiser les malentendus.

La loi du 27 décembre 1892 sur la conciliation et l’arbitrage systématise encore le recours à l’arbitrage et, jusqu’à la Première Guerre mondiale, le corps préfectoral est le principal interlocuteur des parties en désaccord. Après 1918, l’engagement de l’État ne diminue pas, mais les inspecteurs du travail prennent le plus souvent la place des préfets.

Le Front populaire marque une rupture : d’une part, la négociation de Matignon, dans la nuit du 6 au 7 juin 1936, rassemble, pour la première fois, l’ensemble des acteurs des relations sociales (président du conseil, dirigeants de la Confédération générale du travail – CGT – et de la Confédération générale de la production française – CGPF) ; d’autre part, aux termes de la loi du 31 décembre 1936 sur l’arbitrage obligatoire, le président du Conseil doit choisir lui-même un surarbitre en cas d’échec de la procédure de conciliation.

Arbitre, l’État apporte aussi des réponses aux préoccupations des grévistes. La loi de 1884 relative à la création des syndicats professionnels fait notamment suite aux grandes coalitions de 1878 et 1880. Les historiens ont montré que l’adoption de la loi du 8 juillet 1890 instituant les délégués mineurs a été hâtée par l’agitation du monde ouvrier de la même année. De nombreux autres exemples attestent ce lien entre poussées grévistes et mise en œuvre de mesures sociales : décret du 10 août 1899 sur les salaires dans les travaux publics ; décret du 1er septembre de la même année mettant en place le Conseil supérieur du travail ; loi du 23 avril 1919 sur la journée de huit heures ; lois de juin 1936 sur les quarante heures et les quinze jours de congés payés ; loi du 27 décembre 1968 légalisant la section syndicale d’entreprise ;…

– Prévenir et réguler : au fil des décennies, l’État ne se contente pas de réagir face à l’événement que constitue la grève mais s’efforce de prévenir les conflits et de les réguler. La loi de 1884 sur les syndicats peut être considérée sous cet angle, mais c’est surtout la loi de 1892 sur la conciliation et l’arbitrage qui précise les conditions de la régulation : « les patrons, ouvriers ou employés entre lesquels s’est produit un différend d’ordre collectif portant sur les conditions du travail peuvent soumettre les questions qui les divisent à un comité de conciliation et, à défaut d’entente dans ce comité, à un conseil d’arbitrage (…) » (article 1er).

Il reste que la portée de cette loi est encore réduite, car les décisions du comité de conciliation n’ont pas de caractère contraignant.

D’autres initiatives suivront : décret du 17 septembre 1900 par lequel M. Millerand crée les conseils du travail ; loi du 17 juillet 1908 sur les Conseils consultatifs du travail ; décret du 17 janvier 1917 instituant une procédure de conciliation et d’arbitrage pour éviter la grève dans les usines de guerre ; loi de mars 1919 sur les conventions collectives qui se donne pour objet de favoriser l’association des syndicats ouvriers à la création du droit (loi ne connaissant toutefois qu’un succès éphémère).

Le Front populaire est à l’origine d’une rupture, avec la loi du 31 décembre 1936 qui soumet les différends collectifs du travail aux procédures de conciliation et d’arbitrage. Le résultat est probant : entre le 1er janvier 1937 et le 30 mars 1938, 35 % des conflits collectifs portés à la connaissance des préfets sont réglés sans la mise en œuvre des procédures légales, 27 % en quatre jours devant la commission départementale de conciliation et 37 % plus lentement, après passage aux commissions ultérieures et par arbitrage ou surarbitrage. Cette loi est complétée par la loi du 4 mars 1938 instaurant notamment une Cour suprême d’arbitrage, présidée par le vice-président du Conseil d’État, rassemblant des conseillers d’État, des magistrats, des fonctionnaires et des représentants de la CGT et de la CGPF.

Après la Seconde Guerre mondiale, la loi du 11 juillet 1950, destinée à faire revivre le dispositif de 1938, se révèle peu efficace. La loi Auroux du 14 novembre 1982 s’inscrit dans une même démarche de prévention des conflits en imposant des négociations annuelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, mais avec des résultats limités.

Au total, le desserrement par l’État de l’étau de sa politique répressive s’effectue au profit de son rôle d’arbitre et de médiateur. Cependant, le bilan « historique » de la mission de prévention et de régulation de l’État est mitigé : certains historiens n’hésitent pas à mettre en cause la culture de la confrontation qui prévaut dans les relations sociales en France. Selon Stéphane Sirot, par exemple : « Ces essais de régulation, rarement contraignants, rencontrent un succès en général modeste qui illustre la difficulté à trouver, dans un pays où la culture de la confrontation est enracinée, des instruments non conflictuels de régulation des rapports sociaux. Au fond, c’est bien la grève qui paraît tenir, sur la longue durée, cette dernière fonction ».

2. Un droit d’application distincte dans le secteur privé et le secteur public

La législation spécifique annoncée par le Préambule de la Constitution de 1946 a finalement peu trouvé à s’appliquer. C’est pour l’essentiel la jurisprudence qui a progressivement réglementé le droit de grève. La réglementation du droit de grève applicable aux salariés du secteur privé ou dans le secteur public n’est pas toujours la même.

a) Des distinctions entre privé et public dans le régime général du droit de grève

– La grève a été définie par la jurisprudence tant de la Cour de cassation que du Conseil d’État comme une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles.

– Le déclenchement de la grève dans le secteur privé est libre : l’exercice du droit de grève suppose que l’employeur ait eu connaissance des revendications des salariés au moment de l’arrêt de travail, mais les salariés ne sont pas tenus d’attendre, pour déclencher la grève, que l’employeur ait refusé de les satisfaire : la grève surprise est donc licite, sauf abus de droit. En outre, les grévistes peuvent déclencher un mouvement de grève à n’importe quel moment (Cass. soc. 26 février 1981, Ben Omar c. Sté Equipement Abex Pagid), sans préavis. En aucun cas une convention collective ne peut imposer le respect d’un préavis de grève dans le secteur privé : seule la loi a compétence pour créer un délai de préavis de grève s’imposant aux salariés (Cass. soc., 7 juin 1995, Sté Transports Séroul c. Beillevaire).

Il en va différemment dans le secteur public, où l’article L. 521-3 du code du travail (issu de la loi du 31 juillet 1963) impose le dépôt d’un préavis par un syndicat représentatif cinq jours francs avant le déclenchement d’une grève afin de favoriser la négociation, d’informer l’employeur et de réduire les conséquences néfastes de la grève pour les usagers. Le préavis doit fixer le lieu, la date et l’heure du début ainsi que la durée limitée ou non de la grève envisagée, mais la Cour de cassation a développé une jurisprudence n’obligeant pas les salariés du secteur public à cesser le travail pendant toute la durée du préavis (Cass. soc. 12 janvier 1999). Il faut en tout état de cause garder à l’esprit le caractère « fort théorique », selon l’expression du professeur de droit Jean-Emmanuel Ray, des objectifs du préavis, dans le cas par exemple où un syndicat déposerait des préavis successifs.

– Le statut du salarié gréviste diffère également dans les secteurs privé et public. Dans les deux cas, en application de l’article L. 521-1 du code du travail, la grève ne rompt pas le contrat de travail (sauf faute lourde du salarié). Ce même article ajoute que  l’exercice du droit de grève « ne saurait donner lieu de la part de l’employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunérations et d’avantages sociaux ».

Dans le secteur privé, la suspension du contrat de travail pour faits de grève emporte celle de l’obligation pour l’employeur de payer les salaires. Mais la rémunération des salariés grévistes ne doit subir qu’un abattement proportionnel à la durée de l’arrêt de travail (Cass. soc., 8 juillet 1992, Sté Sétra c. Khiess). En outre, le paiement du salaire complet devra être effectué dans un certain nombre de situations : cas d’une grève tendant à assurer le respect d’un droit essentiel, par exemple, pour obtenir le paiement régulier d’une rémunération ayant un caractère alimentaire ; cas de salariés grévistes ayant assuré un service minimum à la demande de l’employeur ; cas où le paiement des heures de grève est prévu dans un accord de fin de conflit.

Dans le secteur public, des retenues sur salaire sont pratiquées par application des dispositions combinées de l’article L. 521-6 du code du travail et de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982.

Dans la fonction publique d’État, il existe toutefois un système de retenue spécifique, une retenue forfaitaire correspondant à une journée de travail étant faite sur le traitement (règle du « trentième indivisible », définie notamment par une circulaire administrative du 30 juillet 2003).

b) La question particulière de la conciliation du droit de grève et de la poursuite de l’activité de l’entreprise ou du service

La question de la poursuite de l’activité de l’entreprise se pose aussi très différemment dans les secteurs privé et public.

● Confronté à un mouvement de grève, un employeur est tenu d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise. Mais les articles L. 124-2-3 et L. 122-3 du code du travail interdisent expressément le recours à des contrats de travail temporaire et à des contrats à durée déterminée pour le remplacement de salariés grévistes. En revanche, l’employeur peut faire appel à des entreprises de service ou conclure des contrats de sous-traitance pour faire maintenir une partie de l’activité de l’entreprise (Cass. soc. 15 février 1979 n° 76-14.527). En outre, un employeur peut accepter le concours de bénévoles pour remplacer des salariés grévistes (sous la réserve que l’activité bénévole ne puisse être assimilée à du travail dissimulé – Cass. soc., 11 janvier 2000 n° 97-22.025).

Le droit de réquisition peut être exercé dans les entreprises privées, si l’employeur se tourne vers le préfet, seul compétent (et non le juge des référés). Le Conseil d’État a cependant précisé que si le préfet peut requérir les agents en grève d’un établissement de santé, même privé, dans le but d’assurer le maintien d’un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et des soins, il ne peut prendre que les mesures imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public (CE, 9 décembre 2003, Aguillon).

En outre, traditionnellement dans le secteur privé, l’employeur a la possibilité, dans les établissements de soin ou d’éducation dans lesquels les malades ou les élèves hébergés ne peuvent être laissés sans soins ni surveillance, de mettre en place un service de sécurité, ou service minimum, auquel les salariés sont obligés de contribuer (circulaire du 21 février 1989 ; Cass. soc., 14 juin 1958, Play c. Houillères du bassin de la Loire).

● Dans le secteur public, la question de la continuité de l’activité concorde avec celle du respect du principe, de valeur constitutionnelle, de continuité du service public.

Elle tient en trois points : la jurisprudence du Conseil constitutionnel laisse au législateur, sous certaines conditions, la possibilité de concilier le droit de grève avec d’autres principes constitutionnels ; sur ce fondement, le législateur est intervenu, mais de manière assez prudente ; le Conseil d’État considère quant à lui que l’autorité responsable d’un service public peut prendre des mesures encadrant le droit de grève en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public.

— Dans sa décision du 25 juillet 1979 (DC 79-105, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail), le Conseil constitutionnel a précisé la portée du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » :

« (…) en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ; (…) ces limitations peuvent aller jusqu’à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ».

Sans doute, le premier apport de cette décision est-il l’affirmation de la valeur constitutionnelle du droit de grève. Cette question était implicitement tranchée par la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, par laquelle il avait incorporé le Préambule de la Constitution de 1946 dans le bloc de constitutionnalité, c’est-à-dire l’ensemble des normes de valeur constitutionnelle, mais le Conseil prend ici position de manière expresse.

Pour autant, le droit de grève n’est pas un droit « absolu ». Il peut être limité dans la mesure où il doit être concilié avec d’autres droits à valeur constitutionnelle. C’est à la loi qu’il revient d’opérer cette conciliation.

L’intervention, sans fondement légal, d’un règlement – sauf application de la jurisprudence Dehaene – ou d’une convention collective ne peut donc en aucun cas être envisagée, sauf à méconnaître la Constitution. De même, dans la logique de l’équilibre des droits, le législateur peut décider d’accorder une place à l’intervention de la négociation collective ou au règlement, mais celle-ci ne pourra en tout état de cause aboutir à remettre en cause d’exercice du droit de grève.

En l’espèce, le droit de grève se voit fixer des limites au regard du principe de continuité des services publics. Mais dans sa décision n° 80-117 du 22 juillet 1980 (Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires), le Conseil constitutionnel a aussi précisé que peuvent être apportées au droit de grève « les limitations nécessaires en vue d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, protection qui tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ». En outre, dans sa décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982 (Loi relative au développement des institutions représentatives du personnel), il a affirmé que la protection du droit de grève ne doit pas conduire à porter atteinte au principe d’égalité.

Inversement, certaines contraintes pèsent sur le législateur. La réglementation du droit de grève ne pourra qu’être différenciée, selon les objectifs poursuivis. Ainsi, pour assurer la continuité du service public, il n’est possible que d’aménager les conditions d’exercice du droit de grève. En revanche, le droit de grève pourrait être interdit si les « besoins essentiels du pays » étaient en cause.

En outre, la réglementation du droit de grève doit nécessairement répondre à une exigence de proportionnalité et de nécessité. Cela signifie d’une part que la restriction apportée au droit de grève doit être effectivement susceptible de préserver la continuité du service. D’autre part, l’importance de l’atteinte au droit de grève doit être en rapport étroit avec l’importance du bénéfice pour la continuité du service.

Enfin, ainsi que l’a longuement évoqué le rapport Mandelkern, aujourd’hui encore plus qu’hier, le principe de libre administration des collectivités territoriales, de valeur constitutionnelle, doit être concilié avec l’exigence de la continuité et l’exercice du droit de grève : en tout état de cause, le gouvernement doit toujours respecter la liberté d’appréciation des assemblées délibérantes. Cela est d’autant plus important que les collectivités territoriales exercent le plus souvent les compétences d’organisation du service public des transports.

– De fait, le législateur est toujours intervenu prudemment pour encadrer le droit de grève.

Il a interdit le droit de grève à certaines catégories de fonctionnaires : sont ainsi privés du droit de grève les fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité (loi du 27 décembre 1947), les personnels de police (loi du 28 septembre 1948), les services extérieurs de l’administration pénitentiaire (loi du 6 août 1958), les services des transmissions du ministère de l’intérieur (loi du 31 juillet 1978), les ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation civile (loi du 17 juin 1971).

Il a établi certaines modalités de service minimum, comme dans les établissements et organismes de radiodiffusion et de télévision (loi du 26 juillet 1979), les établissements détenant des matières nucléaires (loi du 22 juillet 1980) ou le secteur du contrôle et de la navigation aérienne (loi du 31 décembre 1984).

Il faut naturellement aussi évoquer les dispositions précitées de la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics.

– Dans les cas où le législateur n’est pas intervenu, l’autorité administrative peut, dans certains cas, prendre des mesures ayant une incidence sur l’exercice du droit de grève.

Cela résulte d’une jurisprudence du Conseil d’État, intervenue quatre ans seulement après la consécration constitutionnelle du droit de grève et selon laquelle : « (…) la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ; (…) en l’état actuel de la législation, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l’étendue desdites limitations » (CE, 7 juillet 1950, Dehaene).

Le Conseil d’État a ainsi admis que des autorités administratives – chefs de service ou dirigeants d’établissements publics – puissent prendre des décisions d’ordre réglementaire pour veiller à l’application des règles légales et réglementaires relatives au service minimum, le contenu des dispositions adoptées étant soumis au contrôle du juge de l’excès de pouvoir.

Comme l’a montré le rapport Mandelkern, le fait que ces réglementations puissent émaner de l’administration et non du législateur ne doit pas apparaître comme contradictoire avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État ne méconnaît nullement la compétence du législateur, car la jurisprudence Dehaene n’est applicable que dans le cas d’un service public dont le fonctionnement est perturbé par la grève au point qu’il est porté atteinte significativement à l’ordre public, et seulement si le législateur n’a pris aucune disposition de cet ordre : « la jurisprudence Dehaene se veut ainsi être une jurisprudence d’exception (…) : la jurisprudence du Conseil constitutionnel établit la manière normale de concilier le droit de grève et la continuité du service public là où la jurisprudence du Conseil d’État ne tend qu’à gérer une situation anormale, en fait comme en droit ».

Par une action concordante du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la loi, se trouve ainsi établi le cadre juridique au sein duquel devront être conciliés le droit de grève et d’autres principes de valeur constitutionnelle.

B. LE CONTEXTE SOCIAL : ÉLÉMENTS D’ÉTAT DES LIEUX

La conflictualité du travail et le dialogue social constituent, d’une certaine manière, deux formes d’expression d’un collectif de travail, dans le sens où l’entendent certains sociologues, ainsi que l’illustre cette définition de l’universitaire Thomas Coutrot : « Dans l’entreprise, les nécessités de l’interaction entre salariés dans le procès de travail font que des communautés se créent, évoluent et disparaissent, dans une dialectique entre leur dynamique interne et celle des conditions sociales et économiques environnantes ; on les appellera des collectifs de travail » (2).

Le développement du dialogue social, tel qu’il est envisagé par le projet de loi constitue une réponse à l’existence d’un certain niveau de la conflictualité dans les relations du travail.

1. L’évolution générale de la conflictualité des relations sociales

La grève s’est, au fil des décennies, affirmée comme un véritable fait social (3), avec des caractéristiques propres. Ainsi, la mise en œuvre de la grève se réalise en quatre temps : le choix d’un type de déclenchement ; celui de la méthode conflictuelle ; le choix d’un mode d’organisation ; celui du dénouement. Il s’agit presque d’une « codification » de la grève, rendue possible par le processus d’institutionnalisation amorcé après la Seconde Guerre mondiale. La grève connaît également des modalités d’organisation multiples, un certain nombre de pratiques privilégiées se détachant : grève tournante ; grève générale ; journée d’action (modalité plus récente de la mise en œuvre du droit de grève) ; débrayage. Mais même ainsi institutionnalisée, voire ritualisée, la grève évolue.

a) L’évolution qualitative et quantitative de la pratique de la grève

Sur le plan qualitatif, de nombreux auteurs ont mis en relief différents « traits spécifiques » des grèves contemporaines, à commencer par l’« éclatement » de la conflictualité contemporaine : « l’entreprise n’est plus le lieu unique du conflit social, l’ouvrier n’est plus son seul acteur et le conflit social n’a plus comme seul enjeu le rapport capital/travail ». Est mise dans le même temps en évidence « une certaine permanence dans la distribution des motifs de revendication. Les salaires demeurent le premier motif de conflit (39,4 %), suivis par l’emploi (20 %), les conditions de travail (18,2 %), l’aménagement et la réduction du temps de travail (10,9 %) et les conflits de droit (10 %) ».  (4)

La question est aussi posée de savoir si à la grève ne viennent pas s’ajouter d’autres modes d’action, telles les pétitions ou les manifestations. Les mêmes auteurs concluent à la difficulté de discerner ce qui relève du domaine de la modernité ou de la tradition. L’essentiel est la prise de conscience du fait que la transformation des pratiques revendicatives « est liée à l’éclatement des rapports de production, à la désinstitutionalisation des organisations et aux mouvements conjoints – parfois contradictoires – de précarisation du travail, d’individualisation des rapports sociaux et d’aspiration à l’autonomie des acteurs sociaux » (5).

Mais l’évolution de la grève est aussi quantitative. Sans doute faut-il être prudent dans les analyses. La grève, comme l’a bien montré le rapport Mandelkern, est un « phénomène protéiforme » et recouvre des situations diverses que ne permettent pas toujours de recenser les statistiques : les grèves peuvent avoir lieu en réaction instantanée à un événement, entrer dans la catégorie des grandes grèves nationales de longue durée, correspondre à des situations locales multiples, etc.

Il reste que d’après les plus récentes études de la direction statistique du ministère en charge du travail (6), la conflictualité du travail s’est plutôt intensifiée au cours de la dernière décennie : entre 2002 et 2004, 30 % des établissements de plus de vingt salariés ont connu au moins un conflit collectif (contre 21 % entre 1996 et 1998). Mais si les grèves ou les débrayages restent un mode d’action collective fréquent, d’autres formes d’actions, telle la pétition, ont davantage progressé. En outre, le recours aux grèves longues (de plus de deux jours) a diminué sur la période (+ 3 % entre 1996 et 1998, + 2,5 % entre 2002 et 2004). Le graphique présenté ci-après retrace ces évolutions, finalement assez contrastées.


Évolution des formes de conflits collectifs

Champ : établissements de 20 salariés et plus

Source : Direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques (Dares) du ministère du travail, des relations sociales et des solidarités.

La même étude note que les conflits sont plus nombreux dans les grands établissements, où la négociation collective et la présence syndicale sont les plus fortes.

En outre, conformément aux résultats publiés très récemment par la même direction statistique (7), en 2005, 2,8 % des entreprises d’au moins dix salariés déclarent l’existence d’un arrêt collectif de travail, que ce dernier ait touché l’ensemble de l’entreprise ou seulement certains de ses établissements. Mais si les grèves se déroulent dans un petit nombre d’entreprises, ces dernières concentrent une part importante de l’emploi (30 % des salariés, car grèves et débrayages surviennent principalement dans les grandes entreprises : 43 % des entreprises d’au moins 500 salariés en déclarent). Le tableau présenté ci-après recense ces résultats.

Entreprises ayant connu au moins une grève en 2005, selon le secteur d’activité *

Secteur d’activité

% d’entreprise

% des effectifs salariés au sein du secteur

Industrie

5,4

37,7

dont : Industries agricoles et alimentaires

4,1

27,8

Industries des biens de consommation

3,0

20,6

Industrie automobile

15,3

74,6

Industries des biens d’équipement

5,9

36,4

Industries des biens intermédiaires

6,0

33,2

Industries énergétiques

22,8

82,9

Construction

0,9

5,8

Commerce

0,8

19,6

Services

3,0

33,2

dont : Transports

6,7

50,8

Activités financières

10,6

57,2

Activités immobilières

2,9

15,1

Services aux entreprises

1,2

33,1

Services aux particuliers

0,7

10,6

Éducation, santé, social et associations

5,7

17,6

Ensemble

2,8

30,0

* Réponse positive à la question « Dans votre entreprise ou l’un de ses établissements, un ou plusieurs arrêts collectifs de travail (grève ou débrayage) se sont-ils produits au cours de l’année 2005 ? »

Lecture : 4,1 % des entreprises des industries agricoles et alimentaires déclarent avoir connu au moins un arrêt collectif de travail. Ces entreprises emploient 27,8 % des salariés du secteur. Toutefois, dans les entreprises comportant plusieurs établissements, la grève a pu toucher seulement certains d’entre eux. L’ensemble des salariés employés dans ces entreprises n’a donc pas nécessairement été confronté à ce conflit sur son lieu de travail.

Champ : entreprises de 10 salariés et plus des secteurs marchands, hors agriculture.

Source : enquête Acemo « Négociation et représentation des salariés en 2005 », Dares.

Ainsi que l’illustrent ces données, on dénombre deux fois plus de grèves dans l’industrie (avec un taux de 5,4 %) que dans les autres secteurs. Les services connaissent un taux légèrement supérieur au taux moyen, avec 3 % des entreprises ayant connu au moins une grève en 2005. L’étude relève cependant qu’au sein des services, les transports, les activités financières et le secteur dit « éducation, santé, social et associatif » sont davantage confrontés à ce type de mobilisation collective que les services aux entreprises et aux particuliers.

Un regard sur l’état de la grève dans le secteur public est également riche d’enseignements, comme l’atteste l’évolution sur le long terme du nombre de journées perdues pour fait de grève, telle qu’elle résulte du graphe présenté ci-après.

Évolution du nombre de journées perdues pour fait de grève

Source : Direction générale de l’administration et de la fonction publique, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

L’ensemble de ces données ne doit cependant pas faire oublier une tendance sur le plus long terme à la décroissance du recours à la grève : sur vingt-cinq ans environ, de 1975 à la fin des années 1990, on constate une diminution du nombre de jours de grève.

b) La très forte dynamique de la négociation collective

Les évolutions respectives de la grève et de la négociation collective sont indissociables et ce n’est pas un hasard si le présent projet de loi s’appuie sur le développement actuel de la négociation collective.

Il est d’ailleurs révélateur que la dernière étude précitée de la direction statistique du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, associe ces deux niveaux d’analyse. Il résulte de cette étude qu’en 2005, 14 % des entreprises de dix salariés et plus ont engagé des négociations collectives, ce taux approchant le taux de 50 % dans les entreprises de cinquante salariés et plus. Au total, plus de sept millions de salariés étaient potentiellement concernés par des négociations en 2005. Huit fois sur dix, ces dernières ont abouti au cours de l’année à la signature d’au moins un accord, conformément aux résultats figurant dans le tableau présenté ci-après.

Part des entreprises ayant engagé au moins une négociation centrale d’entreprise en 2005 et taux d’aboutissement

 

1. Négociations engagées en 2005

2. Taux d’aboutissement des négociations engagées

Part de la catégorie dans le champ total

 


d’entreprises

% de salariés concernés

%
d’entreprises

%
d’entreprises


de salariés

Ensemble

13,9

58,6

78,0

100,0

100,0

10 à 19 salariés

4,9

5,3

83,1

52,0

11,7

20 à 49 salariés

11,1

11,6

71,6

31,5

16,3

50 à 99 salariés

30,9

32,5

72,3

8,7

9,9

100 à 199 salariés

52,3

53,2

78,7

4,1

9,1

200 à 499 salariés

75,1

75,7

84,0

2,4

11,8

500 salariés et plus

89,2

94,9

88,1

1,3

41,2

De 10 à 49 salariés

7,3

9,0

76,5

83,5

28,0

50 salariés et plus

47,4

77,9

79,2

16,5

72,0

Entreprises où un délégué syndical est présent

74,9

91,1

81,7

12,1

57,4

Lecture : les entreprises de 500 salariés et plus représentent 1,3 % des entreprises et 41,2 % des salariés du champ de l’enquête. 89,2 % d’entre elles ont engagé au moins une négociation en 2005. 94,9 % des salariés employés dans les entreprises de cette taille sont donc potentiellement concernés par au moins une négociation collective. Dans 88,1 % des entreprises de 500 salariés et plus ayant négocié au niveau central, au moins un accord a été signé en 2005.

Champ : entreprises de 10 salariés et plus des secteurs marchands, hors agriculture

Source :Enquête Acemo « Négociation et représentation des salariés en 2005 », Dares.

L’évolution de la négociation collective de branche n’est pas moins significative (8). Depuis plusieurs années, l’activité conventionnelle de branche augmente. À partir de 2004, conformément au graphe présenté ci-après, le nombre d’accords de branche est supérieur à 1000. En 2006, 1 096 accords et avenants ont été signés. De fait, amorcé en 2004, l’accroissement du rythme de la négociation de branche s’est poursuivi et accentué en 2005, avant de se stabiliser.

Évolution du nombre d’accords de branche
signés par an depuis 1995

Source : Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Le développement de la négociation interprofessionnelle suit une évolution elle aussi largement positive, puisque depuis une demi-douzaine d’années, le nombre de textes signés au plan interprofessionnel est stabilisé à un niveau élevé (plus de quarante accords chaque année en moyenne, voire beaucoup plus), comme l’indique le graphe présenté ci-après.

Évolution du nombre de textes interprofessionnels (accords et avenants)
signés par an depuis 1996

Source : Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Sans doute ces évolutions générales ne concernent-elles pas directement les secteurs d’activité visés par le projet de loi. Elles reflètent cependant des évolutions structurelles, que l’on retrouve dans une étude plus ciblée.

2. L’évolution des conflits du travail dans le secteur des transports

Tout comme l’évolution des relations du travail au plan général, celle des conflits du travail dans le secteur des transports reflète la dynamique positive de la négociation collective.

a) Une tendance à la baisse de la pratique de la grève dans les transports

Le principe de continuité est l’un des éléments fondateurs du service public, comme le soulignait déjà le rapport établi par M. Claude Huriet au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (février 1999). Le rapport pointait, il y a donc presque dix ans, la part prépondérante des conflits dans la fonction publique entendue au sens large, dans l’ensemble des conflits collectifs du travail. Il relevait – en dépit des limites de l’appareil statistique, auxquelles le rapport consacre un certain nombre de développements – que le secteur public était à l’origine d’environ deux tiers des jours de grève.

Plus récemment, le rapport Mandelkern a fait état d’autres données chiffrées à l’appui de conclusions voisines, en insistant sur le fait que « le caractère général du mouvement de décroissance du recours à la grève n’a pas diminué la spécificité du secteur des transports terrestres de voyageurs ». Le même rapport ajoute : « (…) la constance du rapport observé permet d’affirmer que la SNCF et la RATP connaissent, à elles seules, en moyenne, entre le quart et la moitié des jours de grève, et plus de la moitié du nombre total des grèves observées dans l’économie française (hors administrations publiques) ».

De fait, il existe un niveau certain de conflictualité du travail dans la branche des transports, comme l’illustrent les chiffres les plus récents relatifs au nombre de grèves ou de jours perdus à la SNCF et à la RATP, mais aussi dans d’autres entreprises de transport, comme l’indique le tableau ci-après résultant des analyses du Conseil national des transports publiées au mois de février 2007 (rapport social pour les années 2004 et 2005).

Les conflits du travail dans les transports en 2004 et 2005

 

Nombre de grèves

Nombre de jours perdus

 

2004

2005

2004

2005

Total transport

1 013

1 023

155 692

407 962

Entreprises ferroviaires et transports urbains

776

780

114 884

337 877

SNCF

488

460

94 580

238 962

RATP

182

177

6 090

21 271

Transports urbains

106

137

14 214

74 370

Restauration ferroviaire

0

6

0

3 274

Autres entreprises de transport

237

243

40 808

70 085

Air France (1)

129

126

7 880

11 808

Aéroport de Paris

9

9

2 177

1 213

Transports routiers

70

88

14 798

11 982

Autres (hors ordures ménagères)

29

20

15 953

45 082

(1) Selon le rapport du Conseil national des transports, le nombre des grèves en 2004 et 2005 demande à être vérifié (selon d’autres sources, il y aurait quelques divergences).

Source : Rapport social du Conseil national des transports (février 2007).

Cette analyse statique doit être complétée par une analyse dynamique. L’évolution très récente de la conflictualité montre en effet que celle-ci a tendance à diminuer, même si cette tendance est encore fragile.

Il existe une évolution assez nette à la RATP où, depuis 1996, on dénombre en moyenne 0,3 journées de grève par agent par an contre près d’une journée de grève par agent à la fin des années 1980. Entre 1992 et 2002, le nombre de préavis a été divisé par 4.

Par ailleurs, le nombre d’alarmes sociales, dispositif essentiel de prévention des conflits mis en œuvre à la RATP à partir de 1996, a augmenté de 35 % en 2005, puis de 9 % en 2006. Le tableau suivant retrace les évolutions les plus récentes.

Évolution générale de la conflictualité 2002-2006

Statistiques

2002

2003

2004

2005

2006

Nombre d’alarmes sociales

258

272

262

353

384

Nombre de préavis

187

182

182

177

173

Nombre de journées perdues par agent en général

0,26

1,32

0,14

0,5

0,44

Nombre de journées perdues par agent hors motifs interprofessionnels

(1)

0,04

0,14

0,11

0,2

(1) Chiffre non connu à cette époque.

Source : RATP.

En outre, on observe au cours des dernières années à la RATP une tendance qui est plutôt à la diminution du nombre de journées perdues, comme l’indique le diagramme suivant, même s’il faut tenir compte de la spécificité de l’année 2003 qui a connu de nombreuses grèves.

Nombre de journées perdues (RATP)

Source : Direction générale de la mer et des transports du ministère de l’économie, du développement et de l’aménagement durables.

Cette tendance est un peu moins nette à la SNCF. Sans doute, le nombre de préavis, qui était de 804 en 2002, est passé à 698 en 2006, soit une diminution de 13 %. De même, le nombre de grève s’élève à 432 en 2002, 387 en 2006. Mais cette évolution n’a pas été linéaire sur la période et elle ne concerne pas l’ensemble des données (la variation du nombre total de journées perdues est plus aléatoire). Les tableaux ci-dessous précisent ces évolutions.

Évolution générale de la conflictualité dans les transports publics de voyageurs 2002-2006

Statistiques

2002

2003

2004

2005

2006

Nombre de préavis

804

750

881

699

698

Nombre de grèves

432

378

488

460

387

Pourcentage de préavis suivis

53,7 %

50,4 %

55,4 %

65,8 %

55,4 %

Nombre total de journées perdues

37 239

395 276

94 580

238 962

129 213

Nombre de journées perdues par agent

0,21

2,26

0,55

1,44

0,79

Source : SNCF.

Nombre de journées perdues par agent selon les motifs 2002-2006

Nombre de journées perdues par agent

2002

2003

2004

2005

2006

dues à des motifs d’ordre interprofessionnel

0

1,84
(81 %)

0

0,49
(34 %)

0,37
(47 %)

dues à des motifs d’ordre national

0,08
(38 %)

0,36
(16 %)

0,42
(76 %)

0,82
(57 %)

0,26
(32 %)

Dues à des motifs d’ordre local

0,13
(62 %)

0,06
(3 %)

0,13
(24 %)

0,13
(9 %)

0,16
(21 %)

Source : SNCF.

Le diagramme suivant reflète l’évolution du nombre de journées perdues par agent à la SNCF depuis 2002. Ces données rendent compte d’une tendance à la diminution si l’on prend en considération l’évolution du nombre de journées perdues par agent en général, même si cette évolution est différenciée, dès lors qu’est pris en compte le type de motifs ( interprofessionnels, nationaux ou locaux).

Nombre de journées perdues par agent (SNCF)

Source : direction générale de la mer et des transports du ministère de l’économie, du développement et de l’aménagement durables.

Ces tendances récentes s’inscrivent dans une évolution de plus long terme, dont on pourrait presque dire qu’elle revêt un caractère structurel. En 2004, le rapport établi par M. Dieudonné Mandelkern (9) soulignait la tendance à la décroissance de la grève dans le secteur des transports terrestres de voyageurs en notant que « au-delà des grandes grèves nationales (1986, 1995, 2003, …), dépassant souvent le secteur, le nombre de préavis, ainsi que le nombre de grèves effectives et le nombre de jours perdus, suivent grossièrement une pente descendante depuis une dizaine d’années ». Les tableaux présentés ci-après illustrent ces résultats.

Évolution de la conflictualité à la RATP

 

Préavis

Journées perdues

Journées perdues
par agent

1990

790

24 666

0,62

1991

543

32 655

0,82

1992

376

18 620

0,47

1993

351

14 314

0,36

1994

481

30 973

0,78

1995

476

225 973

5,64

1996

228

14 518

0,37

1997

339

15 172

0,38

1998

213

8 154

0,20

1999

280

7 970

0,19

2000

459

17 326

0,44

2001

331

17 929

0,43

2002

187

11 112

0,26

2003

182

56 207

1,3

2004

NC

6090

0.14

2003

NC

21271

0.49

Source : ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Évolution de la conflictualité à la SNCF

 

Préavis

Grèves

dont

Journées
perdues

Journées perdues
par agent

Locales

Nationales

1990

837

531

521

10

164 395

0,81

1991

826

496

466

30

193 776

0,98

1992

1012

603

587

16

89 160

0,45

1993

913

534

517

17

144 803

0,75

1994

938

500

488

12

93 815

0,51

1995

1182

760

735

25

1 054 920

5,82

1996

1135

594

587

7

94 867

0,53

1997

1178

661

653

8

124 259

0,71

1998

1199

912

895

17

180 431

1,03

1999

1095

571

545

26

53 779

0,31

2000

1015

569

560

9

85 094

0,48

2001

893

455

446

9

160 947

0,90

2002

804

432

429

3

37 239

0,21

2003

750

378

371

395 276

2,26

2004

NC

488

NC

NC 

94 580

0.54

2005

NC

460

NC

NC

238 962

1.36

Source : ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Le rapport Mandelkern ajoutait, conformément aux nombreuses auditions que le groupe de travail avait pu mener : « toutes les personnes entendues par la commission, entreprises et syndicats, ont souligné (…) l’amélioration significative du climat social qui résulterait d’une information plus précise sur la réalité des conflits et ne donnerait pas l’image de perturbations graves, menaçantes par leur caractère indéfini ou l’approximation de leur impact ».

De fait, l’ensemble de ces résultats doit être indéniablement rapproché de la mise en place d’expérimentations de dispositifs de prévention des conflits dans les entreprises de transport (voir infra une description détaillée au point II. A.), dispositifs qui reposent sur une véritable relance de la négociation collective.

b) La dynamique de la négociation collective dans le secteur des transports

Au plan sectoriel, les thèmes de la conflictualité et de la négociation collective sont également étroitement liés, comme l’ont mis en lumière certaines analyses récentes, à l’exemple de l’ouvrage collectif précité réalisé sous la direction du sociologue M. Jean-Michel Denis : « En France comme en Europe, dans le secteur public comme dans le secteur privé, la négociation collective a pris la dimension d’une dynamique. Dans les entreprises publiques, son développement répond à un objectif ambitieux : la modification des pratiques antérieures en matière de relations professionnelles en vue d’instaurer un nouveau système d’échange fondé sur la négociation et la contractualisation. Le paritarisme n’est pas uniquement visé dans cette affaire mais également la « culture du conflit », car la grève et la manifestation demeurent depuis des décennies les modes d’action privilégiée des fonctionnaires et de leurs représentants ».

Le même article ajoute, précision qui prend tout son sens dans la perspective ouverte par le présent projet de loi : « De ce fait, les réformes dans les entreprises publiques passent de plus en plus par le biais d’accords collectifs adoptés à deux niveaux et en deux temps. À un niveau national tout d’abord, par l’établissement d’un « accord général » négocié avec l’ensemble des fédérations syndicales. Au niveau de chaque site, entité ou établissement ensuite, avec les représentants locaux des personnels, voire directement avec ces derniers via l’organisation par les managers de terrain de consultations directes, d’enquêtes et de référendum ». Comment mieux décrire une partie de l’inspiration des mesures proposées par le gouvernement ?

De fait, l’observation des dernières données de la négociation collective atteste le niveau élevé d’accords conclus dans les branches d’activité des entreprises de transport. En 2004, on dénombre 1004 accords, pour 169 procès-verbaux de désaccord. En 2005, la proportion est comparable, puisque 933 accords ont été conclus et 183 procès-verbaux de désaccord établis. Les deux tableaux suivants détaillent ces résultats par branches.

Négociation annuelle obligatoire en 2004

Branches d’activité

Nombre d’entreprises assujetties

Nombre d’accords conclus

Nombre de procès-verbaux de désaccord

Transport routier de marchandises

1 346

498

97

Transport routier de voyageurs

338

167

31

Transports urbains (y compris RATP)

139

87

6

Activité portuaire

16

8

1

Transport ferroviaire

63

22

6

Emprise ferroviaire

48

26

5

Transport aérien (y compris Air France)

92

31

3

Remontées mécaniques

45

28

5

Site aéroportuaire

167

37

4

Divers

215

100

11

TOTAL

2 469

1 004

169

Négociation annuelle obligatoire en 2005

Branches d’activité

Nombre d’entreprises assujetties

Nombre d’accords conclus

Nombre de procès-verbaux de désaccord

Transport routier de marchandises

1 354

471

121

Transport routier de voyageurs

336

170

27

Transports urbains (y compris RATP)

125

90

6

Activité portuaire

9

3

0

Transport ferroviaire

52

9

4

Emprise ferroviaire

39

15

5

Transport aérien (y compris Air France)

85

27

8

Remontées mécaniques

47

23

0

Site aéroportuaire

193

32

3

Divers

222

93

9

TOTAL

2 462

933

183

Source : Inspection générale du travail des transports.

c) La question importante de la perception de la grève

Le rapport Mandelkern a bien montré combien il est difficile d’apprécier la perception réelle des effets de la grève. Il ne fait aucun doute cependant qu’une grève d’ampleur, même sur un territoire limité, crée une gêne importante pour les usagers.

Un récent quotidien (10), titrant « Le service minimum fait un tabac dans l’opinion », a publié les résultats d’un sondage réalisé par l’institut Ifop. Selon ce sondage, 71 % des salariés sont favorable à une limitation du droit de grève pour instaurer un service minimum dans les transports publics. Interrogés plus précisément sur certaines dispositions du présent projet de loi, les personnes interrogées sont 82 % à se déclarer favorables à l’organisation, après huit jours de grève, d’un vote à bulletin secret pour que le personnel décide de la poursuite ou non de la grève et 58 % à se dire favorables à l’obligation pour le salarié qui souhaite faire grève de le déclarer quarante-huit heures avant la grève sous peine de « sanction disciplinaire ». Les tableaux ci-après retracent ces résultats.

Etes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt défavorable ou très défavorable à une limitation du droit de grève pour instaurer un service minimum dans les transports publics ?

 

Ensemble

Salariés du secteur privé

Salariés du secteur public

Rappel janvier 2005

Rappel décembre 2003

Total favorable

71 %

76 % 

60 % 

65 %

74 % 

Très favorable

26 %

26 % 

15 % 

26 % 

28 % 

Plutôt favorable

45 %

50 % 

45 % 

39 % 

46 % 

Total défavorable

29 % 

24 % 

40 % 

34 % 

26 % 

Plutôt défavorable

16 % 

14 % 

22 % 

17 % 

15 % 

Très défavorable

13 % 

10 % 

18 % 

17 % 

15 % 

Ne se prononcent pas

1 % 

Et plus particulièrement, seriez-vous favorable ou défavorable à chacune des propositions suivantes du gouvernement concernant la mise en place d’un service minimum dans les transports publics ?

 

Favorable

Défavorable

Ne se prononcent pas

L’obligation pour le salarié qui souhaite faire grève de le déclarer 48 heures avant la grève sous peine de « sanction disciplinaire »



58 % 



42 % 



L’organisation, après huit jours de grève, d’un vote à bulletin secret pour que le personnel décide de la poursuite ou non de la grève



82 % 



17 % 



1 % 

(1) Sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France réalisé les 12 et 13 juillet 2007 auprès d’un échantillon de 960 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

C’est donc bien à une question complexe mais aussi mobilisatrice que le présent projet de loi apporte une réponse pragmatique.

II.- LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL DANS LES
ENTREPRISES DE TRANSPORT : UNE RÉPONSE PRAGMATIQUE

La difficile conciliation entre le droit de grève – auquel salariés et syndicats sont, en France, traditionnellement très attachés – et la nécessaire continuité du service public dans les transports – que réclament de manière concordante les usagers – appelle dans notre pays une réponse réaliste. Volontarisme et pragmatisme doivent s’associer pour tenir compte de cette véritable particularité française. On peut ainsi constater que la marche vers un service garanti dans les transports publics s’est traduite, au cours des dernières années, par une phase d’expérimentation, qui a précédé le temps de l’action, celui du présent projet de loi, lui-même animé d’un souci de pragmatisme et d’adaptation à la diversité des situations.

A. LE TEMPS DE L’EXPÉRIMENTATION

Ce sont sans doute la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), les deux plus grands acteurs des transports publics terrestres en France, qui auront su le mieux innover depuis dix ans, en apportant par la négociation une réponse aux deux défis d’un service public continu dans le secteur des transports : la prévention des conflits du travail et l’organisation d’un service effectif, lorsque la grève n’a pu être évitée.

1. Les dispositifs de prévention des conflits collectifs de travail mis en place à la RATP et à la SNCF

Dès le 20 mai 1996, la direction de la RATP et les organisations syndicales concluaient un protocole d’accord relatif au droit syndical et à l’amélioration du dialogue social, qui a été consolidé et complété en octobre 2001, puis à nouveau en 2006.

L’article 15 de l’accord organise ainsi une procédure de prévention, dite « d’alarme sociale », imposant une négociation préalable avant tout dépôt d’un préavis de grève. Cette procédure s’applique, lorsqu’un groupe (ou plusieurs) de syndicats ou une direction identifie un problème susceptible de générer un conflit.

Le ou les groupes de syndicats adressent un courrier à la direction concernée (selon le niveau de négociation), dans lequel ils indiquent le motif susceptible de devenir conflictuel. La direction doit alors tenir une réunion avec les auteurs de la lettre dans un délai de cinq jours ouvrables suivant la réception du courrier. De la même façon, une direction qui repère une situation pré-conflictuelle (pétitions, motions…) peut proposer une date de réunion dans les cinq jours de sa notification aux groupes de syndicats représentatifs.

La réunion prévue se conclura par la rédaction d’un constat d’accord engageant les parties ou d’un constat de désaccord, qui recense les points de divergence dans le délai imparti de cinq jours ; toutes les organisations syndicales, ainsi que le personnel, doivent être informées.

La procédure « d’alarme sociale » est dépourvue de caractère impératif. Elle a néanmoins permis de réduire très sensiblement le nombre de conflits sociaux à la RATP, où 173 préavis de grève – soit le plus bas niveau observé depuis 1990 – ont été, par exemple, enregistrés en 2006 (le nombre de ces préavis était de 800 dans les années 80), ce qui conduit à un nombre de jours de grève par agent et par an de 0,4, soit beaucoup moins que la moyenne nationale du secteur, qui s’élève à 0,8.

Il faut noter tout particulièrement l’action des partenaires sociaux qui, au sein de la RATP, sont parvenus, depuis de nombreuses années, à résoudre les conflits collectifs du travail en amont des préavis. La technique de « l’alarme sociale », par le règlement précoce des conflits sociaux qu’elle rend possible au plus près du terrain aura contribué significativement à la pacification des relations sociales, comme au respect des voyageurs et des valeurs du service public.

La procédure « d’alarme sociale » a été étendue à la SNCF, où un protocole d’accord prévoyant un mécanisme similaire, dit de « demande de concertation immédiate » a été conclu le 28 octobre 2004.

Comme à la RATP, la procédure instituée à la SNCF permet aux organisations syndicales qui identifient un problème pouvant conduire à un conflit collectif de saisir la direction ; celle-ci peut, de la même façon, déclencher la procédure de concertation, pour traiter de problèmes qu’elle estime conflictuels.

Une première réunion de concertation est organisée au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables suivant la réception de la demande ; d’autres réunions peuvent ensuite se tenir au cours des dix jours ouvrables suivant cette même date.

Les parties s’engagent à essayer de parvenir à un accord et donc à éviter le dépôt d’un préavis de grève. Le relevé de conclusions est établi au terme de cette période, puis adressé à l’ensemble du personnel.

À la SNCF, le nouveau dispositif a également permis une réelle pacification des relations sociales, une diminution significative de la conflictualité, le nombre de jours de grève par agent et par an étant désormais de 0,8. En 2006, les démarches de concertation immédiate avaient permis, dans près de 90 % de cas, de résoudre les différends et d’éviter ainsi le dépôt de préavis de grève.

Il faut saluer, là encore, l’attitude des partenaires sociaux, qui ont su mener à bien ces démarches de concertation, en amorçant simultanément un véritable changement culturel.

Toutefois, les procédures « d’alarme sociale » ont actuellement leur limite : n’étant pas obligatoires, les partenaires sociaux n’y ont pas systématiquement recours. Ainsi à la RATP dans la période la plus récente, 70 % des préavis de grève n’ont pas été précédés d’une « alarme sociale » et, à la SNCF, 84 % des préavis ne font pas suite à une « démarche de concertation immédiate ». Ainsi, en dépit de leur originalité, ces techniques de prévention des conflits collectifs de travail ne paraissent pas suffisantes, pour répondre aux attentes des usagers des transports publics.

L’intérêt du présent projet de loi est précisément de renforcer ces procédures, tout en les étendant, en raison de leur intérêt, à l’ensemble des entreprises de transport public.

2. L’organisation d’un service effectif et prévisible en cas de grève

Deux grands exemples peuvent être cités : celui de la région Alsace, puis celui de la SNCF et de la RATP qui, au cours de l’année 2005, ont su conclure avec les collectivités organisatrices des accords emblématiques, qui ont préparé la voie aux solutions préconisées par le projet de loi qui nous est soumis.

a) La convention TER entre la SNCF et la région Alsace

Le 18 juillet 2005, était signé un avenant à la convention Transport express régional (TER) conclue le 13 février 2002 pour la période 2002-2009 entre la région Alsace et la SNCF, pour l’organisation et le financement du transport public de voyageurs dans cette région. Cet accord comporte un certain nombre de mesures relatives à l’organisation des dessertes de substitution assurées en cas de conflit social, au choix du service qui doit alors être mis en œuvre et à la nature des informations qui doivent être diffusées dans de telles situations.

Quatre plans de transport de substitution correspondant à des niveaux de desserte gradués ont été élaborés en commun, afin de rendre le meilleur service possible aux usagers en période de grève.

Il est prévu que, lorsqu’un conflit social ne peut être évité, la SNCF et la région Alsace se concertent pour définir l’offre de service qui sera mise en œuvre. Les discussions se poursuivent jusqu’à la veille de la perturbation prévisible à 8 heures, heure à laquelle un plan de transport de substitution est arrêté par l’entreprise.

Il est également prévu que la SNCF organise une information à destination des voyageurs en amont la veille de la grève, information pouvant prendre diverses formes : communiqués de presse, affichage des horaires dans tous les points d’arrêt, alimentation du site Internet TER Alsace, mise en place de points d’accueil à Strasbourg et Mulhouse pour la pointe du soir. Le jour même de la grève, la continuité de l’information doit être assurée par l’affichage des horaires en gare, la mise à jour du site Internet TER Alsace et là encore, la mise en place de points d’accueil à Strasbourg et à Mulhouse pour la pointe du soir.

L’avenant au contrat TER SNCF/Alsace est entré en vigueur pour le service 2006 ; il comporte un système d’intéressement financier de bonus-malus lié au respect par la SNCF du service prévu le jour de la grève. Cet accord de grande importance, dont l’exécution fait l’objet chaque année d’un bilan, a inspiré de nombreuses dispositions du présent projet de loi. Les conseils régionaux ayant d’ailleurs été invités à suivre la voie ainsi ouverte par la région Alsace, plusieurs autres régions (Bretagne, Rhône Alpes, Centre, Franche-Comté) ont ensuite introduit des dispositions sur la prévisibilité du service à l’occasion du renouvellement des conventions d’exploitation conclues avec la SNCF pour le trafic ferroviaire d’intérêt régional.

La démarche utilisée au travers de ces différents accords concernant la prévisibilité du service est singulière ; elle repose, en effet, non sur la réquisition de personnels ou l’imposition d’un service minimum universel, mais consiste en un engagement pris par l’entreprise de transport d’assurer un niveau de service et une information des usagers répondant aux fortes attentes de ces derniers en matière de prévisibilité du transport public.

b) Les engagements de service et d’information en cas de grève conclus pour l’Île-de-France par la SNCF et la RATP

Cette même démarche a été utilisée par la SNCF et la RATP qui ont conclu également en juin 2005 avec la collectivité organisatrice de transport dont elles relèvent – le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) – des accords sur l’engagement d’un service de substitution et l’information des usagers en cas d’arrêt de travail ayant fait l’objet d’un préavis.

C’est ainsi que la SNCF s’est engagée, pour les 13 lignes du réseau Transilien, par l’avenant n° 2 au contrat qui la lie au STIF pour la période 2004-2007, à maintenir aux heures de pointe un niveau de service supérieur ou égal à 50 % ou à 33 % du service normal par sous-réseau, selon le degré de conflictualité de la grève. L’accord conclu prévoit un système de pénalités forfaitaires en cas de non réalisation de cet engagement de service ainsi qu’un dispositif de bonus-malus lié au respect d’un référentiel de qualité de la diffusion de l’information fournie aux usagers.

Dans les conflits sociaux postérieurs à juin 2005, la qualité de diffusion des informations données aux usagers a semblé tout à fait satisfaisante, cependant que le niveau de 33 % du trafic Transilien était, la plupart du temps, assuré.

En juin 2005, la RATP a pris un engagement tout à fait similaire, prévoyant, qu’en cas de préavis de grève, elle s’engage à assurer au moins 50 % du service normal et qu’elle supporte des pénalités financières, si cet engagement de service garanti n’est pas respecté. Ces pénalités sont évaluées sur la base du service réalisé par rapport au service normalement prévu avec deux niveaux forfaitaires (de 50 % à 25 % et inférieur à 25 %).

L’accord entre la RATP et le STIF vise également à améliorer l’information des voyageurs au travers de l’application d’un système de bonus-malus. Le processus d’information doit être déclenché, dès lors que le service engagé est inférieur à 75 % du service normal, le dispositif de bonus-malus portant sur la qualité de la prévision s’appliquant, quant à lui, lorsque le trafic constaté est inférieur à 50 %.

À ces efforts d’expérimentation, il faut ajouter la Charte pour une meilleure prévisibilité du transport public conclue le 18 juillet 2006 entre l’État et plusieurs entreprises de transport, organisations syndicales, et associations d’usagers.

À l’heure actuelle, plus de vingt autorités organisatrices de transport se sont engagées dans une démarche de prévisibilité, telle la communauté urbaine de Marseille, qui a signé avec la Régie des transports marseillais (RTM) le 18 décembre 2006 un avenant au contrat prévoyant des engagements de service par la RTM ainsi qu’un système de sanctions, la Régie des Transports Marseillais devant appliquer ce dispositif avant la fin décembre 2008. On peut citer également l’exemple de la communauté urbaine de Nancy, qui a mis en place avec l’entreprise délégataire de service public, Connex Nancy un dispositif de prévisibilité assorti d’incitations financières.

B. LE TEMPS DE L’ACTION

Après ce temps d’expérimentation fructueuse, le présent projet de loi tend à systématiser les procédures créées par certaines entreprises de transport. Il est important, avant de décrire le dispositif proposé, de revenir sur la dimension internationale du débat, ainsi que sur les nombreux travaux qui ont préparé la discussion qui se tient aujourd’hui.

1. Une réflexion prenant en compte la dimension comparative

Comme l’a montré, notamment, la juriste Lydie Doré, « le droit comparé a avant tout pour fonction de mettre en lumière les particularités de la situation française » (11). Dans cette logique, un rapport de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne a proposé une lecture comparée de la question du service minimum dans les services publics en Europe (12). Le présent développement s’inspire de ces analyses et de certaines données complémentaires (13).

Ces analyses montrent que si un certain nombre de pays sont dépourvus de « service minimum » (14), notamment l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, ceux-ci présentent des caractéristiques très éloignées de la situation française. En revanche, de nombreux États européens (Italie, Espagne ou Portugal) mais d’autres aussi ailleurs dans le monde (tel le Québec) ont mis en œuvre, avec succès, un dispositif de ce type.

a) Des pays sans dispositif de service minimum

Certains pays, pour des raisons diverses, n’ont pas instauré de service minimum. Mais c’est souvent le modèle de fonction publique qui explique ce choix. Deux exemples illustrent ces situations.

● L’Allemagne : un droit de grève très encadré

Le « modèle allemand » se caractérise par une fonction publique composée de deux types de fonctionnaires. Les premiers (environ 1,6 millions de fonctionnaires) ont la charge des missions que l’on peut qualifier de « puissance publique » : il s’agit des juges, pompiers, policiers, agents des administrations pénitentiaires ainsi que de la majeure partie des enseignants. Assujettis à une obligation de neutralité politique, ils sont dépourvus du droit de grève et la question du service minimum ne se pose pas pour eux : l’article 33 de la loi fondamentale dispose que « l’exercice de la puissance publique doit être confié à titre permanent à des membres de la fonction publique placés dans un rapport de service et de fidélité de droit public ».

Il en va différemment des employés et ouvriers (soit environ trois millions d’agents), soumis à un régime de droit privé et dont les droits sont organisés par des conventions collectives. Pour eux, la question du service minimum se pose, et cela avec d’autant plus d’acuité que la Cour constitutionnelle fédérale, par une décision du 2 mars 1993, a considéré comme contraire à la loi fédérale le remplacement de grévistes par des fonctionnaires. Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (selon laquelle les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme s’appliquent aux fonctionnaires – CEDH, 28 août 1986, Glasenapp c. Allemagne).

Mais, en pratique, le nombre de grèves est très faible. D’une part, en raison de la tradition de négociation collective très développée. D’autre part, du fait d’une jurisprudence assez restrictive des tribunaux compétents, qui ont limité l’objet de la grève et les circonstances de son déclenchement : en particulier, la grève doit toujours porter sur la négociation de conventions collectives et être proportionnelle à l’objet du conflit.

Il existe en outre un certain nombre d’autres conditions à l’exercice du droit de grève : approbation de l’appel à la grève par une forte majorité des salariés syndiqués ; syndicalisation depuis au moins trois mois ; obligation d’une négociation préalable à la grève ; etc.

L’ensemble de ces éléments suffit à garantir un équilibre entre le droit de grève des agents publics et les droits des usagers des services publics. En tout état de cause, ces caractéristiques sont assez éloignées de celles du modèle français.

● La Grande-Bretagne : un service public pour une grande part confié à des opérateurs privés

On distingue en Grande-Bretagne deux types d’agents publics : d’une part, les agents recrutés au niveau de l’Etat, qui forment le « civil service », exerçant les fonctions « de souveraineté » et soumis à une exigence de neutralité ; d’autre part, les quelque deux millions d’agents recrutés au niveau local (dans les secteurs de la police, de la santé, des hôpitaux ou de l’enseignement).

La grève est assez peu pratiquée en Grande-Bretagne pour plusieurs raisons. D’une part, la gestion locale d’un certain nombre de services publics, au moyen de délégations à des opérateurs privés, entrave la pleine effectivité d’une grève. D’autre part, même en cas de menace de grève de grande ampleur, le gouvernement a la possibilité, depuis l’Emergency power act de 1964, de déployer des troupes pour effectuer un travail urgent d’importance nationale.

En outre, le contrat est au cœur de l’ensemble des relations de travail, y compris des relations entre la direction d’une entreprise et les syndicats : des sanctions pour inexécution d’un contrat peuvent être prévues et en tout état de cause le « fairness » régit l’application du contrat.

Il faudrait aussi, pour être complet évoquer l’ensemble des mesures encadrant l’exercice du droit de grève, notamment aux termes de l’Employment act de 1982 qui impose : l’envoi par les syndicats au domicile des salariés d’une bulletin de vote financé par eux ; l’adoption de la décision de faire grève à la majorité par un vote par correspondance et à bulletin secret ; la limitation de l’objet de la grève à un certain nombre de domaines tels les conditions d’emploi, l’embauche, le licenciement, la répartition du travail, l’affiliation syndicale, les règles de discipline ou les procédures de consultation des salariés ; etc.

La juriste Lydie Doré, dans l’article précité, conclut qu’« ainsi, en dépit de leurs différences au plan sociologique – l’Allemagne est plutôt un pays de tradition consensuelle où la notion clef est la négociation et la Grande-Bretagne un pays de tradition anglo-saxonne marqué par l’attachement à la notion de contrat – la conception du conflit social qui les caractérise semble en soi restreindre le recours aux grèves et par ailleurs s’accommoder d’une limitation forte de ce droit ». Il en va autrement dans un certain nombre d’Etats, qui se rapprochent davantage du modèle français.

b) Les pays ayant organisé un service minimum

D’autres pays ont organisé un service minimum. Ils constituent autant d’exemples desquels la France peut s’inspirer – dans une certaine mesure – pour faire évoluer sa législation.

● L’Italie : de nombreux instruments pour la mise en œuvre d’un service minimum

L’article 40 de la Constitution italienne reconnaît le droit de grève, qui doit s’exercer dans la limite des lois qui le réglementent.

Les lois du 12 juin 1990 et du 11 avril 2000 (15) ont établi un service minimum. Cette législation a été notamment motivée par le régime de la continuité du service public en Italie : selon le droit pénal italien, des peines d’emprisonnement peuvent être prononcées en cas de non-respect du principe de continuité des services publics.

Les règles relatives au service minimum s’appliquent dans un certain nombre de services publics dits « essentiels », énumérés, de manière non limitative, aux articles 1er et 2 de la loi du 12 juin 1990. La notion de services essentiels est entendue de manière assez large, puisqu’elle englobe les besoins de consommation courante des citoyens. Les services concernés sont : la santé, l’hygiène publique, la protection civile, la collecte et le transfert de déchets, certains services de douane, l’approvisionnement en énergie et en biens de première nécessité, la justice, la protection de l’environnement, les transports en commun, les transports maritimes, la sécurité sociale et l’assistance publique, le crédit (la fourniture de ce qui est nécessaire à la vie), l’instruction publique, les postes et télécommunications et l’information radiotélévisée publique.

Il s’agit d’une conception extensive des services essentiels, la loi du 11 avril 2000 ayant étendu ce champ à des secteurs professionnels de la vie publique tels ceux des avocats, des médecins, des taxis, des chauffeurs routiers, etc.

Le service minimum est mis en œuvre dans les services essentiels selon les principes suivants.

D’une part, la loi soumet l’exercice du droit de grève à un certain nombre d’obligations : respect d’un préavis de dix jours ; établissement d’un dispositif de rapprochement et de conciliation préalable ; limitation de la durée de la grève ; etc.

D’autre part, il revient à la négociation collective (entre les entreprises ou administrations concernées et les représentants syndicaux) de déterminer ce que seront les « prestations indispensables ». En cas d’échec de la négociation, une commission de garantie intervient. Celle-ci a développé une interprétation assez extensive de la notion de services essentiels et, dans le cas où il y a eu conclusion d’un accord, dont la commission de garantie apprécie la validité, elle peut même proposer des prestations complémentaires.

Enfin, les pouvoirs publics disposent toujours de moyens de réquisition. La loi de 1990 a en effet prévu qu’en cas de danger, le président du Conseil, le ministre compétent, le préfet ou le président de la région concernée, dans leur champ territorial de compétence, « impose[nt], à l’administration ou à l’entreprise prestataire, les mesures permettant d’assurer un fonctionnement approprié des services ». Dans les cas où les sanctions prononcées par la commission de garantie ne seraient pas mises en œuvre pour des raisons diverses, seule la réquisition est alors efficace.

● L’Espagne : la voie réglementaire privilégiée

L’article 28-2 de la Constitution espagnole dispose que « (…) la loi réglementant l’exercice [du droit de grève] établira les garanties nécessaires pour assurer le maintien des services essentiels de la communauté ». La Constitution garantit donc à la fois le droit de grève et le service minimum, depuis 1979. Elle entérine ainsi les dispositions de l’article 10 du décret-loi royal du 4 mars 1977, qui confie à l’autorité gouvernementale la responsabilité de fixer les mesures indispensables au fonctionnement des services tenus pour essentiels.

Comme en Italie, la notion de « services essentiels » est déterminante et le tribunal constitutionnel espagnol, par des sentences en date de 1981 et 1992, a délimité cette notion.

En outre, des décrets d’application du décret-loi du 4 mars 1977 précité aménagent le service minimum dans les centres hospitaliers, les chemins de fer, la marine marchande ou encore la navigation aérienne. Selon Lydie Doré dans l’article précité « dans ce pays, l’absence de remise à l’ordre du jour de l’adoption d’une loi s’explique par la souplesse de la voie réglementaire ; celle-ci, associée aux efforts du juge constitutionnel, a en effet permis de définir de façon satisfaisante les services concernés par le service minimum. La voie réglementaire peut donc constituer une alternative à l’adoption d’une loi ».

Un certain nombre de règles encadrent le recours à la grève dans les services ainsi définis. Il existe notamment un préavis de dix jours, au sein duquel la négociation doit se poursuivre entre les directions des entreprises et les syndicats afin soit d’annuler la grève, soit de déterminer le contenu du service minimum ; en cas de désaccord persistant, le gouvernement national ou celui de la communauté autonome, selon les cas, fixe les conditions d’organisation du service minimal.

● Le Portugal : le service minimum dans les services correspondant aux « besoins essentiels »

La Constitution portugaise garantit le droit de grève en donnant aux salariés la possibilité de définir le champ des intérêts à défendre au moyen de la grève. Elle précise également qu’en période de grève, la loi fixe les conditions « de prestation des services nécessaires à la sécurité et à la maintenance d’équipements et d’installations, ainsi que des services minimaux indispensables à la satisfaction de besoins sociaux impérieux ».

Sur ce fondement, la loi a défini un certain nombre de services, correspondant à des « besoins essentiels » : postes et télécommunications ; services médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques ; salubrité publique ; services des eaux ; énergie et mines ; pompiers ; entreprises de transport.

Des lois – dont la dernière en date du 27 avril 2003 – ont aussi fixé les règles applicables à la détermination du service minimum dans ces secteurs : le respect d’un préavis de cinq ou dix jours ouvrables selon les cas ; l’obligation pour les représentants du personnel d’évaluer l’impact des grèves envisagées sur le service rendu aux usagers ; l’obligation pour les représentants des travailleurs de désigner les personnes affectées au service minimum quarante-huit heures avant le début de la période de grève.

En principe, le service minimum doit être fixé par convention collective ou par accord avec les représentants des salariés. À défaut d’accord, après le dépôt d’un préavis de grève, le ministère de la sécurité sociale et du travail convoque les représentants des travailleurs et des employeurs pour déterminer les conditions du service minimum. En cas d’échec, un arrêté interministériel définit le contenu du service minimum. Enfin, ultime recours, le gouvernement a la possibilité de faire application des dispositions d’une loi du 20 novembre 1974 pour réquisitionner ou mobiliser le personnel nécessaire.

● Les pays nordiques : la détermination du service minimum par voie de conventions collectives

Les pays nordiques se distinguent des autres pays européens dans la mesure où, en pratique, le service minimum y est déterminé par les conventions collectives.

Ainsi, en Suède, il existe une « trêve sociale obligatoire », en vertu de laquelle la grève est interdite pendant la durée de validité de toute convention collective. Or, comme le précise un rapport établi par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (16), la majorité des conventions collectives contiennent des clauses d’interdiction des grèves ou d’autres formes de conflits du travail. En cas de désaccord entre les parties, celles-ci doivent faire appel à des comités de conciliation. En dernier lieu, il est toujours possible au Parlement de mettre fin à ce type de conflit par le vote d’une loi.

● Le Québec : le rôle central du Conseil des services essentiels

L’exemple du Québec est intéressant car ce pays, non européen, a été pionnier en matière de service minimum.

En 1982, le gouvernement a adopté une loi visant à « consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier de services jugés essentiels, lorsque des travailleurs exercent leur droit de grève dans les services de la santé, dans les services sociaux et dans certains services publics » (loi du 23 juin 1982). Au Québec, contrairement à ce qui prévaut par exemple en Italie, la définition des services publics essentiels est donc plutôt restrictive, puisqu’elle se limite à la protection de la santé et de la sécurité du public.

Cette loi a établi un Conseil des services essentiels ayant pour mission de veiller – en permanence – au respect du service minimum.

Le Conseil des services essentiels est défini comme « un tribunal administratif, exerçant des pouvoirs quasi-judiciaires, chargé de s’assurer du maintien de services essentiels suffisants pour préserver la santé ou la sécurité du public lors de grèves légales et d’assurer au public les services auxquels il a droit à l’occasion d’actions concertées illégales » (17).

Les membres du Conseil sont nommés par le gouvernement sur proposition du ministre du travail. Outre le président et un vice-président, les autres membres sont choisis après consultation des milieux patronal, syndical et sociocommunautaire. Le président et le vice-président sont nommés pour une durée maximale de cinq ans, les autres membres pour une durée maximale de trois ans. Le Conseil est aujourd’hui composé de six membres.

La mission du Conseil des services essentiels est triple.

– Avant tout, le Conseil doit assurer le maintien des services essentiels. Le critère du maintien de la santé ou de la sécurité de la population est l’unique critère pris en compte par le Conseil lorsqu’il évalue la suffisance des services essentiels : les inconvénients résultant d’une grève dans un service public, de même que l’impact économique d’un conflit, ne sont pas retenus.

En pratique, seront toujours considérés comme essentiels : dans le secteur municipal, la fourniture d’eau potable, le traitement des eaux usées, l’enlèvement à une certaine fréquence des ordures ménagères, l’entretien, pour des raisons liées à la sécurité, des voies publiques, incluant le déneigement et l’épandage d’abrasifs ; dans les centres d’accueil et d’hébergement, les soins aux bénéficiaires ; dans le secteur du transport par autobus, tout service dont l’absence provoque un engorgement de la circulation tel que les véhicules d’urgence ne peuvent circuler librement.

L’exercice du droit de grève est également subordonné à l’existence de certaines conditions.

D’une part, le syndicat concerné doit faire parvenir au ministre du travail, à l’employeur et au Conseil un avis de grève au moins sept jours francs avant la date du déclenchement de la grève.

D’autre part, le syndicat et l’employeur ont l’obligation de négocier les services essentiels à maintenir durant la grève. Le médiateur du Conseil peut aider les parties dans cette négociation, qui vise à ce que les parties concluent une entente ou, à tout le moins, réduisent l’écart entre leurs positions respectives. Si les parties ne peuvent s’entendre, le syndicat dépose au Conseil la liste des services essentiels qu’il entend fournir. Si au fil du temps la liste est « transformée en entente », l’entente prévaut et elle sera déposée au Conseil en remplacement de la liste initiale.

La liste ou l’entente doit indiquer la nature des services offerts ainsi que le type de fonctions et les effectifs nécessaires à leur maintien durant la grève.

Le Conseil évalue, dans un délai de sept jours, l’efficacité des services prévus dans la liste ou l’entente, au regard des critères de santé et de sécurité. Si le Conseil juge les services insuffisants, il peut : recommander des ajouts ou modifications à la liste ou à l’entente ; recommander au syndicat de surseoir à la grève et de refaire une liste de services essentiels ; dans les cas extrêmes (rares en pratique) où la liste apparaît très insuffisante, le Conseil fait un rapport au ministre du travail, qui peut alors recommander au gouvernement de suspendre l’exercice du droit de grève du syndicat.

– Au cours de la grève, le Conseil dispose de pouvoirs de redressement : il s’agit d’assurer au public le service auquel il a droit lorsque des gestes illégaux sont constatés à l’occasion de conflits, ou d’assurer que les services essentiels sont rendus. Le Conseil peut alors diligenter une enquête sur le conflit concerné et rendre, s’il y a lieu, des ordonnances en vue de redresser la situation.

– Enfin, le Conseil dispose de pouvoirs de réparation : lors d’un conflit de travail qui a causé un préjudice à un service auquel le public a droit, le Conseil peut, après avoir entendu les observations des parties, rendre des ordonnances de réparation. L’objectif de la réparation est de compenser l’impact d’une interruption de service ou du préjudice causé aux utilisateurs du service en tant que groupe et non à titre individuel.

Ces apports étrangers, pour intéressants qu’ils sont, ne doivent toutefois pas être surévalués : comme l’a précisé le rapport du groupe de travail présidé par M. Dieudonné Mandelkern en 2004, « la très forte dimension nationale de chaque scène sociale, marquée par l’histoire du pays comme par celle du syndicalisme, limite les possibilités de transposition ».

2. De nombreuses initiatives sous la XIIe législature

Sous la XIIe législature, quatorze propositions de loi (dont une de nature constitutionnelle) ont été déposées afin de proposer des solutions de nature législative à la question posée par la conciliation entre le droit de grève et la continuité des services publics (18). Ces propositions témoignent d’une réelle préoccupation commune.

La proposition de loi de votre rapporteur (n° 110 du 24 juillet 2002), cosignée par plus de trois cents députés – et significativement déposée en tout début de législature –, visait à instaurer « un service garanti » dans les transports en commun en cas de grève. Elle était ainsi l’une des premières à insister sur la nécessité d’une action législative. Selon son exposé des motifs, « en l’absence d’obligation de service minimum et face à la multiplication des grèves dans les services publics de transport, les droits élémentaires des usagers sont de plus en plus souvent bafoués. En effet, il n’est pas rare d’assister à une importante paralysie des trains, bus ou métros aux heures de pointe – en particulier en début de matinée et en fin d’après-midi –, empêchant nombre de nos concitoyens de se rendre sur le lieu de travail ou de rejoindre leur domicile. Il convient donc de mettre enfin sur pied une législation capable de concilier le droit de grève, l’intérêt général et la liberté de circulation ».

Il faut citer aussi la proposition de loi (n° 1814) du président de votre commission spéciale M. Hervé Mariton relative à la mise en œuvre d’un service essentiel pour les transports terrestres de voyageurs, autre initiative importante en la matière, dont l’exposé des motifs s’achevait par ces mots : « (…) il ne paraît pas que le législateur doive s’excuser de faire la loi. C’est notre mission, c’est une garantie de démocratie. C’est aussi ici, par un rôle nécessaire et souligné de la loi, la reconnaissance souvent demandée et volontiers partagée, de la spécificité du service public ».

À l’Assemblée nationale, un débat en séance publique a été organisé le 9 décembre 2003, à l’initiative du groupe UMP, consacré à « la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève ». Ce débat a permis aux différents intervenants de faire valoir leurs positions respectives. Il a été clos par l’intervention du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, M. Gilles de Robien, qui a annoncé la réunion d’un conseil d’experts (la future « commission Mandelkern »).

Par la suite, le ministre a plusieurs fois été entendu par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale (affaires économiques ; affaires sociales ; lois) pour un point régulier sur les avancées réalisées en matière de négociation collective sur la mise en œuvre de dispositifs d’alarmes sociales et de concertation préalables au recours à la grève.

3. Les préconisations du rapport Mandelkern (juillet 2004)

Parmi les travaux menés sur la question de la continuité du service public des transports et de sa conciliation avec le droit de grève, une place toute particulière doit être réservée au rapport rendu public le 21 juillet 2004 par une commission d’experts présidée par M. Dieudonné Mandelkern, ancien président de la section du contentieux au Conseil d’État. La constitution de cette commission chargée d’analyser les données juridiques de ce problème avait été annoncée par M. Gilles de Robien, ministre de l’équipement, des transports, du logment, du tourisme et de la mer, lors d’un débat tenu à l’Assemblée nationale le 9 décembre 2003, débat qui avait permis une utile confrontation des points de vue.

Le « rapport Mandelkern » est intéressant, en ce qu’il marque un temps important dans la réflexion sur la question du service garanti dans les transports publics et parce qu’il a étroitement inspiré sur de nombreux aspects concrets les rédacteurs du présent projet de loi.

L’objectif profond poursuivi par les membres de la « Commission Mandelkern » était de rechercher les voies d’une conciliation, d’un compromis entre l’exercice du droit de grève, qui doit impérativement être préservé comme arme ultime de défense des intérêts des salariés et la protection indispensable des intérêts des voyageurs.

Dans un premier temps, les membres de la Commission ont tenté d’identifier les données sociales et juridiques qu’ils jugeaient indispensables à une réflexion sur la continuité du service public. Ils ont cherché ensuite à dégager des analyses et à présenter des propositions.

Le rapport a noté d’emblée et, ce point est essentiel, que les organisations syndicales, « en dépit de la divergence de leurs approches du dialogue social ou de l’action syndicale, marquent catégoriquement et solennellement leur total refus de toute loi qui restreindrait le droit de grève ».

Le « rapport Mandelkern » observait ensuite que si, selon plusieurs études menées par la SNCF auprès de sa clientèle, la grève ne constitue pas une préoccupation première, contrairement aux problèmes d’horaires, d’informations en cas de perturbations ou encore de confort ou de sécurité, près de 80 % des Français se déclarent habituellement, selon certains sondages, en faveur d’un service minimum garanti.

Le recours à la grève est certes en décroissance depuis une dizaine d’années dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, comme dans l’économie en général. Néanmoins, on doit observer que la SNCF et la RATP connaissent traditionnellement, à elles seules, en moyenne, entre le quart et la moitié des jours de grève et plus de la moitié du nombre total des grèves observées en France.

Les auteurs du rapport ont estimé ensuite que toute réflexion sur la recherche d’une garantie de la continuité du service public des transports devait prendre acte du rôle désormais dévolu aux collectivités territoriales : communes et leurs regroupements pour les transports locaux, départements pour les transports scolaires, régions pour les transports collectifs d’intérêt régional et s’adapter ainsi à la diversité des situations entraînée par le mouvement général de décentralisation.

Se penchant plus particulièrement sur le droit de grève, le rapport en soulignait la valeur constitutionnelle, mais rappelait qu’il s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent et qu’il doit être concilié ainsi avec le principe de continuité des services publics, qui a la même valeur juridique, suivant une importante décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979.

Seule la loi peut permettre l’institution d’un dispositif d’amélioration de la continuité du service public des transports ; il s’agit là non d’une affirmation d’ordre politique ou symbolique, mais d’une nécessité juridique commandée par les règles constitutionnelles. Les débats parfois observés sur la préférence à donner à la loi ou au contrat pour réglementer le droit de grève sont ainsi dépourvus d’objet en l’état actuel du droit. En matière de droit de grève, c’est, précisait le « rapport Mandelkern », la loi qui est la condition juridique du contrat.

Le rapport traitait ensuite des moyens propres à améliorer la continuité du service public de transport terrestre de voyageurs.

Trois grandes mesures sont apparues sur ce point indispensables :

– une modification du droit pour favoriser la prévention des conflits ;

– un accroissement de la prévisibilité du service en cas de grève ;

– une garantie de service selon des modalités propres à satisfaire aux exigences constitutionnelles, lorsque les techniques précédentes n’ont pas permis d’améliorer le niveau de continuité attendu.

S’agissant de la prévention des conflits, le rapport insistait sur l’intérêt des négociations préalables à la grève, mettant en exergue les accords « d’alarme sociale » ou de « demande de concertation immédiate » négociés puis mis en œuvre à la RATP et à la SNCF au cours des dernières années, qui obligent en cas de conflit, à des négociations préalables au dépôt d’un préavis de grève. Ces accords ont permis de réduire notablement la conflictualité dans ces deux entreprises et montré l’utilité de la négociation, pouvant constituer ainsi, par le dépassement du conflit qu’ils ont su organiser, un exemple utile.

Le rapport suggérait dès lors d’organiser un système de négociation préalable obligatoire portant sur un délai de dix jours avant le début du mouvement de grève.

Il insistait ensuite sur la notion de prévisibilité, prônant un service certes réduit par la grève, mais connu et garanti, car la prévisibilité du service est une attente importante de l’opinion et les utilisateurs des transports publics doivent pouvoir s’organiser à partir de prévisions précises et fiables. Était également suggérée la définition, par les autorités organisatrices de transport, au terme d’une large concertation avec les utilisateurs, de dessertes prioritaires, en cas de grève, tenant compte des besoins locaux.

Le rapport préconisait ensuite la définition par les entreprises de transport de plans alternatifs de transport communiqués à leurs autorités organisatrices. Ces plans devaient être mis à la disposition des voyageurs par des moyens d’information adaptés, au moins vingt-quatre heures avant la grève, l’information ainsi communiquée devant être gratuite et actualisée en temps réel.

Pour que l’information donnée aux usagers soit fiable, des prévisions précises doivent être faites par l’entreprise de transport. Le « rapport Mandelkern » suggérait sur ce point que l’entreprise exige de ses salariés une déclaration préalable d’intention de participation à la grève.

Il préconisait ainsi une déclaration individuelle exprimée au moins quarante-huit heures avant le début de la grève par tout salarié dont la participation à celle-ci peut avoir un impact sur l’offre, ce délai de quarante-huit heures devant permettre à l’entreprise de réaliser une anticipation correcte ; ce délai s’imposait du reste, dès lors que l’on admet qu’une information adéquate doit pouvoir être donnée aux utilisateurs, au moins vingt-quatre heures avant la grève.

Le rapport suggérait que cette déclaration individuelle revête un caractère obligatoire, pour permettre une réelle amélioration de la prévisibilité, tout en prenant acte de l’opposition de la majorité des organisations syndicales, qui voient dans cette technique de la déclaration individuelle d’intention de participation à la grève une atteinte sensible au droit de grève.

En tout état de cause, la formule de la déclaration d’intention individuelle est apparue à la Commission comme respectant le droit constitutionnel de faire grève et comme indispensable à l’organisation d’une vraie prévisibilité.

Abordant ensuite la question de la garantie de service, assurée en cas de grève, la « commission Mandelkern » excluait deux situations parfois évoquées : celle d’un service par plages, garantissant, qu’aux heures de pointe, par exemple, de six à neuf heures le matin et de cinq à huit heures le soir, tous les trains, métros, trams et bus seront appelés à circuler. Ce scénario qui a l’avantage de la simplicité et de la bonne compréhension par l’opinion publique exigerait techniquement le maintien en activité de près de 90 % du personnel de conduite, de régulation et de contrôle et serait susceptible ainsi de porter atteinte au droit constitutionnel de grève.

Un second scénario était également exclu, qui reposerait sur la définition de jours ou de périodes durant lesquelles la grève est plus particulièrement dommageable aux usagers : périodes d’examens, de départs en vacances ou de grands événements sportifs.

Ce schéma est apparu lui aussi en contradiction avec les exigences constitutionnelles, en ce qu’il obligerait tous les personnels à être présents. De surcroît, de nombreux autres besoins essentiels, l’utilisation des services publics, notamment sanitaires et sociaux, les trajets domicile-travail, la desserte des quartiers et zones enclavées ont semblé mérité eux aussi d’être préservés des effets de toute grève.

La « commission Mandelkern » a suggéré un schéma différent, prenant en compte en premier lieu les besoins essentiels des populations locales, que doivent définir les autorités organisatrices de transport au terme d’une large concertation, et reposant ensuite sur l’organisation de la garantie de service par l’entreprise elle-même. Celle-ci aura la responsabilité, sous le contrôle du juge et après avoir consulté les institutions représentatives du personnel, de faire approuver par l’autorité organisatrice un plan de transport, concrétisant ce droit à service garanti, dont la Commission était chargée de préciser les contours.

En insistant sur la nécessité de recourir à la loi, en analysant la notion de prévisibilité du trafic considérablement facilitée par la déclaration individuelle d’intention du salarié de recourir à la grève, en prônant une meilleure information des usagers, mais aussi, en insistant sur la nécessité de définir des dispositifs souples, adaptés au terrain, la « commission Mankelkern » a préparé la marche vers ce service garanti dans les transports publics que tente aujourd’hui d’organiser ce projet de loi.

4. Le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Le 21 juin 2007, après une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, partenaires sociaux, élus locaux, usagers, représentants des entreprises, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a présenté un projet de loi visant à renforcer le dialogue social et à promouvoir la continuité du service public de transport terrestre de voyageurs.

Point d’aboutissement des réflexions et initiatives parlementaires que l’on vient d’analyser, le dépôt de ce projet de loi qui organise la mise en place d’un service garanti en cas de grève est aussi la concrétisation d’un engagement explicite pris avant son élection par le Président de la République.

M. Xavier Bertrand a souligné tout particulièrement que ce texte répond aux attentes de 80 % des Français qui, au-delà des clivages politiques, se déclarent favorables à l’instauration d’un service garanti et prévisible. M. Xavier Bertrand a également fait remarquer que le projet de loi réalise une conciliation efficace entre le droit de grève, auquel il ne saurait être question de porter atteinte et le principe de continuité des services publics, qui a lui aussi valeur constitutionnelle. Ce texte est avant tout pragmatique : il s’agit d’une loi-cadre, faisant appel au dialogue entre les intervenants du secteur et recherchant la meilleure adéquation à la diversité des situations locales.

L’objet du projet de loi est triple : éviter au maximum le recours à la grève ; éviter, autant que possible, la paralysie, en cas de grève ; éviter l’absence d’information pour les usagers.

Centré sur l’amélioration concrète de la vie quotidienne des usagers des transports publics, le projet de loi comporte plusieurs « volets », dont les dispositions s’inspirent largement des réflexions antérieures – celles de la « commission Mandelkern », notamment – et des accords existants (les accords entre le syndicat des transports d’Île-de-France et la RATP et la SNCF, la Convention TER entre la SNCF et la Région Alsace) précédemment analysés.

– Le premier volet relatif au dialogue social et à la prévention des conflits, et visant à éviter les grèves, précise les conditions dans lesquelles les entreprises de transport doivent négocier, avant la date du 1er janvier 2008, avec les organisations syndicales de salariés, un accord de prévention des conflits prévoyant l’organisation préalable obligatoire d’une négociation avant tout préavis de grève. La négociation d’un accord de prévention des conflits pourra également intervenir au niveau des branches professionnelles. Si les entreprises ne parviennent pas à un accord avant le 1er janvier 2008, un décret en Conseil d’État réglera la situation dans les entreprises concernées.

– Le second volet du projet de loi vise la mise en œuvre d’un service garanti en cas de grève ou de perturbation prévisible des transports publics. Ce sont les autorités organisatrices de transport – les différentes collectivités publiques responsables – qui sont chargées de définir des dessertes prioritaires correspondant aux spécificités locales. Dans ce cadre, les entreprises de transport auront la responsabilité de mettre en place des plans de transport alternatifs, dits « adaptés », ainsi que des plans d’information des usagers.

Le projet de loi prévoit, reprenant en cela une préconisation du « rapport Mandelkern », l’obligation pour les salariés de déclarer, deux jours avant le début de la grève, s’ils entendent y participer. Cette disposition doit permettre d’assurer le meilleur niveau de service aux utilisateurs du service public et de mieux les informer. Le projet de loi prévoit également, qu’après huit jours de grève, une consultation à bulletins secrets des salariés portant sur la poursuite de cette grève pourra être organisée à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale représentative.

– Le troisième volet du projet de loi reconnaît le droit des usagers de disposer d’une information précise et fiable en cas de perturbation du trafic, ce droit étant concrétisé par la possibilité pour les usagers d’obtenir le remboursement de leur titre de transport.

Volontarisme et pragmatisme sont sans doute les deux « maîtres mots » qui ont animé le gouvernement dans l’élaboration de ce projet de loi : comme l’indiquait M. Xavier Bertrand lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, le service minimum doit devenir une réalité sur l’ensemble du territoire national au 1er janvier 2008 et les acteurs du secteur des transports publics devront faire du « sur-mesure » d’ici la date du 1er janvier 2008.

5. L’examen du projet de loi par le Sénat

Le Sénat a examiné en première lecture le projet de loi les 17, 18 et 19 juillet et a apporté au dispositif initial présenté par le gouvernement de sensibles modifications, principalement à l’initiative de la commission spéciale présidée par M. Charles Revet et dont Mme Catherine Procaccia était le rapporteur, qu’il a constituée pour l’examen de ce texte.

S’agissant du premier « volet » du projet de loi relatif au renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport qui se traduit par une généralisation des pratiques « d’alarme sociale » applicables aujourd’hui à la SNCF et à la RATP et par un encadrement plus strict des règles de dépôt des préavis de grève, le Sénat :

– a précisé que la négociation préalable conduite dans les entreprises de transport entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives au dépôt d’un préavis de grève doit se tenir avec les seules organisations syndicales qui envisagent de déposer ce préavis et non avec l’ensemble des organisations syndicales, ce que confirme la pratique actuelle ;

– a prévu que des négociations doivent être engagées entre les partenaires sociaux en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’accords de branche organisant des procédures de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social ;

– a prévu enfin que les accords-cadres signés à la RATP en 1996 et 2001 et à la SNCF en 2004 ainsi que tous les accords relatifs à la prévention des conflits conclus avant le 1er juillet 2007 sont applicables, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2009.

Pour la deuxième partie du projet de loi qui concerne l’organisation de la continuité du service public de transport, le Sénat a principalement cherché à renforcer les droits des usagers :

– en étendant au-delà de la grève, la catégorie des perturbations prévisibles susceptibles d’entraîner l’application du dispositif de service de transport garanti : sont retenues ainsi dans les « perturbations réputées prévisibles », celles qui résultent certes de la grève, mais aussi d’incidents techniques, dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis leur survenue et d’aléas climatiques lorsqu’un délai également de trente-six heures s’est écoulé depuis le déclenchement d’une alerte météorologique ;

– en prévoyant qu’il ne doit pas porter une atteinte disproportionnée, en cas de perturbation du trafic, à l’organisation du transport scolaire et que l’accès au service public de l’enseignement doit être garanti tous les jours d’examens nationaux ;

– en organisant une intervention possible du représentant de l’État, en cas de carence de la collectivité organisatrice de transport pour la définition des dessertes prioritaires ou l’approbation de plans de transport alternatifs mis en œuvre par les entreprises de transport ;

– en réaffirmant l’importance de l’information des usagers en cas de perturbation ou de risque de perturbation et leur possible indemnisation, qui devient obligatoire en cas d’inexécution de leurs obligations par les entreprises de transport ;

– en prévoyant que, dès le début d’une grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d’un commun accord, afin de favoriser le règlement amiable de leurs différends, ce médiateur ayant également la responsabilité de veiller à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée dans l’entreprise au-delà de huit jours de grève sur la question de la poursuite de celle-ci ;

– en prévoyant enfin qu’un rapport d’évaluation détaillé de l’application de la loi devra être adressé par le gouvernement au Parlement avant le 1er janvier 2008 ; les sénateurs ont prévu qu’au vu de ce bilan, le rapport examinerait l’opportunité d’une extension du dispositif de la loi aux autres modes de transport public de voyageurs.

Le Sénat a en revanche conservé, en en réécrivant, le cas échéant, les règles, plusieurs dispositions importantes contenues dans le projet de loi :

– la déclaration individuelle d’intention de participation à la grève qui doit être exprimée par le salarié quarante-huit heures avant le début de la grève ;

– la consultation, au-delà de huit jours de grève, des salariés sur la poursuite de celle-ci ;

– l’exclusion du projet de loi des transports publics non terrestres, les transports maritimes et aériens ;

– la définition par les collectivités responsables de dessertes prioritaires que doivent assurer les opérateurs de transport, en cas de perturbation du trafic ;

– le non–paiement des jours de grève, en prévoyant que les versements aux salariés visant à compenser les retenues de salaires ou de traitements opérées du fait de grève sont réputés sans cause.

6. Les propositions de la commission spéciale

Au cours de sa séance du jeudi 26 juillet 2007, la commission spéciale a apporté des modifications importantes au projet de loi :

– La commission a d’abord veillé à parfaire la cohérence juridique du dispositif de prévention des conflits. En particulier, elle a procédé à une harmonisation entre les dispositions relatives aux accords-cadres, aux accords de branche ainsi qu’au décret en Conseil d’État, dispositions qui devront toutes comporter des garanties identiques pour la mise en œuvre de la négociation préalable. Dans cette même perspective, la commission a prévu que les procédures de prévention des conflits existantes à la RATP et à la SNCF devront être mises en conformité, par voie d’avenant, avec les dispositions de l’article 2 du projet de loi, au plus tard le 1er janvier 2008.

– Elle a également souhaité insister sur la priorité à donner au dialogue social. Ainsi, elle a prévu, afin de garantir la légitimité du décret intervenant pour définir les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable en l’absence d’accords, une consultation préalable des organisations syndicales des secteurs concernés. En outre, dans l’hypothèse où un accord collectif de prévisibilité serait conclu dans l’entreprise après le 1er janvier 2008, celui-ci sera applicable en lieu et place du plan de prévisibilité défini par l’employeur.

– La commission a aussi insisté sur la nécessité d’une consultation préalable des usagers, avant la définition par les autorités organisatrices de transport, des dessertes prioritaires et étendu la liste des perturbations prévisibles justifiant la mise en place de ces dessertes aux plans de travaux. Elle a également souhaité que les collectivités organisatrices de transport prennent en compte, en fixant les niveaux minimaux de service devant être assurés, les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite ; elle a indiqué que les plans de transport adapté et les plans d’information des usagers doivent être rendus publics.

– Sensible aux impératifs de sécurité dans les entreprises, la commission a insisté pour que soit prise en considération, au moment de l’élaboration de l’accord collectif de prévisibilité du service, la diversité des situations, compte tenu des spécificités des différentes entreprises. En effet, ces impératifs de sécurité sont très variables d’une entreprise à l’autre, selon le type de service assuré, les catégories de matériels utilisés ou encore les modes d’organisation du travail.

– Concernant la procédure de consultation des salariés au bout de huit jours sur la poursuite de la grève, la commission a précisé que si la consultation peut également être demandée par les organisations syndicales et le médiateur, la responsabilité de la décider et de l’organiser est réservée à l’employeur, comme le prévoit le code du travail pour l’ensemble des consultations et élections qui ont lieu dans l’entreprise.

– La commission a demandé que l’information donnée aux usagers, en cas de perturbation du trafic, soit gratuite et qu’elle dépasse les seuls services quotidiens, s’appliquant ainsi à l’ensemble des déplacements par transport terrestre. Elle a précisé que la charge du remboursement des tarifs de transport, en cas de défaut d’exécution dans la mise en œuvre du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers, ne peut être supportée directement ou indirectement par l’autorité organisatrice de transport.

– La commission a supprimé la disposition du projet de loi, introduite par le Sénat, selon laquelle le rapport d’évaluation remis par le gouvernement au Parlement avant le 1er octobre 2008 examine l’opportunité d’étendre le dispositif du projet de loi aux autres modes de transport public de voyageurs. Il est important en effet de veiller à la clarté du débat, car ce projet de loi traite, conformément à son intitulé, la question des transports terrestres réguliers de voyageurs.

– De façon à mettre l’accent sur la nécessité – soulignée par de très nombreuses associations – de veiller aux investissements matériels en matière de transports terrestres réguliers de voyageurs, la commission a prévu que le bilan détaillé annuel de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers, transmis par l’entreprise de transport à l’autorité organisatrice, dressera la liste des investissements nécessaires à la mise en œuvre de ces plans au cours de l’année à venir. La commission a prévu également que ce bilan sera rendu public.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION, OUVERTE À LA PRESSE, DE M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES ET DE LA SOLIDARITÉ

La commission spéciale a entendu M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur le projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, au cours de sa séance du mardi 24 juillet 2007.

M. Alain Vidalies a protesté, au nom du groupe SRC, contre l’organisation des travaux de cette commission spéciale. Il s’est étonné en particulier que la plupart des commissaires socialistes n’aient pas reçu la convocation pour la réunion de ce matin, leur absence rendant contestable la désignation du bureau, ainsi que les décisions relatives au calendrier des auditions et à la publicité qui leur sera donnée.

Le Président Hervé Mariton a pris acte de ces observations et répondu que les convocations avaient été envoyées hier soir, après échéance du délai de dépôt des candidatures par les groupes, fixé à 17 heures. Plusieurs commissaires socialistes étaient d’ailleurs présents à cette réunion qui était aussi annoncée dans le feuilleton et sur le site de l’Assemblée nationale.

Le président a indiqué qu’après la réunion de cet après-midi, la commission procéderait à d’autres auditions tout au long de la journée de demain, avant d’examiner les articles du projet jeudi 26 juillet après-midi.

Il a remercié M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité pour sa présence et lui a donné la parole.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité s’est réjoui de l’occasion qui lui est donnée de présenter aux membres de la commission spéciale le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Ce texte répond à trois objectifs : éviter au maximum le recours à la grève en jouant la carte de la prévention des conflits ; éviter la paralysie des transports terrestres en cas de grève ; améliorer la situation des usagers en cas de grève, notamment en faisant émerger un véritable droit à l’information des clients des services publics de transport terrestre.

Trois volets correspondent à ces objectifs :

– le premier est consacré à la prévention des conflits dans les entreprises de transport,

– le second traite de l'organisation du service en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic,

– le troisième est relatif aux droits des usagers.

En ce qui concerne la prévention des conflits, le gouvernement n’est pas parti d’une page blanche. Un certain nombre d’accords ont en effet déjà été signés, en particulier à la RATP, à la SNCF, qui ont montré qu’en jouant la carte de la prévention des conflits on évitait souvent le recours à la grève. Les parlementaires avaient également beaucoup travaillé sur ce thème et la proposition de loi du rapporteur de la commission spéciale avait en son temps recueilli un nombre impressionnant de signatures.

Le projet vise à donner une base légale aux accords d'entreprise qui ont été signés en vue de mettre en place des procédures d'alarme sociale. L'enjeu n'est pas seulement juridique : il s'agit de faire en sorte que, comme dans beaucoup de pays, la négociation précède l'action, et non plus l'inverse.

Le premier volet du projet de loi pose ainsi le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport public, qui doit aboutir, avant le 1er janvier 2008, à la signature d'un accord cadre qui fixera une procédure de prévention des conflits prévoyant une négociation préalable à organiser avant le dépôt de tout préavis de grève. Il s’agit tout simplement d’amener systématiquement les différents interlocuteurs à négocier car on sait qu’il y a ainsi moins de conflits et, surtout, moins de grèves.

Le Sénat a adopté un amendement en vertu duquel les négociations auxquelles seront tenues les entreprises seront également engagées au niveau de la branche. Les accords de branche éventuellement conclus s'appliqueront dans les entreprises où aucun accord cadre n'a pu être signé. Par ailleurs, un décret en Conseil d'État interviendra, juste après le 1er janvier 2008, pour traiter le cas des entreprises où les négociations collectives n’auraient pas abouti.

L'accord cadre négocié fixera les conditions dans lesquelles la négociation précédant le dépôt de tout préavis de grève se déroulera entre l'entreprise et les organisations syndicales représentatives. Les organisations syndicales représentatives devront être réunies par l'entreprise au plus tard dans les trois jours suivant la transmission des motifs pour lesquels le dépôt d'un préavis de grève est envisagé, la négociation ne pourra pas excéder huit jours. On en demeure donc bien au préavis légal de cinq jours, mais avec un délai préalable pour négocier.

Enfin, le projet prévoit que lorsqu'un préavis de grève a été déposé, le dépôt d'un autre préavis ne peut intervenir avant l'échéance du préavis en cours. Ainsi, la pratique dite des « préavis glissants » ne sera plus susceptible d'être utilisée dans les entreprises de transport public.

Le deuxième volet est également très important. En effet, on ne saurait laisser croire aux Français qu’une fois la négociation engagée on se moque de ses résultats. C’est pourquoi le projet traite également de l’organisation du service en cas de grève ou d’une autre perturbation prévisible du trafic.

Des règles d'organisation du service public sont ainsi prévues :

– la définition de priorités de desserte et de besoins essentiels par les autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire par les collectivités locales qui ont la responsabilité de l'organisation des transports publics. Il est en effet important de savoir quelles sont les vraies priorités de desserte pour telle ou telle ligne, surtout si l’on tient compte des critères posés par le gouvernement et renforcés par le Sénat ;

– la mise en place de procédures qui permettront aux entreprises de connaître avec plus d'anticipation les moyens en personnels dont elles vont disposer durant la grève. C’est en particulier l’objet de la déclaration préalable des agents ;

– la possibilité d'organiser une consultation indicative, au bout de huit jours, sur la poursuite de la grève ;

– le renforcement des droits des usagers en matière d'information.

Le projet ne retient pas une définition uniforme du service minimum, mais la renvoie, dans le respect des principes cadres qu'il fixe, aux autorités aptes à prendre en compte les spécificités locales et les réalités de terrain. Il est évident que les besoins d’une ville comme Saint-Quentin ne sont pas les mêmes que ceux de la région parisienne. Ainsi, en province, la question du retour à la maison des collégiens pour déjeuner le midi se pose plus fréquemment. C’est pourquoi le gouvernement a fait le choix du sur-mesure et de la loi-cadre, même si celle-ci sera plus précise que l’on pouvait s’y attendre. Mais il lui semble que la définition des priorités de dessertes est un sujet qui ne prête guère à la polémique.

Ces priorités doivent concerner, au premier chef, les déplacements quotidiens de la population. Les autorités organisatrices de transport vont ainsi définir les dessertes auxquelles l'accès, parce qu'il constitue un besoin essentiel de la population, doit être assuré en toutes circonstances, y compris en cas de grève. Elles devront donc trouver le point d'équilibre entre le respect, d'une part, du droit de grève, qui est mentionné dans ce texte, et d'autre part, d'autres droits à valeur constitutionnelle : continuité de l'accès aux services publics, liberté du travail, liberté d'aller et venir, liberté du commerce et de l'industrie.

Il reviendra aux entreprises de transport d'arrêter, chacune, un plan de transport adapté et un plan d'information des usagers. Les plans de transport adapté devront être intégrés dans toutes les conventions d'exploitation conclues entre les autorités organisatrices et les entreprises de transport à partir du 1er janvier 2008. En cas de carence des autorités organisatrices, l'État pourra intervenir, par l’intermédiaire du préfet, en arrêtant lui-même les priorités de desserte.

Par ailleurs, le projet prévoit que les entreprises de transport et les organisations syndicales représentatives négocient en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord collectif de prévisibilité. Cet accord fixe les conditions dans lesquelles le service est organisé lors d'une grève ou d'une autre perturbation prévisible du trafic, par exemple une alerte météorologique. L’accord précisera notamment la façon dont les personnels non grévistes peuvent être réaffectés durant la grève.

En outre, et c'est l'un des points importants du projet, les salariés doivent informer l'entreprise, au plus tard 48 heures avant le début de la grève, de leur intention ou non de se joindre au mouvement. Cette déclaration préalable d'intention ne vaut que pour les salariés dont la présence détermine directement l'offre de service. S'ils ne la respectent pas, ils encourront des sanctions disciplinaires. De son côté, l'entreprise qui utiliserait les informations contenues dans les déclarations préalables à d'autres fins que l'organisation du service ou qui les communiquerait à un tiers serait passible de sanctions pénales.

Le Sénat a également souhaité que, dès le premier jour de grève, un médiateur puisse être nommé d'un commun accord entre l'entreprise et les syndicats.

Le projet de loi prévoit aussi qu'au bout de huit jours de grève, une consultation peut être organisée, à la demande de l'entreprise, des syndicats ou du médiateur, sur la poursuite de la grève. Cette consultation a lieu à bulletin secret.

En ce qui concerne les droits des usagers, ce texte marque l’émergence d’un véritable droit à l’information et modifie donc la logique d’un certain nombre d’entreprises en cas de grève.

Il renforce les droits des usagers en matière d'information, en imposant aux entreprises de transport de faire connaître, au moins 24 heures avant le début de la grève, le service qui sera assuré. Il rend possible d'imposer aux entreprises qui ne respecteraient pas les obligations le remboursement aux usagers des titres de transport non utilisés pour cause de grève ou la prolongation de l’abonnement.

Enfin, le projet rappelle le principe du non paiement des jours de grève. Le Sénat a voulu être encore plus clair sur ce point.

Ce texte concerne la SNCF et la RATP, mais aussi toutes les entreprises de transport de voyageurs. Il ne vise pas seulement l’Île-de-France mais l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Il se veut à la fois ambitieux et pragmatique. Il repose sur la volonté d’améliorer de façon très pratique la situation des usagers. Les entreprises de transport vont également devoir modifier certaines habitudes, en particulier en termes de communication et d’information, domaines où les marges de progression sont importantes.

Il faut être conscient qu’en cas de grève, on devra probablement faire face à un service réduit, avec moins de trains, plus de monde dans les trains. Dans ce cas, ce qui est important, ce n’est pas de savoir qu’il y aura un train sur deux mais, précisément, si le train de 7 h 02 sera à quai le lendemain matin. Car il est insupportable d’attendre à un arrêt un bus ou un train qui ne viendra peut-être jamais. C’est pour cela que le droit à l’information est tellement important car il va aussi changer la logique d’organisation du service en cas de grève.

Le Président Hervé Mariton a rappelé que l’on dit souvent que lorsqu’une grève concerne un tiers des personnels, elle perturbe les deux tiers du service. Un des enjeux est donc d’optimiser les moyens disponibles afin d’assurer un meilleur service aux clients et de savoir si les entreprises de transport sont elles-mêmes prêtes à entrer dans ce jeu.

Par ailleurs, au-delà de la distinction entre les transports quotidiens – dont on comprend bien qu’ils sont l’objectif principal du texte – et ceux qui ne le sont pas, la question se pose de savoir si le dispositif proposé, en particulier ce qui a trait au droit à l’information, peut aussi concerner les clients des grandes lignes de la SNCF.

Le rapporteur a rappelé qu’il est, comme une très grande majorité de Français, attaché à l'établissement d'un service réduit mais prévisible dans le secteur des transports en cas de grève. C’est aussi cet attachement qu’avaient manifesté les plus de trois cents députés qui avaient cosigné la proposition de loi qu’il avait déposée dès le début de la législature précédente en vue d’un « service garanti » dans les transports en commun en cas de grève. Et on ne saurait passer sous silence les autres actions parlementaires en la matière : proposition de loi d’Hervé Mariton, rapport de Robert Lecou sur le service minimum dans les services publics en Europe, réunions de travail organisées par le Président Ollier.

Être aujourd’hui le rapporteur de ce projet de loi concrétise un engagement ancien en faveur du respect de la continuité du service public et prouve qu'en politique la ténacité et la volonté peuvent se jouer de tous les obstacles.

Que de chemin parcouru en effet depuis 2002 ! Le débat qui s’est déroulé en décembre 2003 dans l'hémicycle a été décisif, de même que les travaux de la commission Mandelkern sur « la continuité du service public dans les transports » en 2004.

De ce fait, les expérimentations dans les entreprises de transport public se sont multipliées. On connaît les accords d'alarme sociale conclus à la RATP dès 1996 et à la SNCF en 2004, ainsi que les engagements souscrits en 2005 par ces deux entreprises publiques avec le Syndicat des transports d'Île-de-France, mais aussi la convention TER conclue entre la SNCF et la région Alsace en 2005. La période la plus récente a vu aussi se multiplier les concertations, voire les accords, notamment dans les régions. Il serait d’ailleurs intéressant de rappeler les progrès réalisés, qui ont inspiré le présent projet.

Mais après l'expérimentation, il est naturel de passer à l'action et c'est ce à quoi s'emploie le gouvernement, à l'initiative du Président de la République, avec un pragmatisme et une volonté bien éloignés des querelles idéologiques stériles.

Le rapporteur a interrogé le ministre sur le premier objectif du projet : la mise en place, par le dialogue social, d'une procédure de négociation préalable au dépôt d'un préavis. Il faut absolument qu’elle permette des discussions effectives, afin de ne pas connaître la même évolution que la procédure de préavis inscrite dans le code du travail, qui est en théorie une phase de négociation, mais dont on sait qu'elle n'est qu'un « moment de silence avant l'orage », pour reprendre l'expression du rapport Mandelkern. La question est donc de savoir si les dispositions prévues par le projet sont suffisantes de ce point de vue.

En ce qui concerne les modalités d’instauration de cette procédure de négociation préalable, il s’est, en revanche, réjoui que l’on ait donné la priorité au dialogue social et à la négociation collective, le décret en Conseil d'État n'intervenant qu'à titre supplétif.

Pour le deuxième objectif du projet de loi, l'organisation du service en cas de grève ou de forte perturbation du trafic, les dispositions proposées sont loin de l'idéologie et elles n’ont qu’un but : l'information effective des usagers. S'agissant de la consultation qui pourra être organisée sur la poursuite de la grève au-delà de huit jours, il convient de préciser les rôles respectifs assignés à l'employeur, aux organisations syndicales représentatives et, depuis le vote du Sénat, au médiateur. Il paraît en effet essentiel qu'une telle procédure – à laquelle 82 % des Français se sont récemment déclaré favorables – puisse être mise en œuvre sans ambiguïté.

Par ailleurs, même si elle n’entre pas directement dans le champ de cette discussion, la question du financement des entreprises de transport ne manquera pas de se poser. La mise en œuvre d'un service réduit mais prévisible comporte en effet des enjeux juridiques mais aussi financiers.

Les perturbations qui affectent les transports publics terrestres de voyageurs dépassent le cadre de la grève, certains dysfonctionnements étant dus par exemple à la vétusté de matériels ou à l'insuffisance de personnel. Il conviendrait donc de savoir quels progrès le gouvernement envisage sur ce point.

Pour aller vers son troisième objectif, le projet pose le principe d’un droit à l'information sur le service. On comprend que l’on prévoie explicitement le droit à être informé vingt-quatre heures à l'avance en cas de perturbation prévisible, mais on peut se demander pourquoi le Sénat a également insisté sur le droit à l'information lorsque la perturbation n'a pas ce caractère prévisible. Quelles répercussions cela pourrait-il avoir sur le fonctionnement quotidien du service public des transports terrestres ?

Nombreux sont ceux qui estiment par ailleurs que la bonne organisation des transports scolaires est un impératif. Ainsi, les sénateurs ont demandé à juste titre qu'une continuité du service des transports terrestres soit assurée en période d'examens nationaux. Il importe de savoir comment le gouvernement entend donner satisfaction au souhait des sénateurs que soit donnée une information « adaptée » en cas de perturbation des transports scolaires. Si les parents n’étaient avertis qu’une heure avant le passage du véhicule de transport, il leur serait en effet difficile de s’organiser.

En ce qui concerne enfin une éventuelle extension du dispositif prévu dans ce texte, que le Sénat a abordée de façon indirecte dans un rapport, il paraît essentiel que la discussion ait lieu dans un climat apaisé. Ce projet apporte des réponses précises à des questions ciblées. Son titre ne comporte aucune ambiguïté : ce sont bien les « transports terrestres réguliers de voyageurs » qui sont visés. Il est vrai toutefois que les enjeux ne sont pas minces. Les débats au Sénat ont par exemple rappelé les problèmes que rencontrent les habitants de nos îles et la nécessité pour eux de disposer également dans certains cas de dessertes régulières et quotidiennes qui sont alors de véritables missions de service public. Le ministre a fait part à cette occasion de son souhait de voir s'engager des concertations. Cette démarche est-elle compatible avec un texte portant précisément sur les transports terrestres réguliers ?

En réponse aux questions du président et du rapporteur, le ministre a rappelé qu’il avait clairement indiqué au Sénat que la position du gouvernement était que ce texte ne concernait que les seuls transports terrestres et les questions des déplacements quotidiens, et que, si l’on commençait à parler de dessertes maritimes et aériennes, ce ne serait plus le cas.

Par ailleurs, le gouvernement a joué à fond la carte de la concertation, il a lui-même rencontré les organisations syndicales pendant plus de 11 heures et l’ensemble de la concertation a duré plus de 24 heures. Elle a bien porté sur ces sujets essentiels que sont les déplacements quotidiens et non, pour important qu’il soit, sur le transport côtier en Vendée ou en Bretagne. Il faut donc aujourd’hui respecter cette concertation.

Qui plus est, s’agissant des transports terrestres, le ministre a rappelé que le gouvernement n’est pas parti d’une page blanche, qu’il a voulu généraliser les bonnes pratiques, comme celle de l’alarme sociale qui existe à la SNCF et à la RATP, mais dont ne sont pas dotées les entreprises du secteur maritime et aérien.

Aujourd’hui, il s’agit tout simplement de montrer que la société française n’est pas aussi bloquée qu’on le dit et que l’on est capable de faire ce dont on parle depuis 20 ans.

En revanche, c’est bien de déplacements quotidiens qu’il s’agit quand on évoque les transports scolaires. L’idée du Sénat de prendre en compte les examens nationaux permet effectivement de s’adapter aux besoins de la population et de concentrer les moyens sur la desserte des lycées, même si celle-ci n’est pas la plus affectée par les grèves.

Le problème des enfants attendant en vain un autobus à un arrêt – en cas de problème technique d’un bus, il ne s’agit ni de grève ni d’un événement prévisible pour lesquels on peut prévenir 24 heures à l’avance – et qui ne peuvent donc pas se rendre au lycée, alors que leurs parents croient qu’ils y sont a également été abordé par un sénateur, sensibilisé par la mort d’enfants qui étaient allés se promener sur un lac gelé, faute d’avoir pu gagner leur établissement scolaire. Il convient donc effectivement de chercher les moyens de donner les informations les plus précises aux parents. Pour autant, il n’a pas été possible de parvenir au Sénat à une rédaction pleinement satisfaisante car, si les nouveaux moyens de communication permettent de faire passer plus facilement les informations, des difficultés pratiques demeurent.

S’agissant du droit d’information, il est important de bien prendre en compte toutes les perturbations prévisibles, par exemple celles qu’ils sont liés à un événement météorologique annoncé ou à des travaux programmés de longue date. La question d’une grève à caractère émotionnel déclenchée sur l’instant, pour laquelle il n’est pas possible de donner des informations préalables, demeure posée.

Le financement des entreprises de transport ne relève pas de la compétence directe du ministre du travail. C’est un sujet sur lequel se penche Dominique Bussereau. Pour sa part, la présidente de la SNCF a présenté la semaine dernière un plan grâce auquel 100 millions d’euros viendront compléter les contrats de plan État-région afin de renforcer la sécurité et le confort d’un certain nombre de lignes. Il faut en effet continuer à investir pour améliorer la desserte quotidienne.

La question de la consultation est importante car il faut savoir, en toute transparence et avec un maximum de sérénité pour chacun, quel est l’état d’esprit des salariés concernés par le mouvement de grève. Le droit de grève constitutionnel est individuel et cette consultation a donc un caractère indicatif. Mais elle permet aussi de faire évoluer les choses. Le gouvernement pense que cette démarche doit demeurer de la responsabilité de l’employeur, tout comme il lui incombe d’organiser des différents scrutins que prévoit déjà le code du travail. En proposant d’ouvrir aux organisations syndicales et au médiateur la possibilité d’en faire la demande, le rapporteur cherche à clarifier encore davantage la situation.

Il est instauré par ailleurs une obligation de négociation préalable, afin que l’alarme sociale ne soit pas facultative. Chacun reconnaît en effet qu’amener les uns et les autres à négocier arrange considérablement les choses. Un certain nombre de directions d’entreprises doivent d’ailleurs aussi le comprendre. Le projet prévoit également des modalités concrètes de la négociation : obligation de moyens ; notification des motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis ; délai maximum de trois jours dans lequel l’employeur est tenu de réunir les syndicats ; durée maximale de huit jours pour conduire la négociation entre l’employeur et les organisations syndicales ; informations transmises par l’employeur aux syndicats en vue de faciliter la réussite du processus de négociation ; conditions de déroulement de la négociation ; modalités d’élaboration du relevé de conclusions et informations devant y figurer ; conditions d’information des salariés sur le motif du conflit avec la position de l’employeur et celle des organisations syndicales représentatives ainsi que les conditions dans lesquelles ils vont recevoir communication du relevé de conclusions. On le voit, même dans une loi-cadre, le gouvernement a souhaité être le plus précis possible afin d’assurer une transparence complète.

Des conventions entre autorités organisatrices et sociétés de transport ont déjà permis d’obtenir des résultats. C’est le cas en Rhône-Alpes avec un système d’intéressement financier de la SNCF au respect du programme annoncé ; en Franche-Comté, avec un dispositif prévoyant trois niveaux différents de dessertes ; en Alsace ; en Bretagne où la convention prévoit qu’en cas de situation perturbée prévisible un plan de transport adapté est adopté en fonction des priorités de circulation des trains, avec une information de la Région et une définition contractuelle des moyens mis en œuvre par la SNCF pour assurer l’information des voyageurs. Ce sont de tels dispositifs qui doivent être généralisés partout et pour tous afin d’améliorer le service aux usagers.

Le fait même qu’entre 70 et 80 % des Français souhaitent un service minimum montre bien que ce texte n’a rien d’idéologique. Il n’est question ici ni de droite ni de gauche mais du service public. Si les usagers sont attachés au service minimum c’est parce qu’ils sont attachés au service public.

Au président Hervé Mariton, qui s’est demandé comment être plus efficace en cas de perturbations liées à une grève, le ministre a répondu qu’il était convaincu qu’on n’avait pas toujours, par le passé, utilisé toutes les ressources humaines et matérielles pour avoir le meilleur service possible. Dans certaines grandes entreprises, on omet par exemple de demander de revenir travailler à des salariés non grévistes qui sont chez eux, au-delà des repos compensateurs de sécurité. De même, il arrive que des rames à double étage restent dans les gares de triage alors qu’elles seraient plus utiles sur les rails les jours de conflit, tout simplement parce qu’avec un seul conducteur et un seul contrôleur on transporte deux fois plus de voyageurs… Réaffecter les salariés non-grévistes permet de réduire l’écart entre le pourcentage des grévistes et celui des perturbations, même s’il est vrai que les personnels commerciaux et administratifs de la SNCF n’ont pas vocation à se transformer en contrôleurs, en conducteurs, en aiguilleurs, en régulateurs pour faire circuler les trains. Le choix des directions d’aller vers davantage de spécialisation ne facilite certes pas cette réaffectation.

Dans la question des déplacements quotidiens, les TGV sont importants comme les trains de banlieue, mais il faut sans doute que la SNCF distingue les départs en vacances des trajets liés au travail afin de préciser quels sont les trains prioritaires. Mais il va aussi de soi qu’en cas de grève on ne saurait privilégier uniquement les TGV : les déplacements quotidiens, ce sont aussi les bus, les trains de banlieue, les tramways, les métros.

Le plan transport adapté prévu à l’article 4 du texte est un des objectifs prioritaires. Pour autant, les déplacements quotidiens n’épuisent pas l’objet de la loi, qui est plus vaste puisqu’il couvre l’ensemble des grèves dans les transports terrestres.

M. Alain Vidalies, s’exprimant au nom du groupe SRC, a constaté que ce texte est en fait bien loin de l’idée que s’en fait l’opinion publique pour qui il est destiné à instaurer, en application d’un engagement du président de la République, un service minimum, voire, selon certains médias, un service complet aux heures de pointe les jours de grève. Le fait même que ce projet soit présenté par le ministre du travail et non pas par celui des transports montre qu’il s’agit en fait de toucher au droit du travail en dessaisissant tout simplement les salariés de l’exercice du droit de grève, à défaut de pouvoir purement et simplement l’interdire. Mais cette manœuvre n’empêchera pas le groupe SRC de saisir le Conseil constitutionnel car on ne dissuade pas d’exercer un droit fondamental reconnu par la Constitution !

Pourquoi la majorité a-t-elle changé de position ? Pourtant, ceux qui applaudissent aujourd’hui ce texte applaudissaient déjà Dominique Perben, le 4 juillet 2006, lorsqu’il expliquait que légiférer à ce propos serait une mauvaise idée, dans la mesure où un certain nombre d’expériences montraient une baisse de la conflictualité, et appelait à aller vers une charte pour la prévisibilité et de nouvelles négociations.

Sur le champ d’application du texte, c’est le ministre qui paraît avoir évolué rapidement. Après avoir défendu sa propre position au Sénat, il a dû tenir compte des interventions de MM. Fillon et Raffarin et envisager une éventuelle extension, avant que l’Élysée ne siffle la fin de partie… Si la rupture institutionnelle est telle que la parole d’un ministre n’a plus aucun poids, la commission spéciale serait mieux inspirée d’auditionner le conseiller technique du Président de la République…

M. Roland Muzeau, intervenant au nom du groupe GDR, a considéré que ce texte était un acte politique destiné à mettre en œuvre un engagement du président de la République. Il est vrai que la majorité prépare le terrain depuis les années en qualifiant régulièrement les usagers en difficulté d’« otages », faisant ainsi un usage scandaleux du mot qui désignait des personnes promises à la mort sous la répression nazie. Or, les usagers ne sont pas des otages mais des victimes : en 1995, celui qui a fait descendre des centaines de milliers de salariés dans les rues, c’était Alain Juppé !

Avec ce texte, le gouvernement donne satisfaction à une vieille revendication de la frange la plus réactionnaire de la majorité, à laquelle certains de ses membres se sont d’ailleurs opposés. Pourtant, les vraies difficultés des usagers des transports terrestres tiennent à tout autre chose qu’à un usage excessif du droit de grève : absence de matériel, manque de personnel, défaillance techniques, défaut d’investissement. Ainsi, il manque 400 millions d’euros au Syndicat des Transports d’Île-de-France pour boucler son budget. La ligne 13 du métro est utilisée à 115 % de ses possibilités de fonctionnement, elle est sans cesse en panne, on attend toujours la modernisation promise depuis 25 ans, le prolongement annoncé étant, lui, en cours.

Le gouvernement n’a pas le courage de reconnaître que ce texte vise à remettre en cause le droit de grève reconnu par la constitution, il prétend même qu’il est destiné à le maintenir. Mais à force de l’encadrer on va le vider de son sens, comme on le fait avec les 35 heures, la retraite à 60 ans ou l’ISF.

Certaines dispositions de ce projet sont proprement ahurissantes. Ainsi, l’article 4 paraît tout simplement inapplicable : à qui fera-t-on porter la responsabilité en cas d’interruption du service liée aux intempéries ?

Il est par ailleurs scandaleux de vouloir interdire les accords de fin de conflit, qui sont le plus souvent justifiés par une reprise du travail dans les moins mauvaises conditions possibles et qui prévoient, par exemple, la récupération du temps perdu ou le paiement d’une partie des heures de grève pris en charge par l’employeur qui reconnaît en cela une part de responsabilité.

Comment ne pas dénoncer également l’obligation faite aux salariés de se déclarer 48 heures avant une grève ? Décider de participer à une grève est quand même une décision personnelle : on peut changer d’avis en deux jours !

Le projet permet à l’employeur qui le considérerait comme abusif de requalifier en temps de grève le droit de retrait. Il porte également atteinte au débrayage. Or, même si on peut presque la prévoir au vu de la fréquence des incidents sur certaines lignes, une réaction spontanée à une agression dans les transports publics est imprévisible et les salariés ont effectivement le droit de se mettre en grève pour exiger les moyens de sécurité nécessaires.

Mme Muriel Marland-Militello, intervenant au nom du groupe UMP, a dénoncé les contrevérités ainsi énoncées. Elle a souhaité, parmi les besoins essentiels évoqués par le ministre, qu’on n’oublie pas ceux des personnes handicapées et à mobilité réduite, qui sont les plus pénalisées par les grèves, même lorsqu’une information est préalablement donnée. En effet, même quand un train peut partir, faute du personnel nécessaire, il ne peut embarquer ces personnes. Ne conviendrait-il donc pas que la loi envisage une adaptation particulière ?

M. Christian Blanc, s’exprimant au nom du groupe NC, a rappelé qu’il attendait depuis des années une loi-cadre sur cette question. La modernisation de la RATP – que l’on a en son temps qualifiée de « big bang » – intervenue tandis qu’il en était le président, montre son attachement profond au service public et à sa continuité.

C’est cette continuité qu’il s’était efforcé de promouvoir en 1992, avec le soutien du Premier ministre Pierre Bérégovoy, qui connaissait bien le service public et les syndicats. Les choses se sont passées différemment car, à six mois d’élections législatives et sous la pression du secrétaire général de Force Ouvrière de l’époque, Marc Blondel, le Premier ministre a changé de position quant à la mise en œuvre à la RATP d’un service minimum, qui n’aurait été garanti que par le seul règlement intérieur mais qui aurait permis d’instituer une pratique, ce qui est également l’objet du présent projet.

S’il est normal qu’il y ait débat à ce propos, celui-ci paraît assez largement dépassé. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment fonctionnent depuis longtemps les services publics des transports en Europe. Soit par convention, dans les pays du nord du continent, où il existe des syndicats puissants et attachés au service public dont les conventions avec les collectivités locales n’ont jamais été remises en cause, soit par la loi, dans les pays du Sud, et souvent sous des majorités de gauche, la continuité du service public a été effectivement mise en œuvre.

La France n’échappera pas au recours à la loi puisque, aux termes de la Constitution, « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Le rapport Mandelkern insiste d’ailleurs sur le fait que seule une loi peut permettre d’encadrer tel ou tel aspect du droit de grève.

Avec ce projet, le gouvernement essaie d’introduire, sur un sujet sensible depuis fort longtemps, une culture de la négociation. Il tente de la répandre d’une façon très décentralisée. On ne peut qu’espérer que cette démarche sera couronnée de succès, un succès qui ne sera pas celui du ministre mais celui des collectivités locales, des usagers, des syndicats qui auront contribué à mettre en œuvre, sous une forme originale, un service essentiel. Ce pari sera sans doute gagné car tout le monde y a intérêt, y compris ceux qui sont aujourd’hui réticents.

Enfin, parce que ce sujet est au cœur du débat public, le groupe NC aimerait que le ministre porte à la connaissance de tous l’ensemble de l’analyse juridique constitutionnelle qui a été effectuée, afin de montrer clairement que ce projet n’est en rien attentatoire au droit de grève, comme l’ont d’ailleurs déclaré certains responsables syndicaux.

En réponse aux intervenants, le ministre a confirmé que le gouvernement veut introduire rapidement une culture à la fois de la négociation, de la meilleure organisation et de la meilleure information. Il entend faire changer les comportements, afin que l’on se mette forcément autour d’une table quand il y a un problème, afin que l’on utilise tous les moyens humains et matériels disponibles pour améliorer la situation en cas de perturbations, afin surtout que l’on se dise que celui qui doit être l’objet de toutes les attentions et du maximum d’informations, c’est l’usager.

Il n’y a pas remise en cause du droit de grève. Le droit de grève est la possibilité de cesser le travail quand on a décidé de le faire et un salarié pourra bien continuer à le décider. Les différentes modalités prévues dans le projet ont simplement pour objectif de permettre aux entreprises de s’organiser : si on veut pouvoir dire 24 heures à l’avance aux usagers que le car de ramassage scolaire prendra leurs enfants, il faut bien savoir deux jours avant quel salarié sera effectivement présent. Il y a là nulle trace d’idéologie et c’est pourquoi des leaders syndicaux ont dit eux-mêmes s’il n’y avait pas de remise en cause du droit de grève.

En fait, l’organisation de la grève doit désormais permettre de mieux organiser le travail. C’est ce qu’a voulu le gouvernement, certes pour tenir un engagement du Président de la République, mais surtout pour répondre à un souhait exprimé par les Français : c’est une priorité du gouvernement parce que c’est une priorité des Français.

Ce texte s’efforce de marier au mieux le droit de grève, principe constitutionnel, avec d’autres principes généraux du droit élevés au rang constitutionnel. Il est vrai que la déclaration individuelle et la consultation au bout de huit jours sont destinées à mieux organiser les choses et à avoir une idée précise de ce que souhaitent véritablement les salariés, mais ces dispositions ne font en rien obstacle à l’exercice du droit de grève. Pour autant, elles permettront d’améliorer le service. Bien sûr, cela passera aussi par la mobilisation des moyens modernes d’information que sont les sites Internet, les SMS, les serveurs vocaux. Mais ces moyens ne devront pas faire servir à avertir l’usager qu’il y aura un train sur deux mais que le train de 7 h 02 sera ou non à quai.

S’il est légitime de répondre à des interrogations, d’apporter des précisions, d’améliorer le texte pour éviter encore davantage les grèves, il faut en effet en finir avec un débat du passé : ce sujet n’est pas idéologique !

Le choix de la décentralisation est assumé par le gouvernement : la loi-cadre est aussi précise que possible, mais c’est au plus près du terrain que les besoins devront être analysés. Les plans de transport adapté seront élaborés en toute transparence, en concertation avec les associations d’usagers. L’État n’interviendra qu’en dernier recours, en cas de carence. Celle-ci pourra prendre la forme soit d’une absence d’accord, soit d’un accord a minima qui ne prendrait pas en compte les besoins essentiels.

L’obligation de résultat du ministre est qu’à partir du 1er janvier 2008, en cas de perturbations, le service soit supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Le service après vote de la loi permettra d’ailleurs de vérifier que les choses se passent bien.

Bien évidemment, tout ceci ne doit pas conduire à oublier les besoins de modernisation d’un certain nombre d’entreprises publiques de transport, afin de répondre aux attentes et aux besoins en matière de confort et de sécurité, ainsi qu’à la nécessité d’améliorer les conditions de travail.

En réponse à la question de Mme Marland-Militello sur les personnes à mobilité réduite, le ministre a indiqué que l’on peut imaginer que des personnels administratifs et commerciaux non-grévistes interviennent pour donner des informations, voire pour aider des voyageurs en difficulté. Cela suppose, au-delà de la continuité du service public, une autre approche en termes de communication et de services.

Le ministre a demandé à M. Muzeau, ce que doit prévoir dans son esprit un accord de fin de grève.

M. Roland Muzeau a précisé qu’en général, les accords de fin de grève concernent les conflits assez longs, au-delà de huit jours. Soit les revendications des grévistes sont satisfaites, auquel cas le travail reprend, soit, malgré des motifs d’insatisfaction qui demeurent, la question de la reprise du travail est posée, pour différentes raisons, ne serait-ce que parce que, contrairement à ce que certains avancent, personne n’a jamais été payé quand il a fait grève, ce qui signifie, par parenthèse, que le projet de loi enfonce des portes ouvertes en posant que les heures de grève ne sont pas payées.

Dans ce second cas de figure, les relevés de conclusions et l’accord de fin de conflit peuvent, dans une minorité de cas, inclure le paiement d’une partie des heures de grèves, ainsi que d’autres dispositions, telles que la récupération d’un certain nombre d’heures pour ceux qui le souhaitent. Néanmoins l’employeur n’a pas d’obligation de payer des heures de grève. Il est simplement de son intérêt de mettre fin au conflit, et donc de mettre quelque chose dans le panier de la négociation.

Le ministre a souligné que les choses sont maintenant claires et que le désaccord sur ce sujet est patent.

Il a estimé que le droit de grève est constitutionnel, et que quand on fait grève, c’est-à-dire quand on ne travaille pas, on n’est pas payé. Certains sénateurs, sur les bancs où M. Mazeau siégeait encore il y a peu, adoptaient initialement la même position : les heures de grève ne sont pas payées, c’est un principe, il n’y a pas de raison de le prévoir dans un texte de loi. Mais en fin de compte, ils finissaient par dire qu’il serait bon de payer un ou deux jours de grève.

M. Roland Muzeau  s’est inscrit en faux contre cette affirmation. Comme lui, les sénateurs disent simplement que ce texte interdit aux partenaires sociaux de conclure une fin de conflit incluant un certain nombre de dispositions, dont, parfois, le paiement d’une partie des heures de grève. Il ne voit pas pourquoi le législateur interdirait aux partenaires sociaux de telles dispositions.

Le ministre a répété que les choses sont très claires et qu’il y a différent sur ce point. Il assume tout à fait l’idée que si on fait grève, on ne travaille pas, et que si on ne travaille pas, on n’est pas payé. Que des discussions aient lieu au sein de l’entreprise pour que la retenue sur salaire soit étalée, c’est une chose ; le paiement des heures de grève en est une autre. Si l’on veut mettre un terme à toutes les rumeurs qui courent sur ce point, le mieux est de voter l’article du projet de loi tel qu’il est rédigé.

Par ailleurs, il a rappelé que la loi du 19 octobre 1982 – défendue à l’époque par le ministre Anicet Le Pors – prévoit qu’il faut donner plein effet à toutes les dispositions sur les retenues sur salaire pour fait de grève dans les services publics. M. Roland Muzeau a alors souligné que ce texte n’interdisait pas les accords de fin de conflit.

Le ministre, constatant la baisse de la conflictualité, a estimé que le dialogue social y est pour quelque chose. Pour autant, ce n’est pas parce que le nombre de jours de grève à diminué qu’il en est fini avec les responsabilités politiques. Il ne se contente pas d’une obligation de moyens. Il faut aussi satisfaire une obligation de résultat, et se poser la question concrète de savoir si, oui ou non, la situation des usagers s’améliore.

Par ailleurs, c’est le ministre du travail qui est aujourd’hui entendu par la commission parce que l’on est dans une logique de dialogue social, visant à renforcer la place de la négociation collective. Le droit de grève est au cœur du droit du travail, mais la liberté d’aller travailler est un principe dont il faut veiller à ce qu’il soit respecté, ce qui entre dans le champ de ses compétences ministérielles. Mais il a travaillé avec Dominique Bussereau pour que le texte prenne en compte l’ensemble de ces préoccupations.

Le président Hervé Mariton a fait observer à M. Muzeau que les accords de fin de conflit devront, après le vote de ce texte, jouer sur d’autres facteurs que la rémunération des jours de grève : les différentes formes de récupération de ces journées, leur imputation sur congés RTT, etc. Cela ne paraît pas interdit par les dispositions que propose le gouvernement.

M. Christian Blanc a souhaité préciser, à l’attention de M. Muzeau, que dans les responsabilités qu’il a exercées tant à la tête de la RATP qu’à Air France, il n’a jamais payé un jour de grève, et cela pour une raison de principe, qui tient au respect du syndicalisme. Sur ce point, il a toujours été parfaitement entendu par les syndicats. Autre chose est que les retenues pour fait de grève aient pu être étalées, sur des périodes d’ailleurs relativement courtes.

M. Yves Cochet a indiqué au ministre que, s’il avait été à sa place, il se serait demandé, en ce début de législature, quels sont les principaux problèmes qui se posent dans le domaine des transports terrestres. Or le gouvernement a choisi, par cette loi, de traiter le problème le plus mineur parmi ceux qui se posent.

Le ministre a dit à plusieurs reprises que cette loi était pragmatique et pas du tout idéologique. Le fait même qu’il l’ait répété, comme d’ailleurs ses collègues du gouvernement, voire le Premier ministre ou le Président de la République, lui fait penser que, au contraire, ce n’est pas par hasard que le gouvernement commence par une loi de ce type, qui relève plus de l’intimidation sociale que de l’amélioration des transports terrestres. Dans les années 60 et 70, les jours de grève dans les transports étaient beaucoup plus nombreux. Aujourd’hui, ce problème est assez mineur, même si chaque grève est l’occasion pour certains médias de réaliser des télé-trottoirs ou radio-trottoirs visant à faire présenter les voyageurs comme étant pris en otage, ce qui est une démarche purement idéologique.

Il n’a rien contre l’idéologie mais il préférerait cependant que le ministre assume le fait que sa démarche est idéologique au lieu de la présenter comme purement pragmatique. Au demeurant, le pragmatisme est lui-même une très belle idéologie, dont le plus grand représentant est un philosophe américain, Richard Rorty, qui nous a quittés récemment. Que le ministre prétende qu’il n’a pas d’idéologie relève typiquement de l’idéologie.

Les arrangements qui peuvent être conclus dans telle ou telle région, bien qu’intéressants, ne sont pas l’essentiel. Le problème de fond est ce grignotage, cette attaque contre le droit de grève à laquelle le gouvernement se livre, en particulier à travers l’obligation de se déclarer gréviste 48 heures avant le début de la grève, ou la consultation après huit jours de grève. C’est cela qui heurte une sensibilité dont il n’est pas certain qu’elle soit typiquement française. Le ministre aurait pu s’attaquer à des problèmes plus importants.

Le premier est celui de l’investissement. Dans beaucoup de projets qui relevaient des transports terrestres réguliers et publics, l’investissement de l’État a fait défaut. Il en est ainsi du tramway du boulevard des maréchaux à Paris, ou encore de la couverture du périphérique.

S’agissant spécifiquement du transport ferroviaire, le mot d’ordre de la SNCF depuis 25 ans a été : tout pour le transport des voyageurs, tout pour le TGV. Les lignes et les arrêts secondaires ont été délaissés, sans parler du fret, qui est une véritable catastrophe.

Autre problème : la cherté du transport ferroviaire, à laquelle on pourrait éventuellement répondre par une modulation sociale de l’accès aux transports publics, qui sont relativement chers par rapport à d’autre modes de transport, tels que le fret, pour les camions, ou la voiture, pour les hommes.

L’étalement urbain est aussi un problème. Proposer une sorte de rêve français, celui des petits lotissements où chacun a sa voiture et sa maison individuelle, avec un jardin de 300 mètres carrés, est une catastrophe pour les transports publics terrestres. Dans notre mode de vie actuel, tout est fait pour le transport individuel à moteur thermique, qu’il s’agisse du fret ou des voyageurs. Notre civilisation va être confrontée à un problème. Depuis un siècle et demi, elle vit avec un prix de l’énergie extrêmement bas, ce qui ne sera plus le cas dans les prochaines années. Il faudra répondre à une demande accrue des voyageurs, tout en menant une politique de baisse des tarifs. Tel est l’enjeu principal des cinq années à venir.

Mme Marie-Anne Montchamp  s’est félicitée de ce projet de loi qui comble un vide juridique qui mettait notre pays dans une situation d’exception. Certains pourront regretter que son périmètre ne soit pas plus large, mais il constitue une avancée importante.

Par ailleurs, il recentrera l’objet du dialogue social autour des questions qui s’imposent aux partenaires sociaux. En effet la grève doit avoir pour objet ce qui relève de la responsabilité de ceux-ci, et ne pas affecter l’intérêt général ou le droit des tiers, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

L’article 4 du titre III concerne la notion de services essentiels. La notion de service est, selon elle, moins importante que la réponse aux besoins essentiels des usagers. Comment faire en sorte que le plan de transports ne soit pas simplement le moyen de rendre effectifs les services essentiels mais prenne en compte de manière efficace les besoins essentiels qui sont sous-jacents ?

M. Michel Destot, en tant que responsable du GART– le Groupement des autorités responsables de transports – et de l'Association des maires de grandes villes, associé aux réflexions qui ont menées sur le service minimum garanti, a rappelé qu’ils étaient réservés sur le principe de la loi, et favorables à la voie contractuelle et conventionnelle et a expliqué pourquoi.

Premièrement, parce que, sur le terrain, est fait le constat que le double respect du droit de grève et du droit des usagers ne pouvait se décréter uniformément, partout sur le territoire, et à tout moment.

Deuxièmement, il est toujours gênant de fixer un cadre national qui se substitue à un cadre régional ou local, où les acteurs ont leur rôle, leurs responsabilités et leurs compétences. Depuis 2004, la presque totalité des politiques de transports terrestres relève des collectivités territoriales. C’est pourquoi il importe de veiller à ne pas franchir la limite constitutionnelle du principe de libre administration des collectivités locales.

Troisièmement, ils n’étaient pas favorables à une loi en raison des avancées qui avaient été réalisées à la SNCF, à la RATP, et lors des renégociations des contrats avec les transporteurs.

Quatrièmement, il faut tenir compte du risque de confusion sur le rôle et la compétence de l’État. L’État est parfois le patron – de la RATP, de la SCNF. Il est par ailleurs, même si c’est de moins en moins son rôle, autorité organisatrice de transports. Il est aussi médiateur, avec les collectivités locales mais aussi avec l’Union européenne.

On en est arrivé là aujourd’hui pour deux raisons.

La première est que les employeurs n’ont pas pris leurs responsabilités pour mieux organiser le dialogue avec leur personnel, s’en remettant aux autorités organisatrices de transports. Il a précisé au passage que le remboursement des usagers en cas de grève doit être de la responsabilité de l’entreprise et non pas des collectivités territoriales ou des autorités organisatrices. Sur ce point, le projet de loi n’est pas clair.

La seconde raison est que les usagers ont été les grands oubliés des politiques de transports, et ce depuis des décennies.

Pour conclure, les membres du GART ont constaté que beaucoup de conflits naissaient du manque de moyens humains, et surtout matériels, en termes d’infrastructures et d’équipements, des réseaux. Un audit récent a montré que 500 millions d’euros par an étaient nécessaires pour que le réseau ferré soit à peu près bien entretenu. Avec les 100 millions dont on parlait tout à l’heure, on est loin du compte.

En ce qui concerne les transports urbains, ce sont plusieurs milliards d’investissement qui vont être engagés pour les TCSP, les transports en commun en site propre, dans les grandes agglomérations françaises, soit en cours, soit en projet. De ce point de vue, le retrait de l’État depuis maintenant trois ans est un véritable drame.

Il a ajouté qu’il n’y a quasiment pas de perturbations sur les petits réseaux. S’ils ne sont pas exclus du champ de la loi, il sera difficile d’appliquer un tel texte.

Enfin les collectivités locales considèreraient comme un véritable casus belli le fait de ne pas lever l’ambiguïté sur le remboursement des usagers qui peuvent, à juste titre, se retourner contre les entreprises en cas de perturbation. Le texte doit être extrêmement clair sur ce point.

M. François Brottes a fait quatre remarques avant de poser trois questions.

Première remarque : la loi de 1982 que le ministre a mentionnée visait à ce que le complément de salaire que constitue le supplément familial ne soit pas impacté par les retenues sur salaire liées aux faits de grève.

Deuxième remarque, ce n’est pas parce que l’opposition exprime des points de vue différents de ceux de la majorité qu’elle profère des contrevérités. La contradiction est au cœur de la démocratie.

Troisième remarque, si M. le ministre du travail, est là aujourd’hui, c’est bien parce que ce texte modifie le code du travail. Il signale d’ailleurs que M. Bussereau, qui a quelques responsabilités en matière de transport, sera auditionné demain par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Il se rendra à cette audition pour tenter de savoir s’il est informé de l’impact qu’aura sur les transports le texte débattu aujourd’hui avec le ministre du travail.

Quatrième remarque, M. le rapporteur, ou plutôt le collègue qui a été désigné en l’absence de ceux qui n’avaient pas eu connaissance de la convocation à la réunion de ce matin, a souligné que, après l’expérimentation, on passerait à l’action. Il faisait référence au passage du cadre conventionnel à celui de la loi. Mais on sait bien que, derrière cette formule, se dessine la perspective d’un passage à d’autres secteurs que celui des transporteurs. Il lit d’ailleurs de la gourmandise dans son regard !

Sa première question est de savoir quel a été, par rapport au total des incidents, le nombre précis de ceux liés aux faits de grève dans les transports au cours de l’année 2006 ?

Deuxième question : en cas de grève à caractère émotionnel, y aura-t-il des sanctions à l’encontre des salariés qui auront cessé le travail sans préavis de 48 heures ?

Troisièmement, lorsque 100 % des salariés feront grève – ce qui est un cas de figure théorique – ou lorsque le pourcentage de grévistes sera tellement élevé qu’aucun service ne pourra être fourni en toute sécurité aux usagers, quel service minimum sera-t-il garanti ?

M. Michel Grall  a tenu à remercier le ministre de défendre ce texte devant la représentation nationale. La garantie des droits et des libertés de nos concitoyens ne sera plus la même après l’adoption de cette loi : liberté d’aller et venir, liberté du travail, liberté du commerce et de l’industrie, garantie d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement. Il a ensuite demandé s’il serait possible d’étendre cette loi au fret, à un terme à définir.

Le ministre a d’abord répondu à M. Grall que le projet de loi concerne les transports terrestres de voyageurs. La question du fret n’est pas traitée dans ce texte mais la question essentielle est effectivement de savoir si, après l’adoption de cette loi, des améliorations seront ou non apportées aux usagers.

S’agissant du nombre de perturbations, la SNCF a indiqué qu’entre 50 et 60 % des trains annulés le sont pour des raisons de grève. A la RATP : 20 000 journées de grève. A la SNCF : 120 000 journées de grève. Même si la situation s’améliore, il faut chercher des solutions pour les usagers en cas de grève dans les transports terrestres.

Si une grève est déclenchée subitement parce qu’un personnel a été agressé, par exemple, aucune sanction n’est appliquée aujourd’hui. Nous n’avons pas de solution pour assurer la prévisibilité et l’information pour les usagers.

Si un salarié se déclare gréviste peut-il changer d’avis ? Oui, il peut le faire. Le droit de grève est constitutionnel et individuel. Mais il faut adopter une approche beaucoup plus pratique que théorique.

Si 100 % du personnel fait grève, qui a une solution ? Cela dit, cela s’est-il produit ?

M. François Brottes a précisé qu’il avait bien indiqué que le cas de figure d’une grève suivie à 100 % était théorique. Néanmoins les cas théoriques sont toujours intéressants. Cela dit, il peut arriver, autre cas de figure, que le nombre de grévistes, sans atteindre 100 %, soit tel qu’il n’est pas possible, avec le personnel non-gréviste, d’assurer le service dans la sécurité. Dans ce cas là, il n’y aura pas de service minimum.

En réponse, le ministre a souligné que le texte permet d’organiser le service, même avec un nombre de grévistes important, pour faire circuler les trains ou les bus. En effet, il donne aux entreprises davantage de marges d’action et de latitude.

Il n’est pas question pour le gouvernement de remettre en cause le droit de grève. Cela dit, même en 1995, la proportion de grévistes parmi les salariés avait atteint 85 %.

Il s’agit aussi de savoir si les salariés grévistes sont ceux qui sont indispensables à la marche du service. Les personnels administratifs et commerciaux peuvent jouer un rôle. On ne peut pas demander à un commercial d’aller conduire un train, d’autant que le fil conducteur doit être celui de la sécurité. Et il est évident que si le nombre de grévistes est important, le service sera perturbé. Mais ce texte donne davantage de possibilités pour organiser le service.

Le président Hervé Mariton a ajouté que l’esprit du texte vise à l’optimisation des personnels non-grévistes, ce qui implique des formes de réaffectation des personnels qui permettent de satisfaire les priorités, voire la mobilisation d’équipes existantes au service des besoins lorsque ceux-ci se présentent.

M. François Brottes a rappelé au ministre que le rôle des députés n’est pas de gérer les entreprises mais de faire la loi, c’est-à-dire d’élaborer la norme qui s’impose à tous. La question posée sur la situation qui résulterait d’une grève massivement suivie visait à souligner que ce texte n’a pas pour objet d’instaurer un service minimum mais de limiter le droit de grève.

Le ministre a souligné qu’il s’agit, en cas de grève, de se donner les moyens d’organiser un service réduit mais prévisible. Le rôle des députés est sans doute de voter la loi, édicter la norme, mais cela ne lui interdit pas de se demander comment les choses vont se passer concrètement sur le terrain.

En réponse à Mme Montchamp, il a indiqué que le texte du projet de loi évoque bien les besoins essentiels, et non les services essentiels. Si le plan de transports adapté ne répond pas aux besoins essentiels, le préfet peut constater la carence. Il souhaite que le débat soit l’occasion de consulter tous les acteurs concernés.

Le président Hervé Mariton a indiqué que le fait qu’en cas de grève, un certain nombre de services soient supprimés parce qu’il paraît trop compliqué de les maintenir est révélateur de ce que l’aide que l’on peut apporter à un voyageur handicapé est au fond une fonction seconde de l’entreprise de transport. On peut souhaiter que la définition des services essentiels ne soit plus caractérisée par des approches de ce type.

Le ministre a estimé que l’on peut même aller plus loin. En tant que ministre également chargé de la solidarité, il a noté qu’actuellement, seule une personne handicapée peut prendre place à bord d’un TGV. Beaucoup de progrès restent donc à faire, et pas seulement en cas de grève.

À M. Cochet, il a indiqué que ce qu’il s’agit de faire progresser dans ce texte, c’est le dialogue social. S’agissant des nécessaires investissements, il a de nouveau fait référence au plan de la SNCF.

Il a ensuite constaté que M. Cochet avait peu évoqué le fond du texte, ayant seulement parlé d’autres choix. Pour sa part, le gouvernement a voulu s’inscrire dans une démarche pragmatique.

À M. Destot, il a précisé qu’il a bien entendu les raisons pour lesquelles, à une époque, il avait été souhaité qu’il n’y ait pas de texte législatif. Cependant il a également observé que le GART s’était prononcé favorablement sur ce texte de loi.

L’examen du texte au Sénat a permis de préciser clairement la répartition des responsabilités financières entre l’entreprise de transport et l’autorité organisatrice. La responsabilité pèse bien sur l’entreprise de transport qui n’a pas satisfait à ses obligations d’information et qui n’a donc pas assuré le service promis 24 heures auparavant. Il a reconnu qu’il est également important de préciser, comme le souhaite le rapporteur, les modalités de cette responsabilité.

Il a également bien conscience que le principe de libre administration des collectivités locales s’impose à tous, ce qui n’est pas à ses yeux une fatalité ou une contrainte.

Les réseaux de petite taille peuvent difficilement être exclus du champ d’application de la loi sans qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité devant la loi. Outre cette difficulté juridique, il est nécessaire que le service soit garanti partout et pour tous. L’application du texte dans les réseaux de petite taille peut effectivement se heurter à des obstacles, mais le rôle du gouvernement est de les lever.

Des conventions existent d’ores et déjà, mais le texte est suffisamment précis pour faire en sorte que, malgré la logique du sur-mesure souhaitée, le progrès qu’apporte ce texte de loi se manifeste sur l’ensemble du territoire, et pour tous.

Le fait que les usagers puissent voir leur information renforcée changera complètement l’approche des entreprises de transport, qui s’apercevront, en cas de grève, que le niveau d’exigence est bien supérieur. Cela amènera un certain nombre d’entreprises à progresser.

Le président Hervé Mariton a remercié le ministre de sa contribution aux travaux de la commission en soulignant que cette audition aura permis d’examiner à la fois l’économie générale du texte et d’engager un échange, parfois vif, sur les articles.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du 24 juillet 2007.

Compte tenu de la richesse des échanges avec le ministre et du fait qu’aucun membre de la commission n’ait demandé la parole, le président Hervé Mariton a considéré, avec l’assentiment des commissaires, que la discussion générale sur le projet de loi avait eu lieu.

III.- AUDITION, OUVERTE À LA PRESSE, DE M. DOMINIQUE BUSSEREAU, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS

La commission spéciale a entendu M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, sur le projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, au cours de sa séance du jeudi 26 juillet.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Dominique Bussereau d’avoir répondu à l’invitation de la commission spéciale, malgré la brièveté du délai.

Le projet de loi doit être envisagé dans la perspective de l’amélioration de la qualité du service offert aux clients des transports terrestres de voyageurs. La continuité du service public est certes liée à l’amélioration du dialogue social, mais elle n’en dépend pas uniquement : la qualité des infrastructures, le renouvellement du matériel, l’organisation des entreprises constituent également des enjeux importants. Il était donc naturel d’accéder à la demande du groupe socialiste et d’entendre le secrétaire d’État chargé des transports, tant sur le texte déposé par M. Xavier Bertrand que sur l’objectif plus large d’amélioration de la qualité du service. Au demeurant, M. Bussereau participera sans doute à une partie des débats en séance publique.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, a confirmé qu’il avait entendu favorablement la demande de M. François Brottes lors d’une audition tenue la veille à la commission des affaires économiques, mais qu’il ne souhaitait rien ajouter aux propos de M. Xavier Bertrand, qui est en charge du texte.

Lors de la XIe législature, il avait pris l’initiative d’une proposition de loi sur ce sujet, cosignée notamment par Nicolas Sarkozy et Anne-Marie Idrac. Durant la discussion, M. Jean Le Garrec avait confié qu’il était impossible à la majorité d’alors de voter le texte mais qu’« il faudrait bien d’ailleurs y passer un jour ».

Il existe un consensus pour développer les transports publics, notamment afin de remplacer l’usage de la voiture individuelle dans les villes et dans les déplacements domicile-travail. Or un des obstacles au recours aux transports en commun est l’irrégularité liée aux mouvements de grève : chacun connaît des familles qui doivent conserver deux véhicules en raison de cette irrégularité.

M. Daniel Paul, M. François Brottes et plusieurs commissaires de l’opposition se sont étonnés de cet argument.

Le ministre a ajouté que, si l’on veut développer les transports publics, ceux-ci doivent à la fois offrir à l’usager de bonnes conditions de confort, équivalentes à celles de la voiture individuelle, et fonctionner 365 jours par an, ce qui suppose la mise en place d’un service garanti. Le droit de grève est certes légitime mais son exercice engendre dans ce secteur une grande injustice sociale, car il pénalise d’abord ceux qui ont le moins de moyens.

Le rapporteur a constaté que la question du dialogue social devrait pouvoir être résolue, mais que les auditions ont mis en évidence un important problème de financement et d’investissement. Quel est le financement envisagé par l’État pour les transports terrestres dans les prochaines années ?

Le projet de loi pose également la question du droit à l’information des usagers. Quelle est l’opinion du ministre sur le sujet ?

En matière de ramassage scolaire, le texte risque de provoquer des difficultés : en cas de grève, quelles priorités les collectivités pourront-elles définir en la matière ?

Enfin, l’échéance du 1er janvier 2008 paraît assez difficile à respecter pour certaines entreprises, qui risquent de ne pas arriver à se mettre en conformité à cette date.

Le président Hervé Mariton a ajouté que les représentants des très petites entreprises de transports ont fait état des difficultés que celles-ci risquent de rencontrer pour répondre à l’ensemble des prescriptions du projet de loi.

Le ministre a expliqué tout d’abord que la répartition des rôles entre l’État et les autorités organisatrices est claire en matière de financement. Il résultera sans aucun doute du « Grenelle de l’environnement » un plan gouvernemental portant sur les dix ou vingt prochaines années et dégageant des moyens supplémentaires en faveur des transports publics. Ce plan sera bien entendu discuté au Parlement. L’accent sera mis également sur le transport ferroviaire de fret. Au-delà des moyens classiques de financement des infrastructures et des entreprises publics, il est souhaitable que le « Grenelle de l’environnement » mette en place de nouveaux moyens.

Le droit à l’information des clients est essentiel dans tous les modes de transport. Chacun connaît les incidents intervenus en juin sur la ligne B du RER, à la gare du Grand Stade, et le 16 juillet sur la ligne de TGV Le Mans-Laval : à ce sujet, une réunion a été tenue avec Mme Anne-Marie Idrac pour faire le bilan de ce qui avait fonctionné et de ce qui n’avait pas fonctionné, notamment en matière d’information des passagers. Lorsqu’un TGV est en détresse en rase campagne, ses batteries s’arrêtent au bout d’un certain temps, et avec elles la climatisation, l’éclairage et la sonorisation.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, le sujet du ramassage scolaire est difficile et les autorités organisatrices devront faire des choix en fonction des cursus, de la préparation des examens, etc. Mais les conseils généraux, quelle que soit leur majorité, sont suffisamment avisés pour prendre les bonnes décisions.

Concernant l’échéance du 1er janvier 2008, M. Xavier Bertrand a été très clair. Cependant, si des discussions sont encore en cours dans certaines entreprises, il conviendra de les faire aboutir. Dans le cas des très petites entreprises, évoqué par le président Mariton, le dialogue social est quotidien. On peut donc tabler sur des accords à l’amiable de bon sens pour gérer les dispositions de la loi. Les difficultés sont plutôt à prévoir dans les grandes entreprises.

M. François Brottes a remercié le ministre d’avoir répondu à l’invitation du président Mariton. Il aurait été inconvenant que la commission spéciale n’entende pas le secrétaire d’État chargé des transports.

Il a répété, comme tout au long des auditions que la grève ne constitue que 2 % des causes de discontinuité dans le service public et que les autorités organisatrices ne sont pas demandeuses de ce texte, non plus que les petites entreprises – les grandes se montrant pour leur part assez réservées.

Le ministre a rétorqué que les Français, eux, sont demandeurs.

M. François Brottes a insisté sur les différences de périmètre et de compétence selon la taille des autorités organisatrices en demandant s’il ne serait pas nécessaire de mieux les distinguer.

Il conviendrait également d’être moins imprécis au sujet des transports scolaires. Sans critères pour définir des priorités, les autorités organisatrices risquent d’être rapidement exposées à des contentieux.

Les petites entreprises, quant à elles, demandent unanimement de sortir du texte. Pourquoi s’acharner à les maintenir dans le périmètre du dispositif prévu ?

En outre, les entreprises souhaitent que leurs réponses à des appels d’offres ne soient pas évaluées en fonction de leur éventuelle capacité à réagir en cas de crise. Si cette capacité devient un critère pour juger de l’offre, on risque d’assister à une sorte de « dumping antisocial » préjudiciable à la qualité réelle des offres.

Enfin, quel est le contenu du décret prévu à l’article 2 ? La demande est quasi générale de repousser l’échéance du 1er janvier 2008. Si tel n’est pas le cas, c’est le décret qui se substituera aux accords susceptibles d’être passés dans le cadre du dialogue social. La moindre des choses serait que le législateur ait connaissance des dispositions que ce décret comportera.

M. Louis Guédon s’est étonné de l’argument, soutenu au cours des auditions, selon lequel 2 % seulement des nuisances subies par les voyageurs sont liées aux phénomènes de grèves. En effet, dans les 98 % restants sont comptabilisés des retards mineurs qui ne mettent pas en péril l’activité économique. Au contraire, un arrêt total du trafic pour une journée entraîne des perturbations considérables. Pour éviter l’usage abusif de ces chiffres, ne serait-il pas opportun de disposer d’un rapport recensant les incidents au niveau des antennes régionales de maintenance du matériel ? Autrefois, ces unités faisaient honneur à la SNCF. A-t-on conservé cette qualité d’entretien ?

Répondant tout d’abord à M. Guédon, le ministre a rappelé que le problème principal de la SNCF était la vétusté de son parc de locomotives diesel. Récemment, le président Gallois a passé une commande de quatre cents locomotives diesel nouvelles, qui sera suivie d’une autre tranche de trois cents. On peut donc espérer que beaucoup de difficultés se trouveront résolues. Par ailleurs, les régions ont passé des commandes très importantes de matériels et de trains express régionaux (TER), tout en exigeant de la SNCF qu’elle maintienne des centres de maintenance sur place. Des problèmes subsistent en région parisienne, notamment sur la ligne D du RER, avec ses fameux « p’tits gris », des automotrices Z 5300 qui ont plus de trente ans.

Estimant que les questions de M. Brottes s’apparentent plutôt à des prises de position, le ministre a rappelé que le Groupement des autorités responsables de transports publics (GART) dont il était l’un des vice-présidents et dont M. Michel Destot, député de l’Isère, est le président, a pris position en faveur du texte.

MM. François Brottes, Alain Vidalies et Daniel Paul ont récusé cette affirmation en faisant valoir que M. Michel Destot, membre de la commission spéciale, n’a pas manqué de critiquer le projet de loi.

Le ministre a suggéré que sa position pouvait peut-être varier selon qu’il s’exprime en tant que député socialiste ou en tant que président d’une association pluraliste.

M. Alain Vidalies ayant renvoyé le ministre à la position officielle du GART, le ministre a indiqué qu’il avait évoqué une position adoptée par le conseil d’administration du GART.

S’agissant du décret, il a précisé que le II de l’article 2 en précise déjà le contenu.

M. le président Hervé Mariton a souhaité toutefois que communication soit donnée à la commission spéciale, le cas échéant, du texte d’un projet de décret.

Le ministre, indiquant qu’il ne pouvait pas s’engager au nom de M. Xavier Bertrand, a rappelé toutefois que, lorsqu’il avait présenté au Parlement, sous la précédente législature, la loi d’orientation agricole, il avait communiqué en même temps les textes réglementaires d’application, lesquels ont été pris à 98 % dans un délai d’un an.

M. François Brottes a constaté qu’en l’occurrence le délai est très inférieur à un an.

M. Alain Vidalies a contesté l’affirmation du ministre au sujet de l’avis du GART. Selon les termes de sa dernière délibération, cette instance porte un avis réservé sur le texte et propose des amendements.

Le ministre a objecté qu’un avis réservé ne vaut pas opposition.

M. Alain Vidalies a précisé que certains des amendements du GART résultent d’interrogations sur la constitutionnalité du texte.

Le projet est censé avoir trait au dialogue social. Or les organisations syndicales rejettent unanimement ce qu’elles considèrent comme un coup fourré. Les petites entreprises, quant à elles, souhaitent être épargnées par un dispositif qui ne les concerne pas, et les grandes s’inquiètent des effets pervers qu’il produira. Malgré cela, on persiste à présenter ce texte en invoquant les sondages !

Du reste, le 4 juillet 2006, un ministre des transports de la même majorité s’exprimait devant l’Assemblée sur la même question avec la même conviction que le ministre, mais en soutenant exactement le contraire. C’était le ministre Dominique Perben et son argument était le suivant : il faut éviter de légiférer là où il faut de la négociation, et la situation s’améliore à un point tel qu’il serait « irresponsable », selon ses propres termes, de prendre une initiative politicienne qui viendrait mettre à néant tant d’efforts dont la majorité doit être fière compte tenu des résultats obtenus. D’où l’adoption de la stratégie de la charte.

Mis à part l’élection de Nicolas Sarkozy, quel changement peut-il justifier que le gouvernement et la majorité prennent le risque de remettre en cause une évolution dont ils pourraient au contraire se féliciter ?

Le ministre a rappelé que l’affaire est ancienne. De très nombreuses propositions de loi ont été soutenues pour répondre à l’aspiration des Français – les sondages font état d’une proportion de 70 à 80 % – à un service minimum. La RATP est la seule entreprise à avoir accompli de réelles avancées ces dernières années. Hommage doit en être rendu à Mme Josette Théophile, directrice des ressources humaines, au président Jean-Paul Bailly, puis à Mme Anne-Marie Idrac. Le système d’alarme sociale qu’ils ont mis en place a donné de bons résultats.

Cependant, force est de constater que les réseaux des régions et des grandes agglomérations de province n’ont connu aucune avancée. À Tours, par exemple, une grève a paralysé totalement le réseau des autobus pendant quinze jours. Ce sont d’abord les plus pauvres et les plus âgés qui ont été mis en difficulté. À la SNCF, en dépit des efforts de M. Louis Gallois et de Mme Anne-Marie Idrac, la situation n’est pas parfaite. Au surplus, beaucoup de régions, dont la région Poitou-Charentes, ont refusé pour des raisons politiciennes toute réflexion sur ce sujet dans les conventions passées avec la SNCF pour ne pas mécontenter certains alliés politiques. Seule la région Rhône-Alpes a fait preuve de courage.

Par ailleurs, M. Sarkozy s’est engagé clairement lors de la campagne présidentielle et une majorité de Français a approuvé son projet. De surcroît, par comparaison avec certaines propositions de loi, le projet soumis au Parlement est un texte cadre qui ouvre la porte au dialogue, et nullement un texte de « père Fouettard ». Les Français l’approuvent et il a été voté à une large majorité au Sénat. Il ne fait pas de doute que l’Assemblée puisse faire de même.

M. Alain Vidalies ayant demandé une nouvelle fois pourquoi la position de la majorité a changé à ce point en un an. Le ministre a répété que les Français ont répondu.

Prenant l’exemple de la grève de Tours, M. Alain Vidalies a fait valoir que le texte ne changerait rien s’il y a 100 % de grévistes.

Le ministre a répondu que l’entreprise, qui était en l’espèce une filiale de la SNCF, peut très bien organiser un service avec des conducteurs et des autocars venus d’autres réseaux. En tout état de cause, les nuisances subies par les personnes âgées en pareil cas ne sont pas acceptables.

M. Alain Vidalies en a déduit que, selon le ministre, les entreprises pourraient donc faire effectuer le travail d’autres entreprises en cas de grève.

Le ministre a signalé que les grands groupes ont déjà l’habitude de demander des renforts à d’autres réseaux, par exemple durant l’été dans les zones touristiques.

M. Alain Vidalies a maintenu que la solution évoquée en cas de grève est pour le moins originale au regard du droit.

Le ministre a réaffirmé que ce qui est choquant, ce sont les inconvénients que subissent les plus faibles, ceux qui n’ont pas d’automobile et qui n’ont pas de relations pour les aider.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Bussereau pour sa contribution à la discussion.

*

IV.- AUDITIONS OUVERTES À LA PRESSE

Ø Confédération générale des travailleurs (CGT) – M. Paul Fourier, secrétaire général de la fédération des transports CGT, Mme Frédérique Dupont, secrétaire confédérale, et M. Laurent Russeille, secrétaire général-adjoint de la fédération des cheminots CGT.

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Jacky Bontemps, secrétaire national-adjoint, M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral, et M. Pascal Flachard, secrétaire fédéral à la FGTE-CFDT

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Jean-Philippe Catanzaro, conseiller confédéral, et M. Denis Dontenvill, responsable du secteur Cheminots CFTC

Ø Force ouvrière (FO) – M. René Valladon, secrétaire confédéral, M. Éric Falempin, secrétaire général FO Cheminots, et M. Gérard Apruzzeze, secrétaire général FO Transports

Ø Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-Philippe Mommejac, secrétaire général du syndicat CFE-CGC SNCF, et M. Jean-Pierre Charenton, secrétaire général du syndicat CFE-CGE RATP

Ø Fédération générale autonome des agents de conduite (FGAAC) – M. Bruno Duchemin, secrétaire général, et M. Jean-Michel Namy, secrétaire général 3e adjoint

Ø Sud-Rail et Union syndicale solidaires transports – M. Stéphane Leblanc, responsable liaison agents de conduite, et M. Hervé Brière, responsable des transports urbains

Ø Société nationale des chemins de fer français (SNCF) – Mme Anne-Marie Idrac, présidente, M. Claude Solard, conseiller du directeur général exécutif, Mme Laurence Eymieu, directrice des relations institutionnelles, et Mme Marielle Abric, chargée des relations parlementaires à la direction des relations institutionnelles

Ø Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) – M. Serge Nossovitch, secrétaire général, et M. Gérard Perre, président de la commission sociale

Ø Régie autonome des transports parisiens (RATP) – M. Pierre Mongin, président directeur général

Ø Groupement des autorités responsables de transport (GART) – Mme Chantal Duchène, directrice générale, et Mme Catherine Delavaud, juriste

Ø Régie des transports de Marseille (RTM) – M. Laurent Gargaillo, directeur général-adjoint

Ø Fédération des usagers des transports et des services publics (FT FUT-SP) – M. Thierry Ottaviani, secrétaire général

Ø Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) – M. Régis Bergounhou, secrétaire général

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Agnès Lepinay, directrice économique, et M. Guillaume Ressot, directeur-adjoint aux affaires publiques

Ø Union des transports publics (UTP) – M. Michel Cornil, président, M. Bruno Gazeau, délégué général

Ø Association des régions de France (ARF) – M. Philippe Duron, président, et Mme Élisabeth Dupont-Kerlan, déléguée aux transports, à l’environnement et à l’énergie

Ø Assemblée des départements de France (ADF) – M. Christophe Sirugue, député et président du conseil général de Saône-et-Loire

Ø Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) – Mme Sophie Mougard, directrice générale, et M. Thierry Guimbaud, directeur de l’exploitation

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Martin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général

Ø M. Dieudonné Mandelkern, président de section honoraire au Conseil d’État, président de la commission ayant publié un rapport sur la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs

Ø Véolia – M. Olivier Brousse, directeur général France de Véolia transport

Ø Kéolis – M. Éric Asselin, directeur des ressources humaines

Ø Transdev – M. Jean-Pierre Gouteyron, secrétaire général et directeur des ressources humaines

Réunie le mercredi 25 juillet 2007 au matin, la commission spéciale a procédé à une série d’auditions ouvertes à la presse sur le projet de loi.

La commission spéciale a tout d’abord organisé une table ronde avec les syndicats représentant les salariés. Cette table ronde était composée :

– pour la Confédération générale du travail (CGT) : de M. Paul Fourier, secrétaire général de la fédération des transports CGT, accompagné de Mme Frédérique Dupont, secrétaire confédérale et de M. Laurent Russeille, secrétaire général adjoint de la fédération des cheminots CGT ;

– pour la Confédération française démocratique du Travail (CFDT) : de M. Jacky Bontems, secrétaire national adjoint, accompagné de M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral et de M. Pascal Flachard, secrétaire fédéral à la FGTE-CFDT ;

– pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) : de M. Jean-Philippe Catanzaro, conseiller confédéral, trésorier adjoint en charge du dossier sur le service minimum et de M. Denis Dontenvill, responsable du secteur Cheminots CFTC ;

– pour Force ouvrière (FO) : de M. René Valladon, secrétaire confédéral, accompagné de M. Eric Falempin, secrétaire général FO Cheminots et de M. Gérard Apruzzeze, secrétaire général FO Transports ;

– pour la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE – CGC) : de M. Jean-Philippe Mommejac, secrétaire général du syndicat CFE-CGC RATP et de M. Jean-Pierre Charenton, secrétaire général du syndicat CFE-CGE SNCF ;

–  pour la Fédération générale autonome des agents de conduite (FGAAC) : de M. Bruno Duchemin, secrétaire général et de M. Jean-Michel Namy, secrétaire général 3ème adjoint ;

– pour Sud-Rail et l’Union syndicale Solidaires transports : de M. Stéphane Leblanc, responsable liaison agents de conduite, accompagné de M. Hervé Brière, responsable des transports urbains.

Le président Hervé Mariton, après avoir souhaité la bienvenue aux participants à cette table ronde, a proposé qu’après une intervention liminaire, les représentants des différentes organisations syndicales répondent aux questions des membres de la commission spéciale.

M. Paul Fourier a regretté les conditions dans lesquelles se sont déroulées les précédentes rencontres avec le ministre du travail et avec les sénateurs, au cours desquelles aucune des propositions de la CGT n’a été retenue. Le Sénat n’a reçu les syndicats qu’à l’occasion d’une seule table ronde, tandis qu’il procédait à huit auditions des représentants du patronat. Qui plus est, le compte-rendu de cette table ronde n’a pas été fidèle aux propos tenus ; c’est pourquoi la CGT demande que la présente déclaration soit annexée in extenso au compte-rendu des travaux de la commission spéciale.

Sur le fond, rien dans ce texte ne vise à améliorer le dialogue social et certaines dispositions, en particulier l’allongement du préavis, risquent même de le dégrader sans diminuer le nombre de conflits. Il s’agit donc à l’évidence surtout de dissuader les salariés de faire grève.

En revanche, rien n’est fait pour contraindre les 55 % d’entreprises qui s’en exonèrent à respecter l’obligation de négociation annuelle.

La non prise en compte de la particularité des mouvements interprofessionnels ou spontanés pourrait également exacerber les passions.

Faire peser un risque pénal sur les salariés pourrait favoriser les discriminations syndicales et détériorer le climat dans les entreprises, de même que les pressions qui seront exercées sur les salariés en raison de l’obligation de déclaration préalable et de la consultation au bout de huit jours de conflit, qui sont des atteintes caractérisées au droit individuel à la grève.

Toutes les propositions de la CGT destinée à améliorer la qualité du dialogue social afin de réduire la conflictualité se sont vu opposer une fin de non-recevoir.

Le non-paiement des jours de grève est une provocation destinée à discréditer les salariés aux yeux des Français et l’amendement adopté par le Sénat ferme la porte à des décisions susceptibles de favoriser une reprise du travail dans de bonnes conditions.

L’idée de conclure des accords de prévention de conflit avant le 1er janvier 2008 est totalement irréaliste.

Au total, ce texte n’améliore en rien les conditions du dialogue social et le détourne dans un sens uniquement favorable au patronat. Il est donc seulement destiné à empêcher l’utilisation du droit de grève en réaction aux attaques répétées contre les conditions sociales et salariales et contre les systèmes de protection sociale. La conflictualité ayant beaucoup baissé depuis dix ans dans les transports, rien n’appelait à un tel durcissement, si ce n’est la peur des mouvements sociaux à venir.

Le texte ne répond en rien aux préoccupations quotidiennes des usagers quant à la continuité du service public, dont la dégradation tient surtout au manque d’investissements.

La volonté évidente de casser le droit de grève risque de s’étendre bientôt à d’autres secteurs. Le motif avancé de garantir la liberté d’aller et venir est fallacieux car elle n’est en rien menacée par la grève dans un pays où les déplacements sont assurés à 80 % par la voiture.

Ce dont la France a besoin pour diminuer la conflictualité et fournir aux usagers des services publics de qualité, c’est de plus de dialogue dans les entreprises.

M. Jacky Bontems a constaté qu’en dépit de quelques améliorations les dispositions essentielles du texte n’ont guère évolué.

Pour la CFDT, la première priorité demeure le dialogue social. Elle considère également que la prévention des conflits peut être favorisée dans les milliers de petites sociétés de transport par un dispositif d’alerte sociale. Il lui paraît aussi très important d’améliorer les conditions de transport des usagers par des investissements significatifs car les gênes sont bien plus occasionnées par des problèmes techniques que par des conflits.

Au regard de ces principes, le projet de loi n’apporte guère de plus-value au dialogue social et il pourrait même être contre-productif. C’est pourquoi la CFDT est en total désaccord avec le délai de prévenance 48 heures avant une grève, qui pourrait être dangereux, en particulier dans les petites entreprises en raison des pressions que pourraient exercer les employeurs.

De même, si le recours au médiateur introduit par le Sénat est un progrès, la CFDT ne saurait souscrire à l’obligation de recourir à un vote après huit jours de conflit.

Pourquoi par ailleurs souhaite-t-on que les organisations syndicales soient associées à la réflexion sur la prévisibilité des services en cas de conflit, alors qu’elles ne le sont pas en temps ordinaire ?

L’amendement du Sénat sur les retenues de salaire dans les accords de fin de conflit ne correspond en rien à la réalité observée sur le terrain. Pire, il privera les partenaires d’une possibilité de débloquer certaines situations et empêchera les salariés de sortir d’une grève la tête haute.

La CFDT a insisté à plusieurs reprises sur la priorité à donner aux accords de branche dans les transports urbains et interurbains où la situation sociale n’est pas bonne. Cela paraît d’autant plus important que les négociations ont déjà échoué du fait du patronat.

M. Jean-Philippe Catanzaro a observé un déséquilibre entre le premier volet du texte, qui comporte les mesures destinées à anticiper les conflits et le deuxième volet, sensiblement renforcé, qui traite de la partie coercitive. Certaines propositions des syndicats ont été détournées : ainsi, le médiateur n’intervient pas suffisamment en amont.

Afin de mieux anticiper les conflits, la CFTC propose de créer un observatoire social indépendant des entreprises. L’ancien comité de suivi de la charte sur la prévisibilité signée en 2006 pourrait pour sa part se transformer en observatoire global chargé de faire des propositions concrètes sur le premier volet de la loi.

Dans les PME, ce texte risque de détériorer un dialogue social déjà très ténu. La CFTC souhaite donc que les accords de branche deviennent la norme dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Rien n’est prévu pour améliorer la contractualisation, perçue comme une nouvelle contrainte imposées aux syndicats. La CFTC propose donc que des moyens soient prévus, en particulier pour la formation.

L’application du délai de prévenance de 48 heures pourrait avoir des effets sur la liberté individuelle des salariés. Mieux vaudrait peut-être, comme le propose une organisation patronale, externaliser cette démarche, ce qui permettrait de mieux informer les usagers sans risquer d’aggraver les conflits.

L’article 9 est pour sa part perçu comme une provocation. Pourquoi n’envisager qu’une sortie de crise perdant-perdant ? Pourquoi, lorsque la responsabilité de l’entreprise dans le conflit est établie, fermer la porte à une éventuelle réparation ? La rédaction retenue montre une méconnaissance de la réalité, alors que des solutions concrètes peuvent être trouvée sur le terrain. Il faut donc conserver la possibilité de recourir aux mécanismes qui existent aujourd’hui.

M. René Valladon s’est associé aux propos précédents et s’est étonné que, contrairement à ce qui avait été annoncé, la pratique législative soit appelée à l’emporter sur la pratique conventionnelle. Car force est de constater que l’on cherche à contraindre la liberté de contracter par des dispositions inopérantes.

Qui plus est, il est bien évident que les négociations ne pourront en aucun cas aboutir avant le 1er janvier 2008.

L’article 9 est quant à lui extrêmement dangereux car il interdira de négocier librement. Au motif fallacieux que l’on sortirait parfois des conflits par un remboursement des jours de grève, on prévoit un dispositif inapplicable, tout particulièrement dans les PME, car on se demande bien comment il sera possible de montrer que tel ou tel relevé de conclusions viole l’article 9.

S’agissant du délai de prévenance, il va de soi que les syndicats seront solidaires de tout salarié qui serait sanctionné au motif qu’il n’a pas annoncé 48 heures à l’avance qu’il allait faire grève. Empêcher le salarié d’apprécier jusqu’au bout le résultat des négociations équivaut à mettre en cause sa liberté individuelle. Exige-t-on d’un électeur qu’il arrête son choix deux jours avant un scrutin ?

Ce qui est préoccupant, c’est moins le texte lui-même que l’application que les chefs d’entreprise pourraient en faire. On voit bien que le gouvernement joue au pompier pyromane. Cette loi est dangereuse, provocatrice inutile ; mieux aurait valu que les discussions portent sur de réelles propositions d’amélioration du dialogue social.

M. Jean-Pierre Charenton a rappelé que la meilleure grève est celle qui se termine avant d’avoir commencé…

Il a considéré que ce projet porte davantage sur le dialogue social et la prévisibilité du trafic que sur le service minimum et qu’il est ainsi au cœur des préoccupations des citoyens qui bénéficient du service public des transports. En fait, il consacre les accords sur la prévention des conflits déjà intervenus dans les grandes entreprises nationales. Il ne remet pas en cause le droit de grève, en particulier parce qu’il exclut la réquisition des grévistes.

Si l’on veut promouvoir un véritable service public de qualité, on ne saurait oublier que 90 % des dysfonctionnements ont pour origine des problèmes d’infrastructures ou un manque de moyens matériels ou humains, tandis que la conflictualité est en diminution constante.

S’agissant plus précisément du texte, la CFE-CGC regrette que l’article 1er n’évoque pas les liaisons aériennes et maritimes, alors qu’il y a un véritable problème pour la Corse.

La date butoir pour l’accord sur la prévention des conflits paraît également trop proche.

L’obligation pour les salariés de se prononcer 48 heures avant le début de la grève prévue à l’article 5 semble contraire à l’arrêt rendu par la Cour de cassation en juin 2006 à propos d’Air France.

Il semble par ailleurs que la médiation prévue par le Sénat pourrait intervenir plus tôt.

Enfin, l’article 8 impose en quelque sorte une double peine aux entreprises, contraintes à la fois de verser les indemnités contractuelles aux autorités organisatrices et de rembourser les titres de transport.

M. Bruno Duchemin a souligné que les usagers ne sont jamais la cible d’un préavis de grève et que tout ce qui permet d’améliorer leur information et la prévisibilité va dans le bon sens.

En tant que syndicat professionnel, la FGAAC, qui ne conteste en rien la légitimité du gouvernement à tenir une promesse électorale, porte surtout son attention sur les aspects techniques du texte.

S’agissant de l’article 2, elle s’étonne que l’obligation de notification faite aux organisations syndicales ne s’applique pas également aux employeurs. Pourquoi ceux-ci ne pourraient-ils pas provoquer eux-mêmes une négociation quand ils sentent que leurs orientations stratégiques devront être expliquée aux partenaires sociaux ?

La sécurité de la circulation est évidemment essentielle. De ce point de vue, la réaffectation des non-grévistes pour remplacer les grévistes paraît dangereuse, non seulement en raison des risques de conflits entre les agents mais aussi parce que, dans le secteur ferroviaire, seul l’arrêté d’aptitude permet de vérifier que le conducteur détient toutes les connaissances lui permettant de circuler en sécurité.

Le délai de prévenance ne risque-t-il pas de bloquer la négociation 48 heures avant le début du conflit ? Concrètement, comment un agent en déplacement à l’étranger ou en vacances pourra-t-il prendre position ? Si un salarié veut conserver la possibilité de faire grève ou pas, il devra systématiquement se déclarer gréviste, ce qui semble aller à l’encontre de l’esprit de ce texte. Pourquoi ne pas prévoir plutôt une consultation pour connaître la tendance, comme cela se pratique à la SNCF, tout en laissant les négociations aller à leur terme et en permettant au salarié de changer d’intention, dans le respect de son droit individuel à la grève ? On éviterait ainsi de considérer que l’on entre dans un conflit 48 heures avant qu’il n’ait commencé et l’on prendrait en compte le fait que la grève sert parfois à provoquer la négociation.

La FGAAC n’est pas opposée à la consultation à bulletin secret au bout de huit jours, car il est vrai que des pressions peuvent s’exercer lors des assemblées générales. Mais il convient de préciser le périmètre de cette consultation : concernera-t-elle les grévistes, les non grévistes, l’encadrement ? À périmètres différents, résultats différents.

Par ailleurs, il est quand même rare qu’une grève dure huit jours. Quand cela arrive et que l’on compte 100 % de grévistes, c’est le plus souvent parce que l’entreprise joue le pourrissement. Dans ce cas, à quoi bon consulter ? Un bon projet d’entreprise doit être équilibré entre la pertinence économique et les accords sociaux. Il est dommage que la loi ne le mentionne pas car on donne ainsi l’impression que l’on a moins voulu traiter du dialogue social que jeter l’opprobre sur la grève.

Signataire de l’accord de 2004 à la SNCF sur la prévention des conflits l’amélioration du dialogue social, comme de la charte de la prévisibilité, la FGAAC en retrouve certains aspects dans ce projet mais elle regrette qu’il soit trop tourné vers la culpabilisation des grévistes et qu’une occasion de promouvoir le dialogue social ait ainsi été gâchée.

Le président Hervé Mariton s’étant interrogé sur le fait que l’alarme sociale à la SNCF ne fonctionne que dans 15 % des cas de grève, M. Bruno Duchemin a répondu que la demande de concertation immédiate 10 jours avant le préavis permet que, dans 80 % des cas, celui-ci ne soit pas déposé. Le nombre de jours de grève a considérablement diminué, mais il n’est pas possible de prévoir les grèves sporadiques, déclenchée à la suite d’une agression. Dans certains cas, la grève répond aussi à une mise en cause de la sécurité des agents. Enfin, toutes les organisations syndicales n’ont pas signé l’accord sur la prévention des conflits.

M. Stéphane Leblanc a souligné que l’exercice du droit de grève est déjà largement encadré et ne nécessite pas de restrictions supplémentaires.

Ce que les Français attendent, c’est une amélioration du service public des transports au quotidien. Dans la mesure où l’on compte désormais moins d’un jour de grève par agent, c’est donc d’une véritable loi de programmation d’amélioration du service public dont on a aujourd’hui besoin pour répondre aux problèmes que rencontrent les usagers les 364 autres jours de l’année.

S’agissant des accords de branche, le délai prévu pour les négociations est extrêmement court.

Deux dispositions du texte sont totalement inacceptables. La première est la déclaration d’intention 48 heures à l’avance, surtout dans la mesure où elle est assortie de sanctions. Il s’agit d’une mesure inutile, compliquée à mettre en œuvre et qui conduira, par précaution, les syndicats à demander à tous leurs adhérents de se déclarer grévistes pour ne pas prendre le risque d’être sanctionnés. Cela aura des effets pervers sur la prévisibilité du trafic, alors que les procédures actuelles permettent une prévision assez fine.

On ne voit pas l’intérêt d’une consultation au bout de huit jours, surtout dans la mesure où aucune mesure coercitive n’est prévue. On peut se demander s’il ne s’agit pas en fait de légitimer des campagnes de discrimination contre les mouvements minoritaires, ce qui poserait un vrai problème au regard de l’exercice du droit individuel à la grève.

L’allongement de la négociation et le recours au médiateur ne sont pas des mesures critiquables, mais si l’objectif est bien d’éviter un conflit, il faut surtout s’efforcer de donner un contenu à la négociation en répondant, au moins partiellement, aux attentes des salariés. Il conviendrait donc de voir comment on pourrait y contraindre les entreprises.

L’article 9 est inutile et pervers en ce qu’il empêchera une réponse rapide à certains conflits et ralentira en conséquence le retour à la normalité pour les usagers.

Au total, ce texte très politique est un brin démagogique et l’on a vu qu’il est d’ores et déjà prévu de l’étendre à d’autres salariés, ce qui ne peut que renforcer l’idée que l’objectif poursuivi est surtout de restreindre leurs capacités de résistance.

S’agissant de l’affectation des non-grévistes, le président Hervé Mariton a souhaité savoir s’il en existe des exemples et si, dans ces cas, l’affectation s’est déroulée dans de bonnes conditions. À ce propos, si l’on peut comprendre l’hostilité des syndicats, on peut aussi se dire que le délai de 48 heures est précisément destiné à mieux connaître les grévistes et à favoriser ainsi une meilleure affectation des non-grévistes.

Sachant que dans un certain nombre d’entreprises, il existe des équipes volantes destinées à renforcer les effectifs, il a demandé si ce projet pourrait inciter à recourir à une organisation de ce type en cas de conflit.

Le rapporteur a souhaité savoir si les syndicats avaient constaté une amélioration du texte depuis sa première présentation.

Il a par ailleurs considéré que l’idée que l’employeur pourrait lui aussi anticiper un éventuel conflit mérite d’être creusée.

Il s’est enfin demandé comment les participants à cette table ronde pensent qu’il serait possible d’approfondir encore le dialogue social.

M. Alain Vidalies, ayant observé que plusieurs orateurs avaient évoqué l’échec des négociations avec le patronat sur les accords de branche, a demandé s’ils pouvaient préciser la durée des négociations qui ont déjà eu lieu et les points d’achoppement.

M. Daniel Paul, après avoir rappelé que Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, venait d’annoncer un plan important prévoyant l’affectation de 100 millions d’euros et la création de 1 000 postes, a demandé si les représentants des syndicats pouvaient dresser le bilan des suppressions de postes décidées par la direction de la SNCF depuis quatre ou cinq ans.

Il a aussi observé que plusieurs d’entre eux ont souligné les dysfonctionnements du réseau. La ligne Le Havre-Paris en est une parfaite illustration avec, en effet, une seule journée de grève sur 365 jours de galère… Dans ces conditions, c’est surtout de la continuité, de la qualité et de la sécurité du service public qu’il faudrait aujourd’hui parler au lieu d’examiner un texte de lutte des classes auquel le groupe GDR s’opposera avec la plus grande fermeté.

M. Robert Lecou a rappelé qu’il avait rédigé un rapport procédant à une analyse comparée de la situation des services publics en Europe et constatant que la France est dans une situation exceptionnelle en raison du nombre de jours de grève. Or, s’il convient bien sûr de marquer son attachement au droit de grève, il faut aussi défendre la continuité du service public car les Français veulent être sûrs de pouvoir prendre un train pour arriver à l’heure.

Dans certains pays d’Europe, il existe un service minimum, dans d’autres, la culture du dialogue social est particulièrement développée et la grève est pratiquement interdite car elle est considérée comme un échec. Il faut donc bien aujourd’hui trouver en France une solution afin de concilier le droit de grève et la continuité du service public.

M. Guénhaël Huet a souligné à quel point les Français sont gênés par les mouvements de grève lancés de façon tellement rapide qu’ils n’ont pas le temps d’être prévenus.

Parler à propos de ce texte de lutte des classes est particulièrement déplacé car ce sont les salariés modestes qui pâtissent le plus de ces difficultés.

Pour autant, ce projet ne remet pas en cause le droit de grève, mais recherche un équilibre entre différentes libertés publiques. On a d’ailleurs du mal à comprendre en quoi le délai de prévenance de deux jours serait un obstacle majeur à l’exercice du droit de grève. Les salariés d’une entreprise de transport connaissent assez bien la situation de leur entreprise et les revendications des uns et des autres pour savoir, 48 heures à l’avance, s’ils vont ou non se mettre en grève. L’objectif poursuivi par ces dispositions n’est pas de gêner les grévistes mais d’organiser l’information des usagers.

La consultation au bout de huit jours de grève prévue à l’article 6, présente un évident caractère démocratique et l’on comprend mal en quoi il serait gênant de faire le point en demandant aux salariés de s’exprimer, d’autant que le résultat du vote n’affectera pas l’exercice du droit de grève.

Le président Hervé Mariton a observé que pour sa part il avait du mal à comprendre comment l’on peut contester le principe du vote à bulletin secret.

M. Jean-Frédéric Poisson s’est déclaré sensible à ce qui a été dit sur la nécessité pour un chef d’entreprise d’améliorer les conditions du dialogue social et favorable à ce que cela apparaisse dans le débat, même s’il semble difficile de légiférer sur ce point, qui relève de la libre administration des entreprises.

S’agissant de la consultation des salariés, dès lors qu’on considère qu’un vote à la majorité est légitime, on peut se demander pourquoi le texte n’en tire pas toutes les conséquences.

Enfin, puisque plusieurs représentants des syndicats ont mis l’accent sur la sécurité, comment ne pas faire la comparaison avec les pompiers, eux aussi victimes d’agressions, et qui n’ont pas la possibilité de faire grève, ou avec le personnel hospitalier, pour lequel la grève ne peut pas prendre la forme d’un blocage de service ou d’une cessation d’activité ? N’existe-t-il pas aussi une obligation de service public pour les transports, qui devrait entraîner une restriction du droit à bloquer le service ?

Mme Frédérique Dupont a souligné que, depuis 2004, c’est l’attitude de l’UTP qui a empêché les négociations d’aboutir. Ses représentants réclamaient une loi permettant de déroger au dialogue social et à la négociation. Dès lors qu’ils ont obtenu satisfaction, tout laisse à penser qu’ils attendront l’échéance prévue du 1er janvier 2008. De même, comment ne pas s’interroger sur l’avenir de la négociation annuelle obligatoire dans la mesure où 55 % des entreprises ne respectent pas cette obligation ?

Pour sa part, la CGT proposait une consultation avant toute signature d’un accord, un rejet par une majorité de salariés entraînant la poursuite des négociations. Cette proposition n’a pas été retenue.

Le président Hervé Mariton a demandé si l’un des syndicats présents récusait le principe du vote à bulletin secret au bout de huit jours de grève.

M. René Valladon a répondu que cela dépendait de ce qu’on voulait en faire. Il a rappelé, à propos de la déclaration préalable, que, dans un arrêt relatif à la consultation des salariés par les cadres dans le secteur de la chimie, la chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’il s’agissait d’une atteinte excessive au droit de grève.

M. Laurent Russeille a souligné que les associations d’usagers considèrent que le plan présenté par Mme Anne-Marie Idrac, sans aucune consultation dans l’entreprise, n’est pas à la hauteur des enjeux. Depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés et rien ne dit que les 1 000 emplois supplémentaires se traduiront par des créations, plutôt que par des réaffectations. Qui plus est, les 100 millions promis s’étaleront sur trois ans.

Dans la mesure où la sécurité des transports est une donnée essentielle, la réaffectation envisagée des personnels semble particulièrement difficile.

Le rapporteur a répondu que l’article 5 dispose clairement que les réaffectations se feront « conformément aux règles de sécurité en vigueur ».

M. Éric Falempin a rappelé qu’après la suppression massive d’emplois, la SNCF ne dispose plus du temps nécessaire à la formation professionnelle de ses conducteurs et qu’on peut donc se demander comment elle pourrait former les personnels appelés à remplacer les grévistes.

Il a considéré en outre que le texte risquait d’entraîner des discriminations car seuls quelques corps de métiers seraient concernés par certaines dispositions, notamment celles relatives aux 48 heures et au référendum. Dans les faits, seuls les salariés exerçant des métiers liés à la sécurité risqueront d’être sanctionnés en cas de non-respect de certaines obligations.

Le président Hervé Mariton a observé que cela n’avait rien d’illégitime ou de choquant dans la mesure où tous les salariés n’exercent pas les mêmes fonctions dans l’exécution du service public. Faire une distinction n’est pas pratiquer une discrimination

M. Éric Falempin a indiqué, en réponse à la question sur la nature des problèmes rencontrés, qu’en 2006 la SNCF avait connu 6 043 incidents entraînant un retard de circulation, dont 140 seulement dus à des mouvements sociaux et 1 728 à des difficultés techniques. Voilà la réalité quand on parle de continuité du service public !

Le président Hervé Mariton a répondu qu’en tant que rapporteur du budget des transports il n’est pas indifférent à ce sujet, mais qu’il s’agit aujourd’hui, à l’occasion de ce texte, de résoudre un des problèmes qui se posent aux usagers.

M. Pascal Flachard a observé que sur un certain nombre de points, le Sénat n’a pas vraiment amélioré le texte. Ainsi, il est regrettable que seuls les syndicats ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève soient invités à participer à la négociation préalable.

Par ailleurs, l’article 7 bis nouveau semble en contradiction avec l’article 5, en ce qu’il ne fait plus référence au seul personnel non-gréviste mais aussi au personnel « disponible ».

S’agissant des accords de fin de conflit, si certains prévoient le paiement des jours de grève, c’est tout simplement parce que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions contractuelles. La rédaction retenue par le Sénat interdit de telles négociations et seul le juge pourra désormais trancher. On prive ainsi les partenaires d’une marge de négociation, au risque que le conflit ne s’éternise.

La négociation dans la branche des transports urbains a duré cinq mois. Elle s’est inspirée de l’accord intervenu à la RATP. L’UTP est responsable de l’échec car elle ne voulait pas aboutir, attendant tout simplement que cette loi soit votée. Même si l’aboutissement n’est pas garanti, l’obligation de négocier prévue dans le texte paraît importante et il faut espérer que cette organisation sera à l’avenir dans un meilleur état d’esprit.

Comment trouver des solutions pour garantir la continuité du service public ? La CFDT est persuadée que c’est par la négociation que l’on y parviendra.

Enfin, la CFDT regrette que le Sénat ait détourné l’idée de la médiation car pour elle le médiateur doit être indépendant ; il est là pour rapprocher les points de vue, pas pour déclencher la fameuse consultation.

M. Roland Muzeau a demandé qu’on lui communique des exemples d’entreprises où les accords de fin de conflit ont prévu le paiement des jours de grève, pratique que M. Christian Blanc a niée hier.

M. Christian Blanc a observé qu’il n’avait pas parlé de toutes les entreprises, mais de son expérience personnelle en tant que président de la RATP.

M. Bruno Duchemin a regretté que l’on ne traite pas des 98 % de dysfonctionnements qui entraînent des perturbations sur les lignes, sur lesquels l’information devrait être de bonne qualité, qu’ils soient ou non dus à des grèves. Certes, l’article 4 traite des incidents techniques et des aléas climatiques, pour lesquels les perturbations sont réputées prévisibles, mais c’est bien le moins…

Il a estimé que M. Daniel Paul avait eu raison de rappeler les problèmes réguliers de la ligne Paris-Le Havre, où les locomotives, vieilles de plus de 50 ans et qui tombent régulièrement en panne, ne sont plus entretenues au motif quelles seront remplacées par le matériel récupéré sur les lignes de l’Est après le lancement du TGV. Le dialogue social devrait conduire à se préoccuper aussi du sort des conducteurs que les pannes obligent à travailler plus longtemps, au risque qu’un conflit ne se déclenche. Comment s’étonner que la grève de cette semaine, à Lille, ait été suivie à 100 % quand on voit le peu de cas qui est fait des conducteurs qui se sont formés en vain en vue d’assurer les trajets vers la Grande-Bretagne ?

Ce texte est sans doute une vitrine politique, mais l’occasion de traiter l’ensemble des dysfonctionnements, le sous investissement, la saturation des réseaux, a été gâchée. Il ne faut donc pas faire croire aux Français que tout sera réglé par le vote de cette loi.

Le président Hervé Mariton a souligné que le débat donnerait aussi l’occasion de dire un certain nombre de choses à ce propos.

Il a distingué les perturbations prévisibles de celles qui ne le sont pas et, parmi les premières, celles qui sont liées aux grèves.

Par ailleurs, il a rappelé qu’un certain nombre de progrès techniques sont intervenus et que les crédits destinés à la régénération ont beaucoup augmenté.

M. Laurent Russeille a observé que la régénération n’empêche pas les accidents.

M. Hervé Brière en réponse à M. Jean-Frédéric Poisson a fait valoir qu’à la différence des agents des entreprises de transport, les pompiers, les policiers et les personnels hospitaliers sont assujettis à des services dits « vitaux ».

M. René Valladon a rappelé que, bien que la loi le leur interdise, les gardiens de prison se sont mis massivement en grève en 1989.

Le président Hervé Mariton après avoir rappelé que nul ici n’avait l’intention d’interdire la grève a remercié l’ensemble des participants à cette table ronde.

*

Puis, la commission spéciale a entendu Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, accompagnée de M. Claude Solard, conseiller du directeur Général Exécutif, de Mme Laurence Eymieu, directrice des Relations Institutionnelles et de Mme Marielle Abric, chargée des relations parlementaires à la Direction des Relations Institutionnelles.

Le président Hervé Mariton, a remercié Mme Anne-Marie Idrac d’avoir répondu à l’invitation de la commission. Il a remarqué que ce projet de loi vise à optimiser l’utilisation des moyens disponibles les jours de grève et lui a demandé comment, sur la base de ce texte, la SNCF pourrait améliorer le service rendu aux citoyens.

Mme Anne-Marie Idrac a salué la valeur de ce projet de loi : du point de vue éthique, d’abord, la continuité du service public étant au cœur même de la définition du service public ; du point de vue commercial ensuite, continuité et prévisibilité intéressant les clients, voyageurs ou chargeurs ; du point de vue managérial enfin. Selon elle, par sa méthode, il réalise un équilibre et oblige à la négociation entre partenaires sociaux d’une part, et avec les autorités organisatrices d’autre part.

Où en est aujourd’hui l’état de la conflictualité à la SNCF ?

On compte un peu moins de 700 préavis par an, sachant qu’un préavis de signifie pas grève, laquelle peut être plus ou moins suivie. Ce chiffre est à rapporter à la taille de l’entreprise, 260 000 salariés à la maison mère, et à apprécier à l’échelle des 250 établissements. Il y a une dizaine d’années, on avait atteint un pic de 1 200 préavis ! Les cinq premiers mois de 2007 confirment cette tendance à la baisse.

Le nombre de journées perdues est extrêmement dépendant des grèves nationales, motivées par la contestation de l’orientation de l’entreprise, mais aussi par la volonté de certaines organisations syndicales de peser sur des sujets dépassant la SNCF – réforme des retraites en 2003, contrat première embauche (CPE) en 2006. Ce nombre était en 2006 autour de 0,8 par agent ; depuis le début de l’année, il est de 0,13 par agent, ce qui est très faible.

La première disposition du texte intéresse la prévention des conflits.

À partir de 2003 a été mis en place à la SNCF un dispositif de prévention, signé par l’ensemble des organisations syndicales ; il s’appuie sur la DCI, ou demande de concertation immédiate, qui ressemble à l’alarme sociale mise en place à la RATP en 1996. En cas de différend, une ou plusieurs organisations syndicales peuvent en aviser la direction par écrit. La direction peut prendre l’initiative de déclencher, de son côté, une telle procédure, sur des sujets potentiellement conflictuels. S’ouvre alors une période de concertation de dix jours ouvrables avec les organisations syndicales à l’origine de la demande. Il s’agit de trouver une solution ou de passer un accord permettant d’éviter le dépôt d’un préavis. Un relevé de conclusions est alors établi par écrit et diffusé auprès de l’ensemble du personnel. Lorsqu’elle est utilisée, cette procédure permet, dans 90 % des cas, de trouver une solution évitant le conflit ; en 2006, 927 DCI ont été déposées et n’ont donné lieu qu’à 114 préavis. Pour autant, elle n’est pas utilisée systématiquement. C’est ainsi que 84 % des préavis déposés l’année dernière n’avaient pas été précédés d’une DCI et que la DCI n’a été utilisée en amont que dans 16 % des cas.

Voilà pourquoi l’obligation de négocier, qui est au cœur du dispositif du projet de loi, est à même de provoquer un véritable choc culturel et de changer l’état d’esprit dans lequel se trouvent certaines organisations syndicales, qui font de la grève le point de passage obligé de la négociation.

Le Sénat a apporté, la semaine dernière, lors de la discussion en séance publique, deux modifications à l’article 2 du projet de loi.

La première réserve aux seules organisations syndicales qui envisagent de déposer un préavis cette obligation de négociation préalable. C’est une bonne idée car cela permettra de garder aux négociations un caractère concret, ciblé et approprié et d’éviter l’extension du champ du conflit initial. La procédure de négociation est ainsi allégée, même s’il n’est pas exclu que d’autres organisations syndicales s’y intègrent.

La seconde modification, en revanche, est plus discutable. Elle concerne la date obligatoire d’application du dispositif de prévention des conflits. Il ne serait applicable à la SNCF qu’à partir du 1er janvier 2009. Or pourquoi attendre ? Le dialogue social a déjà permis, en 2004, d’aboutir à un accord.

Le président Hervé Mariton a demandé s’il devait comprendre cela comme une demande que ce dispositif s’applique dès le 1er janvier 2008.

Mme Anne-Marie Idrac, après le lui avoir confirmé, a indiqué que certaines clauses portant sur la continuité et la prévisibilité du service public avaient déjà été introduites dans les conventions renégociées ces derniers mois, ou négociées dans le cadre du STIF.

C’est le cas du contrat Alsace, selon lequel la SNCF proposera quatre niveaux de desserte dont la mise en œuvre est discutée entre la région et la SNCF entre J moins deux et J moins un, en fonction de l’impact estimé du mouvement social, et qui prévoit des modalités précises d’information aux voyageurs. Le bonus malus tient compte des écarts entre le service annoncé et le service réalisé.

C’est le cas de la convention Rhône-Alpes, qui fixe trois niveaux de desserte, 30, 50 ou 70 %, le choix du niveau se faisant en concertation avec la région, compte tenu là aussi de la perturbation annoncée. Elle comporte des modalités d’information aux voyageurs et prévoit des pénalités financières.

S’agissant de la prévisibilité et de l’information assurée aux usagers, donc de la question de la rationalisation des moyens, Mme Anne-Marie Idrac s’est appuyée, là encore, sur un exemple concret, celui de la ligne C, précisant que M. Claude Solard a été chargé de la préparation des aspects techniques de la loi sur le service minimum.

Il s’agit, en l’occurrence, d’organiser la circulation de 265 trains, dans l’hypothèse d’un service réduit de moitié. Il faudra y affecter 150 conducteurs et 500 personnes chargées de l’accueil, de la sécurité et de l’information en gare. Cette information aux voyageurs doit être prête suffisamment tôt pour qu’ils puissent prendre leurs dispositions. D’où l’intérêt du délai de 48 heures s’agissant de la déclaration individuelle d’intention et de 24 heures s’agissant de l’information aux usagers.

Seront ainsi apposées, dans les 82 gares de la ligne C, 500 affiches annonçant les programmes de circulation. Seront éditées et distribuées 200 à 300 000 fiches horaires pour les 450 000 voyageurs habituels. Enfin, seront renseignées les bases informatiques, ce qui suppose d’entrer 20 000 données.

Tout cela impose de disposer d’un certain temps pour se retourner. En cas de grève nationale, il faudrait multiplier environ par 30 le même exercice sur toute la France.

Comment pourrait-on aller plus loin ?

Premièrement, grâce à la connaissance des personnels non grévistes et à la possibilité de les affecter sur des missions spécifiques – évidemment dans le respect des règles de sécurité –, on évitera de garder des réserves inutiles de personnels disponibles. L’incertitude sera ainsi réduite, même s’il faut savoir que la déclaration individuelle d’intention sera ou non suivie d’effet.

La présidente de la SNCF s’est refusée à croire que cette déclaration puisse être utilisée pour fausser la gestion de l’entreprise ou l’information des usagers. Au président Mariton qui lui fait remarquer que les organisations syndicales en ont évoqué l’hypothèse, elle a répondu que ce serait incompatible avec la juste conscience du service public et avec le sérieux qui s’applique au droit de grève.

Deuxièmement, il sera possible de dire aux usagers que le train de 8 heures 30 va circuler, au lieu de leur dire qu’il y aura un train entre 8 heures 15 et 8 heures 45. On passera d’une information sur le volume indicatif du plan de transport (par exemple, 50 % en moyenne) à une information sur des horaires précis sur des lignes précises.

Mme Anne-Marie Idrac a présenté aux membres de la commission spéciale la fiche « Perturbations Informations », qui indique : « En raison d’un arrêt de travail d’une partie du personnel SNCF, un service spécial est mis en place… » et qui donne certains horaires. Or en bas, on peut y lire : « Ces horaires sont susceptibles d’être modifiés en cours de journée » ! Cela détruit le sens même de l’affiche.

On pourra donc progresser dans l’élaboration de grilles de dessertes précises, ligne par ligne, dans des protocoles d’identification des personnels présents et des affectations sur les services, agent par agent, et dans la communication de chaque horaire. Il en résultera une meilleure efficacité s’agissant de la mobilisation des moyens disponibles. Dans quelles proportions ? Il est difficile de le dire, car chaque ligne est différente. Et chaque grève est différente, son impact aussi. Quoi qu’il en soit, la SNCF sera amenée à faire moins de réserves et à avoir des plans de transport plus robustes.

Quant au remboursement, il est parfaitement légitime, et il deviendra un droit nouveau. C’est une grande avancée du texte. La rédaction du Sénat prévoit que ce remboursement par l’entreprise sera exigible en cas de défaut d’exécution du plan de transport. Cela pourrait amener la SNCF à être très prudente, pour ne pas dire chiche, dans la manière dont elle proposera aux autorités organisatrices le calage du niveau de service.

Dans la plupart des conventions s’applique un système de malus lorsque le service n’est pas assuré. Le texte du Sénat introduit une deuxième forme de malus. Il conviendra donc de réfléchir, avec les autorités organisatrices, sur la meilleure façon d’inciter l’entreprise, en l’occurrence la SNCF, à faire le meilleur plan de transport possible, le but restant d’améliorer le service rendu. Le danger est qu’elle se montre trop prudente pour limiter les risques de remboursement.

Mme Anne-Marie Idrac appelle l’attention de la commission sur l’état d’esprit dans lequel elle a conçu le programme d’amélioration de la qualité de service qu’elle a annoncé à la presse la semaine précédente et qu’elle a appelé « Nouvelle dynamique de proximité ». Il concerne les transports de la vie quotidienne, TER, transiliens, Corail et Intercités, qu’empruntent 200 millions de clients par an.

Il s’agit de garantir à tous les voyageurs, dans toutes les gammes de produits, un meilleur niveau de service possible. Au cours de ce programme de trois ans, l’accent sera mis sur trois exigences fondamentales des clients : la sérénité, ce qui pose la question de la régularité des trains ; la liberté d’esprit, ce qui suppose de s’engager sur l’information ; la prise en considération, ce qui implique certaines actions, notamment la gestion des situations de crise. Les bons résultats de la SNCF lui permettent d’en réinvestir une partie dans ce programme. 100 millions d’euros ont donc été mis sur la table au titre de 2008.

Les incidents récents dus à une mauvaise prise en charge des clients, notamment en terme d’information, ont accéléré le travail engagé en vue de l’amélioration de la qualité du service. Les premières mesures seront mises en place à partir de la rentrée.

Ce projet de loi prépare un profond changement d’état d’esprit. C’est la loi qui défend le service public. Certains avaient pu se laisser entraîner à penser que c’était la grève … Il va révolutionner les façons de faire. Aujourd’hui, l’organisation de la SNCF n’est pas basée sur l’idée que la continuité du service public en temps de grève constitue une priorité. La gestion spécifique en temps de grève n’existe pas, faute d’outils.

Avec cette loi, la SNCF sera plus efficace en termes de prévention et en termes de robustesse et de fiabilité de ses plans de transport.

M. le Président Mariton a abordé trois points.

Mme Anne-Marie Idrac lui semble être de ceux – si elle l’autorise a être impertinent – qui n’avaient pas toujours approuvé le principe d’une loi. Il ne faut pas éluder une telle question.

Deuxièmement, les organisations syndicales, certaines formations politiques et certains collègues s’accordent sur l’idée que ce n’est pas de service minimum mais de service maximum dont on a besoin et que l’essentiel des perturbations n’est pas lié à la grève, mais aux sous investissements. Il a donc demandé à Mme Anne-Marie Idrac d’apporter des éléments de réponse sur ce point. Il y a aussi la question de la distinction entre les perturbations prévisibles et celles qui ne le sont pas – les incidents techniques, entre autres.

Troisièmement, il est regrettable que le projet de loi ne soit pas suffisamment clair s’agissant de l’impact qu’il aura sur les services de banlieue et sur les services des grandes lignes. Dans le titre, il est question de la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, soit la totalité de l’activité « voyageurs » de la SNCF. Les services internationaux sont-ils exclus d’emblée ? À quoi correspond la formule de « services quotidiens » qui apparaît dans le texte ?

Ce point fera sans doute partie des discussions avec les autorités organisatrices des grandes lignes, à savoir les régions, mais aussi l’État. Comment seront prises en compte les grandes lignes dans la mise en œuvre de ce texte et dans la relation avec l’autorité organisatrice qui peut être l’État ?

Le rapporteur a demandé à Mme Anne-Marie Idrac si ce texte préservera vraiment le droit de grève. Selon elle les 100 millions qu’elle a évoqués allaient permettre de créer mille emplois. Or les syndicats qui ont été reçus ont déclaré que le dialogue social était insuffisant, qu’ils venaient de découvrir l’existence de ces 100 millions, et que les mille emplois seraient affectés ailleurs. Qu’en est-il de ce dialogue social ?

M. Michel Destot a relevé que tout le monde est d’accord s’agissant de la continuité du service public. Pour autant, le service public ne se résume pas au service public national. Il peut avoir une dimension locale, régionale, voire de plus en plus européenne. S’imaginer que le seul cadre national permettra de réguler et de régler l’ensemble des politiques de transport est une vue de l’esprit.

Par ailleurs, il ne faudrait pas confondre la SNCF, la RATP et les autres exploitants. La SNCF et la RATP interviennent avec un nombre d’organisations administratives de transport (AOT) relativement limité – essentiellement les régions et l’État pour la SNCF, et le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) pour la RATP. En région, ce nombre est infiniment supérieur. En région Rhône-Alpes, par exemple, il y a plus de 50 AOT et l’ensemble des collectivités devra travailler avec de très nombreux transporteurs. Cela explique la diversité des niveaux de dialogue social selon les niveaux d’appréhension des problèmes.

À la SNCF et à la RATP, le dialogue social existe depuis longtemps. On ne peut pas en dire autant des réseaux en région, avec Kéolis, Transdev ou Véolia. Cela explique que l’Union des transports publics (UTP) ait avancé aussi lentement et que les positions du Groupement des autorités responsables de transports (GART) et de l’UTP aient été si différentes. Le GART avait passé un accord avec M. Perben, alors que l’UTP ne l’avait pas fait. Ses représentants souhaitaient en effet qu’il y ait une loi pour pouvoir se positionner vis-à-vis des syndicats et vis-à-vis du personnel. En revanche, le GART était favorable à la négociation pour introduire dans les conventions qui lient les AOT avec les transporteurs ces clauses relevant du dialogue social et permettant d’assurer la continuité du service public.

Quand les sénateurs parlent de reporter d’un an l’application de ce texte, c’est pour faire droit aux AOT dans leur plus grande diversité qui, aujourd’hui, sont dans l’incapacité de conclure dans les trois mois qui viennent de telles clauses.

Le président Hervé Mariton a rétorqué que les positions des uns et des autres sont parfaitement compatibles. Les sénateurs sont bien dans l’esprit du 1er janvier 2008, sauf pour la RATP et la SNCF.

M. Michel Destot a remarqué qu’en effet le débat a eu lieu, mais que, selon lui, les sénateurs n’ont pas retenu le bon calendrier. Peut-être que la RATP et la SNCF peuvent conclure dans les trois mois, mais ce n’est pas le cas de toutes les AOT de province. Ces dernières sont en retard, notamment parce que l’UTP a traîné les pieds. Pourtant, il faut pouvoir donner sa chance à la voie contractuelle car sinon, on ne peut pas parler de dialogue social.

On sait très bien qu’aujourd’hui c’est le manque de moyens qui est la cause principale des perturbations. Il est donc clair que ce texte ne permettra pas de répondre aux problèmes de fond et d’avoir une politique de transports s’appuyant sur une capacité d’investissement suffisante s’agissant des infrastructures et du matériel. Il sera à l’origine d’opérations allant à l’encontre de l’objectif social et de l’objectif d’équilibre entre les droits des usagers et le droit de grève des personnels.

Sur le premier point qu’il a soulevé, Mme Anne-Marie Idrac a fait au président une réponse tout aussi impertinente, selon elle, que l’a été sa question : elle a été manipulée !

Ce texte oblige à la négociation. C’est la raison pour laquelle, au-delà des objectifs éthiques, commerciaux et managériaux qu’elle a évoqués précédemment, elle le soutient.

Sur le second point qu’il a soulevé, c’est-à-dire la continuité du service, elle a commenté un tableau retraçant les causes d’irrégularité, autres que les grèves.

Sur les grandes lignes, on compte 21 % de causes externes, et sur les transiliens, 50 %. Sont ainsi visées les intempéries, la malveillance, les accidents de personnes, les animaux. Mais il peut y avoir bien d’autres causes : problèmes de matériel, incidents provoqués par des voyageurs, non disponibilité des contrôleurs, travaux, problèmes d’aiguillages, incidents aux abords des voies, incendies, etc.

L’entreprise SNCF cherche à identifier les vrais sujets sur lesquels des moyens seront utiles. Les progrès de productivité et de compétitivité doivent être pesés dans un juste équilibre avec la nécessité d’assurer un service de qualité aux clients : c’est le service compétitif aux clients. Bien entendu, il existe un moyen de ne jamais avoir de difficultés sociales : par exemple en laissant ouverts tous les guichets, même lorsque les habitudes des clients ont changé ; ou en ne poursuivant pas de politique industrielle pour mettre les matériels au niveau des concurrents.

Il ne s’agit pas ici des moyens d’investissement de l’État, qui ne sont pas du ressort du président de la SNCF, mais de l’équilibre que doit réaliser l’entreprise, malgré les difficultés qui peuvent se présenter à elle.

Tout le monde l’a dit, l’entreprise SNCF a manifesté son souci de rendre le dialogue plus fécond. Différentes initiatives ont été prises en ce sens à l’intérieur des institutions représentatives du personnel, sur le terrain, avec les agents, avec les organisations syndicales, en amont des projets. Mais par définition, le dialogue social se joue à deux. On ne peut pas demander à la direction de renoncer à la modernisation et aux progrès de crédibilité qui sont souhaitables et souhaités par l’État actionnaire et par la collectivité nationale.

Elle a dit ne pas avoir d’opinion particulière à propos des grandes lignes pour lesquelles, l’État est l’autorité organisatrice. Toutefois cette autorité organisatrice a, dans les faits, très largement délégué son pouvoir à la SNCF. Il est vrai que le texte organise prioritairement les déplacements quotidiens de la population. Mais il est vrai aussi que la plupart des trains de grandes lignes sont quotidiens. Une ébauche de dialogue a eu lieu avec les représentants de l’État et il semble que ceux-ci ne sont guère enclins à modifier la situation et envisagent le maintien d’une assez large délégation.

En matière de transports de proximité, des priorités s’imposent : entre le fret, les grandes lignes, entre les TER et les transiliens. L’esprit de la loi est plutôt de favoriser les transports de la vie quotidienne, ce qui suppose une certaine évolution des pratiques antérieures, même s’il faudra tenir compte des règles européennes sur les sillons.

En matière de trains internationaux, Mme Idrac n’a pas pu dire comment s’appliquera le texte à Paris, Strasbourg ou Münich. Mais le ministère des transports a certainement préparé quelque chose à ce sujet.

M. le rapporteur s’est demandé si le droit de grève était préservé. Où pourrait-on déceler une atteinte au droit de grève ? Pas dans la prévention des conflits, à moins de considérer que la grève est mieux que la prévention… Pas dans la déclaration individuelle d’intention. Ce serait le cas si celle-ci supprimait l’exercice individuel du droit de grève, si celle-ci devenait une obligation et que des sanctions étaient prévues lorsque le salarié change d’avis ou a fortiori, lorsque le droit de grève est exercé. Non plus que dans la disposition qui prévoit, au bout de huit jours de grève, une consultation. Ce serait le cas si elle privait le salarié de son droit individuel à la grève. L’intérêt d’une telle consultation est d’amener à faire la part des choses et de ramener une certaine sérénité dans les discussions.

M. Robert Lecou s’est interrogé sur l’article 1er. La présidente de la SNCF a relevé les valeurs éthiques, commerciales et managériales du texte. L’entreprise pourra-t-elle s’accommoder de l’exclusion des transports à vocation touristique prévue dans cet article ? En effet, ces transports constituent une part importante de son activité commerciale.

Mme Anne-Marie Idrac lui a répondu que le ministre Xavier Bertrand souhaite parvenir à un équilibre entre différents droits d’importance équivalente. Sans doute le tourisme n’a-t-il pas été considéré à l’égal de la liberté d’aller et venir ou de la liberté du commerce et de l’industrie.

Le président Hervé Mariton a supposé que les transports concernés sont du même style que le train des Pignes ou le train Auray-Quiberon.

Mme Anne-Marie Idrac a admis qu’un certain nombre de lignes peuvent être considérées comme touristiques, mais a remarqué que certaines ne sont pas exploitées sur le réseau ferré national, et donc pas par la SNCF : c’est le cas du train des Pignes ou du train de la Rhune.

M. Robert Lecou a expliqué qu’il visait les migrations touristiques et qu’il conviendrait d’apporter des précisions.

M. Daniel Paul a remercié Mme Anne-Marie Idrac d’avoir confirmé que, depuis quelques années, la conflictualité, du moins à la SNCF, avait chuté. Pour le début 2007, on a relevé 0,13 journée perdue par agent. Ce score est remarquable et pouvait laisser espérer qu’on se rapprocherait du taux zéro. C’est sans doute pourquoi, il y a quelques semaines, Mme Idrac a déclaré qu’elle préférait la concertation, la discussion et la négociation à une loi.

Ce projet de loi concerne la continuité du service public, « seulement en cas de grève ». Il faut être attaché au service public, mais 365 jours par an. Bien sûr, il est toujours possible qu’une vache ou tout autre animal divague sur les voies de chemin de fer. Dans certains pays, en cas de suicide sur une voie ferrée, on met le corps sur le bord des rails et le trafic continue. Ce n’est pas le cas en France, mais on pourrait imaginer de modifier la loi de façon à ne pas bloquer le trafic pendant des heures en cas d’accidents de ce type. Après tout, on en est bien à légiférer pour 2 % des arrêts…

On note chaque année une augmentation importante du nombre de kilomètres sur lesquels les trains doivent rouler lentement. Mme Idrac peut-elle confirmer ce phénomène ?

Par ailleurs, dans certaines régions, sur certaines grandes lignes, Paris-Le Havre notamment, des locomotives ont plus de cinquante ans. La probabilité des incidents, des accidents et des pannes de matériel justifierait qu’on remplace ces locomotives et qu’on prévoie les investissements correspondants.

M. Guénhaël Huet a salué les propos de Mme Anne-Marie Idrac qui ont bien montré que ce projet de loi réalisait un équilibre entre différentes libertés publiques, entre les droits des agents de la SNCF d’un côté et ceux des usagers de l’autre.

Il y a bien sûr d’autres problèmes que la grève, personne n’en disconvient, mais ils ne correspondent pas à l’objet de ce projet de loi.

Les représentants d’organisations syndicales ont déclaré ce matin qu’il aurait fallu faire une autre loi comportant des engagements, pour l’État, à investir pour la SNCF et comportant quelques articles relatifs au droit de grève. C’est une conception un peu dépassée du travail législatif, qui amène à concevoir des lois « fourre-tout » dans lesquelles personne ne se retrouve. Et puis, que n’aurait-on entendu de la part de l’opposition qui aurait prétendu que, sous le prétexte de financer tel ou tel investissement en matière de transports, on en profitait pour introduire un cavalier aboutissant à limiter, voire à interdire le droit de grève ?

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on ne recourt pas souvent à une règle de droit qu’il faut la supprimer. La loi a par définition un caractère normatif et un rôle de prévention – c’est le cas de ce texte.

Mme Anne-Marie Idrac s’est déclarée très favorable à la négociation préalable prévue à l’article 2 et a fait la distinction entre le caractère obligatoire de la négociation préalable et le caractère facultatif de la demande initiale de concertation. Pourrait-on avoir des précisions à ce sujet ?

Il a également demandé le sentiment de Mme Anne-Marie Idrac sur l’organisation de la consultation à bulletin secret lorsque le conflit dépasse huit jours. Ce matin, un des représentants d’une organisation syndicale a évoqué le problème du périmètre de la consultation, même si le principe de cette dernière ne saurait être remis en cause.

M. Alain Vidalies a constaté que Mme Anne-Marie Idrac avait abordé une problématique qui n’avait pas été évoquée jusqu’à présent mais qui s’inscrit pleinement dans le débat. De son point de vue de responsable d’entreprise, le contenu du plan adapté devrait avoir le moins d’ambition possible pour éviter, par la suite, de devoir payer des pénalités. La démonstration est impeccable, mais il se demande comment on pourra sortir de cette difficulté.

Le projet de loi comporte des inconvénients. La déclaration obligatoire, 48 heures à l’avance, risque de poser des problèmes dans la pratique. Le rapport de forces, établi à l’avance, risque de figer les situations, même si les intéressés, finalement, ne font pas grève. On créera ainsi un point de fixation.

Enfin, ne seront consultés par référendum que ceux qui seront visés par le préavis. Cela encouragera le développement de grèves à petit périmètre et à réclamations corporatistes.

En conclusion, on risque, par ce texte, de remplacer certains inconvénients connus par d’autres inconvénients inconnus, selon la formule du doyen Rippert.

Mme Anne-Marie Idrac s’est félicitée du fait que les organisations syndicales aient rendu hommage à la qualité du dialogue social au sein de la SNCF.

S’agissant des locomotives le chiffre des investissements est de 2 milliards par an. Ces investissements sont rendus possibles en raison de la productivité qui permet de dégager des résultats. Aujourd’hui, l’âge moyen des locomotives est de 35 ans ; l’objectif est de le ramener à 15 ans en 2010. Des commandes ont déjà été passées, notamment sur le fret.

La question sur les ralents mériterait d’être posée au président de RFF, Hubert du Mesnil. Il semble cependant que leur nombre soit stable, que la situation s’améliore, mais que des raisons de sécurité amènent à préconiser ces ralentissements.

Il est souhaitable que la DCI soit obligatoire. Seule la loi peut le faire. Aujourd’hui, un préavis déposé sans DCI est tout à fait valable. Avec ce texte, ce ne sera plus le cas. Reste qu’il faudra réfléchir, comme l’a fait le Sénat, sur les acteurs qui seront conviés à cette discussion et sur l’objet même de celle-ci.

On a parlé des personnes concernées par ce que certains appellent le « référendum ». Néanmoins on n’a pas encore réfléchi concrètement à son organisation. Certains ont préconisé l’intervention d’un médiateur. Il est fréquent d’avoir recours à un médiateur. Pourquoi pas, surtout dans une période où il faudra définir de nouvelles règles ?

En ce qui concerne les risques d’effets pervers, son observation s’explique par une rédaction – d’ailleurs peu claire – introduite au Sénat, établissant une classification des différents niveaux de services et associant le remboursement au client pénalisé au niveau de service

M. le Président Mariton a remercié Mme la présidente de la SNCF de sa participation à l’examen de ce texte.

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La commission a enfin entendu une délégation de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), composée de M. Serge Nossovitch, secrétaire général et de M. Gérard Perre, président de la commission sociale de la FNTV.

M. Serge Nossovitch a tout d’abord expliqué que la Fédération nationale des transports de voyageurs représente des entreprises d’autocars concentrant 80 % de leur activité dans les lignes régulières, qu’elles soient spécialisées – comme les transports scolaires – ou ordinaires. Ces entreprises travaillent dans le cadre de conventions de délégation de service public et de contrats de marché passés avec des autorités organisatrices. Ces autorités sont en général les départements, ou les autorités organisatrices de deuxième rang, auxquelles ils délèguent leurs compétences.

L’une des particularités de ce secteur est qu’il comporte beaucoup de très petites entreprises : 15 % d’entre elles n’ont qu’un ou deux véhicules. Dans la grande majorité des cas, le seuil des cinquante salariés n’est pas atteint et il n’existe donc pas de délégués syndicaux.

En outre, ces entreprises travaillent sur un département tout entier ou sur plusieurs départements. La fréquence des trajets est généralement faible, se réduisant souvent à un aller et retour par jour. Pour ces raisons, une loi sur le service minimum risque d’être difficile à mettre en œuvre.

Le président Hervé Mariton a demandé ce que le projet de loi pourrait améliorer dans ce secteur.

M. Gérard Perre a distingué deux aspects du projet. Le premier volet, celui de la prévention, est facilement applicable dans les entreprises de la FNTV. Le second, qui tend à mettre en place un service garanti, risque en revanche de poser beaucoup de problèmes techniques, 95 % des entreprises ayant moins de cinquante salariés. Il convient d’opérer une distinction avec les transports urbains, pour lesquels il existe une autorité organisatrice, un contrat et une entreprise délégataire : pour les transports interurbains, on comptera facilement quarante autorités organisatrices, une cinquantaine d’entreprises et quatre à cinq cents contrats. Cet éparpillement rend quasi impossible la mise en place d’un plan de service minimum. Pour un même collège, par exemple, on peut avoir une dizaine d’entreprises assurant trente ou quarante circuits différents. Si l’une d’entre elles est confrontée à une grève, on voit mal comment l’autorité organisatrice pourra définir un service garanti. La réaffectation du personnel est également difficile à réaliser car les territoires où interviennent les entreprises sont vastes et, la plupart du temps, les véhicules sont dispersés. En outre, lorsque la fréquence n’est que d’un aller et retour par jour, on ne peut pas obliger à effectuer 50 % du service.

Le président Hervé Mariton a objecté que l’on peut définir des priorités en fonction de l’importance que l’on accorde à telle ou telle ligne.

M. Gérard Perre a répondu que la difficulté ne sera pas résolue pour autant, dans la mesure où les services sont souvent assurés par plusieurs entreprises et non par une seule. Du reste, les conseils généraux accordent généralement la priorité à 100 % des services de transport scolaire et aux trajets domicile-travail du matin et du soir, ce qui revient à dire que 80 % ou 90 % des services sont prioritaires.

Au total, s’il est permis de nourrir une certaine inquiétude quant à la mise en place du service garanti, le volet « amont » du projet, consacré à la prévention, ne pose pas de problème, étant entendu que 95 % des entreprises du secteur n’ont pas de représentation syndicale. En grossissant un peu le trait, on pourrait dire que cette loi s’appliquera à 5 % des entreprises de la FNTV.

Le président Hervé Mariton a fait valoir que, même en l’absence de représentation dans l’entreprise, il existe des organisations de branche.

M. Gérard Perre a répondu que, dans le texte, la procédure en amont est déclenchée par une revendication émise par les représentants du personnel.

Le rapporteur a souligné que l’employeur peut également déclencher la procédure.

M. Serge Nossovitch a insisté sur la prépondérance du dialogue au sein de ces très petites entreprises et la rareté des grèves.

Le président Hervé Mariton ayant demandé s’il y aurait des négociations de branche à ce sujet. M. Gérard Perre a indiqué que cela est possible pour la partie amont du projet.

Le président Hervé Mariton a remarqué qu’il sera d’autant plus important de bien élaborer les accords de branche que la représentation du personnel est faible dans les entreprises.

M. Gérard Perre a objecté que, aux termes du projet de loi, l’accord de branche se référera aussi aux représentants du personnel.

M. Serge Nossovitch a ajouté que, de ce fait, la loi risque de protéger certains usagers et d’en exclure certains autres. Au surplus, les autorités organisatrices montreront certainement de la réticence à définir des priorités : pourquoi donner la préférence à tel lycée par rapport à tel autre, par exemple ?

Le président Hervé Mariton a signalé qu’il n’est toutefois pas impossible qu’une autorité organisatrice privilégie, par exemple, le transport des collégiens, dans la mesure où il est plus facile pour les lycéens de rester chez eux.

M. Serge Nossovitch a insisté sur la difficulté, pour les élus, de prendre de telles décisions.

M. Louis Guédon a relevé que le secteur est peu concerné par le texte, puisqu’il n’est pratiquement pas touché par les grèves. Il a également relevé que le gouvernement souhaite privilégier les petites entreprises dans la passation des marchés publics. Dans cette perspective, rien n’empêche d’exiger, dans le cahier des charges, la garantie d’un service minimum par un groupement de plusieurs petites entreprises soumissionnant au même marché. L’argument selon lequel les très petites entreprises ne pourraient pas satisfaire à la loi ne semble donc pas recevable.

Le président Hervé Mariton s’est demandé, dans le prolongement de cette intervention, si la loi ne risque pas d’avoir un effet pervers : les petites entreprises pourraient se trouver exclues des marchés en raison des difficultés qu’elles risqueraient de rencontrer pour garantir le service minimum. Dans cette hypothèse, seules les entreprises d’une certaine dimension pourraient répondre aux exigences du texte.

Le rapporteur a signalé qu’aux termes du code du travail « dans les établissements occupant moins de onze salariés, des délégués du personnel peuvent être institués par voie conventionnelle ». Il n’est donc pas nécessaire d’avoir des délégués syndicaux pour discuter au sein de l’entreprise.

Répondant à M. Louis Guédon, M. Gérard Perre a estimé que les dispositions que l’on peut introduire dans le cahier des charges n’ont rien à voir avec le projet de loi. Du reste, seuls trois départements ont créé une délégation unique.

M. Guénhaël Huet a reconnu que la situation des petites entreprises de transport doit être bien distinguée de celle des très grandes. Cela dit, on peut dégager des priorités de façon pragmatique. Par exemple, les transporteurs assurent des circuits courts et des circuits longs : on peut aussi imaginer que l’autorité organisatrice privilégie la continuité pour les circuits longs ; ou bien qu’elle donne priorité aux internes d’un établissement scolaire par rapport aux demi-pensionnaires… Il n’est donc pas impossible d’établir une certaine hiérarchie dans la continuité du service public assuré par des petites entreprises.

M. Gérard Perre a précisé que, contrairement à ce qui se passe dans les réseaux urbains ou dans les grandes entreprises, les conducteurs des entreprises de la FNTV ne sont pas interchangeables et ne peuvent guère être mobilisés en cas de grève.

M. Guénhaël Huet a indiqué que l’article 4, alinéa 7, du projet de loi ne fait que dresser un cadre général, à l’intérieur duquel on doit pouvoir trouver les moyens permettant d’établir certaines priorités. Il reste toutefois des marges d’appréciation.

Le rapporteur a signalé qu’une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, la possibilité de négocier et de conclure des accords collectifs avec les représentants élus du personnel ou avec les salariés mandatés.

M. Gérard Perre a objecté qu’un accord de branche ne saurait définir les accords passés au niveau de l’entreprise.

Le président Hervé Mariton a émis l’hypothèse que l’accord de branche puisse prévoir la situation particulière des très petites entreprises.

M. Gérard Perre a affirmé que la FNTV n’est en aucun cas opposée au projet de loi, qui contient des éléments très positifs. Son propos est surtout de signaler les difficultés d’application dans le secteur.

Le président Hervé Mariton a remarqué qu’il faudra veiller à ce que la loi et ses textes d’application ne fassent pas obstacle à l’adaptation du dispositif aux petites entreprises.

M. Gérard Perre a indiqué que le mémoire préparé par la FNTV à l’intention des parlementaires recommande de faire du « cousu main » et de privilégier une approche entreprise par entreprise, de concert avec l’autorité organisatrice. Ni la loi ni les décrets d’application ne doivent imposer un cadre trop strict.

Le président Hervé Mariton a demandé s’il ne serait pas opportun de préciser que c’est l’autorité organisatrice, et non l’autorité délégataire, qui est chargée de veiller à l’application de la loi.

M. Gérard Perre a estimé que cette proposition est légitime mais que, sur le terrain, il est difficile de toucher aux autorités organisatrices de second rang, qui constituent parfois de petites baronnies.

Le président Hervé Mariton a répondu que cela n’empêche pas que l’application du service minimum soit bien de la compétence du conseil général.

M. Guénhaël Huet a ajouté que la loi du 13 août 2004 pousse les départements à reprendre les transports scolaires en maîtrise d’ouvrage. Cela permet de régler une partie du problème.

M. Gérard Perre a noté que, de toute façon, les dépôts de préavis de grève dans les entreprises de moins de dix salariés sont extrêmement rares.

Le président Hervé Mariton a constaté que le texte n’est assurément pas fait pour ces entreprises et qu’il faudra donc veiller à ce que celles-ci ne soient pas prises dans les filets de la loi.

M. Serge Nossovitch a remarqué que la difficulté tient à ce que plusieurs entreprises concourent au même service. Il faudra en effet veiller à ce que les appels d’offres à venir n’excluent pas certaines petites entreprises, et prendre aussi quelques assurances auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Le président Hervé Mariton a remercié MM. Nossovitch et Perre pour leur utile contribution.

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Réunie le mercredi 25 juillet 2007 après-midi, la commission spéciale a tout d’abord entendu M. Pierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Le président Hervé Mariton a invité M. Pierre Mongin à expliquer en quoi le projet de loi est de nature à améliorer la situation.

M. Pierre Mongin a tout d’abord souligné que la conflictualité, à la RATP, constitue un sujet de préoccupation permanent, mais qu’elle est tombée, depuis 2006, à un niveau historiquement bas : 0,4 jour de grève par an et par agent, contre une moyenne de 0,8 jour pour la profession au niveau national. Depuis les grandes grèves de 1995, une prise de conscience a eu lieu à la RATP : le blocage total du service public porte gravement atteinte à la vie de citoyens. Sauf événement extérieur à l’entreprise, rien, dans une démocratie apaisée, ne paraît pouvoir justifier le retour à de telles situations.

C’est par la voie conventionnelle que la RATP s’est efforcée de limiter les conséquences de la conflictualité pour les usagers. En effet, dans les services publics, la grève interrompt la fourniture d’un service essentiel à la population. Un accord, baptisé « alarme sociale », a donc été passé en 1996 avec les organisations syndicales pour prévenir les conflits ; il a été renouvelé en 2001 et en 2006 avec la signature de la CGT et a largement inspiré un volet du projet de loi.

La RATP se réjouit que ce débat soit porté devant la Nation et qu’il soit abordé dans le sens souhaité par le Président de la République. Il est naturel que le responsable d’une entreprise nationale s’exprime régulièrement devant les parlementaires, chargés du contrôle des entreprises publiques.

L’exercice le plus difficile auquel le législateur, comme le responsable d’entreprise, doit faire face, est la conciliation de principes constitutionnels qu’il est impossible de hiérarchiser et que le Sénat a heureusement énumérés à l’article 1er du projet de loi : le droit de grève, la liberté d’aller et venir, le droit d’accès aux services publics, notamment sanitaires et éducatifs, la liberté du travail et la liberté du commerce et de l’industrie. Ces principes doivent être conciliés dans le respect des citoyens et des salariés. Jusqu’à présent, seule l’entreprise avait en charge cette responsabilité. L’exercice sera désormais partagé avec les pouvoirs publics.

À la RATP, le dialogue social fonctionne à un niveau sans précédent, en quantité comme en qualité, et le Sénat, au III de l’article 2 du projet de loi, reconnaît les accords signés. Plutôt qu’imposer une renégociation des accords de prévention des conflits existants, il est souhaitable de prévoir leur mise en conformité avec la future loi.

Grâce au système d’« alarme sociale » et à l’action du management, la RATP, qui occupe le sixième rang mondial parmi les entreprises de transport urbain et assure 80 % des transports collectifs en Île-de-France, est aujourd’hui une société apaisée où s’applique le principe suivant : faire du dialogue social le moteur du changement.

Trois catégories de grèves peuvent cependant toujours survenir : les journées nationales d’action, organisées dans le cadre de mots d’ordre nationaux, qui ont représenté, en 2006, 20 % des préavis déposés ; les grèves récurrentes sur l’organisation du travail, pour obtenir des améliorations de rémunération ou s’opposer à des évolutions de service, qui ont représenté, en 2006, 70 % des préavis déposés ; des grèves ponctuelles, limitées à des unités particulières de l’entreprise, survenant après des agressions contre des salariés.

En 2006, le volume de préavis a atteint 173, soit un nombre légèrement inférieur à celui des quatre dernières années et le niveau le plus bas depuis 1990. Par comparaison, 384 déclenchements d’alarme ont été enregistrés en 2006 et 120 depuis le 1er janvier 2007.

La baisse de la conflictualité est certes le fruit de la gestion des alarmes sociales, mais elle résulte surtout d’une politique de déminage des conflits, bien en amont. La signature de plus de trente accords avec les organisations syndicales en un an a certainement été le moyen le plus efficace d’éviter le recours à la grève. Le champ de la prévention ne peut, en effet, être limité au traitement immédiat des causes d’un conflit, car c’est souvent trop tard. Un travail permanent de négociation avec les salariés est tout aussi important.

La RATP a également pris l’initiative de proposer à l’autorité organisatrice, le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), un accord contractuel, signé en 2005, par lequel elle s’engage à assurer 50 % de la production de transport sur vingt-quatre heures par réseau de transport. Cette obligation a toujours été respectée, sauf une fois, sur le RER B, ce qui a valu à la RATP une pénalité de 60 000 euros. Par ailleurs, cet accord prévoit une obligation d’information des voyageurs vingt-quatre heures avant toute dégradation du service, sous peine de sanction financière.

Le dispositif gouvernemental envisagé s’inspire donc assez largement du modèle RATP, avec deux novations fondamentales. La principale est que la procédure de prévention des conflits deviendra obligatoire avant tout préavis ; cette systématisation permettra de perfectionner encore le système de dialogue social en généralisant les mécanismes de concertation. Deuxièmement, la procédure préventive sera déclenchée par l’intention de déposer un préavis, c’est-à-dire dans les cas où une dynamique conflictuelle sera déjà affirmée, alors que l’alarme sociale actuelle de la RATP se situe en amont.

Les partenaires sociaux de la RATP apprécient la reconnaissance par le Sénat de l’accord de 1996, même si l’article 2 du projet de loi omet d’évoquer son renouvellement du 20 février 2006. La mise en conformité avec la loi nécessitera que les partenaires sociaux se plient au caractère obligatoire de la procédure de prévention avant tout préavis.

Parmi les autres innovations, la principale porte sur l’élaboration d’un plan de dessertes relevant de l’autorité organisatrice. En Île-de-France, région qui dispose d’un des réseaux maillés de transports collectifs parmi les plus denses au monde et d’une complexité exceptionnelle, un tel plan ne peut résulter que d’un dialogue confiant entre l’opérateur, la RATP et le STIF. La version du texte adoptée par le Sénat précise de façon nette la répartition des compétences et des responsabilités entre les trois acteurs principaux : l’autorité organisatrice, l’entreprise de transport et le représentant de l’État. La RATP devra aussi remettre à l’autorité organisatrice un bilan annuel de ses obligations, ce qu’elle fait déjà dans le cadre de son engagement contractuel avec le STIF.

La RATP va réfléchir à un plan de transport adapté et à un plan d’information des usagers, en établissant des scenarii conformes à l’esprit du texte, c’est-à-dire équilibrant mieux le travail disponible sur les réseaux. Mais la principale limite au basculement des salariés d’une activité de transport à une autre tient aux qualifications professionnelles, et donc à la sécurité. La connaissance du trajet complexe d’une ligne de bus de banlieue par un machiniste, par exemple, ne saurait s’improviser. Pour ce qui est du métro et du RER, les habilitations ferroviaires constituent des permis de circuler sur une ligne et ne sont pas interchangeables, à moins que des exercices de formation et d’entraînement soient organisés.

Le droit à l’information est une piste de progrès dans laquelle la RATP s’est engagée en s’obligeant à informer les voyageurs vingt-quatre heures avant le conflit, par voie de presse et grâce à des moyens de communication locale, mais aussi des moyens individualisés – courriels, SMS, messageries vocales, plate-forme téléphonique et accès au site « RATP dans ma poche ». Le renforcement de ce droit de l’usager à être informé ne peut néanmoins s’appliquer à des perturbations inopinées liées à des incidents techniques, qui resteront malheureusement les cas de perturbation les plus fréquents. En outre, la prévisibilité nécessite le recensement préalable des agents souhaitant exercer leur droit de grève.

La RATP, entreprise intégrée, met systématiquement en œuvre des plans de transport de substitution, lesquels ne peuvent toutefois atteindre une capacité et un niveau de qualité de service identiques à ceux rendus chaque jour à ses 10 millions de voyageurs quotidiens.

Le STIF inflige à la RATP une pénalité contractuelle liée aux perturbations pour situation inacceptable, qui s’applique déjà en temps de grève sur une ligne particulière. Par ailleurs, la RATP a accepté que lui soient appliquées des pénalités supplémentaires en cas de non-respect de l’obligation d’assurer 50 % de sa production. À cet égard, il serait pour le moins inéquitable de réclamer des indemnités au transporteur et dans le même temps de lui demander d’assurer la charge de l’indemnisation des voyageurs, car cela constituerait une « double peine ». En effet, les conflits sociaux sont déjà extrêmement coûteux pour le compte d’exploitation : la perte, en cas de grève très suivie, se chiffre à 4 millions d’euros par jour, les retenues sur les salaires des grévistes étant calculées sur la base du vingtième de la rémunération mensuelle. La perception des conséquences économiques néfastes des grèves est de plus en plus partagée par les salariés de l’entreprise. Les amendements apportés par le Sénat au texte initial en ce qui concerne le partage de la charge de l’indemnisation conviennent à la RATP.

Si l’indemnisation des voyageurs constitue évidemment un progrès, le remboursement doit incomber à l’autorité organisatrice – qui dispose de tous les pouvoirs en matière de tarification –, à charge pour elle d’obtenir par voie contractuelle une participation de ses opérateurs. L’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) propose que la responsabilité de l’entreprise ne soit retenue que dans le cas où celle-ci dispose, par ses capacités de dialogue, de la possibilité de trouver des solutions, ce qui exclut les conflits dont l’origine est extérieure à l’entreprise, déclenchés par solidarité avec une cause nationale. L’expression « directement responsable » de l’article 8 semble exonérer l’entreprise dans ces cas.

Après les débats qui se sont déroulés au Sénat, il a été décidé de prévoir la possibilité d’intervention d’un médiateur à la condition que l’entreprise et les organisations syndicales se mettent d’accord. Les partenaires sociaux de la RATP n’ont pas d’expérience de ce type, mais tout ce qui est de nature à favoriser le dialogue et la concertation à l’intérieur de l’entreprise va dans le bon sens.

Le sujet traité par le projet de loi est fondamental, car il est au cœur de la relation entre le citoyen et le service public, entre le salarié et l’entreprise, entre l’opérateur de transport et l’autorité organisatrice, entre la loi et la négociation collective. La RATP est prête à mettre en œuvre de façon concertée un système de continuité du service public. C’est tout le sens du plan d’entreprise qui sera signé en fin d’année : mettre le citoyen-voyageur au centre des préoccupations de l’entreprise.

Le président Hervé Mariton, après avoir relevé que l’approche de la RATP de la « double peine » semble différente de celle de la SNCF, a demandé si la RATP est favorable, indifférente ou hostile à un report du calendrier, pour ce qui la concerne, au 1er janvier 2009.

Par ailleurs, il a souhaité savoir si le délai de prévenance de quarante-huit heures ne recèle pas un risque d’abus de la part des salariés, qui pourraient se déclarer grévistes dans un premier temps quitte à se rétracter, au risque de compliquer l’organisation du service. Il s’est aussi demandé si, pour protéger les salariés, il ne serait pas opportun d’externaliser l’information.

Enfin, s’agissant du vote au bout de huit jours de grève, il a demandé s’il serait facile de déterminer les modalités du scrutin et le périmètre à l’intérieur duquel il conviendra de l’organiser.

Le rapporteur, après avoir souligné qu’il retenait particulièrement deux phrases : « faire du dialogue social le moteur du changement » et « mettre le citoyen-voyageur au centre des préoccupations de l’entreprise », a noté que le risque de « double peine » est levé au cinquième alinéa de l’article 8 et s’est demandé si le texte prend suffisamment en compte le respect des conditions de travail.

M. Michel Destot a estimé qu’il revient aux entreprises de rembourser les titres de transport mais que cette mesure devra être modulée au cas par cas, les réseaux et les titres étant très variés, ce qui rend inimaginable la publication d’un décret d’application générale. Des négociations conventionnelles devront se tenir entre les collectivités – conseils régionaux, conseils généraux, communautés d’agglomérations et communes – et les autorités organisatrices mais la responsabilité entière incombera aux entreprises, seules responsables des discussions avec le personnel et les usagers.

M. Yanick Paternotte a demandé si les « conflits dont l’origine est extérieure à l’entreprise » coïncident avec les journées nationales d’action.

M. Roland Muzeau a contesté le fait que la RATP ne soit pas concernée par une grève nationale sur le pouvoir d’achat, par exemple. Par ailleurs, il s’est étonné que le président de la RATP puisse justifier la nécessité de cette loi, alors que jamais les conflits n’ont été si peu nombreux dans son entreprise depuis dix-sept ans.

M. Guénhaël Huet a rappelé que le droit ne doit pas nécessairement suivre les faits et que la loi revêt un caractère normatif : des mesures s’imposent pour rétablir l’équilibre, d’une part, entre les diverses libertés publiques et, d’autre part, entre les droits des salariés et ceux des usagers.

M. Pierre Mongin a répété que la difficulté consiste à concilier des principes dont la valeur est extrêmement élevée : le droit de grève, la liberté d’aller et venir, la liberté d’accès aux services publics. Pour ce faire, le législateur doit définir un chemin, une méthode, une voie s’imposant aux autorités organisatrices, aux représentants de l’État et aux entreprises de transport. Rien, dans le projet de loi, ne remet en cause le droit de grève.

La RATP ne conteste nullement la responsabilité de l’opérateur, mais craint de payer deux fois. Rien ne serait pire, en effet, qu’imaginer un décret pour fixer les modalités de remboursement, car des usagers procéduriers intenteraient des procédures contentieuses infinies. Les conditions de la pénalisation financière des entreprises manquant à une obligation de service doivent être déterminées dans le cadre conventionnel. À cet égard, la RATP possède une longueur d’avance, puisqu’elle a déjà mis au point un mode de règlement, qui devra être renégocié en fonction de la loi.

En Île-de-France, la situation est particulièrement compliquée, car les mêmes titres de transport sont délivrés par plusieurs canaux. Lorsqu’un conflit social intervient sur le RER C, par exemple, le réseau de la RATP n’est pas perturbé. De même, un mouvement social peut frapper une seule ligne de bus. Une négociation avec l’autorité organisatrice devra être organisée pour définir des règles de bon sens respectant le principe d’indemnisation raisonnable du voyageur lésé. En l’état de sa rédaction, le texte permettra de trouver une solution équitable sans mettre la santé économique de l’entreprise en danger.

La RATP est plutôt favorable à une mise en conformité de sa convention avant janvier 2008, car un délai d’incertitude supplémentaire créerait des perturbations. Dès lors qu’il s’agit d’une remise en conformité et non d’une renégociation, un délai supplémentaire d’un an ne serait pas bénéfique à l’entreprise.

Actuellement, avant tout mouvement social, l’encadrement de proximité téléphone aux opérateurs afin de connaître leurs intentions et ainsi d’évaluer l’impact de la grève. Le délai de prévenance de quarante-huit heures prévu dans le projet de loi officialiserait le système en vigueur à la RATP en lui conférant une base juridique. Au vu de la pratique, le risque d’abus est faible. Et les sécurités juridiques garantissant le caractère confidentiel des données vont dans le sens de la protection des salariés et du droit de grève. Dans la mesure où les salariés ayant indiqué qu’ils feront grève pourront changer d’avis, une marge d’incertitude demeurera, mais elle sera réduite.

Le projet de loi prévoit très justement que le vote ne constituera qu’une mesure du rapport de force sur l’état d’un conflit à un moment donné – cette mesure aurait été inconstitutionnelle si elle avait été assortie de conséquences juridiques tendant à empêcher les salariés minoritaires de faire grève ou au contraire de travailler. Le vote apportera de surcroît aux organisations syndicales ou à l’entreprise un éclairage, le cas échéant, pour modifier leur stratégie. La RATP est organisée de manière totalement décentralisée, avec trois niveaux de responsabilité : le niveau central, les métiers et les unités opérationnelles, comme les lignes de métro ou les centres de bus. Le dialogue social, en particulier les accords d’entreprise, s’articule autour de ces trois niveaux. La RATP considère que le vote devra être organisé à l’échelon de l’unité de travail dans lequel le conflit a lieu, même si une seule catégorie professionnelle suit la grève, mais elle se conformera à ce que la loi disposera.

Le président Hervé Mariton a constaté que cet aspect du projet recèle encore une ambiguïté.

M. Pierre Mongin a ajouté qu’un vote par unité opérationnelle ne choquerait pas les organisations syndicales de la RATP.

M. Alain Vidalies a exprimé sa crainte que le projet de loi n’encourage des mouvements de grève très catégoriels. Par ailleurs, à propos du délai de prévenance de quarante-huit heures, il a noté que les salariés se déclareront eux-mêmes ; ils ne seront pas interrogés par l’entreprise.

M. Pierre Mongin a corroboré cette remarque : dans le cadre du système en vigueur, les salariés sont interrogés à la RATP ; si le projet de loi est adopté, ils se déclareront eux-mêmes en effet.

M. Christian Blanc a suggéré que la rédaction de la loi permette une adaptation à la situation spécifique de chaque entreprise et que le vote ne soit pas cantonné à des périmètres trop corporatistes, surtout dans un contexte de réorganisation de la RATP et de ses métiers, processus que les syndicalistes qualifient de « big bang ». L’unité de production dépôt bus ou ligne de métro constitue une réalité mais le législateur devra cerner ce qu’est une « unité de production de service de transport », en la définissant dans un texte de loi ou au moins en en débattant en séance publique, pour que cela figure au compte rendu des débats.

M. Pierre Mongin a affirmé que la RATP, même si ses marges de manœuvre sont limitées en la matière, se sent concernée par la question du pouvoir d’achat. En revanche, il serait injuste que l’entreprise soit pénalisée dans le cas d’un mouvement de grève comme ceux organisés jadis par solidarité avec le Vietnam ; une sorte de clause de sauvegarde doit être prévue pour ce type de mouvements.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Pierre Mongin de sa contribution au débat.

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Puis la commission spéciale a entendu Mme Chantal Duchène, directrice générale du Groupement des autorités responsables du transport (GART), accompagnée de Mme Catherine Delavaud, juriste.

Mme Chantal Duchène a indiqué que le GART, association d’élus qui rassemble les agglomérations, les régions et les départements ayant une compétence en matière de transport, travaille sur cette question depuis plus de deux ans. À l’unanimité de son conseil d’administration, il s’est déclaré défavorable à l’adoption d’une loi. Toutefois, en collaboration avec le ministère des transports, il a rédigé un guide sur la prévisibilité des services contenant des dispositions de nature à garantir le service offert aux usagers en cas de perturbations de toutes natures, et il a signé une charte avec le ministre Dominique Perben. Le GART a conseillé à ses adhérents de traiter cette question dans les conventions, notamment à travers l’information des usagers et l’élaboration de plans de transport adaptés. Les collectivités territoriales préfèrent cependant transformer leurs conventions à l’occasion des appels d’offres, plutôt que de procéder par voie d’avenant, ce qui nécessite généralement le versement de surplus aux opérateurs avec lesquels elles travaillent.

Le projet de loi codifie partiellement les propositions dont le GART avait recommandé l’adoption par voie conventionnelle. Lors de son conseil d’administration du 27 juin 2007, il s’est prononcé plutôt favorablement sur les dispositions le concernant, le projet de loi initial du Gouvernement respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le GART approuve l’amendement du Sénat étendant le champ d’application du texte à l’ensemble des perturbations – la plupart d’entre elles résultant de problèmes techniques, notamment sur le réseau ferré national.

Il souhaite que les réseaux des ensembles urbains de moins de 100 000 habitants, qui sont très nombreux et ne connaissent presque jamais de mouvements sociaux, ne soient pas assujettis à la loi. Ils échapperaient ainsi aux coûts assez lourds inhérents à la préparation des avenants et à la négociation avec les opérateurs.

Un amendement du Sénat prévoit que la définition des dessertes prioritaires soit transmise au préfet, ce qui ressemble beaucoup à un contrôle a priori. Pour respecter le principe de libre administration de collectivités territoriales, le GART demande que le préfet exerce son contrôle a posteriori.

Le GART est favorable au remboursement des titres de transports aux usagers en cas de défaut d’exécution des plans de transport et d’information, mais c’est l’entreprise qui doit être pénalisée in fine et non l’autorité organisatrice. Par ailleurs, la plus grande liberté contractuelle doit être laissée aux autorités organisatrices et aux exploitants pour fixer les modalités de ce remboursement.

Si la loi entre en application au 1er janvier 2008, les collectivités n’auront que trois mois pour définir des plans de dessertes et des systèmes d’information, pour consulter les usagers et pour négocier avec leurs exploitants : c’est mission impossible. Le GART souhaite par conséquent que la date limite d’entrée en application soit reportée au 1er janvier 2009.

Le rapporteur a précisé que les négociations pourront se poursuivre si nécessaire après l’adoption des plans de prévention et de prévisibilité, lesquels devront être adoptés avant le 1er janvier 2008. Il a ajouté que les perturbations ne résultent pas uniquement d’incidents techniques ou d’aléas climatiques mais aussi parfois de grèves. Il est donc indispensable d’en maintenir la mention à l’article 4.

M. Roland Muzeau s’est élevé contre les remarques du rapporteur, qui suppriment tout débat.

M. Alain Vidalies s’est interrogé sur la signification juridique du IV de l’article 4.

Le rapporteur ayant répondu que le préfet « est tenu informé » et qu’il intervient « en cas de carence de l’autorité organisatrice », M. Roland Muzeau en a déduit que le préfet, s’il juge le plan insuffisant, se substituera à l’autorité organisatrice.

M. Daniel Paul s’étant interrogé sur les motifs qui peuvent conduire un préfet à juger de la carence de l’autorité organisatrice, Mme Muriel Marland-Militello a estimé que le sens de l’expression « carence de l’autorité organisatrice » est très clair.

Mme Chantal Duchène a souligné la brièveté du délai prévu par le III de l’article 4 pour que les conventions conclues par les AOT soient modifiées.

D’autre part, aux termes du IV du même article, si le plan de transport n’est pas intégré à la convention avant le 1er janvier 2008, le préfet pourra se substituer à l’autorité organisatrice de transport. Cette disposition semble porter atteinte au principe de libre administration des collectivités locales.

M. Michel Destot a estimé que le Conseil constitutionnel devra donner son avis sur ce point.

Le président Hervé Mariton ayant observé que les entreprises qui ont déjà accompli un important travail sur les plans de transport, comme la SNCF et la RATP, étaient favorables à ce que le délai soit fixé au 1er janvier 2008, M. Michel Destot a souligné que c’est précisément la raison pour laquelle ces entreprises n’étaient pas favorables à une loi, qui, dans leur cas, était superflue.

Revenant sur la notion de carence, M. Jean-Frédéric Poisson a considéré que le constat de carence devra être dressé si les OAT n’ont pas élaboré un plan de transport, l’existence éventuelle de certaines insuffisances ne suffisant pas, selon lui, à justifier un constat de carence.

S’agissant du rôle de l’État, il importe de préciser si les plans de desserte font l’objet d’un contrôle de légalité.

Sur ce point, Mme Chantal Duchène a souligné que l’approbation des plans de transport sera soumise, comme tous les actes des collectivités locales, au contrôle. Le IV de l’article 4 n’apporte donc rien. Par ailleurs, elle a rappelé que la jurisprudence administrative considère que le constat de carence peut être dressé non seulement en cas d’absence, mais aussi en cas d’insuffisance de l’action d’une autorité.

Mme Muriel Marland-Militello a insisté sur le fait que le représentant de l’État n’a pas de liberté d’appréciation. Le constat de carence est un constat de fait, et non un jugement, que l’autorité concernée soit dans l’impossibilité d’agir, ou qu’elle n’en ait pas la volonté.

Le président Hervé Mariton ayant estimé que le constat de carence, sans être une appréciation portée sur le fond, pouvait, selon lui, correspondre à une insuffisance manifeste, Mme Catherine Delavaud a confirmé que le juge administratif a eu à plusieurs reprises l’occasion de préciser la notion de carence, et qu’il en retient une acception très large.

Le président Hervé Mariton a souligné que les collectivités locales s’administrent librement dans le cadre fixé par la loi, la France n’étant pas un État fédéral. Le projet de loi fait obligation aux collectivités de proposer un plan, et de ne pas faire fi de la volonté du législateur. L’insuffisance ne justifie pas en soi un constat de carence, mais l’insuffisance manifeste, si.

Mme Muriel Marland-Militello a indiqué que le constat de carence n’a rien à voir avec le contrôle de légalité, qui s’exerce en permanence et a posteriori.

Mme Chantal Duchène a estimé que le contrôle de légalité permet de noter que la collectivité n’a pas répondu à ses obligations, en particulier celle de définir un plan de transport adapté. Il n’est donc pas nécessaire d’adopter la disposition prévue au IV de l’article 4 pour que le préfet se saisisse de la question.

À l’appui de son point de vue, le président Hervé Mariton a rappelé la substance des propos tenus par M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité lors de son audition par la commission spéciale : « L’État n’interviendra qu’en dernier recours, en cas de carence. Celle-ci pourra prendre la forme, soit d’une absence d’accord, soit d’un accord a minima qui ne prendrait pas en compte les besoins essentiels. »

M. Alain Vidalies a considéré qu’au regard d’une telle interprétation, la question du respect par ce texte du principe de libre administration des collectivités locales ne manquera pas de se poser.

Mme Catherine Delavaud a souligné qu’une lecture combinée des III et IV de l’article 4 fait apparaître que l’obligation faite aux collectivités locales est d’avoir modifié les conventions avant le 1er janvier 2008 et que cela cause un vrai problème.

Le président Hervé Mariton a pris acte du problème soulevé par Mme Catherine Delavaud et a remercié les représentants du GART de leur contribution.

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La commission spéciale a ensuite procédé à l’audition de M. Laurent Gargaillo, directeur général adjoint de la Régie des transports de Marseille (RTM).

M. Laurent Gargaillo a souligné que le projet de loi constitue aux yeux de la nouvelle direction de la RTM une avancée majeure vers un meilleur dialogue social. La RTM, opérateur principal dans l’agglomération marseillaise, se considère comme investie d’une responsabilité, voire d’une obligation, en matière de continuité de service. La pratique du préavis de grève est trop courante au sein de la RTM : les préavis semblent considérés par leurs auteurs comme une demande de dialogue.

Le président Hervé Mariton a observé que le président de la RATP avait fait devant la mission une analyse différente des effets possibles du projet de loi. Le préavis est actuellement suivi d’un mouvement de grève effectif. Après le vote de la loi, il sera un signal d’alarme ouvrant une dynamique de discussion.

M. Laurent Gargaillo a confirmé que les pratiques sociales au sein des deux entreprises sont très différentes. Aucun des six préavis de grève que la RTM a connus au cours du dernier mois n’a été suivi d’un mouvement de grève. Les préavis sont en fait des demandes de dialogue, et non ce qu’ils devraient normalement être, des constats d’échec. Cela dit, tous les préavis n’ont pas été levés : la RTM a connu 46 jours de grève en 2005.

La direction de la RTM considère que son statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) lui donne une responsabilité en matière d’intérêt général. Elle a signé en décembre 2006 avec l’autorité organisatrice, Marseille Provence Métropole, l’engagement de garantir en 2009, pour les trois heures de pointe du matin et les trois heures de pointe du soir, un service équivalant à au moins 30 % du service habituel sur le réseau de bus et le réseau du métro. La RTM n’a cependant pas, à ce jour, les moyens opérationnels de tenir cet engagement.

M. Daniel Paul a noté que cet engagement a été signé avant le vote de la loi.

M. Laurent Gargaillo a souligné, parmi les dispositions du projet de loi, l’importance de l’accord-cadre, qui est un levier majeur. La demande de consultation préalable limitera les dépôts de préavis que l’on pourrait considérer comme inutiles. La déclaration préalable des salariés est également un élément majeur, d’autant que la réquisition n’est pas envisagée.

La nomination d’un médiateur aura également toute sa pertinence, non pas en début de conflit, mais après un certain temps. Le vote à bulletin secret est aussi important. Il est à noter cependant qu’aux termes du projet de loi, le résultat de la consultation prévue par l’article 6 « n’affecte pas l’exercice du droit de grève ». Ainsi, lors de la grève de 2005, un vote aurait apporté une clarification sur la volonté de l’ensemble des salariés de poursuivre ou pas le mouvement.

Il est toutefois permis de s’interroger sur la pertinence de certaines dispositions. S’agissant du remboursement des usagers, le dispositif prévu pourrait avoir pour effet pervers de conduire certaines entreprises à prendre des engagements modestes, qu’elles seront pratiquement certaines de pouvoir tenir. Par ailleurs, l’accord signé par la RTM en décembre 2006 prévoit, si ses engagements ne sont pas respectés, une pénalité de 7 500 euros pas jour pour le réseau de bus et de 7 500 euros pour celui du métro. Dans ces conditions, le remboursement constitue en quelque sorte une double peine. Enfin, le non-remboursement pourrait être justifié dans d’autres cas que les cas de force majeure. L’entreprise n’est pas pleinement responsable, par exemple, de tel ou tel incident technique.

Une incitation à des gestes de nature commerciale serait peut-être plus opportune qu’un dispositif de remboursement obligatoire.

Le président Hervé Mariton s’est interrogé sur la réticence des opérateurs à assumer la responsabilité qui leur incombe de par la loi à l’égard de leurs clients.

M. Laurent Gargaillo a indiqué que le remboursement peut se heurter à des difficultés techniques. La RTM vend chaque année environ 15 millions de titres de transport occasionnels, c’est-à-dire à l’unité. Il est difficile de distinguer ceux dont l’acquisition appelle un remboursement justifié. Par contre, des mesures commerciales peuvent être prises, notamment en direction des abonnés.

Le président Hervé Mariton a fait remarquer qu’il y a une grande différence entre un geste commercial et un droit.

M. Laurent Gargaillo a souligné que les perturbations liées à des incidents techniques diffèrent de celles liées aux faits de grève. On peut se demander s’il est opportun que des dispositions législatives s’appliquent à des situations aussi différentes.

S’agissant de la consultation des salariés, un délai de huit jours est assez long. Un délai de cinq jours serait peut-être plus opportun.

Par ailleurs, les plans de transport devraient constituer des références indicatives plutôt que des obligations, car ils doivent faire face à tous les cas de figure.

Le président Hervé Mariton a estimé que les plans de service doivent être adaptées aux différentes configurations de grèves. Il n’est certes pas possible de prévoir tous les cas de figure possible, mais il existe probablement des schémas types.

M. Laurent Gargaillo a insisté sur la difficulté d’établir ces plans. On peut comprendre que des plans de référence indiquent le niveau souhaitable du service. Des plans de transport simplifiés permettent de répondre aux attentes des voyageurs sans pour autant correspondre strictement aux engagements contractuels de l’entreprise.

S’agissant de l’information de l’autorité organisatrice de transport en cas de conflit, les contraintes conventionnelles sont souvent au moins à la hauteur de ce que prévoit le projet de loi.

Le président Hervé Mariton a demandé si l’exercice consistant à définir les besoins essentiels est relativement simple ou au contraire extrêmement difficiles. Par ailleurs, pour satisfaire les priorités, la RTM aura-t-elle la latitude de réaffecter des personnels d’un emploi à un autre, ou de recourir à des équipes de renfort ?

M. Laurent Gargaillo a souligné qu’il est très difficile de définir les priorités. Celles-ci ont des degrés différents, et doivent être adaptées en fonction des moyens disponibles.

Le président Hervé Mariton a indiqué que la logique de la loi veut que les moyens s’adaptent aux priorités, et non l’inverse.

M. Laurent Gargaillo a noté que la définition des objectifs de service minimum se fera nécessairement en fonction des moyens disponibles.

La réaffectation des personnels est possible en théorie, mais la réalité du terrain impose des contraintes, notamment techniques, qu’il n’est pas possible d’ignorer. Un personnel administratif ne peut conduire un bus. Un conducteur de bus ne peut pas nécessairement être affecté sur une ligne qu’il ne connaît pas.

Une autre disposition positive du projet de loi est la révision des salaires en fonction des absences pour fait de grève qui clarifiera les choses. La pratique de la RTM a été variable, mais la nouvelle direction entend s’inscrire dans cette perspective.

Le président Hervé Mariton a rappelé que les organisations syndicales jugent qu’une telle disposition est de nature à rendre plus difficiles les sorties de crise.

M. Laurent Gargaillo a souligné que son expérience à la SNCF lui a appris qu’à l’inverse, les sorties de grèves ont été rendues plus difficiles, par le passé, précisément parce que les négociations achoppaient sur la question du paiement de certaines heures de grève. Quand le non-paiement des heures de grève est posé clairement comme un principe non négociable, la sortie du conflit est moins difficile.

Le rapporteur a estimé que la culture d’entreprise de la RTM ne semble pas tournée vers le dialogue social.

M. Laurent Gargaillo a indiqué que la direction de la RTM déplore que des préavis de grève soient déposés pour demander l’ouverture d’un dialogue. Le dialogue social doit être permanent et la culture de l’entreprise doit évoluer dans ce sens.

M. Daniel Paul ayant demandé si l’accord signé en décembre 2006 avec l’AOT l’a été après consultation des partenaires sociaux, M. Laurent Gargaillo a précisé que son arrivée récente à la RTM ne lui permet pas d’être en mesure de répondre à cette question.

M. Daniel Paul s’est étonné qu’un accord ait pu être signé sans que les partenaires sociaux aient été consultés. Si tel est le cas, l’adoption de la loi obligera la RTM à intégrer cette exigence de façon à parvenir à un accord avant le 1er janvier 2008.

M. Laurent Gargaillo a souligné que le projet de loi incitera à un rapprochement entre partenaires sociaux.

M. Jean-Frédéric Poisson s’est étonné que les préavis de grève soient utilisés au sein de la RTM pour demander l’ouverture d’un dialogue.

S’agissant du remboursement des clients, la question se pose de savoir s’il se heurte à d’autres obstacles que ceux liés à des difficultés pratiques.

En ce qui concerne le plan de desserte, les instruments statistiques qu’ont accumulés les transporteurs marseillais ne devraient pas rendre particulièrement difficile la définition d’un seuil minimum à partir duquel on pourrait estimer satisfaits les besoins des usagers en termes de priorités de destination. En outre, il serait opportun de procéder à une évaluation des plans de desserte.

M. Laurent Gargaillo a considéré que la pratique des préavis de grève au sein de la RTM s’explique par les habitudes qui ont été prises. La nouvelle direction entent manifester son souhait d’un dialogue complet et permanent, qui doit se situer au bon niveau. Cela implique une évolution des organisations syndicales, mais aussi du personnel d’encadrement, notamment de proximité.

Le remboursement des clients constitue une forte pénalisation de l’entreprise, qui doit déjà supporter en cas de grève les mêmes coûts de production qu’à l’ordinaire. Il se heurte aussi à des difficultés pratiques. Des mesures d’ordre commercial sont plus aisées à mettre en œuvre pour l’entreprise, comme pour le client.

Les priorités sont définies en cas de mouvement social, mais aussi lorsque des incidents techniques se produisent. Mais elles doivent l’être de façon fine, en différenciant les types de voyages. Un transport scolaire, par exemple, est soumis à des contraintes particulières. L’entreprise tente de satisfaire en priorité les besoins des usagers qui ne disposent pas d’autres modes de transport.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Laurent Gargaillo d’avoir contribué au débat sur l’examen de ce texte.

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La commission spéciale a également entendu MM. Thierry Ottaviani, secrétaire général de la Fédération des usagers des transports (FT FUT) et Régis Bergounhou, secrétaire général de la Fédération nationale des associations d’usagers de transport (FNAUT).

M. Thierry Ottaviani a souligné que le service minimum fait partie depuis longtemps des demandes des usagers. Il n’est cependant qu’une priorité parmi d’autres, les problèmes rencontrés par les usagers pouvant être liés à d’autres causes que les mouvements de grève.

L’insuffisance des investissements en matière de transports terrestres est source de difficultés. Les besoins de financement sont de l’ordre de plusieurs milliards d’euros.

Le souhait des usagers est que les grèves soient évitées dans la mesure du possible. Or, la majorité d’entre elles sont liées à des conflits locaux. La désignation d’un médiateur, au niveau local, serait donc une bonne chose, avant le déclenchement d’un mouvement de grève.

S’agissant des amendements adoptés par le Sénat, imposer à l’entreprise un remboursement total des voyageurs est une très bonne chose. On sait en effet que dans des conflits locaux, l’entreprise a intérêt à ce que la grève ait lieu, pour des raisons comptables.

M. Régis Bergounhou a rappelé que la FNAUT est favorable au projet de loi. Cela étant, la grève n’est pas l’unique préoccupation des usagers. L’état des réseaux n’est pas satisfaisant et les investissements ne sont pas suffisants : notamment en matériel. Les grèves ne sont donc effectivement pas la seule source de gêne pour les voyageurs, mais ont un impact psychologique très négatif.

La désignation d’un médiateur n’est pas une très bonne chose. Mieux vaut privilégier le dialogue social entre partenaires sociaux.

Le délai de 48 heures de préavis corrige le défaut de la charte sur la prévisibilité des transports Perben, qui ne permettait pas la mise en œuvre d’un plan de transport faute d’une connaissance suffisamment précise des conditions du déroulement de la grève.

La consultation à bulletin secret est une bonne chose.

M. Roland Muzeau ayant indiqué que les associations d’usagers avaient raison d’insister sur la nécessité d’accroître les investissements et de moderniser les réseaux s’est étonné qu’elles puissent se satisfaire de cette loi, qui ne concerne que 2 % des causes de dysfonctionnement dans les transports terrestres.

M. Régis Bergounhou a souligné que la FNAUT ne se satisfait pas de ce projet de loi. Les grèves ne sont qu’une partie infime des sources de gêne pour les usagers. Il importe de consacrer plus de moyens aux investissements nécessaires.

L'Agence de financement des infrastructures de transports (AFIT) a bénéficié du produit de la privatisation des autoroutes. La question se pose de savoir ce qu’elle va faire de ces sommes.

Le président Hervé Mariton a rappelé que les deux tiers des financements de l’AFIT sont consacrés aux transports fluvial et ferroviaire. Les crédits de l’AFIT affectés à RFF en 2006 étaient de 792 millions d’euros. Ils sont passés en 2007 à 878 millions. Cela ne suffit pas, mais c’est un progrès. La subvention aux travaux de renouvellement des réseaux de transport sous la forme d’une dotation de l’État, était, en autorisation d’engagement et en crédits de paiement, de 970 millions d’euros en loi de finances 2006, et de 992 millions d’euros au PLF 2007.

M. Régis Bergounhou a souligné que le trafic des TER a souffert de grèves qui ont duré jusqu’à trois semaines. A Saint-Nazaire, une grève des cars a duré plus d’un mois. Cela n’exclut pas que l’état des réseaux nécessite des investissements importants. Les insuffisances en la matière sont très pénalisantes, pour les voyageurs comme pour le fret.

Le président Hervé Mariton a considéré qu’il n’y a aucune contradiction entre l’exigence d’accroître l’effort déjà important qui a été consenti en matière d’investissement et celle d’œuvrer dans le sens d’une plus grande continuité du service.

M. Christian Eckert a souligné que le remboursement des voyageurs n’incombe à l’entreprise que si celle-ci n’assume pas le plan de transport adapté qui correspond au niveau du conflit. Les usagers auraient tort de croire qu’ils seront systématiquement remboursés. La disposition prévue par le texte pourrait d’ailleurs, de l’aveu même de Mme Anne-Marie Idrac, conduire les entreprises à définir un service adapté inférieur aux possibilités dont elles pourraient disposer.

En outre, les transports terrestres souffrent d’insuffisances en matière de fonctionnement. Des absences de personnels ne sont plus compensées par un personnel volant. Les annonces de créations d’emploi sont loin de compenser les suppressions.

M. Régis Bergounhou a rappelé que l’information des voyageurs est très déficiente. Elle souffre, s’agissant de la SNCF, d’une organisation insuffisante car les contrôleurs ne disent aux voyageurs que ce qu’ils savent alors que trop souvent, ils savent peu de choses.

Mme Muriel Marland-Militello a ajouté que les besoins particuliers des personnes handicapées, en particulier malentendantes, sont insuffisamment prises en compte et M. Régis Bergounhou a confirmé que les associations de défense des personnes malentendantes soulignent régulièrement ce problème. À cet égard, l’information par SMS pourrait être développée.

Il faut aussi insister sur la dégradation que le réseau a subie au cours des quarante dernières années : il faudrait en vérité tout régénérer à la fois, ce qui est bien entendu impossible. Mais les efforts sont insuffisants.

Le président Hervé Mariton a remarqué que la question de la continuité du service, au sens de l’organisation sociale, n’épuise pas le sujet de la qualité du service – lequel n’en est pas moins important, et sera discuté, notamment à l’occasion du débat budgétaire.

M. Jean-Frédéric Poisson s’est demandé combien de voyageurs et d’heures représente le chiffre de 2 % de perturbations dues aux grèves.

M. Daniel Paul a constaté l’on s’accorde pour déplorer le manque d’investissements. Pourquoi, dès lors, présenter ce texte dans l’urgence au mois de juillet ? La discussion à l’Assemblée aura lieu les 30, 31 juillet et le 1er août, c'est-à-dire à un moment où une grande partie de la France utilise les transports. Mme Anne-Marie Idrac a affirmé ce matin que le nombre de jours de grève par salarié de la SNCF s’élevait à 0,7 en 2006, et que l’on en est à 0,13 depuis le début de 2007. La conflictualité a donc baissé de façon continue. Pourtant, c’est sur ce texte que l’on mobilise le Parlement, les grandes entreprises, les partenaires sociaux, les associations… Il semble donc que la priorité ne soit en rien de faire baisser la conflictualité : au contraire, ce texte dangereux la relancera. Si le gouvernement et la majorité avaient été conséquents, on aurait eu un texte qui aurait donné toutes ses lettres de noblesse à l’idée de continuité du service public en intégrant l’ensemble des données – à savoir la nécessité de revoir la donne en matière d’investissement et de fonctionnement, d’arrêter les suppressions d’emplois à la SNCF et dans d’autres services de transport, de s’interroger sur les conditions dans lesquelles se met en place la concurrence dans les transports ferroviaires au regard de ce qui s’est passé dans d’autres pays européens… Dans ce cadre, les représentants des usagers auraient eu toute leur place, car les récriminations des usagers ne concernent pas les grèves mais bien la vétusté du réseau et des matériels et l’insuffisance du nombre de personnels.

M. Thierry Ottaviani a expliqué que le problème est dû à ce que l’on n’a pas su anticiper les difficultés liées au développement des transports ferroviaires, notamment en Île-de-France où les distances parcourues par les usagers entre leur domicile et leur lieu de travail sont de plus en plus importantes. On n’a pas fait les investissements nécessaires pour aménager les infrastructures. Les sommes en jeu sont considérables, mais ce n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres. De plus en plus de personnes reçoivent des blâmes ou ne sont pas embauchées parce qu’elles habitent dans des lieux desservis par des lignes ayant mauvaise réputation. Les entreprises, pour leur part, ne peuvent pas s’installer dans des zones mal desservies. Il appartient à l’État et aux collectivités de répondre à ce problème d’aménagement du territoire. Plus on attendra, plus la note sera élevée.

Le président Hervé Mariton a répété que ce constat est partagé par tous et qu’il n’y a pas lieu de reprendre le débat. Un diagnostic sur l’état du réseau ferré, diligenté il y a quelques mois, a révélé des insuffisances et un retard d’investissement considérable, accumulé au fil des ans. Cependant, depuis dix-huit mois, des décisions ont été prises et ont trouvé une traduction financière. Cela n’est sans doute pas suffisant, mais rien n’avait été fait auparavant.

Revenant sur la question du dialogue social M. Régis Bergounhou a remarqué que les procédures de la SNCF fonctionnent bien au niveau global, mais cessent de fonctionner dès qu’il s’agit des TER. Les difficultés se concentrent sur les régions Provences-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Aquitaine, où l’on assiste à des grèves à répétition et de longue durée qui pénalisent les populations. En obligeant les autorités régulatrices à élaborer un plan de transport, le projet de loi va dans le bon sens. C’est également le cas de certaines dispositions prises à l’occasion du renouvellement des conventions SNCF-régions.

Le rapporteur a rappelé que Mme Anne-Marie Idrac a fait état de 2 milliards d’investissements par an. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais tout le monde est maintenant conscient des efforts qu’il faudra consentir.

Le président Hervé Mariton a remercié MM. Ottaviani et Bergounhou pour leur contribution au débat.

M. François Brottes a ensuite demandé au nom du groupe SRC que MM. Borloo et Bussereau, dont les départements ministériels sont compétents en matière de transports, soient entendus par la commission spéciale. Il a indiqué que ceux-ci lui ont confirmé, à l’occasion d’une audition devant la commission des affaires économiques, ne pas avoir été conviés mais demeurer à la disposition de la commission spéciale.

M. le président Hervé Mariton a objecté que la parole du gouvernement est unique, tout ministre représentant l’ensemble du gouvernement. Du reste, le projet de loi est présenté au nom du Premier ministre par M. Xavier Bertrand. Cela dit, il sera demandé à M. Bussereau s’il lui est possible de venir devant la commission spéciale demain matin.

*

Puis la commission spéciale a entendu Mme Agnès Lépinay, directrice des affaires économiques et financières du MEDEF, accompagnée de M. Guillaume Ressot, directeur adjoint aux affaires publiques du MEDEF, et M. Michel Cornil, président de l’Union des transports publics (UTP), accompagné de M. Bruno Gazeau, délégué général de l’UTP.

Le président Hervé Mariton a souhaité la bienvenue aux représentants du MEDEF et de l’UTP. Il les a informés que certains intervenants, dans les débats de la journée, avaient mis en cause l’UTP en la rendant responsable de l’échec des négociations menées au cours des derniers mois, dans le but supposé de rendre nécessaire une loi à l’abri de laquelle elle souhaiterait se placer.

Mme Agnès Lépinay a indiqué tout d’abord que le texte débattu concerne l’ensemble des entreprises, dans la mesure où le service public des transports assure les déplacements des salariés de l’entreprise. Le MEDEF se réjouit de la détermination du gouvernement à avancer sur ce sujet car il a toujours souhaité la mise en place d’un service minimum, et ce bien au-delà des seuls transports terrestres : des telles dispositions sont souhaitables dans l’ensemble des transports et dans l’Éducation. En 2004, le MEDEF avait publié un rapport dans lequel il proposait un dispositif permettant une application effective du principe de continuité dans les services publics.

Tel qu’il a été adopté par le Sénat, le texte présente une certaine asymétrie, puisque la garantie de service repose globalement sur les entreprises. Beaucoup de dispositions répondent toutefois aux souhaits du MEDEF : ainsi l’obligation de déposer un préavis quarante-huit heures avant le mouvement, l’introduction de la notion de service garanti, le renforcement de l'obligation de négocier, la consultation du personnel par vote à bulletin secret au bout de huit jours, l’indemnisation des usagers et l’interdiction du paiement des jours de grève. Les dispositions ajoutées par le Sénat à l’article 1er rappellent des principes constitutionnels essentiels. En son temps, le MEDEF avait même souhaité que la Constitution soit modifiée pour que soit posé le principe d’un service garanti.

M. Michel Cornil a indiqué que l’Union des transports publics, qui réfléchit depuis longtemps à ces sujets, se réjouit de l’adoption des termes de « continuité du service » et de « service garanti », qui ont été préférés à celui de « service minimum ».

Les négociations qui ont été engagées avec les syndicats à la suite du rapport Mandelkern se sont déroulées de façon normale, mais le texte qui en a résulté n’a pas été signé parce qu’il ne portait que sur le titre II du projet et n’abordait ni la question de la gestion des conflits ni celle de la sortie des conflits. Par ailleurs, la négociation établissait un lien entre le droit syndical et la prévention des conflits. Or les prétentions des syndicats étaient financièrement exorbitantes.

L’UTP considère que le projet est bon. La prévention, la gestion et la fin du conflit y sont bien distinguées. En matière de gestion du conflit, le rôle des autorités organisatrices est essentiel, tout comme la déclaration préalable de l’intention de faire grève, sans laquelle il est illusoire, pour un employeur, de prévoir l’organisation du service et d’informer les utilisateurs sur les services qui pourront être assurés. Le vote au bout de huit jours est également une disposition bienvenue : on sait bien que c’est généralement à ce moment-là que le conflit s’installe ou s’éteint. Il est donc intéressant d’avoir une indication supplémentaire au travers du vote du personnel. Enfin, les précisions sur le paiement des jours de grèves sont tout à fait importantes.

Le projet est équilibré en ce qu’il couvre l’ensemble des moyens permettant d’atteindre les objectifs énoncés au titre Ier. Il ne s’agit pas réaliser un « service minimum », comme certains hommes politiques l’ont envisagé, mais d’apporter à l’utilisateur la garantie que ses besoins essentiels sont pris en compte. Les trois étapes du dispositif sont donc nécessaires. Si l’une d’entre elles était retirée, ce serait l’ensemble du dispositif qui serait mis en cause.

Cela étant, le texte peut encore être amélioré pour répondre à certaines critiques. Les contacts bilatéraux que l’UTP a établis avec les syndicats font apparaître que la déclaration préalable constitue un point dur et peut donner lieu à diverses interprétations. Il conviendrait donc de réfléchir à un dispositif permettant d’aboutir à une certaine sincérité dans l’application du texte. L’UTP a suggéré qu’un garant puisse intervenir pour gérer les périodes délicates du conflit. Dans le texte, ce garant est nommé « médiateur », mot qui fait l’objet d’une définition précise dans le code du travail. En tout état de cause, cette personne, ou ce groupe de personnes, doit assurer une certaine transparence tant de la part de l’employeur que de la part des syndicats, et être à même de rendre compte à l’autorité organisatrice et à l’opinion publique de ce qui se passe effectivement avant, pendant et après le conflit.

Le président Hervé Mariton a demandé si la structure envisagée est interne ou externe à l’entreprise.

M. Michel Cornil a répondu que le garant doit être externe.

Le deuxième point dur est le vote, qui inspire de la méfiance au personnel et à ses représentants : ceux-ci se demandent si la procédure ne sera pas utilisée à des fins répressives et demandent des garanties. Là encore, la présence d’un garant pourrait permettre de s’assurer que les renseignements collectés ne seront utilisés que dans le but défini par la loi. La confidentialité doit être la règle en la matière.

En tant que représentant des employeurs, l’UTP devra assumer, d’une part, un rôle de négociation avec les syndicats, d’autre part un rôle de négociation avec les autorités organisatrices. Le texte comporte en effet beaucoup d’éléments qu’il faudra inclure dans les contrats régissant les rapports entre le transporteur et les autorités organisatrices. De même qu’un accord de branche permettra de faire progresser la question en donnant un cadre de négociation aux accords d’entreprise, les négociations avec les collectivités locales permettront de trouver un bon équilibre entre les intérêts de l’entreprise et ceux de la collectivité. L’union professionnelle se trouve donc au sommet du triangle qu’elle forme avec les syndicats et les autorités organisatrices.

Le président Hervé Mariton a demandé pourquoi l’UTP n’a pas signé le texte issu des négociations.

M. Michel Cornil a invoqué des problèmes de coût, liés aux exigences des syndicats en matière de droit syndical dans l’entreprise. Actuellement, la représentation syndicale est exercée dans le cadre d’accords locaux. En revanche, au sein de la branche professionnelle, on ne dispose pas de délégations d’heures en nombre suffisant pour que les syndicats s’estiment bien représentés au niveau national.

M. Roland Muzeau a estimé que les syndicats ont raison de formuler cette revendication, dans la mesure où l’UTP est pour sa part bien organisée au niveau national. Ils ont par ailleurs indiqué ce matin que l’UTP avait volontairement fait échouer la négociation pour rendre la loi inévitable.

M. Bruno Gazeau a précisé que le projet d’accord soumis aux organisations syndicales en 2005 comportait un titre Ier sur l’« alarme sociale » qui reprenait presque entièrement le texte voté par certains syndicats à la RATP ; le titre II portait sur les bonnes pratiques en matière de grève, tandis que le titre III concernait les moyens. La CFDT demandait l’équivalent de trente-six postes, la CGT l’équivalent de plus de cent postes, alors que l’UTP, au niveau national, ne comprend que trois personnes. Ces demandes étaient donc sans commune mesure avec ce que la profession pouvait mettre en œuvre au titre de la branche. De plus, deux organisations syndicales, FO et la CGT, ne voulait pas en réalité débattre du texte. Deux autres, la CFTC et la CFDT, étaient prêtes à négocier à condition que des moyens soient débloqués. L’UTP proposait pour sa part un poste par organisation syndicale et le remboursement des réunions.

M. Michel Cornil a ajouté que la profession regroupe 40 000 salariés et 178 entreprises. Les syndicats sont très bien représentés au niveau local et insuffisamment représentés au niveau de la branche. L’UTP est prête à négocier sur ce point.

M. Roland Muzeau a objecté qu’elle ne l’a pas fait depuis deux ans.

M. Bruno Gazeau a fait valoir que l’UTP a conclu plusieurs accords durant cette période, notamment en matière de formation, de sécurité ou de salaires. Par ailleurs, la convention collective actuelle prévoit que l’UTP rembourse le temps de négociation, auquel s’ajoutent un temps équivalent de préparation et le remboursement des frais.

M. Michel Cornil a ajouté qu’il faut prendre en compte l’évolution du climat politique : après la commission Mandelkern, un autre projet, visant à établir une charte des bonnes pratiques, est venu sur la table et l’UTP s’y est opposée. Aujourd'hui, la loi est une bonne chose. Si, contrairement à ce qu’affirment les syndicats, elle ne règle en rien le problème du service minimum, elle fixe en revanche un cadre aux négociations entre les partenaires sociaux. Les termes de réquisition et d’assignation ont été évités, ce qui montre que l’on se place dans un cadre contractuel. Reste à savoir si les partenaires sociaux sont prêts à jouer le jeu. L’UTP est pour sa part prête à ouvrir les négociations.

Le rapporteur a demandé ce que l’UTP souhaite modifier à l’article 6, alinéa 2, du texte, qui traite des conditions du vote, sachant que la garantie du secret du vote est déjà exigée.

M. Michel Cornil a indiqué que le problème concerne surtout la déclaration d’intention, eu égard à l’exigence de respect du droit de grève. Il convient surtout de s’assurer de la bonne volonté de chacun. Dans le cadre d’un service public, les deux parties en conflit se doivent de rendre des comptes à l’opinion publique et à l’autorité organisatrice : d’où l’intérêt de nommer un garant indépendant.

Le rapporteur a demandé en outre si les entreprises de transports publics sont prêtes à consentir des efforts en matière d’investissements.

M. Michel Destot a estimé que l’UTP essaie de représenter la diversité de ses mandants et qu’il est évidemment difficile de mettre sur un même plan le TGV et les sociétés de transports ruraux. En fait, le GART a voulu jouer la voie contractuelle quand M. Cornil, ne pouvant engager à titre personnel l’ensemble des réseaux, s’y est montré hostile. D’où la nécessité, selon le gouvernement en tout cas, de légiférer.

Un différend important demeure entre les autorités organisatrices de transport (AOT) et les entreprises : l’impact financier du remboursement des usagers en cas de conflit. En la matière, c’est aux entreprises de prendre leurs responsabilités.

Selon M. Michel Cornil, les problèmes sociaux ne doivent pas être considérés comme des « arguments concurrentiels » et l’accord de branche demeure le socle à partir duquel il est possible de négocier des accords d’entreprises en fonction des différentes spécificités.

Certes, la question du remboursement relève de la responsabilité des entreprises mais son impact sera forcément inclus dans les contrats. Des négociations seront sans doute nécessaires de manière à éviter de trop grandes disparités entre les réseaux.

M. Michel Destot a indiqué que des disparités très sensibles existent déjà en matière de remboursement des pénalités et que, compte tenu de la diversité des situations, il sera impossible de mener une négociation sérieuse d’ici au 1er janvier 2008. Seules la SNCF et la RATP pourront effectivement appliquer la loi puisque des conventions existent déjà.

Le président Hervé Mariton a rappelé que la Fédération nationale de transports de voyageurs (FNTV) en particulier a attiré l’attention sur les difficultés d’application de la loi pour les petits opérateurs.

En cela, M. Michel Cornil a approuvé M. Michel Destot mais une grande partie du chemin aura été accompli si la volonté d’aboutir à un accord de branche et à un accord cadre est bien réelle.

Le nombre de jours de grève, en outre, est proportionnel à la taille des entreprises : plus elles sont grandes, plus ils sont nombreux.

M. Daniel Paul a ajouté que l’on compte depuis le début de l’année 0,13 journée de grève par agent à la SNCF et qu’il en est approximativement de même pour la RATP. Pourquoi, dans ces conditions, légiférer ?

La discussion sur la continuité du service public ne s’impose pas moins, renchérit M Michel Cornil, même si les tensions sociales ne sont pas importantes.

Selon M. Michel Destot, cette loi ne fera que les raviver.

Les élus locaux incitant les citoyens à utiliser de plus en plus les transports publics, a expliqué M. Michel Cornil, les usagers sont de plus en plus attentifs à l’existence d’une réelle continuité du service public. Lorsqu’un incident est dû à une personne, ils comprennent ; lorsqu’il est le fait d’une défaillance technique, ils râlent ; s’il est le fait d’un mouvement social, ils considèrent que c’est inadmissible. Il n’est pas illégitime de disposer d’un texte à partir duquel il sera possible de négocier avec les syndicats.

M. Alain Vidalies s’est interrogé sur le nombre et la nature des incidents.

Sur le plan social, c’est l’accord de branche qui doit effectivement primer, alors que le texte privilégie au contraire le recours à l’accord d’entreprise.

Le président Hervé Mariton a demandé si le constat de carence s’applique en cas d’échec sur l’accord de branche et si, dans ce cas-là, l’autorité publique doit prendre le relais.

M. Alain Vidalies a objecté que le texte ne peut s’appliquer sans accord de branche.

Le président Hervé Mariton a poursuivi en arguant que la substitution, en cas d’échec, est plus aisée sur le plan local que sur le plan national.

M. Alain Vidalies a répété que l’accord de branche s’impose en matière sociale si l’on ne veut pas pénaliser les salariés.

Le rapporteur ayant rappelé que l’accord d’entreprise prime à la SNCF et à la RATP, M. Alain Vidalies a souligné combien ces situations sont spécifiques.

M. Bruno Gazeau a indiqué qu’une clause de l’accord de branche précise que ce dernier prime sur l’accord d’entreprise. L’UTP a de plus assuré qu’elle privilégie l’accord de branche.

Le président Hervé Mariton a demandé si, en cas de carence de l’AOT ou d’absence d’accord, la substitution n’est pas plus aisée sur le plan de l’entreprise que sur le plan de la branche.

M. Michel Cornil a rappelé que la négociation pour l’accord de branche a, en l’occurrence, achoppé. Comme il n’a pas été possible de conclure massivement des accords locaux, la renégociation d’un accord de branche a été mise en place.

L’accord cadre ne concerne quant à lui que la SNCF et la RATP.

Selon M. Michel Destot, la vraie question est de savoir en quoi la loi permettra de mieux parvenir à un accord de branche. Or, celle-ci mettra plutôt de l’huile sur le feu que dans les rouages de la machine. L’organisation des 35 heures, de ce point de vue, peut servir de leçon.

M. Michel Cornil a considéré que cette loi a le mérite de mettre les partenaires sociaux devant leurs responsabilités. Le 31 décembre, il faudra rendre compte à la représentation nationale des efforts fournis.

M. Bruno Gazeau, à la demande de M. François Brottes, est revenu sur le nombre d’arrêts de travail pour fait de grève qui, l’an dernier, pour la province, s’est élevé à 0,7 jour par salarié en tenant compte des grèves de Marseille. En les excluant, le chiffre serait de 0,3 jour.

M. François Brottes a souligné les contradictions entre les propos de Mme Lépinay, qui s’est réjouie de l’instauration d’un service minimum « restreint » ou « garanti », et ceux de M. Cornil qui, lui, a estimé que ce texte ne règle rien en la matière. Si le nombre de grévistes est conséquent, il ne sera pas possible de mettre en œuvre un service minimum garanti. Ce texte est un simple effet d’annonce.

Mme Lépinay a indiqué qu’une loi est nécessaire, la question des transports publics étant de plus en plus cruciale et les diverses tentatives de faire avancer ce dossier ayant échoué.

M. Michel Cornil a considéré également que ce texte sur le dialogue social et la continuité du service public est bienvenu. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’instaurer un service minimum, de même qu’il n’est pas question de réquisition ou d’assignation.

M. Alain Vidalies s’est interrogé sur l’article 2 qui évoque la possibilité d’un décret en Conseil d’Etat en cas d’échec des négociations. Quel est le contenu de ce décret ?

M. Michel Cornil a rappelé que le projet de décret ne portera que sur le Titre II, soit, sur la prévention des conflits.

Le président Hervé Mariton a déclaré qu’il demanderait que le texte soit communiqué à la commission spéciale, puis il a remercié les représentants du MEDEF et de l’UTP.

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La commission spéciale a ensuite entendu M. Philippe Duron, président de l’Association des Régions de France (ARF), accompagné de Mme Elisabeth Dupont-Kerlan, déléguée aux transports, ainsi que M. Christophe Sirugue, député et président du Conseil général de Saône-et-Loire, représentant l’Assemblée des Départements de France (ADF), et Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des Transports de l’Ile-de-France (STIF), accompagnée de M. Thierry Guimbaud, directeur d’exploitation.

Le président Hervé Mariton expose la philosophie de ce projet qui prend acte de l’organisation décentralisée de la République ainsi que du rôle central des autorités organisatrices du transport (AOT). Comment l’ARF, l’ADT et le STIF envisagent-ils leurs rôles respectifs ? Comment ce projet peut-il modifier l’exercice de leurs compétences ?

M. Philippe Duron rappelle que les régions ont une responsabilité d’autorité régulatrice des transports depuis une décennie environ, notamment s’agissant des trains express régionaux. Les investissements ont été massifs : renouvellement des matériels, amélioration de la tarification, partenariat efficace avec l’opérateur historique qu’est la SNCF.

Ce projet soulève plusieurs problèmes : le dialogue social, dans les entreprises de transport, relève plus de l’entreprise elle-même que de l’AOT. Les régions ne sont d’ailleurs pas dans la même situation que les autres AOT puisqu’elles n’ont pas le choix de l’exploitant pas plus qu’elles ne contrôlent le personnel de la société nationale ; à cela s’ajoute qu’à la SNCF, la transparence de la gestion n’est pas totale. Le fait de grève génère certes des dysfonctionnements mais en 2006, il n’était à l’origine que de 2,6 % d’entre eux. L’amélioration de la qualité des transports est largement conditionnée aux investissements.

Les clauses de prévisibilité et d’information sont par ailleurs problématiques. L’Ile-de-France et l’Alsace ont déjà négocié avec les opérateurs à ce sujet ; d’autres régions sont en train de le faire. De façon générale, l’information en temps de grève est d’ores et déjà plus efficace qu’en temps normal. De la même manière, il est assez complexe d’établir des prévisions sur 48 heures et le texte, en l’état, n’améliorera pas la situation.

Le Sénat a durci le projet en élargissant ses préconisations à d’autres situations exceptionnelles (incidents techniques, aléas climatiques…), ce qui semble peu réaliste.

L’article 4 du projet est quant à lui trop contraignant, alors qu’il importe de laisser suffisamment de souplesse aux AOT pour définir leurs priorités, sans préciser les niveaux de service. C’est à l’entreprise elle-même de définir le niveau de service correspondant à la perturbation. La date du 1er janvier 2008, enfin, ne permet pas de mettre en œuvre les concertations qui s’imposent.

Le Sénat ayant rendu obligatoire le remboursement total du titre de transport ou du préjudice sur l’abonnement, qui paiera, sinon la collectivité ?

La loi modifie donc substantiellement la responsabilité des collectivités territoriales et risque ainsi d’aggraver la charge des régions, sans compensation aucune. L’Etat doit prendre en compte cette nouvelle donne.

Le rapporteur a estimé qu’il fallait s’interroger sur la date du 1er janvier 2008, susceptible en effet d’engendrer des difficultés.

Selon M. Christophe Sirugue, l’ADF est peu concernée par la disposition visant à parvenir à un accord sur la prévention des conflits d’ici le 1er janvier 2008. Les conflits sont en effet fort peu nombreux, notamment s’agissant du transport scolaire, en raison de la multitude des partenaires et de le taille des entreprises. En Saône-et-Loire il existe 217 conventions différentes et 30 entreprises sont parties prenantes. En outre, il ne convient pas de s’immiscer dans l’organisation du dialogue social des entreprises.

Par ailleurs, il est à craindre qu’un tel projet ne contribue à dégrader les conditions des relations sociales au sein des entreprises de transport. Qu’en est-il, enfin, de la définition de la desserte prioritaire à assurer en cas de service perturbé et de la notion de plan de transport adapté ? Qu’est-ce qu’un service minimum dans le cadre du transport scolaire ?

Le président Hervé Mariton a expliqué que, selon l’âge, un enfant peu fort bien rester chez lui tout seul.

M. Christophe Sirugue a répondu que, sur un territoire rural par exemple, la difficulté est encore plus grande. Faute de pouvoir établir une desserte prioritaire, le service minimum ne peut donc pas s’appliquer au transport scolaire.

D’autres problématiques, telles que celle du transport des élèves handicapés et des transports interurbains ne sont par ailleurs pas prises en compte.

La décision du Sénat obligeant la collectivité à tenir le préfet informé des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendu est regrettable car elle est contraire à la logique de la décentralisation

Il faut clarifier, enfin, l’indemnisation des usagers. Les AOT ne répercuteront-elles pas sur la charge financière demandée aux collectivités la surcharge prévisible de leur budget ?

Le président Hervé Mariton a demandé pourquoi il ne pourrait y avoir des priorités en matière de transport scolaire sachant par exemple que l’espace de recrutement d’un lycée n’est pas le même que celui d’un collège.

M. Christophe Sirugue a rappelé qu’une même ligne peut desservir indifféremment des collèges, des lycées, voire des écoles maternelles. Comment, dans ces conditions, appliquer un service minimum ?

Le président Hervé Mariton a admis que cela était difficile mais que l’on pouvait fort bien organiser un service exclusivement dédié, par exemple, au ramassage des collégiens.

M. Michel Destot a considéré que, puisqu’il n’y a à ce jour pas de grève, il n’est absolument pas opportun d’en susciter avec ce projet.

Le président Hervé Mariton a rappelé que la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) a attiré l’attention sur les difficultés que peuvent rencontrer les AOT de deuxième rang ainsi que les très petites entreprises. Pourquoi le Sénat n’a-t-il pas entendu cette remarque ?

M. Christophe Sirugue a rappelé qu’il avait été stupéfait de la proposition sénatoriale, qui ne favorisera pas les petites communes.

Le rapporteur s’est interrogé sur les craintes concernant la charge du remboursement.

M. Christophe Sirugue a répondu qu’une entreprise privée ne peut pas ne pas inclure dans ses calculs une « provision pour risques », laquelle impactera le coût du transport, alors que les hausses ont, d’ores et déjà, été conséquentes.

Le rapporteur ayant rappelé que l’appel d’offres suppose la concurrence, M. Christophe Sirugue a répondu que celle-ci est parfois faussée en raison d’ententes illicites et que dans les petites communes, elle est inexistante, faute d’un assez grand nombre d’entreprises.

Mme Sophie Mougard a rappelé que le réseau d’Ile-de-France, avec 440 gares, 16 lignes de métro et 1 300 lignes de bus compte 12 millions de déplacements par jour. Le STIF est décentralisé depuis mars 2006 et les accords avec la SNCF et la RATP sur la continuité de service ont été conclus en juin 2005. Les grèves, en 2006, ont été responsables de la perturbation du trafic à hauteur de 2 % seulement. Des investissements massifs ont par ailleurs été réalisés avec, par exemple, 1,47 milliard consacré à l’acquisition de matériel roulant neuf. La SNCF et la RATP se sont engagées à respecter un niveau de service – 50 % à l’heure de pointe – et une qualité d’information vis-à-vis des voyageurs. En cas de non réalisation, les entreprises encourent une pénalité forfaitaire, augmentée de moitié si le service réalisé est inférieur à 33 % pour la SNCF et à 25 % pour la RATP. La fiabilité de l’information est par ailleurs décisive, dès la veille du déplacement, avant 17 heures. Si le taux de service diffère de ce qui a été prévu de plus ou moins 20% par rapport à l’annonce faite, un malus est imputé à l’entreprise.

Depuis juin 2005, les entreprises sont incitées à optimiser les moyens disponibles pour réaliser le meilleur service possible. Les pénalités ont en outre diminué et la qualité des prévisions a significativement progressé.

Le dispositif contractuel n’empiète en rien sur la gestion du dialogue social, qui relève de la seule entreprise, non plus que sur l’organisation du service.

S’agissant de la desserte prioritaire, la seule approche réaliste concerne la fixation quantitative globale et équitable du service en heure de pointe. L’article 4 du projet tel que modifié par le Sénat semble peu adapté à la complexité du réseau de l’Ile-de-France. L’article 8, quant à lui, abandonne l’organisation à l’autorité régulatrice et déresponsabilise l’entreprise sur un plan commercial. Le remboursement, par exemple, ne doit pas peser sur le contribuable.

Le président Hervé Mariton a rappelé qu’après l’accord entre l’Etat et le STIF – antérieur aux transferts de compétences – il a été décidé de ne pas remettre en cause le niveau de service qui prévaut en Ile-de-France. Pour quelle raison, sachant que cet accord a été un peu « forcé » par l’Etat ? En outre, pourquoi serait-il impossible de définir les priorités de desserte prévues par la loi, comme l’a affirmé au Sénat le président Huchon ? De surcroît, si la loi prévoit cette priorité, quelle sera la politique du STIF, dont on peut penser qu’il respecte la loi républicaine ? Enfin, hors la présente loi, quels progrès supplémentaires pourraient être accomplis ?

Mme Sophie Mougard a répondu que si le président Huchon a évoqué un accord forcé par l’État et souligné son désaccord avec la méthode utilisée, le conseil du STIF a néanmoins souhaité bénéficier avant tout d’une évaluation de la situation.

La définition des priorités de desserte est fort complexe en raison de la complexité même du réseau. Il doit y avoir en outre une claire division du travail entre l’AOT et les transporteurs.

Enfin, tout ce qui contribuera à améliorer, en particulier, l’information des voyageurs, sera bienvenu.

Le rapporteur a noté qu’en région parisienne, les décrets ont été respectés et que tout le monde a bénéficié des informations nécessaires. Le projet, par ailleurs, tient-il suffisamment compte des questions liées à la sécurité ? N’est-il pas un peu trop exclusivement centré sur les problèmes de la région parisienne ?

Mme Sophie Mougard a souligné qu’en cas d’aléas, seul le transporteur dispose de l’information nécessaire à une bonne gestion de la situation de crise.

M. Christophe Sirugue a répété que l’ADF ne se sent pas concernée par ce texte, les départements n’étant pas confrontés aux mêmes problèmes que l’Ile-de-France. Cette loi, en outre, peut accroître les difficultés. Enfin, en quoi la déclinaison d’un service minimum se justifie-t-elle en matière de transports scolaire et interurbain ?

Le rapporteur a rappelé qu’il n’est pas question de service minimum dans la loi.

M. Philippe Duron a souligné que les régions et les départements n’ont ni les mêmes missions, ni les mêmes compétences. Elles se sont en outre déjà engagées afin d’améliorer la continuité du service public. La voie contractuelle est en la matière fondamentale de manière à ce que l’opérateur garantisse, en cas de grève, un minimum de moyens pour les réseaux TER. La loi ne permettra pas d’aboutir à une solution satisfaisante.

M. Daniel Paul a considéré que tout a été dit et qu’il ne reste plus qu’à retirer ce projet...

Le président Hervé Mariton a remercié les invités de leur contribution aux débats.

*

Puis la commission spéciale a auditionné M. Pierre Martin, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA) et M. Pierre Burban, secrétaire général.

Interrogé par le président Hervé Mariton sur l’avis de l’UPA à l’égard du projet de loi, M. Pierre Martin indique ne pas avoir d’objection majeure à formuler sur la philosophie du texte, si ce n’est que les entreprises de moins de 50 salariés ne doivent pas être concernées par un dispositif qui, pour être souhaitable, n’en est pas moins contraignant pour elles. Ce ne sont pas en effet les petites entreprises artisanales, souvent en milieu rural, qui posent des problèmes et il est regrettable que cela n’ait pas été pris en considération. De même, ces entreprises ne doivent pas être contraintes de procéder à l’information des usagers. Enfin, autant l’accord de branche ne soulève pas de difficultés majeures, autant l’accord d’entreprise constitue une contrainte supplémentaire inutile.

Le président Hervé Mariton demande si, en cas d’accord de branche, un accord cadre était nécessaire, ce à quoi M. Pierre Burban répond par l’affirmative.

Le rapporteur a déclaré qu’il faudra, dans ce type d’entreprise, trouver des délégués du personnel.

M. Pierre Burban a estimé que ce n’était pas possible compte tenu de la taille de ces entreprises. Il convient de préciser dans la loi que les accords d’entreprises ne concernent que celles qui disposent de délégués du personnel.

Le président Hervé Mariton ayant demandé s’il était possible de laisser l’accord cadre en déshérence, M. Pierre Burban, a estimé que ce n’était pas légalement possible et que plus on vote des lois inapplicables, plus la loi est décrédibilisée. Les très petites entreprises, en outre, appliqueront l’accord de branche, suffisant en la matière.

Le rapporteur a évoqué la possibilité d’un décret.

M. Pierre Burban a indiqué que la loi, dans ce cas-là, devrait le préciser explicitement.

Le rapporteur a rappelé qu’en l’absence de délégués syndicaux, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social prévoit que des salariés peuvent être mandatés.

M. Pierre Burban a considéré que cette disposition n’est pas applicable, l’obligation légale ne s’appliquant qu’à des entreprises de 11 salariés. En outre, seulement 25 % des entreprises entre 10 et 20 salariés ont un délégué du personnel. Seuls les accords de branche d’application directe sont souhaitables.

M. Pierre Martin a rappelé que, si l’accord du 12 décembre 2001 sur le dialogue social dans l’artisanat permet de résoudre un certain nombre de problèmes, il est hautement dommageable qu’il ne soit pas appliqué à la totalité de ce secteur.

M. Daniel Paul a souligné combien ce texte est manifestement improvisé et combien la question de la continuité du service public aurait mérité d’être traitée différemment sur les plans matériel, juridique, financier et humain.

Le rapporteur a insisté sur l’importance de l’accord de branche et M. Pierre Burdan sur l’obligation faite à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de négocier.

Le président Hervé Mariton a estimé qu’il n’y a pas à engager de négociations en l’absence d’organisations syndicales représentatives. En outre, en l’absence d’accord de branche, c’est un décret qui s’appliquera, comme le gouvernement serait bien inspiré de l’indiquer en séance publique.

M. Louis Guédon ayant entendu M. Martin indiquer qu’il n’y avait pratiquement jamais de grèves dans les entreprises appartenant à l’UPA, qu’il ne voyait donc aucune raison de leur imposer de telles contraintes et qu’il estimait ne pas avoir à prendre en charge l’information des usagers, a rappelé que ces obligations, qu’il semble refuser, figurent dans la plupart des cahiers des charges et sont fort bien admises par les professionnels. Les choses se passent toujours bien. Il ne saisit pas où est le problème.

M. Pierre Martin a observé qu’il ne voyait pas comment expliquer aux petites entreprises de transport que cela est judicieux.

M. Louis Guédon lui a rétorqué que les élus y parviennent fort bien, notamment au sein d’un observatoire qui rassemble des élus et des professionnels.

M. Pierre Martin a fait valoir qu’il ne comprenait pas l’intérêt d’imposer de telles contraintes à des entreprises où il n’y a jamais grève. C’est pourquoi avait été demandée la fixation d’un seuil de 50 salariés, car les contraintes diffèrent évidemment selon la taille des entreprises.

Le rapporteur ayant rappelé que si un accord de branche n’intervient pas le décret s’appliquera. M. André Paul a estimé que le décret est une drôle de façon de concevoir le dialogue social et le président Hervé Mariton a précisé qu’il s’agit du décret sur la prévention des conflits.

M. François Brottes a souligné, au contraire, que le décret traiterait non seulement de la prévention des conflits, mais également de leur gestion. Il est donc important de savoir quel sera son contenu.

M. Daniel Paul ayant cru comprendre que l’une des craintes de l’UPA tient à l’attitude que pourraient avoir les autorités organisatrices des transports a estimé que rien ne les empêche, aujourd’hui, de se mettre d’accord entre elles et de privilégier une entreprise plus importante avec laquelle elles auraient des garanties juridiques, des possibilités de négociation et des assurances financières, éliminant ainsi de facto les petites entreprises.

M. Pierre Martin a reconnu que cela pouvait aller jusque là, mais que cela l’inquiétait moins. Dans son département rural – l’Yonne – interviennent deux types de transporteurs : un très important lié à la Caisse des dépôts, et plusieurs petites entreprises. Il lui paraît donc tout à fait anormal de mettre tout le monde dans le même sac au niveau des contraintes. C’est la position de l’UPA car il n’y a jamais eu le moindre problème de service minimum dans les entreprises qui en sont membres. C’est pourquoi il insiste pour que soient exclues du champ de la loi les entreprises de moins de 50 salariés.

*

Puis la commission spéciale a entendu M. Dieudonné Mandelkern, président de section honoraire au Conseil d’État, président de la commission chargée d’analyser les données juridiques relatives à la continuité du service public des transports.

Le président Hervé Mariton a souhaité la bienvenue à M. Mandelkern en rappelant qu’il avait présidé la commission qui avait remis, en 2004, un rapport à M. Gilles de Robien, alors ministre des transports. Ce travail intéressant avait notamment souligné l’importance de la décentralisation en ce qui concerne le transport des voyageurs.

Le projet de loi ayant pris en compte assez largement ces travaux, il a souhaité que M. Mandelkern fasse le point à ce sujet.

M. Dieudonné Mandelkern a indiqué qu’il est toujours très agréable de constater que des préconisations que l’on a formulées sont prises en compte, même s’il est probable que, le temps ayant passé, il faudrait revoir certains aspects du rapport. Cependant celui-ci ne lui semble pas du tout déphasé. Le rapport a été réalisé dans une excellente atmosphère de travail et, s’il n’a pas permis de dégager un consensus total, il a permis d’enclencher un processus.

Le président Hervé Mariton a souhaité savoir quelles sont les préconisations de son rapport qui ont été le mieux prises en compte dans le projet de loi.

M. Dieudonné Mandelkern a répondu qu’il n’avait pas une connaissance suffisamment précise du texte pour répondre à cette question.

Le rapporteur a rappelé qu’en 2002 il avait déposé une proposition de loi, cosignée par 315 collègues qui n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée, mais qui a sans doute été au point de départ de la création de la commission de M. Mandelkern et de son rapport. Cette commission a lancé certaines grandes lignes de réflexion, en particulier le souhait de régionaliser les transports.

M. Dieudonné Mandelkern a indiqué qu’il s’était appuyé sur le constat de la décroissance des grèves, qu’il s’agisse de grandes grèves nationales ou des grèves spécifiques et que la commission avait tiré parti des expériences engagées pour mettre en place des procédures tendant à éviter les conflits du travail, en particulier, celle de la RATP avec l’alarme sociale. Il est en effet évident que plus on prend tôt une question qui pose problème, plus on a de chances de la résoudre avant d’arriver au conflit. À la SNCF on a surtout travaillé sur la prévisibilité des conflits. Il faut savoir en effet que, indépendamment des administrations publiques, ces deux entreprises, connaissaient à l’époque plus de la moitié des grèves intervenant dans l’économie française et que celles-ci étaient très préjudiciables aux usagers.

La commission a donc préconisé que les collectivités territoriales et leurs établissements s’impliquent davantage dans la résolution des conflits. Cela est à mettre en liaison avec la libéralisation des transports urbains. Travailler sur le plan local donne davantage de chances de résoudre les conflits.

La commission s’est également penchée sur les contraintes juridiques existant en la matière, en commençant par la Constitution qui, dans son préambule, proclame le droit de grève. Néanmoins la jurisprudence du Conseil constitutionnel a ensuite admis l’idée d’un service minimum et la possibilité de limiter le droit de grève pour assurer la continuité du service public des transports.

Il fallait établir un bon équilibre entre deux exigences : le droit de grève et la continuité du service public.

Le président Hervé Mariton a souligné que le concept de « besoin essentiel » a été discuté sur le thème de la combinatoire de différents besoins. À cet égard plusieurs personnes auditionnées ont défendu le principe du service global en pourcentage et le rapport Mandelkern faisait une analyse plus fine des besoins, mais quelle est la capacité de l’autorité organisatrice des transports et des opérateurs de définir les lignes prioritaires quand on a affaire à des réseaux ? En effet, s’il est facile en campagne de dire qu’aller de A à B est un besoin essentiel, la complémentarité et la densité des réseaux en milieu urbain rend la chose plus compliquée.

M. Dieudonné Mandelkern a estimé que la réponse à cette question était difficile et que le rapport avait insisté sur les réponses à caractère général pour essayer de traiter les situations de blocage. Le caractère même du droit de grève semble empêcher que l’on trouve une solution permettant d’assurer en permanence la circulation des usagers. On ne peut envisager qu’un service minimum. Il a estimé que le système des réseaux est à la fois plus compliqué et plus simple car le blocage d’un moyen de transport ne bloque pas tous les réseaux.

M. Daniel Paul a rappelé que la conflictualité a évolué depuis le rapport de M. Mandelkern. Mme Anne-Marie Idrac a ainsi souligné que le taux de conflit avait été de 0,13 jour par an et par agent, contre 0,70 l’an dernier. Mais si le texte en discussion avait alors existé, aurait-il empêché ces grèves de 1995 ? Il semble en effet qu’il y ait aujourd’hui un décalage entre ce qui était préconisé par le rapport et la situation actuelle, et même un décalage entre le texte proposé par le gouvernement et la réalité sur le terrain. Alors que les organisations syndicales sont disposées à œuvrer pour améliorer le dialogue social, le carcan que le projet tend à mettre en place risque d’aboutir, au contraire, à une multiplication des conflits.

Le rapporteur a répondu que les usagers de 2007 ne sont plus ceux de 1995. Aujourd’hui ils n’acceptent plus rien et veulent tout ! Plus de 80 % de la population est d’accord avec la nécessité d’imposer la continuité du service public. Le projet de loi est bien centré sur le dialogue social qu’il tend à imposer et sur la continuité du service public.

M. Dieudonné Mandelkern s’est déclaré persuadé que le dialogue social doit être organisé pour assurer une réelle continuité du service public de transport des voyageurs. Mais, comme le soulignait le rapport, pour cela l’intervention de la loi est impérative.

*

La commission spéciale a enfin entendu MM. Olivier Brousse, directeur général France de Véolia transport, Eric Asselin, directeur des ressources humaines de Keolis et M. Jean-Pierre Goutheyron, secrétaire général de Transdev.

Le président Hervé Mariton a remercié les membres de la délégation et a indiqué à ses interlocuteurs que, même si la commission avait déjà entendu des représentants de l’Union des transports publics (UTP), il lui avait paru intéressant d’entendre également des opérateurs directs.

M. Eric Asselin a indiqué qu’il avait dirigé une tentative d’accord dans la branche mais que celle-ci avait échoué, moins pour des raisons techniques que des problèmes d’argent liés aux contreparties. Les discussions avaient néanmoins fait apparaître un large accord sur le fond enn matière de prévention des conflits, à l’image de ce qui existait à la RATP. Il est heureux de constater que le projet de loi reprend l’essentiel des dispositions qui avaient alors été prévues.

Avant tout il a souhaité appeler l’attention sur des points techniques.

Premièrement il sera difficile de mettre en œuvre le texte pour les transports interurbains, en particulier pour les transports scolaires. En effet il sera difficile de déterminer les priorités entre les écoles et entre les communes.

Deuxièmement il est très attaché à la prévisibilité du trafic. C’est pourquoi la déclaration d’intention 48 heures avant une grève lui paraît intéressante. Actuellement les entreprises sont obligées d’organiser le service de façon informelle en contactant des non grévistes. Il faudra néanmoins imposer une certaine discipline en matière de déclaration préalable ; à cet égard, la possibilité de rétractation lui semble dangereuse.

Le président Hervé Mariton a souligné que, dans un sens, elle est inévitable car il est difficile d’obliger quelqu’un à faire grève.

M. Eric Asselin a poursuivi en évoquant, troisièmement, l’organisation du service essentiel. Rien, dans le texte ne donne la possibilité de contraindre les non grévistes à changer de service pour assurer le service minimum.

Le président Hervé Mariton lui a donc demandé s’il estime que l’expression « personnel disponible » est trop floue.

Pour M. Eric Asselin le texte ne fait qu’offrir une possibilité.

Quatrièmement il faut prévoir des modes de grève réguliers et faire respecter les conditions définies. Or, la plupart du temps, ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Interviennent souvent des grèves perlées qui désorganisent le service et sont très préjudiciables pour les clients. Il avait proposé une disposition tendant à réglementer plus précisément l’exercice du droit de grève, en particulier avec le retour obligatoire à la comptabilisation d’une journée de grève.

Le président Hervé Mariton a relevé que cela obligerait les intéressés à faire grève toute une journée !

M. Eric Asselin a répondu qu’il fallait savoir ce que l’on veut et que seule une bonne prévisibilité peut permettre de bien assurer le service minimum. Actuellement le problème est que le salarié peut décider de s’arrêter en milieu de ligne, ce qui met les usagers en difficulté.

Pour le président Hervé Mariton la déclaration de grève devrait répondre à ce souci.

M. Eric Asselin a estimé que ce ne serait pas complètement le cas, car le salarié pourra déclarer par avance qu’il sera en grève et ne s’arrêter qu’une heure.

Le président Hervé Mariton a demandé si cela est fréquent.

M. Eric Asselin a précisé que des arrêts de justice ont légalisé cette pratique. Seule la loi peut modifier cet état de fait.

M. Daniel Paul a rappelé que tout le monde parle d’une dégringolade de la conflictualité. Or le problème est que les conflits sociaux ne provoquent que 2 % des discontinuités dans le service des transports. M. Asselin étant le premier à dire que les mouvements de grève perlés sont importants, il a souhaité avoir des chiffres.

M. Eric Asselin a répondu que cela lui était difficile au pied levé mais qu’il fournirait les données nécessaires. Et même s’il ne s’agit que de 2 % cela est toujours important pour les passagers, surtout les mineurs.

Cinquièmement enfin, l’article 4 parle de la consultation des représentants des usagers sur l’élaboration des plans de dessertes prioritaires. Or cela peut aboutir à un blocage. Il conviendrait de remplacer « consultation » par « information ».

M. Olivier Brousse a reconnu que la conflictualité a atteint un niveau très bas : 0,35 jour par salarié l’an dernier. Néanmoins il ne faut pas nier l’impact de ces mouvements.

Le préavis de 48 heures est très intéressant car il permettra d’informer les clients. Cependant le fait de connaître le nombre des salariés non grévistes ne signifie pas qu’ils sont disponibles pour remplacer les grévistes. Par exemple les bus peuvent être bloqués dans les dépôts.

Le processus d’alarme sociale est déjà pratiqué chez Véolia. Néanmoins si ce processus est trop formalisé cela risque de mobiliser trop fréquemment les représentants du personnel et les dirigeants de l’entreprise.

Le président Hervé Mariton s’est étonné de cette remarque car on ne déclenche pas l’alarme sociale par plaisir.

M. Olivier Brousse l’a reconnu mais seulement dans la mesure où l’esprit de la loi est respecté. L’alarme sociale peut jouer un rôle dans la prévention des conflits, mais il ne faut pas qu’elle se transforme en sollicitations permanentes.

Par ailleurs on ne voit pas très bien comment le service minimum pourra s’appliquer pour les transports scolaires.

Le président Hervé Mariton s’est étonné de cette remarque, le concept pouvant jouer de manière différente – par exemple favoriser le retour des internes le vendredi – mais pas être absent.

M. Olivier Brousse a souligné qu’il sera tout de même plus difficile à mettre en œuvre mais que de toute façon la conflictualité est peu importante dans les transport scolaires.

M. Jean-Frédéric Poisson a également souhaité avoir des chiffres précis.

Lorsque l’on compte les jours de grève par personne dans l’entreprise on n’a que la réalité vue de l’intérieur, mais la vision des usagers est différente et l’impact est souvent plus important, par exemple en cas de piquets de grève. Il convient donc de définir les objectifs à atteindre, également en fonction des impacts ressentis.

Le président Hervé Mariton a relevé qu’il est en effet curieux que l’on s’en tienne à des données chiffrées au moment où, dans le cadre budgétaire avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), on raisonne en termes de performances.

M. Gouteyron a insisté, lui aussi, sur le faible taux de conflits et les bonnes relations sociales. Tout ce qui peut intervenir en préalable à un conflit est à encourager.

Certes le texte du projet de loi est encore améliorable, mais il est bien équilibré. Il ne faudrait donc pas qu’en voulant le durcir sur tel ou tel point on remette en cause cet équilibre, par exemple au regard de l’obligation de déclaration 48 heures avant.

Le président Hervé Mariton demande comment les entreprises vont appliquer les sanctions disciplinaires en cas de non respect de la déclaration préalable.

Pour M. Gouteyron cela sera à affiner dans les négociations locales. À défaut de déclaration, la sanction pourrait être celle prévue en cas d’absence sans motif.

M. Eric Asselin ajoute que cela n’est pas prévu actuellement dans les conventions collectives. C’est pourquoi il faudra l’inclure dans des accords de branche.

M. François Brottes demande si le texte du projet de loi leur paraît suffisamment précis pour permettre que les discussions portent sur les bons sujets.

M. Gouteyron a estimé qu’il lui paraissait l’être suffisant.

Le rapporteur a demandé ce que pensent les entreprises des deux délais de 48 heures et de 8 jours.

M. Gouteyron a répété que le délai de 48 heures sera bénéfique car il permettra aux entreprises de s’organiser.

M. Eric Asselin a précisé qu’il est rarissime d’arriver à des conflits de huit jours et que cela ne s’est pratiquement jamais vu dans les réseaux de province.

M. Olivier Brousse a ajouté que lorsque l’on a atteint les huit jours, il y a un risque sérieux que cela dure encore.

Le rapporteur a demandé l’avis de ses interlocuteurs sur le rôle du médiateur introduit par le Sénat dans le projet de loi.

Pour M. Eric Asselin, dans les conflits du travail, le médiateur naturel est l’inspecteur du travail.

M. Gouteyron a ajouté que le médiateur sera très peu utilisé mais que cela peut être intéressant.

Le président Hervé Mariton a demandé si les conflits concernent plutôt l’ensemble d’un réseau ou s’ils ne touchent parfois qu’une ligne.

M. Olivier Brousse a répondu qu’ils peuvent ne concerner qu’une ligne, en cas d’agression par exemple.

Le président Hervé Mariton a ajouté qu’il peut parfois s’agir d’un conflit d’entreprise et demandé quel serait le périmètre d’une consultation à huit jours.

M. Olivier Brousse a répondu que ce serait les grévistes.

Le président Hervé Mariton a demandé s’il s’agirait de tout le personnel du réseau ou seulement des conducteurs.

M. Eric Asselin a estimé que ce devrait être le personnel concerné par le préavis, y compris si cela est sur un mot d’ordre national.

M. Jean-Frédéric Poisson s’est interrogé sur l’articulation entre le texte et l’accord de branche.

M. Gouteyron a répondu que l’UTP n’a pas encore beaucoup travaillé sur l’accord de branche. Il ne devrait contenir que des sujets essentiels – par exemple les sanctions et les contreparties – et laisser l’initiative au terrain.

M. François Brottes a demandé si l’échéance du 1er janvier 2008 paraît raisonnable.

M. Gouteyron a répondu qu’il ne connaissait pas l’opinion des organisations syndicales sur le texte définitif. C’est pourquoi il conviendrait d’en rester au texte équilibré, tel qu’il est, sans essayer d’y ajouter des dispositions superflues qui risqueraient de provoquer des blocages.

Le Président Hervé Mariton a remercié les invités pour leur contribution au débat.

*

V.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné les articles du présent projet de loi au cours de sa séance du jeudi 26 juillet 2007.

TITRE PREMIER

CHAMP D’APPLICATION

Article 1er

Définition du champ d’application de la loi

L’article premier du projet de loi dispose tout d’abord que la loi s’applique aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Cette formulation doit s’analyser à la lumière de l’engagement pris par le Président de la République, en réponse à une demande forte des Français, d’améliorer les conditions quotidiennes de déplacement des usagers des transports publics. L’objectif poursuivi dans ce projet de loi est ainsi d’éviter la paralysie des transports collectifs qu’utilisent chaque jour les salariés et l’ensemble des usagers.

Ce texte est applicable dès lors :

– au seul secteur des transports terrestres réguliers de personnes : sont donc exclues du champ de la loi les activités de fret qui sont un transport, non de personnes, mais de marchandises ; sont exclus également les transports maritimes et aériens, qui ne sont pas considérés actuellement comme réalisés de manière régulière, quotidienne ;

– dans le secteur des transports terrestres réguliers de personnes, au seul service public : ne sont donc pas concernés certains transports terrestres à caractère commercial, comme cela est souvent le cas des autocars de liaison : les activités de transport visées doivent correspondre à une demande publique, à la satisfaction d’un intérêt général reconnu par une personne publique et non commercial ;

– aux seuls transports terrestres réguliers de voyageurs à vocation non touristique : en est exclu, par exemple, le funiculaire de Montmartre, la condition d’un déplacement régulier, quotidien faisant alors défaut.

Le dispositif de service garanti proposé par le présent projet, outre qu’il ne prend pas en compte certains types ou modes de transport (fret, maritime, aérien) ne s’applique donc pas à l’ensemble des services publics et en particulier, à l’Éducation nationale ou La Poste.

L’article premier donne ensuite deux définitions : celle de l’entreprise de transport, puis celle de l’autorité organisatrice de transport (AOT).

Les acteurs du secteur des transports terrestres réguliers de voyageurs à vocation non touristique sont nombreux : État, collectivités territoriales organisatrices, partenaires sociaux, usagers, opérateurs de transport. Chacune de ces catégories est concernée par les dispositions du présent projet de loi, mais à la manière des règlements ou directives des instances de la Communauté européenne, le contenu de la notion « d’entreprise de transport » et de celle « d’autorité organisatrice de transport » fait l’objet d’une définition liminaire.

Sont concernées par le vocable d’« entreprise de transport », toutes les entreprises chargées par une collectivité publique d’une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique. Ces entreprises peuvent être gérées directement par la collectivité, donc en régie ; elles peuvent avoir aussi la forme d’établissements publics (cas de la SNCF ou de la RATP) ou de sociétés privées délégataires ou concessionnaires de services publics ; elles sont, en ce cas, liées à la collectivité publique par une convention d’exploitation.

Trois types de transports sont habituellement distingués : le transport urbain comprenant les réseaux de bus et, à Paris ou dans certaines villes de province, le métro et le tramway, le transport interurbain — qui concerne surtout le transport scolaire — et enfin le transport ferroviaire d’intérêt régional.

Les entreprises de transport ainsi définies sont d’importance variable, allant de la SNCF comptant plus de 160 000 salariés ou la RATP qui en regroupe près de 45 000 aux entreprises départementales chargées du transport scolaire qui sont nombreuses (environ 1 500), mais ne comptent parfois que quelques salariés.

Les autorités organisatrices de transport (AOT), deuxième catégorie définie par l’article 1er du projet de loi sont les différentes collectivités publiques (État, régions, départements, communes) et leurs groupements, ainsi que les établissements publics, qui sont compétents, directement ou par délégation, pour l’institution et l’organisation d’un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (dite « Loti ») a fait des transports publics de voyageurs un service public relevant de la compétence exclusive de ces collectivités. La loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation de l’énergie, puis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi dite « SRU ») ont accru ensuite les missions de ces « autorités organisatrices de transport ».

Le rôle des AOT est multiple, puisqu’elles sont chargées, dans le cadre des conventions d’exploitation conclues avec les entreprises, tout à la fois de définir l’offre de transports (horaires, fréquences, détermination des lignes et du nombre de véhicules, politique tarifaire), de financer les équipements et les infrastructures, de réglementer les activités de transport et d’en assurer le contrôle.

Lors de son examen du projet de loi, le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du gouvernement, un amendement de M. Hugues Portelli complétant l’article 1er et précisant que les services publics de transports terrestres réguliers de personnes sont essentiels à la population, car ils permettent la mise en œuvre de plusieurs principes de valeur constitutionnelle : la liberté d’aller et venir, celle du travail, du commerce et de l’industrie et le libre accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement. Les sénateurs ont ainsi entendu faire référence — dès l’article 1er et pour en souligner l’importance — à plusieurs droits et libertés également mentionnés à l’article 4 du projet de loi.

*

La commission a examiné un amendement de M. Alain Vidalies visant à supprimer cet article. M. François Brottes s’est déclaré opposé à cet article comme à l’ensemble du projet de loi, qu’il a jugé à la fois inefficace, inopportun et indécent par rapport aux règles du droit constitutionnel.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, faisant valoir l’utilité du projet de loi pour répondre aux attentes des Français, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Après l’article 1er

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Daniel Paul visant à soumettre à l’avis conforme des élus des organisations syndicales siégeant au comité d’établissement régional et à celui des représentants de l’autorité régionale organisatrice de transport concernés toute décision de supprimer des postes dans des directions régionales de la SNCF et sur les lignes régionales.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a ensuite rejeté un amendement de M. Daniel Paul prévoyant que les préfets de régions, les autorités organisatrices de transport en région, la SNCF, les organisations syndicales et les associations représentant les usagers négocient chaque année un plan de rénovation du service public ferroviaire dans chaque région d’ici janvier 2009.

Elle a également rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, un amendement du même auteur prévoyant la remise au Parlement avant le 1er janvier 2009 par le ministre des transports d’un rapport relatif aux modalités d’annulation de la dette de Réseau Ferré de France et de la SNCF.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a enfin rejeté un amendement de M. Daniel Paul prévoyant la rédaction par le Parlement, avant le 1er janvier 2008, d’un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d’exercice du droit de grève en France dans le secteur des transports terrestres de voyageurs.

TITRE II

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

Article 2

Négociation collective en vue d’organiser une procédure de prévention des conflits

Cet article a pour objet d’établir des procédures de négociation en vue d’organiser la prévention des conflits. Ces négociations doivent être engagées à la fois au niveau de l’entreprise et au niveau de la branche.

Il s’agit du premier des deux articles du titre II du projet dédié au dialogue social et à la prévention des conflits dans les entreprises de transport. L’article 2 favorise la négociation préalable à la cessation concertée du travail et constitue, de fait, le corollaire de l’article 3, qui traite la question du préavis de grève, censé à l’origine favoriser une négociation permettant d’éviter le conflit : d’une certaine manière, en créant une réelle « négociation préalable » à la grève, l’article 2 renforce la portée du préavis existant. Quant à l’article 3, en interdisant les « préavis glissants », il vise à supprimer les inconvénients nés de la pratique actuelle du préavis.

Avant de détailler les procédures créées par cet article, il convient de s’arrêter sur le choix de recourir à la loi pour favoriser la négociation collective : en s’efforçant de renforcer le dialogue social dans les entreprises de transport, le projet de loi tend, notamment, à généraliser les expériences positives qui ont été mises en œuvre à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). La loi se fait ainsi moteur de la négociation collective, comme elle l’a déjà fait dans un certain nombre de cas. En l’espèce, l’intervention de la loi est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’organiser la phase préalable à la grève et au préavis de grève, tel qu’il est lui-même défini, par la loi, à l’article L. 521-3 du code du travail.

1. La création d’une nouvelle obligation de négocier au niveau de l’entreprise

C’est l’objet de l’alinéa 1 de l’article.

Les entreprises concernées sont les « entreprises de transport », telles que mentionnées – et définies – à l’article 1er (voir supra le commentaire de cet article).

Il est prévu que dans l’ensemble de ces entreprises, « l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social ». Il importe de reprendre terme à terme les différents éléments de cette nouvelle obligation :

– Elle concerne l’employeur et les organisations syndicales représentatives.

– Les parties ainsi définies « engagent » des négociations. Il s’agit donc bien d’une obligation et comme d’habitude s’agissant de ce type de dispositions, seule la négociation est obligatoire, et non, naturellement, la conclusion d’un accord.

Toutefois, le texte précise que l’obligation porte sur une négociation en vue de « la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord ». Il est bien entendu que la date du 1er janvier 2008 n’est pas celle avant laquelle la négociation doit commencer, mais bien celle avant laquelle la conclusion de l’accord doit avoir lieu, sans quoi les dispositions d’un décret en Conseil d’État entreront en vigueur.

– L’objet de la négociation est défini par ce même alinéa : il s’agit de la négociation en vue de la signature d’un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. La notion d’accord cadre n’est pas juridiquement très définie ; elle présente cependant l’avantage de mettre l’accent sur la spécificité de ces accords : il s’agit d’accords posant les règles qui elles-mêmes serviront de cadre à la négociation d’autres accords à l’occasion d’un litige donné, dans une entreprise donnée : ils ont donc une portée méthodologique que cette expression entend souligner.

L’objet précis de l’accord – l’organisation d’une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social – ne se comprend véritablement qu’à la lecture de la deuxième phrase de cet alinéa. Celle-ci précise en effet que « dans ces entreprises, le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis, dans les conditions prévues par l’accord cadre ». D’une certaine façon, l’accord cadre a donc pour objet de fixer les conditions d’une négociation ultérieure, entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise.

Le Sénat, à la suite de l’adoption d’un amendement de la commission spéciale, a apporté la précision selon laquelle ce sont les organisations représentatives « qui envisagent de déposer le préavis », et elles seules, qui sont parties à la négociation. Comme le précise le rapport du Sénat (19), il était important d’« alléger cette procédure » en précisant que ne prendront part à la négociation préalable que la ou les organisations syndicales ayant notifié un grief à l’employeur, étant entendu que « si tous les syndicats représentatifs présents dans l’entreprise expriment une revendication commune, tous seront associés à la négociation préalable ».

Il faut toutefois noter que le gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat pour le vote de cet amendement. M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a souligné, au cours de la séance publique du mercredi 18 juillet 2007, que l’amendement était « ambigu, car une éventuelle négociation doit être conforme à la loi du 4 mai 2004, c’est-à-dire conduite après convocation de toutes les organisations représentatives ».

Cette négociation interviendra préalablement au dépôt du préavis de grève. L’élément d’antériorité par rapport au dépôt du préavis est essentiel. Conformément à l’exposé des motifs du projet de loi, le texte « repose sur l’idée qu’en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport, les grèves pourront être pour une large part évitées ». Si cette négociation intervient en amont du processus de grève, c’est pour en prévenir le déclenchement. En particulier, elle se distingue de l’obligation déjà prévue au dernier alinéa de l’article L. 521-3 du code du travail, selon laquelle « pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier ».

2. La création d’une nouvelle obligation de négocier au niveau de la branche

L’alinéa 2 de l’article 2 est relatif à la négociation établie au niveau de la branche professionnelle, sur le modèle de la négociation d’entreprise créée par l’alinéa 1 : son objet est d’« organis[er] une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social ». En pratique, les branches concernées sont celles du secteur des transports terrestres réguliers de voyageurs : la branche des transports urbains ; celle des transports interurbains ; celle des transports ferroviaires.

Le Sénat, sur proposition de la commission spéciale – et avec l’accord du gouvernement – a opportunément précisé la rédaction du texte gouvernemental de deux façons.

D’une part, il a rendu la négociation de branche obligatoire, ce qui n’était pas le cas dans le texte initial du projet de loi, selon lequel des négociations « pouvaient » être engagées au niveau de la branche. Dans son rapport, la commission spéciale a mis en avant non seulement la nécessité de respecter un certain parallélisme des formes, mais aussi l’attachement des partenaires sociaux à la négociation de branche et le fait que « la conclusion d’un accord de branche facilite la négociation ultérieure d’accords d’entreprise et permet d’égaliser les conditions de concurrence entre les entreprises du secteur ».

D’autre part, le même amendement a amélioré la rédaction de l’article en reprenant les termes utilisés pour la négociation d’entreprise.

Toutefois, l’accord de branche, contrairement à l’accord d’entreprise, n’est pas qualifié d’« accord cadre ». Autre différence de rédaction, ces accords de branche sont définis comme prévoyant des règles d’organisation ou de déroulement de la négociation préalable, telle qu’elle est mentionnée au premier alinéa. Mais les deux précisions relatives à l’organisation et au déroulement n’apparaissent pas à l’alinéa 1 concernant les accords d’entreprise et il pourrait être utile de les ajouter par voie d’amendement.

Ce même alinéa 2 dispose que les accords de branche ainsi définis ont vocation à s’appliquer dans les entreprises de transport où aucun accord cadre n’a pu être signé, selon une forme de supplétivité.

Il pose également la règle selon laquelle l’accord cadre régulièrement négocié s’applique, dès sa signature, en lieu et place de l’accord de branche.

L’alinéa 3 prévoit un mécanisme de supplétivité complémentaire, en cas d’absence non seulement d’accord d’entreprise, mais aussi d’accord de branche au 1er janvier 2008 : dans ce cas, un décret en Conseil d’État intervient pour fixer les règles d’organisation et de déroulement (selon l’expression précitée concernant la négociation de branche) de la négociation préalable.

On peut se demander pourquoi imposer dans ce seul alinéa le respect, par les règles d’organisation et de déroulement, des conditions prévues au II, alors que les accords de branche visés à l’alinéa 2 ne paraissent pas prévoir cette même clause.

Aux termes de la dernière phrase de cet alinéa, l’accord de branche ou l’accord cadre, sous la réserve qu’il a été régulièrement négocié après cette date, s’applique dès sa signature en lieu et place du décret. Cette disposition est importante dans la mesure où elle lève toute ambiguïté sur l’application des différentes normes dans le temps.

Il pourrait là aussi être utile d’apporter certaines précisions au texte proposé : on peut notamment s’interroger sur le texte applicable lorsque la négociation de l’accord de branche ou de l’accord cadre est bien intervenue avant le 1er janvier 2008 mais avec une signature postérieure. Selon les informations transmises par les services du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, les dispositions du décret s’appliquent jusqu’à l’entrée en vigueur effective de l’accord.

L’intervention d’un décret à titre supplétif, par rapport à la négociation collective, ne soulève pas de difficultés juridiques particulières. Il existe de nombreux précédents dans le code du travail. Peut-être serait-il opportun, afin de garantir la légitimité de ce décret, de prévoir une consultation préalable des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d’activité concernés.

Au total, au 1er janvier 2008, le droit applicable sera donc le suivant : un accord d’entreprise dans les entreprises ayant conclu un accord ; un accord de branche dans les entreprises dépendant de ladite branche, et n’ayant pas conclu d’accord d’entreprise ; le décret en Conseil d’État dans les entreprises dépendant d’une branche n’ayant pas conclu d’accord et n’ayant elles-mêmes pas conclu d’accord d’entreprise.

Il s’agit d’un dispositif exhaustif au service du développement du dialogue social dans les entreprises de transport, comme l’indique le tableau récapitulatif présenté ci-après.

Règles applicables en matière de prévention des conflits

aux termes de l’article 2 du projet de loi

 

… et entrant dans le champ d’application d’un accord de branche

… et non soumise à un accord de branche

Cas d’une entreprise dépourvue d’accord cadre…

Application de l’accord de branche

– Pas de dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2007

– À compter du 1er janvier 2008, application des dispositions d’un décret en Conseil d’Etat

Cas d’une entreprise soumise à un accord cadre…

Application de l’accord cadre 1

Application de l’accord cadre

1 Le projet de loi prévoit expressément le cas où l’accord cadre d’entreprise entre en application après l’accord de branche et non le cas inverse, mais l’accord cadre semble devoir s’appliquer que l’accord de branche entre en vigueur antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord cadre. Cette solution découle de la mention selon laquelle les accords de branche s’appliquent dans les entreprises où aucun accord cadre n’a pu être signé.

3. Contenu des clauses devant obligatoirement figurer dans les accords

Le paragraphe II (alinéas 4 à 11) de l’article 2 énonce les dispositions devant obligatoirement figurer dans l’accord cadre prévu au premier alinéa, mais aussi, conformément à l’alinéa 3, dans le décret en Conseil d’État, et, on peut le supposer, dans l’accord de branche éventuellement conclu en application de l’alinéa 2 du même article. Aussi sera-t-il nécessaire de préciser le texte de cet alinéa à cet effet. Conformément à l’exposé des motifs, ce paragraphe « fixe les contours de la procédure de prévention des conflits ».

Le projet de loi énumère de façon non exhaustive sept règles « d’organisation et de déroulement » minimales de la négociation préalable.

– Aux termes de l’alinéa 5, doivent figurer dans les accords les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification, à l’employeur, des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu à l’article L. 521-3 du code du travail.

– Aux termes de l’alinéa 6, doit figurer dans les accords le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’employeur réunit les organisations syndicales représentatives, étant précisé que ce délai ne peut dépasser trois jours.

Le Sénat a adopté un amendement de la commission spéciale précisant que les organisations en question sont celles qui ont procédé à la notification des motifs pour lesquels le dépôt d’un préavis est envisagé. En effet, il s’agit d’organiser une procédure la plus efficace possible, dans laquelle interviendront les seules parties au litige, par cohérence avec la modification apportée à l’alinéa 1 de cet article. Par coordination, le Sénat a adopté une même modification aux 3°, 4°, 5° et 7° du même article (alinéas 7, 8, 9 et 11). Le gouvernement, comme pour le vote de l’amendement à l’alinéa 1, s’en est remis à la sagesse du Sénat.

– Aux termes de l’alinéa 7, l’accord devra également préciser la durée dont l’employeur et les organisations syndicales représentatives disposent pour conduire la négociation préalable, cette durée ne pouvant excéder huit jours à compter de la notification. Le point de départ de la computation du délai étant la notification, il faudra donc soustraire le temps écoulé entre le délai et la première réunion, prévue à l’alinéa 6, entre l’employeur et les organisations syndicales (temps de trois jours au plus). Naturellement, l’accord peut prévoir une durée plus courte (voir en annexe un schéma récapitulant ces différents délais).

– Aux termes de l’alinéa 8, l’accord doit aussi inclure les informations devant être transmises par l’employeur aux organisations syndicales représentatives (qui ont procédé à la notification), pour favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies. Les informations « qui doivent être transmises (…) en vue de favoriser la réussite » d’une négociation dépendent évidemment des circonstances de fait et c’est précisément à l’accord qu’il reviendra de trouver des critères adéquats. Sans doute faut-il comprendre que ces informations devront permettre la communication des éléments nécessaires à une négociation en toute connaissance de cause.

– Aux termes de l’alinéa 9, les accords comprendront aussi les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives et l’employeur doit se dérouler.

– Aux termes de l’alinéa 10, les accords devront également définir les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer : par cette précision, le projet de loi entend également prendre en considération le processus de fin de négociation.

La commission Mandelkern avait tout particulièrement souligné, dans son rapport de juillet 2004 (20), la nécessité de faire obligation aux parties au conflit de « consigner par écrit, conjointement, l’objet du conflit ». Trop souvent en effet, « la grève sert (…) à établir les revendications plus que celles-ci ne conduisent à la grève ». Dans cette perspective, le rapport considère comme essentielles non seulement l’identification contradictoire et précise de l’objet de la négociation, mais aussi « l’élaboration d’un relevé de conclusions final, contradictoire, énonçant les points d’accord ou de désaccord, communiqué à tous les salariés », élément tenu par la commission pour un « minimum ».

– Dans le même esprit, l’alinéa 11 impose à l’accord de définir les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que des conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

Le dernier alinéa de l’article 2 (alinéa 12) constitue une clause de sécurisation des accords déjà existants. On ne reviendra pas ici sur la description détaillée des accords signés au sein de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) les 30 mai 1996 et 23 octobre 2001 et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) le 28 octobre 2004, sinon pour rappeler dans quelle mesure ils préfigurent – au moins partiellement – les types d’accords auxquels le présent projet de loi a vocation à donner naissance (voir pour une présentation détaillée la partie générale du rapport).

En précisant que les accords conclus dans ces deux entreprises, mais aussi plus généralement « dans les entreprises de transport » avant le 1er juillet 2007, demeurent applicables jusqu’à la conclusion de nouveaux accords – soumis aux dispositions du présent article –, cet alinéa dispense lesdites entreprises, au moins dans un premier temps, de procéder à de nouvelles négociations.

En effet, à l’initiative de la commission spéciale, le Sénat a adopté un amendement précisant que l’ensemble de ces accords seront applicables « au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2009 ». Le rapport de Mme Catherine Procaccia justifie cette limite par le souci de réintégrer l’ensemble des entreprises de transport dans le droit commun tel qu’il résultera de l’adoption du présent projet de loi. En outre, certains de ces accords étant conclus à durée indéterminée – c’est le cas de l’accord signé le 28 octobre 2004 à la SNCF –, cette disposition permet de préciser à quelle date le droit commun sera applicable. Le gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat pour le vote de cet amendement.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l’article de M. Alain Vidalies. M. François Brottes a estimé qu’il s’agit d’un article inique et inconstitutionnel, surtout dans ses derniers alinéas. Pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, il serait donc préférable de renoncer dès maintenant à ces mesures. Il s’agit simplement d’appliquer le principe de précaution…

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Roland Muzeau visant à ce que l’accord-cadre organisant la procédure de prévention des conflits soit signé par une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors de la dernière élection professionnelle de représentativité.

Le rapporteur a rappelé que la question de la règle de majorité pour la négociation des accords collectifs de travail est soumise à la discussion des partenaires sociaux et qu’il ne convient donc pas de légiférer sur ce sujet.

M. Roland Muzeau a souligné que, depuis que la loi Fillon du 4 mai 2004 a rendu les accords minoritaires possibles, la situation de la négociation sociale s’est largement dégradée dans l’entreprise. Par ailleurs, la négociation sur la représentativité des organisations syndicales n’est pas encore près d’aboutir. Enfin, aux yeux des organisations syndicales, cette question est à la fois minorée et écartée dans les discussions actuelles, notamment la discussion du présent projet de loi.

M. François Brottes a invité le rapporteur à plus de prudence. On ne peut pas soutenir qu’un article qui sanctionne l’absence de résultat en termes de dialogue social par un décret pris quelques semaines seulement après la promulgation de la loi soit particulièrement propice au développement du dialogue social.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a ensuite rejeté un amendement de M. Roland Muzeau tendant à prévoir que la procédure de prévention des conflits ne s’applique que dans le cas où les motifs du préavis sont internes à l’entreprise, liés à son fonctionnement.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a également rejeté un amendement de M. Roland Muzeau proposant que la négociation préalable prévue à l’article 2 implique l’ensemble des organisations syndicales présentes dans l’entreprise et non les seules organisations ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève.

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à harmoniser les règles prévues à l’article 2. En effet, l’article 2 prévoit l’intervention d’un accord d’entreprise ou d’un accord de branche, voire, à titre supplétif, à compter du 1er janvier 2008, d’un décret en Conseil d’État. Ces textes organiseront la mise en œuvre de la nouvelle procédure de négociation préalable qui vise à prévenir les conflits. Naturellement, il serait souhaitable que des accords puissent être signés sur cette question importante.

Pour des raisons évidentes d’harmonisation et de cohérence juridique, afin que les garanties soient les mêmes dans toutes les entreprises, il est nécessaire que le contenu minimal des règles applicables – soit le délai pour la négociation, le type d’informations à transmettre aux organisations syndicales représentatives ou les conditions d’élaboration du relevé de conclusion de la négociation préalable – soit identique dans tous ces cas.

Cet amendement le précise très clairement s’agissant des accords cadre et un autre amendement à venir en discussion le précisera pour les accords de branche.

M. François Brottes a interrogé le rapporteur sur l’articulation juridique qui prévaudra entre l’accord collectif et le décret, notamment dans le cas où un accord sera signé après la publication du décret.

Le rapporteur a rappelé que, selon les termes du troisième alinéa de l’article 2 du projet de loi, le décret en Conseil d’État ne prévaudra qu’autant qu’aucun autre accord ne sera signé. En pratique, même si un accord est signé après le 1er janvier 2008, les dispositions de celui-ci prévaudront sur celles du décret.

M. Daniel Paul s’est interrogé sur les conséquences du refus d’une des parties d’aboutir lors de la négociation, au motif, notamment, que les dispositions du décret lui seraient plus favorables, les auditions ayant en effet montré que ce cas de figure peut se poser.

M. Roland Muzeau a rappelé qu’en tout état de cause, cet article s’inscrit dans la logique de la loi Fillon du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Le rapporteur a estimé que, le dialogue social étant toujours préférable à une décision unilatérale, il ne fait aucun doute que l’ensemble des parties préférera négocier.

La commission a adopté l’amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Roland Muzeau visant à affirmer la compatibilité des dispositions de l’article L. 521-3 du code du travail relatives au préavis de grève et celles de l’article 2.

Le rapporteur s’est félicité que cet amendement atteste de la bonne compréhension et de l’adhésion au projet proposé. Favorable sur le principe, il a suggéré à M. Roland Muzeau une rectification de forme, pour éviter que l’amendement ne devienne sans objet au cours de la discussion en séance publique, en cas d’adoption de l’amendement précédent.

M. Daniel Paul s’est interrogé sur les conséquences de cette modification sur l’applicabilité du délai de préavis prévalant aujourd’hui.

M. Roland Muzeau a préféré retirer son amendement afin de le présenter ultérieurement dans une rédaction plus satisfaisante.

Après avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Roland Muzeau visant, d’une part, à ce que les accords de branche organisant la procédure de prévention des conflits fassent l’objet d’une majorité d’engagement – en une démarche voisine de celle d’un amendement précédemment défendu – et, d’autre part, à ce que ces mêmes accords n’interviennent pas à titre supplétif dans les entreprises dépourvues d’accord-cadre.

La commission a adopté un amendement du rapporteur destiné à soumettre les accords de branche relatifs à la négociation préalable aux dispositions du II de l’article 2, qui détaillent le contenu minimal des accords.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté un amendement de M. Roland Muzeau visant à supprimer le troisième alinéa de l’article 2, au motif qu’il n’appartient pas au pouvoir règlementaire de définir les modalités de la négociation préalable au dépôt d’un préavis de grève.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur précisant que le décret en Conseil d’État prévu à l’alinéa 3 de l’article 2 sera pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d’activité concernés.

Le rapporteur a fait valoir que le projet de loi traite de la question de la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs mais aussi et d’abord de dialogue social. Aussi est-il important que, même lorsque la négociation collective s’est soldée par un échec, les organisations syndicales puissent, autant que faire se peut, être associées à l’édiction des règles d’organisation de la négociation préalable qui seront fixées par décret.

M. Daniel Paul a estimé qu’il s’agit d’un « minimum syndical ».

La commission a adopté l’amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que non seulement l’accord-cadre, mais aussi l’accord de branche et le décret en Conseil d’État, comporteront des dispositions identiques minimales relatives à la procédure de prévention des conflits.

Le président Hervé Mariton et Mme  Muriel Marland-Militello ont fait remarquer qu’il n’est pas certain qu’un décret en Conseil d’État soit nécessaire si les négociations collectives aboutissent.

M. François Brottes a suggéré de faire précéder la référence au décret en Conseil d’État de la mention : « , le cas échéant, ».

Le rapporteur a accepté de rectifier son amendement dans ce sens.

La commission a adopté l’amendement ainsi rectifié.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté, par coordination avec le vote sur un amendement précédent, un amendement présenté par M. Roland Muzeau visant à supprimer la référence aux seules organisations syndicales qui ont procédé à la notification dans la désignation des parties à la négociation préalable.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle a rejeté un amendement de M. Roland Muzeau visant à rendre possible le dépôt d’un préavis de grève avant l’expiration de la durée prévue pour la négociation préalable, en cas de carence ou d’échec de la négociation.

Elle a enfin, suivant l’avis défavorable du rapporteur, rejeté un amendement de M. Roland Muzeau prévoyant que l’accord-cadre devra préciser notamment les conditions dans lesquelles les retenues de traitement ou de salaires pourront être opérées.

La commission a examiné un amendement du rapporteur ayant pour objet de préciser que les procédures de prévention des conflits existant à la RATP et à la SNCF devront être mises en conformité avec les dispositions de l’article 2 du projet de loi, par voie d’avenant, au plus tard le 1er janvier 2008.

Le rapporteur a précisé que cet amendement permet de ne pas obliger la SNCF et la RATP à renégocier l’ensemble de leurs accords, comme ce serait le cas si le projet de loi était adopté en l’état. En effet, leurs accords portent sur le dialogue social en général et la procédure de prévention des conflits n’en constitue qu’une partie. Dans le même temps, comme l’ensemble des autres entreprises, la SNCF et la RATP se mettront en conformité avec l’article 2 de la loi : il n’y a pas de raisons qu’un délai supplémentaire leur soit accordé.

La commission a adopté l’amendement.

Un amendement de M. Roland Muzeau tendant à ne pas contraindre la RATP et la SNCF à renégocier leurs accords dans des délais trop courts est devenu sans objet.

Puis la commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Conditions de dépôt de préavis préalables à la cessation concertée du travail

Cet article précise les conditions dans lesquelles un nouveau préavis peut être déposé par une organisation syndicale, après le dépôt d’un premier préavis en application de l’article L. 521-3 du code du travail. Avant d’exposer le détail du dispositif proposé, il est nécessaire de revenir sur quelques éléments de contexte, tant juridiques que factuels.

1. Le problème posé

a) La notion juridique de préavis

Cet article, adopté sans modifications par le Sénat, vise, conformément à l’exposé des motifs du projet de loi, à interdire « la pratique dite des « préavis glissants », qui est de nature à perturber gravement le fonctionnement du service public ».

Le constat est en effet bien connu, selon lequel le préavis ne tiendrait pas toutes ses promesses et serait, selon l’expression d’un rapport parlementaire remontant déjà à près de dix ans, « détourné » (21).

Le régime du préavis a été fixé dans l’article L. 521-3 du code du travail par la loi du 31 juillet 1963 relative aux modalités de la grève dans les services publics. Il y est défini de façon quelque peu ambiguë.

En effet, le préavis est l’« avertissement que la partie qui prend l’initiative d’une rupture de contrat est tenue de donner à l’autre partie dans un délai et des conditions déterminées », selon la définition qu’en donne le dictionnaire Robert. Autrement dit, conformément à sa première acception juridique, il s’agit d’une information délivrée à un moment déterminé.

De fait, la définition de l’article L. 521-3 vise à la fois la notion d’information et la référence au document matériel qui contient cette information : aux termes du premier alinéa de cet article, la cessation concertée du travail doit être précédée d’un préavis ; mais selon les troisième et quatrième alinéas, le préavis précise les motifs du recours à la grève, doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’entreprise, et fixe le lieu, la date et l’heure du début, ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée.

Le préavis ainsi défini doit assurer l’information des usagers et favoriser l’organisation des entreprises pour la période de grève à venir. C’est pourquoi ce document doit être transmis au moins cinq jours avant la cessation concertée du travail.

La loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 a complété cet article L. 521-3 par un nouvel alinéa aux termes duquel « pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier ». Il convient de noter que le préavis n’est plus alors une information ou un document, mais une période de temps s’ouvrant avec l’information relative à l’intention de faire grève et s’achevant avec le début de celle-ci. On retrouve une autre définition du préavis, très présente en droit du travail, celle du délai à respecter avant l’accomplissement d’une formalité (licenciement, démission, …). Au cours de cette période, les parties doivent négocier et, le cas échéant, éviter le conflit.

b) Une pratique détournée

Force est de constater que, selon l’expression du rapport Mandelkern précité, « trop souvent le préavis n’était entendu que comme une période d’attente où chacun reste sur ses gardes dans l’attente de « l’épreuve de vérité » que constituera la grève ». Le rapport poursuit : « Par ailleurs, les syndicats adoptent la tactique dite des préavis « glissants » consistant à déposer quotidiennement des préavis successifs afin de pouvoir déclencher des grèves qui, si elles sont formellement régulières, n’en sont pas moins des grèves surprises. Cette technique est incompatible avec l’idée de négociation puisque cela revient à permettre de dénaturer le principe du délai et à permettre de rompre à tout moment les éventuelles discussions ».

De fait, la jurisprudence considère que le silence de l’administration après le dépôt d’un préavis ne fait naître aucune décision implicite de rejet : rien n’oblige l’administration à répondre au dépôt d’un préavis (Conseil d’État, Fédération nationale des syndicats libres des PTT, 31 octobre 1986).

En outre, aucune disposition légale n’interdit à une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de présenter chacune un préavis de grève prévoyant une date de cessation de travail différente, conformément à une jurisprudence de la Cour de cassation en date du 4 février 2004 (Syndicat SSE-CFDT Connex-Bordeaux c. Société Connex-Bordeaux SA et autres).

Il reste que le tribunal de grande instance de Paris, dans un arrêt du 17 juin 1997, a estimé illicites des préavis répétitifs réalisant un préavis permanent rendant la grève possible à tout moment.

Ainsi, aucune solution jurisprudentielle ne semble jusqu’à présent s’être imposée de manière définitive en cette matière.

Au total, le constat établi par la commission présidée par M. Dieudonné Mandelkern résume ce qui doit bien être analysé comme un échec :

« Ce préavis ne semble plus répondre aujourd’hui aux objectifs qui avaient justifié sa création. Selon les entreprises, une fraction importante de ce délai ne sert qu’à tenter d’organiser le service qui pourra être assuré au vu des moyens disponibles au moment de la grève. L’ampleur de la tâche, qui, au surplus, repose sur l’hypothèse que la grève aura lieu et connaîtra un taux de participation suffisant pour perturber le service, ne place pas l’entreprise en situation de négocier au fond comme si la grève était encore évitable. Pour leur part, les organisations syndicales ne perçoivent pas non plus, sauf exception, cette période comme toujours propice à des négociations constructives, puisque la direction gère les conséquences prévisibles de leur échec. Plus généralement, l’annonce, sinon le dépôt d’un préavis, étant souvent opérée longtemps avant le terme légal, on observe que les cinq jours prévus ne donnent lieu, au mieux, qu’à l’établissement formel d’un désaccord. Au pire, ils ne sont qu’un moment de silence avant l’orage ».

2. Le dispositif proposé

Le dispositif proposé par l’article 3 traite la question du dépôt successif des préavis. Désormais, un préavis ne pourra être suivi du dépôt d’un autre préavis que si deux délais sont expirés.

– D’une part, un nouveau préavis ne pourra être déposé pour les mêmes motifs avant l’échéance du préavis en cours.

Cette solution n’est pas sans rappeler celle retenue dans le secteur de l’audiovisuel par l’article 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui a prévu qu’en cas de cessation concertée du travail, notamment dans les sociétés nationales de programme, un nouveau préavis ne peut être déposé par la même organisation syndicale qu’à l’issue du délai de préavis initial et, éventuellement, de la grève qui a suivi ce dernier.

Cette règle n’empêchera toutefois pas deux syndicats différents de déposer successivement, sans conditions de délai, deux préavis différents, non plus qu’un seul syndicat de déposer successivement et sans conditions de délai deux préavis pour des motifs distincts.

Juridiquement, la référence à l’« échéance » du préavis n’est peut-être pas très précise, dans la mesure où le préavis est avant tout, comme on l’a vu, une information délivrée à un instant donné : peut-être serait-il plus juste de retenir l’expression figurant dans la loi du 30 septembre 1986, du « délai » du préavis.

– D’autre part, un nouveau préavis ne pourra être déposé pour les mêmes motifs avant que la procédure prévue à l’article 2, autrement dit la procédure de négociation préalable, n’ait été mise en œuvre.

On peut se demander si cette deuxième condition est vraiment nécessaire : elle ne semble pas avoir de réelle valeur normative, dès lors que le dépôt d’un préavis ne pourra plus intervenir, aux termes du nouveau dispositif établi par l’article 2, sans la mise en œuvre de la négociation préalable (que celle-ci résulte de l’application d’un accord, d’entreprise ou de branche, ou alors d’un décret). Mais elle présente l’avantage de faire apparaître le lien entre les deux procédures prévues aux articles 2 et 3.

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l’article présentés par M. Roland Muzeau et par M. Alain Vidalies.

M. Roland Muzeau a expliqué que l’effet conjugué des articles 2 et 3 du projet de loi conduit à imposer un délai trop long entre la notification du premier préavis et le dépôt d’un éventuel second préavis. La longueur de ce délai constitue une atteinte à l’exercice du droit de grève.

M. François Brottes a également estimé que l’article 3 constitue une restriction supplémentaire au droit de grève en interdisant la pratique des préavis dits « glissants ». Il risque d’inciter des directions d’entreprise à s’affranchir de leur obligation de négocier réellement sur les causes de la situation conflictuelle pour arriver à un accord dans le seul but d’éviter la grève, la menace d’un nouveau préavis de grève ne pouvant intervenir de fait qu’après un délai de 13 jours à l’issue du premier préavis de grève.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté les amendements.

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que lorsqu’un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 521-3 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par les mêmes organisations et pour les mêmes motifs « qu’à l’issue du délai » du préavis en cours alors que le projet de loi fait référence à l’expression, juridiquement peu précise, de « l’échéance » du préavis.

La commission a adopté l’article 3 ainsi modifié.

TITRE III

ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE OU AUTRE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC

Le Sénat a adopté un amendement rectifié présenté par Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale, modifiant l’intitulé du titre III, afin de ne plus mettre en relief la grève, qui ne constitue qu’un type de perturbation, à côté des autres difficultés prévisibles du trafic.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à rétablir l’intitulé initial du Titre III : « Organisation de la continuité du service public en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic ».

Article 4

Dessertes prioritaires, plan de transport adapté
et plan d’information des usagers

Cet article a pour objet de définir les dessertes prioritaires ainsi que l’élaboration d’un plan de transport adapté (PTA) permettant d’assurer ces dessertes en cas de perturbation prévisible du trafic ; il prévoit également la définition d’un plan d’information des usagers (PIU). L’ensemble de ce dispositif doit permettre d’organiser un trafic réduit, mais prévisible, conformément aux objectifs essentiels du projet de loi.

Le paragraphe I de l’article 4 précise les modalités selon lesquelles les autorités organisatrices de transport (AOT) doivent prévoir des dessertes prioritaires.

Le premier alinéa précise que les AOT définissent des dessertes prioritaires, de façon à permettre les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d’autre perturbation prévisible du trafic.

Cette définition s’opère après consultation des représentants des usagers. M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des affaires sociales et de la solidarité a précisé que la notion d’usagers ne visait pas les seules associations d’usagers des transports publics, mais aussi d’autres organismes, tels que les comités de lignes ou les conseils économiques et sociaux régionaux.

Les alinéas suivants du paragraphe I visent, parmi les dessertes prioritaires devant être assurées, celles qui correspondent à « un besoin essentiel de la population ». La définition de cette sous-catégorie de dessertes est établie elle aussi par les autorités organisatrices de transport qui fixent notamment les fréquences et plages horaires qui doivent être respectées.

Cette démarche des AOT doit permettre, en cas de grève des salariés des entreprises de transport, qu’il ne soit pas porté une atteinte disproportionnée à plusieurs libertés essentielles, auxquelles le Conseil Constitutionnel a reconnu, comme au droit de grève, valeur constitutionnelle :

– la liberté d’aller et venir ;

– l’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ;

– la liberté du travail ;

– la liberté du commerce et de l’industrie.

Le dernier alinéa du paragraphe I dispose enfin que les priorités ainsi arrêtées par l’AOT sont rendues publiques.

Ce premier paragraphe correspond bien à l’esprit même du projet de loi, qui est de fixer des dessertes particulièrement importantes correspondant aux déplacements quotidiens de la population, en retenir certaines qui répondent à des besoins essentiels, ces mesures devant permettre de concilier le droit de grève, qui a valeur constitutionnelle, avec certains autres droits et libertés de même valeur juridique.

Pour assurer le bon fonctionnement des dessertes ainsi définies, le paragraphe II de l’article 4 prévoit que les entreprises de transport chargées d’élaborer un plan de transport adapté (PTA) doivent indiquer les différents niveaux de service à assurer, avec le détail des horaires et des fréquences. Les entreprises de transport doivent également définir un plan d’information des usagers (PIU).

Pour l’élaboration de ces deux plans, plan de transport et plan d’information, les entreprises de transport doivent consulter les institutions représentatives du personnel ; elles doivent soumettre également les plans à l’approbation des AOT.

Le paragraphe III dispose ensuite que les conventions d’exploitation qui seront conclues entre les AOT et les entreprises de transport après l’entrée en vigueur de la loi devront intégrer le PTA et le PIU ainsi définis et que les conventions d’exploitation en cours devront être révisées à cette fin au plus tard le 1er janvier 2008.

Le paragraphe IV prévoit enfin que le représentant de l’État a la faculté, en cas de carence de l’AOT et après une mise en demeure restée infructueuse, d’arrêter lui-même les priorités de desserte.

Le Sénat a modifié substantiellement le dispositif de l’article 4 du projet de loi sur la base d’un amendement de réécriture globale de cet article, présenté par la commission spéciale.

Il a en premier lieu précisé la définition des « perturbations prévisibles », en indiquant que sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent de grèves, mais aussi d’incidents techniques ou d’aléas climatiques — dès lors que s’est écoulé un délai de trente-six heures depuis la survenance de l’incident technique ou le déclenchement d’une alerte météorologique — et enfin, de tout événement dont l’existence a été portée à la connaissance de l’entreprise de transport par les services de l’État, par l’AOT ou par le gestionnaire de l’infrastructure depuis trente-six heures.

Tout en maintenant, par l’adoption d’un sous-amendement du gouvernement, la notion globale de « desserte prioritaire correspondant à un besoin essentiel de la population », le Sénat a souhaité prévoir plusieurs niveaux de service minimum en fonction de l’importance de la perturbation. Il a voulu préciser ensuite, en adoptant un sous-amendement de M. Charles Revet, que la consultation des représentants des usagers préalable à la définition par les AOT des dessertes prioritaires ne peut se faire, que s’il existe une ou plusieurs structures représentatives, afin de tenir compte des réalités locales, les grandes associations de consommateurs ne pouvant se substituer à elles, faute de connaître la situation sur le terrain.

Le texte adopté par le Sénat complète également la liste des droits et libertés auxquels il ne doit pas être porté une atteinte disproportionnée (la liberté d’aller et venir, le libre accès aux services publics, la liberté du travail et celle du commerce et de l’industrie) par une référence à l’organisation des transports scolaires et par la nécessité de garantir l’accès au service public d’enseignement les jours d’examens nationaux. Sont visés le brevet national des collèges et le baccalauréat, qui s’étendent sur une période de vingt à vingt-cinq jours par an.

Les sénateurs ont considéré, en effet, qu’un intérêt général s’attachait à ce qu’un élève puisse participer à un examen national en dépit d’une grève des transports publics. Une telle limitation de l’exercice du droit de grève lui est apparue légitime et conforme à la Constitution.

S’agissant enfin du rôle du représentant de l’État, le Sénat a précisé qu’il doit être informé aux différents stades du processus prévu par l’article 4 et qu’il se substitue aux AOT, en cas de carence, non seulement pour définir les dessertes prioritaires, mais aussi pour approuver les plans des entreprises de transport.

*

La commission a examiné deux amendements identiques présentés, d’une part par M. Roland Muzeau, d’autre part, par M. Alain Vidalies visant à supprimer l’article 4.

M. François Brottes a souligné que l’article 4 portait atteinte à un principe de valeur constitutionnelle, car il méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales. En effet, la loi ne saurait imposer la responsabilité aux autorités organisatrices de transports de déterminer le niveau minimal de service en fonction de l’importance des perturbations, alors qu’elles ne sont pas chargées de la gestion des moyens de transport et des moyens en personnel. La liberté contractuelle des autorités organisatrices de transport est remise en cause par l’article 4, alors que, dans le cadre des conventions d’exploitation avec les entreprises de transport, des plans de prévisibilité du trafic ont déjà été définis comme, par exemple, avec la SNCF.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté ces amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à supprimer une référence introduite par le Sénat et qui pourrait conduire à empêcher la consultation des représentants des usagers au sujet de la définition des dessertes prioritaires par l’autorité organisatrice de transport.

Un débat s’est engagé à la suite d’une question posée par M. Roland Muzeau sur les critères de représentativité des associations d’usagers. M. Yanick Paternotte a expliqué que plusieurs associations d’usagers des transports siégeaient au conseil d’administration du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), la plupart de ces associations étant adhérentes de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). Le rapporteur a estimé que la consultation des usagers prévue par l’article 4 pouvait viser le Conseil économique et social régional. M. Jean-Frédéric Poisson a fait remarquer que les associations d’usagers siégeaient également au sein des comités de ligne mis en place par la RATP.

Le président Hervé Mariton, tout en reconnaissant qu’il n’existait pas de critère juridiquement définis de la représentativité des associations d’usagers, a indiqué qu’il était possible de juger de l’audience des associations en cause. Il lui a paru préférable de supprimer du texte de loi l’expression « dès lors qu’existent une ou plusieurs structures représentatives », les critères de représentativité n’étant pas juridiquement définis, l’essentiel étant que le projet de loi garantisse une consultation des usagers avant la définition des dessertes prioritaires.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur.

La commission a ensuite adopté un amendement du président Hervé Mariton visant à rétablir le texte initial du projet de loi, s’agissant de la définition par les autorités organisatrices de transport des dessertes prioritaires, alors que la rédaction adoptée par le Sénat proposait une définition trop restrictive de ces dessertes. Le président Hervé Mariton a estimé qu’il convient de laisser une marge d’appréciation à l’autorité organisatrice sur ce qui doit être considéré comme desserte prioritaire, même s’il ne s’agit pas des déplacements quotidiens de la population.

La commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Yanick Paternotte visant à prévoir, qu’en cas d’incident ou de mouvement de grève, les représentants des collectivités publiques sont informés de l’ampleur des plans de desserte et des horaires qui sont maintenus. M. Yanick Paternotte a expliqué que les maires doivent être informés le plus rapidement possible de ces perturbations, afin de pouvoir mettre en place certains services de substitution. Un débat s’est engagé entre les commissaires sur le point de savoir quelles étaient les collectivités publiques concernées et dans quels délais cette information devait être faite.

Le président Hervé Mariton a expliqué qu’il fallait bien distinguer le cas de la définition des dessertes prioritaires qui fera l’objet d’une publication, ce qui rend inutile de prévoir une information spécifique des maires, du cas de l’incident qui interrompt le trafic et pour lequel il faut prévoir une modalité d’information des autorités publiques.

Après les interventions de MM. Jean-Frédéric Poisson, Michel Grall et Xavier Breton, qui ont insisté sur la nécessité d’une information directe et préalable, et de M. François Brottes, qui s’est interrogé sur la portée réelle de l’amendement, le président Hervé Mariton a proposé d’adopter l’amendement de M. Yanick Paternotte, tout en suggérant à ce dernier d’en préciser la rédaction en vue de la réunion de la commission tenue en application de l’article 88 du Règlement.

Suivant l’avis du Président, la commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur tendant à ajouter les perturbations résultant de plans de travaux à la liste de celles qui sont réputées prévisibles.

Puis elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Yanick Paternotte prévoyant, qu’en zone urbaine dense, une astreinte de service public est organisée par l’entreprise de transport sur les dessertes prioritaires durant les périodes de pointe du matin, soit entre 6 heures et 9 heures et les périodes de pointe du soir, soit entre 17 heures et 20 heures.

M. Yanick Paternotte a expliqué, qu’en zone urbaine dense, le service minimum est surtout nécessaire aux heures de pointe, pour assurer le transport des personnes entre leur domicile et leur lieu de travail, ce qui suppose un service égal ou supérieur à 50 % du service normal.

Le rapporteur s’est déclaré défavorable à cet amendement, soulignant que son application supposerait la réquisition du personnel des entreprises de transport concernées, ce qui irait à l’encontre des orientations générales du projet de loi, qui mise sur le dialogue social pour assurer un service minimum dans les transports.

M. Yanick Paternotte a retiré son amendement.

M. François Brottes s’est félicité de la réponse du rapporteur qui montre bien que ce projet de loi n’institue pas à proprement parler de « service minimum » dans les transports, puisqu’il ne prévoit pas de dispositif d’astreinte, dont la constitutionnalité mériterait d’ailleurs un examen approfondi.

Le président Hervé Mariton a répondu que, même sans dispositif d’astreinte, les dispositions de ce projet de loi suffiraient à assurer un niveau minimal de service dans les transports en cas de grève et, qu’en tout état de cause, un tel dispositif ne lui semblerait pas contraire à la Constitution.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur et de Mme Muriel Marland-Militello prévoyant que le niveau minimal de service prend en compte les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite.

Mme Muriel Marland-Militello a souligné la nécessité de prendre en compte dans la loi la situation particulièrement difficile des personnes handicapées.

M. Daniel Paul a souhaité qu’un sous-amendement précise que les personnes à mobilité réduite doivent être transportées dans des véhicules adaptés à leur handicap. Le rapporteur a jugé la rédaction de son amendement suffisamment large pour répondre aux préoccupations exprimées par M. Christian Paul.

M. Philippe Gosselin a jugé utile que le dispositif de cet amendement intègre les besoins particuliers des personnes qui ont une mobilité réduite, sans pour autant être en situation de handicap, comme c’est le cas par exemple des personnes âgées.

La commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur précisant que l’intervention de l’entreprise de transport dans les plages horaires et les fréquences à assurer pour chaque niveau de service se fait dans le cadre fixé par l’autorité organisatrice de transport.

Un amendement similaire ayant déjà été examiné, M. Yanick Paternotte a retiré un amendement qui prévoit que les représentants des collectivités territoriales sont informés des plans de desserte et des horaires qui sont maintenus.

Enfin, la commission a examiné un amendement du président Hervé Mariton prévoyant que les conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport sont rendues publiques.

Le président Hervé Mariton a expliqué que cet amendement vise à assurer la publicité des plans de transport et des plans d’information des usagers qui doivent être intégrés dans ces conventions, rappelant que lorsque l’autorité organisatrice de transport n’est pas une collectivité territoriale, les conventions ne sont pas approuvées par une délibération publique et, par conséquent, pas toujours rendues publiques. M. Yanick Paternotte a indiqué que c’est notamment le cas de celles que l’État passe avec certaines entreprises de transport.

M. Michel Destot a jugé que le dispositif de cet amendement pourrait contraindre les entreprises de transport à diffuser les clauses de ces conventions qui relèvent du secret commercial, ce qui compliquerait pour elles la négociation d’autres contrats, notamment à l’étranger. M. Jean-Frédéric Poisson a alors proposé que l’obligation de publication prévue par cet amendement soit restreinte aux seuls plans de transport et plans d’information des usagers. Le président Hervé Mariton a accepté cette modification.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté l’amendement ainsi modifié.

Puis elle a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

Mesures tendant à assurer la prévisibilité du service

Cet article a un double objet. D’une part, il impose aux entreprises de transport d’engager des négociations en vue de la signature d’un accord de prévisibilité du service applicable en cas de grève ou d’autre perturbation prévisible du trafic. D’autre part, il prévoit « d’imposer aux salariés dont la présence détermine directement l’offre de service d’informer préalablement l’entreprise de leur intention de participer à un mouvement de grève », selon l’expression de l’exposé des motifs du projet de loi.

Ces deux mesures, comme les précédentes, sont en partie inspirées par les conclusions du rapport de M. Dieudonné Mandelkern de 2004. Il s’agit, après avoir favorisé la prévention des grèves (articles 2 et 3 du projet de loi), dans un second temps et alors que la grève va avoir lieu, d’assurer la prévisibilité du service. De ce point de vue, cet article ne se comprend entièrement qu’associé à l’article 4 relatif à l’établissement de priorités de dessertes, d’un plan de transport adapté – PTA – et d’un plan d’information des usagers – PIU – (voir supra le commentaire de cet article).

1. La négociation d’entreprise sur la prévisibilité du service

Le rapport Mandelkern est revenu sur le constat selon lequel c’est moins
– en règle générale – la réduction du service qui crée une gêne, que sa disparition totale, beaucoup plus rare. La principale difficulté résiderait dans l’incertitude affectant les conditions de déplacement. C’est ce qui fonde les préconisations du rapport en matière d’élaboration de plans de desserte. Mais le rapport pointe aussi la fiabilité inégale et aléatoire de la qualité de l’information préalable des utilisateurs ainsi que le problème de l’accès à l’information.

L’objet du présent article est de prévoir une négociation d’entreprise destinée à remédier à ces inconvénients. « Il s’agit de faire en sorte que les entreprises organisent rapidement et au mieux le service qu’elles sont en mesure de proposer aux usagers des transports publics en cas de grève ou d’autre perturbation prévisible du trafic », selon l’exposé des motifs.

L’alinéa 1 de l’article 5 fait obligation aux employeurs et aux organisations syndicales représentatives des entreprises de transport d’« engage[r] des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève ».

Le choix a été fait de mettre en œuvre la négociation au niveau de l’entreprise de transport et non à celui de la branche ou de l’autorité organisatrice de transport, les entreprises étant les mieux à même d’apprécier les éléments de terrain à prendre en compte dans un accord de prévisibilité. Ce sont d’ailleurs ces mêmes entreprises qui définissent, aux termes de l’article 4 du projet de loi, le plan de transport adapté et le plan d’information des usagers.

En outre, un tel accord est applicable en cas de grève mais aussi à l’occasion de toute autre perturbation prévisible du trafic.

Les alinéas 2 et 3 de l’article définissent le contenu de l’accord de prévisibilité et constituent ainsi des éléments d’accompagnement de la négociation collective de deux ordres :

– aux termes de l’alinéa 2, l’accord doit établir un diagnostic des moyens nécessaires à la mise en œuvre du plan de transport adapté, tel que décrit à l’article 4. L’accord de prévisibilité du service devra d’abord recenser les catégories d’agents et les effectifs nécessaires à la mise en œuvre du plan de transport adapté, étant précisé que ce recensement doit être affiné en fonction des métiers, fonctions et niveaux de compétence ou de qualification. En outre, cet accord devra recenser les moyens matériels indispensables. Il peut s’agir d’informations très concrètes comme, par exemple, l’existence de rames à double niveau pour certains trains, ou le nombre de wagons pouvant être ajoutés en fonction d’une certaine longueur de quai, autant d’éléments dont l’importance sera déterminante pour la mise en œuvre du plan de transport adapté.

Grâce à un amendement adopté à l’initiative de la commission spéciale avec l’accord du gouvernement, le Sénat a opportunément précisé que le respect des règles de sécurité en vigueur s’applique à l’ensemble des moyens – matériels ou humains – indispensables à l’exécution du service prévu dans le plan de transport adapté.

Par le même amendement –  précisé sur ce point par un sous-amendement de M. Hubert Haenel –, le Sénat a souhaité insister sur le fait que tous les niveaux de services prévus dans le plan de transport adapté doivent être pris en considération. Ainsi est assurée la coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 4 selon laquelle, pour assurer les dessertes prioritaires, l’autorité organisatrice de transport peut déterminer différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation (voir le commentaire de l’article 4).

Peut-être conviendrait-il de préciser la référence aux « règles de sécurité en vigueur », de façon à mentionner expressément qu’il s’agit des règles applicables dans l’entreprise, devant par conséquent être appréciées selon les différents cas d’espèce.

– Outre les éléments de diagnostic sur les moyens indispensables à mettre en place en cas de perturbation, l’alinéa 3 de l’article 4 précise les conditions dans lesquelles sera révisée l’organisation du travail, à partir des moyens ainsi recensés.

À l’initiative de la commission spéciale, et avec l’accord du gouvernement, cet alinéa a été réécrit non seulement par cohérence avec modifications apportées à l’article 4 mais aussi pour préciser que les personnes faisant l’objet d’une réaffectation sont les personnels disponibles et non des personnels non grévistes comme l’indiquait le projet de loi initial. Cette modification est conforme à la démarche d’ensemble consistant à prendre en considération toute perturbation prévisible du trafic.

La question de la réaffectation des personnels est essentielle, dans la mesure où celle-ci va permettre la mise en œuvre du plan de transport adapté. L’objectif est en effet à la fois d’assurer une présence effective des personnels, et de préciser, en pratique, quelle sera la teneur du plan de transport adapté.

La construction de l’article 5 doit être comprise dans son ensemble et compte tenu de l’économie de tout le projet de loi. Trois éléments vont de pair : la présence de salariés indispensables à l’exécution des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté ; le plan lui-même ; et l’information des usagers, telle qu’elle pourra être assurée aux termes de l’article 7 du projet de loi. Ces trois éléments sont nécessaires à la mise en œuvre d’un service réduit mais prévisible.

L’alinéa 4 n’a pas été modifié par le Sénat. Il s’agit d’une clause destinée à garantir la mise en œuvre d’un plan de prévisibilité en l’absence d’accord d’entreprise. Dans ce cas, c’est « l’entreprise » (mais il serait plus clair de dire l’employeur et un amendement sera proposé à cet effet) qui définit un « plan de prévisibilité ». Ce même alinéa précise que le plan, ou l’accord, est notifié au représentant de l’État et à l’autorité organisatrice de transport.

Le souci de prévoir une solution supplétive en cas d’échec de la négociation doit être salué, mais il serait opportun d’en préciser les conditions de mise en œuvre en prévoyant à partir de quel moment exactement le plan est défini par l’employeur : vraisemblablement, le délai évoqué à l’alinéa 1, c’est-à-dire la date du 1er janvier 2008.

2. L’information préalable sur l’intention de participer à la grève

Cette deuxième mesure figure aux alinéas 5 et 6 (paragraphe II) de l’article 5. Il s’agit, conformément à l’exposé des motifs du projet de loi, « d’imposer aux salariés dont la présence détermine directement l’offre de service d’informer préalablement l’entreprise de leur intention de participer à un mouvement de grève ».

Cette mesure est, notamment, inspirée du rapport Mandelkern précité, selon lequel la fiabilité inégale et aléatoire de la qualité de l’information préalable justifie la création d’un dispositif de « déclaration préalable d’intention de participation à la grève » pour les salariés dont la présence détermine le niveau de l’offre de transports.

Tel est également l’esprit de la présente disposition. Comme l’indiquait la rédaction initiale du projet de loi, l’information préalable par les salariés de leur intention de participer à la grève est destinée à « permettre à l’entreprise d’établir et de rendre public le niveau de service assuré en cas de grève ». C’est pourquoi cette disposition – comme la précédente relative aux accords d’entreprise sur la prévisibilité – ne peut se comprendre indépendamment de l’ensemble des mesures prévues par le présent article (à commencer par l’établissement de l’accord de prévisibilité et la possibilité de la réaffectation des salariés non grévistes), et même de l’ensemble du projet de loi (en particulier le droit à l’information des usagers au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation, tel que défini à l’article 7).

Le dispositif proposé est le suivant : en cas de grève, les salariés relevant des catégories d’agents mentionnés au I – à savoir les personnels indispensables à l’exécution des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté – informent, au plus tard quarante-huit heures avant l’heure mentionnée dans le préavis pour le début de la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer.

À l’initiative de la commission spéciale, le Sénat a apporté – le gouvernement s’en étant remis à sa sagesse pour le vote de l’amendement – quelques précisions au texte initial et a clarifié la rédaction en soulignant que le délai de quarante-huit heures est décompté avant l’heure mentionnée dans le préavis pour le début de la grève et non pas seulement « avant le début de la grève ».

Un certain nombre d’éléments encadrent cette procédure :

– les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève ;

– ces informations sont couvertes par le secret professionnel ;

– l’utilisation de ces informations à d’autres fins, ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par le chef d’entreprise comme étant chargées de l’organisation du service, est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. Il s’agit de l’article prévoyant, de manière générale, que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Enfin, aux termes de l’alinéa 6 de cet article, le salarié qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions mentionnées ci-dessus (prévues à l’alinéa 5 de ce même article) est passible d’une sanction disciplinaire.

*

La commission a examiné un amendement de suppression de l’article de M. Alain Vidalies.

M. François Brottes a indiqué que cet amendement permet d’éviter d’ouvrir une porte à tous les chantages et atteintes aux libertés individuelles au sein de l’entreprise.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite adopté trois amendements de précision du rapporteur :

– l’un tendant à la prise en compte des règles de sécurité applicables dans chaque entreprise ;

– l’autre précisant que la date à partir de laquelle peut être défini un plan de prévisibilité en cas d’échec des négociations sur l’accord collectif de prévisibilité est bien celle du 1er janvier 2008 ;

– le dernier définissant l’employeur comme l’auteur dudit plan.

Puis la commission a examiné un amendement du rapporteur visant, dans l’hypothèse où un accord collectif de prévisibilité serait conclu dans l’entreprise après le 1er janvier 2008, à rendre ce dernier applicable en lieu et place du plan de prévisibilité défini par l’employeur.

M. Michel Destot, s’inquiétant de la situation difficile que le choix de la date du 1er janvier 2008 va créer pour les opérateurs, et plus précisément les opérateurs de province, s’est interrogé sur les conséquences financières qui pourraient en résulter pour les collectivités territoriales. Il a donc proposé de ne retenir la date précitée que pour les opérateurs dépendant de l’État et de choisir la date du 1er janvier 2009 pour les opérateurs privés.

Le rapporteur a souligné que précisément, la négociation collective pourra se poursuivre après le 1er janvier 2008.

La commission a adopté l’amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques de M. Roland Muzeau et de M. Yves Cochet visant à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article.

M. Roland Muzeau a fait valoir que l’obligation faite à tout salarié de se déclarer gréviste avant le déclenchement d’une grève et la sanction disciplinaire prévue en cas de non respect de cette obligation constituent une grave remise en cause du droit de grève : de telles dispositions doivent être supprimées. Il n’est pas possible de priver un salarié de quarante-huit heures de réflexion sur la possibilité de recourir ou non à la grève.

Le président Hervé Mariton a rappelé que cette obligation de déclaration préalable du salarié gréviste a pour but de permettre une bonne organisation du service et qu’en tout état de cause il est toujours possible de décider de ne pas faire grève, conformément aux explications apportées par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité devant les membres de la commission.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté les deux amendements.

Puis, la commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 6

Désignation d’un médiateur par les parties au conflit


Conditions d’organisation d’une consultation sur la poursuite de la grève

Cet article a un double objet. D’une part, il rend possible la désignation d’un médiateur par les parties au conflit, dès le début de la grève, afin de favoriser le règlement amiable de leurs différends, cette disposition résultant d’un amendement adopté par le Sénat, à l’initiative de la commission spéciale. D’autre part, il crée la possibilité pour l’entreprise, au-delà de huit jours de grève, d’organiser une consultation sur la poursuite de la grève, consultation ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis.

1. Le recours à un médiateur par les parties au conflit, dès le début de la grève

a) La procédure de médiation en droit du travail

Le droit du travail fait déjà place aux procédures de règlement des grèves, qu’il s’agisse de l’intervention des accords de fin de conflit, des procédures de conciliation ou d’arbitrage et même de médiation. Il ne s’agit pas de procédures propres aux entreprises de transport public, mais de procédures de droit commun applicables à toute entreprise, publique ou privée (22).

S’agissant de la procédure de médiation, celle-ci est engagée dans les conditions définies aux articles L. 524-1 et R. 524-1 du code du travail :

– après l’échec d’une procédure de conciliation, par le ministre du travail ou par le président de la commission régionale de conciliation, à la demande de l’une des parties ou de sa propre initiative ;

– directement par le ministre du travail, à la demande des parties ou de sa propre initiative ou par le préfet, s’il s’agit d’un différend à incidence régionale, départementale ou locale ;

– par les parties présentant conjointement des requêtes à fin de médiation en indiquant le nom du médiateur choisi d’un commun accord, le ministre chargé du travail ou le directeur régional du travail et de l’emploi, selon l’incidence géographique du différend, appréciant cependant s’il y a lieu ou non de désigner directement le médiateur.

Dans aucun cas de figure les parties ne peuvent donc directement prendre l’initiative du recours à la médiation.

Les pouvoirs du médiateur ainsi désigné sont déterminés par l’article L. 524-2 du code du travail, aux termes duquel le médiateur a les plus larges pouvoirs pour s’informer de la situation économique des entreprises et de la situation des salariés intéressés par le conflit. Il peut procéder à toutes enquêtes auprès des entreprises et des syndicats et requérir des parties la production de tout document ou renseignement d’ordre économique, comptable, financier, statistique ou administratif susceptible de lui être utile pour l’accomplissement de sa mission. Il peut également recourir aux offices d’experts et, généralement, de toute personne qualifiée susceptible de l’éclairer.

Aux termes de l’article L. 524-4 du code du travail, le médiateur, s’il y a lieu, s’efforce de concilier les parties. Il leur soumet ensuite, sous forme de recommandation motivée, des propositions en vue du règlement du litige.

Enfin, le code du travail accorde au médiateur un délai d’un mois pour produire ses propositions, ce délai étant susceptible d’être prorogé si les parties le décident. Aux termes d’un délai de huit jours, le médiateur constate l’accord ou le désaccord des parties.

b) La procédure introduite par le Sénat

Conformément aux explications de Mme Catherine Procaccia, rapporteur du projet de loi, le médiateur ainsi créé « devrait pouvoir être nommé, sans délai, par les parties au conflit pour explorer les voies d’un règlement amiable de leur différend. Il pourrait prendre l’initiative de consulter les salariés (…) et veillerait à la loyauté et à la sincérité du scrutin ».

Ainsi, aux termes de l’alinéa 1 nouveau, (paragraphe I de l’article 6), « dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d’un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends ».

Ce même alinéa attribue au médiateur, pour l’exercice de sa mission, les pouvoirs mentionnés à l’article L. 524-2 du code du travail (pouvoirs de droit commun du médiateur), mais aussi un pouvoir spécifique, celui de « veiller à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II » de l’article 6 (voir infra la présentation de cette mesure dans le point 2.).

Il faut saluer cet ajout important, qui prend toute sa place au sein de ce dispositif fondé sur le développement du dialogue social.

2. La possibilité d’organiser une consultation des salariés sur la poursuite de la grève

L’alinéa 2 de l’article 6 précise les conditions d’organisation d’une consultation des salariés concernés par la grève. Le régime juridique de cette consultation est le suivant :

– Initialement, la consultation ne pouvait être organisée que par l’employeur, de sa propre initiative ou à la demande d’une organisation syndicale représentative.

Sur proposition de la commission spéciale, le Sénat a précisé que l’employeur mais aussi une organisation syndicale représentative peut décider l’organisation par l’entreprise de cette consultation. Cette modification a pour effet d’établir une compétence liée de l’employeur, chargé de l’organisation de la consultation. Pour cette raison, le gouvernement, favorable par ailleurs à la procédure de médiation, s’en est remis à la sagesse du Sénat pour le vote de l’amendement.

Sur proposition de la commission spéciale, le Sénat a prévu que la consultation peut aussi être provoquée par le médiateur qui aurait été désigné par les parties en fonction de la procédure définie au paragraphe I de l’article 6.

Cet ajout est cohérent avec la mission particulière impartie au médiateur, qui consiste à veiller à la loyauté et à la sincérité de la consultation même si, bien entendu, celles-ci ne sont pas subordonnées à l’entremise d’un médiateur.

– Le moment de la consultation est déterminé par le projet de loi, qui ouvre cette possibilité « au-delà de huit jours de grève ».

– L’objet de la consultation est défini comme étant « la poursuite de la grève ». Il convient de noter que la consultation s’adresse aux seuls salariés « concernés par les motifs mentionnés dans le préavis ».

– L’alinéa précise enfin les conditions de mise en œuvre de cette consultation : l’entreprise définit les conditions du vote dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d’organiser la consultation ; l’entreprise a une obligation d’informer l’inspecteur du travail ; la consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote ; le résultat de la consultation n’affecte pas l’exercice du droit de grève. Cette dernière précision est importante : en tout état de cause, une telle consultation n’aura qu’une valeur indicative, sans effet juridique sur la poursuite de la grève.

*

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de suppression de l’article de M. Alain Vidalies.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté deux amendements de M. Roland Muzeau et de M. Yves Cochet visant à supprimer l’alinéa 2 de cet article relatif à l’organisation d’une consultation sur la poursuite de la grève, après que M. Yves Cochet a précisé que cette mesure est de nature à accroître les tensions dans les entreprises, alors que la prévisibilité des conflits est déjà souvent assurée.

Puis elle a adopté deux amendements du rapporteur, l’un visant à établir que la responsabilité de décider et d’organiser la consultation des salariés après huit jours de grève revient à l’employeur, l’autre de précision.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Yanick Paternotte visant à sanctionner pénalement le fait d’empêcher la reprise du travail si une majorité qualifiée des deux tiers de travailleurs concernés l’a votée.

Le rapporteur a estimé qu’en fait, ce dispositif restreignait les garanties assurant la protection de la liberté du travail et donné un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.

M. Yanick Paternotte a retiré l’amendement.

La commission a adopté l’article 6 ainsi modifié.

Article 7

Droit des usagers à l’information

Cet article pose le principe important du droit pour tout usager du service public de transport de disposer, en cas de perturbation du trafic, d’une information « précise et fiable » sur le service assuré, dans les conditions retenues par le plan d’information des usagers prévu à l’article 4.

Lorsque la perturbation présente un caractère prévisible ou qu’elle résulte d’une grève, cette information doit être assurée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ou de la grève.

L’entreprise de transport doit garantir, par tout moyen d’information, l’effectivité de ce droit.

Le Sénat a adopté un amendement de rédaction globale de l’article 7, présenté par la commission spéciale, pour opérer une distinction nette entre les perturbations prévisibles et celles qui ne le sont pas. Il a également précisé que l’opérateur de transport doit informer sans délai l’autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation, estimant logique que l’AOT soit la première informée des difficultés touchant au trafic que l’entreprise de transport est chargée d’assurer.

Les dispositions de l’article 7, qui reconnaissent ainsi explicitement un droit général des usagers à être informés vingt-quatre heures à l’avance sur le service assuré en cas de perturbation appellent trois remarques :

– elles sont d’abord une illustration du « droit au transport », innovation significative introduite par l’article 2 de la loi du 30 décembre 1982 portant loi d’orientation des transports intérieurs (dite « Loti »), laquelle définit l’organisation du service public des transports en France ;

– elles sont ensuite au cœur du projet gouvernemental, qui vise à garantir, en cas de perturbation, un trafic certes réduit, mais prévisible pour l’usager, lequel doit ainsi être informé de manière « précise et fiable » ;

– elles sont enfin un point d’aboutissement des efforts menés depuis plusieurs années pour parvenir à améliorer la prévisibilité du transport public en cas de perturbation, efforts qui se sont traduits, par exemple, dans l’accord signé le 14 mars 2005 entre la direction de la RATP et dix-sept associations d’usagers, par lequel l’entreprise s’engage à communiquer, par tous les modes et sur tout le réseau, les informations sur le trafic envisagé le jour du conflit. Efforts qui se sont traduits aussi par la mise en place le 6 juillet 2006 d’une charte pour une meilleure prévisibilité du transport public conclue entre l’État, plusieurs organisations syndicales, autorités organisatrices et entreprises de transport.

Le « rapport Mandelkern » de juillet 2004 avait déjà souligné l’importance de l’information pour l’usager, non seulement une information donnée en temps réel, mais aussi et surtout, vingt-quatre heures à l’avance, afin de permettre aux utilisateurs du service public de prévoir leurs possibilités de déplacement dans le contexte d’un trafic perturbé. Le « rapport Mandelkern » détaillait à cet égard les modes d’information possibles (affichage en gare ou aux arrêts de bus, publication dans la presse, services vocaux dédiés, sites Internet…), la logique applicable étant que ces techniques d’information soient « adaptées » (la convention d’exploitation entre la SNCF et la région Rhône-Alpes pour les transports ferroviaires régionaux récemment renouvelée prévoit, par exemple, la possibilité d’envois de SMS aux abonnés).

Comme l’a estimé M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, l’information donnée aux usagers doit, pour répondre aux attentes de ces derniers, être particulièrement précise : elle consiste à savoir, par exemple, vingt-quatre heures à l’avance, non pas « si 50 % des trains rouleront », mais « si le train de 6 h 31 sera bien en fonctionnement » ; elle doit permettre de déterminer « à quelle heure les salariés pourront partir pour leur travail », mais aussi « à quelle heure ils pourront regagner leur domicile. »).

L’article 8 du projet de loi, dont les dispositions seront analysées ci-dessous, complète la reconnaissance du droit des usagers à l’information, en prévoyant la possibilité d’une indemnisation en cas de perturbation.

*

La commission a adopté deux amendements du président Hervé Mariton, visant à renforcer le droit à l’information de l’usager sur le service assuré en cas de perturbation du trafic, en prévoyant que l’information sera gratuite et qu’elle pourra s’étendre à l’ensemble des déplacements par transport terrestre.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 7 bis (nouveau)

Bilan annuel d’exécution des plans de transport adapté
et des plans d’information des usagers

Le Sénat a adopté un amendement portant article additionnel, présenté par M. Hubert Haenel, prévoyant que l’entreprise de transport doit établir et communiquer chaque année à l’autorité organisatrice de transport dont elle relève un bilan détaillé de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers, permettant d’apprécier la conformité de ces plans avec les moyens en personnel non gréviste ou disponible.

L’objectif poursuivi par ce nouveau dispositif est ainsi de renforcer la transparence de l’activité de l’entreprise de transport en cas de perturbation du trafic et de responsabiliser celle-ci.

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que le bilan annuel d’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers doit dresser la liste des investissements requis pour la mise en œuvre de ces plans au cours de l’année à venir. Le rapporteur a insisté sur la vétusté de certains équipements, mise en lumière au cours de plusieurs auditions.

La commission a adopté l’amendement, sous réserve d’une rectification de nature rédactionnelle suggérée par le président Hervé Mariton.

Elle a ensuite adopté un amendement du président Hervé Mariton prévoyant que ce bilan annuel est rendu public.

La commission a adopté l’article 7bis (nouveau) ainsi modifié.

Article 8

Indemnisation des usagers

L’article 8 du projet de loi prévoit que les autorités organisatrices de transport peuvent imposer aux entreprises de transport, ou mettre à leur charge, un remboursement des titres de transport aux usagers, en cas de défaut d’exécution du plan de transport adapté (PTA) et du plan d’information des usagers (PIU), tous deux prévus à l’article 4.

Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions de ce remboursement, sans toutefois préciser le délai dans lequel ce décret doit intervenir.

L’article 8 dans sa rédaction initiale appelle plusieurs remarques :

– en prévoyant une possibilité d’indemnisation des usagers des transports publics, en cas de défaut d’information sur la prévisibilité du trafic, cet article concrétise en quelque sorte un principe général ; l’article 7 poserait le principe du droit à l’information des usagers, l’article 8 illustrerait ce droit, par la généralisation des pratiques de remboursement des titres de transport déjà existantes ;

– l’article 8 du projet de loi apporte également une innovation, en prévoyant un dédommagement systématique de l’usager lui-même, en cas de défaut de mise en place d’un plan de transport alternatif ou d’un plan d’information par l’entreprise de transport, alors que, dans plusieurs accords existants et, notamment les deux accords de juin 2005 intervenus entre, d’une part, la RATP, d’autre part, la SNCF et le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), seule l’AOT bénéficiait d’une indemnisation, lorsque l’entreprise de transport avait manqué à ses obligations ;

– toutefois, cet article ne crée pas un droit général à remboursement des titres de transport des usagers en cas de grève ou de perturbation du trafic ; il subordonne ce remboursement — qui peut, d’ailleurs, être total ou partiel — au non-respect par l’entreprise de transport du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers prévus à l’article 4 ; par ailleurs, il ne prévoit pas la réparation de préjudices subis, tels que la perte d’une journée de travail ou l’impossibilité de se présenter à un entretien d’embauche, mais seulement une faculté de remboursement strictement délimitée ;

– l’article 8 prévoit enfin que l’organisation du remboursement à un usager de son titre de transport est à la discrétion de l’autorité organisatrice de transport, qui peut ou non l’imposer à l’entreprise de transport.

Par un amendement de rédaction globale de l’article présenté par la commission spéciale, le Sénat a apporté de substantielles modifications au dispositif de l’article 8, pour renforcer le droit des usagers à indemnisation et en aménager les modalités.

Selon la nouvelle rédaction adoptée à l’issue des débats, c’est la loi elle-même et non plus un décret en Conseil d’État – auquel il n’est plus fait référence — qui définit les principes du remboursement des usagers. La nouvelle rédaction de cet article prévoit ensuite que les autorités organisatrices de transport imposent dans tous les cas aux opérateurs de transport de rembourser les usagers, alors que, dans la rédaction du projet de loi initial, il s’agissait d’une simple faculté offerte aux AOT.

Par ailleurs, le remboursement doit être, dans tous les cas, total, dès lors qu’il est constaté un défaut d’exécution dans la mise en œuvre, soit du plan de transport adapté (PTA), soit du plan d’information des usagers (PIU), le remboursement étant alors directement fonction de la durée d’inexécution de ces plans.

Outre le renforcement des règles d’indemnisation, le Sénat propose d’en aménager certaines modalités.

Il a ainsi précisé que les modalités pratiques du remboursement selon les catégories d’usagers sont déterminées par convention conclue entre l’autorité organisatrice et l’entreprise de transport. Il lui est apparu, en effet, que la notion d’usagers devait être mieux définie, certains d’entre eux, tels les bénéficiaires de tarifs sociaux ou les familles dans le cas des transports scolaires faisant l’objet d’une prise en charge de leur titre de transport. Il lui est apparu, de la même façon que les voyageurs empruntant les métros, autobus ou tramways pouvaient avoir recours à plusieurs réseaux intégrés, ce qui complique les règles du remboursement. L’utilité d’une convention entre les AOT et les entreprises de transport, définissant les modalités concrètes du remboursement des usagers (remboursement proprement dit ou prolongations d’abonnement) est avérée pour régler un certain nombre de situations particulières de ce type.

Enfin, le Sénat a prévu que, lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont prévues, l’autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers. Cette mesure vise à éviter que les entreprises de transport, devant déjà subir le coût financier de toute grève, ne soient victimes, en indemnisant les usagers, d’une sorte de « double peine financière », puisqu’elles doivent aussi acquitter, conformément aux accords et conventions d’exploitation conclus avec les AOT, des pénalités forfaitaires en cas de non réalisation de leurs engagements.

*

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Vidalies visant à supprimer cet article, qualifié de « dispositif ingérable » par M. François Brottes, le rapporteur ayant fait valoir que le remboursement prévu à l’article 8 concrétisait le droit à l’information de l’usager reconnu par le projet de loi et qu’il s’agissait d’une innovation importante du texte.

Elle a ensuite a examiné un amendement du président Hervé Mariton, visant à exonérer explicitement les autorités organisatrices de transport de la charge du remboursement des titres de transport aux usagers.

M. Michel Destot a insisté sur la nécessité de prévoir une rédaction très stricte de cette disposition. La commission a adopté, sur la proposition de M. Daniel Paul, un sous amendement indiquant que la charge du remboursement ne pouvait être supportée ni directement ni indirectement par l’autorité organisatrice de transport. Puis elle a adopté l’amendement ainsi sous-amendé.

La commission a adopté l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

Régime de réduction de la rémunération des salariés participant à une grève

Cet article a pour objet de préciser que les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire en cas de cessation concertée du travail, sont réputés sans cause.

On rappellera les règles déjà applicables en la matière, avant de revenir sur la portée du dispositif proposé.

1. Droit et pratique en matière de rémunération des jours de grève

Dans le secteur public entendu de manière générale, le droit de grève emporte perte du droit aux rémunérations afférentes à la période d’arrêt de travail, conformément à la règle dite « du service fait » : des retenues de traitement sont effectuées par l’administration, sur la base de l’ensemble de la rémunération mensuelle.

Concernant plus précisément les entreprises chargées de la gestion d’un service public, l’article L. 521-6 du code du travail dispose sans ambiguïtés que « l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille ».

Si la question de principe semble avoir été tranchée assez tôt, il en a été différemment de celle du montant des retenues. Un principe comptable ancien a d’abord été appliqué aux fonctionnaires de l’État et des établissements publics administratifs par la loi du 29 juillet 1961 portant loi de finances rectificative pour 1961, puis étendu aux agents de droit privé dans les organismes chargés d’un service public par la loi du 31 juillet 1963 en cas de grève des fonctionnaires ou des salariés chargés d’un service public : la retenue sur rémunération était égale au minimum à une journée de salaire, même si la cessation de travail était inférieure à une journée, conformément à la règle du « trentième indivisible ».

Mais la loi du 19 octobre 1982 est revenue sur ce principe en favorisant les prélèvements modulables selon que l’arrêt de travail dure une heure (retenue de 1/60è de la rémunération), une demi-journée (retenue de 1/50è) ou une journée (retenue de 1/30è).

Avec la loi portant diverses mesures d’ordre social du 30 juillet 1987, cette règle a une fois encore été modifiée, l’état du droit antérieur à 1982 étant pour une part restauré, à la suite d’une censure partielle du Conseil constitutionnel : la retenue invariable de 1/30è a été rétablie pour la seule fonction publique d’État. Pour le reste, selon la décision du 28 juillet 1987 du Conseil constitutionnel, il appartient au législateur d’apprécier ce que doit être le montant des retenues, en fonction de la nature des différents services et de ce que peuvent être les incidences dommageables des arrêts de travail sur ces services. Ce faisant, le Conseil constitutionnel affirmait le maintien en vigueur de l’article L. 521-6 du code du travail.

Est donc applicable aux salariés des entreprises chargées de la gestion d’un service public la dernière phrase de l’article L. 521-6 du code du travail énonçant que « les retenues sont opérées en fonction des durées d’absence définies à l’article 2 de la loi [du 19 octobre 1982] », autrement dit les prélèvements modulables.

2. Le dispositif tel qu’il résulte du texte adopté par le Sénat

Conformément à l’exposé des motifs du projet de loi, cet article avait initialement pour objet de « rappele[r] le principe du non paiement des jours de grève », en prévoyant que la rémunération d’un salarié participant à une grève est réduite en fonction de la durée non travaillée du fait de la participation à cette grève. Cet article reprenait donc le droit existant.

La commission spéciale du Sénat a préféré une autre solution juridique en proposant un amendement qui réécrit entièrement l’article 9. L’amendement a été adopté par le Sénat avec l’avis favorable du gouvernement.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article 9 complète l’article L. 521-6 du code du travail précité, relatif à la règle de retenue du traitement ou du salaire en cas de cessation du travail, par un nouvel alinéa aux termes duquel « les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause ».

Ce faisant, la commission spéciale a précisé la portée de l’interdiction du paiement des jours de grève qui figure déjà dans le code du travail, en affirmant que ce non paiement ne peut pas être compensé, ni de manière directe, ni de manière indirecte. L’effectivité de cette règle en sort renforcée.

*

La commission a examiné deux amendements de suppression de l’article de M. Roland Muzeau et de M. Alain Vidalies.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté les deux amendements.

Puis la commission a examiné un amendement de M.Yves Cochet visant à réduire la rémunération des cadres dirigeants proportionnellement au nombre de jours de grève déclenchée dans leur entreprise.

Après les interventions de MM. Yanick Paternotte, Daniel Paul, François Brottes, Jean-Frédéric Poisson, de Mme Muriel Marland-Militello et du rapporteur, qui a exprimé un avis défavorable, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a adopté l’article 9 sans modification.

Après l’article 9

La commission, suivant l’avis défavorable du rapporteur, a rejeté deux amendements de M. Yves Cochet portant articles additionnels et proposant l’un, d’étendre le versement de transport dû par les entreprises de plus de neuf salariés d’Île-de-France à toutes les entreprises et à l’ensemble du territoire, afin d’accroître les investissements publics et d’améliorer ainsi les dessertes, l’autre, d’instaurer la gratuité de la mise à disposition des vélos municipaux les jours de perturbation prévisible dans les transports en commun.

Article 10 (nouveau)

Rapport d’évaluation sur l’application de la loi

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, contre l’avis du gouvernement, d’un amendement de la commission spéciale.

Il prévoit que le gouvernement devra adresser au Parlement, avant le 1er octobre 2008, un rapport d’évaluation sur l’application de la loi (alinéa 1 de cet article 9).

Ce type de disposition est fréquent et l’on peut se féliciter que le Sénat ait souhaité ainsi favoriser l’évaluation des politiques publiques que le Parlement appelle de ses vœux.

Les alinéas 2 à 8 énoncent de façon détaillée, mais non exhaustive, le contenu de ce rapport. Il s’agit du bilan :

– des accords cadre et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008, soit la procédure prévue à l’article 2 ;

– des procédures de dialogue social mises en œuvre et de leur impact au regard de l’objectif de prévention des conflits : cet élément étant présent dans l’ensemble du texte, il ne semble pas qu’il faille le rattacher à telle ou telle disposition en particulier ;

– des actions de substitution du représentant de l’État éventuellement intervenues en application de l’article 4 du projet de loi : il s’agit de la procédure prévue au IV de cet article, selon laquelle en cas de carence de l’autorité organisatrice de transport, et après mise en demeure, le représentant de l’État peut arrêter les priorités de desserte dans le respect de certaines conditions ;

– des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers élaborés par les entreprises de transport, autrement dit des procédures prévues également à l’article 4 du projet de loi ;

– des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises, c’est-à-dire les accords visés à l’article 5 du projet de loi ;

– du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l’article 8 du projet de loi.

Au total, seuls certains articles échappent à cette évaluation : l’article 1er, article de définition ; l’article 3 sur l’interdiction des préavis glissants ; l’article 6 relatif à l’organisation de consultations après huit jours de grève, dont on peut se demander si elle n’est pas visée dans la référence générale aux procédures de dialogue social ; l’article 7 sur le droit à l’information des usagers, qui pourrait entrer dans cette même catégorie ; l’article 9, relatif à la question de la réduction de la rémunération des salariés participant à une grève.

L’alinéa 9 de cet article précise qu’au vu du bilan, le rapport examine l’opportunité d’étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs.

Cette rédaction résulte d’une rectification de l’amendement : initialement, la commission spéciale avait souhaité que le rapport puisse porter sur l’extension à tous les autres modes de transport, voire à d’autres services publics. Face aux réticences exprimées par le gouvernement au cours de la séance publique du jeudi 19 juillet 2007, le rapporteur de la commission spéciale, Mme Catherine Procaccia, a proposé de limiter la portée de l’amendement.

Le gouvernement s’est néanmoins déclaré défavorable à cet alinéa (et, pour cette raison, à l’ensemble de l’amendement). Comme l’a précisé M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au cours de la séance publique, « dans un texte portant sur les transports publics terrestres, [on ne peut] introduire, même de façon assez elliptique, une disposition qui viserait d’autres modes de transport et d’autres services publics sans créer un problème de base juridique ».

Insistant par ailleurs sur la nécessité de la concertation préalable, il a souhaité faire état d’une lettre adressée la veille à M. Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports, dans laquelle il estimait « que, dans un certain nombre de cas, les dessertes [des îles proches du littoral] constituent des missions de service public et des réponses à des besoins quotidiens, voire essentiels, de certains de nos concitoyens. Il (…) semble donc souhaitable d’engager rapidement des concertations ( …) avec les autorités organisatrices et les entreprises et les partenaires sociaux concernés, afin que ceux-ci, sur une base volontaire, puissent transposer au cas par cas et pour ces situations précises les principes posés par le projet de loi ».

*

M. François Brottes a retiré un amendement de suppression de l’article.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Roland Muzeau précisant que le rapport d’évaluation de la loi que doit remettre le gouvernement au Parlement intègre des éléments d’appréciation sur la qualité et le contenu du dialogue social dans les entreprises.

Le rapporteur a fait valoir qu’il existe déjà de très nombreux documents faisant état des avancées du dialogue social, à commencer par le bilan annuel de la négociation collective présenté chaque année devant la Commission nationale de la négociation collective.

M. Roland Muzeau a cependant rappelé que 55 % des entreprises ne se soumettent pas aux obligations de négociation annuelle et que de ce fait l’information n’est pas effectuée en pratique.

M. Daniel Paul a ajouté que l’adoption de l’amendement sera à même d’apporter des garanties aux autorités organisatrices de transport lorsqu’elles lancent leurs appels d’offre et de prévenir les risques de défaillance des entreprises.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

Puis la commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant le dernier alinéa de l’article.

Le rapporteur a précisé que cet amendement vise à supprimer l’alinéa ajouté par le Sénat, aux termes duquel le rapport d’évaluation remis par le gouvernement au Parlement avant le 1er octobre 2008 examine l’opportunité d’étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs. Se fondant sur la nécessaire clarté du débat, il a observé que ce projet de loi traite, conformément à son intitulé, la question des transports terrestres réguliers de voyageurs et non les autres modes de transport. Il a rappelé la démarche suivie pour l’examen du projet de loi soumis à la commission : consultation, concertation, puis engagement et estimé qu’elle devrait être reprise avant toute extension.

M. Daniel Paul a souligné que cet amendement révèle à lui seul les arrière-pensées de la majorité.

Mme Muriel Marland-Militello a déclaré ne pas bien comprendre la démarche proposée par le rapporteur, le texte du Sénat n’introduisant qu’une simple faculté. Sa suppression, outre le désaveu qu’elle paraît exprimer, prive le dispositif du projet de loi du caractère expérimental que l’alinéa introduit par le Sénat lui conférait.

M. Jean-Frédéric Poisson a exprimé les mêmes réserves à l’égard de l’amendement du rapporteur, estimant en outre difficilement imaginable d’écarter les habitants des différentes îles du bénéfice du dispositif, indispensable à leur ravitaillement, et donc de ne pas envisager son extension aux transports maritimes.

Soulignant à son tour l’intérêt de la rédaction du Sénat qui envisage l’extension d’un dispositif qu’il estime approprié et qui pourrait être applicable ultérieurement aux transports maritimes, M. Michel Grall s’est déclaré défavorable à l’amendement.

Le rapporteur a rappelé que la question des transports maritimes sera traitée par le ministre chargé des transports, d’ores et déjà saisi du dossier par M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Le président Hervé Mariton a estimé que la loi doit être l’aboutissement d’un processus marqué par le dialogue social. À ce sujet, il convient de distinguer le secteur des transports terrestres, visé par le présent projet, et les autres modes de transport, pour lesquels le dialogue ne s’est pas encore noué dans les mêmes conditions. Dans le même temps, on ne doit pas cacher que si la loi est efficace, il doit être possible de l’étendre à d’autres domaines, y compris à d’autres services publics. Encore les étapes du dialogue social doivent-elles être respectées, sans être sous-évaluées.

M. Christian Blanc, estimant superfétatoire l’ajout du Sénat, a soutenu l’amendement du rapporteur.

Après les interventions de MM. Yanick Paternotte, de M. Daniel Paul ainsi que du rapporteur et du président, la commission a décidé de réserver le vote sur l’amendement du rapporteur, ainsi que le vote sur l’article 10.

M. François Brottes a fait savoir que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne participera pas au vote sur l’amendement et votera contre le projet de loi, texte qui apporte des restrictions au droit de grève.

M. Daniel Paul a précisé que le groupe de la gauche démocrate et républicaine votera également contre le projet de loi.

Après l’article 10

La commission a examiné un amendement de M. Yves Cochet, destiné à étendre la formule du chèque-transport à toutes les entreprises.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, qui a fait état d’une erreur de référence ainsi que du caractère assez cavalier de cette disposition, la commission a rejeté l’amendement.

Puis la commission a examiné un amendement de M. Roland Muzeau destiné à remédier aux situations de sous-traitances dans les groupes de transport public. M. Roland Muzeau a insisté sur la nécessité de trouver des solutions à ces situations de sous-traitances « en cascades » et souligné les difficultés sociales qui en résultent pour les salariés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

Article 11 (nouveau)

Prise en compte de données sociales et environnementales dans les contrats

Le Sénat a adopté un amendement portant article additionnel présenté par M. Michel Billout, prévoyant que les AOT doivent incorporer dans les conventions qu’elles passent avec les entreprises de transport des critères de qualité sociaux et environnementaux permettant d’améliorer la prévisibilité des services et ainsi d’assurer une meilleure continuité du service public.

L’objet de ces dispositions, adoptées en conformité avec le règlement communautaire sur les obligations des services publics, est de permettre une meilleure prise en compte des données sociales et environnementales dans les appels d’offres des AOT. Il est ainsi de permettre un recul de la conflictualité dans les entreprises de transport, en même temps que de contribuer au développement durable.

*

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

Puis la commission a adopté l’article 11 ainsi modifié.

Après l’article 11

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté deux amendements de M. Roland Muzeau :

– le premier prévoyant que la signature d’un accord-cadre organisant la prévention des conflits au sein d’une entreprise ne peut constituer un critère de recevabilité des dossiers soumis à appel d’offres dans le cadre de la délégation de service public ;

– le second soumettant les entreprises de transports publics, les autorités organisatrices de transports et les organisations syndicales représentatives des salariés à l’obligation d’engager une concertation avant la conclusion ou la révision d’un contrat de transport.

La commission a ensuite repris l’examen de l’article 10 précédemment réservé.

Article 10 (nouveau)

Rapport d’évaluation sur l’application de la loi

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer le dernier alinéa aux termes duquel le rapport d’évaluation remis par le gouvernement au Parlement avant le 1er octobre 2008 examine l’opportunité d’étendre le dispositif du projet de loi aux autres modes de transports publics de voyageurs.

Puis la commission a adopté l’article 10 ainsi modifié.

Titre du projet de loi

La commission a examiné un amendement de M. Roland Muzeau visant à intituler le projet de loi : « Projet de loi relatif à l’instauration d’un service minimum dans les transports publics ».

M. Roland Muzeau a estimé que cet intitulé reflèterait avec plus de justesse le contenu réel du projet de loi, jugeant que celui-ci ne traite ni du dialogue social ni de la continuité du service public.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

Puis la commission a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs – n° 101.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté
par le Sénat

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Propositions
de la Commission

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TITRE IER

TITRE IER

TITRE IER

 

CHAMP D’APPLICATION

CHAMP D’APPLICATION

CHAMP D’APPLICATION

 

Article 1er

Article 1er

Article 1er

 

Les dispositions de la présente loi sont applicables aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

La présente loi est applicable aux services…

…touristique.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en œuvre des principes constitutionnels suivants :

(Alinéa sans modifi-cation)

   

- la liberté d'aller et venir ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

- la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

- la liberté du travail ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

- la liberté du commerce et de l'industrie.

(Alinéa sans modifi-cation)

 

Pour l’application de la présente loi, on entend par :

(Alinéa sans modifi-cation)

(Alinéa sans modifi-cation)

 

1° « Entreprise de transport » : toute entreprise ou toute régie, chargée d’une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;

(Sans modification)

(Sans modification)

 

2° « Autorité organisatrice de transport » : toute collectivité publique, groupe-ment de collectivités ou établissement public compétent, directement ou par délégation, pour l’institution et l’organisation d’un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

(Sans modification)

2° « Autorité…

…de collectivités publiques ou…

…touristique.

(amendement n° 17)

 

TITRE II

TITRE II

TITRE II

 

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

 

Article 2

Article 2

Article 2

 

I. - Dans les entreprises de transport mentionnées à l’article 1er, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives, dans les conditions prévues par l’accord cadre.

I. – Dans…

…représentatives qui envisagent de déposer le préavis, dans les conditions prévues par l'accord-cadre.

I. – Dans…

…préavis. L’accord-cadre fixe les règles d’organisation et de déroulement de cette négociation. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées au II.

(amendement n° 18)

 

Des négociations peuvent également être engagées au niveau de la branche pour organiser une procédure de prévention des conflits et développer le dialogue social. Les accords de branche qui prévoient des règles d’organisation ou de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa s’appliquent dans les entreprises de transport où aucun accord cadre n’a pu être signé. L’accord cadre régulièrement négocié s’applique, dès sa signature, en lieu et place de l’accord de branche.

Des négociations sont également engagées au niveau de la branche en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Les accords…

...branche.

Des…

…social. Cet accord de branche fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées au II. L’accord

de branche s’applique dans les entreprises…

…branche.

(amendement n° 19)

 

Un décret en Conseil d’État fixe les règles d’orga-nisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à la date du 1er janvier 2008, aucun accord cadre n’a pu être signé et aucun accord de branche ne s’applique. Les règles d’organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L’accord de branche ou l’accord cadre régulièrement négocié après cette date s’applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.

(Alinéa sans modifi-cation)

Un décret en Conseil d’État pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d’activité concernés fixe…

…décret.

(amendement n° 20)

Code du travail

Livre V

Conflits du travail

Titre II

Conflits collectifs

Chapitre Ier

La grève

Section 2

Grève dans les services publics

II.- L’accord cadre prévu au premier alinéa détermine notamment :

II.– L'accord-cadre…

...alinéa du I détermine notamment :

II.- L’accord cadre, l’accord de branche et, le cas échéant, le décret en Conseil d’État prévus au I déterminent notamment :

(amendement n° 21)

Art. L. 521-3. – Lors-que les personnels mention-nés à l’article L. 521-2 font usage du droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d’un préavis.

Le préavis émane de l’organisation ou d’une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé.

Il précise les motifs du recours à la grève.

Le préavis doit parve-nir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l’orga-nisme intéressé. Il fixe le lieu, la date et l’heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée.

Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier.

1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative pro-cède à la notification, à l’employeur, des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu à l’article L. 521-3 du code du travail ;

1° (Sans modification)

1° (Sans modification)

 

2° Le délai dans le-quel, à compter de cette noti-fication, l’employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;

2° Le…

…représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai…

…jours ;

2° (Sans modification)

 

3° La durée dont l’employeur et les organisa-tions syndicales représenta-tives disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours à compter de cette notification ;

3° La…

…représenta-tives qui ont procédé à la notification disposent…

…notification ;

3° (Sans modification)

 

4° Les informations qui doivent être transmises par l’employeur aux orga-nisations syndicales représen-tatives, en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;

4° Les…

…représen-tatives qui ont procédé à la notification, en vue…

…fournies ;

4° (Sans modification)

 

5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives et l’employeur se déroule ;

5° Les…

…représentatives qui ont procédé à la notification et l’employeur se déroule ;

5° (Sans modification)

 

6° Les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer ;

6° (Sans modification)

6° (Sans modification)

 

7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

7° Les …

…représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que…

… préalable.

7° (Sans modification)

 

III. - Les accords cadres signés les 30 mai 1996 et 23 octobre 2001 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que les accords relatifs à la prévention des conflits conclus dans les entreprises de transport avant le 1er juillet 2007 demeurent applicables jusqu’à la conclusion de nouveaux accords, qui seront soumis aux dispositions du présent article.

III. – Les…

…article et, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2009.

III.- Les procédures de prévention des conflits prévues dans les accords-cadres signés les 30 mai 1996, 23 octobre 2001 et 20 février 2006 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français sont mises en conformité, par voie d’avenant, avec les dispositions du présent article au plus tard le 1er janvier 2008.

(amendement n° 22)

 

Article 3

Article 3

Article 3

 

Lorsqu’un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 521-3 du code du travail, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs avant l’échéance du préavis en cours et avant que la procédure prévue à l’article 2 n’ait été mise en oeuvre.

(Sans modification)

Lorsqu’un…

…motifs qu’à l’issue du délai du préavis…

…oeuvre.

(amendement n° 23)

 

TITRE III

TITRE III

TITRE III

 

ORGANISATION DE LA
CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE
OU AUTRE PERTURBATION
PRÉVISIBLE DU TRAFIC

ORGANISATION DE LA
CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE PERTURBATION PRÉVISIBLE DU TRAFIC OU DE GRÈVE

ORGANISATION DE LA
CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE GRÈVE
OU AUTRE PERTURBATION
PRÉVISIBLE DU TRAFIC

(amendement n° 24)

 

Article 4

Article 4

Article 4

 

I. - Après consultation des représentants des usagers, l’autorité organisatrice de transport définit les dessertes qui doivent être prioritai-rement assurées pour permettre, notamment, les déplacements quotidiens de la population en cas de grève ou d’autre perturbation prévisi-ble du trafic.

I. – Après…

…usagers et dès lors qu'existent une ou plusieurs structures représen-tatives, l'autorité…

…dessertes à assurer qui concernent en priorité les déplacements…

…en cas de perturbation prévisible du trafic.

I. – Après…

…usagers, l'autorité…

…dessertes qui doivent être prioritairement assurées pour permettre, notamment, les déplacements…

…trafic. Les représentants des collectivités sont informés des plans de desserte et des horaires qui sont maintenus.

(amendements n°s 25, 26 et 27)

   

Sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent :

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– de grèves ;

(Alinéa sans modifi-cation)

     

- de plans de travaux ;

(amendement n° 28)

   

– d'incidents techniques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis leur survenance ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– d'aléas climatiques, dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis le déclenchement d'une alerte météorologique ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– de tout événement dont l'existence a été portée à la connaissance de l'entreprise de transport par le représentant de l'État, l'autorité organisatrice ou le gestionnaire de l'infrastructure depuis trente-six heures.

– de…

…organisatrice de transport ou le gestionnaire…

…heures.

(amendement n° 29)

 

Au sein des priorités de desserte ainsi définies, l’autorité organisatrice de transport détermine celles qui correspondent à un besoin essentiel de la population. L’autorité organisatrice arrête les conditions dans lesquelles une desserte doit être assurée, notamment les fréquences et les plages horaires auxquelles elle doit l’être pour qu’il ne soit pas porté, en cas de grève des salariés des entreprises de transport, une atteinte disproportionnée :

Pour assurer les dessertes prioritaires, l'autorité organisatrice de transport détermine différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. Le niveau minimal de service doit permettre d'éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l'industrie et à l'organisation des transports scolaires. Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. Il doit également garantir l'accès au service public de l'enseignement les jours d'examens nationaux.

Pour…

…nationaux. Il prend en compte les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite.

(amendement n° 30)

 

1° À la liberté d’aller et venir ;

Supprimé

Supprimé

 

2° À l’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’ensei-gnement ;

Supprimé

Supprimé

 

3° À la liberté du travail ;

Supprimé

Supprimé

 

4° À la liberté du commerce et de l’industrie.

Supprimé

Supprimé

 

Les priorités de des-serte sont rendues publiques.

Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.

(Alinéa sans modifi-cation)

 

II.- L’entreprise de transport élabore un plan de transport adapté aux priorités de desserte définies au I et un plan d’information des usa-gers. Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l’approbation de l’autorité organisatrice de transport.

II.- L’entreprise de transport élabore :

un plan de transport adapté aux priorités de dessertes et aux niveaux de service définis par l’autorité organisatrice, qui précise pour chaque niveau de service les plages horaires et les fréquences à assurer ;

II.- (Alinéa sans modi-fication)

un…

…l’autorité organisatrice de transport, qui précise pour chaque niveau de service dans le cadre fixé par l’autorité organisatrice de transport les plages…

…assurer ;

(amendements n°s 29 et 31)

   

un plan d’infor-mation des usagers conforme aux dispositions de l’article 7 de la présente loi.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l'approbation de l'autorité organisatrice.

Après…

…organisatrice de transport.

(amendement n° 29)

 

Le plan de transport adapté indique les niveaux de service à assurer. Pour chaque niveau, sont précisés notamment les horaires et les fréquences de celui-ci.

Alinéa supprimé.

Alinéa supprimé.

 

Le plan de transport adapté est approuvé par l’autorité organisatrice de transport.

Alinéa supprimé.

Alinéa supprimé.

 

III.- Les conventions d’exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport et les entreprises de transport après l’entrée en vigueur de la présente loi comportent le plan de transport adapté et le plan d’information des usagers.

III. – Les plans visés au II sont intégrés aux conventions d'exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008.

III. – Les…

…2008. Les plans visés au II sont rendus publics.

(amendement n° 32)

 

Les conventions d’ex-ploitation en cours sont modifiées avant le 1er janvier 2008 pour intégrer le plan de transport adapté et le plan d’information des usagers.

Alinéa supprimé.

Alinéa supprimé.

   

IV. – Le représentant de l'État est tenu informé par l'autorité organisatrice de transport de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendus, ainsi que de l'élaboration des plans visés au II et de leur intégration aux conventions d'exploitation.

IV. – (Alinéa sans modification)

 

IV. - En cas de ca-rence de l’autorité organisa-trice de transport, et après une mise en demeure, le représentant de l’État peut arrêter les priorités de desserte dans le respect des conditions prévues au I du présent article.

En…

….organisatrice, et après…

…l'État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II.

En…

….organisatrice de transport, et après…

…II.

(amendement n° 29)

 

Article 5

Article 5

Article 5

 

I.- Dans les entreprises de transport, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord collectif de prévisibilité du service appli-cable en cas de grève ou d’autre perturbation prévisi-ble du trafic.

I.– Dans…

…en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève.

I.– (Alinéa sans modification)

 

L’accord collectif de prévisibilité du service recense, par métiers, fonctions et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d’agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels indispensables à l’exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur, du niveau de service prévu dans le plan de transport adapté.

L'accord…

…matériels, indispensables…

…vigueur, de chacun des niveaux de service prévus dans…

…adapté.

L'accord…

…vigueur dans l’entreprise, de chacun…

…adapté.

(amendement n° 33)

 

Il définit en outre les conditions dans lesquelles sont portées à la connaissance de l’employeur les informations nécessaires à l’organisation du service que l’entreprise doit assurer en cas de grève. Il fixe les conditions dans lesquelles l’organisation du travail est révisée et les personnels non grévistes réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté.

Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en œuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels non grévistes.

(Alinéa sans modifi-cation)

 

À défaut d’accord, un plan de prévisibilité est défini par l’entreprise. L’accord ou le plan est notifié au représentant de l’État et à l’autorité organisatrice de transport.

(Alinéa sans modifi-cation)

À défaut d’accord applicable au 1er janvier 2008, un plan de prévisibilité est défini par l’employeur.

L’accord…

…transport.

Un accord collectif de prévisibilité du service qui entre en vigueur à compter du 1er janvier 2008, conformément aux dispositions prévues aux alinéas précédents, s’applique en lieu et place du plan de prévisibilité.

(amendements n°s 34, 35 et 36)

Code pénal

Livre II

Des crimes et délits contre les personnes

Chapitre VI

Des atteintes à la personnalité

Section 4

De l'atteinte au secret

Paragraphe 1

De l'atteinte au secret professionnel

Art. 226-13. - La révé-lation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

II.- Pour permettre à l’entreprise d’établir et de rendre public le niveau de service assuré en cas de grève, les salariés relevant des catégories d’agents mentionnées au I dont la présence détermine directement l’offre de service informent, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention de participer à celle-ci. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par le chef d’entreprise comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

II. – En…

…au I informent, au plus tard quarante-huit heures avant l'heure mentionnée dans le préavis pour le début…

…intention d'y participer. Les informations…

…pénal.

II. – (Sans modifi-cation)

Code du travail

Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.

Est…

…prévues au premier alinéa du présent II.

 

Livre V

Conflits du travail

Titre II

Conflits collectifs

Chapitre IV

Médiation

Article 6

Article 6

Article 6

Art. L. 524-2.- Le médiateur a les plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation économique des entreprises et de la situation des travailleurs intéressés par le conflit. Il peut procéder à toutes enquêtes auprès des entreprises et des syndicats et requérir des parties la production de tout document ou renseignement d'ordre économique, comptable, financier, statistique ou administratif susceptible de lui être utile pour l'accomplissement de sa mission. Il peut recourir aux offices d'experts et, généralement, de toute personne qualifiée susceptible de l'éclairer.

Les parties remettent au médiateur un mémoire contenant leurs observations. Chaque mémoire est communiqué par la partie qui l'a rédigé à la partie adverse.

 

I. – Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d'un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.

I. – (Sans modifica-tion)

 

Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l’employeur, de sa propre initiative ou à la demande d’une organisation syndicale représentative. Elle est ouverte aux salariés qui sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l’entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d’organiser la consultation. L’entreprise en informe l’inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n’affecte pas l’exercice du droit de grève.

II. – Au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions…

…grève.

II. – Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l’employeur, de sa propre initiative, à la demande d’une organisation syndicale représentative ou à la demande du médiateur éventuellement désigné par les parties. Elle est ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l’employeur, dans les vingt-quatre…

…d’organiser la consultation. L’employeur en informe…

…grève.

(amendements n°s 37 et 38)

 

Article 7

Article 7

Article 7

 

Tout usager du service public de transport a le droit de disposer, en cas de perturbation du trafic, d’une information précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d’information des usagers prévu à l’article 4. Lorsque la perturbation présente un caractère prévisible ou résulte d’une grève, cette information doit être assurée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ou de la grève.

En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d'une information précise et fiable sur le service assuré. Le plan d'information des usagers visé à l'article 4 doit permettre le plein exercice de ce droit.

En cas de perturbation prévisible, l’information aux usagers doit être délivrée au plus tard…

…perturbation.

En…

…infor-mation gratuite, précise…

…assuré, notamment dans les conditions prévues par le plan d’information des usagers prévu à l’article 4.

(Alinéa sans modifi-cation)

(amendements n°s 39 et 40)

 

Il appartient à l’entre-prise de transport de garantir, par tout moyen d’informa-tion, l’effectivité de ce droit.

L'entreprise informe immédiatement l'autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.

L’entreprise de transport informe immédiatement l’autorité organisatrice de transport de toute…

…perturbation.

(amendement n° 41)

   

Article 7 bis (nouveau)

Article 7 bis (nouveau)

   

L'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l'exécution du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers, permettant d'apprécier leur conformité avec les moyens en personnel non gréviste ou disponible.

(Alinéa sans modifi-cation)

     

Ce bilan comporte une évaluation des conséquences financières de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers. Il dresse la liste des investissements requis, le cas échéant, pour la mise en œuvre de ces mêmes plans au cours de l’année à venir.

       
     

Ce bilan est rendu public.

(amendements n°s 42 et 43)

 

Article 8

Article 8

Article 8

 

Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles l’autorité organisatrice de transport peut imposer à l’entreprise de transport ou mettre à sa charge un remboursement total ou partiel des titres de transport aux usagers en cas de défaut d’exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers prévus à l’article 4.

En cas de défaut d'exécution dans la mise en œuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers prévus à l'article 4, l'autorité organisatrice de transport impose à l'entreprise de transport, quand celle-ci est directement responsable du défaut d'exécution, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans.

En…

…plans. La charge de ce remboursement ne peut être supportée, directement ou indirectement, par l’autorité organisatrice de transport.

(amendement n° 44)

   

L'autorité organi-satrice de transport détermine par convention avec l'entreprise de transport les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d'usagers.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

L'usager qui n'a pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de la validité de cet abonnement pour une durée équivalente à la période d'utilisation dont il a été privé, ou à l'échange ou au remboursement du billet non utilisé.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

Le remboursement est effectué par l'autorité ou l'entreprise qui lui a délivré l'abonnement ou le billet dont il est le possesseur.

(Alinéa sans modifi-cation)

Livre V
Conflits du travail

Titre II
Conflits collectifs

Chapitre Ier
La grève

Section 2
Grève dans les services publics

 

Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l'autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.

(Alinéa sans modifi-cation)

Art. L. 521-2.- Les dispositions de la présente section s'appliquent aux personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10.000 habitants ainsi qu'aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public. Ces dispositions s'appliquent notamment aux personnels des entreprises mentionnées par le décret prévu à l'alinéa 2 de l'article L. 134-1.

     
 

Article 9

Article 9

Article 9

Art. L. 521-6.- En ce qui concerne les personnels visés à l'article L. 521-2 non soumis aux dispositions de l'article premier de la loi nº 82-889 du 19 octobre 1982, l'absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d'absence définies à l'article 2 de la loi précitée.

 

L'article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

La rémunération d’un salarié participant à une grève est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.

« Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause. »

 
   

Article 10 (nouveau)

Article 10 (nouveau)

   

Avant le 1er octobre 2008, un rapport d'évaluation sur l'application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

Ce rapport présente notamment le bilan :

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– des accords-cadre et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– des procédures de dialogue social mises en œuvre et de leur impact au regard de l'objectif de prévention des conflits ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– des actions de substitution du représentant de l'État éventuellement intervenues en application de l'article 4 ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– des plans de transport adapté et des plans d'information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;

(Alinéa sans modifi-cation)

   

– du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l'article 8.

(Alinéa sans modifi-cation)

   

Au vu de ce bilan, le rapport examine l'opportunité d'étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs.

Alinéa supprimé.

(amendement n° 45)

   

Article 11 (nouveau)

Article 11 (nouveau)

   

Les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu'elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services (sociaux et environnementaux), afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services et par conséquent permettre une meilleure continuité du service public.

Les autorités organisatrices de transport doivent…

…avec les entreprises de transport des critères de qualité de services sociaux et environnementaux, afin…

…public.

(amendements n°s 46, 47 et 48)

       

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article premier

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Article additionnel après l’article premier

Amendement n° 1 présenté par M. Daniel Paul :

•  Dans le souci d’améliorer la continuité du service public ferroviaire de voyageurs, la décision de supprimer des postes dans toute direction régionale de la SNCF et sur les lignes régionales est soumise à l'avis conforme des élu-e-s des organisations syndicales siégeant au comité d'établissement régional et à celui des représentant-e-s de l'autorité organisatrice de transport régionale concernés.

Amendement présenté par M. Daniel Paul :

•  Les préfets de régions, les autorités organisatrices de transport en région, la SNCF, les organisations syndicales et les associations représentant les usagers négocient chaque année un plan de rénovation du service public ferroviaire dans chaque région d’ici janvier 2009. Ce plan contient les dispositions nécessaires en termes d’embauches et d’investissements pour assurer la continuité du service public.

Amendements nos 3 et 4 présentés par M. Daniel Paul :

•  Le ministre en charge des transports remet au Parlement un rapport qui présente les modalités d'annulation de la dette de Réseau ferré de France et de la Société nationale des chemins de fer avant le 1er janvier 2009.

•  Le Parlement réalise, avant le 1er janvier 2008, un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d'exercice du droit de grève en France dans le secteur des transport terrestre de voyageurs, notamment au regard des dispositions prévues à l’article L. 521-1 du code du travail.

Article 2

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Amendements présentés par M. Roland Muzeau :

•  Après la première phrase de l’alinéa 1 de cet article, insérer la phrase suivante :

« Pour être valable, l’accord cadre doit avoir été signé par une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors de la dernière élection professionnelle de représentativité organisée nationalement tous les cinq ans. »

•  Dans la dernière phrase de l’alinéa 1 de cet article, après les mots : «  préavis de grève », insérer les mots : « pour des motifs liés au fonctionnement de l’entreprise ».

•  Dans la dernière phrase de l’alinéa 1 de cet article, supprimer les mots : « qui envisagent de déposer le préavis ».

•  Compléter la dernière phrase de l’alinéa 1 de cet article par les mots : «  et sans préjudice des dispositions de l’article L. 521-3 du code du travail. ». [retiré]

•  Substituer aux deux dernières phrases de l’alinéa 2 de cet article la phrase suivante :

« Pour être valable, les accords de branche doivent avoir été signé par une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors de la dernière élection professionnelle de représentativité organisée nationalement tous les cinq ans. »

•  Supprimer l’alinéa 3 de cet article.

•  Dans les alinéas 6, 7, 8, 9 et 11 de cet article, supprimer les mots : « qui ont procédé à la notification ».

•  Rédiger ainsi l’alinéa 7 de cet article :

« La durée dont l’employeur et les organisations syndicales disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours à compter de cette notification. En cas de carence ou d’échec de la négociation acté par l’inspection du travail ou un constat de désaccord, le préavis peut être déposé avant l’expiration de cette durée ; ».

•  Après l’alinéa 11 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« 7°bis Les conditions dans lesquelles les retenues de traitement ou de salaires et de ses compléments pourront être opérées, ainsi que les conditions dans lesquelles l’employeur manquant gravement et délibérément à ses obligations s’expose au paiement d’une indemnité compensant la perte le salaire pour fait de grève. »

•  Dans l’alinéa 12 de cet article, supprimer les mots : «  et, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2009 ». [sans objet]

Article 3

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Article 4

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Yanick Paternotte :

Après l'alinéa 6 cet article, insérer l'alinéa suivant :

« En zone urbaine dense une astreinte de service public est organisée par l'entreprise de transport concernée sur les dessertes prioritaires en partie durant les périodes de pointe du matin, soit entre 6 heures et 9 heures et les périodes de pointe du soir soit entre 17 heures et 20 heures. » [Retiré]

Amendement n° 5 présenté par Mme Muriel Marland-Militello :

Compléter l’alinéa 10 de cet article par les mots : « en tenant compte des situations de santé ou de mobilité individuelles ». [Retiré]

Amendement présenté par M. Yanick Paternotte :

Compléter l’alinéa 10 de cet article par la phrase suivante : « Les représentants des collectivités sont informés des plans de desserte et des horaires qui sont maintenus. ». [Retiré]

Article 5

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Supprimer les alinéas 5 et 6 de cet article.

Amendement présenté par M. Yves Cochet :

Supprimer les alinéas 5 et 6 de cet article.

Article 6

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

I.– Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

II.– En conséquence, supprimer la dernière phrase de l’alinéa 1 de cet article.

Amendement présenté par M. Yves Cochet :

Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

Amendement présenté par M. Yanick Paternotte :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Si une majorité qualifiée des deux tiers de travailleurs concernés a voté la reprise du travail, le fait d'empêcher celle-ci tombe sous le coup de l'article 431-1 alinéas 1 et 2 du code pénal ». [Retiré]

Article 8

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Article 9

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Yves Cochet :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« La rémunération des cadres dirigeants d’une entreprise de transport est réduite en fonction du nombre de jours de grève dans cette entreprise.

« Les modalités d'application seront précisées par un décret en Conseil d'État. »

Article additionnel après l’article 9

Amendements présentés par M. Yves Cochet :

•  I.- L’article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Dans la région d'Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport. »

II.- L’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« En dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun :

« 1º Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ;

« 2º Ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué. »

•  En cas de perturbation prévisible au sens de l’article 4 de la présidente loi,la préfecture est en droit de réquisitionner les services de mise à disposition de vélo en libre service. Les entreprises exploitant ces services dont indemnisées en conséquence.

Article 10

Amendement présenté par M. Alain Vidalies :

Supprimer cet article. [Retiré]

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Après l’alinéa 8 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

«  - les conditions dans lesquelles les directions d'entreprises et de groupes ont réellement engagé les négociations, y compris en amont de la notification dans le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, sur les revendications des salariés mentionnés dans la notification. »

Article additionnel après l’article 10

Amendement présenté par M. Yves Cochet :

I.– Dans l’article L. 3261-4 du code du travail, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».

II.– Dans l’article L. 3261-5 du code du travail, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Les groupes de transport public ne peuvent sous traiter l'exercice des missions de service public qu'ils se voient confier sans avoir procédé auparavant à une négociation de nature à faire appliquer les conditions sociales les plus favorables. En outre, le niveau de sous-traitance est limité comme le prévoit la réglementation européenne. Les conditions sociales des salariés, les clauses des contrats de sous-traitance sont portées à la connaissance du comité d'entreprise de la maison-mère du groupe et du comité de groupe et font l'objet d'une consultation de ces instances.

Article additionnel après l’article 11

Amendements présentés par M. Roland Muzeau :

•  La signature d'un accord cadre organisant la prévention des conflits au sein d'une entreprise ne saurait constituer un critère de recevabilité des dossiers soumis à appel d'offres dans le cadre de la délégation de service public.

•  Avant toute conclusion ou révision d'un contrat de transport, les Autorités Organisatrices de Transports, les entreprises de transport public et les organisations syndicales représentatives des salariés ont obligation d'engager une concertation. Cette concertation se fixera notamment pour objectif l'examen de l'adéquation entre les dispositions du contrat et les conditions de travail, le niveau d'emploi et les conditions sociales des salariés.

Titre du projet de loi

Amendement présenté par M. Roland Muzeau :

Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi : « Projet de loi relatif à l'instauration d'un service minimum dans les transports publics ».


ANNEXE 2

ÉTUDE SUR LES MODALITÉS D’EXERCICE
DE LA GRÈVE DANS DES PAYS
DE L’UNION EUROPÉENNE 
(23)

Ø Allemagne

Ø Royaume-Uni

Ø Italie

Ø Espagne

GRÈVE ET SERVICE MINIMUM EN ALLEMAGNE

En République fédérale d'Allemagne, le droit du travail porte de manière prépondérante l'empreinte de l'action des employeurs et des travailleurs eux-mêmes ou de leurs organisations. L'autonomie contractuelle qui leur est conférée, c'est-à-dire l'autonomie de conclure des conventions et accords collectifs, a pour effet qu'ils mènent, sous leur propre responsabilité et indépendamment de l'Etat, en tant que parties aux conventions collectives, des négociations sur les salaires et les traitements ainsi que sur les autres conditions de travail qu'ils fixent par convention collective.

I – L’INFORMATION PRÉALABLE

Le droit en matière de conflits collectifs du travail n'est pas réglementé en détail par les lois : sa formulation et sa mise en œuvre repose, par conséquent, presque exclusivement sur les principes issus du droit jurisprudentiel.

Ce sont notamment la Cour fédérale du travail mais aussi la Cour constitutionnelle fédérale qui ont développé un certain nombre de règles pertinentes qui ont fait leur preuve dans la pratique. Les conflits sont relativement rares et sont, en règle générale, rapidement réglés.

Il n’y a pas donc pas d’obligation légale d’information. Néanmoins, il existe d’une part un principe de fair-play et d’autre part un vote préliminaire au déclenchement de la grève. En vertu de ces deux principes, il y a donc une information préalable.

II – LE RÉGIME JURIDIQUE DU PRÉAVIS DE GRÈVE ET DE LA GRÈVE SYNDICALE

Le recours au conflit collectif du travail constitue le moyen ultime pour aboutir, en cas d'échec des négociations et de la procédure de conciliation, à la conclusion d'une solution collective. Les règles à respecter par les deux parties lors d'un conflit collectif comportent, en substance, les éléments suivants :

–  Un recours au conflit collectif du travail comme moyen ultime n'est permis que lorsque sont épuisés tous les moyens de négociation possibles. En outre, un tel conflit doit être un moyen approprié pour atteindre à la fois des objectifs de lutte légitimes et la paix sociale consécutive. Il doit être indispensable pour la défense de la cause envisagée.

–  Il faut respecter les règles du fair-play dans le conflit, ce qui n’implique pas l'utilisation du moyen le moins fort dans la lutte.

–  Après avoir mis fin au conflit collectif du travail, les deux parties sont tenues de contribuer à rétablir la paix sociale le plus vite possible.

La grève comme moyen typique de lutte pour les travailleurs doit être menée par un syndicat apte à négocier une convention collective. Une grève n'ayant été autorisée ni dès le début ni à titre rétroactif par le syndicat responsable, est une grève dite sauvage qui est comme telle illicite.

L'objet d'une grève doit porter sur le contenu éventuel d'une convention collective, c'est-à-dire sur les conditions de travail proprement dites. Toute revendication à laquelle la partie représentant les employeurs ne peut satisfaire par voie de convention collective, ne peut faire l'objet d'un conflit collectif. Est illicite, par conséquent, toute grève politique ou grève dite de sympathie qui est menée en vue de soutenir d'autres syndicats.

Est illicite également toute grève menée pour s'attaquer à une convention collective encore en vigueur, c'est-à-dire une convention collective n'ayant pas cessé d'être en vigueur par expiration, ou par dénonciation. Une telle grève porte atteinte à l'obligation de sauvegarder la paix sociale.

Le moyen typique de lutte utilisé par les employeurs est le "lock-out". D'après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, il est alors acquis que, de toute façon, le "lock-out" décidé à titre de riposte pour assurer la parité dans les négociations est un moyen de lutte licite. La jurisprudence a toutefois subordonné le "lock-out" à de strictes conditions. En effet, il faut notamment respecter des limites quantitatives qui s'expriment sous forme de quotes-parts. En d'autres termes, moins le nombre des travailleurs se trouvant en grève dans des entreprises-clés est élevé, plus le besoin des employeurs est grand d'étendre le conflit collectif à d'autres entreprises.

III – LA CONSULTATION DES SALARIÉS

Les dispositions statutaires des syndicats obligent souvent à respecter certaines règles de procédure avant de déclencher une grève. En règle générale, l'appel à la grève exige une prise de décision par le syndicat responsable. Par ailleurs, un vote doit souvent être organisé auprès des travailleurs syndiqués pour obtenir la légitimation démocratique de la grève. Le droit statutaire prévoit en général le consentement de 75 % des travailleurs intéressés. Pour mettre fin à la grève, il faut régulièrement un deuxième vote par lequel 25 % au moins des travailleurs intéressés se prononcent contre la poursuite de la grève.

IV – LE PAIEMENT DES JOURS DE GRÈVE

Pendant toute la durée d'un conflit collectif licite, il y a suspension des droits et des obligations découlant du contrat de travail, celui-ci n'étant pas rompu. Il s'ensuit qu'il n'existe pas d'obligation de fournir un travail. Il n'y a pas, de manière symétrique, obligation à rémunération. Aux fins de compensation, les syndicats versent, conformément à leurs statuts, une indemnité de grève aux travailleurs concernés. Les associations des employeurs se comportent d'une façon analogue à l'égard de leurs adhérents lorsque ceux-ci connaissent des difficultés financières.

V – DROITS ET INDEMNISATION DES USAGERS

Lors d'une grève, il n' y a pas d’obligation légale de remboursement. Ceci est notamment valable pour les secteurs du transport en commun local, des chemins de fer et du trafic aérien. La grève est considérée comme un cas de force majeure qui permet de décharger les entreprises de leur responsabilité.

GRÈVE ET SERVICE MINIMUM AU ROYAUME–UNI

Il n’existe au Royaume-Uni aucune réglementation relative au service minimum dans les services publics. La législation britannique ne reconnaissant pas le « droit de grève », la notion de « service minimum » est sans objet dans ce contexte ; la grève est autorisée mais elle est assimilée à une rupture unilatérale du contrat de travail par le salarié, ce qui explique que l’employeur a la possibilité de ne pas payer les salariés pour les jours de grève (toutefois les salariés bénéficient, si la grève respecte les conditions légales, d’une protection contre le licenciement). En principe, les travailleurs qui se joignent à une grève perdent le droit d’être payé pendant la durée de cette grève.

La grève est par ailleurs interdite dans certains secteurs tels que l’armée, la police, la marine marchande. Il en est de même pour les gardiens de prison. Dans le secteur des postes et télécommunications, il est interdit au personnel de retarder la transmission du courrier et des messages téléphoniques.

Le cadre législatif du recours à la grève a été modifié par plusieurs lois depuis les années 1980, dans le sens d’une limitation du recours à cette forme d’action collective.

I – LE RÉGIME DU PRÉAVIS DE GRÈVE

Les salariés ont l’obligation d’informer leur employeur de leur intention de faire la grève.

Les conditions d’exercice de la possibilité de faire la grève sont strictes. Pour être « légale », une grève doit :

–  être motivée par un conflit lié au travail ;

–  avoir été notifiée au préalable à l'employeur ;

–  être organisée par un syndicat et avoir donné lieu à un scrutin préalable.

Si ces conditions ne sont pas remplies, les syndicats s’exposent à des poursuites judiciaires. L’exemption de responsabilité civile est limitée aux seuls conflits considérés comme légaux.

L’organisation de scrutins secrets préalables à une action collective est régie de manière détaillée par un texte de niveau réglementaire, le Code of practice on industrial action ballots and notice to employers, élaboré en application d’une loi de 1992 (le Trade Union and Labour Relations Consolidation Act) et entré en vigueur le 1er octobre 2005.

Ce code impose aux syndicats qui envisagent une action collective de notifier par écrit aux employeurs concernés qu’un scrutin va être organisé à ce sujet, au minimum sept jours avant la tenue de ce scrutin. De plus, au moins trois jours avant la tenue du scrutin, les employeurs doivent recevoir un exemplaire des bulletins de vote qui vont être utilisés. La rédaction des bulletins de vote est précisément régie par le code.

Si le scrutin fait apparaître une majorité en faveur du déclenchement de l’action collective, les syndicats ont l’obligation d’en informer par écrit les employeurs au moins sept jours avant le jour prévu pour le début de cette action ; cette notification doit également indiquer si l’action collective aura un caractère continu ou discontinu dans le temps.

II – L’ABSENCE D’INDEMNISATION OU DE COMPENSATION FINANCIÈRE POUR LES USAGERS EN CAS DE GRÈVE DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS

Il convient au préalable d’observer que les services publics sont assumés au Royaume-Uni en grande partie par des entreprises privées. Il en va ainsi pour les entreprises de transport : c’est le cas notamment de la compagnie aérienne British Airways, des opérateurs ferroviaires de passagers (onze sociétés différentes), des compagnies ferroviaires de fret ou du transport par autobus. La multiplicité des entreprises privées dans ce secteur limite les possibilités de grève d’envergure nationale.

S’agissant des conséquences des grèves pour les usagers, une loi de 1993, le Trade Union Reform and Employment Rights Act, a introduit dans la législation le droit, pour tout individu privé de certains biens ou services du fait d’une action collective illégale, d’intenter à ce titre une action en justice. Toutefois, cette loi prévoit la possibilité pour ces requérants d’obtenir du juge une injonction à l’encontre des organisateurs de la grève illégale, mais ne prévoit aucune indemnisation pécuniaire du dommage.

Dans le secteur des transports, en vertu des National Rail Conditions of Carriage, les compagnies de transport ferroviaire ne sont tenues de verser une compensation aux passagers que lorsqu’un retard est dû à des circonstances qu’elles sont en mesure de contrôler. Or les grèves ne sont pas considérées comme des circonstances sur lesquelles les entreprises concernées ont une quelconque maîtrise ; elles ne sont donc aucunement tenues de verser une indemnisation ou une compensation aux usagers.

Sources :

–  site Internet du Ministère britannique du Commerce et de l’Industrie (Department of Trade and Industry) ;

–  site du Parlement britannique ;

–  réponses fournies par le Service de recherche de la Bibliothèque de la Chambre des Communes.

GRÈVE ET SERVICE MINIMUM EN ITALIE

I – CADRE GÉNÉRAL

Rappelons qu’en Italie, le service minimum est inscrit dans la loi n° 146 du 12 juin 1990 portant dispositions relatives à l’exercice du droit de grève dans les services publics essentiels et à la sauvegarde des droits constitutionnellement garantis. Elle est complétée par la loi n° 83 du 11 avril 2000 qui établit un équilibre entre le droit de grève et la continuité du service public.

La loi prévoit donc de garantir la jouissance des droits garantis par la Constitution : droit à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité, à la liberté de circulation, à l’assistance et à la prévoyance sociale, à l’éducation et à la liberté de communication. Les transports, le ramassage des ordures ménagères, l’enseignement public, figurent également parmi les services concernés par la loi. La liste n’est pas limitative. La loi ne remet pas pour autant en cause le droit de grève, lui aussi garanti par la Constitution.

Ainsi qu’il est précisé dans son exposé des motifs, « l’objet de la loi ne vise pas à supprimer à quiconque le droit de grève, mais à garantir le fonctionnement minimum des services publics essentiels ». Les conditions du service minimum doivent être définies par les conventions collectives (entre la direction des administrations ou des entreprises concernées et les représentants syndicaux). Ainsi peut être fixé le nombre d’agents requis pour exécuter ces tâches.

Une commission de garantie en contrôle l’application. En cas de désaccord sur le service minimum, elle intervient pour juger de l’opportunité des prestations minimales définies par les conventions collectives et formuler en cas de besoin des prescriptions supplémentaires. Elle peut également établir un règlement provisoire garantissant le fonctionnement de certains services à certaines périodes et donner un « jugement arbitral » sur l’interprétation des accords sur le service minimum. Enfin, elle a le pouvoir d’ouvrir une procédure de sanctions si le service minimum n’est pas respecté. Mais ses décisions sont contestables devant le Tribunal du travail.

II – L'INFORMATION INDIVIDUELLE PRÉALABLE

Les seules obligations établies par la loi italienne sont la garantie de fourniture de certaines prestations indispensables, l’obligation d’un préavis syndical de 10 jours et le fait que la durée de la grève doive être préalablement indiquée. La loi ne mentionne pas l'obligation individuelle pour les salariés d'indiquer qu'ils feront grève.

La loi laisse ensuite aux contrats collectifs et aux accords de branches et d’entreprises le soin d’établir en détail quelles sont les prestations indispensables, ainsi que les modalités et les procédures de leur mise en place, y compris quels seront les contingents de travailleurs strictement nécessaires à cet égard.

Le pouvoir législatif pose donc des principes généraux, mais laisse à la dialectique du dialogue social le soin de les compléter par des règles plus spécifiques adaptées aux caractéristiques des différents services publics.

III – LE RÉGIME DU PRÉAVIS DE GRÈVE SYNDICAL

La loi n°146 du 12 juin 1990 régissant le droit de grève en Italie a été remaniée en 2000 dans un sens plus restrictif. Un préavis de 10 jours est désormais imposé avant tout conflit, avec indication de la durée de l’arrêt de travail. Ce préavis d’au moins dix jours doit être respecté et la grève ne doit pas se poursuivre au-delà de la durée annoncée. De ce fait, toute grève illimitée est illégale. L’objectif est de permettre à l’administration ou à l’entreprise fournissant le service de préparer les mesures aptes à assurer les prestations indispensables, afin de garantir la jouissance des droits individuels inscrits dans la Constitution. De plus, les modalités et les temps de prestation des services pendant la grève doivent être communiqués aux usagers au moins cinq jours avant le début de la grève.

La commission de garantie pour le droit de grève, composée de neuf sages nommés par le gouvernement, veille à la bonne application de ces dispositions. En cas de non-respect, elle a le pouvoir de demander des réquisitions et des amendes individuelles et collectives dont le montant peut atteindre 25 000 euros.

La loi de 2000 a notamment ajouté des amendes pour les organisations syndicales non respectueuses des règles, calculées en fonction de leur nombre d’adhérents, mais avec un seuil minimum de 2.516 € et un maximum de 25.160 € environ. Les organisations syndicales qui ne respecteraient pas les règles risquent en outre une suspension des subventions publiques et l’exclusion temporaire de leur participation à la négociation collective. Les sanctions disciplinaires pour les salariés en faute excluent explicitement licenciements et mutations.

Selon les statistiques officielles de la commission pour 2006, 2 621 préavis de grève ont été déposés en Italie, dont la moitié dans les transports. Dans 1 031 cas, le conflit social a été réglé sans recours à la grève. La commission est intervenue préventivement sur 837 préavis. Dans 70 % des cas, elle a obtenu, soit l'annulation pure et simple de l'arrêt de travail pour "non-conformité", soit sa reprogrammation à une autre date. Au total, elle a prononcé 48 sanctions pour un montant total de près de 300 000 euros.

IV – LA CONSULTATION DES SALARIÉS

Aucune norme ne prévoit de scrutins à bulletin secret pour consulter les salariés à l’occasion d'une grève. Les modalités de la grève relèvent en effet toutes de l’autonomie syndicale.

D’ailleurs, la grève est un droit individuel. Le titulaire de ce droit est le travailleur pris isolément. Il est donc difficile de le limiter par l’obligation de référendums (ou par l’interdiction de grèves perlées).

Cependant, si le vote de consultation des salariés obligatoire avant tout appel à la grève ne constitue pas une disposition actuellement en vigueur, cette procédure a été envisagée afin de prévenir les conflits.

En effet, il arrive que des grèves en série soient organisées (à l’instar de celles à répétition qui avaient touché les transports urbains fin 2003-début 2004), de façon sauvage et en infraction à la loi de l’an 2000, par des comités de base orchestrés par les syndicats autonomes et radicaux (Cobas) qui défient et provoquent les grandes confédérations ouvrières plus respectueuses de la loi. La Commission de garantie a déclaré ces mouvements dans les transports illégitimes. Mais les ordres de réquisition préfectoraux ne furent pas forcément suivis d’effet.

Suite à des vagues de grèves dans les transports et face à la difficulté de faire appliquer le service minimum dans ce secteur, l’ancien gouvernement Berlusconi avait ainsi pensé durcir les conditions du droit de grève en mettant en place un référendum préalable et en renforçant les sanctions. Mais il n'a pas mis ce projet en pratique.

V – LE PAIEMENT DES JOURS DE GRÈVE

Il n’existe pas de prohibition légale des jours de grève dans la loi de 1990 modifiée en 2000. Cependant, le contrat de travail étant un contrat dit de « prestations équivalentes », l’exercice du droit de grève suspend de fait le droit à la rémunération.

En pratique, le paiement des jours de grève n’a jamais fait partie des négociations lors de la reprise du travail.

VI – DROITS ET INDEMNISATION DES USAGERS

En cas de grève, les usagers doivent être avertis des horaires des services minimum. Ainsi dans les transports, un service complet est garanti pendant six heures, en général de 6 heures à 9 heures et de 18 heures à 21 heures.

Il n’existe cependant aucune norme qui prévoit le remboursement de leurs titres de transports aux usagers par les entreprises de ce secteur en cas de grève.

Des actions civiles en dommage et intérêts peuvent être intentées.

GRÈVE ET SERVICE MINIMUM EN ESPAGNE

I – LE CONTEXTE SOCIAL

Le droit de grève est inscrit dans la Constitution, à l'article 28, alinéa 2, mais ce même article prévoit également qu’une loi devra être votée par le Parlement pour en régir l’exercice. Or cette loi n’existe pas. Il y a bien eu un projet que devait présenter le gouvernement de Felipe Gonzalez, en 1993, mais il ne vit jamais le jour, pour cause de dissolution du Parlement et d’élections anticipées. Le gouvernement du Parti populaire de José Maria Aznar n’a pas pris le relais. Le service minimum est donc régi par un décret-loi, datant du premier cabinet d’Adolfo Suarez, en mars 1977, et dont le contenu n’a jamais été négocié avec les syndicats.

Ce décret-loi donne la possibilité au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement des services essentiels dans trois cas :

– lorsque la grève touche des secteurs d’activités dont la nécessité est reconnue ;

– quand elle ne peut être repoussée dans le temps ;

– en cas de circonstances d'une gravité spéciale.

La formulation étant relativement vague, c'est la jurisprudence du Tribunal constitutionnel qui a délimité la notion de " services essentiels ", mentionnée par la Constitution. Le tribunal constitutionnel a établi qu’"un service est essentiel non pas en raison de la nature de son activité mais par les résultats attendus de cette activité, compte tenu de la nature des intérêts qu'elle vise à satisfaire". Il l'a fait en prenant en compte la seule nécessité de protéger les intérêts des usagers. Ainsi, lors d'une grève de transports de voyageurs, on ne peut pas déclarer qu'une ligne d'autobus est « essentielle » sans donner d'explications. Il faut, par exemple, prendre en considération le fait que la grève est générale ou sectorielle, sa durée et l'existence potentielle de services de remplacement. Autre exemple, un dispensaire médical ne sera considéré comme essentiel que s'il peut être considéré comme d'importance vitale.

C'est à l'autorité gouvernementale de décider du service minimum. L'Espagne vivant sous un régime de décentralisation, il faut encore savoir quelle administration sera compétente. S'il s'agit d'une grève des services de santé, ce sera au gouvernement de chaque communauté autonome de prendre les décisions, car la santé publique leur a été transférée. En revanche, une grève de transports aériens dépendra du gouvernement central. Les cars qui couvrent de longues distances dépendent du ministère des travaux publics, les bus et les métros des Communautés régionales.

Encore faut-il que les dispositions sur le service minimum n'affectent pas le droit de grève. Le service minimum ne doit pas permettre que l'activité du secteur concerné se déroule en toute normalité. Il s'agit selon la définition du Tribunal constitutionnel, de «garantir un minimum de couverture des droits, des libertés ou des biens que ce secteur satisfait d'habitude, mais à un niveau moindre».

Ce qui est en jeu, c'est la garantie de se faire soigner en cas d'urgence, la liberté d'être informé mais aussi le droit au travail des citoyens non grévistes. Et non pas le droit au travail en général, ce qui, selon un syndicaliste, permettrait aux chômeurs de porter plainte et d'être indemnisés quand ils ne trouvent pas d'emploi, bien que le droit au travail soit également un droit constitutionnel.

Sont concernés plusieurs domaines, tels que les transports, les services sanitaires, hospitaliers et d’assistance, la fourniture d'énergie, l’approvisionnement et l’assainissement de l’eau, le ramassage et le traitement des résidus solides, les postes ou l’enseignement.

Ce droit existe dans un contexte caractérisé par la présence de deux grands syndicats :

–  l'Union générale des travailleurs (Union General de Trabajadores),

–  et la Confédération syndicale des commissions ouvrières (Confederacion Sindical de Comisiones obreras).

Chaque partie interprétant en son sens tant les dispositions constitutionnelles que celles du décret-loi, il est décrété à chaque grève quel service minimum doit être effectué, ce qui entraîne généralement une contestation syndicale. Les différends se terminent en justice. Il est prévu que les tribunaux puissent statuer rapidement, mais, dans la réalité, le verdict est prononcé plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après la fin du mouvement social. Ce qui ne résout rien, ni lorsque les grévistes ont refusé d'effectuer le service minimum qui leur était imposé ni lorsque les décisions gouvernementales sont jugées abusives par les tribunaux.

Ainsi, lors de la grève générale du 20 juin 2002, le gouvernement régional de Madrid avait tenté de trouver un accord avec les centrales syndicales avant la grève. Le décret avait été signé après le refus des syndicats d'accepter les propositions du gouvernement. Le Tribunal supérieur de justice de Madrid a donné raison au syndicat UGT, qui avait porté plainte contre le décret du président de la Communauté de Madrid imposant, selon la sentence, un service minimum «abusif» et «injustifié». Le Tribunal a considéré que ce décret ne donne pas, « même de façon succincte », les raisons pour lesquelles on pourrait considérer comme « essentiels » certains secteurs comme l'environnement, l'éducation, la radio et la télévision ou encore les stations-service. Et qu'il ne dit pas, non plus, selon quels critères ont été définis les pourcentages de service minimum. Mais le Tribunal s'est prononcé en février 2003, soit huit mois après la journée de grève.

Plus que les lois et les décrets, ce sont les négociations entre partenaires sociaux qui permettent d’aboutir.

Le dialogue social est en effet vivant ; ainsi, en février 2007, un accord sur la négociation collective "acuerdo para la negociacion colectiva", portant sur les contrats de travail et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, a été signé par les syndicats et les organisations patronales.

II – LE PRÉAVIS DE GRÈVE

Des négociations préalables au déclenchement de la grève sont obligatoires. Celles-ci sont décidées par les représentants syndicaux par un vote secret à la majorité simple.

Afin de permettre aux entreprises et aux usagers de s’organiser en conséquence, les représentants des salariés doivent déposer un préavis de grève de cinq jours (dix jours dans le cas d’un service public). Pendant le préavis, la direction de l’entreprise et les syndicats doivent continuer de négocier, soit pour annuler la grève, soit pour définir les conditions d’un service minimum.

III – LE PAIEMENT DES JOURS DE GRÈVE

Les jours de grève ne sont pas payés. Le contrat de travail est suspendu (art. 45 du Statut des travailleurs adopté par le décret royal législatif 1/1995 du 24 mars).

ANNEXE 3

PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES AU SERVICE MINIMUM OU GARANTI DANS LES TRANSPORTS DEPOSÉES
SOUS LA XIIe LÉGISLATURE

n° 3204

Proposition de loi de M. Roland Chassain visant à instaurer une consultation obligatoire, à bulletin secret, des personnels visés à l'article L. 521-2 du code du travail, pour toute décision de recours ou de reconduction de la grève (28 juin 2006)

n° 2735

Proposition de loi de Mme Véronique Besse tendant à instaurer un service minimum dans les transports publics en cas de grève (8 décembre 2005)

n° 2657

Proposition de loi de M. Guy Teissier tendant à soumettre la reconduction et l'arrêt de la grève dans les services publics au vote des salariés intéressés (9 novembre 2005)

n° 1879

Proposition de loi constitutionnelle de M. Michel Hunault visant à permettre aux autorités organisatrices de transport de mettre en oeuvre le service garanti (20 octobre 2004)

n° 1814

Proposition de loi de M. Hervé Mariton relative à la mise en oeuvre d'un service essentiel pour les transports terrestres de voyageurs (22 septembre 2004)

n° 1401

Proposition de loi de M. Robert Lecou visant à instaurer un service garanti destiné à maintenir la continuité des services publics en cas de grève (4 février 2004)

n° 1393

Proposition de loi de M. Maurice Giro visant à instaurer l'exercice démocratique du droit de grève dans les services publics (4 février 2004)

n° 1230

Proposition de loi de M. Christian Blanc visant à instaurer un service garanti pour les transports publics réguliers de voyageurs (18 novembre 2003)

n° 1181

Proposition de loi de M. Francis Delattre visant à instaurer un service minimum dans les transports publics en cas de grève (4 novembre 2003)

n° 975

Proposition de loi de M. Charles Cova visant à aménager les conditions d'exercice du droit de grève (25 juin 2003)

n° 974

Proposition de loi de M. Maurice Giro visant à instaurer l'exercice démocratique du droit de grève dans les services publics et à assurer un service minimal obligatoire (25 juin 2003)

n° 973

Proposition de loi de M. Jean-Michel Bertrand visant à instaurer un service garanti à l'ensemble du service public (25 juin 2003)

n° 110

Proposition de loi de M. Jacques Kossowski visant à instaurer "un service garanti" dans les transports en commun en cas de grève (24 juillet 2002)

n° 84

Proposition de loi visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics – texte transmis par le Sénat (17 juillet 2002)

© Assemblée nationale

1 () Ce développement s’inspire en partie de l’ouvrage de Stéphane Sirot, La grève en France, une histoire sociale (XIXè – XXè siècle), Odile Jacob, 2002, dont sont extraites les citations, ainsi que de l’ouvrage publié par le ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement à l’occasion du centenaire du ministère du travail, en 2006 (Un siècle de réformes sociales).

2 () Thomas Coutrot, Contrôle, conflit et coopération dans l’entreprise : les régimes de mobilisation de la force de travail, thèse de doctorat, université Paris I, 1996, cité dans Le conflit en grève ?, La dispute, 2005.

3 () Les sociologues évoquent un « fait social total », dans le sens où la grève entretient des relations non seulement avec les grands acteurs de la scène sociale (syndicats, patronat, pouvoirs publics) mais aussi avec l’événement économique et politique et l’évolution de l’opinion.

4 () Jean-Michel Denis, Le conflit en grève ?, La Dispute, 2005.

5 () Voir Jean-Michel Denis, ouvrage précité.

6 () Premières informations et premières synthèses de la direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité (Dares), « Des conflits du travail plus nombreux et plus diversifiés », février 2007.

7 () Premières informations et premières synthèses de la Dares, Négociations collectives et grèves dans le secteur marchand, juillet 2007 (n° 28.1).

8 () Voir sur cette question et sur le développement de la négociation interprofessionnelle le bilan annuel de la négociation collective pour 2006 (juin 2007), établi par les services du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

9 () Rapport de la commission présidée par M. Dieudonné Mandelkern sur la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs (juillet 2004).

10 () Dimanche Ouest-France, 15 juillet 2007.

11 () Lydie Doré, « Le service minimum dans les services publics en cas de grève (aspects de droit comparé) », Revue du droit public, n° 4-2005.

12 () Rapport d’information (n° 1274) déposé par la Délégation pour l’Union européenne sur le service minimum dans les services publics en Europe, présenté par M. Robert Lecou (décembre 2003). Ce rapport, après avoir rappelé que le droit de grève est reconnu dans tous les pays d’Europe (selon des modalités diverses), a fait trois constats : les services minimums sont organisés de façon différente mais au final satisfaisante ; les pays ne comportant pas de réglementation sur le service minimum ne sont pas confrontés à des conflits sociaux importants ; la France correspond à un cas particulier.

13 () Voir en annexe les fiches consacrées à certaines questions précises concernant les modalités d’exercice de la grève dans différents pays (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne), réalisées par le service des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

14 () On reprend dans le présent développement cette terminologie, par commodité, dans la mesure où elle se comprend dans les différents pays étudiés.

15 () Loi n° 83 du 11 avril 2000 portant modification et complément à la loi n° 146 du 12 juin 1990 réglementant le droit de grève dans les services publics essentiels ainsi que les droits de la personne prévus par la Constitution. Ces lois ont fait suite à un accord conclu en 1984 entre le ministre des transports et les trois grandes centrales syndicales.

16 () « Le droit de grève dans les services essentiels, conséquences économiques », Rapport de la commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 11 mai 2005.

17 () Cette définition, de même que les éléments qui suivent, sont extraits du site internet du Conseil des services essentiels, auquel on pourra se référer pour des informations plus exhaustives (www.cses.gouv.qc.ca).

18 () Sous la XIe législature, des propositions de loi ont été discutées à l’Assemblée nationale (ppl de M. Dominique Bussereau) et au Sénat (ppl de M. Philippe Arnaud), mais sans que ces textes fassent l’objet d’une « navette parlementaire » complète et donc puissent devenir définitifs.

19 () Rapport (n° 385) fait au nom de la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs par Mme Catherine Procaccia (juillet 2007).

20 () Rapport établi par la commission présidée par M. Dieudonné Mandelkern sur la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs (juillet 2004).

21 () Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par M. Claude Huriet sur la proposition de loi tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (février 1999).

22 () Ces dispositions figurent dans le titre II du livre V du code du travail, consacré aux conflits collectifs et pour lesquelles l’article L. 522-1 du même code précise qu’elles s’appliquent au règlement de tous les conflits collectifs de travail dans les professions visées à l’article L. 131-2 du code du travail, c’est-à-dire, en fait, à l’ensemble des salariés du secteur privé.

23 () Étude réalisée par le service des affaires européennes de l’Assemblée nationale.